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REVUE GÉOGRAPHIQUE DE L’EST – TOME XLV – 3-4/2005 161 INTRODUCTION Le développement des périphéries résidentielles est en Belgique un phénomène ayant suscité de nombreuses recherches, consacrées tant aux dimensions spatiales, sociales et démographiques 1 . Il est vrai qu’en raison du caractère particulièrement soutenu et éclaté de la périurbanisation qui caractérise le pays (J.-M. Halleux et al., 2002), les chercheurs belges se devaient de s’intéresser à cette problématique. Dans le cadre de cet article, nous viserons à prendre en compte une dimension du phénomène n’ayant encore été que peu analysée, celle du rôle des promotions foncières et immobilières. Malgré l’importance des enjeux spatiaux et économiques qu’ils représentent, les secteurs écono- miques de la promotion foncière et immobilière demeu- rent mal connus. Certes, il s’agit de mondes difficiles d’accès, complexes, enchevêtrés, où les relations se nouent et se défont entre des acteurs multiples. Mais cette complexité n’explique pas tout et force est de reconnaître que le rôle des promoteurs dans la produc- tion des espaces urbains continue à être négligé par les chercheurs actifs en sciences régionales et territoriales. Par promotion immobilière, nous entendons une opéra- tion ayant pour objet la création ou la rénovation d’un produit immobilier bâti. Préalablement à la réalisation d’une promotion immobilière, il peut être nécessaire de réaliser une promotion foncière, consistant ici en la pro- duction d’une parcelle de terrain directement disponible pour la construction. Le promoteur d’une opération fon- cière ou immobilière est l’acteur qui prend l’initiative de sa réalisation. Egalement appelé maître d’ouvrage, le promoteur est en relation avec les maîtres d’œuvre et les entreprises qu’il choisit. Il s’assure de la faisabilité de l’opération, en définissant sa localisation, ses objec- tifs et en déterminant son plan de financement. Les promoteurs peuvent être animés par deux objectifs dis- tincts : soit l’auto-occupation, soit la commercialisation. A l’objectif de l’auto-occupation correspond la filière de « l’auto-promotion », où le futur occupant de l’immeuble assure la maîtrise d’ouvrage pour son propre compte. La filière de l’auto-promotion s’oppose à la filière du « promoteur professionnel », où la maîtrise d’ouvrage est assurée en vue d’une commercialisation et d’un profit financier. En matière de production immobilière résidentielle, la Belgique présente une particularité forte, celle de la prédominance de l’auto-promotion. Cette prédominance, sur laquelle nous reviendrons lar- gement, détermine l’organisation des marchés fonciers résidentiels belges. En effet, lorsqu’il y a auto-promo- tion, les terrains supports des nouvelles constructions font souvent l’objet de deux échanges avant d’être construits. Préalablement à la vente aux ménages sou- haitant bâtir, les terrains peuvent avoir fait l’objet d’une transaction entre le propriétaire initial et un promoteur foncier souhaitant lotir. Cette première transaction s’ins- crit dans un marché des « gisements fonciers », formule exprimant l’idée que la ressource naturelle « sol » correspond à la matière première d’un processus de production (J. Comby, 2003, p. 20). Dans le cadre de cet article, nous viserons à analyser comment les secteurs de la promotion foncière et immobilière déterminent les modes d’utilisation du sol et la production des périphéries. Pour répondre à cet objectif, nous procéderons en trois parties. En première partie, nous présenterons brièvement le contexte spatial des nouvelles urbanisations résidentielles produites en Belgique. Nous y aborderons la thématique de l’offre foncière urbanisable, la réforme du Ruimtelijk Structuurplan Vlaanderen, la très forte aspiration des familles pour l’habitat individuel et certaines des rai- sons qui font de la Belgique un pays à la périurbanisa- tion quasi généralisée. En deuxième partie, consacrée aux choix d’investissement des promoteurs fonciers, nous viserons à préciser pourquoi la périurbanisation belge s’accompagne d’une consommation d’espace extrêmement importante (J.-B. Jehin, 1998). Enfin, en troisième partie, la prise en compte de la promotion immobilière nous permettra d’expliquer la particularité belge de la forte prédominance de l’auto-promotion dans la constitution des stocks de logement. I. — LE CONTEXTE BELGE DES NOUVEAUX ESPACES RÉSIDENTIELS A. — Une tradition faiblement planificatrice et d’abondance en offre juridiquement urbanisable Rendre compte du caractère très soutenu de la péri- urbanisation belge nécessite de faire référence à la tra- dition faiblement planificatrice du pays. En matière de gestion foncière, cette tradition de faible planification se traduit notamment par une abondance en offre juri- diquement urbanisable, c’est-à-dire l’offre telle que définie par le zonage fonctionnel et l’urbanisme régle- mentaire. Pour la Belgique, c’est très largement le dispositif des plans de secteur qui définit l’offre juridi- quement urbanisable. Il s’agit de documents qui cou- vrent l’ensemble du pays, en différenciant les terrains ædificandi des terrains non ædificandi. En matière d’urbanisation résidentielle, ce sont les terrains inscrits au sein des zones d’habitat qui peuvent accueillir les RÉSUMÉ : Malgré l’importance des enjeux spatiaux et économiques qu’ils représentent, les secteurs de la promotion foncière et immobilière demeurent mal connus. L’objectif de cet article, consacré au contexte spatial des nouvelles urbanisations résidentielles produites en Belgique, est d’analyser le rôle de ces secteurs sur l’utilisation du sol urbain et sur la production des périphéries. En première partie, nous présentons le contexte spatial étudié. En deuxième partie, consacrée aux choix d’investissement des promoteurs fonciers, nous nous efforçons de comprendre pourquoi la périurbanisation belge s’accompagne d’une consommation d’espace extrêmement importante. En troisième partie, la prise en compte de la promotion immobilière permet d’expliquer la particularité belge de la forte prédominance de l’auto-promotion dans la constitution des stocks de logements. Au final, notre analyse démontre que les choix d’investissements des promoteurs fonciers et immobiliers sont très fortement contraints par la configuration des marchés fonciers. Jean-Marie HALLEUX Université de Liège Unité de géographie économique et sociale Place du 20 Août, 4000 Liège, Belgique Article reçu le 22 août 2005, accepté le 5 décembre 2005 Le rôle des promotions foncières et immobilières dans la production des périphéries : application à la Belgique et à ses nouveaux espaces résidentiels 1. Le lecteur intéressé pourra faire référence au bilan bibliographique présenté par J.-M. Hal- leux (2002a) dans le cadre de l’action Cost C10.

Jean-Marie Le rôle des promotions foncières · La variable du ratio de disponibilitéfoncière,cartogra-phiée en figure1,permet de préciser ceconstat selon lequel les zones d’habitat

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REVUE GÉOGRAPHIQUE DE L’EST – TOME XLV – 3-4/2005 161

INTRODUCTION

Le développement des périphéries résidentielles est enBelgique un phénomène ayant suscité de nombreusesrecherches, consacrées tant aux dimensions spatiales,sociales et démographiques1. Il est vrai qu’en raison ducaractère particulièrement soutenu et éclaté de lapériurbanisation qui caractérise le pays (J.-M. Halleuxet al., 2002), les chercheurs belges se devaient des’intéresser à cette problématique. Dans le cadre decet article, nous viserons à prendre en compte unedimension du phénomène n’ayant encore été que peuanalysée, celle du rôle des promotions foncières etimmobilières. Malgré l’importance des enjeux spatiauxet économiques qu’ils représentent, les secteurs écono-miques de la promotion foncière et immobilière demeu-rent mal connus. Certes, il s’agit de mondes difficilesd’accès, complexes, enchevêtrés, où les relations senouent et se défont entre des acteurs multiples. Maiscette complexité n’explique pas tout et force est dereconnaître que le rôle des promoteurs dans la produc-tion des espaces urbains continue à être négligé par leschercheurs actifs en sciences régionales et territoriales.

Par promotion immobilière, nous entendons une opéra-tion ayant pour objet la création ou la rénovation d’unproduit immobilier bâti. Préalablement à la réalisationd’une promotion immobilière, il peut être nécessaire deréaliser une promotion foncière, consistant ici en la pro-duction d’une parcelle de terrain directement disponiblepour la construction. Le promoteur d’une opération fon-cière ou immobilière est l’acteur qui prend l’initiative desa réalisation. Egalement appelé maître d’ouvrage, lepromoteur est en relation avec les maîtres d’œuvre etles entreprises qu’il choisit. Il s’assure de la faisabilitéde l’opération, en définissant sa localisation, ses objec-tifs et en déterminant son plan de financement. Lespromoteurs peuvent être animés par deux objectifs dis-tincts : soit l’auto-occupation, soit la commercialisation.A l’objectif de l’auto-occupation correspond la filière de« l’auto-promotion », où le futur occupant de l’immeubleassure la maîtrise d’ouvrage pour son propre compte.La filière de l’auto-promotion s’oppose à la filière du« promoteur professionnel », où la maîtrise d’ouvrageest assurée en vue d’une commercialisation et d’unprofit financier. En matière de production immobilièrerésidentielle, la Belgique présente une particularitéforte, celle de la prédominance de l’auto-promotion.Cette prédominance, sur laquelle nous reviendrons lar-gement, détermine l’organisation des marchés fonciersrésidentiels belges. En effet, lorsqu’il y a auto-promo-tion, les terrains supports des nouvelles constructionsfont souvent l’objet de deux échanges avant d’être

construits. Préalablement à la vente aux ménages sou-haitant bâtir, les terrains peuvent avoir fait l’objet d’unetransaction entre le propriétaire initial et un promoteurfoncier souhaitant lotir. Cette première transaction s’ins-crit dans un marché des « gisements fonciers », formuleexprimant l’idée que la ressource naturelle « sol »correspond à la matière première d’un processus deproduction (J. Comby, 2003, p. 20).

Dans le cadre de cet article, nous viserons à analysercomment les secteurs de la promotion foncière etimmobilière déterminent les modes d’utilisation du solet la production des périphéries. Pour répondre à cetobjectif, nous procéderons en trois parties. En premièrepartie, nous présenterons brièvement le contexte spatialdes nouvelles urbanisations résidentielles produitesen Belgique. Nous y aborderons la thématique del’offre foncière urbanisable, la réforme du RuimtelijkStructuurplan Vlaanderen, la très forte aspiration desfamilles pour l’habitat individuel et certaines des rai-sons qui font de la Belgique un pays à la périurbanisa-tion quasi généralisée. En deuxième partie, consacréeaux choix d’investissement des promoteurs fonciers,nous viserons à préciser pourquoi la périurbanisationbelge s’accompagne d’une consommation d’espaceextrêmement importante (J.-B. Jehin, 1998). Enfin, entroisième partie, la prise en compte de la promotionimmobilière nous permettra d’expliquer la particularitébelge de la forte prédominance de l’auto-promotiondans la constitution des stocks de logement.

I. — LE CONTEXTE BELGEDES NOUVEAUX ESPACES RÉSIDENTIELS

A. — Une tradition faiblement planificatriceet d’abondance en offre juridiquementurbanisable

Rendre compte du caractère très soutenu de la péri-urbanisation belge nécessite de faire référence à la tra-dition faiblement planificatrice du pays. En matière degestion foncière, cette tradition de faible planification setraduit notamment par une abondance en offre juri-diquement urbanisable, c’est-à-dire l’offre telle quedéfinie par le zonage fonctionnel et l’urbanisme régle-mentaire. Pour la Belgique, c’est très largement ledispositif des plans de secteur qui définit l’offre juridi-quement urbanisable. Il s’agit de documents qui cou-vrent l’ensemble du pays, en différenciant les terrainsædificandi des terrains non ædificandi. En matièred’urbanisation résidentielle, ce sont les terrains inscritsau sein des zones d’habitat qui peuvent accueillir les

RÉSUMÉ :Malgré l’importance des enjeuxspatiaux et économiques qu’ilsreprésentent, les secteurs de lapromotion foncière et immobilièredemeurent mal connus. L’objectifde cet article, consacré aucontexte spatial des nouvellesurbanisations résidentiellesproduites en Belgique, estd’analyser le rôle de ces secteurssur l’utilisation du sol urbain etsur la production des périphéries.En première partie, nousprésentons le contexte spatialétudié. En deuxième partie,consacrée aux choixd’investissement des promoteursfonciers, nous nous efforçons decomprendre pourquoi lapériurbanisation belges’accompagne d’uneconsommation d’espaceextrêmement importante. Entroisième partie, la prise encompte de la promotionimmobilière permet d’expliquer laparticularité belge de la forteprédominance de l’auto-promotiondans la constitution des stocks delogements. Au final, notre analysedémontre que les choixd’investissements des promoteursfonciers et immobiliers sont trèsfortement contraints par laconfiguration des marchésfonciers.

Jean-Marie HALLEUXUniversité de LiègeUnité de géographie économiqueet socialePlace du 20 Août,4000 Liège, Belgique

Article reçu le 22 août 2005,accepté le 5 décembre 2005

Le rôle des promotions foncièreset immobilières dans la productiondes périphéries : applicationà la Belgique et à ses nouveauxespaces résidentiels

1. Le lecteur intéressé pourra faire référenceau bilan bibliographique présenté par J.-M. Hal-leux (2002a) dans le cadre de l’action CostC10.

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nouveaux projets résidentiels. Tant en Flandre qu’enWallonie, il est reconnu que les planificateurs ayant tra-vaillé sur l’élaboration des plans de secteur ont très« généreusement » délimité les zones d’habitat. Lesobjectivations récentes menées sur les potentiels en ter-rains vierges toujours situés en leur sein attestent de cettegénérosité, de même d’ailleurs que l’absence de révi-sion importante de ces zones depuis leur adoption dansle courant des décennies soixante-dix et quatre-vingt2.

La variable du ratio de disponibilité foncière, cartogra-phiée en figure 1, permet de préciser ce constat selonlequel les zones d’habitat sont surdimensionnées parcomparaison aux besoins en nouveaux logements.Elaborée dans le cadre d’une recherche sur la révisiondes plans de secteur wallons (O. Dubois et al., 2002,p. 28), cette variable se calcule via la confrontationentre, d’une part, les superficies morphologiquementurbanisées selon le cadastre et, d’autre part, les super-ficies inscrites en zone d’habitat aux plans de secteur.Le ratio de disponibilité foncière ne permet pas dedéterminer les superficies exactes non encore urbani-sées au sein des zones d’habitat. Toutefois, il permetd’apprécier le caractère plus ou moins saturé de ceszones. Globalement, plus l’indicateur est élevé, plus les

terres à la fois vierges et juridiquement urbanisablessont limitées3. La cartographie de l’indicateur du ratiode disponibilité foncière met en évidence que la dispo-nibilité en zones d’habitat dépend peu de la hiérarchieurbaine et de la distance aux noyaux urbains. Plutôt qued’observer des différences entre les « villes », les « péri-phéries » et les « campagnes », nous constatons desdifférences entre les provinces et entre les plans desecteur, ce qui semble s’expliquer par le jeu desrapports de force locaux lors de l’élaboration de cesdocuments réglementaires.

En matière d’offre foncière urbanisable, il est essentielde discerner l’offre potentielle et l’offre effective(J. Comby et V. Renard, 1996). Pour un territoire de mar-ché considéré, l’offre foncière potentielle correspond àla totalité des biens existants. Concernant l’offre juri-dique destinée à la production de nouveaux logements,il s’agit globalement de l’ensemble des terrains situés àl’intérieur des périmètres définis par les zones d’habi-tat. Quant à l’offre effective, elle correspond, à unmoment donné, aux biens réellement disponibles sur lemarché. En raison de la rétention fréquemment exercéepar les propriétaires, l’offre effective ne correspond qu’àune part très réduite de l’offre potentielle. Lorsque les

ABSTRACT :The role of real estate developersfor the production of peripheries :Application for Belgium and itsnew residential quarters. —Despite their spatial and economicimportances, the sectors ofproperty and land developmentsare still badly known. The aim ofthis article, dedicated to thespatial context of new residentialdevelopments produced inBelgium, is to analyse theinfluence of those sectors on both,the urban land-uses and thecharacteristics of residentialoutskirts. In the first part, theanalysed spatial context ispresented. In the second part,dedicated to the investmentchoices of land developers, we tryto apprehend why the Belgianperi-urbanisation engenders veryimportant land consumptions. Inthe third part, the propertydevelopment issue is taken intoaccount in order to explain whythe self-provided sector is sohighly prevailing in Belgium. Ourresearch leads to the conclusionthat investment choices of both,land developers and propertydevelopers, are highly constrainedby land market configurations.

Figure 1 : Ratio de disponibilité foncière en 2000.

2. Cette situation tranche en comparaison ducontexte français où les zones dédiées àl’urbanisation résidentielle font l’objet de révi-sions fréquentes.

3. A propos de l’élaboration du ratio de dispo-nibilité foncière, remarquons que la variablen’est pas satisfaisante pour la province deFlandre occidentale. Cette province se carac-térisant par un important habitat dispersé etpar de nombreuses habitations situées endehors des zones d’habitat, la méthodeemployée pour apprécier l’offre juridiquedemeurant vierge s’y est malheureusementrévélée inappropriée, ce qui nous a dès lorscontraint à ne pas considérer cette partie duterritoire.

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acteurs dont le rôle est de veiller à la sauvegarde del’environnement naturel et construit (par exemple lesadministrations en charge de l’aménagement du terri-toire) évaluent les disponibilités foncières, ils font engénéral référence à l’ensemble des potentialités del’offre juridiquement urbanisable. Par contre, lorsquedes promoteurs fonciers ou immobiliers ont à leverl’obstacle foncier afin de mettre en œuvre des projetsd’urbanisation, ils sont limités à la seule offre effective.Or, nombreux sont les contextes fonciers belges où l’onrencontre simultanément une surabondance d’offrejuridique potentielle et une pénurie d’offre effective(J.-M. Halleux, 2002b).

En Belgique, l’intervention des pouvoirs publics sur lesmarchés fonciers est marginale et la pratique du lotis-sement public très peu courante. En raison du faibledéveloppement de la promotion foncière publique et del’absence de dispositifs permettant une adéquationentre offre potentielle et offre effective, on observe uneconsommation des ressources foncières souvent encontradiction avec les objectifs fondamentaux de l’amé-nagement. En effet, la rétention pratiquée par de nom-breux propriétaires, notamment pour certains terrainssitués au sein même ou à proximité immédiate desagglomérations, engendre immanquablement un pro-blème quant au positionnement des opérations d’urba-nisation. Les terrains se libérant souvent de manièrealéatoire, en fonction de la seule volonté des propriétai-res et des lotisseurs privés, les sites les plus structu-rants pour l’urbanisation ne sont pas systématiquementdisponibles sur le marché, ce qui éloigne les maîtresd’ouvrages des noyaux urbains. Au final, il en résulteune périurbanisation très éclatée.

B. — La réforme du Ruimtelijk StructuurplanVlaanderen

Pour la Flandre, des modifications importantes furentapportées aux dispositifs de l’aménagement du terri-toire en 1997. C’est en effet à la fin de l’année 1997que le document d’orientation dénommé RuimtelijkStructuurplan Vlaanderen (Schéma de StructureSpatiale de la Flandre ou RSV) fut publié. Le RSV repré-sente un changement notable par rapport à la politiquede laisser-faire qui a prévalu jusque là. Il est vrai queface à une urbanisation de plus en plus éclatée et faceà un territoire en forte perte de qualité, l’autorité fla-mande se devait de réagir.

A propos des enjeux de la nouvelle urbanisation résiden-tielle, le Schéma de Structure Spatiale de la Flandre visenotamment à limiter les nouvelles superficies dédiées àl’urbanisation résidentielle. C’est dans ce cadre que desseuils de densité minimale ont été prévus pour les nou-veaux quartiers. Ces seuils sont de 25 habitations parhectare dans les zones urbaines et de 15 habitations

par hectare en dehors des zones urbaines. En tenantcompte de la superficie réservée aux voiries et aux espa-ces publics, ces normes juridiquement non contrai-gnantes signifient que les superficies maximales desnouvelles parcelles devraient correspondre à 4 ares enzone urbaine et à 6,5 ares en zone non urbaine.

Contrairement aux attentes formulées par le secteur dela construction, le RSV ne prévoit pas d’élargir les zonesjuridiquement urbanisables. Bien que certains transfertsde droits à bâtir puissent se produire entre sous-régions, l’administration flamande estime que les zonesd’habitat actuelles sont suffisantes pour accueillir lesdéveloppements démographiques. Pour les gestionnai-res flamands en charge de l’aménagement du territoire,il n’est donc pas opportun d’élargir ces zones puis-qu’une telle décision permettrait à la périurbanisationdiffuse de se renforcer.

Pour opérationnaliser les objectifs du RSV, il est prévuque les plans de secteur flamands soient progressive-ment remplacés par de nouveaux dispositifs réglemen-taires établis aux niveaux provinciaux et communaux.Bien que le RSV ait été adopté voici maintenant huitans, sa concrétisation tarde à se réaliser et les plansd’application chargés de le mettre en œuvre via les sta-des intermédiaires que constituent les schémas destructure provinciaux et communaux ne sont toujourspas opérationnels. Sans doute la difficulté de transfor-mer les principes stratégiques de la parcimonie foncièreen mesures réglementaires contraignantes explique-t-elle cette situation ?

C. — Une très forte aspiration des famillespour l’habitat individuel et une péri-urbanisation presque généralisée

Complémentairement à la tradition faiblement planifica-trice, la forte préférence de la population belge pour lamaison unifamiliale correspond également à un facteurexplicatif de l’intense urbanisation périphérique quicaractérise le pays. Des enquêtes menées en matièrede choix résidentiels pour la périphérie, il ressort quel’insatisfaction par rapport aux caractéristiques deslogements correspond à la cause première de l’exurba-nisation et de la périurbanisation (L. Brück et al., 2000).Le désir de quitter un intérieur trop petit, d’échanger unappartement pour une maison unifamiliale et l’absencede jardin sont des facteurs très souvent évoqués dansce type d’enquête. Ces facteurs sont bien sûr étroite-ment corrélés à la logique des cycles de vie puisque lechoix pour la périphérie est très fréquemment le fait dujeune couple avec enfants à la recherche d’un cadrerésidentiel mieux adapté à la vie familiale d’un ménageagrandi. En Belgique, où l’acquisition immobilière estvalorisée depuis plus d’un siècle, les motifs familiaux dela périurbanisation sont parfaitement corrélés avec cet

ZUSAMMMENFASSUNG :Die Rolle derEigentumsverhältnisse und derAktivität vonWohnbaugesellschaften für dieEntwicklung der städtischenAußenviertel : Der Fall der neuenWohnviertel in Belgien. — Trotzihrer räumlichen undökonomischen Bedeutung sind dieEigentumsverhältnisse und dieTätigkeiten vonWohnungsbaugesellschaftenbislang nur unzureichendwissenschaftlich untersuchtworden. Der vorliegende Artikelzielt darauf ab, diese für dieStadtentwicklung so wichtigenSektoren zu beleuchten und dieneuen Wohnviertel, die in Belgienentstanden sind, unter diesemGesichtspunkt zu untersuchen. DieAnalyse der Eigentumsstrukturenund der Stadtentwicklungermöglicht ein besseresVerständnis der Akteure desWohnungsbaus und derentstandenen Strukturen derstädtischen Außenviertel. Es zeigtsich, dass die Charakteristikendes Bodenmarktes ist hohemMaße die Handlungsspielräumeder Akteure determinieren.

Mots-clés :Belgique, promotion immobilière,promotion foncière, marchéfoncier, périurbanisation.

Keywords :Belgium, property development,land development, land market,peri-urbanisation.

Schlüsselwörter :Belgien, Wohnbaugesellschaft,Bodenmarkt, Suburbanisierung.

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autre facteur-clé qu’est le désir de devenir propriétaire.A ce propos, la sociologie nous apprend que, pour lejeune couple, l’accès à la propriété permet d’acquérir« une maison au sens de maisonnée, c’est-à-dire decréer un groupe social uni par les liens de l’alliance etde la parenté, que redoublent les liens de la cohabita-tion » (P. Bourdieu et al., 1990, p. 7).

Afin de recadrer les choix de la population belge pourl’habitat unifamilial, nous pouvons nous appuyer sur lescomparaisons européennes présentées dans letableau 1, où l’on observe que le parc de logements esten Belgique très majoritairement constitué de maisonsunifamiliales. Renforcée par l’histoire urbaine et socio-politique du pays (C. Kesteloot et S. De Maesschalck,2001 ; O. Dubois, 2002), l’aspiration profonde despopulations belges pour l’habitat individuel sembles’inscrire dans un contexte culturel plus vaste, à savoirle modèle individualiste de l’Europe atlantique (J. Lévy,1997, p. 142). Sur ce plan, la Belgique – à l’instar duRoyaume-Uni, des Pays-Bas et du Danemark – se dif-férencie des cultures rhénane et méditerranéenne,caractérisées par une plus forte disposition pour l’urba-nité, par une meilleure acceptation de la vie en immeu-bles collectifs et, au final, par des parcs de logementsoù la maison unifamiliale est moins prédominante(J.-M. Halleux et al., 2002).

Si l’intense périurbanisation résidentielle que l’on obs-erve en Belgique résulte sans conteste de l’aspirationdes populations pour l’habitat individuel, le choix pourla périphérie qu’expriment de très nombreux ménagesest également le résultat des contraintes induites par lefonctionnement des marchés du logement. Parmi cescontraintes, nous trouvons notamment la difficulté d’accé-der à une offre immobilière qui soit à la fois positionnéeau sein des espaces urbains centraux, de qualité, etfinancièrement accessible. D’autres contraintes résidentdans les très hauts niveaux de prix pratiqués au seindes premières couronnes périurbaines et dans l’obliga-tion pour de nombreux ménages de s’éloigner en loin-taine périphérie afin d’accéder à une offre foncièrefinancièrement accessible (O. Dubois et J.-M. Halleux,2003). La faible disponibilité en offre foncière effectivesemble également déterminer les choix résidentielspour la périurbanisation étalée. En effet, la configurationdes zones d’habitat n’ayant pas été sensiblement modi-fiée depuis l’adoption des plans de secteur, il y a main-tenant plus de deux décennies pour la plupart d’entreeux, la disponibilité en offre effective se réduit au fur età mesure des nouvelles occupations urbaines. Au seindes régions ayant été les moins bien dotées en zonesd’habitat, de réelles pénuries en offre effective sontdésormais observées, ce qui, au final, oblige les ména-ges à considérablement élargir leur zone de prospectionfoncière afin d’accéder à l’acquisition d’une parcelleconstructible (J.-M. Halleux, 2005).

Conjuguée à la densité du réseau urbain et à une tradi-tion de navettes antérieure à la banalisation de laconduite automobile, l’intense périurbanisation diffusequi caractérise aujourd’hui la Belgique pousse les obs-ervateurs à assimiler l’ensemble du territoire national àune vaste conurbation qu’articulent dix-sept complexesrésidentiels urbains (H. Van der Haegen et al., 1998), unréseau très dense de petites villes et différents pôlesurbains étrangers. Concernant les territoires situésentre la Lorraine belge et le sillon wallon, où l’urbani-sation est historiquement moins intense, l’on découvreaujourd’hui que le peuplement relativement soutenu quicaractérise cette partie du pays ne peut pas non plusêtre dissocié de l’influence urbaine. En effet, les fluxmigratoires qui alimentent ce peuplement ne se démar-quent pas du modèle périurbain et ce sont tout d’abordles choix résidentiels de familles avec enfants prove-nant des grandes agglomérations wallonnes ou despetites villes locales qui expliquent ce phénomène(T. Eggerick et C. Capron, 2001).

II. — LE RÔLE DE LA PROMOTION FONCIÈREEN MATIÈRE DE CONSOMMATIOND’ESPACE

A. — Les critères auxquels les promoteursfonciers font référence lorsqu’ilsdéfinissent la superficie des lots à bâtir

Connaissant les principales caractéristiques du contextespatial analysé, il nous est maintenant possible d’ana-lyser le comportement et les choix d’investissement des

Part de la maison Part de propriétaires Locataire du Locataire du unifamiliale occupants secteur privé secteur public

Grande-Bretagne 79 % 67 % 10 % 23 %Belgique 73 % 65 % 28 % 6 %Pays-Bas 71 % 49 % 13 % 38 %Danemark 61 % 53 % 19 % 26 %Portugal 61 % 65 % 15 % 3 %Norvège 58 % 59 % 19 % 3 %France 56 % 54 % 22 % 18 %Suède 54 % 42 % 17 % 23 %Autriche 48 % 50 % 29 % 10 %Allemagne 46 % 39 % 37 % 24 %Espagne 36 % 85 % 14 % 1 %Italie 32 % 70 % 20 % 4 %Suisse 21 % 31 % 67 % 2 %

Tableau 1 : Comparaison internationale des parcs de logement.

Source : P. de la Morvonnais, 1998Référence : début de la décennie 1990

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promoteurs qui y sont actifs. Nous débuterons cetteanalyse par la prise en compte de la promotion fon-cière, afin d’appréhender l’évolution actuelle vers ledesserrement, c’est-à-dire la production de lots cons-tructibles dont les superficies sont en général bien vas-tes en comparaison des parcelles bâties préexistantes(V. Fouchier, 2001). Nous avons pour ce faire choisi denous intéresser à la superficie moyenne des terrains quisont échangés sur le marché des parcelles constructi-bles et aux critères auxquels les promoteurs fonciersfont référence lorsqu’ils définissent la superficie deslots qu’ils souhaitent commercialiser. Pour la Belgique,il n’existe malheureusement pas de sources statistiquesdistinguant explicitement le marché des lots et le mar-ché des gisements. Néanmoins, la prise en compte dela surface des parcelles échangées permet d’approchercette différenciation et, dans ce cadre, les donnéesdisponibles nous ont permis de calculer un indicateurde superficie moyenne pour les seules transactions cor-respondant à des parcelles dont la surface est infé-rieure à 1 500 m2.

Le tableau 2 illustre une caractéristique importante duprix des terres à bâtir : leur « marginalité décroissante »en fonction de la superficie (P.F. Colwell et H.J. Munneke,1997). Globalement, lorsque la superficie des terrainséchangés s’accroît, l’on observe simultanément unecroissance du prix par transaction et une décroissancedu prix moyen par mètre carré. Deux explications sontnécessaires pour rendre compte de cette caractéris-tique : d’une part, la différenciation entre le marché desgisements et le marché des lots constructibles ; d’autrepart, l’influence de la superficie des lots sur les utilitésretirées par les demandeurs et sur les coûts de pro-duction assumés par les promoteurs. Il ressort de lamarginalité décroissante en fonction de la superficieque le promoteur foncier minimisera la superficie deslots qu’il produit s’il tient à maximiser son chiffred’affaires et son profit. Pour autant, cette minimisationdoit tenir compte d’autres facteurs que la seule maxi-misation du chiffre d’affaires et, sur ce plan, il est

nécessaire de faire référence au risque d’une commer-cialisation difficile. En fait, le lotisseur expérimentévisera à maximiser son chiffre d’affaires en tenantcompte de la contrainte de la commercialisation ou, end’autres termes, il visera à produire les lots commer-cialisables les plus resserrés possible.

Les tests statistiques que nous avons réalisés afind’expliquer la distribution spatiale de la superficiemoyenne des terrains de moins de 1 500 m2 confir-ment l’hypothèse selon laquelle les lotisseurs cher-chent à produire les lots commercialisables les plusresserrés possible. Pour ces tests, menés via la tech-nique de la régression multiple, l’échelle de traitementdes données correspond à l’ensemble du pays. Queles données soient agrégées au niveau des communesou au niveau des bassins d’emploi4, il ressort que lesdeux variables du prix et du ratio de disponibilité ontun impact statistiquement significatif sur les superfi-cies moyennes (graphiques 1 et 2). Ces résultats peu-vent directement s’interpréter en référence aux choixet aux contraintes qui pèsent sur la demande. A pro-pos de l’influence des prix, le caractère significatif dela relation indique que des prix élevés forcent lesménages à limiter leur demande pour les grands ter-rains, ce qui, en conséquence, va permettre aux lotis-seurs d’alimenter le marché avec des lots resserrés.Pour la relation entre la disponibilité en offre juridiquepotentielle et la superficie, nous pouvons déduirequ’un accès plus difficile au marché foncier est unélément qui pousse également les ménages à accep-ter des lots resserrés et, parallèlement, que le renfor-cement de la concurrence pour l’acquisition desgisements pousse les lotisseurs à limiter la superficiedes parcelles offertes sur le marché des lots construc-tibles. Cette idée est corroborée par l’analyse carto-graphique relative à la superficie moyenne des lotsconstructibles. Une telle analyse souligne que les ter-ritoires caractérisés par les parcelles les plus vastesremplissent certaines conditions concernant la topo-graphie et l’offre juridiquement urbanisable. Il s’agit de

Prix par Prix par Prix par Prix par Superficie Superficietransaction transaction mètre carré mètre carré moyenne moyenne

Flandre Wallonie Flandre Wallonie Flandre Wallonie

De 180 à 360 m2 27 282 € 7 908 € 97 € 29 € 282 m2 271 m2

De 360 à 720 m2 42 844 € 16 764 € 77 € 30 € 555 m2 555 m2

De 720 à 1 500 m2 66 750 € 25 345 € 66 € 23 € 1 006 m2 1 085 m2

Plus de 1 500 m2 133 534 € 51 966 € 37 € 15 € 3 580 m2 3 372 m2

Moyenne 63 684 € 30 140 € 65 € 21 € 982 m2 1 444 m2

Tableau 2 : Influence des classes de superficie sur les caractéristiques des transactions foncières.(Flandre et Wallonie pour l’année 2000)

Source : STADIM

4. Le découpage du pays en bassins d’emploia été réalisé par le SES (service d’études et destatistiques) de la Région wallonne (Y. DeWasseige et al., 2000). Cette délimitation pré-sente l’avantage d’avoir été établie de manièrehomogène sur l’ensemble du Royaume, àpartir des données collectées lors du recense-ment INS de 1991 sur les migrations pendu-laires de travail. La méthodologie utilisée parles chercheurs du SES est celle de la classifi-cation hiérarchique ascendante. Elle consistedans la constitution d’un arbre organisant, demanière hiérarchisée, les relations entre les589 communes du pays. Le traitement aconduit à sélectionner 46 bassins d’emploirelativement indépendants les uns des autresen matière de navettes de travail.

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166 REVUE GÉOGRAPHIQUE DE L’EST – TOME XLV – 3-4/2005

régions caractérisées par un relief de plateau relati-vement peu tourmenté et par de fortes disponibilitésen zones d’habitat (notamment en Ardenne centrale,en Lorraine belge et dans le Condroz) ; là où les limi-tations de la topographie et de l’offre juridique sont

faibles, le lotisseur qui prendrait le risque de réduire lasuperficie des parcelles en vue d’accroître son chiffred’affaires serait incapable d’attirer la demande si sesconcurrents choisissent d’alimenter le marché avecdes lots plus vastes.

Graphique 1Variabilité de la superficie des terrains à bâtir de moins de 1 500 m2

en fonction du ratio de disponibilité foncièreEnsemble de la Belgique à l’échelle des bassins d’emploi (sauf Flandre occidentale et Bruxelles-Capitale)

750

800

850

900

950

1 000

1 050

1 100

1 150

20 % 40 % 60 % 80 % 100 % 120 % 140 %

Ratio de disponibilité foncière en 2000

Supe

rfic

ie m

oyen

ne p

our l

a pé

riode

19

98-2

000

(mèt

re c

arré

)

Sources : INS (statistiques cadastrales sur l’occupation du sol), DGATLP, ARHOM et StADIM

Graphique 2Variabilité de la superficie des terrains à bâtir de moins de 1 500 m2 en fonction de leur prix

Ensemble de la Belgique à l’échelle des bassins d’emploi (sauf Flandre occidentale et Bruxelles-Capitale)

Source : STADIM

Supe

rfic

ie m

oyen

ne p

our l

a pé

riode

1998

-200

0 (m

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car

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750

800

850

900

950

1 000

1 050

1 100

1 150

0 € 10 000 € 20 000 € 30 000 € 40 000 € 50 000 € 60 000 € 70 000 €

Prix moyen pour la période 1998-2000 (euro constant de 1998)

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REVUE GÉOGRAPHIQUE DE L’EST – TOME XLV – 3-4/2005 167

B. — Observation des disparités spatiales et des tendances évolutives

Pour la période 1998-1999-2000, la superficiemoyenne des terrains à bâtir (terrains de plus de1 500 m2 exclus) est de 731 m2 pour l’ensemble de laBelgique. Pour les trois Régions de Flandre, de Wallonieet de Bruxelles-Capitale, les moyennes sont respective-ment de 684 m2, 831 m2 et 409 m2. La faible superfi-cie observée pour Bruxelles tient aux caractéristiquesde sa production immobilière. Alors que les marchésfonciers wallons et flamands demeurent dominés pardes transactions dont la finalité correspond à l’édifica-tion de maisons unifamiliales, les transactions foncièresbruxelloises sont par contre menées avec l’objectif decommercialiser des immeubles de bureaux ou de loge-ments collectifs. Concernant la différence entre laFlandre et la Wallonie, il est intéressant d’observer sonrécent renforcement, comme l’illustre le graphique 3.En Wallonie, la tendance vers le desserrement s’accen-tue et les parcelles échangées à la fin de la décenniequatre-vingt-dix sont plus vastes encore que les par-celles échangées à la fin de la décennie quatre-vingt.Au nord de la frontière linguistique, il se produit àl’inverse une limitation du desserrement et l’indicateurde la superficie moyenne par parcelle tend à se réduire.

En Flandre, la réduction de la superficie moyenne parparcelle s’enclenche à partir de 1998, soit une annéeaprès la publication du Ruimtelijk StructuurplanVlaanderen, ce qui confirme l’influence de la disponibi-

lité en offre sur le caractère plus ou moins resserré deslots constructibles. Rappelons que le RSV prévoit de nepas permettre l’élargissement des zones urbanisableset de progressivement appliquer une politique foncièreplus stricte. Bien que ce projet territorial ne se soit pasaccompagné de modifications concrètes en matièred’aménagement réglementaire et opérationnel, lecontexte tendu des marchés fonciers flamands expliquepourquoi il les a profondément influencés. En effet, pourles promoteurs fonciers, la publication de ce projet dedéveloppement territorial s’est sans doute traduite parune crainte renforcée d’aller vers la pénurie en offrefoncière lotissable. Or, les stratégies de commercialisa-tion des lotisseurs étant dépendantes de la disponibilitéen offre et de leur plus ou moins grande facilité à sepositionner sur le marché des gisements, il est logiqueque la crainte d’une pénurie les ait poussé à alimenterle marché avec des lots resserrés. Pour expliquer laréduction de la superficie des lots observée entre 1997et 2000, il faut également invoquer la déclarationd’intention du RSV quant aux seuils de densité minimalepour les nouveaux quartiers (parcelles maximales de400 m2 par habitation urbaine et de 650 m2 pour lesautres). Bien que non contraignante, il est probable quela parution de cette norme ait renforcé la tendance versla production de lots resserrés.

Les données rassemblées dans le tableau 3 permettentde préciser les grandes tendances relatives à l’emprisefoncière des nouveaux terrains à bâtir. Ce tableaus’appuie sur un classement des communes, en fonction

Graphique 3Evolution de la superficie moyenne pour les terrains à bâtir de moins de 1500 m2

en Flandre et en Wallonie

Supe

rfic

ie m

oyen

ne p

our l

a pé

riode

19

98-2

000

(mèt

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)

750

800

850

900

950

1 000

1 050

1 100

1 150

0 € 10 000 € 20 000 € 30 000 € 40 000 € 50 000 € 60 000 € 70 000 €

Prix moyen pour la période 1998-2000 (euro constant de 1998)

Source : STADIM

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de la typologie établie sur base du phénomène desrégions urbaines5 (H. Van der Haegen et al., 1998) et enfonction, d’autre part, de la différenciation Flandre –Wallonie. La première colonne du tableau 3 désigne lesgroupements de communes considérés. En deuxièmecolonne, il est rendu compte de la superficie moyennedes lots à bâtir échangés entre 1998 et 2000. En troi-sième colonne, nous relativisons l’indicateur absolu dela superficie moyenne par la moyenne nationale(731 m2). Les quatrième et cinquième colonnes rensei-gnent sur la tendance évolutive observée entre 1988 et2000 (nous reprenons ici l’évolution annuelle de lasuperficie, inférée sur base d’un ajustement linéaireprenant en compte les 13 informations correspondant

aux 13 années écoulées entre 1988 et 2000), en valeurabsolue et en valeur relative respectivement.

Pour l’ensemble de la Belgique, la tendance globale està l’accentuation du desserrement. Entre 1988 et 2000,la croissance tendancielle est de 1,5 mètres carrés parannée (croissance relative de 0,2 %). Bien sûr, l’évolu-tion est fortement différenciée en fonction des apparte-nances régionales et les calculs confirment l’oppositionentre l’accentuation du desserrement wallon (crois-sance annuelle de + 5,2 m2) et la limitation du desser-rement flamand (décroissance annuelle de – 1,7 m2).Pour la Flandre, la tendance à la réduction de la super-ficie des parcelles concerne les agglomérations, lesbanlieues périurbaines, les zones résidentielles des

5. Cette typologie prend en compte les17 complexes résidentiels urbains (CRU) duRoyaume en différenciant cinq groupes annu-laires :— les villes centrales, soit les municipalitéscorrespondant aux centres-villes traditionnels ;— les communes d’agglomération, c’est-à-dire les entités marquées par une urbanisationmorphologique continue depuis la ville cen-trale ;— la banlieue périurbaine, formée des commu-nes dont la croissance démographique desdernières décennies a été alimentée par ledéversement en provenance de l’aggloméra-tion et de la ville centrale ;— la zone résidentielle des migrants alter-nants (ZRMA), rattachée au CRU en raisond’un fort développement de navettes pendulai-res autochtones vers l’agglomération et la villecentrale ;— la catégorie hors CRU, formée des214 municipalités situées au-delà des zonesrésidentielles des migrants alternants.Pour le lecteur peu familiarisé avec la termi-nologie relative au phénomène des régionsurbaines, précisons encore que la « régionurbaine » correspond à l’ensemble formé parla commune centrale, l’agglomération et labanlieue périurbaine. L’expression « complexerésidentiel urbain » fait pour sa part référenceà un territoire plus vaste qui, en plus des troispremiers groupes, intègre également la ZRMA.

Superficie moyenne pour la période Evolution annuelle de 1988 à 20001998-1999-2000 Calcul par ajustement linéaire

Valeur absolue Pourcentage de la Evolution absolue Evolution relativemoyenne nationale

Belgique 731 m2 100 % 1,5 m2 0,2 %

Bruxelles-Capitale 409 m2 56 % – 1,3 m2 – 0,3 %

Flandre 684 m2 94 % – 1,7 m2 – 0,2 %Villes centrales en Flandre 578 m2 79 % 1,3 m2 0,2 %Agglomération flamande de Bruxelles 586 m2 80 % – 1,8 m2 – 0,3 %Agglomération en Flandre 592 m2 81 % – 0,3 m2 – 0,1 %Banlieue flamande de Bruxelles 693 m2 95 % – 6,4 m2 – 0,8 %Banlieue en Flandre 717 m2 98 % – 3,6 m2 – 0,5 %ZRMA flamande de Bruxelles 707 m2 97 % – 3,8 m2 – 0,5 %ZRMA en Flandre 686 m2 94 % – 3,1 m2 – 0,4 %Hors CRU en Flandre 731 m2 100 % – 2,1 m2 – 0,3 %

Wallonie 831 m2 114 % 5,2 m2 0,7 %Villes centrales en Wallonie 696 m2 95 % 1,3 m2 0,2 %Agglomération wallonne de Bruxelles 657 m2 90 % – 3,4 m2 – 0,5 %Agglomération en Wallonie 712 m2 97 % 3,8 m2 0,6 %Banlieue wallonne de Bruxelles 823 m2 113 % – 3,0 m2 – 0,3 %Banlieue en Wallonie 880 m2 120 % 3,5 m2 0,4 %ZRMA wallonne de Bruxelles 881 m2 121 % – 1,1 m2 – 0,1 %ZRMA en Wallonie 888 m2 121 % 3,6 m2 0,4 %Hors CRU en Wallonie 873 m2 119 % 7,9 m2 1,0 %

Complexes résidentiels urbainsBruxelles 698 m2 96 % – 1,1 m2 – 0,2 %Partie flamande pour Bruxelles 665 m2 91 % – 3,4 m2 – 0,5 %Partie wallonne pour Bruxelles 831 m2 114 % – 0,1 m2 0,0 %Anvers 659 m2 90 % – 1,7 m2 – 0,3 %Liège 796 m2 109 % 7,9 m2 1,1 %Gand 700 m2 96 % – 2,1 m2 – 0,3 %Charleroi 815 m2 111 % 7,1 m2 1,0 %

Tableau 3 : Superficie moyenne pour les lots à bâtir sans les terrains de plus de 1 500 mètres carrés.

Source : STADIM

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REVUE GÉOGRAPHIQUE DE L’EST – TOME XLV – 3-4/2005 169

migrants alternants et les territoires situés en dehorsdes complexes résidentiels urbains. Seules les villescentrales, c’est-à-dire le groupement de communes oùles parcelles sont les moins vastes (578 m2, soit 79 %de la moyenne nationale), font exception à la règle. Lalimitation du desserrement flamand étant inexistantedans les villes centrales et très modérée dans lesagglomérations, il semble exister un effet butoir, qui semanifeste aux alentours des 600 m2.

En Wallonie, l’accentuation du desserrement concerneles différents types de communes, mais suivant desmodalités différentes. L’évolution est particulièrementaffirmée pour le groupement des communes n’apparte-nant pas aux complexes résidentiels urbains (+ 7,9 m2

par an). Cela semble attester de la diffusion du modèlede la très vaste parcelle en dehors des territoirespériurbains traditionnels. La prise en compte spécifiquedes communes wallonnes du complexe résidentielurbain bruxellois témoigne d’une tendance localisée à laréduction de la superficie des parcelles, à l’image dela situation flamande. Pour expliquer ce constat, il peutêtre fait référence aux prix élevés qui caractérisent cesterritoires sous orbite bruxelloise et à la progressivesaturation des zones d’habitat. Après plusieurs décadesd’une périurbanisation très gourmande en ressourcefoncière, l’offre effective s’y raréfie et les promoteursfonciers peuvent, sans risque pour leur commercialisa-tion, alimenter le marché avec des parcelles de plus enplus réduites. Pour le complexe résidentiel urbain (CRU)de Bruxelles, la limitation du desserrement concernel’agglomération (– 3,4 m2 par an), la banlieue (– 3,0 m2

par an) et, dans une moindre mesure, la zone résiden-tielle des migrants alternants (ZRMA) (– 1,1 m2 par an).Toujours à propos de la partie wallonne du CRU bruxel-lois, il est frappant que la limitation du desserrementsoit quasi inexistante lorsque les différentes couronnessont simultanément prises en compte (– 0,1 m2 par an).C’est ici au phénomène d’étalement de la périurbanisa-tion qu’il faut faire référence. En effet, le différentielentre l’évolution globale et les évolutions des différen-tes couronnes résulte d’une réduction des échanges ausein de l’agglomération et de la banlieue et, à l’inverse,d’une activation du marché au sein des territoires pluspériphériques de la ZRMA.

III. — LA PROMOTION IMMOBILIÈREEN MAISONS UNIFAMILIALESET LA PRÉDOMINANCEDE L’AUTO-PROMOTION

A. — La prédominance de l’auto-promotion :une spécificité belge

Par rapport aux pays voisins intégrés dans le contexteAtlantique-Nord de la maison unifamiliale, la Belgique

présente une spécificité forte, correspondant à l’impli-cation des particuliers dans le processus de déve-loppement. A l’exception notable de la Belgique,l’auto-promotion est très peu présente dans les pays oùle parc de logements est majoritairement constitué demaisons unifamiliales. En effet, le Royaume-Uni, lesPays-Bas et le Danemark se caractérisent par une fortereprésentation de la filière du promoteur professionnel.En Belgique, à l’inverse, la filière de l’auto-promotionest très développée. Des principaux pays occidentauxpris en compte par le graphique 4, c’est en fait à cepays que revient la palme de l’auto-promotion6 ! Plutôtque d’acquérir l’habitation déjà construite par un pro-moteur professionnel, comme ses homologues britan-niques, néerlandais ou danois, le ménage belgedésireux de bénéficier d’une construction unifamilialeneuve est donc généralement maître d’ouvrage : il « faitconstruire ». Pour les maîtres d’œuvre, les candidats-bâtisseurs7 ont le choix entre deux grandes possibilités.Certains font appel à une entreprise générale de cons-truction et bénéficient ainsi d’un produit communémentdénommé « clé sur porte ». D’autres préfèrent solliciterl’intervention de différentes entreprises spécialisées ens’appuyant sur la coordination d’un architecte.

Expliquer la spécificité belge de l’auto-promotion et ren-dre compte des disparités nationales quant à la ventila-tion entre la filière du promoteur professionnel et la filièrede l’auto-promotion nécessite de faire référence auxrelations systémiques entre les mécanismes de la pro-duction foncière et le caractère plus ou moins rigoureuxde la planification spatiale. En effet, il semble que la maî-trise d’ouvrage des particuliers futurs occupants serépande là où la planification est peu rigoureuse et que,à l’inverse, la rigueur foncière pousse les constructeursprofessionnels à intervenir en tant que maître d’ouvrage.

A notre connaissance, il n’existe pas de travaux spéci-fiquement consacrés aux relations entre la planifica-tion foncière et la faiblesse de l’auto-promotion auDanemark et aux Pays-Bas. Le cas sans doute relative-ment proche du Royaume-Uni est par contre biendocumenté. Il en ressort que le poids de la filière « pro-moteur » y résulte de la faible disponibilité en offrepotentielle juridiquement urbanisable (M. Ball, 2003).Plus précisément, l’élément crucial correspondrait àl’incapacité des particuliers à accéder au marché fon-cier (S.S. Duncan et A. Rowe, 1993, p. 1342). A l’imagedes configurations néerlandaises et danoises, les méca-nismes de la production foncière s’accompagnent auRoyaume-Uni d’une limitation stricte de l’offre juridiquepotentielle et d’une concentration de l’offre effective.Selon Duncan et Rowe, cette concentration permet auxconstructeurs de bénéficier d’économies d’échelle, cequi les pousse à intervenir directement sur les marchésfonciers afin d’assurer conjointement la viabilisationfoncière et la construction immobilière. Un premier type

6. Comme nous le verrons ci-dessous, laprise en compte de données récentesconfirme la persistance de l’auto-promotionobservée en Belgique en matière de nouveauxdéveloppements résidentiels.

7. La formule « candidat-bâtisseur » est fré-quemment utilisée en Belgique. L’usage cou-rant de cette expression, qui s’applique à desparticuliers, illustre la prédominance de l’auto-promotion dans la constitution des stocks delogements.

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d’économie d’échelle est lié à l’acquisition du terrain-support, moins coûteuse à gérer par unité de logementsi l’offre est concentrée. La grille explicative des éco-nomies d’échelle s’applique également à la gestion deschantiers. En effet, la décroissance du coût marginalpar logement avec l’augmentation du nombre de cons-tructions incite les promoteurs-constructeurs à profiterde la possibilité des chantiers groupés offerte par laconcentration des disponibilités foncières.

Rendre compte des complexes relations systémiquesentre les contextes nationaux et les modalités de la pro-duction immobilière résidentielle nécessite de considé-rer d’autres explications que les seuls mécanismes dela production foncière. Pour le Royaume-Uni, on voit parexemple que certains dispositifs de l’urbanisme régle-mentaire limitent explicitement les possibilités del’auto-promotion. Dans ce pays, l’on observe aussi quele poids de la filière promoteur et la prégnance des tra-ditions influencent l’attitude des institutions financièresqui, bien souvent, rechignent à accorder un crédit hypo-thécaire aux particuliers qui souhaiteraient se lancerdans la maîtrise d’ouvrage pour leur propre compte(S.S. Duncan et A. Rowe, 1993, p. 1343). La faiblessede la filière de l’auto-promotion observée outre-Mancheest également à mettre en relation avec la structure dusecteur de la construction britannique, dont le segmentde la nouvelle habitation unifamiliale est aujourd’huidominé par un nombre limité de promoteurs-construc-teurs importants (G. Bramley et al., 1995, p. 88).

Nous l’avons commenté ci-dessus, la politique « géné-reuse » en matière d’offre juridique potentielle se traduit

en Belgique par une faible concentration de l’offreeffective. Dans ce contexte de dispersion, le secteur dela construction résidentielle ne semble guère attiré parune intervention directe sur les gisements fonciers.Parallèlement, les particuliers sont souvent aptes àgérer seuls l’obstacle de l’acquisition foncière. A l’in-verse de la situation britannique, ce ne sont donc pasles mêmes opérateurs qui développent les opérationsfoncières de viabilisation et les opérations immobilièresde construction. La spécificité belge de l’auto-promo-tion est également intimement liée au caractère peuconcentré du secteur de la construction résidentielle(O. Dubois, 2001, p. 85). Pour le segment de l’habitatunifamilial, la Belgique se caractérise par quelquesentreprises moyennes actives dans le domaine du « clésur porte » et par de nombreux petits entrepreneurs auprofil plus artisanal. En général, ces opérateurs se limi-tent à la phase de construction et laissent les candi-dats-bâtisseurs gérer l’acquisition foncière, grâce àl’intervention de promoteurs fonciers qui correspondentsouvent à des entreprises spécialisées ou, pour les opé-rations les plus simples, aux propriétaires initiaux.

B. — La représentation de la filière« promoteur professionnel » :analyse des disparités spatiales

Pour la période 1997-2002, ce sont 146 530 nouvellesmaisons unifamiliales qui ont fait l’objet d’une autorisa-tion administrative en Belgique8. La représentation despermis introduits par des particuliers y est de 82,2 %, cequi atteste de la spécificité belge de l’auto-promotion

Graphique 4Part de l’auto-promotion dans la production de nouveaux logements (décennie 1980)

Source : S.S. Duncan et A. Rowe, 1993, p. 1331

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-Bas

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10

20

30

40

50

60

70

8. Source : Institut National de Statistiques,Statistiques de la construction.

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et, parallèlement, en confirme la persistance9. Les per-mis délivrés à l’attention des promoteurs professionnelsprivés sont bien moins nombreux. Ils ne représententque 14,3 % du total. Cette statistique indique que, quelque soit le maître d’œuvre en charge de la conceptiontechnique (architecte ou entreprise de constructiongénérale), ce sont bien les particuliers qui sont offi-ciellement responsables des démarches administrati-ves. Le solde de 3,5 % correspond aux permis délivrésà l’attention des maîtres d’ouvrage publics.

Nous avons mené différents tests statistiques afind’analyser les disparités spatiales de la filière du « pro-moteur professionnel » en matière de constructions uni-familiales. Sur base des recherches bibliographiques,nous avons vérifié qu’une faible disponibilité en offre etque des prix élevés sont des facteurs susceptibles decontribuer au développement de la filière promoteur.Comme pour les traitements statistiques consacrés auxsuperficies moyennes des lots constructibles, les testsont également été menés pour les deux niveaux spa-tiaux de la commune et du bassin d’emploi. Des testsmenés pour le niveau communal, il ne ressort aucunevariable significative. A cette échelle, nous ne vérifionsni l’influence du prix des parcelles, ni l’influence de ladisponibilité foncière. Par contre, agréger les donnéesau niveau des bassins d’emploi conduit à vérifierl’influence de la disponibilité foncière (graphique 5).Cette observation confirme les développements présen-tés ci-dessus à propos des relations qu’entretiennentles mécanismes de la production foncière et les ventila-

tions internationales entre la filière de « l’auto-promotion »et la filière du « promoteur professionnel ». Là où la pla-nification est peu rigoureuse et le ratio de disponibilitéfoncière peu élevé, les particuliers sont aptes à leverl’obstacle de l’acquisition foncière et les professionnelsde la construction immobilière sont peu tentés par uneintervention directe sur les marchés fonciers. Parcontre, lorsque le zonage est plus strict et l’offre – à lafois potentielle et effective – plus limitée, les parti-culiers éprouvent des difficultés pour acquérir un terrainet l’on peut assister au développement de la filière dupromoteur professionnel.

De nos entretiens auprès de promoteurs-constructeurs,il ressort que la maîtrise d’ouvrage plus importante desprofessionnels au sein des bassins où l’offre est res-treinte s’explique principalement par la limitation durisque associé à la commercialisation. En effet, lorsquel’offre foncière est abondante, il est risqué pour unconstructeur de se lancer dans la maîtrise d’ouvrage.Dans ce contexte où les particuliers peuvent aisémentaccéder au marché foncier, mener sa propre opérationsera souvent préféré à l’acquisition d’un logement stan-dard déjà réalisé. Bien que neuf, le logement mis enplace par un constructeur ne satisfait pas entièrementla demande en raison de la composante symboliquenon négligeable d’un produit tel que la maison indi-viduelle. Placement lié au développement de la famille,la maison individuelle neuve est autant recherchéepour sa symbolique et ses attributs d’authenticité quepour ses attributs de confort (P. Bourdieu et al., 1990).

9. Nous ne disposons malheureusement pasde données antérieures à 1997 afin de réali-ser une analyse évolutive.

Graphique 5Part de la filière promoteur en fonction du ratio de disponibilité foncière

Ensemble de la Belgique à l’échelle des bassins d’emploi (sauf Flandre occidentale et Bruxelles-Capitale)

Sources : INS (statistiques cadastrales sur l’occupation du sol et statistiques de la construction), DGATLP et ARHOM

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Ratio de disponibilité foncière pour 2000

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Il ressort également de nos entretiens auprès de firmesà la fois actives en support à l’auto-promotion et enmaîtrise d’ouvrage pour leur propre compte que debonnes perspectives en matière de commercialisationpoussent les entreprises du secteur de la constructionà assurer leur propre maîtrise d’ouvrage. En effet, lesconstructeurs préfèrent cette alternative car les chan-tiers peuvent être menés plus efficacement lorsqu’ilssont pleinement responsables des opérations et lors-qu’ils ne doivent pas se soumettre aux sollicitationsvariées des familles auto-promotrices.

Observer que la relation entre la disponibilité foncière etla représentation de la filière promoteur est significativeau niveau des bassins d’emploi mais pas au niveau descommunes signifie qu’une pénurie en terrains cons-tructibles à l’échelle communale n’est pas suffisantepour limiter le risque d’une mauvaise commercialisa-tion. En comparaison du niveau communal, le niveau dubassin ressort donc comme une échelle plus appropriéeafin d’appréhender l’étendue des territoires prospectéspar les ménages candidats-bâtisseurs. Il s’agit là d’uneconclusion qui rentre en parfaite cohérence avec nostravaux relatifs à la structure spatiale des marchés fon-ciers. En effet, différents traitements menés sur cettethématique démontrent que le niveau du bassin est unniveau plus pertinent que le niveau communal pour ren-dre compte de l’organisation des échanges en terresconstructibles (J.-M. Halleux, 2005).

Il ressort de la prise en compte de la littérature que desniveaux fonciers élevés sont, à l’instar d’une faibledisponibilité en offre, susceptibles de pousser les pro-moteurs-constructeurs à alimenter le marché avec leurspropres réalisations immobilières, cela en fait afin debénéficier d’un surprofit (O. Dubois, 2001, p. 43). Dansune telle configuration de marché, les professionnels dela construction peuvent en effet espérer des niveauxde commercialisation élevés et un profit supérieur à lamarge de promotion. Cette hypothèse n’a toutefois pasété vérifiée par nos traitements et nous n’observons pasde relations significatives – qu’il s’agisse du niveaucommunal ou du niveau du bassin – entre les prix fon-ciers et l’intensité de la filière du promoteur profession-nel. Cela résulte de la forte corrélation observée entreles prix fonciers et les niveaux de revenus. En effet, làoù les prix sont élevés, la demande potentielle est éco-nomiquement favorisée et le promoteur-constructeurqui spéculerait sur son renoncement aux attributsd’authenticité que caractérise l’auto-promotion risque-rait d’être confronté à une commercialisation difficile.

CONCLUSION

L’objectif de cet article était de lever un coin du voilesur les secteurs opaques de la promotion foncière et

immobilière en analysant comment ces secteurs écono-miques influencent la production des nouveaux espacesrésidentiels en Belgique. S’il ne faut surtout pas négli-ger le rôle des promoteurs sur la constitution des péri-phéries résidentielles, l’analyse du cas belge démontretoutefois que leurs degrés de liberté sont finalementassez réduits et que leurs choix d’investissements sonttrès largement déterminés et contraints par la configu-ration des marchés fonciers, à l’image finalement dudegré de liberté des ménages désireux de bénéficierd’une maison unifamiliale neuve. De la même manièrequ’il est simpliste de considérer que les choix résiden-tiels des ménages ne s’expliquent que par leur aspira-tion pour la maison unifamiliale et le modèle périurbain,il est simpliste de considérer que les choix d’investis-sements des promoteurs s’expliquent uniquement parl’axiome de la maximisation du profit. Pour rendrecompte des choix opérés par les différents acteursactifs en matière de constitution des territoires périur-bains, il faut en fait faire référence à de complexesmécanismes systémiques où interfèrent de multiplescontraintes, notamment financières pour les ménages,et liées au risque d’une mauvaise commercialisationpour les opérateurs fonciers et immobiliers.

Concernant les promoteurs immobiliers actifs sur lesegment de la maison unifamiliale, c’est la localisationdes terrains sur lesquels ils vont pouvoir construire quiest déterminée par les caractéristiques des marchésfonciers. En effet, il ressort clairement de nos traite-ments que les constructeurs ne se risquent pas à ali-menter le marché immobilier avec des constructionsunifamiliales neuves là où les particuliers peuvent aisé-ment accéder à l’acquisition d’une parcelle et, dès lors,aux caractéristiques d’authenticité associées à la filièrede l’auto-promotion. Révélatrice de la dispersion deschantiers et de l’éparpillement périurbain qui caracté-rise les périphéries belges, la prépondérance de l’auto-promotion qui y est observée est donc liée à la traditionfaiblement planificatrice du pays et, en comparaisondes contextes britanniques, néerlandais et danois, àl’abondance en terrains juridiquement bâtissables quiaccompagne cette tradition. De ce point de vue, lapériurbanisation particulièrement éclatée qui affectela Belgique paraît donc s’expliquer par la conjonctiond’une société qui, comme ses voisines atlantiques,aspire très profondément à l’isolement unifamilial, maisqui, à la différence de ses voisines nordiques, nedispose pas de la capacité planificatrice suffisante afind’éviter que cet isolement se disperse dans laressource foncière.

A l’instar de leurs collègues actifs en promotion immo-bilière, les promoteurs actifs dans le lotissement sontégalement très fortement contraints par le risque d’unemauvaise commercialisation. Il s’agit là d’un constat qui

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permet d’expliquer pourquoi la périurbanisation belges’accompagne d’une consommation d’espace extrême-ment importante. En effet, il apparaît clairement qu’unemeilleure rentabilisation des gisements par la réductionde la superficie des parcelles constructibles n’est prati-cable qu’en situation de hauts niveaux de prix et de fai-ble disponibilité. Par contre, lorsque le marché des lotsn’est que faiblement sous pression, le lotisseur quiprendrait le risque de resserrer ses parcelles en vued’accroître son profit serait incapable d’attirer lademande si des concurrents moins téméraires choisis-sent d’alimenter le marché avec de grandes superficies.

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