Cetouvrageestunefiction.Touteressemblanceavecdespersonnesoudesinstitutionsexistantou

ayantexisténeseraitPAStotalementfortuite.

Toutdroitsréservés©2015AlexandraGonzalez

Graphisme©AlexandraGonzalez

ISBN:9791094343050

Dépôtlégal:février2015

Jeud’acteur

Tome2

AlexandraGonzalez

ROMAN

ÀJeanMarcR…

Liam

Matêtevaexploser.J’ail’impressionqu’elleestprisedansunétau.Elletourne.Jesenschaque

battementdemoncœurtapercontremoncrâne.Cettesensationestatroce.Lesbassesdelamusique

résonnentdanslapetitepièce,cequiaccentuemadouleur.Monestomacestàdeuxdoigtsderejeter

toutl’alcoolquej’aiavalécesoir.Jetrembleetnetiensplusdebout.

Jem’appuiecontrelelavabo,levantdifficilementlatête.Mavueesttrouble,sansdoutelerésultat

dunombredetequilasetduraildecokequejemesuisenfilésentourédecesdeuxsomptueux

mannequins.Jetranspire.Jelèvemonvisage,haïssantlerefletquej’aperçoisdanscemiroir:

«Qu'estcequetufais,Liam?Tudisjonctestotalement!»Mavisionsedédoubleparmoment,

c’estinsupportable.Jemepassedel’eausurlevisage.Jesuissaouletfatigué.

Laportedestoilettess’ouvre,laissantentrerplusdistinctementlesonqueleDJestentrainde

mixer.C’estunenfer!Celam’oppresse!J’aienviedehurlercontrelapersonnequivientdegagner

lapièce.Derrièremoi,jevoiscettemêmefillequim’allumeàchaquefoisquejeviensdanscette

boîteetquim’aencoredraguétoutelasoirée…

Ellemelanceunlargesourireaguicheur,s’adosseaumuretrefermeleloquetdelaportederrière

elle.Ellerelèvesajupeetglissesesdoigtsentresescuisses,mesignifiantclairementqu’elleattend

quelquechosedemoi.Jemetournemaladroitementetmesoutienspouréviterdeperdrel’équilibre.

Elleavancetelleunetigresse,surlepointdesautersursaproie.J’aienvied’elle,maisjenepeux

pas…Non,pasmaintenant!Soncorpsesttrèsattirant,avecsesjambesinterminables,sespetites

fessesrebondiesetsasilhouetteparfaitementsculptée.Jeplongeraisbienmonnezoumaqueuedans

sonlargedécolleté.Elleesttrèsexcitante,jel’admets…,N’importequelhommeypenserait,maisje

suisivre,shooté,épuiséetsuisincapabledenoussatisfaire,elleetmoi….

CelafaitunmoisdepuismondépartdeParis.Celafaitunputaindemoisquejebaisetoutesles

fillesquejecroise,une,mêmeparfoisdeux,troisgonzessesenmêmetemps.Jenemereconnaisplus.

Celafaitunmoisquejepassemesjournéesàboireetàm’envoyerenl’airdanstoutlessensdu

terme,auxquatrecoinsdumonde.Jesuisinvitépar-ci,par-là,dansdesnight-clubs,dessoiréesde

gala,desremisesdeprix,partout…Jesuispitoyable…Jenemesouviensmêmepasdeleurs

prénoms,nimêmedesendroitsouencoremoinsdesdiscussionsquej’aieuesaveccesfemmes,sidu

moinsj’enaieu.Non…rienderien…jenemerappelleplusrien…Jem’encontrefous,àvraidire!

Jenepensequ’àuneseuleetuniquepersonne:Ileana.J’aivoulul’appelerdescentainesdefois,

desmilliersdefois,maisjen’yarrivepas.Ilyadeuxsemaines,jesuisalléenAngleterrepourune

convention.J’aifaillirevenirenFrancepourlaretrouver,maislalâchetéaétélaplusforte.Tout

d’abord,queluidireetensuite,jenepeuxêtreégoïsteavecelle…Lafairerevenirdansmonmonde

seraituneerreurcolossale.Ilfautqu’elleresteloindemoietdemavie.Jenesuisqu’unsombrecon

quigâchetoutcequ’iltouche.Jem’enveux,oui,putain!Jem’enveuxd’avoirtoutfoutuenl’airà

causedemoncaractèredemerdeetdemonmondedemerde...Boireetmedroguerestlaseule

solutionquej’aietrouvéepouroubliermamisérablevieeteffacersonvisagedemonesprit.

Jessica,enfin,sic’estbiensonprénom,s’estmaintenantcolléecontremoi.Elledéposeunemain

surmontorse.Sonparfumpourtantdoux,medonnelanauséeetsoncorpsdefélinepourtantsiproche

dumienmelaissecomplètementfroidetindifférent.

Jesuissamainduregard.Elledescendlentementsesdoigtssurmonventreetfinitparlesglisser

sousmonboxer.Seslongsdoigtsfinsmecaressent.Cen’estpasdésagréable,non,dutout,c’est

plutôtmêmetrèsappréciable.Jepourraismelaisseralleràsescaresses,maiscen’estpasle

moment.Non!

Jesoupire.Jen’auraidécidémentpaslaforcecesoir.Jeluidemandegentiment:

–Arrête!S’ilteplaît.

Jeluiagrippelebrasetlarepoussedoucement.Elleposesesmainssurmesjouesettentede

m’embrasser.Jerépèted’untonplusferme:

–Lâche-moi,merde!

Ellemefaitlesgrosyeuxlorsquej’essaiedel’esquiver.Àquois’attendait-elle?Bonsang!Jene

tiensplusdebout,elledoitbienlevoir,non?Sanstenircomptedemesparoles,ellerevientàla

chargeenenroulantsesbrasautourdemataille.Jen’aiplusaucunepatience.Jeveuxqu’elleme

foutelapaix,unebonnefoispourtoutes!J’aichaudetj’étouffe,c’estinsupportable!Laragetapie

aufonddemoidepuiscesquelquessemainesremonteàlasurfaceenunclaquementdedoigts.

J’attrapesespoignetsetlarepousseviolemmentenarrière.Jejurelesdentsserrées:

–Putain!Tumecasseslescouilles!Jet’aiditNON!

Elletrébuche,déséquilibréeparsestalonshautsetvapercuterlemurd’enface.

Jeréalisecequejeviensdefaire.Heureusement,ellesemblenepass’êtreblessée.Jemepenche

pourl’aideràserelever,maisellemelanceunegifleencriant:

–Non,maistuesmalade!Elleserelèveetrajoute.Pauvretype!

Ellequitteaussitôtlapièce.Oui.Ellevientderésumerparfaitementcequejesuis:unpauvre

type.

Àpartirdelà,jenecomprendsplusrien.Deuxtypesbaraquésencostumedébarquentdansles

toilettes.L’und’euxmemetunedroiteenpleinmenton,jen’aipasletempsderéagir.Jemevois

perdrel’équilibreetjem’évanouis.

«Merde.Qu’est-cequejefousici?...»Monrythmecardiaqueestlent.J’aifroid.Jetrembleet

n’aiplusaucuneforce.Mesmembressontlourdsetendormis.Quandjebouged’unmillimètre,je

ressensunedouleuratroceauniveaudescôtes.Desimagesremontentpeuàpeudansmonespritsous

formedeflashs.Jemesuisprisuneracléeparlesdeuxvigilesetensuite,ilsm’ontjetédanscette

foutueruellequiempestelapisse.

Mesyeuxs’ouvrentdifficilement.Monœildroitrestefermé,ilestgonfléetlasensationd’avoir

dusablesouslapaupièreestdésagréable.Mesnarinesmepiquentetj’aidumalàrespirerparlenez.

Jemepasselamainsurlevisageetconstatelatracedesangséchésurmesdoigts.Jepeste,furieux.

Jedoismeleveretpartird’ici.Lesolestfroidetlalumièredujourcommenceàenvahirlarue.

«Bordel,oùestmonportable?»Jetâtonnel’asphalteetjurelorsquemamains’immergedansune

flaqued’eau.Jefinisparletrouveretessaievainementdemeredresser.Jenepeuxque

m’agenouillerpéniblementsurlesol.Sijemelèvemesjambesvontlâcher.Mesoscraquentlesuns

aprèslesautres,etmêmemesdoigtsquieffleurentl’écrandemonSmartphone,mefontatrocement

souffrir.

Tonydécrocheetjeluidemande,d’unevoixquej’essaied’égayer,maisquisonneatrocement

tremblanteetrauqueàmesoreilles:

–Ouais,viensmechercher…Jesuisunpeudanslamerde,là!

–Putain!Tufaischier!...Tuasvul’heure?Tuesoù?

Jejetteuncoupd’œilàmonpoignetpourregarderl’heure.«Etmerde!J’aiplusmamontre.»Je

regardel’écrandutéléphone,ilestsixheuresdumatin.

–Jenesaispas,dansuneruelle.

–VafalloirêtreplusprécisLiam!

–J’étaisavec…JessicaauRedhouseet…jemesouviensde…pasgrand-chose…Jesaisjuste

quelesvideursm’ontfoutuunebonneraclée.

–Tut’esdéfoncé?

–Oui.

Ilsouffle.Jevaissûrementavoirdroitàuneleçondemorale,maisnon,ilcontinuesurlemême

ton,las.

–QuelleJessica?

–J’ensaisrien,merde…Tusais,lapetitebrunequimechauffeàchaquefois.Avecdegrands

yeuxbleusetuneputaindepairede…

Ilmecoupe.

–C’estlafilledupatron.

«Et,merde!»Jecomprendsmieuxmaintenant,mais,heureusementpourmoi,jepenseque

l’affaireneserapasébruitée.Max,lepropriétaire,n’aimepasquelesflicsmettentleurnezdansses

affaires.Ilpréfèrequesonéquipedevideurss’enchargeetlà,pourlecoup,c’estréglé.J’airetenu

laleçon.

Tony

C’estlatroisièmefoisenl’espaced’unmoisquejerécupèremonpote,Liam,àsasortiedeboîte

denuit...D’habitude,c’estparcequ’ilestincapabledetenirdeboutousimplementparcequ’ila

paumésesclefsdevoiture.Maiscettefois,c’estaveclenezcassé,unénormecocardetpeut-êtreune

côtefêléeoupire.Celadevientlimite…agaçantetinquiétant.Commentvais-jeleretrouverla

prochainefois?Avecuncouteauentrelescôtesoubienentraindefaireuneoverdose?

Cettefois,cetabrutis’enestprisàlafilledupropriétairedelamoitiédesnight-clubsd’Atlanta.

Unmillionnaireréputépoursesboîtesdenuitpriséesparlescélébritésetleshommesd’affaires,

maisenplus,c’estunsecretdepolichinelle,cemecestimpliquédansletraficdestupéfiants.D’où

lafacilitédetrouvertoutesortededroguesdanssonétablissement.Liamlesaitetc’estd’ailleurs

pourcelaqu’ilyva.Touscesdérapagesfinirontparletuer.Jesaisdequoijeparle,j’ysuispassé

avantlui.Jem’ensuissortietluisouhaitesurtoutdepasyrester.

–Tunepouvaispassimplementlasautercommetouteslesautres,aulieudel’envoyervalser

contrelemur?

Liamdescenddifficilementdelavoiture,lacontourneetarriveàmahauteur.Sonvisagerempli

d’hématomesesquisseunlégersourireencoin.Ilnemerépondpas,metapoteamicalementl’épaule

ets’avancelourdementverslesportescoulissantesdel’hôpitalPiedmontd’Atlanta.Ilneprendplus

rienausérieux.Toutecettehistoiresemblemêmevaguementl’amuser.

Auportaildel’établissement,ils’arrêteetsetourneversmoi,iltanguelégèrement,puis

s’impatiente.Ilmecrie:

–Qu’est-cequetufous…tuviens?Sonvisagesefigeetsonregardplongederrièremoi.Il

reprendsurletondel’urgence:Tony…ramène-toi!Cesenfoirésdepaparazzisarrivent.

Celamefaitprofondémentchierdelevoirdanscetétat.J’aimeraispouvoirl’aider,commeill’a

faitpourmoi,ilyaquelquesannées.Àmontourdelesoutenir!Maiscomment?...

Tiens,enyréfléchissant,j’aipeut-êtreunepetiteidée…

–Vas-y-toi,j’aiuntrucàfaire.Jereviendraiteprendreplustard.

Jefaisdemi-tour,m’installe,fermelaportièredemavoitureetdémarreavantquecessatanés

photographesm’enempêchent.Jefaisletourdupâtédemaisonsetmegaresurleparkingd’une

supérette,nonloindelà.

Liamvametuerpourm’êtremêlédesesaffaires,mais,àvraidire,jen’aiplustroplechoix.Au

pointoùilenest,moi,ilnem’écouteraplus,maiselle?...

Ilestentraindemerder.Lespartiesdejambesenl’airO.K.,l’abusd’alcoolpeutpasseraussi,

mais,quantàlacame,ilyadeslimites.Jen’airienàdirelà-dessus,jesuisparfoispirequelui,

maismaconsommationrestetoutdemêmeoccasionnelle.Parcontreladrogueetlefaitqu’ilsemette

às’enprendreviolemmentàdesfemmes,là,non!Stop!Ildépasselesbornes.Ilvafinirpartomber

surunosetruinersacarrière,seblessergrièvement,oupirefairedumalàautrui.

Ilabeaudirelecontraire,c’estdepuisParisqu’ildérapeautant.Jenesaispascequis’estpassé

avecIleana.Ilneveutpasenparler,maisjeleconnais.Ilavaitdéjàpasmalperdupiedsuiteàsa

ruptureavecSophia.Ilavaitaussienchaînécuitesetbagarres.Maisàl’époque,sesdérapages

s’étaientassezrapidementtassés.Ilavaitreprisledessus.Soncomportements’étaitradouci,même

s’ilsouffraitencoredesonfiascosentimental.Maiscettefois,c’estdifférent.Ilsehisseauplushaut

sommetdelaconnerie.Contrairementàcequis’estpasséavecSophia,iln’enveutpasàIleana.Il

s’enveutàlui-même.Ilestlittéralemententraindes’autodétruire.

J’attrapemonIphoneetdécided’appelerlaseulepersonnecapabledeluiremettrelesidéesen

place.Enfin,jel’espère.

Auboutdequelquessonneries,elledécroche.

–Allô,prononce-t-elledoucement.

Jenereconnaispasdesuitesavoix.

–Ileana?

Commentluifairecomprendrelagravitédecettesituation?

–Écoute,ilfautabsolumentquetuviennes.Liamestentraindefairelaplusgrosseconneriedesa

vie.

Unlongsilencesuitmaphrase.Jepoursuis:

–Désolédetedéranger,maisjenesaisplusquoifaire.Situasressentineserait-cequede

l’affectionpourlui,jet’enprie,viensetaide-moi.

Aprèsunsilencepesant,ellemerépond,d’unetoutepetitevoix:

–Vas-y,jet’écoute.Qu’est-cequ’ilsepasse?

Ileana

Jeraccroche.Tonyvientdem’expliquerlasituation.C’estgrave.Liamestcomplètementinstable.

Ilenchaînelesbagarres.Ilboitjusqu’àêtreivremortetsonentouragenelereconnaîtplus.Ilva

jusqu’àsedroguer.Ilannuledeuxdéplacementssurtrois,puisqu’iln’estpascapabledelesassumer.

Ils’enprendmêmeàsesfans,maintenant.Letournagedelasixièmesaisonvabientôtreprendreetsa

carrièreestmiseenbalanceparsoncomportement.Tonyal’airvraimenttrèsinquiet…

Oui!J’aipassélesquatrejourslesplusintensesdemavieàParis.Oui!J’aiététroubléepar

LiamHarrison.Cecidit,quellefemmenel’auraitpasétéàmaplace?Maistoutcelanemeregarde

plusdésormais…

Jemesouviensdechaqueinstant,dechaquemot,dechaqueregard,dechaquecaresse…Toutme

manque…Jamaisjen’avaisconnuunetelleattirancepourquelqu’un.Avantlui,jen’avaisjamais

éprouvécetteenviedepasserchaquemomentdemavieavecquelqu’un.J’enétaispresquearrivéeà

m’imaginerunaveniraveclui…MaisavantLUI,jen’avaisjamaisnonplusressentiunetelle

blessure,unvidesiimmenseetunepeinesiincommensurable.

Sonattitudem’aprofondémentblessée,cematin-là,etledouterestetoujoursancréauplus

profonddemoi.Jenepeuxmel’ôterdelatête.Jenepeuxpasluifaireconfiance.Nousvivonsdans

deuxmondessidifférents.Lesienestpourmoiinaccessibleettotalementincertain.

QuelquesjourspassentavantquejereçoiveunautreappeldeTony,moinsalarmant,celui-là.

–Coucou,lamiss,commentvas-tu?

–Bien,ettoi?

–Bien,merci.Bon,dis-moi,tuaspenséàmapropositiondeveniràAtlanta?

–Oui,j’yairéfléchi.Maisjevaisdevoirrefuser…

Ilmecoupeaussitôt.

–Pourquoi?J’aibesoindetoi,icietj’insiste!

–Écoute,Liampeuts’enremettresansmoi.J’aidéjàénormémentsouffertdecettehistoire

surréaliste.Jen’aipasdutoutenviedereplongerdanscetenfer.

–Quelenfer?Qu’est-cequ’ils’estpasséàParis?

–Ilaétéunpeuviolent,maisriendetropgrave.Cen’estpaspourçaquejeneveuxpasvenir…

Ilm’interromptànouveau.

–C’estpourquoialors?

–Parcequejenesupporteraipasderevivrecetépisodedemavie,et,deplus,jenepensepas

êtrelasolutionàsesproblèmes.

–S’ilteplaît,fais-moiconfiance,jeleconnaisetjesaisques’ildérape,c’estsuiteàvotre

histoire.Jenesaispaspourquoi,jenesuispasdanssatête,maisterevoirluiferaitleplusgrand

bien,j’ensuisintimementpersuadé.Situnemecroispas,vavoirlessitesàscandalesurlenet.Il

merdevraiment.Situastenuneserait-cequ’unpeuàlui,aide-moi,jet’ensupplie…

Tonyacontinuédem’appeler,touslessoirs,àlamêmeheure,meracontantlesdéboiresdeLiam.

Celam’afaitbeaucoupdemal,carl’hommequ’ilavaitétéauparavant,sanshistoires,toujours

souriant,attentifenverssesfans,toujourslàpourlesbonnescauses,pleindetalentdevenait

totalementridiculeetgrotesque.

Jusque-là,j’avaissoigneusementévitédemerenseignersurluietcequ’ildevenait.Lesappelsde

Tonyaiguisèrentmacuriosité.JemesuisdoncempresséedecliquersurlesvidéosYoutubequi

s’affichaientaveclarechercheLiamHarrison.

J’enaiouvertune.Jen’auraispasdû…

Eneffet,c’étaitloind’êtreglorieux...Lesyeuxgonflésparlafatigueetl’alcool,ilaffichaitun

visagelivideetméfiant.Lesflashsdesappareilsphotoetleslumièresdescamérasluiagressaient

visiblementlavue.Ils’énervaitetbousculaitlespaparazzisquiinsistaientpourluiparler.

L’ambiancedevenaitdeplusenplustendue.Lesimagessemirentàbougerdeplusenplus,età

trembler.J’entendaisdescrisetjeperçuslavoixdeLiam,aumilieuduvacarme,hurlant:«Allez

tousvousfairefoutre».

Jen’aipaspuallerplusloin.J’arrêtaiprécipitammentlavidéo.Cesimagesmefaisaientsouffrir.

Levoirdansuntelétatétaituneréelletorture.N’ayantjusque-làpascherchéàavoirdeses

nouvelles,etayantvolontairementdésertélemondeduwebetdesréseauxsociaux,j’avaisfinipar

oublierlesdétailsdesonvisage.J’engardaisbiensûrquelquestraitsenmémoire,maisriendetrop

précis.

Cequimechoquaenpremierlieufutsonregard…Sesyeux,quej’avaistoujoursconnussi

brillantsetpénétrants,nereflétaientplusnitendressenigaieté.Ilsétaientdésespérémentvides.

Lavidéoavaitététournéeàlasortied’uneboîtedenuit,brasdessusbrasdessous,avecune

grandeetplantureuseblondevulgaire.Enfin,jesupposaisqu’ellel’étaitetjevoulaisd’ailleurs

qu’ellelesoit,maispeuimporte…Moncœurs’étaitserré.

Aprèsd’autresrecherches,jesuistombéesurunarticledatédefinjuin,surlesiteWelty.fr,le

grandsiteàpotinspeoplequirelataitunebagarre.Liamauraitétéhospitaliséquelquesjourspourune

côtecassée.Suiteàcela,ilavaitdûannulerdenombreuxdéplacementsprévusauxquatrecoinsdu

monde.

J’enaiparléàTony.Ilm’aexpliquéqu’ilavaitbienpasséunenuitenobservationetquesacôte

n’avaitpasétécassée,maisfêlée.Riendebiensérieuxparrapportauxdiresdusiteàscandales.

Chaquejour,ilinsistaitpourquejemerendelà-bas.Selonlui,Liamétaitentraindesedétruireà

petitfeuetsesennuisnefaisaientquecommencer,c’étaitévident!Tonyétaitvraimentinquietdela

tournurequeprenaientlesévénements.

J’aifiniparattendresescoupsdetéléphoneavecunecertaineimpatienceet,quelquefois,avecune

réelleangoisse.L’idéedepartirlesrejoindrefaisaitpetitàpetitsonchemindansmoncœuretdans

matête.Mais,pourêtretoutàfaithonnête,c’estlejouroùjesuisalléesursoncompteTwitterque

j’aiprismadécision.J’aifaitdéfilersestweetsetsuistombéesurunlieninstagramdatantdemai

dernier,lorsdenotrerencontre,avecunephotodemoientraindeliresurlelitquenousavions

partagé.Unephraseaccompagnaitcettephoto:«Jet’aimenonseulementpourcequetues,mais

pourcequejesuisquandnoussommesensemble.»

Tonyetmoicommencionsàtisseruneréelleamitiéàpasserdesheuresautéléphoneetparfois

mêmesurSkype,enwebCam.

Nousavonspartagépasmaldefousrires,commelafoisoùilm’arapporté,danslesmoindres

détails,lesmilleetuneanecdotesquisepassaientencoulisses,horscaméras,pendantletournagede

lasérie.Ilmecontactaitsouventdesaloge.Parfoisàdesheurestrèstardivespourlui,mais

matinalespourmoi,enraisondudécalagehoraire.

Finjuillet,jemesuisdécidéeàrenouvelermonpasseport.Ayantdéjàconsommétousmescongés

aumoisdemai,jefuscontrainted’attendreladeuxièmesemained’aoûtetdeprofiterdelafermeture

annuelleducabinetcomptableoùjetravaillais,avantd’accepterlesbilletsd’avionqueTony

promettaitdem’envoyersijelesrejoignaisàAtlanta.

Monenviedelesrevoir,tantLiamqueTony,étaitforte.Jedevaism’yrésoudre:cettehistoire

n’étaitpasfinie.Ellenefaisaitquecommencer.

Jeprisl’avionunsamedimatind’aoûtpourtroissemainesdereposauxÉtats-Unis.

Liam

Août

Montéléphonesonneetmeréveilleensursaut.J’ouvrepéniblementlespaupières,l’uneaprès

l’autre.Lalumièremebrûlelesyeux.Elleesttropvive.Jemecouvrelevisagedelamain,afin

d’atténuerlesrayonsdusoleilquim’agressentviolemmentlespupilles.

MonIphonecesseenfincetteatrocesonnerie.«Ilfautvraimentquejelachange.Merde!J’ai

uneputaind’enviedevomir.»L’alcoold’hiersoirrappellemonestomacàl’ordre.Jeravale

difficilementmasaliveamère,c’estdégoûtant!J’écartel’indexetlemajeurpourobserverautourde

moi.«Oùsuis-je,encore?»,jegrogneenmetournantsurmoi-même.Unélancementdouloureuxme

parcourtauniveaudel’abdomen.Lacôtefêléeilyaunpeumoinsdedeuxmoisserappelleàmon

bonsouvenir.Ellemetirailleencoreettoujours.Quandest-cequeçavafinir?

Jesuistotalementnu,lepiedentortillédanscesdrapsblancs,surcegrandlit,aumilieudecette

chambrequejeconnaissibienpouryavoirpassétantdenuits.Jesourisbêtement.Çayest,jeme

souviens,demasoirée.

Quelqu’unsetortilleàcôtédemoi.Jejetteuncoupd’œil,curieuxdevoirsaréaction.Lafine

silhouettenuequiestallongéeàcôtédemoisetourneetpested’unevoixrauque:

–Merde,Liam,qu’est-cequ’onafait?

Jenepeuxréprimermasatisfactionetlasaluejoyeusement.

–Salut,Beauté!

Jesourisd’unairniais,maisjem’enfiche.LeregardcoupablequemelanceSophiaveuttoutdire.

Jevaissûrementmeprendredesreprochesetdesinsultespleinlatête.

C’estvrai!Quoi?Jesuisuninsupportablebeaugosse…J’avoue:personnenepeutmerésister,

maisjen’enfaispastoutuncinéma.

Hiersoir,aprèslasoiréedegalaorganiséeparlachaînedetélévisionquidiffuselasérie,iciaux

États-Unis,noussommesallésenboîtetouslesdeux,Sophiaetmoi,ensouvenirdubonvieuxtemps.

«Entantquebonsamis.»,avait-t-elledit.

Ben,c’estplutôtraté!Quelestl’idiotquiaditquel’amitiéhomme-femmeexistait?

Bon,c’estvraiquejen’aipasarrêtédelachauffertoutelasoiréeetquejemesuisfrottéàelle

pendantquenousdansions.Dois-jelepréciser?Jeluiaiaussisortiunbaratindignedemonplus

grandjeud’acteur.Jel’aiaussiinvitéeàboirelemêmenombredetequilasquemoietnousavons

finilanuitensemble.

–Çan’auraitpasdûseproduire…Sereproduire,continue-t-elleenseredressantsurlelit,posant

lespiedsausoletmetournantledos.

Jem’étirepéniblementetlataquineenessayantdel’attraper.J’aiencoreenviedelaserrercontre

moietderecommencercequenousavonsfaitcettenuit,carjel’avoue,jen’enaiqu’unsouvenirfort

imprécisetmonérectionmatinaleauraitbienbesoind’attention.Aprèstout,nousavonsrecouché

ensemblecettenuitetriennenousempêchederecommencer.

Posantmamainsursahanche,jeluirésumelesfaitsd’untonsarcastique:

–Troptard!C’estfait.

Ellerepoussemonbrasetselèved’unbond.

–Merde…EtNick?rumine-t-elle.

«JemefousdeNick!Qu’est-cequ’ilvientfairedanscettehistoire,cetabruti?»

–Àvraidire,jem’entape.

Ellesetourneversmoi,melanceunregardcourroucéetfinitparchercherfébrilementlessous-

vêtementsetleshabitsqu’elleportaithiersoir.J’aperçoislabretelledesonsoutien-gorgesousle

coussinàcôtédemoi,jel’attrapeetluitends.

–Tun’esvraimentqu’unpauvrecon,lâche-t-elleenregardantleboutdedentellequejesecouede

droiteàgauche.

«Quoi?C’estvrai!Jen’enairienàfoutredesonnouveaupetitami.»Jepréfèreme

concentrersurlajolievuequ’ellem’offre.Soncorpsnuestsublime,commetoujours.Jedétaille

aussisonvisagerondetsesgrandsyeuxnoirs.Sanouvellecoupedecheveuxluivaàmerveille.Ils

sontpluscourtsetondulés.Sapeau,toujoursaussimate,nerévèleaucuneimperfection.Sapetite

bouchecharnuesepincenerveusement,etj’adoreça!Unevaguedesouvenirsdequandnousétions

encoreensemblemerevientenmémoire.Seslèvres,salanguedontellesaitsiparfaitementseservir.

Àcettesimplepensée,jesourisbéatement.

–Jem’envais,Liam,c’estmieuxpournous…pourmoi,hésite-t-elleconfuse.

Jerisenlaregardants’éloigner.Ellepilebrusquementdansl’encadrementdelaporteetfait

volte-face.

–C’estchezmoi,ici,Liam!C’esttoiquidoist’enaller.

J’éclatederire.Ellen’ajamaisétéfacileàdéstabiliser,maislà,pourlecoup,ellesemble

complètementpaumée.

Tony

L’aviond’Ileanaestàl’heure.Jeregardeunedernièrefoislepanneaud’affichage.Elledevrait

débarquerd’iciunevingtainedeminutes.Jem’assiedssurundessiègesderrièremoi,dansl’espace

d’attente.Jenerestepasseulbienlongtemps.Ungroupedefillesm’abordepourmeréclamerdes

photosetdesautographes.J’accèdevolontiersàleurrequêteàlaconditiondemelaissertranquille

après.

Liamvavraimentmetuerenlavoyantici,aAtlanta…Etquedired’Ileanaquandelleapprendra

lesoudainrapprochementdecedernieravecSophia…

Hiersoir,ilssontsortisenboîtetouslesdeux,aprèslasoiréedegalaoùilsavaientdéjàpasmal

bu.Ilsétaientmêmedéjàsérieusemententamés.Jecrainslepire,surtoutaprèsladiscussionquej’ai

eueavecLiampendantlasoirée:sonobjectifétaitdecoucheravecSophia.Ill’aalluméetoutela

soirée,etellen’apaseul’airdes’enplaindre.Résultat:jesupposequec’estfait.

J’aiessayédeglisserlesujetIleanadanslaconversation,luidemandants’ilavaitcherchéàavoir

desesnouvelles,maissaréponsebrèvetranspiraitlamauvaisefoi.Dumoins,àmonavis.

–C’estqui,elle?m’a-t-ildit.

Cetteréponsepourlemoinsinattenduem’atoutd’abordchoqué,maisj’aipuvoiràson

expressionquej’avaistouchéunecordesensible.

Cesoir,j’amèneIleanaauMoonlight,làoùLiametmoiavonsl’habituded’aller.Nousavions

prévudenousyrendretouslesdeux,Liametmoi.Ilpensesûrementqu’ilm’yretrouveraseuletva

doncdébarqueravecdestop-modelspendusàsesbras,commed’habitude,depuisplusieurs

semaines.Jedoisabsolumentluidiredevenirnonaccompagné,oujecoursàlacatastrophe.Cela

m’apprendraàmemêlerdecequinemeregardepasetàjouerl’entremetteur.

Jesourispluslargementenréfléchissantauxraisonspourlesquellesjem’obstineàvouloirles

remettreensemble,cesdeux-là.Toutd’abord,ilestvraiquec’estdansmoncaractèredevouloirà

toutprixlebonheurdeceuxquim’entourent.Ensuite,Liamestuntypebien,vraimentbon.Ilmel’a

prouvéàplusieursreprises.Ildérapefacilement,ilalesangchaudetunfoutucaractère,maisc’està

luiquejedoismonrôledanslasérie.

J’auraisfiniclodosijenel’avaispasrencontréets’iln’avaitpasinsistépourqu’onmefasse

passerlecasting.Ilm’aaussibienépauléàlamortdemesparents.Sanslui,j’auraivitesombrédans

l’alcooletladrogue.

Et,pourcequiestd’Ileana,jenelaconnaissaispastellementàmondépartdeParis,maisj’aivu

cequ’ellefaisaitdeLiam,là-bas.Ellel’arenduplusheureuxenl’espaced’unweek-endqu’aucours

decesdernièresannées…Etpuis,pendantcesdeuxmoispassésàl’appelerpresquetouslessoirs,

j’aicompriscequilarendaitsispéciale…

Ileanaestàlafoisdouce,attentionnée,naturelleetintelligente.Unvrairayondesoleil,cettefille.

C’estvrai,commeledisaitLiamàParis,rencontrerunetellejeunefemmefaitunbienfou,surtout

danslemilieudanslequelnousdevonsévoluertouslesjours.Lesfillessuperficielles,arroganteset

indignesdeconfiancesonthélasnotrelotquotidien.

J’aivraimentappréciédeparleravecelle,cesdeuxderniersmois.Nousavonsfaitplusample

connaissance.Nousavonsri,échangénosopinionset,parfois,jel’aiconsolée.Ladistancem’aun

peuagacé,jel’avoue.

Enréfléchissant,jemesurprendsàêtreimpatientdelaretrouverafindepouvoirlaserrerdans

mesbras.J’enairêvéetcelavaenfinseconcrétiser.

Ileana

Décidément,jehaislesavions.Mêmesijen’enavaisjamaisprisauparavant.L’effetdes

anxiolytiquesprescritsparmonmédecinlaveillecommenceàs’estomper.«Super!Jevaisvivre

monpremieratterrissagel’angoisseauventre.»Jemecramponneauxaccoudoirslorsquele

commandantdebordannoncequenousallonsamorcerladescentedanslesdixprochainesminutes.

J’ailesmainsmoitesetlarespirationcourte,matêtetournelégèrement.Jesenslapaniquem’envahir

etj’ailanetteimpressionquejevaisfinirpartomberdanslespommes.Mesonglestoutjuste

manucuréstranspercentl’épaistissudesrepose-bras.Jemerépètecommeunrefrainmacabrequeje

suistropjeunepourmourir.Jeplisselespaupièresetprendsdelonguesetpuissantesinspirations.

Lorsquej’ouvreànouveaulesyeux,unehôtessedel’airpenchéeaudessusdemoim’observe

gentiment.

–Toutvabien,mademoiselle?

Aucunsonnesortdemagorge.Jehochebrièvementlatêteetesquisseunsourireforcé.Ellese

redresseensouriant.Jenetrouvevraimentpasceladrôledutout.Jeregardeparlehublot,pensant

quecelapourraitpeut-êtremesoulager.Mauvaiseidée,c’estencorepire!JeprieleSeigneur

d’épargnermavie.Jen’yaijamaiscru,maistoutàcoupcetteidéemesembletellementrassurante…

Sijemeursdanscevol,jemejuredehanterTonypendanttoutlerestedesamisérablevie.

Nousatterrissonsenfin,avecplusdepeurquedemal,heureusement!Jeresteunbonmoment

agrippéeàmonsiège,laissantlesautrespassagersmeprécéder,jusqu’àcequelamêmehôtesse

arborantsonsatanésourireviennemedemanderdequittermonsiège.

Jesuisdetrèsmauvaispoilquandjesorsdutunneldedébarquement,maismonhumeurs’éclaircit

aumomentoùj’aperçoisdeloinlamontagnedemusclesauxcharmantsyeuxvertsquis’agiteenme

faisantsignedelamain.Tonymegratified’unlargesouriredebienvenue.Derrièrelui,jenepeux

queremarquerl’attroupementdefillespresquehystériques,sebousculantpourmieuxvoirleuridole.

Ellesl’observentavecdegrandsyeuxpleinsd’admirationettendentleursportablespourtenterde

prendredesclichés.

«Mevoilàderetourdanslemondedesgroupies,génial!»

Jeressensunvilainpincementdedéceptionenm’apercevantqueLiamn’estpaslà.Mais,

franchement,àquoijem’attendais?Àcequ’ilmesautedanslesbras,s’excusantensanglotantde

m’avoirpresqueviolée,forcéeàveniravecluietpeut-êtreaussitrompée?Allons,Ileana,ressaisis-

toi,mafille!

Tonym’accueillelesbrasgrandsouvertsetmesaluejoyeusementtoutenm’enserrantdansses

bras.Jemesenstoutepetitefaceàcegéant.Matêteneluiarrivemêmepasàhauteurdelapoitrine.

Êtredanssesbrasmefaitunbienfou.Jesuisvivanteetheureusedeletrouverlà,si…souriantet

charmant.

–Jet’aimaudittoutaulongduvoyage,finis-jeparluiavouer.

Pourillustrermesparoles,jelefrappegentimentàpetitscoupsdepoingcontresesabdos.Cela

sembleplutôtl’amuser…

–Pourquoi…Qu’est-cequej’aifait,encore?

Ilmeregardeenhaussantlessourcils.

–Jehaislesavions…

Ilémetunlégerrireenmefaisantsigned’avanceretmeprécise:

–Tusais,ons’yfait,àlalongue.

Aprèsavoirprislemétroaérieninternedel’aéroportinternationalHartsfield-Jackson,nous

récupéronsmesbagagessurletapisroulantaumilieud’unevasteethautesalleovalebondéed’une

fouleàlarecherchedeleursbagagesetdeleurchemin.

Jen’enrevienspas:mevoilàauxÉtats-Unis!Mapaniquedel’avionlaisseplaceàl’euphorie.

Voyantmesyeuxébahisparcequim’entoure,Tonym’expliquerapidementquenousnoustrouvons

dansleplusgrandaéroportdesÉtats-Unisetdumondeentierpoursontraficincessantetles

nombreuxmètrescarrésdeterrainsquiontétérénovéspourlesJeuxolympiquesde1996.

Liam

Deretourdansmonappartement,Mappymesautedessus.Commed’habitude,machiennemefait

unefêted’enfer.

J’aitrouvécetAmericanPitbullTerriersurleborddelaroutel’étédernier,chezmesparents,en

Louisiane.Elleétaitaffaméeetblessée.Elledûsubirpasmald’opérationspourêtreremisesur

pattes.Sij’avaispuattraperleconnardquiluiafaitsubircetteviolence,jel’auraisétripédemes

propresmains.Lesvétérinairesn’étaientpascertainsqu’elleseremettedetellesinterventions,mais

elleatenulechoc.Lacicatricequis’étalesurlelongdesonabdomenmerappellecombiences

momentsontétépéniblespourellecommepourmoi.Aussiridiculesoit-il,Mappyestmaseule

compagnedignedecenom.

Jem’avancedanslesalonenjetantmesclefssurlatableàmangeretm’affalesurmonbonvieux

fauteuilencuir.Mappybonditsurmesgenoux.Jelaserrecontremoietsuisreprisparlefildemes

pensées,toutenlacaressant.Jeprofitedecetinstantapaisant.

Letournagedelasériearepris.Jen’aiplusgoûtàrien,mêmeàjouer.Hiersoir,jemesuisencore

accrochéavecSandy,laproductrice,puisavecmonagent.Ilsmemenacentàcoupdeclausesdemon

contrat.Jerisquegros,jesais,maisjesuisdansunepériodedemavieoùj’aibesoindechanger

d’air.Jeleurrépètequelamortdemonpersonnageneseraitpaslafindumonde,quepersonnen’est

indispensable.Ilsnepartagentpasmonavis:jereprésenteuntropgrosinvestissement.Jenesuis

qu’untasdebilletssurpiedpourmonentourage.

Unséjourauprèsdesmiensmeferaitunbienfou.Jenelesaipasvusdepuisplusdesixmois,

voireunan…Mapetitesœur,Lily,etmesparentsmemanquentcruellement.EtlaLouisiane,ma

terrenatale,toutautant…Sijem’écoutais,jeprendraislepremiervoletmecasseraislà-bas.Je

m’achèteraisunebaraqueenpleinmilieud’unbayouetyresteraisjusqu’àlafindemesjours,loinde

tout.Maisnon,jesuislà,dansmonappartementd’Atlanta,àm’apitoyersurmonsort,épuiséparles

conneriesquej’enchaînemalgrémoi.

Jemerelèvelourdementetvaisdanslacuisine.J’aibesoind’uncafé.J’aieuunenuitagitée.On

s’estendormitard,ouplutôttôt,cematin.Lamigrainemereprend.Jesorsunflacondemédicaments

duplacardau-dessusdemacafetière.J’enaiunpeuabusé,cesdernierstemps.Ilestpresquevide.

J’avalelesdeuxdernierscomprimésetplaquemonfrontcontrelaporteduplacard.Jefermeles

yeux,essayantdecontrôlerladouleur,maisrienn’yfait…

J’éclated’unrirenerveuxenpensantquelanuitdernière,j’aiànouveaucouchéavecSophia.Ily

aquelquesmois,j’auraistoutdonnépourlefaire.J’encrevaisd’envie,maislà,j’engardeun

arrière-goûtamer.Lesbrefssouvenirsquemamémoiremelivredecettenuitsont…Jenetrouve

mêmepaslemot,tantjeneressensrien,enfait.J’auraisdûécouterTonyquim’aditetrépétédene

pasm’approcherd’elle,quej’allaisensouffrir.Surcedernierpoint,ilaeutort.Jem’enfous.J’ai

réellementtiréuntraitsurelle.J’auraisjustedûl’écoutersurlefaitquec’étaitunepertedetemps.

Detoutefaçon,jeneprendsplusmonpiedavecaucunefilledepuisIle...

–Non,non,non.Sorsdematête!

Jegémis,latêtecontrelaporteduplacard.Jeneveuxpaspenseràelle.Celafaittroismois

maintenant,troismoisqueceputaind’enferacommencé.Jepivoteetregardedevantmoilaphotosur

lemur.

Ellemesourit.Leregardàlafoistendreetcoquinqu’ellemelanceestundélicieuxsupplice.Je

mesouviensdecemoment,decetinstantoùceclichéaétépris.Jen’auraisjamaisdûfaireagrandir

cettephotoetlaplaceràcetendroit.Maintenant,jen’arriveplusàl’enleverdelà,toutcommeje

n’arrivepasàmesortirIleanadelatête…C’estridicule.Pourquoicettefillem’obsède-t-elle

autant?Jedétournelesyeuxetmeforceàpenseràautrechose.Jedoisl’oublier.Elleadûlefaire

desoncôté,d’ailleurs.

Cematin,Sophiam’ajetécommeunemerde.Jeneluienveuxpas.D’autantplusqu’onnepeut

pasdirequej’aieététrèsagréable.Sonnouveaumec,Nicholas,mesortparlesyeux.Ilestsans

envergureetsanscharisme.Ellel’arencontrésurletournage.Ilestvenufaireuneapparitiondansla

série.Lascènem’avaitd’ailleursbienplu:jedevaisluimettrelaracléedesavieetl’acheverd’un

pieufraîchementimproviséavecunpieddechaise.J’aimêmeressentiunmalinplaisiràrentrerdans

monpersonnage,cejour-là.C’estlaseulefois,cetteannée.

Monportablesurlecomptoirdelacuisinesemetàvibrerparbrefsà-coups,mesortantdemes

penséesamères.Jel’attrapevoitqu’ils’agitd’unmessagedeTony.Jeluiaipromisdevenirauclub

cesoir.Jesupposequ’ilmedemandesij’aicontactélesdeuxmannequinsduweek-enddernier.Je

sourisbêtementàcettesimpleévocation.Maisc’estuntoutautreSMSquejelissurl’écran:

«RDVcesoirauClub.Viensseul.»

«Viensseul?»Qu’est-cequ’ilmefait,là?Qu’a-t-ilmijoté?

Depuisunboutdetemps,ilsecomportedemanièreétrangeavecmoi.Lacomplicitéquenous

avonstoujourseues’estétiolée.Ilm’évite.Jesaisqu’iln’acceptepasleschoixquejefais,ces

dernièressemaines,mais,plutôtquedemeremettresurledroitchemincommeill’auraitfait

auparavant,j’ailesentimentqu’ilmefuit…

Hiersoir,ilarefusédemeprêtersonportable,sousprétextequ’iln’avaitplusdebatterie.Versla

findesoirée,jel’aivuparlerplusd’uneheureautéléphone.Saconversationavaitd’ailleursl’air

plutôtpassionnante,vulesourireetlesyeuxpétillantsqu’ilaffichait.Aurait-ilrencontrél’âmesœur

etsouhaiterait-ilmelaprésentercesoir?Mmm,bizarre…

Cecidit,ilfaitcequiluiplaît,maismoi,jesuiscélibataireetjen’aipasl’intentiondemepointer

seul.J’inviteraiquandmêmelesdeuxfilles.J’aibesoindemechangerlesidées...Encore.

Ileana

Auboutd’unevingtainedeminutesdetrajet,nousquittonslepériphériqueetarrivonsdansunjoli

petitquartierrésidentieltranquille.Lesmaisonnettesaccoléeslesunesauxautressontenbrique

rouge.Toutsembleêtreparfaitementordonné:mêmesjardinsbientaillés,mêmepetitealléede

garage,mêmetoitd’ardoisesgrisesetlargesfenêtresàpetitscarreaux,auxarmaturesenboispeintes

enblanc.

Tonysegaredansl’alléedel’habitationnuméro1223.Nouspénétronsdansl’appartement.

L’entréesefaitdirectementdanslesalon.Jem’étonnedel’abondancededécorationsetdeplantes.

Enfait,c’estplutôtcosyetagréable.Jeposemesvalisesdevantlaporteprèsd’unpetitmeuble

d’appointetmedirigeverslecanapéencuirmarron.

Unimpalpablemalaises’installeentrenous.C’estridicule,carnousavonspassécesdeux

derniersmoisàparlerdesheuresautéléphoneousurSkype.Jechoisisdebrisécesilenceunpeu

lourd.

–Oùest-cequejemetsmavalise?

Ilrépondaussisec.

–Ahoui,c’estvrai,lâche-t-ilenavançantverslecouloirsetrouvantdansuncoindusalon.

Jelesuis,maiscommeilstoppesubitementsamarche,jemanquedelepercuter.Malgréla

fatigue,jegardedebonsréflexes.Ilseretourne,surprisdemevoirsiprochedelui.

–Oh!Tesvalises…Tuveuxquejelesportejusqu’àtachambre,peut-être?

Ilal’airtrèsgêné.Jerisdoucement.Jetrouvesafaçond’êtregalantplutôtcraquante.

–Non,c’estbon!Jemedébrouillebientouteseule.

Jeluiindiqued’unsignedetêtequemagrossevaliseestmontéesurroulettes.

–Oh!lâche-t-il,hébété.

Ilmemènedansunepetitepiècelumineuseauxrideauxjaunesetauxmursblancs.Unlitsimplese

trouveaufonddelachambre.Plusieursmachinesdemusculationencombrentlesol.

–Cen’estpaslecinqétoiles,maisçaira,pasvrai?

–Oui,Oui!Net’inquiètepas.

Jelerassuregentiment,m’asseyantsurlematelas.Quandiltournelestalonspourquitterlapièce,

jedis:

–Tony?

–Oui?demande-t-ils’arrêtantsurlepasdelaporte.

Jel’interroge,curieuse:

–Dis-moi,Liamestaucourantdemavenue?

–Non,répond-ilensegrattantlatête.

Tonymescrutedesesdouxyeuxverts,ilreprend,unpeuhésitant:

–Onleverracesoir.

Ilpart,refermantlaportederrièrelui.Jemelaissetombersurlelit,dansunlongsoupir.

J’aiuntrèsmauvaispressentimentpourlasoiréeàvenir.Toutàl’heure,pendantletrajet,Tony

m’aexpliquéquenousallionsfêtermonarrivéedansunnight-clubdelavilleprochedesstudiosde

tournage.Unendroitoùilsonttousl’habituded’aller.Jesuisterriblementangoisséeàl’idéede

revoirLiam.Commentva-t-ilréagir?Etmoi,commentvais-jeréagir?...

Jem’étendsdetoutmonlongsurlelit,soupirantunefoisencore.Maisqu’est-cequim’aprisde

venirici?

Jecroiselesmainssousmanuque.J’essaiedemedétendreenfixantleplafond.Perduedansle

coursdemespensées,jefinisparm’endormirmalgrél’heurematinale.Levoyagem’aépuiséeetle

décalageagitsournoisementsurmonhorlogeinterne.

***

–Ileana?

Onmesecouelégèrement.J’entrouvrelesyeuxetplongeleregarddansd’immensespupilles

dilatéesentouréesd’irisvertsquimescrutentattentivement.

–Ileana!Réveille-toi,BelleauBoisDormant.Ilestdix-septheurespassées.Tun’aspasfaim?

Jemeredressesurmescoudes.Tonyestaccroupicontrelelit.Jeluisouris,encoretoutembrumée

parlesommeil.

–Jesuisunpeubarbouillée,maisjeveuxbienessayerdemanger.

–Jevaistepréparerunpetitquelquechose,m’explique-t-ilenserelevantetenquittantla

chambre.Lasalledebainestjusteàcôté,situveuxterafraîchir.

Unefoismadoucheprise,jerejoinsTonyquis’activedanslapetitekitchenettedestyleaméricain.

Jem’adosseaucomptoircentraletl’observe.Ilestentraindefairecuiredesœufsaccompagnésde

quelquestranchesdebacon.Jem’installesuruntabouretetluidemande,soucieuse:

–Pourquoitufaistoutça?

–Toutça,quoi?dit-il,concentrésursapréparation.

–Pourquoipenses-tuquejepourraisréglerlesproblèmesdeLiam?Etpourquoitucherchestantà

l’aider?

Ilsortuneassietted’unplacardau-dessusdelagazinièreetlaposedevantmoi,puismelâcheun

petitsouriregêné:

–Onenadéjàparléautéléphone…Liamestcommeunfrèrepourmoi.Jelefaisavanttoutpour

lui.Ilabeaudireetfairelemecquisefoutdetout.Quandjemetsvotrerelationsurletapis,ilperd

touteassuranceettoutecrédibilité.

Ilfaitglisserlesœufsetlestranchesdebaconsdansl’assiettequ’ilpoussedevantmoi.Puis,dans

unfrançaisapproximatif,maisavecunaccenttrèssexydoubléd’unregardtendre,ilmemurmure:

–Bonappétit.

Jeleremercieetboisunegorgéed’eau.

–Ilperdtouteassuranceettoutecrédibilité,tudisais?

Ilsesertunetassedecaféetpivotepours’adosserauplandetravail.

–Ilévitelesujet,finitparchangerdeconversationoutournetoutsimplementlestalons.

–D’accord.

Saréponsenemerassurepasdutoutetnefaitqu’accentuermoninquiétudeetmonmauvais

pressentiment.TonyabeausedirequejesuislaseuleàpouvoiraiderLiam,j’aidesdoutes.Ets’il

avaitfinalementtiréuntraitsurmoi?S’ilnevoulaitplusmevoir?Leschosesnevontpasêtreaussi

simplesqueTonysemblelesvoir.Jen’aipasdebaguettemagique,moi!

Tony

Àlafindesonrepas,nousnousasseyonsfaceàl’écranplat.Nousregardonstranquillementla

télévisionenattendantl’heurepourpartirauclub.Lespiedscroiséssurlatablebasse,assisdans

l’angledemoncanapé,jel’observeattentivement.

Ellem’ademandésicelanemedérangeaitpasqu’elleposesatêtesurmesgenoux.J’aiditque

non.Elles’estallongée,lesgenouxrepliéssurl’accoudoir.Ellebalancesespieds,àlafaçond’une

petitefilleetjetrouvesapositionplutôtcharmante.Elleestvraimenttrèsbelle.J’aienviede

caresserseslongscheveuxbrunsauxpointeséclairciesquis’étalentsurmesjambes,maisenai-jele

droit?Quelleseraitsaréaction?J’hésite.Cegesteseraitsansdoutedéplacé.

Aulieudecela,jepianotenerveusementl’appuie-têteau-dessusd’elle,continuantàlacontempler

danslesmoindresdétails.Jeseraisbienincapablededirecequiestdiffuséàlatélé.Jen’aipas

mêmejetéunœilàl’écran.Jenepeuxdétachermesyeuxd’elle.Ileanaal’aircaptivée,pourtant.

Jedécidedelaissertombermonbrasetd’enroulermamainautourdesonpoignet.Àcecontact,

ellelèvelatêteversmoi.Unlégersouriresedessinesursonvisage.Elleneditrien,reposesatête

surmacuisseetcontinuederegarderlatélé.Ellerit.Jeprésumequel’émissiondoitêtredrôle.Elle

setournebrusquementversmoietmedemande:

–Tuasvuça?Jenesavaispasqueçasefaisait,ricane-t-elle.

Jenesaisabsolumentpasdequoielleparle.Elleleremarqueetritdeplusbelle.

–Tun’asrienvu,hein?devine-t-elle.

Elledécalelatêtepourlaposersurmongenouetmedévisage,l’airamusé.Ellem’interroge:

–Àquoipenses-tu?Tuasunairbizarre.

Jeglissemamainsurlasienneetentrelacenosdoigts.Ellemelaissefaire.Jen’aipasenviede

semerledouteenelle,maisjebrûledeluidemanderquelleseraitsaréactionsileschosesnese

passaientpasbienavecLiam?Repartirait-elledirectementenFrance?J’aimeraisaussisavoirà

quoielles’attendaveclui.Jeluimens.

–Riendespécial.

Ileana

Tonymerépètesanscessedenepasm’inquiéteretque,d’aprèslui,iln’yaaucuneraisonquela

soiréesepassemal.Pourtant,jesuisassaillieparledoute.Jesuistellementstresséeàl’idéedele

revoir.Commentva-t-ilréagir?Moncorps,lui,réagitcommeprévu.Jemerongelesonglestantje

suisnerveuse.Jenepeuxresterenplaceetnecessedemetrémoussersurlesiègedelavoiture.

Lorsquenousarrivonsdevantlaboîtedenuit,leparkingestpleinàcraquer.Difficiledese

trouveruneplace.

Àl’intérieur,cen’estpasmieux.Ilyaunmondepaspossible.Àl’entrée,noussommescollésles

unsauxautres.Tonym’attrapelebrasetmedemandedelesuivre.Ilsefaufilesouplementdansla

massedepersonnesquidiscutentenpleinmilieudupetithall.Nousempruntonsensuiteunedizaine

demarchesenfer,puisarrivonssuruneplateformequisurplombelasalleetlapistededanse.

Curieuse,jem’accoudeàlarambardeetobserveattentivementlesalentours.Enbas,aumilieudela

pièce,setrouveunimposantbarenverrecolorédenéonsvertsetbleus.Toutautour,desgens

s’agglutinentpourboireetdanser.LeDJmixelesondansunepetitepièceséparéedelasalleparune

vitreépaisse.Jereconnaislamusique.C’estunmorceauquej’aimebeaucoupd’unartistefrançais.

Tonymedemandedelesuivre.Lamezzanineoùnousnoustrouvonsformeun«L».Ilyaunpeu

moinsdemondeici.Lelongdumursontdisposéesdesbanquettesavec,surl’avant,depetitsplots

lumineuxquifontofficedetables.

Enarrivantaufond,souslapentedutoit,j’aperçoisungroupedefillespluspétillanteslesunes

quelesautres,puisjemeconcentresurlesdeuxbellescréaturesquisetiennentdansuncoinplus

sombre.Uneblondelongiligneestdedos.Elleporteuneroberouge,deuxfoistropcourtepourelle,

dévoilanttoutl’arrièredesondosainsiquelanaissancedesesfesses.Apriori,cettetenuene

l’empêchepasd’êtretrèsàl’aise.Sij’avaisoséportercegenredevêtement,jemeseraiscachée

dansuncoindelasalle,sûrementcontreunmuretauraisfaitlepiquettoutelasoirée.Jelaregarde:

elleéclatederireetrecule,melaissantpartiellementapercevoirsoninterlocuteur.Jeremarqueune

mainmasculinequifaitdesva-et-vientlelongdesacuisseparfaitetoutenlacaressant.Le

propriétairedeceslongsdoigtsfinsestétendu,presquevautrésurlabanquette,lesjambesécartées

autourdelapetitetable.

Moncœuretmagorgeseserrentauquartdetour.C’estLiam!Àsadroite,setientuneautrefille

toutaussimagnifique,unegrandebrune.Ilplongesonnezdansl’épaissecheveluredecemannequin,

auniveaudel’oreille.Àsontour,elles’esclaffeenenrajoutantunecouche.

Tonymejetteunrapidecoupd’œilets’avanceverseux.Jerestederrièrelui.Mesjambessont

paralysées.Jesuisfigéeausol,jesuislaspectatriceimpuissanteetbieninvolontairedecequise

passedevantmoi.PoursaluerLiam,Tonyluitendlamain.Lestroisjeunesgensseretournenten

mêmetemps.Jeresteenretrait,tâchantderecouvrermoncalmeetdenepasperdremesmoyens.

Pleurerétantdevenuunvéritableréflexe,cesderniersmois,jerespireprofondémenttoutenme

mordantlesjouesafindenepasm’écrouler.

Liam,trèssouriant,seredresseetattrapelamaindeTony.C’estàcemoment-làquejechoisisde

medéplacerlégèrementetquenosregardssecroisent.Sesyeuxjusque-làremplisdegaietéchangent.

Jepeuxyliredelasurpriseetdel’incompréhension.Ilfroncelessourcilsets’immobilisepourme

dévisager.Jemedemandecommentréagir.Sourire?Lesaluer?Avancerverslui?Partiren

courant?Non.Riendetoutcela.Jesuisaussipétrifiéequ’unestatue,lespiedsvissésausol,les

lèvresscellées.Lesdeuxtop-models,souslepoidsduregarddeLiam,setournentversmoi,

m’observantdebasenhaut.Ellesmetoisentcommesij’étaisunecréaturesortiedenullepart,

presqueunphénomènedefoire.Oui,biensûr,jen’aipasleurclasseetleurglamour.Jeneportepas

leursrobessexyetnesuispasmaquilléejusqu’auxoreilles.Jesuisjustemoi,avecmonjeandélavé

etmonpetittoprougeachetéchezKiabi,l’étédernier.

Al’instant,jen’aiqu’uneenvie:meglisserdansuntroudesourisetdisparaître.MaisTony

entourematailled’unbraspuissantetmeforceàavancerverslestroisinquisiteurs,demandantavec

leplusgrandnaturelsinouspouvonsnousjoindreàeux…

Peuenthousiaste,lablondeselève,nousabandonnantobséquieusementunboutdelabanquette.

Tonys’assiedet,danslemêmemouvement,m’attrapelamainpourm’encourageràfairedemême.Je

m’exécute,toutetremblante.TonysepencheversLiampourluidirequelquechosequejen’entends

pasàcausedelamusique.Cedernierneréagitpas.Ilnousdétaillel’unaprèsl’autre.Unetension

palpables’installeentrenous.Tonydéposeunemainquiseveutrassuranteetapaisantesurmon

genou.

Jemesensterriblementmalàl’aisesouslefeuduregarddeLiam.J’aidumalàlereconnaître.Il

estfroid,hautainetsonregard,onnepeutplussombre.Ilfinitpardétachersesyeuxdemoiau

momentoùlablondevients’asseoirsursesgenoux.Jeserrespontanémentlesdents,metournevers

Tonyetleluidemandedemanièreunpeupressante,presquesuppliante,sinousnepourrionspas

allerdanser,touslesdeux.

–Déjà?relève-t-il.Tuneveuxpasboirequelquechoseavant?

Jeluifaisunepetitemouepourluisignifiermonurgentbesoindequitterleslieux.Ilsaisitenfin

monmalaiseetafficheunsourirecompatissant,puisfinitparaccepter.Jemelèved’unbond,

soulagée.Jeveuxvraimentpartird’ici.

Unedernièrefois,monregardcroiseceluideLiam,maisjetourneaussitôtlesyeuxetm’agrippeà

lamaindeTony.Nousdescendonsverslapistededanse.J’ailecœurenmillemorceaux,aubordde

larupture.Liamachangé,ettoutcequejepouvaisliredanssesyeuxlorsdenotrepremière

rencontreabeletbiendisparu.C’estréellementfini.Jesuisperdueetmedemandecequejefaisici.

J’aiencoreagisurunstupidecoupdetête.Jesuisdévastée.Toutcevoyagepourrien.Jen’auraispas

dûmelaisserconvaincre.C’étaituneénormeconnerie.Jesuisdécidémenttropnaïve.Ilnem’a

mêmepasadresséunmot,pasunbonsoir,rien.Lenéant,quoi!

NousdansonsTonyetmoi,l’unfaceàl’autre.Ilmesourit.Jeluirendssonsourire,maisilest

toutsaufnaturel.Jenesuispasdansl’étatd’espritdefairelafêteoudedanser.Enfait,jenesuispas

réellementlà.Mesbrassebalancentdedroiteàgauche,moncorpsestmou,mesmembres

désarticulés.Jesuisincommensurablementtristeetdéçue.Cen’estvraimentpasceàquoije

m’attendais.Jemesuislaisséebercerd’illusions.

JetrouveLiamtoujoursaussibeau,attirantetsexy.Tellementquej’enaipresquelanausée.Je

ressensunvideatroceàl’idéequejel’aidéfinitivementperdu.Jenepourraiplusm’asseoirsurses

genoux,contrairementàl’autregarce.Ilnemeprendrapluslamain,commelefaitàprésent

gentimentTony.Ilnemesouriraplusjamaissitendrement,sesyeuxvoilésdepassion,commeà

Paris.Non!Touscesgestesettouscesregardssontbeletbienperduspourmoi.J’essaiederetenir

leslarmesquimontentetquimebrûlentlesyeux.Cesentimentdemanquemenouelagorgeetme

tordleventre.

JemeretournedemanièreàcequeTonyneremarquepasleslarmesquicommencentàperlersur

mesjoues.J’aihonte.Toutlemondedanscetteboîtedenuitsemblememontrerdudoigtetsemoquer

demoi.Jelesentendssemoquercruellement:«Qu’est-cequ’elleacru,cettegourde?Qu’ellele

retrouveraitcommesiriennes’étaitpassé?Qu’ilallaitsejeteràsespieds?Qu’iln’allaitpas

tournerlapage?Lui,lastaraduléepardesmilliersdefemmes?...»

Alorsquejem’essuielevisaged’unreversdelamaindiscretetquemonregardselève,jecroise

celuideLiam.Ilestlà,devantmoienlaçanttrèsétroitementlablondesculpturale.Ilmefixeen

embrassantl’épauledecettedernière.Ildisposesesmainssurlesendroitslesplusrebondisde

l’anatomiedumannequin.Ilmeregardeencoreetencoretoutenmeprovoquant.C’endevient

indécent.

J’aienviedehurler.Pourquoiagit-ilcommecela?Ilmefaitdumaletillesait.Malgrédesefforts

surhumains,delourdeslarmesfinissentparcreuserdessillonssurmesjoues.Tonym’attrapeparles

épaulesetmefaitpivoter.Ilsepencheetposeseslèvresaucreuxdemonoreille:

–Nelesregardepas.

Ilseredresseetpassesonpoucesurmespommetteshumides,puisesquisseunlégersourireen

guisedesoutien.J’aibeauessayerd’êtreforte,jeveuxquittercetendroitauplusvite.Jeleluidiset

m’éclipseenvitesse.

Ensortant,jelèvelesyeuxauciellaissantenfinlibrecoursàmeslarmes.Jemecollecontrele

muretinspireprofondémentàplusieursreprises.Lacrised’angoisseestentraindemesubmerger.Je

doisimpérativementmecalmeretravalermonchagrinetmadéception.

–Qu’est-cequetufaislà?crachesoudainLiam.

Jesursaute,nel’ayantpasentenduarriver.Magorgesenoueinstantanémentausondesavoix.Je

nemetournepas,carjeneveuxpascroiserànouveausonregardremplideméprisàmonégard.Si

jecèdeàmondésiretquejeleregarde,jen’ytrouveraipascequej’avaistantespéréyvoir.Latête

appuyéesurlemur,jefixel’horizon.

–Net’inquiètepas,jem’envais,lâché-jeentremesdentsserréesparlapeine.

Jefaisunpas.Samains’enrouleautourdemonavant-bras.

–Jet’aiposéunequestion,mejette-t-ilavechargne.

Jemefigeeninspirantlonguement.

–Jen’auraisjamaisdûvenir.

Sesdoigtsmelâchent.Lecontactdesapeaumebrûle.Cettesensationmemanqueaussitôtqu’elle

cesseetlevidequejeressensalorsm’oppresseunpeupluslecœur.Jefaisunpasdeplus.Il

m’agrippelesépaules,mefaitpivotersurmoi-mêmeetfinitparmeplaqueraumur.

Jefermelesyeux.Ilestbientropprèsdemoi.Jesenssonsoufflecourtsurmonvisage.Iln’est

qu’àquelquescentimètresdésormais.Sonnezmefrôlelefront.Sesmainssontcrispéessurmes

épaules.Ilmefaitmal.Jelèvelégèrementlatête,ouvrantlespaupièresetsacolèremeheurtede

pleinfouet.Samâchoiresecrispesoussapeauombréeparunefinebarbe.Sonodeurfamilière

m’imbibelesnarines,mefaisantrevenirquelquesmoisplustôtàParis.Lessouvenirsdenousdeux

metordentaussitôtl’estomac.J’entendsencorel’échodesonriredansmatête.Jeressensànouveau

lasensationquemeprocuresoncorpscontrelemien.Magorgesenouetoujoursplus.Jesuis

incapabled’articulerlemoindreson.Ilmesecouelégèrement.

–Réponds!m’ordonne-t-ilsèchement.Pourquoies-tuvenueici?

Jefixelamarquedesuçonquiluimarquelecou.Jenepeuxtoujourspasmerésigneràle

regarderdanslesyeux,mêmesicettelégèremarquebleuemerappelledouloureusementlefaitqu’il

étaittoutàl’heureaveccesdeuxmannequins,entraindes’adonneràdepetitsjeuxplutôtsensuels.Je

luimurmuremalgrétout:

–Tonym’ademandédevenir.

Ilcrispeànouveaulamâchoireetsontorsesesoulèvedifficilement.Cetteproximitém’empêche

derespirernormalement.L’attirancequej’aitoujourseuepourluimerevientcommeunboomerang.

J’aienviedel’attirercontremoi,d’enserrerànouveaudansmesmainssesfineshanchesmusclées,

demerappelertoutescessensations.Jelèveunemainpourlaposersursontorse,maismongeste

resteensuspens.Ilmelâcheetrecule.

Nosregardssecroisent,enfin!Jelaisseretomberlourdementmonbras.Sesyeuxsontécarquillés.

Ilfroncelessourcilsmarquantlégèrementsaridedulionetj’aperçoisunelarmenaîtredanslecoin

desonœil.

Ilsouffre.Jen’enpeuxplusdelevoirdanscetétat.Jefinisparouvrirlabouchepourluidire

combienilmemanqueetcombienj’aienviedetoutreprendreàzéro,maisilnem’enlaissepasle

temps.Ilmereprochefroidement:

–Jet’avaisdemandédeveniravecmoi…

Ilsetait,baissantleregardausol,puiscontinued’unevoixécorchée:

–Et…tuvienspourTony?

Jeperçoissasouffranceetsapeinedansletondesavoix,cequimecomprimeànouveaules

poumonsetm’empêchederespirercorrectement.Jerestetoutdemêmeperplexefaceàl’idéequ’il

sefaitdemavenue.Jesuislàpourlui.Jeveuxleluidire,mais,unenouvellefois,ilm’interrompt

avantquejepuisseparler:

–Jeneveuxpassavoircequ’ilyaentrevous…Jeneveuxsimplementplusvousvoir,nitoini

lui,compris?

Monventresenoue.Jeveuxluicriertoutcequej’aisurlecœur,maisseul«Non»nesortdema

bouche.Iln’yprêtepasattention.Ils’enva,meplantantlàavectoutlepoidsdumondesurlecœur,

déchirée,souslalumièrerougedunéondecettefichuediscothèque.

Lebruitdelaporteenferclaquebrusquement,mefaisantunenouvellefoissursauter.Unebrise

fraîchem’enveloppe.Moncorpsdevientsilourdqu’ilm’attireverslesol.Jerecule,essayantdeme

souteniràcemurquisembles’éloigneràtoutevitesse.J’aienviedevomir,decrier,dehurlerma

détresseaumondeentier.

Liam

Lesbassesdelamusiquem’envahissentetpercutentmestympansàunrythmerégulier.Les

battementsdemoncœurtapentdeplusenfortdansmapoitrine.J’aifranchementlarage.«C’est

quoi,cedélire?Qu’est-cequ’ellefoutici?PourquoiTony?Pourquoijustementlui?Jene

comprendsfoutrerien!»

Àl’intérieur,jemecalequelquessecondescontrelaporteenfer.Jerepassesanscessedansma

têtelestraitsdesonvisage.Jeressensànouveaucevideimmense,cettefoutueblessureetmon

putaindesentimentdeculpabilité.Jemesensatrocementmal.L’alcoolquicouledansmesveineset

quimerendaitsieuphorique,ilyauninstant,sembleavoirdésertémesveines.Quelquechoses’està

nouveaubriséenmoi.Larevoirmefaitremontertouscesfoutussentimentsetcesputainde

souvenirs.

Jesuisencoretotalementfoud’elle,desoncorps,desapeau,desonregard.Legoûtdeseslèvres

merevientenmémoire.Jemerevoislacaresser,l’embrasser.Elleestjustemagnifique.L’attraitque

jeressenspourelleesttoujourslà,ancréaufonddemoi.Celametue.Celamerongedel’intérieur.

Commentpourrais-jelaregarder,aprèscequej’aifailliluifaire,cematin-là.Elleaapparemment

tournélapage.Jeferaisbiend’enfaireautant.Desfilles,ilyenadestonnessurterre.Pourquoi

devrais-jem’accrocheràcelle-là?J’aiassezperdudetemps.

JemeredressepéniblementetcroiseleregarddeTonyquimedévisage,inquiet,ets’avancevers

moi.

–Liam…

Uneimaged’euxensembles’imposeàmonesprit.Ilssetiennentlamain.Jerevoissesdoigts

poséssursongenouetcelavientmefrapperteluncoupdelameaiguiséquel’onmeplanteraitdans

l’abdomen.Uneatrocedouleurm’étirelestripes.Putain,non!Desfillescommeelle,iln’yenapas

tantquecela…Tony,lui,s’enestaperçu!

Jenelelaissepasfinir.Levoirmerappelleencorepluslevidequim’habiteetmeronge.Une

colèrenoires’emparedemoietjeluibalanceunedroitecontrelamâchoire.Cegesteluifait

basculerlatêtesurlecôté.Iltitube,maisnetombepas.«Vachier!Pourquoimel’avoirprise?»

Jeviensdefrappermonpote,monfrère.Ilreculed’unpas,sonnéparmoncoupdepoing.Iln’avait

pasàmelaprendre.Ilm’atrahi.ILSm’onttrahi.Jenemesenshélaspasmieuxaprèsmoncoupde

poing.Tonyrelèvelesyeuxetmeregardeànouveau,perplexeetchoquéparmongeste.

Toutàcoup,jemedéteste.J’aienviedehurler.Jesouhaitequ’ilriposteetmemettelaracléede

mavie.J’aibesoinqu’ilmefrappe,qu’ilmebatte…àmort.

Àlaplace,ilnefaitrienetmecontournesansmotdire,puiss’enva,mejetantunderniercoup

d’œil,furieuxetscandalisé.

Ileana

Jeveuxpartird’ici.JeveuxretournerenFrance.J’aifaituneénormeerreurentraversant

l’Atlantique.Toutestbeletbienfinientrenous.L’hommequ’ilestdevenun’estplusceluidontje

suistombéeamoureuse,l’hommequiafaitnaîtreenmoicesentimentqu’estl’amourétaitdifférent.

Non,iln’estpluslà,ils’estdéfinitivementéteint…

Accroupiecontrelemur,jemelèvepéniblement.JedoisalleràlarecherchedeTony.Jeveux

qu’ilmeramènechezluipourrassemblermesaffaires,partiràl’aéroportetm’éloigneràtoutjamais

decetenfer.

Laportes’ouvre.Tonysort,lamainsurlecôtégauchedesonvisage.Dusangcoulelelongdeson

menton.Jemeprécipiteverslui,inquiète.

–Qu’est-cequ’ilt’estarrivé?

Ilsortlesclefsdevoituredelapochedesonjeanetrejointnotrevéhicule,garénonloindelà.

–Liamm’afrappé.

Jecoursverslui,m’efforçantdesuivresaviveallure.Arrivéeàsahauteur,jeluiagrippelebras

etlestoppenetdanssacourse.

–Pourquoit’a-t-ilfaitça?

J’observesablessureavecattention,salèvreinférieureestentailléesurundemi-centimètre.De

monpouce,jesoulèvesalèvresupérieureetinspectesesdents.Àpartlesangassezabondant,jene

remarqueriendegrave.Ilselaissefaireetmedévisage,sansexpression.

–Jenesaispas.Jet’avaisprévenuequ’ilétaitdevenuinstable:lapreuve…

Ilmemontresablessurepourrenforcersesdires.Jemetaisetmediriged’unpasdécidéversle

club,endépitdesesappelsetmisesengarderépétés.Jesuisfurieuse,horsdemoi.J’aiunimpérieux

besoindeconnaîtrelesraisonsdecegeste.

Àl’intérieur,jemontedirectementàlamezzanine.D’unœildistrait,jeremarquelesdeux

mannequinsentraindes’embrasser,l’uneetl’autre.Jedétournerapidementleregard,puism’appuie

àlabalustradepourobserverlasalleenlongetenlarge.

NevoyantpasLiam,jeredescendsetbalaieenuntourrapidedesyeuxlapistededanseen

esquivantlescorpsivresettranspirantsdesdanseurs,saturantl’airdeleurseffluvesnauséabonds.

Quandjemedécideàlaissertomber,jel’aperçoisenfin,prèsd’uneporte.Ilestadosséaumur,en

appuisurunpied.Ilm’observeavecinsistancetoutenesquissantunsouriremauvais.Iljoue

nerveusementavecsontéléphone.

Àquelquesmètresdelui,jestoppe.Macolèresemêleàlatristesse,poursemuerànouveauen

colère,puis,soudain…endésir.Lavaguedesentimentsquimetraverseestredoutablement

contradictoire.Jen’arrivepasàmecontenirfaceàlui.Jeperdsréellementtousmesmoyens.

Jeprofitedelasecondeoùilbaisseleregardpourm’avancer.Soncorpsmemanque,c’estune

certitude.Lamainqu’ilglissesoussontee-shirtàl’extrémitédesonjeanmerendtotalementfolleet

faitbouillirlesangquicouledansmesveines.J’aienviedelui.Cettemauditeattirancemeperdra.

Elleesthélastoujoursbienprésente.C’estuneréelleobsession.

Enmonforintérieur,jemevoisl’agripperparleshanchesetlescollercontrelesmiennes.Je

m’imaginesentirsonentrejambegonfléparledésircontremonventre.Bonsang!Oui!J’enrêve.

J’encrève!Jesensdéjàl’excitationpalpiterenmoi.J’aiuneirrépressibleenviedefaireglissermes

lèvreslelongdesoncouetgoutterànouveauàsapeau.Jeveuxenfouirmesdoigtsdanssescheveux

etlestirer,puisl’embrasseravecfougue,maislaréalitémeressaisitd’uncouplorsquequelqu’unme

bousculeetmepousseàavancerd’unpas.Jemeretrouveàquelquescentimètresdelui.Ilrelèvela

têteetplongesonregardfoudroyantdanslemien,puisils’immobilise.

–Tumecherchais,peut-être?

–Pourquoitut’enesprisàTony?hurlé-je.

Ilsemetàrire.Jen’enpeuxplus.Lacolèrem’envahitunefoisdepluset,dansunélanquime

surpasse,jeluibalanceunegiflemagistrale.

Satêtevalsesurlecôté.Jem’attendsàcequ’ilriposte.Jemepétrifie,pourencaisserlaprobable

riposte,maisilresteimmobile,commehébété.Samâchoiresecrispeàplusieursreprises.Ilferme

lesyeuxetfroncelessourcils.Mamainmepicoteencoredelagiflequejeviensdelancer.Mon

cœurs’affole.Àaucunmomentjen’auraisimaginévouloirluifaireautantdemalquemaintenant.

Secouéparunrirenerveux,illèvelatêteetlesyeuxaucieletposel’arrièredesoncrânecontre

lemurpendantquelquessecondes.Puisilfixeànouveausonregardsurmoi.Jevoisunelarmecouler

sursajoue.Sapeinemedéchire.Magorgeseserreetmesyeuxmebrûlent.J’ignoresicequeje

ressensestdelacolèreouunepeineinfinie…

Pourtant,àcetinstant,j’aiuneirrésistibleenvied’essuyerlagouttequiruissellesursapommette

rougieparmagifle.Jetendsmonbraspourpassermonindexsursonmagnifiquevisage,mais,avec

rapiditéetforce,ilmel’empoigneenmetordantlapeau.

–Lâche-moi,tumefaismal.

Ilseredresse,faitunpasversmoietcalesonvisagecontremajoue,joignantnospoitrinesl’uneà

l’autre.Cerapprochementsoudainmefaitperdrelecontrôle.Jevoudraislerepousser,maisjereste

figéeetdroitecommeun«i»,perdueaubeaumilieudessentimentscontrairesquesontl’attiranceet

lacolère.Ilmesusurreàl’oreille:

–Tupeuxmefrapperautantquetuveux,Ileana,celanem’atteintpas.Cequimeblesse,en

revanche,c’estquetutetapesmonmeilleurami!

–Tais-toi,c’estfaux.

–Non,toi,arrêtetonpetitmanège.

Ilglissedoucementsatêtecontremonvisageetarrêtesaboucheàlanaissancedelamienne.Il

prenduneprofondeinspiration,gonflantsapoitrinequifrôleleboutdemesseinsexcités.Ilsedécale

unpeuplusetdéposesubitementseslèvressaléescontrelesmiennes,mordillantlégèrementma

bouche.Lebaiservoracequ’ilmedonneensuiteenvoiedesfluxcontradictoiresàmoncorpstenduà

l’extrême.

Lesnerfsàvif,jesensànouveauleslarmescoulersurmesjoues.J’accueillemalgrémoison

baiseravecdésiretfougue.Salanguevientcaresserlamienneavecuneinfiniedouceur.Nos

poitrinesseplaquentetseséparentàplusieursreprises.Sesmainsseplacentencoupesurmesjoues

mouillées,étalantmeslarmeslelongdemespommettesbrûlantes.Ilmefaitpivoteravecforceetme

plaquecontrelemur.Safaçondem’embrasserdevientplusdureetplusavide.Ilglissesesmainsle

longdemoncorpsjusqu’àlescalersurmesfesses.Ilmelespresseetm’attirecontreluiavecforce.

Subitement,ils’écarteetplongesonregardvoiléderageetdedésirdanslemien,suppliant.Je

veuxqu’ilcontinue…

–C’étaitçaquetuvoulais?medemande-t-ilfroidementavantdes’éloigner.

Jeluiagrippeprestementlebrasetluijette:

–Pourquoiagis-tucommeungrosconnard?LeLiamquej’aiconnuàParisn’étaitpasceluiqueje

viensdetrouverici!

Ilseretournevivementetfixemapoigneavantdem’expliquersèchement:

–Jesuiscommeça,Ileana.Jesuisunvraiconnard,crache-t-il.Barre-toi!Onn’aplusrienàfaire

ensemble.Jemesuisassezamuséavectoi,alors,dégage!

Ilfinitparsefaufilerdanslafoulededanseurs.Monmondes’effondreànouveau.Jelesuisdu

regardet,telleunautomatesansâme,jefaisdemi-tour.

***

–Ramène-moiimmédiatementdansceputaind’aéroport,Tony!Maintenant!

Mavoixestérailléeetsaccadéeparlesspasmesdemessanglots.Ilsepostedevantlaportede

sonappartementpourm’empêcherdesortir.J’empoigneavecforcelapoignéecoulissantedema

valise,etlefusilleduregard,autraversdeslarmesquinecessentdetroublermavue.

–Tunevaspasabandonneraupremierobstacle…

Jelecoupeimmédiatement.

–Aupremierobstacle?répété-je,horsdemoietd’unevoixstridente.J’aivouluycroire,Tony,

crois-moi…mais…cetype…

Jecherchemesmotsenm’efforçantdebloquerunautresanglot.

–Cetypen’aplusrienavoiravecceluiquej’aiconnuàParis!

Jem’avanced’unpasdécidéverslui,dansl’espoirqu’ilmelaissepasser.

–Ilabesoindetoi.Ilabesoindenousdeux.Sansnotreaide,ilestperdu.

Jerissansjoie.

–Ilvientdetefrapperettoituledéfendsencore?

Ilreprendd’unevoixplusdouce,medévisageantavecattention.

–Donne-luiuneautrechance,s’ilteplaît.C’estcequejevaisfaire,moi.Situnerestespaspour

lui,resteaumoinspourmoi.

Jem’énerveànouveau.

–Maistuessourdouquoi?Ilneveutplusmevoir.Ilm’aoubliéeaussivitequ’ilm’aditqu’il

m’aimait.Toutçan’étaitqu’unramassisdeconneries.Laisse-moipasser,tuveux?

Horsdemoietenproieàunecolèreàlalimitedelafoliemeurtrière,jeluilanceplusieurscoups

depoingsurletorse.Ilm’agrippelespoignets,puismeplaquecontreluietfinitparm’enlacerdeses

brasenmebloquantdetoutessesforces.

Jenepeuxplusbouger.Jememetsinstinctivementàpleureràchaudeslarmes,nesentantplusni

moncorpsnimesjambes,enproieaudésespoirleplusabsolu.Jenetiensdeboutqu’àlaforcede

sonétreinte.

–Chut!Calme-toi,memurmure-t-ilavecdouceur.

Ildéposedelégersbaiserssurmonfrontetmesoulèveafindemeporteràboutdebras.Epuisée,

jecalemonvisagedanssoncouetmelaissebercerjusqu’àcequ’ilmeposedoucementsurmonpetit

lit.J’attraperapidementlecoussincontrelequeljemeblottis.Jesuisvannée,lessivée,vaincuepar

lapeine.

Tonyfaitdemi-tour,maisjeluidemandederesteravecmoi,alorsilfaitvolte-face,meregarde

intensémentetpenchelatêteenmescrutant,intrigué.Ilfinitparvenirs’allongercontremoisur

l’étroitmatelas.Jeposeànouveaumatêtedanslecreuxdesoncou.Cetteproximitémefaittellement

debien.Ilmeserrefortcontrelui.Sarespirationestlenteetapaisante.Ladouceurdecerythme

régulieradoucitmonchagrin.Ilposesonmentonsurmonfrontetmeconsole,m’enlaçantetme

berçantdesesbrasforts.Sonsoufflechaudm’effleurelevisage.Lessoubresautsdemesinspirations

s’apaisentaufuretàmesuredesapaisiblerespiration.Et,miracle,jemecalme.C’estexactementce

dontj’aibesoin.Jesoulèvelentementlatête,poseavecdélicatessemeslèvressurlecoindesa

boucheblesséeetl’embrassetoutdoucement.Jenecomprendspascequimeprend,maisjemesens

tellementseuleetvidequej’aibesoinderessentirlachaleurd’unautrecorpshumainpourmesentir

vivante.Ilnebougepas.Ilselaissefaire.Sarespirationetsonrythmecardiaques’accélèrentpeuà

peu

Quem’arrive-t-il?J’aienviedecebaiser,maisquellesqu’ensoientlesraisons,jesens

confusémentquejenedevraispas…Pourtant,j’accentuelapressiondemeslèvrescontreles

siennes.Ilgémitdoucementetsemetenretrait.

–Non…Ileana…Non…Dors…Jenepeuxpas.J’enaienvie,maislasituationestdéjàassez

compliquée,tunecroispas?

Jereposelentementmatêtesurl’oreiller,ilm’attireànouveaucontresontorseetmecaressele

dos.Jefinisparm’endormir,honteuseetassomméedefatigue.

***

Lebruitsecd’uneportequel’onouvreviolemmentmeréveillebrusquement.Tonysursauteet

bonditdulit…

Tony

Danslapénombredelanuit,jemetrouvefaceàLiam.Sonregardestemplidecolère.Ilvientde

débarquercommeunfoudansmonappartement.Ils’estprécipitésurmoietm’aplaquécontrelemur

delachambre.

Lamainqu’ilresserresurmoncoum’empêchederespirer.Jesuisàlalimitedel’asphyxieetlui

lâcheentredeuxinspirationsdifficiles:

–Calme-toi…Liam,jen’aipasenviedetefrapper.

Ilémetunrireméprisant.

–Vas-y…Frappe,moi.

Ilmedéfieduregard,maisjen’aipasenviederentrerdanssonjeustupide.

–Vousvousêtesbienfoutusdemagueule,hein?crachet-ilentresesdents.

–Neracontepasdeconneries,mec!Cen’estpascequetupenses,onn’arienfaitdemal.

Jeluiempoignelebrasquim’étrangle.Jen’arriveplusàrespirer.Ilsemetàhurler,lavoix

éraillée,lesyeuxexorbitésparlahaine:

–ARRETEDETEFOUTREDEMAGUEULE!

Ilmelâchelecou.Jereprendsunerespirationnormale,sentantencorelaprisedesamainsurma

pommed’Adam.Iljetteuncoupd’œilfurieuxversIleanaquiseréveilledifficilement.

Laseconded’après,ilmecolleànouveaudetoutessesforcescontrelemur.Ilmecomprimela

cagethoraciqueaveclecoude.

–Depuisquandvouscouchezensemble?

J’hésite…Ilmebousculeunenouvellefoisavecforceetcrieencoreplusfort:

–Depuisquand?

–Liam,lâche-le…s’ilteplaît,intervient-elle.

Lapetitevoixd’Ileanaretentitdanslapièce.Jetournelatêteetl’aperçoisdansl’obscurité.Elle

s’estassisesurlelit,lesjambesrepliéescontresonbuste.

Liamenlèvesonbrasdemapoitrineetsetourneverselle.Ilssefixenttouslesdeux.Sonregard

change,maissacolèreetsahainesonttoujoursperceptibles.J’aipeur…Ilestincontrôlable.Jereste

surlequi-vive,prêtàmemettreentreeuxdeux.Ilavanced’unpas,ellereculesurlematelas.Ilest

souscocaïneoutouteautredrogue,celasevoitdanssesyeuxvitreuxetilempestel’alcoolàtrois

bornes.Ilpourraitluifairedumal.Ils’avanceencoreverselle,jeréagis:

–Nelatouchepas,s’ilteplaît.J’aibiendessentimentspourelle,c’estvrai,maisnelatouche

pas.Ellen’arienfait.Onn’arienfait,d’accord?

Ils’immobilisebrusquement.Luiavoiravouémonressentivasûrementlerendreunpeuplus

furieux,maisils’enprendraàmoi,pasàelle.

Ileanamelanceundrôlederegard.Jen’arrivepasàledéfinir,maismonaveusemblel’avoir

choqué.Liamnousobserveunaprèsl’autre,hésitant.Sesyeuxsetroublent.Sonvisageseferme.Sa

mâchoiresecrispe.Iladumalàresterdebout.Iltitubededroiteàgauche.Sonregarddevient

indescriptible,unmélangedetristesse,decolère,dehaineetdeperplexité…Jedoisluiexpliquer

qu’elleestvenuepourlui,etnonpourmoi.C’estleseulmoyenpourqu’ilcontiennesastupidecrise

dejalousie.

–Écoute,Ileanaestvenue…

Jen’aipasfinimaphrasequ’ilsejettesurmoietmebalanceunesecondedroiteenpleinejoue.

Uneputaindedouleurm’ébranlelevisage.J’entendsIleanacrier.Jeperdsl’équilibreettombesurle

parquet.Moncrânepercutelesol.Jesuissonné.

J’essaiedemerelever.Jeneveuxpasqu’ils’enprenneàelle.Liamfinitparhurlercommeuntaré

ethapperd’ungesteviolentlescadresphotoquisetrouventsurlebuffetfaceàlui.JeperçoisIleana

quiseprotèged’éventuelséclats.Jereposematêtecontreleslattesenbois.Elleestbientroplourde.

Lecalmerevientsubitementjusqu’àcequej’entendelaported’entréeclaquer,faisanttremblerles

différentescloisonsquinousentourent.Jepivotesurlesoletessaiedemeredresseràlaforcede

mesbras.

–Ileana,çava?

Jenel’entendsplus…Alorsjemeredressepourm’accouderaumatelas.Ellefondenlarmes.J’ai

lesnerfsàvif,jecrie:

–Mais,quelcon!...

JemeglissepéniblementsurlelitetvaisimmédiatementenlacerIleanapourlaconsoler…

Liam

Mespenséesnesontpluscohérentes.Jenecomprendsplusrien.Jeméritesûrementcequ’il

m’arrive.Jel’aicherché,maispourquoi?Pourquoimaviemerdeàcepoint?Jehaiscetteputainde

vie.

Oui,biensûr,jesuiscélèbreetriche…Maisencontrepartie,jesuisseul…Bientropseul,

bordel!Personnenem’attendquandjerentrechezmoi.Jefoiretouteslesrelationsquej’aiavecles

femmes.Jenesaispasm’yprendre.

Tony,quiétaitlefrèrequejen’aijamaiseuetquej’auraisrêvéd’avoir,sortavecIleana.Cette

femme,cetteperlequiauraitpuêtremienne…J’auraisdûréagirplustôt…Commed’habitude,j’ai

toutgâché.J’auraisdûl’appelerdèsmonretouràAtlanta.J’auraisdûm’excuser.J’auraisdûallerla

retrouverpourluidirequejenepeuxtoutsimplementpasmepasserd’elle.Jen’enpeuxplus…Jene

suisqu’unbonàrien,bonsang!

J’aimarchépendantunbonmoment.J’aicroiséquelquesfansdanslarue.Qu’est-cequ’elles

foutentdehorsàcetteheure-ci?Lecoinn’estpastellementrecommandableàcetteheuredelanuit.

J’aiétéexécrableaveccesfillesquinedemandaientqu’unpeud’attentiondemapart.Jesuisà

bout…Mêmepluslaforcedesourire…deparler.Lesgensmetraquent,medisentqu’ilsm’aiment.

Pourquoi?S’ilssavaientcombienjesuisunpitoyableraté...

J’arriveenfinchezmoi.Montéléphonen’apasarrêtédesonnerpendantmontrajet.Jelesorsde

mapochepouryjeteruncoupd’œil:desappelsenabsencedeTonyetdesmessages…Que

pourrait-ilencoreavoiràmedire?Furieuxàl’évocationd’euxdeuxsurceputaindelit,jebalance

monportablecontrelemur.Ilsebriseenmillemorceauxetlefracasréveilleensursautmachienne

quidormaitpaisiblementdanssonpanier.

QuoiqueTonyveuillemedire,jen’enairienàfoutre.D’ailleurs,qu’est-cequ’ilpourraitbien

ajouter,aprèscequej’aivu?Jecrieetenvoievalserlapremièrechaisequimepassesouslamain.

–Qu’ilsaillentsefairevoir…touslesdeux.

J’arpentemonsalon.Lalumièrematinaleaenvahilapièce.Mappyn’apasbougé;ellemefixede

sesgrandsyeuxtendres.Lesourired’Ileanasurlaphotom’enfoncedansmesidéesnoires.Jemesens

vided’émotion,etpourtantleslarmesmebrûlentlesyeux.Jememetsàtremblertoutenobservant

cetteimage,prisedansuneruedeParis,aprèsnotrepique-nique.Cesouveniraquelquechose

d’atroce.Jelavoismesourire,jel’entendsrire,meparler…M’aimertoutsimplement…

J’aiperduIleanaàjamais.Etavecelle,j’aiTOUTperdu…BonDieu,quecessecetteputainde

souffrance…C’estavecmoiqu’elledevraitêtre,pasavecTony.

J’attrapelabouteilledewhiskyposéesurlebuffetetm’enfilelerested’untrait.Jefouille

fébrilementlesplacards;ilm’enfautencore,encoreetencore.Jusqu’àcequemeurecettedouleur

quidéchiremonâme.

Jefixeletiroirdumeubledevantmoi.Lavoilà,lasolution…J’empoignemonrevolver.Jele

charge.Jemelaisselourdementtombersurunechaise.Lecanonestfroidsurmatempe.Unedernière

fois,jefixeleregardd’Ileanasurlaphoto,puisjefermelespaupières,toutengardantsonvisageen

mémoire.

J’inspireprofondément.

Ileana

–Tony,donne-moisonadresse,s’ilteplaît.

–Etpuis,quoi?…Tuvasallerlevoir?Tuasvudansquelétatilétait…

Sonvisagesetorddedouleur.

–Aïe!Çafaitmal,cebordel…

LabaguedeLiamluiaentaillélevisage.Jepassedélicatementuncotonimbibédedésinfectant

sursablessure.

–Qu’est-cequevouspouvezêtredouillets,vous,lesmecs!

Ilmefixe,amusé,alorsquejenetrouveriendedrôleàcettesituation.Jeposelecotonsurlatable

etrevisselebouchondelapetitebouteille.J’attrapelaboîtedepansements,ensorsunetleposesur

saplaie.

–Voilà,Monsieurestpresqueguéri!

J’esquisseunlégersourire.Illèvelebrasetdéposesonindexsurmajoue.Jerivemesyeuxaux

siensetplongedanslevertprofonddesesiris.Ilmeregardeavecuneextrêmetendresseetsourit

faiblement.Jenebougepas,cesimplegestemefaitdubien.J’aibesoindecettedoucepromiscuité.

Ils’avancesurleborddesachaise,m’enrouledesesbrasetsemetpéniblementdeboutenpassant

sesmainslelongdemondos.

Jepressenscequ’ilvaarriver.Sonregardpénètrelemien,jeperçoispresquephysiquementson

attirance.J’aibeaucaptercedésirvibrant,cequejeveux,moi,c’estLiam,etpersonned’autre.C’est

plusfortquemoi.Hiersoir,j’aidérapé.J’étaisnoyéedansl’océandepeineetdecolèrequime

submergeait.J’aisansdoutedonnédefauxespoirsàTonyetjem’enveux.

Ilavancedoucementsonvisageverslemien,poseànouveausamainsurmajoue.Jepeuxsentir

sonsouffleeffleurermeslèvres.Jesoulèvelégèrementlatête.Lasensationestassezintense.Jeveux

lerepousser,maismoncœuravidededouceurestentraindemetrahir.Oui,Tonymeplaît:sa

tendresse,lasécuritéqu’ilm’offre,sonphysiqueàtombermetouchent.Ilalatêtesurlesépaules,il

estdouxetcharmant,maisceN’estPASLiam.Monamour,lui,estailleurs,auprèsdeLiam.C’est

contradictoire.Jemesenstroublée,maissurtoutinquiète.Quelquechosemeditquejedois

immédiatementrejoindrel’hommequej’aime.Ilestperdu.Tonyavaitraison:Liamabesoindemoi.

Jeneleramèneraipeut-êtrepasàlaraison,maisjemedoisd’essayer,pourl’amourquenousavons

partagéàParis.

Jebaisselatêtepourévitersonbaiser.

–Donne-moil’adressedeLiam,s’ilteplaît,Tony.Jedoisluiparler.

Ilsoupireettentederecouvrersesesprits.

–Wikerlystreet,numéro180.Prendsmavoitureetsers-toiduGPS,çairaplusvite,memurmure-

t-il,visiblementdéçu.

Ilmetendlesclefsens’excusant:

–Désolé,jen’auraispasdû…

–Tun’aspasàt’excuser.J’aicommislamêmebêtisehiersoir.

Sonvisageseferme,puisilmurmure:

–Oui,c’estça…Unebêtise…C’estunebêtise.

Ilsembleblesséparcemot.Jelefixe,étonnée,etmedirigeverslasortie.Jen’aipasenviede

m’attardermaintenantsurcedétail.Jemeprécipiteverslaporte.

Aprèsm’êtreperdueencheminmalgréleGPS,j’arriveenfindevantlarésidence180.Jefrappeà

plusieursreprises.Unchienaboie.J’attendsquelquessecondes,àl’affûtdumoindrebruitqui

filtreraitparlaporte.Jen’entendsrien,justelespasd’unchiensurduparquet.J’observeles

alentours.Jeremarqueunboutondesonnettesurmagauche.J’appuie.Lasonnerieretentit.J’insiste.

Seulslesaboiementsduchienmerépondent.

Jepatienteencoreunpeu,cherchantàmepersuaderqueLiamdoitêtreaulit.Avantdefairedemi-

tour,jetambourineàlaporteetcrie:

–Liam,tueslà?

Aucuneréponse…Jesoupirelonguement,déçue.Jefaisdemi-touretdescendslestrois-quatre

marchesduperronquandj’entendslaportes’ouvrirderrièremoi.

–Ileana…Qu’est-cetuveux?medemandedoucementLiamenpassantlatêteparlaporte

entrebâillée.

Ausondesavoix,jemeretournebrusquement.Moncœurfaitunbondtantilarborededétresse.

Sesyeuxsontminusculesetrougis.Sonteintestlivide.Ilavraimentmauvaisemine.Ilparaît

tellementfatigué,non…carrémentauboutdurouleau.

Jem’avancesanslequitterdesyeux.Jemesenssibouleverséequej’entremble.

–Écoute,situesvenuemedirecombientuesheureuseavecTony,turepasseras,O.K.?Cen’est

vraimentpaslemoment.

Ilmedévisageavecmépris.

–Et…s’ilteplaît,oublie-moipourlefaire-partdemariage!poursuit-il.

Iltentederefermerlaporte,mais,dansunréflexequimesurprendmoi-même,j’arriveàglisserle

pieddansl’entrebâillementpourl’enempêcher.

–Liam,ilfautqu’onparle.S’ilteplaît,laisse-moientrer.

Ilentrouvreànouveaulaporteetmejetteuncoupd’œilperplexe.

–Tuvois,là,maintenant,jen’aipaslamoindreenviedediscuter,lâche-t-ilfroidement.

Jelesupplieunenouvellefois.

–Jet’enprie,Liam…S’ilteplaît!

Agacé,ilsouffleetfinitparouvrirgrandlaporteenfaisantungestedepolitesseexagéré.Mon

sangseglaceàlasecondeoùjevoiscequ’iltientàlamain:unrevolver.

–Qu’est-cequetufaisavecça?Tuescomplètementmaladeouquoi?

Acesmotsetàmaplusgrandestupéfaction,ilsemetàrireàgorgedéployéecommequelqu’un

quiperdraitsoudainementlaraison.Puis,iljetteunregarddésabuséaupistolet.

–Tuvois,mêmeça,jen’yarrivepas…C’estpathétique,non?

Ilmetendl’armequejem’empressedesaisirets’avanceverscequisembleêtrelesalon.Jele

suis.

–Liam,pourl’amourduCiel,tais-toi…

Ilmecoupe.

–Situasenvied’appuyersurlagâchette…vas-y,netegênepas,poursuit-t-ilsurlemêmeton

ironiqueetdésespéré.

Ilseretourneversmoi.

–Jet’offriraisbienuncaféouunthé,descroissantsoudespetitspainsauchocolat,dit-ildansun

rirecaustique.Pourquoipas?…Maistusaisquoi?Jen’enaipaslamoindreenvie.

–Ilfautqu’onparledetoutcequetuasvuoucruvoircettenuit,tusais…Tony,moi…c’estun

malentendu…C’est…

Sonregardtranspirelahaine.Ilmecoupeànouveaulaparoleethausseleton.

–Tuveuxpapoterensouvenirdubonvieuxtemps…Bah!Tusaisquoi?Jen’enaipasnonplus

envie.Jemetapecomplètementdelamanièredontiltefaitprendretonpied.Jem’enbatsles

couilles,t’entends?!?

Profondémentblessée,jecrieàmontour.

–Arrête!Çasuffit,Liam!

Ilrevientlentementversmoi,lesyeuxexorbitésparlarage.

–Arrêter?...Tuveuxquemoi,j’arrête?...Tusaisquoi?...J’enaicarrémentmaclaquequeles

gensmedisentcequejedoisfaireoupas!«Cen’estpasbien,Liam!Arrête,Liam!Faisceci!Fais

cela,Liam!Calme-toi,Liam!Souris,Liam!»

Ilhurleenlevantlesbrasauciel.

–Jen’aiAUCUNEenviedemecalmer.

Lacolèrequimonteenmoiàcemomentressembleàuntsunami.Enentendantsavoixs’érailler,

envoyantsonregardàlafoisemplidehaineetdedésespoir,jemefige.

Ilreprendplusdoucement:

–Tusaisdequoij’aivraimentenvielà,maintenant?...J’aienviequetumefouteslapaix…J’ai

enviequetutecassesdemavie...J’aienviequetoutlemondemefoutelapaix,unepaixroyale,tu

entends?…Jevoudrais…Jevoudraisallersuruneîledéserte…Oui,tiens!Uneputaind’îledéserte

enpleinmilieuduPacifique,seul…Jevoudraisquelemondeentierm’oublie.

Ilm’attrapebrutalementparlesdeuxbrasetmesecouelégèrement,puisreprend:

–Mais,discuteravectoi…C’esthorsdequestion,tucomprends?

Laduretédesesmotscontrasteavecsavoixquis’adoucit.

–Jetehais…Ileana…Jetehais…Tupeuxcomprendreça?Alors,encoreunefois…Dégage!

Ilmelâchebrusquement.

–Pourquoiagis-tucommeça?Jenecomprendsvraimentplusrien.Tuterendscomptequetu

m’asditquetum’aimaisàParis?Cesmotsnereprésententdoncrienpourtoi?

–Jedis«jet’aime»àmaboulangère,jedis«jet’aimeaumondeentier»,rétorque-t-il,avecde

grandsgestesquiaccentuentsonagacement.Notrerelationn’ajamaisriensignifié.Cen’étaitqu’un

flirt,unepassade…Entoutcas,pourmoi.

Ilreculeetguetteattentivementmaréaction.J’aidumalàassimilersesparoles.«Jetehais…

etnotrerelationn’ajamaisriensignifié».Cesmotsrésonnentettournentdansmatêteàlafaçon

d’untourbillonmortel.Jedétournelentementlesyeux.Jesuisabasourdie.Jedevraismemettreà

pleurer,maisriennevient.Jesuissimplementhébétée.Monespritneréagitplus.Monregardsefige

surl’immenseportraitnoiretblancquimereprésente,surlemur,derrièrelui.

L’incompréhensionmesubmerge.Jereculecommeunautomateetlaisseglisserlerevolverqueje

serraisdetoutesmesforcesl’instantd’avant.Jen’entendsmêmepaslebruitdel’armecontrele

parquet.Lesilenceaenvahilapièce.Commeunrobot,jemedirigelourdementverslaporte.Unflot

d’émotionsquejetentepéniblementderepoussermepercuteviolemment.

J’entendsàpeinemavoixlorsquejeluidis:

–Tusais,sij’aifaittoutcevoyage,c’estpourtoietpourtoiseul.Malgrétoutcequ’ils’estpassé,

j’avaisencoredessentimentspourtoi…Jeveuxaussiquetusachesqu’iln’yaabsolumentrienentre

Tonyetmoiàpartpeut-êtrelepointcommundenosinquiétudes:toi…Maistun’enas

manifestementrienàfaire…Partafaute,jenesaisplusoùj’ensuis,maistut’enficheséperdument.

Jequittelamaisonsansunregardenarrièreetmeprécipiteverslavoituregaréesurletrottoir

d’enface.J’aienviedevomir.Monestomacestàlalimitedel’implosion.Jecouvremabouche

d’unemain,essayantdecontenirleviolentspasmequimeprend.

Acemoment,uncrissementdepneusretentitaucoindelarue.Surprise,jelèvebrusquementla

tête.

Tony

Jesuisinquiet.Celafaitdeuxbonnesheuresqu’Ileanaestpartie,etpourtant,ilfautàpeinedix

minutespourallerd’icijusquechezLiam.J’auraisdûl’accompagner.Ilétaitdansunsaleétattoutà

l’heure.Ets’illuifaisaitdumal?...

Non.Ilnelablesseraitpas.«Tony!Arrêtedetefairedumauvaissang.Ilssontadulteset

vaccinés,etc’estleurvie,aprèstout.Oui!C’estLEURhistoire.Tuferaisbienmieuxdechercher

unecompagneàaimeraulieud’essayerderabibochercesdeux-là.Tuperdstontempsetton

énergie.»

J’aiétémariéunepremièrefois,ilyaquelquetemps.Notremariageaduréunan.Ellem’atrompé

avecmonmeilleurpotedel’époque,unamid’enfance.J’avaisvingt-huitans…

Aprèsmondivorce,jesuispasséparunepériodeplutôtsombre.Jesuistombédansl’alcooletai

finidanslarue,sansunetuneenpoche.Puis,j’airencontréLiam,unsoirdansunbardelaNouvelle-

Orléans.Nousavonsrapidementsympathiséetilm’aaidé.Mevoilààtrente-sixans,maintenant.On

peutdirequemasituationestplutôtbonne,puisquejesuisacteurdansunesérieàsuccès.Je

commenceàfairemontroudanslemétier.Mavieestdevenueassezplaisante.Jen’aipasàme

plaindre,maismaviesentimentaleressembleplutôtàundésert.

Monrêveseraitderencontrerquelqu’unquiaitlatêtesurlesépaules,unefilleintelligente,douce,

attentionnéeetspontanée.Rienàvoiraveclesécerveléesàlaplastiqueartificielleetsurfaiteque

Liamramènedepuisquejeleconnais.Oui,ilyabienmesfansféminines,maiscontrairementàLiam,

j’évitedecoucheravecelles.Cecidit,Ileanaétaitaussiunefanàlabase…

Sij’avaisconnuIleanaavantlui,elleauraittrèsbienpuêtrecettefemmequej’attendscommeun

rêvelointainetinaccessible.Enfait,elleincarnepourmoilafemmeidéale.J’aimetoutchezelle,

depuissonsourirecharmeuretenfantinjusqu’àcettepetitemaniequ’elleadesemordillerleslèvres

quandelleréfléchitouqu’elleestconcentrée.Toutàl’heure,quandellemesoignait,jelaregardais

faire.C’étaitàlafoisenfantinetredoutablementsexy.

Jel’aimevraimentbeaucoup,oui,jel’avoue!Lepetitpincementaucœurquandjepensequ’ellea

rejointLiamnefaitquedeconfirmercettequasi-certitude.Ellevacertainementpassertoutsontemps

avecluipendantsonséjour,cequiseraitnormal,non?Oui,mais…«Tony!Tudéconnesàpleins

tubes,là!Cen’estnicequetuvoulais,nitonbutpremierenlapersuadantdefairelevoyage.»

Ilfautabsolumentquejemechangelesidées.Ilsfinirontbienparm’appelerpourdirequetoutva

biendanslemeilleurdesmondes.Jemelèvedemonfauteuiletmedirigeverslefrigo.Nousn’avons

pasdéjeunétoutàl’heure,etj’aifaim.Sijenefaispasquelquechose,jevaisdevenirfou.

Monportableposésurlecomptoirfaceàmoisemetàvibrer.Jesorsl’assiettedecharcuterieet

jetteuncoupd’œilàl’écranquiclignoteaurythmedesvibrations.C’estIleana!Jeréponds

joyeusement:

–Etalors,laMiss,tuesoù?Toutvabien?

Cen’estpaslavoixd’Ileanaquimeparvientauxoreilles,maiscelle,alarmée,deLiam.

Ilcrie,ilhurlemême.Jenecomprendsrienàcequ’ildit.Enproieàunesoudainepanique,mon

cœurfaitdesbondsdansmapoitrine.Quelquesmotspercutentviolemmentmoncerveauautraversdu

brouillardquivientdeseleverenmoi:

«Voiture,sang,accident…»

Liam

Jesuisàgenouàsescôtés.Mavueesttroubléeparleslarmes,moncœurbatàtoutrompreetmes

mainsnepeuvents’arrêterdetrembler.

–Monsieur,s’ilvousplaît,écartez-vous!

L’ambulanciers’accroupitetsepenchesurelle.

–Jesuisdésolé…Oh!MonDieu…Jevousjurequejenel’aipasvue.

Jelèvelesyeuxsurleconducteuratterré.

–Vousallezbien,Monsieur?medemandel’infirmier,enposantunemainsurmonépaule.

–Monsieur?...répète-t-il.

Jelèveunregardvideversmoninterlocuteur.Toutsemblesedéroulerauralentiautourdemoi.

Desvoix,descrisetmêmedessanglotsmeparviennentauloin.J’aidumalàpercevoircequi

m’entoure.J’ailesoreillesquibourdonnent.Toutlemondes’activeautourdemoi.Jesuisincapable

dumoindremouvement.Jesuisperdu,figé,commeimmobilisédansunespace-tempshorsduréel.

–Vousconnaissezsongroupesanguin?

Jetournelatêteverslepompierquimefixe.Aucunsonnesortdemagorge.Jedétournel’instant

d’aprèsmonregardversIleana.Elleestétenduesurlaroute,inanimée.

–Ellenebougeplus,articulé-je.

C’estlaseulephrasecohérentequej’arriveàarticuler.Jesensqu’onmetireversl’arrière.

–Monsieur,vousêteschoqué!Reculez,s’ilvousplaît,vousentravezletravaildesurgentistes.

JeneveuxPASreculer!Jecroismedébattrevivement,maismesgestessontlentsetmous.Toute

forcem’aquitté.Jetombeenarrièreetmeretrouveassissurl’asphalte.Jenepeuxpasm’empêcher

delaregarder.Jenevoisquelesang,toutcesang!Sonvisage,sonmagnifiquevisage,estcouvertde

sang.Sessplendidescheveuxbaignentdedans.J’approchelamainpourlatoucheretluienleverla

mècheensanglantéequiluicolleàlajoue.

Maisilssonttousautourd’elle.Jenepeuxrienfaire.Jesuisimpuissant,unefoisdeplus…Le

médecinambulancierl’examineencoreunefois.Ilhurlesesordresàl’équipe,mefaisantsursauterau

passage:

–Onl’emmène,vite!

Ilsetourneversmoi.

–Monsieur,vousêtesdelafamille?

J’ouvrelabouche,leregarde,perdu,incapabled’émettrelemoindreson.

–Monsieur?insiste-t-il.

Jefinisparmurmurer.

–Jesuis…sonpetit-ami.

–Trèsbien.Suivez-nous.

D’unseulmouvement,lestroishommesdéposentIleanasurlacivière.Jemelèveentitubantetme

hissepéniblementdansl’ambulance.

***

Latêteentrelesmains,j’oscillecompulsivementd’avantenarrièresurcesiègeenplastique,là,

danscefoutucouloird’hôpital.Toutestcalmeautourdemoi,bientropcalme.

Ilsl’ontemmenéeaublocopératoire.Cetteinsupportableattentemerendfou.Ilfautquejeme

lève.Jenetiensplusenplace.Ilmesemblequej’arpentedelongenlargelelinogrisdepuisdes

heures.J’observelesinfirmiersauloin,maispersonnenem’accordelamoindreattention.Je

m’effondreànouveausurmonsiègeetposematêtecontrelemur.

Dansmatête,lavoixdel’ambulancierrépèteenboucle:«Ellefaitunehémorragie».Jeme

répèteaumêmerythme:«MonDieu!Jeneveuxpaslaperdre…».Lesimagesdel’accidentme

reviennentsanscesse,commeuneobsession.Cetenfoirél’apercutéequandelletraversait.Comme

unevulgairepoupéedésarticulée,elleaheurtélepare-choc,puislepare-brise.Lecoupdefrein

résonnedansmesoreilles,dansmatête,strident…

C’estmafaute,j’auraisdûlaretenir,l’empêcherdes’enaller,luidire…Pourquoiluiavoirdit

toutesceschosesquejenepensaisabsolumentpas?Biensûrquenon,jenelahaispas.Au

contraire,jel’aimecommeuntaré!Jel’aimedepuislejouroùj’aiposémesyeuxsurelle.Depuis

l’instantoù,bousculéeparlafoule,elleestlittéralementtombéeàmespieds.

–Liam,tuasdesnouvelles?Commentva-t-elle?

Tony,lefrontplisséparl’inquiétude,arriveàmahauteur.Jeneluirépondspas.Jen’aiplusde

motset,àvraidire,jen’aipasderéponsesàsesquestions.Jebaisselatêteetmemetsàchialer

commeungosse.J’aimalaucœur,auxtripes,àl’âme,c’estl’enfersurterre!...Tonys’assiedàmes

côtésetmetapeamicalementdansledos.Jerelèvelatêteetleregarde,ancrantmesyeuxnoyésde

larmesdanslessiens.

–Elles’estfaitrenverserparunebagnole,finis-jepardire,atterré.

Tonyestadosséaumurenfacedemoi.Celafaitbienuneheurequenoussommeslà,morts

d’inquiétude,sansquepersonnenejugeutiledenoustenirinformésdesonétat.Nousn’avonspas

nonpluséchangélemoindreautremot.Jefixelesentaillesetleshématomessursajoueetsursa

lèvreinférieure.Jedevraism’excuser…

–Désolé,pour…

–Tuasvraimentfoirécettefois,remarque-t-il.

–Jesais…

–Tuluiasaumoinsprésentétesexcuses,j’espère?

Jebaisseleregard,envahiparuntelsentimentdeculpabilitéqu’ilnepourraitmêmepas

l’imaginer.

–Non…Jel’aienvoyéechier.

–Bordel,mais…

–Messieurs,votreamievientdeseréveillerensallederéanimation.

Unepetitedameenbloused’infirmièrevientànotrerencontre.Jemelèved’unbond.Elle

poursuit:

–Sonétateststable.Nouslatransféronsdansunechambredansunedemi-heure.Elleaeuun

traumatismecrânienmodéré,cequisignifiequ’elledevraits’enremettrerelativementrapidement.

Aucunefracture,aucunorganevitaltouché.Elleaeubeaucoupdechancevulaviolencedu

choc.Elleestvraimentforte.Unevraiedureàcuire!dit-elle,unlégersourireauxlèvres.

Ileana

Jemeréveilledoucement,lalumièredusoleilm’éblouit.Jetournelatêtepourl’éviter,maisune

douleurm’oppresselecrâne.Mesgestessontlentsetdouloureux.

Celafaitdeuxjoursquejesuiscoincéedanscelitd’hôpital.«Super,mesvacances!»Jeme

metsàrirenerveusement.«Mauvaiseidée!Aïe»Riremerappellemescontusionsaumoindreos

près.Jenepeuxmalgrétoutréprimercetaccèsd’hilarité.Lajoied’êtreencoreenvie?Peut-être…

Sansdoute.

–Qu’est-cequitefaitrirecommeça,mabelle?ditLiam,d’uncoindelapièce.

Jeluijetteuncoupd’œilrapideetsoufflelonguement,carmesdouleursmerappellentcruellement

àl’ordre.Jetournelatêteetm’efforcedemeconcentrersurletableaud’unchampdecoquelicotsqui

ornelemurfaceàmonlit.Qu’est-cequ’ilfaitlà,encore?Jen’aipasenviedelevoir.Celafaitdeux

joursqueLiametTonyserelaientàmonchevet,mêmeendehorsdesheuresdevisite.Ilsviennent

mêmeparfoisensemble,commehiersoir.Jen’ainil’envienilaforcedeleurparler,niàl’unnià

l’autre.

Liams’avanceversmonlit.Jemeconcentresurcettemauditepeinture.Jeluidemandepoliment:

–Laisse-moi,s’ilteplaît.

Ilposel’imposantbouquetderosesqu’ilvientd’apportersurlapetitetableàcôtédemoi.C’est

letroisièmebouquetqu’ilm’offreendeuxjours.Hiersoir,Tonym’aoffertunénormeoursen

peluchequimefaitfacesurlefauteuilaucoindelapièceetunecartequejen’aipasencoreeu

l’envienilaforcedelire.Machambrenevapastarderàêtretroppetite,s’ilscontinuentavecleurs

cadeaux.

Jemesensphysiquementfaibleetmoralementvraimentpasautop.Leurcontinuelleprésenceme

rappellel’accident.Jen’aiaucunsouvenirdel’impact,maistoutcequis’estpasséavantremonte

peuàpeuàmamémoire.JemesouviensdesparolesblessantesdeLiam,c’étaithorrible!Toutcela

n’auraitjamaisdûarriver.

Liams’avanceversmoiavecdouceur.

–Mapuce…S’ilteplaît,dis-moiquelquechose.

–Jepensequ’ons’estdéjàtoutdit.

Jeluilanceleregardleplushaineuxdemonrépertoire.Celafaitdeuxjoursquejeluidemandede

melaissertranquille,deuxjoursquejeruminedansmoncoinlesmotsqu’ilapumedire.Jesuis

prochedelafolie,àforcederuminersesmots.Encorequelquesjoursetjesortiraid’ici,decette

chambreglauque,auxmursbleupasteletauxaffreuxrideauxàfleursrosesdélavésquimedonnentla

nausée.Jerêvedepouvoirsortirdanslepetitparcquej’aperçoisparlafenêtre.

Àmasortie,jequitteraicepaysdemalheur.Jepartirailoind’euxetdececauchemar.J’ailemal

dupays.JeveuxretournerenFrance,chezmoi,dansmonpetitvillagequimemanquetant.

Hiersoir,aprèsavoirappelémamèrepourluidiredenepass’inquiéter,j’aieuunedame

charmanteduConsulatfrançaispourdesquestionsd’assurance.J’aiaussieumonpatron,M.Boyer,

pourluiexpliquerquejenereprendraipasimmédiatementmaplaceauseindesoncabinet.J’ai

mêmefailliluiannoncermadémission,maisjeneluiaipasdit,finalement.Laissons-nousletemps

delaréflexion.Cecidit,cetteidéemetrottedanslatêtejouraprèsjour.J’aibesoindechanger

radicalementdevie.Cellequej’aimenéejusqu’icinemeconvientplus.J’étouffe.

Liamm’attrapelamainetmelacomprimelégèrement.Ils’estavancéauborddulit.Jesensson

odeurfamilière.Cesimplegestemedonneànouveauenviedepleurer.Mesémotionssontdécuplées.

Jevaisexploser.Jemeforceàlesretenir.Jeretiresapoignedemonbras,tirantsurmaperfusionet

tournemonregardverslafenêtre.Jemeconcentresurl’infirmierquejevoisauloin,dansleparc,

promenantunedameâgéesurunfauteuilroulant.

JeneveuxpasqueLiammetouche.Déposantmalgrémoiunbaisersurmonfrontcouvert

d’hématomes,ilsusurre:

–Hé,s’ilteplaît,regarde-moi…

Jefermelesyeuxàsoncontact.Simoncorpsnemefaisaitpassimal,jeluirépercuteraistoutela

violencequejeressensàsonencontre,maisjesuistropfaible.Ilreprend,suppliant:

–Parle-moi.S’ilteplaît…

–Parler?...Tuveuxvraimentparler?Jepensaisquetunevoulaisplusparler.Surtoutavecmoi,

cen’estpascequetum’asditl’autrejour?

–Jenepensaispasceque…

Jel’interromps.

–Va-t’en!

Rienn’excusetoutcequ’ilm’aditl’autrematin.Ilreculeenbaissantlatêteet,toutenhésitant,il

sortdelachambresansmotdire.

Jeresteencoreunesemainedanscethôpital.Lesjoursquisuiventnesontpasdifférents.Tonyn’a

manquéaucunedesesvisitesquotidiennes.

Audébut,jenevoulaispaslevoir.Iln’yétaitpourrien,àvraidire.Maisilestarrivéàmefaire

rireavecsescadeauxplusridiculeslesunsquelesautres.Sesprésentsontcommencéaveclegros

oursenpeluchequimesurepresquemataille,ensuiteilm’aamenédesballons,desbonbons,des

magazines,desboulesàneigeetàchaquefoisunecarte.Jemesuisdécidéeàleslire,unsoir.Les

messagesétaientplutôtdrôlesetoriginaux,surtoutledernier:

«Chèrepetitetêtebrûléeoudevrais-jedire,cabossée.Non!Lesdeuxtevontbien,enfait.

Celafaitquatrejoursquejedévaliselaboutiquedel’hôpitalpourqu’enfin,tumedécrochesun

sourire!

Écoute,l’heureestgrave!Lafemmequitientlekiosqueenafranchementmarredemevoir.Je

metstoujoursuntempsfouàchoisirtoncadeau.Laprochainefoisquejevaisymettreunpied,

ellevasejetersurmoietm’étrangler.Si,sijet’assure!Alors,s’ilteplaît,souris-moi!T’es

tellementplusbellecommeça,etçamemanquevraiment!

Love,Tony

P.S.:Mavieendépend.»

Lelendemainmatin,jel’accueillisavecunlargesourire.Nousavons,commeànotrehabitude,

beaucoupparlé.Quandlesmédecinsm’ontautoriséeàsortir,ilm’aaccompagnéedanslepetitparc.

Ilaétéadorable,commetoujours.Ilm’aécoutée,conseilléeetconsolée.Nousavonsdiscutéetbien

ripendantdesheuressouslegrandchêne,assissurunbanc.J’aivouluéviterlesujet«L…»,mais

celan’apasdurébienlongtemps,l’ayanteuvingt-quatreheuressurvingt-quatredanslatête.Jen’ai

pascomprissonattitudeet,aufonddemoi,j’espéraistoujoursungeste,unmot…Jel’espère

toujours…C’estau-delàdemaraison.

J’aiapprisparTonyqueLiamétaitvenuprendredemesnouvelleschaquejourauprèsdes

médecins.Demoncôté,jen’aipasvoululecontacter,j’étaisencorebientropencolèrepourlui

parler.Sauf,qu’évidemment,Liamenavaitdécidéautrementetm’acontactéeparSMSlaveillede

masortiepourmecommuniquerunnouveaunumérodetéléphone.Jel’airemercié.Ilm’aappeléla

seconded’après,maisjen’aipasdécroché.

Lelendemainmatin,Tonyestvenumechercher.

Enfin,laliberté!...

–Alors,tuaspristadécision,turestesencoreunpeu?medemandeTonyenmarchantàmescôtés

danslehalldel’hôpitalentraînantmavalise.

–Jenesaispas…Maisunechoseestsûre:j’aivraimentenviederentrerchezmoi.

–Jecomprends,compatit-il.

Ilpoursuitenmemettantunlégercoupd’épauleamicale.

–Mais,situpars,jevaisquandmêmetemanquerunpeu,non?

Ilponctuesaphraseparunclind’œilcomplice.Jerisdoucementethaussesimplementles

épaules,incapabledeluilivrerlefonddemapensée.Ilestvraiqu’ilmemanqueraitsijeprenaisla

décisiondepartirmaintenant.Jemesuistellementattachéeàlui,cesdernièressemaines.

Lesportescoulissantess’ouvrentdevantnous.Ilfaittrèslourdetl’airhumidem’emplitles

poumons.Jesuisencoreunpeucourbaturée,cequirendmesgestesàlafoispéniblesetdouloureux.

J’aidumalàmarchercorrectementetmatêtetourneencoreparmoment,surtoutquandjerestedebout

troplongtemps.

Nousdescendonsl’alléepavéequimèneauparking,làoùestgaréelavoituredeTony.

Jeralentislamarchelorsquej’aperçoisLiam,adosséàlaportièreduvéhicule.Tonyseretourneet

meprécised’unairnavré:

–Désolé,ilaabsolumenttenuàêtreprésent.

Lesbrascroiséssurlapoitrine,ilfixeseschaussures.Commedecoutume,l’apercevoirme

procureunélectrochoc.Jeletrouvetoujoursaussisexyetcraquant,etilmemanqueterriblement.Je

ravalepéniblementmasalivealorsquemavueserepaitdesoncorpssublime.Illèvelégèrementla

têtequandTonys’approchedelui.Illuijetteuncoupd’œilavantdeposerlesyeuxsurmoi.

Ilestcoifféd’unbéretgrisquilaisseapparaîtresescheveuxchâtainssavammentdécoifféscomme

àsonhabitude.Unebarbedequelquesjoursluifoncelamâchoire,contrastantagréablementavecses

yeuxbleu-grisaussitranslucidesqu’ilssontsansrivage.Letimidesourirequisedessinesurses

lèvres,finesetcharnuesàlafois,faitapparaîtresafossettesurlajouedroite.Cellequejetrouve

tellementcraquante,cellequej’avaisobservéetantdefoisàParis.Sespommettesrosissentsousle

poidsdel’émotion.Pouryparer,ilmelanceunbrefsalut.

Jebaisseleregardquandjepassedevantluietl’esquivelorsqu’iltentedemeprendreparla

manche,maisilinsisteetarrivetoutdemêmeàm’attraperlebras.Ilmesusurreàl’oreille:

–Tuvasm’envouloirencorelongtemps?

Ilchercheàcaptermonregard.Jel’évitetoutennem’empêchantpasd’inhalersonparfumàpleins

poumonsetluilance:

–Lâche-moi!

Jecontemplesamainquim’entourelepoignet.Ildesserresesdoigtsetj’ouvrebrusquementla

portearrièreenlepercutantaupassage.

***

Pendantletrajet,chacungardelesilence,perduparsesproprespensées.Seulelamusiqueenvahit

l’habitacle.Noustraversonslaville,jem’aperçoisquejen’avaispasencorevulecentre-ville

d’Atlantaetsesgigantesquesgratte-ciels,nisesruesauxtrottoirsbondés.Jen’aimêmepaspu

profiterdemonvoyageauxÉtats-Unis…Plutôtironique,vuquejerêvaisdeveniricidepuismon

enfance.

L’atmosphèreesttellementtendueentrenousquececlimatirrespirableirritedésagréablementmes

nerfsdéjàbientendus.Nousnousarrêtonsàunfeurouge.JecroiseleregarddeTonyquim’observe

fixementdanslerétrocentral.Ilmeregardeavectendresse,commetoujours,etcettedélicate

attentionfinitparmemettremalàl’aise.

Toutàcoup,uneinopportuneenviederiremeprend.J’ignored’oùellememonte.J’essaie

d’aborddelacontenir,maisn’yparvienspas.Jerisdoucement,légèrement,puislevolume

m’échappe.Jenepeuxréprimerlefourirequimemonteàlagorge.LiametTonyseretournentdans

unmêmemouvement,indécis.

–Qu’est-cequ’ilt’arrive?melâcheTonyenhaussantlessourcils.

Jepassemonregardsurlesdeuxgarçonsquimescrutentcurieusement,sedemandants’ilsdoivent

participeràmasoudainejoieoupas.Auvudeleurréaction,monrirenefaitques’accentuer.Je

n’arrivevraimentpasàmecontenir.J’ignorepourquoijeris,maiscerelâchementmeprocureun

bien-êtrequejen’aiplusressentidepuisbienlongtemps.Ilssontridiculesl’uncommel’autre,et

moi,aucentre…Quellefarce,non,sansblague!Jepourraislesblessercruellementàl’instant,mais

cen’estpasgrave.

–Non,maisvousvousêtesvustouslesdeux?…Vousflirtezavecleridicule…Deuxgrandes

starsidolâtréespardesmilliersdefemmes…AmoureuxdelapauvrepetiteFrançaise,unpeu

cloche…LapauvrepetiteIleana…

Liamjetteuncoupd’œilrapideàTony.Surprenantsonregard,jereprends:

–Oui,Liam!Nefaispascettetête…Tonpoteaessayédem’embrasser…Oh!Maisc’estvrai…

moiaussietjeregrettedenepasl’avoirréellementfait,pourtedirelavérité.

LiamserrelesdentsetTonymefaitdegrosyeux.Ilsnedisentrien.Monrires’estompepeuàpeu.

Maintenant,j’aienviedepleureretjemedemandepourquoi.Monhumeurchangeaugréduvent,ou

plusviteencore.Tonysetourne,gêné,verslarouteetenclenchelapremière.Liamcontinuede

m’observersansmotdire.Ilseretournedemanièreàm’attraperlamain.Jelelaissefaire,maisson

contactmefaitmonterd’insupportablesboulesdanslagorge.Jepasseimmédiatementdufourireaux

larmes.Jedevienstotalementhystérique,maparole.JefixeLiamautraversdemeslarmes.Son

regardjusquelàtendu,devientinterrogatif,puisinquisiteur.Marespirationsefaittremblanteet

saccadée.Jesuisàlalimitedem’étouffer.L’airmemanque.

–Garelavoiture,Tony.Ellenevapasbiendutout,ordonneLiam.

D’uncoupdevolant,Tonysegaresurlebas-côtédelaroute.Jesuismaintenantprisedehoquets.

Cessoubresautsm’arrachentlagorge.Liamsortdelavoitureetseprécipitepourouvrirlaportière

etmetireraudehors.

J’essaied’inspirertoutl’airquejepeux,maisrienneveutentrerdansmespoumons.Jepanique.

Moncœurs’emballe.Mesjambessedérobent.Liammeretientetmesecouelégèrementpourqueje

concentremespenséessurlui.

–Calme-toi,répète-t-il,àmaintesreprises.

Jeremuelatêteetm’agrippeàsesbras.Ilattrapemonvisagepourquejelefixeduregard.Il

ancresesyeuxdanslesmiens.Jeneveuxpasleregarder,alorsjefermelespaupières.Ilinsiste:

–Regarde-moi!Hé!Calme-toi!

J’ouvrepetitàpetitlesyeux.L’angoisseestencoreplusgrandelespaupièresfermées.Jefinispar

écouterLiametplongermonregarddanslesien.Ilsembletellementinquiet.Jesuisattentivementses

conseils,commehypnotiséeparsesparoles.

–Calme-toi!Respireprofondément…Voilà…lentement.

Jegonflemespoumonsetaccentuelemouvement.Ilmechuchotetendrement:

–Voilà,commeça.C’estbien!Respire…Calmement…

Jecontinue.L’oxygènecommencepetitàpetitàemplirmespoumons.Jemecalme.Ilm’attire

doucementcontreluietm’enlace,poussantmatêtecontresontorse.Ilpasseunemaindansmes

cheveuxenunelégèrecaresse.J’enfouismonnezdanssoncouetm’enivredesonodeurrassurante.

Sonparfummedétend.

–Liam,fautqu’ondégage.Ilyaunconnarddepaparazzi,là-bas,s’écrieTony.

–Oui,attendsdeuxminutes.

Ilcontinuedemebercerdanssesbrastoutenposantsonmentonsurlehautdemoncrâne.

–Dépêche,ilvanouscasserlespieds,reprendTonyencontournantlavoiturepourremonterau

volant.

–Çavamieux?medemandeLiamsereculantpourmieuxmeregarder.

Jehochesimplementlatête.Jemesenstellementfatiguée.

***

Nousremontonsdanslavoiture.Liams’installesurlabanquettearrièreavecmoi.Jemecale

contrelui.Jesuistoujoursencolère,maissachaleurtendremefaitdubien.

Tonyemprunteuneruerésidentielle.Liammeserrefortetcaressemesbras.Jenereconnaispas

lesalentours.Jemeredressepourvoiroùnoussommes.Liamm’observe,attentif,commes’il

attendaitàunequelconqueréactiondemapart.Jesuiscomplètementperdue,lesmaisonnettes

mitoyennesparfaitementalignéesneressemblentpasàcellesduquartierdeTony.

–Onvaoù?demandé-je

Liamm’étreintplusfortetafficheunlégersouriretendu.

–Chezmoi,murmure-t-il.

Jem’écarteetledévisage,sentantunrelentdecolèremonterenmoi.

Tony

Jesavaisquenousn’aurionsjamaisdûl’amenerici.Nousenavonslonguementparléensemble,

maisLiamàinsisté.J’aicédéenmerappelantqu’ilestcenséêtresonpetitami,pasmoi.

Nousnoussommesgarésdepuisunepetiteminutedansl’alléedevantchezlui,àcôtédesapropre

voitureetdepuisqu’elleareconnulequartier,ilsn’arrêtentpasdes’engueuler.Devraisgosses!

C’estinsupportable.

Endescendantduvéhicule,lesportesclaquentetlesinsultesfusent.

–Jenevoulaispasrevenircheztoi,luicrie-t-elle.

Ilrépondsurlemêmetontranché:

–Aussilongtempsqueturesterasici…àAtlanta…turesteraschezmoi,pointfinal!

–Horsdequestion!JeveuxretournerchezTony.

–Pourquoi?sescandalise-t-il.

–Parceque!...

–Cen’estpasuneréponse…

–Si!C’estlaseulequetuauras…

IleanaplantesesyeuxfurieuxdansceuxdeLiam.Cedernierestdépité.

–Tuneretournespaschezlui.Findel’histoire.Savoixs’adoucit.Aveclareprisedutournage,

Tonyn’aurapasletempsdes’occuperdetoi.

Ilmelanceunregardpourquejeconfirmesesdires.Jemecontentedeleverlégèrementlesmains

enguisedeforfait.Jeneveuxpasprendrepartàleurdispute.Ileanas’étranglepresqueenfulminant:

–S’occuperdemoi?Non,maistut’entends?...Jenesuisplusunegamine,jen’aipasbesoin

qu’ons’occupedemoi!

Liamhausseàsontourlavoix,bienplussévèrequ’elle.Ilestbienplusmenaçant,neserait-ce

qu’autondesavoix,maisaussiauxtraitsdesonvisage.

–Alors,pourquoituagiscommetelle?

Jeprendslavalise,laposeàterre,refermelecoffreetm’adosseàlavoiture,attendant,lesbras

croiséscontremapoitrine.Ellelefusilleduregard.Jen’aimeraispasêtreàsaplace.Ellepeutêtre

trèsmenaçante,elleaussi.

–Jevaismetrouverunhôtel!

Ellem’arrachelavalisedesmainsetdescendl’allée.

–Ileana!Reviensici!Desuite!s’énerveLiam.

Elleluirépondencriantsansmêmeseretourner:

–Jenesuispastonchien!

–Reviens,maintenant!répète-t-illesdentsserrées.

Ellecontinuesarouteenlongeantletrottoirets’attardeàl’endroitprécisoùelleaétépercutée,il

yaàpeineunesemaine.Liamseprécipiteverselle.Jenepeuxm’empêcherdesourireenlessuivant

duregard.Lespectacleestplutôtdrôle.Jen’aijamaisvuLiamsi…désemparéetempressé.

Arrivéàsahauteur,illuiempoignelebras,lafaitseretournerbrusquement.Elletentedelui

mettreunegifle,maisill’esquive,sebaisseetlasoulèvecommeunvulgairesacdepommesdeterre.

Ellecriedeplusbelle:

–Lâche-moi!Tumefaismal…Mahanchemefaitmal!

–Alors,arrêtedebouger,dit-ilsimplementenempoignantlavalise,unefoisIleanaajustéesurson

épauledroite.

Elleluienvoiedescoupsdepoingdansl’arrièredescuissesetremueactivementlesjambes.La

voixàmoitiéenrayéeparlacolèreetlerire.Ellereprend:

–Tum’énerves,bordel!Lâche-moi.

–Sijetelâche,tutombes.

–Ah,ah,trèsdrôle!ironise-t-elle.

–Alors,pourquoiris-tu?...

–Jenerispas…c’estnerveux!

–Si…Turis.

–Tun’esqu’unhommedescavernes!glousse-t-elle.

–Waouh!Quelleinsulte!Jesuiscertainquetupeuxmieuxfaire,semoque-t-il.

Elleexplosederireetarrêtedebouger.Unsourirevictorieuxetquelquepeumachosedessinesur

levisagedeLiam.Enpassantdevantmoiavecsajoliepetitecharge,ilmejetteuncoupd’œilrapide

etm’expliquefurtivement:

–Jen’avaispaslechoix…

Jelèvelesbrasensignederedditionmuetteetneutre.Ill’emmènesousleporcheetladépose

délicatement.Unefoissurpied,elleattendqueLiamseredresseettentedeluilancerunegifle.Il

l’arrêted’unréflexe.

–Raté,lanargue-t-il.

Elleessaiedel’autremain,maisLiaml’agrippeaussiavecdoigté.

–Encoreraté…

Ilséclatentderire.

–Vousêtesdevraisgosses,sérieux!dis-jeenouvrantlaportièredemavoiture.

Jedoispartir.Jesuisattenduaustudioenfind’après-midi.Cesdeux-làsemblentêtresurlavoie

delaréconciliation.Pourvuquecettebonneententedureetqu’ilscessentdes’entretuer.Maiscelane

meregardeplus.Jem’effaceentoutediscrétion,labouleauventre,malgrétout.

Liam

Elleestrestéesurlepasdelaporte,danslehall,tenantsavalisedevantellecommepourse

protégerdemoi.

–Tuvasresterlàtoutlerestedelajournée?

–Peut-êtrebien,merépond-elleenhaussantlesépaules.Jenevoulaispasveniricidetoute

façon.

Elleafficheunlégersourirenarquoisenmefixantavecunregarddedéfi.Ellecroiselesbras.

J’émetsunpetitrireenlavoyantagirainsi.Elleadécidédenepasmerendreleschosesfaciles.

C’estdel’Ileanatoutcraché.Maisjesuisplutôtjoueur,moiaussi.Nousverronsquilâcheraen

premier.

Jem’adosseàlarampedel’escalierquimonteàl’étage.Jecroiseàmontourlesbrasetles

jambes,puisluiprécise:

–D’accord!Restons-enlà,alors.

Jesorsmonportabledelapochedemonjeanetlepianotesanstropsavoirquoienfaire.Jelui

jettedescoupsd’œilrapidesdetempsàautre.Ellefinirabienparbouger,mais,pourl’instant,elle

recoiffeseslongscheveuxd’ungestelégerdelamain.Jefixesoncouquandellereplacesa

cheveluresursonépaulegauche.Bordel!Jeluimordraisbienlecouafindegoûteràsapeau.

–Vas-y,faistavie,melance-t-elled’unairfaussementdétaché.

Jeluimens.

–Jen’airienàfaire.

Non!Putain…C’estfaux!J’aidenombreuseschosesàfaire.Jedoisrappelermonagent.Jevois

qu’ilaessayédemejoindrecinqfois,déjà.Jedoisallercherchermonscriptpourletournagede

demain.J’étaiscensépasseraustudiofairedesessaisdecostumes.Lanouvelleproductrice

exécutivevoulaitmevoiraussi;jenesaispaspourquoi.Bref!J’aidesmilliardsdechosesàfaire,

maistantpis,jeverraitoutcesdétailsplustard.Jesuisdéjàbientropoccupéaveccettedélicieuse

petitetêtedemuledevantmoiquineveutpasbougeretquimenargueavecsesyeuxdebicheetsa

postureprovocatrice.

Elleacroisésesfinesjambesetjedoisdirequelelégershortenjeanqu’elleportelesmetbien

envaleur.Elleabombéletorseetcettepetitetenuefaitressortirsessomptueuxseinsrondsdejeune

fille,quimedonnenttoutdesuiteenviedelesprendredélicatementdansmesmainsetd’yfourrer

monnez.Elleaposéunemainsursahancheetl’autremainvientcaresserlanaissancedesapoitrine

quilaisseapparaîtresonpetitdébardeurblanc.

Jebaisseleregard.Jenevaispastenirbienlongtempssanspouvoirlatoucher,sentantlapression

dudésirmonterenmoi.

–Arrêteçatoutdesuite,Ileana!

JelametsengardetoutenregardantmonécrandeSmartphone.

–Sinonquoi?Tuvasmeviolersurleparquetdetonhalld’entrée?

Oh!Ellenerigolepas,là.Jeviensdemelaprendreenpleineface,cetteremarque.Letempsdes

reprochesarrive…C’estinévitable!

–Tuessérieuse?Tuviensvraimentdedirequejevaisteviolersurleparquet?

Ellesouritavecuneoncedemachiavélismedansleregard.Ellecontournesavaliseets’avance

d’unpasfélinversmoi.J’aiaumoinsréussiàlafairebouger,maisàquelprix?

–Oui,jesuissérieuse,dit-ellesurlemodedesadémarchelangoureuse.

Tousmessenssontenéveil.Elleestblessantedanssesparoles,maissonallureprovocanteest

vraimentexcitante,bandantemême,pourêtrehonnête.Monsangboutetmoncœurpalpiteàvive

allure.J’aichaud.Ellesecollecontremoietcaressemajouequiadûvireraurouge,vulachaleur

quim’envahitsubitement.Jen’aipastouchéunefemmedepuisplusd’unesemaine…uneputain

d’éternitéquejen’aipasbaisé…Jesuisunpeutenduàceniveau-là,maissij’ai,neserait-cequ’une

chancedelarécupérer,jedoisarrêtermesconneriesetsaisircequeleDestinm’offre.

Jefourremonportabledansmapocheetluiagrippeleshanches,laserrantplusfortcontremoi,la

frottantsurmonérectionnaissante.Lasensationdesoncorpscontrelemienm’exciteencore

davantage.Ellesourit,etjeperçoisqu’elleestsimplemententraindem’allumer.Larespiration

courte,jegrogne:

–Tujouesàqueljeu,là?

Ellenerépondpasetsecontentedepassersamaindansmescheveux,puisdelestirerenarrière.

J’inclinelatête,enravalantmasalive.J’essaiemalgrétoutdecaptersonregard.Jeveuxqu’elleme

regarde.Jeveuxvoirledésirdanssesyeux.Jeveuxlesentir.Jeluiempoignelesfessesdemesdeux

mains,puislasoulève.Elleenroulespontanémentsesjambesautourdemoi.Jelaportecontrelemur

d’enfaceetlaplaquepourm’aideràlasoutenir.J’enfouismonnezdanssoncou.Jerêvaisde

pouvoirlefairedepuisdeslustres.Jelamordille,lèchesapeausucrée.Ellegémitenposantsatête

contrelacloison.Jesuisàlalimitedeperdrelecontrôle.Putain!Quec’estbondelasentir,dela

toucheretdelagoûterànouveau.Moncorpstremblededésir.Illaveut,là,contrecemur.

Aprèsl’avoirpousséecontrelemur,j’écrasemeslèvrescontrelessiennesetouvrelabouche

avalantlessiennesavecfougue.Malanguelapénètreavecunefaimféroce.Àboutdeforce,jela

laisseretombersursespieds.Ellemefaitreculerpourmefairepivoteretmeplaqueràmontour

contrelaparoi.Nosgestessontbrusques,presquebestiaux.Nousstopponsdeconcertnotrebaiserle

tempsqu’ellem’enlèvemontee-shirt.Nousreprenonsaussitôt,affamésl’undel’autre.Jenesaispas,

si,jevaispouvoirattendrebienlongtempsavantdeluiarrachersesvêtements.J’attrapeletissude

sonhautetcommenceàlesoulever.Elleserecule,poseunemainsurmontorseetmefixedroitdans

lesyeux:

–Non!Onenrestelà.

«Quoi?Ellenevapasmefairelecoupdel’allumeuse,bordel?Jesuischaudcommeunhaut-

fourneau…»

–Quoi?Non,mais,sérieux?

Jesuisàdeuxdoigtsdel’étrangler.Unsourireespièglesedessinesursonvisage.Ellepose

délicatementsamaindevantsaboucheetagitcommeunepetitefillequiviendraitdefaireunebêtise

etqui,enplusdecela,enesttotalementconsciente.Ellesefoutdemoi.Jenerêvepas.

–Oups!rit-elle.Souvenirs,souvenirs…Liam…

Ellevacherchersavaliseetpassedevantmoi,lemêmesourireauxlèvres.Ellemedemande

innocemment:

–Oùestmachambre?

Jem’énerve,ramassantmontee-shirtausol.

–Quoi?Souvenirs,souvenirs?...Situasuntrucàdire,dis-le,maintenant!

Ellemefaitsignederéfléchirentournantsonindexcontresatempe.

–Paris…Restaurant…Jeucoquin…Chambred’hôtel…

Jelacoupe.

–C’estbon,j’aicompris.Arrête!T’esvraimentaussirancunièrequeça?

Ellehausselesépaulesetcontinuedesedirigerverslesalon.Machiennequittesonpanierpour

alleràsarencontre.Ileanasebaisseetlacaresse:

–Tonpapaestvilain.Ilt’aréveillée?

Ellerelèvelatêteet,commesiderienn’était,ellem’interroge:

–C’estquoi,sonpetitnom?

Jemerhabilleetattrapelesclefsdemavoituresurlepetitmeubleprèsdelaported’entrée.J’ai

besoind’allerprendrel’air.Aveclafrustrationquejeviensd’emmagasiner,ilvautmieuxqueje

parteavantdedirequelquechosequejeregretteraiforcément.

–Mappy,elles’appelleMappydis-jeenouvrantlaporte.C’estbon,lesreprochessontfinis?

Ellenemerépondpas.Jelaissetomberetpars,claquantlaportederrièremoi.

Ensortantdel’appartement,j’appellemonagent.Ilmeproposeunnouveauprojet.Unfilm,

l’affairedel’année,medit-il.Ilm’envoielescénario,ilnepeutpasmeleremettreenmainspropres.

Ilestpourplusd’unmoisàNewYork.Ilmefaitparvenirplusdedétailsparfaxaustudio.C’estlà

oùjemedirigedetoutefaçon.

Celafaitvingtminutesquejeroule,l’espritperturbé.

–Ehmerde…Faischier!

Jememetsàjurerentapantcontrelevolant.Jesuisàbout.Jesuisplutôtpitoyableencequi

concernemesrelationsaveclesfilles,maislà,Ileanaestingérable,têtueetcapricieuse.J’aiatteintle

sommet.Cecidit,jel’aimecommeuntaré.Jel’aidanslapeauetnepeuxmerésigneràlasentir

autrement.

J’aiuneputaind’enviedeboiretoutàcoup,demedéfoncer,d’oublier.

–Chier!Chier!Chier!

Jemedéfouleànouveausurlevolant.

–Merde!...

J’arriveenfindevantleportailélectriquedesstudios.L’agentdesécuritédanssonabrimefait

signe.Leportiques’ouvre.

Ilstournentenextérieuraujourd’hui,devantlebâtimentcentralsurleterrainaménagéenparcde

détentepourlesbesoinsdelasérie.Ilsontd’ailleurscommencé.Jemegaresurleparkingàcôtéde

lavoituredeSophia.Touslestechniciensetl’équipesontenplace,silencieux.Marc,leréalisateur

estcommetoujourslecasquesurlesoreillesetlestyloàlabouche,affalésursonfauteuilfixantson

petitécran,attentifaumoindredétail.TonyetSophiasedonnentlarépliqueprèsdubanc.

Jesorsdemavoitureetm’avanceverslescaméramans.Certainsfigurantsrestésàl’écart

attendentleurtouretmeregardentarriveravecunecuriositémêléederespect.Ungroupedefilles

chuchoteetmelancedelargessourires.Jen’aipasletemps.D’ordinaire,jeseraisallélessaluer,

lesembrasser,lesserrercontremoipourfairedesphotos,maisjen’aipasenvieetaiautrechoseen

tête.

Commetoutlemondeautourj’observelascène.LejeudeSophiaesttoujoursaussiprécisdans

sesémotionsetsagestuelle.Elles’avanceversTonyetposesamainsursontorse.Ilsepencheet

déposeunbaisersurlerecoindesabouche.

Moncerveautilte.Jenepeuxm’empêcherdevoirIleanaàsaplace.L’entendreànouveaumedire

qu’elleavoulul’embrasser.Jepoursuismonchemin,accélérantlepas.Jenepeuxplusm’arrêter,

pousséparlacolère,lajalousieetunsoupçondehaine.Jemontesurleterre-plein,jetraversele

parc,medirigetoutdroitsurTony.J’entendsMarccrier:

–Coupez!

SophiaetTonysetournentversmoidansunmêmeélan.Ellefaitunpasenavant.Jeluisiffleentre

lesdents:

–Écarte-toi!

Jeneveuxpasluifairedemal.Tonys’avanceàsontour.Jelefixe.Jemeprépareàluienvoyerun

uppercut.

Jeleluienvoie…Putain…Quecegestemesoulage!J’enavaisbesoin.

Iltrébucheettombeparterre.J’entendscrierautourdemoi.Jemepenchesurlui.Ilsemblesonné.

Jeluicrache:

–Ça,c’estpourl’avoirramenéeici.

Ilserecule,rampantausol.Ilneréagitpas.«Putain!Ilvasebouger,oui!Sereleveretoser

m’affronter.»Mahargnecontinue;c’estplusfortquemoi.Jem’élanceànouveauetluienvoieun

coupdepieddanslescôtesethurle:

–Ça,c’estpournem’avoirriendit!

Sophiatentedemefairereculerencriantetmetirantversl’arrière.

–Liam,arrête!Qu’est-cequ’ilteprend?

Tonyrecule,seprotégeantleventreetgrognantdedouleur.JerepousseSophiaetlanceunautre

coupdepiedmoinsciblé,cettefois.Jehurlesifortquej’entendsrésonnermavoixdanslesilence

qu’aengendrémaviolence.

–Etça,c’estpourl’avoirembrassée.

Jemanquemoncoup.Quelqu’unmetireversl’arrière,maiscettefois,lapoigneestplusvirile.Je

metournedansunréflexe,prêtàbondir.Marcetunautretypequejen’aijamaisvumefontface.

Tonys’estrelevéderrièremoi.Marcregardepar-dessusmonépauleetfulmine:

–Non…Tonylaissetomber!

Jefaisuntoursurmoi-mêmeetn’aipasletempsd’esquiver.Jereçoisuncoupenpleinestomac.

Ladouleurmefaitmeplier.Tonygrogne:

–Putain,maistuestarémonvieux…Qu’est-cequinetournepasrond,cheztoi?

UnagentdesécuritécourtversnousetattrapeTonypourlebloquer.Tonysemetàmedébiterun

flotdeparoles,lahaineauvisage,mefixantdroitdanslesyeux:

–Sielleneveutplusdetoi,c’estpourunebonneraison…Tuasfoiré,vieux…Tuastoutmerdé,

commeungrandconnard…Abrutifini,débile,drogué…Tunepeuxt’enprendrequ’àtoi-même.Ettu

saisquoi?Jesuisfierdet’insulter,pauvrecon…

Enragé,jemedébats.Jeveuxluiencolleruneautre,maisonmebloquelesbras.Ilpoursuit:

–Tunelaméritespas!Tun’esqu’unpauvretype.Neviensplusmetrouverquandtuteseras

défoncéetfaitmettreunebonneraclée.Car,ça,oui!Tulamérites,labonnegrossetartedansta

petitegueuledeminet…

Marclecoupeets’interposeentrenous.

–Fini!Vousallezréglervoscomptesailleurs,Dégagez!

Leréalisateursetourneverslespersonnesquinousentourentethurle:

–Letournageestfinipouraujourd’hui.

Ilmelanceunregardquienditlongsursonméprisàmonégard.

Ileana

Depuisqu’ilestpartijenesaisoù,jenecessedefouinerunpeupartoutdanssamaison.Cela

m’occupeenl’attendant.

Jesuismontéeàl’étage.Mappymesuitdocilement.Danslecouloirsetrouventquatreportes.Je

commenceparlapremièresurmadroite.C’estlasalledebain.Riend’extraordinaire:unedouche

italienneséparéedurestedelapièceparunevitre,deuxvasquesenverreposéessurdesplacards

suspendusetunimmensemiroirquiprendpresquetoutlepandemur.Jerepèreimmédiatementla

bouteilled’Azzaroposéesurl’étagèrefaceàmoi.Jelaprendsetl’ouvrepourinhalersonagréable

odeur.Hum!Mesnarinesfrétillentdeplaisiretmoncorpsfrissonne.J’auraispeut-êtredûleretenir

pluslongtempstoutàl’heure.Jerisetreposeleflacon.

Jepasseàlapiècesuivante.C’estunechambresansgrandintérêt.Ellenedoitpasêtresouvent

occupéeetaérée,vul’odeurderenferméquis’enéchappe.Unechambred’amis,jesuppose…Je

refermelaporteetmetourneverslasuivante.Jel’ouvreetmeretrouvedansundressingremplide

fringuesentoutgenreavec,contrelemursouslafenêtre,unvieuxcanapé.Jem’avancedevantles

grandesétagères,passemamainsurlarangéedevestesdecostumessuspendusàlalonguetringleet

m’arrêtedevantunmonticuledetee-shirtsbienpliés.J’enprendsunetlerenifleàpleinspoumons.

Queldélice!Jemedéshabilleetl’enfile.Portersonparfumsurmoimeravit.

Jejubileintérieurementàl’idéedevoirenfinsachambre.J’ouvrelaporte,maislareferme

aussitôtlorsqueMappyjappedoucement.

–Liam,tueslà?

Cettevoixfémininequiprovientdurez-de-chausséemeditvaguementquelquechose.Mappy

semblelareconnaître,carelleseprécipiteenbassansaboyer.

Arrivéeaumilieudesmarches,j’aperçoisSophiaquisetourneversmoi.Elleadoptealorsun

regardfaussementétonnéetfinitparmetoiserdehautenbas.Immédiatementsurladéfensivejefais

demême:jel’observe,attentiveaumoindredesesfaitsetgestes.Aucunedesesmimiquesne

m’échappe.

Ellemelanceunsourire,totalementhypocrite.Jeluirendsinstantanémentlapareilletouten

continuantàladétailler.Jeravaleuneprofondeboufféedejalousieenvoyantcombiencettefilleest

parfaite.Sesmagnifiquescheveuxmi-longsonduléssansaucunefourcheluitombentparfaitementsur

lesépaules.Ilssontsoyeuxetbrillants,àfairepâlird’envien’importequelcoiffeur.Sonvisagerond

luidonneunairdepoupée.Sapeausatinéenedévoileaucundéfautdanslalumière.Soncorpsaux

courbesparfaitesmerappellecombienilesturgentpourmoidereprendrelesport.Sesjambessont

longuesetminces.Jenepeuxm’empêcherdelescomparerauxmiennes,sipetitesetpotelées.

–TudoisêtreIleana,jesuppose?melâche-t-elle.

–Enpersonne,oui!

Ellemelanceunsourireprédateurdévoilantunedentitionparfaite.

–Jecomprendsmieux.

–Tucomprendsmieux,quoi?

–LecomportementdeLiametTony…

–Quelcomportement?couiné-je.

Elleestlàdepuisuneminuteàpeineetj’aidéjàenviedel’étriper.Ellejetteuncoupd’œilversle

salon.Naturellement,ellenerépondpasàmaquestion.

–Liamestrentré?

Jeregardeautraversdesbaiesvitréesdusalon.Lesoleilsecoucheàpeine.

–Non,pasencore,pourquoi?

Jedescendslesdernièresmarchesetmedirigeverslacuisine.J’ailagorgesèche.

–Jem’inquiéterais,sij’étaistoi,insinue-t-elleinsidieusement.

Ellemesuit.J’attrapeunverredansleplacardetsorsunjusdefruitdufrigo.

–Tun’espasmoi!

–C’estsûr,maismoi,jem’inquiète…

–Tupeuxprécisertapensée?

–Ben…Liamestplutôtinstableencemomentet,aprèslecirquequ’ilnousafaittoutàl’heureau

studio…

Ellesepasselentementlamaindanslescheveuxetpoursuitd’unevoixpleined’allusions.

–Ilpourraitpeut-êtrefaireuneénormebêtise…

Elleinsistesurlemot«énorme».Jemefaisdusouci,maisjeneluiferaipasleplaisirdelelui

montrer.

–Tuveuxquejeluitransmetteunmessagedetapart,quandilrentrera?dis-jepoliment,alorsque

j’aienviedel’envoyertoutdroitbrûlerenenfer.

Ellem’agaceetsijenemetspasuntermeàcettediscussionrapidement,jevaisfinirparmejeter

surelleetluiarracherlesyeux.Jesuisvraimentàcran.Ellesemetàriredemanièreprovocante,

puismedévisage.

–Non,non,jevoulaissimplementprendredesesnouvelles,vuqu’apparemmentpersonned’autre

nes’enpréoccupe…

Jeclaqueviolemmentlaportedufrigo.Jeboisunegorgée,alorsquemonenviedemeurtrecroît

dangereusement.

–Bon,écoute,situasquelquechoseàmedire,àmereprocherouquoiquesoitd’autre,vas-y,

crachelemorceau.

Elledétaillematenueetfaitminederéfléchir.

–Non,non,rien…Hum…jolitee-shirt!Figure-toiquec’estmoiquileluiaioffertàson

anniversaire…Oh!Ounon!ÀNoël,peut-être.Jenesaisplus…Bref.Jenesavaispasqu’ill’avait

gardé.

Jeserrelesdentsetgrogneenmoi-même,puisjejetteuncoupd’œilàMappyquim’observe

attentivementeninclinantlatête.Jeluimurmurelesdentsserrées:

–Tucroisquej’ailedroitdeladépecer…justeunpetitpeu?

Lachiennepenchedavantagelatêteetgémitdoucement.Àcemoment-là,jesuiscertaineque

Mappypenseàlamêmechosequemoi.

–Bah,vas-y…Tegênepas,medéfie-t-elleappuyéeàl’encadrementdelacuisine.

–Jenevoudraispastedécoiffer,dis-jeavectoutledédainquejeressens.

Elleritencore,m’énervantunpeuplus,puisrajoute:

–Aufait,tudirasàLiamqu’ilaoubliéunpullladernièrefoisqu’iladormichezmoi...Enfin

dormi…,précise-t-elle.

Ellemefaitunrapideclind’œilaprèsm’avoirunenouvellefoistoiséedehautenbasetsedécide

enfinàpartir.Monsangnefaitqu’untour,jelasuisdanslecouloir.Derage,j’enlèveletee-shirtet

luijetteenhurlant:

–Jen’enairienàfoutredecequetuasfaitounonaveclui,lasemainedernière.

Jemens.J’ailesnerfsenpeloteetilvamelepayer.

–Tontee-shirt,tupeuxtelemettreoùjepense!Ettusaisquoi?Iln’enaplusrienàtaperdetoi

etdetoncorpsd’anorexique.Etaufait,tun’espasencouplepourlemoment?…Tunevoudraispas

quetonpetitamiapprennequesapouffiassedecopinesetapetouslesmecsqu’ellecroise,non?

Dis-le-moi,jemeferaiunplaisird’allerlemettreaucourant.

Ellemefaitdegrosyeuxetpestetouteseule.Jejubile.Ellepréfèrepartirsansrienajouter.Je

prendsunmalinplaisirenclaquantlaportederrièreelleetjesouffleunboncoup.

Macolères’estompepeuàpeu.Celafaitdixminutesquej’essaied’appelerLiam.Ilnerépondni

auxappelsniauxtextos.Jedécided’appelerTonyquidécrocherapidement.

Tony

–Hé!Miss,toutvabien?dis-jed’unevoixlasseencollantlapochedeglaçonssurlebasdema

joue.

J’aihésitéavantderépondre.Aufonddemoi,jepensequejeferaismieuxdeprendrelelarge,

maisjenepeuxm’empêcherdemefairedusoucipourelle.C’estplusfortquemoi.J’espèrequ’ilne

luiestrienarrivéetqueLiamn’apasdérapéaupointdeluifairedumal.

–TusaisoùestLiam?

Forcément,c’estpourluiqu’ellem’appelle.Jepousseunlongsoupir.

–Non,jenesaispas.

–JeviensdevoirSophiaetelleafaitdessous-entendusbizarres.Qu’est-cequ’ils’estpasséau

studio?

Savoixestbourréed’inquiétude.Commentfait-ellepourressentirencorecegenredechoses

aprèstoutcequ’illuiaditetfaitsubir?Jeluimens:

–Riend’important.

Elleinsistemalgrétout.

–Tuescertain?Jemefaisdusouci.Iln’esttoujourspasrentré.

J’évitelesujet.Jen’aivraimentpasenviedeparlerdeluiavecelle.Ilestsûrementallése

saouleroupire,seshooter,maiscequejem’apprêteàluidemandermetracassetroppourm’attarder

sursarelationaveclui.

–Ileana,jepeuxteposerunequestion?

J’hésite.Jepenseconnaîtrelaréponse,maisj’aienviedel’entendredevivevoix.

–Oui,vas-y,jet’écoute.

Jesensqu’ellesourit.

–Tul’aimesencore?...Enfin,jeveuxdire,mêmeaprèsqu’ilt’aitdittoutesceschoses

horribles…Tul’aimesencore?

Unlongsilences’installe.Jenesupportepascesilence.Jepréfèreleprendrepourunmomentde

réflexion,alorsjepoursuis:

–Tutesouviensdecequetum’asditlafoisoùjet’aiappeléepourtedemandertonaideafinde

lecalmer?

–Oui,répond-elledoucement.Jet’aiditquejenevoulaispluslevoir,qu’ilm’avaitfaittropde

maletquetoutétaitfini.

–Exact!Ettutesouviensdecequetum’asditàl’hôpitalmardidernier?

–Oui,soupire-t-elle.Quejenevoulaispluslerevoiretqu’ilétaitallétroploin.

–Etmalgrétoutça,tun’aspascessédel’aimer,jemetrompe?Sinon,tuseraisdéjàrepartie,

n’est-cepas?Alors,pourquoi?Qu’est-cequ’ilt’apporteàpartbeaucoupdesouffranceinutile?

Jel’entendssoufflerànouveau.Elleréfléchituninstant.

–Jenesaispas,Tony.Jenesaispasquoitedire.Cen’estpasquelquechosequisecontrôle.Tout

cequejepeuxtedire,c’est…C’estleseulhommequim’aitfaitressentircegenredechoses,aussi

tordusoit-il.

Elleritlégèrement.

–Oui,maisàpartcettepeine,iltefaitressentirquoid’autre?Jenecomprendspas.

–L’amour,secontente-t-ellederépondreévasivement.

–Ilvat’entraînerdanssachute.Tuenesconsciente?Ilfinirapartefairedumal...

Ellemecoupe.

–Tony,cen’estpastoiquim’asdemandédeluiaccorderunesecondechance?Pourquoias-tu

changéd’avis?Qu’est-cequis’estpassétoutàl’heure?Dis-moi,jet’ensupplie.

–Cen’estpastellementcequis’estpassétoutàl’heure,maismamanièredevoirleschosesquia

changé.

–…

–J’aidessentimentspourtoi,Ileana.Jenepeuxpasrestersansrienfaireouriendire,tu

comprends?

J’auraisdûluidiretoutceciavant.Jen’entendsplusunbruitàl’autreboutdelaligne,alorsje

poursuissurmalancée:

–Réfléchis.Tuaslechoix:resteravecunhommeinstablequifinirasûrementpart’enfonceravec

luioualors…jevienstechercher,là,maintenant,etturevienschezmoi,avecmoi.Cen’estpasce

quetuvoulais,toutàl’heure?

–Tunepeuxpasmedemanderça…

Sentantmoncœurseserrer,jelacoupe.

–Pourquoi?

–Parceque,commetuviensdeledire,jel’aimetoujours.Enfin,jecrois…Ilyaquelquechose

deplusfortqueçaentrenous,j’ensuiscertaine.Etilnemeferajamaisdemal,j’ensuisconvaincue.

Jeserrelesdents,déçuparcetteréponse,maisjem’yattendais.Jeluiprécisequandmême

gardantunlégerespoir:

–Jeseraitoujourslàpourtoi,d’accord?N’hésitepas.

Ellemerépondd’unevoixtropdoucequimefaitmal:

–Merci,çaira,j’ensuissûre.Encoremerci,Tony.Mercipourtout.

Ileana

Pourlavingtièmefois,jefaisletourdusalon.Leportabletoujoursenmain.Jejetteunénième

coupd’œilàl’horloge.Ilestminuitpassé.CetteconversationavecTonymetroubleetl’absencede

Liammeperturbe.Ilsvontmerendrefolle.

Toujoursaucunenouvelle.Jenesaispasquoifaire.Cetteabsencemetueàpetitfeu.Jem’inquiète

deplusenplus.Ilfautquejefassequelquechose.Qu’a-t-ilencorefait?PourquoiTonyest-il

tellementencolèrecontrelui?Est-cedûàsespseudo-sentimentspourmoi?Toutecettehistoirepart

vraimentenvrille.Sophiaa-t-elleraison?Toutestdemafaute…

J’attrapeunenouvellefoismontéléphone.Jeluilaisseencoreunmessagevocal:

–Liam,s’ilteplaît,allumetonportable.Appelle-moi.Faisquelquechose.T’esoù?Jesuislàà

tournerenrondseuledanstamaison.Jen’aipasdevoiture.Jenepeuxpasbouger.Jevaisdevenir

folle.Rentre,s’ilteplaît!Siçapeuttefaireplaisir,jem’excusepourtoutàl’heure.

J’attendsquelquesminutes.Toujoursrien.Génial!Enplus,ilsemetàpleuvoiretd’énormes

éclairszèbrentleciel.C’esttotalementflippant.Lalumièresautedetempsentemps.Lescoupsde

tonnerrecommencentàs’enchaînerfaiblementpuisdeplusenplusfort.

Regarderlatélé,cen’estmêmepaslapeined’ypenseravecl’oragequisévit.Fouiller

l’ordinateurportableposésurlatablebassedevantmoi?Non,mêmesi,j’avoue,laperspectiveme

tente.

Alors,jepréfèremonteràl’étage.Jevoulaisvoirsachambre,Sophianem’enapaslaisséle

tempstoutàl’heure.J’ouvrelaporteetallumelalumière.Unimmenselitdéfaitmefaitface.

Plusieurscoussinssontétaléssurlesoldepartetd’autredulit.Unlégersourireétiremeslèvres.On

diraitquedesgenssesontbattusici.Contrelemurderrièremoi,leseulmeubledelapièceestorné

dedifférentscadresphoto.Curieuse,j’avancepourlesobserver.Cesontdesclichésdeluietdesa

famille,endéduis-je,enlevoyantbébé,enfantetadolescententouréd’inconnus.Jeprendslecadre

devantmoi.C’estlaphotolaplusrécente,mesemble-t-il.

Liamposeavecunejeunefille.Ilsontl’airtrèscomplices.Ilestmagnifiquesurcettephoto:

naturellementsexyetattirant,unsourireépanouietéclatant.Ilal’airdétenduetheureux.Ilssontdans

unjardin.Letempsparaîtclément.Derrièreeux,desenfantssebaignentdansunepiscine.Liamtient

unespatuledebarbecued’unemainetpassel’autrebrasautourdelajoliedemoisellequisouritenle

fixantdesesyeuxdecebleuclairquim’estsifamilier.

Toutescesphotossonttrèspersonnelles.Ellesmerappellentamèrementqu’enfait,jeneconnais

riendelui.Jeneconnaisnisafamille,nilenomdesavillenatalenimêmelesprénomsdeses

parents.J’aisubitementenvied’ensavoirplus,maisn’est-ilpastroptard?Jedevraisêtreencolère

contrelui.Jevoudraisluienfairebaver,mais,aufinal,jen’yarrivepas.Jel’aipousséàbouttoutà

l’heureetmaintenantj’enpayelesconséquences,carjesuisrongéed’inquiétude.Tonyasûrement

tortsurunpoint:cen’estpasluiquivam’entraînerdanssachute,maisbienlecontraire.Jesuis

parvenueàresterfortejusqu’àprésentetn’aipasfui.Cen’estpasmaintenantquejevaislâcher

prise.

Jem’assoissurlelitconfortable,caresselesdrapsdecoton,prendsleseuletuniquecoussinqui

restesurlelit,leserrecontremoietenfouismonnezdedanspourm’emplirdel’odeur,sonodeur.Je

melaissetomberenarrière,puism’allongeetmerecroquevilledanslesdrapsblancs.Mappycalesa

truffesurleborddumatelasprèsdematêteetmeregardeavecinsistance.Cettechiennemesuit

partout.Elleestvraimentadorableettrèscâline.Jetapotesurlelitpourl’inviteràgrimper.

–Heureusementquetueslà,toi.Allez!Monte.Jenesaispassituasledroit,maistantpis,il

n’estpaslà.Allez,viensMappy!

Ellehésite,maisfinitparbondirsouplementetvenirseblottircontremoi.

Liam

Jemesuisgarésurleparkingdel’aéroportHartsfieldd’Atlanta,lemoteurtourneetmesmains

tremblentsurlevolant.UnAirbusestsurlepointdedécollerauloin,surlapistequimefaitface.

Surmadroite,danslapénombredelanuit,arriveunjeunecoupleenlacé.L’hommetireunepetite

valiseettientsacompagnedesonautrebrastoutenl’embrassant.Ilsontl’airtellementheureuxet

amoureux…Jelesenvie.

Jevoulaispartir.N’importeoù.J’étaissurlepointdetoutquitter.J’aihésitéàm’arrêterau

Tamy’s,laboîtedestrip-teasenonloind’ici.Jevoulaisboire,mesaouler,oublier…

«Bordel!Liam,celaneteressemblepas.Qu’est-cequ’ilt’arrive?Cettefois-ci,tuesallé

beaucouptroploin.»

Monportablevibresurlesiègeàcôtédemoi.Jejetteuncoupd’œilrapideàl’écran.Ileana.Le

cœurlourd,jesouris.Ellen’arrêtepasdem’appeler.Sielleétaitdanslesparages,jeluidiraisque

c’estàlalimiteduharcèlement.Jel’entendsd’icimerépondreensouriantavecsapetiteminede

chipie.Oui!Ellemerépondraitquejen’aiquecequejemérite.

Jen’aipasencoreprisdedécision.Quevais-jefairedenousdeux?Enfin,s’ilexisteencore

unnous…Jusqu’àprésent,j’aitoutfoiré,maisjegardeaufonddemoiunputaind’espoirdenous

donnerunedeuxièmechance,dumoinssielleveuttoujoursdemoi…

J’éteinslemoteur.J’aibesoind’air.Jemarchecalmementsurlelongparkingdebéton,éclairépar

quelquesfaibleslumières.Monespritestenvahitantparlessouvenirsdecesderniersmoisquepar

desimagesdemonpasséfamilial,lesdébutsdemacarrièreetlesgensquiontcroisémonchemin.

–Excusez-moi,monsieur,faitunevoixmasculinederrièremoi.

Nel’ayantpasentenduarriver,jemeretourne,surpris.Uncoupled’unequarantained’années

accompagnéd’unejeuneadolescentemedévisageavecdegrandsyeuxremplisd’admiration.Je

reconnaisceregardentremille.

–VousêtesbienLiam…

Safillel’interrompt.

–Oui,papa!C’estlui,tais-toi!

Ellefusillesonpèreduregard.Jerisdoucement.Cettetoutejeunefille,presqueencoreenfant,me

faitimmédiatementpenseràmapetitesœuretlesincalculablesfoisoùelleseprenaitlatêteavec

monpèrepourdesbêtises.

–Jepeuxfaireunephotoavectoi?medemande-t-elle,metendanttimidementsonSmartphone

déjàbranchésurlafonctionappareil-photo.

–Oui,biensûr.

Jesourisetattrapeletéléphone,mepencheunpeupourmemettreàsahauteur,l’enrouledemon

brasettendsl’appareilpourprendrelecliché.

–Attends,onenprenduneautre,ajouté-je.

Jedéposeunbaisersurlehautdesoncrâneetimmortalisecemoment.

–Voilà,princesse.

–Merci,merci,merci,necesse-t-ellederépéter,ravie.

Jeluifaisunclind’œilcompliceetluirendssonportable.

–Merci,monsieurd’avoiraccordéunmomentàmafille,meremerciel’hommeenmetendantla

main.

Jeluiempoigneetlaluiserrevirilement.

–Rhô,Papa!Arrête,c’estfranchementlahonte!

Lajeunefilleestàlalimitedes’enfoncerdanslebitume.J’éclatederireetlesquitteenles

saluantd’unsignedemain,puismedirigeversunpoteauetm’yadosse.Jedécided’appelerma

sœur.Celafaitunbailquejen’aipasentendusapetitevoixhorripilante.Troplongtemps,enfait.

Auboutdequelquessonneries,elledécroche.

–Salutp’titesœur.

–Oh,frérot!Tuasretrouvémonnuméro?Commentvas-tu?

Ellenemelaissepasenplacerune.

–Tusaisqu’ilyadesgensquidormentàcetteheure-ci?dit-elleavecuneoncedereprocheque

jeconnaissibien.

–Trèsdrôle,Lily.Désolépourl’heureet,désolé,j’étaisoccupé,cesdernierstemps.

–Ouais!Çafaitbeaucoupde«désolé»etd’«occupé»,toutça.Occupémêmepourlesparents,

apparemment.Mamandevientenragéeàforcedenepasarriveràtejoindre.

Jepousseunlégersoupir.Jevaism’enprendrepleinlatête,c’estsûr.Malgrétout,savoixmefait

dubien.

–Oui,jesais,j’aientre-aperçusesappels.

–Ettunelarappellespas?Bon!Dis-moi,tutelaissesallerencemoment.Écoute…Jenevais

pasyallerparquatrechemins.Ilesttard.J’étaisentraindefaireunrêveplutôtsympathiqueetje

devraist’envouloirpourça…Mais,putain!Qu’est-cequetufous?Ons’inquiète.Mêmegrand-père

s’arrachelescheveuxenapprenantlesconneriesquetuenchaînes?Tusais,mêmeauvillage,ona

internet…Onvoittout.

–Grand-pèren’adéjàplusdecheveux,dis-jeironiquement.

–Ben,raisondeplus!Ilvafinirparneplusavoirdepeausurlecaillouàcetteallure.À

Kentwood,toutlemondeparledetoi,mêmeMichèle,lavoisine,quipourtantbavesurtoiàchaque

foisqu’elletevoit,commenceàdirequetuprendslagrossetête.Non,maissérieux?Redescendssur

terre,cinqminutes!Lesmédiasyvontfortsurtoi!Tufaislaunedessitesàscandale.J’espèreque

c’estquedesconneries.Sic’estvrai,t’esqu’unputaind’abruti…

Jelacoupe.Ellemesaouleàdébitervingtmotsàlaseconde.

–Tais-toi,Lily!Çafaitdeuxsecondesqu’onparleetj’aidéjàmalàlatête.

–Connard!

J’éclatederire.Masœuretsalégendairedélicatesse.

–Non,maissérieux!Qu’estcequ’ilteprend?Aufait,tuesàAtlantaouàNewYork?reprend-t-

elle.

–Atlanta.

–D’accord,etalors?Ilvientd’où,lesouci?Lefilsprodigedérapeàcausedequoi?Oupeut-

êtreplutôtàcausedequi?

Elleasavoixdepetitefouineuse.Ellemeconnaittroppourquejeluicachequoiquecesoit.

–C’estàcaused’unefille.

–S’ilteplaît,nemedissurtoutpasquetuasremislecouvertavecSophia…Tout,maispasça!

Non,non...non.

–Lily,arrêteavecelle.Ellenet’ajamaisrienfait.

–Àmoi,non…Maisàtoi…Onnepeutpasdirequ’elleaététrèshonnête,hein?Brefcontinue,je

metais,promis.

–Jecroisbienquec’estlabonne…

–Sally,Sophia,Maryetl’autrejesaisplussonnom,c’étaitaussilesbonnes…

Jelacoupeàmontour.

–Lily,arrêteçatoutdesuiteoujeraccroche.

–O.K.,O.K.,jemetais.Vas-y,crachelemorceau.

Jen’aipasencoreouvertlabouchequ’ellerecommence.

–Justeunpetittruc.Sic’estlabonne,pourquoit’asl’airsimalheureux?

–Cen’estpasellequimerendmalheureux.C’estplutôtmoietmesconneries.Jefaistoutfoirer

commeuncon.

–Ça,c’estparcequetul’es!

Ellepouffe.

–Lily,t’asfini?

–Sorry…

Ellereprendsonsérieux.

–Bon.Etc’estquoiquilarendsispéciale,celle-là?

Jeréfléchisquelquessecondes.

–Elleest…Elleestmagnifique,intelligente,naturelle,rafraîchissante…

Ellenemelaissepasfinir.

–Oui,bon,enclair,t’esamoureuxd’elle,j’aicompris,mais…lepetittrucquitefaitdireque

c’estLAbonne?

–Elleesttêtue,bornée,casse-piedsetmemethorsdemoi…Elleaunpeutonfoutucaractère.

–Vraiment?Oh!Jesuisflattéeetjesensquejevaisl’adorercelle-là.Tunouslaprésentes

quand?

–C’estça,leproblème.Jenesaismêmepassijesuisencoreavecelle.

–Ettuluiasfaitquoi,aujuste,pourenêtreàcepoint-là?

–C’estunelonguehistoire,maisj’aiétéunvraiconnard.Jen’aipassupportéqu’ellenefassepas

cequejeluidisedefaireetjen’aipasvoulul’écouteret…

Elleritdeplusbelleetjemetais.Qu’est-cequ’ellepeutêtrechiante,parfois.Ellen’aaucune

maturité,àvraidire.Elleadix-neufansetondiraitqu’elleenadouze.Jenesaismêmepaspourquoi

jecontinueàluiracontermeshistoires.

–TuasfaittonLiam,engros!

–Lily!Tuasfinidetefoutredemagueule?

–Bon,etc’estquoileplan?

–Quoi?Quelplan?

–Hé!Oh!Banane!Ilfautteréveiller…Toc,toc!Y’aquelqu’undanstapetitetête?Tucomptes

bienfairequelquechosepourterattraper?Jenesaispas,moi…dustyleluioffrirdesfleurs…un

resto…unenuitdefolie.Bihhh!Non,oubliecequejeviensdedire.C’estdégueulasse!Jevais

fairedescauchemars,maintenant…Non,maissérieux,tun’aspasdeplan?

–Àvraidire,jen’yaipasencoreréfléchi.

Jeretournetranquillementversmavoituretandisqu’ellepoursuit:

–Toutd’abord,tuvasmefaireleplaisird’ypenser.Tuluisorslegrandjeu,lesviolonsettoutle

bordelquivaavec.Vousvousréconciliez,vousvousfaitesdegroscâlinsettoutettout,maispas

trop,hein?Jenesuispasencoreprêteàêtretatie.C’estquoi,sonprénom?

–Ileana.

–D’accord!Donc,tuluisorslegrandjeuàtonElena…

Jerectifie.

–Il..e…ana.

–Oui,bah!Ons’enfout!C’estpareil.Promets-moidenepasfaireleconencore…etsiellepeut

tefaireoublierl’autre…?

–Lily!...

–Jen’airiendit.Bon,alors,maintenant,réfléchisàtonplanetlaisse-moidormir,carjetravaille,

MOI,demain.

–Etjenetravaillepas,MOI,peut-être?

–Tuparlesd’untravail,tu…

Jel’interrompsensoupirant,sachantdéjàcequ’ellevamedire.

–Lily,tais-toi.S’ilteplaît.

–Bonnenuit,frérot.

Jeraccrocheenarborantunlargesourireetremontedansmavoiture.Cetappelm’aremisles

idéesenplaceetm’afaitunbienénorme.

Jerentreàlamaison.Ilestplusd’uneheuredumatin.J’espèrequ’Ileananem’envoudrapas

trop…

Ileana

Jesensquelquechoseremueràcôtédemoi.Mappyvientdeseleversurlelitetdebondirsurle

parquetfaisantclaquersesgriffessurlebois.Elleremuedanstouslessens,raviederetrouverla

personnequipénètrediscrètementdanslapièce.

–Mappy,sorsdelà,murmure-t-ilfermement.

JereconnaislavoixdeLiam.Monespritsereconnecte.Jedistingueàpeinesasilhouettedansla

pénombredelachambre.Ils’approchedemoietjel’aperçoisentremespaupièresencorelourdesde

sommeil.Ilsepenche,attrapedélicatementledrapquimerecouvreàpeineetlesoulèvepourle

ramenerdoucementjusqu’àmesépaules.J’émergelentement.Moncorpsproteste,maisjeluttecontre

lesommeil.

Desonindex,ilmecaresselajoue.Jegémisdoucement.Mavisionjusque-làfloueseprécise.Il

m’observeattentivementettendrement.Jeluisouris.Ilfaitdemêmeavecuneimmensetendresse

dansleregard.

–Tunedorspas,mabelle?

Ilretiresamain,maisjelarattrape.

–Tuétaisoù?dis-je,lavoixencoretoutensommeilléeetenrouée.

Ilsepenchepourdéposerundouxbaisersurmonfront.Seslèvressontsichaudesetsonsouffle

mecaresselevisage.Commecettesensationestagréable.

–Nullepart.Dors!Onparlerademainmatin.

Ils’écarteetsedirigeverslaporteentrouvertesurunfiletdelumièreprovenantducouloir.

Jemeredressemollementsurmescoudes.

–Oùvas-tu?

–Jevaisdormiràcôté.Désolé,jenevoulaispasteréveiller.Jetelaissetranquille.

–Non,reste.Dorsavecmoi,s’ilteplaît.

Ilpasselamainderrièrelacloisonetéteintlalumièreducouloir.

–D’accord,j’arrive.

Ilenlèvesontee-shirt,défaitsaceinture,laissetombersonpantalonetlepoussedupied.Jeme

décalepourluilaisseruneplace.Jeglissemonregardsurleslignesparfaitesdesoncorpsquime

manqueterriblement.Ils’allongedélicatementsursonflancdroitafindemefaireface,sesoutientla

têted’unemainetm’observetrèstendrement.

–Dors,jesuislà,maintenant.

Jeplongemonregarddanslesienetluisouris.

–Tusais,c’estsuperdurdes’endormirquandquelqu’unteregardecommeça,dis-jeen

gloussant.

Ilritàsontourets’allongefaceauplafond.Jemeredresseetmecollecontreluienpassantma

mainsursontorse.Ilposesonbrassurlemienetmelecaressedoucement.

–Tuétaispasséoù?demandé-jeànouveau.

–Tuveuxvraimentparlerdeçamaintenant?Ilesttard.

Ilmelanceuncoupd’œillégèrementagacé,toutenposantsonautrebrasautourdemoipourme

serrerplusfortcontrelui.Jecontinuetoutdemêmeenletaquinantunpeu:

–Tucroyaiséchapperàl’interrogatoire,peut-être?

M’appuyantdavantagesursontorse,jevoisunegrimacededouleurpassersursonvisage.Je

l’examined’unpeuplusprèsetremarqueunlégerhématomesursescôtes.

–Qu’est-cequ’ilt’estarrivé?

Ilsouffle.

–Rien,jet’aidit,dors!

Jeluifaisdegrosyeux.Cetteblessurenefaitqu’aiguisermacuriosité.Ilsouritbêtement,puis,en

l’espaced’uneseconde,ilmefaitbasculersurledosets’allongedetoutsonpoidssurmoi.Ilattrape

mesdeuxbrasetmelescroiseau-dessusdelatête.Jemetortilleafind’échapperàsonemprise,

maisc’estpeineperdue.Cettepositionm’amuse,finalement.Jeluifaisunepetitemouepour

l’amadouer.

–Dis-moi,s’ilteplaît…

Ilavancesonvisagepourl’arrêteràquelquescentimètresdumien.Ileffleuremeslèvresdes

siennes.Aumomentoùjepensequ’ilvam’embrasser,ilm’ordonne:

–Dors!

J’avancemonvisage,faisantmoiaussiminedevouloirl’embrasser.

–Non.

Ilmelâcheetseredresse.

–D’accord,jevaisdormiràcôté.

D’unréflexe,jeluiagrippelebrasetl’attireànouveauàmoi.

–Non,c’estbontuasgagné,reste.Jemetais,jenedemandeplusrien.

Jefaisminedebouder.Ilposesescoudesdechaquecôtédematête,mefixeattentivementavecun

sourirevictorieuxetlâche:

–C’estbien.Bravefille.

Ilanticipemaréactionetselaisseretombersurlelit,seprotégeantdesesbras,enexplosantde

rire.Jeluibalanceunebourradesurl’épauleavantdememettreàmontouràcalifourchonsurson

ventre.Jeluiattrapelespoignetset,detoutmonpoids,jelesluibloquederrièrelatête.Ilritdeplus

belleetmedéfie:

–Tucroisvraimentavoirassezdeforce,peut-être?

–Non,maistuvastelaisserfaire.

Sonregardchangebrusquement.Sonexpressionsefaitintéressée.

–C’estuneproposition?

J’effleureànouveauseslèvresdesmiennesetluimordilledoucementlalèvreinférieure.

–Non,unordre!

Ilgrognededésir.Jeluilâcheavecprécautionlesbras.Ilobservemesmoindresgestessans

bouger,maisàpeineredressée,ilmeplaquelesmainsauxcuisses.Jelesluienlève,mécontente,et

revienslesluicroiserderrièrelatête,puisjerouspète:

–Tunemetouchespas.Tutecontentesderegarder.

J’enfouismonvisagedanslecreuxdesoncouetluimordsdélicatementlelobedel’oreille,puis

susurre:

–Contente-toideprofiter.

–Jenepeuxpasjuste…

Jelestoppeenposantmesdoigtssursabouche.

–Chuuut!Laisse-toifaireettais-toi.Tuserasungentilgarçon.

Ilritetlesmusclesdesesbras,jusque-làtendus,serelâchent.Jemelaisseglissersurlui,le

frôlantetl’excitantaupassage.Jedéposedepetitsbaiserssursontorse,commençantparchacunde

sespectoraux,léchantlecontourdesestétonsdressés.Ilgeintetlâchedepetitsbruitsqui

m’encouragentàpoursuivre.

Legoûtdesapeauestundélice.Celamerendtotalementdingue.J’aimêmeenviedelemordre

pourlegoûterpleinement.Jeposemesmainsdepartetd’autredesonbustequisesoulèvelentement.

Jefrottemonventrecontresonérectionnaissante,puispoursuismalentedescentelelongdeson

corps,glissantmeslèvressursesabdosetalternantavecmalangueavidedesasaveur.

Ilgémit,setordetsecrispesousl’assautdemesbaisers.Iljouelejeu,maisjesensquec’estune

réelletorturepourluidemelaisserlecontrôler.Lemaîtriserdecettemanièrem’exciteauplushaut

point.Jemeconcentresurlebasdesonventreetl’embrasseàplusieursreprises,puismestoppeen

arrivantauniveaudel’élastiquedesonboxer.Jerelèvelatêteetluijetteuncoupd’œil.Sonvisage

esttenduparledésir.Ilseredresseetnosregardssecroisent.Jeluisouris,coquine.Sesyeuxme

dévorentlittéralementetmesupplientdecontinuer.Ils’humecteleslèvresetavalesasaliveen

respirantparsaccade.Ilposesesmainsencoupemesjoues.

–Embrasse-moiencore,m’implore-t-il.

–Reposetesmainslàoùellesétaientouj’arrête.

Ils’exécute,laissantretomberlourdementsatêtesurl’oreiller.J’aperçoisque,malgrétout,il

sourit,alorsjepoursuis.

Lentement,jedescendssonboxersursescuissesmusclées,laissantsedresserlibrementsonsexe

gonfléetdéjàplusqueprêt.Jelelibèredesonsous-vêtement.Alasimplevuedesapuissante

érection,j’aienviedeluigrimperdessusetdem’empalersurlui.Mais,cesoir,jeveuxledominer.

Jeveuxqu’ils’abandonnetotalement.Jeveuxressentirlapuissancedesondésir.Jeveuxquenos

retrouvaillessensuellessoitlemeilleursouvenirdesavie.

J’attrapedélicatementsonpénisetledirigeversmabouche.Jel’avaleavecprécautionet

douceur.Jeglissemeslèvreslelongdesonsexeenléchantchaquecentimètrecarrédesapeausi

douce.Malanguetitilleleszoneslesplussensiblesdesongland.Jelesavoureavecgourmandise.

Ilgémitpoussantdepetitsgémissementsrauques.Soncorpssetortillesousmescaressesdeplus

enpluspressantes.Sonsouffles’accélère.Iltendsesbrassurlematelasetagrippelesdraps.Son

torsesesoulève.Sarespirationsecoupeparmomentetillâchequelquessonsétouffés.

Jecontinueencoreetencore,prenantunréelplaisiràlesentirsifragileetdésarméfaceàmes

caressesetmesbaisers.Jepassemesdoigtssursestesticulesetlesprendsàpleinemainpourles

caresser.Jepoursuismesva-et-vientavecmaboucheetmalangue.Jesenssesjambestrembler.Il

estaubordduprécipice.Jerefusedelefaireattendre.Jeveuxqu’iljouisseégoïstement,qu’iloublie

quenoussommesdeux.Cesoir,c’estuniquementpourlui.J’accélèremesmouvements,resserremon

empriseautourdesonpénisdurci.Jel’engloutismoinsprofondémentpourmaintenirlapressionet

l’accélération.

Ilgrognedeplusenplus,murmurantdesdébutsdephrasesqu’ilnepeutfinir.Jesaiscequ’ilveut

medire,maisjen’arrêteraipas,j’iraijusqu’aubout,jusqu’àcequ’ilserépandeaufonddemagorge.

Iltentedem’attraperlatête,maisrespectelesrèglesdujeuquejeluiimposeetreposelourdement

sesbrassurlesdraps.Soncorpsvacilledeplusbelle.Sonventresegonfleetsecreuse.Ses

testiculessecontractentsousmesdoigts.Ilbloquesoudainsarespirationetunsonétranglésortdesa

boucheentrouverte.Ils’arque,penchesatêteenarrièreetlâcheunautrecricassé.Sonsexepalpite

etjesensunliquidechaudm’emplirlabouche.

***

Jemeréveilledoucement.Liamestdéjàlevé,carjenesensplussaprésenceàmescôtés.Jepasse

monbrasàsaplace.Elleestvideetfroide.Jemeredresseetregardeautourdemoi.Jesuisseule,

pourtantlesoleilselèveàpeine.Iln’estplusdanslachambre.J’espèrequ’iln’apasencorefui,

commelaveille.Ilestsidifférent.Oui,ilm’aprisedanssesbrasetj’aidormiblottiecontrelui,

maisiln’ariententé,pasungestetendrenicoquin,pasdesexeauréveil.ÀParis,ilm’aprouvéàde

nombreusesreprisesàquelpointmoncorpslehantait.Hiersoir,ilétaitprêtàquitterlachambreetà

melaisserdormirseule.Ilm’alaisséeseulecematin.Jesuisunpeuperdue,ilavaitl’airsiexcité

parlesmannequinsenboîtedenuit.Peut-êtrenemetrouve-t-ilpasassezattirante?Sesvêtements

sonttoujourséparssurlesol.Jemelève,ramassesontee-shirtetl’enfile.Jedescendslesescaliers

etentredanslacuisine.Liamesttranquillemententraindeboireuncafé.Illèvelenezdesatasse

dèsqu’ilmevoit.Sescheveuxsontmouillésetilestrasédeprès.Ilesthabilléd’unjeannoiretd’un

polodecouleuridentique.Ilmesourittendrement.Sesirissiclairsfontressortirsespupillesqui

s’élargissentàmavue.

–Salut,mabelle,dit-ilenposantsatassesurleplandetravailcontrelequelilestadossé.

Ils’avanceversmoi.Jeluirendssonsourire.

–Déjàdebout?

Ilvientsecollercontremoi.Ildéposeunrapidebaisersurmonfrontetplongesesyeuxdansles

miens.

–Jedoispartirautravail,mapuce,murmure-t-ilenmecaressantlajoue.

–Tuallaispartirsansmoietmelaisser…

Ilposesonindexsurmabouchepourmefairetaireetmeserreplusfortcontrelui.

–Est-cequ’onpeutcommencerunejournéesanssecrierdessus,s’ilteplaît?

Ilmeregardeplusprofondémentetinsisteencore,voyantmonaircontrarié:

–S’ilteplaît…

–Tuallaism’abandonnerlà,unefoisencore…

Ilsedéfend:

–Tudormaisetpuis,jenepeuxpast’emmener.Tuvast’ennuyer,onaundébriefingcematin,

grimace-t-il.Etjevaissûrementmefaireétriperpourcequej’aifaithiersoir.Çanevapasêtre

beauàvoir.

–Qu’est-cequetuasfait,hiersoir?

J’insiste,ils’agace.Jelecoupeavantmêmequ’ilouvrelaboucheenfaisantlamoue.

–Tum’asditquetumelediraiscematin.

Ilritpuissoupire.Ilreculeetretourneàsatasse.

–J’aiinterrompuletournageetfrappéTony,m’explique-t-ilimpassiblement.

–Quoi?

J’aidumalàencaisserlechoc,maisétonnamment,celanemesurprendpastantquecela.Ils’en

estprisunefoisencoreàTony.Ilsetientdevantmoi,metsamainsurmabouche,faitlamoueàson

touretmesupplieduregard.

–S’ilteplaît…N’oubliepas:pasdereproche,pasd’engueulade!Jevaism’excuser,jetele

promets.Ildéposeunbaisersurleboutdemonnez.Nem’enveuxpas,laisse-moiprofiterdece

momentàdeux,sansembrouilleniprisedetête.Onestdenouveauensemble,non?Laisse-moivivre

çaleplussimplementpossible.

Jedécidedeluitenirtête.D’unepartparcequej’aimecela,d’autrepartparcequej’adorelefaire

sortirdesesgondsetledéstabiliser.

–D’accord,maisàlaconditionquetum’emmènesauxstudios.

Ilprendunairmécontentet,avantmêmequ’ilneparle,jel’interrompsetjeposemamainsursa

bouche.Ilsouritaussitôt.Jeletaquine:

–Pasd’engueulade,pasd’embrouille,nel’oubliepas.

Jemetournetroplentementpouresquiverlafesséequiclaquesurmapeaunue.Jesursauteet

m’enfuisàtoutesjambesdelacuisineenriant.Ilmecrie:

–Filet’habiller!Jetefaisuncafé.Dépêche-toi,onestàlabourre.

Jesourissurmavictoire.

Liam

Cettepetitetêtedemuleadécidédemecollerauxbasques,aujourd’hui.Jenesaispascequeje

vaisbienpouvoirluitrouvercommeoccupation,ellevas’ennuyer.Jesuisdebonnehumeurcematin

etlafaireveniraustudioestfinalementunebonneidée.Sinousdevonsvivreensemble,ellesera

amenéeàm’yaccompagnersouvent.Autants’yhabituerleplustôtpossible.

Jemegaresurleparkingdesstudiosdevantlebâtimentcentral.Nousdevonsêtrelespremiers.Il

n’yaquequelquesvoitures.JeremarquecelledeMarcleréalisateuretcelledelaproductrice.Nous

avonsuneréunionàneufheuresetilestàpeinehuitheures,j’ailetemps.Jejetteuncoupd’œilà

Ileanaquisembleémerveillée.Pourtant,iln’yalàriendebienexceptionnel.Jerisdoucementetme

tourneverselle.Elledétachesaceinturelentementenobservantattentivementlesalentoursetense

tortillantsursonsiège,visiblementmalàl’aise.

–Tun’esjamaisalléedansunstudiodetournage?

–Non,tumefaisvisiter?

–Oui,maisd’abordonvaallertefaireimprimerunbadged’accès.

Elleempoignelaportièreet,avantqu’ellenel’ouvre,jeluiattrapelebras.Elleseretourne,

étonnée.

–Qu’est-cequ’ilya?

Jesouris,mepencheverselle,luiagrippelecouetlatireversmoi.Jedéposemeslèvrescontre

lessiennesetl’embrasseavecpassion.J’auraistellementvouluresteràlamaisonpourluifaire

l’amourtoutelajournée.J’aiunerevancheàprendre,ellenem’apaslaissélatoucherhiersoir.J’ai

prisunputaindepiedaussi!Onnem’avaitpasfaitunepipeaussidélicieusedepuis…depuisParis.

Aïe,ilfautquej’arrêtedepenseràcela.Jesuisautravail,bordel!Jesavaisqu’ilnefallaitpas

qu’ellevienne.Jevaisl’avoirsousleneztoutelajournéeavecuneirrépressibleenviedelatoucher,

del’embrasseretdeluifairel’amourtoutsimplement.Jesuisdéjàentraindem’imaginertousles

petitsrecoinsdanslesquelsjepourraisl’amenerpourqu’onsoittranquillesquelquesminutes,le

tempsdepouvoirfairenotrepetiteaffaire.J’avaistellementenvied’ellecematinauréveil.Quel

plaisirdelatrouverenfinblottiecontremoi,dansmesbras,dansmonlit.C’étaitdément,monrêve

seréalisaitenfin.Jesuistellementheureuxauprèsd’elle,maissortiedel’hôpitaldepuismoinsde

vingt-quatreheures,j’aipréférélalaisserdormiretsoulagercetteputaind’érectiontoutseulsousla

douche.

Allez!Penseàautrechose.Seslèvresetsalanguequimecaressentsontunvéritablesupplice.

Non!Jenepeuxdéfinitivementpaspenseràautrechose.Jedoismeforceràreculerlatêteafinde

mettrefinàcebaiseroujevaisfinirparlaprendresurl’arrièredelavoiture,là,surceparking.Et

pourquoisurl’arrière,d’ailleurs?J’aijusteàlafairebasculersurmescuisses,reculerlesiègeetle

tourseraitjoué.Non,sérieux,jenepeuxpasluifairel’amourici.

Toutàcoup,monespritdérivesurlaconversationquej’aieueavecmasœurlanuitdernière.Oui,

c’estmoinsbandant,maisc’estcequ’ilmefallait.Lilyaraison,commetoujours,mêmesicelame

faitchierdel’admettre:jedoismemontreràlahauteur,êtreplusattentifàIleanaetluiprouver

combienjel’aime.C’estpourcelaquejedoisluidemandersielleveutmesuivreceweek-endàLos

Angelespourlaremisedeprix.Ileanarouvredoucementlesyeux.Ilssontvoilésdumêmedésirque

lemien,presquelarmoyants.Jenemevoispas,maisvulatêtequ’elleaffiche,jedoisavoirl’aircon.

–Quoi,qu’est-cequ’ilya?C’estquoi,cettetête?medemande-t-elle.

Jedétourneleregard,distraitparlemoteurd’unevoiturequivientsegareràcôtédenous.

–Jevoulaissavoirsi…

Ellemecoupeenouvrantbrusquementlaportière.

–Attends!Tonyvientd’arriver.Jevaisluidirebonjour.

Ellen’apasfinisaphrasequ’elleseprécipitedéjàdehors,melaissantcommeun…con,la

boucheouverte.Jeravaleunjuronetsorsdelavoiture,unpeutenduquantàl’imminenteet

inévitableconfrontationavecTony.

Tony

Jedescendsdemavoitureengrimaçantdedouleur.J’aitoujoursmalauxcôtesetquelques

courbaturesmetiraillentpar-ci,par-là.J’aid’ailleursplutôtmaldormicettenuit,gênéparmes

contusions.Maisaussiparlevisaged’Ileanaquim’ahanté.Jemesuistournéetretournésanscesse

dansmonlitenpensantàelle.J’aibienessayéd’enfouirmessentimentspourelleauplusprofondde

moi-même.C’estvitedit:jamaisjenepourrail’effacerdemamémoireenunclaquementdedoigts.

J’essaiepourtantdemeconvaincrequ’ellen’estsimplementpasfaitepourmoi.

Unefoisextirpédemavoiture,quejetrouvetoutàcoupexagérémentbasse,Ileanasepostedevant

moi,ungrandsourireauxlèvres.Ellemedévisageetsonexpression,jusque-làjoyeuse,change

subitementquandelleremarquelesmultiplesplaiessurmonvisage.

Commeàsonhabitude,ellenepeuts’empêcherdemetoucherpourm’inspecterd’unairattendriet

compatissant.

Jeluiattrapelamainetlarepoussegentiment,toutenlarassurant:

–Çava,net’inquiètepas.Jem’enremettrai.

Ellepenchelégèrementlatête.

–Tuessûrquetoutvabien?

–Oui,oui,j’aimalunpeupartout,maisçavaaller.Unpeudemaquillageetd’entrainetçafera

l’affaire.Ettoi,commentvas-tu?

–Ellevatrèsbien,lancesèchementLiamencontournantsavoiturepourarriverderrièreelleet

enroulersesbrasautourdesatailled’ungestequejequalifieraisdepossessif.

Jerissansjoie.Forcément,ilestàproximitéetinévitablement,iln’appréciepasquejeluiparle.

–Cen’estpasàtoiquejeparlais,mesemble-t-il,dis-je,tendu,enfaisantpassermonregardde

luiàelle.

Ileanapivotelatêteetlerecadregentiment:

–Liam!N’oubliepas:pasd’embrouille!

Ilsfinissentparsesourire,cequimefendl’âme.Ilyavraimentquelquechoseentreeux,quelque

chosedefort,desifortquejeleressensrienquedanslesregardsqu’ilséchangent.

Jerefermemaportière.Jeferaismieuxdeleslaisser.Jen’aipasfranchementenviedevoirLiam.

Çavaêtreassezpéniblededevoirbossertoutelajournéeaveclui.

Jefaisquandmêmeunclind’œilàlamiss.

–Jevouslaisse,dis-jeenavançantlourdement.

Ileanaposeunemainsurmontorse,m’arrêtantd’ungeste.

–Non!Turestes,m’ordonne-t-elleetellesetourneversLiam.Toi,tum’aspromisquelquechose.

Ils’agite,agacé,laregardemécontentetfinitparcracher:

–Excuse-moi,Tony.Ilattrapelebrasd’Ileanaetpoursuit.Allez,viensonyva.

Ellesedégagedesapoigneetproteste:

–C’esttout?

Ayantcomprisqu’elleattenddésespérémentqu’ils’excuse,choseplusqu’improbable,jepréfère

interromprecettepetitediscussionquin’estd’aucuneutilité.

–Netefatiguepas,Miss.Ilestincapabledefairecegenredechose.

J’avanced’unpas.Liamsemetbrusquemententraversdemonchemin:

–Tony,excuse-moi.

Ilcherchesesmots,jetteuncoupd’œilàIleanaetreprend:

–Jenevoulaispas…enfin…si…maisnon…tucomprends?

Non,jenecomprendspas.Sonairsuffisant,sonpetitsourireméprisantetsesexcusesàlaconne

meconviennentpasdutout.Jeposeunemainsursonépauleenluiserrantavecforceetl’avertis:

–Situluifaisencoredumal,laprochainefois,c’estmoiquit’exploselagueule,d’accord?

Ilmedéfieduregard,lamâchoireserréeetéchappeàmapoigne.Jepensequelemessageest

passé.Jejetteunderniercoupd’œilàIleanaetluisouris.Elleafficheuneminedésolée.

Ileana

Tonynousquitte.Jelesuisduregard.Ilsedirigeversdessemi-remorquesgaréeslelongdu

parking.J’espèrevraimentqueleschosess’arrangerontentreeux,car,malgrétout,j’aimeaussi

Tony,peut-êtrepascommeillesouhaiterait,maisl’amitiéquejeressenspourluiestforte.Devoir

faireunchoixentremonamourpourLiametmacomplicitéavecTonym’estimpossible.J’aipassé

tantdebonsmomentspendantcesdeuxderniersmoisautéléphoneetenVisioSkype,puisaucours

desesvisiteslasemainedemonhospitalisation.J’aimeraispouvoirlesrevivreetbiend’autres

encore.

–Viens,suis-moi.Onvatefairefabriquercebadge.

Liammeprendlamain,toutsourire.Jelesuis,perplexe.

–C’étaitquoi,cesexcusesàlanoix?

Nousarrivonsdevantlaported’entrée.Liams’arrêteetm’enlacedesesbrastoutenm’adressant

unregardperçant.

–Onadit:pasd’engueuladedetoutelajournée,d’accord?

–Oui,maistuauraispufairemieuxquandmême.

Ilhausselégèrementleton.

–Écoute!Pourêtrefranc,jen’aipasenviedem’excuser.Çamegonfle,cettefaçonqu’iladete

dévorerdesyeux…

Quelqu’unarrivederrièrenous.Liams’interromptbrusquementettendlamainàcetypequilui

lanceunjoyeux:

–Hey,Liam!Commentçava?

–Bien,merci.

–Enchanté,rajoutelepetithommecorpulent,àmonadresse.

Jeluisourisenguisederéponse.Nousneterminonspasnotreconversationetpénétronsdansle

halldubâtimentcentral.Derrièreuncomptoirenformede«L»,setrouveunefemmed’une

cinquantained’annéestoutauplus,blondeettrèsmince.QuandelleremarqueLiam,elleselève

automatiquementquittantsonordinateuretesquissantunlargesourire.

–Liam,chéri,tunousasmanqué,lesalue-t-elleencontournantsonbureauetenl’enlaçantdeses

bras.

Illuirendsonétreinte.Ilritdoucementetdéposeunbaisersursajoue.Illuidemande:

–Molly,tupourraisfaireunbadgepourmacopine,s’ilteplaît?Elleseraamenéeàrevenir

souvent.

Illalâcheets’accouded’unemanièredécontractéeaucomptoir,enmeprésentantd’unsignede

têterapide.Mollymedétailledehautenbas.Sonsourires’estompelégèrement.Jeluifaisunpetit

gestedelamain,maisellen’yrépondpas.Jemesenstoutàcoupunpeudetropettrèsmalàl’aise.

Jeviensdemeprendreungrosvent.Ellesoupirelonguementetretournederrièresonbureau.Liam

esttoutàfaitdanssonunivers,ilcontournelecomptoir,làoùsetrouveMolly,etsortundossier

d’uneétagèreaffichantsonnom.

–Tun’aspasamenéMappy,cematin?demandesubitementMollyquiresteconcentréesurson

écran.

–Non,jel’ailaisséeàlamaison.

Liamfeuillèteledocumentqu’iltientdanssesmains.

–Tenez,voilàlebadge!melanceMollysèchement.

Ellemetendunpetitboutdeplastiquesuruneépingleànourrice.

–Parfait.Viens,onvadansmaloge,finitparmedireLiam,toujoursconcentrésursesfeuilles.

IllanceunbaiseràlavoléeendirectiondeMolly,suivid’unclind’œiletsedirigeversunétroit

couloir.

Quelincorrigiblecharmeur!

Jelesuis,unpeuperdue.Nousnecroisonspersonnedanscelongcorridord’unblancfroid

jusqu’àarriverdevantuneporteoùsonnomestaffiché.LalogedeLiamestplutôtvaste.Aufondde

lapièce,devantunelargefenêtreoccultéepardesrideauxnoirs,setrouveunlongcanapéencuirde

lamêmecouleur.Surlepandemurdelaported’entrée,sontaffichéesdenombreusesphotosdelui

avecdesfans,deslettresentoutgenreetdescadresdetoutesortesontsuspendus.Devantunénorme

miroir,setrouveunbureau.Liamydéposesonscriptavantdes’asseoirsurlachaise.Ilouvrele

tiroiretensortunordinateurportable.Jeresteaumilieudelapièceàobserverlesmoindresdétails.

–Nerestepasdebout,assieds-toi,dit-il,enmemontrantlesofa.

Jemetourneverslui.

–Onpeutreprendrenotrepetitediscussion?

Ilredressebrusquementlatêteversmoitoutenallumantl’écrandesonPC.

–Tuneveuxvraimentpasmelaissertranquilleavecça?Jet’aiditquejenesouhaitaispas

m’excuser.

Jem’avanceàpetitspasverslui.

–Non,jenetelaisseraipasenpaix.Onabesoindeparlertoietmoi.

Ilselèved’unbondenposantl’ordinateurdevantlui.

–Ehbiend’accord,parlons…

Ilfaitungrandpas,m’attrapeparleshanchesetmecollecontresoncorps.Sonregardseposesur

meslèvres.Jenepeuxm’empêcherderessentircettepuissanteattirancequim’inonde

automatiquementàsoncontact.Jefrémisinstantanément.Commes’illesavait,ilsemetàsourire.

Unefoisdeplus,ilvaessayerd’esquiverlaconversationenabusantdesafichueemprise.

Ilglissesamaindansmondospourmeplaquerunpeuplusfortcontresontorse,puisdépose

délicatementsabouchecontrelamienne.Toutd’abord,lèvrescontrelèvres,doucement,tendrement,

puissonbaisers’intensifie.Ilpénètremabouchedesalangueetcaresselamienne.

Jeperdsdéjàpied.Monespritdivagueetmoncœurbatlachamade.Jeleveuxtoutàmoi,son

corpscontrelemien,jeveuxlesentirenmoi,celafaitsilongtemps.Monventresecrispeetéclateen

millionsdepetitesdéchargesélectriques.Desfrissonsmeparcourentdelatêteauxpieds,c’est

vraimentintense.Ilmefaitreculerjusqu’àcequemesmolletsbutentsurlecuirducanapé,me

déséquilibrantdumêmecoup.Ilprofitedecemomentd’inattentionpourm’allongersurlesassises,

stoppantnetnotrebaiser.

J’insiste:

–Liam,ondoitvraimentparler.

Aulieudequoi,ilvients’allongersurmoietm’opposeunlargesourirequejedéfiniraisde

moqueur.Ilfinitparenfouirsatêtedansmoncoupourl’embrasseretmecaresserletourdunombril.

Ilremontedoucementjusqu’àmesseinsquipointentd’excitationimpatiente.

–C’estcequ’onfait,susurre-t-ilentredeuxbaisers.

Jerisàsabêtiseetgémissoussatendresse.Nepuis-jeréellementpasluirésister?Jeglissemes

mainsdanssescheveuxetlestiredoucementpourluireleverlatête.Jeveuxgoûteràseslèvres

encoreetencore,jusqu’àn’enpluspouvoir.Avantd’accueillirsaboucheaffaméeparlemêmedésir

quelemien,jemurmure:

–Onatellementdechosesàsedire…

Jedescendsmesmainslelongdesondosetpassemesdoigtssoussonpull,puissoussonjean.

J’agrippelégèrementsesfessesmuscléesetl’attireplusfortcontremoi.

–Jesais,jesais…répète-t-ildoucement,labouchecontremeslèvres.

Laportes’ouvreàcemoment-là.

–Non,maissérieux,Liam!Fermetaporteàclef.

Nousinterromponsnotrebaiserettournonslatêted’unmêmemouvement.Sophianousregarde

avecdegrandsyeuxahuris,deuxgobeletsdecafédanslesmains.

–Bordel,Sophia!Apprendsàfrapper,aussi!

–Jen’étaispascenséesavoirquetul’avaisamenéeicietquetut’apprêtaisàlabaiser!

Ilseredressepours’asseoir.

–Qu’est-cequetuveux?siffle-t-il.

–Onnousattendensallederéunion.

Ellerefermelaporteenmejetantuncoupd’œilpeuaimable.Jejubileenpensantàlatêtequ’elle

afaiteennousvoyantetmerassoisdignement.

–Désolé,mabelle,fautquejefile.Tunebougespasdelà.Tuasmonordilà-bas,situveux

passerletemps.

Ilselèveetsepencheversmoipourdéposerunrapidebaisersurmonfront.Avantqu’ilne

s’éloigne,jeluiagrippelebras.

–Attends,tuvoulaismedirequoitoutàl’heure,danslavoiture?

Ilmelanceunsourireàenfairetomberplusd’une,charmeuretattendrissantàlafois,comme

toujours.Moncœurseserred’émotionetbonditdansmapoitrine.

–Prépare-toiàvoyagerceweek-end,lâche-t-iljoyeusement.

–Quoi?

Ilnemerépondpas.Ils’envaenmefaisantunclind’œiletrefermelaportederrièrelui.

Liam

Sophiam’attendauboutducouloir.Nousavonspriscettehabitudedepuisquenousavons

commencéàtravaillerensemble,mêmeavantquenousnousmettionsencouple.Oui,àuneépoque,

nousétionstrèsbonsamis.Nousarrivionsensemblelematin,nousnousasseyionstoujourscôteà

côtelorsdesréunions,nousmangionstoujoursl’unavecl’autreauréfectoireetjeconstatequ’ellea

penséàm’apportermoncafécommechaquematin.

–Alors,c’estfait?Tut’esremisavecelle,alors?medemande-t-elleenmetendantmongobelet

avecuneirrépressiblegrimace.

Jen’aipasspécialementenvied’aborderlesujetavecelle,maisjeluirépondsavantdeboireune

gorgée:

–Oui.

Ellefroncelégèrementlessourcilsetlenez.Sijenelaconnaissaispasaussibien,jedirais

qu’elleauntic,maisjesaiscequecettemimiquesignifie:quemaréponseestàdixmillelieuesde

l’enchanter.Jesuiscurieuxdesavoircequ’ellepenseetcequ’ellen’osepasmedire,vusonregard

lourddenon-dits.

–Quoi?Vas-y,déballetonpaquet.

Elleentamesamarcheverslesbureauxetempruntelesescaliersprèsduhallquimènentau

premierétage.

–Netefaispasavoir,c’esttout,m’avertit-elleenhaussantsesfinesépaulesdénudées.

Ellesetourneetposeunregardfaussementinquietetprotecteursurmoi.

–Tonym’atoutexpliqué,hiersoir,poursuit-ellevaguement.

Jelèvelesyeuxauciel.Çayest,jesaisoùelleveutenvenir.Ellevamedirequ’Ileanameprend

pouruncon,qu’ellejoueentreluietmoi,etj’enpasse.

Jesoupire:

–Jeluifaisconfiance.

–Toi,faireconfiance?s’interloque-t-elleàlalimitedes’étoufferavecsoncafé.

–Oui,moi,tuvois,commequoilesgenschangent…Enpassant,jeteconseilledefairepareil.

Elleagrippenerveusementlarambardeetcontinuesonascensionjusqu’àladernièremarcheavant

defairevolte-faceetdemebarrerlechemin.

–Tusais,tuestellementobsédépartapeurdelasolitudequetuesprêtàcroireouàfaire

n’importequoi.

Jeserrelesdents.Jen’aivraimentpasenviedemeprendrelatête,là,maintenant.Jepréfèrene

riendireetmecontenterdesourirepoliment,maisellepoursuit:

–Tusais,nousdeux,çaauraitpumarchersitunem’avaispasforcélamain…

Jel’interromps.Cettefois,c’estmoiquiaifaillim’étouffer.

–Teforcerlamain?Tuessérieuse,là?

Elleyvafortquandmême.

–Jet’avaisditquejevoulaisprendremontemps,quej’étaisunpeutropjeunepourm’engager,

quejevoulaisvivremavie,fondermacarrière,ettoi,aulieudem’écouter,tum’asparlémariage…

J’avaisvingt-troisans,Liam…

Jenepeuxm’empêcherd’ironiser.

–Désoléd’avoirétéamoureuxdetoi.Navré,Sophia!

Elleriposterapidementetleplussérieusementdumonde.

–Tul’estoujours,Liam,netevoilepaslaface.Tusaisbienqu’onestfaitsl’unpourl’autre.Je

m’enrendscomptejouraprèsjour.

Jelapoussedoucementpourqu’ellemelaissepasser.Ellecommencevraimentàdivaguer.Je

décidedelarecentrer.

–Allez,arrêtetoncinéma.

Ellem’attrapelebraspourm’empêcherd’avanceret,alorsqueMarcpassedanslecouloiren

nousobservantattentivement,ellememurmure:

–Tutesouviensdecequetum’asdit,ilyadeuxsemainesenboîtedenuitavantqu’onrecouche

ensemble?

Ilfallaitqu’ellemelaressortecelle-là!Jemedéfendsunenouvellefois:

–Sophia,j’étaisivre!

Elleavancesaboucheàquelquescentimètresdelamienneetmelâche,telleunevipèresurle

pointdecrachersonvenin:

–Tum’assuppliéedetereprendre,t’aschialécommeungosse…

–Arrête,Sophia,dis-jeenlamenaçantduregard.

Ellevatroploin.C’estvrai,j’aibienditetfaitcesâneries,jem’ensouvienstrèsbien.Jel’ai

aiméecommeunfoupendantdesannées.Jesuistoujoursattiréparelle,c’estvraiaussi.Soncorps,

sonodeur,seslèvresmefonttoujoursfrémir,maismoncœurestàIleana.

–Non.Toi,arrête!Tafausseidylleaveccettefille,c’estquedesconneries.Cen’estqu’unefan,

riend’autre.Tuaimeslavoirmouillerquandelleteregarde,lavoirbaver.Ellet’idolâtre,c’estque

delafumée,votrepseudo-relation.

Elleposesamainsurmontorseetm’attrapelementonpourmeforceràtournerlatêteverselle.

Jecrispelamâchoire.

–C’esttoiquicommetsuneénormeerreurdejugement.

Ellesouritavecunecertainesatisfactionquim’échappeetdéposeunbaisersurlecoindemes

lèvres.Jetournelatêteafind’échapperàsabouche.

–Ahoui…EtTony,tul’oublies?Pendantquetuprenaistonpiedavecmoi,elleétaitoù,ta

belle?Danslesbrasdetonmeilleurpote?

–Tuasencoretoutfaux.

Jerépète,agacéparsoncomportementetsesparolesdestinéesàmeblesser.Elleveutsimplement

memettrehorsdemoienjouantsurmajalousiemaladive.

–Tuessûrdetoi?medéfie-t-elle.

–Absolument,oui!Tutetrompes.

Jeplanteunregardfurieuxdanslesienenajoutantméchamment:

–Jen’aipasprismonpiedavectoi!

Jelabousculeetmedirigefurieusementverslasallederéunion.Elleestarrivéeàmemettreles

nerfs.J’avaispourtantdécidéquecetteputaindejournéeseraitbiendifférentedesdernières.

Jegagnelasallederéunion.Toutlemondeestlà.Ilrestedeuxplaces:lamienneetcellede

Sophia.Jem’assoisàcôtédeTonyquifaitminedenepasm’avoirremarqué.Sally,laproductrice,

etMarcsuiventchacundemesgestes.Jemesensépié,latensionestpalpable.Certainement,tousici

pensentquejevaismecomportercommeuncon,maisjemecalepaisiblementsurmonsiègeet

prendsposémentledocumentquiestposédevantmoisurlatable.Sophiaentre,mejetteunregard

noiretdemandeàCarolinedechangerdeplace.

Laréunioncommenceetjem’enfoncedansmachaise,puistendsl’oreillesansvraimentécouter.

C’esttoujourslamêmechose:onnousdemandederesterconcentrés.Lasériearriveàsafin,ilne

tientqu’ànousdepouvoirfaireunesaisondeplus.L’assistantedeSallynousfournitdesformulaires

àremplir.Jejetteuncoupd’œil.Jen’enairienàfoutredeleurputaindepapier.«Abrégez,ona

autrechoseàfaire.»J’attrapemontéléphoneetdécided’envoyerunmessageàIleanaquidoit

tournerenronddansmaloge.

«Tunet’ennuiespastrop?:(.»

Ellemerépondinstantanément.

«Non,jefouillepartout,trèsintéressant…;)»

Jesouris,amusé.Tonymejetteuncoupd’œilperplexe.EllemerenvoieunautreSMS:

.

«T’esplusenréunion?»

«Si,si,maisriende

trèspassionnant,jerêve

decontinuer

cequenousavions

commencétoutàl’heure.»

«Partéléphone

çavaêtreunpeucompliqué,

tunecroispas?

Alors,dépêche-toi

demerejoindre.»

Jerisdiscrètement,monportablecachésouslatable.Jeluiréponds:

«Dèsquec’estfini,

jedescendset

jem’occupedetoi.

Promis.»

«Tum’emmènesoù

ceweek-end,alors?»

«ÀLosAngeles»

«Sérieux?

Pourquoilà-bas?»

«Oui!Sérieux.

Jesuisinvitépouruneremise

deprixetonpourraitofficialiser

notrerelationenmêmetemps?»

Saréponsetardequelquepeu.Est-cequejevaisencoretropvite?Jeluirenvoie:

«Çat’effraie?»

J’éprouvetoutàcoupungrosdoute.LaconversationavecSophiametraversel’esprit.Jelèvela

têtedanssadirectionetremarquequ’ellemefixeintensément.Jefaisuntourdetableetm’aperçois

qu’enfait,toutlemondemeregarde.Jemeredressesurmonsiège,faissemblantd’êtreattentifetde

meconcentrersurlaréunion.Jeposemoncoudesurlatableetposelementonaucreuxdemamain.

Montéléphonequejetienstoujoursdansmonautremainsemetàvibrerànouveau.Discrètement,je

lis,lemessage.

«Non,

çanem’effraiepas,aucontraire,

celamefaiténormémentplaisir

quetuveuillesque

jet’accompagne.»

Ellenem’apasrépondupourl’officialisation,j’insiste:

«Etpourl’officialisation?»

«Officiellement,

jesuisdéjààtoi<3»

Jesouris,rasséréné,etrangemonSmartphonedansmapoche,prêtàenfinmeconcentrersurcette

réunion.

Ileana

Jefinispartournerenronddanscettepièce.J’aifouinéunpeupartout,maisriendebien

passionnant.J’ouvrepartiellementlegrandrideauetregardeparlafenêtre.Ilfaituntemps

magnifiquedehorsetlavuedonnesurunpetitparc.D’ailleurs,j’aidéjàvuceparcquelquepart.Ces

bancsetcespetitestablesdepique-niquemedisentvaguementquelquechose.

Bon,tantpis,jenevaispasrestericiàattendreLiam,jevaisplutôtallerprofiterdusoleil.Jeme

faufiledanslecouloir,essayantderetrouvermonchemin.J’ouvreuneporteauhasardpourme

retrouverfinalementàbonport,danslehall.J’ignorelaprésencedeMollyquinebougepasd’un

poucequandjepassedevantelle.Ellesecontentejustedem’observer,jesenssonregardsurmoi.Je

m’avanceverslasortie.Lesportescoulissantesdel’entrées’ouvrentsurmonpassage.

–Mademoiselle,finit-elleparm’appeler.

Jefaisdemi-tourenaffichantmonsourirelepluscourtoisetlarejoins.

–Oui.

Ellemescrutedehautenbasavecunairquejequalifieraidecurieux.

–Votrebadge.Ilfautleporter.

Jenem’attendaispasàcetteréflexion,maisj’acquiescepolimentensortantleboutdeplastique

demonshort,l’épingleàmachemisepuispivotepourrepartir.

–Attendez,continue-t-elle.

Jemestoppeunenouvellefois,légèrementcrispée.Jesentaisqu’elleavaitautrechoseàmedire.

Jeluifaisànouveauface.Elleacontournélecomptoirdel’accueilpoursetenirprèsdemoi.

–Voussavez,ici,toutlemondeaimeLiam.Moi-même,parexemple,jeleconsidèreunpeu

commemonproprefils.C’estquelqu’undebon,d’honnête,derespectueuxetsensible.Ildérapeun

peu,encemoment.Ons’ensoucietous.Personnellement,jedétestelevoircommeçaetjepenseque

vousenêteslacause.J’espèremetromper,biensûr,carilal’airdeteniràvous.Iladéjàmalvécu

saséparationavecSophia.Unenouvelleblessuredecegenreetonleperdraitdéfinitivement.Vous

savezonl’aconnutellementheureuxquandilétaitavecelle…

Jemedécideenfinàlacouper.Jenesaispasoùelleveutenvenir,maism’entendreévoquer

l’incroyableetheureuxpassédeLiamavecSophianem’enchanteguère.

–Vousvoulezenveniroù,aujuste?

Elleserapprochedemoietmelanceunsourirecirconspect.

–Cequejeveuxvousdire,c’estqueLiametSophiasontfaitspourêtreensemble.Vousnefaites

queretarderleursretrouvailles.Ilssesontperdus,carleurrelationétaitprématurée.Etvoussavez,

toutlemondeicipenselamêmechose.Alors,laisseztomber,mapetite!

Ellefinitsatiradeparunregardfaussementcompatissant.Commentréagir?Sesparolesme

blessent.Commentpeut-elleosermedireça?

Millepenséesmepercutentl’esprit.Jedevraisl’envoyerpromeneravecsesbellesparoles,mais

jen’yarrivepas.Sij’ouvrelabouche,leflotdelarmesquiestprêtàjaillirvametrahiretlui

montrerquejedoutedema«pseudo-relation»avecLiam.Maréactionluiprouveraitqu’elleapeut-

êtreraison,quejenesuisfinalementqu’unobstacleentreeux.

Jem’empressedequittercelieumaudit.Jeneluiairienrépondu.J’aisimplementtournéles

talons.Jen’enaipaseulaforce.Jesuislasséedetoutescesmanœuvresdemiseengardevisantà

nousséparer.Sophia,Tony,etmêmejusqu’àcettesimpleemployée.Ets’ilsavaientraison?Ilsle

connaissentsibienetdepuissilongtemps,alorsquemoi,jenesaisriendelui.Jesuisànouveau

terriblementperdue.

Lesoleilestdéjàbienhautdansleciel.Ilmeréchauffeaussitôtlevisageetsècheleslarmesqui

mecoulentsurlesjoues.Jelèvelatêteetprofitedecetteagréablesensationsurmapeau.Jecontinue

àmarchersurleparking,regardantautourdemoi.Derrièrelescamionsgaréslesunsàcôtédes

autres,j’aperçoislepetitparcaveclestablesetlesbancs.Jereconnaisenfincetendroit,ilaservide

décorpourcertainsépisodesdelasérie.Jemedirigeversunedestablesetm’assieds.Jeprendsma

têteentremesmainsetdéposemescoudessurmesgenoux,puissoupire.

Oùestpasséecettefichuecarapacequejem’étaisforgéeavantderencontrerLiam?C’était

tellementplussimple.Toutétaitplusfacile.Jem’étaispromisdenejamaistomberamoureuse.

Pourquoi,a-t-ilfalluquecesoitluietpasunautre?UnFrançais,unjeuneetbelagriculteur,

pourquoipas?Ilyenapleinmonvillagedeshommescommecela.Non,biensûr,çaauraitététrop

simple.Àlaplace,j’aicraquépourunestarinternationale.Nousnesommespasdumêmemonde.

Pourquoijem’accroche?C’esttellementirréaliste.

–Hé!Lamiss!Qu’est-cequetufaislàtouteseule?

Tonymesortdemessombrespensées.Ils’approchedoucementderrièremoi.Jemeretourne

rapidement,maisnedisrien.Jen’aipasenviedeparler.Ilinsiste:

–Hé!Tupleures?

Savoixestpleined’inquiétude.Ils’assoitàcôtédemoi.J’essuied’unreversdemainlesgouttes

quipersistentàmeruisselersurlevisage.Ilm’enlaceetm’attirecontrelui.

–Qu’est-cequinevapas?Vas-y,raconte!Tusaisquejen’aimepastevoirdanscetétat.

Jen’arrivepasàparler,etsijelefais,jevaism’effondrer.J’enaimarredem’apitoyersurmon

sort.Ils’obstinemalgrétout,penchelatêteenessayantdecaptermonregard.

–C’estLiam?Ilt’adenouveaufaitquelquechose?Dis-le-moiquej’ailleluiréglersoncompte.

Ilsouritpluslargement.Tusais,j’ail’airplutôtmalbarrécommeça,avecmesplaies,monœilau

beurrenoir,mescôtesquimelancentaumoindregesteetmoncoudequin’arriveplusàseplier,

maisjepeuxencoremebattre.

Ilarrivefinalementàmefairerire.Qu’est-cequeçafaitdubien!

–Laréunionestfinie?

Ilmeserreplusfortcontreluietmecaressetendrementlebras.

–Oui.

Ilposesonmentonsurmoncrâneetcontinue:

–Liamestpartidirectementaumaquillage.Onvaattaquer.J’attendsqu’ilfinissepourallerme

fairefaireunravalementdefaçade.Jecroisquej’enaiunsérieuxbesoin.

Ilrit.

–Tunecroispas?

Jerelèvedélicatementlatête,nosregardssecroisentànouveau.Jedétailleensuitesonvisage

meurtri.

–Jesuisnavréepourtoutça.

Jepassemesbrasautourdesatailleetposematêtecontresontorse.Ilexpirelentement.

–Cen’estpastafaute.

Ilmeserreunpeupluscontrelui.Jemelaissebercerparsarespiration.

–Jepeuxsavoircequ’ilsepasseici?

JepivotedanslesbrasdeTony,lanceuncoupd’œilpar-dessussonépauleetlâcheunpetitcride

surprisequandjevoisLiamarriver.Ilestdéguiséenunétudiantuniversitaireplusquesexydes

annéessoixante,soixante-dix:débardeurblancprèsducorps,unjeanbleumoulantetunblouson

d’uneéquipedefootballaméricainauxcouleursrougeetjaune.Sescheveuxplaquésenarrière

laissentretomberunemècheonduléesursonfrontetfontressortirsessublimesyeuxbleuazur.

Tonysetourneàsontour,melâcherapidementetseredresse.Liamestfurieux,jelevoisàla

façonqu’iladenousregarderl’unaprèsl’autre.Lefrontplisséetlamâchoirecrispée.Lamanière

qu’ilad’agiternerveusementsontéléphonedanssamainn’augureriendebon.

Liam

Tonymepasseàcôté,m’effleurantlebrasaupassage.Sonregardmedéfieaveccolère.Ilneme

quittepasdesyeux.Ilsuffitquejesoisabsentcinqminutespourquejelesretrouvedanslesbrasl’un

del’autreàsefaireun…putaindecâlin.J’enaifranchementraslecul!Ilsmeprennentvraiment

pouruncon!Jemedemandecommentréagir.Gueuler?Frapper?Hurler?Bordel,maisquedois-je

faireàlafin?

Troptard,j’ailarage.Jehurleenavançantdroitsurelle.

–Tumeprendspourunabruti?

–Oh!Oh!Tuneluiparlespascommeça,mecrieTony,justederrièremoi.

Jepivoteetluifaissignedeneplusavancerd’unpas,sinon,jevaisencoreluiencollerune,c’est

certain.

–Toi,occupe-toidetesaffairesetdégage!Tuenasassezfait.

Ileanaselève.

–C’estbon,Tony,tupeuxnouslaisser,dit-elle,enluifaisantungestedelamain.

Jelafixe.Jesuisfurieux,bordel!Jecrache,horsdemoi:

–Vachier!J’essaied’arrangerleschosesentrenousettoi,tutejettesdanssesbrasunefoisque

j’ailedostourné?Tutefousdemoi,ouquoi?

Ellefaitunpasenarrière,froncelégèrementlenezetécarquillelesyeux.

–Tuvastecalmerdesuite,Liam.Onnefaisaitriendemal.Jen’étaispasbien,ilm’aconsolée,

onestamis.C’estquoiquetunecomprendspasdanslemot«amis».D’ailleurs,tuétaispasséoù,

toi?

–Dequoi,j’étaisoù?Tun’espasbien,tum’appelles,jerapplique,c’estsiduràintégrer?Jet’ai

ditquej’allaisêtreoccupé,aujourd’hui.

Elleserrelespoingsetfaitunpasversmoi,mefixantlesyeuxrougesetlarmoyantsderage.

–Oui!C’estduràintégrer!Toutestduràintégreravectoi!

–C’estuneraisonpourtejeterdanssesbras?

Ellemelanceunregardenflammédecolèreetpénétrant.

–Arrêteavecça!Cen’estpasmoiquiaicouchéavecmonex.

Qu’est-cequ’ellemesort,là?Commentest-elleaucourant?Jemedéfendsaussitôt:

–Onn’étaitplusensemble.

Ellepenchelégèrementlatêtesansdétachersesyeuxdesmiensetmedemande:

–Etlà,onestensemble?Non,parcequej’aimeraisbiensavoir…

–Oui,dis-jesèchement.

Qu’est-cequejepourraisrépondred’autre?

–Jesupposequenouslesommes.Dumoins,jel’espère…

–Arrête!Onn’ariend’uncouple.Onestmisérables.Toutça,c’estdelapureconnerie.J’enai

vraimentmarre.RetourneavectaSophia,ettoutlemondeseracontent.

Bonsang!Maispourquoimeparle-t-elledeSophia?Savoixesttendue.Jelasensàbout.Des

larmesruissellentsursesjoues.Elleserrelesdentsetnepeutsupportermonregard.Ellepréfère

fuir,commed’habitude.Ellesedirigeverslasortieduparkingd’unpasdécidé.Tonyessaiedela

rattraper,maisellel’esquive.Jel’appelleetmelanceàsapoursuite.

–Ileana!Oùtuvas?Onn’apasfini!

Ellehurle:

–Si,onafini!Jerentrechezmoi.

Enfinàsahauteur,jelaretiensd’unemain.Elleseretournebrutalement.Jepensequ’ellevame

collerunegifle,maisellenefaitrien.Ellesecontentedemefusillerduregard.

–Non,turesteslà!

Ellefixemesdoigtsquientourentsonpoignetetmelanceunregardquiluitdecolère.

–Lâche-moi,immédiatement.

–Non.

Ellefinitparbalayerdesyeuxcequinousentoure.Lerirequilasecoueatoutdudésespoir.

Vaguementagacéparsaréactioninattendue,jeluifaisremarquer:

–Jenevoisriendedrôle.

Jesuismalgrétoutsonregardquicontinuedescruterleparking.Enpivotantsurmoi-même,je

comprends.Notrepetitescèneaattirétouslescurieux.Toutlemondeoupresqueestsortipournous

écouter.SophiaarejointTonysurlapelouse.Jecaptesonairréjoui.Noussommesridicules.Nous

nousdonnonsenspectacle.Jeluiordonned’untonsec:

–Suis-moi!

Jelatraîneverslescamping-carsquinousserventdelogepourlesdéplacements.J’ouvrela

premièreportequin’estpasverrouillée,lafaisantclaquercontrelacarrosserie.

–Monte!

Elleagrippemesdoigtsquienserrentsonbrasetessayedesedégager.

–Non.

Jeperdspatienceethurle:

–Desuite!

Ellesursaute.Jel’attrapeparlataille,lasoulèveetladéposesurlepasdelaporteenhautdes

quelquesmarchesenferetgrimpeàmontour,lapoussantàentrer,puisjerefermederrièremoi.Elle

regardeautourd’elle,sefrottantlepoignetetmedemande:

–Tucomptesmeséquestrer?

Jeluirétorquesuruntonplusdoux,enessayantderecouvrermoncalme.

–Tuvoulaisparler.Onvaparler.Assieds-toi.

Jeluiindiquelabanquettederrièreelle.Biensûr,ellen’obtempèrepas,restedevantmoiet

m’expliqued’unevoixtendue:

–Jeneveuxplusparler,Liam.Cequejeveux,c’estrentrerchezmoi.

–Non.Tunerentreraspascheztoi.

–Si,Liam,j’arrêtetout.J’enaiplusqu’assez.C’estfini.

–Quoi?Qu’est-cequiestfini?Tuveuxmequitter?

–Oui!Jelaissetomber.Onn’estpasfaitspourêtreensemble.Onnel’ad’ailleursjamais

vraimentété…ensemble.

Jenecomprendsplusrien.Danssonderniermessage,ellem’affirmaitpourtantqu’elleétait

officiellementàmoi.Ques’est-ilpassédepuis?Pourquoicerevirement?Qu’est-cequiapula

décideràchangerd’avisetàmequitter?Non,jerefused’entendrecesmots.Jemerapproched’elle.

Ellerecule.

–Non,non,nedispasça…Quet’arrive-t-il?

–Ouvrelesyeux,Liam!

Ouvrirlesyeux?Mais…

–Non,tunepeuxpasdireçaettunepeuxpasfaireça!

–Pourquoi?C’est…

Jel’interrompsànouveau,luiagrippeleshanches,fermement.

–Parceque…parcequejet’aime.Jet’aimecommeunfou.

Mavoixs’écorche,jepoursuis:

–Tunepeuxpaspartir…Tum’aimes?N’est-cepas?Tum’aimes?Dis-le-moi!Jesuisfoude

toi,moi!

Monesprits’embrouille.Jepanique.Jenecomprendsrienàrienàcequ’ilsepasse.Jela

supplie:

–Sic’estplusfacilepourtoi,jesuisprêtàquittertoutça.Jetesuisoùtuvoudras,maiss’ilte

plaît,nemelaissepas,pasmaintenant,pasaprèstoutça...

J’attrapesonvisagedansmesdeuxmains.

–Je…Je…bafouille-t-elle.

–Mapuce,regarde-moi!Onpeutyarriver!

Ellenedoitpasabandonner.Jerefusequ’elleabandonne.

–Je…

Ellesetait.Jevoisqu’elleestentraindemelâcher,qu’ellen’ycroitplus.Putain,non!Ilesthors

dequestionquenotrehistoiresefinissecommeça,unefoisdeplus.J’aidéjàfaitlaconneriede

baisserlesbraslapremièrefois.Jenelaisseraipascelasereproduire.J’essaiedecaptersonregard

quimefuitconstamment.

–Nem’abandonnepas,s’ilteplaît…

–Onn’estpasfaitspourêtreensemble.

–Nedispasça!...pourquoitudisça?C’estfaux.

Jeposemonregardsurseslèvres.J’aiunesubiteetirrésistibleenviedel’embrasser.Rienque

l’idéedelaperdreànouveaumeterrifie.Mesjambes,mesbrasetmesdoigtssemettentàtrembler.

Jenesaispascequ’ilm’arrive,maisjesuiscertaind’unechose:jesuisattiréparsabouche,son

corps,saprésence.Neplusl’avoiràmescôtés…Commentpourrais-jesurvivreàcela?C’est

inconcevable,inimaginable.Jem’avancelentement.Jeveuxprendremontempspoursavourercet

instant.Jesensqu’elleaabandonnétouterésistance.Sonsoufflechaudetcourtallumeledésirqueje

ressenspourelle.Ellefermedoucementlesyeux,laissantcoulerd’autreslarmes.Jelesessuieavec

mespouces.Jeneveuxplusvoirceslarmes.Ellesouffreetjesuisincapabledelesupporter.Elle

soulèvelégèrementlementon.Elleveutcebaiserautantquemoi.

Jepressepeuàpeumabouchecontrelasienne,fermantlesyeuxpoursavourerchaquesecondede

cetinstant.Certainsdemessenssemettentenéveil.Letoucher:seslèvressontsidouces,chaudeset

humides.L’odorat:sonodeurm’enivre.Legoût:sasaveurestunvéritablesupplice,maisc’est

tellementdélicieux.Elleestsucréeetsaléeàlafois.Jevibretotalement.Moncœur,lui,s’emballe

commeunfou.Étrangement,magorgedevientdeplusenplussèche.J’aipresqueenviedechialer.

J’intensifielapressiondemeslèvrescontrelessiennesetjecollemonventresurlesien.Elle

glissesesmainsdansmondos,jefrémis.Nousgémissonsensemble.Jelaplaquedetoutmonpoids

contrel’armoirederrièrenous.Sabouches’entrouvrepourlaissermalanguecaresserlasienne,

tendrement.Cecontactmefaitunputaind’effet.Jeperdscomplètementpied.J’oublietout.Mes

penséesdeviennentincontrôlables.J’aienviedeluifairel’amour,delaprendreencoreetencore,

contrecefoutuplacard.Jepassemamainsursanuquefragile,glissel’autredanslebasdesondos

cambré,puisluipresselégèrementsespetitesfessesrebondiesredoutablementexcitantes.

Sonattitudechange.Lebaiserqu’ellemerenddevientplusfougueux,plussauvage.Noslangues,

nossalivessemêlent.Noussommesassoiffésl’undel’autre.Noscorpsbougent,secaressent,se

percutent,s’éloignentets’attirentànouveau.Elleposesesmainssurmontorse,etlesglissejusqu’à

mesépaulespourfairetombermonblouson.Ensuite,ellem’immobiliseetpressemonérectionsur

sonbas-ventre.Bonsang…Jevaisdevenirfousijenelapénètrepasimmédiatement.Jen’aiplus

quecetteidéeentête.Bordel,jegrognedeplaisir,quandelleranimecettepressionsurmon

sexe.

Jesoulèvelatêteetlareculeenmettantfinànotrebaiser,puisjefermelesyeux.Jemeconcentre

surmessensations.Jesuisprisdefrissonsdanslehautdudosetl’arrièreducrâne.Toutmoncorps

estenfeu.Jedoismecontrôler.Ellevientdéposerseslèvresdansmoncouetm’inondedebaisers,

plustendresetsensuelslesunsquelesautres.C’estfichu!Jenepeuxpasmeretenirpluslongtemps.

J’attrapesonhautetluienlève,laramènecontremoietdégrafesonsoutien-gorge.Puis,dansle

mêmeélan,jeretiremondébardeur.Nospeauxsecollentl’uneàl’autre.Jepenchelatêtepour

déposeràmontourdemultiplesbaiserssursoncoutoutendétachantl’attachedesonshort.

–Fais-moil’amour…Jen’enpeuxplus,susurre-t-elleentredeuxinspirations.

MonDieu,c’estexactementcequejevoulaisentendre.Jeglissemamainsousladentelledeson

sous-vêtementetyenfouisdélicatementmesdoigts.Elleestprêteàmerecevoir.Lasentiraussi

mouilléeetvibrantepourmoi,mefaitunputaind’effet.Jeretiremondoigtetlafaispivotersurle

côté.Latableau-dessousdumiroirferal’affaire.J’auraisputoutaussibienlaprendresurla

banquette,maisj’aienviequ’ellesoitbienfaceàmoi.J’aienviedevoir,d’épierlemoindregeste,le

moindrecentimètredemois’enfoncerenelleetadmirersonplaisirsursonmagnifiquevisage.

Jelasoulèveetladéposesurlepanneauenbois.Elleagrippemaceintureetladéfaitrapidement.

Elletiresurlesboutonsdemonjeanetattrapemonpénisentresesmains.NomdeDieu…Cecontact

merenddingue.Mesgenouxsontàlalimitedeflancher.Jeluiretireledernierboutdetissuquinous

sépare,luiécartelesjambesetviensmecalerentreelles,luiramenantlesfessesauborddelatable.

Bordel,jelapénètredoucement.Elleestsidouce,sichaudeetétroite.Uncriétouffém’échappe

lorsqu’unfrissonmeparcourtlecorps.Jem’enfonceplusloinenelle.Cettesensationestdivine,

peaucontrepeau.Celafaituneéternitéquejen’aipasutilisédepréservatifs,mêmedansmespires

états,jenelesoubliejamais.DieuduCiel,jesuisaussiraidequ’unebarredefer,pourtantsoncorps

m’enrouleavecperfection.Jerelèvelatêteetlaregarde.Ellepenchelatêteenarrière,accueillant

mescoupsdereins,labouchemi-close,lesyeuxfermés.Elles’humecteleslèvresentredeuxpetits

crisdeplaisir.Cettevueaguichantemefaitànouveaugémir.J’accélèreunpeulerythme.Jeme

pencheetviensposermeslèvressurlapeaudesoncou.Jelamordille,l’embrasse.Bonsang!Jene

vaispastenirbienlongtemps.

Aussifortesoitl’enviedecherchermajouissancequiestàdeuxdoigtsdem’envahir,jestoppe,

m’écarteetmeretire.Ileanagrogneetredresselatêtepourmeregarderdanslesyeux.Sesyeux

voilésdedésirmefusillent.

–Continue,mesupplie-t-elle.

J’aid’autresprojetspourelle.Jemebaisseetm’accroupis.Jeluiattrapelesfesses,lesattirant

surleborddelatable.Ellegémit,fermantlesyeux.Çayest,elleacompris.

Jecollemabouchesursapeaulisseetfraîchementépiléedesonintimité,puisdescendstout

doucementplusbas.J’effleuredélicatementleslèvresdesonvaginduboutdelalangue,avantdela

laperplusfortement.Ellepousseuncrid’extasequim’inciteàcontinuer.MonDieu!Songoût…Je

lalècheencoreetencore.Ellesecambre,crieplusfort.Jepoursuis,plusaffaméquejamais,la

titille,suceetaplatismalanguecontresonclitorisgonflédeplaisir.Jetracedepetitscercleset

introduisundoigt,puisdeuxdanssafentehumideetchaude.Elletremble.Sescuissessecontractent,

bougentparréflexe.Elleagrippemescheveux,passesesmainssurmatête.

–Liam!...

Sentirsonexcitationetl’entendrecriermonnomdecettemanièreestencoreplusbandantquele

reste.Jevaisjouirrienqu’àlavoirselâcher.Jeprendsmonpiedautantqu’elle.Soncorpssecrispe,

seraidit.Elleestauborddugouffre.Jeluidonnelecoupdegrâceenaspirantsonintimité.Ellejouit

enfin…Sesmainsmetirentlescheveux.Ellesecambreunenouvellefois,posantlatêtecontrele

miroir,laroulantdedroiteàgauche.Sapoitrinesesoulèveparpetitsspasmes.Ellepoussedelégers

bruitsétouffésdeplusenpluslents.

Jemerelève,luiécarteunpeupluslescuissesetm’introduisànouveauenelle,lasentantpalpiter

autourdemoi.Ellelâcheencoreuncrid’extasequandjem’enfonceplusprofond,toujoursplus

profondetdemanièreabrupte.Elleouvrelesyeuxetlesancreauxmiens.Ellemedévoreduregard.

J’accélère…Jenememaîtriseplus.Jevaisjouir!Oui…C’estdélicieux!Jem’enfonceplusfort,

plusvite.Mescoupsdereinssontdeplusenplusrapidesetfermes.Toutlesangdemoncorpsafflue

dansmaqueue.Jerâle,jegrogne,jejure:

–Putain,c’esttropbon!

NomdeDieu…Jelâchetoutenmeplantantunedernièrefois,plusprofondémentenelle.

L’orgasmem’envahitdespiedsàlatête.Commeélectrocuté,jetrembledepartout.Mesjambes

flageolent.Lebasdemonventresecrispe.C’estsiintense,putain!Jelèvelatête,lesyeuxauciel.

Jen’enrevienspas.Merdealors!Jen’aijamaisprisuntelpieddetoutemavie.

Ellem’attrapelecouetmefaitbaisserlatête.Ellemesourit,comblée.Jevienscalermonfront

contresonépaule.J’ailatêtequitourne.Ellepassesesmainssurmondosetmecaressetendrement.

–Tutrembles…Tuasfroid?medemande-t-elledoucement.

Jemeredresse.

–Non,mapuce,jevaisbien,merveilleusementbien.Cen’estrien,c’étaittellementintense.

Jeluipasselamaindanslescheveuxetlaregardeavecintensité.Elleestmagnifique!Cettefille

estunepurebeauté,unecombinaisonmagiquedesensualitéetdeluxureincarnées.

Ileana

Nousréajustonsnostenues,puissortons.Liamrefermelaporteducamping-car.

–Tuveuxresterici,alors?Tuneveuxpasquejeteraccompagneàlamaison?

Ilm’attraperapidementparleshanchesetmeplaquecontrelacarrosserie.

–Çavaêtrelong,m’indique-t-il.

Ilposeunbaisersurmonfront.

–Jemetiendraiàcarreau,promis!

Ilémetunpetitrirecraquantetglissesesmainssurmoncouquifinissentleurcheminsurmes

joues.Sonregardchanged’expressionàlasecondeoùilplongesesyeuxatrocementsexydansles

miens.Ilprendunairquejeneluiaijamaisvu.

Tantdechosespassententrenous.L’attirance,c’estunechose.L’affection,oui,jelaperçois.

L’amour,aussi,j’arriveàlereconnaître,c’estcertain,maisàquelstade?Encontrepartie,ilya

aussilesdoutesetlapeur.Jesuiseffrayéeàl’idéedemelaisseralleraveclui.Ilesttellement

ingérabledanssesréactions.Notrerelationest-t-elleviableàlongterme?

Jefinisparluidemander:

–Pourquoimeregardes-tucommeça?

Ilmesourittendrementetm’observeavecintensité,puismecaresselevisaged’unemainet

arrangeunemèchedecheveuxderrièremonoreille.

–Situsavaisàquelpointjenepeuxplusmepasserdetoi…

Ils’arrêteetdéposeunbaisersurleboutdemonnez,puiscontinueenmefixantànouveaupendant

quejemelaissetoutsimplementhypnotiserparlalimpiditédesesyeuxetleflotdesesparoles.

–Mapuce…Monrayondesoleil.Tuastoutchamboulédansmavie.Jenepeuxpaslenier.Tues

aussiunesacréeteigneettumefaisvitepéterlesplombs,mais,pourrienaumonde,jeneveuxte

perdreànouveau.J’aipassécestroisderniersmoissanstoiàdevenirfou,dingue…Jen’étaisque

l’ombredemoi-même.Tuesmonéquilibre,mamotivationàcontinuer…Jet’aime,Ileana…Je

t’aimeplusquetout.Jet’aiaiméeàlasecondeoùjet’aivuet’écrouleràmespieds.Jesais,c’est

fou,maisc’estcommeça.Nemequitteplusjamais,tum’entends?Maintenantoudansdixans,

d’accord?…Situsavaisàquelpointtaprésencemefaitdubien,jesuisvraimentprêtàtoutpour

toi,enes-tuconsciente,aumoins?

Ilsouritpluslargementetvientdoucementpresserseslèvrescontrelesmiennes,réveillantenmoi

unefouledesensationssemblablesàdespapillonsdansleventre,plusagréableslesunesqueles

autres.S’ilcontinueàm’embrasserdelasorte,c’estmoiquivaisluiordonnerderemonterdansce

camping-car.

Aumomentoùjeveuxluidirecombienjel’aimemoiaussi,unclaquementdemainsbriseledoux

silencequis’étaitinstalléentrenous.Nousnousretournonsd’unseulmouvement.

–Waouh!C’étaitsplendide,magnifique,superromantique,Liam,tut’améliores.Tuesenroute

pourl’Oscardupremierrôlemasculin,àcerythme-là.

Sophiacontinued’applaudirtoutens’adossantaucamping-car.

–Sophia,qu’est-cequetufouslà?soupireLiamunbrinagacéparcetteintrusion.

J’avaisenviedetoutsaufdelavoir,celle-là.Ellesourit,sansaucunegênedenousavoirdérangés

etcroiseméticuleusementlesbras.Toutenelleestsiapprêté.

–Jetesignalequetoutlemondet’attend.Jevenaisjustevérifierquevousnevousétiezpas

entretués,çaferaitdésordredansmondressing-car.

Ellenousfaitsigned’unmouvementdetêtederegarderlaporteduvéhicule,cequenousfaisons

l’unaprèsl’autre.Effectivement,l’écriteauaffichesonnometleprénomdesonpersonnagedansla

série.

Jesourisfièrement.J’aibienenviedeluidétaillercequivientdesepassersursonbureau,mais

Liammedevanceetluirépliqued’untonaussisatisfaitquel’airqu’ilexprime:

–Désolé…Regardebienqu’onn’aitrientaché.Surtoutauniveaudelatable.

Elleseredresseetreprendsonairsupérieur.

–Çaadûterappelerdebonssouvenirs…Toi…Moi…Surcettebanquette…

Ilmelâcheets’avanceverselle.Ellefaitdemême.JesenslapatiencedeLiams’étioleràla

vitessegrandV’.

–Arrête,Sophia!Tudevienspénibleàlafin,dit-ilencrachantchaquemot.

EllefaitunpasetposeunemainsurletorsedeLiam.

Àcecontact,jeserreimmédiatementlesdents.Jeneveuxpasqu’elleletouche.Toutcelasemble

l’amuser.Liamétantentrenousdeux,ellesepencheetmelanceunregardprovocateurpar-dessus

l’épauledeLiamavantdelefixerànouveauavecsesyeuxdevipère.

–Tuluiasparlédenotrepetitesoirée…toi…moi…monlit…

Jel’interromps,àlalimitedecrier:

–Arrête-làtoutdesuite,Liamoujetejurequejeluiencolleune.

–Bah,vas-y,etnegênepas,medéfie-t-elle.

Ellecommencesérieusementàmesortirparlesyeux.Jem’avanced’unpasdécidéverselle,mais

Liammebarrelecheminentendantsonbras.

–Ah!Ah!insiste-t-elle.Jet’aivexée?Tuasdumalàentendrelavérité.

Ellemenargue.Jevaisvraimentfinirparmelafaire,maisunefoisdeplus,Liammeretientet

m’imposelesilence.Ilenchaîne,suruntonplutôtcalme:

–Écoute,Sophia!Jenevoulaispasm’énerverjusque-là,maiscommetoutlemondeadécidé…

Ilsetait.Jelesensauborddelacrisedenerfs.Ilreprendenhurlant,faisantsaillirlesveinesde

soncou:

–AdécidédemeCASSERLESCOUILLES!

Ilpoursuit,pluscalmement,maisd’unemanièrepluscassante,sepenchantlégèrementsurelle.

–Tumegonfles.Sérieusement,tu…me…gonfles.TuveuxquejeteladisecetteFOUTUE

VERITE:Jen’enaiplusrienàfoutredetoi!Alors,tonpetitmanègeàlaconpouressayerdeme

séparerd’Ileana,tutelemetslàoùjepense!Jenevoispaspourquoijeluiauraisparléde

notrepetitesoirée,vuquec’était…

Ilcherchesesmotsavantdereprendre:

–Pitoyable,minable,ennuyeux…ÀCHIER!Jen’aijamaisosételedire,mais,entroisansde

relationavectoi…jenemesuisjamaisautantfaitchieraulitdetoutemavie!

Ilmejetteunrapidecoupd’œiletcontinueenmemontrantdudoigt.

–Tuvoiscettefille?Tuneluiarrivesmêmepasàlacheville.Tun’aspasuneoncedeson

intelligence,desabeauté,desonnaturel,desacompassionetdesasensualité.Tun’esqu’unepauvre

fillequicalculetout,quisesertdetoutlemondesanslemoindreétatd’âme.

Ilsefaitplusméprisant.

–Ah!Pourallumer,ça,tusaisyfaire!...Oui,tusaisyfaire,mais,pourlereste,iln’yaplus

personne…Tun’esqu’unesale…

Jeluiagrippelebrasetl’interromps:

–Arrête,Liam,c’estbon!

Mêmesicequ’ilditmefaitplaisir,jememetsétrangementàressentirdelapitiépourelleà

mesurequejevoissonvisagesedécomposer.Elleestprochedeslarmes.

Ilssefixentquelquessecondes,sefusillantduregard.Ellefinitparluimettreunegiflequ’iln’a

apparemmentpasanticipée.Elletournelestalonsetvideleslieux.

–Tuyesalléunpeufort,là.

Illèvelesyeuxaucieletsoupireunboncoup.

–Putain!Quelsoulagement.

Ilinclinelatêteetmeregarde,lesourireauxlèvres.

–Onenétaitoù?ajoute-t-ilcalmement.

Jeris.

Tony

L’atmosphèren’ajamaisétéaussipesantesurleplateauquecematin.LiametSophiasesont

apparemmentengueulés,maisilsdoiventpourtanttournerunescèneensemble.Et,moi,jen’oseplus

approcherIleanadepeurdefroisserLiam,cequiplomberaitencoreplusl’ambiance.C’estàdevenir

fou.

IleanaestassiseàcôtédemoisurlachaisedeLiam.Noussommesdanslehangarnumérodeux.

Letournageacommencé.LiametSophiasontsousleporchedelareconstitutiond’unedesmaisons

delasérie.Liampeineàseconcentrer.IlnecessedejeterdesregardslangoureuxàIleana,alors

qu’ilestcenséregarderSophia.Ilsreprennentlascèneaumoinsquinzefois.Leréalisateurdevient

fou,luiaussi.

–Ças’estarrangé?finis-jeparglisserentredeuxhurlementsdeMarcquiestàlalimite

d’exploser,carLiamenchaîneleserreurs.

Ellelèvelatêteetmeregardeenhaussantlessourcils.

–Hum?Dequoi?dit-elleencontinuantdepianotersurunordinateurportable.

–Aveclui?

Jedirigelementonversledécor.

–Ah!AvecLiam,tuveuxdire?

Elleseconcentreànouveausurl’écran,puismerépond:

–Jesupposequeoui.

–Parfait!

Ellesourittimidementetfaitsapetitemouequej’aimetant,avantdemerépéter:

–Oui,parfait.

Ellereprendcequ’elleétaitentraindefaire.J’insisteetchercheunautresujetdeconversation.

–VousallezensembleàLosAngeles?

Ellerabatl’écrandel’ordinateur.

–Oui!

Ellemescruteaveccuriosité.

–Tuviensaussi?

Jepivotesurmonsiègepourluifaireface.

–Oui.Onyvatouslestrois.

–Touslestrois?demande-t-elle,étonnée.

–Lui,Sophiaetmoi.

Sonvisagesetendlégèrement.

–Ah!Jenesavaispas.

–Lasériereçoitunprix.VoilàpourquoionyseratouslestroisavecMarcetSally,ajouté-jeen

lançantuncoupd’œilàLiamquimefixeavecunregardinsistant,cettefois.

–D’accord,dit-elleenregardantàsontourleporcheoùLiametSophiajouentlacomédie.

–Donc,vousallezofficialiservotrerelation?continué-jepourqu’elledétournesesyeuxd’eux

deux.

Ellehausselesépaulesetm’explique:

–Passpécialement,pourquoi?Ilm’aparléd’officialisation,vitefait,maisjenevoispasceque

celachangera.

–Vousallezquandmêmevousmontrerensemble.ÀL.A,C’estdifférentd’ici,ilyades

paparazzistoutlesmètrescarréset,pendantlacérémonie,toutelapresseinternationalesera

présente.Jusqu’àprésent,votrerelationn’étaitqu’unerumeurouunepassadeauvudumonde,mais

là,çavaêtredifférent,ilnet’apasexpliqué?

–Onn’enapasréellementparlé,àvraidire.

–D’accord.

Jenevoulaispasl’effrayer,maissonvisages’estànouveautendu.Ellesembleailleurstoutà

coup.J’essaiedelarassurer.

–Hé!Net’inquiètepas,c’estriendegrave!

Ellemelanceuntimidesourireethochesimplementlatête.«Mince!»Commeunabruti,jelui

auraisûrementdonnédesdoutes.

–Tuessûrequeçava?insisté-je.Jenevoulaispast’effrayerouquoiquesoitd’autre.

Jeposemamainsursonbras.Elleéchappeàmongesteetselèveenm’expliquantsèchement

avantdepartir:

–Vousavezfinitouslesdeuxdemeprendrepourunepetitechosefragile?C’estgonflant,àla

fin!

Ensortant,elleclaquelaporteduhangar.Cequiprovoqued’autrescrissurleplateau.«Et

merde!»Jel’aivexée.Jemelèveàmontouretfiledirectionlasortie.

–Tony!hurleLiam.Qu’est-cequ’ellea?medemande-t-ilsuruntonpluscalme,endescendant

rapidementlesmarchesdufauxporchesouslesaboiementsdeMarcquiluiordonnedeseremettre

enplace.

–Rien,Liam…Rien,dis-jelesdentsserréesenpoursuivantmonchemin.

Ilm’agrippelebrasavecforcepourmestopperdansmonélan.Jemetournevivementenlui

retournantunbrusquecoupd’épaulepourqu’ilmelâche.Jesuisprêtàluibondirdessuspour

anticiperd’éventuellesreprésailles,maisquandjeremarquesonvisageplutôtinquiet,jemeravise.

–Tupeuxt’occuperd’ellependantque…

Ils’interromptenmefaisantunsignedumentonpourmemontrerleplateau,puisreprend.

–Elledoits’ennuyer.Amène-laauréfectoire,jevousyrejoinsdésquepossible.

Jefroncelessourcils,saréactionmesurprend.Jehochesimplementlatêteetfaisdemi-tour.

Quandjesors,ellemarcheauloinsurleparking,entrelesdeuxsemi-remorques,letéléphoneà

l’oreille.Elleaccentuesespasenfaisantdelargesmouvementsdejambesetsetortilleenessayant

degarderl’équilibrecommeleferaitunepetitefilles’imaginantunelignedroiteànesurtoutpas

manquer,cequimefaitimmanquablementsourire.Laconversationtéléphoniquequ’ellesembleavoir

luiaredonnélesourire.J’aiencorecenœuddansl’estomacquandjel’épie.Elleestmagnifique,

pureetextraordinaire.Jesuissimplementdinguedecettefille.Jenepourraijamaismelasserdela

regarder,pourtant,jen’enaipasledroit,pascommejelefaisencemoment,entoutcas.

Ellesetournesubitementdansmadirectionetarboreunlargesourire,maisjenesaispass’il

m’estdestinéous’ilfaitsimplementpartiedesadiscussiontéléphonique.Jemedécidetoutdemême

àavancerverselle,doucement,lesmainsdanslespoches,leplusdétendupossible,mêmesi,dans

matête,j’imaginem’élancerverselle,prendresonjolivisageentremesmainsetl’embrasser.J’en

crèved’envie,maisjemepostesimplementdevantelle,attendantqu’ellefinissesaconversation

avecsamère,semble-t-il,vuquejecomprendslemot:«maman».

–Qu’est-cequetufaislà?dit-elleenrangeantsonportabledanslapochedesonshortenjean.

Ellepoursuit,unlégersourireauxlèvres:

–Tusaisbienqu’onainterdictiondeseretrouverseuls,surtoutentredeuxsemi-remorques?

Ellefinitsaphraseenémettantunpetitrirecraquant.Jehausselesépaulesensortantlesmainsde

mespochespourmettremespaumesenl’air.

–Tunevoudrasjamaismecroire,maisfigure-toiqu’onal’autorisationcettefois-ci!

Elleécarquillelesyeux,sanscomprendre.Sonregardsemblemeposerdenombreusesquestions.

–Liamm’aconseillé…Enfin,venantdelui,c’étaitplutôtordonné,detetenircompagnie.

–Tuessérieux?...

Jepasseunbrasautourdesesépaulesetluirépondssereinement:

–Trèssérieux.Allez,viens!Jet’emmèneauréfectoire.

Ellelèvelesyeuxpourmedévisageretsouritlargement.

–Tucroisqu’onaledroitdesetenircommeçaaussi?remarque-t-elle,alorsquejelatiens

serrée,peut-êtreunpeutrop,contremoi.

Jelalâcheetfaisunpassurlecôtépourm’écarter.

–Oui.Tuasraison,n’allonspastropvite,dis-jeironiquement.

Ellem’envoieunebourradedanslescôtesetexplosederire.

–Reviensici,idiot!m’ordonne-t-elleenmetendantlesbras.

Jem’empressedelarejoindre.Auboutdequelquespas,elleremarqueensouriant:

–Aufait,çatevasuperbiencegenredeblousondefootballuniversitaire.

Jeplongemonregarddanslesientoutencontinuantd’avanceretluirendsonsourire.

–Merci,dis-jesimplement.

Ellenes’imaginepasàquelpointsoncomplimentmetouche.C’estlapremièrefoisqu’elleme

faituneremarquesurmatenueoumonapparence.

Quandnousarrivonsauréfectoire,certainstechnicienssontdéjààtableetd’autressontentrainde

fairelafiledevantlesinnombrablesplatsduself,leurplateauàlamain.Nousnousasseyonsàla

placeoùnousavions,Liam,Sophiaetmoi,l’habitudedemanger.Enfin,çac’étaitàl’époquedes

troisinséparables.Nousétionsautrefoistoujoursensemble.Aprèsleurrupture,nousnoussommesun

peuéloignésdeSophia.

Àcettesimpleréflexion,jememetsàrirebêtement.Jeviensdepenseràlavieminablequej’ai.

JemesuistoujoursretrouvéàtenirlachandelleentreLiametsesconquêteset,là,jecontinue,àla

différencequecettefois-ci,j’aidessentimentspourl’uned’elles.

–Qu’est-cequ’ilt’arrive,Tony?medemandeIleanaenmevoyantrire.

Vusonregard,ellemeprendpourunfou,mais,àvraidire,ellen’apastoutàfaittort.Jeme

relèveaussitôtassisetluiexpliqueunpeuperdu:

–Écoute!Liamm’ademandédet’amenerauréfectoire.Tuyes…Donc,jetelaissetranquille.

Jebaisseleregardquandellemedévisage,sanscomprendremaréaction.Ilfautdirequemoi-

mêmejenemecomprendspas,alorscommentyarriverait-elle?

Aumomentoùjemeretournepourpartir,jepercutequelqu’unetbaisseimmédiatementleregard

pourvoirunpetitboutdefemmequivireaurougeenbafouillantdesexcusesetenessayant

nerveusementderemettresescheveuxblondsenplacederrièresesoreilles.Jemedécalepourla

laisserpasser,maisellereproduitlemêmemouvementquemoi.Nousnouspercutons.Nousrions

ensemble.Nousavonsl’airaussiempotésl’unquel’autre.Nel’ayantjamaisvuedanslesparages,je

décidedemeprésenter,vuqu’aucundenousdeuxnesedécideàbouger.

–Tony,dis-jeenluitendantlamain.

Ellesouritet,replaçantunemèchedesescheveuxderrièresonoreille,ellelâcheàvoixbasse:

–Kathy…Enchantée.

Liam

Sophiam’observeméchamment,alorsqu’elledevraitmeregarderavecdel’amourdanslesyeux

selonlescript.Ilesttreizeheurespasséetjecommenceàavoirtellementfaimquej’entrembleet

j’aifroid.MaisMarcneveutpasnouslâcher.

Jen’aiqu’Ileanaentêtedepuisqu’ellenousaquittéscommeunesauvage.Jesautillenerveusement

surmespiedsenattendantquelaprisereprenne.Jesuistendu…terriblementtendu.Jenesaispassi

c’estdûaufaitdesavoirIleanaavecTonyoutoutsimplementparcequej’enaimarredereprendre

sanscesselamêmescèneavecSophia.Jefaiscraquermoncouet,autopdépartdelanouvelleprise,

jemeprécipitesurSophiapourl’enlacercommejemedoisdelefairepourletournage.

–Jesuisdésolémonamour,mesusurreSophiaquandelleenfouitsonnezdansmoncou.

Necomprenantpasoùelleveutenvenir,jereculelebusteetlaregarde,étonné,cequiprovoque

unarrêtsoudaindelapriseetnousvautleshurlementsrageursdeMarc.

Toutàcoup,jeressensuneatrocedouleurdansleventrequimeplieendeux.Jem’agrippeà

l’épauledeSophia,maisellem’esquivevolontairementenreculant.

Jebaisseleregardsurl’endroitd’oùprovientladouleur.J’aiuncouteauplantédansl’abdomen,

l’undeceuxquenousutilisonspourletournage,maiscelui-cines’estpasrétracté.Ellem’avraiment

enfoncéunelamedansleventre.Jevoislesangimbiberletissublancdemondébardeur.Jerecule

d’unpasenperdantl’équilibre.Latêtemetourne.Jeluijetteunregardéperdu.Pourquoia-t-ellefait

cela?Ellesouritcruellement.J’aimal.C’esthorrible,insupportable.Jenevaispastarderà

m’effondrer.J’entendscommeunrirequis’amplifieaufildessecondesquis’écoulent,puisune

petitemainfroidevientseposersurmonépaule.

–Liam!

J’entendslavoixdouced’Ileanaquirésonnedansmatête.

–Liam,réveille-toi!

Quelqu’unmesecouel’épaule.J’ouvrelesyeux.Jesuistotalementdésorienté.J’inspire

profondément,gonflantànouveaumespoumonsd’air.J’étaissurlepointdesuffoquer.Jejetteun

rapidecoupd’œilàmonventreetpasseunemaindessus.Jen’airien.Cen’étaitqu’uncauchemar.

Toutelajournéemerevientenmémoirecommeuncoupdemassue.Lesimagesdecematindansla

cuisine,entraindeboiremoncafémereviennent.JemesouviensavoiremmenéIleanaaustudio,

puisdenotredisputesurleparking.Notreréconciliationdansledressing-cardeSophia,letournage

quim’aparudureruneéternitéàcausedesmultiplesprises.Ensuite,lerepasàlacafeteriaentêteà

têteavecIleana.Jemesouviensavoiraimécemomentplusquen’importelequeldepuiscesderniers

jours.Nousétionstellementdétendus,nousavonsrietparlédenotreavenirdelonguesminutes

ensemble,sansquepersonneneviennenousdéranger.J’ailesouvenird’avoirreprisletournage

avecl’esprittranquille.L’après-midis’estainsipassésansaucunproblème.Jemerappelleausside

lapausedansmalogeavecIleana.Nousavonsfaitunesieste…Jesourislégèrementrienqu’àcette

pensée,unesieste!...C’estcequenousétionscensésfaireàl’origine,maiselleaglissésamaindans

monpantalon,puissousl’ourletdemonboxeretlà,monsangn’afaitqu’untouretnousavonsfini

parfairel’amoursurlesofa.MonDieu!Quec’étaitbon!

Jelâcheuncriétoufféquisortduplusprofonddemesentrailles.Mesyeuxs’habituentpeuàpeuà

l’obscuritédelachambre…demachambre.Ileanasepenchesurmoietm’attrapelevisage.Jerive

mesyeuxauxsiens,elleàl’airtellementsoucieuse.

–Hé!Monamour,tuviensdefaireuncauchemar,merassure-t-elleenmecaressantlajouedesa

main.

–J’aichaud.

Jemelèvesurlescoudesetlabouscule.

Elles’écartesurleborddulit.Jenevoulaispasêtresibourru,maisjecrèvevraimentdechaud,

j’étouffemême.Sijepouvaisenlevermaproprepeau,jeleferais.

–Qu’est-cequ’ilt’arrive?medemande-t-elleavecunepointed’agacementdanslavoix.

Jemelèvedifficilementsansunmot.Mesjambessonttoutengourdies.Bonsang!J’aichaud.Il

faitunechaleuràenmourir,danscettechambre.Jeneporteriensurmoi,maisj’ail’impression

d’avoirrevêtuunecombinaisondeplongée,quelquechosed’épaisetlourd.

Jedescendsprécipitammentlesescaliers.J’aibesoindesortirdanslejardin.Avecunpeude

chanceetvul’heuretardiveouplutôtmatinale,latempératuredevraitêtrefraîche,etc’estexactement

cequ’ilmefaut.J’aibesoind’airetvite.Magorgemeserre,moncœurtambourinedansmapoitrine

àuneallurefolle.Jevaisypasser.Unefoislabaievitréeouverte,jem’avancesurlaterrasse.C’est

pirel’airesthorriblementlourdetétouffant.Jerefermelaporteenlacoulissantbrutalementetvais

danslacuisinemeservirunverred’eau.J’attrapelacarafedanslefrigoetmelaplaquecontrele

front.Celafaitdubien,maiscen’estpassuffisant.Jeboisunegorgéeetremarquequemamain

trembleénormément.Bordel,maisqu’est-cequej’ai?Latêtemetournedeplusenplus.J’ai

subitementdesbourdonnementsdanslesoreilles.Jem’appuiequelquessecondessurleplande

travailpourreprendremonsouffle.J’ail’impressiond’avoircouruunmarathon.

Lorsquejeremontelesescaliers,jemecramponneàlarampe.Tousmesgestessontsidifficilesà

exécuter.J’ail’étrangesensationquetoutmoncorpssetransformeenpierre.

Enhaut,Ileanaestsurlepasdelaporte.Elleaenfilémontee-shirt.Ellemeregarded’unair

inquiet.Elleneditrien,maisjeperçoislesmultiplesquestionsqu’ellesepose.J’aimeraispouvoirla

rejoindre,laprendredansmesbrasetluidirequetoutvabien,maiscen’estpaslecas.J’aitoujours

aussichaudetrienquel’idéedemeserrercontreellemedonnedessueurs.Monfrontdégoulinede

transpirationetquandjepassemamaindansmescheveux,ilssonttrempés.

Jegagnelasalledebaind’unpaslourdetfilesousladouche.J’ouvrel’arrivéed’eausurleplus

froidpossibleetmeplacesouslejet.Audépart,jeneressenspresquerienpuis,peuàpeu,mon

corpsbaissedeplusieursdegrés.Jerestesouslejetd’eau,latêteenl’air,lesyeuxferméspendant

plusieursminutes,accueillantcettesensationavecunextrêmesoulagement.

J’étaisvraimententraindemeconsumerdel’intérieur.Marespirationcommenceàreprendreun

rythmenormal.Parcontre,mesjambesetmesbrassonttoujoursaussitendus.Jemetiensàpeine

debout.Jefinisparm’asseoirsurlecarrelageetmerecroquevillersousl’eaugeléequiglissesurma

peau.

–Hé!Çava?insisteIleanaquivientd’apparaîtredoucementdanslasalled’eau.Elleal’air

tellementdésemparée.

Jehochebrièvementlatête,jen’aipaslaforcedeparler.Ellesefaufiledansladoucheet

s’accroupitdevantmoiposantsesmainssurmesgenoux.

–Sorsdelà,tuvasêtretrempée,finis-jepardiredoucementenposantmatêtecontrelaparoi.

Ellem’attrapelevisageetmeforceàleredresserpourquejelaregarde.

–T’asfinidemedirecequejedoisfaireounon?

Elleseredresse,attrapelepommeaudeladoucheetselemetau-dessusdelatête,enpoussantun

petitcrisousl’effetdel’eaufroide,puism’explique:

–Voilà!Jesuismouillée.Jeresteettoi,tuvasmedirecequ’ilsepasse.

Quandelles’accroupit,jel’attrapepourl’attirercontremoi.

–Putain!C’estfroid,rit-elle.

Jedéposeunbaisersursonfrontet,levantmonbraslibre,jecoupel’arrivéed’eau,puispassema

maindanssescheveuxmouilléspourcalersatêtecontremoi.

–Têtedemule.

–Tum’expliques?dit-elleenrelevantlatêtepourmedévisager.

–Jenesaispas,mapuce,jen’étaispasbien,j’avaischaud.

–Çat’arrivesouventdeprendreunedouchefroideàtroisheuresdumatin?Non,parcequedis-

le-moi?Quej’évitedem’inquiéter,glousse-t-elle.

Jerisdoucementenluicaressantlebras.

–Désolé...

Jesensqu’ellegrelottecontremoi.Jeluidistendrement:

–Tuvasattraperfroid,filedelà.

–C’estquilatêtedemule,là?rouspète-t-elle.Jet’aiditquejerestaislà,avectoi.

–Enlèveaumoinsletee-shirtetprendsuneserviette.

Avecunlargesourire,elles’exécute.Elleretirelevêtementtrempéetlejetteendehorsdela

douche,puisrevientsecalercontremoi…sansattraperdeserviette.

Jereposel’arrièredemoncrânecontrelecarrelageetlèvelesyeuxauplafond.Bordel,voirsa

poitrinedénudéemefaitànouveaubouillirdel’intérieuretmemetsdansunétatdetranse.

Jelaserreplusfortdansmesbras.Elledéposeunemainsurmontorseetdessineduboutdeson

indexdepetitscerclesimaginairesentremespectoraux.Marespirations’accélèreànouveau,mon

thoraxsesoulèveparà-coups.Jenesaispassij’aibesoindesexemaintenant,maisj’encrève

d’envie.Jerecommenceàtrembler,maiscettefois,ils’agitdavantaged’excitationqu’autrechose.

Elleglissedoucementsamainsurmesabdosens’arrêtantsurchaquecourbeetlesentouredeson

doigt.Elledescendsurmonnombrilettraceànouveauuncercle.J’étendsmesjambessurlesolpour

luilaisserunlibreaccès.Ellearrêtesescaressesauniveaudemonbas-ventreetdéposeunbaiser

surmoncou,cequimedonneimmédiatementlachairdepoule.

J’allaisluidemanderdecontinuer,maisc’estinutile,carellepoursuitsalentedescente.Samain

arriveauniveaudemonaine,s’arrêteuncourtinstantquimesembledureruneéternité,pour

finalemententourerdélicatementmonpénisdéjàbiendurdesesdoigtsfinsettremblants.

Jefermelesyeuxàcecontactquimeprocuredenombreuxfrissons.Ilss’étalentdemonbas-

ventreàl’arrièredemanuque.Jetented’étoufferunrâledeplaisir,maisc’estpeineperdue:jesuis

enfeuetjeperdsenunefractiondesecondetoutcontrôle,surtoutquandelleentamedelégersva-et-

vient.Jesuiscommeparalysé.Chaquecaressem’inondedepuissantessensations.Jen’aiplusqu’une

idéeentête:laprendresurmoietmeperdreenelle.J’ouvreànouveaulespaupières,medécale,

l’agrippeparleshanchesetl’attireau-dessusdemoi.Nemequittantpasdesyeux,elledescend

lentementsurmoietjepénètresoncorpschaudethumide.Mespaupièressemettentàbattre.J’ai

enviedehurlermonbien-être,maismabouches’entrouvreàpeineetjeneparviensqu’àarticulerun

petitsonrauque.

Elleenroulesesjambesautourdemoietcommenceàsetortillerd’avantenarrière.Jem’accroche

plusfermementàsatailleetl’aideàbougerplusvite.Lorsquejesuisàlalimited’exploserjela

stoppe,meredresse,lapencheenarrièreetvientcalermaboucheentresesseins.Elleaccueillemes

baisersengémissantlonguement,puisenbasculantlatête.Jeglissemesmainslelongdesondos

courbéetlesremontejusqu’àsanuque.

Jeglissemalanguesurchaquepointedurciedesamagnifiquepoitrineetenprendsuneàpleine

bouchepourlesucer,lemordillerlégèrementetlelaperànouveau.Jesoulèvelementonetluijette

uncoupd’œil.Ellesemordleslèvres.Elleaussiestenfeu,jelevoisaurougedesesjoues.Comme

jecessetoutcontact,ellebaissesesyeuxfiévreuxsurmoietmesuppliedecontinuer.Cequeje

m’empressedefaire.Jecalemesmainssouschacundesesseinsetlespressedélicatement.Elle

recommenceàfairedepetitsmouvementsdereins.Jesuisaubordduprécipiceet,àentendresa

respirationsaccadéeetlespetitsbruitsquisortentdesagorge,ellen’enestpasnonplustrèsloin.

Jesensqu’elleseresserredoucementautourdemonmembrequipalpitedéjà.Jen’enpeuxplus,je

nepeuxtoutsimplementplusmeretenir,lapressiondesonorgasmenaissantfinitdem’achever.

Quandellehurlesonplaisiretquesoncorpsseresserreànouveauparà-coupsautourdemonsexe,

jeplaquemesmainssurseshanchesetl’obligeàs’enfoncerunedernièrefoisplusprofondément.

Uneputaindedéchargeélectriquem’envahitdespiedsàlatêteàunevitessefolle.Jesuccombedans

unabîmedejouissance,àlalimitedeperdreconnaissance.

Quandtoutescessensationss’apaisent,jereposelourdementmatêtecontrelaparoiettentede

reprendreunerespirationnormale.Ellem’étreintetposesonfrontdanslecreuxdemoncou.Je

l’enlaceetluicaresselentementledos.Jesuistotalementapaiséetdétendu,mesjambesetmesbras

nesontplusaussicrispés.Unefoismonrythmecardiaqueralenti,jelâcheunlongsoupirde

soulagement.

–Çavamieux?mesourit-elleavecunepetiteminecoquinequimefaitsourireàmontour.

Jel’embrassesurlefront.

–Tuasledondemecalmer,mapuce,merci.

Elleenfouitànouveausatêtedansmoncouetjesenssonsourirecontremoi.J’adorecela.Sila

fatiguenem’envahissaitpas,jesouhaiteraisresterdanscettepositionencorependantdesheures.

Bizarrement,unesoudaineculpabilitémesubmerge.J’aimecettefilleauplusprofonddemonêtre,

elleestmonéquilibre,maismoi,quesuis-jepourelle,àpartuneénormepertedetempset

d’énergie?

Perdudansmespensées,jen’aipasremarquéqu’elles’estreculéepourmedévisager.

–Est-cequetum’aimes?finis-jeparluidemanderavecplusdemaladressequedetendresse.

Ellefroncelessourcilsetenprenantmonvisageentresesmains,ellemerassure:

–Biensûrquejet’aime,Liam,plusquetout.N’endoutejamais.

Ileana

C’estlegrandjour!Jesuistouteexcitée.Jen’enaipasdormidelanuit.Jesuisencoresousles

draps,maisprêteàbondir.LeréveildeLiamn’arrêtepasdesonner.Iln’apasl’airaussimotivéque

moi.Allongésurleventre,ilenfouitsonvisagedanslecoussinensoupirantetenpestantcontrela

sonnerie.

–Onselève,dis-jedoucementavantdereprendreplusgaiement,avecunepointed’enthousiasme

unpeutropperceptible.Nouspartonsà…LOS…ANGELES…!

Liamsedécouvrelevisage,melanceunregardencoretoutendormietironise,suruntonlas:

–Chouette!Tropbien!

Ilrepiquedunezdanslecoussinmoelleux.Jegrimpesurlui,m’assoisàcalifourchonsurlecreux

desesreinsetluijetteunepetitetapesursesfessesnues.

–Allez,debout,petitemarmotte!dis-je,surexcitéeenlesecouantvivement:nousallonsàLos…

An…ge…les…

Jem’allongesursondosetcalemonmentonsursonépaule,puispasselamaindanssonépaisse

tignassepourl’ébourifferdavantage.

–Jenemelèvequesionfaitl’amouravant,marmonne-t-il,suruntonboudeurdanslecoussin.

Jerislégèrementcontresapeauetmeredressetellementvitequej’enailatêtequitourne.

–Non,pascematin!Onestàlabourre!

Jebasculeénergiquementsurmoncôtédulit.Ilseredresse,laminedéfaiteparlanuitquenous

venonsdepasser.Ilalesyeuxbouffis,lescheveuxenbataille,destracesdedrapssurlevisage,

maislamouequ’ilmelancealorseffacetoutcommeparmagie.Jeletrouveadorablementcraquant.

Ilbougonneenseretournantlourdementsurledos:

–L’avionnedécollequedansquatreheures.Onaletemps.

Jem’assoissurleborddulitetcherchemessous-vêtements.Quandjerepenseàhiersoirlorsque

noussommesentrésdanslachambre,jememordslalèvre.Finalement,l’idéederefairel’amourme

tenteraitbien,maisnon!

Jen’aipasletempsdemeleverquedeuxbrasfortsetchaudsviennentm’encerclerlatailleetme

tirentbrutalementenarrière.

–Revienslàimmédiatement,mesusurreLiamsuruntontentateuraumomentoùjebasculecontre

sontorse.

–Non,Liam!Ilfautquejemedouche…quejepréparemavalise…que…

Jemetaisparcequelespetitsbaisersqu’ildéposesurlecreuxdemoncouprovoquentunedouce

chaleurdanslebasdemonventre.Jesuisàdeuxdoigtsdemelaisserconvaincre.Jedoisrésister.

MonDieu!Faitesquejenecèdepasàlatentation.

–Cen’estpasjuste,tutriches…T’esinfernal,Liam…

Ilglissesamainsurmonventreetl’arrêteauniveaudemonnombril.

–Non,non,non…pasça!Nevapasplusloin,stop!

–Jenetrichepas,mabelle,jet’aimeetjeteveuxlà,maintenant,murmure-t-ilenmemordantle

lobedel’oreilleenpoursuivantsadescentelangoureusejusqu’àl’intérieurdemescuisses.

–Jedoisprendreunedouche…pesté-jeencore,maisjeravalelasuitequandilintroduitundoigt

dansmonintimitédéjàbouillonnante.

–Tues…t’es…

Jefinisparunlonggémissementlorsqu’ildéposesonpoucesurlapartielaplussensibledemon

anatomieetytracedepetitscercleslents.Ilritàmonoreille.

–Jesuis…?

Moncorpss’embrasetelunbrasier.Sescaressessonttellementexpertes.Ilsaitprécisémentce

qu’ilfaitetlàoùildoitlefaire,avectendresseetdouceur.

–Je…suis…quoi?répète-t-ilendétachantbienchaquemot.

Jesuisincapabledemesouvenirdecequejevoulaisdireilyadeuxsecondes.Commentveut-il

quejeterminemaphrase?Jesuissurlepointd’explosersoussesdoigts.Ilpoursuitlascivementson

intrusion.

–Rien…Continue,soufflé-jeenmetortillantdeplaisirsoussesdoigtshabiles.

Ilémetunriresisexyàmonoreillequejemedemandesicen’estpassavoixquidéclenchele

violentorgasmequim’envahitpresqueinstantanément.

Mesjambessemettentàtrembler.Jeressenscommeunélectrochocauniveauduventrequise

propageàlavitessedel’éclairenunemultitudedepetitesdéchargesélectriquesdivinement

agréables.Unlongetchaudfrissons’emparedemapeau.Jenesuisplusqu’unebouled’énergiequi

seconsumeàfeudoux.Jemecambreetfermelesyeuxenaccueillantavecreconnaissanceces

sensationsplusqu’exquises.Jesensqu’ilm’épieetsourit.Lecalmemerevient,petitàpetit.Jelève

lesyeuxverslui.Ilesquisseunsourirebientropvictorieuxàmongoût.

–Tuescontentdetoi?

–Trèscontent,allezhop!Debout!

–Qu…quoi?Ettoi?Jenemesuispasencoreoccupéedetoncas,dis-jeenmeredressant.

–Moi,jen’aibesoinderien,j’aidéjàétécomblé,mapuce.Allezdebout!ricane-t-ilendéposant

unrapidebaisersurmajoue.Ilselèvelaseconded’aprèsetprécise:

–Jefileàladouche!

–Hééé!Moid’abord,crié-jeenlevoyantseprécipiterverslasalledebain,unsourirejusqu’aux

oreilles.

Jesautedulitetmeprécipitepouressayerdel’intercepter,maisjenesuispasassezrapide.Ilme

refermelaporteaunezets’yappuiepourlabloquer.Jem’énervesurlapoignéeettambourinedes

poingscontrelaporte,maiscelaapourseuleffetdelefairerirecommeunfou.

–Cen’estpasdrôle!Laisse-moientrer!J’étaislapremière!

Ilritdeplusbelle,maissedécideenfinàouvrirlaporte.Lesmainsauxhanchespourbienlui

signifiermonmécontentement,jeluijetteunregardquienditlongsurmonenviesoudaineet

viscéraledel’étrangler.

Hélas,jen’arrivepasàresterbienlongtempsdanscetétatd’espritfaceauLiamhilarequise

moquedemoi.Sonrireesttellementcommunicatif,sesyeuxsipétillantsetsonallureencoreunpeur

fripéeesttellementcraquantequej’éclatederireàmontour.Ilfoncesurmoitêtebaisséeetme

soulèveencalantsonépaulesurmonventre.Jemeretrouvelatêteenbasenmoinsdedeuxsecondes,

àmefaireportercommeunvulgairesacàpatates.Ilnousfaitfaireundemi-touretnousfaitpénétrer

danslasalledebain.

–Arrête,Liam!pesté-je.Repose-moi,jevaisvomir.

Ilmedéposequandnouspénétronsdansladouche.Leregardqu’ilposesurmoiestàlafois

narquoisetvoilédedésir.Jem’attendsaupire.

–Jeneveuxpasprendremadoucheavectoi!finis-jeparluidireavecunemouedepetitefille

gâtéeetencroisantmesbrascontremapoitrine.

Ilmeplaquecontrelaparoidecarrelage.C’estglacé!

–Etpourquoipas?

Jebaisseostensiblementlesyeuxsurlapartiedesoncorpsquisedressecontremonventreet

ravalemasaliveavantdeglousserenluiindiquantdudoigtsonentrejambe:

–Àcausedeça!

Ilexplosederireenbasculantlatêteenarrière.

–Tuessérieuse?

–Oui,jeveuxgarderlepeudecontrôleetdedignitéqu’ilmereste,aumoinspendantlesquelques

heuresàvenir,etavecça…devantmoi…surmoi…c’estimpossible!

–Nepastefairel’amourpendantplusieursheures?Non!C’esthorsdequestion!décrète-t-ilen

remontantseslèvresdemonépaulejusqu’àmamâchoire.

Detoutefaçon,j’aidéjàperdutoutcontrôleàlaminuteoùils’estcolléàmoi.J’enroulemesbras

autourdesoncouetapposemesmainssursanuque.Ilm’attrapeparlebasdesfessesetmesoulève.

Jel’entouredemescuisseset,avecdouceur,ilmepénètreaveclenteuretdélicatesse.Çayest,je

suisentraindefondre…

***

Lasemaines’estfinalementplutôtbienterminéeetafiléàuneallurefolle.Liamaététrèsoccupé

parletournage,maisj’aifiniparm’adapteraurythme.Quand,jen’étaispasaveclui,j’étaisavec

TonyetKathy,unefillegéniale,unestagiairemaquilleuse,jepense,oudanslaconfectiondedécors,

untrucdugenre,jenesaisplus.

Nousavonsénormémentparléensembledetoutetderien,maissurtoutdeTony,enl’absencede

l’intéressé,biensûr.KathysembletotalementflashersurTonyetlui…Jenesuispasarrivéeàlui

faireavouerquoiquecesoit,àmongranddésespoir.J’aipourtantbiensurprissesnombreuxregards

discrètementposéssurelle.Ilsressemblentàceuxqu’ilmelançait,ilyadecelaencorequelques

jours.Iladûpasseràautrechose.J’avoue,nonsansgêne,quedesavoirqu’ilatournélapageme

provoqueunlégerpincementaucœur,maisjen’aiabsolumentaucundroitdeleluireprocher.Qui

serais-jepourfairecela?

EncequiconcerneleduoLiam-Tony,iln’yapasdegrandbondenavant.Leuramitiéest

vraimentsurunepenteraide.Ilsontbienéchangéquelquesmotsendehorsduplateau,maistoujours

dansunetensionpalpable.QuantàSophiaetauresteducasting,jelesaifuiscommelapeste.Tous

meregardentd’uneétrangemanière,jemesenscommeuneextraterrestrelorsquejelescroise.Ce

sentimentesttotalementflippant.

Avant-hiersoir,ilssontallésfilmerenextérieur,denuit.Letournageafiniàquatreheuredumat,

maisLiamapasséprèsd’uneheuredeplusàpapoteravecdesfanset,ai-jebesoindelepréciser?,

desfansauféminin.Jenesuispasjalouse,Liaml’estdéjàbienassezpournousdeux.Cecidit,ilya

deslimites:unbisou,deuxbisous,troissurlesjoues,desaccolades,enfinplutôtdegroscâlins,je

nedispas…Maislescouvrirderegardsdebraisepourcharmerdesfillesquifondentdéjàau

premiersourire…c’enétaittrop!J’aidûletirerdeforcepourrentreràlamaison.

Ilestvraiquedelevoirànouveausibiendanssatêteetdanssapeaumeprocureunplaisirfou,

surtoutquecetétatnedurejamaisbienlongtemps.Hiersoir,ilaencoreeuunedesescrises

d’angoisse,depaniqueoudejenesaisquoi.Nousnoussommesdisputésàcesujet,carjesouhaite

qu’ilaillevoirunmédecin,maisilrefusecatégoriquement.J’ailaissétomber.Jen’avaisvraiment

pasenviedem’embrouilleraveclui.Ilétaitdéjàbienasseztendu.

Mafoi,cematin,ilal’airenpleineforme,jediraismême,enformeolympique.Contrairementà

moiquiailesmembresendolorisausortirdeladouchesuiteauxtroisorgasmesquej’aieusdansun

courtlapsdetemps.

Toutlerestedelamatinéen’aétéqueprécipitationetpanique,enfinpourmapart.Liam,lui,s’est

contentédemeregarderbatailleravecmavaliseenriantetenessayantdemetripotertoutelescinq

minutespourmefaireplier,mais,cettefois,c’estmoiquiaiétélaplusforte.Jeluiairésisté.J’étais

bientroppréoccupéeetexcitéeàl’idéededécouvrirlaCalifornie…

–Obsédé!sifflé-jeenremarquantqu’ilplongeànouveausonregarddansmondécolleté.

Iln’arrêtepasdemereluqueravecgourmandise,surtoutdepuisquenousavonsatterrietquenous

attendonspourquitternossiègesdepremièreclasseetdébarquer.Ilsouritlargementetcalesonnez

dansmescheveuxenchuchotant:

–Tuasdéjàfaitl’amourdansunavion?

Moncerveaufaitimmédiatementuntilt,faisantdéfilerdesimagesentoutgenreplusobscènesles

unesquelesautres.Jefinisparlepoussergentimentpoursoulagermonentrejambequipalpiteà

nouveau.Nouspouvonsenfinnousdégagerdenossièges.

–C’estbiencequejedis,tuesunobsédé,LiamHarrison!Allez,lève-toi!

Lavoixpleined’enthousiasme,j’ajoute:

–LOSANGELES…nousvoilà!

Nousavonsatterriàl’aéroportdeLax-L.A.Monengouementsetasserapidementlorsqu’après

avoirrécupérénosvalises,noussommesinterpelléspardesphotographes.Rienàvoiravecceux

d’Atlanta.Effectivement,j’avaisdéjàétéinterloquéeparleurinsistanceenversLiamlà-bas,mais

ceuxd’icisontbienplusintrusifs,sansgêneetàlalimitedelagrossièreté.

Pendantlevol,Liamm’aconseillédeportermeslunettesdesoleilàlasortie.Jecomprendsmieux

maintenant:noussommesinondésdeflashes.Jem’étaisditetrépétéquejenevoulaispas

ressembleràcesminettesquifontleurstarletteaubrasd’unecélébrité,commecellesqu’onvoittrop

souventdanslesmagazines,mais,aupremiercoupdeflashdanslesyeux,j’airapidementcompris

pourquoilesstarsonttoujourscegenred’accessoireàportéedemains.

Nousnoushâtonsverslasortie,danslehalldecegigantesqueaéroport.Liammetientfermement

lamain.Ilmelacomprimemêmeunpeutrop,carleboutdemesdoigtsdevientbleu.Ilm’ademandé

denepaslelâcher.Pourrienaumonde,jenevoudraismeretrouverseuleaumilieudecessauvages,

c’estcertain!Jesuismêmeàlalimitedelacrised’agoraphobie,aumilieudecesfousfurieux.Liam,

quantàlui,avecunimprobablenaturelauvudelasituation,échangequelquesmotsaveccertains

paparazzistoutencontinuantdemarcheràviveallure.J’aipresquedumalàlesuivre,alorsje

m’accrochedetoutesmesforcesàsonbras.

Ilévitetoutsujettroppersonnel,mais,bienentendu,toutel’attentionm’estdestinée.J’aimerais

êtreinvisibleàcemoment-là.Ilsmeharcèlentdequestionsfarfeluesetindiscrètes.Jesuis

abasourdieethorripiléeparlafertilitédeleurimagination.L’und’euxmedemandes’ilestvraique

jesuisukrainienne,anciennestrip-teaseuseetqueLiamm’auraitsortiedelamisère.Surlemoment,

j’aibienenviedeluidemanders’ilm’abienregardée,maisjemetais.Liamm’ainterditdeparler.Il

m’aégalementconseillédebaisserlatêteetdemelimiteràlesuivre.Conseilquejesuis

scrupuleusementjusqu’àcequel’undesjournalistesm’agrippel’épauleetmepousseàmeretourner.

Jecrie.Liams’arrête,setourneet,laragesurlevisage,ilpestecontrelephotographeetexigequ’il

cessedemetoucher,ques’iltentetoutautregestedéplacé,c’estsonpoingquivaseretrouver,je

cite:«danssasalegueuledepetitmerdeux».

Lepaparazzinetenteplusrienetnousarrivonsenfinàbonport.Nousmontonsàbordd’unvande

marqueChrysler,noirauxvitresteintéesavecchauffeur,laclasse!

Jem’affalesurlabanquetteconfortable,soupireunboncoupetmedisquemonarrivéeàL.A.me

resteragravéedanslatêteàtoutjamais.

Ens’asseyantàmescôtés,Liammeprenddanssesbraset,endéposantunlongbaisersurmes

cheveux,ilmedit:

–Tuasétéunevéritablereine!Jesuisfierdetoi,monamour.

Liam

Nousarrivonsdanslachambred’hôtelquem’aréservématoutenouvelleassistantequejen’ai

pasencoreeuletempsnileplaisirderencontrerjusqu’ici.Ileanatombeimmédiatementsousle

charmedecettevastechambreaumobiliermoderneetauxcouleurssobres.Jeleremarque

immédiatementàsonattitude,quandelleentredanslapièce.Sesyeuxsontremplisd’étoiles,comme

quandnousavonstraversélavilletoutàl’heure.Ellepasseunàunlesmeublesenrevueets’assied

surlereborddulitquipourraitaccueillircinqàsixpersonnesàlafois.J’avoueque,mêmemoi,qui

aipourtantl’habitudedecegenredechambred’hôtel,jesuisimpressionnéparsataille.

Celitmedonneimmédiatementunefouled’idéescoquines,surtoutquand,desapetitemain,elle

mefaitsignedelarejoindre.J’aicommeuneimpressiondedéjàvuquandjeposemonsacaupied

del’undesdeuxcanapésquisefontfaceaumilieudelasuite.JemesouviensdeParis,dupetitnid

d’amourquenousavionsimproviséensipeudetemps,maisquiavaitététellementintense,en

émotionscommeensensations.

Jem’approched’elledoucement,àpetitspas.Elleglissesonregardsurmoietmesouritd’une

façonplusquesuggestive.Ellecomprend,d’unsimpleregardéchangéenvitesse,quejeveuxla

basculersurcematelasetluifairel’amour.

Jem’arrêtedevantelle,calantlapointedemeschaussurescontrelessiennes,bombeletorse,un

souriremalicieuxauxlèvreset,demonindex,jeluilèvesonmentonversmoi.Unlégerrirelui

échappe.

–Tusaiscequecegrandlitm’inspire,dis-jeenhaussantplusieursfoislessourcils.

–Non,explique-moi…oumontre-moiplutôt!

Elleritdeplusbelleensetortillantetmefixeavecunsoupçondedéfieténormémentdeséduction

dansleregard.

Jemepencheversl’avant,lacontraignantàs’allongerpartiellementsurlematelas.Elles’appuie

sursescoudes.Jedéposemesmainsdechaquecôtédesoncorpsinfinimentdésirable,avecce

chemisierquiluifaitundécolletéàfaireseredresserlatourdePise.

Ladentelledesonsous-vêtementestlégèrementapparente,etcettevueesttoutsimplement

bandante.J’insinuemonnezentresesdeuxseinsetpinceentremesdentsundesboutonsdesonhaut.

J’aienviedeluiarracher,j’hésite,puisjecèdeàmonimpulsion.Ledésirquejeressenspourelleest

bientroppuissant.Jeluienrachèteraiunautre,deuxautress’illefaut,cen’estpasunproblème.

D’ungestevifdelatête,jefaissauterleboutonetlerecrachesurlesol,maisquelqu’unpénètresans

prévenirdanslachambre,unecarted’accèsàlamain.

–Oh!Bordel!Pardon,je…bredouillecettejeunefemmeensecouvrantlesyeuxdelamainetse

retournantvivementpourensuitejureràvoixbasse:Etmerde!

Ileanasecouvrerapidementlapoitrinedesachemiseetdevientaussirougequelajupetrès

moulantedecettefillequivientd’entrerfortinopportunément.Jenebougepasd’unpouce,maisje

redescendsvitesurterrequandlapetitemaind’Ileanaclaquesurmajoue.J’écarquillelesyeuxet

m’aperçoisquej’étaisentraindematerlesfessesmisesenévidenceparlecuirduvêtementdecette

femme.Jedétourneleregardpourcroiserceluid’Ileanaquimefaitdegrosyeux.Jemelaisse

retomberlourdementsurlecôtédulitlorsquel’intrusereprendlaparoleennoustournanttoujoursle

dos:

–MonsieurHarrison,vraimentnavréedevousdéranger.JesuisMademoiselleSilver,votre

nouvelleassistante…euh…envoyéepar…euh…votreagentMonsieur…enfin,vousconnaissezson

nom…euh…Jedoisvousdemanderdemesuivre.LewebmagazinePop-celebritiesvousattendpour

uneinterview…Merci…Jevousattendsdevantlaporte,finit-elle,aprèsbeaucoupd’hésitations.

Ellesebaissepourramasserlacartequ’elleafaittombersurlamoquettesousl’effetdela

surprise,fileenvitesseetjemeprendsànouveauunelégèregifle.J’aipeut-êtreencore

inconsciemmentfixésesfesses.

–Tuasbesoind’aide?intervientIleana,lesyeuxmeurtriers.

–Quoi?dis-jeinnocemment.

Elles’énerve.

–C’estelle,tanouvelleassistante?

–Ilsembleraitqueoui.

Jemelèveetajoute:

–Bon,mapuce,j’yvais.

Jen’aipasfaitunpasqu’ellem’agrippelebras.

–Attends,jet’accompagne.

Jemepenchesurelleetdéposeunbaisersursonfront.

–Bébé,tunepeuxpas,c’estunentretienprofessionnel.

–Nem’appellepas«bébé»,boude-t-elle.

Jerisdoucementàsaminecontrariée.

–Jetrouvequecepetitsurnomtevaàmerveille,quandtutirescettetête.

Jefaisunpasdeplusverslasortie,maisellemeretientencore.

–Etjefaisquoi,moi?Jerestecloîtréeiciàt’attendre?Pendantquetuesavecl’autre?…

m’interrompt-elleencroisant,mécontente,lesbrassursonadorablepoitrine.

–AppelleTony.Ildoitêtredanslecoin.IldevaitarriveràL.A.hiersoir,jepense.Demande-lui

s’ilestdispopourtetenircompagnieet,s’ilnel’estpas,vafairelesboutiquesdel’hôtel.

Jesorsmonportefeuilledemapocheetluitendsmacartebleuequ’ellehésiteàprendre,puisje

déposeunnouveaubaisersursajoue.Jemeredresseetelleentouremanuquedesesmains.

–Maisoùestpasséelajalousielégendairedemonpetitcopain?Quiêtes-vous?OùestLiam?

Rendez-le-moi!raille-t-elle.

Jem’accroupiscontrelereborddulitenmecalantentresesjambesetl’attirecontremoi.Cette

chipien’estpasdécidéeàmelaisserpartir.Jepressemeslèvrescontrelessiennesetluiexplique:

–Jedétestetesavoiraveclui,maisvoussemblezêtreamis,alorsjen’aipasledroitdet’en

empêcher.

Elleapposesamainsurmonfrontetfaitlagrimace:

–C’estencorepirequecequejepensais,glousse-t-elle.

Jesecouelégèrementlatêteettentedemerelever.

–Bon,mapuce,jedoisfiler.Mademoiselleje-ne-sais-plus-commentm’attenddel’autrecôtéde

cetteportepourl’interview.Jen’enaipaspourlongtemps,appelleTonyouvafaireunpeude

shopping.

Ellemelâcheenfinetmedit,uneautrepetitemoueauxlèvresetenlaissanttomberlourdementses

brassurlematelas:

–Tusaiscequefontlesgensquis’habillentencuir?

J’explosederire.Jenesaispasoùelleveutenvenir,maisjesuisimpatientdesavoircequesa

petitecrisedejalousieéveilleenelle.Jehausselessourcilscurieux.

–Non.Vas-y,dis-moi?

–Ellevateséquestrer,t’attacher,teligoterettefairepleindevilaineschoses,avecdesfouetset

pleind’autresaccessoiresdecegenreet…ettorducommetues,çavateplaire,gémit-elleen

baissantlatêteetensetriturantnerveusementlesdoigts.

Deboutdevantelle,jeluisaisislevisageàdeuxmainsetlaforceàmeregarderdroitdansles

yeux.

–Cegenredechosespourraitmeplaire,maisuniquementsic’esttoiquimelesinfliges.Alors,

arrêtededouter,jenevaispassautersurcettefille.Laseulequiauradroitàmonmagnifiqueet

irrésistiblecorps,c’esttoi…

Dejustesse,j’évitelecoupdepoingqu’elledestineàmonventre.Jesaistrèsbienqu’ellen’aime

pasquejejouelesnarcissiques,maisl’effetescomptéfonctionne:elleéclatederire.

Jefinisparmedirigerverslaporte.

–Liam…Jet’aime,dit-elledoucementetsoudainement.

Jemefige.Si,ausondemonprénom,jenem’étaispasdéjàarrêté,jemeseraisentravé,c’est

certain.Ellenemeleditjamaisspontanément.Jesuistoujoursobligédeluidemander,maiscette

fois,c’estsortitoutseuldesabouche.Moncœurbondittellementfortquejemedemandes’ilneva

pass’échapperdemacagethoracique.Sij’avaisunpeuplusdetempsdevantmoi,j’aurais

immédiatementfaitdemi-touretjeluiauraisdémontréphysiquementcequeprovoquentenmoices

troispetitsmots.Hélas,jenepeuxpas,alorsjemeretourneetluifaisunclind’œilassortid’unlarge

sourire.

–Jet’aimeaussi,mapuce,àtoutàl’heure!

Eninspirantprofondément,jequittelachambrepourconsacrerunmomentàladureréalitédemon

métier.

Danslecouloir,monassistantemetendlamainenprenantlapeinedeseprésenterànouveau.

Toutbénéfpourmoi,vuque,danslaconfusion,j’avaisoubliésonnomtoutàl’heure.

–JessicaSilver,raviedefairevotreconnaissanceMonsieurHarrison.

Jeluiserrelamain.Elleestmoiteettremblante.

–Ravi,allons-yet,parpitié,appelez-moiLiam.JenesuispasleprésidentdesÉtats-Unis!

Nousentamonsnotremarche.Jen’aipasparléd’untonferme,maisellesemblel’avoirmalpris.

–Désolée,dit-elledoucementenreplaçantunemèchedesescheveuxnoirsderrièresonoreille.

–Nelesoyezpas.

Jeluisourisenessayantdedétendrel’atmosphère.Ducoindel’œil,jeremarquequesesgrands

yeuxbleusétincelantsmescrutentavecattention.Jenepeuxm’empêcherderailler:

–Cequevousvoyezvousplaît?

J’ysuispeut-êtrealléunpeufort.Sonvisageauteinthâlésedécomposeetdevientd’unepâleur

presquecadavérique.

–Euh…je…suis…dés…bafouille-t-elle.

–Désolée,continué-jeàsaplace.Hé!Détendez-vous!

Nouspénétronsdansl’ascenseurquinousmèneaupremierétage.Àl’intérieur,aucundenousne

parleetlatensions’intensifieencore.Cequialedondemefairesourire.Elletapenerveusementson

stylodanslapaumedesamain.Jetenteuneapprocheunpeuplusprofessionnelle.

–Samvousadonnédesinstructions?

–Sam?répète-t-elleens’éclaircissantlavoix,samaindevantlabouche.

–Monagent,SamHarding.

–Ha,euh…Non…simplementdem’occuperdevous…enfin,desatisfaire…non,de…

–D’accord,finis-jeparlacoupervoyantqu’elles’emmêlelespinceaux.

Jesuisàdeuxdoigtsdemetaperunbonfourire,maisjepréfèrem’abstenir,vulagênequi

l’habitedéjà.Laportecoulissantes’ouvre.Ellebondithorsdupetitespaceetjejureraisqu’elle

recommenceenfinàrespirer.Elleadûpasserladescenteenapnée.

Jelasuisdanscetautrelargecouloirquinousmènedroitàunesalledéjàouverte.Justeavantde

pénétrerdanslapièce,montéléphoneportablevibredanslapochedemonjean.Jel’extirpe.C’est

unSMSd’Ileana:

«Méfie-toidesfemmes

encuir,n’oubliepas.»

Cettefois,jenepeuxmeretenir.J’éclatederire,avantdepianoter:

«Situnemerevoispasd’ici

deuxheures,appellelesurgences.

Tuconnaislenumérodesurgences

auxÉtats-Unis?J’espère…»

J’écriscecipourplaisanter,maisaussiparcequejenesaispascequ’elleaprévudefairependant

monabsenceetl’imaginerseperdreoupire,danslesruesdeLosAngeles,m’effraieréellement.

«17???»

C’estquoi,cechiffre?Qu’est-cequ’ellem’écrit,là?Jefroncelessourcilset,aumomentoùje

veuxluipréciserlebonnuméro,ellemedevance.

«Oui,911;)bonjefile.

Tuavaisraison,Tonyestlà.

Onvaseboireuncafé,bisous.»

Jerangemontéléphonedansmapocheensouriantd’unemanièreunpeucrispée.Jetentedeme

rassurer.EllevapasserunagréablemomentavecTony;ilssontamisetriendeplus.J’entredansla

piècevivementéclairéeoùtroisfemmesélégantes,d’âgesdifférents,m’observentattentivement.Je

leurfaisunsignedelamainpourlessalueretm’assiedssurlachaisedel’autrecôtédelatable,leur

faisantface.Jem’efforcedemedétendre,maisjenesuispassidécontractéquecela.Cen’estpasle

faitdemeretrouveravecquatrefemmesquim’intimide.C’estsimplementparcequelafemmeque

j’aimeestloindemoi,dansunegrandevillequigrouilled’activitésentoutgenreetqu’elleesten

traindeboireuncaféavecunautrehomme.

Tony

Ileanam’ademandédelarejoindreenbasdel’hôtel.Jesuisplutôtétonnéduchangementde

comportementdeLiam,cesderniersjours.Ilaacceptéqu’ellevienneboireuncaféavecmoi.Aurait-

ilmûri?...Jerisrienqued’ypenser:Liammûrir?...Ilapeut-êtretrenteanspassés,maisilestaussi

réfléchiqu’ungossedequinzeans.J’exagèrepeut-êtreunpeu,parcequ’encemoment,noussommes

enfroid,mais,cesdernierstemps,iln’apasfaitpreuved’uncomportementtrèsadulte.

Aucoursdelasemaine,j’aiunpeuparléàIleana,pendantletournage.Ilsontl’airderenouertous

lesdeuxlefildeleurrelation.Jesuiscertainqu’ellepeutarriveràlerendremeilleur.Soncasn’est

pasdésespéré.

Lesmainsdanslespoches,lenezpresquecolléàlavitrinedecetteboutiquedevêtementspour

hommedanslehalldel’hôtel,j’attendsIleanaquinedevraitpastarderàarriver,environdix

minutes,m’a-t-elleditpartéléphone.

Jemepenchepourobserverlapetiteétiquettesurlachemiseenfacedemoiquanddeuxpetites

mainsfroidessemettentpar-dessusmesyeux.Jereconnaisinstantanémentlepetitriredelamiss.

–Coucou,sautilleIleanalorsquejemeretourne.

Ellesouritendévoilantsesdentsparfaites.Jel’enlaceetdéposeunbaisersursajouerosieparla

chaleurquirègnedanscehallmalgrélaclimatisation.Enreculantpourlacontemplerdehautenbas,

jeluidemande:

–Çaal’aird’aller?

–Superbien,répond-elleenlissantd’ungestedistraitlebasdesarobebleue.

–Tuesmagnifiquecommeça,c’estraredetevoirenrobe.Ladernièrefoisquejet’aivue

habilléedelasortec’était…àParis.

Elleagrippemonbrasetm’encourageàavancerendirectiondelabrasseriequisetrouveà

quelquesmètresdenous.

–Sérieux?TuterappellesdelatenuequejeportaisàParis?

Elleritenlevantlesyeuxauciel.

–Oui,c’étaitunepetiterobeblancheavecdeladentellesurlesbretelles,dis-je,fièrement,étant

moi-mêmeétonnédemerappelercedétail.

J’aiégalementlesouvenirdel’avoirtrouvéeaussiravissantequ’aujourd’hui.

–Jesuisstupéfaite:quellemémoire!

Ellem’indiquedudoigtunetablelibreaufonddelasalle.Enm’installantfaceàelle,je

l’interrogecurieux:

–Tul’asmisoùtonMonsieur«faitescequejedis,pascequejefais»?

–Tony!...soupire-t-ellelonguement.Jel’aiabandonnéàMissgrospoumonsenrobésdecuir.

Samineesttoutàcoupmoinsréjouie.

–Quoi?manqué-jedem’étoufferavecmapropresalive.C’estqui,celle-là?

–Sanouvelleassistante.

Ellesouffleànouveau,untantinetagacée.

–Encoreunenouvelle…raillé-jevivement.

J’auraispeut-êtredûm’abstenirdecettedernièreremarque,vuleregardinquietqu’Ileanaaffiche

àprésent.

–Pourquoiencoreunenouvelle?Illescollectionne?

Jeréfléchisquelquessecondes,passantenrevuetouteslesassistantesquesonagentluiaenvoyées

enl’espacedecessixdernièresannées,etjedécided’êtrefrancavecelle.

–Qu’est-cequit’échappedanssoncaractèrepourquetunecomprennespasqu’ilesttotalement

ingérableparmoment?

Jenevoulaispaslablesser,encoremoinsêtreméchant,maisilfallaitquecelasorte.Elle

s’enfoncedanssondossieretbaisseleregard,puisseredresseenavançantlebustecontrelatable

pourmedemander:

–Ingérable…dansquelsens?

–Lunatique…obsessionnel…compulsif…jaloux…possessif…colérique…

Ellelèvelesmainsenavant.

–C’estbon,j’aicompris,Tony.Arrête-toilà,finit-elleparrire.

Elles’enfonceànouveaudanssonsiègequandleserveurvientprendrenotrecommande.

–TusaisquandtuquitteslesÉtats-Unis,aufait?

Aprèsavoirpayéleserveur,jerangemonportefeuilledansmapocheetreprends:

–VousavezprévuquelquechoseavecLiampourlasuite?

Ellefouilledanssonsacetensortsonportable,puismerépondaveccettepetitemouequej’aime

tantluivoir:

–Normalement,jereparslundi.Et,pourcequiestdelasuiteavecLiam,nousn’enavonsque

vaguementparlé.Ilm’aditqu’ilmetrouveraituntravailici,pourquejepuisseobtenirunvisadesix

mois.Etaprès,nousverrons.

–DonctucomptesbientoutquitterenFrancepourresteraveclui?

–Pourquoijeneresteraispasaveclui,Tony?C’estmonpetitami,non?dit-elle,essayantdese

convaincreelle-même.

Ellesemblesiperdueàcemoment-là.Jeglissemesmainssurlatableetlesposesurlessiennes.

J’aimeraistellementréparerl’erreurquej’aicommiseenlarenvoyantdanssesbras.Ellenepourra

jamaisêtreheureuseaveclui,ilestbientropimpulsif.Cettehistoirefiniradansleslarmes.

Ellenem’évitepas.Sonregardseposesurlemienavecunvoiled’incompréhension.Ellepenche

légèrementlatêteetentrouvrelabouche,maisjel’interromps:

–Ileana,tudevraisprendretontemps,apprendreàleconnaîtreunpeumieuxavantdetoutquitter

pourlui.Situeslàaujourd’hui,c’estàcausedemoi.

Elletentedemecouperlaparole,maisjepoursuis:

–Ileana,laisse-moifinir,s’ilteplaît!Tuconnaismessentimentspourtoi,jenet’airiencaché.Tu

espluschèreàmesyeuxqu’unesimpleamie.C’estpourcetteraisonquejetedemandedebien

réfléchir,deprendreunpeudereculpoursongersérieusementàtoutcequ’ils’estpassécesderniers

temps.Penses-tupouvoirtrouverunéquilibreaveclui?

Nousnouslâchonslesmainslorsqueleserveurvientdéposernosdeuxcaféssurlatable.Avant

quejepoursuivesurmalancée,ellemedemandeenfronçantlessourcilsetenjouantdistraitement

aveclesucredanslacoupelledesatasse:

–Iln’arienfaitdemal,Tony.Jenecomprendspasoùtuveuxenvenir.Ilyaquelquechosequetu

nem’aspasdit?

Ellelèveànouveausonregardverslemien,attendantuneréponsesincèredemapart,mais,àce

mêmemoment,jesuisdistraitparlasubiteagitationàl’entréedubar.Liamvientdepénétrerdans

l’établissement.Jemeraidis.

–Non,rien,Ileana,jenetecacherien,dis-jerapidementenlevantlementonendirectiondes

portes.

–Regardequiarrive…

Ellesetourneetsonvisages’illuminedèsl’instantoùelleposelesyeuxsurlui.Sonsourire

s’élargitetsesyeuxsemettentàpétillerdejoieetd’amouràchaquepasquilerapprochedenous.

–Yep!lâche-t-il,avecunsourirefaussementdétendu,enpoussantIleanaàchangerdeplace.

Ellereculecôtévitrepourqu’ils’asseyeenfacedemoi.Jenesupportepasleregardméprisant

qu’ilmelance.Ilmenargueetmefaitcomprendrequ’ilestlàmaintenant,etquesij’aienviede

partir,ilnemeretientvraimentpas.Sijen’étaispaslàpourIleana,jemeseraisbarrévitefait.

Ill’enlace,lacollantcontreluiet,avantdel’embrasser,ilmelanceunregardcynique.Jeserreles

dentsetdétournelesyeux.Cetabrutienrajouteunetonnesimplementdansl’espoirde…jenesais

mêmepas.

–Bon,jevouslaisse.

Jemelève.Jenepeuxabsolumentplussupporterdelesvoir…s’aimer.Ileanaessaiedem’en

empêcher,maisjemejustifieenracontantlepremiertrucquimepasseparlatête.

–JedoisappelerKathy,Miss,j’auraisdûlefaireilyalongtemps.

Finalement,cetteexcuseétaitlameilleurepourqu’Ileanaacceptedemelaisserpartirl’esprit

tranquille.Etc’estaussilaphraselaplussenséequej’aiprononcéedepuisunbonmoment.

Kathymeplaît.Jedevraisvraimenttournerlapagepourcequiestd’Ileana.Oui!Ilyalongtemps

quej’auraisdûréagir.Jemefaufileentrelestablesetsorsdanslehall.

JeprendsmonIphone,inspireprofondémentetappuiesurlatoucheappel.Jeportemonportableà

l’oreilleetsoupirelonguement.

–Oui,merépond-elleauboutdequelquessonneries.

–Salut,c’estTony.Jenetedérangepas?

–Non,dutout,merépond-elle,unsouriredanslavoix.Qu’est-cequ’ilt’arrive?finit-elleparme

demander.

–JesuisàLosAngeleset…

Jesourisàmontourenémettantunpetitriregêné.

–Et…jepensaisàtoi.

Unangepasse,maisjeperçoissonsoufflerégulierdanslehaut-parleur.

–Moiaussi,jepenseàtoi.

Jeravalemasaliveenayantcommequidiraitunepousséed’adrénaline.Ellepenseaussiàmoi.

Celamevadroitaucœur,puisjefinisparprendremoncourageàdeuxmains:

–Jerentredemain,ça…tedirait…de…m’accompagner…aurestaurantdemainsoir?

C’esthorrible,jen’aijamaisautantbégayédetoutemavie.

–Avecgrandplaisir,répond-elleaprèsunlongmomentd’hésitation.Àdemain,alors?

–Àdemain.

Jerangemonportabledanslapochearrièredemonpantalon.Danslemêmemouvement,mon

regards’arrêtesurIleanaetLiamquisonttoujoursàlamêmeplace.

Jelesobserveunpetitinstant.Elleapassésesmainsautourdesanuque.Ilssontfaceàface.Illui

caresselescuisses.Ilsparlent,sesourientetsechamaillent.LeregarddeLiamcontientautant

d’étoilesqueceluid’Ileana.Ilsontl’airsicomplicesetheureux.Jelesenvie.

C’estpeut-êtremoiquiaitortsurtoutelaligne.Ilsontbeauêtretrèsdifférents,avoirdes

caractèresopposés,uneconduitetotalementinverse,maisl’amourlesrapprocheetlessoude,

visiblement.Jemerendscomptequejesuisenfaitjalouxdeleurrelation.J’aimeraistellement

pouvoirvivrecegenred’histoire…

Jebaisselesyeuxetretournedansmachambre.

Ileana

Çayest!C’estlegrandsoir.LacérémoniedesTeenchoiceawardvadébuterdansquelques

heures.Jesuisaussiexcitéequepaniquée.Toutestnouveaupourmoi.J’aidéjàregardécegenre

d’événementàlatéléousurlenet,maislevivreaucœurdel’actionestunechosebiendifférente.

Cetaprès-midiaétéaussipleindedécouvertespourmoi.Nousn’avonshélaspasbougéde

l’hôtel.JevoulaisvisiterLosAngeles,maisLiamaétésollicitédepartout.Aprèssapremière

interviewavecleweb-magazine,ilenaenchaînéd’autres.J’aifiniparmetrouverdesoccupations

enl’attendant.

J’aiaussifaitlaconnaissancedeJessica,l’assistanteencuir.Nousnoussommesretrouvées

touteslesdeuxnezànezdansuncouloir,etjen’aipum’empêcherdefairelacurieuse.Finalement,

elleal’airplusperduequ’autrechose.C’estlapremièrefoisqu’ellefaitcegenredeboulot.Elleest

nerveuseetunpeumaladroite,maisaussiunegrandefandeLiamdepuisdesannées.Cequinel’aide

pasàcontenirsanervositéquandelleestfaceàlui.Etcequejepeuxtoutàfaitcomprendre,vuque

jesuispasséeparlàmoiaussi.Jelaressensencoreparfoisparmoment.

Jegardetoutdemêmeunœilprudentsurelle,carelleest…celam’embêtedel’avouer,bientrop

gentilleetbientropbellepourêtreinoffensive.Detoutefaçon,jedoismefaireàsaprésence.Jen’ai

pastroplechoix,àvraidire.Elleaaussidesgoûtsvestimentairestrèsélégants,sionpasselefait

qu’elleporteducuir.Ellem’atrouvédebellesrobesàessayerpourcesoir.

Auboutd’uneoudeuxheuresd’essayages,j’aiarrêtémonchoixsurunerobedecouturiergris

scintillantensouvenird’unesoiréepasséeavecLiamàParis.Jeportais,cesoir-là,unerobede

mêmestyle.Cen’étaitsûrementpasuneChanel,maiselleétaittoutaussichic.DécolletéenV

plongeantdevantetdansledos,s’arrêtantàlahauteurdemesgenoux.

Ilestdix-neufheurespassé.Liamesttoujourssousladouche.Jesuissortiesurlaterrassedenotre

suiteetj’enprofitepourregarderlavilleauloin.L’hôtelestsurélevéparrapportaucentredeLos

Angeles,cequilaisseunevueimprenablesurlesgratte-cielsetl’étenduedelagigantesquecité.

*Sij’aibiencompris,unevoiturepasseranousprendredansuneheurepournousdéposerdevant

lebâtimentquiaccueillel’événement.Jem’avancesurlebalconetm’appuiesurlabalustrade.L’air

estchaudetsec,maisc’estplutôtagréable.Rienàvoiravecl’humiditéd’Atlanta.

–Toutvabien,monamour?medemandeLiamquejen’aipasentenduarriverderrièremoi.

Ilseplacedansmondos,entourematailledesesbrasetposesonmentonsurmonépauleaprèsy

avoirdéposéunrapidebaiser.

Jepivoteetmoncœurseserredefiertéimmédiatementenlevoyantsiparfaitdanssachemise

blancheentrouverteetsonpantalonàpinces.Ilportedesbretellesdontuneretombesursacuisse

droitecequiluidonneunpetitcôtédébrailléetnégligé,méchammentsexy.

–Toutvapourlemieux,monange,surtoutmaintenantquetuesprèsdemoi.

Jel’étreinsàmontour.Ilplongesesmagnifiquesyeuxbleusdanslesmiens,puism’embrassele

boutdunez.

–Tuesprête?

–Oui,dis-je,medemandants’ilmeparledematenueoudecequejem’apprêteàvivrecesoir.

Ilresserresonétreinteetleregardtendrequ’ilmelanceensuitemefaitundrôled’effet.Ilsuffitde

celapourmemettredansunetranseincroyable.Iltentedemefairepassertellementdechosespar

sesyeux.

C’estalorsquejeremarquelefaitqu’iltranspireetquesonfrontesttendu.Ilm’inquiète.

–Ettoiçava,monange?

–Çava,mapuce,cen’estrien.

–Tuessûr?

Jepassemamainsursonfrontperlédesueur.Ilestbrûlant,maparole!Jefroncelessourcils.

–Tuasdelafièvre?

–Non,non,jevaisbien,répète-t-ilenreculantetenbaissantlatête.

Cequej’aipristoutàl’heurepourdudésirdanssesyeuxn’estqueleregarddequelqu’unquiest

fiévreux.

Ilfaitungroseffortpourparaîtredanssonétatnormal.Jepeuxlevoiràlaconcentrationqu’ilmet

danssesgestes,mais,quandilposesonindexsurmajoue,jeremarquequesamaintremble.

–Tamaintrembleettuasdelafièvre.Tunevaspasbiendutout,Liam.

Ils’avanceànouveauetmeserredanssesbras.

–Cen’estrien,jesuisunpeunerveux.Celavapasser.

–Nerveux?

Jeréprimelerireinopportunquiallaitm’échapperenvoyantsonvisagesefermer.

–Cen’estpaslapremièrefoisquetureçoisunprix,quandmême?

–Non,jem’enfousdeça,dit-il,presqueagacé.Tureparsaprès-demain,etj’aivraimentpas

enviequetupartes.

Là,ilm’étonne:pourquoipense-t-ilàcelamaintenant?J’essaiedejaugersasincéritéen

plongeantmesyeuxdanslessiens.

–C’estvraimentçaquit’inquiète?Jeneparspourtantquepourquelquessemaines,letempsde

réglermespetitesaffaires,depréparermavenueici,letempsquetumetrouvesuntravail.Cene

serapasbienlong.

J’essaiedememontrerforte.Ilbaisseànouveaulatêteet,avantdereprendrelaparole,ilhésite

longuement.Jenesaispassijepeuxmefieràmonressenti,maisjelesenstremblerdetousses

membres.

–Jesais,murmure-t-ildoucementavantdeleverànouveausonregardsurlemien.

Aprèsunbrefsilence,ilcontinueenfronçantlessourcils,l’airredoutablementsérieux:

–Etsijamaisturencontresquelqu’und’autreentre-temps,là-bas?Etsitunerevenaisjamais?Si

tum’abandonnais?Jenelesupporteraipas,Ileana.J’aibesoindetoi,là,avecmoi,pasàl’autrebout

delaplanète.Jerefusedeteperdreànouveau.

Ils’interromptpourreprendresonsouffle,crispelamâchoireetpoursuit.

–Jeflippetotalementàcetteidée.Jen’endorspaslanuitdepuiscesderniersjours.Jesuis

persuadéquetunereviendraspasetj’encrève,monamour.Situsavaisàquelpoint,je…

Jenelelaissepasfinir.Jepressesubitementmeslèvrescontrelessiennesenagrippantsonvisage

entremesmains.Mesyeuxsenoientdelarmes.Jefermelespaupièresetdegrossesgoutteschaudes

etsaléesroulentlelongmespommettes.

–Jet’aimetellement,monamour.

Ilstoppenotrebaiseretmeplaqueàsontourlesmainssurlesjoues.Ilseremetàm’embrasser

avecunetelleintensitéquejechaviretotalement.Moncorpspeineàsupportertouteslesémotions

quimeheurtentetmetraversentdemanièrefulgurante.J’ouvrelesyeux;ilposesonfrontbrûlant

contrelemienetilmesembleapercevoirunelarmesursajouelorsqu’ilrefermelespaupières.

Nousrestonsquelquessecondesimmobiles,sansmotdire.Nousstagnons,seulsdansnotremonde,

loindetout,uniquementenveloppésdansnotreamour.Plusriennecompteoutrenosdeuxcœursqui

battentàl’unissondanslemêmeespoir,lamêmeattente.

Nousapprochonsenfincequenousdésirionssiforttouslesdeux,depuiscejouroùnosviesse

sontcroisées.Cefilinvisiblequinousretientl’unàl’autre,celuiquis’esttisséenunefractionde

secondecejour-làetquis’estbrutalementrompuquelquetempsaprèssereconstituepeuàpeu.Nous

sommestouslesdeuxconscientsqu’ilyaencoreducheminàparcourir,mais,cesoir,j’ail’absolue

certitudequec’estpossible.

–Jet’aime,monange,murmuré-jerompantàregretcesilencesipaisible.

Ilrouvresubitementlesyeux.Ilssontaffreusementrougesetemplisd’unepeineimmense.Il

devraitpourtantressentiruneimmensepaixetunintensebonheur.J’interprètesûrementmalson

expressionouc’estpeut-êtresimplementsafaçondegérertoutescesrécentesémotions.

Cecidit,quelquechosesepasse.Ilfaitunpashésitantenarrièreetseplielentementendeux.Il

paraîtsimal.Unedesesjambesletrahit.Ilpercutelefauteuilderrièreluietils’effondrelourdement

dessus.Jemeprécipiteverslui,totalementaffolée.

–Liam,çava?

Ilmefaitunsignedemain,celuiquisignifie«çaira».Maisnon,rienn’al’aird’aller.Ilestpâle,

ensueuretilrefusedemelaisserl’approcher.Jenelecomprendspas.Parmoment,iltournedel’œil

etsonvisageseraiditdesouffrance.Ilbalancelentementsatêted’avantenarrière,elleparaît

tellementlourde.Ilmarmonnedeschosesincompréhensibles.Ilnevapasbiendutout.Jepanique.

Deboutdevantlui,figée,jevoudraisletoucher,leprendredansmesbras,maisquandjetenteune

nouvelleapproche,ils’obstineàmerepousseravecdegrandsgestesvagues.

–Cettefois,c’enesttrop.J’appellelessecours.

Jemeprécipitesurletéléphonequigîtsurlelit,maisaumêmemoment,avecunevivacitéquime

sidère,ilm’attrapelebraspourm’enempêcher.Levantpéniblementlatêteversmoi,ilmarmonne

entredeuxspasmes:

–AppelleTony…paslessecours.

–Tony?

Ilremueànouveaunerveusementsursonsiège.

–AppelleTony,bordel!siffle-t-il,agacé.

Sanstropréfléchir,jem’exécuteetmeprécipitedanslachambrepourappelerTony.

Jen’aipasfinideluiexpliquercequiarriveàLiamqueTonyraccrocheenmejetantqu’ilarrive

immédiatementetqu’ilm’interditdetenterquoiquecesoitpendantsonabsence.

Jesorsànouveausurlaterrasse.Liams’estallongésurlachaiselongueàcôtédufauteuil,

recroquevillésurlui-même,lesgenouxcontrelapoitrine,lesbrasenlacésautourdesestibias.

–Va-t’en,s’énerve-t-illorsquequejem’approche.Laisse-moi!

–Mais…je…

–Casse-toi,crache-t-ilplusfermementcettefois.

Monsangseglaceausondesavoixquifaitrésonneràmesoreillesencoreplusdurementses

paroles.Jen’assimileabsolumentplusrienàceretournementdesituation.Pourquoimeparle-t-ilde

cettemanière?

Jel’entendsgémir.Iltrembledeplusenplus.Ilal’airdesouffrirterriblement,maisj’enignorela

cause.

Jesursauteenentendantfrapperviolemmentàlaporte.Tonypénètredanslachambreàlaseconde

oùjeluiouvre.Ilbalaierapidementlapièceduregard,levisagetendu:

–Oùest-il?

–Surlaterrasse.

Endeuxenjambées,ilestdehors.Jelesuis.

–Tusaiscequ’ila?

Ilnemerépondpas.TonysepenchesurLiamquilèvedoucementlatêteetjejureraisapercevoir

l’ombred’unsouriredesoulagementsedessinersursabouche.Unsourirecrispécertes,maisun

sourire.Pourquoinem’a-t-ilpassouri,àmoi?

–Hé!Tutienslecoup?luidemandeTony,inquiet.

Enguisederéponse,Liamsetorddedouleur.Puis,avecuntempsderetard:

–Çadevraitlefaire,lâche-t-ilplusparfiertéqueparsincérité.

Tonyl’interrogeens’accroupissantàcôtédelui:

–Çafaitcombiendetempsquetun’asrientouché?

Liamtournelégèrementlatêteetnosregardssecroisentrapidement,puisilsetourneànouveau

versTony.

–Depuissonaccident…Deuxsemainesàpeuprès.

IlattrapelebrasdeTonyetpoursuit:

–Fais-laquittercetteterrasse,s’ilteplaît.Jeneveuxpasqu’ellemevoiecommeça.

TonymejetteunregardquiditcombieniladhèreauxproposdeLiam.Unebouleseformedans

magorge,jefaisunpasverslachambre.Tonymefaitautomatiquementsignedereculerencore.Une

vaguedecolèremêléed’incompréhensionmesubmerge.J’aienviedehurler.

–Putain,vousallezmedirecequ’ilsepasse?TONY!LIAM!Merdeàlafin.Vousallezme

rendrecomplètementhystériqueavecvosconneries.

JeplantefurieusementmesyeuxdansceuxdeTony,puis,l’instantd’après,jelesupplie.

–Maisqu’est-cequ’illuiarrive?Bonsang!

–Ilestenmanque.

Ilsemblenavrédem’annoncerlachose.

–En…manque,répété-jedoucement,sousl’effetdelasurprise.

Cettefois,cesontmesjambesquimenacentdemelâcher.Jem’appuiesurlereborddumur.

Totalementimpuissantefaceàcettesituation,jenesaisplusquedireniquefaire.Jereculepour

m’asseoirsurleborddumatelasdanslachambreengardantunœiletuneoreilletendusverseux.

–Etlà,commenttesens-tu?demandeànouveauTonyàLiamquisetortillelégèrementen

inspirantbruyamment.

–J’aimalauxjambes,auxbras,jenetiensplusdebout,j’aichaudet…j’aiuneputaind’enviede

mesaouler…Tun’auraispasunpeudescotchsurtoi,parhasard?finit-ilparrireensecrispant

néanmoinsdedouleur.

–Abruti!raille-Tony.C’estl’alcoolouladroguequitemetdanscetétat-là?

–Lesdeux:ledignefilsdemonpère,ricaneLiamenseredressantmollementsurledossierdela

chaiselongueavantdegémirànouveau.

IlssetaisentquelquessecondesavantqueTonyreprenne:

–TutesouviensdePattyàLaNouvelle-Orléans?sourisTony.

Liamsembleréfléchir.Sonvisages’illuminesubitement.

–Lafollequitesuivaittoutletemps?

–C’estça.Tusaisqu’ellem’aavouéquetuavaiscouchéavecelle,lesoiravantnotredépart?

Liamritlégèrement,unvoiledehontedansleregard.

–Sérieux?lâche-t-ilsubitement.Maistuasencoredesnouvelles?

–Oui…dit-ilenbaissantlatête.Figure-toiquejel’airevueàAtlanta,ilyadeuxsemaines.

T’auraisdûvoirmatêtequandellem’aabordé.

–Putain,j’imagine,oui,ricaneLiam.Bordel!Onapassédebonsmoments,danscebistrot!Tute

souviensdel’autre,là,jesaisplussonnom,maisceluiavecsonchapeauetsapipe?

Tonyfinitpars’asseoiràmêmelesolauxcôtésdeLiam,encroisantsesbrassursesgenoux.

–Oh!OuilepetitJean.

Liamémetunlégerrire.

–Oui!Merde,c’estça…Qu’est-cequ’onapusemarreretsefoutredesagueule.

–Oui!Surtoutqu’est-cequetuaspulefairechieravecsatenue.

Ils’interromptpourseremémorerundétailetreprend.

–Elleétaitrougeetnoire,sachemise,c’estça?

–Ouais!Affreuseetdégueulasse.Ilnelachangeaitjamais,jemesouviens.

Liamluitendfébrilementlamainafinqu’illuiempoigneetilsselesserrentéchangeantunsigne

aveclepouceetl’index,puistousdeuxexplosentd’unrirevif.

Aprèsunbrefsilence,Tonyreprendlaparole,soudainementplussérieux:

–Ellesdurentlongtemps,tescrises?

–Non.Pourl’instant,çava.

–Çaira,là?Pourcesoir?sepréoccupeunenouvellefoisTony.

–Çacommenceàpasser,oui,souffle-t-ilenattrapantànouveaulebrasdeTonyquivientdese

relever.Merci,mec!

Tonyleregardepensivement,posesamainsurcelledeLiametlaserre.

–Jen’airienfaitdeplus,maisjeteladevais,celle-là…mec!

Ilrentresachemisepourprequiétaitsortiedesonpantalonàpincesnoirets’essuiel'arrièredes

cuissespourenleverdespoussièresrésiduelles.Ilsetournedansmadirectionetm’adresseun

sourireapaisant,accompagnéd’unsignedetêtedestinéàmedirequetoutirabien.Ilregardeune

dernièrefoisLiametsedirigeversmoi.Enpénétrantdanslapièce,ilm’explique:

–Jevouslaisse,jecroisquevousavezdeschosesàvousdire.

Ilbaisseleregardetajouteavantdequitterlachambre.

–Àplustard,Miss.

Liam

Jereposelourdementmatêtesurlecousin.Marespirations’apaisepeuàpeu.Jerefermeles

boutonsdemachemisequej’avaisdéfaitssousl’effetdelachaleur.Jemesenstotalementridicule.

Cetteputaindemerdeauramapeau.Unefoismonrythmecardiaquenormalisé,jemeredresse

doucement.Jesuisencorenauséeuxetjetremblelégèrement.

Unefoisassis,jechercheIleanaduregard.Elleestassisesurleborddulit,lesyeuxlarmoyants.

Sonmaquillageacoulé,cequiaccentueledésespoirdesonexpression.Cettevisionm’arrachele

cœur.Putain!Jem’enveuxtellement!Jenesuisqu’unminable,unsombrecon.Elleal’air

totalementperdueetdésemparée.Ellenemequittepasduregard,maisellesembleperdue,loin

d’ici.

Jemelèveleplusdoucementpossiblepouréviterdem’étalerànouveaucommeunemerde.

J’arrivesanstropdemalàatteindrelachambre.Ileanan’apasbougéd’unpouce,maiselleneme

regardeplus.Elledétournelesyeuxlorsquej’arrivedansl’encadrementdelabaievitrée.Cequi

auraitdûêtreunemagnifiquesoiréepournousdeuxs’estmuéenvéritablecauchemar.Jenepeux

m’empêcherdememaudire.Jem’assoisàcôtéd’elleetposedélicatementmamainsurlessiennes

qu’ellecomprimesursescuisses.Elleseraiditàmoncontact.

–Mapuce…

Ellemecoupeimmédiatement.

–Tais-toi!

Savoixesttranchante,ellepoursuit:

–Jeneveuxplust’entendre.Onvaalleràcettecérémonie.Tuvasrécupérertonfoutuprixet

après,tumedevrasuneexplication,maismaintenant,jen’aiaucuneenviedet’écouter.Jeneveux

mêmepasentendrelesondetavoix.Jeneveuxmêmeplusteregarder.

J’ôtemamainetlaposesurmajambequitrembleencore.Jeravalemasalivedifficilement,jene

peuxpasluienvouloir.Jecomprendslaprofondeurdesadéception.J’aivraimentvouluycroire

moiaussi,j’aivoulucroirequeceweek-endseraitparfait.Jelevoulaissincèrement.Elleselèveet

s’enfermedanslasalledebain.

Soudain,quelqu’unfrappeàlaporte.CedoitêtreJessicapournousannoncerquelavoitureestlà.

Jevaisouvrird’unpasencoreincertain.

–Vousêtesfinprêts?hurlepresqueJessicaavecunenthousiasmequimedonneraitpresqueenvie

devomir.

–Oui,ditIleanad’unetoutepetitevoixenarrivantsansbruitderrièremoi.

Jemetourneetglissemonregardsurelle.J’aiunpincementaucœurdelavoirsibelleetdenelui

avoirmêmepasdit.Jeserrelesdentsetmecontentedeluisourire,maisellemepassedevant

froidementsansmeporterlamoindreattention.

Danslavoiture,l’ambiancenes’estpasdétenduepourunsou.Nouspassonsbiendixminutessans

quepersonneneprononceunmot.Jessica,quiestpasséedevantàcôtéduchauffeur,tented’engager

ladiscussionavecmoi.Jen’aiaucuneenviedeparleretneluiprêteaucuneattention.Jeveux

qu’Ileanameregarde,jeveuxquecesoitellequiengageuneconversationavecmoi.Jevoudrais

creverl’abcès,maissesparolesmetrottentencoreinsidieusementdanslatête,commeunpoison

violent.Elleneveutplusm’entendre,etpourtant,j’aitantdechosesàluidire.

ElleacalésonfrontsurlavitreetobserveattentivementlesruesdeLosAngelesquisombrentpeu

àpeudansl’obscuritédelanuit.J’aiunefurieuseenviedelaserrercontremoi.Laboulequi

m’obstruelagorgemeprouveunenouvellefoisquejesuisuncrétin:jesuisamoureuxdecettefille

etj’aitoutgâchéunefoisdeplus.Commentjemedémerdepourtoujoursarriveràfairedumalaux

seulespersonnesquicomptentréellementpourmoi?

Jefinispartendreprudemmentlamainverselleafindelaposersursacuissedénudée.J’aibesoin

d’uncontact.Ellenelarepoussepas,cequimerassure,maislebrefregardqu’ellemelanceendit

longsurlefonddesapensée.Elledoitmedétesteretmemépriser.

–Hé!Ilfautquejeteparle,mapuce,jepeux?dis-jedoucementenm’attendantàunerepartie

cinglantequej’auraimillefoisméritée.

–Vas-y,jet’écoute.

Jesuissurprisd’entendrelesondesavoix.Elleposefinalementsamainsurlamienneetla

presselégèrement.Jeprendsunelongueinspiration,plantemonregarddanslesienetluiexplique:

–Jesuisdépendantdel’alcooldepuisunbonmoment.J’aitendanceàabuser,mais,depuisParis,

j’aiaussicommencéàtoucheràdesdroguesplusdures,commelacocaïneet…

–Jemecontrefousdeça,siffle-t-ellefroidement,enmecoupantlaparole.

Abasourdiparlaviolencedesespropos,jenesaisplusquoidire.Sonregardestsidurquej’ai

peineàlesoutenir.

–Je…

Ellem’interromptànouveau.

–Tuauraisdûm’enfairepartdèsquetuasressentilespremierssymptômesdemanque.Tuaurais

dûmedemandermonaide…etnoncelledeTony.Jesuiscenséeêtretapetiteamie,non?Alors,

accorde-moiunminimumconfiance.Quandtuyarriveras,peut-êtrepourra-t-onENFINavancer.

Bloquéparmaceinture,jemetordssurmonsiègepourluisaisirlesdeuxmains.

–Jesaisquecen’estpasuneexcuse,maisjenevoulaispasquetumevoiesdanscetétat.Alors,

oui,jet’aidissimulémonétatautantquej’aipu.Cen'estpasunproblèmedeconfiance,maistout

simplementdehonte.Jetedemandedemepardonner…encoreunefois.

Jedéposemonindexsursajoueetmepenchepourl’embrassersurlatempe.

–Tupensespouvoiryparvenir?

Moncœurestàlalimitedel’implosionlorsqu’ellemesouritenfin.Ellenerépondpas,maissa

réponsetransparaîtdanssonregardquiafficheleplusmagnifiquedessourires.Enportantunedeses

mainsàmabouchepouryposermeslèvres,j’ajoute:

–Etoui,tuesmapetite-amieet,dansunpeumoinsdequelquesminutes,lemondeentierenaurala

confirmation.

–Àcesujet,intervientJessicaquej’avaistotalementoubliée,nousallonsarriver.Lavoitureva

vousdéposertouslesdeuxdevantl’alléecentrale.Deuxagentsdesécuritét’ontétéattribués,Liam.

Tudisposesdecinqminutespoursignerdesautographesavantd’intégrerlescoulisses.Onse

retrouvelàbas,d’accord?

J’acquiesceensilenceetmetourneànouveauversIleana,quisembleunpeueffrayée.Je

m’inquiète:

–Çavaaller,mapuce?

Elletripotenerveusementsonpetitsac.

–Oui,oui,répond-ellesimplement,avecunsouriretendu.

–Tumesuisettoutirabien,d’accord?insisté-jeaumomentoùnousdébouchonssurl’avenue.

Larueestdéjàenvahiepardesmilliersdepersonnescoincéesderrièrelesbarrièreslelongdu

trottoir.Notrevéhiculearalenti.Nousapercevonsl’entréeéclairéeparplusieursgrosspots.La

voiturestoppederrièrelaprécédentequidéposesonpassagersurletapisrouge,encercléde

photographesetdefans.

Ileanaobservetoutcequinousentoureavecuneextrêmeattentionet,quandsesyeuxs’illuminent,

jecomprendsqu’ellevientdereconnaîtrelapersonnalitéquiestdescendueduvéhiculegarédevant

nous.

–C’estTaylorKinney?

Sesyeuxsontpleinsd’étoiles.

–Oui,c’estlui,dis-je,enmepenchantpourmieuxl’apercevoir.

JessicasetourneversIleanaetajoute:

–MonDieu!Quelcanon,cemec!

Lesdeuxfillessemettentàriredeconcertenselançantdesregardscomplices.

–Jenevoudraispasvouscasserlemythe,mais…

–Liam!m’interrompentlesdeuxchipiesenchœur.

Jemetaisenlevantlesmainsensignedereddition,faceàdeuxpairesd’yeuxquimefusillent

avantmêmequej’aiepuleurraconterunepetiteanecdotequeseulsTonyetmoiconnaissons,pour

avoirfaitlafêteavecTaylor,unsoirdedébauchetotale.

Ellescontinuenttoutesdeuxàrirequandnotrevoitureredémarrelentementpournousamener

devantletapisrougequiornel’entréedubâtiment.

Ileana

Jen’aijamaisétéaussitendueetangoisséequecesoir.Aprèstoutcequivientdeseproduire,je

vaisvraimentfinirpardevenircardiaque.PardonneràLiamsonmensongeparomissionvolontaire,

j’ensuiscapable.Oui!J’aiencorepasmaldequestionsàluiposer,dontunequiconcernecette

phrasequ’ilaprononcéetoutàl’heuresurlaterrasseàproposdesonpère,maislà,danscette

voitureavecJessicaetlechauffeurquinousécoutent,nousn’avonsaucuneintimité.Nousen

parleronsplustard,aprèslasoirée.

Lavoitures’estarrêtéedevantl’allée.Unesacréetrouillemeserreleventre.Leshurlementsdes

fansetdesphotographesnefontqu’intensifiercesentiment.Jemetortillesurmonsiège,jen’arrive

pasàresterenplace.Lessecondesmeparaissentdesheures.Pourquoinepouvons-nouspassortirde

cettevoitureafind’enfinirleplusrapidementpossible?Surtoutquemetrouvantducôtédel’entrée,

jevaisdevoirsortirlapremière.

J’entendsd’icilesgensseposercettequestion:«C’estquicelle-là?D’oùellesort?»Mon

Dieu!Etsijem’étaleparterreenpleinmilieudutapis?Vumamaladressemaladiveenétatde

stress,cettecatastrophepourraitbienm’arriver.

Deuxarmoiresàglaceencostardcravatearriventdevantmaportière.Moncœurvaexplosertant

ilbatfort.Etsijeverrouillaislaporte…Peut-êtrequecelaretarderait…l’inévitable.Etqu’est-ce

quejesuiscenséefaire,ensortant?Saluertouscesgensquiignorentquijesuis?Offrirmon

meilleurprofilauxphotographes?Non!Cen’estpasmoilastar!

JesursautequandLiamposeunenouvellefoissamainsurlamiennequi,jelesens,est

affreusementmoite.

–Hé!Restecalme,mapuce.Toutvabiensepasser,jesuislàavectoi,m’encourage-t-ilau

momentoùunemusiqueauxbassesatrocementfortesmepercutelestympans.

Lorsquejemetournepourl’interrogersurlecomportementidéalàadopter,undesdeuxagentsde

sécuritéouvremaportière.Leson,jusque-làquelquepeuétoufféparl’habitacle,envahitmoncorps

toutentier.Liammelanceunregardcensémerassureretm’encourager.Toutàcoup,unevoix

assourdissantel'annonceavecenthousiasme,par-dessuslamusiqueentraînante:

–Liammm…Harriiiison!

Unemaréed’applaudissementspartàl’assautdemesoreilles.C’estàcemomentquejemedécide

àglisserunejambeprudentedehors.Toutencrispantlesyeuxd’angoisse,jedoisfairefaceàdes

milliersd’yeuxquimescrutentdehautenbas.Mêmelegardeducorpsfaceàmoimedévisageetje

supposequeceluidederrièrefaitdemême.Lesflashesdesappareilsphotocommencentàcrépiterà

viveallure.Jemeréfugieenvitessecontrelavoiture,écrasantaupassagelepieddel’hommedans

mondos,afindelaisserlepassageàLiamquimet,mesemble-t-il,uneéternitéàémergerdela

voiture.

Ilsortenfinunpied,unlargesourirephotogéniqueauxlèvres.Quantàmoi,j’ail’impressionde

meretrouverenpleinépicentred’untremblementdeterrelorsqueleshurlementshystériquesdesfans

etlesaboiementsdespaparazzisredoublentpourattirerl’attentiondemonamoureux.Mêmelesolse

metàvibrersousmespieds.C’esteffrayantetenivrantàlafois.

Unefoissortidelavoiture,ilfaitungestedelamainàl’assembléeetmepasseamoureusementun

brasautourdesépaules.Jevoudraispouvoirmedissimulersouslebitume,maisimpossible,hélas!

Commentfait-ilpourrestersisereinfaceàunefouleendélire?Ilposealorssamaindanslecreux

demesreins,m’invitantàavancersurletapis.Mesjambes,raidiesparlestress,refusentd’avancer.

Lesmilliersdeflashesm’éblouissent,maisjemerisqueàquelquespashésitants.Là,jemebénis

intérieurementd’avoiroptépourlesballerinesàtalonsplats.Enescarpins,jemeseraisrétamée.

Liamsepenchesurmoi,calesaboucheàmonoreilleetencourage:

–Détends-toi,mapuce,arboretonplusbeausourire,ilsvonttousfondrecommedesagneaux!

Ildéposeunbaisersurmajoueetajoute:

–Maintenant,jevaist’embrasser,d’accord?

Ildécalelatêteetplongesonregarddanslemien,guettantmonapprobation,unlégersourireaux

lèvres.Jesuistotalementhypnotiséeparsonregardqui,mecontempleavecuneprofondetendresse.

Enquelquessecondessousceregarddebraise,jeviensd’oublierl’endroitoùnousnoustrouvons.

Subitement,mesyeuxnevoientplusqueseslèvres.Ilpresselessiennescontrelesmiennesenme

serrantcontresoncorpssublime.

Malgrélescrissuraigus,lessifflements,leshurlementsqueprovoquenotrebaiseretendépitdu

mondequinousentoureetnousobserve,jemesensincroyablementbien.Latêtemetourne

légèrement,mesjambesflageolent,jesuisdansunimprévisibleetsoudainétatdetranse.Uncocktail

d’adrénaline,d’amouretdedésirinondemessens.

Quandilmetfinànotrebaiser,jesuissurunpetitnuagequejenevoudraisquitterpourrienau

monde.Ilmesouritunedernièrefoisavantdeportersonregardsurlafoulequinousentoure.Jeme

doutaisbienquecemomentmagiquenedureraitpas,maisc’estavecunnœudauventrequejele

laissesedégagerdemesbras.Ilsedirigeverslesbarrièresoùsontagglutinéslescentainesou

milliersdefansquiscandentsonnom.Ilattrapelepremierstyloqu’onluitendetsignedes

autographes,échangequelquesmotspar-cipar-là.

Jeleregardeamoureusement.Ilal’airdevivresiintensémentsonstatutd’idole.Sonregardetson

souriresontdifférents.C’estunepartdeluiquejenepourraijamaisatteindre.Desimplesmotsne

pourraientdécrirecequ’ilressentprobablement.

Ilaccepteencorequelquesselfiesetapposequelquesdernièressignaturessurlesphotosqu’onlui

tend.Restéeenretrait,jefinisparm’approcherdelui.Bienentendu,jesuisloindesusciterlemême

enthousiasme.Onm’insulte,jeprendssurmoiettentedemaintenirunsourirefixe.

Liaméchangequelquesbrefsregardsavecmoi.Misère,ilestbeauàtomber,sesyeuxpétillentet

jenecessedemerépéterquecethommesidivinementbeaum’appartientàmoitouteseule,cequi

adoucitl’angoisseetlemalaisequisesontemparésdemoidèsqu’ilaquittémesbras.

Auboutdequelquesminutes,uneautrevoiturearrivedevantl’alléeetlenomdel’invitéeretentit

dansleshaut-parleurs:

–Lamagnifique…SophiiaaaaaaBlaaaaaake!

Lesacclamationss’intensifient.Arborantunlargeetsuffisantsourire,Sophiafaitsonapparition,

vêtued’unemagnifiqueroberougeensoiequimetparfaitementenvaleurtouteslespartiesrebondies

desoncorps.

Jem’étonnequ’ellearriveseule,sansaucunaccompagnant,etmedisque,finalement,je

n’aimeraispasmeretrouveràsaplace.Commentfait-ellepourparaîtreaussidétenduequeLiam?

Ellesembleplutôtbiengérertoutcecirque,duhautdesesvingt-cinqansàpeine.Aurais-jeété

capabledefairecelaàsonâge?...

Nosregardssecroisentetjenesauraisdéchiffrerl’expressionsursonvisage,maiselles’attendait

àmevoirici,c’estcertain.Ellemesouritpoliment,maisbrièvement.

Aprèsavoirposérapidementpourlesphotos,elles’avanceverssesfansquilaréclament.Pour

monglusgrandplaisiretàmongrandsoulagement,elleentamesatournéedefansparlecôtédroit,

l’inversedeceluioùnoussommes.Jenemevoyaispasenpleincrêpagedechignonsdevanttoutle

monde,surtoutque,pourlecoup,elleestvraimentcoifféed’unchignon.

Liamn’aaccordéaucuneattentionàsonarrivée.Jel’aivuluijeterunbrefcoupd’œil,riende

plus.

L’atmosphèresembletendueducôtédelasécurité.J’interceptedesbrinsdeconversations.Ils

sontàl’affûtdumoindredébordement.L’und’euxjure,carSophiaestuniquementsuivieparunseul

gardeducorps;unautrepesteentraitantlesorganisateursde«pauvresabrutisquin’ontriendans

lacervelle».

Cecidit,toutecetteagitationfinitparm’inquiéterunpeu.Etsicesbarrièreslâchaient?Envahie

parunesourdeangoisse,jem’avanceversLiam,quis’estunpeuéloigné,toujoursprisdansses

dédicacesdesupportsentoutgenre.Toutàcoup,unemainvientseposersurmonépaule.Jeme

tourneetlèvelesyeuxverslegéantaussilargequegrandquim’empêchedefaireunpasdeplus.

–Restezlà,marmonne-t-ilsèchement.

Jesuisprêteàluimanifesterl’ampleurdemonmécontentement,maismeraviselorsquej’entends

grésillerlaradioqu’ilporteàlaceinture:

–Mouvementdefoule!...Dégagez-les!...

Jen’aipasletempsd’assimilerlesmotsquelapaniqueenvahitlespersonnesprésentessurle

tapis.Lasécurité,quisetenaitdevantmoil’instantd’avant,seprécipited’unseulcorpsversLiam.

Unbruitstridentenvahitmesoreilles.C’estunampliquivientdes’écraserausolàunpetitmètrede

moi.Jepivotebrusquementetm’aperçoisquel’alléejusque-làdégagéeavalelemondequi,jusque-

là,étaitcontenuparlesbarrières.

Unefille,puisuneautreetuneautreencoremepassentdevantencourant.Jenepercuteque

tardivementladirectionqu’ellesprennent.EllesseprécipitenttoutesversLiam.Quelqu’unme

bouscule.Jesuisballottéed’uncôtéetdel’autre.Letapisrougeestenvahienl’espacedequelques

secondes.Monsensdel’orientationestcomplètementchamboulédanslabousculade.J’essaiemalgré

toutderepérerLiamdanslacohue.

Soudain,autraversdecebrouhahainfernaldecris,jel’entendshurlermonnomcequimepermet

d’orientermonregardverslui.Entretroisimmensesmolossesquil’encerclentetl’obligentà

pénétrerdanslehalldubâtimentdésormaisbarréparplusieurspoliciers,jel’aperçois.Ilsedébat

pourvenirmechercher,maisc’estpeineperdue.Ilslefontreculerpourleprotéger.Ilsemble

tellementpaniquéetencolère,que,malgrénotreséparationforcée,jesuissoulagéedelesavoiren

sécurité.

Jeprendsuncoupdecoudeoud’autrechose,jenesaispas.Ilyatropdemondeautourdemoi.

Onmepousseàplusieursreprises.Jenesaisplusquoifaire.Desdoigtscrochusm’agrippentlebras

etmetirentversl’avenue,àl’opposédeLiam.Perdueetpétrifiée,jemelaisseembarquer.Quandje

réagisetquemoncerveaureconnaîtlapersonnequimesortdecetenfer,accompagnéedequatre

gardesducorps,j’aipeineàlecroire.

Jejureraisquemesjambesnetouchentpluslesol.Jemelaisseembarqueràl’arrièred’un

véhicule.Jemejettesurlabanquettedelavoiture.Quelqu’unrefermeviolemmentlaportederrière

moi,puisj’entendsleverrouillageautomatique.

AvantquenedémarreleS.U.V,ilestbasculédedroiteàgauchepardesgroupieshystériquesqui

tapentdespoingscontrelesvitresteintées.

Celafaitbienquelquesminutesquejen’aipasrespiré,maisquandnousnousengageonssurla

route,j’inspireprofondément,reprendsmesespritsetmetourneversmasauveuse:

–Merci,Sophia.

–Jen’allaispastelaisserpiétiner,ton…hésite-t-elle.Tonchérim’enauraitvouluàmort.

D’unairimpassible,ellerajusteledécolletédesarobe.Jevoisparfaitementdanssonregardqu’il

nes’agitpasdeLiam.Elleauraitaussibienpumelaisserlà,sansquepersonnen’ensacherien.Elle

s’estpourtantinquiétéepourmoi.Jedécidedenepasreleverlaquestionetmecontentede

demander:

–Oùva-t-on?

–Onvapasserparl’arrièredubâtiment,m’expliquelagrossevoixd’unblackassisàl’avantdu

véhicule.

Cepetitmomentdecalmedansl’habitaclemepermetdereprendremonsouffle.Pourlecoup,j’ai

vraimenteulapeurdemavie,maisjesuisrassuréeàl’idéedesavoirLiamensécuritéàl’intérieur.

Monportableinterromptlefildemespenséesàcetinstantprécis.C’estLiam,affolé.

–Bébé,tuesoù?Tuvasbien?Tun’asrien?

Jesourisbéatement.

–Net’inquiètepas,jevaisbien.J’arrive,jesuisavecSophia,onpasseparderrière.

–Sophia?s’étonne-t-il,ahuri.

Ilsembletoutaussiperplexequemoi.

–Tun’asrien?insiste-t-ilencore.

–Non,Liam,jevaisbien.Ettoi,monange?

–Cesenfoirésm’ontempêchédevenirtechercher.Jesuisdésolé,monamour.Etnon,jenevais

pasbien.

–Qu’est-cequ’ilt’arrive?Tuasunenouvelle…

Jem’interrompsmalgrémonanxiété.Sophian’estpasobligéedesavoir.

–Jenesuispasserein,non,maisçavaaller,mapuce.

Savoixtrembleaffreusementauboutdufil.

–Non!Çanevapasaller,Liam!Tonyestavectoi?dis-je,plussèchementquejenel’aurais

voulu.

–Non.Iln’estpasencorearrivé,enfin,jenelevoispas.

–Tuesoù,là?

–Danslescoulisses,surunfauteuil…J’aichaud.J’aienviedesortirprendrel’air,maisonme

l’interdit.

–D’accord,dis-jeenréfléchissantuninstant.

Jemetournelecôtéportièrepouravoirunminimumd’intimité,mêmesic’estcomplètement

illusoiredansunevoiture.

–Monamour,détends-toietpenseà…Spontanément,jecherchedansmamémoireunmoment

heureuxentrenous.TutesouviensdeParis,leparcsouslatourEiffel?Essaiedet’imaginerlà-bas

avecmoi.

Sarespirations’accélèredeplusenplus.

–Oui,jemesouviens.

–Voilà!C’estbien.Tuterappellesdenotrepetitefuitepouréchapperaupaparazzi?

–Oui…

JenevoispasLiam,maisjesuiscertainequ’ilsepliededouleur.

–Penses-ymonange…Moi,jem’ensouvienscommesic’étaithier.J’étaistellementbienavec

toi,danslesruesdeParis.J’aimeraispouvoiryretourner,là,maintenant!

Jemetais,concentréesurcequejepourraisdired’autre.

–Continue,mapuce…Tavoixm’apaise,supplie-t-il.

Àcemoment-là,lavoituretournedansunepetiteruelleetsegarebrusquement.

–Monange,jeseraibientôtlà,prèsdetoi.Onvientdesegarer.J’arrive,maisneraccrochepas!

Resteavecmoijusqu’àcequejetetrouve,monange,d’accord?

Endétachantmaceinturedesécurité,jecroiseleregarddeSophiaquiabiensûrdûsuivretoute

notreconversation.Jem’attendsàdesremarquesacerbes,maisellemelanceunsimpleregardplein

de…soutien.Jesuisscotchéeàunpointtelquejemanquedetomberdelavoiturequandjemetsun

pieddehors.Jereplaceletéléphoneàmonoreille.

–Liam…Tuestoujourslà?

–Oui…

Jesuisl’undesgardesducorpsquipénètredanslebâtimentparuneporteenfer.Noussuivonsun

longcouloirsombre.Sophiafaitrésonnersestalonssurlesoldebéton.

–J’arrive,jesuisàl’intérieur.Tupeuxmedireoùtues,exactement?

Pasderéponse.J’insiste.

–Liam…tum'entends?

Sophiaposesamainsurmonépauleetmeforceàmetournerverselle.

–Quesepasse-t-ilavecLiam?

Anxieuseetimpatientedeleretrouver,jepeste:

–Rienquiteconcerne!

Nouséchangeonsdesregardslourdsd’unerivalitéélectrique.Elleposeunemainsursahancheet

medit:

–J’aivécutroisansaveclui.Jeleconnaisparcœuret,mêmesiçamefaitchierdel’admettre,il

semblevraimentt’aimer,pouruneraisonquim’échappe,d’ailleurs!Alors,sij’avaisunconseilàte

donner,ceseraitlesuivant:situn’espasprêteàconsacrertavieàquelqu’undepsychologiquement

etphysiquementinstableetdépendant,laissetomber,çavatedétruire.Êtresonamie,passe,êtresa

compagne,c’estunenfer!Maintenant,tufaiscequetuveux,jet’auraiprévenue.

Ellefinitsaphraseenm’adressantunclind’œiletpoursuitsonchemin.Quelquepeuperturbéepar

cequ’ellefinitdemedire,jeporteànouveaumontéléphoneàl’oreille:

–Liam,tum’entends?

–Oui,jet’entends,répond-il,d'untonbienplusabattuquelemien.

Liam

Biensûr,jel’entendsetj’aimêmetrèsbiensaisicequevientdedireSophia.Jemeredressesur

lefauteuiletposemoncoudesurl’accoudoirpoursoutenirmatête.Ilyaunmondefoudanscette

pièce,celamerendunpeuplusnerveuxetm’occasionnedesboufféesdechaleurénormes.Quelques

personnesviennentmesaluer,desco-acteurs,co-actricesdefilmsetdesériesdanslesquelsj’ai

joué.Jeleurrendsleurpoigneouleursbises,maistouscescontactsm’insupportent.

–Mapuce,jesuisdansuncoindelapiècesurunfauteuil,prèsdesmaquilleurs,finis-jepardireà

Ileanaquiesttoujoursencommunication.

–D’accord,nebougepas,j’arrive,dit-ellerapidement.

J’entendsuneporteclaquer.

–C’estbon,jesuislà,maisjenetevoispas.

Jeperçoisleséchosduvacarmedelasalleautraversdutéléphone.D’unemain,jem’appuiesur

ledossieretmesoulèvepéniblement,meredressantpouressayerdel’apercevoirau-delàdelafoule.

Mesforcesmefontdéfautetjemerassoiscommeunemerde.Jeraccrochesanslefaireexprès,ce

quimefaitjurer:

NomdeDieudebordeldemerde.

Aumêmemoment,untypearrivedevantmoietmetendunplateaudecoupesdechampagnequeje

lorgneavecattention,enessayantderésisteràl’enviedemeservir.Boireuneputaindegorgéeme

détendrait,j’ensuiscertain,justeunemepermettraitdemesentirvraimentmieux.Ileanapourrait

enfinavoiràsescôtésunhommedigned’elle,mêmesicelavoudraitdirequejesuisivre.Là,comme

ça,jenesuisqu’uneépaveetlegarsquifaitvivrel’enferauxfemmesquiontpartagésavie,cedont

parlaitSophiaetcedontj’auraisdûmerendrecompteavant.

Letypeinsiste,malgrémonhésitation:

–Vousenvoulezune?Servez-vous,allez-y!

Jetendsunemaintremblanteverslesverresd’alcoolpétillantet,danslemêmegeste,jecroisele

regardd’Ileanaquisetientàquelquesmètresdevantmoi,leportabletoujoursenmain.Je

m’immobiliseimmédiatementetlaissemollementretombermonbras.Elles’avanceversmoi,

penchantlatête,lesyeuxemplisdequestionssilencieuses.Ellevasemettredansunecolèrenoire,

maisnon,elleseprécipitesurmoietm’enlacedesesbras.Jen’essaiepasdedécryptersaréaction,

maisjel’enlaceàmontourenfouismonvisagedansseslongscheveuxeteninhalel’odeuràpleins

poumons.Sonparfum,saprésence,sonétreinte,toutcelamefaitenfinsentirvivant.

Elleseredresse,poseunemainsurmajoueetplongesesyeuxangoissésdanslesmiens.

–Çavamieux?

Jesourislégèrementenpassantmesdoigtssursonmagnifiquevisage,medemandantcommentelle

peutencoremeregarderavecautantd’amour,avectantdecompassion.

–Bébé,commentarrives-tuàmepardonneraussifacilement?Jenesuisqu’unbonàrien…je…

Ellem’interrompt:

–Nedispasça,monange…Jesupposequeças’appellel’amour,finit-elledansunsourire

tendre.

Jepassemonpoucesurseslèvres.

–Tuessi…parfaite,mapuce!

Nousnouscontemplonsunlongmomentsansriendire,maisnosyeuxetnossouriresparlentpour

nous.C’estunefaçonincroyabledecommuniquerquejen’avaisjamaisconnueauparavant.

Jefinisparm’apercevoirquejenetremblepresqueplusetquemesdouleurss’apaisentpeuàpeu.

Ileanaestsurlepointdemedemanderunefoisdeplussijevaisbien,alorsjem’empressede

prendrelaparole:

–Tusaiscequej’aimeraisfairepourallerencoremieux?

J’aisubitementuneenvieirrépressibledelatoucher.

–Non,quoi?

Sesyeuxmerenvoientdenombreusesinterrogations.Soncerveausembletourneràpleinrégime,

cequimefaitsouriredavantage.Jemepencheàsonoreilleetluisusurre:

–Jepasseraisbienderrièrelerideau,là-bas,pour…

Jereculepourobserverl’expressiondesonvisageet,avantdepressermeslèvrescontreles

siennes,j’ajoute:

–Pourtefairel’amourunefois,deuxfois,detouteslesfaçonsimaginables.

Elleaccueillemonbaiseravecunetellegourmandisequejeressensinstantanémentlapuissance

desondésiretdesonamour.

–Tuasdécidédemefaireperdrelatêtedanstouslessensduterme,cesoir?

–Peut-êtrebien,mapuce.

J’émetsunrirelégeret,toutenmeredressantlentementpourgarderl’équilibre,jem’excuse.

–Désolé…

Ellemecoupe.

–Arrêteavectes«désolé».Nelesoispas,Liam,jamais!D’accord?

Savoixestferme,maissesyeuxmeregardentavectendresseetamour.Unefoisdebout,jedépose

unbaisersursonfrontetpassemonbrasautourdesesépaules.Cettepositionm’aideàmesoutenir,

mesjambesflageolentencoreunpeu.

–TuasvuJessica,aufait?medemande-t-ellesubitement.

–Euh…Non!Pasdutout,jel’avaismêmezappéecelle-là.

Jejetteunrapidecoupd’œilsurlesgensquinousentourentetquandenfinjelarepère,jela

montreàIleanad’ungestedetête,àlalimitedem’étoufferavecunrirequimeserrelagorge:

–Elleestlà-bas,regarde!

Monassistanteestentraindefairedurentre-dedansàTaylorKinney,saufquelapauvrepeut

toujoursessayer,ellen’yarriverapas!Ileanaexploseaussitôtderireenl’observant.Bonsang!

Quelbiencelafaitdel’entendrerire.Çameréchauffelecœurd’unemanièrequ’ellenepourrait

imaginer.

–Aumoins,ellenerisquepasdenouschercher,finit-ellepardireenmelançantunpetitregard

quejedéfiniraisdecoquin.

Jetirepartiellementlerideaupourinspectercequisetrouvedel’autrecôté.Commejeme

doutais,c’estleprolongementdelapièceoùnousnoustrouvons,maiscettepartieesttotalement

obscureetencombréedepiècesdedécoretmatérielsdescènehétéroclites.

Discrètement,j’indiqueàIleanademesuivre.Jemefaufileendoucederrièrelerideau,mêmesi

j’avouequenousnesommespastrèsdiscrets.

Unefoisnotreobjectifatteint,jeprendssamainetnousfilonsdansl’alléesombre.Jeremarqueun

petitcointranquille.Jel’emmèneaufonddecequisembleêtreunespaceentreplusieurscaisses

empiléeslesunessurlesautres.

Calantmondoscontrelemur,j’attrapesonvisageentremesmainsetl’embrasseavecunetelle

voracitéqu’ellearboreunlégermouvementdereculavantdes’abandonnertotalementàmabouche

quiladéguste.Avecundésirsimilaireaumien,elleglissesamainentremesjambesetvientpresser

légèrementmestesticulesetmonsexequienflepar-dessusmonpantalonentissufin.Cesimplegeste

mefaitbasculerdansunplaisirvertigineux.Noscorpsaffamésl’undel’autresecollentetse

décollentsouslescaresses.Jetrembleànouveau,maiscettefois,c’estd’envieetdedésir.Quandje

calemesmainssursesfessespourlapressercontremonérection,jenepeuxm’empêcherdelâcher

unlonggémissementrauque.Elleenprofitepourglissersalanguechaudelelongdemoncou.

Bordel,quec’estbon!Monespritpartenvrille.Jenesuispluscapabled’alignerdeuxpensées

cohérentes.Jenerespireplusquepouruneraison:elle!

Vivement,jeremontesarobejusqu’àlatailleetlalaissedélierlaceinturedemonpantalon.Elle

enprofitepourglissersespetitsdoigtssousmonboxer.Jen’enpeuxplus.Continuantdel’embrasser

avecaviditéetfougue,jelasoulèvepourladéposersurunedescaissesenbois.

–Jedeviensfou,mapuce…Jeveuxtepénétrer…susurré-je,survolantsabouche.

Ellerevientprendremonsexeentresesmainsetcommencedesputainsdeva-et-vientquimefont

basculerdansunétatsecond.J’attrapeladentelledesonsous-vêtementet,m’écartantdesesdoigts,

jeleglisselelongdesesjambesetreviensmecalerentresescuissesquivacillentsousmes

caresses.

–Liam,gémit-elle,dépêche-toi…Prends-moi!

Sesparolesneluiressemblentpas,maisbordel,quec’estbandant!Jem’immobiliseuninstantet

d’unmouvementlent,jelapénètreenunedouceuretavecunedélicatessequinousmettousdeux

dansunémoiexaltant.

Elleestsichaudeethumidequejeplongeenelleavecunejouissanceetunefacilitéintenses.Ne

laquittantpasdesyeux,jelapilonneàpetitscoupsdereinslégers.Moncorpsestpresquefigépar

l’extasequandjem’enfonceauplusprofondd’elle.Sespetitscrismerendentdingue.Jesuisàdeux

doigtsdetoutlâcher.Jestoppetoutmouvement.Ellen’estpasencoreprêteetjetiensàlafairejouir

avantmoi,sipasenmêmetemps.C’estmonbutunique:jeveuxaumoinsluioffrirceplaisir.C’est

leseulquejepeuxluiapporter.

Ellegrogneetresserresesjambesautourdemoi.J’émetsunrirelasentantcontrariéeetj’appuie

monfrontcontrelesien.

–Doucement,monamour,doucement…

Ellereculelatête,plongeànouveausesyeuxdanslesmiensetprendmonvisageentresesmains.

–Oh,continue,c’esttellementbon,dit-elleenrefermantlégèrementlespaupières.

Bordel!Elleestsibellequandellemesupplie.C’estàlalimitedeperdrepied.Jeprends

doucementpossessiond’elle,maiscettefois,jenecontrôleplusrien.J’enoublielatendresseetla

douceur.Mescoupsbrusquessontaccueillispardescrisencourageantsetexcitants.Marespiration

estpresqueinexistante.Jedéconnectetout.Jenesuisplusqu’unebouledesensations,unamasde

nerfsenfusion.Lorsquejelasensseresserrerautourdemoi,moncœurbatàviveallure.Ilestprêtà

bondirhorsdemapoitrine.

Ellepalpite,ellevacilleetj’explosedansunderniercoupdereins.Jemeraidisetlâcheune

longueplaintedepureextaseavantdelaisserretombermatêtesursonépaule.Ellepassesespetits

doigtstremblantssurmanuquepourvenirlesenfouirdansmescheveux.Nossoufflesjusque-là

saccadésreprennentpeuàpeudesrythmesnormaux.

–Jesuissurlesrotules,raillé-je,ensouriantcontresapeau.

–Moi,toujoursauseptièmeciel,précise-t-elledansunlongsoupir.

Jeristoutenmeredressantquand,fortinopportunément,monportablesemetàsonnerdansla

pochedemonpantalontoujoursàmeschevilles.Agacé,jemebaisseetleporteàmonoreille.La

voixstridentedeJessicam’agresselestympans:

–Vousêtesoù?Lacérémonievacommencerdansmoinsdecinqminutes.Grouillez-vous…

Jefaisunclind’œilàIleanaquisedemandevisiblementquiestencommunicationavecmoiet

répondssuruntonsarcastique:

–J’attendaisquetufinissestonpetitnumérodedragueavecKinney.

–…

Ellenesaitplusquoidireetjesuiscertainqu’ellevientdevireràl’écarlate.

–J’arrive.

Jeraccrochependantqu’Ileanaserafraîchitavecunelingettesortiedesonsac.Nousnous

rhabillonsenvitesseetquittonsnotrepetitecachette.Enarrivantdevantlerideauquinousséparedes

invités,Ileanam’arrêteenm’agrippantlebras.Jemetourneverselle,levantunsourcilinterrogateur

et,avantquejepuisseparler,ellepassesesmainsdansmescheveuxenprécisant:

–Attends!Tuestoutdécoifféettuaslesjouesencoretoutesrouges.

Jeluifaisunlargesourire.Cettefillenecesserajamaisdem’étonneravecsesmultiplesattentions

àmonégard.Ellemerecoiffe,rajustemachemisequimesemblaitparfaitementbienajustée,remonte

labretellequipendaitnégligemmentcontremacuissesurmonépaule,apposesesdeuxmainsglacées

surmesjouesbrûlantesetsedressesurlapointedespiedspourdéposerunbaisersurleboutdemon

nez.

–Voilà!Tuestoutbeau,dit-elle,lesyeuxpétillants.Faislestoutesfondre,monamour…

Ileana

Cettesoiréequiavaitsimalcommencésetermineenfaitplutôtbien.Émerveilléecommeune

enfant,j’aiassisté,àlaremisedeprixcaléeaufonddemonsiègedudeuxièmerang,entouréede

personnalitéspluscélèbreslesunesquelesautres.

Liamaremportédeuxprix.Ai-jebesoindepréciserqu’ilareçuceluidelarévélationmasculine

del’annéelaplushot?Lesecondprixfaitunpeuplussérieux,ils’agitdeceluidumeilleuracteur

desériedramatique.Lasériea,elleaussiétéprimée.Tony,Sophia,Sally,MarcetLiamsontmontés

ensemblesurscènepourrecevoirleprixdelameilleuresériedramatiquedel’année,cequinefut

pasunegrandesurpriseensoi,puisquec’estlatroisièmeannéeconsécutivequ’ilsledécrochent.

J’aiétévraimentfièredeLiam.Ilaétéexemplaire:souriant,agréableettellementcharmantàmon

égard.Delascène,ilm’aadressémaintsregardsetsouriresdespluscraquantsetils’estmêmefendu

d’unepetitedéclarationd’amourpublique,aussitôthuéeparsesfans,cequiabienfaitriremes

célèbresvoisins.MêmeStephenAmell,LEStephenAmelldelatoutenouvellesérieArrows’est

tournéversmoipourmelanceruncoupd’œilrieur.J’avoue:jemesuissentiefondre,àcemoment-

là.

Unefoislacérémonieterminée,nousnoussommestousretrouvésencoulissepourfêterça.Liam

n’apastouchéàunegoutted’alcool.Tonyetmoiavonsététotalementimpressionnésparsonself-

control.Jel’aibiensûrfélicitépourcemagnifiqueeffort.

Hélas,enfindesoirée,ilaeuunautredébutdecrise,maiselleestpasséeassezrapidement.

J’arrivemaintenantàmaîtriserassezfacilementsescrisesdemanque.Ilsuffitdelefairepenserà

autrechose,maisnecrionspasvictoiretropvite.Monpetitdoigtmeditqueleproblèmen’estpas

définitivementréglé.

Enparlantd’addiction,unechoseestcertaine:madépendanceàsoncorpsaétéassouviedès

notreretouràl’hôtel,auxalentoursdetroisheuresdumatin.Nousavonsfaitl’amourunebonne

partiedurestedelanuit.Inutilededireque,lelendemain,nousavonseutouteslespeinesdumonde

àsortirdulit.NousavonshésitéàprolongernotreséjouràLosAngeles.Pourmapart,celam’aurait

pluderesterquelquesjoursdepluspourvisiterlaville,maisLiamétaitfatiguéetilm’apromisque

nousyreviendrions,lorsdenosprochainesvacances.

NoussommesdoncrentrésàAtlanta.

Àl’aéroportdeLax,cefutlemêmecirquequ’ànotrearrivée:paparazzispostésdanstousles

coinsetcourses-poursuitesjusqu’àcequenousatteignionsleguichet.Maiscettefois,j’aiassuré.Je

n’aipaspaniquéetj’aimêmefaitquelquechosequejenemeseraisjamaisimaginéeoserfaireun

jour:j’aifaitundoigtd’honneuràunjournalistequim’avaittraitéedetouslesnomsd’oiseauxparce

quejerefusaisderépondreàsesquestionsindiscrètes.Liamenariaumoinspendantunedemi-

heure.Malheureusement,mongesteaétéphotographiésoustouteslescoutures.J’imaginedéjàles

grostitressurlessitesàscandale:«LanouvellepetiteamiedeLiamHarrisonagresseles

paparazzis.»

LorsquenousavonsdébarquéàAtlanta,j’aieulesentimentquenousrentrionsàlamaison.

Toutefois,monchez-moin’estpasencoreofficiellementiciet,demainmatin,jeseraiobligéede

reprendrel’avionpourlaFranceafinderéglerlesformalitéspourmonretourauxÉtats-Unis.

Cecidit,avantdesongeràmondépart,j’aiencoretoutunaprès-midi,unesoiréeetunenuità

passeravecLiam.Etjecomptebienenprofiterunmaximum!Aussisuis-jeblottiesurlesgenouxde

Liam,danssonfauteuilfétiche.Nousregardonslatélévisionensemble,toutennouscajolant.Unde

mesbrasreposesursontorsenutandisquemonautremainfrôlesoncou.Nousressemblonsàun

couplenormal,undimanchecommelesautres.

–Bébé?...dit-ilsubitement.

Jelèvelesyeuxpourlesplongerdanslessiensquimecontemplentdéjàdepuisunbonmoment.

–Hum?...

–Tuveuxfairequelquechosedespécialcesoir,pourtadernièresoirée?

–Passpécialement.Jeréfléchisunpeuetajoute,unlargesourireauxlèvres:jeveuxresterdans

tesbras.

Ildéposeunbaisersurmatempeet,aprèsunelégèrehésitation,ilseredresse.

–Tusaisquoi?Jevaisallerfairequelquescoursesetcesoir,jenousprépareunbonrepas.

Sonenthousiasmeesttrèscommunicatif.

–Oh!...Jevaisavoirdroitàunrepasenamoureux,préparépartessoinsenplus?Jecroisrêver,

gloussé-je,enlechatouillant.

–Eh,netemoquepas,Ileana!Enplusd’êtrel’acteurleplussexydel’année,lemeilleuramantet

unamoureuxtransi,jesuisunparfaitcordonbleu!

Ilm’attrapelespoignetsd’unemainetdel’autre,ilmechatouillesanspitié.Jehaisles

chatouilles!Jenesupportepascela,alorsjecrie,puisjehurleàpleinspoumonsenmetortillanten

toussenspourmelibérer.Cesoudainremue-ménagefaitaboyerMappyquiétaitjusque-là

paisiblementcouchéedanssonpanier.

–J’adoretetorturerett’entendrecrier,mapuce,lâche-t-ildansunriresisexyquecelam’excite

instantanément.

–Oui…maisarrête…c’estaffreusement…cruel.

J’essaiedereprendremarespiration.

–J’arrêtesur-le-champsitureconnaisàvoixhautequejesuisunexcellentcuisinier,rit-ilavec

uneoncedesévéritédanslavoix.

–Jenesais…pas…jen’ai…

Jem’étouffepresqueet,aprèsunelongueinspiration,jem’exécute.

–Tuesunexcellentcuisinier.Voilà!C’estdit…Alors,heureux?

Ilattrapemesjambes,melesfaitlentementbasculersurlecotéetselève.

–Jepréfèreça,dit-il,anticipantlefaitquej’attrapelecoussinposésousmesfessespourlui

lancerdessus.

–Manqué!...raille-t-ilquandmonprojectileimprovisémanquesonobjectif.

–Reviens!

Ils’éloigneetprendsontee-shirtsurunechaisedusalon.

–Jevaisachetercequ’ilfaut.

Jeluifaisunepetitemouepouressayerdel’endissuader,maismatentativenemèneàrien.Ila

déjàenfilésonvêtement,attrapélaclefdesavoituresurlepetitmeubledanslehalletmisunpied

dehors.

J’entendslaported’entréeclaqueretjem’appuieànouveausurledossierdufauteuil.Ilme

manquedéjà,c’esthorrible!J’étaissibiendanssesbras.Lapièceestbienvide,maintenant.Jeme

demandefranchementcommentjevaistenirdurantlesquelquessemainesquivontsuivre.Nous

seronssiloinl’undel’autre…Rienqued’ypenser,j’enmeursdéjà.

Enbalayantlapièceduregard,j’arrêtelesyeuxsurmonportraitsuspenduau-dessusdubuffet,ce

quimefaitinstantanémentsourire:luiaumoinsauramaphoto.Jedevraispeut-êtreenfaireagrandir

une,moiaussi.

Jemesouviensparfaitementdujouretdel’instantoùilapriscecliché.C’étaitlorsdenotre

escapadedanslesruesdeParispouréchapperauphotographe.Jemerappelleavoirrâléparceque

jemetrouvaishorrible,etjel’entendsencoremedireàquelpointaucontraireilmetrouvaitbelle.

Jepensaisqu’ilmeflattait.

C’estmêmejusteaprèsceclichéquenousavionscroiséFred,monex.C’estlàqueLiamm’a

gratifiéedesapremièrecrisedejalousie.

Franchement,quelleidéed’avoiraffichécecadre!Jemetrouvetoujoursaussimoche,enfait.À

cettepensée,jeheurtevolontairementl’arrièredemoncrânesurl’appuie-têteetsoufflelonguement.

Jem’ennuiesanslui.Jejetteunœilàlatélécommandesurlatablebasseenmedemandantquelle

chaînechoisir,parcequelesinfosmebarbentunpeu.Montéléphone,poséàcôté,semetàsonner.

–Oui,dis-jeenleportantàmonoreilleetd’unevoixpleined’enthousiasmeenvoyantlaphotode

Tonys’affichersurl’écran.

–Ouais,c’estTony,çavalamiss?

–Oui,ettoi?

–Non,pasdutout!Jesuisenpleinepaniqueetsurtoutnerigolepas,c’estsérieux!

–Jetelepromets.Dis-moi:qu’est-cequ’ilt’arrive?

–Cesoir,je…,s’interrompt-ilsubitement.

–Cesoirtuquoi,Tony?

–J’aiinvitéKathyaurestaurantet…

Jelecoupedèsl’instantoùjecaptelesensdesesparoles.

–Sérieux?C’estgénial!Jesuistropcontentepourtoi!Maisc’estquoi,leproblème?

C’estvrai,jesuissuperheureusedesavoirqu’ilaitdécidéd’allerdel’avantavecKathy.C’est

unefillebien,celasevoit,puiselleestfrançaised’origineaussi,cequi,àmesyeux,luidonneun

petitplus.

–Çafaitdesannéesquejen’aipaseudevrairendez-vousetjet’avouequejepaniqueunpeu.

S’ilteplaît,netemoquepas,maisj’aibesoind’unavis…féminin,hésite-t-ilsurlederniermot.

Jerisdéjà,maisj’essaiedereprendremonsérieux.

–Oui…Queveux-tusavoir,jet’écoute?

–Jedoisluiapporterdesfleursouuntrucdugenre?

Jeposemamainsurmaboucheprêteàm’esclaffer.Jememordsleslèvresl’uneaprèsl’autreet

fermelesyeux,histoiredemeconcentreretéviterl’explosion.

–Çadépend,finis-jepardireenreprenantmoncalme,monsérieuxetmonrôledeconseillère.

–Çadépenddequoi?

–Çadépendsituvaschezelled’abord.Suivantcequevousfaitesavant…tuvoiscequejeveux

dire?Ellenevapassetrimbaleravecunénormebouquetdefleursaurestaurant!

–Ouais,cen’estpasfaux!Jesupposequejevaislachercher.Enfait!Jen’ensaisrien.Merde,

onn’enapasparlé…faitchier.Jen’airienprévupouravant…

–Hé!Calme-toi,Tony!Situveuxunconseil,restesimplementtoi-mêmeettoutirabien,

D’accord?tenté-jedelerassurer.

–Ouais,jevaisessayer…Bon!Etvous?Vousavezprévuquoi?

–Unpetitdînertranquilleàlamaison.

–Dis-moi,tuparsàquelleheuredemain?

–Monvolestàonzeheures.Tuviendrasmefaireunpetitcoucouavantquejeparte?lesupplié-

je,lagorgenouéerienqu’acetteperspective.

–Oui,biensûr!Jeviendraiàl’aéroport,Miss!

–Super!...Tony?dis-je,aprèsunecourtehésitation,etregardantànouveaumonportrait

suspendufaceàmoi.

–Oui.

–Mercipourtout,je…

–Nemeremerciepas,Miss,dit-ildoucement.

–Si,j’insiste!Sanstoi,jen’auraisjamaisretrouvéLiametjenet’enremercieraijamaisassez.

Jel’entendssoupirervivement.Aprèsuncourtinstantdesilence,nousnoussaluons,jeluisouhaite

bonnechancepourcesoiretluirappellederesterlui-mêmeavanttout.

Enreposantletéléphonesurlatable,jemedisqueTonymemanquera,luiaussi,durantmon

séjourenFrance,maisj’essaiedemerassurerenpensantque,malgréleurrécentdifférend,ils

arriverontàveillerl’unsurl’autre.Avecmoienmoinsdansleurspattes,ilsarriverontprobablement

àretrouverunsemblantd’amitié.Jesaisquec’estpossible.Dumoins,jel’espèresincèrement.Ils

ontbienparléhiersoiretontmêmeéchangéquelquesrirescomplices.Jemesuismêmeditàce

moment-làquerienn’étaitperdu.Oui!Jesuispersuadéequ’ilssontsurlavoiedelaréconciliation.

Liamrevientunebonnedemi-heureplustard.Ilrentre,lesbrastellementchargésdepaquetsqueje

medemandes’iln’apasdévalisélemagasin.Jel’aideàdéballerlescoursesetnousnous

chamaillonsencore,commedeuxgosses,maisbonsang!Quec’estbon!

Jenecessedel’entourerdemesbras.Jeneveuxpasetnepeuxpaslelâcher.Soncontactme

réconforteetatténuelapeinedemondépart.Nouspassonslerestedel’après-midisurlecanapéà

nousloverl’unsurl’autre,etparfoisl’undansl’autre.

Auxalentoursdedix-neufheures,aprèsavoirfaitl’amouràdeuxreprisessurlesofaetlatable

basse,Liamselèvepourrejoindresesfourneaux.Jeresteallongéeàl’observeravecplaisiret

curiosité.

Liamentraindeprépareràmangerenboxerméritelaphoto.D’ailleurs,j’attrapemontéléphoneet

immortalisecetinstantpourpouvoirm’ensouvenir,maisaussienguisedepièceàconvictionpourle

casoù,unjour,ilrechigneraitàcuisiner.J’envisageunerépliquedustyle:«tuvois,chéri,avant,tu

mefaisaisàmanger.»

Cecidit,j’enprofitepourmereposeretjem’assoupis.Leconfortducanapéassociéàunplaid

parfuméàsonodeur,unepetitemusiquedefond,l’esprittranquilleetlecalmedanslamaisononteu

raisondemoi:jesombre.

J’émergepeuàpeudemapetitesiesteimprovisée.Jedresseuneoreille,maisjen’entendsplus

Liams’affairerdanslacuisine.Jemeredresseetl’aperçoisappuyé,lesmainssurleplandetravail

etlefrontcontrelaporteduplacardsuspendu.D’oùjesuis,jevoissesbrastrembler.Ilsemble

plutôtcrispéauvudesveinesquisaillentlelongdesesavant-bras.Celaneprésageriendebon.

–Çava,monamour?demandé-je,lavoixencoreendormie.

Ilnerépondpasetnebougepasnonplus.Totalementnuesousleplaid,j’enfilesontee-shirtetme

lèvepourlerejoindre.Lorsquej’arrivederrièrelui,prêteàluipassermamainlelongdudos,ilfait

ungestemaladroitetrenverselacasseroleposéeàsescôtés,étalantlanourrituresurleparquet.Je

sursautevivementquandl’ustensiledecuisinepercutelesol.

–Hé!Monamour…finis-jeparmurmurerlebrastoujourstenduderrièrelui.

–Nemetouchepas!

Ilpivotelégèrementlatêtepourm’observerducoindel’œil.Jelaissemonmouvementen

suspens.Ilavisiblementuneautrecrisedemanque.J’avanceversluiavecprécaution.

–Monamour,penseàautre…

–Arrête,Ileana,arrête,dit-ilenm’interrompantbrusquement.

–Tuasbesoin…

–Jesaiscedontj’aibesoin.

–Monange…

–Arrête!reprend-ilenmefixantd’uneexpressionperturbante.

Sonvisageesttendu,samâchoirecrispée,sesyeuxsontobscurcisparunmélangedecolèreetde

sombretristesse.

–Arrêtedet’inquiéter,Ileana!Jen’envauxpaslapeine,poursuit-t-ild’unevoixpluscassante

encore.

–Non!dis-je,fermement.Toi,cessededébiterdesconneries:tuenvauxlapeine,alors,unefois

pourtoutes,arrêtedete…

Jenefinispasmaphraselorsque,d’ungestevifetinattendu,empliderage,ilattrapeuneassiette

poséesurleplandetravailetl’éclatecontrelemurdusalon.Ilseretourneethurle:

–TUVASARRETER,bordeldemerde?

Aufracasdevaisselleetàsavoix,jefaisunbondenarrièrepuismefige,tétaniséeparsa

soudainebrutalité.

–Non,jen’arrêteraipas…Tuasbesoindemonaideet…jet’aime,Liam.

–Pourquoi?hurle-t-ilànouveau.

–Pourquoi,quoi?

–Pourquoitum’aimes?Qu’est-cequejet’apporte?Qu’est-cetuveuxdemoi?Qu’est-cequetu

attendsdemoi,àlafin?Hein?

–…

Souslecoupdelasurprise,jenesaisplusquoidire,pourtant,j’intègrepeuàpeusesquestions.

Faceàmonsilencepersistanteetd’unevoixencoreplusincisive,ilreprend,fulminantànouveauet

s’enrayantlavoix:

–Jesuisunenferàmoitoutseul.Jenesuismêmepasfoutudetepréparercalmementunrepas

pourtonderniersoirici,sansavoiruneputaindecrisedemanque.Bordel!Jesuisunputain

d’incapable.Jenepourraijamaisterendreheureuse,Ileana.

Ilplongeunregarddésespérédanslemienetcontinue,suruntonplusbas:

–Alors,pourquoit’entêtes-tuàm’aimer?

Jefaisunpashésitantverslui.Jemesensfurieuse,presquehargneuse,àl’entendredébiterces

conneries.Cettesituationfaitmonterenmoiunerageterrible.Surlemêmetonagressifquelui,jelui

jetteauvisagelespenséesquimetraversentl’esprit:

–Jet’aimeparcequetureprésentestoutpourmoi.Jet’aimeparcequetuesquelqu’undebien.Je

t’aimeparcequetuesleseulhommequim’afaitressentirautantd’amour.Jet’aimeparcequeje

croisentoi,entontalent,entaréussiteetparcequejesais,sansl’ombred’undoute,quetupeuxt’en

sortir.Jet’aimeparcequejenepeuxplusmepasserdetoi.Jet’aimeparceque…tues…TOI!

Alors,arrêtedemerejeteraumoindreobstacle,àlamoindrecrise,carjenecesseraipasde

t’aimer!Tucomprends?

Voyantsesyeuxseremplirdelarmes,jecessematiradeetadoucislavoix.Jereprendstouten

douceur:

–Jeteveuxtoitoutsimplement,Liam.Jeteveuxtelquetues…Jeveuxvivreavectoi…Je

veux…memarieravectoi…Jeveuxportertesenfantsetleséduquer…Jeveuxvieilliràtescôtés,

affronterlesdifficultésdelavieavectoi.Jeveuxl’hommequiestdeboutdevantmoiavecses

qualitésetsesdéfauts,etpasunautre,jamais…

Sansmelaisserletempsdem’enrendrecompte,ilseprécipitesurmoi,posesesmainssurmes

jouesetsecollecontremoncorpsfébrileettremblant.Quand,subitement,ilm’embrasseàpleine

bouchepourm’imposerlesilence,moncœurexplose,etlatensionquim’animaitl’instantd’avantse

métamorphoseenunevaguededésirirrépressible.

Ilnemelâcheplus,presseetpresseencoresabouchecontrelamienne,puis,dansun

gémissement,ilfrottesalanguecontrelamienneavecunefrénésiequimefaitperdrel’esprit.Jesuis

incapabledepenserouderéagir.Jem’abandonnetotalementàsoncontactetàsesmainsexpertesqui

explorentmoncorpsbrûlant.

Lefintissuquejeportemesembledetropquandilsecollepresqueviolemmentcontremoi.Avec

depetitsmouvementsdebassin,ilfrictionnemonventredelapartiequejedésirelepluschezluià

l’instant.

Ilagrippelebasdutee-shirtetmel’ôte,pourreprendreunfougueuxetprofondbaiserlaseconde

d’après.Avide,jeressenslebesoinimpératifdeletoucherencoreetencore.

Notrebaiserpassionnénemesuffitplus.J’enveuxdavantage.Jepassemesmainssurlacambrure

desondos,lesremontesursesépaulesetenfoncelégèrementmesonglesdanssapeau,cequilui

arracheuneplaintedeplaisir.

Nousavonsdéjàfaitl’amourplusieursfoisdanslajournée,maiscettefois,nousavonsennousla

fougue,larage,lapeurdenousperdre.Lemanquenousétouffeet,déjà,nousdétruit.Noussommes

stimulésparuneenviepresquebestiale,bienplusprofondequen’importequelleautrefois.

Jegémislonguementcontresabouchequandsesmainss’emparentdemesseinsetmelespressent

légèrement.Unevaguedechaleurallumeunincendiedansmesentrailles.Ilglisseensuiteseslèvres

surmonmenton,poursuitsoncheminsurmamâchoireetfinitsurmonépaule.Ilmel’embrasse,me

suçotantpuismemordillanttouràtour.Quandsabouches’éloigne,ellelaisseunemplacementfroid

surmapeau,cequidéclencheenmoidelongsetdélicieuxfrissons.Quand,enfin,ilrelèvelatêteet

quenosregardssecroisent,sesyeuxsontgraves,maisvoilésdumêmeimpérieuxbesoinquelemien.

Ilmeveutcommejeleveux.

Subitement,maislentement,ilmefaitbasculerenarrière,memaintenantd’unbrasetm’allongeant

ausolpours’étendresurmoi.Jesuffoquepresque,ensentantlapuissanceetlaforcedesonérection

contremahanche.Jesaispertinemmentquecettepartiedesoncorpsneréclamequ’uneseuleet

mêmechose:s’enfouirenmoietmecombler.Cetteseulepenséemefaitvibreretprovoquedes

palpitationsetunagréablegonflementdelazonelaplussensibledemonanatomie.

D’unmouvementsouple,ilsedébarrassedesonboxeretrevientsecalerentremescuisses.Il

poseundesescoudesàcôtédemonoreilleetsurvolemabouchedelasienne.Ilfixemonregardde

sesyeuxmi-closparlafièvrequil’anime.Sonautremainsedirigeversmapoitrine,bifurquevers

monventreetdescendsurmonsexepouryintroduirelentementetdoucementunpremierdoigt,puis

unsecond.Jemecambresousleplaisirquemeprocurecettedivineintrusionetaccueilleavec

reconnaissancelesdouxva-et-vientdesamain.Jelâcheuncriquiressembledavantageàune

incitationàpoursuivre.Lorsque,desonpouce,ilvienttracerdelentscerclessurmonclitoris

enflammé,jegeins,jemetortilleetmetordsdeplaisir.Sonregardenfiévréneperdaucunedemes

réactions.Jen’enpeuxplus,moncorpsestdéjàsurlepointd’imploser.Lachaleurquis’installeau

creuxdemonbas-ventreetsurmesjouesm’indiquequejevaisperdrepiedd’uninstantàl’autre.

J’attrapesanuqueàdeuxmains.Etjejouisvertigineusement,intensément,enbasculantlatêteen

arrièreetenfermantlesyeuxpoursavourerpleinementtouteslessensationsquiéclatentenmoi.

Monorgasmeestlong,silong,quelorsqu’ilplongeenfinenmoi,monintimitéesttoujoursaussi

étroiteetpalpitante.Ilsemetàremuerlentement,prenantletempsdemeprendredetoutsonlong.

Noscorpsquis’accordentparfaitementnefontplusqu’un.Ilposesonautrecoudeau-dessusdemon

épauleet,enregardantsesréactionsetlesmimiquesquiglissentsursonvisagequisecrispeà

chaquepoussée,jesensqu’ilestàsontoursurlepointdenon-retour.Jesuisivredecethomme,

folledechaqueparcelledesapeauquibougesurmoi,contremoi,auplusprofonddemoi!

Mesdoigtsseposentsursesreinspourl’inviteràcontinuer,l’encourageràm’empalertoujours

plusfort,toujoursplusloin.Ilgrogneetgémit,àboutdesouffle.Sesmusclessecontractent,sesyeux

setroublentetsespupillessedilatent.Lespectaclequ’ilm’offreestunpurdélice.J’aimelevoir

danscetétat,perdudanssesémotionsetsonressenti.C’estlachoselaplusbelleetattrayanteau

monde.Quelquechosedemerveilleuxetdeperturbantàlafois,carc’estmoncorpsquilemettanten

émoi.

Jepenseêtretropintensémentplongéedanslacontemplationdemonamantpourpouvoirjouirune

nouvellefois,mais,quandilpoussesonderniercoupdereinsengémissantmonnom,messens

réagissentetj’exploseunenouvellefois,aumêmemomentquelui.

Ils’effondredetoutsonpoidsetposesatêtesurmonépaule,mecachantsonvisage.Jesensqu’il

trembleetqu’ilestencoreégarésousl’effetdel’orgasmequenousvenonsdepartager.J’écoutesa

respirationreprendreunrythmenormaletpassemesdoigtsdanssescheveux.J’essaied’enregistrer

dansmamémoirechaquesecondedecetinstant,pourn’enrienoublier.

–Qu’est-cequejevaisbienpouvoirfairedetoi?susurre-t-il,toutàcoup.

J’essaiedemedégagerenlepoussantdoucement,necomprenantpasoùilveutenvenir.C’estau

momentoùiltournelatêtepourfaireglissersonregardbleusurmonvisageavecunlargeet

somptueuxsourirerieurquejepercutequ’ilditcelapourplaisanter.Jel’embrasserapidementetlui

répliquesurlemêmetonjoueur:

–Etmoi,alors!Jedevraisdirequoi?

Iléclated’unrireclair,faisantvibrersoncorpssurlemien,mecréantunpuissantplaisir.

–Tudevraism’enfermer,oui,glousse-t-ilencore,ensedécalantsursonflancgauche.

–J’ypense…

Jecaressesonvisagedemonindex.

–Tucroisquedanslesasilespsychiatriquesilyadejoliespetitesinfirmièresenmanquede

câlins?raille-t-ilenanticipantlecoupdecoudequej’essaiedeluienvoyerdanslescôtes.

–C’estdansunmonastèreetavecuneceinturedechastetédontjeseraiseuleàavoirlaclefqueje

vaistefaireenfermer,oui!pesté-jegentiment.

Nouséclatonsensemblederirequandilmimeuneprière.Liamchezlesmoines?Hautement

improbable!

M’attirantànouveaucontrelui,ilmedemande:

–Mexicain,vietnamienouchinois?

–Quoi?dis-je,haussantlessourcils.

–Jecommandequoipourmanger?...

–Cequetuveux,finis-jeparrépondreavantd’enfouirmatêteaucreuxdesoncouetd’ajouter:

–Moi,cequejeveuxc’esttoi;lerestejem’enfous.

Tony

Monréveilnecessedesonner.Bordel,quec’estgonflant!Moncerveauadumalàseconnecter

cematin.LerestaurantavecKathyaétéunepurecatastrophe.J’aiétéunvraiempoté.Heureusement,

ellem’alaisséunesecondechanceet,endécouvrantl’expressionradieusesursonvisagecematinà

côtédemoidansmonlit,jemedisqu’apparemment,cettesoiréen’apasétéaussiloupéequeje

l’imagine.

–Salut,beauté!lancé-jejoyeusement.

–Coucou,toi!

Sonlargesouriremefaitunsacréeffet.Jenem’étaispasréveilléauxcôtésd’unesibellefemme

depuisuneéternitéetvoircesouriresincèreettendreàlafoismeravis.

–Tutravailles,cematin?Jecroyaisqu’iln’yavaitpersonneaustudio,aujourd’hui,medemande-

t-elleenselovantcontremoi.

–Non,dis-jeencomprenantbrusquementlaraisonpourlaquellej’aimismonréveildesibonne

heure.Jemeredressevivementsurlelitetpeste:

–Bordel!Ileana!...

Kathys’assied,remontantledrapauniveaudesapoitrine,etmeregarded’undrôled’air:

–Quoi?Ileana?

Jefaisvirevolterlacouvertureetmelèvebientropvite…J’aioubliéqu’hiersoir,j’aiunpeu

abusédel’alcool,maismatêtesechargedemelerappelerensemettantàtournersubitement.Jeme

rassoislourdementsurleborddulitquandKathyrépètesaquestion.

–Jeluiaipromisd’allerl’embrasseràl’aéroport,cematin.

Ellem’entouredesesbraset,posantsonmentonsurmonépaulenue,ellemequestionne:

–Ellepart?

–Oui.

Jemepenchepourrassemblermesvêtementsavantd’ajouter:

–Maisjesupposequ’ellevarevenirpours’installeravecLiam.

–Tony?

–Hum?dis-je,enremettantmoncaleçonfurtivementetenmelevantprudemmentcettefois.

–Quelestaujustelelienquivousunit,Ileanaettoi?Jeveuxdire,vousêtesquoi?Amis?

Amants?Ex-?

Jemetourneverselleetfixesonvisageangélique.

–Onestamis,riendeplus.

Jeréfléchisquelquessecondesetajoute:

–C’estmameilleureamie…Voilà,cequinousunit.

Enprononçantcesderniersmots,jemerendscomptequeoui,lelienquenousavonstissé

ensemblen’estriend’autrequ’uneindéfectibleamitiéetqu’ellevamemanquer.

–D’accord!finit-ellepardireenbâillant.

–J’enaipouruneheureoudeux.Restelà,faiscommecheztoi,d’accord?dis-jeenmebaissant

surellepourdéposerunbaisersursonfront,toutenattachantlaceinturedemonjean.

Ellemesouritetserecouche.J’attrapemonpull,passedevantlaglacedemonarmoire,me

recoiffed’ungesterapideetquittelachambre.

Enrefermantlaporte,monregardestattiréparlachambred’amisquin’estautrequemasallede

musculation,enfait.Ressentanttoutdemêmeunsérieuxnœudauventre,jepénètredanslapièceety

jetteuncoupd’œilrapide.Jesuisimmédiatementenvahiparunevaguedepetitssouvenirsd’Ileana

danscettepièce.

Jebalayelesalentoursduregard,mêmesij’aidéjàinspectélesmoindresrecoinsenquêted’une

desesaffaireslejouroùelleaquittél’hôpitaletquejeluiaitoutramenédanssavalise.Jemedis

qu’uneultimevérificationn’estpasdetrop.

Sansunedoucheetsansuncafépourtantbienindispensablesuiteàmesexcèsdelaveille,jeme

décideenfinàrejoindrel’aéroport.

Lacirculationétantabondantelelundimatin,jemetsprèsd’unedemi-heureàl’atteindre.Jecours

presquedanslescouloirsetquand,enfin,j’arrivedanslasalled’embarcation,jelesaperçois,Liam

etelle,unpeuplusloin,setenantlamain,côteàcôte.

Dèsqu’Ileanalèvelesyeuxdansmadirection,ellelâchelamaindeLiametserueversmoi,les

brastendus.J’aitoujoursdétestélesadieux,maisjemedisquec’estjusteunpetit«aurevoir,à

bientôt».

Ellearriveàmahauteuretjelaserrefortementdansmesbras,lafaisantmêmeunpeutourner,ce

quiluiprovoqueunpetitrireadorable.

–Tuesvenu,lâche-t-elle,leslarmesauxyeux.

–Biensûr.Jen’allaispasmanquerunesibelleoccasionderendreLiamjaloux,raillé-je.

Jejetteuncoupd’œilàcedernierquiestrestéàlamêmeplace,droitcommeunpiquet,lesmains

danslespoches,nousobservantattentivement.Elleritlonguement,puisprendunairabattu,en

penchantlégèrementlatêtesurlecôté.

–Tut’occuperasdeluipendantmonabsence.Ilenabesoin,ilabesoindesonami…d’accord?

–Comptesurmoi,Miss!

Ellesedressesurlapointedespiedsetdéposeunbaisersonoresurmajoue.

–Mercipourtout,Tony,dit-elledansunsourirelarmoyantavantdepoursuivre:

–JeretourneprèsdeLiam,d’accord?

Jepassemamainsursonmagnifiquepetitvisageetj’essuiedemonpouceunelarmequiycoule.

–D’accord,vas-y…Bonvoyageetskype-moidèsquetupeux,d’accord?

Ellehochelatêteavecunpetitsourire,maissestraitsetlesgrosseslarmesquiroulentmaintenant

sursonvisageendisentlongsurl’enviequ’elleaderetrouverlaFrance.

–Allez,filerejoindretonhomme,dis-je,réprimantunsanglot.

«Sérieux!Jenevaispasmemettrechialerquandmême!»Ellehésite,mefixeunedernièrefois

etsetournelentementpourseprécipiterversLiamquil’accueillelesbrasouverts.

Enl’enlaçant,ilposeunemainsursescheveux,unbaisersursoncrâneet,quandjelavois

s’écroulerenpleurs,moncœurseserre.Toutenlaberçantdoucementcontrelui,Liammelanceun

longregardassortid’unsignedetêtequiveutdirequetoutirabienetquejepeuxrentrer.Jeles

regardeencoreuninstantetfaisdemi-tour.

«Bonsang!Ellevamemanquer!»

Ileana

MatêteposéecontreletorsedeLiam,mesbrasautourdelui,entouréedetouscesgensdanscet

aéroport,jerenifleprofondémentetenprofitepourreniflersonparfum,medisantquec’est

probablementlapremièrechosequej’oublierai,pendantnotreséparation.

Deprofondssanglotsmereprennent.Jenevoulaispaspleurer,c’estridicule!Jevaislesrevoir

touslesdeux.Cen’estqu’unequestiondesemaines,voireunoudeuxmois,toutauplus.

Lorsquelehaut-parleurannoncel’embarquementimminentdemonvol,monsangseglace.Jeme

décollepéniblementducorpssichaudetagréabledeLiam,puisledévisage.Ilnebougepas,ne

réagitpas,ilsecontient.Sestraitssonttirés,sessourcilsfroncés.

Iln’apasditunmotdepuisplusieursminutes.Cematin,déjà,aulever,ilétaitdanscetétat.Il

essaiedesemontrertendreetmeserrecontreluiavecforceetamour,maissansgrandsuccès.Jesuis

persuadéequ’ilessaiedegérermondépartcommeilpeut,c’estsûrementsafaçonàluidenepas

s’effondrer.Jesuisdéjàbienassezanéantiepourdeux!

Jeposeunemainsursajoue.Ilclignedoucementdespaupières,maissonregardseperddansle

vide.

–Jedoispartir…monamour,dis-jeentredeuxrespirationssaccadéesparlessanglots.

Sespaupièresbattentlentement.Samâchoiresecontractesoussajoueombréed’unefinebarbe.Je

n’arrivepasàdécryptersonregard.Lecontactdemamainsursonvisagenesemblepasl’atteindre.

Ilfixeunpointpar-dessusmatêteetlasiennebougemollementsousmescaresses.

Undeuxièmeappelgrésilledanslesenceintessuspenduesdechaquecôtédelaporte.J’attrapesa

nuquedemesdeuxmainsetleforceàpencherlatêteversmoi:

–Hé,monange,regarde-moi,s’ilteplaît,lesupplié-je.

Liamposeenfinsesyeuxsurlesmiens.Moncœurbonditetfaitd’énormesratésdansmapoitrine.

Ilal’airsitristeetdésemparé,maisaucunelarmenetroublesavue.Ilyacommeunvoiledecolère

danssonexpression.Ilfinitparenfouirunemaindanssaveste.Ilenextraituneenveloppequ’ilme

tend,puism’adresseenfinlaparole:

–Jet’aiécritunelettre.Promets-moidenelalirequ’unefoisinstalléesurtonsiège,d’accord?

Hésitantuninstant,jesaisislemorceaudepapierplié.

–Tum’asécritunelettre?répété-jelentement,enmedemandantquandilatrouvéletempsdeme

l’écrire.

–Promets-moi,insiste-t-ilenmeserrantunenouvellefoiscontreluietattirantmatêtecontreson

torsequisesoulèvedifficilement.

–D’accord.Promis…

Jen’aipasletempsdeprofiterdecetultimecâlinqu’ilreculedéjà,attrapemonvisageetdépose

unlongetdouxbaisersurmeslèvres,puisstoppantnettoutcontact,ilm’avertit:

–Allezfile!Tuvasratertonvol.

Ilagitsibizarrementquesoncomportementmeperturbe.Ilentrelaceunedernièrefoissesdoigts

auxmiens,mecomprimelamainetmelalâche…Troprapidement.Jefaisunpasenarrièreet,avant

demeretourner,jeluimurmure:

–Jet’aime,Liam.

Sonvisagesefermedavantageet,entresesdentsserrées,ilmerépond:

–Jet’aimemoiaussi.

Jefinisparembarquerlecœurlourd.Jesavaisquelequittern’allaitpasêtreunesinécure,maisà

cepoint,non.Surtoutquel’attitudedeLiammeposequestion.Jenesaispasàquoijem’attendaisau

juste,maissûrementpasàautantdefroideur.

Unefoisbieninstalléesurmonsiège,jesorslalettrequej’avaisrangéedansmonpetitsacàdos

etentamemalecture,lesourireauxlèvresdèslespremiersmots.

***

«Mapuce,monbébé,

Celafaitunebonneheurequej’essaied’entamercettelettre.Jelatournedemilleetune

façonssansréellementsavoirparoùcommencer,car,àvraidireetencoreunefois,jenesuispas

trèsdouépourl’écriture.Tuverraislapoubelle:elleseremplitàvued’œil!»

Jesourisbêtementetpoursuismalecture,unpincementaucœurenm’imaginantsavoixquime

manquedéjà.

«Jeviensdepasserunebonnepartiedelanuitàteregarderdormirpaisiblement,ente

caressantlevisageetlescheveux.Situsavaisàquelpointtuesmagnifique,etmêmeplusqueça,

maisjenetrouvepaslesmots.Jeprésumequ’iln’existepasdemotspourdécriretabeauté,peut-

êtrequ’enfrançais,si,maisjeneconnaispastabellelangue,àmongrandregretd’ailleurs.

Bébé,j’auraistellementaimétedirecequisuitenface,maisjen’enauraispaseulecourage

etlecran.Jesais,jesuispathétique,jepensequetumeconnaissuffisammentauboutdeces

dernièressemainespasséesensemble.

Toutd’abord,jetiensàtedirequejet’aimeetquejet’aimeraitoujours,que,jusqu’àmon

derniersouffle,jenecesseraideressentircetamour.Tum’asapportétellementdechosesensi

peudetempsfinalement.J’étaisentraindemeperdreettum’asremissurledroitchemin.J’étais

entraindetomber,ettum’asrelevé.J’aitoujourspenséqueseulemafamilleavaitcepouvoir-là,

maisencoreunefois,jemesuistrompé.C’estencoretoiquim’asdémontrélecontraire.Tune

peuxpassavoiràquelpointcelaestimportantpourmoi.Grâceàtoi,jesaisenfinoùjedoisaller

etjesaissurtoutcequejeveuxmaintenant.Oui,voilà,maintenant,jesais.Jeveuxquetusois

heureuse,c’estlachosequim’importeleplusdanscemondeàprésent.

Mapuce,jeveuxqueturayonnesdebonheur.Jeveuxtellementdebelleschosespourtoi.C’est

pourçaquejenepeuxpasmepermettred’êtreégoïsteavectoi.J’aimeraispouvoirtegarderpour

moi,maisjeneteméritepas.Tuasbeaudirequetumeveuxtelquejesuis,quetum’acceptestel

quejesuisetquetutebattrasàmescôtés,celavatedétruire,mapuce,etçajenelepermettrai

pas.JAMAIS!

Voilà,c’estpourçaquejedoistelaisserpartir,sanspenseràmoietàcequejedésire.Tune

serasjamaisheureuseavecmoi.Ilfautserendreàl’évidence.C’estpourcelaquecettelettre

n’estpasunelettred’amour,maisunadieudéfinitif.(…)»

Non,non,non!Monsangsefige.Marespirationsebloque.Leslarmessemettentàroulersurmes

joues.Ellessemettentàinondermoncou.Magorgesenoue.Monventresetord.Jen’arriveplusà

avalermasalive.Jesuissurlepointdem’étouffer.Ilnepeutpas…Non,ilnepeutpasmefairecela.

Ilnepeutpasmedireça.

Mesmains,mesjambes,toutmoncorpssemetàtrembler…Jedoisimmédiatementquittercet

avion!Jedoisabsolumentleretrouver.Jedoisleprendredansmesbras,lesentir,letoucher.Tout

desuite!Oh!MonDieu!Non.

Montéléphone!Jedoisl’appeler,luidirequejel’aimeetquejeveuxresteraveclui.Jeveux

vraimentresteraveclui.Jenepeuxpluspartir.Nonplusmaintenant.

J’extirpemonportabledelapocheavantdemonsweat-shirt,jeleporteàmonoreilleet,quandje

jetteuncoupd’œilautraversduhublot,unlongsanglotetunedouleurfulgurantemepercutent

violemment.

Jel’aperçois,là,derrièreleslargesvitresducouloirquimèneàlasalled’embarcation.Ilsetient

droitetbaisselatête,sortsonSmartphonedelapochedesonjean,leregardelonguementensouriant

tristementetleremetl’instantd’aprèsdansl’arrièredesonpantalon,sansmêmemerépondre.

Lecœurserréetlarageauventre,jetapecontrel’épaissevitreenhurlantsonnom.Cen’estpas

possible,c’estuncauchemar!Jevaismeréveiller!Jelevoiss’éloigneretleperdsrapidementdes

yeux.Jeneveuxpasqu’ilparte.Jecrieencoreplusfortencontinuantàfrappersurtoutcequime

passeparlesmains,lehublot,lessièges,tout.

–Qu’est-cequ’ilsepasse,mademoiselle,calmez-vous,intervientunehôtessed’unairinquiet.

–Je…je…doissortirdel’avion,dis-jeenmeglissantpéniblementversl’alléecentrale.

–C’estimpossible,mademoiselle,mestoppe-t-elle.Nousavonsrefermélesportes,nousallons

nousengagersurlapiste…jesuisnavrée!

Tony!Ilfautquej’appelleTony.Jemerelaissetombersurlesiègeetattrapeànouveau

fébrilementmontéléphone.J’aidumalàletenirtantmesmainstremblent.Auboutdequelques

sonneries,ilrépond:

–Toujourspas…

–Tony,lecoupé-jeaussitôt.Tony…

Paniquéeetvidéedetouteénergieparlapeine,jesuisincapabledeprononcerautrechose.Trop

depenséesm’assaillentet,dansunlongsanglot,jelâche:

–Ilm’amenti…Ilmequitte,Tony…Ilneveutplusdemoi…

–Qu’est-cequetudis?

Ils’éclaircitlavoix.Jecontinuemonflotdeparolesenversanttoutesleslarmesdemoncorps.

–Ilm’abandonne…Jeneveuxpasqu’ilmequitte…Tony…Jeveuxêtreaveclui…Jel’aime…

jel’aimetellement…Ilmemanque…ilmemanquetellement…

Mavoixs’écorche,setord,s’éteint.

–Jeveux…jeveuxêtredanssesbras…Tony…Celafaitsimal…j’aimal…Il…nepeutpas…

Iln’apasledroit…il…

Jelaissetombermontéléphonequirebonditsurl’assised’àcôté.Jeperçoisvaguementlavoixde

Tony:

–Allô,allôôôô?Réponds-moi…

Jen’aipluslaforcedeluiparler.Jesuistotalementdéboussolée,écœurée,perdue,dépitée,vide,

commemorte…

–Mademoiselle,veuillezéteindreimmédiatementvotreportable,m’ordonnel’hôtessed’unevoix

quej’aipeineàentendretantjesuisperduedansunbrouillarddenéant.

Toutestflouautourdemoi,jeneressensplusqu’unevaineetimpuissantecolère.Celanesertplus

àriendetoutefaçon.Jem’effondresurledossierdemonsiège,merecroquevillesurmoi-mêmeet

enfouismonnezdanslesweatàcapuche,SONsweatduquelémaneencoresonodeuretjemelaisse

sombrerdanslatristessequimeconsume.

J’inhalesonparfumàpleinspoumons,leseulvestigequejeconservedelui.Jedesserremes

doigtscrispésetregardelonguementlabouledepapierquej’aitoujoursdanslamain.Ilmeresteun

boutdelalettreàlire.Lesyeuxbrûlantsdelarmes,lecœurmeurtri,jecontinuemalectureen

sanglotantetreniflant.

«N’essaiepasdem’appeleroutouteautrechose.N’essaiepasnonplusd’arrêtertonvoloude

tuerlecommandantetsoncopilote.Jesaisquetuenescapablepourmoi,tuesabsolumentprête

àtoutpourmoi,maisàforce,tuvasteconsumer,tuvasépuisertoutestesforcespourquelqu’un

quin’envautabsolumentpaslapeine.

Pardonne-moi,monamour.Jefaiscelaenpensantàtoi,uniquementàtoi!Jesaisquetuavais

destasdeprojets,derêvesetd’envies.Réalise-lespourmoi,mapuce.Jesuissûrquetuy

parviendras.

Tunecomprendrassûrementpasmongesteaujourd’huinidemain,mais,unjour,tuadmettras

ettucomprendraspourquoij’agiscommeça.Enattendant,s’ilteplaît,fais-moiplaisirune

dernièrefoisetpromets-moiquelquechose:vistavie,aimeunautrehomme(mêmesicettesimple

penséemedéchire,metueetmehanterajusqu’àmonderniersouffle).Marie-toi,mapuce,jesuis

certainquetuferasunesomptueusemariée.Jet’imaginedéjàdanstajolierobeblanche,àlafois

sexyetémouvante,aiedesenfants,destasdebeauxenfantsquiteressemblent,unebellegrande

maisoncommecellequ’onaimaginéel’autresoir,aiedeschiens,deschats,aiecequetuveuxqui

feratonbonheur.Deviensunegrandedame,maispromets-moid’êtreheureuseetoublie-moi.

Jet’aime,Liam»

Épilogue

Ileana

…Deuxansplustard.

Foutueville!PourquoiParisest-elleaussipeupraticableavecunepoussette?Lestrottoirssont

étroitsetdéforméset,quandtupensest’ensortir,larueestpavée.Jehaislesruespavées!Je

n’arrêtepasdemeprendrelesrouesdansdestrous.Onvafinirparêtrevraimentàlabourrepourle

rendez-vouschezlemédecinet,commesicelanesuffisaitpas,Lennys’amuseàjetersapeluchetous

lesdixmètres.Quandjedisquelecerveaudemonfilsestplusdéveloppéquelanormalepourun

enfantdepresquedeuxans,cen’estpaspourrien…Ildétestelepédiatreetfaittoutpournous

retarder.

–Non!Lenny!Arrête,sérieux!pesté-jeenvoyantsondoudouvolerunefoisdeplusdanslesairs

etretomber…dansuneflaque.

Julie,quinousaccompagne,seprécipitesurlepetitlapinetleramasseavantqu’ils’imbibede

boue.Onestsauvé!Seulesleslonguesoreillessonttrempées.

–NomdeDieu!...Onaeuchaud,soufflemacolocataireenessorantlesextrémitésdelapeluche

etensepenchantau-dessusdemonfilspourajouter:

–Petitcrapule,fautpasjetersondoudou!

Lennyémetunpetitrireenrécupérantvivementsonlapinetenronchonnantlaseconded’après

parcequ’ilestmouillé.

Àforcedegigotercommecela,ilarriveàsefaufilerendehorsdesattachesdesapoussette.Jele

grondeimmédiatement:

–Lenny!Calme-toi,bonsang!

Jem’accroupisdevantluipourreplacerleslanièresautourdesespetitsbras.

–Dad…dy,semet-ilàbaragouinerenmontrantquelquechosedudoigt.

–Lenny!Onnemontrepaslesgensdudoigt,leréprimandé-jepourlacentièmefoisàcesujet.

–Tuluiapprendsencorel’anglais?medemandeJulie.

–Oui,jeveuxqu’ilsoitbilingueleplustôtpossible,dis-jeenmeredressant.

–D’accord!Entoutcas,tonfilsasacrébongoûtpourchoisirsonpère,disdonc!glousse-t-elle.

Jenecomprendspasoùelleveutenvenir.Jehausselessourcils,perplexe,puisluiexplique:

–C’estsapériode,tousleshommesqu’ilcroise,illesappellepapa.

–Oui,ben,là,c’estuneaffichede...

Elleplisselesyeuxpourseconcentrersurcequ’ellevoitetjure:

–Merde!Jen’arrivepasàliresonnom,jenem’ensouvienspas,maisl’acteuraméricain,tu

sais?Celuiquijouedanscettesériequipasselevendredisoir,cellequetuzappestoutletemps…

lebeaugosse!Ah!Flûte,jesaisplus,s’énerve-t-elle.

Ellefinitparleverlementonenindiquantl’affiche:

–Regarde!Lui!Là-bas!

Jepivotetrèslentement,faisunpasderecul,monregardseposeàl’autreboutdelarueetjeme

figelorsquej’aperçoiscevisagesurcettepancartealorsquemonfilsarticuleenfrançaiscettefois-

ci:

–Pa…pa!

LeriredeJulieretentitdansmesoreillescommeunfondsonore.Jenevoisplusqueces

magnifiquesyeuxbleus,certainementretouchéssurcettephoto.C’estplusl’intensitédesonregard

quim’hypnotisesurcettepublicitéquiannonceuneprochaineséancededédicacesdel’acteur

américainLiamHarrison,àParispourlasortiedeson…livre.

Nepouvantsupporterdavantagecettevision,jemeretournelentementversmonfilsquiplonge

sesgrandsyeuxrieursdanslesmiens.J’observeattentivementsesmerveilleuxirisbleuslimpides

sansimperfection,auxcontoursplussombresquisont,enfait,uncopié-collédeceuxdesonpère.

Toutàcoupunflotd’images,desouvenirs,desentimentsrefoulésm’envahissentsansprévenir.Je

suissurlepointdem’effondrer.Cettefoutuepeineressurgitdupassécommesielledataitd’hier.

–Hé!Ileana!Çava?Ondiraitquetuviensdecroiserunfantôme,s’inquiètemameilleureamie

quin’estaucourantderien.

Incapabledeparler,jemecontentedesecouerlatête.Non,jenevaispasbien,jenevaisvraiment

pasbien.Ellemepasseunemaindevantlevisagepourquej’arrêtedefixerLenny.Jelâche,

tétanisée:

–Ilest...àParis.

–Maisqui?Quoi?Jenecomprendsplusrien,là!

Letonaffolédemacolocatairemefaitreprendrepiedsurterre.

–Liam…son…père,dis-jeenarticulantlentementetenposantànouveaulesyeuxsurmonfils.

–Qu…quoi?

REMERCIEMENTS

Toutd’abord,jeremercieSylvieBetCarolineDquiformentmapetiteéquipedelutins.Ellesme

soutiennentetm’aident.JeremercieaussiDoudouetChéchédesupporterqueleursmoitiésles

délaissentautantpourmoi.Doudou,jeveuxetj’insistesurmescroustillesauxchèvres…etChéché

arrêtedefairetongrognonetécoutelabellemusiquequej’aienvoyéeàtachérie.Nanméhooooo.

Nath,AdrietThom,cesremerciementsvousplaisent?

MercibeaucoupàAnnepoursonvocabulaireetsonaidededernièreminute.VivelaBelgique!

MerciàGwenaussi,malgrésesincessantssoucisinformatiques.

Merciàmafamilleetmabellefamille.Jevousaime.

Mercià«monpetitmonde.»MLWenforce!

Mercienfinàtousmeslecteurspourleursoutienetleurscritiquesconstructives.