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LE DEVOIR, LES SAMEDI 5 ET DIMANCHE 6 NOVEMBRE 2011 JEUNESSE MAGAZINES ÉDUCATIFS La science pensée pour les jeunes Page 3 De la garderie à la colonie, bienvenue au club Page 4 Les Petits Débrouillards essaiment sur toute la planète Page 5 CAHIER H L’étonnante aventure des Débrouillards — le magazine jeunesse québécois qui a la plus grande longévité — a commencé sans même que son créateur en mesure l’ampleur. Elle débute en effet en septembre 1979 par la pu- blication d’une simple chronique dans le bul- letin d’ information Hebdo-Science, produit par l’Agence Science-Presse. Et en mars 1981 paraît Le Petit Débrouillard, le premier d’une longue série qui dure et perdure. CLAUDE LAFLEUR «L es Débrouillards , c’est un mouvement, et non pas qu’un magazine», fait remarquer Fé- lix Maltais, fondateur et enco- re et toujours éditeur, 32 ans plus tard, du magazine. Ce mouvement d’éduca- tion scientifique pour les jeunes comporte d’ailleurs cinq volets: magazines, livres, activités d’animation, sites Web et regroupe- ment international — de même qu’un sixième volet, la télé, qui est pour l’instant « en panne sèche » . C’est même, souligne fièrement M. Maltais, le premier exemple de convergence dans les médias qué- bécois. Heureux enchaînement À l’époque, Félix Maltais diri- geait l’Agence Science-Presse, un petit organe d’information qui a pour mandat d’alimenter les heb- dos régionaux en textes de vulgari- sation scientifique. «Dès la premiè- re année , rapporte-t-il, certains éditeurs de journaux m’ont dit qu’ils aimeraient bien publier une chronique scientifique pour jeunes. Au même moment, Claude Foran, qui travaillait à l’Ontario Science Centre, me fait découvrir la chro- nique de petites expériences qu’il publie dans le Toronto Star. Il me remet même ces textes en me di- sant que je n’avais qu’à les faire traduire.» Cette chronique étant conçue par une communicatrice qui désirait demeurer anonyme, M. Maltais a donc eu l’idée de la signer Prof Scientifix et de l’intituler Le Petit Débrouillard, créant du coup deux appellations qui marqueront l’imaginaire des jeunes. «À l’époque, le mot “débrouillard” était peu utilisé dans la langue courante, fait-il remarquer. L’appellation “petit débrouillard” a tout de suite été un succès! D’ailleurs, dès les premiers mois, nombre de journaux auxquels on envoyait des ar- ticles de l’Agence se mettent à la publier… à tel point que c’est devenu l’élément le plus populaire de ce qu’on produisait.» Au bout d’un an, disposant d’une cinquantaine de petites expériences, M. Maltais approche son ami Jean-Marc Gagnon, éditeur des Presses de l’Université du Québec, pour lui proposer de pu- blier un premier recueil pour jeunes. «Jean-Marc était plutôt réticent» , se rappelle M. Maltais. Néanmoins, en mars 1981, il publie Le Petit Dé- brouillard, prenant même le risque d’en impri- mer 5000 exemplaires. Or l’ouvrage se vend au rythme d’un millier par mois, si bien que 60 000 exemplaires seront finalement vendus. «Ce suc- cès, qui nous a beaucoup étonnés, nous fait prendre conscience qu’il y avait vraiment un be- soin pour ce qu’on offrait», conclut avec satisfac- tion M. Maltais. Convergence «J’ai alors pensé: pourquoi ne pas se doter d’un volet d’animation?, poursuit le fondateur du mouvement. Je suis donc allé voir le Conseil de développement du loisir scientifique pour lui pro- poser de s’associer: ils développeraient le volet d’animation sur le terrain, alors que nous, à l’Agence, nous élaborerions le volet des médias, avec une collection de livres, un magazine et, pourquoi pas éventuellement, une série télé.» C’est ainsi que Claude Benoît, du Conseil, prend en charge l’animation (elle se consacrera plus tard à la muséologie scientifique, avant de devenir la P.-D.G. du Vieux-Port de Montréal). «C’est elle qui a établi les bases du concept d’ani- mation, précise M. Maltais. D’ailleurs, le mouve- ment s’est développé avec des gens comme Sarah Perreault et Jacques Goldstyn — toujours avec nous — ainsi que Martin Paquet, qui a été du- rant sept ans le rédacteur en chef des Dé- brouillards, etc.» Le mouvement s’étend même à l’international lorsque l’équipe de Mme Benoît exporte l’idée en France. «Les Français ont trouvé qu’on avait un beau concept, rapporte M. Maltais, et comme ils sont exportateurs d’idées, ils le diffusent dans les pays francophones de l’Europe et de l’Afrique du Nord, ainsi qu’en Russie, au Brésil et au Mexique.» Il souligne que, dans les textes de présenta- tion, il est toujours mentionné que l’idée est originaire du Québec. La Fédération internationale des pe- tits débrouillards, avec dix pays participants, voit ainsi le jour en 1987. Dans les années 1990, après être passé par la télé communautaire, Les Débrouillards «débarque» à Radio-Canada. «Cela nous a bien sûr donné un gros coup de main, puisque Grégory Charles et Marie- Soleil Tougas ont présenté durant cinq ans une superbonne émission, de résumer M. Maltais. Tout cela nous a énormément aidés à déve- lopper le mouvement.» «C’est sûr que si on n’avait été qu’un magazine sans les autres vo- lets… Toute cette synergie, cette convergence nous a sauvés, dit-il. Les Débrouillards a en fait été le premier à faire de la convergence — bien avant Pierre Péladeau — et, comme dans toute bonne convergence, chacun des volets renforce les autres.» Encourager la lecture chez les jeunes Aujourd’hui, Les Débrouillards a publié une cinquantaine de livres pour jeunes — dont pro- chainement le 4 e album des Grands Dé- brouillards , une bande dessinée qui présente divers inventeurs, et le 3 e tome de Van l’inven- teur — en plus de deux magazines ( Les Dé- brouillards et Les Explorateurs , ce dernier s’adressant aux «pré-débrouillards»). Il publie en outre cinq hors-séries Sport Débrouillards et DébrouillArts. «On a reçu des commentaires de profs qui trouvent formidables les hors-séries sport (“Pour une fois que j’ai quelque chose pour faire lire les trois tannants du fond de la classe!”), illustre Félix Maltais. Ces hors-séries amènent les jeunes qui aiment le sport à lire et les jeunes qui aiment lire à faire du sport! On fait donc d’une pierre deux coups et c’est magnifique. Et un magazine qui fait la promo- tion des arts auprès des jeunes, il me semble que c’est génial.» En juin 2008, l’UQAM décernait un doctorat honorifique au fondateur des Débrouillards. «Après trente ans, on a l’impression de faire œuvre utile, puisque cet apport à l’éducation des enfants profite à toute la société, laisse filer modestement Félix Maltais. C’est donc un senti- ment de fierté qui nous anime, nous, l’équipe des DébrouillardsCollaborateur du Devoir Félix Maltais «C’est un mouvement, et non pas qu’un magazine» Il y a 32 ans, le Prof Scientifix signait son premier Petit Débrouillard SOURCE LES DÉBROUILLARDS Les enfants qui participent aux rencontres du Club des Débrouillards ont la possibilité d’apprendre de nombreux principes scientifiques tout en s’amusant. Le magazine Les Débrouillards Le magazine Les Débrouillards est toujours aussi apprécié des jeunes Québécois. Le Club des Débrouillards en action Le magazine hors-série Sport Débrouillards « Ces hors-séries amènent les jeunes qui aiment le sport à lire et les jeunes qui aiment lire à faire du sport!»

JEUNESSE - Le Devoir...LE DEVOIR, LES SAMEDI 5 ET DIMANCHE 6 NOVEMBRE 2011JEUNESSE MAGAZINES ÉDUCATIFS La science pensée pour les jeunes Page 3 De la garderie à la colonie, bienvenue

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L E D E V O I R , L E S S A M E D I 5 E T D I M A N C H E 6 N O V E M B R E 2 0 1 1

JEUNESSEMAGAZINES ÉDUCATIFS

La science pensée pour les jeunesPage 3

De la garderie à la colonie, bienvenue au clubPage 4

Les Petits Débrouillardsessaiment sur toute la planètePage 5

CAHIER H

L’étonnante aventure des Débrouillards — lemagazine jeunesse québécois qui a la plusgrande longévité — a commencé sans mêmeque son créateur en mesure l’ampleur. Elledébute en ef fet en septembre 1979 par la pu-blication d’une simple chronique dans le bul-letin d’information Hebdo-Science, produitpar l’Agence Science-Presse. Et en mars1981 paraît Le Petit Débrouillard, le premierd’une longue série qui dure et perdure.

C L A U D E L A F L E U R

«L es Débrouillards, c’est unmouvement, et non pas qu’unmagazine», fait remarquer Fé-lix Maltais, fondateur et enco-re et toujours éditeur, 32 ans

plus tard, du magazine. Ce mouvement d’éduca-tion scientifique pour les jeunes compor ted’ailleurs cinq volets: magazines, livres, activitésd’animation, sites Web et regroupe-ment international — de mêmequ’un sixième volet, la télé, qui estpour l’instant «en panne sèche».C’est même, souligne fièrement M.Maltais, le premier exemple deconvergence dans les médias qué-bécois.

Heureux enchaînementÀ l’époque, Félix Maltais diri-

geait l’Agence Science-Presse, unpetit organe d’information qui apour mandat d’alimenter les heb-dos régionaux en textes de vulgari-sation scientifique. «Dès la premiè-re année, rappor te-t-il, cer tainséditeurs de journaux m’ont ditqu’ils aimeraient bien publier unechronique scientifique pour jeunes.Au même moment, Claude Foran,qui travaillait à l’Ontario ScienceCentre, me fait découvrir la chro-nique de petites expériences qu’ilpublie dans le Toronto Star. Il meremet même ces textes en me di-sant que je n’avais qu’à les fairetraduire.»

Cette chronique étant conçue parune communicatrice qui désiraitdemeurer anonyme, M. Maltais adonc eu l’idée de la signer Prof Scientifix et del’intituler Le Petit Débrouillard, créant du coupdeux appellations qui marqueront l’imaginairedes jeunes.

«À l’époque, le mot “débrouillard ” était peuutilisé dans la langue courante, fait-il remarquer.L’appellation “petit débrouillard” a tout de suiteété un succès! D’ailleurs, dès les premiers mois,nombre de journaux auxquels on envoyait des ar-ticles de l’Agence se mettent à la publier… à telpoint que c’est devenu l’élément le plus populairede ce qu’on produisait.»

Au bout d’un an, disposant d’une cinquantainede petites expériences, M. Maltais approche sonami Jean-Marc Gagnon, éditeur des Presses del’Université du Québec, pour lui proposer de pu-blier un premier recueil pour jeunes. «Jean-Marcétait plutôt réticent», se rappelle M. Maltais.Néanmoins, en mars 1981, il publie Le Petit Dé-brouillard, prenant même le risque d’en impri-mer 5000 exemplaires. Or l’ouvrage se vend aurythme d’un millier par mois, si bien que 60 000exemplaires seront finalement vendus. «Ce suc-cès, qui nous a beaucoup étonnés, nous faitprendre conscience qu’il y avait vraiment un be-soin pour ce qu’on offrait», conclut avec satisfac-tion M. Maltais.

Convergence«J’ai alors pensé: pourquoi ne pas se doter d’un

volet d’animation?, poursuit le fondateur du

mouvement. Je suis donc allé voir le Conseil dedéveloppement du loisir scientifique pour lui pro-poser de s’associer: ils développeraient le voletd’animation sur le terrain, alors que nous, àl’Agence, nous élaborerions le volet des médias,avec une collection de livres, un magazine et,pourquoi pas éventuellement, une série télé.»

C’est ainsi que Claude Benoît, du Conseil,prend en charge l’animation (elle se consacreraplus tard à la muséologie scientifique, avant dedevenir la P.-D.G. du Vieux-Port de Montréal).«C’est elle qui a établi les bases du concept d’ani-mation, précise M. Maltais. D’ailleurs, le mouve-ment s’est développé avec des gens comme SarahPerreault et Jacques Goldstyn — toujours avecnous — ainsi que Martin Paquet, qui a été du-rant sept ans le rédacteur en chef des Dé-brouillards, etc.»

Le mouvement s’étend même à l’internationallorsque l’équipe de Mme Benoît exporte l’idéeen France. «Les Français ont trouvé qu’on avaitun beau concept, rapporte M. Maltais, et commeils sont exportateurs d’idées, ils le dif fusent dansles pays francophones de l’Europe et de l’Afrique

du Nord, ainsi qu’en Russie, auBrésil et au Mexique.» Il souligneque, dans les textes de présenta-tion, il est toujours mentionné quel’idée est originaire du Québec. LaFédération internationale des pe-tits débrouillards, avec dix paysparticipants, voit ainsi le jour en1987.

Dans les années 1990, après êtrepassé par la télé communautaire,Les Débrouillards «débarque» àRadio-Canada. «Cela nous a biensûr donné un gros coup de main,puisque Grégory Charles et Marie-Soleil Tougas ont présenté durantcinq ans une superbonne émission,de résumer M. Maltais. Tout celanous a énormément aidés à déve-lopper le mouvement.»

«C’est sûr que si on n’avait étéqu’un magazine sans les autres vo-lets… Toute cette synergie, cetteconvergence nous a sauvés, dit-il.Les Débrouillards a en fait été lepremier à faire de la convergence— bien avant Pierre Péladeau —et, comme dans toute bonneconvergence, chacun des voletsrenforce les autres.»

Encourager la lecture chez les jeunesAujourd’hui, Les Débrouillards a publié une

cinquantaine de livres pour jeunes — dont pro-chainement le 4e album des Grands Dé-brouillards, une bande dessinée qui présentedivers inventeurs, et le 3e tome de Van l’inven-teur — en plus de deux magazines (Les Dé-brouillards et Les Explorateurs, ce derniers’adressant aux «pré-débrouillards»). Il publieen outre cinq hors-séries Sport Débrouillardset DébrouillArts. «On a reçu des commentairesde profs qui trouvent formidables les hors-sériesspor t (“Pour une fois que j’ai quelque chosepour faire lire les trois tannants du fond de laclasse!”), illustre Félix Maltais. Ces hors-sériesamènent les jeunes qui aiment le sport à lire etles jeunes qui aiment lire à faire du sport! Onfait donc d ’une pierre deux coups et c ’est magnifique. Et un magazine qui fait la promo-tion des ar ts auprès des jeunes, il me sembleque c’est génial.»

En juin 2008, l’UQAM décernait un doctorathonorifique au fondateur des Débrouillards.«Après trente ans, on a l’impression de faireœuvre utile, puisque cet appor t à l’éducationdes enfants profite à toute la société, laisse filermodestement Félix Maltais. C’est donc un senti-ment de fier té qui nous anime, nous, l’équipedes Débrouillards.»

Collaborateur du Devoir

Félix Maltais

«C’est un mouvement, et non pas qu’un magazine»Il y a 32 ans, le Prof Scientifix signait son premier Petit Débrouillard

SOURCE LES DÉBROUILLARDS

Les enfants qui participent aux rencontres du Club des Débrouillards ont la possibilité d’apprendrede nombreux principes scientifiques tout en s’amusant.

Le magazine Les Débrouillards Le magazine Les Débrouillards est toujoursaussi apprécié des jeunes Québécois.

Le Club des Débrouillards en actionLe magazine hors-série SportDébrouillards

«Ces hors-séries

amènent les jeunes

qui aiment le sport

à lire et les jeunes

qui aiment lire à

faire du sport !»

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L E D E V O I R , L E S S A M E D I 5 E T D I M A N C H E 6 N O V E M B R E 2 0 1 1H 2

L E S D É B R O U I L L A R D S

C A T H E R I N E L A L O N D E

«P omme d’Api a été créé enFrance au moment où les

mères ont commencé à travailler,où les deux parents se retrou-vaient, le soir et les fins de semai-ne, à s’occuper des enfants et à re-chercher un moment d’attentionparticulière, se rappelle Jacqueli-ne Kergueno lors d’une entrevuetéléphonique accordée depuisl’Hexagone. Le magazine est nécar les parents avaient besoind’un partage avec les enfants etd’un soutien pour ce partage, unsoutien qui allait les aider à trou-ver la juste image et la juste phra-se pour leur tout-petit.»

Avec ses personnages récur-rents, ses microdocumentaires(Comment poussent les cheveux?),ses mini-bandes dessinées, sesjeux, ses bricolages, ses activitésmanuelles, Pomme d’Api devientcet intermédiaire entre parentset rejetons.

La revue s’inspire de la philo-sophie d’éducation de Maria

Montessori, cherchant à faire dé-couvrir le monde avec les sens,explique encore Jacqueline Ker-gueno. Alors responsable inter-nationale du développement jeu-nesse pour Bayard Presse, c’estelle qui a pensé, il y a deux dé-cennies, l’adaptation québécoisedu magazine. Situations autres et«dif férences de vocabulaire.Quand on parle de l’école, les en-fants français vont manger à lacantine, alors qu’au Québec ils ap-portent leur boîte à lunch, parexemple. Plusieurs situations nesont pas les mêmes, et les enfantsdoivent s’y reconnaître. Le Québeca commencé très vite ses proprescréations, qui sont revenues dansle magazine français.»

Des idées, des auteurs et desillustrateurs jeunesse d’ici pas-sent ainsi désormais dans lespages françaises. «On a échan-gé nos cultures à travers nosPomme d’Api, précise Jacqueli-ne Kergueno.

Désormais à la retraite, cettepassionnée n’a pu s’arrêter. «Je

continue cette ligne d’édition, cesavoir-faire jeunesse de Bayard,mais dans les pays en développe-ment. Là, je travaille sur leCambodge, et en Afrique dans25 pays.» Les enfants sont-ils lesmêmes aux quatre coins du glo-be? «Le basique reste, partoutdans le monde: un enfant, verstrois ans, commence à prendreconscience de l’espace au-delà dela maison, du temps au-delà dela journée, des changements dela nature autour de lui. Ce quiva changer, c’est la culture. Onne va pas apprendre les chosesavec les mêmes supports. On neva pas parler des mêmes plantesni des mêmes animaux, mais lesétapes fondamentales pour gran-dir sont les mêmes.»

Le Popi d’iciDès décembre, les pré-Pom-

me d’Api pourront recevoir,chaque mois, leur propre maga-zine. Popi arrive, lui aussi de laFrance, pour les 1 à 3 ans et re-joint les rangs de la quarantainede magazines jeunesse queBayard gère au Canada.

Paule Brière, rédactrice enchef de J’aime Lire et Pommed’Api Québec, dirige aussi cetteaventure. «Quand on a commencéil y a vingt ans, ce n’était pas évi-dent d’expliquer aux parents quedes enfants qui ne savent pas lirepouvaient bénéficier d’un magazi-ne. À cette époque, on commençaità lire à un enfant seulement quandil entrait à l’école. On a fait du che-min depuis et on a compris l’im-portance de parler aux tout-petits etde leur lire aussi.»

Le format Popi sera réduit àla portée des petits doigts, lescoins seront ronds, les pages,cartonnées, le tout, plus soli-de. «On sait bien que certainsvont déchirer le magazine,mais voilà, ce n’est pas unlivre! On a le droit d’y dessiner,de découper, de manipuler.Comme pour la rubrique LiliSouris, où on doit découperLili pour la faire passer dansles trous des pages.»

Peu de motsPopi sera un magazine de

peu de mots, et c’est le défi dela rédactrice-adaptatrice, quiproposera pour certaines ru-briques deux niveaux de lectu-re: un de quelques phrases,

pour les enfants contemplatifs,et un de quelques mots, pourles grouillants qui ne sont passûrs d’avoir compris ce qu’estun magazine et qui ont besoinde passer plus vite à travers.«On joue à la fois sur la répéti-tion et la surprise. Les enfantsvont retrouver de mois en moisles mêmes personnages — Popi,Petit Ours Brun, Lili Souris —et cet ef fet de série, ces person-nages auxquels on s’attache,mais avec assez de surprisespour les parents», qui n’aurontpas ainsi à re-re-relire toujoursle même livre favori.

«C’est très accessible, très va-rié, c’est rare que dans un livre

on va avoir autant d’éveils pos-sibles, à travers de la fiction, depetites bandes dessinées, desjeux et des possibilités de mani-puler. Et recevoir un magazineà son nom chaque mois, c’estvraiment une fête pour un en-fant.» Les deux premiers Popiétaient sous presse au momentde l’entrevue et sor tiront enjanvier. En kiosque, le magazi-ne se vendra 6,95 $.

Les abonnés le recevrontdouze mois sur douze, et lesparents, au début, auront unguide «pour savoir commentutiliser le magazine jeunesse,comment aller plus loin.Chaque mois, ils trouveront despages pour eux dans le site In-ternet lié à Pomme d’Api, pré-cise Mme Brière. Ce qui estfascinant quand on lit avec lestout-petits, c’est qu’on crée unebulle magique. On les prend surnos genoux et plus rien n’existeautour que l’histoire qu’on esten train de lire.»

Le Devoir

Pour les 1 à 7 ans

De Pomme d’Apià Popi, et vice-versa

A S S I A K E T T A N I

A vec ses dix numéros par anvendus essentiellement par

abonnement, la formule du ma-gazine J’aime lire a prouvé sonsuccès: 76 pages qui compren-nent un petit roman, des pagesde bédés, de jeux, d’activités ouencore de documentaires. S’il ya un nouveau roman danschaque numéro, les person-nages de bédé, eux, reviennentd’une fois à l’autre: on retrouverégulièrement Ariol, petit âneenfant qui fait des bêtises, Ana-tole Latuile, Toto et une créationlocale, Simone et ses monstres,signée Rémy Simard.

«L’intérêt du magazine estsa continuité, puisqu’il gardetoujours la même structure, lemême esprit, avec un élémentde surprise dans le roman»,avance Paule Brière, rédactri-ce en chef de J’aime lire, Pom-me d’Api et Popi, dans leursversions québécoises.

LudiqueComme son nom l’indique,

tout est mis en œuvre pourplacer la lecture sous le signedu plaisir. Le petit magazinemet ainsi l’accent sur un ap-prentissage aussi ludiquequ’agréable, diver tissementet détente à l’appui, avec uncaractère non obligatoire quiséduit les enfants. «Le maga-zine est conçu pour les aider àla compréhension du texte.C’est facile à lire, il y a desillustrations dans chaque page,des résumés dans chaque cha-pitre, des phrases courtes et desmots accessibles. Les textes sonttrès vivants et les enfants s’y re-trouvent facilement», expliqueSuzanne Spino, coéditrice dupendant québécois de J’aimelire.

Pour cela, la tranche d’âgeciblée est bien précise: desept à dix ans, c’est-à-dire lespremiers pas de l ’enfancedans la lecture autonome.«Les enfants qui lisent J’aimelire sont en 2e année du pri-maire et en sont aux premiersrudiments de l’apprentissagede la lecture, nous dit SuzanneSpino. J’aime lire les aide àentrer dans la lecture et leurpermet d’apprendre petit à pe-tit à lire tout un roman.»

Dès sa création, en 1987,J’aime lire Québec a trouvéson public. Il a atteint les 20000 abonnés après cinq ansde publication. La clé du suc-cès, selon Suzanne Spino,tient en partie à la formule dumagazine de lecture: «Leconcept de l’abonnement aumagazine éducatif était nou-veau. Lire un magazine estplus facile que lire un livre: aumoment de l’apprentissage, unlivre peut rebuter car il a tropde pages.»

Toute la francophonieDans la version québécoise

de J’aime lire, neuf numérossur dix sont issus de la ver-sion française du magazine,avec des romans écrits pardes auteurs issus de toute lafrancophonie et parfois mêmetraduits d’autres langues. Onchoisit, parmi les J’aime lirefrançais, les romans qui ont leplus de résonance pour lesjeunes lecteurs québécoisd’aujourd’hui.

Côté thématique, le magazi-ne mise sur la diversité: ro-man historique, humour, es-pionnage, science-fiction, fan-taisie, conte de fées, romanpolicier… Tous les goûts, lessexes et les niveaux sont àl’honneur, puisque les romansproposés sont de complexitévariable, pour cibler les lec-teurs débutants comme ceuxqui ont déjà une ou deux an-nées d’entraînement à la lec-ture derrière eux.

Ce qui plaît le plus? «L’hu-mour!, s’exclame Paule Briè-re, même si ce n’est pas tou-jours facile de trouver de bonstextes humoristiques.»

Mais, chose impor tante:tous les textes sont retra-vaillés, remaniés et adaptés

aux intérêts et aux spécifici-tés linguistiques des enfantsquébécois, avec les «motsd’ici». «C’est impor tant pourles enfants de retrouver lesmots qu’ils connaissent, dit Su-zanne Spino. La significationdes mots n’est pas toujours lamême: en France, un “car-table” désigne un sac d’école,par exemple.» Une autre spéci-ficité de la version québécoisepar rapport à la version fran-çaise réside dans le nombrede pages documentaires plusélevé, avec un côté «magazi-ne» plus marqué.

Tout QuébecUn numéro sur dix est en

revanche 100 % québécois etaccueille un roman écrit etillustré par un auteur et unillustrateur d’ici. Les thèmesabordés peuvent varier sensi-blement d’un pays à l’autre.Certains thèmes, en effet, ne

sont jamais abordés en Fran-ce, puisqu’ils ne correspon-dent pas à des réalités queconnaissent les petits Fran-çais, comme l’Halloween oules tempêtes de neige, sanspour autant «tomber dans lebête folklorisme» , soulignePaule Brière.

«Mais ça peut aussi être dessujets universels, traités dif fé-remment. Par exemple, un ro-man publié dans le J’aime lirequébécois se déroulait pendantun Noël où il faisait chaud, etle père Noël décidait de se ra-ser la barbe. Ici, quand il n’y apas de neige à Noël, c ’estpresque une catastrophe natu-relle! Mais cette histoire necorrespondait pas au public duJ’aime lire français, et pour

cause: en France et en Es-pagne, il n’y a généralementpas de neige à Noël, et l’histoi-re ne voulait donc rien dire»,poursuit la rédactrice en chef.

Aujourd’hui, le «drôle de pe-tit magazine qui donne le goûtde lire», comme il se présente,fait face à de nouveaux défispour continuer de garder saclientèle. À l ’heure où laconcur rence est r ude, àgrand renfort de jeux d’ordi-nateur, le petit magazine édu-catif garde ses moyens de séduction.

À l’avenir, pourquoi ne pasexplorer différentes formules,en mettant davantage l’accentsur les pages de bricolage, derecettes et de documen-taires?, se questionne PauleBrière. Mais, quelle que soitla formule choisie, l’objectifrestera le même: «Aider lesenfants à développer le plaisirde lire, de toutes les manières possibles».

Collaboratrice du Devoir

Pour les 7 à 10 ans

Le J’aime lire d’icifêtera bientôt ses 25 ansLe «drôle de petit magazine» parle françaiset... québécois !

Le magazine Pomme d’Api est passé par bien des petitesmains. Depuis son premier numéro paru en France, en1966, la publication parle aux lecteurs hauts comme troispommes: les 3 à 7 ans. Le Pomme d’Api québécois, fruitd’outre-Atlantique, fête cette année son vingtième anniversai-re, pendant que Popi, nouvelle graine québécoise pour les 1à 3 ans, s’enracine.

SOURCE BAYARD

Jacqueline Kergueno a été responsable internationale du développement jeunesse pour Bayard Presse.

Fondé en France en 1977, le magazine J’aime lire s’est dotédix ans plus tard de sa version québécoise. Depuis sa créa-tion, J’aime lire Québec poursuit le même objectif: donnerenvie de lire aux enfants qui débutent en matière de lecture.

SOURCE BAYARD

Paule Brière

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L E D E V O I R , L E S S A M E D I 5 E T D I M A N C H E 6 N O V E M B R E 2 0 1 1 H 3

L E S D É B R O U I L L A R D S

M A R I E - H É L È N EA L A R I E

F élix Maltais, éditeur et fon-dateur du magazine Les Dé-

brouillards, se souvient des sa-medis matins, armé de son bâ-ton de colle et d’une agrafeuse,en train de mettre la touche fi-nale aux polycopies deux cou-leurs des premières éditionsdes Débrouillards.

Au départ, l’intention était decréer un mouvement éducatifscientifique s’accompagnantd’un magazine de vulgarisationdestiné aux enfants de neuf àquatorze ans. «À cet âge, lesjeunes ressentent le besoin d’avoirplus de choses à se mettre sous ladent. C’est vers la 3e année du pri-maire qu’ils commencent à s’ou-vrir davantage sur le monde, àêtre intéressés par la technologie,la psychologie, et qu’ils ont le goûtde s’exprimer», rappelle IsabelleVaillancourt, rédactrice en chefdes Débrouillards.

«Au début, le plus difficile a étéd’implanter la notion même demagazine éducatif dans la menta-lité des parents, des décideurs (lireici de ceux qui donnent des sub-ventions) et de ceux qui font par-tie du milieu de la culture ou de lapromotion du livre et de la cultu-re», se souvient Félix Maltais.Aujourd’hui, le combat est enco-re loin d’être gagné, mais, deplus en plus, le magazine est ac-cepté et est considéré comme unoutil éducatif important. «Pour-tant, il y a encore beaucoup degens, d’institutions, d’organisa-tions et de ministères pour qui cen’est pas important, ce n’est pas

majeur comme peut l’être lelivre», rappelle M. Maltais.

Mais revenons un peu en ar-rière et regardons l’évolutiond’hier à aujourd’hui: «Il y avaitbeaucoup, beaucoup de textes, pluslongs, et dans un style plus scolai-re. À l’époque on vouvoyait les lec-teurs, maintenant on s’adresse àeux dans le tutoiement pour qu’ilssentent qu’ils font partie de lacommunauté», explique MmeVaillancourt. Si le texte a beau-coup changé, aujourd’hui, on estaussi plus centré sur l’image:«On a maintenant accès à desbanques de photos qui sont plutôtabordables, ce qui n’était pas lecas à l’époque, et chacune coûtaitalors très cher», explique FélixMaltais.

Stimuler l’intérêtLa rédaction est aussi très sou-

cieuse de donner aux jeunes plu-sieurs portes d’entrée aux diffé-rents textes du magazine, com-me l’explique Isabelle Vaillan-court: «C’est rare que les jeunescommencent par lire le titre etl’amorce, on ne peut pas penserque le jeune va tout lire du débutà la fin. Ce qu’on nomme les mul-tiples portes d’entrée, c’est la possi-bilité qu’a le jeune d’entrer dansun article par un jeu-questionnai-re qu’on met à la fin, par un test,par un bas de vignette, par une lé-gende de photo ou encore par unephrase qui va courir au bas de lapage. Avec la télévision et le jeu vi-déo, les enfants sont plus habituésde zapper, c’est ce qui fait que,dans une page, on va attirer leurattention sur beaucoup de choses,on découpe l’information.»

L’équipe de la rédaction desDébrouillards est composée decommunicateurs scientifiques.Grâce à eux, le style n’est ni di-dactique ni encyclopédique. «Onpropose des articles qui concer-nent les jeunes et qui les touchent.C’est vraiment la recette; même sile sujet n’est pas scientifique, il y atoujours un aspect qui va toucherla vie du jeune ou répondre auxquestions qu’il se pose. Parexemple, si on écrit sur les vol-cans, on va essayer de les abordersous la forme d’un reportage, lejeune va rencontrer des spécia-listes scientifiques qui sont allésrécemment sur un volcan, on vaparler de l’actualité volcanique,tout ça pour offrir au jeune uneinformation qu’il ne retrouverapas ailleurs.»

Les enfants adorent expéri-menter et s’attachent beaucoupau concret. Dans ses reportages,le magazine fait en sorte que, àla lecture, le jeune éprouve dessensations comme s’il était lui-même l’acteur de l’expériencequ’on lui décrit.

Un sur dix est abonné !Au Québec, il y a présente-

ment un enfant sur dix qui estabonné aux Débrouillards. Onparle de 26 000 exemplaires, quisont lues par quatre à cinq per-sonnes, y compris les parents!Depuis sa création, le magazinea toujours misé sur la joie de l’en-fant à recevoir chez lui Les Dé-brouillards, à SON nom, dans SA

boîte aux lettres. C’est le parentqui enclenche le mouvementen abonnant son enfant, et c’estvrai que les parents aussi ado-rent Les Débrouillards. Ils sa-vent très bien que l’informationdes Débrouillards est vérifiée,contrairement à ce qu’on peuttrouver dans Internet…

Pourtant, au fil des ans, unphénomène nouveau est apparu:l’utilisation en classe des Dé-brouillards comme outil d’ap-prentissage. Pour faciliter la dé-marche, depuis quelques annéesdéjà, le magazine propose auxprofesseurs des fiches pédago-giques adaptées aux sujets trai-tés. On voit même apparaître desclasses entières où les élèvessont abonnés.

Sur le Web, on trouve aussiLes Débrouillards, avec un sitequi procure aux jeunes des com-

pléments d’information sur lessujets traités dans le magazine,et c’est aussi un lieu d’échange:«On essaie de renforcer le senti-ment de communauté. Les jeunespeuvent aller sur notre bloguepour donner leur opinion. Le web-mestre est en fait un journalistemasqué écrivant sous les traitsd’un personnage de la bédé. Parexemple, on peut aborder le sujetde la surconsommation en par-tant d’un personnage qui n’arrivepas à économiser son allocation.Les jeunes répondent et partagentleur opinion, ce qui est très impor-tant pour eux», explique IsabelleVaillancourt. Le magazine procè-de aussi à des sondages en ligneafin de mieux connaître l’avis deses lecteurs. Internet permet cet-te interactivité instantanée.

Garçons et... fillesPour aider les garçons à l’éco-

le, le magazine Les Débrouillardsdevient un magnifique outil pourles faire lire. Voici l’explicationde Mme Vaillancourt: «La façondont l’information est présentéedans le magazine vient vraimentchercher les garçons: le documen-taire séparé en petits blocs va lesattirer. Ils obtiennent rapidementl’information qu’ils veulent, ilspeuvent ensuite en parler et ilssont fiers de montrer qu’ils ont ap-pris quelque chose.»

Mais Les Débrouillards est-ilun magazine pour les garçons?«Malheureusement, la sciencefait encore par fois peur aux

filles. Dans notre mise en pages,on essaie toujours d’équilibrer etd’alterner les interventions defilles et de garçons. On vise tousles jeunes.»

De son côté, Félix Maltais ten-te aussi une explication: «On atoujours eu 60 % de lecteurs gar-çons pour 40 % de filles, et ce, mal-gré le fait que les sciences soient deplus en plus unisexes. Rendus àdouze, treize et quatorze ans, lesgarçons nous restent fidèles, maisnos lectrices du même âge nousquittent, parce qu’on leur of frebeaucoup plus de magazines. Ona une plus grande compétition surle marché des filles que sur celuides garçons.»

Les Débrouillards a encore debelles années devant lui et,pour l’instant, ne se sent pastrop menacé par les nouvellestechnologies. Laissons à Isabel-le Vaillancourt le mot de la fin:«Ce que je souhaite pour le futur,c’est de continuer à bien faire ceque l’on fait déjà: démocratiserla science. Je souhaite que l’oncontinue d’outiller les jeunespour que, une fois adultes, ilspuissent lire des articles d’actua-lité scientifique (sur l’environne-ment, les nouvelles énergies, lesrecherches médicales controver-sées, etc.) en ne pensant pas que“c’est trop compliqué”. C’est enpartie ainsi qu’on les prépare àdevenir des adultes qui ont uneopinion fondée sur des faits.»

Collaboratrice du Devoir

Magazine

La science pensée pour les neuf à quatorze ans« Il a été difficile d’implanter la notion de magazine scientifique »Il y a trente ans, on était loin de s’imaginer que les téléco-pieurs et les CD, alors à leurs premiers balbutiements, de-viendraient aujourd’hui des technologies complètement dé-passées et que les jeunes ne pourraient survivre sans se fairegref fer un téléphone portable. C’est dans ce monde low techqu’ont paru en 1982 les premiers Débrouillards.

SOURCE LES DÉBROUILLARDS

L’équipe rédactionnelle des Débrouillards, avec à l’avant-plan la mascotte Beppo, l’éditeur Félix Maltais, la rédactrice en chefadjointe et la rédactrice en chef du magazine, Laurène Smagghe et Isabelle Vaillancourt

SOURCE LES DÉBROUILLARDS

La rédactrice en chef, Isabelle Vaillancourt

Page 4: JEUNESSE - Le Devoir...LE DEVOIR, LES SAMEDI 5 ET DIMANCHE 6 NOVEMBRE 2011JEUNESSE MAGAZINES ÉDUCATIFS La science pensée pour les jeunes Page 3 De la garderie à la colonie, bienvenue

L E D E V O I R , L E S S A M E D I 5 E T D I M A N C H E 6 N O V E M B R E 2 0 1 1H 4

L E S D É B R O U I L L A R D S

M A R I E - H É L È N E A L A R I E

C omment parler des arts et des sports aux en-fants de 9 à 14 ans? Comment les faire bou-

ger, comment les faire créer? C’est simple: il fautfabriquer des magazines à la sauce des Dé-brouillards et le résultat nous donne Les Dé-brouillArts et Les Sports débrouillards.

Les abonnés des Débrouillards connaissent biences deux nouveaux magazines puisque, pour laplupart, ils les reçoivent en même temps que leurmagazine. Au départ, on les appelait des numéroshors série, mais comme ils sont présents régulière-ment à raison de deux et trois numéros par année,ils vont acquérir bientôt une personnalité à part en-tière, avec leur site Internet prévu dès 2012.

«On avait envie d’élargir les interventions, de nepas aborder que la science mais aussi les sports et lesarts, car ces deux domaines offrent tellement de sujetsvariés. On ne pouvait évidemment pas le faire dansun magazine de sciences», explique Laurène Smag-ghe, rédactrice en chef des DébrouillArts et rédactri-ce en chef adjointe du magazine Les Débrouillards.Même son de cloche du côté de Brunot Lamolet,journaliste scientifique et rédacteur en chef desSports débrouillards: «Ca reste un produit qui est toutseul dans son genre au Québec. On parle de sport ànotre manière. Les jeunes aiment bouger, nous, onleur donne des idées pour le faire.»

Aborder les ar ts dans un magazine qui

s’adresse aux jeunes, c’est le faire à l’aide de su-jets variés. «Par exemple, en arts visuels, on es-saie de faire découvrir des artistes, pas en se limi-tant simplement au Québec et au Canada, maisen provenance de partout dans le monde, et tantles contemporains que les maîtres anciens: ce quise fait maintenant au Québec et dans le monde,mais aussi ce qui se faisait auparavant et ce quefont les peintres très connus. On ne veut surtoutpas que ce soit encyclopédique: en fait, le but desDébrouillArts est de ne pas faire ça trop scolai-re», explique Laurène Smagghe.

«On essaie d’aborder les sports sous des angles diffé-rents. Quand on parle de Joannie Rochette, on parle del’époque où elle avait l’âge de nos lecteurs et on va faireune entrevue avec son ancienne entraîneuse, qui nousdit comment Joannie était à 12 ans. On parle d’ath-lètes qui ne sont pas encore connus, qui le seront peut-être un jour ou qui ne le seront peut-être pas non plus.Le but, c’est de mettre un visage sur le sport, et, que cesgens soient des vedettes ou pas, ils ont tous un côté ins-pirant», renchérit Brunot Lamolet.

Tous arts, tous sportsC’est le plus grand défi, dans un magazine ou

dans un autre: comment trouver l’angle. «On a faitun dossier sur l’art vert. On s’est dit: “On va parler del’art écolo, mais on ne va pas simplement faire une lis-te de tout ce qui existe”. On a divisé le dossier en troisparties, le land art, les artistes qui recyclent et les graf-fitis écologiques. Dans ces trois sous-parties, on propo-sait énormément d’images et des textes courts. En fait,on procède comme dans Les Débrouillards; on essaiede trouver l’angle intéressant, de mettre de l’humour,des phrases courtes, on vulgarise l’information et sur-tout on essaie d’axer sur le visuel. Pour un magazinesur les arts, c’est ça le plus important!»

Mais, quand vient le temps de faire un articlesur la musique, ça se complique un peu: «C’est tou-jours un peu frustrant de parler de musique dans un

magazine. On ne peut pas appuyer sur un boutonpour écouter! On a parlé de la musique électro-nique, on a fait une entrevue avec deux jeunes musi-ciens québécois, on a publié des photos de leurconcert et de leurs instruments.»

Et c’est vrai aussi du côté du sport: «On veut faireconnaître de nouveaux sports et quelques fois on veutregarder le sport sous un angle un peu différent. Il y aaussi tout l’aspect identitaire d’un sport, et c’est pour çaqu’on aime aller chercher des athlètes qui sont jeunes.On veut faire connaître la culture sportive, mais aussi

y inclure des notions de science et d’éducation», ditBrunot Lamolet.

Le web à la rescousseDans le monde de l’édition magazine, il est de

plus en plus difficile de passer à côté du web. ChezLes Débrouillards, on l’a bien compris: le site princi-pal des Débrouillards regorge de compléments d’in-formations, de liens, de blogues et d’autres expé-riences interactives.

Dès 2012, ce sera au tour des DébrouillArts et desSports débrouillards d’avoir eux aussi leur propre siteInternet. Ils sont aujourd’hui hébergés par le siteprincipal, mais, à l’avenir, il sera beaucoup plus facilede les retrouver. Évidemment, quand on aborde lamusique, on aime bien un lien pour écouter, et,quand on parle de sport, les capsules vidéo devien-nent indispensables.

Internet sert aussi à renforcer les liens avec la col-lectivité. Dans Les Sports Débrouillards, la page Par-lons-en est sous forme de courrier, où on y retrouvedes questions du genre: «Toute ma famille aime fai-re du vélo, mais pas moi. Que dois-je faire?» «Je suisun très mauvais joueur, comment me faire accepterpar mon équipe de hockey?» «Ce sont des jeunes qui ré-pondent à d’autres jeunes avec de vraies réponses,nous ne corrigeons que le français... La question estd’abord posée dans le site Internet, les jeunes répondentet, quelques fois, ils envoient leur photo, qu’on rajoute.C’est une façon de s’approprier leur espace. En géné-ral, on ne leur demande pas si souvent que ça leuravis, leur opinion; on leur donne l’occasion de le faire»,explique Brunot Lamolet.

Dans tous les cas, tout est mis en œuvre pourque les enfants curieux, peu importe leurs pen-chants et leurs intérêts, puissent enfin sentirqu’ils ont entre les mains un magazine qui estbien à eux et qui leur ressemble.

Collaboratrice du Devoir

Pour les 9 à 14 ans

Après la science, les arts et le sport« Les jeunes aiment bouger, on leur donne des idées pour le faire »

C L A U D E L A F L E U R

«L e nom du Club peut porterà confusion, fait remarquer

Isabelle Jutras, puisqu’il donnel’impression qu’il faut être membred’un club pour participer à nos ac-tivités. Le Club, c’est la brancheanimation du mouvement des Dé-brouillards.» Ce club regroupe enfait des animateurs profession-nels qui, d’un bout à l’autre duQuébec, vont dans les écoles pri-maires, dans les familles à l’occa-sion de fêtes d’enfants, en coloniede vacances et durant la semainede relâche scolaire, ainsi quedans les garderies ou les écoles àl’heure du dîner.

«Lorsqu’on demande aux en-fants du primaire quelle est leurmatière favorite, il n’est pas rarequ’ils répondent que c’est la scien-ce, rapporte Mme Jutras. Et lesprofesseurs nous disent que leursélèves adorent faire de la scienceen classe. Voilà justement ce quenous faisons, mais toujours sousl’angle du jeu.»

Attention à vos narines!C’est à l’automne 1981 que Fé-

lix Maltais et Robert Richards,qui dirigeaient l’Agence Science-Presse, décident de créer le Clubdes Débrouillards. Ils s’associentalors à Claude Benoît et à MichelBois, du Conseil de développe-ment du loisir scientifique(CDLS), organisme à la tête d’unréseau de neuf Conseils du loisirscientifique régionaux (CLS). Ceréseau forme donc des anima-teurs qui amènent les jeunes às’amuser à faire de petites expé-riences scientifiques.

«On part toujours de ce que vi-vent les enfants, souligne IsabelleJutras. Par exemple, l’une de nosexpériences porte sur le liquide am-niotique. Si on arrive dans uneclasse où l’enseignante est ou a étéenceinte, ce sera notre point de dé-part. On commence toujours avecce qui est connu des enfants.»

Dans le cas de cette expérien-ce, il s’agit de montrer que le li-quide amniotique protège le fœ-tus contre les chocs extérieurs.L’animateur et les enfantsconçoivent donc une solution àbase d’huile dans laquelle ilsplongent un œuf, raconte MmeJutras. Il s’agit ensuite de tenterde briser l’œuf en brassant lepot… «On montre ainsi aux en-fants, tout en s’amusant, que le li-quide sert de coussin.»

Tout domaineDe la même manière, les ani-

mateurs exploitent tout ce qu’il ya dans l’environnement des en-fants pour les amener à acquérirdiverses notions scientifiques,dont en chimie, par l’entremisede la cuisine moléculaire. Ils réali-sent même des expériences demathématiques en jouant avec leconcept des probabilités qui secachent derrière les jeux de ha-sard. «Nous touchons à tout — bio,chimie, physique, astronomie, éco-logie — comme dans le magazineLes Débrouillards», résume la co-ordonnatrice du programme.

Si ces expériences sont tou-jours liées à la vie courante del’enfant, l’enseignant voit très bienqu’elles se rattachent égalementà son programme scolaire. «Onva même souvent plus loin [que leprogramme scolaire], puisqu’onconstate que les enfants ont degrandes capacités lorsqu’on lesplonge dans l’action, relate Isabel-le Jutras. Ce qui est vraiment im-portant, c’est qu’il faut non seule-ment que l’enfant manipulequelque chose, mais aussi qu’il ré-fléchisse. On le fait donc réfléchiren lui posant des questions: qu’est-ce qu’il observe, qu’en pense-t-il?On peut même essayer des va-riantes de l’expérience, proposéespar les enfants. Qu’importe mêmesi ça ne fonctionne pas! On doits’amuser tout en réfléchissant.»

De cette façon, sans mêmes’en rendre compte, les enfantsacquièrent des parcelles de la mé-thode scientifique, notammentl’observation, la déduction et laréflexion. Les animateurs en pro-fitent également pour les initier àl’utilisation d’appareils scienti-fiques, comme les balances élec-troniques et autres instruments

de mesure. «On lui montre aussicertaines techniques, ne serait-ceque lorsqu’on veut sentir un pro-duit chimique, on ne place pas sonnez directement au-dessus de lasubstance... au risque de se décaperles narines!»

C’est ainsi que, chaque année,près de 42 000 jeunes participentà l’une ou l’autre des activités of-fertes par le Club des Dé-brouillards. Les animateurs ontainsi accès à plus de 700 expé-riences différentes. «Et nous évo-luons toujours, nous dit Mme Ju-tras. On retravaille sans cesse nosexpériences, on les dépoussière etleur redonne un certain lustre.»

Fêtes d’enfantsLes animateurs organisent

même des fêtes d’enfants. «Çan’a rien à voir avec un cours descience, c’est vraiment une toutautre approche, lance Isabelle Ju-tras. Il s’agit de faire faire aux en-fants de petites expériences qui les“allumeront”. Les parents sont ra-vis, puisque les six à huit enfantsont alors accès à un animateur.»Le coût de la visite des Dé-brouillards en fête variant de 85 $à 165 $, «ce n’est pas plus élevé quede faire venir un clown!», de souli-gner Mme Jutras.

Le Club offre entre autres nou-veautés des camps durant la pé-riode de relâche scolaire. «Avecles années, on s’adapte aux besoinsde la population, dit-elle, et, étantdonné que les parents travaillentdurant la semaine de relâche sco-laire, nous organisons des campsde jour. C’est l’occasion pour nousd’of frir aux jeunes des activitésscientifiques et ainsi de mariersports d’hiver et science!»

«De tout temps, les jeunes sontcurieux et allumés, observe-t-elle,mais on a l’impression que ceuxd’aujourd’hui connaissent davan-tage de choses et qu’ils saisissent ra-pidement des notions scientifiquesqu’on n’aurait peut-être pas abor-dées il y a quinze ans… Ce que jevous dis là, c’est intuitif, mais ce se-rait intéressant de le vérifier.»

Collaborateur du Devoir

De la garderie à la colonie de vacances

Bienvenue au club !

M A R I E - H É L È N EA L A R I E

S arah Perreault, la rédactri-ce en chef des Explora-

teurs, a pris les commandes dece magazine en 2003, deux ansaprès sa fondation. «Publié àraison de quatre numéros parannée pendant deux ans, on aensuite testé le marché, puis àpartir de 2003, voyant que lemagazine fonctionnait trèsbien, on a décidé d’en faire unmensuel à raison de dix numé-ros par année. C’est à ce mo-ment que j ’ai pris les com-mandes du magazine,ce qui coïncidait avecla fin de la série télévi-sée sur laquelle je tra-vaillais», raconte Sa-rah Perreault.

Ici, au Québec, laniche pour le magazi-ne destiné aux en-fants de six à dix ansavait été laissée com-plètement vide aprèsla fermeture de Hi-bou et Coulicou. Autout début de sonexistence, 60 à 70 %du matériel utilisépour Les Explorateursprovenait d’un men-suel canadien-anglais de To-ronto qui s’appelait Chicka-DEE. «Graduellement, on aaugmenté le pourcentage decontenu original et aujourd’huion est rendu à plus de 90 % dematériel original», rappelleMme Perreault.

Le mandat des Explorateursest resté le même depuis le dé-but: il a été créé pour satisfairela curiosité des enfants de six àdix ans. C’est un groupe d’âgeoù les enfants sont très curieux,ils ont une curiosité scientifiquequasi naturelle, ils observent,ils se questionnent et ils émet-tent des hypothèses. «On avaitle mandat de servir d’outild’éveil aux sciences, commel’avait aussi le magazine LesDébrouillards. On s’est rapide-ment rendu compte qu’on devaitajouter à ça une préoccupationimportante qui découlait du faitque notre lectorat était composéde lecteurs débutants, donc onavait un obstacle important quiétait celui de la lecture.» Le ma-gazine a dû s’ajuster à cettecontrainte et est rapidement de-venu un outil d’éveil à la lectu-re. Pour beaucoup d’enfants, lemagazine va constituer le prin-cipal outil de lecture. Ce sera

une première véritable lecture.Si les parents lisent des albumsavec leurs enfants, «le magazi-ne, c’est différent; l’enfant a l’im-pression que ça lui appartient,c’est un courrier qui arrive danssa boîte aux lettres à son nom età la maison. Il se l’approprie etva se plonger seul dedans», préci-se Sarah Perreault.

Faire lireIl faut d’abord donner à l’en-

fant le goût d’ouvrir le maga-zin et, après, lui donner legoût de la lecture en tant quetel. Mme Perreault ajoute: «Il

y a un lien très étroitentre la mise en pageset l’écriture, tout estfait simultanément: letexte est pensé et écriten fonction de la miseen pages et il est retra-vaillé une fois la miseen pages terminée. Ilfaut que ce soit at-trayant, qu’il y ait uncertain confort de lec-ture, il faut que l’en-fant se sente bien, quela typo soit facile àlire, que le vocabulai-re utilisé soit acces-sible, que les phrasessoient formulées de fa-

çon simple, parce que ce qui re-bute le plus souvent l’enfant,c’est la densité du texte.»

La volonté d’établir une re-lation avec l’enfant est très for-te chez l’équipe de rédactiondes Explorateurs: «Pour nous,c’est un rendez-vous mensuel.Ça veut dire que l’enfant va re-trouver des personnages et qu’ilreconnaît entre autres ceux dela bande dessinée. C’est impor-tant que les chroniques revien-nent, qu’il y ait une cer taineconstance dans nos pages, demois en mois. On a les mêmeschroniques à peu près auxmêmes endroits, donc l’enfant ytrouve des repères», expliqueMme Perreault.

Filles et garçonsIci, pas de clivage entre les

garçons et les filles: «Commeon traite de sujets comme lesanimaux et les sciences de lanature, on va retenir les fillesun peu plus longtemps que lesgarçons. On rejoint autant lesgarçons que les filles parce quec’est un groupe d’âge où il y amoins de disparités, et les inté-rêts sont assez similaires. Lesenfants ont le même attraitpour les animaux et pour la

bande dessinée, c’est après queles intérêts vont changer.»

Dans l’élaboration de soncontenu, la rédaction apporteune attention particulière nonpas aux sujets abordés, maisplutôt au rendu visuel, c’est-à-dire à l’utilisation des couleurs:le rose étant associé aux filles,on n’en voit pas beaucoup dansles pages des Explorateurs.

Comme pour le grand frèreLes Débrouillards, on s’est renducompte bien vite de l’utilisationqui était faite des Explorateursen classe: «Les classes s’abon-naient au magazine et il y avaitdes enseignants qui l’utilisaientcomme outil d’apprentissage dela lecture. Le magazine est inté-gré à l’enseignement du fran-çais. Contrairement au livre, lemagazine of fre un contenu re-nouvelé chaque mois, doncbeaucoup d’avantages. Sans né-gliger l’utilisation du livre, LesExplorateurs devient un com-plément très intéressant.»

Des fiches pour enseignants

Par suite de cette constata-tion, des fiches pédagogiques àl’intention des enseignants ontété greffées au magazine. Cesfiches sont créées par un ensei-gnant en sciences au primaire,Alain Labonté, un ancienconseiller pédagogique. L’en-seignant peut utiliser la fiche,sur laquelle se trouvent des es-paces pour les réponses del’élève. Les contenus sont trèsvariés et adaptés aux pro-grammes scolaires du Québec.

À n’en pas douter, les jeunesdéveloppent un rapport affec-tif avec leur magazine, et ce,dès l’âge de six ans. Plusjeunes ils seront mis encontact avec les sciences, plusils seront en mesure de com-prendre le monde qui les en-toure. Et, sait-on jamais, LesExplorateurs est peut-être entrain de former une nouvellegénération de scientifiques…

Collaboratrice du Devoir

Pour les 6 à 10 ans

Et les jeunes apprennent et lisent« On rejoint autant les garçons que les filles »

Les Débrouillards, c’est une équipe d’une di-zaine de personnes qui fabriquent 27 maga-zines par année. Parmi eux se trouvent Lau-rène Smagghe et Brunot Lamolet, les respon-sables des petits derniers de la famille: LesDébrouillArts et Les Sports débrouillards. Detout pour tous.

C’est le p’tit frère, il est jeune, il est né en 2001, quelquesannées après le grand frère Les Débrouillards. Le magazineLes Explorateurs s’adresse aux jeunes de six à dix ans et estbourré de découvertes excitantes.

«À bien y penser, on fait des sports depuis qu’on est tout petits.On fait aussi des arts depuis qu’on est tout petits… On peuttout aussi bien faire de la science, même lorsqu’on est tout pe-tit!» Voilà l’idée qui anime depuis trente ans le Club des Dé-brouillards, telle que résumée par Isabelle Jutras, coordonnatri-ce nationale du Club des Débrouillards et du Défi apprenti gé-nie, au Conseil de développement du loisir scientifique.

SOURCE LES DÉBROUILLARDS

Chaque année, près de 42 000 jeunes participent à l’une oul’autre des activités of fertes par le Club des Débrouillards.

La volontéd’établir unerelation avecl’enfant esttrès fortechezl’équipe de rédactiondesExplorateurs

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L E D E V O I R , L E S S A M E D I 5 E T D I M A N C H E 6 N O V E M B R E 2 0 1 1 H 5

L E S D É B R O U I L L A R D S

R É G I N A L D H A R V E Y

L’ Association française desPetits Débrouillards pré-

sente actuellement un bilanchif fré plus que positif quimontre l’ampleur de l’évolutionqu’elle a connue en l’espaced’un peu plus d’un quar t desiècle: 51 antennes et relais ter-ritoriaux, 90 organisations nongouvernementales (ONG) et as-sociations partenaires interna-tionales, plus de 160 salariéspermanents, 2000 animateurs etbénévoles, 4000 partenaires, as-sociations de maisons de quar-tier, établissements scolaires,40 000 jeunes qui pratiquent desactivités scientifiques durantl’été, 250 000 visiteurs de ses ex-positions et utilisateurs de sesmalles pédagogiques, 500 000participants à ses activités, de lamaternelle au lycée, 1 500 000lecteurs de ses ouvrages et deses sites Internet.

Comment l’idée s’est-elle ré-pandue en France? «Nous avonscommencé le magazine en jan-vier 1982 et, deux à trois ansplus tard, des animateurs desDébrouillards québécois sont al-lés en France pour dire ce qu’onfaisait; ils ont décrit nos expé-riences, ont montré nos livres etnos magazines. D’ailleurs, leslivres des expériences avaientdéjà été publiés par l’éditeur Be-lin et étaient diffusés en Franceà ce moment-là», explique l’édi-

teur Félix Maltais, l’homme àl’origine de la mise sur pied auQuébec de ces regroupementsde jeunes, dont les Français ontfinalement assumé l’essaimageà travers le monde.

«Les Français ont trouvé quec’était une bonne idée et les gensont embarqué dans le projet en fon-dant ce qu’ils ont appelé à cetteépoque l’Antenne française des Pe-tits Débrouillards, qui est devenuepar la suite l’Association; ils fêtentcette année leur 25e anniversaire.»

À la grandeur duterritoire français et plus

Directeur des Petits Dé-brouillards France, FrançoisDeroo prend alors la relève et,par la suite, le mouvementprend son essor: «On s’est trèsvite autonomisé par la créationde cette association et, au coursdes dix premières années, ons’est appliqué à montrer la per-tinence de la pédagogie em-ployée. À par tir des années1990, la croissance a été assu-rée par la mise sur pied gra-duelle de plusieurs associationsrégionales.»

Il en trace ce portrait: «C’estun réseau de regroupements quise développe à proximité des col-lectivités et qui propose des acti-vités de loisir scientifique pourles jeunes, avec une petite dif fé-rence par rappor t au mouve-ment québécois: très vite, autournant des années 1990, on a

réalisé certaines activités à l’in-tention des plus âgés, soit lesjeunes de 12 à 16 ans. Par lasuite, on s’est tourné vers les ly-céens et on a donc ajouté descordes à l’arc des Débrouillardsen créant aussi des clubs scienceset société.»

Pour le reste, la France s’entient à la démarche québécoi-se: «On poursuit vraiment ladémarche expérimentale scienti-fique, qui représente l’objectifpédagogique pour développerl’esprit critique.» François De-roo souligne que les Françaisse sont même tournés versd’autres pays pour expor tercette pédagogie: «On est allévers tout le Maghreb, où Les Dé-brouillards sont implantés de fa-çon assez importante; ils sontprésents en Belgique, en Alle-magne et dans une grande par-tie de l’Europe de l’Est [Répu-blique tchèque, Slovaquie,Russie]. Après quoi, on s’est di-rigé du côté de l’Amérique duSud, où Les Débrouillards sontbien présents au Mexique, auVenezuela, en Colombie, en Ar-gentine et au Brésil.»

À ce sujet, le Québécois FélixMaltais vante les mérites d’unindividu: Jean-Claude Guirau-don, alors à la direction de l’ani-mation à la Cité des sciences etde l’industrie, à La Villette.

«Ses fonctions l’amenaient àvoyager à travers le monde; ilétait un mordu des Débrouil-lards et, partout où il allait, ilsensibilisait des musées, des asso-ciations de scientifiques oud’autres groupes pertinents pourqu’ils adoptent le concept deceux-ci. Ce sont donc les Fran-çais qui, après avoir adopténotre idée et l’avoir transportéechez eux, l’ont fait essaimer enEurope et ailleurs dans le mon-

de.» Il leur lève son chapeau:«Ils ont toujours été très correctsen reconnaissant, auprès deleurs interlocuteurs étrangers,que la paternité de ce concept-làappartenait à des gens du Qué-bec. C’est vraiment grâce à eux siLes Débrouillards se sont retrou-vés dans un grand nombre depays.»

L’engouement est aurendez-vous

Les jeunes Français ont ré-pondu positivement à l’appel dumouvement, assure M. Deroo:«Contrairement à ce qu’on ima-gine, ils sont très enthousiastes.Ils ont beaucoup d’appétit pourles sciences, qui leur sont évi-demment présentées d’une façondifférente de celle que l’école leurpropose; ils les apprécient quandcelles-ci sont bien amenées, bienorganisées sous l’aspect ludique,quand ils ne sont pas jugés pourleurs interventions, quand ilspeuvent travailler avec leursmains en fabriquant des trucs,lorsqu’ils peuvent réfléchir engroupe et proposer eux-mêmesdes activités. On se situe vrai-ment dans une démarche trèsparticipative.»

Pour ce qui est de la tranched’âge des 12 à 16 ans, les adoles-cents sont invités à aborder dif-féremment le monde des PetitsDébrouillards: «Il y a un appétitde leur part, mais pour une pra-tique de l’activité qui est davanta-ge écocitoyenne; ils s’intéressent àdes projets qui, par exemple, vontavoir un impact sur leur quar-tier, sur leur milieu de vie, surleur école et sur leur centre de loi-sirs; on développe donc avec euxdes projets qui sont en osmoseavec ces attentes.»

Collaborateur du Devoir

EUROPE

De la France, Les Petits Débrouillardsessaiment sur toute la planèteLes 51 antennes et relais territoriaux abritent plus de 160 salariés permanents

J É R Ô M E D E L G A D O

E nfant, Jacques Goldstynvoulait devenir dessinateur.

Pompier? Policier? Nenni. Des-sinateur, répondait ce fan deTintin à l’adulte qui lui posait laquestion à laquelle tous les gar-çons et filles sont confrontés.Un jour, une de ces grandespersonnes, du haut de sa voixde sage, l’aurait prévenu: «Tune mettras pas beaucoup debeurre sur ton pain.»

Aujourd’hui, l’homme cin-quantenaire accompagne cevieux souvenir d’un grand rire,moqueur. «Vrai, je ne mets ja-mais du beurre sur mon pain. Jepréfère la margarine et la confi-ture», dit celui qui pratique lemétier de dessinateur depuistrois décennies.

Kim, Van, Robert et Beppo

Jacques Goldstyn est un peul’âme des Débrouillards, «le ma-gazine drôlement scientifique desjeunes de 9 à 14 ans». Son âme,et ses visages les plus connus.Kim, la blondinette militante,Van, l’inventeur aux yeux bri-dés, Rober t, habillé de son inusable chandail du CH, ettoute la cohorte des person-nages qui animent chacun desnuméros sont nés du crayonde Goldstyn. La célèbre Beppoaussi, cette espiègle grenouillequi met ses pattes partout etque son créateur n’hésite pasà qualifier de «petit batracienhyperconsommateur».

«Beppo a sa propre vie. Il pas-se des commentaires, dénonce lesbêtises humaines», dit l’illustra-

teur, qui s’est amusé, au fil desannées, à faire de l’amphibie un«bouche-trou». À l’interne, on amême baptisé «beppousser» ladernière étape avant l’envoi àl’imprimerie, qui consister à in-sérer quelques grenouillespour agrémenter l’ensembledes pages.

Géologue?Jacques Goldstyn est l’âme

des Débrouillards depuis sesdébuts, mais il s’en est fallu depeu pour qu’il n’en soit pas ain-si. Il y a trente ans, le jeunehomme ne dessine plus. L’idéedu pain sans beurre a fait soneffet: ce calé en sciences optepour des études à l’École poly-technique. Diplômé en géolo-gie, fasciné par l’histoire phy-sique de la planète, il se trouveun emploi en Alberta, l’Eldora-do de la profession.

«C’était l’apothéose pour ungéologue. On m’of frait un pontd’or, c’était prestigieux», com-mente-t-il, tout en admettantavoir haï l’expérience.

Un ancien compagnon d’uni-versité se souvient de lui, deses dessins dans Le Polyscope,le journal étudiant, et l’incite àse présenter auprès de FélixMaltais, le futur fondateur desDébrouillards, qui cherche àillustrer ses propres textesscientifiques. Pendant quelquesmois, Goldstyn bosse le jourpour l’industrie pétrolière, des-sine le soir. Il n’insiste pas: ilabandonne le pont d’or alber-tain et revient à Montréal vivresa véritable passion.

Les Débrouillards aura fait lacarrière de Jacques Goldstyn.Son gagne-pain. Son bonheur.Tête de scientifique, âme decréateur, il ne pouvait trouvermeilleur terrain de jeu. Parcequ’aussi, il faut le dire, il a uncœur d’enfant. Il s’agit de levoir reprendre la lecture encantonnais d’une des planchesde «Van l’inventeur». Si, si, Les

Débrouillards a son éditionchinoise. Et non, son principaldessinateur ne parle pas lalangue. Il n’est qu’un habile cabotin.

Vulgariser«La vulgarisation m’a tou-

jours fasciné» , dit JacquesGoldstyn pour expliquer salongue association au magazi-ne scientifique. Le dessina-teur, qui peut se faire très poli-tisé ailleurs (au Couac ou àL’Aut’journal, par exemple),carbure à l’explication de phé-nomènes scientifiques.

Si on comprenait mieux lascience, on vivrait mieux, voilàun peu le credo de celui qui, enquelques traits vifs et précis,peut résumer les dif férencesentre la couche d’ozone et le ré-chauffement de la planète.«Ilfaut connaître les principesscientifiques pour savoir d’où onvient, comment notre Terre estconstituée. La science est un peumystérieuse. Elle explique aussi»,insiste-t-il.

«Quand j’entends Lucien Bou-chard parler du gaz de schiste,[qui dit] qu’il ne faut pas tournerle dos au progrès... J’aimeraisavoir Lucien Bouchard un après-midi et lui expliquer pourquoi çane marchera pas, cette chose-là. Ilfaut écouter les scientifiques.»

Il faut savoir de quoi on par-le, poursuit Jacques Goldstyn.Tout comme il faut savoir cequ’on dessine lorsqu’on ex-plique des concepts com-plexes. Ses cases sont lim-pides, même s’il ne se considè-re pas comme un grand dessi-nateur, de la trempe des Uder-zo et Enki Bilal. Modeste,notre maître débrouillard ac-cepte toutefois de dire que sa«force, c’est de pouvoir dessinertout ce qu’il veut».

Pas Van qui veutSerait-il lui-même le person-

nage de Van, qui invente tou-tes les machines qu’il veut, decelle qui fait les lits à celle quitransforme la pelouse en lait?Du tout, répond Goldstyn. Lebricoleur passionné par lesmachines ne lui correspondpas. Pas question, par exem-ple, d’abandonner ses feutreset papiers pour un écran tacti-le. En fait, admet cet adeptede la simplicité volontaire, leprogrès technologique, il n’ycroit plus.

«Dans les années 1970, don-ne-t-il en exemple, l’avenir pas-sait par un avion supersoniquequi nous amènerait à Paris endeux heures. Aujourd’hui, leConcorde est enterré. Ça veutdire qu’en 2011 ça prend lemême temps [pour se rendre àParis] qu’en 1960. Cinquanteaprès? Eh oui, bravo pour lascience.»

Jacques Goldstyn l’admet: lascience, c’est de la «poudre auxyeux». Il ne la renie pas pour au-tant, fidèle encore aux principesde base. Et il les défendra et lesdécortiquera encore et toujoursaux Débrouillards. Jusqu’à samort, assure-t-il. Même s’il ca-resse d’autres projets, commecelui de faire un album — «mais ça me prend un scéna-rio» — Goldstyn restera fidèleau groupe qui lui a permis defaire sa vie. Sans beurre, mais àquoi bon?

Collaborateur du Devoir

L’homme des images

La science, c’est «de la poudre aux yeux»Dessinateur scientifique et créateur des multiples person-nages qui animent Les Débrouillards, Jacques Goldstyn n’estpas le bricoleur de machines que vous pourriez imaginer.

SOURCE BAYARD

Le magazine Les Petits Débrouillards propose des expériences pour intéresser les jeunes à la science.

SOURCE BAYARD

Jacques Goldstyn

Le mouvement associatif des Petits Débrouillards a commen-cé à se déployer sur l’ensemble de la France en 1984.L’Hexagone regroupe aujourd’hui une vingtaine d’associa-tions régionales; plusieurs pays du reste de l’Europe etd’ailleurs dans le monde lui ont emboîté le pas en se joignantà leur tour à ces clubs de jeunes scientifiques en herbe véhi-culant des valeurs éducatives et humaines.

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