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JOHNNORMAN

LesTribusdeGor

AVENTURESFANTASTIQUES

Éditionsopta,24,ruedeMogador,Paris9e

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Titreoriginal:TRIBESMENOFGORTraduction:DanielLemoine©1976byJohnNorman©1984NouvellesÉditionsOptapourlatraductionfrançaise.Reproductioninterditepour

touspays,sansaccorddel’Éditeur.

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John Norman est le pseudonyme de John Frederik Lange. Né en 1931, ce professeur

d’universitéacquit lacélébritéparmi les lecteursd’heroic fantasyavecsa fameusesériedesaventuresdeTarlCabotetJasonMarshallsurGor,l’Anti-Terre.

Dans cette immense fresque d’unmonde à la fois sauvage et raffiné, l’auteur lâche labrideàsonimaginationetàsesfantasmes.

Descentainesdepersonnages,desterritoiresmystérieux,desmonstresetdesmerveilles,desmaîtresetdesesclaves,desconquérantsetdesassassins,despiratesetdespillards,desdanseusessoumises…Lecataloguenesauraitêtrepluscomplet…

DanielWalther

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1

LADEMEUREDESAMOS

IL y avait des clochettes, trois rangées, petites et dorées, solidement attachées par unelanièredecuiràlachevillegauchedelajeunefemme.

Lesoldelasalle,brillant,enmosaïquesomptueuse,étendu,réfléchissantlalumièredestorches,étaitunecarte.

Jeregardaislajeunefemme.Elleavaitlesgenouxlégèrementfléchis.Sonpoidsreposaitsur les talons, libérant les hanches. Sa cage thoracique était gonflée mais ses épaules,détendues,étaientbaissées.

Ses abdominaux étaient également détendus, relâchés. Elle avait le mentonorgueilleusementlevé.Ellenedaignaitpasnousregarder.Salonguechevelurenoiretombaitencascadesursesreins.

« Il y a de nombreuses choses que je ne comprends pas, »me dit Samos. Je pris unetranchedelarmaetmordisdedans.«Pourtant,»repritSamos,«ilmesembleimportantquenousarrivionsàlavéritésurcepoint.»

Jeregardailacarteimmensedelasalle.Jevoyais,toutenhaut,leGlacierdelaHache,leTorvaldsland,Hunjer,Skjern,Helmutsportet,plusbas,Kassau,lesimmensesforêtsvertes,leLaurius, Laura, Lydius et, plus bas encore, les îles, dont principalement Cos et Tyros ; jevoyais le delta duVosk, Port Kar et, à l’intérieur des terres, Ko-ro-ba, les Tours duMatin,Thentis,danslesMontagnesdeThentis,renomméepoursestroupeauxdetarns;et,ausud,parmidenombreusesautresvilles,Tharnaetsesrichesminesd’argent;jevoyaislaChaînedes Voltaï, Ar la Glorieuse, Cartius et, tout au sud, Turia, les îles d’Anango et de Ianda,prochesdelacôtedeThassa,et,surlacôtemême,lesportslibresdeShendietBazi.Ilyavait,surcettecarte,descentainesdevilles,depromontoiresetdepéninsules,defleuves,delacsetdemers.

Lachevillegauchedelafemme,souslesclochettes,lalanièredecuir,lemétaldoré,étaitbrune.

— « Il est possible que tu te trompes, » lui remontrai-je. « C’est peut-être sansimportance.»

—«Peut-être,»accorda-t-ilavecunsourire.Danslescoinsdelasalle,casqués,armésdelances,setenaientdeshommesd’armes.La jeune femme portait des soieries de danse goréennes. Elles étaient basses sur ses

hanchesnues,et tombaient jusqu’àsespieds.Ellesétaientécarlates,diaphanes.Unepartiedecetterobeensoieétaitpasséederrièreelleetglissée,lâcheetdrapée,souslaceinturedesoierouléequ’elleportaitsurleshanches;uneautrepartiedecetterobeétaitpasséedevantelle et glissée, lâche et drapée, sous la ceinture de soie, sur la hanche droite. Bas sur leshanches,elleportaituneceinturedepiècesd’ordefaiblevaleur,tressées,sechevauchant.Unvoilejaunenousladissimulaitpresquecomplètement,glissésouslabretelleornéeelleaussidepiècesdesonépaulegaucheetsouslaceintureornéedepiècesdesahanchedroite.Aux

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bras,elleportaitdenombreuxbracelets.Aupouceetà l’indexdesdeuxmains,elleavaitdepetitescymbalesenor.Aucou,elleavaituncollier.

Jeprisuneautretranchedelarma.«Jeprésume,»dis-je«quetuasdesinformations?»—«Oui,»réponditSamos.Ilfrappadanssesmains.Immédiatement,lajeunefemmese

redressa devant nous, magnifiquement, vive, les bras levés, les poignets tournés versl’extérieur.LesMusiciens,unpeuàl’écart,bougèrent,sepréparant.Leurchefétaitunjoueurdeczehar.

—«Quelleestlanaturedetoninformation?»demandai-je.—«Cen’estriendeprécis,»répondit-il.—«Cen’estpeut-êtrepasimportant,»suggérai-je.—«Peut-être,»reconnut-il.—«LesKurii,lesAutres,»repris-je,«aprèsl’échecdel’invasionduNord,lancéeparles

Kuriiindigènes,invasionstoppéeauTorvaldsland,sesonttenustranquilles,n’est-cepas?»—«Ilfautseméfierd’unennemisilencieux,»relevaSamos.Ilregardalajeunefemme.Il

frappadanssesmains,sèchement.Les petites cymbales émirent une note claire, brève, subtile, délicate, et l’esclave dansa

devantnous.Je regardai les pièces tressées, se chevauchant, sur sa ceinture et ses bretelles. Elles

réfléchissaientmagnifiquement la lumièredu feu.Elles scintillaientmaisn’avaient qu’unefaiblevaleur.Onvêtcesfemmesdepiècessansgrandevaleurfaciale;ellessontesclaves.Sesmains glissèrent vers le voile, sur sa hanche droite. Elle détournait la tête, comme si elleagissaitcontresavolonté,àcontrecœur,maissavaitqu’elledevaitobéir.

«Viensavecmoi,»ditSamos.JevidaienuneseulegorgéelerestedemongobeletdePaga.Ilm’adressaunsourireironique.«Plustard,tupourrasl’avoir,»m’offrit-il.«Elledanseradetempsentemps,aucoursde

lasoirée.»Samosseleva,derrièrelatablebasse.Iladressaunsignedetêteàsesconvives,hommes

de confiance. Deux belles esclaves en tunique courte, s’écartèrent devant lui, à genoux, lefrontparterre,leurscruchesàlamain.

Dansuncoin,nue,solidementattachéeavecdeslanièresdecuirnoir,lespoignetsetleschevilles, des bandes lui passant entre les seins et lui entourant les cuisses auxquelles sespoignetsétaientattachéspardesboucles,unejeunefemmeàlapeaupâle,blonde,effrayée,était agenouillée. Ses épaules, comme celles de presque toutes les femelles de la Terre,étaienttendues,crispées.Soncorps,commeceluidepresquetouteslesfemellesdelaTerre,était raide, sur la défensive. Comme presque toutes les autres, elle avait été conduite,subtilement,àminimiser,cacheretnierladouceurorganiquenaturelledesamusculatureetde sa structure, poussée à afficher une neutralité physique formelle et digne, considéréecommeconvenableparlesfemmesd’unesociétémécanisée,industrielle,technologiquedanslaquelle les machines gouvernent et présentent les symboles et les paradigmes dumouvement conçu comme répétition, mesure, régularité, précision et fonction. Les êtreshumainsnesemeuventpasdelamêmemanièredansunesociététechnologiqueetdansunesociété non-technologique ; ils se tiennent différemment ; l’acculturation de l’individu estvisible dans son comportement. Rares sont ceux qui comprennent cela ; beaucoupconsidèrent comme mouvements et positions naturels du corps ce qui est, en fait, laconséquenced’unballetmécaniquedûauconditionnementsubconscient,unechorégraphie

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demarionnettes,l’imitationdemodèles,dontilssontprisonniersdesstridulences.Pourtant,sous le comportementconditionné, il ya l’animal,quibougeaitnaturellementavantque lacivilisationluiaitenseignélespropriétésdesmécanismes.Iln’estpassurprenantquel’êtrehumaindelaTerre,lorsqu’onnelevoitpas,mêmel’adulte,serouleparfoisparterreetcrie,simplementpourgoûterlajoiedesesmouvements,selibérerdestensionsimposéesparlesrigiditésdescontraintescivilisées.Leschaînesinvisiblessontsouventlespluslourdes.

Jeregardailajeunefemme.Elleétaitterrifiée,pitoyable.« Dis-lui, » demanda Samos, « de regarder une femme véritable et d’apprendre à être

femelle.»Ilmontraladanseusegoréenne.La jeunefemmen’étaitpassurGordepuis longtemps.Samos l’avaitachetéecinqtarsks

d’argent sur Teletus, avec de nombreuses autres, à des prix divers. C’était la première foisqu’ellequittaitlescagesdesaDemeure.Elleétaitmarquéeauferrougesurlacuissegauche.Une bandemétallique toute simple avait été fixée autour de son cou par un Forgeron auservice de Samos. Elle n’avait pas de valeur et ne méritait pas le collier à serrure.Personnellement, j’en aurais fait une Esclave de Cuisine. Pourtant, en la regardant plusattentivement, en l’examinant avec impartialité, tandisqu’elle tournait la tête, pitoyable, jeconstatai qu’elle n’était pas dépourvue de promesses. Peut-être pourrait-elle apprendre. Lacaractéristique fondamentaleexigéede la femmegoréenneest,naturellement, la féminité ;detouteévidence,cen’estpaslacaractéristiquefondamentalequel’onattendd’unefemmedelaTerre;enfait,simessouvenirssontbons,chezlesfemmesdelaTerre,laféminitéestsocialementdévaluéedufaitqu’ellecompliquelesrelationsneutres,politiquementpratiquesdans une structure sociale technologique et complexe dans laquelle les relations sexuellessont inutiles, sinon nuisibles. Dans l’idéal, il faudrait que les sociétés occidentalesindustrialisées soient dirigées par des créatures de métal, sans sexe, fonctionnant avecrégularité, programmées pour entretenir et perpétuer la société du métal. L’homme, surTerre,est finalementparvenu,au fildessiècles,àcréerunesociétédans laquelle iln’apasvraimentsaplace; ila, finalement,construitunemaisondanslaquelle ilnepeutpasvivre,danslaquelleiln’yaplusunepiècequiconvienneàl’habitationhumaine;ilappellecelaunfoyer;ilyestétranger;sonenvironnement,deparsonproprefait,estdevenuinhospitalier;sonefficacité, sesmachines, ses institutions, entre sesmains, sont finalementparvenuesàl’évincer de ses réalités ; les femmes ont honte d’être femmes ; les hommes n’osent plusécouter leur sang et être des hommes ; dans leurs cellules de plastique, dans lebourdonnementdeleursmachines,lanuit,leshommessetordentetpleurent,sehaïssant,setourmentant parce qu’ils ne correspondent pas aux critères d’un monde étranger à leursvéritéssensuelles ; lesrobotspeuventpleurerparcequ’ilsnesontpasdeshommes,pas leshommes parce qu’ils ne sont pas des robots ; ce qui est fort, beau, puissant, n’est pascondamnable;seulsceuxquisontvils,mesquins,incapablesdes’imposersontdecetavis;maisilyapeud’espoirpourleshommesdelaTerre;ilscraignentd’écoutercarilspourraiententendredestamboursantiques.

Lajeunefemmeblondebaissalatête.J’adressaiunsigneaugardequisetenaitderrièreelle.Illapritparlescheveux.Ellecria.Rudement,illuiredressalatêteetlarejetaenarrière.Ellemeregarda.

Jemontrailadanseuse.Lajeunefemmelaregarda,horrifiée,vexée,scandalisée.Ellefrémit,tirasursesliens.Ses

poingsétaientserréscontresescuisses,oùsespoignetsétaientimmobilisésdanslesbouclesduharnais.

« Regarde, Esclave, » lui dis-je en anglais, « une femme véritable. » La jeune femme,

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autrefois, s’appelait Priscilla Blake-Allen. Elle était Américaine. Ensuite, elle avait étémarquéeauferrouge.

Cen’étaitplusqu’unepossessionsansnomdanslaDemeured’unMarchandd’Esclaves,parfaitementsemblableauxcentainesdefillesenferméesdanslescagesdessous-sols.

Ladanseusebougeaitdoucement,aurythmedelamusique.—«Elleesttellementsensuelle,»murmuralajeunefemmeblonde,horrifiée.Je me retournai et regardai la danseuse. Elle dansait bien. À ce moment-là, elle se

débattait contre le « Poteau d’Esclave » qui lamaintenait en place. Le poteau n’existe pasmatériellement,bienentendumais,parfois,ilestdifficiledecroirequ’iln’estpasprésent.Lajeune femme imaginequ’unpoteau,mince, souple,oscillant, immobilise soncorps.Autourde ce poteau imaginaire, qui constitue un centre de gravité hypothétique, elle bouge,ondulant,sebalançant,sesoumettantparfoisextatiquementà lui, luttantparfoiscontre luitandis qu’il la maintient continuellement en place, prisonnière. Le contrôle auquel onparvientparl’utilisationdu«Poteaud’Esclave»estremarquable.Unetensionvoluptueuseincroyable est presque immédiatementproduite,manifestedans le corpsde ladanseuse etressentiekinestésiquementparlesspectateurs.Deshommespoussèrentdescrisdejoie.Ladanseuse avait posé lesmains sur les cuisses. Elle les regarda avec colère, sans cesser debouger. Ses épaules montaient et descendaient ; ses mains caressèrent ses seins et sesépaules;ellerejetalatêteenarrièreetfoudroyaunenouvellefoisleshommesdesyeux.Sesbrasétaientlevés,trèshaut.

Ses hanches se balançaient. Puis la musique cessa soudain et elle resta parfaitementimmobile.Samaingaucheétaitposéesurlacuisse;ladroiteau-dessusdelatête;ellefixaitsahanche,figéedanssonbalancement;puisilyeutànouveauletintementclairdespetitescymbales et la musique reprit ; puis elle bougea à nouveau, prisonnière du poteau. Leshommesjetèrentdespiècesàsespieds.

Jeregardailajeunefemmeblonde:—«Apprendsàêtrefemme,»luidis-je.—«Jamais!»cracha-t-elle.—«Tun’esplussurTerre,»repris-je.«Tuapprendras.Lesleçonsserontdouloureuses

ouagréables,maistuapprendras.»—«Jenelesouhaitepas,»répliqua-t-elle.—«Cequetuveuxousouhaitesnesignifierien.»luiprécisai-je.«Tuapprendras.»—«C’estdégradant!»jeta-t-elle.—«Tuapprendras,»répétai-je.— « Elle est tellement sensuelle ! » lança la jeune femme avec colère. « Comment les

hommespeuvent-ilsvoirenelleautrechosequ’unefemme?»—«Tuapprendras,»dis-je.—«Jeneveuxpasêtreunefemme!»cria-t-elle.«Jeveuxêtreunhomme!J’aitoujours

vouluêtreunhomme!»Elle se débattit dans son harnais, luttant contre ses liens. Les lanières de cuir et les

boucles,naturellement,l’immobilisaientparfaitement.—«SurGor,»luidis-je,«cesontleshommesquisontvirils;etici,surcetteplanète,ce

sontlesfemmesquisontféminines.»—«Jeneveuxpasbougerainsi,»sanglota-t-elle.—«Tuapprendrasàbougercommeunefemme,»affirmai-je.Jelaregardai.«Toiaussi,

tuapprendrasàêtresensuelle.»—«Jamais,»sanglota-t-elle,luttantcontresesliens.

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—«Regarde-moi,Esclave!»ordonnai-je.Ellemeregarda,lesyeuxpleinsdelarmes.« Je vais te parler avec gentillesse pendant quelques instants, » dis-je. « Écoute

attentivement car ce seront vraisemblablement les dernières paroles gentilles que tuentendrasavantlongtemps.»

Ellemefixait,lamaindugardedanssescheveux.« Tu es une esclave, » lui expliquai-je. « Tu es possédée. Tu es une femelle. On te

contraindra à être femme. Si tu étais libre et Goréenne, les hommes te permettraient derester telle que tu es,mais tu n’es ni Goréenne ni libre. LesGoréens n’accepteront aucuncompromis sur le plan de ta féminité, pas de la part d’une esclave. Tu seras ce qu’ilssouhaitent, c’est-à-dire une femme, entièrement, et leur propriété. Si nécessaire, on tefouettera ou on te laisseramourir de faim. Tu peux lutter contre tonmaître. Il te laisserafaire, s’il en a envie, pour prolonger le plaisir de ta conquêtemais, au bout du compte, turesteras l’esclave ; et tu perdras. Sur Terre, tu avais une société derrière toi, résultat denombreuxsièclesde féminisation ; lorsqu’unhommeosaitsimplementteparlerdurement,tupouvais fuirou faireappelauxmagistrats ; ici, cependant, cen’estpas toique la sociétésoutient, mais lui ; elle tiendra compte de sa volonté, car tu n’es qu’une esclave ; tu nepourrasnifuirniappelerquelqu’unàtonsecours;tuserasseuleaveclui,etàsamerci.Enoutre, ilsnesontpasconditionnésà luttercontreleursinstincts,àsesentircoupables,àsehaïr;ilsontapprisl’orgueilet,dansl’airmêmequ’ilsrespirent,ladominationdesfemmes.Ceshommessontdifférents.CenesontpasdesTerriens.CesontdesGoréens.Ilssontforts,ils sont durs et ils feront ta conquête.Avec les hommesde laTerre, tune serais peut-êtrejamaisunefemme.AvecleshommesdeGor,jet’assureque,tôtoutard,tuenserasune.»

Ellemeregarda,désespérée.La danseuse gémit, cria, comme sous l’effet d’une souffrance atroce. Néanmoins, elle

restaprisonnièreduPoteaud’Esclave.«Lemaîtregoréen,»appris-jeàlajeunefemmeblonde,«suscitelasensualitéchezses

esclaves.»Elle regardait fixement la danseuse, les yeux pleins de désespoir. Les hanches de la

danseuse,àprésent,bougeaientapparemmentindépendammentduresteducorpsbienquesespoignetsetsesmainssuivissenttrèssubtilementlerythmedelamusique.

«Tuesincapabledebougerainsi,»soulignai-jeàlajeunefemmeblonde.«Toutefois,ilestpossibled’exercerlesmuscles.Tuapprendrasàbougercommeunefemmeetnoncommeune marionnette en bois. » Je lui adressai un sourire ironique. « Tu apprendras lasensualité.»

Samos,d’unclaquementdedoigts, indiquaà ladanseusequ’ellen’étaitplusprisonnièreduPoteaud’Esclave.Ellesedirigea,tournantsurelle-même,versnous.Devantnous,libérantsonvoilesurlahanchedroite,elledansa.Puiselleledéfitsursonépaulegauche,oùilétaitglissé sous une bretelle.Ayant retiré le voile qui la couvrait, le tenant dans lesmains, elledansadevantnous.Puisellenousconsidéra,avecsesyeuxnoirs,par-dessuslevoile;ellelefittournerautourdesoncorps;puis,augranddésespoirdelajeunefemmeblonde,elleposalasoie surelle, lacouvrantdesadouceurdiaphane.Jevis les lèvresentrouvertes, lesyeuxagrandis par l’horreur, de la jeune femme attachée et à genoux, à travers le voile léger etjaune;puisladanseuseleretiraet,pivotantsurelle-même,regagnalecentredelapièce.

«Tuapprendrastaféminité,»affirmai-jeàlajeunefemmeblonde.«Etjevaistedireoùtul’apprendras.»

Ellelevalesyeuxversmoi.

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«AuxpiedsdetonMaître,»déclarai-je.Jepivotaisurmoi-mêmeet,suivantSamos,quittailasalle.« Il faudraqu’elleapprenne legoréen,etvite,»ditSamos,àproposde la jeune femme

blonde.—«Desesclaves,avecdesbadines,s’enchargeront,»fis-je.—«Exactement,»approuvaSamos.Iln’existaitpasdemoyenplusrapided’apprendrele

goréenàunefemmedelaTerre,àconditiond’yajouterdesbonbons,desgâteauxetquelquespetites faveurs comme, par exemple, une couverture dans la cage. L’apprentissage étaitétroitementassocié,dèsledépart,àlarécompenseetàlapunition.Parfois,mêmequelquesmoisplus tard, les jeunes femmes se tassaient sur elles-mêmes, lorsqu’elles commettaientuneerreurdegrammaireoudevocabulaire,commesielless’attendaientàrecevoiruncoupdebadine.LesGoréensnechoientpasleursesclaves.C’estunedespremièresleçonsquelesjeunesfemmesapprennent.

«T’a-t-elleapprisquelquechose?»s’enquitSamos.J’avaisinterrogélajeunefemmelorsdesonarrivéedanslaDemeuredeSamos.— « Son histoire, » répondis-je, « est similaire à celle de beaucoup d’autres jeunes

femmes. Enlèvement, transport sur Gor, esclavage. Elle ne sait rien. C’est à peine si ellecomprend,àprésent,lesensdesoncollier.»

Samoseutunriredésagréable,unriredeMarchandd’Esclaves.—«Pourtant,ellet’afourniuneindicationquisembleintéressante,»relevaSamos,me

précédantdansuncouloir.Danslecouloir,nouscroisâmesuneesclave.Elletombaàgenouxetposalatêteparterre,lescheveuxéparpilléssurlescarreaux,lorsquenouspassâmes.

—«C’estunsimplehasarddépourvudesignification,»dis-je.—«Dépourvudesignificationensoi,»précisa-t-il.«Mais,enregardd’autreschoses, il

éveilleenmoiunesorted’appréhension.»— « La remarque qu’elle a entendue, en anglais, concernant le retour des vaisseaux

transportantlesesclaves?»demandai-je.—«Oui,»réponditSamos.Lorsquej’avaisinterrogélajeunefemmedanslescages,impitoyablement,lacontraignant

àévoquertous lesdétails,mêmelesdétailsquisemblaientapparemmentdérisoiresetsansimportance,elles’étaitsouvenued’unechosequim’avaitparubizarre,troublante.Jen’avaispasbiencompris,maisSamosavaitmanifestédel’inquiétude.Ilconnaissaitmieuxquemoilesproblèmes liésauxAutres, lesKurii,etauxPrêtres-Rois.La jeune femmeavaitentenduuneremarque,assoupie,droguée,peuaprèssonarrivéesurGor.Nue,encoresousl’effetdeladrogue, l’anneau d’identification des Kurii à la cheville gauche, elle était couchée sur leventre, avec d’autres jeunes femmes, dans l’herbe fraîche de Gor. On les avait sorties descapsulesd’esclavedanslesquellesellesavaientététransportées.Elles’étaitsoulevéesurlescoudes, la tête pendante. Elle avait vaguement pris conscience du fait qu’on la retournait,qu’on la soulevaitpuisqu’on laportaitàunendroitdifférent,déterminéparsa taille,de lafile.Engénéral, la jeune femmequiest laplusgrandeoccupe la têtede laChaîne, la taillediminuant régulièrement jusqu’à l’autre extrémité, où se trouve la jeune femmequi est laplus petite. C’était uneChaîne ordinaire, que l’on appelle parfoisChaîne deMarche ; il nes’agissaitpasd’uneChaîned’Exposition;danslaChaîned’Exposition,ouChaînedeVente,ladisposition des jeunes femmes est souvent déterminée par diverses considérationsesthétiques oupsychologiques ; par exemple, on fait alterner les blondes et les brunes, lesjeunes femmes voluptueuses et les jeunes femmes minces, vives, les aristocrates et lespaysannes douces, et ainsi de suite ; parfois, on place une belle jeune femme entre deux

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autresquilesontmoins,afindesoulignersabeauté;parfois,ongardelaplusbellepourlafinde laChaîne ;parfois,onutilise laChaînepourclasser les jeunes femmes, laplusbelleétantplacéeen têteet lesautres luttantcontinuellementpourgagnerdesplaces.On l’avaitjetéeàplatventredansl’herbepuisonluiavaitplaquélebrasgauche,tendu,lelongducorps.Elle avait entendu le tintement de la chaîne puis le cliquetis périodique des anneaux. Ellesentit la chaîne froide sur l’arrièrede ses cuisses.Puis, sur sonpoignetgauche, se refermal’anneauetellefutégalementunefilleenchaînée.Unhommesetenaitnonloind’elle,notantdes indicationsdansunregistre.Quand l’anneaud’identification lui futretiré,aprèsqu’elleeûtétéenchaînéeparlepoignet,l’hommechargédecesopérationsavaitditquelquechoseàceluiquis’occupaitduregistreetuneindicationavaitéténotée.Quandlesfillesfurenttoutesenchaînées, leresponsableduregistreavaitsignéunpapieret l’avaitdonnéaucapitaineduvaisseau.Ellecompritqu’ildevaits’agird’unreçuconcernant lamarchandise.Lacargaison,apparemment,était correcte.Elleavait tiré faiblementsur l’anneauqu’elleavaitaupoignetmais, naturellement, il l’immobilisait. C’est à cemoment-là que le responsable du registreavaitdemandéaucapitaines’il reviendraitbientôt.Leresponsableduregistreavait l’accentgoréen.Lecapitaine,supposa-t-elle,neparlaitpasgoréen.Lecapitaineavaitrépondu,selonelle,qu’ilnesavaitpasquandilreviendrait,qu’ilavaitreçudesordresetqu’iln’yauraitplusde voyages aussi longtemps que d’autres ordres ne seraient pas transmis. Elle assista audépartduvaisseau;elleavaitconsciencedel’herbesoussoncorps,delachaîneposéesursescuisses, de l’acier de l’anneau qu’elle avait au poignet gauche. Elle sentit la chaîne glisserlorsquesavoisinebougea.Sonpoignetgauchefutlégèrementdéplacé.Ellesétaientcouchéesà l’ombre d’un arbre, invisibles depuis le ciel. Il leur était interdit de se lever. Lorsqu’unejeunefemmecria,onluidonnadescoupsdebadine.MissPriscillaBlake-Allenn’avaitpasosécrier.Aprèslatombéedelanuit,onlesavaitfaitmonterdansunchariot.

«Pourquoi,»demandaSamos,«lesvaisseauxcesseraient-ilsleuractivité?»—«Uneinvasion?»m’enquis-je.— « Peu probable, » répondit Samos. « Si une invasion devait être lancée, il est

vraisemblable que le trafic d’esclaves continuerait. Son interruption alerterait les Prêtres-Rois.Engénéral,onneprovoquepasunétatd’appréhensionoudeméfiancechez l’ennemiquel’onveutattaquer.»

—«Celamesembleexact,»reconnus-je,«saufsilesKuriiestimentquecemouvementadeschancesdeprendre lesPrêtres-Roisparsurprisedu faitqu’il est tropévidentpourêtreconsidérécommelepréluded’uneguerre.»

— « Mais cette possibilité, de toute évidence, » releva Samos avec un sourire, « seravraisemblablementpriseenconsidérationparlessouverainsdesSardar.»

Jehaussailesépaules.Ilyavaitlongtempsquejen’étaispasallédanslesSardar.«Celasignifiepeut-êtrequ’une invasionseprépare,»repritSamos.«Mais jecroisque

lesKurii,quisontdescréaturesrationnelles,neprendrontpaslerisqued’uneguerretotaleavant d’être sûrs de son issue. Je crois qu’ils ne sont pas encore prêts. L’organisation desKurii indigènes, qui constituait un magnifique service d’espionnage, et étaitvraisemblablement conçue, au départ, comme telle, ne leur a fourni que peud’informations.»

Je souris. L’invasion des Kurii indigènes du Nord, descendants des survivants devaisseauxkurii,avaitétéarrêtéeauTorvaldsland.

«Jecrois,»conclutSamos,«qu’ilnes’agitpasd’uneinvasion.»Ilm’adressaunsourirelugubre.«Ils’agit,àmonavis,dequelquechosequirendraituneinvasioninutile.»

—«Jenecomprendspas,»reconnus-je.

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— « J’ai très peur, »me confia Samos. Je le regardai. Je l’avais rarement vu ainsi. Jeregardai sonvisage lourdet carré,brûlépar le vent et le seldeThassa, ses yeux clairs, sescheveuxblancsetcourts,lespetitsanneauxd’orqu’ilportaitauxoreilles.Sonvisagesemblaitavoirperdusescouleurs.Jesavaisqu’ilpouvait,sansreculer,affrontercentépées.

—«Qu’est-cequirendraitl’invasioninutile?»m’enquis-je.—«J’aitrèspeur,»réponditSamos.—«Tuasditquetuavaisd’autresinformations,»rappelai-je.—«Deuxchoses,»réponditSamos.«Suis-moi.»Jelesuivisdansdenombreuxcouloirs,

descendisdesescaliers.Bientôt, lesmursdevinrenthumideset je comprisquenousétionssouslescanaux.Nousfranchîmesdesportesauxbarreauxépais,soigneusementgardées.Desmotsdepasse,correspondantauxdifférentsétagesetpartiesdelademeure,furentéchangés.Ilyenavaitchaquejourdenouveaux.Àunmomentdonné,noustraversâmesunsecteurdescages.Quelques cellules, avec leursbarreaux sculptés, leurs tentures rouges, leurs cuvettesde cuivre, leurs couvertures, leurs coussins et leurs lampes, étaient très confortables ;quelques-unesavaientplusd’unoccupant;quelquesjeunesfemmesétaientautoriséesàsemaquiller, à porter des soieries d’esclave ; en général, cependant, les filles des cages sontnues,àl’exceptiondeleurcollieretdeleurmarque,commelesesclavesmâles;letailleur,leparfumeur, le coiffeur les transforment alors suivant leurs instructions ; toutefois, pourl’essentiel,lescagesnesontpasaussiconfortables;engénéral,ils’agitsimplementdecagesmétalliques;quelques-unessontdescubesdeciment,avecunepetitegrillecoulissantesurledevant, posés les uns sur les autres contre les murs ; à un moment donné, nousempruntâmesunepasserellemétalliquedominant les cages ;nous traversâmesdeux sallesde préparation ; donnant sur un couloir, il y avait une infirmerie, avec desmatelas et deschaînes ; nous traversâmes des salles de gymnastique, des salles d’entraînement ; noustraversâmesunesalledemarquage;j’yvisdesfersmaintenusaurouge;noustraversâmeségalement la salle redoutableoù les esclavesétaient châtiés ;des fouets étaient suspendusauxmursetilyavaitunegrandetableenpierre.

Tandis que nous passions devant les cages, les esclaves mâles nous regardaientlugubrement;engénéral, les femmesreculaient.Unejeunefemmepassa lesbrasentre lesbarreaux.

«Jesuisprêteàêtrevendueàunhomme,»sanglota-t-elle.«Vends-moi!Vends-moi!»Un garde donna un coup de fouet sur les barreaux, juste devant son visage, et elle reculaprécipitammentjusqu’aufonddesacellule.

«Ellen’estpasencoreprêtepourl’estrade,»relevai-je.—«Non,»réponditSamos.Sielleavaitétéagenouilléecontre lesbarreaux, lesgenouxpassésentre lesbarreaux, le

corps, le visage, pressés contre eux, les bras tendus, acceptant que ses bras soient fouettésdans l’espoir vague de toucher le corps du gardien, alors peut-être aurait-elle été assezchaude.Ilestfréquentquelesfillesqu’onenvoiesurl’estradesoienttremblantes,brûlantesde passion. Souvent, elles frémissent et frissonnent à lamoindre caresse du commissaire-priseur. Parfois, à l’insu des acheteurs, on les excite au pied de l’estrade, mais on ne lessatisfait pas. On les voie alors, nues, sur l’estrade, et on les vend dans cet état cruel defrustration.Leurvolontéd’intéresser lesacheteursà leurchairestparfoisextraordinaire. Ilarrivequ’elleshurlentdedésespoir,désirantardemment l’achèvementdecequiaétéfaitàleurcorps.J’aivudesfillesquelecommissaire-priseurdevaitécarterdeluiàcoupsdepoing,simplement pour pouvoir les présenter correctement. Ces filles, naturellement, sont desesclavesquiontdéjàeuunmaître.Lesfemmesquin’ontpasétéprécédemmentpossédées,

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essentiellement les femmes libres, même lorsqu’elles sont nues et portent un collier, necomprennent pas leur sexualité. Seul un homme, lorsqu’elles sont complètement sous sadomination,peutlaleurenseigner.Unefemmenonpossédée,doncunefemmelibre,nepeutjamaisfairetotalementl’expériencedesasexualité.Parconséquent,bienentendu,l’hommequi n’a jamais serré une femme possédée dans ses bras ne pourra jamais comprendrecomplètement sa virilité. Le désir sexuel, cela mérite d’être mentionné, est diversementconsidéréparlesfemmeslibres;ilestobligatoire,toutefois,chezlesesclaves.Oncroitquelapassionentrave,dansunecertainemesure,lalibertéetl’intégritédelafemmelibre;elleestmalconsidéréeparcequ’ellel’amèneàsecomporter,dansunecertainemesure,commeuneesclave;lesfemmeslibres,parconséquent,pourprotégerleurhonneuretleurdignité,leurliberté et leur intégrité, leur individualité, doivent lutter contre la passion ; l’esclave,naturellement,n’apasdroitàceprivilège;illuiestrefuséparsonmaîtreetparlasociété;alorsquelafemmelibredoitrestercalmeetmaîtressed’elle-même,mêmeentrelesbrasdesoncompagnon,pouréviterd’êtrevéritablement«possédée»,l’esclavenepeutsepermettreceluxe;cesontlesmainsdesonmaîtrequidécidentpourelleetelledoit,aumoindremotdesonmaître, s’abandonner, frémissante, aux chaleurs humiliantes de l’extase de l’esclave. Iln’yaquelafemmepossédéequipuissevéritablementprocurerduplaisir.

Unurtsoyeux,àlafourruremouillée,mefrôlalajambe.«Nousysommes,»annonçaSamosauboutd’uncouloir,undesplusprofondsdescages.

Ils’arrêtadevantuneporteépaisse,renforcéeavecdumétal,etdonnaunmotdepasse.Elles’ouvrit. Derrière, il y avait un autre couloir, mais plus court. Il était sombre et humide.Samos prit la torche d’un garde et se dirigea vers une porte. Il regarda par le petit judas,levant la torche. Puis il ouvrit le verrou et, plié en deux, entra dans la pièce. À l’intérieur,stagnaitunepuanteurd’excréments.

«Qu’est-cequetupensesdecela?»s’enquitSamos.Illevalatorche.Laformeenchaînéenebougeapas.Samospritunbâtonquisetrouvaitprèsdelaporte,

aveclequellegardienpoussaitlesbolsd’eauoudenourritureverslaforme.Laformeétaitapparemmentsoitmorte,soitendormie.Jenel’entendaispasrespirer.Unurtcourutsoudain,brusquement,versunefissuredumur.Ildisparutàl’intérieur.Samos toucha la forme avec son bâton. Soudain, elle se retourna et lemordit, les yeux

étincelants.Ellesejetaenavant,malgrésesquatrecentskilos,arrêtéecependantparlessixchaînesqui l’immobilisaient,chaquechaîneétantfixéeàunanneaudistinct,contrelemur.Les chaînes tirèrent plusieurs fois sur les anneaux. La créature voulut nous mordre. Sesgriffessortirent,rentrèrent,sortirentànouveaudesesappendicesàsixdoigtstentaculaires.Je regardai le museau plat, parcheminé, les yeux avec leur pupille noire et leur cornéejaunâtre, les oreillesplaquées contre le crâne, la gueule énorme, arméede crocs, si grandequ’elleauraitpucontenirlatêted’unhomme.J’entendislesanneauxcrisserdanslapierre.Maisilstinrentbon.J’écartailamainquej’avaisposéesurlepommeaudemonépée.

L’animals’assitcontrelemur,nousregardant.Ilbattaitdespaupières,àprésent,àcausedelalumièredelatorche.

«C’estlepremierquej’aievuvivant,»soulignaSamos.Unjour,danslesruinesd’uneSalleduTorvaldsland,plantéesurunpieu,ilavaitvulatête

d’unanimalsemblable.«C’estunKur,aucundoute,»dit-il.—«Oui,»répondis-je.«C’estunKuradulte.»—«Etungros,n’est-cepas?»demandaSamos.

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—«Oui,»répondis-je,«maisj’enaivubeaucoupquiétaientplusgros.»—«Selonnosestimations,»fitSamos,«cen’estqu’unanimal;iln’estpasrationnel.»Jesouris.Il était enchaîné en six endroits : les poignets, les chevilles, la taille et le cou. Chaque

chaîneauraitpuimmobiliserunboskouunlarl.Ilgronda,ouvrantsagueulearméedecrocs.—«Oùl’as-tucapturé?»m’enquis-je.—«Je l’aiachetéàdesChasseurs,»expliquaSamos.« Ilaétécapturéausud-estd’Ar

alorsqu’ilsedirigeaitégalementverslesud-est.»—«Cela semblebizarre,» relevai-je.Rares étaient lesGoréensqui s’aventuraientdans

cettedirection.—«C’est vrai, » reconnut Samos. « Je connais le chef desChasseurs. Ses déclarations

étaientclaires.Sixhommesontététuéspendantlacapture.»L’animal,apparemmentassoupi,nousregardait.—«Maisqu’est-cequ’unKurpouvaitbienfairelà-bas?»demandai-je.—«Ilestpeut-êtrefou,»suggéraSamos.—«PourquoiunKurentreprendrait-iluntelvoyage?»demandai-jedenouveau.Samoshaussalesépaules.—«Nousn’avonspaspucommuniqueraveclui,»répondit-il.«LesKuriinesontpeut-

êtrepastousrationnels,»poursuivit-il.«Peut-êtrecelui-ci,commed’autres,probablement,n’est-ilqu’unanimalféroce.»

Jeregardailacréaturedanslesyeux.Seslèvresseretroussèrentlégèrement.Jesouris.«Nousl’avonsbattu,»repritSamos.«Nousl’avonsfouetté,frappé.Nousl’avonsprivéde

nourriture.»—«Latorture?»demandai-je.—«Ilneréagitpasàlatorture,»réponditSamos.«Jecroisqu’iln’estpasrationnel.»—«Quelétaittonobjectif?»demandai-jeàl’animal.«Quelleétaittamission?»L’animalneréponditpas.Jemelevai.«Regagnonslasalle,»dis-je.—«Trèsbien,»réponditSamos.Nousquittâmeslacellule.Lachevillegauchedeladanseusedécrivaitdepetitscerclessurlamosaïquedusol,dans

letintementdesclochettesetlecontrepointdescymbalesquelleavaitauxdoigts.Leshommeslevèrentleursgobelets,saluantSamos,lorsquenousentrâmesdanslasalle.

Nousrépondîmesàleursalut.DeuxGuerriers,desgardes, tenaient,entreeux,uneesclaveà lapeausombre.Elleavait

de longs cheveux noirs. Ses bras étaient étroitement serrés contre ses flancs, ses poignetscroisésetattachésdansledos.Ilslafirentsecourberdevantnous.

«Unemessagère,»annonçal’und’entreeux.Samosm’adressaunbrefregard.Puis,àundesconvives,quiportaitlesrobesvertesdes

Médecins,ildit:«Obtienslemessage.»«Àgenoux!»ordonna-t-ilàlafille.Elles’agenouilla.Illadominaitdetoutesataille.«À

quiappartiens-tu?»demanda-t-il.— « À toi, Maître, » répondit-elle. Il est fréquent que la jeune femme soit donnée au

destinatairedumessage.—«Àquiappartenais-tu?»demandaalorsSamos.

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— « J’ai été achetée anonymement dans les cages publiques de Tor, » répondit-elle.Certaines cités commeTor, faisaient du trafic d’esclaves, achetant des filles invendues auxcaravanes et les revendant, avec bénéfice, à d’autres Maîtres de Caravane. En outre, lesGuerriersdelacitérecevaientuneprimepourtoutefemmecapturéedansunevilleennemie,généralementuntarskd’argentpourunefemmeordinaireenbonnesanté.

—«Tunesaisniquit’aachetéenipourquoi?»résumaSamos.—«Non,Maître,»répondit-elle.Elleignoraittoutdumessagequ’elleportait.—«Commentt’appelles-tu?»s’enquitSamos.—«Veema,»répondit-elle,«sicelaconvientauMaître.»—«QuelétaittonnumérodanslescagesdeTor?»demandaSamos.—«87432,»répondit-elle,«Maître.»LereprésentantdelaCastedesMédecins,prèsdequisetenaitunautrehommeavecune

cuvette,posalesmainssurlatêtedelafemme.Ellefermalesyeux.—«Danscescas,»dis-jeàSamos,«tuignoresdequiprovientcemessage.»—«Oui,»acquiesça-t-il.LeMédecinsoulevaleslongscheveuxdelafemme,posantlerasoirsursanuque.Satête

étaitpenchéeenavant.Samos tourna le dos à la femme. Ilmemontra un homme qui était assis à l’extrémité

d’unedes tables basses. Il ne buvait ni vinni Paga. L’homme, ce qui était rare àPortKar,portait le kaffiyeh et l’agal. Le kaffiyeh est un foulard carré, plié en deux pour former untriangleetposésurlatête,unepointesurchaqueépauleetl’autredansledos,pourprotégerlanuque.Ilestattachésurlatêteparplusieurstoursd’unecordequel’onappelle:agal.Lacordeindiquelatribuetlarégion.

Nousallâmesprèsdel’homme.«VoiciIbnSaran,MarchanddeSelduportfluvialdeKasra,»leprésentaSamos.LeSelRougedeKasra,ainsinomméenraisonduportd’oùilprovenait,étaitcélèbresur

toutGor.Ilétaitextraitdefossesetdeminessecrètesdel’intérieur,attaché,dansdelourdscylindres,sur ledosdekaiilasdetrait.Chaquecylindre,attachéauxautresavecdescordes,pesaitapproximativementdixPierres,c’est-à-direunevingtainedekilos,un«Poids»goréen.Unbonkaiilapouvaitporterseizecylindressemblables,maislechargementnormalétaitdedix.Leschargementssecomposentdenombrespairs,naturellement,afinquelefardeausoitéquilibré.Lekaiilamalchargétransporteunfardeaubeaucoupmoinslourdqueceluidontlechargementestrégulièrementplacé.

« IbnSaran, au coursde cesderniersmois, a entenduparlerd’une chose étrange,»ditSamos. « Je l’ai apprise par un Capitaine qu’il connaît, avec qui je me suis récemmententretenu sur le Quai du Sel. » Samos présidait le Conseil des Capitaines de Port Kar,assembléequirégnaitsurlaCité.Ilétaitrarequelesévénementsintéressantsnesoientpasportésàsonattention.

— « Le Noble Samos s’est montré extrêmement courtois, » souligna Ibn Saran. « Sonhospitalitéaétéextrêmementgénéreuse.»

Je tendis lamain à Ibn Saran qui, s’inclinant deux fois, passa deux fois légèrement lapaumedesamaincontrelamienne.

«Jesuisheureuxdefairelaconnaissancedeceluiquiestl’amideSamosdePortKar,»dit Ibn Saran. « Puissent tes outres ne jamais être vides. Puisses-tu ne jamais manquerd’eau.»

— « Puissent tes outres ne jamais être vides, » répondis-je. « Puisses-tu ne jamais

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manquerd’eau.»—«Voudrais-tu,NobleIbnSaran,»demandaSamos,«raconteràmonamicequetuas

entendudireàKasra.»—«Cettehistoireaétéracontéeparunpalefrenierdekaiilas.Sacaravaneétaitpetite.Elle

aétéprisedansunetempêteetunkaiila,rendufouparleventetlesable,acassésalongeets’est enfuidans l’obscurité.Stupidement, le jeunegarçon l’a suivi.L’animal transportaitdel’eau.Aumatin,latempêteétaitpassée.Lejeunegarçoncreusaunetranchéedeprotection.Aucamp,onorganisalaroue.»

Latranchéedeprotectionestunetranchéeétroite,d’unmètrecinquantedeprofondeuretd’unesoixantainedecentimètresde large.Le sable, sous l’effetdusoleil,peutatteindreensurfacedestempératuresdeplusdesoixantedegrés.Poséessurdespierres,desplaquesdemétaldesoixantecentimètresdelongetvingtcentimètresdelargesontparfoisutiliséesparlesfemmesnomadespourfairegrillerlanourriture.Unesoixantainedecentimètressouslasurface, la température est déjà beaucoup moins élevée. En outre, et surtout, la tranchéefournit de l’ombre. La température de l’air dépasse rarement cinquante degrés à l’ombre,même dans le Pays des Dunes. Bien entendu, on creuse toujours la tranchéeperpendiculairementàl’axedusoleil,afinqu’ellefournisseunmaximumd’ombrependantlepluslongtempspossible.

Lorsqu’on est seul et qu’on n’a pas d’eau, on ne marche pas de jour, dans les sables.Bizarrement, en raison de l’absence d’eau en surface, les nuits, lorsque le soleil a disparu,sont fraîchesetmême,parfois, froides.Parconséquent, lorsqu’onn’estpasencaravane,onmarchedenuit.Laconservationde l’eauducorpsestunparamètrecapitalde lasurvie.Onbougepeu.Ontranspirelemoinspossible.

La « roue » est une structure de recherche. Bergers, gardes et palefreniers quittent lecamp suivant un « rayon » de la roue, s’espaçant à intervalles réguliers. Le nombred’hommes détermine la longueur du rayon.Aucunmembre de la caravane ne s’éloigne ducampdeplusdelalongueurdurayoncorrespondantàunecaravanedonnée.Lejeunegarçon,parexemple,vraisemblablement,s’ilavaittoutesatête,n’auraitpassuivilekaiilaau-delàdu«bord»dela«roue».Tandisquela«roue»tourneautourdesonaxe,lecamp,leshommestracent,àintervallesréguliers,desflèchesdanslesableoulapoussière,oubien,s’ilyadespierres, les disposent en flèches pointées vers le camp. Quand les recherches sontabandonnées,qu’ellessesoientsoldéesparunsuccèsouparunéchec,cespointsderepèresontdétruitsdepeurqu’onnelesconfondeavecdesflèchesd’eau,indiquantlapositiondespuits, des citernes souterraines ou des oasis. Les kaiilas de caravane, incidemment, lesanimaux de trait comme les montures des gardes, ont de nombreuses clochettes. Celacontribueàlacohésiondesanimaux,rendlesdéplacementsdanslenoirplusfacileset,dansunpaysoùonvoitrarementau-delàdeladunesuivante,constitueunimportantfacteurdesurvie. Sans les clochettes, les caravanes, lentes et généralement silencieuses, pourraientpassersans le savoiràquelquesmètresd’hommesayantdésespérémentbesoindesecours.Leskaiilasdespillards,incidemment,n’ontjamaisdeclochettes.

« Vers midi, » poursuivit Ibn Saran, « on retrouva le jeune garçon. En entendant lesclochettes de la monture d’un garde, il sortit de sa tranchée et, attirant l’attention del’homme, futsecouru.Bienentendu, il futsévèrementbattuparcequ’ils’étaitéloignéde lacaravane.Lekaiilarentraseul,plustard,parcequ’ilavaitfaim.»

—«Quellehistoireracontalejeunehomme?»m’enquis-je.—«Cequ’iladécouvertenpoursuivantlekaiila,»réponditIbnSaran.«Surunrocher,ce

messageétaitgravé:«Méfie-toidelatourd’acier.».Troublant,n’est-cepas?»

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Samosmeregarda.Pourmoi,celanesignifiaitpratiquementrien.«Prèsdurocher,»repritIbnSaran,«couvertdecloques,noirciparlesoleil,desséché,ne

pesant pas plus qu’un enfant ou une femme, il y avait un homme. Il avait déchiré sesvêtementsetbudusable.»

Sa mort n’avait certainement pas été douce. Il était vraisemblablement devenu fou,croyantavoirtrouvédel’eau.

«Comptetenudesesvêtements,»poursuivitIbnSaran,«ils’agissaitd’unpillard.»—«Yavait-ilunkaiila?»m’enquis-je.—«Non,»réponditIbnSaran.—«L’hommevenait-ildeloin?»demandai-je.«Depuiscombiendetempsétait-ildans

ledésert?»—«Jenesaispas,»ditIbnSaran.«Connaissait-ilbienledésert?Avait-ildel’eau?»L’homme avait pu parcourir des milliers de pasangs avant que son kaiila meure, ou

s’enfuie.—«Depuiscombiendetempsétait-ilmort?»demandai-je.IbnSaraneutunmincesourire.—«Unmois,»répondit-il.«Unan?»Dansledésert,ladécompositionesttrèslente.Onaretrouvé,bienconservés,lescadavres

d’hommes tués plus d’un siècle auparavant. Il est rare de trouver des squelettes, dans ledésert,saufsilescadavresontétédévorésparlesanimauxoulesoiseaux.

—«Méfie-toidelatourd’acier,»répétai-je.—«Cettephraseétaitgravéesurlerocher,»précisaIbnSaran.—«Pouvait-ondéterminerladirectiond’oùvenaitl’homme?»demandai-je.—«Non,»réponditIbnSaran.—«Méfie-toidelatourd’acier,»ditàsontourSamos.Jehaussailesépaules.Samosselevaet,effleurantpardeuxfoislapaumed’IbnSaran,pritcongé.Jeremarquai

qu’IbnSarannemangeaitqu’aveclamaindroite.C’étaitlamaindelanourritureetlamainducimeterre.Ilnesenourrissaitqu’aveclamainqui,maniantl’acier,pouvaitfairecoulerlesang.

Ladanseusetournoyaprèsdenous,puism’enveloppadanssonvoile.Dansl’intimitéduvoile qui nous entourait, elle fit onduler lentement son corps devant moi, les lèvresentrouvertes, gémissant. Je la pris dansmes bras. Sa tête était rejetée en arrière, ses yeuxfermés. Ensemble, nous goûtâmes le sang et le rouge de sa soumission. Elle s’écartalégèrement, du sang au coin de la bouche. Ma main, refermée sur sa nuque délicieuse,l’empêchaitde s’éloigner.Lentement, j’écartai le voile, le jetai.Puis, avec lamaindroite, lequiva tuchuk serré dedans, la tenant toujours avec la gauche, tandis qu’elle continuait debougeraurythmedelamusique,jecoupaisesbretelles.Puisjelapoussaidevantlestablesafinqu’elledonnedavantagedeplaisirauxinvitésdeSamos,PremierMarchandd’EsclavesdePortKar.Ellem’adressaunregarddereprochemais,voyantmesyeux,setournaavecfrayeurversleshommes,lesmainsau-dessusdelatête,pourlessatisfaire.Soncorps,bienentendu,n’avaitjamaiscessédebougeraurythmedelamusique.Leshommescrièrent,satisfaitsdesabeauté.

« La messagère est prête, » annonça l’homme qui portait le vert des Médecins. Il setournaverssonvoisin;illaissatomberlerasoirdanslacuvette,s’essuyalesmainsdansuneserviette.

Lafemme,attachée,étaitàgenouxentrelesgardes.Sesyeuxétaientpleinsdelarmes.Satêteavaitétécomplètementrasée.Ellen’avaitpaslamoindreidéedecequiétaitécritdessus.

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Onconfiecetypedemessageàdesanalphabètes.Àl’origine,onluiavaitrasélatêteavantdelui tatouer lemessagesur lecrâne.Ensuite,onavait laissésescheveuxrepousser.Seule lafemmesavaitqu’elleétaitporteused’unmessageetelleenignoraitlateneur.Mêmeceuxquiavaientétépayéspour la livrerdans laDemeuredeSamosne la considéraientquecommeunemarchandiseordinaire.

Je lus lemessage. Il indiquaitsimplement :«Méfie-toid’Abdul.».Nous ignorionsd’oùvenaitlemessageetquil’avaitenvoyé.

«Emmenezlafemmedanslescages,»ditSamosauxgardes.«Avecdesaiguilles,effacezlemessage.»

Onfitbrutalementleverlafemme.ElleregardaSamos.«Ensuite,» repritSamos, s’adressantauxgardes,«utilisez-la commeEsclavedePeine

dans les cages, principalement au nettoyage. Un mois avant que ses cheveux aientcomplètement repoussé, quand elle sera bonne à vendre, mettez-la dans une cage destimulationetdonnez-luiuneformationintensive.»

Lafemmeluiadressaunregarddésespéré.«Ensuite,vendez-la,»conclutSamos.La cage de stimulation est une cage aux barreaux sculptés, basse de plafond ; elle est

plutôtgrande,endehorsduplafondbas,quisetrouveàenvironunmètrecinquantedusol.Lafemmenepeutseleversansbaisserlatêteensignedesoumission.Dansunetellecage,etpendant la formation, quand elle n’est pas dans la cage, la femme logée dans une cage destimulationn’estpasautoriséeàregarderleshommesdanslesyeux,mêmelesesclaves.Ceciest destiné, psychologiquement, à rendre la femme extrêmement timide devant lesmâles.Lorsqu’onlavend,etseulementàcemoment-là,silemaîtrelesouhaite,ilpeutluidire:«TuesautoriséeàregardertonMaîtredanslesyeux.».Quand,effrayée,tendre,timide,ellelèvelesyeuxverslui,s’ildaigneluisourire,lafemme,joyeuseetreconnaissante,autoriséeenfinàposer les yeux sur un autre être humain, tombe souvent à genoux devant lui, esclave enadoration. Quand elle le regardera à nouveau, son regard sera grave et elle baisserarapidement la tête, effrayée. « Je vais essayer de bien te servir, Maître, » souffle-t-elle.L’ameublementdelacelluledestimulationestconçuenfonctiondel’effetqu’ilproduitsurl’esclave. Il y a des pinceaux, des parfums, du maquillage, des bijoux, des colliers, desbracelets,desanneaux,desbagues;iln’yapasdevêtements;ilyaégalementdescoussins,des cuvettes en cuivre et des lampes en étain. Surtout, il y a également des surfaces detextures diverses, une épaisse couverture, des satins, des soieries, de la laine de kaiilagrossièrement tissée, des brocarts, du reps, des couvertures de cuir, un coin dallé, unefourruredesleen,destissusornésdeperles,desnattesderoseau,etc…L’objectifdececiestd’aiguiser les sensde l’esclave,nueà l’exceptionde soncollier etdesparfums,produitsdemaquillage ou bijoux qu’elle porte conformément aux directives de son instructrice, afinqu’elleéprouveetressenteavecunevigueurexceptionnelle;lessensetlapeaudenombreuxêtres humains sont, en fait, morts au lieu d’être aiguisés et sensibles à des centaines dedifférencessubtilesdetempérature,d’ambiance,desurfaceoud’humidité,parexemple.Unefemmedont les senset le corps sontvivants est,naturellement,beaucouppluspassionnéequecelledont lessenset lecorpsdorment.Lapeauelle-même,chezunefemmeentraînée,devientunorganesensorielmagnifiqueetmerveilleusementsubtil.Lamoindreparcelledel’esclave,sielleestcorrectementformée,estvivante.Celaapourobjectif,naturellement,delarendreplussensibleàlacaressedesonmaître.Lorsqu’elles’abandonneàlui,lesentraillesdéchirées par l’amour qu’elle éprouve pour lui, c’est, naturellement, une esclave beaucoup

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plussatisfaisante.Ceshumiliations,bienentendu,nesontpas infligéesaux femmes libres.On leur permet de traverser la vie les yeux mi-clos, pour ainsi dire. C’est ainsi qu’ellespréserventleurdignité.Parfoisfrigides,ilarrivequelesfemmeslibresgoréenneshurlentdecolère, ne comprenant pas pourquoi leur compagnon les a abandonnées pour aller à lataverne ; là,naturellement,pour leprixd’unetassedePaga, ilpeutavoirunefillevêtuedesoie, avec des clochettes : une esclave ; la femme libre doit s’opposer à son compagnon,dénonçantsesdésirs ; cependant, les fillesdouces,auxyeuxnoirs, sensuelles,des tavernessonttropoccupéespourcela;ellesn’ontpas letempsdedénoncer lesdésirsdesclientsdeleur maître ; elles sont trop occupées à les servir et les satisfaire. L’instructrice dirige lafemmedanslacage,oudanslesexercices,s’occupant,observant,prescrivant,latransformantaveccompétenceenunanimaldomestiquesensible,uneesclavegoréenne,avecsoncollier,asservie,capablederendreunhommefoudedésir,puisdeservircedésir,vulnérablement,fréquemment et absolument. La femme fut traînée dehors, entre les deux gardes. Je medemandai ce que l’instructrice prescrirait pour elle. Les femmes diffèrent, les instructricesdiffèrent. Je regardai brièvement la jeune femme blonde à genoux dans un coin, MissPriscillaBlake-Allen.Àlaplacedel’instructrice,audébutdumoins,puisplustard,pourluiapprendre ladiscipline, je lui aurais fait porter leharnaisde cordedes esclaves.Aprèsunenuitdansuntelharnais,lespoignetsattachésdansledosafinqu’ellenepuissepasleretirer,elleseraitprobablementdocileetveilleraitàbienprofiterdesesleçons.

Quandlafemmeeutfranchilaporteconduisantauxcages,jemetournaiversSamos.—«QuiestAbdul?»demandai-je.Samos,troublé,meregarda.«QuiestAbdul?»répétai-je.—«Jenesaispas,»réponditSamos.Ilmetournaledosetregagnasaplacederrièrela

tablebasse.Les convives ne faisaient guère attention à nous. Tous les regards étaient fixés sur la

danseuseauxcheveuxnoirs, larobedesoiediaphaneetécarlateondulantsurseshanches.Sesmainsbougeaientcommesi,follededésir,ellecueillaitdesfleurssurlemurd’unjardin.Oncroyaitvoirlesbranchessurlesquellesellelesramassaitavantdelesporteràseslèvreset,detempsentemps,ellesepressaitcontrelemurquilaretenaitprisonnière.Puiselleseretournaitet,commesielleavaitétéseule,dansaitsondésirdevantleshommes.

« Il y a là de nombreuses choses qui semblent dépourvues de sens, » releva Samos.«Pourtant, ildoityavoirunsens,unestructure.»Avecunefourchettedécoréed’unmotifturien, Samos frappa le plateau de la table. Il me regarda. « Dernièrement, il ne s’estpratiquementrienpassédanslaguerrequiopposelesPrêtres-RoisauxAutres.»

—«Méfie-toid’unennemisilencieux,»luirappelai-je.Samossourit.—«Exact,» fit-il.Puis il tendit la fourchettevers la jeuneAméricaineprisonnièred’un

harnaisdecuir,àgenouxsurlesdalles,ànotredroite,entredeuxgardesarmésdelances.Leshampes épaissesdes lances étaientposées à ses côtés.Elle avait lespoings serrésdans lesbouclesdecuirdesonharnais,immobiliséscontresescuissespardeslanières.«Nousavonsapprisparcetteesclave,»dit-il,montrantMissBlake-Allen,«que,fauted’ordresàvenir,letraficd’esclavesentrelaTerreetGoraétésuspendu.»

—«Oui,»dis-je.—«Pourquoi?»demanda-t-il.—«Letrafica-t-ileffectivementcessé?»demandai-je.— « Les informations en provenance des Sardar, » répondit Samos, « indiquent qu’il a

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effectivementcessé.Iln’yaeunidétectionnipoursuitedepuistroissemaines.»Lasemainegoréennecomportecinqjours.Chaquemoissecomposedecinqsemaines.À

lafindechaquemois,quisontaunombrededouze,lesséparant,ilyauneMainTransitoiredecinqjours.LadouzièmeMainTransitoireestsuivied’uneMainPatiente,périodedecinqjoursprécédantl’ÉquinoxedePrintemps,quimarquelenouvelangoréen.Onétaitalorsàlafinde l’hiverde l’an3de lasouverainetéduConseildesCapitaines,àPortKar, l’an10122C.A., Constata Ar, depuis la Fondation d’Ar. Il y avait douze mois que j’étais rentré duTorvaldsland,oùj’avaisrégléquelquesaffairesaufildel’épée.

— « En outre, » ajoutai-je « un animal est prisonnier dans tes cellules, et il s’agitmanifestementd’unKur.»

—«Ilsembleirrationnel,»relevaSamos.«Cen’estqu’unanimal.»—«Jecroisqu’ilestrationnel,»affirmai-je.«Sonintelligence,àmonavis,estégaleàla

nôtre,sinonsupérieure.»Samosmedévisagea.«Bienentendu, ilneparlepeut-êtrepas legoréen.Raressont lesKuriiqui lesavent. Il

leurestextrêmementdifficiledel’apprendre.»—«Ladirectiondanslaquelleilallait,a-t-elleunsenspourtoi?»demandaSamos.—«Oui,»répondis-je.—«Bizarre,»fitSamos.L’animalavaitétécapturéausud-estd’Aralorsqu’ilsedirigeaitverslesud-est.Cechemin

le conduisait au pied des premiers contreforts orientaux des Voltaï, puis au sud. C’étaitincroyable.

«Quipeutbienvouloirallerdansuntelendroit?»demandaSamos.— « Les caravanes, qui le traversent, » dis-je. « Les nomades, qui y font brouter leurs

troupeauxdeverrs.»—«Quid’autres?»s’enquitSamos.—«Lesfous?»fis-jeavecunsourire.—«Ouceuxquiontunobjectif,»estimaSamos.«Quelqu’unquiavaitquelquechoseà

faire,àcetendroit,quiavaitdesintentionsdéterminées?»—«Peut-être,»reconnus-je.—«Quelqu’unquiavaitunemission,quisavaitexactementcequ’ilcherchait?»—«Maisiln’yarien,là-bas,»soulignai-je.«Etseulslesfous,danscetterégion,quittent

lesitinérairesdescaravanes,quivontd’uneoasisàl’autre.»—«Unpalefrenier, jeunehommequis’étaitéloignédesoncamp,»rappelaSamos,«a

trouvéunrocher.Surcerocher,onavaitgravé:«Méfie-toidelatourd’acier.».Non?»—«Etlamessagère,»ajoutai-je.«Nousnesavonspas,jesuppose,quiestcetAbduletde

quinousdevonsnousméfier?»—«Non,»fitSamos,troublé.«Jeneconnaispasd’Abdul.»—«Etquiauraitenvoyécemessage,etpourquoi?»—«Jenesaispas,»ditSamos.Je regardaisdistraitement ladanseuse.Elleme fixait. Il semblaitqu’elleme tendaitdes

fruits mûrs, de gros larmas fraîchement cueillis. Ses poignets étaient l’un contre l’autre,comme s’ils étaient attachés par ses bracelets. Elle posa les larmas imaginaires contre soncorps,secaressantetondulantpuis, le regardpitoyable, tendit lesmainscommesiellemesuppliaitd’accepter les fruitsmûrs.Lesconvives frappèrent les tablesduplatde lamainetmeregardèrent.D’autressefrappèrentl’épaulegauche.Jesouris.SurGor,l’esclavedésirantsonmaître,maiscraignantparfoisdeluiparler,depeurd’êtrebattue,aquelquefoisrecoursà

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certains artifices dont la signification est généralement établie et culturellement biencomprise.Jementionneraideuxartificesdecetype.Ilya,d’abord,lenœudd’asservissement.Presque toutes lesesclavesgoréennesont lescheveux longs.Lenœudd’asservissementestunsimplenœud,faitdanslacheveluredelafemme,etqu’elleportegénéralementsurlajouedroiteoudevantl’épauledroite.Lajeunefemme,nue,s’approchedesonmaître,s’agenouille,lenœudd’asservissement,lâche,tombantsursajouedroiteoubiendevantsonépauledroite.Unautreartifice,fréquentàPortKar,exigedelafemmequ’elles’agenouilledevantlemaître,baisse la tête et lève les bras, lui offrant des fruits, généralement des larmas ou bien despêchesgoréennesjaunes,mûresetfraîches.Cesartifices,incidemment,sontparfoisutiliséspar des esclaves qui haïssent leurmaîtremais dont le corps, formé pour l’amour, ne peutsupporterl’absencedecaressesmasculines.Cesfemmes,malgréleurhaine,offrentparfoislelarma, furieuses contre elles-mêmes mais impuissantes, prisonnières de leurs désirsd’esclave,contraintesdemendieràgenouxlacaressed’unmaîtrerudequijouitdel’horreurdeleursituation; lessatisfera-t-il?sitelleestsavolonté,oui;sitellen’estpassavolonté,non.Cesfemmesnesontquedesesclaves.

La fille s’agenouilla devant moi, son corps soumis tremblant, palpitant aux ordressensuelsetmélodieuxdelamusique.

Je regardai les mains ouvertes, tendues vers moi. Les bracelets semblaient lesimmobiliser.Ellesparaissaienttenirungroslarma.Jetendislesbrasau-dessusdelatable,latirai,lafispivotersurelle-mêmeetlajetaisurledosdevantmoi,surlatable.Jelasoulevaietappuyaimeslèvressurlessiennes,écrasantseslèvresd’esclavesouslesmiennes.Sesyeuxétincelèrent.Jelarepoussai.Elletenditleslèvresversmoi.Jenelalaissaipasmetoucher.Jelarelevaibrutalementet,laretournantpartiellement,luiarrachaisarobedesoie,lajetaisurlesolreprésentantunecarteoùelleresta,àdemicouchée,àdemiaccroupie,unejambesouselle, esclavenueendehorsde son collier, samarque, sesbraceletsornésde clochettesauxpoignetsetauxchevilles,furieuse.

«Amuse-nousencore!»ordonnai-je.Sesyeuxlancèrentdeséclairs.«Etresteparterre,Esclave!»ajoutai-je.Lamusique,quis’étaittue,recommença.

Elle tourna, furieusemaisgracieuse, tendantune jambe, se touchant la cheville, faisantremonterlesmainslelongdesajambe,meregardantpar-dessusl’épaule,puiselleroula,setordit,commesouslefouetdumaître.

—«Tuluiapprendsbienladiscipline,»appréciaSamos.Jegrimaçaiunsourire.La jeune femme était à présent à plat ventre, pourtant, subtilement, aux accents de la

musique,ellerampaversnous,levantpitoyablementlesmains.J’entendisuncrideconsternation,deprotestationquepoussaMissBlake-Allen,horrifiée.Samossetournaverselle.Iln’étaitpascontent.«Détache-luilesjambes!»ditSamosàungarde.Legardedétachaleslanièresquiluiattachaientleschevillespuislesglissadansl’anneau

demétal brillant cousu à l’arrière du collier de cuir du harnais, couvrant le simple colliermétallique qui faisait d’elle, même si elle avait été habillée et samarque dissimulée, uneesclave.Leslanièresétaientprécédemmentpasséesdansl’anneauetattachéesautourdeseschevilles,lacontraignantàresteràgenoux.Elleavaitàprésentlesjambeslibres.Leslanières,cousues sur les côtés du collier, enroulées à présent autour du collier et croisées derrière,puisglisséesdansl’anneausituésurl’avantducollier,tenaientlieudelaisse.Leharnaisestconçu pour attacher les femmes de diversesmanières. La jeune femme, les jambes libres,regardaSamosavechorreur.Maisilnes’intéressaitdéjàplusàelle.

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La danseuse était à présent couchée sur le dos et la musique était visible dans sarespiration,danslespetitsmouvementsdesatêteetdesesmains.Sesmainsétaientpetitesetjolies.

Elle était couchée sur la carte du sol, la tête tournée vers nous. Elle était couverte desueur.

Jefisclaquer lesdoigtsetelleglissa les jambessouselle,s’agenouilla, latêterejetéeenarrière,lescheveuxsurlesdalles.Sesmainsbougèrent,délicates,jolies.Lentement,sionleluipermettait, elle se redresserait ; sesmains, tandisqu’elle se levait, étaient tendues versnous.Quatrefois, jedis :«Non!».Chaquefois,monordrerejetasatêteenarrière,arquasoncorpset,chaquefois,aurythmedelamusique,elleseredressa.Lacinquièmefois,jelalaissaiseredressercomplètement.Ladernièrepartiedesoncorpsquiseredressafutsabelletête. Elle avait un collier autour du cou. Ses yeux noirs, brillants, vulnérables, pleins dereproches,mefixaient.Néanmoins,ellebougeaittoujoursaurythmedelamusique,dontelleétaittoujoursprisonnière.

D’ungeste,jel’autorisaiàselever.«Dansetoncorps,Esclave!»luiordonnai-je,«pourlesinvitésdeSamos.»Furieuse,allantdel’unàl’autre,lentement,defaçonsuggestive,lajeunefemmedansasa

beautédevantlesinvités.Ilsfrappèrentsurlestablesetcrièrent.Quelques-unsessayèrentdes’emparerd’ellemais,chaquefois,ellerecula.

Samosselevaetmarchasurlacartedusol.Jelesuivis.Ils’arrêtaàunendroitdonné,surlesoldemosaïquelisse.Jeleregardai.«Oui,»dit-il.«Par-là.»Je regardai la mosaïque complexe du sol. Sous nos pieds, lisses, polis, il y avait des

centainesdepetitsmorceauxdecarreaux,principalementjaunesetmarrondanscettepartie.Les morceaux semblaient doux, lustrés, dans la lumière des torches. La danseuse, qui setrouvaitderrièrenous,continuaitdepasserdevantlestables.Lesyeuxdeshommesluisaient.Devantchacun,apparemmentpourluitoutseul,elledansaitsabeauté.

«Ilyaencoreunechose,»repritSamos,»quejenet’aipasdite.»—«Laquelle?»demandai-je.—«LesKuriiontenvoyéunultimatumauxSardar.»—«Quelultimatum?»demandai-je.—«LivrezGor.»,ditSamos.—«C’esttout?»demandai-je.—«C’esttout,»réponditSamos.—«Celanemeparaîtguèresensé,»estimai-je.«Pourquelleraisoncetteplanèteserait-

ellelivréeauxKurii?»—«Celaparaîtdément,»soulignaSamos.— « Pourtant, les Kurii ne sont pas déments, » assurai-je. « Aucune alternative n’est

proposée?»demandai-je.—«Aucune,»réponditSamos.—«LivrezGor…»répétai-je.—«Celasembleuneexigencefolle,»reconnutSamos.—«Etsiteln’étaitpaslecas?»—«J’aipeur,»avouaSamos.— « Et comment les Sardar ont-ils réagi ? » demandai-je. « Ont-ils repoussé cette

exigenceavecironie,ont-ilsridiculisésonabsurdité?»Samossourit.

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—«Misk,unPrêtre-Roi,»dit-il,«hautplacédans lahiérarchiedesSardar,ademandéauxKuriidefournirdesdétailssupplémentaires.»

Jesouris.—«Ilgagnedutemps,»soulignai-je.—«Biensûr,»acquiesçaSamos.—«Quelleréponsea-t-ilobtenue?»demandai-je.— « LivrezGor. », répondit Samos. « La répétition de l’exigence d’origine. Ensuite, les

transmissionssontrestéessilencieuses.»—«Ensuite,lesKuriinesesontplusmanifestés?»insistai-je.—«Exactement,»ditSamos.—«C’est,detouteévidence,unbluffdelapartdesKurii,»estimai-je.«LesPrêtres-Rois

ne comprennentpasbien ce genrede chose. Ils sont en général parfaitement rationnels etlogiques. Leur esprit raisonne rarement en termes de défis injustifiés, de stratégiespsychologiques,d’exigencesnonfondées.»

Samoshaussalesépaules.«Parfois, jecroisque lesPrêtres-Roisnecomprennentpasbien lesKurii.Ilssontpeut-

êtretropdifférentsd’eux.Peut-êtreignorent-ilslespassions,lesénergies,leshainesquileurpermettraientdecomprendreentièrementlesKurii.»

—«Ouleshommes,»relevaSamos.— « Ou les hommes, » reconnus-je. Les Prêtres-Rois avaient vraisemblablement des

énergiesetdespassionsmais,àmonavis,ellesétaient,dansl’ensemble,trèsdifférentesdecellesdeshommesou,enréalité,decellesdesKurii.Lanaturedel’expériencesensorielledesPrêtres-Roisétaittoujourspourmoi,dansunelargemesure,unmystère.Jeconnaissaisleurunivers comportemental ; j’ignorais tout de leur expérience intérieure. Leurs antennesétaientleursorganescentrauxdetransductionphysique.Bienqu’ilseussentdesyeux,ilssefiaientrarementàeuxetétaientparfaitementàl’aisedanslenoirtotal.Lalumière,dansleNid, était destinée aux humains et aux autres créatures à dominantes visuelles qui lepartageaient. Leur musique était une rapsodie d’odeurs dont beaucoup étaient, pour lesnarines humaines, désagréables. Leur décoration était principalement constituée destructuresd’odeursconstruitesavecleplusgrandsoinàl’intérieurdeleurscompartiments.De leur point de vue, l’expérience la plus intense et la plus agréable consistait peut-être àplongerleursantennesdanslacrinièrefilandreuse,narcotique,duScarabéeDoréqui,alors,les transperçant avec ses pinces courbes, creuses, àmouvement latéral, les vidait de leursfluidescorporels,senourrissant,lestuant.LeliensocialdesPrêtres-RoisestlaConfianceduNid.Cependant,malgréleurévolutionetleurphysiologiedistinctes,ilsavaientapprislesensdumot:«ami»;enoutre,jesavaisqu’ilscomprenaient,àleurmanière,l’amour.

Jesourisintérieurement.« Parfois, » m’avait un jour dit Misk, dans le Nid, « je pense que seuls les hommes

comprennentlesKurii.»Puisilavaitajouté:«Ilsseressemblenttellement.»C’étaituneplaisanterie.Maisellenem’avaitpasparufausse.Malheureusement,jedoutais,etavecréalismeilmesemble,quelesPrêtres-Rois,grosses

créatures dorées, douces et délicates, aimant s’occuper de leurs affaires, comprennentvraiment leurs ennemis, lesKurii.Leur entêtement, leur agressivité, les fièvresdu sang, ledésir, l’instinct territorial de ces animaux leur étaient, dans une large mesure,incompréhensibles. Les concepts lucides des Prêtres-Rois ne leur permettaient guère decomprendrelesemportementsetlesfoliesdeshommesetdesKurii.IlmesemblaitqueleshommesetlesKuriisecomprenaientmieuxquelesPrêtres-Roisnelescomprenaient.Tant

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que les Kurii restaient au-delà du cinquième anneau, celui que détermine l’orbite de laplanètequel’onappelleJupitersurlaTerreetHesius,d’aprèsunhéroslégendaired’Ar,surGor,lesPrêtres-Roisnes’intéressaientguèreàeux.Ilslaissaientcesloupsfurieuxchasserlelongdeleursclôturesetgratteràleursportes.

«Commeleshommes,ilsconstituentuneformedevieintéressante,»m’avaitunjourditMisk.Mais,àprésent,lesmondeskurii,conscientsdelafaiblessedesSardaraprèslaGuerreduNid,quiavaitdétruitleursourced’énergieetéventréleNidlui-même,approchaient.Lesmondesd’acier,àprésent,oubienquelques-unsd’entreeux,apparemment,cachés,protégés,étaient tapis en deçà de la ceinture d’astéroïdes. Des points de contact, des bases, avaientapparemmentétéétablissurlesrivagesmêmesdelaTerre.Lapremièretentativeimportante,l’organisation des Kurii indigènes par les Kurii des vaisseaux, s’était déroulée récemment.Elle avait échoué. Elle avait été arrêtée au Torvaldsland. Les Kurii des vaisseaux, ainsi,ignoraient dans quelle mesure la puissance des Prêtres-Rois était diminuée. C’était notreavantageessentiel.LesKurii,prudentscommedesrequins,nevoulaientpaslancerlegrosdeleur attaque sans être sûrs de son succès. S’ils avaient connu la faiblesse des Sardar et letempsnécessaire à la reconstitutiondes sources d’énergie, laquelle se régénérait à présentsuivant un rythme inexorable déterminé par les lois naturelles, ils auraient probablementlancé leurs flottes. Ils craignaientvraisemblablementune ruse,uneaffectationde faiblessedestinéeàprovoqueruneattaqueaucoursdelaquelleilsseraientdécimés.Enoutre,jesavaisqu’ilyavaitdesfactionschezlesKurii.Detouteévidence,ilyavaitdesindividusaudacieuxetdesindividusprudents.L’échecdelatentativeduTorvaldslandavaitdûfortementinfluencerleurs délibérations. Peut-être un parti nouveau était-il venu au pouvoir. Peut-être unenouvellestratégie,unnouveauplan,étaient-ilsenvoiederéalisation.

—«LivrezGor…»fitSamos,regardantlapartiedelacartequisetrouvaitsoussespieds.Jeregardailacarte.Était-ceencelaquelenouveauplandesKurii,siuntelplanexistait,

concernaitnotremondeprimitif?«LetrajetduKurcapturé,»indiquaSamos,ledoigttendu,«l’auraitconduitici.»—«Peut-êtreavait-ill’intentiondeseulementtraverser?»estimai-je.Samos,dudoigt,montral’ouestdeTor.— « Non, » dit-il, « il est plus pratique de passer à l’ouest de Tor, où il y a beaucoup

d’eau.»—« Il faut,de toute évidence,unguide etune caravane,» relevai-je,«pour survivre à

l’estdeTor.»—«Biensûr,»admitSamos.«Pourtant,l’animalétaitseul.Jepensequeladestination

del’animalnesetrouvaitpasdel’autrecôtédecetterégion,maisàl’intérieur.»—«Incroyable,»jugeai-je.Samoshaussalesépaules.«PourquoiunKurirait-illàetpénétrerait-ildanscetterégion?»demandai-je.—«Jenesaispas,»réponditSamos.—«Étrangeque,dans lemêmetemps,»soulignai-je,« le traficd’esclavescesseetque

l’ultimatum,inexplicable,exigeantdelivrerGor,soitadresséauxSardar.»—«QuecherchaitleKurdanscetterégion?»demandaSamos.—«Et quedire, » ajoutai-je, « dumessage gravé sur le rocher : «Méfie-toi de la tour

d’acier.»?»—«C’estunmystère,»reconnutSamos,«etlasolutionestlà.»Jeregardaiparterre.Bienqu’ellen’occupâtquequelquespiedssurlacarte,larégionétait

immense.Elleavait,engros, la formed’unlongtrapèzedont lescôtésétaientorientésvers

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l’est. Dans le coin nord-ouest, se trouvait Tor. À l’ouest de Tor, sur le Fayeen Inférieur,affluentlent,tortueux,commeleFayeenSupérieur,duCartius,setrouvaitleportfluvialdeKasra,célèbrepoursesexportationsdesel.C’étaitdansceportquelesentrepôtsd’IbnSaran,MarchanddeSel actuellement invitédeSamosdePortKar, se trouvaient.La cordede sonagaletlesbandesdesadjellabaindiquaientqu’ilétaitoriginairedecetteville.

Larégion,àl’estdeTor,faisaitdescentainesdepasangsdelargeetdesmilliersdelong.Lemotgoréendésignantcetterégionsignifiaitsimplement:leDésert,ouleVide.C’étaituneétendueimmense,généralementrocheuseetmontagneuse,saufdanslePaysdesDunes.Elleestpresquecontinuellementbattueparlesventsetpresquecomplètementdépourvued’eau.Dans certaines régions, il n’a pas plu depuis des siècles. Les oasis sont alimentées par descours d’eau souterrains venus des pentes des Voltaï. L’eau, s’infiltrant sous le sol, monteparfois,àcausedeformationsrocheuses,formantlessourcesdesoasis,mais,leplussouvent,seuls des puits profonds permettent de l’atteindre. Certains puits font plus de soixantemètresdeprofondeur.L’eaumetparfoisplusdecent cinquanteansàeffectuer sonvoyagesouterrain,s’infiltrant,descentainesdemètressouslasurfacedesséchée,neparcourantquequelques dizaines de mètres par an, avant d’atteindre les oasis. Le jour, à l’ombre, il faitsouventprèsdecinquantedegrés.Latempératuredelasurface,dejour,est,naturellement,beaucoup plus élevée. Dans le Pays des Dunes, de jour, celui qui serait assez fou pourmarcherpiedsnusseraitrapidementestropié,lapeauétantbrûléeenquelquesheures.

«C’estici,»insistaSamos,montrantlacarte,«quesetrouvelesecret.»Ladanseuse s’éloigna des tables et, lesmains au-dessus de la tête, se dirigea versmoi.

Ellesebalançadevantmoiaurythmedelamusique.«Tum’asordonnédedansermabeautédevantlesinvitésdeSamos,»dit-elle,«Maître.

Tueségalementuninvité.»Jelaregardai,lespaupièresplissées,tandisqu’elletentaitdemeplaire.Puis elle gémit etme tourna le dos, tandis que lamusique s’accélérait follement, puis

pivota,tournoyadansletintementdesclochettesetdesbijouxbarbares,devantlesinvitésdeSamos. Puis, lorsque la musique cessa brusquement, elle tomba sur le sol, impuissante,vulnérable,esclave.Lasueur faisaitbriller soncorpsdans la lumièredes torches.Elleétaitessoufflée ; son corps était beau, ses seins montant et descendant tandis qu’elle respiraitprofondément.Seslèvresétaiententrouvertes.Àprésentqueladanseétaitterminée,c’étaitàpeinesiellepouvaitencorebouger.Nousn’avionspasétédouxavecelle.Ellemeregardaetlevalamain.C’étaitàmespiedsqu’ellegisait.

Jeluifissignedesemettreàgenoux.Elleobéit.Sescheveuxtouchaientlacartedusol.Ilstouchaientlapartiedelacartequenouscontemplions,Samosetmoi.Jeregardai les

lettres,enécrituregoréenne.«Lesecretestlà,»insistadenouveauSamos,montrantlacarte,«dansleTahari.»Délicatement, timidement, ladanseuse tendit lesbras etme toucha la cheville.Elleme

regarda,désespérée.Jefissigneauxgardes.Ellehurladésespérémentquandilslatraînèrentparterre,parles

chevilles,puislajetèrentsurlespetitestables.Jelaisseraislesautresl’échauffer.Leshommespoussèrentdescrisdejoie.Sonabandontotal,jel’obtiendraisd’elleplustard,quandj’enauraisenvie.MissPriscillaBlake-Allen,autrefoisjeunefemmelibredelaTerremaisàprésentasservie,

semitpéniblementdebout,lesyeuxdilatésparl’horreur,essayantdereculermaislesmainsdes gardes sur elle, qui n’était qu’une esclave sansnom car sonmaître ne lui en avait pas

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donné,l’immobilisèrent.ElleregardasonMaître,SamosdePortKar.Ilfitunsigne.Ellehurla.Elletirasursesliens.Ellefutégalementjetéesurlestables.IbnSaran,MarchanddeSeldeKasra,restaassisàsaplace.Ilavaitlesyeuxmi-clos.Ilne

s’intéressapasauvioldesesclaves.Ilsemblaitégalementcontemplerlacarte.« Tu peux utiliser ces deux femmes, Noble Ibn Saran, » l’invita Samos, « si tu le

souhaites.»— « Merci, » répondit-il, « Noble Samos. Mais c’est dans ma tente, sur les nattes de

soumission,quej’apprendssonasservissementàuneesclave.»JemetournaiversSamos.—«Jepartiraiaumatin,»décidai-je.— « Dois-je comprendre, » demanda Ibn Saran, « que tes pas te conduisent dans le

Tahari?»—«Oui,»répondis-je.—« Je vais également dans cette direction, » dit Ibn Saran. « Je partirai également au

matin.Peut-êtrepourrions-nousvoyagerensemble?»—«Bien,»acquiesçai-je.IbnSaranseleva,effleuradeuxfoislapaumedeSamos,puisdeuxfoislamienne.—«Puissenttesoutresnejamaisêtrevides.Puisses-tunejamaismanquerd’eau.»— « Puissent tes outres ne jamais être vides, » répondis-je. « Puisses-tu ne jamais

manquerd’eau.»Puisils’inclina,pivotasurlui-mêmeetsortit.«LeKur,»dis-je.Jepensaisàl’animalqueSamosretenaitprisonnier.—«Oui?»fitSamos.—«Libère-le,»dis-je.—«Lelibérer?»s’étonna-t-il.—«Oui,»répondis-je.—«As-tul’intentiondelesuivre?»— « Non, » fis-je. Àmon avis, rares sont les êtres humains, à supposer qu’il y en ait,

capablesdesuivreunKuradulte. Ilssontagiles,extrêmement intelligents.Leurssenssontextraordinairement aiguisés. Il serait très difficile, sinon impossible, de suivre, peut-êtrependantdessemaines,unecréatureaussiperceptive,agressiveetméfiante.Tôtoutard,ellese rendrait compte qu’elle est suivie. À ce moment-là, le chasseur deviendrait chassé. LavisionnocturnedesKuriiestformidable.

—«Sais-tucequetuvasfaire?»s’enquitSamos.—«IlyadesfactionschezlesKurii,»dis-je.«J’ail’impressionqueceKurestpeut-être

notreallié.»—«Tuesfou!»lançaSamos.—«Peut-être,»admis-je.—«Jevais libérer leKur,»acceptaSamos,«deux joursaprèsquetuaurasquittéPort

Kar.»—«Peut-êtrelerencontrerai-jedansleTahari,»envisageai-je.—«Jen’espéreraispasunetellerencontre,»releva-t-il.Jesouris.«Tupartirasaumatin?»s’enquitSamos.—«Jepartiraiavantlematin,»précisai-je.

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—«TunevoyagerasdoncpasavecIbnSaran?»demandaSamos.—«Non,»répondis-je.«Jen’aipasconfianceenlui.»Samoshochalatête.—«Moinonplus,»reconnut-il.

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LESRUESDETOR

«DEl’eau!Del’eau!»crial’homme.—«Del’eau,»dis-je.Ilvintversmoi,penché,enloques,noiraud,grimaçantunsourire,l’outreenpeaudeverr

sur l’épaule, les tasses d’étain, une douzaine, attachées sur l’épaule et à la ceinture,s’entrechoquantbruyamment.Sonépaulegaucheétaitmouilléeàcausedel’outre.Ilyavaitdes marques de sueur sur sa chemise déchirée, sous les lanières. Il décrocha une tasseattachéeàsaceinture.Laissantsonoutresurl’épaule,ilremplitlatasse.Ilavaituneécharpeenrouléeenturbansurlatête.Elleprotègelatêtedusoleil;sesplispermettentàlachaleuret à la transpiration de s’échapper, par évaporation et, naturellement, à l’air d’entrer et decirculer.ChezlesmâlesdeBasseCaste,enoutre,elleconstitueuncoussindouxsurlequelilestpratiquedeposer les fardeauxque l’onportesur la tête, toutenassurant leuréquilibreavec lamaindroite. L’eau couladans la tassepar une sorte depetit robinet qui gâchepeud’eau, en réduisant l’écoulement, et est fixé, l’étanchéité en étant assurée par de la cire, àl’avant de la patte antérieure gauche de la peau de verr. Les peaux sont soigneusementgrattées et toutes les déchirures sont recousues et enduites de cire. Quand la peau estcorrectementnettoyéeetrasée,onyfixedesbretelles,desortequ’ilestaisédelaportersurl’épauleousurledos,lesmêmesbretellespermettant,grâceàdesréglages,lesdeuxmodesdetransport.Latasseétaitsale.

Jeprisl’eauetdonnaiuntarskdecuivreàl’homme.JerespirailesépicesetlasueurdeTor.Jebuslentement.Lesoleilétaithaut.Tor, qui se trouve au coinnord-ouestduTahari, est le pointde ravitaillementprincipal

des communautés disséminées dans les oasis de ces immensités desséchées, presque uncontinentderoche,dechaleur,deventetdesable.Cescommunautés,parfois importantes,comptantdes centainesoumêmedesmilliersde citoyens, celadépendde l’eaudisponible,peuventêtreséparéeslesunesdesautrespardescentainesdepasangs.Ellesdépendentdescaravanes, venant généralement de Tor, mais aussi de Kasra et même de Turia, pour lasatisfactiondelamajoritédeleursbesoins.Auretour,naturellement,lescaravanesexportentlesproduitsdesoasis.Lescaravanesdesoasisapportentdesproduitsdivers,parexempledureps,destissusbrodés,dessoieries,destapis,del’argent,del’or,desbijoux,desmiroirs,desdéfenses de kailiauk, des parfums, des peaux, du cuir, des plumes, des bois précieux, desoutils,desaiguilles,desobjetsdecuirtravaillé,dusel,desamandesetdesépices,desoiseauxexotiques,desarmes,duboisbrut,desfeuillesdefer-blancetdecuivre,duthédeBazi,delalainedehurt,des fouetsouvragésetornésdeperles,desesclavesetdenombreusesautresmarchandises. Les exportations des oasis sont principalement constituées de dates et debriquesdedattesséchées.Ilyadespalmiersquifontplusdetrentemètresdehaut.Il fautdix ans avant qu’ils ne commencent à donner des fruits. Ensuite, ils donnent des fruitspendantplusd’unsiècle.Paran,unarbreproduitentreunetcinqPoidsgoréensdefruits.Un

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Poids équivaut à dix Pierres, soit une vingtaine de kilos terrestres. Il y a de nombreusescultures, dans les oasis, mais les produits ainsi obtenus sont rarement exportés. Dans lesoasis, on cultiveunSa-Tarnahybride, brun, adapté à la chaleurdudésert ; le Sa-Tarna estgénéralement jaune ; etdesharicots,desbaies,desoignons,diverses sortesdemelons,unlégumeàfeuillescomestiblesquis’appellelekatchetplusieursespècesderacinescommelesnavets,lescarottes,lesradisdesvariétéssphériqueetcylindrique,etlekort,groslégumeàlapeau épaisse et brune, sphérique, faisant en général une vingtaine de centimètres dediamètre,dont l’intérieurest jaune, filandreuxetparsemédenombreusesgraines.Dans lesoasis,enraisondelachaleur,lesagriculteurspeuventobteniraumoinsdeuxrécoltesparan.Onproduitégalementdularmaetdutopsit,danslesoasis,dansdepetitsvergers.OncultiveégalementlaplanteRep,pourfabriquerdutissu,lereps,maisl’essentieldutissuestimporté.On trouvedes kaiilas et des verrs, dans les oasis,mais enpetites quantités. Les troupeauxsontplutôtdansledésert.Ilssontlapropriétédenomadesquivontdepâturageenpâturageàmesurequelespuitss’assèchent.Ilsutilisentlespetitessourcesauprintemps,carellessontlespremièresàsetarir,etcellesquisontplusabondantesensuite.Ilnepoussepasd’herbe,autour de ces puits, car de nombreux animaux viennent y brouter. Il s’agit, en général, demaresboueuses,entouréesdequelquesarbresrabougris,aumilieud’ungrandcercledeterrenue, sèche, craquelée. Les nomades fournissent de la viande, des peaux et du tissu auxhabitants des oasis. En échange, ces nomades reçoivent du Sa-Tarna et du thé de Bazi. Ilsreçoivent également, bien entendu, d’autres produits importés. Curieusement, bien qu’ilsélèvent des animaux, ils mangent très peu de viande. Les animaux sont une monnaied’échangeextrêmementprécieuse,àcausedeleurtoisonetdeleurlait,desortequ’onlestuerarementpourlesmanger.Ilestfréquentqu’unjeunenomadedequinzeansn’aitmangédela viande qu’unedouzaine de fois dans sa vie. Les pillards, cependant, aiment beaucoup laviande.Lesanimauxnesignifientrien,poureux,etilsselesprocurentàboncompte.Lethéestextrêmementimportantpourlesnomades.Onlesertbrûlantettrèssucré.Illeurdonnedesforces,àcausedusucre,lesrafraîchitenlesfaisanttranspirer,etlesstimule.Onenboittroistassesàchaquefois,enlemesurantsoigneusement.

JevidaimatasseetlarendisauPorteurd’Eau.Ils’inclina,toutsouriant,lagrosseoutrehumidesurl’épauleet,suspendantlatasseàsaceinture,s’éloigna.

«Del’eau!»cria-t-il.«Del’eau!»Jeclignaidesyeuxpourluttercontrelachaleuretl’éclatdusoleil.LesbâtimentsdeTor

sontenbriquesdeboueséchée,couvertesdeplâtrecoloréquiatendanceàs’écailler.Mais,àcetteheure-là,danslesoleiletlapoussièresoulevéeparlespassants,toutsemblaitdépourvude couleur. Il me faudrait bientôt acheter des vêtements appropriés. Dans une telle ville,j’étaisaisémentrepérable.

Jeprisladirectiondubazar.Je connaissais la lance légère et le kaiila rapide, soyeux. Je les avais appris avec les

PeuplesdesChariots.Maisjeneconnaissaispaslecimeterre.Monglaivecourt,suspendusurmonépaulegauche,commecelasepratiqueordinairement,neseraitpastrèsutileàdosdekaiila.LeshommesduTaharinecombattentpasàpied.Unhommeàpieddansledésert,encasdebataille,estconsidérécommemort.

Je regardai les bâtiments. J’étais à présent à l’ombre, descendant une rue étroiteconduisantaubazar.LesbâtimentsdeTorontrarementplusdequatreétages,cequiest lahauteur à laquelle on peut construire en toute sécurité avec des briques de boue et despoutres.Cependant,comptetenudelatopographie,Torétantconstruitedansunerégiondecollines rocheuses, comme le reste du Tahari, de nombreux bâtiments, construits sur des

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terrasses, paraissaient beaucoup plus hauts. Ces bâtiments, à l’extérieur lisse et nu, à partquelques fenêtres étroites, pas assez larges pour qu’un homme puisse s’y glisser, donnentdirectementsurlesrues,desortequelesruesfontpenseràdescouloirsprofonds,bordésdemurs.Aucentredelarue,ilyauncaniveau.Ilpleutrarement,àTor,maislecaniveausertd’égout,lesesclavesyjetantlesdéchets.Néanmoinsjesavais,enpassantdanslesrues,queces murs cachaient souvent des jardins magnifiques, bien arrosés, et des pièces fraîches,obscures,protégéesdelachaleurdusoleiletsouventsuperbementmeublées.Torétait,dansle concert des cités goréennes, une ville commerciale riche. C’était le quartier général demilliersdeMarchands.Elleabritaitégalementdenombreuxartisanspratiquantleurmétier:Sculpteurs, Vernisseurs, Ébénistes, Tailleurs de pierres précieuses, Orfèvres, Cardeurs,Teinturiers, Tisserands, Tanneurs, Tailleurs, Bourreliers, Potiers, Verriers, Porcelainiers,Armuriers et beaucoup d’autres. La ville, naturellement, était organisée en fonction descaravanes. Il y avait de nombreux entrepôts entourés demurs, exigeant leur personnel deScribesetdeGardienset,dansdescentainesdecabanes,vivaientPalefreniersetConducteursde kaiilas qui, aux tables de caravanes, après avoir dépensé tout leur argent, posaient leurcandidature,inscrivantleurmarquesurletableau,pourunenouvellecaravane.Lesgardiensde ces caravanes, incidemment, étaient généralement connus des marchands quicontinuaientà louer leursservicesentredeuxvoyages. Ils’agissaitd’hommesdeconfiance.Palefreniersetconducteurs,dansl’ensemble,allaientetvenaient.Desméthodesdesélectionreposantsurlehasard,àbasedebûchettes,depiècesoudeformules,étaientparfoisutiliséesparlesmarchandsquitenaientàêtresûrsquelesconducteurs,lorsqu’ilsnelesconnaissaientpas, étaient choisis au hasard. On affirmait aux palefreniers et aux conducteurs que celaévitaitlesinjustices.Enréalité,naturellement,chacunsavaitqu’ils’agissaitd’uneprécautiondestinéeàéviter ledangerd’engagerenbloc[1]ungrouped’hommesorganisésquiauraientpu,avantleurengagement,formerleprojetd’assassinerlesgardesetlesmarchands,puisdes’enfuir avec la caravane. Palefreniers et conducteurs, cependant, comme les hommes engénéral,étaienthonnêtes.QuandilsrentraientàTor,naturellement,ilsavaientpasséunlongtempsdansledésert.Àlafinduvoyage, ilsrecevaient leursalaire.Parfois,àmoinsdecentmètres des entrepôts, ces hommes étaient assaillis par les propriétaires entreprenants decafés,vantantlesavantagesdeleursétablissementsrespectifs.Cespropriétaires,engénéral,amenaientuneChaînedefemmes,nues,contrairementàl’habitudedesfemmeslibresdelarégionduTahari,intentionnellementunesélectionreprésentativedustockdisponible.

«Dansmademeure,»criaient-ils,«louelaclédesachaîne!»Maisengénéral leshommespassaientsanss’arrêterdevantcestentationsquin’étaient,

d’aprèscequej’aipuvoir,absolumentpasnégligeables,etprenaientrapidementladirectionde leur café préféré dont les marchandises, je présume, n’avaient pas besoin d’une tellepublicité,dontlavaleur,etl’aptitudeàfournirunesatisfactiontotale,étaientapparemmentbien connues. Il serait peut-être utile de mentionner certains cafés. L’Oasis de Soie estcélèbre, même à Ar, mais il est très cher ; dans une fourchette de prixmoyens, il y aLaChaîned’Or etLeCollierd’Argent, tousdeuxdirigésparunTuriendunomdeHaran ; lesbonscafésrelativementbonmarchésontLaLanière,quejerecommande,LeVeminium,LaGrenade,LesCagesRougesetLeJardindesPlaisirs.Cesétablissements,etplusdequaranteautres,dupointdevuedespalefreniersetdesconducteurs,ontunechoseencommun. Ilsparviennent à soulager, avec célérité et efficacité,un individude sonargent. Je croisqu’ilssont,àl’exceptiondeL’OasisdeSoie,raisonnables.L’objectionduconducteur,àmonavis,estdansunelargemesurefonctiondufaitqu’iln’apasbeaucoupd’argentàdépenser.Cequ’ila,de ce fait, semble fondre rapidement.Palefreniers et conducteurs vont souventd’un café à

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l’autrependantquelquesnuits.Lesalaired’unvoyage,quidureengénéralplusieursmois,estdépenséendixjoursou,si l’onfaitattention,quinze.Cesont,naturellement,dixouquinzejoursagréables.Autermedecettepériode,aprèsunoudeuxjoursd’inconfortphysiologique,violentes nausées etmigraines le plus souvent, il n’est pas rare de retrouver l’homme auxtables de caravanes, essayant une nouvelle fois de louer ses services au Maître d’uneCaravane.

Unhommemedépassa, transportantplusieursvulosvivants, la têteenbaset lespattesattachées.Derrièrelui,marchaitunautrehommeavecunpanierd’œufs.

Jelessuiviscarilsserendaientmanifestementaumarché,quisetrouveprèsdubazar.Dansuneoasis,naturellement,l’eausetrouveàl’endroitleplusbas.Lesrésidences,dans

une oasis, sont construites sur les hauteurs, où il ne pousse rien. C’est, bien entendu, lavallée qui, irriguée généralement à lamain,mais parfois avec desmachines primitives, enbois, fournit les produits agricoles. La terre, dans une oasis, du fait qu’elle fournit lanourriture,n’estpasutiliséepourlesdemeures.Tor,demême,bienqu’ilyaitpeudeculturesàl’intérieurdesmurs,étaitconstruiteenhauteur,autourdesoneau,plusieurspuitsdanslapartie laplusbassedelaville.L’architecturedeTor,encerclesconcentriques,parcourusdenombreusesruesétroitesettortueuses,étaitfonctiondel’éloignementdespuits.L’avantagede cette organisation municipale, naturellement, bien qu’il ne s’agisse pas d’un desseinintentionnel, réside dans le fait que l’eau se trouve dans la partie la mieux protégée : lecentre.IlestnécessairedementionnerqueToravaitamplementassezd’eau.Jen’enaipasvubeaucoup,maiselleétaitfièredesesnombreuxjardinsombragés.L’eaunécessaireàcesjardins,parcontratsaveclesMaîtresd’Esclaves,étaittransportéepardesChaînesd’esclavesmâles et stockée dans des citernes où elle était prise par les esclaves de la demeure, etsoigneusementrépartiesurl’ensembledujardin.

J’étaisarrivédanslapartieinférieuredelaville.«Del’eau!»entendis-je.«Del’eau!»Derrièremoi,meretournant, jevis lePorteurd’Eauàqui j’avaisachetéunetassed’eau,

unpeuplustôt.Unefemmevoiléemecroisa.Elleavaitunenfantsoussacape,luidonnantlesein.Jecontinuaimonchemindanslarueenpente,medirigeantverslebazaretlemarché.J’étais à Tor depuis quatre jours, après avoir gagné Kasra à dos de tarn. J’avais vendu

l’oiseau,carjenevoulaispasmefaireremarqueràTor,dufaitquelestarnsysontrares.ÀKasra,j’avaisprisundhawetremontéleFayeenInférieurjusqu’auvillagedeKurtzal,quisetrouveaunorddeTor.Lesmarchandises transportéesdeToràKasra transitentparfoisparKurtzalavantdepartirvers l’ouestpar le fleuve.Kurtzaln’estqu’unpetitportde transit.ÀKasra,descendantdemontarn,j’étaisunGuerrier.Untarniermercenaire.Élémentdemondéguisement,sanscollier,attachésurledosentraversdemaselle,ilyavaitlecorpsnud’unefemme.Elleétaitblonde.C’étaitunebarbare.Elleneparlaitpaslegoréen.Onmefélicitadema capture. Je me rendis chez un Forgeron pour acheter un collier. Nous avions estimé,Samos et moi, que personne ne soupçonnerait qu’un individu accompagné d’une femmeaussimaladroite, ignorante,manifestement asservie récemment, puisse être au service desPrêtres-Rois. Ce n’était qu’une captive dont un tarnier s’était aisément emparé, qu’ilutiliseraitpendantquelquetempsavantdelavendrepourquelquesdisquesautarn.

«Jel’aicapturéedanslecampd’unMarchandd’Esclaves,»dis-jeauForgeron.—«Jevoisquesamarqueestrécente,»réponditleForgeron.C’étaitvrai.Ellen’avaitpasétémarquéeàTeletus.Parfois,onnemarquelesfemmesque

lorsqu’onlesvendpourlapremièrefois.Ilyadiversesmarques.Parfois,lesmaîtresaiment

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choisir la marque des esclaves. Cependant, moins d’une heure après son arrivée dans laDemeure de Samos, la femme avait été envoyée au marquage. La marque ordinaire desKajira,conformémentàlapolitiquedelaDemeure,avaitétébrûléedanssachair.

Les maîtres, incidemment, marquent rarement eux-mêmes leurs esclaves. Marquercorrectement une femme exige une main sûre et, en général, de l’expérience. Lorsqu’ilsforment un individu au marquage des esclaves, les Marchands d’Esclaves, au début, luidonnenttoujourslesfemmeslesmoinsbelles,lesluifaisantmarquerparfoisplusieursfois,jusqu’à ce qu’il soit devenu efficace. En général, après une quinzaine ou une vingtaine defemmes,l’individuestcapabledelesmarquerprofondément,defaçonpréciseetpropre.Ilestimportant que la cuisse de la femme soit maintenue immobile ; parfois, il faut plus d’unhommepourlatenir;parfois,onl’attacheàlaroued’unchariot;parfois,danslesdemeuresdesMarchandsd’Esclaves,onutiliseunchevaletdemarquageéquipéd’unétau.Lesfemmessont généralement marquées impersonnellement, rapidement, comme du bétail. Bienqu’elles ressentent leur marque intensément, physiquement, son effet est encore plusintense, plus profond, psychologiquement ; il n’est pas rare que, en elle-même, elletransforme radicalement l’image qu’elles se font d’elles-mêmes, leur personnalité ; ellesdeviennentalorsdesesclavessansvolontéindividuelle,sansdroits,auservicedesmaîtres;lamarque est unedésignation impersonnelle ; les femmes s’en rendent compte ; lorsqu’ellessontmarquées,ellescomprennentqu’ellesnesontpasmarquéesparunhommedonnépourun homme donné, afin d’appartenir uniquement à lui mais, pour ainsi dire, qu’elles sontmarquées pour tous les hommes ; pour tous les hommes, une femme marquée est uneesclave;engénéral,naturellement,avecletemps,ellen’auraqu’unseulmaître;lamarqueestimpersonnelle;lecollier,lui,estintensémentpersonnel;lamarqueindiquelapropriété;lecollierdésignelepropriétaire,celuiquil’acapturéeouapayépourseleprocurer; lefaitque lamarque soit le symbole impersonnelde l’absencede statutdans la structure socialeexpliquepeut-êtrepourquoilesmaîtresnemarquentpassouventleursesclaveseux-mêmes;la relation entre lamarque et l’homme libre est institutionnelle ; la relation au collier, enrevanche,estintensémentpersonnelle;iln’estpasrarequelesmaîtress’enorgueillissentdela profondeur avec laquelle ils connaissent leurs esclaves ; cette profondeur est beaucoupplusgrande,àmonavis,quecellequiexisteentre lemariet la femme,surTerre; l’esclaven’est pas seulement une personne avec qui l’homme vit ; elle compte beaucoup pour lui :c’estunepossessionàlaquelleiltientbeaucoup;illapossède;ilveutconnaîtretotalementet profondément les origines, la vie, l’esprit, l’intelligence, les appétits, la nature et lesdispositionsdecettepossession;cetteconnaissance,naturellement,lametencoredavantageàsamerci;commecelaluipermetdejouersursessentiments,d’exploitersesfaiblesses,sesmanques,etc.,ellesetrouvedansl’impuissancedel’asservissementdesortequ’ildisposedetous les pouvoirs. Par exemple, il n’est pas rare que lemaître contraigne son esclave à luiparlerlonguementetendétaildescôtéssecretsdesapersonnalité,àexposeretexpliquersesfantasmes ; lorsqu’elle sait écrire, il arrive qu’il la contraigne, nue, portant un collier, àgenouxderrièreunepetitetable,parfoisavecleschevillesenchaînées,àlesécrire;cela,bienentendu, fournit aumaître de nombreuxmatériaux qu’il peut ensuite utiliser pour la fairedavantage sienne ; parfois, la femme tente de tromper son maître ; dans ce domaine,l’authenticitén’estpasdifficileàdéceler;danscecas,elleestbattue;enoutre,ilarrivequ’onlui demanded’inventer des fantasmes, quelquefois d’un typedonné ; lorsque lemaître estmalin, ils sont très instructifs, puisqu’elle les a inventés ; ces exercices intellectuels etémotionnels,exigésdelafemmeasservie,surtouts’ilsfontpartieintégranted’unensembleintensifd’exercices,commeposersousleregarddeshommesparexemple, luidonnentune

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conscienceextrêmementnettedesoncollier;ilséveillentsoncorpset,cequicompteautantpourlesGoréens,maispaspourlesTerriensquiconsidèrentlesexe,aveclaperceptiond’unhippopotame,commeunesimplequestionde frottementdescorps, son imaginationet sonintelligence ; elle cherche bientôt à connaître les implications de ce qu’elle est, simplepropriétédesonmaître;puis,avecautorité,avecassuranceetfermeté,jusqu’auplusprofondde son intelligence et de son imagination, elle est formée ; l’esclave fait l’expérience d’unparadoxe de la liberté ; la femme libre est physiquement libre,maismisérable, s’efforçantd’êtrecequ’ellen’estpas;l’esclave,physiquementasservie,portantuncollieretparfoisdeschaînes,n’est autoriséepar leshommesqu’à être totalement et précisément cequ’elle est,c’est-à-direuneesclave;lesesclaves,bizarrement,sontpresquetoujoursjoyeusesetvives;ellessont,paradoxalement,dansleurssentimentset leursémotions, libérées;ellesnesontpaspincéesoupsychologiquementinhibées;j’ignorepourquoic’estainsi;lespectacledecesfemmes, la tête haute, les yeux brillants, le corps bougeant avec une grande élégance demouvements, est très agréable ; jamais les femmes de la Terre n’oseraient se comporterainsi;certainessemontrentparfoistellementinsolentes,fièresdeleurcollierquejemesuisvu être obligé de les enchaîner à mes pieds pour leur rappeler qu’elles ne sont que desesclaves.

Nous avions eu de la chance que la marque de la femme soit récente, quelle ait étémarquéedanslaDemeuredeSamosetnonàTeletus.

Celarendaitplusplausiblelefaitqu’elleaitétérécemmentcapturéeetenlevée,commejel’avais dit au Forgeron, dans le camp d’un Marchand d’Esclaves. Nous aurions pu,naturellement, prendre une autre femme dans les cages de Samos. Celle-ci, cependant,semblait idéale. Elle était, de toute évidence, sans formation, fille maladroite, stupide etbrute, à part quelques viols, aussi crue qu’unmorceaude bosk, nouvellement asservie. Enoutre, cequi était idéal, elleneparlait pas le goréen.Ainsi, il était impossiblequ’ellenoustrahisse,volontairementounon,pardesmotsoudesregards.Ellenesavaitrien.Cen’étaitqu’unélémentdemondéguisement.Néanmoins, c’estavecgrandplaisirque je refermai lecollier sur lepetit couélégantdeMissPriscillaBlake-Allen,de laTerre,àgenoux,nue,mefoudroyantduregard.

Mais,lorsquejemontaisurlapasserelledudhawquejeprispourremonterlefleuvedeKasraauvillagedeKurtzal,jen’étaisplusuntarnier.J’avaisvenduletarnquatredisquesd’orau tarn. Jeportais leshaillonsd’un conducteurdekaiila.Penché,portantun sacdegrossetoiledelainedekaiila,pleindevêtementsdivers,jeposailepiedsurlesplanchesfenduesduquai de Kurtzal. Quelques instants plus tard, je mis pied à terre, enfonçant jusqu’auxchevillesdanslapoussière.Mesuivantsurlapasserelle,vêtued’unhaïknoir,descenditunefemmequiauraitpuêtremacompagne, femme librepitoyablepartageantmapauvreté.Lehaïk,noir,couvrelafemmedelatêteauxpieds.Àlahauteurdesyeux,ilyaunemincebandededentellenoire,àtraverslaquelleellepeutvoir.Auxpieds,elleportaitdedoucesbabouchesnoires,sanstalon,àl’avantrelevé;ellesétaientornéesd’unfild’argent.

Souslehaïk,personnenepouvaitdevinerquelafemmeétaitnueetportaituncollier.Nousprîmesunchariotàsel,vide,entreKurtzaletTor.Il y avait une autre raison qui m’avait poussé à emmener Miss Blake-Allen, et il me

semblenécessairedeparlerd’elledansl’intérêtdelasimplicité,danslarégionduTahari.LeshabitantsduTahariaimentlesfemmesfroides,àlapeaublanche.Ilsaimentlesasservir.Ilsaiment, sur leurs nattes de soumission, les transformer en esclaves impuissantes,abandonnées.Enoutre,lesfemmesblondes,auxyeuxbleus,sontstatistiquementraresdansla régionduTahari.Cellesqui s’y trouvent sontdesesclaves importées.Compte tenude la

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couleurdesapeau, j’estimai,etSamosfutd’accordavecmoi,quenouspourrionslavendreunbonprixàTor,ouàl’intérieur,surleMarchéd’uneoasis.NousétionsconvaincusqueleshommesduTahariseraientprêtsàacheterunbonprixlecorpsetlapersonnedeMissBlake-Allen. Je m’étais également dit qu’il pourrait être extrêmement profitable, dans certainesconditions,del’échangercontredesinformations.

ÀKasra,jem’étaisprocurélenomdujeunegarçonquiavaitdécouvert,enpoursuivantunkaiila,lerochersurlequelétaitgravé:«Méfie-toidelatourd’acier.»,ainsiqueceluidesonpère. Il s’appelait Achmed et son père Farouk, Marchand de Kasra. Je n’avais pas pu lesrencontrer àKasra, comme je l’avais prévu,mais j’avais appris qu’ils se trouvaient dans larégiondeTor,achetantdeskaiilaspourunecaravaneserendantàlakasbah,ouforteresse,deSuleiman, de la tribu desAretai,maître d’unmillier de lances etUbar de l’Oasis desNeufPuits.

Unmarchandmecroisa,surlespavésdelarue.Il portait une large robe rayée, à capuche, une djellaba. Les rayures étaient celles de

Tcheera,districtsituéausud-ouestdeTor,àlalisièreduTahari.Unefemme,vêtued’unhaïknoir,lesuivait.Soudain,jesursautai.Lorsqu’ellemecroisa,desonpasmesuré,j’entendisletintementd’unechaîne légèreetceluideclochettes.C’étaituneesclave.Elle tourna la tête,brièvement, et me regarda ; je vis ses yeux, noirs, à travers la petite ouverture du haïk,derrièrelapetitebandededentelled’environdeuxcentimètresdehautsurhuitcentimètresde large.Puis,dans le tintementde lachaîneet lapetitemusiquedesclochettes,ellesuivitsonmaître.Jesupposaique,souslehaïk,elleétaitnueetportaituncollier.L’utilisationdelachaîne de marche, qui attache les chevilles, et que l’on fait porter à l’esclave lorsqu’elleaccompagnesonmaîtredehors,n’estpasraredanslarégionduTahari.AuTahari,onpensequ’unedémarchemesuréeestundesattraitsdelafemme.Toutlemonden’estpasd’accordsur la longueurde la chaîne,de sortequecelle-civarie.Àmonavis, il sembleévidentqu’ilfautexpérimenteren fonctionde la femme.Latailleet lastructuredeshanchesvarient.Jeprisladécisiond’acheterunetellechaîneàl’intentiondeMissBlake-Allen.J’avaisenviedesavoir quelle longueur de démarche irait le mieux à cette esclave. Les femmes libres duTahari, incidemment, en général, même dans leur demeure, mesurent également leurdémarche.Quelques-uness’attachentleschevillesavecunecordelettedesoie.D’autresvontjusqu’àutiliserunechaîne,maisellesenconserventlaclé.Lesjeunesfilleslibres,quinesontpas encore Compagnes, mais en âge d’accepter une Compagnie, signalent parfois leurdisponibilitéauxsoupirantséventuelsenportantàlachevillegaucheuneclochetteunique,la«ClochettedelaVierge».Lanotedecetteclochette,hauteetclaire,sedistingueaisémentdecelle des clochettes avilissantes et sensuelles des esclaves. Parfois les jeunes filles libres,lorsqu’elles sont en groupes, se procurent des clochettes d’esclave et, s’enchaînant leschevilles,mettentdeshaïkset vont sepromenerenville.Parfois, leur comédie juvénilenetourne pas comme elles s’y attendaient. Parfois, elles sont capturées, vendues et envoyéesdansuneoasisperdue.

J’entendisdescriset,passantsousungrandporche,entraidanslespetitesruellesétroitesdumarché.

J’écartaideuxvendeursd’abricotsetd’épices.«ViensavecmoiaucafédesCagesRouges,»m’interpellaunjeunegarçon,metirantpar

lamanche.Ilsreçoiventuntarskdecuivrechaque foisqu’ilsamènentunclientaucafé.Jedonnaiuntarskdecuivreaujeunegarçonetils’enallaencourant.

Jemefrayaiprudemmentunchemindanslafoule.Les vendeurs viennent tôt aumarché, quittant leurs villages des environs de Tor avant

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l’aube,afindepouvoirtrouverunemplacement,depréférenceprèsdelaporteprincipale,etd’yprésenterleursmarchandises.Jefusbousculépardeuxhommesendjellabas.Jeressentisunpicotementàlacheville.J’avaisfailliposerlepieddansunpanierdeprunes.Sansmêmeleverlatête,lafemmeavaitcriépuis,avecunbâton,m’avaitfrappé,protégeantsesfruits.

«Melons!»criasonvoisin,tendantunesphèrejaunâtre,àrayuresrouges,versmoi.Unjeune garçon passa, crachant des graines de topsit. L’image de Kamchak, de la tribu desTuchuks,metraversal’esprit.Jesouris.Seulslestopsitsàlonguetige,rares,contenaientunnombrepairdegraines.DanslesPlainesdeTuria,oudanslePaysdesPeuplesdesChariots,onn’entrouvaitqu’àlafindel’été.ÀTor,cependant,oùilyagénéralementdeuxrécoltes,ondoitentrouverbeaucoupplustôt.Néanmoins,sil’onavaitinsisté,j’auraisditqueletopsitdujeune garçon contenait certainement unnombre impair de graines.C’est le cas de presquetous les topsits.Néanmoins, jen’euspas lapossibilitédepariersurcepointavecKamchakdesTuchuks.Jefuslégèrementsurprisdufaitquelejeunegarçonmangeaitletopsitcru,carcesontdesfruitstrèsamers,mais jesavaisqueleshabitantsdelarégionduTahari,decesrégions torrides et ensoleillées, aimaient les goûts et les parfums forts. Les poivres et lesépices,quelesenfantsdesrégionsduTaharieux-mêmesaimaient,suffisaientàpersuaderlecitoyenordinairedeThentisoud’Arqu’onluiarrachaitlalangueetlepalais.

Je regardaisautourdemoi,de tempsen temps,comme le font lesGuerriers. Il est rarequ’ils parcourent une grande distance sans regarder ce qu’il se passe derrière eux. Puis jepoursuivismoncheminendirectiondubazar.

Jepassaidevantdescaissesdesuls.Une femmevoiléevendaitdes tefadedattes.Unemainavec lescinqdoigts fermés,pas

ouverts,estunetef.Sixpoignéesdecetypeconstituentunetefa,cemotdésignantunpetitpanier.Cinqpaniersdecetypeformentunehuda.

Unpeuplusloin,unhommevendaitdusavon.Ilétaitenpainsrondsetbruns,coupésentranches.Onlefabriqueenfaisantbouillirdescendresavecdelagraisseanimale.

Lorsque j’étaisarrivéàTor, j’avais immédiatement louéunpetit compartimentdans lesbâtiments en briques peintes proches des rues des tables des caravanes. Presque toujours,saufauplusfortdelachaleurdel’été,entrelaQuatrièmeetlaSixièmeMainsTransitoires,alorsque seulesde rares caravanes traversent les étenduesdésertiquesduTahari, il y enatoujours qui sont libres. On y accédait par un étroit escalier de bois et il donnait sur uncouloir étroit éclairé par des lampes à huile de tharlarion ; il y avait également, dans cecouloir,lesportesd’autrespiècessemblables.

Dèsquelaportefutrefermée,labarreayantétéglisséedansseslogements,jemetournaivers Miss Blake-Allen. Elle était debout, dissimulée par le haïk, et me regardait. Je medirigeai vers elle et la jetai à mes pieds sur les planches grossières, lui arrachant sonvêtement.Ellemeregarda,terrifiée.

«Unefille,»dis-je,«enentrantdanslecompartimentdesonMaître,s’agenouille.»—«Jenesavaispas,Maître,»dit-elle.— « En outre, » repris-je, « en général, en présence d’un homme libre, les femmes

s’agenouillent.»—«Oui,Maître,»dit-elle,effrayée.Jelaregardai.J’espéraiqu’ellen’étaitpasstupide.Puisjelajetaisurledosdanslapailleetmeservisd’elle.Quandj’eusterminé,jeluidis:—«Àprésent,jevaisdormir.Faisleménage!»—«Oui,Maître,»dit-elle.Tandisquejedormais,avecunbalai,unmorceaudetissuetunecuvetted’eau,àquatre

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pattes, elle nettoya le compartiment.Quand je fus réveillé elle resta à genoux, tremblante,tandisquej’inspectaislapièce.Elleétaitimpeccable.

« C’est bien, » dis-je. Ses épaules se détendirent. Elle ne serait pas battue. Puis, sur lapaille, jeme servis à nouveau d’elle. Je l’embrassai et lamordillai beaucoup autour de samarque, lui en faisantprendreune conscience aiguë.Allongée sur ledos, elle gémissaitdedésespoir.Duboutdudoigt,j’entraçaidoucementlescontours.«Joliemarque,»appréciai-je.

—«Merci,Maître,»souffla-t-elle.Avantdepartir,jeluienchaînaileschevilles,serrant,afinqu’ellenepuissepasselever.Couchéesurleflanc,elletenditlesbrasversmoi.«Quandreviendras-tu, Maître ? » sanglota-t-elle. Je lui passai les menottes et, en larmes, elle setournasurleventre,latêtependante,seslarmestombantsurlapaille.

Jel’avaislaisséeainsietétaisallédanslescafés,àlarecherched’informations.Danslescafés, comme dans les tavernes du nord, on côtoie la réalité d’une ville, on apprend lesdernièresnouvelles,cequ’ilsepasse,quelssontlesdangers,lesplaisirsetlesdétenteursdupouvoir.

J’avaissurtoutapprisqu’ilyavaitunemauvaiseententeentrelesKavarsetlesAretai.Lesraids étaient devenus plus fréquents. Si la guerre éclatait, les tribus vassales telles que lesChar, les Kushani, les Ta’kara, les Raviri, les Tashid, les Luraz, les Bakahs, seraientimpliquées.LaguerreferaitragedansleTahari.

J’appartiensàlaCastedesGuerriers.Néanmoins,laperspectived’unconflitdegrandeenverguredansleTaharinemeplaisait

pas.Ilnemerendraitpas,s’ilseproduisait,latâcheplusfacile.Lesdanseusesdescafésétaientsplendides.Dansdeuxcafés,jepayaiunepièceauMaître

deDanseet,parlescheveux,conduisiscellequim’avaitpludansunealcôve.J’étaisrentrétarddans lecompartiment.MissBlake-Allen, la têteparterre,s’agenouilla

lorsquej’entrai.Danslescafés,j’avaisfestoyé.J’avaismangédelaviandedeverrcoupéeenmorceauxetgrilléesurdestigesmétalliques,avecdestranchesdepoivronetde larma;duragoûtdevuloavecduraisin,desoignonsetdumiel,etunkortavecdufromagefonduetdelamuscade;duthédeBazi,brûlantetsucrépuis,plustard,duvinnoirdeTuria.Jen’avaispasoublié l’esclave,bienentendu.Je jetaidescroûtesdepainsur lesplanches,devantelle.C’était dupain d’esclave, fait de farine grossière. La jeune femme lesmangea avec avidité.Elleignoraitsiellemangeraitcejour-là.Ilarrivequ’onnefassepasmangerlesesclaves.Celase produit parfois pour des raisons esthétiques comme, par exemple, lorsque sesmensurations,quisontétroitementsurveillées,s’éloignentuntantsoitpeudel’idéequesefaitsonmaîtredescourbesidéales;parfoissimplementpourluirappelerdequielledépend,totalement,jusquedanssavie;parfois,c’estunentraînementouunemesuredisciplinaire;parfois,c’estsimplementpourlatroubleretladéconcerter;qu’a-t-ellefait?Onneleluiditpas ; n’a-t-elle pas été assez agréable ?Onne le lui dit pas. La femme, effrayée, anxieuse,redoubled’effortspourplairedans lesmille sphèresde sonasservissement, intellectuelles,physiquesetimaginaires;onditquelemaîtrequin’apasprivésonesclavedenourriturenelaconnaîtpas;commelessurprisesréservéesàceluiquicroyaitconnaîtresonesclaveetlaretrouve après cette petite expérience, sont agréables ! L’intelligence de la femme est plusvive ; elle devient pleine de ressources, impuissante, désespérée, attentive, inventive.«Donne-moiàmanger,Maître,»supplie-t-elle.«Donne-moiàmanger!»Autermedecetteexpérience, lorsqu’on lui donne àmanger, c’est toujours à genoux, nue, dans lamain.Ellen’oubliepaslaleçon.Raressontleschosesquifontmieuxsentiràunefemmeladomination

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dumâle,etsadépendancevis-à-visdelui,quelecontrôledesanourriture.Cettedomination,àconditionqu’ellesoitabsolue,excitelafemmejusqu’auplusprofondd’elle-même.

J’avais, de temps en temps, affamé Miss Blake-Allen, ne lui donnant que de maigresrations.Toutefois jene luiavaispasvéritablement faitprendreconscience,aumoyende lanourriture,desonasservissement.Jenevoulaispasqu’ellesoitàplatventreàmespieds.Ceplaisir,jemelerefusais,afinqu’ilsoitréservéàsonpremiermaîtrevéritable.

Je voulais qu’elle reste, à l’exception de quelques raffinements, une femme libre de laTerre, portant un collier, jusqu’à sa vente. Le plaisir d’en faire une esclave véritable,complètement,danstoutlesensduterme,jel’accordaisàl’individuàquijelavendraisouladonnerais. Je l’imaginais, avec ses yeux bleus et sa peau claire, furieuse, fière, rebelle,déterminéeetindomptée,debout,nue,surlanattedesoumissiondesatente.Auboutd’unesemaine,jemedemandaicommentelleserait.

Quittant le marché, je m’engageai dans une rue bordée de boutiques et d’échoppes, lebazaroù,àTor,onaccèdeparleportaildumarché.

«LesAretaivontagir,»ditunhommeàunautre.Je m’arrêtai devant une échoppe où l’on vendait de légères chaînes de marche. Elles

étaientsuspenduessurdesmorceauxdeboissemblablesàdesperchoirsdeperroquet.Sansmarchander beaucoup, j’en achetai une qui me parut jolie. Elles sont réglables d’unelongueur de cinq centimètres, pour immobiliser l’esclave, à une longueur de pas d’environquatre-vingtscentimètres.Deuxcléssontfournies,unepourchacundesanneauxdecheville.J’achetaiégalementdesclochettesd’esclave,fixéessurunelanièredecuirdepréférenceàunanneaumétallique.Ellessontmoinschères;enoutre,onpeutlesfixersurd’autrespartiesdu corps, au cou, au poignet, à la cheville, autour de la cuisse ou du bras, etc. ; avec desclochettes,lesfemmessontravissantes;ellesnepeuventlesenlever,naturellement,sanslapermissiondumaître.

Jepassaidevantlaportedelademeured’unMarchandd’Esclaves.Audernierétagedelademeure,parunedesfenêtresétroites,jevisunefemmequiregardaitdehors.Ellesouritetpassalebrasparlafenêtre,mefaisantsigne.Sonvisageétaitpressécontrelesbarreaux.Elleavaituncollier.Jeluienvoyaiunbaiseràlamanièregoréenne, le luienvoyantduboutdesdoigts.

Jeregardaidansuneboutiqueoùl’ontournaitdespots.Dansuncoin,nonloindestours,contre un mur, assis au milieu de nombreux récipients, un jeune garçon, avec le doigt,appliquait soigneusement du pigment bleu sur une grande cruche à deux anses. Quand lacruche seraitmisedans le four, lepigment cuirait etdeviendrait lisse.Les foursétaientaufonddel’échoppe.

«LesKavarsrecrutentdéjàdeslances,»entendis-je.LestapisdeTorsonttrèsbeaux.Jem’arrêtaipourenregarderquelques-uns,suspendusà

l’étalage,etdenombreuxautres,empilésàl’ombre.Certainstapisreprésententletravaildecinq femmes pendant plus d’un an. Les motifs, mémorisés par les spécialistes, qui sontparfoisaveugles,sontcomplexesetrestentdanslesfamilles.Ilssontréaliséssurdesmétierssimpleset lepoilestnouésur lachaîneet latrame.Certainstapisontplusdequatrecentsnœudsàl’hortcarré.L’hortfait,approximativement,unpeuplusdetroiscentimètres.Touslesnœudssont faitsà lamainparune femmelibre. Ilyadenombreusesvariétésde tapis.Presque tous sont incroyablement beaux. Les teintures utilisées dans la fabrication de cestapis sont, dans l’ensemble, des teintures naturelles, végétales, provenant d’écorces et defeuilles,deracinesetdefleursetd’autresproduitsanimaux,d’insectesécrasésparexemple.En plusieurs endroits, dans le bazar, suspendus au treillis tendu entre les bâtiments,

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séchaientdenombreuxécheveauxdelainedecouleursvives.LesCardeursetlesTeinturiers,incidemment, sont des sous-Castes des Tisserands. Toutes sont des sous-Castes desTapissiers qui est elle-même, bizarrement peut-être, une sous-Caste des Tailleurs. LesTapissiers, cependant, se considèrent en général dans leurs diverses sous-castes, commeindépendants des Tailleurs. Un Tapissier ne veut pas être mis sur le même plan qu’unfabricantdekaftans,deturbansoudedjellabas.

Jeregardailesécheveauxdelainesuspendusauxpoteauxsoutenantletreillis.Ilsétaienttrèscolorés.Lameilleure laine, toutefois,serécolteauprintempssur leventredesverrsetdeshurtsdesortequ’ilneseraitpossibledes’enprocurerqueplustard.Lemarchédelalaineétait,bienentendu,pourl’instantensommeil.

Je passai devant la porte de la demeure d’un autre Marchand d’Esclaves. Je balançaistranquillementlachaîneauboutdemonbras.ElleseraitjoliesurleschevillesmincesdelabelleMissBlake-Allen.

Jepassaidevantunhommequifaisaitdesincrustationssurbois;devantlaboutiqued’unOrfèvre, et des boutiques pleines de paniers dont certains, destinés au grain, auraient pucontenir un homme. Ailleurs, du cuir tanné, teint, était suspendu, pourpre, rouge, jaune.Dansuneéchoppe,unjeunegarçonutilisaituntouràarc.Ilfaisaittournerleboisavecl’arctenduqu’il tenaitdans lamaindroite.Avec lamaingaucheet lepieddroit, ilguidait l’outiltranchant.Dansuneautreboutique,onvendaitdesdjellabasetdesburnous,vêtementssansmanches,avecunecapuche,convenantaudésert.Onpeut,dufaitqu’iln’apasdemanches,rejeterleburnousenarrière,alorsquec’estimpossibleavecladjellaba,cequilibèrelesbras.Ceuxquimontentlekaiilarapide,manientlecimeterreetlalance,préfèrentleburnous.

Je passai devant une autre boutique, où l’on vendait des nattes. On s’en sert à diversusages, verticalement comme paravent ou, plus normalement, horizontalement pours’asseoiretdormir.Onpeutlesrouler,desortequ’ellesnetiennentpasbeaucoupdeplace.Jevisdesnattesd’esclave,à fibresrugueuseset,parmielles, lesplusrugueusesde toutes, lesnattesdesoumissionsurlesquellesl’esclaveestcontraintedeplaireàsonmaître.

Ilyavaitdesvendeursdefoulardsetd’écharpes,devoilesetdehaïks,dechalwarsetderobes, debabouches etdekaftans etde cordesdestinées aux agals.Enoutre, il y avait desmarchandsdetissu,avecleurssoieriesetleursrouleauxdereps.Letissusemesureenah-ils,longueurcompriseentrelecoudeetl’extrémitédumajeur,etenah-rals,quiéquivalentàdixah-ils.Jevisdesdaguesqu’ilestpossibledecacherdanslamanche.J’écartaiunvendeurdenattes.

Dans une autre boutique, on vendait une esclave. Je la regardai, pendant quelquesinstants,danserdevantmoi,puisjem’enallai.

Jesentisl’huiledeveminium.Les pétales de veminium, le « Véminium du désert », violacés, par opposition au

«VeminiumdeThentis»,bleuâtre,dontlesfleurspoussentàlalisièreduTahari,ramassésdansdespanierspeuprofondsetversésdansunalambic,sontbouillisdansl’eau.Lavapeur,ensecondensant, formeunehuile.Cettehuileestutiliséepourparfumer l’eau.Onneboitpas cette eau mais on l’utilise, dans les demeures de la classe moyenne et de la classesupérieure,pourrincerlamainquimange,avantetaprèslerepasdusoir.

Unpeuplus loin, surunepetite estradedepierre, plusieurs femmes, enchaînées,nues,étaientàvendre,bizarrementàprixfixe.C’étaituneventemunicipale,souslajuridictiondestribunauxdeTor.Unejeunefemmeàlapeaubrune,auxyeuxnoirs,quin’avaitpasplusdequinzeans,àgenoux,lespoignetsetleschevillesenchaînés,meregarda.Onlavendaitpourpayerlesdettesdejeudesonpère.Jel’achetaietl’affranchisaussitôt.

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«Oùesttonpère?»m’enquis-je.—«AuxtablesdejeuduKaiilad’Or,»sanglota-t-elle.Je la regardai. Elle était jolie. Je regardai les chaînes restées sur l’estrade de pierre.

D’autresfemmestendirentlesbrasversmoi.Jemetournaiànouveauverslajeunefille.—«Dansunan,»luidis-je,«tuserasdenouveauàgenouxsurl’estradedepierre,sous

l’auvent.»Jeladévisageai.«Tuserasalorstropbelle,»ajoutai-je,lafixant,«pourqu’ilsoitpossibledet’affranchir.»

—«Jedoisrentrervitechezmoi,»dit-elle,«etpréparerledînerdemonpère.»Je la regardai courir, honteuse, dans les rues. Elle était jolie. J’étais persuadé qu’elle

finirait par porter des clochettes d’esclave. Même si elle n’était pas vendue par lamagistrature de Tor, elle tomberait vraisemblablement dans les filets d’un Marchandd’Esclaves.

« Achète-nous ! Achète-nous, Maître ! » crièrent les autres femmes rassemblées surl’estrade.

—«Restezesclaves!»leurrépondis-je,tournantledos.Ellespleurèrent.J’entendislefouets’abattresurelles.Icietlà,danslebazar,jefisdesachats.Pardeuxfois,jecroisaideuxgardesvêtusderobesblanchesàrayuresrougesetarmésde

cimeterres,lapolicedeTor.Moins de cinq pas derrière eux, je vis un voleur en haillons couper la bourse d’un

marchand, en faisant tomber le contenu dans sa main puis, plié en deux et ricanant,disparaître dans la foule. Le marchand poursuivit son chemin. L’homme avait agi avecadresse.Jemesouvinsd’une jeunefemmenomméeTina,autrefoisdeLydius,àprésentdePortKar.C’étaitégalementuneexcellentevoleuse.Mespiècessetrouvaientdanslespochesdemaceinture,sousmesrobes,à l’exceptiond’unepetitebourseque jeportaisaucôté.JemedéplaçaisdansTor,àprésent,déguiséenvoyageuroriginairedeTuria,petitmarchand.Jevérifiaimabourse.Elleétaitintacte.

D’autres voleurs n’avaient pas eu autant de chance. Plusieurs mains droites coupéesétaientclouéessuruneplancheoùétaitaffichéleprixdusel.

Iln’yavaitpasdemainsféminines,surlaplanche.ÀTor,mêmelorsquec’estsonpremierdélit,lavoleuseestimmédiatementréduiteenesclavage.

Je jetai un coup d’œil derrière moi. Pour la deuxième fois, je vis quatre hommes, lesquatremêmes.Maisilsn’étaientquequatre.

Jem’arrêtaipourlaisserpasseruneChaîned’esclavesmâles,poussésàcoupsdehampesde lances. Ils partaient pour lesmines de sel du Tahari, d’où viennent presque toutes lescaravanes de sel. Àmon avis, lamoitié n’atteindrait pas lesmines. Ils portaient au coudelourdscolliersavecunanneau.Unelourdechaîne,passéedanslesanneaux,lesattachaitlesuns aux autres.Desmenottes leur attachaient les poignets dans le dos. Ils étaient nus. Ilsportaientdescapuchonsd’esclave.Leshommesleurcrachèrentdessuslorsqu’ilspassèrent.

Miss Blake-Allen n’était plus dans mon compartiment. Elle était, à présent, dans Iles

cages publiques de Tor. Lematin du deuxième jour, dans le cadre demamission pour lecomptedesPrêtres-Rois,j’étaisentrédanslesbureauxduMaîtredesEsclavesmunicipauxdeTor.

«Nebougepas !»avais-jeordonnéàMissBlake-Allen,montrant le centrede lapièce,devant le bureau du Maître des Esclaves. Elle resta à l’endroit indiqué. « Quitte tesbabouches ! » avais-je ajouté. Elle quitta ses babouches, noires avec un filet d’argent. Elle

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était à présent pieds nus. Le Maître des Esclaves se leva et fit le tour de son bureau. Ils’appuyacontre,assissurlebord.«Quittetonhaïk!»avais-jeànouveauintiméàlafemme.Ellequittasonvêtement.Ellerestanuedevantnous.

LeMaître desEsclaves la regarda. Puis il tourna lentement autour d’elle. Elle se tenaitdroite,commeunefemelleexaminéeparunhomme.Elleneleregardaitpas.LeMaîtredesEsclavesmeconsultaduregard.Jehochailatête.Soncorpssecrispaetellefermalesyeuxtandis que ses mains de Goréen habitué à juger la chair, compétentes, sensibles,professionnelles,efficaces,estimaientrapidementlatexturedelapeau,quidiffèresuivantlesendroits,letonusdelamusculature,sesdiversesdouceursetfermetés,lesdélicestendresetcomplexes de ses courbes, ses formesmanifestement excitantes, ainsi que les formes plussubtiles,lescourbesdelahanche,del’épaule,del’intérieurdupied,delanuque;iléprouvaégalement,provoquant chezelleunehorreur impuissante, lesplaisirs latentsen soncorps,rapidementrévélés,puisapaisés;ilstrahirentlasensibilitéincroyabledesoncorps;sesyeuxétaientpleinsde larmes ; comme la femme,medis-je, est précieuse et belle, comme il estnaturelqu’unhommeénergique,volontaire,aitsimplementenviedeposséderunecréatureaussifantastique,délicieuse,commeilestnaturelque,danslachaleurglorieusedesonsang,il veuille la posséder, la dévorer, la dominer, être sonmaître ! Sur Gor, bien entendu, leshommessont libresd’agirà leurguise,dumoinsavec lesesclavescomme l’était, contresavolonté,l’infortunéeMissBlake-Allen.

LeMaîtredesEsclavess’éloignadel’esclave.«Àgenoux!»luidis-je.Elles’agenouilla.—«Blonde,»évalua-t-il,«apparemmentdéterminéeàresterfrigide,aveclesyeuxbleus,

pas encore domptée, un potentiel incroyable de chaleur sexuelle impuissante, un potentielincroyable de soumission impuissante dans l’asservissement ; excellent. Veux-tu lavendre?»

—«Tiens-toidroite,Esclave!»ordonnai-je.Effrayée,MissBlake-Allenseredressaetlevalatête.Elleétaitassisesur les talons, lesgenouxécartés, lespaumesdesmainssur lescuisses.

C’était lapositionde l’EsclavedePlaisir. Je lui avais enseigné cetteposition.C’estunedespremièreschosesqu’unejoliefemme,asserviesurGor,apprend.

—«Veux-tulavendre?»demandaànouveauleMaîtredesEsclavesdeTor.Jesavaisquesesservicesnem’endonneraientpaslemeilleurprixcarlescagespubliques

achètent et vendent bonmarché. Elles existent principalement en tant que service destinéauxMaîtresdesCaravanesqui achètent les femmes invendues et les revendent audétail àd’autresmarchands, lorsqu’il leurarrivedemanquerdechair fraîchepour le traficavec lesoasis.Lescagesmunicipalesexistentessentiellementenfonctiondeceservice,paspourfairedesbénéfices.

—«Queproposes-tu?»demandai-je.—«Onzetarsksd’argent,»dit-il.Jesavaisquejepouvaisobtenirdeuxfoisplusdansunedemeureprivée.«Quinze?»s’enquit-il.—«Non.»Jesouris.«Maistapropositionestrassurante.»Ilsouritàsontour.—«Jenepensaispasquetuvoulaislavendre,»reconnut-il.«C’estpourquoijemesuis

montréhonnêteavectoi.Maintenantquejesuissûrquetuneveuxpaslavendre,jepeuxtedire que, àmon avis, » ajouta-t-il en regardant la femme agenouillée, « son potentiel estfantastique.»

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—«Celame fait plaisir, » opinai-je.Miss Blake-Allen, en position d’Esclave de Plaisir,regardaitlapièce.Ellenepouvaitcomprendrecequenousdisions,carnousparlionsgoréen.C’étaitpeut-êtrepréférable.

En général, les cages publiques achetaient des femmes deux ou trois tarsks d’argent lapièce.Jesavais,àprésent,queMissBlake-AllenavaitbeaucoupdevaleurauTahari.Celamefitplaisir.

Je la regardai. Elle était belle. J’étais d’accord avec le Maître des Esclaves. De touteévidence,elleseraitunjouruneexcellenteesclave.

«Jevoudrais,»dis-je,«lamettreenpensionetluidonnerunpeudeformation.»—«Notretarifestd’untarskdecuivreparjour,»merenseigna-t-il.«Laformationesten

supplémentmais,àmonavis,àuntarifaussiraisonnable.»—«Elleneparlepaslegoréen,»ajoutai-je.Ilsourit.—«Elleapprendravite,»promit-il.Puis nous discutâmes les détails de la formation. Le régime de la cage de stimulation

serait inclus dans cette formation. Pendant les cinq premières nuits, suivant marecommandation, elle porterait le harnais de corde. Ensuite, si nécessaire, il serait utilisécommepunition.

—«Toutefois, » ajoutai-je, « autorise-la à regarder son professeur dans les yeux, ainsique lesautresmâles.Jeneveuxpasqu’elledevienne l’esclaved’amourdupremierhommequ’elleseraautoriséeàregarder.»

—«Jecomprends,»ditl’homme.—«Ya-t-ilautrechose?»demandai-je.—«Aurons-nousledroitdelapriverdenourritureetdelafouetter?»s’enquit-il.—«Naturellement,»répondis-je.Puisjemetournaiverslajeunefemme.«Commentt’appelles-tu?»luidemandai-jeenanglais.—«PriscillaBlake-Allen,»répondit-elle.Jelafixai.Sonvisageblêmit.«Jen’aipasdenom,Maître,»souffla-t-elle.«Jenesuisqu’uneesclavesansnom.»Je réfléchis. Priscilla Blake-Allen. Blake-Allen. Ellen. Allen. Aliéna. Ah-leh-na. Puis je

trouvai.UnnomexcellentetassezrépandudansleTaharigoréen.—«Jevaistedonnerunnom,»l’informai-je.Ellemeregarda.«Alyena,»décidai-je.Le« l »,dans cenom, est roulé,undesdeux« l» fréquents en

goréen.La traductionanglaise,quoique imparfaite, serait :«Ahl-yieh-ain-nah», le«ain»étant prononcé comme une rime de « enne ». La première et la troisième syllabes sontaccentuées.C’estunnommélodieux.Àmonavis,ilaugmenteraitsonprix.Lescommissaires-priseursutilisentsouventlesnoms.

« Voici, Nobles Messieurs, que vous est présentée une esclave nommée Alyena.Contemplez-la ! Vous plaît-elle ? Bouge devant ces Nobles Messieurs, Alyena. Montre tabeauté.Cesmaîtrest’excitent-ils?As-tuenviedelesservir?Contemplez,NoblesMessieurs,Alyenadansesabeautépourvous.Combienoffrez-vouspourlabelleAlyena?»

—«Alyena,»soufflalajeunefemme.—«Alyena,»répétai-je.—«Oui,Maître,»souffla-t-elleànouveau.—«Jenetevendspas,»repris-je.«TuesicidanslescagespubliquesdeTor.Jet’ymets

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en pension et tu y seras formée. Tu commenceras par apprendre le goréen. Tu apprendrascomme un enfant, sans passer par l’anglais. Tu apprendras vite. Tu feras également desexercicesetturecevrasuneinstructiond’esclave.»

—«Uneinstructiond’esclave?»s’enquit-elle.—«Oui,»répondis-je.«Est-ceclair,Alyena?»—«Oui,Maître,»souffla-t-elle.—«Situnecoopèrespas,ousituapprendslentement,tuserasprivéedenourritureou

battue…fouettée…Compris?»—«Oui,Maître,»réponditlajeunefemme,lesyeuxdilatés.Jejetaiuntarskd’argentauMaîtredesEsclaves.Ilclaquadanssesmains.Franchissant

unrideaudefilsd’argent,entrauneesclavegrandeetpuissante.Elleportaitunsimplecolliermétallique, avec un anneau. Elle portait un soutien-gorge de cuir ; deux bandes de cuir,attachées à la ceinture, lui couvraient les cuisses ; sur ses mollets, des lanières de cuirattachaientdelourdessandalesàsespieds.Àlamain,elleavaitunecravachedecuirlongueetsouple,normalementdestinéeauxkaiilas,d’environuncentimètredelargeetunmètredelong.

La femmepuissante regarda avec gourmandise la douce et tendreAlyena. Puis, avec sacravache,ellemontralerideaudefilsd’argent.

«File,maJolie!»dit-elleàAlyena,rudement,engoréen.Misérablement,comprenantcequel’onexigeaitd’elle,Alyenacourutverslerideau.Puis elle se retourna etme regarda. La cravache s’abattit, violemment, sur son épaule.

Poussantun cridedouleur, la jolieAlyenapivota sur elle-mêmeet, en larmes, trébuchant,franchitlerideaudefilsd’argent,entrantdanslescagesdeTor.

—«Àpropos,»demandai-jeauMaîtredesEsclaves,tranquillement,bienquecesoitpourcette raison que j’étais venu, « il y a une femme qui m’intéresse et qui, d’après mesrenseignements,s’appelleVeemaetaséjournédanstesservices.J’aimeraissavoircequ’elleestdevenue.As-tudesrenseignementslaconcernant?»

—«Connais-tusonnuméro?»demanda-t-il.—«87432,»dis-je.—«Cetyped’informationestgénéralementconfidentiel,»relevaleMaîtredesEsclaves.Jeposaiuntarskd’argentsurlatable.Sansunmot,ilsedirigeaversuneétagèrechargéedegrosregistresàreliuredecuir.«Nous l’avons achetéedeux tarsks àunMaîtredeCaravanenomméZad,de l’Oasisde

Farad,»dit-il.—«Jepréféreraissavoirquil’aachetée,»relevai-je.—«Nousl’avonsvenduequatretarsks,»ditleMaîtredesEsclaves.—«Àqui?»insistai-je.—«Gardetontarsk,»fitl’hommeavecunegrimace.«Aucunnomn’estindiqué.»—«Tesouviens-tudecettefemme?»demandai-je.—«Non,»répondit-il.—«Pourquoiavez-vousomisd’indiquerunnom?»m’enquis-je.—«Apparemment,aucunnomn’aétédonné,»répondit-il.—«Vendez-voussouventlesfemmesainsi?»demandai-je.—«Oui,»affirma-t-il.«C’est l’argentquinous intéresse.Peunous importe lenomde

l’acheteur.»Jevérifiaipersonnellementleregistre.Lesindicationsn’étaientpascodées.—«Gardeletarsk,»dis-jeàl’homme.PuisjesortisdubureauduMaîtredesEsclavesde

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Tor.Jen’avaispaspumeprocurerlenomdel’individuquiavaitachetéVeemaetl’avaitsansdouteenvoyéeàPortKaravecunmessage.Àmonavis, leMaîtredesEsclavesdeTor,dansl’exercicedesesactivités,étaithonnête.

J’étaissatisfaitqu’ilnesachepasàquiavaitétévendueVeema,87432,numéroturien.Jemesouvinsdumessagequ’elleportait:«Méfie-toid’Abdul.».

JedisaurevoirauMaîtredesEsclaves.Dans le bazar, je m’arrêtai, feignant de regarder des miroirs. Les quatre hommes que

j’avaisdéjàvus,deuxgrandsetdeuxpetits,vêtusdeburnousblancs,mesuivaienttoujours.JemefaisaisappelerHakim,nomduTahariconvenantàunMarchand.Jechoisiraisl’endroitavecsoin.Jepassaidevantlaboutiqued’unParfumeuretpensaiàSaphrardeTuria.Puisjepassai

devant une échoppe où l’on fabriquait des selles légères et hautes de kaiilas. On pouvaitégalementyacheterdescouverturesdeselle,descravaches,desclochettesetdesrênes.Lesrênesdekaiilassontsimples, très légères, recouvertesdedifférentesvariétésdecuir. Ilyasouvententredixetdouzebandesdecuirteintparrêne.Chaquebande,bizarrement,comptetenude la résistancede la rêne, est unpeuplus épaissequ’une grosse lanière.Lesbandessontcoupéesaucouteau,etc’estuntravailextrêmementprécis.Larêneestattachéedansuntrou percé dans la narine droite du kaiila. Elle passe sous lamâchoire de l’animal, vers lagauche.Lorsqu’onveutquel’animalailleàgauche,ontirelarêneàgauche;lorsqu’onveutqu’il aille à droite, on tire à droite, passant la rêne sur le cou de l’animal, exerçant unepression sur sa joue gauche. Pour l’arrêter, on tire en arrière. Pour le faire démarrer ouaccélérer,onluidonnedescoupsdetalondanslesflancsoubienonutiliselacravache.

Je passai devant un des puits de Tor. Des marches, larges, plates, usées, en cerclesconcentriques,permettaientd’accéderàl’eau.Àcetteépoquedel’année,huitmarchesétaienthorsdel’eau.Beaucoupdegensvenaientchercherdel’eau.Jevisdesenfantsboireàquatrepattes, des femmes remplissant des jarres, des hommes submergeant des outres, l’airformant des bulles tandis qu’elles se remplissaient. Commepresque toute l’eau duTahari,l’eaudeTorétaitlégèrementsalineettrouble.

Regardantdistraitementautourdemoi,jejetaiuncoupd’œilauxquatrehommes.Jelesjaugeai,décidantlequelseraitleplusrapide,leplusdangereux,lechef;puisceluiquiseraitjusteunpeumoinsdangereux;puislesautres.

JeviségalementlePorteurd’Eauavecsestassesenétain.Jetrouvaisoudainbizarrequ’ilsoitdanslebazar,quisetrouvedanslapartiebassedelaville,àproximitédespuits.Detouteévidence, personne n’achèterait de l’eau alors qu’il était possible de s’en procurergratuitement. Il descendit les marches et plongea son outre dans l’eau, m’adressant unsourire, me reconnaissant. Je lui rendis son sourire et m’éloignai. C’était un pauvre type,inoffensif, servile, sans importance.Jeme trouvai stupide.Naturellement, il lui fallaitbienaller au bazar. Pouvait-il remplir son outre dans la poussière des terrasses supérieures deTor?

Jem’engageai dansune rue adjacente, puisdansune autre, à l’extrémitéde laquelle sedressaitunmur.Ilyavaitpeudepassants.

J’entendis les pas précipités des hommes. Je balançai légèrement la chaîne demarchedansmamain,sansregarderderrièremoi,nequittantpaslesombresdesyeux.

Ils me croiraient pris au piège dans l’impasse. J’avais choisi cette impasse, afin qu’ilspuissentagirrapidement,croyantchoisiralorsquec’étaitmoiquiavaispris ladécision.Enoutre, je leur laissais la possibilité de fuir. Je ne voulais pas les tuer. Il s’agissait

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probablementdebrigands.Jevislesombres,j’entendislebruissementdesrobes.Riant, avec l’exaltation du Guerrier, je me retournai rapidement, lançant la chaîne de

marche,pivotantunefoissurmoi-même.Elleatteignitlechefenpleinvisage.Ilnem’avaitfalluqu’un instant, lachaînequittantmamain,pourconstaterqu’il se trouvaitexactementoùjel’attendais,àl’endroitoùilsetrouvaitchaquefoisquejem’étaisretourné,légèrementsurladroite.Ilhurla,lachaîneluidéchirantlevisage.J’utilisaisoncorpspourbloquerdeuxhommessurmagauche.Jebondis,lesgenouxfléchis,lecorpspenché,lesjambescommedesressortsbandés,versl’hommequisetrouvaitàlagaucheduchef.Unpiedlefrappaenpleinepoitrine, l’autre lui projeta la tête en arrière. Jeme glissai derrière le chef, pris un de sespetitscompagnonsparunbrasetleprojetai,latêtelapremière,contrelemur.Ledernier,jeleprisàboutdebraset le jetaicontrelemêmemur.Ils’yécrasa,surledoset latête,puiss’effondraprèsdel’autrequigisait,inerte.Lechef,levisageensang,s’essuyalefrontetlesyeux,reculant.

«TuesdelaCastedesGuerriers,»souffla-t-il.Puisilpivotasurlui-mêmeets’enfuit.Jenelepoursuivispas.Jeretournaiaubazaretdemandaioùjepourraisacheterdel’acieretunkaiila.Unjeune

garçon,enhaillons,àquijedonnaiuntarskdecuivre,mefournitlesindicationsnécessaires.LaRuedesArmuriersétaitprochedubazar.LemarchéauxkaiilassetrouvedevantlaPorteSuddeTor.

EngagnantlaRuedesArmuriers,jerencontraiunenouvellefoislePorteurd’Eau.L’outrequ’ilportaitsurl’épauleétaitànouveaumouillée,noire,gonflée.

«Tal,Maître,»medit-il.—«Tal,»répondis-je.JegagnailaRuedesArmuriers.J’avaistrèsenviedefairelaconnaissanceducimeterredu

Tahari.«LesKavarsetlesAretaivontsefairelaguerre,»ditunhomme.JegagnailaRuedesArmuriers.Légèrement,dansmamaindroite,jebalançailachaînede

marche.ElleseraitjoliesurleschevillesmincesdelabelleAlyena,esclavequej’avaismiseenpensiondanslescagesdeTor.

Cesoir,medis-je,j’iraidîneràLaGrenade.Onditquelesdanseusesysontmagnifiques.

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3

JENEPARTICIPEPASÀCEQUISEPRODUITDANSLACOUR;

JERETROUVEUNTARSKD’ARGENT

LE kaiila de guerre, se dressant sur ses pattes postérieures, les griffes néanmoinsrentrées, se jeta sur l’autre animal, ses pattes postérieures griffues le poussant, dans uneexplosiondesable,enavant;soncousetendit,lalonguetêtegracieuse,dontlagueulearméedecrocsétaitferméeparunelanièredecuir,frappal’hommechevauchantl’autreanimal.Ilécartalatêteaveclebouclieret,sedressantsurlesétriersdelahauteselle,mefrappaavecsalamecourbedanssonfourreaudecuir.Jeparai lecoupavecma lame,égalementdanssonfourreauqui,commelesien,étaitrichementdécoré.

Les kaiilas, avec la rapidité et l’agilité de chats, tournèrent sur eux-mêmes, se baissant,poussantdescrisdefrustration,puisselancèrentànouveauàl’attaque.Aveclarênelégère,jetiraimonkaiilaverslagauche,aumomentoùnousnouscroisâmesetmonadversaire,enessayant de me toucher, fut déséquilibré. Décrivant un arc en arrière, ma lame gainée lefrappaetiltombaàlarenversesursaselle.

Ilpassaetfitpivotersonkaiila,puislefitcabrersurlesable.Jemepréparaiàunautrepassage.Depuisdixjours,nousnousentraînionsdixheuresgoréennesparjour.Surlesquarante

passages précédents, huit avaient été jugés à égalité, le sangn’ayant pas été versé. Trente-deuxfois,j’avaisétéconsidérécommevainqueur,lecoupayantétédix-neuffoismortel.

Ilretiralevoilequicouvraitsonvisagebrun,lelaissantsuspenduàsoncou.Ilrejetasonburnous sur ses épaules. Il s’appelaitHarif et était considéré comme lameilleure lame deTor.

«Dusel,»dit-ilaujuge.Lejugefitsigneàunjeunegarçonquiluiapportaunpetitplatdesel.LeGuerrierdescenditdesaselleet,àpied,s’approchademoi.Jerestaisurmamonture.—«Coupelalanièredecuirquifermelagueuledukaiila,»dit-il.Puisiladressaunsigne

au jeune garçon afin qu’il retire les fourreaux passés sur les griffes de l’animal. Il obéitprudemment,tandisquel’animal,nerveux,bougeait.

Jemedébarrassaidufourreauet,aveclalamenue,coupailalanièredecuirquifermaitlagueuledukaiila.Lecuirtombaparterre.Delasoie,quel’onlaissetombersurlecimeterreduTahari,coupéeimmédiatement,tombesurlesol.L’animalsecabra,griffantl’air,etrejetalatêteenarrière,mordantlesoleil.

Je levai la lame courbe du cimeterre. Elle brilla. Je la rengainai et mis pied à terre,donnantlarênedemamontureaujeunegarçon.

JefisfaceauGuerrier.«Chevauchelibrement,»dit-il.

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—«Jeleferai,»répondis-je.—«Jenepeuxplusrient’apprendre,»ajouta-t-il.Jerestaisilencieux.«Leseldoitêtreentrenous,»reprit-il.—«Leseldoitêtreentrenous,»répétai-je.Ilposaunpeudeselsurledosdesonpoignetdroit.Ilmeregarda.Sespaupièresétaient

plissées.—«J’espère,»dit-il,«quetunet’espasmoquédemoi.»—«Non,»répondis-je.—«Danstamain,»reprit-il,«l’aciervit,commeunoiseau.»Lejugeacquiesça.Lesyeuxdujeunegarçonbrillaient.Ilrecula.«Jen’aijamaisvucela,àcepoint.»Ilmedévisagea.«Quies-tu?»demanda-t-il.Jeposaiduselsurledosdemonpoignetdroit.—«Unhommequipartageleselavectoi,»répondis-je.—«Celasuffit,»opina-t-il.Jeposailalanguesurleseldesonpoignetdroitensueuretilposalalanguesurleselde

monpoignetdroit.«Nousavonspartagélesel,»dit-il.Puis il mit dans ma main le disque d’or au tarn, d’Ar, avec lequel j’avais payé mon

entraînement.—«Ilt’appartient,»m’étonnai-je.—«Commentcelaserait-ilpossible?»s’enquit-il.—«Jenecomprendspas,»fis-je.Ilsourit.—«Nousavonspartagélesel,»dit-il.Jeregagnaismoncompartiment,àTor,venantdestentesdeFaroukdeKasra.C’étaitun

Marchand. Il campait à proximité de la ville, achetant des kaiilas pour une caravane serendant à l’Oasis des Neuf Puits. Cette oasis est gouvernée par Suleiman,maître demillelances,SuleimandesAretai.

C’était sur mon invitation que Farouk avait accepté de juger les passages armés quiconstituaientl’étapefinaledel’entraînementaumaniementducimeterre.

Celane l’avaitpasgênécar ilétaitvenuvoirdeskaiilasparquésprèsde laPorteSuddeTor.

Lejugementn’avaitpasétédifficiledetoutemanière,carlespassagesavaientétéclairs.Un passage, adjugé pour moitié à chacun de nous, considéré comme « sans effusion desang»,auraitpuêtre sujetàdiscussion.Harifavaitvoulum’endonner lebénéfice.J’avaisrefusé, bien entendu, car son corpsn’avait pas été touché.Le juge, pourtant, ne s’était pastrompé.Le coup enquestion était un retourmontant.Bienque la lame soit gainée, j’avaisretenulecoup,l’arrêtantàunhortdesonvisage.Lecuirluiauraitdéchirélefrontau-dessusdunez. Jene voulais pas le blesser. Sans gaine, appuyé, ce coup lui aurait ouvert la tête àtraverslacapucheduburnous.

«Veux-tuêtremoninvité,cesoir,dansmestentes?»avaitdemandélejuge,FaroukdeKasra.Sonfilsavaitapportéleseletdénudélesgriffesdukaiila.Lejeunegarçonsetenaitunpeuplusloin,lesyeuxétincelants.Ils’appelaitAchmed.C’étaitluiqui,alorsqu’iltravaillaitdansunecaravane,plusieursmoisauparavant,avaitdécouvertlerochersurlequel:«Méfiedelatourd’acier.»étaitgravé.

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—«Celameferaitgrandplaisir,»dis-jeauMarchand,«dedîneravectoicesoir.»Cesoir-là,quandnouseûmesterminénotrerepasetqu’uneesclavehabillée,portantdes

bracelets,propriétédeFarouk,nouseutrincélesmainsavecdel’eauparfuméeauveminium,versée sur nos mains au-dessus d’une petite cuvette en cuivre martelé, je sortis un petitchronomètre goréen, plat, fermé, de sous mes robes. Il était carré. Je le donnai au jeunegarçon,Achmed.Il l’ouvrit.Jeregardai lespetitesaiguillesquibougeaient.Lejourgoréenavingtheures,ouahns.Lesaiguillesdesmontresgoréennesnebougentpascommecellesdesmontres de la Terre. Elles tournent en sens contraire. Dans ce cas, elles tournent en senscontrairedesaiguillesd’unemontre.Cettemontre,fabriquéeàAr,étaitbelle,solide,exacte.Elleavaitégalementunetrotteuse,marquantlepassagedesihns.Lejeunegarçonregardalesaiguilles.CesobjetsétaientraresdanslarégionduTahari.Ilmeregarda.

«Elleestàtoi,»dis-je.«C’estuncadeau.»Lejeunegarçonposalamontredanslamaindesonpère,laluioffrant.Farouk,MarchanddeKasra,sourit.Puis le jeunegarçon,portant lamontre, fit le tourdupetit feu,sur lesablede la tente ;

devanttouslesmembresdesafamille,ils’arrêta;danstouteslesmains,ilposalamontre.«Jeteladonne,»dit-il.Tousregardèrentlamontre.Puistouslaluirendirent.Lejeune

garçonrevints’asseoirprèsdemoi.Ilregardasonpère.— « Tu connaîtras l’heure, » dit Farouk de Kasra, « par la vitesse de ton kaiila, par le

cercleetl’ombredetonbâton,parlesoleil.»—«Oui,Père,»ditlejeunegarçon,baissantlatête.—«Mais,»repritlepère,«tupeuxgarderlecadeau.»—«Oh,merci,Père!»s’écria-t-il.«Merci.»Ilsetournaverslesmembresdesafamille.

«Merci.»Ilssourirent.«Ettoi,Guerrier,»medit-il,«jeteremercie.»—«Cen’estrien,»répondis-je.FaroukdeKasrameregarda.—«Jesuiscontent,»dit-il.Puisildemanda:«Quellessonttesoccupations,Hakimde

Tor,etenquoipourrais-jet’êtreutile?»C’étaitsurlechemindel’OasisdesNeufPuitsquelejeunegarçonavaitvulerocher.—«Jesuisunhumblemarchand,»dis-je.«J’aiquelquespierres,petites,quej’aimerais

vendre à l’Oasis des Neuf Puits, pour acheter des pains de dattes séchées et les vendre àTor.»

— « Tu nemanies pas l’épée comme unMarchand, » releva Farouk de Kasra avec unsourire.

Jesouriségalement.« Je dois également, » reprit Farouk deKasra, « partir pour l’Oasis desNeuf Puits. Je

seraishonorésituacceptaisdem’accompagner.»—«Jeseraisheureuxdelefaire,»répondis-je.—«J’aiachetéleskaiilasdontj’aibesoin,»m’appritFarouk.—«Quandpartiras-tu?»demandai-je.—«Àl’aube,»indiqua-t-il.—«Jedoisallerchercherunefemmeauxcagespubliques,»dis-je.«Jeterejoindraisur

lapiste.»—«Connais-tuledésert?»s’enquitFarouk.—«Non,»répondis-je.

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—«Achmed,»dit-il,«t’attendraàlaPorteSud.»—«Trèsbien,»répondis-je.Après avoir quitté les tentes de Farouk de Kasra, à l’extérieur des murs de Tor, je

regagnais tardmon compartiment, qui se trouvait dans le quartier des palefreniers et desconducteurs.

Les choses, à mon avis, allaient bien. En chemin, je trouverais le rocher qu’avaitdécouvert, quelques mois auparavant, Achmed, fils de Farouk de Kasra. Ce rocher seraitl’endroit où commenceraientmes recherches.Après l’avoir localisé, je continuerais jusqu’àl’OasisdesNeufPuits,oùjemeprocureraisdesprovisionsetdel’eau,tenteraisd’engagerunguidepuis,retournantprèsdurocher,partiraisversl’estdansleTahari.Eninterrogeantlesnomades,quejerencontreraisprobablementdanscesétenduesdésertiques,etleshabitantsdediversesoasis,dontbeaucoupse trouvaientà l’écartdes routesdes caravanes, j’espéraisglaner assez d’éléments et d’informations pour trouver lamystérieuse tour d’acier. Àmonavis, cette tour existait selon toute probabilité. Je doutais qu’il puisse s’agir du produit del’imagination de l’homme qui avait gravé l’inscription, puis était mort dans le désert. Lestours d’acier ne comptent pas au nombre des hallucinations, des mirages auxquels sontexposés les gens rendus fous par le désert. Leurs mirages sont influencés par le désir desatiété;ilsconcernentl’eau.Enoutre,ilestpeuprobablequ’ilsprennentletempsdegraverdesmessagessur les rochers.Quelquechoseavaitpoussé l’hommedans ledésert,quelquechosequ’ildevaitdire.Ils’agissait,apparemment,d’unpillard.Néanmoins,pouruneraisoninconnue, il s’était aventuré dans le désert, probablement à pied à la fin, agonisant, sedirigeant vers la civilisation pour avertir quelqu’un, ou quelque chose, de l’existence de latourd’acier.J’étaispersuadéquecettetourexistait.Enrevanche,j’auraistrèspeudechancesdelatrouverenpartantàl’aveuglettedansledésert.Ilmefaudraitentrerencontactavecdesnomades,ouautres,dansl’espoirdetrouverfinalementquelqu’unquiauraitentenduparlerde la tourou laconnaîtrait.Siellese trouvaitdans lePaysdesDunes, loindesoasisetdespistes de caravanes, rares seraient ceux qui la connaîtraient. Néanmoins, j’étais convaincuqu’unhommeaumoinsl’avaitvue,celuiquiavaitgravél’inscription,quiétaitmort,dontlecorpsétaitdesséché,noirci,parlesoleil.

Les rues de Tor étaient obscures. Parfois elles étaient en pente raide ; souvent, ellesétaientétroitesettortueuses.Parendroits,unepetitelampebrûlaitau-dessusd’uneentrée.

Jecrusentendredespasderrièremoi.Je rejetaimonburnousenarrière,dégainaimoncimeterre.J’attendis.

Jen’entendisplusrien.Jepoursuivismonchemindanslesrues.Jen’entendisplusdepasderrièremoi.Jetournailatête.Lesruesétaientnoires.Je crois que je n’étais pas à plus d’un demi-pasang de mon compartiment quand,

approchant d’une porte ouverte, une quarantaine de mètres devant moi, éclairée par destorchesfixéesauxmurs,jem’arrêtai.

C’étaitunepetitecourquej’avaisl’intentiondetraverser.Jevisuneombre,furtive,disparaîtrederrièreundespiliersdelaporte.Aumêmemoment,j’entendisdeshommesderrièremoi.Ilsétaientcinq.J’abattis le premier. J’abattis le deuxième. J’arrêtai trois cimeterres avec ma lame et

reculaid’unbond.Ilsseséparèrent,intelligemmentet,ramasséssureux-mêmes,avancèrentsurmoi.Jereculai,ramassémoiaussi.J’espéraisattirerl’hommeducentredesorteque,sij’allais sur la gauche, il bloquerait l’homme qui se trouvait à sa droite et, si j’allais sur la

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droite,ilbloqueraitl’hommequisetrouvaitàsagauche.Maisilrestaenarrièreetlesdeuxautres avancèrent. Quel que soit l’homme que j’attaquerais, il n’aurait que lui-même àdéfendre ; les deux autres pourraient profiter de cet instant pour frapper. Ces hommesn’étaientpasdesbrigandsordinaires.

Soudain,lestroishommess’immobilisèrent.Jemecrispai.Unhommejetasoncimeterreparterre.Puisilss’enfuirenttoustrois.

Derrièremoi, j’entendis lesportesde lacoursefermer.Lestorches, fixéesaumurde lacour,vacillaient,faisantdesplaquesdelumièrejaunesurleplâtreetl’enduit.

Puisj’entendisunhurlementd’horreurdel’autrecôtédelaporte.J’ignorecombiend’hommesattendaientdanslacour.Jenecroispasqu’ilenréchappaun

seul.Toutenhautd’unmurquisedressaitàmadroite,unelumièreapparut.«Quesepasse-t-il?»criaunhomme.Deslumièresapparurentàd’autresfenêtresétroites.Jevisdeshommesregarderdehors.

Jevisunefemme,serrantsonvoilesurlevisage,regarderdanslarue.Moins de deux ou trois ehns plus tard, des hommes avec des torches et des lampes

arrivèrentdans la rue.Nousentendîmeségalementdeshommesde l’autre côtéde la cour.Danslacour,nousentendîmeségalementdespas.Unefemmehurla.Jevisdesmouvementsetdestorchesdansl’étroitespaceséparantlesdeuxportes.

«Ouvrez!»criaunhomme,donnantdescoupsdepoingcontre laporte,denotrecôté.Nousentendîmeslabarresortirdeseslogements,puislesportespivotèrentengrinçantsurleursgondsdehuitcentimètresdediamètre.Quatrehommespoussèrentlesportes.Lafoulemassée dans la cour recula, formant un cercle. Je regardai le sommet des murs, les toitsvoisins.Puisjeregardaiégalementlesdallesdelacour.

Onzehommesgisaientlà,ainsiquedesmorceauxd’hommes.«Qu’est-cequiabienpufairecela?»soufflaunhomme.Jemedemandaisiunseulavaitpus’échapper.J’endoutais.Quatre hommes avaient eu la tête arrachée ; deux autres avaient la tête partiellement

dévorée ; le cou d’un homme semblait avoir été entaillé par des hachettes parallèles ; jeconnaissais bien l’écartement de ces blessures ; un homme sans bras avait été éventré ; ilavait également desmarques de dents sur l’épaule ; je connaissais ce genre de chose ; jel’avaissouventvuauTorvaldsland ; l’hommeestprispar lecouet lesépaules, immobilisé,tandis que les pattes postérieures puissantes, griffues, ouvrent l’abdomen ; trois mètresd’intestins étaient éparpillés dans le sang et les robes, semblables à une cordemouillée ettachéede rouge ; l’hommequiavaitperduune jambeavait eu la colonnevertébrale casséed’uncoupdedents;onvoyaitl’estomac;unautre,quiavaitégalementeuunbrasarraché,avait été partiellement dévoré, les côtes sortant de la cavité pulmonaire ; le cœur et lepoumongauche avaientdisparu ; le onzièmehommeavait étéproprement tué ; autourducou,surlescôtés,ilyavaitsixmarquesnoires,commedesmarqueslaisséesparunecorde;satêteétaitpenchéesurlecôté;sanuqueavaitétéarrachée.

Jeregardaiànouveaulesmurs,lestoitsentourantlacour.«Qu’est-cequiabienpufairecela?»demandaànouveaulemêmehomme.Je pivotai sur moi-même et quittai la cour. Près des deux hommes qui, dans la rue,

avaientgoûtél’acierdemoncimeterre,plusieurscitadinsdeTorétaientrassemblés.Jeregardailescorps.«Lesconnais-tu?»demandai-jeàunhomme.—«Oui,»répondit-il.«TeketSaud,deshommesdeZevMahmoud.»

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—«Ilsn’assassinerontplus,»ditunautre.—«Oùpourrais-jetrouverleNobleZevMahmoud?»m’enquis-je.— « On le trouve souvent, avec ses hommes, au Café des Six Chaînes, » m’informa

l’homme.Jesouris.—«Merciàtoi,Citoyen,»dis-jed’untonenjoué.J’essuyaimalamesurleburnousd’un

mortetlarengainai.Levant la tête, je vis, se dirigeant rapidement vers nous, une torche à lamain, le petit

Porteurd’Eauquej’avaisrencontréplusieursfois.Ilmeregarda.«As-tuvu?»demanda-t-il.Sonvisageétaitblême.«C’étaithorrible,»dit-il.Iltremblait.—«J’aivu,»dis-je.Jemontrailesdeuxhommesgisantdanslarue.«Connais-tuceshommes?»demandai-je.Illesregardaattentivement.—«Non,»répondit-il.«CenesontpasdeshabitantsdeTor.»—«N’est-ilpastardpourporterdel’eau?»fis-jeremarquer.—«Jeneportepasd’eau,Maître!»serécria-t-il.—«Danscecas,quefais-tudanscequartier?»m’enquis-je.—«J’habitetoutprèsd’ici,»répondit-il.Puisils’éloigna,courbé,portantsatorche.Jemetournaiversl’hommeàquij’avaisdéjàparléunpeuplustôt.—«Habite-t-ilcequartier?»demandai-je.—«Non,» répondit l’homme.« Ilhabiteprèsde laPorteEst,non loindeshangarsoù

l’ontondlesverrs.»—«Leconnais-tu?»m’enquis-je.—«Toutlemonde,àTor,leconnaît,»réponditl’homme.—«Etquiest-ce?»demandai-jeencore.—«Abdul,lePorteurd’Eau,»réponditl’homme.—«Merciàtoi,Citoyen,»dis-je.«ZevMahmoud?»m’informai-je.L’hommepuissant,portantlekaffiyehetl’agal,levalatête,furieux.Puisilblêmit.Lapointedemoncimeterreétaitsursagorge.«Dans la rue ! » lui dis-je. Je regardai deux autres hommes qui étaient assis avec lui

autourdelatablebasse.Jeleuradressaiunsignedetête.«Danslarue!»répétai-je.—«Noussommestrois,»relevaZevMahmoud.—«Danslarue!»luienjoignis-jedenouveau.Ilsseregardèrent.ZevMahmoudsourit.—«Trèsbien,»acquiesça-t-il.L’und’entreeux,quiavaitperdusoncimeterre,enempruntaunàunclientducafé.—«Onnouspaiera,»ditundeshommesdeZevMahmoud.Jelessuivisdanslarue.Puisj’enterminaiaveceux.Jenevoulaispasleslaisserderrièremoi,àTor.Ilétaittardquandjeregagnaimoncompartiment,danslequartierdespalefreniersetdes

conducteurs.JenefuspassurprisdevoirlePorteurd’Eauquim’attendaitsurlesmarches.«Maître,»dit-il.

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—«Oui,»répondis-je.— « Tu es arrivé récemment à Tor, et tu ignores peut-être les coutumes de la ville. Je

connaisbienToretjepourraist’aider.»—«Jenecomprendspas,»dis-je.—«LesKavarset lesAretaivontbientôtse faire laguerre,»expliqua-t-il.«Lesroutes

descaravanesserontpeut-êtrecoupées.Ilserapeut-êtredifficiledetrouverdespalefreniersetdesconducteurs.Comptetenududanger,ilestpossiblequ’ilspartentdansledésert.»

— « Et comment, »m’enquis-je, « au cas où un telmalheur se produirait, pourrais-tum’êtreutile?»

—«Jepourraisteprocurerdeshommes,deshommescompétents,honnêtes,courageux,quiaccepteraientdet’accompagner.»

—«Excellent,»dis-je.—«Mais,encetteépoquetroublée,»reprit-il,setassantsurlui-même,«leursalairesera

peut-êtreplusélevéqu’entempsnormal.»—«Celasecomprend,»répondis-je.Ilparutsoulagé.—«Oùvas-tu,Maître?»s’enquit-il.—«ÀTuria,»répondis-je.—«Etquandseras-tuprêtàpartir?»s’enquit-il.—«Dansdixjours,»répondis-je,«àpartirdedemain.»—«Excellent,»fit-il.—«Ehbien,»acceptai-je,«cherchedeshommespourmoi.»—«Ceseradifficile,»dit-il,«maisfais-moiconfiance.»Iltenditlamain.J’ymisuntarskd’argent.«LeMaîtreestgénéreux,»releva-t-il.—«Macaravaneestpetite,»dis-je.«Quelqueskaiilas seulement.Jecroisqu’ilneme

faudrapasplusdetroishommes.»—«Jeconnaisceuxqu’iltefaut,»fit-ilavecunsourire.—«Ah?»m’enquis-je.—«Oui,»affirma-t-il.—«Etoùlestrouveras-tu?»demandai-je.—«Jecrois,»estima-t-il,«qu’ilssontauCafédesSixChaînes.»—«J’espère,»dis-je,«quetunepensespasauNobleZevMahmoudetàsesamis.»Ilparutstupéfait.« L’histoire court Tor, » précisai-je. « Apparemment, il y a eu une bagarre, devant le

café.»LePorteurd’Eaublêmit.—«Danscecas,jevaisessayerd’entrouverd’autres,Maître.»—«Trèsbien,»acquiesçai-je.Letarskd’argentglissaentresesdoigts.Ilrecula.Puis,soudain,jetantuncoupd’œilpar-

dessusl’épaule,ilpivotasurlui-mêmeets’enfuit.Jemebaissaietramassailetarsk.Jeleremisdansmabourse.J’étaisfatigué.Àmonavis,

jen’entendraisplusparlerduPorteurd’Eau.Dix jours s’écouleraient, si jeneme trompaispas,avantmondépartpourTuria.

Ilfallaitquejemereposecarjedevaismeleveràl’aube.Jedevaisfairediverspréparatifs.Je devais aller chercher une femme aux cages publiques de Tor. Achmed, fils de Farouk,m’attendrait à la Porte Sud de la ville. Je rejoindrais la caravane de Farouk sur la piste,

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probablementavantmidi.J’espérais qu’il n’y aurait pas de guerre entre les Kavars et les Aretai. Cela me

compliqueraitletravail.J’espéraispouvoirmeprocurerunguideetdesprovisionsàl’OasisdesNeufPuits.Ilétait

gouverné, simessouvenirsétaientexacts,parSuleiman,maîtredemille lances,de la tribudesAretai.

Puis je pivotai sur moi-même et gravis l’étroit escalier de bois conduisant à moncompartiment.Jenereverraispas,supposais-je,lePorteurd’EaunomméAbdul.

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4

DESCAVALIERSREJOIGNENTLACARAVANEDEFAROUK

LAcaravaneavançaitlentement.Je fis pivotermon kaiila et, lui donnant des coups de talon dans les flancs, parcourus

rapidementlalonguefiled’animauxchargés.Duboutdemoncimeterre,jesoulevaiunrideau.La jeune femme, surprise, poussaun cri.Elle était assise, les genoux sur la gauche, les

chevilles jointes, son poids reposant partiellement sur lesmains, sur la droite, sur le petitcoussinrecouvertdesoiedupanier.Celui-ciestsemi-circulaireet faitenvironunmètredelargeurà l’endroit leplus large.Lasuperstructuredupanier faitenvironunmètrevingtdehaut,àl’endroitleplusélevéenfermant,commedansundemi-globeàfondplat,dontl’avantseraitouvert, sonoccupant.Cepanier, cependant, est complètement couvertde couchesderepsblanc,pourréfléchir lesoleil,à l’exceptiondudevant,quiétait ferméparunrideaudereps,blancégalement,s’ouvrantparlemilieu.LepanierestenboisdeTem.Ilestléger.Ilesttransportéparunkaiiladetrait,attachésurl’animal,etmaintenuenéquilibre,surlescôtés,par des supports reposant sur les couvertures du harnais. Ce panier s’appelle, en goréen,kurdah.Ilsertàtransporterlesfemmes,qu’ellessoientlibresouesclaves,dansleTahari.Lafemmen’étaitpasenchaînée,danslekurdah.Celan’estpasnécessaire.Ledésertfaitofficedecage.

«Voile-toi!»dis-jeenriant.Furieuse,Alyena,autrefoisMissPriscillaBlake-Allen,delaTerre,pritleminusculevoile

triangulaire, jaune, totalement diaphane, et le tint devant son visage, en couvrant la partieinférieure.Levoileétait tenduetelle le tenaitauniveaudesoreilles.Lasoie légèrepassaitsurl’arêtedesonnezoù,magnifiquement,satexturejaune,vaporeuse,s’étendaitàdroiteetà gauche. Sa bouche, furieuse, était visible derrière le voile. Il lui couvrait également lementon. Les hommesduTahari, et lesGoréens en général, considèrent que la bouchedesfemmes est extrêmement provocante, sexuellement. Le voile d’esclave est une moquerie,dansunsens. Il révèleautantqu’ildissimule,pourtant ilajouteune touchedesubtilité,demystère ; les voiles d’esclave sont faits pour être arrachés, les lèvres du maître écrasantensuitecellesdel’esclave.

Endehorsduvoileetdesoncollier,elleétaitcomplètementnuedanslekurdah.Elletenaitlevoiledevantsonvisage.Jevissesyeux,trèsbleus,au-dessusdujaune.«Aumoins,àprésent,»luidis-je,«tun’aspluslevisagenu.»Sesyeuxétincelèrent.«Impudique!»ajoutai-je.Elletenaitlevoiledevantsonvisage.«Attache-le,»repris-je,«etgarde-ledanslekurdah.Sijeterevoisaussiimpudiquement

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dévoilée,sansmapermission,tuserasfouettée!»—«Oui,Maître,»répondit-elleet,tenantlevoiled’unemain,ellechercha,surlecoussin,

la petite cordelette dorée avec laquelle elle pourrait l’attacher. Écartant la pointe de moncimeterre,jelaissaitomberlerideaudereps,lacachantànouveaudanslekurdah.

Jerisetfispivoterlekaiila,entendantunpetitcridefureuràl’intérieurdukurdah.J’étais convaincu, cependant que, lorsque j’ouvrirais à nouveau le kurdah, je trouverais

uneesclavevoiléeàl’intérieur.Alyenaétait très jolie,bienqu’elleaitbeaucoupàapprendre.Ellen’avaitpasencoreété

fouettée.Cedétail,cependant,saufsiellemedéplaisait,jelelaisseraisàsonnouveaumaître,celuiàquijelavendraisouladonnerais.

Le kaiila du désert est un kaiila et se comporte similairement, mais ce n’est pasexactementl’animalquel’onrencontre,sauvageoudomestique,auxlatitudesmoyennesdel’hémisphèresuddeGor;cetanimal,quelesPeuplesdesChariotsutilisentcommemonture,n’existe pas dans l’hémisphère nord de Gor ; il y a, de toute évidence, une affinitéphylogénétiqueentrelesdeuxvariétés,ouespèces;jesuppose,bienquejen’ensoispassûr,quelekaiiladudésertalamêmeoriginequesoncongénère,maiss’estadaptéaudésert;lesdeux animaux sont des créatures de haute taille, fières, soyeuses, au cou long et à ladémarcheélégante; lesdeuxvariétésonttroispaupières, latroisièmeétantunemembranetransparente, trèsutiledans les tempêtesde sabledesplainesméridionalesduTahari ; lesdeuxvariétésontàpeuprèslamêmetaille,entrevingtetvingt-deuxmainsàl’épaule;toutesdeux sont rapides ; toutes deux ont une énergie incroyable ; dans de bonnes conditions,toutes deux peuvent parcourir six cents pasangs par jour ; dans le Pays des Dunes,naturellement,oùlesableestépaisetglissant,uneétapedecinquantepasangsestconsidéréecommebonne; lesdeuxvariétéssontombrageusesetontmauvaiscaractère,etcelamérited’êtrementionné;lacouleurdeskaiilasdusudvadujauneaunoir;leskaiilasdudésertsontpresquetousmarron,mais j’aivuquelqueskaiilasdudésertnoirs ;desdifférences,parfoisfrappanteset importantes,existentcependantentre lesanimaux ; laplus importante,peut-être, est que le kaiila du désert allaite son petit ; les kaiilas du sud sont viviparesmais lejeune,quelquesheuresaprèssanaissance,chasseparinstinct;lamèreaccoucheàproximitédugibier ;bienqu’il yaitdugibier,dans leTahari,oiseaux,petitsmammifères, sleensdessables et quelques espèces de tabuks, il est rare ; l’allaitement des petits, chez le kaiila dudésert,estunfacteurimportantdelasurviedel’animal;lelaitdekaiilaqui,commelelaitdeverr,estutilisépar leshabitantsduTahari,est rougeâtreetaun fortgoûtsalé ; il contientbeaucoupdesulfatedefer;uneautredifférenceentrelesdeuxanimaux,oulesdeuxespècesdekaiilas,estquelekaiiladudésertestomnivorealorsquelekaiiladusudeststrictementcarnivore;lesdeuxontdestissusdestockage;lesdeuxpeuventresterplusieursjourssansboire ; le kaiiladu sud, cependant, aunestomacde stockage etpeut resterplusieurs jourssansmanger ; le kaiiladudésert,malheureusement, doitmanger fréquemment ; dansunecaravane,denombreuxanimauxde trait transportentdu fourrage ; cequiestnécessaireetquel’onnepeutseprocurerenchemin,doitêtretransporté.Parfois,avecunbergermonté,onlâcheleskaiilasdelacaravaneafinqu’ilspuissentchasserletabuk;ladifférencelaplusvisibleentrelekaiiladudésertetlekaiiladusudrésidedanslefaitquelespattesdukaiiladudésertsontbeaucouppluslarges,lesdoigtsétantmêmereliésentreeuxparunemembranefibreuse,etquesescoussinetssontbeaucoupplusépaisqueceuxdesacontrepartiedusud.

Jeregagnaimaplacedanslafiledelacaravane.DansleTahari,ilyapresquecontinuellementduvent.C’estunventtrèschaudmaisles

nomades, et ceux qui voyagent dans le Tahari, l’aiment. Sans lui, le désert serait presque

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insupportable,mêmepourceuxquiontdel’eauetdontlecorpsestprotégédusoleil.J’écoutai lesclochettesde lacaravane,dont le tintementestagréable.Lekaiilaavançait

lentement.En général, dans le Tahari, le vent souffle du nord ou du nord-ouest. Il n’est pas

dangereux, saufauprintemps lorsqu’il soufflede l’est, et enautomne lorsqu’il souffle versl’ouest.

Nous traversions une régionmontagneuse, avec beaucoup de buissons. Tout autour denous,sedressaientdegrosrochers.Nousmarchionsdanslapoussièreetlespierres.

À l’ombredesrochers,etsur lespentesabritéesdusoleil, iciet là,poussaitde l’herbeàverr,rabougrieetbrune.Detempsentemps,nouspassionsprèsd’unpuitsetdestentesdenomades.Autourdecespuits,ilyavaitunedouzainedepetitsarbres,flahdahssemblablesàdes parapluies sur un manche tordu, qui ne dépassaient pas trois mètres de haut ; leursbranches sont minces et leurs feuilles en fer de lance. Autour de l’eau, généralementquelquesmaresboueuses, riennepoussait endehorsdes flahdahs ; onne trouvait, à plusd’un pasang à la ronde, que de la terre craquelée, blanchâtre et piétinée ; la végétation, àsupposerqu’ilyenait jamaiseu,avaitétébroutée, jusqu’auxracines; lescraqueluresdelaterreétaientlargescommelamain;touteslescraqueluresserejoignaient,formantunmotifréticulé ; tous les carrés de ce motif sont légèrement concaves. Les nomades, lorsqu’ilscampent près d’un point d’eau, plantent généralement leur tente sous un arbre ; cela leurprocuredel’ombre;enoutre,ilssuspendentdesmarchandisesauxbranchesdesarbres,lesutilisantcommepointsdestockage.

De temps en temps, la caravane s’arrêtait et, faisantbouillir de l’eau surdepetits feux,nousfaisionsduthé.

Près d’un trou d’eau, à un nomade, j’achetai pour Alyena une djellaba d’esclaved’occasion,en reps,à rayuresnoiresetblanches.Ellene lui couvraitpascomplètement lescuisses. C’était pour qu’elle ait quelque chose à se mettre pendant la nuit. Elle n’étaitautorisée à la porter que pour dormir. Elle dormait àmes pieds. Je lui appris àmonter latente,àcuisiner,àfairetoutcequiestutileàunhomme.

Lesoir,quandlacaravanes’arrêtait,jesortaisAlyenadukurdahet,lafaisantpassersurlaselle,laposaisparterre.

«VavoirAya,»luidisais-je.«Supplie-ladetemettreautravail.»Ayaétaitl’esclavedeFarouk.

Unjour,elleavaitosérépondre:—«MaisAyamefaitfairetoutsontravail!»Jedonnaidescoupsdetalonaukaiilaquisejetasurelleetellefutrenversée,roulantsur

lespierres;puisellerestaimmobile,seprotégeantlevisageaveclesmains,surledos,souslespattesdel’animalquicrachaitetmartelait,griffait,lesolautourd’elle.

—«Vite!»ordonnai-je.Elleserelevad’unbondetcourutversAya.—«Jefaisvite,Maître!»cria-t-elle.Sanss’enrendrecompte,elleavaitcriéengoréen.Je

fuscontent.Naturellement,Aya l’exploitait.Cela correspondait àmon intention.Enoutre,Aya, avec

une cravache à kaiila, continuait de lui apprendre le goréen. Et puis elle lui enseignait lestâchesutilesauxfemmesduTahari : fabricationdecordesavecdespoilsdekaiila,coupagedesrênes,tissagedenattesetdetissus,décorationdesobjetsencuir,maniementdumortier,l’utilisationdelameuleàgrain,lapréparationdesragoûts,lenettoyagedesverrsetsurtout,lorsquenouscampionsprèsdespuits,àproximitédesnomades,lamanièredetrairelesverrs

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etleskaiilas.Enoutre,elleappritàbattrelelaitdansdesoutres.«Ellem’enseignelestâchesd’unefemmelibre,»avaitunjourprotestéAlyena.Jeluiavaisfaitsignedes’agenouiller.—«Tunecomprendsrien,»luiavais-jedit.«Jetevendraipeut-êtreàunnomade.Dans

satente, lesdurstravauxdelafemmelibreteserontpeut-êtreconfiés,outrelestravauxdel’esclave.»

—«Ilfaudraquejetravaillecommeunefemmelibre,»souffla-t-elle,«etpourtantquejesoisaussiesclave?»

—«Oui,»appuyai-je.Ellefrémit.—«Vends-moiàunhommeriche,»supplia-t-elle.—«Jetevendrai,tedonnerai,teprêteraioutelouerai,»précisai-je,«àquimeplaira.»—«Oui,Maître,»dit-elle,furieuse.Le soir, autour du feu de camp, je la faisaismettre à genouxderrièremoi, les poignets

attachésdansledos.Jelanourrissaisàlamain.Elledépendaitdemoipoursanourriture.J’écoutailesclochettesdelacaravane.Jetiraileburnousdevantmonvisage,protégeant

mesyeux.LesmouvementsdeshommesduTaharisont,pendantlesheureschaudes,généralement

lents,presquelanguidesougracieux.Ilsfontpeudegestesinutiles.S’ilspeuventl’éviter,ilss’efforcentdenepass’échauffer. Ils transpirentaussipeuquepossible, cequiconserve lesfluidesducorps.Leursvêtementssontlargesetvolumineux,maisfaitsd’untissuauxmaillesserrées.Leurvêtementextérieurlorsqu’ilsmarchentencaravane,généralementleburnous,estpresqueinvariablementblanc.Cettecouleurréfléchitlesrayonsdusoleil.L’ampleurdesvêtements,quilesfaitgonflerencasdemouvement,faitcirculerl’airautourducorpsetcetair,encirculantsur lapeauhumide,rafraîchit lecorpsparévaporation; lesmaillesserréesdu vêtement ont pour objet de conserver l’humidité à l’intérieur du vêtement, autant quepossible, de sorte qu’elle puisse se condenser à nouveau, de préférence, sur la peau. Il y adeuxélémentsessentielssurcepoint ; lepremierconsisteàminimiser la transpiration ; lesecond consiste à conserver, dans toute la mesure du possible, l’humidité perdue partranspiration.

Jem’assoupissais,bercéparlesclochettesetlepasrégulierdukaiila.Sur une éminence, rejetant mon burnous en arrière, je me dressai sur mes étriers et

regardai derrière moi. Je vis l’extrémité de la caravane, à plus d’un pasang de moi. Elleserpentait lentement, gracieusement, entre les collines. Derrière, venait un hommemontésurunkaiila.Detempsentemps, ilmettaitpiedàterre,ramassant lespoilsdekaiilaet lesmettant dans un sac accroché à sa selle. Le kaiila, contrairement au verr et à l’hurt, n’estjamais tondu. Lorsqu’il perd ses poils, cependant, il est possible de les ramasser et, enfonctiondelanaturedecespoils,onpeutfabriquerdiverstypesdetissu.Ilyalespoilsdouxetfinsduventredel’animal,lesplusappréciés;ilyalespoilscourtsdelatoisoninférieure,moinsdoux,quisontutilisésdanslafabricationdelamajoritédestissus;etilyaleslongspoilsdelatoisonextérieure.Quoiquedouxetsouples,ilssontcomparativementplusrudes.Onutiliseprincipalementcespoilspourfabriquerdescordesetdestoilesdetente.

Jescrutail’horizon.Jenevisrien.Alyena apprenait rapidement le goréen. Cela me faisait plaisir. Quand j’étais allé la

chercher dans les cages de Tor, elle y était depuis quatorze jours, presque trois semainesgoréennes. J’avais, naturellement, demandé un rapport au Maître des Esclaves, qui avaitconsulté les registres. On l’avaitmise, naturellement, conformément àma demande, dans

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une cellule de stimulation ; les cinq premières nuits, le harnais de corde avait été utilisécommejel’avaisspécifié; iln’avaitpasétéutiliséparlasuite,cependant,commepunition,car la femme s’était montrée coopérative et diligente ; en outre, sa concentration et sesefforts avaient été tels qu’il n’avait pas été nécessaire de la priver de nourriture ou de lafouetter;ellen’avaitpasétéprivéedenourriture;ellen’avaitpasétébattue.

Lespremiersmotsdegoréenquelajeunefemmeavaitappris,etellelesavaitapprisdanslescagesdePortKar,étaient:«LaKajira.»,quisignifie:«Jesuisuneesclave.».

« La barbare, »me dit leMaître des Esclaves, « est très intelligente, pour une femmemais,bizarrement,soncorpseststupide;toussesmusclessemblentnoués.»

—«As-tuentenduparlerdelaTerre?»demandai-je.—«Oui,»répondit-il.«J’enaientenduparler.»Ilmeregarda.«Cetendroitexiste-t-il

vraiment?»demanda-t-il.—«Oui,»affirmai-je.—«Jecroyaisqu’ilétaitmythique,»dit-il.—«Non,»déclarai-je.—«J’aieudesfemmes,danslescages,»évoqua-t-il,«quiprétendaientvenirdelà-bas.

Quelques-unesmesuppliaientdelesrenvoyersurTerre.»—«Quefaisais-tud’elles?»m’enquis-je.— « Je les fouettais, » dit-il, « et elles se taisaient. Bizarrement, je n’ai jamais vu de

femmesquiprétendaientêtreoriginairedelaTerreetqui,ayantétéentièrementpossédées,voulaient y retourner. En fait, il suffit demenacer de les renvoyer sur Terre pour qu’ellesacceptentdefairen’importequoi.»Ilsourit.«Ellesaimentleurcollier.»

—«Iln’yaquelorsqu’elleporteuncollierquelafemmepeutêtrevraimentlibre,»citai-je.C’étaitunproverbegoréen.SurTerre, ilyabienlongtemps, l’histoireatournéledosaucorps, à lanature, auxbesoinsdeshommes et des femmes, aux réalités psychobiologiquesliéesà lagénétique ; cetteattitude, finalementet inévitablement,avaitproduituneplanètemalaimée,exploitée,polluée,grouillantedepopulationsmisérablesd’animauxmalheureux,mesquins,égoïsteset frustrés ; lesêtreshumainsde laTerren’ontpasdePierredeFoyer ;cetteattituden’avaitjamaisprévalusurGor.

—«Donc cette femme, » reprit leMaître desEsclaves, faisant allusion àAlyena, « estoriginairedelaTerre?»

—«Oui,»répondis-je,«c’estunefemmedelaTerrequiestarrivéeici,commebeaucoupd’autres,dansunvaisseaudetransportd’esclaves.»

—«Intéressant,»fit-il.—«Surunepériodedeplusieursannées,»expliquai-je,«desensemblesdemusclesont

étéhabituésàbougersuivantdesstructuresmécaniques,commelespiècesd’unemachine;d’autresmuscles,quisontpeut-êtrepartiellementatrophiés,n’étaientpasutilisésdutout.»

— « Nous l’avons soumise à un programme intensif d’exercices, » rapporta l’homme,«maispratiquementsanssuccès.Ellenesesentpasencorefemme,ellenebougepasencorecommeunefemme.Jecroisqu’ellenesaitpasencorecequec’estqued’êtreunefemme.»

—«Cela,»dis-je,«c’estunhommequileluiapprendra.»—«TouteslesfemmesdelaTerresont-ellesainsi?»s’enquitl’homme.—«Beaucoup,»opinai-je.«Pastoutes.»—«Cedoitêtreunendroitlugubre,»estima-t-il.—«SurTerre,»dis-je,«lesfemmess’efforcentderessemblerauxhommes.»—«Pourquoi?»demandal’homme.—«Peut-êtreparcequ’iln’yapasbeaucoupd’hommes,»répondis-je.

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—«Lapopulationmasculineestfaible?»demanda-t-il.—«Ilyadenombreuxmâles,»précisai-je,«maispeud’hommes.»—«Celameparaîtdifficileàcomprendre,»reconnutleMaîtredesEsclaves.Jesouris.— « Cette distinction, » soulignai-je alors, « est presque sans signification pour un

Goréen.»Ilhaussalesépaules.«Jeneblâmenilesmâles,»repris-je,«nilesfemelles.Cesonttousdeuxdesvictimes.

En vertu de facteurs historiques, sociaux, institutionnels et technologiques, tenant audéveloppement d’une planète donnée, lemâle, depuis le berceau, est programmé avec desvaleurs antimasculines, apprend à se méfier de ses instincts, à les haïr et les craindre et,idéalement,àjouirdesadémasculinisation.Ilvitmisérablement,naturellement,insatisfait,frustré, sujet àdesmaladieshideuses, etnepeut se consolerquepar la servilité ignoranteaveclaquelleilporteseschaînes,tirantunorgueilsuffisant,vertueux,desonallégeance.»

—«Dansuntelmonde,alors,lesfemmesontgagné?»demandal’homme.—«Non,»répondis-je.«C’estlamachinequiagagné.Lesfemmesaussi,ontperdu.»— « Sur Terre, » émit l’homme, « les hommes oseront sans doute un jour être des

hommes.»— « Je ne le crois pas, » fis-je, « sauf quelques rares individus. Le processus de

conditionnement,inconscient,subtil,omniprésent,esttropefficace.Iln’estpasrarequelesfemmes aient peur de leur féminité ; on admetmoins fréquemment que les hommes ontpeurde leurvirilité ; ils cachent leur sang ; ils font commes’iln’existaitpas ; il estmêmedangereux,dansunetellesociété,desuggérerqueleshommessoienthonnêtessurcepoint,de suggérer qu’ils puissent oser être des hommes, de suggérer qu’ils pourraient, s’ils levoulaient,arracherleurschaînes.Lesplusfaibles,lespluscoincéssontsouventlespremiers,hystériquement, sachant qu’ils ne sont pas assez forts pour prendre les libertés qui leurreviennent, et craignant que ceux qu’ils craignent aient cette force, à dénoncer cessuggestions.»

—«Lesfaibles,»soulignal’homme,«sonttoujoursceuxquiontpeurdesforts.»—«Ilsontpeur,bizarrement,d’unmondeoùtoutlemondeseraitcommeeux.»—« Il faut que tout lemonde soit faible, puisque je le suis, » releva l’homme avec un

sourire.—«Oui,»dis-je.—«Etlesfemmes?»s’enquitl’homme.—«Elless’efforcentd’imiterlamasculinitéqu’ellesnetrouventpaschezleshommes,»

répondis-je.—«Grotesque,»fitl’homme.—«C’estdéprimant,»opinai-je.«Voyonsl’esclave.»Le Maître des Esclaves frappa dans ses mains, puis appela à travers le rideau de fils

d’argent:—«92683!»lança-t-il.« Son corps bouge un peu plus fluidement, un peu plus sensuellement, » expliqua-t-il.

«Ellebougelégèrementmieux.Elleafaitdesexercices.»Ilposaunefeuilledepapierdevantmoi. Je la regardai. Il s’agissait d’exercices ordinaires, des exercices d’esclave, destinés àrendre les femmes souples, détendues, vives, prêtes à servir leurmaître. « Connais-tu lesproblèmesderégime?»s’enquit-il.

— « Oui, » répondis-je. Le régime alimentaire des esclaves était réglé avec la même

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attentionetlemêmesoinqueceluidechiensdeconcours,oud’autresanimauxdomestiquesestimés, sur Terre. La quantité de calories était supervisée avec un soin particulier. Unproblème fréquent, avec lesesclaves, était les larcins, carellesessayaient toujoursdevolerdesgâteauxoudesbonbons.Beaucoupd’esclavesadoraient lesbonbons.Engénéral,onneleur en donne pas. Les femmes devaient souvent se comporter superbement, pendant desheures,devantleurmaîtreavantque,danssagénérosité,ilconsenteàleurjeterunbonbon.

—«Soncorps,naturellement,»repritl’homme,«estàprésentbeaucoupplussensibleàcequil’entoure.»

C’était le résultat de la cellule de stimulation. À présent, sa peau serait beaucoup plussensible à des changements presque imperceptibles tels que lesmouvements de l’air dansune pièce, la température, l’humidité et ainsi de suite ; en outre, elle était beaucoup plussensible aux textures avec lesquelles son corps entrait en contact comme, par exemple, legraindesdallessurlesquellesellemarchait,leurdegréd’humidité,lacaressedelasoie,danssesdifférentes variétés, sur son épaule, la sensationprécisede la tramed’un tapis sous sacuisse,lasensationd’unebretellesursoncorps,lasensationexacteproduiteparlesmenottesd’esclave,froideset inflexibles,sursespoignetsfins.Soncorpstoutentier,àprésent,seraitvivant, orgue de toucher, feuille de vitalité savante. J’étais satisfait. C’était un pas vers lasensualité.

«L’esclavenuméro92683!»annonçaunevoixdefemme.Lajeunefemmefranchitlesfilsd’argentdurideau.«Àgenoux,petiteAlyena,»ditleMaîtredesEsclaves.Je regardai la jeune femme s’agenouiller. Je trouvai que leMaître des Esclaves s’était

montrétropmodeste.Subtilement,maisindubitablement,c’étaitunefemmedifférente.Elleavait encore beaucoup à apprendre mais il y avait, indéniablement, une amélioration.Bizarrement,jesentisquelajeunefemmenecomprenaitpascomplètementleschangementsquis’étaientopérésenelle.Detouteévidence,ellesecroyaitencoresemblableaujourdesonarrivéeauxcages.Certainschangements,principalementdanslesmouvements,etlaposture,sontparfois lesconséquences inconscientesdesexercices ; ilsaccompagnent,conséquencesagréables,valeurslatentes,d’autresexercicesdontl’objectifmanifesteestautre.Unexempleévident est la cellule de stimulationdont l’objectifmanifeste est raffinementdes réactionsphysiques et psychologiques de surface ; cette réaction, cependant, affecte l’ensemble ducomportementdelafemme.Enfait,pourainsidire,onneformepaslesfemmesàlavitalitéapparente;onlesrendpleinesdevitalité;ensuite,souvent,sansmêmecomprendre,sansypenser,ellesparaissentpleinesdevitalité.

Lajeunefemmes’agenouilladevantlebureauduMaîtredesEsclaves.Jem’assisàcôté,surunechaisecurule.Elleétaitàgenoux,soumise,belle,enpositiond’EsclavedePlaisir.Elleétait en présence d’hommes libres. Je vis ses yeux se fermer brièvement, jouissant de lasensationdesdallesdusol,tandisqu’elleétaitassisesurlestalons,lesgenouxetleboutdesorteils;jevissoncorpsseredresser,s’exposer,assimilantl’atmosphèredelapièce.Sesyeuxétaienttrèsvifs,trèsbleus.Ellesemblaitirritée.

—«Etencequiconcerne,»demandai-jeauMaîtredesEsclaves,« lesplaisirsdestinésauxhommes?»

—«Jeluiaienseignéquelquesrudiments,»répondit-il.«C’estàpeuprèstoutcedontelleestcapablepourlemoment.»

—«Luias-tuapprisàdanser?»demandai-je.—«Ellen’estpasencoreprêtepourladanse,»déclaraleMaîtredesEsclaves.J’observailajeunefemmeafindedevinercequ’ellecomprenaitdenotreconversationen

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goréen.Sacompréhensionétaitimparfaite.—«Debout,Petite!»ordonnai-jeengoréen.Gracieusement,elleseleva.Jel’observai.«Menottes!»dis-je,durement,engoréen.La femme se mit en position, les mains sur les fesses, la tête droite, le menton levé,

légèrementtournéesurlagauche.Danscetteposition,ilestfaciledeluipasserlesmenottesetdelafouetter.

«Àgenoux!»luidis-je.Elles’agenouilladenouveau,enpositiond’EsclavedePlaisir.Dans un coin, les bras croisés, la cravache à la main, avec ses bandes de cuir et son

soutien-gorge, soncollieret sonbracelet,avecses sandales lacéessur lesmollets, se tenaitl’esclavepuissantequi avait emmené la jeune femme, lorsque je l’avais amenée aux cages.Ellesouriait.

Duboutdupied,jemontrailesdalles.«Rampe!»dis-jeengoréen.La jeune femmesemitàplatventreet,commeuneesclave,rampaversmespieds.Elle

posaleslèvressurmonpied;jesentissescheveuxdessus.«Retourne!»ordonnai-je.Àplatventre,sansleverlatête,elleregagnal’endroitoùelle

étaitàgenoux.«Àgenoux!»ordonnai-je.Elles’agenouillaunenouvellefoisenpositiond’EsclavedePlaisir.Sesyeuxétaientpleins

decolère.Excellent,medis-je.«S’est-ellemontréediligente?»demandai-jeauMaîtredesEsclaves.—«Oui,»répondit-il.Jesouris.Lajeunefemmeappliquaitlarébelliondel’acceptation.Pouréviterlaprivation

de nourriture et le fouet, elle obéissait parfaitement, mais extérieurement. Elle tentait deprotéger une île où elle resterait maîtresse d’elle-même. Elle croyait nous tromper. Je nepensaispasquetelétaitmonrôlemais,indubitablement,sonmaître,lorsqu’illesouhaiterait,la briserait, lui prenant cette île, faisant d’elle une véritable esclave. Pour lemoment, je lalaisserais croire qu’elle nous trompait. Plus tard, quand un maître le souhaiterait, il labriserait,lasoumettant,complètement,àsavolonté.

J’étais persuadé que la jolie Alyena, un jour, entre les bras d’un homme puissant, àl’intention de qui je la gardais, deviendrait une véritable esclave, propriété adorable etvulnérabledesonmaître.

J’adressaiunregardàl’esclavepuissante,avecsacravache,deboutprèsdurideaudefilsd’argent.

—«Pourquoineportes-tupaslasoiedesesclaves?»luidemandai-je.Sesyeuxétincelèrent.Samainsecrispasurlacravache.—«Elle est utile dans les cages, » expliqua leMaître desEsclaves. «Elle terrorise les

femmesféminines.»JemetournaiversAlyena.—«Quepenses-tu,»demandai-jeenanglais,«decetteesclave?»—«Ellemefaitpeur,»soufflalafrêleetjolieAlyena.—«Pourquoi?»demandai-je.—«Elleesttrèsforte,trèsdure,»réponditAlyena.—«Cequi te fait peur chez elle, » dis-je, « c’est samasculinité,mais cen’est pasune

véritablemasculinité;elleestfausse.»Jelafixai.«Lamasculinitédonttudoisavoirpeur,»

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repris-je,«c’estlamasculinitédeshommes.»—«Ellepeutrésisteràn’importequelhomme,»soulignaAlyena.L’orgueilfaisaitbriller

sesyeux.JemetournaiversleMaîtredesEsclaves.—«Faisvenirunesclavemâle,»dis-je.Onenamenaun. Iln’étaitpasgrand.Néanmoins, il avaitdeuxcentimètresdeplusque

l’esclaveàlacravache.«Tumecertifies,»dis-jeauMaîtredesEsclaves,«quecethommen’estni stupide,ni

maladroit, ni ivre, ni un Maître des Arts Martiaux décidé à susciter la confiance de sesdisciples?»

—«Jelecertifie,»répondit-ilavecunsourire.«Ilfaitleménagedanslescages.C’estunconducteurquiafalsifiélesmarquesdecaissesd’épices.»

JeposaiundisquedecuivreautarnsurlebureauduMaîtredesEsclaves.—«Combattez!»dis-jeauxesclaves.—«Combattez!»ditleMaîtredesEsclaves.L’hommeparuttroublé.Avecuncriderage,stridentetméchant,l’esclavesejetasurlui,

le frappant au visage avec sa cravache. Elle le frappa deux fois avant que, furieux, il luiarrachelacravacheetlajettedansuncoin.

«Nememetspasencolère!»lamenaça-t-il.Il se tourna et amortit son coup de pied avec la cuisse gauche. Elle bondit sur lui, les

doigtscommedesgriffes,pourluiarracherlesyeux.Illuipritlespoignets.Illafitpivotersurelle-même. Elle ne pouvait plus bouger. Puis, avec une force considérable, tandis qu’ellepoussait des cris de désespoir, il la jeta à plat contre lemur. Puis il recula, lui balaya leschevillesetlajetaàplatventresurlesdalles,s’agenouillantensuitesursondos.Ellepleuraitetmartelait lesdallesavec lespoings.Puis il luiarrachasonsoutien-gorgeet, lui tirant lesbrasenarrière,luiattachalespoignetsavec.Ilarrachalaceintureetlesbandesdecuir.Illuiquittasessandales.Avecunede leurs longues lanières, il luiattacha leschevilles,après lesavoir croisées.Puis, furieux, lui faisantmal, il amena l’anneaude son collier sur lanuque.Avec l’autre lacet, passé dans l’anneau et la lanière qui lui immobilisait les chevilles, il lacontraignitàplierlesjambes,lesattachantainsi.Puisils’accroupitau-dessusd’elle,quiétaitattachéeà sespieds. Il lui tourna la tête, au-dessusde l’épauledroite, afinqu’elle lui fasseface ; il était accroupide sortequ’ellenepouvaitbouger ; sa chevilledroite était contre sajouegauche.Illevalespouces,tendusverslebas,au-dessusdesesyeux.

—«Jesuisunefemmeàtamerci,»sanglota-t-elle.«Jet’enprie,Maître,nemefaispasdemal.»

Il se tourna vers le Maître des Esclaves. Le Maître des Esclaves gagna l’endroit où lafemmegisait.Illaregarda.Ilappeladeuxesclavesquientrèrentparlerideau.Ilsregardèrentlafemme.PuisleMaîtredesEsclavesdit:

—«Fournissezdessoieriesàcetteesclave,puisdonnez-laauxesclavesmâles.»Ondétachalalanièrequireliaitseschevillesàl’anneaudesoncollier.Onlafitleveretonlasoutint;ellenepouvaitresterseuledeboutcarseschevillesétaient

croiséesetattachées.«Quelssontlesmaîtres?»luidemandaleMaîtredesEsclaves.Lafemme,lescheveuxsurlevisage,tenuepardeuxhommes,regardaAlyena.Lafemme

tremblait.—«Leshommes,»souffla-t-elle.«Leshommessontlesmaîtres.»Levisaged’Alyenablêmit.

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La femme fut emportée dans les cages. J’achetai l’esclavemâle un tarsk d’argent, puisl’affranchis.

—«Debout!»dis-jeàAlyena,quitremblait.Jeluimislachaînedemarchequej’avaisachetéequelquesjoursplustôtaubazar.Jelaregardaidanslesyeux.«Quelssontlesmaîtres?»demandai-je.Ellemefoudroyaduregard.Puisellerépondit:—«Leshommes…Leshommessontlesmaîtres.»PuisjequittailebureauduMaîtredesEsclavesdeTor,l’esclavemesuivant.Sur le dos du kaiila, sur le chemin de l’Oasis des Neuf Puits, somnolant, j’écoutai les

clochettesdeskaiilas.C’était la fin de l’après-midi. Nous nous arrêterions, dans une ou deux ahns, et

dresserionslecamp.On allumerait les feux. On mettrait les kaiilas en cercles, dix par cercle, et de jeunes

garçonsjetteraientdufourrageaucentre.Lestentesseraientmontées.L’ouvertured’unetenteduTahariestgénéralementtournée

faceàl’est,afinquelesoleildumatinréchauffel’intérieur.Gor,commelaTerre,tourneendirectiondel’est.Lanuit,engénéral,onabesoind’uneépaissedjellabaetd’unecouverture.Beaucoup de nomades font un feu de crottin de kaiila, qu’ils laissent brûler doucementpendant lanuit,pourseréchauffer lespieds.Celanem’étaitpasnécessaire,naturellement,puisqueMissPriscillaBlake-Allen,Alyena,dormaitàmespieds.

Lanuit, leskaiilas sontentravés.Lesesclavesaussi, sontégalemententravées.Avec leskaiilas,un simplenœudde la cordeenpoilsdekaiila, au-dessusdespattes, sous le genou,suffit. Les femmes, naturellement, sont enchaînées. Quand j’en avais terminé avec elle, jecroisaisleschevillesd’Alyenaet,aveclachaînedemarche,convenablementraccourcie,jelesenchaînais.Ainsi,ellenepouvaitsemettredebout.Ensuite, je lui jetaisacourtedjellaba,àcausedufroiddudésert,puisluiordonnaisdesemettreenpositiondesommeil.Surlanatte,versl’aube,elletiraitlacapuchesursonvisageetremontaitlesgenouxcontrelapoitrine;ladjellabaneluicouvraitpascomplètementlescuisses;jelaregardaisparfoisdormir,carelleétaittrèsbelle.Unjour,elleouvritlesyeux.

«Maître,»dit-elle.—«Dors,Esclave!»luiordonnai-je.—«Oui,Maître,»dit-elle.Aumatin, je la détachais tôt afin que, comme les autres esclaves du camp, elle puisse

accomplirsestâches.Unjour,ellevolaunedatte.Jenelafouettaipas.Jel’enchaînai,lesbrasau-dessus de la tête, contre le tronc d’un flahdah. Je permis aux enfants nomades de semoquerd’elle.Cesontdepetitsmendiantssournois.Ilslachatouillèrentaveclesfeuillesenferdelancedel’arbre.Ilsluimirentdumielsurlapeau,pourattirerlespetitesmouchesdesable noires, qui infestent ces mares au printemps. Quand nous prenions la piste, je lamettaisdanslekurdah.

J’entendislegalopd’unkaiilasurlesoldesséché.Soudain,jefusenalerte,touslessensenéveil.

Jefispivotermonkaiilaetmedressaisurlesétriers.Unhommevenaitlelongdelacaravane,unéclaireur.«Descavaliers!»cria-t-il.«Descavaliers!»Je les vis alors, plus de cent, franchissant le sommet d’une colline et se dirigeant vers

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nous, sur ma gauche, à l’ouest. Leurs burnous volaient derrière eux tandis qu’ilsfranchissaientlacrêtepuis,lesanimauxselaissantpresqueglisser,ilsdescendirentlapente,sedirigeantversnous.Lesgardesdenotrecaravanepartirentrapidementàleurrencontre.Jerestaidebout sur lesétriers.Jenevispersonnevenirdans lesautresdirections. Ilpouvait,naturellement, y avoir des charges postérieures. Rassuré, je vis des éclaireurs prendrepositionautourdelacaravane,enprévisiond’unetelleéventualité.JevisFarouk,MarchandetMaîtredeCaravane, passer au galop, le burnous gonflé, la lance à lamain. Sixhommesl’accompagnaient. Je vis les conducteurs, tenant les rênes des animaux, regarder l’ouest, àtraverslapoussière, lamainau-dessusdesyeux.UnmembredelafamilledeFaroukgagnaleskurdahsdesesclaves,deschaînessuspenduesaupommeaudesaselle.Ils’arrêtaitdevantchaquekurdah,jetaitunechaîneàlafemmeetluiordonnai:

«Entrave-toi!»Il attendait que la fille ait refermé le petit anneau sur son poignet droit puis le grand,

derrièresoncorps,sursachevillegauche;lesanneauxsontséparésparvingtcentimètresdechaîne ; il ne s’agit pas d’entraves de nuit, qui n’immobilisent que les chevilles ; puis ilgagnaitrapidementlekurdahsuivant,jetantuneentraveàlafemmesuivanteetréitérantsonordre. Je suivis la caravane jusqu’au kurdah d’Alyena. Elle sortit la tête, voilée, les poingsmaintenantlerideauderepsécarté.

«Quesepasse-t-il?»cria-t-elle.—«Tais-toi!»ordonnai-je.Elleparuteffrayée.«Restedanslekurdah,Esclave,»luiintimai-je,«etneregardepasdehors!»—«Oui,Maître,»répondit-elle.Jefispivoterlekaiila,tirailecimeterredesonfourreau.«CesontdesAretai!»criaquelqu’un.Jerepoussaid’uncoupseclecimeterredanssonfourreau.Je vis, àune centainedemètresde la caravane, les cavaliers s’arrêter. Je vis également

Farouk, s’entretenantavec leurcapitaine.Lesgardesde lacaravane,montéssurdeskaiilasnerveux, qui grattaient le sol, se tenaientderrière lui.Les lances étaient levées, l’extrémitéétantglisséedanslefourreaud’étrier,commedesaiguillesdresséesversleciel.

Je fisavancermonkaiiladequelquespas,vers leshommes,puisretournaiauprèsde lacaravane.

«CesontdesAretai,»ditunconducteur.Lacaravane,jelesavais,serendaitàl’OasisdesNeuf Puits. Celle-ci était gouvernée par Suleiman,maître d’unmillier de lances. C’était leGrandPachadesAretai.

Plusieursnouveauxvenusprirentpositionautourdelacaravane.Ungroupegagnasatête,un autre alla en queue. Une vingtaine d’hommes, avec Farouk et quelques gardes,descendirent le longde lacaravane,unanimalaprès l’autre,vérifiant lesconducteurset lespalefreniers.

«Quefont-ils?»demandai-jeàunconducteurprochedemoi.—«IlscherchentlesKavars,»répondit-il.—«Queferont-ilss’ilsentrouvent?»demandai-je.—«Ilslestueront,»réponditl’homme.Je regardai les hommes, montés sur leurs kaiilas, accompagnés de Farouk, Maître de

Caravane,sedirigeantlentementversnous.«CesontleshommesdeSuleiman,»précisaleconducteurdeboutprèsdemoi,lesrênes

desonkaiilaàlamain.«Ilssontvenuspournousescorterjusqu’àl’OasisdesNeufPuits.»

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Leshommesapprochèrent,s’arrêtant,repartant,allantd’unhommeausuivantlelongdelafile.Ilsétaientconduitsparlecapitaine,quiportaitunburnousbordéderouge.Plusieurshommesavaientposéleurcimeterre,dégainé,entraversdeleurselle.

«Tun’espasunKavar,n’est-cepas?»demandaleconducteur.—«Non,»répondis-je.Lescavaliersétaientdevantnous.Leconducteurrepoussalacapuchedesonburnousettiralevoilesursonvisage.Sousle

burnous, il portait un bonnet. Le voile de reps était rouge ; il était teint avec une teintureprimitiveobtenueavecdel’eauetdesracinesdetelekintécrasées;commeilavaittranspiré,ilavaitdéteint;sonvisageétaittaché.Ilremontalamanchedesachemise.

Lecapitainesetournaversmoi.«Tamanche!»dit-il.Jeremontai lamanchedemachemise,exposantmonavant-bras

gauche. Il ne portait pas le cimeterre bleu, tatoué sur le bras du jeuneKavar à l’âge de lapuberté.

—«Cen’estpasunKavar,»ditFarouk.Ilfitminedecontinuersoncheminlelongdelafile.

Lecapitainemaintintsamontureimmobile.Ilnem’avaitpasquittédesyeux.—«Quies-tu?»s’enquit-il.—«JenesuispasunKavar,»répliquai-je.—«Ils’appelleHakimdeTor,»précisaFarouk.—«PrèsdelaPorteNorddeTor,»ditlecapitaine,«ilyaunpuits.Comments’appelle-t-

il?»—«Iln’yapasdepuitsprèsdelaPorteNorddeTor,»répondis-je.— « Comment s’appelle le puits proche des échoppes des Selliers ? » demanda le

capitaine.—«LePuitsde laQuatrièmeMainTransitoire,» répondis-je.Lepuits,plusd’unsiècle

auparavant, avait étédécouvertpendant laQuatrièmeMainTransitoirede l’AdministrateurShiraz,alorsBeydeTor.

Jefuscontentd’avoirconsacréquelquesjours,avantdeprendrelesleçonsdecimeterre,àapprendre la ville de Tor. Il n’est pas prudent d’emprunter une identité que l’on n’est pascapabledeprouver.

—«Tun’aspasl’accentdeTor,»soulignalecapitaine.—«Jen’aipastoujourshabitéTor,»répondis-je.«Jeviens,àl’origine,dunord.»—«C’estunespiondesKavars!»lançaundeslieutenantsquisetenaientauxcôtésdu

capitaine.—«Pourquoivas-tuàl’OasisdesNeufPuits?»s’enquitlecapitaine.—«J’aidespierresquejevoudraisvendreàSuleiman,tonMaître,»dis-je,«enéchange

depainsdedattesséchées.»—«Laisse-nousletuer,»insistalelieutenant.— « Est-ce ton kurdah ? » s’enquit le capitaine, montrant le kurdah d’un kaiila tout

proche.—«Oui,»répondis-je.Tandis qu’ils visitaient la caravane ils avaient, avec leurs cimeterres, ouvert les rideaux

deskurdahs,carilyauraitpuyavoirdesKavarsàl’intérieur.Néanmoins,ilsn’avaienttrouvéquedesesclavesentravées.

—«Qu’ya-t-ilàl’intérieur?»s’enquit-il.—«Seulementuneesclave,»répondis-je.

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Ilpoussasonkaiilajusqu’aukurdahet,avecl’extrémitédesoncimeterre,voulutleverlamoitiédurideauquisetrouvaitàsadroite.

Lalamedemoncimeterrebloqualalamedusien.Leshommes se crispèrent. Lespoings se serrèrent sur les poignéesdes cimeterres. Les

lancesfurentbaissées.—«Tucachespeut-êtreunKavaràl’intérieur,»émitlecapitaine.Avecl’extrémitédemoncimeterre,j’écartailerideau.Danslekurdah,àgenoux,effrayée,

nueendehorsdesoncollieretdesonvoile,lajeunefemmerecula.«Lacuisse!»ditlecapitaine.Lafemmeluiprésentasonflancgauche,luimontrantsacuisseetsamarque.—«Cen’estqu’uneesclave,»ditlelieutenant,déçu.Le capitaine sourit. Il considéra les courbes douces, délicates, séduisantes, exposées, de

l’esclave.—«Maiselleestjolie,»souligna-t-il.—«Dévoiletonvisage!»luiordonnai-je.La jeune femme, lesmains derrière la tête, sur la lanière dorée, abaissa son voile. Son

corpss’étaitmagnifiquementredressélorsqu’elleavaitlevélesbraspourdétacherlevoile.Jenotailamanièredontellel’avaitfait.Jericanaiintérieurement.C’étaituneesclaveetellenelesavaitpas.

—«Oui,»repritlecapitaine,«unebelleesclave.»Sesyeuxs’attardèrentsurlabouchedévoilée,puis ilbut le restedesonvisage,puis soncorps. Ilmeregarda.«Je te félicitedeposséderunetelleesclave,»ajouta-t-il.

D’uneinclinaisondetête,j’acceptailecompliment.«Peut-être,cesoir,»suggéra-t-il,«pourrait-elledanserpournous?»—«Ellenesaitpasdanser,»répondis-je.Puis,àlajeunefemme,enanglais,jedis:«Tun’espasencoreprêteàdanserpourleplaisirdeshommes.»Ellesetassasurelle-même.—«Biensûrquenon!»répliqua-t-elle,enanglaiselleaussi.Mais jeconstataique,en

dépitdesafureur,desadénégation,sonregardavaitétéexcité,curieux.Detouteévidence,elles’étaitdéjàdemandédetempsentempsqueleffetcelaferait,esclaveportantuncollier,dedansernuesurlesable,danslalumièredufeudecamp,s’efforçantvulnérablement,souslamenacedufouet,deplaireàdesguerriersgoréens.Ilfaudraitdutemps,àmonavis,avantqu’Alyenaàlapeaublanchesupplie:

«Fais-moidanser!Fais-moidanserpourleplaisirdesGuerriers!»—«C’estunebarbare,»dis-jeaucapitaine.«Elleneparlepasbienlegoréen.Jeluiaidit

qu’ellen’étaitpasprêteàdanserpourleplaisirdesGuerriers.»—«Dommage,»dit-il.Dans ladansedes femmesgoréennes, ladanseusedoit souvent

satisfairecomplètementlespassionsqu’elleparvientàsusciterchezsonpublic.Ilneluiestpaspermisd’exciterpuisdes’enfuir;quand,lorsquelamusiquesetait,ellesejetteparterre,àlamercideshommeslibres,ladansen’estqu’àmoitiéterminée;illuifautencorepayerleprixdesabeauté.

«Tudoisluifaireapprendreladanse,»ditlecapitaine.—«C’estbienmonintention,»répondis-je.—«Lefouet,»rappelalecapitaine,«peutapprendrebeaucoupdechosesàunefille.»—«Tuparlesenvérité,»opinai-je.— « Une jolie esclave, » dit-il encore. Puis il fit pivoter son kaiila et, suivi de ses

compagnons,poursuivitl’inspectiondeshommesdelacaravane.Enfaisantpivotersonkaiila

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le lieutenantqui l’accompagnait,quiavait affirméque j’étaisunespiondesKavarset avaitconseillédemetuer,m’adressaunregardnoir.Puisilsuivitlesautres,etFarouk,lelongdelacaravane.

«Ilneserapasnécessaire,Maître,»ditAlyena,hautaine,engoréen,«d’avoirrecoursaufouetpourmefairedanser.»

—«Jesais,»répondis-jeenriant,«…Esclave.»Elleserralespoings.«Voile-toi!»ordonnai-je.Elleobéit.«Resteàl’intérieur,»ajoutai-je,«etneregardepasdehors.»—«Oui,Maître,»dit-elle.Jevissesyeux,bleus,furieux,au-dessusduvoilejaunepuis,riant,avecmoncimeterre,je

fisretomberlamoitiédroitedurideau,quicachal’esclave.Progressivement, à mesure que la femme comprend qu’elle est esclave, véritablement,

dans une société où il y a des esclaves, dans laquelle elle ne peut être que cela, sanspossibilitéde fuite,des transformations fantastiquess’opèrentenelle.Jeconstataisdéjà lecommencementdecestransformationschezAlyena.Elleétaitdéjàexcitéeparsoncollieretle fait d’être possédée par les hommes. Elle s’intéressait à eux. Elle devenait effrontée,impudique, comme cela convient à un article de propriété. Elle s’autorisait à présent despensées et des rêves qui auraient scandalisé une femme libre mais étaient pour elle, quin’étaitqu’uneesclave,toutàfaitappropriés.Elledevenaitmesquine,jolieetprovocante.Elledevenaitsensuelle.Elledevenaitsournoise,rusée,possédée.Récemment,elles’étaitbaisséepour voler une datte. Bien que je l’aie, naturellement, punie, j’avais été très satisfait. Celasignifiait qu’elle devenait une esclave. À présent, je venais de la voir se redressermagnifiquement en retirant son voile devant les hommes. J’avais perçu sa curiositéconcernantl’effetquecelaferaitdedanserdevanteux.Ellem’avaitindiquéqu’ilneseraitpasutiled’utiliserlecuirsurellepourqu’ellesemetteàl’étudedesdansesdesesclaves.Ellesecroyait,enelle-même,toutàfaitlibre,n’ayantdel’esclavequelecollieretlenom,maisellesetrompait.Jemedisquejepouvaisluiaccordercepetitmorceaud’orgueiljusqu’aujouroùunmaîtreleluiprendraitetque,brisée,effondréesurlesdalles,oulanattedesoumission,ellecomprendraitvéritablementqu’ellen’étaitqu’uneesclave.

LabelleAlyena,bienqu’ellenelesûtpas,etauraitprobablementrefusédelecroire,étaitsurlebonchemin.

Elledevenaituneesclave.

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5

CEQUIARRIVADANSLEPALAISDESULEIMANPACHA

«COMBIENenveux-tu?»demandaSuleiman.IlétaitassissurdescoussinsposéssurdestapisdeTor.

Ilportaitlekaffiyehetl’agal,lacordeétantcelledesAretai.Devantnous,surleplancherlisse,écarlate,incrusté,setenaitlajeunefemme.Soncorps

était détendu, néanmoins son maintien était magnifique. Elle ne nous regardait pas. Elleparaissaitennuyée,légèrementinsolente.

Surleshanches,retenueparuneceinturedetissuroulé,elleportaitunesoieriededanseaudrapéturien,lescuissesnues,lecoinavantdroitdelasoiepassésouslaceinture,derrièreetàgauche, lecoinarrièregauchepassésous laceinturedevantetàdroite.Elleétaitpiedsnus;elleavaitdesbraceletsenorauxchevilles,davantageà lachevillegauche.Elleportaitunsoutien-gorgedesoiejaune,attachéhautpouraccentuersabeauté.Elleportaituncollieràserrureenoret,autourducou,denombreuseschaîneslégèresetpendentifs;auxpoignets,elleavaitdenombreuxbracelets;surlesavant-bras,serrés,elleavaitégalementdesanneaux,encoreunefoisplusnombreuxàgauche.Ellesecoualatête;sescheveuxétaientdéfaits.

«Prépare-toiàplaireàunhommelibre,»dis-jeàlajeunefemme.Elleétaitblonde,avaitlesyeuxbleusetlapeauclaire.Ellefléchitlesgenoux,lepoidsducorpssurlestalons,levalesmainsau-dessusdelatête,

lespoignetsjoints,dosàdos;sursespoucesetsesdoigts,prêtes,depetitescymbales.J’adressaiunsignede têteauxMusiciens.Lamusiquecommença.Lespetites cymbales

tintèrentetAlyenadansapournous.«Est-cequel’esclaveteplaît?»demandai-je.Suleiman la regarda, ses lourdes paupières mi-closes. Son visage ne trahissait aucune

émotion.—«Ellen’estpassansintérêt,»dit-il.Jesortisdesousmesrobeslaceinturedanslaquellej’avaiscachélespierresprécieuses.

Jecoupailespointsquimaintenaientlesdeuxpartiesl’unecontrel’autreet,uneparune,jeposai lespierresprécieusessur la tablebasse, incrustée, laquée,derrière laquelleSuleimanétaitassis.Ilregardalespierresprécieuses,lespritl’uneaprèsl’autreentrelepouceetl’indexdesamaindroite.Detempsentemps,illeslevaitdanslalumière.Jem’étaisassuré,danslecadredumarché,delavaleurdespierresetsavaisapproximativementàquelpoidsdedattespresséesellescorrespondaient.

À la droite de Suleiman, languide, un autre homme était assis. Il portait le kaffiyeh etl’agal,unkaftandesoie.C’étaitunMarchanddeSeldeKasra.

—«Jeregrette,»ditIbnSaran,«quenousn’ayonspaspuallerensembleàKasra,puisàTor.»

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—«J’aidûpartirtrèsvite,»dis-je,«pouraffaires.»— « Tant pis pourmoi, » sourit Ibn Saran, portant à ses lèvres une fine tasse décorée

pleinedevinnoir.Suleiman,duboutdudoigt,repoussaquelquespierresversmoi.Jelesremisdansmabourse.Ils’intéressaitsurtout,apparemment,auxdiamantsetaux

opales.CesdeuxtypesdepierreétaientraressurlemarchéduTahari.JeregardaiAlyena.Soncorpssemblaitàpeinebouger,pourtantildansait,commecontre

sa volonté. Il semblait qu’elle tentât de rester immobile, comme si elle luttait contre soncorps,maisqu’il lacontraignaitàdanser,trahissantsonasservissementdevantlesyeuxdesmaîtres.Sesyeuxétaientfermés,seslèvresserrées,sonvisagepleindesouffrance;elleavaitles bras au-dessus de la tête, les poings serrés et pourtant, apparemment tout seul,apparemmentcontresavolonté,soncorpsbougeait,lacontraignantàêtrebelledevantnous.L’artificedeladanseuseatteignituneintensitéfantastique.Celan’échappaniàSuleimanniàIbnSaran.

J’avais attendu un mois, à l’Oasis des Neuf Puits, avant d’obtenir une audience avecSuleiman.

IbnSaran,sansquitterAlyenadesyeux,levaledoigt.Uneesclave,piedsnus,portantdesbracelets, portant un chalwar serré à la ceinture, en soie diaphane, serré également auxchevilles, ainsiqu’uneétroite tuniquede soie rouge, laissant la taillenue, seprécipita verslui, avec un pot argenté, haut et élégant, contenant le vin noir. Elle était voilée. Elles’agenouilla,remplissantsatasse.Souslevoile,j’aperçuslemétalducollier.

Jenepensaispas avoirune telle chance.Elleneme regardapas.Elle regagna saplace,aveclepotdevinnoir.

Ibn Saran leva un autre doigt.Une autre femme apparut, une femme rousse, à la peauclaire.Elleportaitégalementunchalwar,unetunique,desbraceletsetuncollier.Elleapportaunplateauchargédecuillèresetdesucres.Elle s’agenouilla,posant leplateausur la table.Avecunepetitecuillère,dont l’extrémiténe faisaitpasplusd’unhortdediamètre,ellemitquatremesuresdesucreblanc,etsixdesucrejaune,danslatasse;avecdeuxautrescuillères,unepourlesucreblancetuneautrepourlesucrejaune,elletournalebreuvageaprèschaquemesure.Puiselleposalatassecontresajoue,vérifiantlatempérature;IbnSaranluiadressaunbrefregard;leregardant,elleembrassatimidementlatasseavantdelaluidonner.Puis,latêtebaissée,elleseretira.

Jenemeretournaipaspourregarderlapremièrefemme,quitenaitlepotargentédevinnoir.

JemedemandaisielleappartenaitàSuleimanoubienàIbnSaran.Jesupposaiquec’étaitàSuleimanparcequec’étaitdanssonpalaisquenousnoustrouvionsetdiscutionsaffaires.

Suleiman,àcontrecœur,repoussadeuxautrespierresdansmadirection.Sansunmot,jelesremisdansmabourse.

Dansant, Alyena tournait sur elle-même. Je souris. Sous les fesses, à gauche, je voyaisque, à travers la soie jaune, le bleu n’avait pas encore disparu. Elle l’avait reçu pendant lamarchedelacaravane;quatrejoursplustôt,avantquelebleuluiaitétéinfligé,nousavionsétérejointsparlesofficiersetl’escortevenusdel’OasisdesNeufPuits.Ellel’avaitreçuprèsd’unpointd’eau.Elleportaitunegrosseoutredelaitdeverrcaillésurlatête.Illuiavaitétédonnéparun jeunenomadeséduisant,souple,aux largesépaules.J’avaisassistéà lascèneet,àmonavis,elles’étaitarrangéepourqu’illeluidonne.Avecsonfardeau,elleétaitpasséedevant lui, près de lui, comme une esclave. Il s’était levé d’un bond et, rapide, les doigts

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commedespinces, ilavaitadministrécecoupsec, jovial, instructif,à la femmeaudacieuse.Son cri résonna sur unquart de pasang autour dupoint d’eau, faisant sursauter jusqu’auxverrsetkaiilas.Ellelaissatomberl’outredelaitcaillé,lescoutures,heureusementpourelle,tenantbon,etluifitface,maisilladominaitdetoutesataille,àquelquescentimètresd’elle.

«Tumarchesbien,Esclave,»luidit-il.Elle recula en trébuchant, effrayée, butant, jusqu’au tronc penché d’un flahdah. Elle le

regarda.«Tues jolie,PetiteEsclave,»reprit-il.«J’aimeraisbienteposséder.»Elledétournala

tête.—«Oh!»s’écria-t-elle.Sa main était sur elle et, se tordant, pleurant, se poussant avec les talons, l’écorce lui

griffant le dos, elle gravit le tronc penché sur une trentaine de centimètres avant que, àtraverssonvoile,ill’embrasse,laissantunetracedesangsurlasoiepuis,avecsesmains,luiattache les cheveux autour du tronc, la laissant ainsi. Elle pleurait, à genoux au pied del’arbre,tentantdedéfairelenœuddesachevelure,quil’immobilisait,nœudqui,setrouvantde l’autre côtédu tronc, était invisible. Il lui fallut plusdedix ehnspour se libérer, ce quiamusabeaucouplecamp.Ellefutencoreplusdéconfiteparlefaitqu’Aya,l’esclavedeFaroukquiétaitchargéedesaformation, ladécouvritainsi.Ayanefutpascontentedetrouversonélèveattachéeàunarbrepar lescheveux, l’outrede laitcaillégisantdans lapoussière.Ayamanifestaclairementsonmécontentementenfrappantplusieursfoislajeunefemme,avantqu’elleaitpusedégager,avecl’instrumentcoutumierdesoninstruction,unecordedepoilsdekaiilanouée.

«Paresseuse!»ironisa-t-elle.«Ilyauntempspourjoueretuntempspourtravailler!»QuandAlyena eut enfin réussi à se dégager, enhâte, pleurant, elle remit l’outre de lait

caillésursatête,l’équilibrant,puisrepartitendirectiondelatentedeFarouk.«Etc’estletempsdutravail!»criaAya.—«Oui,Maîtresse,»sanglotaAlyena.Quand Alyena fut autorisée par Aya à cesser de travailler, elle vint aussitôtme voir et

raconta,enlarmes,cequis’étaitpassé.«C’étaitunmonstrehorrible,n’est-cepas?»fitAlyena.—«Oui,unmonstrehorrible,»admis-je.—«Tuauraisdûintervenir,»fit-elled’unevoixboudeuse.Jehaussailesépaules.—«Àmonavis,ils’estconduitavectoicommeilfallait,»dis-je.—«Oh!»fit-elle.Puis,uninstantplustard,elledemanda:«Nedevrais-tupasdéfendre

tapropriété?»—«Peut-être,sijepensaisqu’elleaunevaleurquelconque,»répondis-je.—«Oh,»fit-elle.Ellebaissalatête.—«Quitte-moimesbabouches!»ordonnai-je.Ellesepenchasurmesbabouches.Cesoir-là,tard,vêtuedesadjellabaetentravéeàmespieds,elleparla.«Maître,»dit-elle.—«Oui?»répondis-je.—«C’étaitunmonstrehorrible,n’est-cepas?»—«Oui,»répondis-je.Ilyeutunlongsilence.Puisj’entendis:—«Crois-tuquejelereverrai?»

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—«Lesnomadessontpauvres,»dis-je.«Jecroyaisquetuvoulaisêtrepossédéeparunhommeriche.»

—«Jeneveuxpasêtrepossédéeparlui!»s’écria-t-elle.«Jelehais!»—«Oh!»fis-je.Unpeuplustard,j’entendis:«Maître…»—«Oui?»répondis-je.—«Crois-tu,Maître,»demanda-t-elle,«quejelereverrai?»—«Jenesaispas,»répondis-je.J’entendislachaîne,enrouléeplusieursfoisautourdeseschevillescroisées,puisfermée

avec un cadenas, bouger. Puis jeme rendis compte que, dans le noir, entravée, elle était àgenouxprèsdemoi.Satête,sombre,étaitsurlanattedelatente.

—«Maître,»souffla-t-elle.—«Oui?»fis-je.—«Puis-jeapprendreàdanser?»demanda-t-elle.—«Quies-tu?»demandai-je.—«Alyena,tonesclave,Maître,»souffla-t-elle,«supplied’apprendreàdanser.»—«Peut-êtreapprendra-t-elle,»dis-je.—«Elleestreconnaissante,»affirmalajeunefemme.Nousrestâmesquelquesinstantssilencieux.«Alyena,»dis-je.—«Oui,Maître?»répondit-elle.—«Danstoncœur,»demandai-je,«teconsidères-tucommeuneesclave?»—«Puis-jerépondreavecsincérité?»s’enquit-elle.—«Oui,»acquiesçai-je.—«Jene serai jamaisvéritablementuneesclave,»dit-elle.«Je suisune femmede la

Terre.»—«Oh,»fis-je.Jesouris.J’écoutailanuit,levent,lesgrondementsdeskaiilas,lesappelsdesgardiens.«PourquoiAlyenaveut-elleapprendreàdanser?»luidemandai-je.Lajeunefemmeréfléchituninstant.Puisellerenifla.—«Alyena,»répondit-elle,«croitquecelaluiprocurerapeut-êtreduplaisir,quecelalui

donneraitquelquechosed’intéressantàfaire,pourpasserletemps.Ellepensequecelaseraitbonpoursasanté.Celal’aideraàrestermince.»

—«Alyena,»dis-je,«souhaiteapprendreàdanser–lesdansesvéritablesdesfemmes–parcequ’ilya,danssoncœur,unsecretqu’elleneditàpersonne.»

—«Quelestlesecretd’Alyena?»demandalajeunefemme.—«Danssoncœur,»repris-je,«elleaenvied’êtreesclave.»—«Stupide!»fitlajeunefemme.—«Maisilyaunautresecret,»dis-je.«Unsecretqu’Alyenaelle-mêmeignore.»—«Etquelest-il?»s’enquit-elle,furieuse.—«Cellequi,danssoncœur,aenvied’êtreesclaveestdéjàesclave.»—«Non,non!»s’écrialajeunefemme.«Non!»—«Surunetellefemme,»ajoutai-je,«lamarqueetlecolliernesontquedesemblèmes,

des symboles, proclamant sa réalité sur son corps, sa vérité profonde, qu’elle n’est plusautoriséeàdissimuler.»

—«Non!»crialajeunefemme.

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—«Surunetellefemme,»repris-je,«effrontément,à l’évidence, ilsdévoilentlesecretqu’ellen’estplusautoriséeàdissimuler,àsavoirqu’elleestesclave,unesimpleesclave.»

—«Non!»cria-t-elle.—«Tamarqueettoncollier,Alyena,»dis-je,«tevontbien.»—«Non,»sanglota-t-elle.Jel’entendistirersursoncollier.—«Réjouis-toi,»ajoutai-je,«delesporter.Denombreusesesclavesnelesconnaissent

jamais.»Ellerestacouchéedanslenoir,agitée,pleurant,entravée,tirantsursoncollier.IbnSaran,regardantl’esclavevêtuedesoiejaune,avecuncollier,danser,buvaitsonvin

noirbrûlantàpetitesgorgées.Jeconstataiquesabeautél’intéressait.Ellesebaissa, la jambetendueet, la fléchissant lentementaurythmede lamusique,du

genouàlacuisse,lacaressa.Alyenaétaitagréableàregarderparceque,bienqu’ellenelesachetoujourspas,lefeude

l’asservissementbrûlaitdanssonventre.Parfois,ellenousregardait,nousquiétionssonpublic.Sesyeuxnousdisaient:Jedanse

commeuneesclave,maisjenesuispasvéritablementuneesclave.Jenesuispasdomptée.Ilestimpossibledemedompter.Aucunhommenepourramedompter.

Avecletemps,ellecomprendraitqu’elleétaitvéritablementuneesclave.Ilétaitinutiledesedépêcher.LeshommesduTaharisontpatients.

Devant Suleiman, à présent, il y avait cinq pierres, trois diamants rouges, étincelants,tachetésdeblancetdeuxopales,uneordinaire,laiteuseetl’autreexceptionnelle,rougeâtreetbleue.LesopalesnesontpasparticulièrementprécieusessurTerre,maisellessontplusraressurGor;ils’agissaitlàd’excellentsspécimens,tailléesenformesd’ovoïdesluminescents,etpolies;néanmoins,bienentendu,ellesn’avaientpasautantdevaleurquelesdiamants.

«Quedemandes-tuenéchangedecescinqpierres?»s’enquit-il.—«CentPoidsdepainsdedattes,»répondis-je.—«C’esttrop,»dit-il.C’était, naturellement, trop. Le problème bien entendu, consistait à demander un prix

assezélevéafindeparveniràunevaleurd’échangeraisonnableplustard,toutenévitantdefaireinjureàlapositionetàl’intelligencedeSuleiman.Fixerunprixtropélevé,commesijemarchandais avec un imbécile, pouvait avoir des conséquences désagréables pour moi, lamoins grave étant la décapitation immédiate, à supposer que Suleiman ait bien digéré sonpetitdéjeuner,etaitpasséunenuitagréableavecsesfemmes.

«VingtPoidsdepainsdedattes,»dit-il.—«C’esttroppeu,»dis-je.Suleimanexaminalespierres.Jesavaisqueleprixqu’ilproposaitétaittropbas.Ilvoulait

seulementsavoircequ’ellesvalaientsurlemarché.Suleimanétaitunhommeruséetsubtil;ilétaitaussiextrêmementintelligent.C’étaitluiquiavaitorganisélepiège.C’étaitlanuitquej’avaissoupçonnélanaturedupiège,sixnuitsaprèsquelacaravanede

FaroukaitétérejointeparuneescortedesoldatsAretai.Le lieutenant du capitaine, haut officier de l’escorte, vint dansma tente. C’était lui qui

m’avait soupçonné d’être un espion desKavars, lui qui avait voulume faire tuer.Nous nenousappréciionsguère.Ils’appelaitHamid.LecapitainesenommaitShakar.

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Ilregardaautourdelui,furtivement,puiss’assitdanslatente,sansyavoirétéinvité,surmesnattes.Jenevoulaispasletuer.

« Tu transportes des pierres que tu souhaites vendre à Suleiman, Grand Pacha desAretai,»avaitditlelieutenant.

—«Oui,»avais-jerépondu.Ilavaitparuanxieux.—«Donne-les-moi,»dit-il.«JelesporteraiàSuleiman,GrandPachadesAretai.Ilnete

recevrapas.Jetedonnerai,desapart,leuréquivalentenpainsdedattes.»—«Tellen’estpasmonintention,»dis-je.Ilplissalespaupières.Sonvisagenoirauds’assombrit.—«Sors!»enjoignit-ilàAlyena.Jenel’avaispasentravée.Ellesetournaversmoi.—«Sors,»dis-je.—«Jenesouhaitepasparlerdevantl’esclave,»souligna-t-il.—«Jecomprends,»répondis-je.Jenecomprenaisquetropbien.S’ilestimaitnécessaire

deme tuer, ilpréféraitnepasaccomplir cetactedevantun témoin,mêmes’ilne s’agissaitqued’uneesclave.

Ilsourit.—«IlyadesKavarstoutautourdenous,»reprit-il,«etilssontnombreux.»J’avais effectivement vu, de temps en temps, au cours des jours précédents, de petits

groupesdecavaliersquinoussurveillaient.Quand les gardes ou les hommes de notre escorte se dirigeaient vers eux, ils

disparaissaientdanslescollines.«Danslesenvirons,»poursuivitHamid,«maisilnefautpasenparler,ilyaunetroupe

deKavars,entretroisetquatrecentsindividus.»—«Descavaliers?»demandai-je.—«DesKavars,»répéta-t-il.«Desmembresde la tribu.Etdesmembresde leur tribu

vassale,lesTa’Kara.»Ilmeregardaattentivement.«Ilyaurasansdoutebientôtlaguerre,»dit-il.«Lescaravanesserontrares.Lesmarchandsnevoudrontpasrisquerdeperdre leursmarchandises. IlsveulentempêcherSuleimande recevoir cesmarchandises. Ilsveulent lesdétourner,ouendétourner l’essentiel,sur l’OasisdesPierresArgentées.»C’étaituneoasisdes Char, autre tribu vassale des Kavars. Ce nom lui avait été donné plusieurs sièclesauparavant par des hommesmourant de soif qui, marchant de nuit dans le désert, l’avaitdécouverte. La rosée s’était déposée sur les gros rochers plats qui l’entouraient et, dans lalumière de l’aube, les avait fait ressembler, de loin, à des plaques d’argent. La rosée,incidemment,esttrèsrépandue,auTahari,secondensantsurlesrochersdanslafraîcheurdela nuit. Elle s’évapore, naturellement, presque immédiatement au matin. Les nomadesdéterrent parfois des pierres avant l’aube, les nettoient, les mettent dehors et, plus tard,lèchentlaroséedéposéesurelles.Onnepeutsurvivre,naturellement,aveclepeud’eauqu’ilest possible de se procurer ainsi. Néanmoins, cela permet de s’humecter les lèvres et lalangue.

—«S’ilyauntelnombredeKavarstoutautour,»relevai-je,«etdeTa’Kara,vousn’avezpasassezd’hommespourdéfendrenotrecaravane.»Enfait,surleplanmilitaire,dansunetellesituation,uneescortedecenthommessemblaitplutôtêtreuneinvitationàattaquer.

Hamid,lieutenantdeShakar,capitainedesAretai,neréponditpas.Néanmoins,ildit:—«Donne-moilespierres.Surmoi,ellesserontensécurité.Situnemelesdonnespas,

turisquesdetelesfaireprendreparlesKavars.JeverraiSuleimanpourtoncompte.Ilnete

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recevrapas.Jemarchanderaipourtoncompte.J’obtiendraiunbonprixenpainsdedattes.»—«JeverraiSuleimanmoi-même,»dis-je.«Jemarchanderaimoi-même.»—«EspiondesKavars!»cracha-t-il.Jenerépondispas.«Donne-moilespierres!»ordonna-t-il.—«Non,»répliquai-je.— « Tu as l’intention, » reprit-il, « d’obtenir une audience de Suleiman, puis de

l’assassiner!»—«Cestratagèmemesemblemalconçupourobtenirunbonprixenpainsdedattes,»

relevai-je.«Tuasdégainétadague,»fis-jeremarquer.Ilsejetasurmoi,maisjen’étaispluslà.Jemelevaiet,abattantd’uncoupdepiedundes

piquetsdelatente,meglissaidehors,dégainantmoncimeterre.«Ho!»criai-je.«Auvoleur!Auvoleur!»Deshommesarrivèrentencourant.Parmieux, ilyavaitShakar,capitainedesAretai,et

plusieurs de ses hommes, leurs lames dégainées. Conducteurs et esclaves se massèrentautourdelatente.Unesilhouettesedébattaitsouslatoile.Puislatente,danslalumièredestorches,surunsignedeShakar,futécartée.

«Quoi?»m’écriai-jeavecstupéfaction,«c’est leNobleHamid!Pardonnez-moi,nobleofficier,jevousaiprispourunvoleur.»

Grommelant,époussetantsesrobes,Hamidsereleva.«Quellemaladressedesefairetomberlatentedessus!»commentaShakar.Ilrengaina

soncimeterre.—«J’ai trébuché,» expliquaHamid. Iln’avaitpas l’air content tandisque, suivant son

capitaine,regardantpar-dessusl’épaule,ildisparaissaitdansl’obscurité.—«Redresselatente!»ordonnai-jeàAlyenaqui,effrayée,meregardait.—«Oui,Maître,»dit-elle.PuisjememisenquêtedeFarouk.Iln’yavaitpasderaisonqu’ilperdedeshommes.Nous n’attendîmes pas longtemps l’attaque des Kavars. Elle se produisit peu après la

dixièmeheure,midisurGor,lelendemain.Jene fusguère surprisdevoir leshommesdenotreescorted’Aretai se rueraucombat

puis, voyant le nombre d’ennemis, qui paraissait effectivement considérable, dévalant lescollines,fairepivoterleurskaiilaset,abandonnantlacaravane,s’enfuirrapidement.

« Ne résistez pas ! » cria Farouk à ses gardes, remontant la caravane au galop. « Necombattezpas!Nerésistezpas!»

Quelques instants plus tard, les Kavars, levant leurs lances, hurlant, leurs burnousflottantauvent,furentparminous.

Les gardes de Farouk, suivant son exemple, laissèrent tomber leur bouclier dans lapoussière, jetèrentleurslancesparterreet,dégainantleurscimeterres, lesfirenttomber, lalameenbas,surlesol,sedésarmant.

Lesesclaveshurlèrent.Avecleurslances,lesKavarsindiquèrentauxhommesqu’ilsdevaientmettrepiedàterre.

Ils obéirent. Ils furent rassemblés. Les Kavars remontèrent la caravane, ordonnant auxconducteursderemettrerapidementleurskaiilasenligne.

Avec leurs cimeterres, ils entaillèrent certains sacs et caisses afin de déterminer leurcontenu.

UnguerrierKavar,aveclapointedesalance,traçaunelignedanslapoussière.

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«Déshabillezvosfemmes!»cria-t-il.«Mettez-lessurcetteligne.»Lesfemmesfurentrapidementmises sur la ligne.Quelques-unes furentdéshabillées à lapointedu cimeterre.Alyena,violemmentsortiedesonkurdah,futjetéeàterre.Tandisqu’elleétaitàquatrepattesparterre,levantlatête,terrifiée,unguerrier,derrièreelle,àdosdekaiila,glissalapointedesalancesoussonvoile,entrelecôtédesatêteetlapetitelanièredoréeet,levantlalance,luiarrachasonvoile,luidécouvrantlevisage.Ellesetournaverslui,terrifiée,accroupiedanslapoussière.

«Magnifique!»cria-t-il.—«Oh,»fit-elle.L’acier,lapointe,tranchantecommeunrasoir,delalance,étaitsursapoitrine.—«Courssurlaligne,Esclave!»ordonnaleguerrier.—«Oui,Maître!»cria-t-elle.—«Tunet’espasdésarmé?»s’enquitunKavar,s’arrêtantprèsdemoi.—«Jen’appartienspasàlagardedeFarouk,»répondis-je.—«Tufaispartiedelacaravane,n’est-cepas?»demanda-t-il.—«Jevoyageavecelle,»répondis-je.—«Désarme-toi,»dit-il.«Metspiedàterre.»—«Non,»répliquai-je.—«Nousn’avonspasenviedetetuer,»appuya-t-il.—«Jesuisheureuxdel’entendre,»dis-je,«carjen’aipasdavantagel’intentiondevous

tuer.»—«TrouvezlesAretai!»criaunhomme,passantàdosdekaiila.«Tuez-les!»—«Es-tuunAretai?»demandal’homme.—«Non,»répondis-je.Jevisquelqueskaiilaspasser.D’autresrestèrentaveclesconducteurs.Ilyavaitunnuagedepoussière,soulevéeparlespattesdesanimaux.Jevislesfemmes,

deboutsurlaligne.Ellesavaientdelapoussièresurleschevillesetlesmolletsainsique,pluslégèrement, sur le corps.Ellesplissaient lespaupières, à causede lapoussièreetdu soleil.Deuxd’entreellestoussaient.Quelques-uneschangeaientdepositioncarlapoussièreetlespierresétaientbrûlantessurlaplantedeleurspetitspieds.Ellesétaient,toutes,nues.Aucunene quitta la ligne. Un officier passa rapidement devant la ligne, les examinant. Il cria desordres.Lapremièreàêtrepousséeaveclahamped’unelancefutAlyena.

CelamefitplaisircarlesKavarsavaientmanifestementtrouvél’esclaveàleurgoût.«Nebougepas,Petite!»ordonnaunhomme.Toutefois,celanemesurpritpas.Elledevenaitplusbelledejourenjourdufaitque,sans

lesavoiretrepoussantcetteidée,ellecommençaitàaimersoncollier.C’étaituneesclave.SurGor,tôtoutard,elleseraitobligéederegardercetteévidenceenface;elleseraitcontraintederegarder au fond d’elle-même ; de s’introspecter, peut-être pour la première fois, avecimpartialité et une honnêteté totale ; je me demandai si, à ce moment-là, se voyant tellequ’elleétait,elledeviendraitfolleoubiensi,audacieusement,avecjoie,elleoseraitêtretellequ’elleseseraitdécouverte;humainedelaTerre,elleavaitétésoigneusementconditionnéeà imiter des images stéréotypées, produites par d’autres, étrangères à sanature ; ce que laTerre craignaitpar-dessus tout, c’étaitque leshommeset les femmes soient véritablementeux-mêmes;surTerre,onconsidéraitcommehorriblequedesmillionsdefemmesbellesetféminines, en dépit du conditionnement, veuillent être les esclaves d’hommes forts,puissants;surGor,celan’étaitpasconsidérécommehorrible,maiscommeconvenable;enréalité, d’autres femmes valent-elles la peine qu’on leurmette un collier ? L’émotion que

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ressentgénéralement,auboutducompte, la femmeasservie,dansunecultureesclavagisteoù ce type de soumission est accepté, sinon respecté, est, bizarrement peut-être, lareconnaissance.Jenevoispasbiendequoiellessontreconnaissantes.Ellessonttotalementsoumisesàdesmaîtrespuissantsetdoiventfairecequ’onleurordonne.

SixfemmesétaientàprésentderrièreAlyena,surlepointd’êtreenchaînées.SixfemmesavaientétérejetéesparlesKavars.

«RejoignezvosMaîtres!»criaunKavarauxfemmesrejetées.Enlarmes,ellesquittèrentlaligne.Jeconstataiqu’Alyenaétaitfièred’occuperlatêtede

lafile.Jeconstataiqu’elleétaitcontentequ’Aya,quil’avaitmaltraitée,aitétérejetée.Alyena,nue,trèsdroite,trèsfière,attendaitseschaînes.Onnelesluimettraitpas,bienentendu.

«Jeteconseille,»ditleKavar,«detedésarmeretdemettrepiedàterre.»—«Jevousconseille,àtoiettescompagnons,»répliquai-je,«defuirpendantqu’ilen

estencoretemps.»—«Jenecomprendspas,»dit-il.—«SituétaisunAretai,»demandai-je,«aurais-tulivrélacaravanesanscombattre?»—«Non,biensûr,»répondit-il.Sonvisageblêmit.— « Heureusement, » repris-je, « il n’y a de la poussière qu’à l’est. Néanmoins, je ne

partirais pas plein ouest. C’est la direction qu’emprunteraient naturellement des hommessurpris,stupéfaits.Peut-êtreyêtes-vousattendus.Comptetenudel’étendueduterrainetdunombred’hommesque lesAretaiontpurassembler, il leurseradifficiledevousencercler,saufsivousleslaissezapprocherdelacaravane.Jevousconseillerais,bienquejen’aiepasexplorélarégion,departirrapidementverslesud.»

—«Lesud,»releva-t-il,«estleterritoiredesAretai.»—« Ilme semble improbable qu’ils aient prévu unmouvement dans cette direction, »

estimai-je.«Vouspourreztoujoursvousécarterdecetterouteplustard.»Il se dressa sur ses étriers. Il cria.Unofficier arriva. Ils regardèrent l’est. Lapoussière,

commelalamed’uncimeterrenoir,surplusieurspasangs,sedirigeaitversnous.—«Combattons!»crial’homme.—«Sansconnaîtrelanatureetlenombredesennemis?»m’enquis-je.L’officiermeregarda.—«Combiensont-ils?»demanda-t-il.— « Je n’en sais rien, » répondis-je, «mais je pense qu’ils sont assez nombreux pour

accomplircequ’ilsontdécidédefaire.»—«Quies-tu?»demandal’officier.—«Unhommequiserendàl’OasisdesNeufPuits,»répondis-je.L’officiersedressasursesétriers.Illevasalance.Leshommessemirentenformation.Donnantdescoupsdetalondanslesflancsdesonkaiila,furieux,l’officierquittalecamp.

LesKavarsetlesTa’Kara,burnousflottantauvent,s’enallèrent.Ilspartirentverslesud.Jeconsidéraisleurchefcommeunbonofficier.J’allaiauprèsd’Alyena.Ellemeregarda.«Apparemment,tuneseraspasenchaînée,»dis-je.—«J’ensuistrèscontente!»cria-t-elle.—«Nesoispasdéçue,»repris-je.«Entantqu’esclave,tuapprendrasàbienconnaîtreles

chaînes.Tuenporterassouvent,ettunepourrasrienfairecontre.»—«Oh?»fit-elleaveceffronterie.—«Biensûr,»affirmai-je.

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Ellemeregarda.—«J’auraisétéenchaînée laPremière,»dit-elleenriant.«J’aiété lapremière femme

choisie.J’auraisconduitlaChaîned’esclaves!»—«Iln’yauraitpaseudeChaîne,»luiremontrai-je.«Onnepeutpasfairemarcherdes

femmes nues dans le désert. Vous auriez été enchaînées individuellement, ou par deux, etjetéesentraversdesselles.»

—«S’ilyavaiteuuneChaîne,»dit-elle,«jel’auraisconduite.»—«Oui,»acquiesçai-je.Jelahissaisurmaselle.—«Etjenesuispaslaplusgrande,»insista-t-elle.«Jenesuispaslaplusgrande!»—«Deviendrais-tuinsolente?»demandai-je.—«Oh,non,Maître,biensûrquenon,»dit-elle.«Maiscelanesignifie-t-ilpasque je

suislaplusbelle?»—«Parmilestarsks,»répondis-je,«unefemelledesleenelle-mêmeparaîtjolie.»—«Oh,Maître,»protesta-t-elle.Jelamisdanslekurdah.Elles’yagenouilla.Duboutde

malance,jeramassailevoiledanslapoussièreetleposaiàcôtédesongenougauche.—«Répare-le,»dis-je,«etmets-le.Avec,cachetabouche,quiparletropdepuisquelque

temps.»—«Oui,Maître,»fit-elle.Jemetournaietregardailenuagedepoussièrequis’élevaitàl’est.Jevoyaisdescavaliers,

àprésent.Ilsétaientquatrecents.«Maître,»ditlajeunefemme.—«Oui?»répondis-je.—«Jesaisquejesuisbelle,»dit-elle.—«Etcommentsais-tucela?»m’enquis-je.Elleétaitàgenoux,nue,danslekurdah,levoileprèsdesongenou.Elleseredressa.Elle

mit lesmainssursoncollier.Elle leva latêteet lementonfièrement.Soncouétaitdélicat,aristocratique, unpeu long, à causede saposition, et blanc. Je regardai le collier demétaltêtu, inflexible, étroit, avec son cadenas sur la nuque, qui l’entourait. Ses yeux étaientextraordinairementbleusetclairs,vifs;salonguechevelureblondeluicouvraitledos.

«Commentsais-tuquetuesbelle?»demandai-je.Elle secoua la tête, arrangeant un peu ses cheveux, puis me regarda, d’une manière

provocante,danslesyeux,lesmainsposéessurlemétalquiemprisonnaitsagorge.—«Parcequejeporteuncollier,»répondit-elleenriant.Duboutdemoncimeterre,jem’apprêtaiàladissimulerànouveaudanslekurdah.Les Aretai approchaient de la caravane, à environ un pasang d’elle, se dirigeant

rapidement vers elle. À l’ouest, deux cents cavaliers étaient apparus. Ces deux groupes,naturellement,netrouveraientpaslesKavarsprèsdelacaravane.LeplanétaitbonmaislesKavars,apparemment,s’étaientéchappés.

«Est-cevrai,Maître?»fit-elle.—«C’estvrai,»répondis-je,«Esclave.Si leshommesnet’avaientpastrouvéebelle, ils

t’auraient laissée en liberté. Seules les plus belles sont considérées comme dignes de lamarque;seuleslesplusbellessontconsidéréescommedignesducollier.»

—«Maiscommeilestdommage,»gémit-elle,«quej’aieétéasservie.»—«Plusunefemmeestextraordinairementbelle,»soulignai-je,«pluselleadechances

d’êtresoumiseauferrougeetaucollier.»Ellemeregarda.«Touthommelibre,»poursuivis-je,«quivoitunetellefemme,souhaitelaposséder.»

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—«Surcetteplanète,»soufflaAlyena,«illepeut!»—«Surcetteplanète,»appuyai-je,«c’estcequefontleshommes.»—«Pauvresfemmes,»soupiraAlyena.Jehaussailesépaules.«Maître,»souffla-t-elle.—«Oui?»répondis-je.—«Alyena,tonesclaveobéissanteetdévouée,peut-elleapprendreàdanser?»—«Tun’aspasoubliétonjeunenomade,n’est-cepas?»demandai-je.Ellebaissatristementlatête.«Biensûr,»reconnus-je,«ilteseradifficiledeleséduiresitunesaispasdanser.»—«Ilnemeplaîtpas!»cria-t-elle.«C’estunmonstre!C’estunindividuméprisable.As-

tuvucommeilaabusédemoi?»—«Danssesbras,»soulignai-jeenriant,«iltetraiteraitcommeunesimpleesclave.»—«Ceseraitterrible,»sanglota-t-elle.Provoquantsonindignation,jetouchaisoncorps.Ilétaitchaudetmouillé.—«Oui, joliepetiteAlyena,»dis-je,«tuvasapprendreàdansercar lefeudesesclaves

brûledanstonventre.»—«Non!»sanglota-t-elle.—«Lefeudesesclaves,»insistai-je.Puis je laissai tomber le rideau du kurdah, provoquant un cri de rage de sa part,

l’enfermantàl’intérieur.LesAretai,venantdel’estetdel’ouest, leslancesbaissées,lescimeterreslevés,dansun

énormenuagedepoussière,criant,hurlantarrivèrentprèsdelacaravane.IlsnetrouvèrentnilesKavarsnilesTa’Kara.

Suleimanétaitunhommeruséetsubtil;ilétaitaussitrèsintelligent.Ilexaminalespierres.C’étaitluiquiavaitorganisélepiège.«Vingt-cinqPoidsdepainsdedattes,»dit-il.—«Quatre-vingt-dix,»dis-je.—«Tonprixesttropélevé,»dit-il.—«Tonprix,àmonavis,»dis-je,«GrandPacha,estpeut-êtreunpeutropbas.»«OùsontlesKavars?»avaitcriéShakar,capitainedesAretai,lorsqu’ilétaitarrivéprès

delacaravane,sonkaiilasecabrant,sonlieutenant,Hamid,derrièrelui.—«Ilssontpartis,»avais-jerépondu.SilesKavarsavaientétéprisdanslepiège,ilsauraientétémassacrés.Suleimanétaitunhommequ’ilfallaitrespecter.Lavaleurréelledespierres,quej’avaissoigneusementfaitestimeràTor,comptetenudes

meilleurs renseignements concernant la récolte de dattes, était entre soixante et quatre-vingtsPoidsdepainsdedattespressées.Mon intentionn’étaitpas,naturellement,de faireunebonneaffaire,maisderencontrerSuleiman.J’étaisdansl’oasisdepuisplusd’unmois.Ilvenaitseulementdeconsentiràmerecevoir.Récemment,avecunecaravane,IbnSaranétaitégalement arrivé dans l’oasis. Vingt mille personnes environ habitaient l’oasis, surtout depetits fermiersetdepetitsartisans,avec leurs familles.Cetteoasiscomptaitparmi lesplusgrandesduTahari.IlmesemblaitimportantderencontrerSuleiman.Désireuxdeconfirmermon identitéd’emprunt, jevoulais luivendredespierres.Enoutre,avec lesdattesqu’elles

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meprocureraient, j’espéraispouvoir aisémentpasserpourunmarchanddepainsdedattesdans mon voyage en direction de l’est. Je supposai que ma convocation devant Suleimann’étaitpassanslienavecl’arrivéed’IbnSaran.Jesupposaiqu’ilétaitintervenuenmafaveur.Jeluienétaisreconnaissant.Ilsesouvenaitdemoi,naturellement,m’ayantrencontréchezSamos.Si jen’avaispaspurencontrerSuleiman, ilm’aurait fallupartirseulvers l’est.Sansguide, cela aurait été incroyablement dangereux. Les habitants du Tahari tuent ceux quidressentdescartesdudésert. Ils connaissent leurpays,ou la régionqu’ilshabitent ; ilsnetiennent pas à ce que d’autres les connaissent également. Sans guide connaissantl’emplacementdespointsd’eau,ilseraitsuicidairedepénétrerdansleTahari.J’avaisproposédebienpayerunguide.Maispersonnen’avaitaccepté.Ilsprétextaientlacrainted’uneguerreimminente,lerisquedesetrouverdansledésertpendantunetellepériode.Jesoupçonnais,cependant,qu’onleuravaitordonnédenepasentreràmonservice.Unhommeavaitacceptémais,lelendemainmatin,sansexplication,m’avaitinforméqu’ilavaitchangéd’avis.Ilétaittropdangereux,selon lui,des’aventurerdans ledésertencemoment.De tempsen temps,j’avais surpris Hamid, lieutenant de Shakar, capitaine des Aretai, me suivant. Je supposaiqu’ilmesoupçonnaittoujoursd’êtreunespiondesKavars.Mais,quandIbnSaranétaitarrivédans l’oasis, Suleimanm’avait invité à venir le voir. Jemedemandai s’il avait attendu IbnSaran.Ilmesemblaitqu’IbnSaranexerçaitdansl’oasisuneinfluencedisproportionnéeàsaqualité de Marchand de Sel. J’avais vu des hommes s’écarter du chemin de son kaiila,s’immobilisantsurlecôtéetluifaisantsignedelamain.

Alyena,endansant,perçutlepouvoird’IbnSaran.Iln’estpasdifficilepourunedanseuse,légèrementvêtue,montrantsabeauté,dedevinerlequeldesspectateursestlepluspuissant.Jenesaispasprécisémentcomment.Detouteévidence,dansunecertainemesure,celaestliéàlarichessedesvêtements.Maissurtout,àmonavis,celaestliéàlamanièredontilssetiennent, à leur assurance, à leurs yeux qui les fixent comme s’ils les possédaient déjà.L’individupuissantneregardepaslesfemmescommeceluiquinel’estpas.Instinctivement,bien entendu, le fait d’être regardée par un homme puissant excite la femme. Elle désire,désespérément, lui plaire. C’est encore plus vrai en ce qui concerne les esclaves dont laféminité est impudiquement et effrontément exposée. Ibn Saran, languide, regardait ladanseuse. Son visage ne trahissait aucune émotion. Il buvait son vin noir chaud à petitesgorgées.

Alyenasejetaparterredevantlui,bougeantaurythmedelamusique.Jeprésumequ’ellevoyaitenluil’«hommeriche»quiluiapporteraituneexistenceoùelleseraitdispenséedestâchesd’unefemmeduTahari:broyerlegrainavecunlourdpilon,tisser,battrelelaitdansde grosses outres, porter de l’eau, conduire les animaux avec un bâton sous une chaleurtorride.Jelavisseroulerparterre,setordreet,àplatventre,tendrelesmainsverslui.

Sesleçons,quiavaientétéintensivesaprèsnotrearrivéeàl’OasisdesNeufPuits,avaientcoûtépeud’argent et avaient, àmonavis, beaucoup augmenté sa valeur, la doublant ou latriplant. Le coûtmodeste des leçons avait été, àmon avis, un excellent investissement. Lavaleur dema propriété avait considérablement augmenté.Mais c’était principalement à lajeunefemmequejeledevais.Avecunediligencefantastique,elles’étaitadonnéeauxleçonset à l’entraînement. Elle avait répété pendant des heures des choses en apparence aussiinsignifiantesqu’unmouvementdupoignet.

Son instructrice étaituneEsclavedeCafé,Seleenya, louéeà sonmaître ; sesmusiciensétaientunflûtiste,engagéaudébut,puisunjoueurdekaska,plustard,pourl’accompagner.

Unjour,jelavis,nue,couvertedesueuretdebracelets,danslesable.«Dois-tulabattresouvent?»demandai-jeàSeleenya.

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—«Non,»réponditl’esclave.«Jen’aijamaisvudefilleaussidésireused’apprendre.»—«Jouez,»dis-jeauxMusiciens.Ilsjouèrentjusqu’aumomentoù,levantledoigt,jelesfisarrêter.Alyenas’immobilisasur

lesable,lamaindroitelevée,lagauchebaissée,prèsdelahanche,latêteinclinéeàgauche;les yeux fixés sur lesdoigtsde samain gauche, comme si elle sedemandait s’ils oseraienttouchersacuisse;puiselleabandonnalapositionetrejetalatêteenarrière,lesoufflecourt.Elleavaitdusablesurleschevillesetlespieds;lasueurcoulaitsursoncorps.

«Tafemmeteplaît-elle?»demanda-t-elle.—«Oui,»répondis-je.«Etjesuisconvaincu,»ajoutai-je,«quetuplairaisaussiaujeune

nomade.»Ellelevalatêteeteutuneexpressionironique.—«Luietsespareilsnem’intéressentplus,»dit-elle.Ellebaissalatêteetsemordit la

lèvre.«Jesais,Maître,»reprit-elle,«quetuferasdemoiexactementcequetuveux,maisjete rapporterais certainement davantage si j’étais vendue à un homme riche. » Elles’agenouillasur lesabledevantmoi,ensueur,avecsesbracelets ;ellemeregardaavecsesyeuxbleus.«Jet’enprie,Maître,»dit-elle,«vends-moiàunhommeriche.»

Jeluifissignedeselever.J’adressaiunsigneauxMusiciens.Elledansa.Je la regardai. Il ne me parut pas impossible que l’esclave suscite l’intérêt d’hommes

fortunés.—«Peut-être,»dis-je.Jemedisaisquejelavendraispeut-êtreàSuleiman.Jelaregardaibouger.—«Jen’ai jamais vupersonneapprendreaussi aisément, rapidementetnaturellement

lesdansesdesesclaves,»insistaSeleenya.—«C’estuneesclaveparnature,»dis-jeàSeleenya.— « Dans tes bras, » s’enquit Seleenya, me regardant, « toutes les femmes ne

comprennent-ellespasqu’ellessontesclavesparnature?»—«Vadansl’alcôve,»fis-je.Jelalouais.—«Oui,Maître,»souffla-t-elle,serrantsessoieriesautourd’elleetgagnantrapidement

l’alcôve.—«Necessepasdet’entraîner,»recommandai-jeàAlyena.—«Lefaitquejepuissedansercommeuneesclave,»ditAlyena,bougeantdevantmoi,

«nesignifiepasquejesuisuneesclave.»Jesourisetluitournailedos,medirigeantversl’alcôve.«Jenesuispasdomptée!»criaAlyena.«Aucunhommenepeutmedompter!»Jemeretournai.—«Àgenoux!»ordonnai-je.«Dis:«Jesuisdomptée.».Toutdesuite!»Elles’agenouillaimmédiatement.—«Jesuisdomptée,»dit-elle.Ellesourit.C’étaitlarébelliondel’obéissance.—«Continuedet’entraîner,»fis-je.LesMusiciens recommencèrent à jouer et la jeune femme recommença à danser. Elle

était superbe.Et c’était incroyable.Ellene savait pas encorequ’elle était esclave.Elle étaitvraimentstupide.

Jelaregardaibouger.Ellem’adressaunsourirepleindedédain.Jeregardaisescheveuxblonds,soudaindéfaits

car elle s’était mise à tournoyer follement sur elle-même. Son regard resta fixé jusqu’auderniermomentsurunpointsituédel’autrecôtédelapiècepuis,soudain,àchaquetour,satête pivotait violemment et son regard retrouvait le point. Puis elle cessa de tournoyer et

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s’immobilisa, lesmainsau-dessusde latête, lecorpsdroit, leventrerentré, la jambedroitefléchieettendue,seulslesorteilstouchantlesol.Puisellerepritlapositiondebase.Sapeaublanche, à elle seule, dans le Tahari, valait cher. Ses cheveux blonds et ses yeux bleus, enoutre,danscetterégion,enfaisaientunspécimenrare.Mais,au-delàdecestrivialités,malgréleur importance commerciale, il y avait le faitqu’elle étaitbelle,de corps etde visage.Soncorps, quoique imparfaitement épanoui, était complètement féminin, magnifiquementproportionnéetavaitdescourbesdouces.Satailleapproximativeétait,enunités terrestres,deunmètresoixante-deux.Sonvisageétaitincroyablementdélicat,ainsiqueseslèvres.Sonvisageétaitextrêmementsensibleetféminin.C’étaitunvisagesurlequelonlisaitfacilementlesémotions.Seslèvrestremblaientaisément,sesyeuxs’emplissaientrapidementdelarmesétincelantes.Ellesevexaitfacilement,cequiesttrèsimportantchezlesesclavesgoréennes.En outre, elle ne pouvait contrôler ses sentiments, ce qui est également excellent chez lesesclaves.Sessentiments,vulnérables,profonds,exploitables,danssesexpressionsetsursonvisage,latrahissaient,l’exposantauxhommes,etàleursjeux,aussimanifestementquesoncorps nu. Ils la rendaient plus aisément contrôlable, plus asservie. Un jour, j’avais vu sonécriture. Elle était aussi extrêmement féminine. Je la regardai danser. En outre, dans sonventrebrûlaitlefeudel’esclaveetc’étaitsansdouteleplusimportant.Elles’entireraittrèsbien.Ellesevendraitcher.Seulunhommeriche,àmonavis,pourraitsel’offrir.

J’avaiseuuneidéebrillante,ouunebonneinspiration,d’amenercettefemmedanslesud.J’étaisconvaincuqu’elleserévéleraitutile.

«Maître!»appelaSeleenya,l’EsclavedeCafé,lafillelouée,depuisl’alcôve.Ellesetenaitderrière lerideaudeperles.Elleavaitquittésesvêtementsdesoie.«Jet’enprie,Maître,»sanglota-t-elle.Jevis,àtraverslesperlesdurideau,soncollier.

Jemedirigeaiverselle.Derrière moi, en écartant le rideau, j’entendis le battement du tambour, le kaska, le

silence, puis un bruit tandis que le flûtiste, les mains sur son corps, au son du tambour,enseignait à la femme le rythme et l’intensité d’une variété de balancements pelviensprécédantl’abandon.

«Moinsfort,»dit-il.«Moinsfort.Ilfautdavantagedecontrôle,davantagedeprécision.Tuescontrainted’agirainsi,ettuteretiens.Tuesfurieuse.Celadoitsevoirsurtonvisage.»

—«Jet’enprie,Maître,nemetouchepas,»dit-elle.—«Tais-toi!»répliqua-t-il.«Tuesuneesclave.»—«Oui,Maître,»dit-elle.—«Recommence!»ordonna-t-il.—«Oui,Maître,»dit-elle.J’entendisànouveauletambour.Seleenyalevalesbrasversmoi,leslèvresentrouvertes.Jelatouchai.«LeMaîtrea-t-ill’intentiondem’utiliserlentement?»demanda-t-elle.—«Oui,»répondis-je.—«SeleenyaaimeleMaître,»dit-elle.Surungestelanguided’IbnSaran,Alyenaseredressasurlesdallesécarlates,setournant

gracieusement, à genoux, sur le côté, la tête rejetée enarrière, les cheveux touchant le sol,lentement,centimètreparcentimètremélodieuxet lourddeprotestation, lesbrasdevant lecorps,sedressantsurlesgenoux,droite,ladernièrepartied’elle-mêmeàseredresserétantlatête,dansuntourbillondecheveuxblonds.Puis,regardantIbnSaran,soudain,ellesepenchaenavant,commesiellerépondaitàuneimpulsion,commesiellenepouvaits’enempêcher

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et, les mains sur les dalles, la tête baissée, embrassa les dalles à ses pieds, devant sesbabouches. Elle le regarda. Je compris qu’elle voulait qu’il l’achète. C’était son « hommeriche».Illuifitsignedeselever.Elletenditlajambedroitepuis,effrontément,lentement,lesmainsau-dessusdelatête,mouvantes,elleseleva,sebalançant,àsespieds.

«Puis-jedéshabillertonesclave?»s’enquitIbnSaran.—«Biensûr,»répondis-je.J’adressaiunsignedetêteàlajeunefemme.Aurythmedelamusique,elledétachason

soutien-gorged’esclave,ensoie jaunepuis,commeavecmépris, le jetadansuncoin.Jevisqu’elle était excitée d’avoir suscité l’intérêt. De toute évidence, elle voulait qu’il l’achète.Battrelelaitetbroyerlegrain,cen’étaitpaspourlajolieAlyena.C’étaitpourlesfilleslaidesetlesfemmeslibres.Elleétaittropdésirable,tropbellepoureffectuerdetellestâches.

Je décidai que j’aimerais bien goûter le vin noir et fumant. Je levai le doigt. La femmeresponsable du pot argenté plein de vin noir était assise près d’unminuscule brasero surlequelilétaitposé,gardantsachaleur.Voyantmonsignal,ellebougea,hésitante.Elleavaitlapeaublancheetlescheveuxnoirs.Elleportaituneétroitetuniquedesoierouge,avecquatrecrochets ; sa taille étaitnue ; elleportaitunchalwar retenuparuneceinture,unvêtementdiaphane,semblableàunpantalonlargemaisserréauxchevilles;elleétaitpiedsnus;elleportaitdesbraceletsauxpoignetsetauxchevilles;elleétaitvoilée;elleavaituncollier.Elleselevarapidement.Elles’agenouilla,latêtebaissée,devantmoi.Elleversa,soigneusement,leliquidebrûlantetnoirdanslapetitetasserouge.Jelacongédiai.Soussonvoile,jen’avaispaspulire l’inscriptiondesoncollier,qui indiquaitqui lapossédait.Jesupposaiquec’étaitSuleiman,puisqu’elleservaitdanssonpalais.L’autrefemme,unerousseà lapeaublanche,quiportaitégalementunetunique,unchalwaretunvoile,desbraceletsetuncollier,levasonplateaudecuillèresetdesucres.Maisjetournailatête.Ellen’avaitpasétéappelée.Lesdeuxfemmes,àlapeaublanche,étaientassorties,unepourlevinnoir,l’autrepoursessucres.

Alyena,àprésent,lentement,détachalessoieriesdedanseserréessurseshanches,maislesmaintint, les faisantondulerdevant soncorps,aguichant IbnSaranqui,assis, languide,lesyeuxmi-clos,pouvaitd’ungesteluiordonnerdesedénuderimmédiatement.

Il la regarda travailler les voiles ; elle était adroite ; il connaissait bien les esclaves etsavaitlesapprécier.

Moiaussi,àmamanière,bienquevraisemblablementmoinscompétentquelenobleIbnSaran,jeconnaissaislesesclavesetsavaitlesapprécier.Parexemplel’esclavebrune,assortieà sa compagne, qui était chargée de servir le vin noir, était un petit morceau de femmedélicieux,unefemellesensuelle,quoiqueindisciplinée.Lavoir,c’étaitladésirer.

J’avaiseuautrefoisl’occasiondel’achetermais,stupidement,jenel’avaispassaisie,jenel’avaispasconduite,enchaînée,surmonnavire,puisdansmaDemeure.

Plus tard, j’avaisenvoyéTab,undemescapitaines,unhommedeconfiance, l’acheteràLydius,maiselleétaitdéjàvendue.

Onignoraitcequ’elleétaitdevenue.Ellem’avait autrefois désobéi. J’avais dû la punir. Je ne l’avais pas achetée à Lydius.À

cetteépoque,jerecherchaisTalena,afindel’arracherauxforêtsduNordetdelarameneràPort Kar où nous pourrions, du moins l’espérais-je, renouer notre Compagnie. De touteévidence, il aurait été incorrect de rentrer en compagnie de Talena avec cette fille brune,d’unebeautéfantastique,nue,portantmeschaînes,danslacaledemonnavire.Talenaneluiaurait-elle pas tranché la gorge, sous le collier demétal ? Et, si je l’avais affranchie, ne seserait-ellepas rapidement retrouvée captivedu collierd’unautre ?Lorsqu’elle avait fui lesSardar, elle n’avait pas trouvé la liberté. Femme de la Terre, elle avait été rapidement

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capturéepar lesFemmes-Panthères et exposée,nue, attachée àunpoteau, sur les rivesduLaurius, les bras au-dessus de la tête, attachée à lui par le cou, le ventre et les chevilles,magnifique esclave capturée. Sarpedon, tavernier de Lydius, l’avait achetée aux Panthères.C’était dans ses chaînes que je l’avais retrouvée, belle Esclave de Taverne dans sonétablissement. Elle avait, en fuyant les Sardar, pris mon tarn. Pourtant, lorsque je l’avaisretrouvée,àLydius,jenel’avaispastuée.Jel’avaisseulementutilisée,avantdel’abandonnerà son sort d’esclave. Le tarn était rentré plus tard ; furieux, je l’avais chassé. Ellem’avaitcoûtéletarn;ilvalaitdixfoisplusqueleprixdesoncorpssuruneestradepublique.Seulsonmaîtreauraitdûpouvoirprendreplacesursaselle.Quelleest lavaleurd’untarndeguerrequi laisse une étrangère, une simple esclave, prendre place sur sa selle ? Je l’avais chassé.Quandjepensaisautarn,j’avaisparfoisenviedelafouetterjusqu’àcequ’ilneluiresteplusquelesos.Néanmoinsjemesouvenaisqu’elleavaittravaillé,commemoi,avantsafuite,sadésobéissance, pour les Prêtres-Rois. Quant à moi, dans ma simplicité généreuse, monaveuglement romantique, à cette époque, j’avais voulu la renvoyer surTerre, où elle auraitété en sécurité. Elle avait refusé et s’était enfuie. Elle avait agi avec bravoure. Mais celan’avaitpasétésansconséquences.Elleavait joué.Elleavaitperdu.Je l’avaisabandonnéeàsonasservissement.

Surunsigned’IbnSaran,Alyenas’enrouladanslevoilepuis,desapetitemain,lejetaparterre.Ellesetintaudacieusementdevantlui,lesbraslevés,latêtesurlecôté,lajambedroitefléchie.Levoile,flottant,tombaàtroismètresd’elle,toutdoucement,surlesdalles.Puis,surunenouvellelignemélodique,elledansa.

LafemmedeLydiuspensait-ellevraimentquejel’affranchirais,cédantàsessuppliques,moi, dans les veines de qui coulait du sang goréen, à qui elle avait coûté un tarn ? Je nel’avais pas tuée. Elle était jolie mais stupide. Je me souvins qu’elle m’avait supplié del’acheter. Seules les esclaves supplient. Je n’ai compris qu’à ce moment-là que c’étaitvéritablement une esclave. Je me souvins avec tristesse que, il y a bien longtemps, nousavionscruquenousnousaimions.Jemesouvinsqu’unefois,délirant,faible,lecorpsrongéparlepoison,jeluiavaisdemandédem’aimer.Mais,parlasuite,aprèsavoirapprislesleçonsduTorvaldsland,jem’étaisdébarrassédupoisondansledélirepurifiantdel’antidote,etjenelui avais pas demandé, dans ma faiblesse, de m’aimer, la suppliant mais plutôt, dans mapuissance,riant,jeluiavaismisuncollier,l’avaisjetéàmespieds,enavaisfaitmonesclave.Lesfemmesorgueilleuses,unefoisleurorgueilbrisé,ontleurplaceauxpiedsd’hommesplusorgueilleux encore. Elle avait supplié d’être affranchie. C’était une esclave. Et, autrefois,j’avais été assez stupide pour l’aimer. Autrefois, il était vrai qu’elle avait servi les Prêtres-Rois,maismoi aussi. Et c’était autrefois. Et nous ne savions pas alors, elle ne savait pas,qu’elle était véritablement une esclave, comme je l’avais constaté à Lydius.Nous pensionsque c’était une femme libre feignant d’être esclave. Puis, dans la taverne de Lydius, nousavions compris qu’elle était véritablement une esclave. Il était à présent hors de questionqu’elle,uneesclave,servelesPrêtres-Rois.Lecollier,suivantlaloigoréenne,annulelepassé.Quand Sarpedon avait refermé son collier sur son cou, son passé de femme libre avaitdisparu,savied’esclaveavaitcommencé.

«ElleaquittélesSardar,»avais-jeditàSamos.«Elleadésobéi.Onnepeutpasluifaireconfiance.Etelleensaittrop.»

IlavaitvouluenvoyeràLydiusdeshommeschargésdel’acheteretdelarameneràPortKarafinque,soussadirection,ellesoitjetéeauxurtsdescanaux.

—«Onnepeutpasluifaireconfiance,»avaitconfirméSamos.«Etelleensaittrop.»—«Ilyamieuxàfaireavecunebelleesclave,»luiavais-jedit,«quelajeterenpâture

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auxurtsdescanaux.»Samosm’avaitadresséunsourireironique.—«Peut-être,»avait-ildit.«Peut-être.»Commej’avaisétéstupidedevouloirrenvoyercettefemmeexceptionnellementsensuelle

sur Terre ! Si j’avais eu toute ma tête, je lui aurais mis un collier et l’aurais attachée àl’anneaud’esclavescelléaupieddemacouche.Jenepouvaispasnierque j’étaisàprésentsatisfaitqu’ellenesoitpas,dansunetrivialitéinoffensive,isoléesurTerre.J’étaiscontent,aucontraire,quesabeautésoitsurGoroùjepouvais,ainsiquelesautresmâles,yavoiraccès.Elle aurait pu être en sécurité surTerre ; elle avait choisi l’insécurité, dans laquelle viventtoutes les belles femmes sansPierre deFoyer, deGor.Elle paierait à présent les pénalitésperçues sur sabeautépar leshommespuissantsde cette cultureprimitive.Elle avait joué.Elle avait perdu. J’étais content qu’elle ait perdu. Mon seul regret était de ne pas l’avoirachetéeàLydiusetramenéeàPortKaroùelleauraitétéunedemesesclaves.Maisjecroyais,à cette époque, que je retrouverais Talena. Talena, sauf si elle était elle-même soumise aucollier etn’avaitpas le choix,n’aurait certainementpasacceptédevivre sous lemême toitqu’unetellebeauté.Siellenel’avaitpastuée,ellel’auraitrapidementvendue,probablementàunefemmeou,pourunemisère,aumaîtreleplusméprisable.J’ignoraisavantLydiusqueVella,autrefoisMissElizabethCardwell,delaTerre,étaitvéritablementuneesclave.

Jejetaiuncoupd’œilindifférentsurelle,àgenouxprèsdupotmince,argenté,àlongcou,devinnoir,posésursonminusculebrasero,simpleélémentd’unepaired’esclavesassorties.Ses yeux étaient furieux, au-dessusdu voile. Sa taille, fine, entre la courte tuniquede soierougeetlechalwarattachésurseshanches,quelquescentimètressouslenombril,étaittrèsséduisante.Lavoir,c’étaitladésirer;etladésirer,c’étaitavoirenviedelaposséder.

Alyena, à présent au rythme d’une musique déchaînée, tournoyait devant nous,irrésistiblemententraînéeparelle,dansuntintementdebracelets,versl’apothéose.

Puis elle s’immobilisa, merveilleusement immobile, lorsque la musique se tut, la têterejetée en arrière, les bras levés, le corps couvert de sueur puis, au dernier accent de lamélodie barbare, se jeta par terre auxpiedsd’IbnSaran. Je remarquai les poils finsde sesavant-bras.Elleétaitessoufflée.

IbnSaran,magnanime,luifitsignedeseleveretelleobéit,restantdeboutdevantlui,latêtehaute,respirantprofondément.

IbnSaranmeregarda.Ilavaitunsourirecontraint.«Esclaveintéressante,»dit-il.«Veux-tuproposerunchiffre?»demandai-je.IbnSaranadressaungesteàSuleiman.D’unsignedetête,celui-cirefusalacourtoisie.—«Jeneferaipasdepropositioncontreuninvitédemademeure,»dit-il…— « Et moi, » dit Ibn Saran, « je ne veux pas faire de proposition contre l’hôte de la

demeureoùjesuisaussibienaccueilli.»— « Dansmon Jardin de Plaisirs, » dit Suleiman avec un sourire, « j’ai vingt femmes

commecelle-ci.»—«Ah,»fitIbnSaran,s’inclinant.—«Soixante-dixPoidsdedattespourlespierres,»meditSuleiman.Leprixétaitjusteet

bon.Ainsi,ilsemontraitmagnanimeavecmoi.Ilavaitmarchandéplustôt,satisfaisantainsià ses habitudes de commerçant du désert. C’était à présent en tant que Suleiman,Ubar etPachadesNeufPuits,qu’ilfixaitsonprix.Jefusconvaincuqu’ilétaitferme.Ilavaitrenoncéàunlongmarchandage.S’ilnes’étaitintéresséqu’aumarchandageetauxdattes,jepensaisque jen’auraispasétéautoriséà traiterdirectementavec lui ; ilaurait confiécette tâcheà

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l’undesesreprésentants.— « Tum’as accordé ton hospitalité, » dis-je, « et je serais honoré si Suleiman Pacha

acceptaitceshumblespierresenéchangedesoixantePoids.»SansIbnSaran,j’étaispersuadéquejen’auraispasétéautoriséàrencontrerlePachades

NeufPuits.Ils’inclina.IlappelaunScribe.— «Donne à cemarchand de pierres précieuses, » dit-il, « unmot authentifié valable

pourquatre-vingtsPoidsdedattes.»Jem’inclinai.—«SuleimanPachaestlagénérositémême,»dis-je.J’entendis du bruit, au loin, des cris. Je ne crois pas qu’Ibn Saran et Suleiman les

entendirent.Alyena était debout sur les dalles écarlates, la tête levée, en sueur, essoufflée, nue en

dehorsdesesbijouxetdesoncollier,desbraceletsauxpoignetsetauxchevilles,lesanneaux,plusieurs chaînes et pendentifs au cou. Elle écarta d’unemain les cheveux collés sur sonvisage.

J’entendisalorsd’autrescris.J’entendiségalement,bizarrement,danslepalaisduPachadesNeufPuits,auloin,leglapissementdeskaiilas.

«Quesepasse-t-il?»s’enquitSuleiman.Ilseleva,sesrobestournoyantautourdelui.Alyenaregardaautourd’elle.Aumêmemoment,écartant lesgardes, les jetantàterre,provoquantnotrestupéfaction,

sous leportail sculpté, flanquéde tourelles,de lagrandesalle,apparutunkaiiladeguerre,avectoutsonharnachement,montéparunguerriervoilédontleburnoustourbillonnait.Lesgardes se précipitèrent. Son cimeterre jaillit de son fourreau et ils s’effondrèrent,ensanglantés,surlesdalles.

Ilremitsoncimeterredanssonfourreau.Ilrejetalatêteenarrièreetrit,puisilarrachasonvoileafinquenouspuissionsvoirsonvisage.Ilnousadressaunsourireironique.

JedégainaimoncimeterreetprispositionentreluietSuleiman.«C’estHassan,leBandit!»criaungarde.Lekaiilasecabra.L’hommedéroulaunlongfouetdudésertaccrochéàsaselle.«Jevienschercheruneesclave,»dit-il.Lalonguelanièredesonfouetfila.Alyena,latêtehaute,poussauncridedouleur.Quatre

fois, cinglant,mordant la chair, le fouet s’enroulaautourde sa taille. Il la tiraviolemment,prisonnièredesonfouet,jusqu’auflancdesonkaiila.Parlescheveux,illahissasurlaselle.

Ilnoussaluadelamain.«Adieu!»cria-t-il.«Etmerci!»Puisilfitpivotersonkaiilaet,alorsquelesgardesarrivaientenmasse,provoquantnotre

stupéfaction, fit bondir son kaiila, comme un chat, entre les piliers d’une grande fenêtrevoûtéedelasalledupalais.Ilatterritsuruntoit,bonditsurunautretoit,puisilatteignitlesoletpartitaugalop,leshommesseretournantpourleregarderpasser.

Enmême temps que d’autres hommes, je tournai le dos à la fenêtre. Sur les coussins,gisaitSuleiman,PachadesNeufPuits.Jecourusverslui.JevisHamid,lieutenantdeShakar,capitaine des Aretai, disparaître rapidement derrière des tentures, cachant une dagueensanglantéesoussadjellaba.

JemetournaiversSuleiman.Ilavaitlesyeuxouverts.«Quim’afrappé?»demanda-t-il.Lescoussinsétaientimbibésdesang.Ibn Saran dégaina son cimeterre. Il ne semblait plus languide. Ses yeux étincelaient. Il

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faisaitpenseràunepanthèresoyeuse,souple,prêteàbondir.Ilpointasoncimeterresurmoi.—«C’estlui!»cria-t-il.«Jel’aivu.C’estluiquiafrappé!»Jemeredressaid’unbond.«EspiondesKavars!»criaIbnSaran.«Assassin!»Jepivotaisurmoi-même,entouré

d’acier.«Abattez-le!»criaIbnSaran,levantsoncimeterre.

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6

UNEESCLAVETÉMOIGNE

LEScorpsnusdesdeuxfemmesétaientallongéssurlesrectanglesétroitsdecordestressées,nouées, sur les chevalets. Les cordes, tendues, courbaient sous leur poids. Leurs mainsétaient contre les flancs,mais des cordes y étaient attachées et fixées à l’axedu treuil, au-dessusdeleurtête.Toutesdeuxportaientuncollier.Leurschevillesétaientattachéesaupieddelamachine.

J’étaisàgenouxdansleCercled’Accusation.J’avaislespoignetsattachésdansledosavecdesmenottes.Aucou, jeportaisun largecolliermétallique, ferméàcoupsdemarteau, surlequelétaientsoudésdeuxanneaux,undechaquecôté,auxquelsétaientfixéesdeschaînes,desgardestenantceschaînes.J’étaisnu.Meschevillesétaientenchaînées.

«Abattez-le!»avaitcriéIbnSaran,levantsoncimeterre.—«Non!»s’était interposéShakar,capitainedesAretai,retenantsonbras.«Ceserait

tropfacile.»Avecunsourire,IbnSaranavaitrengainésonarme.Jetiraisurleschaînes.J’étaisréduitàl’impuissance.«Entendonsletémoignagedesesclaves,»ditlejuge.La jeune femme rousse, sur le chevalet, poussa un cri de désespoir. Le témoignage des

esclaves,dansuntribunalgoréen,estgénéralementrecueillisouslatorture.Deuxesclavespuissants,nusjusqu’àlaceinture,manœuvrèrentlesmanivellesdutreuil.Lajeunefemmerousse,faisantpartiedelapaired’esclavesassorties,quiétaitchargéedes

cuillèresetdessucres,pleurait.Sespoignets,etceuxdel’autrefemme,tandisqueleslonguesmanivellesdebois tournaient,étaient tirésau-dessusdesa tête.La jeune femmeroussesetordaitsurlescordestressées.

«Maître!»sanglota-t-elle.IbnSaran,portantunkaftandesoie,lekaffiyehetl’agal,sedirigeaverslechevalet.—«N’aiepaspeur,jolieZaya,»dit-il.«Souviens-toiquetudoisdirelavérité,rienquela

vérité.»—«Oui,Maître,»sanglota-t-elle.«Oui.»Sur un signe du juge, la manivelle bougea une fois, l’engrenage jouant avec un

claquement.Soncorpsétaitàprésenttendusurlechevalet;sesorteilsétaientpointés;sesmainsétaientau-dessusdelatête,lacorderugueuseayantglissésurlespoignets,nepouvantallerplusloinàcausedesnœudspresséssurlapaumedesmains.

—«Écouteattentivement,petiteZaya,»repritIbnSaran.«Etréfléchissoigneusement.»Lajeunefemmeacquiesça.«As-tuvuquiafrappéleNobleSuleimanPacha?»— « Oui ! » cria-t-elle. « C’est lui ! Lui ! C’est lui, comme tu l’as expliqué à la Cour,

Maître.»IbnSaransourit.

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—«C’estHamid ! » criai-je,me redressant péniblement. « C’estHamid, lieutenant deShakar!»

Hamid,deboutdansuncoin,nedaignamêmepasmeregarder.Lesmembresdutribunalmurmurèrentaveccolère.

—«Hamid,» intervintShakarmécontent,deboutnon loindemoi,«estunhommedeconfiance.»Etilajouta:«Etc’estunAretai.»

—«SitupersistesàaccuserHamid,»précisalejuge,«tapeineseraplussévère.»—«C’estlui,»insistai-je,«quiafrappéSuleiman.»—«Àgenoux!»lançalejuge.Jem’agenouillai.Lejugefitànouveausigneàl’esclaveresponsabledelamanivelleduchevaletdelajeune

femmerousse.«Non,jevousensupplie!»hurla-t-elle.Unenouvelle fois, lamanivelle bougea et l’engrenageprogressad’un cran. Son corps, à

présent,nereposaitplussurlescordestresséesetétaittenduentrelesdeuxaxesduchevalet.«Maîtres!»cria-t-elle.«Maîtres!J’aiditlavérité!Lavérité!»L’engrenageavançad’uncran.Lafemme,sousl’effetdeladouleur,hurla.—«As-tuditlavérité,jolieZaya?»s’enquitIbnSaran.—«Oui,oui,oui,oui,oui!»sanglota-t-elle.Surunsignedujuge,l’esclavelâchalamanivelle.L’axedutreuilsituéau-dessusdelatête

de la femme tourna en sens inverse et le corps de la femme tombadans le filet de cordestressées.Unesclaveluidétachalespoignetsetleschevilles.Ellenepouvaitbougertellementelle était terrifiée. Puis il la jeta au pied d’un mur où un autre esclave, glissant unmousquetonsoussoncollier,l’enchaînaàunanneauscellédanslesol.Ellerestaimmobile,tremblante.

«Recueillonsletémoignagedel’autreesclave,»ditlejuge.Elleavaitdéjàlesbrasau-dessusdelatête.Elleétaitnue.Ellemeregarda.Elleportaitun

collier.«Réfléchis,àprésent,maJolie,»ditIbnSaran.«Réfléchissoigneusement,maJolie.»C’était l’autre femme de la paire assortie, l’autre fille à la peau blanche, qui était

responsabledupotargenté,àlongcol,contenantlevinnoir.«Réfléchissoigneusement,àprésent,jolieVella,»ditIbnSaran.—«Oui,Maître,»répondit-elle.—«Situdislavérité,»reprit-il,«tun’auraspasmal.»—«Jedirailavérité,Maître,»répondit-elle.IbnSaranadressaunsignedetêteaujuge.Le juge leva lamain et lamanivelle du chevalet tourna immédiatement. Elle ferma les

yeux. Son corps était à présent tendu sur le chevalet ; ses orteils étaientpointés ; ses brasétaientau-dessusdelatête,lacordetendue,serréesursespoignets.

—«Quelleestlavérité,jolieVella?»demandaIbnSaran.Elleouvritlesyeux.Elleneleregardapas.—«Lavérité,»répondit-elle,«esttellequ’IbnSaranl’adite.»—«QuiafrappéleNobleSuleimanPacha?»s’enquitIbnSarand’unevoixdouce.Lajeunefemmetournalatêteversmoi.—«Lui,»répondit-elle.«C’estluiquiafrappéSuleimanPacha.»Monvisagenetrahitaucuneémotion.Surunsignedujuge,l’esclaveresponsabledelamanivelleduchevaletdelajeunefemme,

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poussantdesdeuxmains,fitavancerl’engrenagedesortequesoncorpsfutsuspenduentrelesdeuxaxesduchevalet.

— « Dans la confusion, » précisa Ibn Saran, « c’est bien lui, l’accusé, qui a frappéSuleimanPachapuisestallé,aveclesautres,àlafenêtre?»

—«Oui,»réponditlajeunefemme.—«Jel’aivu,»rappelaIbnSaran.«Maisjenesuispasseulàl’avoirvu.»—«Non,Maître,»répondit-elle.—«Quil’avu?»—«VellaetZaya,lesesclaves,»dit-elle.—«LajolieZayaatémoigné»rappela-t-il,«endéclarantquec’étaitl’accuséquiafrappé

SuleimanPacha.»—«C’estvrai,»confirmalajeunefemme.—«Pourquoi,Esclaves,dites-vouslavérité?»demanda-t-il.—«Noussommesdesesclaves,»répondit-elle.«Nousavonspeurdementir.»—«Excellent,»fit-il.Elleétaitsuspendueentrelescordes,tendue.Ellerestasilencieuse.«Àprésentregardeencoreunefois,attentivement,l’accusé.»Ellemeregarda.—«Oui,Maître,»dit-elle.—«Est-cebienluiquiafrappéSuleimanPacha?»demandaIbnSaran.—«Oui,Maître,»répondit-elle.«C’estlui.»Lejugefitunsigneetlalonguemanivelleduchevaletfitavancerànouveaul’engrenage.Lajeunefemmefitunegrimace,maisnecriapas.—«Regardeencore trèsattentivement l’accusé,» insista IbnSaran.Jevis sesyeuxsur

moi.«Est-cebienluiquiafrappéSuleimanPacha?»—«C’estlui,»répondit-elle.—«Enes-tuabsolumentcertaine?»demanda-t-il.—«Oui,»répondit-elle.—«Celasuffit,»intervintlejuge.Ilfitunsigne.Lamanivelletournaensensinverse.Le

corpsdelafemmetombadanslefiletdecordesnouées.Ellesetournaversmoi.Ellesouriaitlégèrement.

Onluidétachalespoignetsetleschevilles.Unesclavelasoulevaetlajetaaupieddumur,prèsdel’autrefemme.L’esclavequisetrouvaitlàlapritparlescheveux,laforçantàbaisserlatêteet,entresanuqueetsoncollier,glissaunmousquetonqu’ilferma.Puis,rudement,luibrûlantlecôtéducou,ilfitpasserlemousquetondevant;ensuite,iltirasurlecollier;surlachaîne,ensuite,quil’attacha,commel’autrefemme,àunanneauscellédanslesol.Ellegardalatêtebaissée,commeuneesclave.

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7

J’APPRENDSL’EXISTENCEDESMINESDEKLIMA.UNEÉVASIONESTORGANISÉE

JElevailatête.Je le sentais, à proximité.Mais je ne voyais rien. Jeme crispai. Jem’appuyai contre le

murdegrosblocsdepierre.Puis j’avançai la tête,mais ellenepouvait aller loin.Au lourdcollierdefer,auxdeuxgrosanneauxsoudésdechaquecôté,unecourtechaîneétaitattachée,fixée ensuite à un anneau boulonné dans la pierre.Mesmains, prisonnières demenottes,étaient enchaînées aumur, avec de courtes chaînes, à droite et à gauche. J’étais nu.Meschevilles, également enchaînées, étaient attachées àunautre anneau,boulonnéégalement,devantmoi,danslesol.

Je me penchai autant que possible, écoutant. J’étais assis sur la pierre, sur la paillesouillée,étenduesurlesolpourabsorberlesdéchets.Jeregardailaporte,quisetrouvaitàsixmètresdemoi ; elle était enbois, renforcéeavecde l’acier.Elleavaitunepetiteouverture,dans sa partie élevée, d’environ vingt centimètres de haut sur trente-cinq de large.L’ouverture avait cinq barreaux. Il y avait une odeur de moisi, mais la pièce n’était pasparticulièrementhumide.Lalumièreentraitparunepetitefenêtre,arméedebarreaux,situéeenvirontroismètresau-dessusdusol,danslemurquisedressaitàmadroite.Elleétaitjustesous le plafond.Dans le rayon de lumière tranquille, en diagonale, qui semblait s’appuyercontrelemur,montantverslafenêtre,jevisdelapoussière.

Jedilatailesnarines,triantlesodeursdelapièce.Jerejetail’odeurdelapaillemoisie,desdéchets.Dedehors,meparvenaientlesodeursdespalmiers,desgrenades.J’entendispasserun kaiila, ses pattesmartelant le sable. J’entendis, au loin, des clochettes de kaiila, un cri.Riennesemblaitanormal.Jeperçus l’odeurdespeluresdekort,emmêlées,séchantsur lespierres où elles avaient été éparpillées, reliefs de mon dîner de la veille. Elles étaientcouvertesdevints,minusculesinsectescouleurdesable.Surlesmêmespelures,capturantetmangeant les vints, se trouvaient deux petites araignées. De l’autre côté de la porte meparvint une odeur de fromage. L’odeur du thé de Bazi était également nette. J’entendis legardebouger,somnolantsursachaise,del’autrecôtédelaporte.Jesentaissasueur,etl’eaudeveminiumqu’ils’étaitpassésurlecou.

Puisjem’appuyaicontrelespierres.Apparemment,jem’étaistrompé.Je fermai lesyeux.«LivrezGor !»ordonnaitunmessageapparemmentenvoyépar les

mondesd’acier.«LivrezGor!»Et,plusieursmoisauparavantunjeunegarçon,Achmed,filsdeFarouk,MarchanddeKasra,avaittrouvécetteinscriptionsurunrocher:«Méfie-toidelatour d’acier. ». Il y avait eu, également, la messagère, Veema, dont le corps portait cetavertissement:«Méfie-toid’Abdul.».Celanem’intéressaitplusguère,cependant,carAbdulétaitlePorteurd’EaudeTor,probablementunagentmineurdesAutres,lesKurii,inoffensif,simplemoustiquedans ledésert. Je l’avais laissé s’enfuir, terrifié.Néanmoins, jene savais

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toujourspasquim’avaitconseillédememéfierd’Abdul.Jesouris.Iln’yavaitapparemmentpasderaisondeseméfierdecevermiceau.

Sur lechemindesNeufPuits, encompagnied’Achmed,desonpère,Farouk,deShakar,capitainedesAretai,d’Hamid,sonlieutenantetd’uneescortedequinzecavaliers,j’avaisvulerocher,prèsduquelAchmedm’avaitconduit.

«Lecorpsadisparu!»s’écriaAchmed.«Ilétaitici.»Le rocher, cependant, était toujours là, et le message gravé dessus. Il était gravé en

taharique, écrituredes peuples duTahari. Ils parlent goréenmais, commequelques autresgroupes, généralement des groupes isolés, ils n’utilisent pas l’écriture goréenne ordinaire.J’avais étudié l’alphabet taharique. Comme l’alphabet est lié aux phonèmes goréens, il estrapidementmaîtrisé,commeuncodesimple,parlesindividusquiparlentgoréen.L’élémentle plus bizarre, du point de vue d’un homme sachant lire le goréen, est qu’il possède dessignespourseulementcinqdesneufvoyellesgoréennes.Toutefois,ilnemefutpasdifficiledelirel’inscription.Aucunsonvocaliquenedevaitêtreinterpoléoudéterminéenfonctionducontexte, dans cemessage. Tous les signes étaient clairs. Lemessage, dans son ensemble,était explicite, indubitable. Les sons vocaliques représentés, incidemment, le sont par desmarquesminusculesprèsdesautreslettres,presquecommedesaccents.Cenesontpasdeslettresàpartentière.Lessonsvocaliquesquinesontpasreprésentés,naturellement,doiventêtre insérés par le lecteur. À une certaine époque, apparemment, en taharique, aucun sonvocalique n’était représenté. Quelques érudits tahariques, des puristes, refusent dereprésenterlesvoyelles,considérantleurnécessitécommeutileseulementauxillettrés.

—«Iln’yapasdecorps,ici,àprésent,»ditShakar,capitainedesAretai.—«Oùa-t-ilbienpupasser?»demandaHamid,sonlieutenant.Laquestionn’étaitpasstupide.Iln’yavaitpaslamoindretraced’osrongés,oudel’action

descharognards.S’ilyavaiteuunetempêtedesable,lerocherlui-mêmeauraitétérecouvert.Les tempêtes de sable du Tahari, incidemment, bien que parfois longues et terribles,remodèlentparfoisdesdunes,maisilestrarequ’ellesenterrentquoiquecesoit.Lesableestemporté presque aussi vite qu’il est déposé. En outre, naturellement, dans le Tahari, lescadavres se décomposent très lentement. La chair du tabuk du désert, qui meurt dans ledésert, parfois séparé de son troupeau et incapable de trouver de l’eau, si elle n’est paspolluée par la salive des prédateurs, reste comestible pendant plusieurs jours. L’apparenceextérieuredel’animal,enoutre,peutresterinchangéependantdessiècles.

— « Il a disparu, » dit Shakar, faisant pivoter son kaiila et reprenant le chemin de lacaravane.

Lesautreslesuivirent.Jerestaiunpeuplus longtemps,regardant l’inscription.«Méfie-toide la tourd’acier.»

Puisjefiségalementpivotermonkaiilaetreprislechemindelacaravane.«LivrezGor!»medis-je.Jem’appuyaicontrelespierres.Jebougeailégèrementlatête,tournantlecouàl’intérieur

du lourdcollier.Je tirai légèrementsur lesmenottesdemespoignets,àdroiteetàgauche.Leschaînesse tendirent.Jesentisun filetdesueurglisser surmonavant-braspuisglissersousleferdemonpoignetgauche.Jetiraiviolemmentsurmeschaînes,lecolliermorditlachair demon cou ; je tordismes chevilles enchaînées, tendant la chaîne. Puis, furieux, jem’appuyaicontrelespierres.J’étaisprisonnier.J’étaisabsolumentimpuissant.

Je fermai ànouveau les yeux. Suleimann’était pasmort. Le coupde l’assassin, dans laconfusion,n’avaitpasatteintsonbut.

Le juge, sur le témoignaged’IbnSaranetdedeuxesclavesà lapeaublanche,Zaya,une

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rousse,etVella,unebrune,m’avaitcondamné,entantquecrimineletassassinenpuissance,auxMinesdeseldeKlima,danslePaysdesDunes,oùjetravailleraisjusqu’àcequelesel,lesoleil et les Maîtres des Esclaves en aient terminé avec moi. On disait qu’aucun esclaven’étaitjamaisrevenudespuitssecretsdeKlima.Leskaiilassontinterdits,àKlima,mêmeauxgardes. Le ravitaillement est livré, et le sel emporté, par des caravanes dont les minesdépendentnécessairement.EndehorsdupuitsdeKlima,iln’yapasd’eausurmillepasangsàla ronde. Le désert est lemur deKlima. L’emplacement desmines estmal connu et, pourprotégerlesressources,gardésecretparlesagentsdesminesetlesmarchands.LesfemmessontinterditesàKlima,depeurqueleshommesnes’entre-tuentpourelles.

Ànouveau,indubitablementcettefois,l’odeurpénétradansmesnarines.Lescheveuxsedressèrentsurmanuque.

Jetiraisurleschaînesd’acier.J’étaisnu.J’étaiscomplètementréduitàl’impuissance.Jenepouvaismêmepasmettrelesmainsdevantmoncorps.

Ilmefallaitattendre.JesentaisleKur.«Ya-t-ilquelqu’un?»appelalegarde.J’entendissachaisegrincer.Jel’entendisselever.Ilnereçutpasderéponse.Iln’yeutquelesilence.Ils’immobilisa.Jenebougeaimêmepasleschaînes.Il se dirigea vers le seuil de la grande pièce qui donnait accès aux cellules. Il avança

prudemment. C’était un seuil étroit se trouvant au pied d’un escalier lui-même étroit,tortueuxetincurvé.

«Quiestlà?»appela-t-il.Ilattendit.Iln’yeutpasderéponse.Il fitdemi-touret regagna sa chaise. Je l’entendis s’asseoirànouveau.Mais,un instant

plustard,soudain,lachaisegrinçaencoreetilfutànouveaudebout.«Quiestlà?»cria-t-il.J’entendissoncimeterreglisserhorsdesonfourreau.« Qui est là ? » cria-t-il encore une fois ; puis je l’entendis pivoter sur lui-même,

follement,regardantl’ensembledelasalle.Ensuite,j’entendisunhurlementdeterreur,dément,quis’arrêtad’unseulcoup.Ilyeut

uncraquementsourd.Ilyeutpeudebruit,ensuite,seulementceluid’unegrosselanguebougeantdanslesang,

curieuse.L’homme,surlabaseducou,s’étaitpassédel’eaudeveminium.Puisj’entendislachuteducorps.Jen’entendispasdebruitsdemâchoires.J’entendisun

bruitdepas,autourducorps.Puisjesentis,que,dehors,uncorpspuissantseredressaitetsetournait,lentement,verslaportedemacellule.

Jesentisensuitequ’ilrestaitimmobiledevantlaportedemacellule.Jenepouvaisquitterdesyeuxlapetiteouverturedelaporte.Jenevisrien.Pourtantjesentaisqu’ilétaitlàetmeregardaitàtraverslesbarreaux.

J’entendislaclétournerdanslaserrure.Laportes’ouvrit.Jenevisriensur leseuil.Au-delà,gisantparterre, jevis lesrestesdu

garde,latête,arrachée,àcôté,encorereliéeaucorpspardesvaisseauxdéchiquetés,lanuquearrachée.Jevislapaillebougeràl’intérieurdelacellule.L’odeurduKurétaitforte.Jesentisqu’ilsetenaitprèsdemoi.

La chaîne de mon poignet droit fut levée. Deux fois, elle fut fortement tendue surl’anneau.Puiselleheurtadenouveaulespierres.

Jesentisquel’animalsedressait.Àcemoment-là,j’entendislesvoixdeplusieurshommes.Ilsapprochaient.Parmielles,impérieuse,j’entendislavoixd’IbnSaran.J’entendisdeshommesdescendant

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l’escalier.Ilyeutunhurlementd’horreur.Jevis,parlaporteàprésentouvertedemacellule,Ibn Saran en personne, vêtu d’une djellaba noire avec un kaffiyeh blanc à corde noire,franchirleseuil.

Immédiatement,soncimeterrefutdégainé,réflexeduguerrierdudésert.Ilneregardapaslespectaclehorriblegisantàsespieds.Mais,enunéclair,ilregardal’ensembledelapièce.

«Dégainez vos armes ! » cria-t-il à ses hommes effrayés.Quelques-uns d’entre eux nepouvaientquitterdesyeuxlespectaclegisantaumilieudelapièce.Ilenfrappaquelques-unsdu plat de sa lame. « Dos à dos ! » ordonna-t-il. « Tenez-vous prêts ! » Puis il ajouta :«Bloquezlaporte!»

Il regarda à l’intérieur de la cellule. Je le vis, dehors. J’étais assis et enchaîné. Je nepouvais tirer sur les chaînes de mes chevilles car j’avais le dos contre les pierres ; je nepouvaismepenchernienavantnisurlecôtéàcausedeschaînesdemoncollier;mesmainsétaientenchaînéesaumur,dechaquecôté;jenepouvais,comptetenudemaposition,tirersurmeschaînes;j’étaisparfaitementimmobilisé.IbnSaransourit.

«Tal,»dit-il.J’étaissonprisonnier.«Tal,»répéta-t-il.Jevoyaissoncimeterre.«Quiapufaireunechoseaussihorrible?»demandaundeseshommes.—«J’aiétéavertidecela,»ditIbnSaran.—«UnDjinn?»s’enquitundeseshommes.—«Sentez!»lançaIbnSaran.«Sentez!Ilesttoujourslà!»J’entendisleKurrespirerprèsdemoi.«Bloquezlaporte!»réitéraIbnSaran.Lesdeuxhommesquisetrouvaientprèsdelaporteregardèrentautourd’eux,brandissant

leurscimeterres,effrayés.«Necraignezrien,compagnons!»lesexhortaIbnSaran.«Cen’estpasunDjinn.C’est

unecréaturedechairetdesang.Maissoyezprudents!Soyezprudents!»Puisildisposaseshommesenlignecontrelemuropposédelasalle,oùdébouchaitl’escalier.«J’aiétéavertidecettepossibilité,»rappela-t-il.«Elles’estproduite.Necraignezrien.Nouspouvonsgagner.»

Leshommesseregardèrent,lesyeuxdilatésparlapeur.«Àmonsignal,»ordonnaIbnSaran,parlantrapidementengoréen,«attaquantsurune

ligne,taillezdanschaquecentimètredelapièce.Celuiquiauralepremiercontactdevracrieretlesautres,ensuite,devrontconvergersurcepoint,taillant,pourainsidire,l’airenpièces.»

Undeseshommesleregarda.—«Iln’yarien,ici,»souffla-t-il.IbnSaran,lecimeterredressé,sourit.—«Ilestici,»affirma-t-il.«Ilestici.»Puis,soudain,ilcria:«Ho!»Puisilbondit,sa

lame,encoupsrapidesdelafigurenumérohuit,lamainretournéeenmontantsuivantunecourbelégère,puislamain,endescendant,suivantunecourbelégère,décrivantsonchemintranchant.Sonpieddroit,botté,avançait, soncorpsétait légèrement tournévers lagauche,diminuantlasurfacedelacible,satête,surladroite,maximalisantlavision,sonpiedarrièreàangledroitparrapportàlaligned’attaque,augmentantlapuissancedelapoussée,assurantl’équilibre. Ses hommes, quelques-uns timidement, frappant de taille et de pointe, lesuivirent.

«Iln’yarien,NobleMaître,»ditl’und’entreeux.IbnSarans’arrêtasurleseuildelacellule.—«Ilestdanslacellule,»affirma-t-ildenouveau.Je regardai le cimeterre. C’était une lame à la courbe vicieuse. Je savais qu’elle était

tellementtranchantequ’ellepouvaitcouperunmorceaudesoietombantsursonfil.Jesavais

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qu’uncouplégerdecettelame,tombantsurunbras,couperaitlachair,laissantuneentailled’undemi-centimètredansl’os.

«Ilseraextrêmementdangereux,»expliquaIbnSaran,«d’entrerdanscettecellule.Vousmesuivrezrapidement,vousmettantenligne,ledosaumur.»

—«Fermonslaporteàclé,»suggéraunhomme,«l’enfermantàl’intérieur.»—«Ilarracheraitlesbarreauxdelafenêtreetprendraitlafuite,»réponditIbnSaran.—«Quipourraitfairecela?»demandal’homme.Je compris que l’homme ignorait tout de la force des Kurii. Je constatai avec intérêt

qu’IbnSarann’étaitpasdanscecas.—«Onnedoitpas,»dit-il,« trouver lecorpsdecetanimaldans lacellule. Il fauts’en

débarrasser.»Je comprenais ce raisonnement. Rares étaient, sur Gor, les individus au courant de la

guerre opposant les Prêtres-Rois aux Autres, les Kurii. La carcasse d’un Kur poseraitvraisemblablementdenombreusesquestions, causeraitbeaucoupde curiosité et,peut-être,desdéductionsavisées.Ellepourraitaussi,naturellement,attirerlavengeancedesKuriidelacommunautéoududistrictconcernés.

« Je vais entrer dans la cellule, » déclara Ibn Saran. «Ensuite, vousme suivrez. » IbnSarann’avaitplusriendedouxoudelanguide.Lorsquelebesoins’enfaitsentir,leshommesdu désert peuvent agir avec une efficacité rapide, menaçante. Le contraste avec leurcomportement normal, acculturé, lent etmême gracieux, est frappant. En outre, je décidaiqu’IbnSaranétaitbrave.

Avecun cri, franchissant le seuil d’unbond,puis taillant l’air de son cimeterre, il entradans la cellule. Ses hommes, effrayés, entrèrent rapidement à sa suite et, blêmes, prirentpositionenlignecontrelemur,derrièrelui.L’autreporte,quidonnaitsurl’escalierétroitettortueux,n’étaitplusgardée.Laportedelacellule,cependant,l’étaitparIbnSaranlui-même.

«Iln’yarien,ici,Maître!»criavinhomme.«C’estdelafolie!»—«Ilestparti,»dis-jeàIbnSaran.IbnSaransourit.—«Non,»dit-il.« Ilest ici. Il estdanscettepièce.»Puis, s’adressantàseshommes :

«Taisez-vous.Écoutez!»Je n’entendaismême pas la respiration des hommes. La lumière tombait de la fenêtre

armée de barreaux sur les pierres grises du sol couvert de paille. Je regardai lesmurs, leshommes, les peaux sèches de kort, par terre, près du plat métallique. Sur les peaux, lesaraignéescontinuaientdechasserlesvints.

Nous entendîmes, dehors, les appels d’un vendeur de melons. Nous entendîmes deuxkaiilaspasser,leursclochettes.

«Lacelluleestvide,»ditundeshommes,dansunsouffle.Soudain,undeshommesd’IbnSaranpoussaunhurlementhorrible.Jelevailatête,tirant

sur les chaînes de mon collier. Je secouai les chaînes de mes menottes. Les hommes setassèrentsureux-mêmes.

«Aidez-moi!»crial’homme.«Ausecours!»Brusquement, violemment, il parut être projeté vers le haut. À trois mètres du sol,

presquecontrelespierresduplafond,ilsedébattitetsetorditenhurlant.«Ausecours!»cria-t-il.«Tenezlaposition!»lançaIbnSaran.«Restezenposition!»«Jevousenprie,»sanglotal’homme.«Tenezlaposition!»répétaIbnSaran.

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Puis l’homme, les manches de son vêtement retroussées au-dessus des coudes, futlentementabaissé.

«Jevousenprie,»sanglota-t-il.Puis ilcria,uncribref,étranglé ;puis ilyeutunbruitd’explosion,étouffé,commeune

bulle d’air crevant à la surface de l’eau ; le côté de son cou avait été arrachéd’un coupdedents;lesangartériel,pousséparlapompeaveugleducœur,jaillit.

«Restezenposition!»criaIbnSaran.J’admirai son autorité. Si ses hommes avaient chargé dès le début, l’homme capturé

auraitétéjetésureux.Cassantleurformation, leKurauraitainsipus’enfuir.S’ilss’étaientprécipitésàprésentausecoursdeleurcamarade,laformationauraitétéànouveaurompueetleKurauraitalors,assurément,changédeposition.

IbnSaran,hommebrave,bloquaitlaporteouvertedelacellule.«Cimeterresprêts!»cria-t-il.«Ho!»Surlesolàprésentcouvertdesang,et lapailleensanglantée, leshommes,enligne,Ibn

Saranrestantprèsde laporte,chargèrent.Lesang,entre lespierres, formaitdeminusculesrivières.

« Aiii ! » hurla un homme, pivotant sur lui-même, horrifié. Il y avait du sang sur soncimeterre.Ilétaitterrifié.«UnDjinn!»cria-t-il.

Aumêmemoment,surleseuil,IbnSaranfrappa,sournoisement,puissamment.Il y eut un rugissement de douleur, un hurlement de rage et je constatai que son

cimeterre,survingtcentimètres,étaitcouvertdusangclairduKur,nettementvisible.«Nousl’avons!»criaIbnSaran.«Frappez!Frappez!»Leshommesregardèrentautour

d’eux.«Ici!»criaIbnSaran.«Lesang!Lesang!»Jevisunetachedesang,surlesol,puisl’empreintesanglanted’unegrossepattegriffue.Lesgouttesdesang,venuesapparemmentdenullepart, tombaient l’uneaprès l’autresur lesol.«Attaquez lesang!»criaIbnSaran.Les hommes convergèrent sur le sang, frappant. J’entendis encore deux rugissements defureurcarilsfrappèrentencorel’animalpardeuxfois.Puisunhommefutprojetéenarrière,tournoyantsurlui-même.Sonvisageavaitdisparu.

Leshommes,àprésent,encerclaientl’endroitoùlesangtombait,quiindiquaitlapositiondel’animal.

Soudain, j’entendis un bruit de pas précipités et je vis les barreaux de la petite fenêtrebouger,l’und’entreeuxsortantdesonlogementdansundélugedepierreetdepoussière.

«La fenêtre !» cria IbnSaran.« Il va s’échapper !» Ilbondit vers la fenêtre, frappantfollementautourdelui,contrelapierre.Seshommeslesuivirent,frappantetcriant.

Jesourisenvoyant,danslaconfusion,lesang,goutteàgoutte,sedirigerverslaportedelacellule,traverserlasalle,franchirleseuildel’escalierétroitettortueux.

LadiversionorganiséeparleKuravaitétéexcellente.Ilavaitcomprisqu’iln’auraitpasletemps d’arracher les barreaux puis de se glisser par l’étroite fenêtre avant d’être taillé enpièces.MaislaruseavaitéloignéIbnSarandelaporte.

IbnSaranpivota sur lui-même, sa lameébréchée, tordue, inutilisable, tellement il avaitfrappésurlespierres.Ilvitlesang.Ilpoussauncriderageet,pivotantsurlui-même,sortitencourant.

Surlespeauxdekort,lesaraignéeschassaienttoujourslesvints.«Nousl’avonstué,»déclaraIbnSaran.«Ilestmort.»Jesupposaiqu’ilsn’avaienteuaucunedifficultéàsuivrelatracedusang.L’animalavait

étéfrappéaumoinsquatrefoisavecleslamestranchantescommedesrasoirsduTahari.Ibn

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Saranlui-mêmeluiavaitinfligéuneblessuredepresquevingtcentimètresdeprofondeur.Jel’avaisdevinéenfonctiondestracesdesangsurlecimeterre.Ainsi,touchéquatrefois,ilmeparutvraisemblableque l’animal,mêmes’il avait réussià s’échapper, s’était cachédansunendroitobscuretavaitsuccombéàlapertedesang.

«Nousnoussommesdébarrassésducorps,»ajoutaIbnSaran.Jehaussailesépaules.«Ilenvoulaitàtavie,»reprit-il.«Noust’avonssauvélavie.»—«Merci,»répondis-je.Ilétaitminuit,danslacellule.Dehors,lestroislunesétaientpleines.La cellule avait été nettoyée, la paille et les déchets ayant été évacués, puis rincée ;

presquetoutlesangavaitétégratté;ilnerestaitplus,çàetlà,quequelquestachessombresetréfractaires;onavaitmisdelapaillepropre;lespeauxdekortavaientétéenlevées.Ilnerestait pratiquement aucune trace de la bataille qui s’était déroulée dans la cellule. Lesbarreauxdelafenêtreeux-mêmesavaientétéréparés.Lenettoyageavaitétéeffectuéparlesgeôliers, ce que je trouvai amusant. Je croyais qu’il serait effectué par des esclaves nues,portantuncollierdetravail,unechaîneetunanneauàlacheville,pourlesobligeràresteràgenouxparterreavecleurbrosse,maisteln’avaitpasétélecas;lescondamnésauxMinesdeKlimasontégalementprivésduspectacledefemmesnues;iln’yapasdefemmes,àKlima;iln’yapratiquementquelesel, lachaleur, lesMaîtresdesEsclavesetlesoleil ;parfois, leshommes deviennent fous, tentant de fuir dans le désert ; mais il n’y a pas d’eau à millepasangs à la ronde autour de Klima ; j’aurais aimé voir une femme nue avant de partir,enchaîné,pourKlima;maiscelamefutrefusé.

Souvent, j’avais chassé de mes pensées le visage de l’esclave nommée Vella, de sontriomphe lorsque,petiteet jolie,sensuelle, libéréedescordesduchevalet,elles’étaitassisedans le filet,aprèsqueson témoignageeûtconfirméceluidesautres, celuideZaya, l’autreesclave, et celui d’Ibn Saran, m’envoyant aux Mines de sel de Klima. Elle était satisfaite.J’iraisàKlima.L’esclaveavaiteusavengeance.Sonmensonge,confirmantceuxdesautres,avait emporté la décision. Puis, après avoir témoigné, comme sa compagne, elle avait étéenchaînée.Jemesouvinsdesonsourirelorsqu’elleavaitapprisque,bienqu’innocent,j’iraisàKlima.

Jen’étaispascontentdecetteesclave.Jelevailatête.AvecIbnSaran,ilyavaitquatrehommes.L’und’entreeuxavaitunelampe

àhuiledetharlarion.— « Comprends-tu ce que cela signifie, » demanda Ibn Saran, « que d’être envoyé à

Klima–d’êtreunEsclaveduSel?»—«Jecrois,»répondis-je.— « Il y a la marche jusqu’à Klima, » souligna-t-il, « dans le Pays des Dunes, à pied,

enchaîné,aucoursdelaquelledenombreuxcondamnésmeurent.»Jenerépondispas.«Etsituavaislamalchance,»reprit-il,«d’arriveràproximitédeKlima,tespiedsettes

jambes, jusqu’au genou, devraient être bandés de cuir, car tu enfoncerais jusqu’au genoudans les croûtesde sel et, sansprotection, ta chair,par lesmillionsdeminuscules cristauxchauffés,seraitbrûléesurtesos.»

Jedétournailatête,enchaîné.«Danslesmines,»expliqua-t-il,«onpompel’eauàtraverslesdépôtssouterrains,pour

extrairelesel,etl’amener,avecl’eau,àlasurface;puisonpompeànouveaulamêmeeau.Les hommesmeurent, au soleil, en actionnant les pompes. D’autres, les porteurs, doivent

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remplir leursdeux seauxd’eauet la transporterdesminesaux tablesde séchage ;d’autresdoivent ramasser le sel et le confectionner en cylindres. » Il sourit. «Parfois, les hommess’entre-tuentpourunetâchemoinslourde.»

Jeneleregardaipas.«Maistoi,»reprit-il,«quiatentéd’assassinernotreNobleSuleimanPacha,tun’auras

quedestâchesdifficiles.»Jetiraisurleschaînes.«C’estdel’acierd’Ar,»souligna-t-ilencore.«Ilestexcellent,importéparcaravane.»Jetiraisurlesmenottes.«Ilt’immobiliseraparfaitement,»fit-il«…TarlCabot.»Jeleregardai.«Celam’amusera,»reprit-il,«depenserqueTarlCabottravailledanslesminesdesel.

Tandis que je me reposerai dans mon palais, dans les pièces fraîches, sur des coussins,dégustantde lacrèmeetdesbaies,savourantduvin,distraitparmesesclaves,dontta jolieVellafaitpartie,jepenseraisouventàtoi,TarlCabot.»

Jetiraisurleschaînes.« Le célèbre agent des Prêtres-Rois, Tarl Cabot, » lança-t-il, « dans les mines de sel !

Excellent !Magnifique ! » Il rit. « Tu ne peux pas te libérer, » reprit-il. « Tu ne peux pasgagner.»

Jecédaiauxchaînes,réduitàl’impuissance.« À Klima, » détailla-t-il, « la journée commence à l’aube et ne se termine qu’au

crépuscule. On peut faire griller la nourriture sur les pierres, à Klima. Les croûtes sontblanches.Leuréclatestaveuglant.Iln’yapasdekaiilas,àKlima.Ledésert,sanseau,s’étendsur un millier de pasangs à la ronde. Un des aspects les moins agréables de Klima estl’absencetotalede femmes.Tuaurasremarquéque,après tacondamnation, lespectacledeleurchairt’aétérefusé.MaistupeuxtoujourspenseràtajolieVella.»

Jeserrailespoings.«Quandjel’utiliserai,»promit-il,«moi,jepenseraiàtoi.»—«Oùl’as-tutrouvée?»demandai-je.—«Soncorpsesttrèsvivant,n’est-cepas?»s’enquitIbnSaran.—«C’estunefemme,»dis-je.«Oùl’as-tutrouvée?»—«DansunetavernedeLydius,»répondit-il.«C’estintéressant.Nousl’avonsachetée,à

l’origine, comme une simple esclave. Nous recherchons toujours les femmes de bonnequalité.Ellesserventnosdesseins,nouspermettantdenousinfiltrerdanslesDemeures,denous procurer des secrets, de séduire les officiers et les hommes importants, mais aussi,naturellement,derécompensernosamiset,naturellement,deprocéderàdeséchanges, lesutilisantcommemonnaie;l’esclaveestgénéralementtrèsdemandée,surtoutsielleestbelleetéduquée;nouspouvonsmettrecesfemmessurlemarchéquandnouslevoulons;iln’estpas difficile de les vendre ; en outre, elles n’attirent guère l’attention, commercialementparlant, car elles constituentunemarchandise familière ; ainsi, l’esclave,denotrepointdevue, surtout si elle est belle et éduquée, constitue une formede richesse sûre et aisémentnégociable.»

—«C’estlecaspourtoutlemonde,»relevai-je.—«Oui,»répondit-il.—«EtVella?»demandai-je.—«MissElizabethCardwell,deNewYork,surlaplanèteTerre?»s’enquit-il.—«Apparemment,tusaisbeaucoupdechoses,»fis-je.

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—«L’esclavedelaTerrenousenaapprisbeaucoup,»reconnut-il.«Nousavonseudelachance.Pourtant,c’estparhasardquenousavonsaccrochénotrechaîneàsoncollier.»

—«Quevousa-t-elledit?»demandai-je.—«Toutcequenousvoulionssavoir,»répondit-il.—«Oh,»fis-je,«jevois.»—«Latorturen’apaséténécessaire,»précisaIbnSaran.«Ilasuffidel’enmenacer.Ce

n’estqu’une femme.Nous l’avonsenchaînée,nue,dansune tour,avecdesurts.Uneheureplustard,enlarmes,hystérique,elleasuppliédeparler.Nousl’avonsinterrogéetoutelanuit.Nousavonsappristoutcequ’ellesavait.Elleensavaittrèslong.»

— « Ensuite, vous l’avez sans doute affranchie, » dis-je, « puisqu’elle vous avait ététellementutile.»

—«Nousavonspromisdelefaire,»releva-t-il.«Mais,plustard,simessouvenirssontexacts,nousavonsoublié.Nousl’avonslaisséedanssonasservissement.»

—«Complètementesclave?»demandai-je.—«Complètementesclave,»répondit-il.—«Correct,»fis-je.—«C’estuneesclave,»dit-il.— « Je sais, » répondis-je. « Que vous a appris, précisément, » demandai-je ensuite,

«l’esclavedelaTerre,MissElizabethCardwell?»— « De nombreuses chosesmais la plus importante est, sans conteste, la faiblesse du

Nid.»—«Àprésent,vousallezattaquer?»demandai-je.—«Celaneserapasnécessaire,»répondit-il.—«Unautreplan?»m’enquis-je.—«Peut-être,»fit-il.—«Cequ’ellevousadit,naturellement,»relevai-je,«estpeut-êtrefaux.»—«Celaconcordeaveclesrapportsd’autreshumainsqui,autrefois,ilyalongtemps,ont

fuilesSardar.»Ils’agissaitvraisemblablementdeshumainsduNidqui,après laGuerreduNid,avaient

décidéderetournersurlasurfacedeGor.— « Mais ces récits sont-ils véridiques, » insistai-je, « ou bien ceux qui les ont faits

croient-ilssincèrementqu’ilslesoient?»—«Ilpourrait,naturellement,s’agirdesouvenirs implantés,»reconnutIbnSaran.«Il

pourraits’agird’unpiègedestinéàattireruneattaquedansunpiège.»Jerestaisilencieux.«Noussommesconscientsdecettepossibilité,»reconnut-il.«Nousavonsdoncprocédé

avecprudence.»—«Mais,àprésent,celacomptemoins?»demandai-je.—«Àprésent,»répondit-il,«celanecomptesansdouteplusdutout.Nousn’avonsplus

besoind’écouterattentivementlebavardagedesesclaves.»—«Vousavezunenouvellestratégie?»demandai-je.—«Peut-être,»répondit-ilavecunsourire.—«Peut-êtreaccepteras-tudelafairepartageràunhommequipartpourlesMinesdesel

deKlima?»proposai-je.Ilrit.—«Tupourraisparlerauxgardes,ouàtescompagnons!»—«Onpourraitmecouperlalangue,»avançai-je.

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—«Etlesmainsaussi?»s’écria-t-ilenriant.«Et,danscecas,àquoiservirais-tu,danslesmines?»

—«Commentavez-vousapprisquel’esclaveachetéeuniquementàcausedesabeautéàLydius,étaitMissElizabethCardwell?»demandai-je.

— « Les empreintes digitales, » expliqua-t-il. « Son accent, certains comportementsfaisaientpenseràuneorigine terrestre.Nousavonspris sesempreintes, curieux.Dansnosfichiers, elles correspondaient à cellesdeMissElizabethCardwell, deNewYork, surTerre,quiavaitétéamenéesurGorpourporterlecollier-messageauxTuchuks.»

Je me souvenais de ce collier. Lorsque je l’avais vue pour la première fois, les bas enlambeaux,sacourterobejaunetachéeetcouvertedepoussière,lecouprisonnierdelalancede capture, les poignets attachés dans le dos, dans les Plaines des Peuples des Chariots,captive des Tuchuks, elle le portait. Elle ne comprenait pratiquement rien, à cette époque,ignoraittoutdesaffairesdesmondes.

Àprésent,lajeunefemmeétaitmoinsignorante.«Lecollier-message,»repritIbnSaran,«n’apasentraînétamort,lafindelarecherche

dudernierœufdesPrêtres-Rois.»Ilsourit.«Enfait,lafemmeestdevenuetonesclave.»—«Jel’aiaffranchie,»dis-je.—«Imbécileromantique!»releva-t-il.«Poussantplusloinnosrecherches,comprenant

qu’ellet’avaitaccompagnédanslesSardar,avecledernierœufdesPrêtres-Rois,nousavonscherché d’autres connexions. Bientôt, il devint évident qu’elle avait été ta complice,espionnantpour ton compte, dans la chutede laDemeuredeCernus, undenosmeilleursagents.»

—«Commentavez-vousappriscela?»demandai-je.—«UnhommequiavaitfuilaDemeuredeCernus,affranchi,futamenédansmonpalais.

Ill’identifiaimmédiatement,cequilaterrifia.Ensuite,nousl’avonsdéshabilléeetenferméedansunetour,enchaînée,avecdesurts.Uneahnplustard,ellenousasuppliésdetoutdire,etc’estcequ’elleafait.»

—«ElleatrahilesPrêtres-Rois?»m’enquis-je.—«Complètement,»réponditIbnSaran.—«EllesertlesKurii,àprésent?»demandai-je.—«Ellenoussert,»précisa-t-il.«Etsoncorpsestexquis,délicieux.»—«Tuasdelachance,»dis-je,«deposséderunetelleesclave.»IbnSaraninclinalatête.« J’ai constaté avec intérêt, en outre, » ajoutai-je, « qu’elle a déclaré que j’avais tué

SuleimanPacha.»—«Zayaégalement,»soulignaIbnSaran.—«C’estexact,»reconnus-je.—«Ilaétéinutiledelesforcer,»précisaIbnSaran.«Cesontdesesclaves.»—«Vella,»rappelai-je,«estunefemmeextrêmementintelligenteetcomplexe.»—«Cesontlesmeilleuresesclaves,»relevaIbnSaran.—«Exact,»répondis-je.Enréalité,quiauraitenviedefaireporteruncollieràuneautre

sortedefemme?Prendrelesfemmeslesplusbrillantes,lesplusimaginatives,lesplusbellesetlesmettreàsespieds,esclavesimpuissantesetpassionnées,estunevictoire.

—«Elletehait.»précisaencoreIbnSaran.—«Jevois,»fis-je.—«Apparemment,celaestliéàLydius,»ajouta-t-il.Jesouris.

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«C’estavecgrandplaisirquelapetiteesclavesournoiseadéclaréfaussementquetalameavait frappé Suleiman Pacha. C’est avec grand plaisir qu’elle t’a envoyé dans lesmines desel.»

—«Jevois,»répétai-je.—«Lavengeanced’unefemmen’estpasuneminceaffaire,»appréciaIbnSaran.—«Effectivement,»opinai-je.—«Maisunechoselatroublait,»repritIbnSaran,«unequestionàproposdelaquelle,

craignantpourelle-même,elleétaitinquiète.»—«Laquelle?»demandai-je.— « La sécurité de Klima, » répondit Ibn Saran. « Elle avait peur que tu puisses

t’échapper.»—«Oh?»fis-je.—«Maisjeluiaiaffirméquel’onnes’évadepasdesMinesdeKlimaet,ainsiencouragée,

c’estavecenthousiasmequ’ellearépétésontémoignage.»—«JolieVella,»fis-je.Ilsourit.« Ce n’est pas par hasard, » relevai-je, « que, une fois son identité établie, elle a été

amenéeauTahari.»—«Biensûrquenon!»serécriaIbnSaran.«Elleaétéamenéeici,portantuncollier,

pourmeservir.»—«Etellet’abienservi,»appréciai-je.—«Elleaparticipéactivement,commenousnousyattendions,àtaréception.Autorisée

unjour,secrètement,àteregarderdanslesruesdesNeufsPuits,àtraverslevoileminusculed’unhaïk, alorsqu’elle étaitnuedessous, sous la surveillanced’undemeshommes, elle aconfirmé plus tard, nue et à genoux devant moi, que tu étais bien Tarl Cabot, agent desPrêtres-Rois.Etcequ’ellen’apasaccompli,aveclecollier-message,danslePaysdesPeuplesdesChariots,ellel’aaccompliici,surlechevaletdutribunal.»

—«Ellet’abienservi,»répétai-je.—«C’estuneexcellentepetiteesclave,»reconnutIbnSaran.«Etextrêmementagréable

surlescoussins.»—«JolieVella,»fis-je.—«Pensesouventàelle,EsclaveduSel,»ditIbnSaran,«danslesMinesdeKlima.»Ilpivotasurlui-même,sadjellabatournoyant,etsortitdelacellule,suivideseshommes,

dontledernierportaitlalampeàhuiledetharlarion.Dehors,lestroislunesétaientpleines.JenepensaispasquejeseraisvraimentenvoyédanslesMinesdeseldeKlima.Desortequejenefuspassurprisquand,uneahnplustard,pendantcettemêmenuitde

pleines lunes, avant l’aube qui devait voirmon départ pour Klima, deux hommes, portantcagoulesetdjellabas,furtifs,apparurentdanslasalle,devantlaportedelacellule.

Il serait dangereux de conduire ou de transporter un esclave à Klima en ces tempsd’incertitudeentrelesKavars,lesAretaietleurstribusvassales.

Iln’étaitpasimpossiblequelacaravanepénitentiairesoitinterceptée.Àlaplaced’IbnSaran,jen’auraispaspriscerisque.Laportedelacellules’ouvrit.«Tal,NobleIbnSaran,»dis-je,«etgracieuxHamid,lieutenantdeShakar,capitainedes

Aretai.»

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IbnSaranavaitàlamainsoncimeterredégainé.Jetiraisurleschaînes.Ilsn’avaientpasdelampemaisleclairdeslunes,entrantparlafenêtredelacellule,nouspermettaitdenousvoir.

«Apparemment,»dis-je,«jenedoispasatteindrelesMinesdeseldeKlima.»Je regardai le cimeterre. Je ne croyais pas qu’ils me tueraient dans la cellule. Cela

sembleraitinexplicable,dupointdevuedesmagistratsdesNeufPuits,unaccidentexigeantuneenquêteprécise.

—«Tunousprendspourd’autres,»ditIbnSaran.— « Bien sûr, » fis-je. « En fait, vous êtes des agents des Prêtres-Rois feignant de

travaillerpourlesKurii.Devantvoshommesvousavezétécontraintsdejouerlejeudeleursdesseins, de peur que votre allégeance réelle soit découverte.De toute évidence, vous aveztrompétoutlemonde,saufmoi.»

—«Tuesperspicace,»reconnutIbnSaran.—«Detouteévidence,lesKuriiavaientl’intentiondemetuer,puisqu’ilsontchargél’un

desleursdecettetâche.Maisvousm’avezarrachéàsescrocssanspitié.»IbnSaraninclinalatête.Ilrengainasoncimeterre.—«Nousavonspeudetemps,»dit-il.«Dehors,tonkaiilat’attend,sellé,avecunearme,

lecimeterre,etdel’eau.»—«Maisiln’yapasdegarde?»demandai-je.—«Ilétaitdehors,»expliquaIbnSaran.«Nousl’avonstué.»—«Ah,»fis-je.—«Noustraîneronslecorpsdanslacellulequandtuteseraséchappé.»Les menottes de mes poignets et de mes chevilles comportaient des serrures. Hamid

introduisitlaclédedansetlesouvrit.—«EtHamid,»soulignai-je,«intentionnellement,n’apasfrappéSuleimanàmortmais,

feignantlamaladresse,l’asimplementblessé.»—«Précisément,»opinaIbnSaran.—«Sij’avaisvoululetuer,»crachaHamid,«lecoupauraitétémortel!»—«Biensûr,»dis-je.—«Ilétaitcapital,pournotreprotectionvis-à-visdesKurii,quenousparaissionstenter

deteretarder,t’empêcherdeterminertonenquêtepourlecomptedesPrêtres-Rois.»—«Biensûr,»dis-je.«Mais,àprésentquelesapparencessontsauves,vousmelibérez

etmepermettezdecontinuermontravail.»—«Précisément,»acquiesçaIbnSaran.Desoussadjellaba,Hamidsortitunburinetunmarteau.—«Ouvrelecollier,»luidis-je,«aulieudecassersimplementlesmaillons.Celaprendra

davantagedetempsmaisjeseraiplusàl’aise.»—«Quelqu’unvaentendre,»s’inquiétaIbnSaran.—«Jesuispersuadéquepersonnen’entendra,»affirmai-je.Jesouris.«Ilesttard.»J’avaisunebonneraisonderetardermonévasiond’unquartd’ahn.—«Ouvrelecollier!»lançaIbnSaran,encolère.—«C’estunbeauclairdelunes,»fis-jeobserver.«Ainsi,unefoissorti,jeverraimieux

monchemin.»Lesyeuxd’IbnSaranétincelèrent.—«Oui,»dit-il.— « Je suis heureux, » soulignai-je, « d’apprendre que tu travailles pour les Prêtres-

Rois.»

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IbnSaraninclinalatête.«Monévasionexigera-t-elledesexplications?»m’enquis-je.—«Legardeaétésoudoyé,»révélaIbnSaran.«Ensuite,traîtreusement,ent’évadant,tu

l’astué.»—«Nouslaisseronslecorpsici,aveclesoutils,»ajoutaHamid.—«Vouspensezàtout,»reconnus-je.Jesortislecouducollier,quimegriffalapeau.Ilrestasuspendu,contrelespierres,àses

deux chaînes. J’eus beaucoup demal àme lever. Je bougeai les bras et les jambes. Jemedemandaijusqu’oùj’étaiscenséaller.S’ilétaitvraiquemonkaiilaattendait,sellé,ilmeparutprobablequel’attaqueauraitlieudansledésert,vraisemblablementàlasortiedel’oasis.

Lecoupdevaitêtrebienpréparé.Ildevaitêtre,deleurpointdevue,sansfaille,beaucoupplussûrquelaprobabilitédemevoirarriveràKlimadansunecaravanepénitentiaire.

Je sortis de la cellule. Sur une table, il y avait des vêtements. Je lesmis. C’étaient lesmiens. Je vérifiai ma bourse. Elle contenait même les pierres précieuses que j’y avaisremises,aprèslesavoirsortiesdemaceinture,lorsquej’avaisnégociéavecSuleiman.

«Lesarmes?»demandai-je.—«Lecimeterre,accrochéàlaselle,»indiquaIbnSaran.—«Jevois,»dis-je.«Etl’eau?»—«Accrochéeàlaselle,»indiqua-t-il.—«Apparemment,»enconclus-je,«jetedoisdeuxfoislavie.Tum’assauvécetaprès-

midi, lorsque l’animal a attaqué et tume sauves ce soir,m’épargnant lesMines de sel deKlima.Jesuistondébiteur,ilmesemble.»

—«Tuferaislamêmechosepourmoi,»répondit-il.—«Oui,»dis-je.—«Vite,»intervintHamid.«Larelèvedelagardeestproche!»Jegravisl’escalier.Jetraversailessallesextérieures,franchisleportail,sortis.—«Soismoinsaudacieux.Soisplusprudent,»mepressaIbnSaran.—«Personneneregarde,»affirmai-je.Jesouris.«Ilesttard.»Jevis lekaiila.C’étaitbienlemien.Ilétaitsellé ;desoutresétaientsuspenduessurses

flancs;lecimeterre,danssonfourreau,étaitaccrochéavecdeslanièresdecuiràl’anneaudelaselle,sur ladroite.Jevérifiai lasous-ventrière, larêne.Toutétaitenordre.J’espéraiquel’animal n’avait pas été drogué. Je passai lamain devant ses yeux ; il battit des paupières,même la troisième, qui est transparente ; très légèrement, je touchai son flanc ; la peaufrémitsousmesdoigts.

—«Quefais-tu?»demandaIbnSaran.—«Jesaluemonkaiila,»répondis-je.Lesréflexesdel’animalsemblaientcorrects.Jedoutaialorsqu’ilaitétédrogué.S’ilavait

étédroguéavecunproduitàaction rapide, lequartd’ahnque j’avaisgagné, retardantmonévasion,endemandantquelecolliermesoitenlevé,etnonlesmaillonscassés,auraitdonnéàladrogueletempsd’agir.Jenecroyaispasqu’unedrogueàeffetlentaitétéutiliséeparcequeletempsétaitunélémentimportant.IbnSarann’auraitpasprislerisquedemedonneruneahnd’avance surunkaiila rapide.Je fus contentque l’animaln’aitpas,apparemment,étédrogué.

Soudain, je me dis qu’Ibn Saran était peut-être, comme il le prétendait, un agent desPrêtres-Rois.Peut-êtreHamidétait-ilégalementdanscecas.

Si tel était le cas, mon retard, augmentant les risques, avait pu mettre leurs vies endanger.

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Jememisenselle.— « Puissent tes outres ne jamais être vides, » dit Ibn Saran. « Puisses-tu ne jamais

manquer d’eau. » Il posa la main sur l’outre gonflée suspendue sur le flanc gauche del’animal,équilibréeparuneautresuspendueàdroite.Onboitalternativementdanschacunedesdeuxoutres,pourmaintenir l’équilibre.Lepoids,naturellement, ralentit lekaiilamais,dansledésert,ilfautavoirbeaucoupd’eau.

—« Puissent tes outres ne jamais être vides, » dis-je. « Puisses-tu ne jamaismanquerd’eau.»

—«Vaverslenord,»meconseillaIbnSaran.—«Merci,»répondis-je.Puis,donnantdescoupsdetalondanslesflancsdel’animal,ses

griffesprojetantdusablederrièrelui,jepartisverslenord.Dèsquejefushorsdeportéedesoreillesd’IbnSaranetdeHamid,etentrelesmursdes

bâtimentsdel’oasis,jem’arrêtai.Je regardai derrière moi et remarquai, très haut, dans le clair des lunes, une flèche à

laquelle était attachéeunebanderoleargentée.Ellemontadeplusenplus,deplusenpluslentement jusqu’au sommetde sonarc, parut s’immobiliserpuis, gracieusement, tourna etdescenditdeplusenplusvite,leclairdeslunesfaisantétincelerlabanderoleargentée.

J’examinai les pattes du kaiila. Je trouvai ce que je cherchais, glissé dans la patteantérieuredroitede l’animal. J’en retirai uneminusculeboulede cire,maintenue enplacepardesfils.Àl’intérieurdelacirequi,enraisondeschocsdugalopdel’animal,ainsiquedesa chaleur, se désintégrerait rapidement, je trouvai une aiguille ; je la flairai ; elle étaitcouvertedekanda,toxinemortelleextraitedesracinesbroyéesdukanda;j’essuyail’aiguilleavecunmorceaudetissuarrachéàmamanche,lanettoyant,puisjetaiaiguilleetmorceaudetissusuruntasdefumier.

Jegoûtai l’eaudesdeuxoutres.Elleétait,commeje l’avaisprévu,trèssalée.Ellen’étaitpaspotable.

Je sortis le cimeterredu fourreau.Cen’était pas lemien. J’examinai la lame et trouvail’entaille,nettementlimée,souslepommeau,cachéeparlagarde.Jetapaisurlesableaveclalame;ellesecassaauniveaudupommeau,quimerestadanslamain.Jecachailalameetlepommeaudansletasdefumier.

J’entraînai lekaiiladans l’ombre.Deuxhommespassèrentàdosdekaiila :IbnSaranetHamid.

Jeversail’eausaléesurlesable.Ilétaittard.Jedécidaidechercheruneauberge.Ilétaittard.

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8

JESUISL’INVITÉDEHASSANLEBANDIT

JEne dormis pas aussi bien que je l’aurais pu, cette nuit-là car, de temps en temps destroupesdecavaliers,avecarcsetlances,passèrentdanslesruesdesNeuf-Puits,rentrantdesortiesdansledésert.Surplusdecinquantepasangsà laronde, larégionfutapparemmentpasséeaupeignefin,inlassablement,maissanslivrerlamoindrepiste.

Néanmoins, j’eus quelques heures de sommeil ininterrompu, sur le matin quand,fatigués, épuisés, assoiffés, affalés sur leurs selles, le gros des troupes chargées de meretrouverfutrentréauxNeufPuits.

Je choisisun établissement sans importance,plutôtpauvre,dont lepropriétaire, àmonavis,avaitmieuxà fairequ’assisterauxprocèsde laSalledeJustice.Heureusement,c’étaitvrai.Néanmoins,ilconnaissaitlanouvelle.

«L’assassins’estenfuilanuitdernièredansledésert,»m’apprit-il,«aprèss’êtreévadé.»—« Incroyable, » dis-je.Ma réponse était appropriée car, pourmapart, je n’en croyais

rien.Jem’étais levéauxenvironsde laneuvièmeheurequi, surGor, est l’heurequiprécède

midi.Je fismanger le kaiila dans l’écurie, où il occupait un box du fond, et le fis également

beaucoupboire.Pendantlepetitdéjeuner, j’envoyaiunjeunegarçonfairequelquescourses.Quandj’eus

terminémonpetitdéjeuner,lepalefrenier,jeunegarçonvigoureux,étaitrevenu.Vêtud’uneceintureetd’unburnousneufsd’unpourpreetd’unjauneplutôtostentatoires

mais convenant, cependant, à un commerçant local, ou à unmarchand ambulant désireuxd’attirer l’attention sur lui, je fis moi-même la tournée des boutiques. Je me procurai uncimeterre neuf. Je n’avais besoin ni d’une ceinture ni d’un fourreau. Je me procuraiégalementdesclochettesdekaiilaetdeuxsacsdedattespressées.Ils’agitdelonguesbriquesrectangulairespesantenvironunePierreou,enmesuresterrestres,deuxkiloschacune.

Rapidement,aupuitspublicprochedelaSalledeJustice,jeremplismesoutresetapprislesdernièresnouvelles.

«Écarte-toi,»ditunsoldat,sebaissantpours’aspergerlevisage.J’obéis,cequimeparutpréférabledelapartd’unmarchanddedattesdupays.Enoutre,ilavaiteuunenuitdifficiledansledésert.

—«Avez-vousretrouvél’assassin?»demandai-je.—«Non,»grogna-t-il.—«Parfois,jecrainsdenepasêtreensécurité,»avançai-je.—«Necrainsrien,Citoyen,»répondit-il.—«Trèsbien,»acquiesçai-je.Les groupes chargés deme rechercher récupéreraient pendant l’après-midi et la soirée,

avais-jeappris.Ilyavaitpeudechancesderetrouverunepistediscrèteauclairdeslunes.Il

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n’étaitpasraisonnable, leshommeset lesanimauxétantépuisés,derecommenceravant lematin.Celamedonneraituneavance,calculai-je,d’unequinzained’heuresgoréennes.

Ceseraitamplementsuffisant.Versmidi,avançantlentement,vêtudemonburnousjaune,avecmaceinturepourpre,les

outres sur les flancs de mon kaiila, les pains de dattes pressées attachés sur la selle, lesclochettesdukaiilatintant,attirantl’attentionsurmoietmesmarchandises,jequittail’oasis.À unmoment donné, alors que les hauts palmiers étaient tout petits derrièremoi, je dusm’écarter pour ne pas être renversé par le dernier groupe chargé de me rechercher, quirentraitenhâte.

Surunecolline,plusdedeuxcentspasangsaunord-estdesNeufPuits,deuxjoursaprèsmondépartdel’oasis,jetiraisurlarêne,lekaiilatournantsurlacrêtecaillouteuse.

Enbas,danslavallée,entredescollinesstérilesetrocheuses,jeregardailacaptured’unecaravane.

Deuxkurdahs furentsaisisparuncavalier,par l’armature,et secouéscontre le flancdukaiila, faisanttomber leursoccupantes,des femmes libres,dansuntourbillonderobes,surlesgraviers.

Conducteurs etmarchands furent rassemblés, à la pointe des lances, dans un coin. Ungarde,setenantl’épauledroite,pousséparlapointed’unelance,lesrejoignit.

Lespaquetagesdeskaiilasfurententaillés,afindedéterminerlavaleurdesmarchandisestransportéesetsiellesavaientdelavaleurauxyeuxdespillards.

Quelqueskaiilasfurentrassemblés,leursrênestenuesparuncavalier.Unfardeau,attachéavecd’autressurledosd’unkaiiladetrait,futtransférésurunautre

animal,dontlecavaliertenaitlesrênes.Les mains des femmes libres furent attachées devant leur corps. Leurs mains furent

attachées à l’extrémité de longues lanières. L’autre extrémité de cette longue laisse futensuiteattachéeaupommeaudelaselledeleurravisseur.

Unhommetentadefuir.Uncavalier,selançantàsapoursuite,lefrappaàlanuqueaveclahampedesalanceetils’effondradanslapoussièreetlespierres.

Uneoutrefutéventrée,l’eaufaisantunetachesombresurleflancdukaiilaquichangeadeposition,secabra,l’eautombantdanslapoussière.

Oncoupales lanièresfixantlesballotssurleskaiilas,et leurcontenus’éparpilladanslapoussière.Puis leskaiilas,débarrassésde leurs rênesetharnais, furent frappésduplatdescimeterresetchassésdansledésert.

D’autresoutresfurentjetéesparterredevantleshommesrassemblés.Lesdeux femmesétaientàprésentnuesdans lapoussière,dévêtuespar la lamede leur

ravisseur.Unefemme,levantsespoignetsattachés,setiraitlescheveuxenpoussantdescrisdedésespoir.L’autrefemmesemblaitincrédule.Elleregardaitsespoignetsattachés,lalaisse,commesi ellenepouvait croirequ’elle était attachéeaupommeau.Sa têteétait levée.Elleavaitdelongscheveuxnoirs.

Leurravisseur,quisemblaitêtrelechefdespillards,étaitàdosdekaiila.Ilsedressasurlesétriers.Ilcriadesordresàseshommes.Lespillards,alors,commeunseulhomme,firentpivoterleurskaiilasets’enallèrenttranquillement.Deuxhommestenaientlesrênesdedeuxkaiilasdetrait;unautrehommetiraitunautreanimalderrièrelui.Lechef,lecimeterreentraversdelaselle,chevauchaitentête,leburnouslégèrementgonfléparlevent.Attachéesàsonpommeau,trébuchant,suivaientsesdeuxbellescaptives.

Derrière,leshommescrièrent.Quelques-unsd’entreeuxosèrentleverlepoing.D’autresallèrentprèsdesoutres.

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Àpied,surlapiste,ilsauraientjusteassezd’eaupourgagnerl’OasisduKaiilaBoiteux,oùilstrouveraientsansdoutedelasympathiemaispeud’aidesousformed’hommesarmés.Enfait,ellesetrouvaitàl’opposédesNeufPuits,quiétaitl’oasisdelarégionoùl’ontrouvaitdessoldats.LorsquelanouvelleduraidatteindraitlesNeufPuits,lespillardsseraientsansdouteàdesmilliersdepasangsdelà.

Je fis pivoter mon kaiila et descendis à flanc de colline. J’avais repéré le camp desnomadespendantlanuit.

Jelesyretrouverais.Ilmefallaitrencontrerleurchef.«Tutravaillesbien,»dis-jeàl’esclave.Elleétaitseuleaucamp.Elle poussa un cri. Le gros pilon arrondi à l’extrémité, qui faisait environ un mètre

cinquante de haut et plus de vingt centimètres de large à la base, tomba. Il pesaitapproximativementquinzekilos.Lorsqu’il tomba, le lourdrécipientenbois,qui faisaitunetrentaine de centimètres de profondeur et une quarantaine de centimètres de diamètre, serenversa.LesgrainesdeSa-Tamas’éparpillèrentparterre.Jelaprisparlesbras,par-derrière.

Commedenombreuxcampsdenomades, lecampétaitsuruneéminence,dominant lesenvirons, mais il était dissimulé dans les buissons et les rochers. Il y avait un enclos debuissonsépineux,arrachésettressés,destinéauxkaiilas.Àl’intérieur,pourlemoment,ilyavaitquatrekaiilasdetrait.Ilyavaitcinqtentesenpoildekaiila,brunetdiscret,fixéesausolsur trois côtés, avec l’avant, dirigé vers l’est pour profiter de la chaleur du soleil levant,ouvert.Cestentes,tentesnomadestypiques,étaientpetites,troismètresdehautetenvironcinqmètresdelarge;ellesétaientsoutenuesparunearmaturedebois;lesol,àl’intérieur,nivelé,étaitrecouvertdenattes.Àl’arrière,lestentesétaientbasses,touchantlesol.C’estaufond que les marchandises sont entreposées. Dans une situation de famille normale, lesustensiles de cuisine et les possessions des femmes sont entreposés sur la gauche et lesaffairesdeshommes,couvertures,armesetautres,setrouventàdroite.Cesustensiles,ceuxdes femmes aussi bien que ceux des hommes, se trouvent dans des sacs en cuir de taillesdiverses.Ceux-ci,confectionnéspar les femmes,ontsouventdesfrangesdecouleuretsontparfoismagnifiquementdécorés.

Jeregardaiautourdemoi;ilyavaitpeudedifférenceentrececampetuncampnomadeordinaire. Une différence fondamentale, toutefois, était l’absence de femmes libres etd’enfants.Danscecamp,iln’yavaitquel’esclave,chargéedebroyerlegrainetdesurveillerleskaiilas.

Jesouris.C’étaituncampdepillards.Jelâchailafemme.Elleseretourna.—«Toi!»cria-t-elle.Alyenaétaithabillée.Elleportaitunelonguejupeàbordure,avec

unfilécarlatesur l’ourlet,quivola lorsqu’ellepivotasurelle-même;elleportaituneveste,marron, de tissu de poil de kaiila provenant de la toison inférieure de l’animal, avec unecapuchequireposait,àcemoment-là,sursesépaules.Souslaveste,elleportaitunechemisebonmarché,enreps,bleuetjaune,quicollaitàsapeau.

Aucou,elleavaituncolliermétalliquequin’étaitpluslemien.Je regardai le drapé de la soie sur ses hanches, la candeur délicate, révélatrice, de sa

chemise.Sonmaîtrene luiavaitpasdonnédesous-vêtements.Àquoipourraient-ils serviràune

esclave?Elleportaitdesbabouches.

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Ellemeregarda,effrayée,lesyeuxtrèsbleus,lescheveuxdéfaitsetséduisants.—«Jevois,jolieAlyena,»dis-je,«quetuportesàprésentdesbouclesd’oreilles.»Ils’agissaitdegrandsanneauxenor,barbares.Ilstouchaientlescôtésdesoncou.— « Il m’a fait subir cette humiliation, » dit-elle. « Il m’a percé les oreilles avec une

aiguilledeselle.»Jen’endoutaispas,comptetenudel’isolementducamp.Cetteopération,naturellement,

estengénéralréaliséeparunBourrelier.«Ilmelesamises,»dit-elle.Ellelevalatêteetenfitbougerune.Jeconstataiqu’elleen

étaitfière.«Ellesproviennentdesespillages,»ajouta-t-elle.Alyena, femme de la Terre, acculturée sur le plan des boucles d’oreilles, n’était pas

opposée à elles en elle-même. Si elle avait eu des objections, elle se serait probablementrapportéesàd’autrespointscomme,parexemple,lefaitqu’onluiaitpercélesoreillescontresavolonté;lefaitqu’ellen’aitpaschoisilesboucles;etlefaitque,entantquemaître,sansluidonnerlechoix,sanssepréoccuperdecequ’ellepensait,parcequecelaluifaisaitenvie,illes lui avait simplementmises, les faisant porter à son esclave.Mais elle ne semblait pasmécontente. Elle avait bonne mine. Alyena, bien qu’elle parût inquiète, ne semblait pasmalheureuse.

— « Les boucles d’oreilles, » lui dis-je, « par les femmes goréennes, sont considéréescomme la dégradation ultime, ne convenant qu’aux esclaves effrontées et sensuelles, auxfillesimpudiques,heureusesqueleshommeslesaientcontraintesàlesporter,etbelles.»

—«LesfemmeslibresdeGorneportentpasdebouclesd’oreilles?»demandaAlyena.—«Jamais,»dis-je.—«Seulementlesesclaves?»—«Seulementlesesclaveslesplusdégradées,»précisai-je.«Tun’asdoncpashonte?»Elleritjoyeusement.—«Lafiertén’estpasautoriséeauxesclaves,»déclara-t-ellefièrement.Elletournalatêted’uncôtéetdel’autre,lesbouclesd’oreillessebalançant.— « De nombreuses esclaves, » dis-je, « une fois habituées aux boucles d’oreilles, les

aimentetsupplientmêmeleurMaîtredeleurendonner.»—«J’aimelesmiennes,»dit-elle.—«Seullecollierrendunefemmeplusbelle,»soulignai-je.—«Jeportelesdeux!»s’écriaAlyena.Ellelevalatête,souriante.—«Maistut’yopposescertainement?»m’enquis-je.— «Oh, bien sûr, » répondit-elle rapidement. « Les esclaves sont censées s’y opposer,

n’est-cepas?»—«Jesuppose,»fis-je.—«Danscecas,»dit-elleavecunsourire,«jesupposequejem’yoppose.»—«MaistonMaîtrefaitcequ’ilveutdetoi?»demandai-je.Ellegonflalapoitrine.Ellesetenaittrèsdroite.Sesyeuxlançaientdeséclairs.— « Mon Maître, » répondit-elle, « fait exactement ce qu’il veut de moi. Il n’est pas

faible!»—«Jenevoulaispasinsinuerqu’illefût,»medéfendis-je.—«Mavolontédoitcéderàlasienne,parfaitement,complètement,entout,»précisa-t-

elle.«Jenesuisrien.Ilesttout.C’estlemaître.»—«Jevois,»fis-je.—«Jesuispossédée,»insista-t-elle.«Ilexigeuneobéissanceparfaitedemapart.Jene

puisqueluiobéir.Jesuissonesclave.»

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—«Etquepenses-tudecela?»m’enquis-je.Ellemedévisagea.Puiselledéclara:—«Celameplaît.»—«Faisduthé,»dis-je.Soulevantsajupe,lajeunefemmeentradanslatentepourfaireduthé.Auloin,j’aperçus

unnuagedepoussièrepresqueinvisible.Lespillardsrentraient.J’allaidanslatenteet,surunenatte,prèsdel’entrée,m’assis.Jerejetaienarrièrelacapuchedemonburnous.Ilfaisaittrèschaud.DansleTahari,ilya

presquecontinuellementunventbrûlant.—«J’aieupeur,quandjet’aivu,»ditlajeunefemme,prenantunemesuredethédans

unepetiteboîtemétallique,«quetusoisvenumereprendre.Mais jeprésumeque,si telleavaitététonintention,tul’auraisdéjàfait.»Elleavait,danslatente,retirésavesteenpoildekaiila, avec une capuche. Lorsqu’elle se pencha, ses seins tendirent joliment le reps bonmarchédesachemise.

—«Peut-êtrepas,»fis-je.Sa main trembla légèrement sur la boîte métallique contenant le thé. Ses yeux

s’embuèrent.«Travailles-tudur,ici?»demandai-je.—«Oh,oui !»Elle rit.«Dumatinausoir, je travaille.Jedois ramasserduboisetdu

crottindekaiilapourlefeu.Jedoispréparerlesragoûtsetlesbouillies,puislaverlesplatsetles bols ; je dois secouer les nattes et balayer l’intérieur des tentes ; je dois frotter lesvêtements, cirer les bottes et le cuir ; je dois réparer et coudre ; je tisse ; je fabrique descordes,jecoudsdesperlessurlecuir;jebroielegrain;jem’occupedeskaiilas;deuxfoisparjour, je traie les femelles ; je faisdenombreuseschoses ; je travaillebeaucoup.»Sesyeuxpétillèrent.«Jefaisiciletravaildedixfemmes,»précisa-t-elle.«Jesuislaseulefemmeducamp.Tous les travauxdésagréables, sans importance, triviaux,m’incombent.Leshommesneveulentpaslesfaire.C’estuneinsulteàleurpuissance.»Ellelevalatête.«Toi-même,»ajouta-t-elle,«tum’asdemandédetefaireduthé.»

— « Est-il prêt ? » demandai-je. Je regardai la petite bouilloire de cuivre sur son petitsupport.Unminusculefeudecrottindekaiilabrûlaitdessous.Unpetitverre lourd,ventru,étaitàcôté,suruneboîteplate,d’unecontenancedequelquescentilitres.Onboit le thédeBazidansdepetits verres, généralement troisde suite, soigneusementmesurés.Ellene fitpasdethépourelle,bienentendu.

Sans inquiétude, je regardai l’horizon. Le nuage de poussière était plus proche. Sur unpoteau,prèsdel’entréedelatente,étaitsuspendueuneoutred’eau.

«Etlanuit,»demandai-jeàlajeunefemme,«es-tuautoriséeàtereposer?»Elleétaitencorecouvertedesueur,d’avoirbroyélegraindevantlatente.—«Mestravauxdiurnes,»releva-t-elle,«sontceuxd’unefemmelibre,maisn’oubliepas

cequejesuis.»Jelaconsidérai.«Jesuisuneesclave,»dit-elleenriant.— « Le soir, » fis-je « tu quittes tes babouches pour mettre des soieries et des

clochettes.»—«Sij’ysuisautorisée,»précisa-t-elleavecunsourire.«Souvent,jesersnue.»Ellerit.

«C’estlanuitquejetravaillevraiment.Oh,leschosesqu’ilmefaitfaire,deschosesdontjen’auraisjamaisrêvé!»

—«Es-tuheureuse?»demandai-je.

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—«Oui,»répondit-elle.—«Lesautrescavalierstepartagent-ils?»demandai-je.—«Biensûr,»dit-elle.«Jesuislaseulefemmeducamp.»—«Detempsentemps,yena-t-ild’autres?»demandai-je.— « Parfois, » répondit-elle. « Des femmes libres, des esclaves capturées dans les

caravanes.»—«Queleurarrive-t-il?»—«On les conduitdans lesoasiseton lesvend,» répondit-elle.«Mes tâches, en tant

qu’esclave,»confia-t-elle,«neselimitentpasauxnuits.Ilm’utilisesouvent.Parfois,lorsqueledésirletientilm’appelle,ensueurparcequejetravaille,etmefaitleservir.Parfois,ilmeremonte simplement la jupe au-dessus de la tête et me jette sur les nattes, me prenantrapidementpuism’ordonnantderetournerautravail.»

—«Es-tusouventfouettée?»demandai-je.Elleseretournaetremontasachemise,memontrantsondos.—«Non,»répondit-elle.Ilyavaitpeudemarquessursondos,néanmoinsjevisuneou

deuxtracesdecoups.Iln’yavaitpasdecicatrices.Lefouetàcinqlargeslanièressouplesavaitétéutilisé.C’estcequel’onutiliseordinairement,enplusdelabadine,aveclesfemmes.C’estun instrument important. Il punit avec une efficacité terrifiante mais ne laisse pas demarque.

«J’aiétépuniedeuxfois,»précisa-t-elle,«unefois,audébut,danslestentes,oùj’avaisosémemontrer insolente, la deuxième fois parce que j’avais étémaladroite. »Elle sourit.«Depuis,jen’aipluséténimaladroiteniinsolente,»conclut-elle.Ellepritlabouilloiresurlefeuet,soigneusement,meservitunpetitverredethé.

Jeprisleverre.—«TonMaîtreest-ilbrutal?»demandai-je.—«Non,»répondit-elle.«Iln’estpasbrutal,maisilestsévère.»—«Dur?»demandai-je.—«Oui,»répondit-elle.«Jediraisqu’ilestdur.»—«Maispasbrutal?»—«Non,»répondit-elle.—«Tesrelationsaveclui?»—«Esclave.»—«Sesrelationsavectoi?»—«Maître.»—«Discipline?»m’enquis-je.Ellesourit.—«Jesuissoumiseàladisciplinelaplusstricte,»répondit-elle.—«Maistuesrarementfouettée?»—«Presquejamais,»dit-elle.«Maisjesaisqu’ilestparfaitementcapable,commeill’a

démontré,demefouetter.Sijeluidéplaisais,jesaisquejeseraisbattue.»—«Tuvissouslamenacedufouet?»—«Oui,»répondit-elle.«Etlamenacen’estpasvidedesens.»Ellemeregarda.«Ilest

assezfortpourobtenircequ’ilveutdemoi.Etillesait.Etjel’aicompris.Ilestassezfort,sijeluidéplais,pourmefouetter.»

—«Commenttrouves-tucela?»—«Significatif,»répondit-elle.«Etexcitant.»—«Tusemblesaimerêtredominéeparunhomme,»fis-jeremarquer.

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—«Jesuisunefemme,»répondit-elle.Ellebaissalatête.«J’aidécouvertdessentimentsque jen’avais jamais eus,» expliqua-t-elle.Elle leva la tête.«J’aidécouvert,dans lesbrasd’un homme fort, intransigeant, la profondeur, la joie, la vitalité extraordinaire de masexualitéféminine.»

—«TuneparlespascommeunefemmedelaTerre,»fis-jeencoreremarquer.— « Je suis une esclave goréenne, » répondit-elle, à genoux, touchant ses boucles

d’oreilles.—«Ilmesemble,»repris-je«quetuparaisaimertonMaître.»— « S’il ne m’ordonnait pas d’y renoncer, » lança-t-elle avec audace, « je lécherais la

poussièresursesbottes!»Soudain, elle regarda autour d’elle. Elle avait également vu le nuage de poussière. Elle

compritquelescavaliersrentraient.Sesyeux,soudain,exprimèrentlafrayeur.«Tudoisfuir,»dit-elle.«Ilstetueronts’ilstetrouventici!»—«Jen’aipasterminémonthé,»dis-je.— « As-tu, » demanda-t-elle avec hésitation, « l’intention de faire du mal à mon

Maître?»—«Jedoislerencontrer,»répondis-jesimplement.Elle recula.Jeposaimonthésur lesable,entredeuxnattes,prèsdemoi.Jenepensais

pasqu’il se renverserait.Elle recula encored’unpas. Je tendis le bras sur le côté, prit unechaînequisetrouvait là,suruntas,detouteévidencedestinéeàenchaînerlesesclavesquiseraientsansdoutecapturéesaucoursdupillagedelacaravane.Alyenapivotasurelle-mêmeet, avec un cri, s’enfuit en direction du nuage de poussière. La chaîne jaillit demamain,s’enroula autour de ses chevilles, battant autour d’elle, dans un tourbillon de jupe et decheveuxblondsetelletomba,lesbrasécartés,danslapoussière.Uninstantplustard,jefussurelle,àgenouxsursondos,lamaingauchesursabouche,luitirantviolemmentlatêteenarrière.Puisjemisrapidementlamaindroitesursabouche,avantqu’elleaitpucrieret,mamaingauchedanssescheveux, la fis leveret la traînaidans la tente.Je regardaiautourdemoi et trouvai quelques tissus que jemis en tas sur les nattes. Puis je la couchai sur unenatteet,àgenouxsurelle,aveclamaingauche,luienfonçaiuneécharpedanslabouche,queje fixais ensuite avec plusieurs tours de ceinture, utilisant le reste de la ceinture pour luibanderlesyeux.Puisjelamisàplatventre.Avecunelanièredecuir,jeluiattachailesmainsdansledos.Ensuite,jeluicroisaileschevillesetlesattachaiavecuneautreceinture.Puisjela jetai au fondde la tente, sur le côté droit qui est, chez lesnomades, le côté réservé auxpossessionsdeshommes.

Puisj’allaimeposterprèsdel’entréedelatente.Monkaiilaétaitattachéderrière.Lechef,aveclesdeuxfemmesquitrébuchaient,épuisées,lespiedsensang,attachéesau

pommeaudesaselle,arrivalepremierausommetdel’éminence.Ilmevitimmédiatementettoussessensfurentenéveil.Ilcriaunordreàseshommes.Ilssedéployèrentendemi-cercle.

Jevislecimeterre,levé,danslamainduchef.Déroulantrapidement,delamaingauche, les laissesdesprisonnières, il les jetaàunde

ses hommes.Derrière elles, je voyais les kaiilas de trait capturés. Il y avait neuf hommes,sanscompterlechef.Lekaiiladuchefsecabra.Jeconstataiquesonintention,sansmettrepiedàterre,étaitde jeter lekaiilasur latente, l’animal l’abattantavecsontrainavant.Elleseraitarrachée,l’armatureseraitbriséemais,penchésursaselle,ilpourraitfrapper.

Jeprisl’outresuspendueàunpoteau,devantl’entréedelatente.Unhommepoussauncriderage.Jelevail’outreetbus.Jelarebouchaietlaremissurlepoteau,m’essuyantlaboucheavec

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lamanche.Lechefrengainasoncimeterreet,souplement,mitpiedàterre.Je retournaim’asseoir sur lesnatteset reprismonpetitverrede thé,que jen’avaispas

terminé.Ilentradanslatente.«Lethéestprêt,»dis-je.Ilgagnalefonddelatenteet,avecunpoignard,coupalesliensd’Alyena.Elleleregarda,

terrifiée. Mais il n’était pas en colère contre elle. C’est sans la moindre difficulté que leshommesattachentlesfemmes.

—«Sers-nouslethé,»dit-il.Tremblante,elleluiversaunpetitverredethé.Seshommessetenaientdehors,méfiants.—«Cethéestexcellent,»dis-je.Enpartageantleureauj’étaisdevenu,conformémentàlatraditionduTahari,leurinvité.

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9

ZINA,BELLETRAITRESSE,ESTTRAITÉEÀLAMANIÈREDUTAHARI

«ENCHAINElesdeuxprisonnières,»ditlechefdespillardsàundeseshommes.Puisilsetournaversmoi.Unhommeentradans la tente et prit les chaînes roulées sur lesnattes, prêtes. L’autre

chaîne,illaramassadanslapoussièreoùjel’avaisjetée,entravantleschevillesd’Alyena.«Àgenoux!»ditundeshommes.«Non,Hassan!»criaunedesfemmes.L’autrefemme,cellequis’étaittiré lescheveux

enpoussantdescrisdedésespoiraumomentdesacapture,s’agenouilla.Lafemmequi,aumoment de sa capture, avait regardé ses poignets liés d’un air incrédule, était furieuse,défiante.

Ellevints’immobiliserdevantlui,nuedanslatente,surlesnattes.Soncorpsétaitcouvertde sueur. Ses jambes, des cuisses aux chevilles, étaient couvertes de poussière, foncées àcause de la sueur et écorchées par lesmyriades d’épines des buissons au travers desquels,attachéeàlaselledesonravisseur,elleavaitététraînée.

«C’estmoi, Zina, » dit-elle, « qui, pour un disque d’or au tarn, ai trahi la caravane, telivrantsoninventaire,sonhoraireetsonitinéraire!»

Cesélémentsétaient,engénéral,dessecretsbiengardés,auTahari,mêmeen tempsdepaix.

L’autrefemmepoussauncridecolèremaisn’osapasselever.«Enchaîne-la,»ditHassan,montrant la femmeàgenoux.Unhomme,par-derrière, lui

passaauxchevillesdesanneaux reliésparenviron trente centimètresde chaîne.J’entendislesdeuxclaquementssecsdesserrures.Puisildétachalespoignetsdelafemmeetroulalalanièredecuir.Devantlecorps,illuiattachalespoignetsavecdesmenottes.

« Au soleil, » dit Hassan à deux autres de ses hommes. Ils s’en allèrent et revinrentbientôt avec un gros pieu pointu. Il faisait environ un mètre vingt de haut et quinzecentimètresdediamètre.Unhommetint lepieu tandisque l’autre,avecune lourdemasse,l’enfonçait profondément, fermement, dans la terre, jusqu’au moment où seuls cinqcentimètres restèrent encore visibles. À cette extrémité, fixé à une bande métalliqueboulonnée,logéedansuneencocheprofonde,ilyavaitunanneaumétallique.L’hommequiavaittenulepieupritensuiteuncollieràserrure,avecunechaîned’environunmètredelongetunmousquetonàserrureetattachalafemmeàgenoux,parlecou,aupieu.

«Libère-moi!»exigeaZina.«Libère-la,»ditHassan.Undeseshommesluidélialespoignets.«Paie-moi!»exigea-t-elle.Surungested’Hassan,undeseshommespritundisqued’orautarndansunpetitcoffret

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etledonnaàlafille.Elleleserradanssamain.«Donne-moidesvêtements,»dit-elle.—«Non,»réponditHassan.Elleleregarda,effrayée.«Tuasétépayée,»reprit-il.«Àprésent,va-t’en.»Elleregardaautourd’elle,effrayée.Elleregardaledisqued’orautarn.—«Donne-moidel’eau,»dit-elle.—«Non,»répondit-il.—«Jevaisenacheter,»proposa-t-elle,effrayée.—«Jenevendspasd’eau,»rit-il.«Va-t’en.»—«Non,»sanglota-t-elle.—«Va-t’en,»répéta-t-il.—«Jevaismourirdansledésert,»pleura-t-elle.Ledisqued’orautarnbrillaitdanssamain.«J’aitrahilacaravanepourtoi!»cria-t-elle.—«Tuasétépayée,»répondit-il.Elleregardasuccessivementtousleshommesdanslesyeux.Seslèvrestremblaient.—«Non,»souffla-t-elle.«Non.»ElleregardaAlyenaquiétaitàgenouxprèsduthé, fixant lesnattes,n’osantpas lever la

tête.Lesépaulesd’Alyenafrémissaient.Sesseins,pendants, libres, tendaientsachemisedereps.Lafillenues’agenouillaprèsd’elle,désespérée,timide,etluiposalamainsurl’épaule.

«Prendsmadéfense,»suppliaZina.—«Jenesuisqu’uneesclave,»sanglotaAlyena.—«Prendsmadéfense,»suppliaZina.Alyena,désespérée,lesyeuxpleinsdelarmes,regardaHassan,sonMaître.—«Jeprendssadéfense,Maître!»s’écria-t-elle.—«Sorsdelatente,sinontuserasfouettée,»ditHassan.Alyenaselevad’unbondet,enlarmes,quittalatenteencourant.La jeune femme, à nouveau, presque accroupie à présent, regarda successivement les

visagesdeshommes.Ellelesregardatousdanslesyeux.Leursyeuxétaientimpitoyables.Elleselevad’unbond.—«Non,Hassan!Non!»cria-t-elle,serrantledisqued’orautarndanssapetitemain.—«Quittelecamp,»dit-il.—«Jevaismourir,dansledésert,»souffla-t-elle.—«Quittelecamp,»répéta-t-il.—«Garde-moicommeesclave!»cria-t-elle.—«N’es-tupasunefemmelibre?»demanda-t-il.—«Jet’enprie,Hassan,»sanglota-t-elle,«garde-moicommeesclave.»—«Maistueslibre,»souligna-t-il.—«Non!»cria-t-elle.«Dansmoncœur,j’aitoujoursétéunevéritableesclave.Jefaisais

seulementsemblantd’êtrelibre.Fouette-moi!Bienquej’aieeulachancedenejamaisporterdecollier,denejamaisêtremarquéeetdominée,jesuisuneesclavenaturelle!Bienquejeviveenfemmelibredepuismanaissance,j’aicachélefaitquejesuisuneesclavevéritable!»

—«Etquandas-tucompriscela?»s’enquitHassan.—«Quandmoncorpsachangé,»répondit-elle,baissantlatête.Leshommesrirent.Je la regardai. Ses formes étaient jolies. Il n’était pas improbable qu’elle plaise à un

maître.

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EllesetenaitdevantHassan,détendue,douce,bienqu’effrayée,lepieddroitàangledroitparrapportaugauche,leshanchestournées,luioffrantsabeautécommeuneesclave.

«Jet’avoue,Hassan,»dit-elle,«cequejen’aijamaisavouéàpersonne…àsavoirquejesuisuneesclave.»

—«Juridiquement,»répondit-il,«detouteévidence,tueslibre.»— « Le cœur est plus fort que la loi, » rappela la jeune femme, citant un proverbe du

Tahari.—«C’estvrai,»réponditHassan.—«Garde-moi,»dit-elle.—«Jen’aipasenviedetoi,»répliqua-t-il.Puisilajouta:«Chassezcettefemmelibredu

camp!»Unhommelasaisitparlebras.—«Permets-moidemevendre,»sanglota-t-elle.Entantquefemmelibre,ellepouvaitlefairemais,naturellement,ellenepouvaitannuler

latransactioncar,ensuite,elleneseraitplusqu’uneesclave.Hassanfitsigneàl’hommedelâcherlajeunefemme.Ilobéit.—«Es-tubienconscientedecequetudis?»s’enquitHassan.—«Oui,»répondit-elle.—«Àgenoux!»ordonna-t-il.Elles’agenouilladevantlui.«Qu’as-tuàoffrir?»demanda-t-il.Elletenditledisqued’orautarn.Illeregarda,tendumisérablementversluidanslapaumedesapetitemain.—«Jet’enprie,Hassan,»fit-elle.—«Jevoisquetuesunevéritableesclave,Zina,»dit-il.—«Oui,Hassan,»s’écria-t-elle,«jesuisunevéritableesclave!»—«C’estbeaucoupplusquetunevaux,»ajouta-t-il.—«Prends-le,»supplia-t-elle.Illaregarda.«Jet’enprie,prends-le!»supplia-t-elle.Ilsourit.Ellerespiraprofondément;ellefermalesyeux.Puisellelesouvrit.«Jemevendscommeesclave,»déclara-t-elle.LamaindeHassan,ouverte,était immobileau-dessusde lapièce.Elle leregardaitdans

lesyeux.Samainserefermasurlapièce;latransactionétaitterminée.—«Enchaînezl’esclave!»ordonna-t-il.Rudement, la jeune femmequi s’appelaitZinamaisn’avait, àprésent,pasplusdenom

qu’unkaiilavenantdenaître,futsortiedelatenteetjetéeàplatventresurlescailloux,prèsdupieudesesclaves.Lecollier,par-derrière, futpasséautourdesoncouet fermé ; sa têtebasculaviolemmentsurlecôtéquand,parlachaîneducollier,serréedanslamaind’undeshommes de Hassan, elle fut attachée, par le mousqueton à serrure qui se trouvait àl’extrémitéde lachaîne,aupieudesesclaves.Seschevillesétaientenchaînées,desanneauxlesentourant;samaindroitefutensuiteimmobiliséedansunemenotted’esclave;l’hommede Hassan, glissant la main qui serrait l’autre menotte sous la jambe droite, lui tiraviolemmentlepoignetdroitsouslajambedroite;ensuite,ilfermal’anneaugauchesursonpoignetgauche,luiattachantlesmainsdansledosetsouslajambedroite.Ellegisaitsurleflancparmilescailloux,misérable.Lorsquedesfemmeslibresetdesesclavessontattachées

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ensemble, ilest fréquentderespecter ladistinctionqui lesdifférencieenlesenchaînantunpeudifféremment ;danscecas, lesmainsde la femme libreavaientétéenchaînéesdevantson corps, celles de l’esclave sous la jambedroite ; il est fréquent que l’esclave soitmieuxattachée, et d’unemanière moins confortable, que sa sœur libre ; cela tient compte de lanoblessedelafemmelibreetellebénéficiesouventdecettecourtoisiejusqu’aumomentoùelledevientégalementuneesclave.

«Donnezunebadineà la femme libre,»ditHassan.Ce fut fait ; la fille libremania labadine à deuxmains ; l’esclave, telle qu’elle était enchaînée, ne pouvait se défendre ni seprotéger.

Hassanglissaledisqued’orautarndanssabourse.«Alyena!»appela-t-il.Lafemmevint,encourant,s’agenouillerdevantlui.—«Oui,Maître?»dit-elle.—«Sers-nousencoreduthé,»ditHassan.—«Oui,Maître,»dit-elle.—«Necrains-tupasquelafillelibrelatue?»demandai-jeàHassan.Jefaisaisallusionà

lacorrectioninfligéeàlanouvelleesclaveenchaînéeaupieu.La femme qui s’était appelée Zina implorait pitié d’une voix stridente. Elle n’était pas

entendue.—«Non,»réponditHassan.«Esclave!Esclave!Esclave!»hurlaitlafemmelibre,fouettantlatraîtresseattachée.Mais, quelques instants plus tard, il adressa un signe à l’un de ses hommes et celui-ci,

debout derrière la femme libre, qui était à genoux, saisit la badine lorsqu’elle la leva et,provoquantsafureur,s’enempara.

«Assez, » dit-il à la femme libre. Elle s’assit, furieuse, sur les cailloux, la tête baissée,enchaînéeaupieuparlecou.

«Jet’enprie,Maîtresse,jet’enprie,Maîtresse,»gémissaitl’esclave.«Alyena,»ditHassan.—«Oui,Maître?»répondit-elle.—«Ramasseduboisetducrottin,»dit-il.«Allumedufeu.Faischaufferlefer.»—«Oui,Maître,»dit-elle.—«Cesoir,»dit-il,«nousallonsmarqueruneesclave.»—«Oui,Maître,»dit-elle.J’étaiscertainqueceseraitlamarqueduTahariqui,chaufféeàblanc,seraitappliquéesur

lacuissedel’esclave,enfaisantunemarchandise.Lasurfacedecontactduferseraitsculptéeà la forme de la lettre taharique «Kef » qui est la première lettre dumot «Kajira », quisignifie:femmeesclave,engoréen.

Letahariqueestuneécrituretrèsélégante.Iln’yapasdedistinctionentrelesmajusculeset les minuscules et presque pas entre l’écriture cursive et l’écriture imprimée. Les genscapablesdelireletahariqueimprimén’ontaucunmalàlirel’écriturecursive.LeshabitantsduTahariaimentformersoigneusementetélégammentleurslettres,carilsontdel’affectionpourelles.Griffonnertahariqueestgénéralementconsidérécommelefaitd’individuslents,inefficaces, insensibles à la beauté. La première lettre, en écriture d’imprimerie, du mot«Kajira»,plutôtquelacursive,estgénéralementutiliséepourlemarquagedesesclavesduTahari.Lalettrecursivegoréenneetlalettred’imprimerietahariquesonttoutesdeuxplutôtjolies,ressemblanttoutesdeuxàunefleur.

«Donnezdel’eauàlafemmelibre,»ditHassan.Cefutfait.«L’esclaveattendrad’avoir

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étémarquée,»ajouta-t-il.—«Oui,Hassan,»ditundeseshommes.—«Fais-laboireaprèsleskaiilas,»ditHassanàAlyena.—«Oui,Maître,»dit-elle.— « Tu perds de l’argent sur ces femmes, n’est-ce pas, » fis-je remarquer, « si tu en

marquesuneavantdelaconduireauMarché.»Hassanhaussalesépaules.Denombreuxhommesaimentcroirequ’ilsachètentunefemmefraîche,quiétaitlibre.De

nombreux hommes aiment briser les femmes. En outre, les Marchands d’Esclaves paientgénéralement les femmes libres plus chères que les esclaves. Les esclaves,moins gardées,moinsprotégées,sontplusfacilesàseprocurer.Lesesclaves,enoutre,sontmoinssouventl’objet de tentatives de sauvetage. Personne ne se préoccupe de ce qui arrive aux esclaves.Ellesportenttoujourslecollierd’unhomme,quecesoitdansunecitéouuneautre.Qu’est-ce que cela peut faire ? Ce ne sont que des esclaves. Parfois j’ai l’impression que, tout aumoinsdans lenord, il existeunaccord taciteentre les cités.Lesbellesesclaves,piedsnus,portantdesbracelets,vêtuesdelivréesscandaleusementcourtes,quiexhibentleurscharmesconsidérables,portantuncollier,lescheveuxdéfaitsetflottantauvent,vives,marchantavecexaltation, sont nombreuses sur les Hauts Ponts de la cité, qui réunissent les nombreuxcylindres et tours, alors que les femmes libres, tranquilles, dignes, vertueuses, ne sont pasencouragées, vêtuesde leursRobesdeDissimulation, à les emprunter.Les jeunes tamiers,ainsi, pour tester leur courage, disposent d’un choix abondant de femmes correctementexposées.Quiseraitassezstupidepourrisquersaviepourunefemmelibrequi,unefoisnue,pourrait se révéler décevante alors que, en courant moins de risques, il est possible decapturer une quantité connue, une femme qui a probablement été dressée, comme unanimal, à satisfaire délicieusement les passions des hommes, une femme qui, énergique,impuissante sous sa caresse, ses mains et sa bouche déclenchant ses réflexes d’esclave,suppliera de l’aimer et de lui obéir, et fera tout son possible pour le satisfaire. Cesarrangements, àmon avis, n’étaient pas sans lien avec le souci des cités de protéger leursfemmeslibresqui,ennombre,tombentrarementàl’ennemi,saufsilacitéelle-mêmetombe,auquel cas elles se retrouvent, naturellement, comme les esclaves, sous les torches devictoire,complètementnues,attachéesauxChevaletsdePlaisirdesconquérantspourêtre,lelendemain matin, après la fête de la victoire, enchaînées et marquées. Les hommesrespectentlesfemmeslibres;ilsdésirent,recherchentetaimentleursesclaves.

— « En tant que femme libre, » dit Hassan avec un sourire, « elle ne m’aurait rienrapporté.»Ilfaisaitallusionàcellequis’appelaitZina.«Entantquefemmelibre,»ajouta-t-il,« je l’auraisenvoyéedansledésert.Entantqu’esclave,ellemerapporteratoutdemêmeunpeud’argent. » Il eut un sourire ironique. «Et, naturellement, » reprit-il, « samarqueserafraîche.»

—«C’estvrai,»reconnus-je.—«Enoutre,»ajouta-t-il,«celameferabeaucoupdeplaisirdelamarquer.»Jesouris.« Dans son asservissement, » dit-il en riant, « elle se souviendra de celui qui l’a

marquée.»—«HassanleBandit,»dis-je.—«Enpersonne,»réponditlepillarddudésert.«Àprésent,buvonslethé.»

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10

HASSANQUITTEL’OASISDESDEUXCIMETERRES

L’OASIS des Deux Cimeterres est une oasis isolée, sous l’hégémonie des Bakahs qui,depuisplusdedeuxcentsans,aprèsavoirperdu laGuerrede laSoie,en8110C.A.,étaientunetribuvassaledesKavars.LaGuerredelaSoiefutuneguerrepourlecontrôledecertainsitinérairesdecaravanes,pourledroitdepercevoiruntributsurlesmarchands.Onl’appelalaGuerre de la Soie parce que, à cette époque, les soies turiennes commencèrent à êtreimportéesenquantitéauTahari,ainsiqu’àToretKasrapuis,delà,àArainsiqu’aunordetàl’est. Le tribut, il est bon de le remarquer, n’est plus perçu au Tahari. Ou plutôt, avec lecontrôledespointsd’eauetdesoasis,iln’estplusnécessaire.Lescaravanessontobligéesdepasserparcespoints.Danslesoasis,lespachaslocauxfontgénéralementpayerunetaxedeprotectionauxcaravanessiellesfontunecertainelongueur,généralementplusdecinquantekaiilas.Lataxedeprotectioncontribueàl’entretiendessoldatsqui,théoriquementdumoins,font régner l’ordre dans le désert. Il n’est pas rare que la généalogie de presque tous lespachasrégnantsurlesdiversesoasiscontienneunecertainequantitédepillards.AuTahari,presquetousceuxquioccupent lesTapisduPouvoirsont lesdescendantsd’hommesqui,àuneépoqueplusrude,lecimeterreàlamain,gouvernaientdepuislecuirrougedelaselledeleurkaiila.Les formeschangentmais, auTahari commeailleurs, l’ordre, la justiceet la loireposent,enfindecompte,surladéterminationdeshommes,etl’acier.

Ilétaittardlorsque,surunefile,danslessablesargentéssouslalumièredestroislunes,nousarrivâmesauxDeuxCimeterres.

Deshommesarmésseprécipitèrentànotrerencontredanslenoir,nousencerclant.«C’estHassan,»ditunevoix.«Onn’estjamaistropprudent,actuellement,»dituneautrevoix.«Tal,»ditHassanauMarchanddressésursesétriers.—«Nousavonsdel’eau,»ditleMarchand,saluantleBandit.Hassansedressasursesétriers,regardantlespalmiers,lesmursdeterrecuiterouge,les

bâtimentsdeboueséchée,dontquelques-unscomportaientundôme,lesjardinsdel’oasis.«As-tudesmarchandisespourmoi?»s’enquitleMarchand.—«Oui,»réponditHassan.Lafemme,lesreinsarqués,latêteenbas,leventreexposé,

attachéesurlekaiila,devantlaselle,sedébattitengémissant.C’étaitZina.Mais,àprésent,c’étaitentantqu’esclavequ’elleportaitsonnomdefemmelibre,cenomluiayantétédonné,pour l’humilier, par son maître, Hassan le Bandit. Sa compagne également capturée, quis’appelait Tafa, était attachée de la même manière devant la selle d’un des hommes deHassan.L’intérieurdouxdes cuissesdesdeux femmesétait ensanglanté, couvertde tachesrougeâtres,jusquesurlecôtédugenou,maisuneseuleportaitdanssachair,surl’extérieurdelacuissegauche,récemmentimprimée,lamarquedesesclavesduTahari.SeuleZinaétaitdésormais une esclave. Les autres hommes de Hassan conduisaient des kaiilas de traitportantlesmarchandisesvoléesàlacaravane,quatrejoursauparavant.

Lesbâtimentsdeboueséchéed’uneoasistellequecelledesDeuxCimeterresdurentde

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nombreusesannées.Danscetterégion, iln’estpasrarequ’ils’écouleplusieursannéessansunegouttedepluie.

Maisquandlapluietombe,cependant,elleestparfoisviolente,transformantlarégionenfondrière. Après des pluies, des nuages énormes de mouches des sables, normalementendormies, apparaissent. Elles s’attaquent aux kaiilas et aux hommes. En général, on netrouve des insectes volants qu’à proximité des oasis. Toutefois, on trouve diverses espècesd’insectes rampants et d’insectes prédateurs dans de nombreuses régions, même loin del’eau.Lezaditestunpetitoiseauauxplumesbrunesetaubecpointu.Ilsenourritd’insectes.Quand lesmouchesdessablesetd’autres insectesapparaissentaprès lapluie,se jetantsurleskaiilas, iln’estpas rarequ’ils seposent sur lesanimauxet restent sureuxpendantdesheures,chassantlesinsectes.Celasoulagelekaiilamaislelaisseavecdenombreusespetitesblessures,irritantesetdésagréables,auxendroitsoùl’oiseauaarrachélesinsectesenfoncésdans sa peau. Ces petites blessures, lorsqu’elles s’infectent, se transforment en abcès ; lesconducteurssoignentcesabcèsavecdesemplâtresdecrottindekaiila.

—«Ilyasixjours,»ditleMarchand,«dessoldats,desAretaidesNeufPuits,ontattaquél’OasisduSleendesSables.»

CesparolesduMarchandmetroublèrent.Je regardai autour demoi. Dans le clair des lunes, je constatai que des kaiilas étaient

passésàtraverslesjardins.Jevisdesmursabattus,leshautsmursdeterreséchéerougequimaintiennent les cours à l’ombre et les protègent contre les pillards. Je comptai neufpalmiers-dattiersabattus,gisantdanslapoussière,leursfeuillesdéjàsèchesetmortes,leursfruitsencoreverts.Ilfautdenombreusesannéesavantqu’untelarbredonnedesfruits.

« Ils nous ont attaqués hier soir, » précisa le Marchand, « mais nous les avonsrepoussés.»

—«LesAretaisontdessleens,»commentaHassan.Jemedemandaipourquoicelaletouchaittellement,lui,unbandit.—«Ilsontdétruitunpuits,»ajoutaleMarchand.Toutlemonderestasilencieuxpendantquelquetemps.Hassanetseshommesnecrièrent

pas.PuisHassandit,d’unevoixàpeineaudible:—«Neplaisantepas.»—«Jeneplaisantepas,»insistaleMarchand.—«LesAretaisontdessleens,»ditHassan,«maiscesontdeshabitantsduTahari.»—«Lepuitsesthorsd’usage,»maintintleMarchand.«Veux-tulevoir?»—«Non,»réponditHassan.—«Nousessayonsd’enretirerlesrochersetlesable,»expliqualeMarchand.LevisagedeHassanétaitblême.Il est difficile, pour ceux qui n’habitent pas le Tahari, d’imaginer la gravité d’un crime

consistant à détruire une source d’eau. Cela est considéré comme un crime presqueinconcevable,manifestementleplushideuxqu’ilsoitpossibledeperpétrerdansledésert.Untel acte, considéré comme une monstruosité, va bien au-delà d’un simple acte de guerre.Vraisemblablement, enquelques jours, lanouvelle selon laquelle lesAretai avaientdétruit,ou tenté de détruire, un puits aux Deux Cimeterres, se répandrait comme une tramée depoudredansledésert,enflammantetrévoltantleshommes,deTorauxfortinscommerciauxturiens,auxcomptoirscommerciaux,àTurmas.Cetacte,perpétrécontrelesBakahsdesDeuxCimeterres,tribuvassaledesKavars,entraîneraitsansdoutelaguerredanstoutleTahari.

«Lesmessagersdeguerresontdéjàpartis,»annonçaleMarchand.

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Les tribus des diverses oasis, du désert, des territoires des nomades et des kasbahsseraientappelées.Ceseraitlaguerre.

Unpuitsavaitétédétruit.«Lesaffairesdoiventcontinuer,»enchaînaleMarchand.IlregardaHassan.Samainétait

poséesurlecorpsdeZina.—«Es-tucertainquelespillardsétaientdesAretai?»demandai-jeauMarchand.—«Oui,»répondit-il.«Ilsn’ontpasprislapeinedesecacher.»—«Surquoifondes-tutaconviction?»m’enquis-je.—«Àquelletribuappartiens-tu?»demanda-t-il.—«C’estHakimdeTor,»réponditHassan.«Jemeportegarantdelui.»—«L’agalétaitceluidesAretai,»réponditleMarchand.«Lesmarquesdessellesaussi.

Etilscriaient,enattaquant:«PourlesNeufPuitsetSuleiman!».N’est-cepassuffisant?»—«Jevois,»fis-je.— « Si les Aretai veulent la guerre, et la destruction de l’eau, ils l’auront, » promit le

Marchand.—«Jeveuxpartiravantl’aube,»intervintHassan.—«Biensûr,»s’empressaleMarchand.«Qu’avez-vous?»demanda-t-il.«Unefemme

libreetuneesclave.»Ilsetournaversdeuxdeseshommes.«Conduisezleskaiilasdetraitdansmacour,»ordonna-t-il,«etdéballezlesmarchandises!»

Ilssehâtèrentdeluiobéir.«Intéressant,Hassan,»relevaleMarchandavecunsourire,«quetuaieschoisideporter

l’esclavedevanttaselle.»Hassanhaussalesépaules.«Lamarqueestfraîche,»fitremarquerleMarchandavecunsourire.—«Exact,»fitHassan.—«Ilestprobablequetuasposétoi-mêmelefersursapeau,»ditleMarchand.—«Oui,»réponditHassan.—«C’estdel’excellenttravail,»apprécialeMarchand.«Tamainestpréciseetferme.»Lafemmesedébattit.—«J’aimarquédenombreusesfemmes,»relevaHassan.—«Etmagnifiquement,»précisaleMarchand.Ses mains, sûres, exactes, firent une estimation préliminaire des courbes de l’esclave

attachée.Ellegémit.«Est-ellesensible?»s’enquitleMarchand.—«Touche-la,etvois,»réponditHassan.La femmese tortilladevant la selle, tirant sur ses liens, immobilisée.Elle cria, lesyeux

fermés,lesdentsserrées,latêtesebalançantfollementdedroiteàgauche.—«Elleestsensible,»commentaleMarchand.En général, on chauffe les femmes avant de les conduire dans une oasis. Il n’est pas

difficiledestimulerleursensibilité,dufaitqu’ellessontattachées.Oncommenceapproximativementuneheureavantd’arriver.LeMarchandallaensuiteprèsdeTafa, lafemmelibre.Ellecriaégalement,impuissante,

tirantsurlesliensquiemprisonnaientsesjolismembres.«Es-tulibre?»s’enquitleMarchand.—«Oui,oui,»sanglota-t-elle.—«Tu tiressur lescordescommeuneesclave,» luidit-il.Elleeutungémissementde

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protestation.Puis,généreusement,illalaissatranquille.«Amène-les,»dit-ilàHassan.«NousallonslesmettredansleCercled’Appréciationetje

fixeraiunprix.»LeMarchand pivota sur lui-même et entra dans la cour. Hassan, ses hommes et moi,

lentement,àdosdekaiila,noussuivîmesleMarchanddanslacour.Tafa, en larmes, fut traînée hors du Cercle d’Appréciation. Son poignet gauche était

emprisonnédansunemenotted’esclaveetellefutjetée,àgenoux,contreunmur;sonflancgauche était du côté du mur ; le bracelet ouvert, qui n’était pas refermé sur son poignetgauche, fut accroché à un anneau d’esclave vissé dans le mur, approximativement à lahauteurdesonépaulegauche;ellebaissaitlatête,lescheveuxsurlevisage;ellerestalà,enlarmes,lepoignetgaucheattachéaumuràlahauteurdel’épaule.

«Non!»criaZina.Elle fut jetée sans cérémonie,nue,dans leCercled’Appréciation.Elle y resta tassée sur

elle-même,danscecercledemarbrerougededeuxmètresdediamètre,furieuse,effrayée.Elle était très belle, cette esclave. Je me demandai quel effet une autre esclave, Vella,

autrefoisElizabethCardwell,deNewYork,surlaTerre,quiavaittrahilesPrêtres-Rois,ferait,jetéenuedanslecercle.

Quandlefouetclaqua,legrosfouetquetenaitundesassistantspuissantsduMarchand,lajeunefemmecriaetsoncorpsréagit,sousl’effetdelaterreur,commes’ilavaitététouché.Mais le cuir, naturellement, n’avait pas touché son corps. Le claquement n’était qu’unavertissement.Ilnetoucheraitsoncorpsquesileshommesétaientmécontentsd’elle.

« Debout ! » ordonna leMarchand. « La tête en arrière ! Lesmains derrière la tête !Encore!Encore!»Ilsetournaversnous.«Acceptable,»dit-il.Puis,s’adressantàlafemme,il donna des ordres, rapidement, durement. Je regardai avec intérêt la femme, en larmes,obéir à ses commandements secs qui se succédaient rapidement. Pendant plus de quatreehns,illasoumitàunrégimeendiablédemouvements,unensembledepasd’esclave,depasd’appréciationdestinésàexhibervulnérablement,définitivementetpubliquement,sabeautédans toutes les positions et attitudes principales. « Les mains sur les hanches ! Soisinsolente ! Lesmains dans le dos ! Lesmains croisées devant toi, comme si elles étaientattachées ! Les mains sur le cou, comme si elles étaient enchaînées au collier, les doigtsdevantlabouche!Laisse-toitomberparterre!Àgenoux!Baisselatête!Roule-toiparterre,surleflanc,surledos,lajambedroitelevée,puisfléchie,lajambegauchelevée,puisfléchie,lespaumesàplatsurlesol!Jouelacolère!Jouelafrayeur!Jouel’excitation!Souris!»Ilfit cela avec l’objectivité compétente et rapide, et le détachement clinique, d’un Médecinpratiquantunexamencliniquederoutine;cetexamen,naturellement,étaitunexamendelabeauté, une estimation de la désirabilité d’une esclave. Le fouet claqua à nouveau. Ellepoussauncridedésespoir,frissonna.

Elleleregarda,terrifiée.«Hassan?»demandaleMarchand.—«Trèsbien,»ditHassan.Ilvints’immobiliseraubordducercle.—«Rampejusqu’àsespieds!»ordonnaleMarchand.Lafemmecommençad’avancer.«Àplatventre!»ordonnaleMarchand.Elle obéit. À ses pieds, sans que cela lui ait été demandé, elle posa les lèvres sur ses

babouches.«Garde-moi,Hassan,»supplia-t-elle.

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—«Àmeslèvres!»dit-il.Ellesemitlentementdeboutetlevaleslèvresverslessiennes.Illesgoûta.—«Garde-moi,Hassan,»sanglota-t-elle.Illarepoussaaucentreducercledemarbre.«Quevaut-elle?»demandaHassanauMarchand.—«Jet’enproposeuntarskd’argent,»répondit-il,«carcen’estqu’uneesclave.»«Hassan!»crialafemme.—«Marchéconclu,»ditHassan,vendantsonesclave.«Non,Hassan!»cria-t-elle.—«Etdeuxdisquesd’orautarn,d’Ar,pourlafillelibre,»ajoutaleMarchand.—«D’accord,»ditHassan.«Hassan!»crial’esclave.«Emmenezl’esclave,»ditleMarchand.Unbraceletd’esclavefutrefermésurlepoignetgauchedeZinaetellefuttraînéeaupied

dumur où on la fit mettre à genoux face au mur. Le bracelet de son poignet gauche futensuiteaccrochédans l’anneauet,ceciétant fait,sonpoignetdroity futaccroché,sesdeuxpoignetsétantainsi immobilisés toutprèsde l’anneau,elle-mêmese trouvant faceaumur.ElleregardaHassanpar-dessusl’épauledroite.

«Hassan!»cria-t-elle.Hassanpritl’argentqueleMarchandluidonna.« Dans l’autre pièce, » dit le Marchand, « nous allons discuter le prix des autres

marchandises.»—«D’accord,»ditHassan.«Hassan!»crialafemme.Ilsortitdelapièce.Ilneparlapasàlatraîtresse.C’étaitunhommeduTahari.«Encore,Maîtres?»demandalafemmeàgenouxprèsdelatablebasseincrustéedebois

deTem.Elleportait unehaute tuniquede soie rouge, attachéeparununique crochet ; unchalwardesoierougeettranslucide,bassurleshanches;deuxbraceletsenoràlachevillegauche;uncollier.

—«Non,Yiza,tupeuxdisposer,»ditleMarchand.—«Oui,Maître,»dit-elle.Elle baissa la tête et, prenant le plateau avec le vin noir et les sucres, se leva

gracieusement,recula,puispivotasurelle-mêmeetsortitdelapièce.Sesmouvementsétaientdoux.Elleavaitétéréveillée,ilneluiavaitpasétépermisdese

voiler et on lui avait ordonné de préparer et servir le vin noir. Elle avait obéi. Les coinsintérieursdesesyeuxévoquaientencorelesommeil;ellebâillaitcommeunchat,lorsqu’elles’était agenouillée dans un coin ; son visage et sa bouche exprimaient la lassitude lourded’unebellefemmefatiguée; lorsqu’elleétaitpartie,cependant,ellesetenaitdroite,commedoit le faire une femme asservie, d’une démarche lente et ondulante, gracieuse, languide,somnolente, trahissant subtilement la fatigue de sa beauté, éveillée et contrainte si tôt àservir.Seshanchesondulaient sous la soie,puiselledisparut.Àmonavis,ellene tarderaitpasàquittersesvêtements,s’enroulerdansundrapderepset,remontantlesgenouxcontrelapoitrine,às’endormirsurlapailledesacelluleque,souspeinedemort,ellerefermeraitàcléderrièreelle.

Pour sortir de la pièce, elle avait emprunté le chemin, le longdesmurs. Les pièces desdemeuresduTahari, lorsque leurspropriétairessont riches, sontgénéralementrecouvertes

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de tapis coûteux. Il est rare que l’on traverse directement les pièces, pour éviter l’usureinutiledestapis:delonguesbandesdetissucourentsurlescôtésdespièces;onlesutilisepour aller d’une pièce à l’autre ; les enfants, les serviteurs et les esclaves traversentgénéralement les pièces en restant sur les chemins, contre lesmurs. Les hommes le fontégalement,lorsqu’iln’yapasd’invités.

« La destruction d’un puits, » dit le Marchand, « est un acte criminel presqueinconcevable.»

Nousneluirépondîmespas.Cequ’ilvenaitdedireétaitvrai.Auparavant,bienquetellen’ait pas été notre intention à l’origine, après notre transaction commerciale au cours delaquelleHassan avait échangé le produit de sonpillage, chair et autre, contrede l’or, nousavions été conduits par le Marchand jusqu’au puits détruit, peut-être hors d’usage. À lalumièredetorches,deshommestravaillaient,retirantlespierresetlesabledansdesseauxdecuirattachésàdelonguescordes.Hassanavaitserrélespoings.PuisnousavionsregagnélademeureduMarchand,pouryboirelevinnoir.C’étaitdeuxahnsavantl’aube.

Lesdiversprixetpiècess’élevaientàonzedisquesd’orautarnd’AretquatredeTuria.Àchacundesesneufhommes, ilavait jetéundisqued’orautarnd’Ar.Ilavaitgardélereste.Undisqued’orautarnreprésentedavantagequecequegagneuntravailleurordinaireenunan. De nombreux Goréens des Basses Castes n’en ont jamais eu. Ses hommes, dehors,attendaient,tenantlesrênesdeleurskaiilas.

« Et le plus étrange, » révéla leMarchand, se penchant vers nous et nous fixant avecintensité,«estlefaitquelespillardsAretaiétaientconduitsparunefemme!»

—«Unefemme?»s’enquitHassan.—«Oui,»confirmaleMarchand.—«Etlesmessagersdeguerresontdéjàpartis?»demandaHassan.—«Pourtouteslesoasiskavarsetcellesdeleurstribusvassales,»réponditleMarchand.—«A-t-onparlédetrêve,oudenégociation?»demandaHassan.—«Avecceuxquiontdétruitlessourcesd’eau?»demandaleMarchand.«Biensûrque

non!»—«Etquelleestlaréaction,»s’enquitHassan,«deHaroun,GrandPachadesKavars?»—«QuisaitoùsetrouveHaroun?»demandaleMarchand,écartantlesbras.—«Etcelledesonvizir,Baram,CheikdeBezhad?»—«Lesmessagersdeguerreontétéenvoyés,»ditleMarchand.—«Jevois,»ditHassan.—«Lestribusserassemblent,»précisaleMarchand.«Ledésertvas’enflammer.»— « Je me méfie, » dit Hassan. « Et je ne crois pas qu’il serait sage de rester

publiquement,dejour,auxDeuxCimeterres.»— « Hasaad Pacha sait que les pillards viennent aux Deux Cimeterres, » souligna le

Marchandavecunsourire.«Celasertnotreéconomie.Nousnesommespassurlesgrandsitinérairescommerciaux.»

—«Ilnelesaitpasofficiellement,»relevaHassan.«Etjeneveuxpasqu’ilsoitobligéd’envoyer une centaine de soldats battre le désert, à notre recherche, pour satisfaire lescitoyensoutragés. Jen’ai pas enviedeparcourirun long chemin, en cemoment, et je suisconvaincu que les soldats non plus. En outre, si nous nous rencontrions effectivement, ceseraittrèsembarrassantpourlesdeuxpartis.Queferions-nous?»

—«Vouscroiserenhurlantcommedesfous?»suggéraleMarchand.—«Peut-être,»réponditHassanavecunsourire.—«Vousseriezprobablementobligésdevousentre-tuer,»ditleMarchand.

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—«Jelesuppose,»accordaHassan.—«Lanuit,»rappelaleMarchand,«toiet lesautres,vousêtestoujourslesbienvenus

auxDeuxCimeterres.»—«Bienvenuslanuit,recherchéslejour,»fitHassan.«Jecroisquejenecomprendrai

jamaisleshonnêtesgens.»—«Noussommescomplexes,»reconnutleMarchand.— « J’aimerais que les habitants des autres oasis soient aussi complexes, » souligna

Hassan.«Ilyenabeaucoupquipaieraientcherpouravoirmatêtefichéesurunelance.»—«Nous,habitantsdesDeuxCimeterres,»déclaraleMarchand,«nepouvonsêtretenus

pourresponsablesducomportementdecesrustres.»—«Maisàquivends-tulesmarchandisesquejet’apporte?»demandaHassan.—«Àcesrustres,»réponditleMarchandavecunsourire.—«Sont-ilsaucourant?»s’enquitHassan.—«Biensûr,»réponditleMarchand.—«Jevois,»fitHassan.«Ehbien,l’aubenevapastarderetjedoispartir.»Il se leva,unpeuraidecar il était resté longtempsassis les jambescroisées,et je fisde

même.—«Puissenttesoutresnejamaisêtrevides.Puisses-tunejamaismanquerd’eau,»ditle

Marchand.— « Puissent tes outres ne jamais être vides. Puisses-tu ne jamais manquer d’eau, »

répondîmes-nous.Dehors,peuavant l’aube, alorsquedesgouttesde roséeperlaient sur les rochers,nous

glissâmeslepiedgauchedansl’étrierdenotreselleetmontâmesnosêtesrapides.«Hassan,»dis-je.—«Oui?»répondit-il.—«LeMarchandnousaditquelesAretaidesNeufPuitsontattaquél’OasisduSleendes

Sablesilyasixjours.»—«Oui,»réponditHassan.—«Ilyasixjours,lessoldatsdesNeufPuitsétaientàproximitédel’oasis,poursuivant

un fugitif échappé de leur prison, qui avait été condamné auxMines de Klima pour avoirtentéd’assassinerSuleimanPacha.»

—«A-t-ilréussiàs’échapper?»demandaHassanavecunsourire.—«Apparemment,»répondis-je.—«Celacorrespondàmesrenseignements,»ditHassan.—«SilessoldatsdesNeufPuitsétaientprèsdeleuroasisilyasixjours,»soulignai-je,

«ilsnepouvaientsetrouverégalementàl’OasisduSleendesSables.»—«Non,»admitHassan.—«Etilsembleimprobable,»ajoutai-je,«quelesAretaidesNeufPuitsaientpuêtreici

hiersoir.»—«Cela représenterait unedure chevauchée, » reconnutHassan.«Etpourunepetite

oasis,àl’écartdesitinérairescommerciaux.»—«Oùseseraient-ilsdébarrassésdubutindel’OasisduSleendesSables?»demandai-

je.—«Ilsl’ontpeut-êtrecachédansledésert,»suggéraHassan.— « Pourquoi les Deux Cimeterres ? » demandai-je. « C’est une petite oasis qui

n’appartientmêmepasauxKavars.»—«Jenesaispas,»réponditHassan.

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—«Suleiman,PachadesNeufPuits,»dis-je,«gîtdanssonpalais,dansunétatcritique.Danscesconditions,ilsembleétrangequelesAretaiorganisentdespillagesdanslarégion.»

—«Effectivement,»réponditHassanavecunsourire.— « Pourtant, les pillards portaient les vêtements des Aretai, leur marque de selle et

criaient:«PourlesNeufPuitsetSuleiman!».C’estbiencela?»— «Nous pourrions également, » relevaHassan, « organiser une telle attaque et crier

ainsi.»Jenerépondispas.«Bizarre,»repritHassan,«qu’ilsaientcrié:«PourlesNeufPuitsetSuleiman!».Oui,

étrange.»—«Pourquoi?»demandai-je.— « Le nom des chefs, »m’apprit Hassan, « ne figure pas dans les cris de guerre des

Aretai, ni dans ceux de la majorité des tribus. C’est la tribu qui compte, pas l’homme,l’ensemble,pas lapartie.LecrideguerredesAretai,que jeconnaisbien,est :«LavictoireauxAretai!».Simplement.»

—«Intéressant,»fis-je.«LesKavarsont-ilsuncrisemblable?»—«Oui,»réponditHassan.«C’est:«LesKavarspar-dessustout!».Voilà.»—«Ilsembleraisonnablementclair,danscesconditions,»dis-je,«quelesAretain’ont

pasattaquélesDeuxCimeterres.»—«Non,»ditHassan.«LesAretain’ontpasattaquél’OasisdesDeuxCimeterres.»—«Commentpeux-tuenêtresûr?»demandai-je.—«Unpuits a étédétruit,» répondit-il.«LesAretai sontdes sleens,mais ce sontdes

ennemis respectables. Ce sont de bons combattants, de bons habitants du désert. Ils nedétruiraientpasunpuits.IlshabitentleTahari.»

—«Qui,danscecas,»demandai-je,«aattaquélesOasisduSleendesSablesetdesDeuxCimeterres?»

— « Je ne sais pas, » répondit Hassan. « J’aimerais pourtant bien le savoir. Je suiscurieux.»

—«Moiaussi,jesuiscurieux,»dis-je.— « Si la guerre éclate dans le désert, » estima Hassan, « le désert sera fermé. Le

commerceserainterrompu,ilyauradesbandesd’hommesarmés,lesétrangersserontplussuspects qu’en temps ordinaire. On ne prendra pratiquement pas de risques. Ils serontvraisemblablementmisàmort.»

Cetteremarquenemerassurapas.«Bizarre,»émitHassan,«quecesévénementsseproduisentmaintenant.»—«Pourquoi?»demandai-je.—«Detouteévidence,cen’estqu’unecoïncidence,»fitHassan.—«Jenecomprendspas,»dis-je.—«JeprojetaisuneexpéditiondanslapartieinexploréeduPaysdesDunes,»dit-il.—«Moiaussi,j’aimevoyager,»dis-je.—«C’estbiencequejepensais,»fit-il.—«Quepenses-tuytrouver?»m’enquis-je.—«Quies-tu?»demanda-t-il.—«Unpauvremarchanddepierresprécieuses,»répondis-je.—«Jet’aivuàTor,»m’informa-t-il,«aveclecimeterre.»—«Ah?»fis-je.— « Je t’ai revu, remarquant ta progression, à un point d’eau, sur le chemin des Neuf

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Puits.»—«C’estlàque,»rappelai-je,«déguiséennomade,tuastourmentémonesclaveblonde

auxyeuxbleus.»— « Elle était insolente, » dit-il. « C’est là que j’ai décidé qu’elle deviendrait mon

esclave.»—«Aprèsque tu l’aies touchéeet tourmentée,» ris-je,«ellea suppliéd’apprendre les

dansesdesesclaves.»Ilsourit.«Tul’ascapturéeavecaudace,danslepalaisdeSuleiman,»appréciai-je.Ilhaussalesépaules.«Jen’aijamaisvudemeilleurecaptureaufouet,»soulignai-je.Ilinclinalatête,acceptantlecompliment.—«Onpense,»dit-il,«si jecomprendsbien,quec’est toi,HakimdeTor,quia frappé

Suleiman.»—«Cen’estpasmoi,»affirmai-je.—«Pourquoipensent-ilsquec’esttoi?»demanda-t-il.—«Ilscroient,»répondis-je,«quejesuisunespiondesKavars.»—«Oh?»fit-ilavecunsourire.—«Oui,»dis-je.— « Sais-tu, Hakim de Tor, »me demanda-t-il, « qui a effectivement frappé Suleiman

Pacha?»— « Oui, » répondis-je. « Je le sais. C’est Hamid, lieutenant de Shakar, capitaine des

Aretai.»—« Ilme semble intéressant, » releva-t-il, «que ce soitHamid.»Puis il ajouta : « Je

voulaisterencontrer.»—«Oh?»fis-je.—«Jepensais,»expliqua-t-il,«quandj’aivolétabelleesclave,quetumepoursuivrais

dans le désert. Je ne savais pas, naturellement, que Hamid frapperait Suleiman et que tuseraisjetéenprison.»

—«Tusouhaitesmeparler?»demandai-je.— « Je garde la femme, bien entendu, »me prévint-il. Ilme regarda. « Veux-tume la

disputer?»s’enquit-il.—«Jen’aipasbesoindedécidercelaimmédiatement,n’est-cepas?»demandai-je.—«Non,biensûr,»reconnutHassan.«Tuesmoninvité.»Ileutunsourire ironique.

«Tupeuxl’utiliserchaquefoisquetuenaurasenvie,bienentendu,»ajouta-t-il.—«Hassanestgénéreux,»fis-jeenriant.— « Au moment même où j’ai posé les mains sur elle, » dit-il, « j’ai décidé qu’elle

m’appartiendrait.»—«As-tul’habitudedeprendrelesfemmesquetudésires?»demandai-je.—«Oui,»répondit-il.—« Si j’avais perdu ta piste, »m’enquis-je, « comment serais-tu entré en contact avec

moi?»—«Tun’étaispashommeàperdrelapiste,»répondit-il.—«Maissicelaétaitarrivé?»insistai-je.— «Dans ce cas, on t’aurait indiqué où trouver ta…ma belle Alyena, enchaînée.Nous

nousserionsrencontrésàcetendroit-là.»—«Quesepasserait-ilsij’essayaisdetetuer,àprésent?»m’enquis-je.

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—«Tuneferaspascela,puisquetuesmoninvité,»déclaraHassan.«Enoutre,pourquoiaurais-tuemmenédansledésertuneesclaveblonde,àlapeaupâleetauxyeuxbleus?»

—«Pourquoi?»demandai-je.—«Passeulementcommeesclave,»répondit-il.«Onpeutacheteroulouerdesfemmes

danstouteslesoasis.Tul’asamenéeintentionnellement.Tuvoulaislavendre,ouladonneràquelqu’unenéchangedequelquechose,del’aide,desinformations,quelquechose.»

—«Tuesperspicace,»opinai-je.—«J’espère,»dit-il,«quecetteesclavenevapascompliquernosrelations.»—«Commentuneesclave,quin’estrien,pourrait-ellefairecela?»demandai-je.—«Exact,»fitHassan.—«Ellesembleheureusedansteschaînes,»dis-je.—«C’estuneesclave,»fit-il.—«Ilestheureux,»relevai-je,«qu’ellesoitblonde,aitlapeauclaireetlesyeuxbleus.»—«Pourquoidonc?»demanda-t-il.—«Cesfemmes-làsontfroides,»rappelai-je.—«Paslorsqu’ellesportentuncollier,»dit-il.—«Ellenel’estpas?»demandai-je.Jesavaisquelecolliermétalliquedel’esclave,cecercled’acierinflexible,ferméavecune

serrure, qu’elle ne pouvait enlever, contrastant tellement avec sa douceur, proclamant savulnérabilitéetsonimpuissance,transformaitsouventlesfemmesinhibées,hostiles,froides,haïssantleshommes,enesclavesabandonnées,soumises,vulnérables,passionnées,aimantselivrersansdéfenseàlacaressedesmaîtres.

Hassanrejetalatêteenarrièreetrit.—«C’estlafemmelapluschaudequej’aiejamaisserréedansmesbras!»s’écria-t-il.Jesouris.Jemedemandaiàquelpoint l’ex-MissPriscillaBlake-Allenseraitscandalisée,

embarrassée et honteuse d’entendre parler aussi lestement de ses désirs et de sesperformances.Lapauvre,cependant,nesesentaitplusentrelesbrasd’unmaître.

—«Ellet’aime,»dis-jeàHassan.—«Jeneluiaipaslaissélechoix,»fit-il.Jesupposaiquecelaétaitvrai.Jesupposai,enoutre,qu’unévénementrares’étaitproduit:Unefilleavaitrencontréson

maître et un homme sa véritable esclave. La femme, une sur des milliers de compagnesmoinschanceuses,avaitrencontréunmâle,quiétaitégalement,luiaussi,unsurdesmilliersetquipouvaitêtre,etétait,sonMaîtreabsoluetnaturel,lemâleidéaletparfait,dominantetimpérieux, qui pourrait exiger et obtenir sa soumission sexuelle totale, qu’une femme nepeut donner qu’à l’hommequi la possède totalement, devant qui, et pour qui, elle nepeutêtre qu’une esclave en adoration. Cela ne se produit pratiquement jamais sur Terre, où larelationnormalehomme/femmeestlerésultatd’unmâlefaible,agréable,libérantl’instinctmaterneldelafemmeplutôtquel’instinct,généralementinhibé,quilapousseàsesoumettreentièrementàunmâledominant,femelleprise,possédée,pénétrée,soumise;celaseproduit,cependant, sur Gor, où les esclaves sont fréquemment vendues et échangées. On essayeplusieurs femmes jusqu’au moment où on trouve celle, ou celles, qui sont les plusdélicieuses, lesplus agréables.Ona tendance, ensuite, à les garder ; cela tendégalement àtourner à l’avantage des femmes, les esclaves, mais rares sont ceux, à l’exception d’elles-mêmes, qui se préoccupent d’elles ou de ce qu’elles ressentent ; les hommes, de touteévidence, ont besoin de dominer ; rares sont ceux qui nient cela ; rares sont ceux qui,autorisés, le nient ; dans la culture goréenne, et pas dans celle de la Terre, il existe des

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institutions destinées à la satisfaction de ce besoin et non à ses négation et frustrationsystématiques ; laprincipale institutiongoréennedestinéeà lasatisfactiondecebesoinestl’asservissement très répandu des femelles humaines ; la relation maître/esclave est lareconnaissancelaplusprofondeetlaplusévidentedecebesoinmasculinqu’éprouventtousles mâles véritablement énergiques et sexués ; mais, dans la théorie goréenne, ce besoinmasculin de dominer qui, refoulé, entraîne le désespoir, la maladie et une agressivitémesquine, sournoise,n’estniuneaberrationniune singularitébiologiquedesmâles,maiscorrespond à un besoin complémentaire chez la femelle, lequel est le besoin, rarementsatisfait, d’être vaincue et dominée ; dans le cadre de la concurrence primitive oùl’intelligence,laruse,laforcepsychologiqueetphysiqueavaientuneimportancebiologique,etnonlarichesseetlestatut,lesmeilleuresfemmesallaientstatistiquementauxhommeslesplus fortset lesplus intelligents ; il estpossible,etmêmeprobable,qu’onsesoitautrefoisbattu,littéralement,pourlesmeilleuresfemmes,afindelesposséder;sitelétaitlecas,alorsilestprobablequequelquechosechezlafemme,génétiquement,réagitàladominanceetàlapuissance ; les femmes, en général, ne désirent pas vraiment les hommes faibles ; ellesveulentqueleursenfantsnaissentnond’unégalmaisd’unsupérieur;commentpourraient-ellesrespecterunhommequi,sur leplandustatutetdupouvoir,nelesdépassepas, l’égald’unefemme,unprix;sionleurdonnaitlechoixentreporterl’enfantd’unégaletceluid’unmaître, lamajorité des femmes choisirait de porter l’enfant d’unmaître ; les femmes ontenviedeporter les enfants d’hommesqui leurs sont supérieurs ; c’est une femmevaincuequecelledont lecorpsgrossitde l’enfantd’unégal ; toutcomme l’évolution,àuneépoquedonnée,asélectionnéleshommesforts,intelligents,aptesaucombat,parcequ’ilsgagnaientla course à l’accouplement, demême, dans la transmission des structures génétiques, ellesélectionnaitlesfemmesquiaimaientetsesoumettaientàdetelshommes,desfemmesquiétaientlaspécificationbiologiqueetlajustepropriétédeceshommes,nosancêtres.Lemâledominantestainsisélectionnédanslacourseàl’accouplement;lemâlenon-dominanttend,statistiquement, à perdre face à son adversaire plus fort, plus intelligent ; de même,l’évolutionasélectionnédesfemmesquiaimentlemâledominant;cellesquifuyaientceux-ci, ou bien s’accouplaient avec des hommes faibles, leurs enfants ayant alors de moinsgrandeschancesdesurvie,oubiens’enfuyaientpourdebon,leursgênes,pourlemeilleuroupourlepire,disparaissaientdupatrimoinegénétiquedel’espèce;lafemmequiétaitexcitéeparceshommes,avaitenviedeleurappartenir,àeux,lesmaîtres,d’êtreprotégéepareuxetde lesservir,avaitdemeilleureschancesdesurvie ;elleétaitplusensécurité ;sesenfantsétaientplusensécurité ;enoutre,sesenfantsétaientplus intelligentsetplus forts,du faitqu’ilsétaientlesenfantsd’hommesplusintelligentsetplusforts;sondésir,etlasatisfactiond’être possédée par de tels hommes, et l’orgueil que lui inspirait cette possession,contribuaientsubstantiellementnonseulementàsasurvie,maisaussiàcelledesesenfants;en outre la femme deviendrait, au fil des générations, plus belle et plus désirable,sexuellement séduisante, tandis que les mâles énergiques exerceraient leurs prérogativesmasculinessur les fillesdes fillesdeces femmes; leshommeschoisissaientdes’accoupleravec les femmesqui leurplaisaient et les femmesqui leurplaisaientn’étaientni laides,nigrossières, ni agressives, ni stupidesmais intelligentes, aimantes, désirables et belles ; cesdynamiques jumellesde l’évolution, sélectionsnaturelle et sexuelle, constituèrentainsi, aufildesmillénaires,lanaturebiologiquedelafemellehumaine;àl’origine,iln’yavaitpeut-êtrequedestendancesduesauhasard,répondantàladominationmasculine,maiscellesquiles avaient possédaient les meilleures chances de survie ; ces tendances furent ensuitetransmises, devenant des caractéristiques génétiques générales des femmes ; les femmes

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possédéessurvivaient;lesplusbellesetlesmeilleuresétaientsélectionnéesparleshommeslesplusforts,lesplusintelligentsetlespluspuissants;c’estdecefonctionnementcomplexede la nature qu’est issue la femme intelligente, belle, sensible, la femme féminine, avecl’ensemble complet d’hormones féminines, qui désire dans son cœur se serreramoureusement,soumiseetexcitée,danslesbrasd’unhommepuissant,luiappartenir;enoutre,onpeutremarquerqueladominanceet lasoumissionsontdestraitsgénétiquestrèsrépandusdansleroyaumeanimal;chezlesmammifèresengénéraletcheztouslesprimates,c’est le mâle qui domine et la femelle qui se soumet ; ce n’est pas une aberration ;l’aberration, c’est sa frustration conditionnée possible, bizarrement, uniquement chez unanimalassezcomplexepourréagiràdesrégimesdeconditionnementextensifs,oùl’onpeututiliserlesmotspourinduiredesréactionscontrairesàl’instinct,quoique,peut-être,utilesàuneconceptiondonnéedesrelationséconomiquesetsociales.Noussommesnéschasseurs:onafaitdenousdesagriculteurs.

«Lejourestpresquelevé,»ditHassan.«Quittonsl’oasis.»—«Pourquoivoulais-tumerencontrer?»luidemandai-je.—«Jecrois,»répondit-il,«quenousavonsunintérêtcommun.»—«Lequel?»m’enquis-je.—«Lesvoyages,»répondit-il.—«Lesvoyageurscherchentsouventlescuriosités,»relevai-je.—«J’ail’intentiondem’enfoncerdansledésert,»dit-il.—«Ceseraitdangereux,encemoment,»fis-jeremarquer.—«Connais-tuunrocher,»medemanda-t-il,«prochedelapisteentreToret lesNeuf

Puits,quiporteuneinscription?»—«oui,»répondis-je.—«Et il yavait, gisantprèsde ce rocher,» reprit-il,«unhommequiavait gravé cette

inscription.»—«oui,»dis-je.—«J’airamassélecorps,»révélaHassan.«Surungrandbûcherdebuissons,jel’aivu

brûler.J’airépandulescendresdanslesable.»—«Leconnaissais-tu?»m’enquis-je.—«C’étaitmonfrère,»réponditHassan.—«Quecherchais-tudansledésert?»demandai-je.—«Unetourd’acier,»répondit-il.

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11

LEROCHERROUGE,OULESELESTPARTAGÉ;NOUSRENCONTRONSTARNA

«ILn’yapasdeclochettessurleharnaisdetonkaiila!»ditl’homme,nousmenaçantavecsalance.

— « Nous venons en paix, » dit Hassan. « As-tu vu, ou entendu parler, d’une tourd’acier?»

—«Vousêtesfous!»crial’homme.Hassanfitpivotersonkaiila,avecsarêneuniqueetnouscontinuâmesnotrechemin,ses

neufhommes,moietl’esclave,Alyena,derrièrenous.Deboutdanslapoussière,avecsa lance, lenomadenousregardapartir.Derrière lui, ily

avaituntroupeaudeonzeverrsbroutantlestachesd’herbebrune.Ilauraitdonnésaviepourdéfendrelesanimaux.Leurlaitetleurlaineétaienttouslesmoyensd’existencedesafamille.

«Latourd’aciern’existepeut-êtrepas,»suggérai-jeàHassan.—«Continuonsnosrecherches,»dit-il.J’avais à présent vu de nombreux aspects duTahari.Nous étions dans le désert depuis

vingtjours.Unjour,alorsqu’unnuagenoir,chargédepoussière,s’étaitlevéausud,nousavionsmis

piedàterre,entravénoskaiilas,puisavionstournéledosauvent.Nousavionsfaitunmurdenosbagagesetnousétionsaccroupisderrière,serrantnosburnousautourdenous.Hassan,soussonburnous,abritalafemme,Alyena, lui laissantlesmainsattachéesdansledosafinqu’ellen’oubliepasqu’elleétaituneesclave.Pendantdeuxjours,leventdesableavaithurléautourdenousetnousavionsattendu,àlamanièreduTahari,patiemment,dansl’obscuritémouvantedusable.C’estàpeinesinousbougions,saufpournouspasserl’outred’eauetunpetit sacde farinedeSa-Tarna.Puis, aussi soudainementqu’il s’était levé, le ventde sabletombaetlesoleil,brillantetimmédiat,durdanssaférocitéetsabeauté,dispensaànouveau,immuable,indifférent,lesceptre,lamassueconstanteetimpitoyable,desalumièreetdesachaleursurlaplaine.

Hassanfutlepremieràselever.Ilsecoualesableaccumulésursonburnous.IldétachaAlyena.Elles’étiracommeunsleen.Lesables’étaitamassécontrelemurdebagages.

«Quelleterribletempête!»m’écriai-je.Ilsourit.—«Tun’espasduTahari,»dit-il.«Soisheureuxquemaintenant,auprintemps,levent

d’estnesoufflepas.»PuisilsetournaversAlyena:«Faisduthé!»ordonna-t-il.—«Oui,Maître,»répondit-elle.Deuxjoursplustard,ilavaitplu.Lesmouches,àprésent,avaitdisparu.Au début, j’avais été content de voir les nuages et avais rejetémon burnous en arrière

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pouroffrirmonvisageàlacaressevigoureusedelapluie.Latempératuretombadeplusdequinze degrés en moins d’une ehn. Alyena fut également très contente. Les hommes duTahari,cependant,gagnèrentrapidementl’endroitleplusélevéducoin.Ilyapeud’érosionpluviale, au Tahari, de sorte qu’il y a peu de rigoles naturelles capables de favoriserl’écoulement de l’eau. Lorsqu’il pleut, il pleut généralement beaucoup sur un terrain plat,dans lapoussièremolle.Quelquesminutesaprèsque lapluieeûtcommencé, ilnous fallutmettre pied à terre et tirer nos kaiilas qui résistaient, effrayés, vers une éminence. Ilss’enfonçaient jusqu’au genou dans la boue, grondant, les yeux fous, et nous, de la bouejusqu’aux hanches, les poussions et les tirions, parfois obligés de libérer leurs pattesprisonnières de la boue, vers l’endroit choisi par Hassan, le côté abrité du vent d’uneformationrocheuse.

HassanposaAlyena,qu’ilportait,prèsdelui.«C’estlaquatrièmefois,»dit-il,«quejevoislapluie.»—«C’estbeau!»s’écriaAlyena.—«Peut-onsenoyerdanscetteboue?»demandai-je.— « C’est peu probable, » estima Hassan. « Elle n’est pas assez profonde. Les petits

animaux,en fait, ynagent.Ledangerprincipal, en réalité, estque leskaiilas tombentet secassentunepatte.»JeremarquaiqueleshommesdeHassanavaientjetédescouverturessurles têtes des kaiilas, pour les empêcher de voir l’orage et la leur protéger de la pluie,phénomène qui, les effrayant, a tendance à les rendre indociles. «Naturellement, » repritHassan,«ilnefautpascamperdansuncoursd’eauàsec.Unorage,dontonignoretout,àdespasangsdelà,peutleremplird’unflotsoudainquiemportetoutsursonpassageetpeutmettrelavieendanger.»

—«Arrive-t-ilsouventquedeshommessenoientdansdetelsaccidents?»demandai-je.— « Non, » répondit Hassan. « Les hommes du Tahari ne campent pas dans de tels

endroits.Enoutre,ceuxquisontassezstupidespour le faire,parviennentengénéralàs’ensortir.»

Au Tahari, bizarrement, beaucoup d’hommes savent nager. Les jeunes nomadesapprennent au printemps, lorsque les mares sont pleines. Ceux qui habitent les oasisapprennentdanslesbains.Le«bain»,auTahari,neconsistepassimplementàramperdansun petit récipientmais est davantage, comme sur l’ensemble de Gor, une combinaison delavageetdenage,dejeuaquatique,généralementassociéeàdiverseshuilesetserviettes.Undes plaisirs des grandes oasis est la possibilité de prendre un bain. Aux Neuf Puits, parexemple,ilyadeuxétablissementspublicsdebain.

Uneheureaprèslafindelapluie,lesoleiloccupantànouveau,impitoyable,uncielsansnuages,lesolétaitsuffisammentdur,l’eauayantdisparusouslapoussièreetlesable,poursupporter le poids des kaiilas. Les animaux furent découverts, nousmontâmes et la quêtecontinua.

C’est le lendemainque lesmouchesapparurent.Jecrus,audébut,quec’étaituneautretempête.Maiscen’étaitpaslecas.Lesoleillui-même,pendantplusdequatreehns,futcachépar les nuages immenses qui passèrent au-dessus de nous. Soudain, comme un délugeviolentet sec, les insectes se jetèrent surnous.J’encrachaidespaquets.J’entendisAlyenahurler. Le gros des nuages était passé mais, collés à nous, en taches mouvantes sur nosvêtements etdans lespoilsdeskaiilas, desmilliers rampaient, résidusde l’invasion. Je lesfrappai,jelesécrasaijusqu’aumomentoùjemerendiscomptequ’ilétaitstupided’agirainsi.Moins de quatre ahns plus tard, un vol de zadits, petits, bruns, gazouillants et voletants,arriva dans le sillage des mouches. Nous mîmes pied à terre et laissâmes les oiseaux

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débarrasser les kaiilas de leurs insectes. Les zadits restèrent plusdedeux jours avecnous.Puisilss’enallèrent.

Lesoleilétaitànouveauimpitoyable.Néanmoins,jen’étaispaspresséderevoirlapluie.«Où,ami,»demandaHassanàunautrenomade,«setrouvelatourd’acier?»—«Jen’enai jamaisentenduparler,» répondit-il,méfiant.« Il estprobablequ’iln’en

existepasdansleTahari.»Etnouscontinuâmesnotrequête.C’estsansdoutelanuitqueleTahariestleplusbeau.Pendantlajournée,c’estàpeines’il

estpossiblede le regarder, à causede la chaleuretde la luminosité.Pendant la journée, ilsemblemenaçant,blanchâtre,miroitantdechaleur,aveuglant,brûlant;leshommesdoiventprotégerleursyeux;quelques-unsdeviennentaveugles;lesfemmesetlesenfantsrestentàl’intérieurdestentes;mais,avecl’arrivéeducrépuscule,avecledépartdusoleil,cepaysageimmense,rocheuxetdursefaitplusdoux,moinshostile.C’estàcemoment-làqueHassanleBanditdressaitlecamp.Tandisquelesoleilsecouchait,lescollines,lapoussièreetlecielseteintaient de nombreuses nuances de rouge et, tandis que la lumière disparaissaitprogressivement, ces rouges se transformaient petit à petit en ors luisants qui, lorsque lesderniers rayons de lumière s’estompaient à l’ouest, cédaient la place à tout unmonde depourpresetdebleusfoncésetlumineux.Puis,soudain,semble-t-il,lecielestnoir,immense,haut,parseméd’étoilessemblablesàdesdiamantsclairsetbrillantsbrûlantdans lesilencesablonneuxdelaquiétudeinnocentedudésert.Danscesmoments-là,parfois,Hassanrestaitassisensilencedevantsatente.Nousneledérangionspas.Bizarrement,danscesmoments-là,ilnetoléraitprèsdeluiquelafemmeaucollier,Alyena.Elleseule,simpleesclave,pouvaitrester près de lui, couchée près de lui, la tête sur son genou gauche. Parfois, dans cesmoments-là, il lui caressait les cheveuxou la joue,presque tendrement,presque commesielleneportait pasun collier autourdu cou.Puis, uneheure environaprès l’apparitiondesétoiles,soudain,riant,ilprenaitlafemmeparlebras,lajetaitsurlesnattes,luiremontaitlesjupeset laviolait comme la simpleesclavequ’elle était.Ensuite, il lui attachait la jupeau-dessusdelatête,luiemprisonnantlesbrasàl’intérieurpuislajetait,enriant,àseshommesetàmoi,afinquenousnousamusions.

«Non,»ditunhomme.«Jen’aipasvudetourd’acier,etjen’enaipasentenduparler.Commentunetellechosepourrait-elleexister?»

—«Merci,Berger,»ditHassanet,unefoisdeplus,nousreprîmesnotrequête.Lescampsdenomadesdevenaientplusrares.Lesoasisétaientpeufréquentes.NousavancionsdansleTahariendirectiondel’est.Certainsnomades voilent leurs femmes, d’autres non.Certaines femmes se peignent le

visageavecducharbondebois.Certainesfemmesnomadessonttrèsjolies.Lesenfantsdesnomades, jusqu’à l’âge de cinq ou six ans, garçons et filles, ne portent pas de vêtements.Pendant la journée, ils restent à l’ombredes tentes.Le soir, lorsque le soleil se couche, ilss’en éloignent et jouent joyeusement. Leursmères leur apprennent le taharique, dessinantleslettressurlesable,àl’ombredestentes,pendantlajournée.PresquetouslesnomadesdelarégionétaientdesTashid,tribuvassaledesAretai.Ilestpeut-êtreintéressantderemarquerquelesenfantsdesnomadessontnourrisauseinpendantdix-huitmois,cequiestpresquedeuxfoisletempspendantlequellesenfantsdelaTerresontnourrisainsi,etdeuxfoisceluidesenfantsgoréens.Cesenfants,cequiestsignificatif,sontpresquetousheureuxauseindeleurfamille,forts,éveillésetconfiants.Chezlesnomades,bizarrement,lesadultesécoutenttoujourslesenfants.L’enfantfaitpartiedelatribu.Uneautrehabitudedesmèresnomadesconsiste à baigner fréquemment les enfants,même si c’est seulement avec unmorceaude

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tissuouunetassed’eau.Chezlesnomades,lamortalitéinfantileesttrèsbasse,endépitdelarigueurdeleurrégimealimentaireetdeladuretéduclimat.Lesadultes,enrevanche,restentparfoisdesmoissansselaver.Avecletemps,ons’habitueauxcouchesdecrasseetdesueurquisesuperposentetl’odeur,extrêmementdésagréableaudébut,s’oublie.

«JeuneGuerrier,»demandaHassanàunjeunegarçonquin’avaitpasplusdehuitans,«as-tuentenduparlerouvuunetourd’acier?»

Sa sœur, debout près de lui, rit.Des verrs allaient et venaient autour d’eux, se frottantcontreleursjambes.

Lejeunegarçonsedirigeaverslekaiilad’Alyena.—«Descends,Esclave,»luidit-il.Elleobéitets’agenouilladevantlui,mâlelibre.Lasœurdupetitgarçonsecachaitderrière

lui.Lesverrsbêlaient.«Enlèvetacapucheetdéshabille-toijusqu’àlaceinture,»ditlejeunegarçon.Alyenasecouasescheveux;puisellelaissatombersacapeetretirasachemise.«Regardecommeelleestblanche!»ditlapetitefille.«Quittetajupe,»ditlejeunegarçon.Alyena,furieuse,obéit.«Commeelleestblanche!»répétalapetitefille.Lepetitgarçonfitletourd’Alyenaetpritsescheveuxdanssamain.«Regarde,»dit-ilàsasœur,«soyeux,fins,jaunesetlongs.»Elletouchaégalementles

cheveux. Le jeune garçon vint ensuite s’immobiliser devantAlyena. «Lève la tête, » dit-il.Alyenaleregarda.«Regarde,»dit-ilàsasœur,sepenchant,«ellealesyeuxbleus.»

—«Elleestblancheetlaide,»déclaralapetitefille,seredressantetreculant.—«Non,»ditlepetitgarçon,«elleestjolie.»—«Sionaimelesfemmesblanches,»grimaçasasœur.—«Coûte-t-ellecher?»demandalepetitgarçonàHassan.—«Oui,»réponditHassan,«jeuneGuerrier.Veux-tuproposerunprix?»—«Monpèreneveutpasencorequej’aieunefemmeàmoi,»réponditlepetitgarçon.—«Ah,»fitHassan,comprenant.—«Maisquandjeseraigrand,»reprit-il,«jedeviendraipillard,commetoi,etj’auraides

femmescommecelle-ci.Quand jeverrai celleque jeveux, je l’emporteraiet j’en feraimonesclave.»IlregardaHassan.«Ellesmeservirontbienetmerendrontheureux.»

—«Elleestlaide,»ditlasœurdupetitgarçon.«Soncorpsestblanc.»—«Est-ceunebonneesclave?»s’enquitlepetitgarçon.—«C’estunefillestupideetmisérable,»réponditHassan,«etilfautlabattresouvent.»—«Dommage,»ditlejeunegarçon.—«Occupe-toidesverrs!»lançasasœur,agacée.—«Si tum’appartenais,»dit lepetitgarçonàAlyena,« jenetoléreraispas lemoindre

écart.Jeferaisdetoiuneesclaveparfaite.»—«Oui,Maître,»ditAlyena,nuedevantlui,lesdentsserrées.—«Tupeuxt’habiller,»ditlepetitgarçon.— « Merci, Maître, » répondit Alyena. Elle remit sa jupe et sa chemise, sa cape et sa

capuche.Bienqu’ellepuissedescendreseuledesonkaiila,ellenepouvaitremontersansaidesur la couverture qui lui tenait lieu de selle. Je mis mamain sous son pied gauche pourl’aider.

«Quelpetitmonstre!»mesoufflaAlyena,enanglais.Jesouris.—«As-tuentenduparlerouvu,jeuneGuerrier,»demandaHassan,«unetourd’acier?»

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Lejeunegarçonleregardaenriant.—«Tonesclave,Pillard,»dit-il,montrantAlyena,rougedecolère,vexée,sursonkaiila,

«tefaitduthétropfort.»Hassanhochapolimentlatête.—«Merci,jeuneGuerrier,»dit-il.Nousquittâmeslejeunegarçon,sasœuretleurtroupeaudeverrs.Elleétaitentraindele

houspilleràproposdesverrs.«Tais-toi,»luidit-il,«sinonjetevendraiauxpillardsduRocherRouge!Dansunanou

deux,tuserasassezbellepourporteruncollier.»Puisilsebaissatandisque,l’injuriant,elleluilançaitunepierre.Quandnousregardâmesànouveau,ilspoussaientleurtroupeaudevanteux, l’éloignantmanifestementdeleurcamp.Lesharnaisdenoskaiilasneportaientpasdeclochettes.

«L’OasisdeLaBatailleduRocherRouge,»m’appritHassan,«estundes rarespointsavancésqueconserventlesAretai.Àl’ouestetausud,lepaysappartientauxKavars.»

Àmidi,lelendemain,jecriai:«Ilyauneoasis!»—«Non,»ditHassan.Jevoyais lesbâtiments,blanchâtres,avecdesdômes, lespalmiers, les jardins, leshauts

mursdeterreséchée.Jebattisdespaupières.Ilnemesemblaitpaspossiblequ’ilpuisses’agird’uneillusion.—«Vousnelavoyezdoncpas?»demandai-jeàHassanetauxautres.—«Jelavois!»s’écriaAlyena.—«Nouslavoyonsaussi,»ditHassan,«maisellen’existepas.»—«Tuparlesparénigmes,»luireprochai-je.—«C’estunmirage,»dit-il.Je regardai à nouveau. Il me semblait improbable qu’il s’agisse d’un mirage. Je

connaissaisdeuxsortesdemirages,dansledésertceuxquevoitunindividunormaldansdescirconstancesnormales,pas lesmiragesd’uncorpsdéshydraté,d’uncerveaudérangépar lesoleil, pas les hallucinations. Le type le plus répandu de mirage est simplementl’interprétationdesondesdechaleur,miroitantsurledésertcommelesridessurl’eaud’unlac ou d’un étang. Lorsque le ciel est réfléchi dans cet air chaud quimonte, lemirage estencoreplusnetparceque,danscesconditions,lasurfacedulac,réfléchissantleciel,semblebleue et, ainsi, plus semblable à l’eau.Undeuxième typedemirage, plus personnel que lepremier,mais tout à fait normal, est l’interprétation d’un paysage diversifié, généralementrochersetbuissons,ajoutéauxondesdechaleur,enoasisavecdel’eau,despalmiersetdesbâtiments.Laperceptionestuneaffairetrèscompliquéecomportantlejeudesénergiessurles organes sensoriels et la transformation de ces énergies en unmonde visuel interprété.Tout ce avec quoi nous sommes en contact, naturellement, est l’énergie appliquée auxrécepteurssensoriels.Lesénergiesphysiquessonttrèsdifférentesdu«mondehumain»denotreexpérience,richeencouleurs,bruitsetlumière.Ilya,naturellement,uneconvergencetopographique entre le monde de la physique et le monde de l’expérience. L’évolution aproduit cette convergence.Notremondeexpérimental, quoique trèsdifférentde celuide laphysique,estbiencoordonnéàlui.Siteln’étaitpaslecas,nousnepourrionsnousdéplacercorrectement parmi les objets physiques, poser la main sur les choses que nous voulonstoucher et ainsi de suite. Des systèmes sensoriels différents, comme dans des typesd’organisme distincts, signifient des mondes expérimentaux différents. Tous, cependant,celuide l’homme,du coquillage,dupapillon,de la fourmi,du sleenouduPrêtre-Roi, sont

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convergents, quoique, peut-être, d’une manière bizarre, avec le monde physique présuméunique, singulier. Au-delà, la perception repose essentiellement sur l’interprétation d’uneséried’indices,d’élémentscodés, sur labasedesquelsnousconstruisonsununiversunifié,cohérent,harmonieux.Bienquelesyeuxsoientnécessairesàlavision,onnevoitpas,pourainsidire,aveclesyeuxmais,bizarrement,aveclecerveau.Silenerfoptiqueou,enfait,leszones concernéesdu cerveau, pouvaient être correctement stimulées, nouspourrions avoirdes expériences visuelles sans le concours des yeux. De même, lorsque les yeux sont enparfaiteconditionmaislescentresducerveauinopérants,onnepeutpasvoir.Peut-êtreest-ilpluscorrectdeparlerd’unsystèmedecomposantsnécessairesà l’expériencevisuellemais,toutefois,ilestbondecomprendrequecequistimulelesyeuxn’estpasuneréalitévisuellemais un spectre de radiations électromagnétiques. En outre, ce que l’on voit n’est passeulement fonction de ce qui existe dans le monde extérieur mais est influencé par denombreuxautresfacteurstelsque,parexemple,cequel’onadéjàvu,cequel’ons’attendàvoir, ce que les autres prétendent avoir vu, ce que l’on veut voir, la condition physique del’organisme, son conditionnement et sa socialisation, les catégories conceptuelles etlinguistiquesdontdisposel’organisme,etainsidesuite.Danscesconditions,iln’estdoncpasextraordinaireque,dansundésert,unindividucalme,normal,puisseinterpréterfaussementdesdonnéesphysiques,construireuneoasis,avecsesbâtimentsetsesarbres,surlabasedesénergiesréfléchiespardesondesdechaleurdansunpaysagederochersetdebuissons.Iln’yariend’extraordinairedanscegenredechose.

Mais cette expérience ne me semblait pas être un mirage. Je me frottai les yeux. Jechangeailapositiondematête.Jefermaietouvrislesyeux.

—«Non,»dis-je,«jevoisnettementuneoasis.»—«Ellen’existepas,»insistaHassan.—«L’Oasis de laBataille duRocherRougen’a-t-elle pas, à sa limitenord, une kasbah

avecquatretours?»—«Exact,»ditHassan.—«Danscecas,jelavois,»dis-je.—«Non,»réponditHassan.—«Ilyadespalmeraies,cinq,»ajoutai-je.—«Oui,»dit-il.— « Le jardin aux grenades se trouve à l’est de l’oasis, » dis-je. « Les jardins sont sur

l’intérieur.Ilyamêmeunpetitétang,entredeuxpalmeraies.»—«Exact,»reconnutHassan.—«C’estleRocherRouge,»conclus-je.—«Non,»réponditHassan.—«Jenepeuxpasimaginerceschoses,»insistai-je.«JenesuisjamaisalléauRocher

Rouge.Regarde.Ilyauneseuleporte,danslakasbahquisetrouveenfacedenous.Surlestours,deuxdrapeauxflottent.»

—«Lesoriflammes,»ditHassan,«desTashidetdesAretai.»—«Jefaislacourseavectoijusqu’àl’oasis,»proposai-je.—«Ellen’estpaslà,»dit-il.«Nousn’yarriveronspasavantdemainaprès-midi.»—«Jelavois!»protestai-je.—«Jevaisparlerclairement,»ditHassan.«Tulavoisettunelavoispas.»—«Jesuisheureux,»grinçai-je,«que tuaiesdécidédeparlerclairement.Si tu t’étais

montréobscur,jen’auraispascompris!»—«Passedevant,»suggéraHassan.

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Jedonnaidescoupsdetalondanslesflancsdemonkaiila,l’engageantsurlapentedouceconduisantàl’oasis.Moinsdecinqehnsplustard,l’oasisavaitdisparu.J’arrêtaimonkaiila.Devantmoi,iln’yavaitqueledésert.

J’étaisensueur.Ilfaisaittrèschaud.Devantmoi,iln’yavaitqueledésert.« C’est un phénomène intéressant, n’est-ce pas ? » demanda Hassan lorsque, avec les

autres,ilmerejoignit.«L’oasis,quisetrouveàunesoixantainedepasangs,sereflètedanslemiroirdel’air,au-dessusdelui,puissereflèteànouveaudanslesondesdechaleur.»

—«C’estcommeunjeudemiroirs?»demandai-je.— « Exactement, » réponditHassan, « les couches d’air jouant le rôle desmiroirs. Un

triangle de lumière réfléchie est formé.On voit le RocherRouge, ou son image, à plus desoixante-dixpasangsdedistance.»

—«C’estseulement,danscecas,uneillusiond’optique?»demandai-je.—«Oui,»réponditHassan.—«Maisnetesemblait-ilpasréel?»demandai-je.—«Naturellement,»répondit-il.—«Commentas-tusuquecen’étaitpasleRocherRouge?»demandai-je.—«J’habiteleTahari,»répondit-il.—«L’as-tuvudifféremment?»demandai-je.—«Non,»répondit-il.—«Alors,commentpouvais-tuenêtresûr?»insistai-je.Ilhaussalesépaules.—«J’habiteleTahari,»dit-il.—«Maiscommentas-tupusavoir?»demandai-jeànouveau.—«Ladistanceetletemps,»répondit-il.«Nousn’avionspasmarchéassezlongtemps,

comptetenudenotrevitesse,pourarriverdéjàauRocherRouge.»— « En le voyant, » estimai-je, « le voyageur imprudent pourrait renoncer à rationner

l’eauetmourir.»—«DansleTahari,»ditHassan,«ilestbond’êtreduTaharipoursurvivre.»—«Jevaisessayerd’êtreduTahari,»décidai-je.—«Jet’aiderai,»promitHassan.Ce fut le lendemainmatin, à la onzième ahn, une ahn après lemidi goréen, que nous

arrivâmesàl’OasisduRocherRouge.Elle était dominée par la kasbah de son pacha, Turem a’Din, commandant des clans

Tashid locaux, située à la bordure nord-est. Il y avait cinq palmeraies.À l’est de l’oasis, setrouvaient les vergers de grenades. Près du centre, s’étendaient les jardins. Entre deuxpalmeraies,ilyavaitunétang.Lakasbahnecomportaitqu’uneseuleporte.Auxsommetsdesesquatretours,flottaientdesoriflammes,celledesTashidetcelledesAretai.

«As-tupeurd’entrerdansl’oasisd’unetribuvassaledesAretai?»demandaHassan.—«NoussommesloindesNeufPuits,»répondis-je.—«Jecroiségalementquecen’estpasdangereux,»estima-t-il.Nousentrâmeslentementdansl’oasis,surunefile,commeunecaravane.Ilyapresque

continuellement un vent très chaud, dans le Tahari. Nos burnous flottaient derrière nous,gonflésparesseusement contre les flancsdenosmontures. La femme,Alyena, chevauchaitprèsduderniercavalier,à laplace laplushumble ;elleétait suivieparundeshommesdeHassan, son gardien ; il y a, en général, un garde comme celui-ci ; de temps en temps, ilsurveillelapistederrièrelescavalierset,naturellement,empêchelesesclavesdes’échapper.

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L’oasisdanslaquellenousentrionsdoitsonnomàlaBatailleduRocherRouge,lequelestunegrosseplaquedegrèsrougeâtresituéederrièrel’oasis,aunord-estdupointleplusbas.C’était le poste d’observation du commandant en chef Aretai de l’époque, Hammaran quilança, au moment crucial, sa cavalerie d’élite et sa garde personnelle depuis ce point,renversant le cours de la bataille. Le commandant en chef Tashid de l’époque, Ba’Arubmourutsurlerocherdegrèsrouge,avecdixhommes,enessayantderejoindreHammaran.Onracontequ’il arrivaàdixmètresde lui.Ba’Arubétait,dit-on,unhommecourageux.Onraconte également que s’il avait soutenu le siège dans sa kasbah, Hammaran auraitfinalement été obligéde se retirer. Il est difficile d’assiégerun endroit pendant longtemps,dansleTahari.Lesréservesdenourrituresontfaibles,saufà l’intérieurdelakasbah,et lesconvoisde ravitaillementprennent longtemps et sontdifficiles àprotéger. SiBa’ArubavaitdétruitouempoisonnélespuitspublicsduRocherRouge,ceuxquisetrouvaientàl’extérieurdesmursde la kasbah,Hammaranaurait étéobligéde se retirer sous vingt-quatreheures,perdantpeut-êtrelamajoritédeseshommes,surlecheminduretour.Mais,étantduTahari,Ba’Arub,selonlalégendetellequ’onlaraconteautourdesfeuxdecamp,nevoulutpasagirainsi.Onracontequ’ilarrivaàdixmètresdeHammaran.

Leshommesnousregardaientavecquelquecuriosité,commecelaseproduitlorsquedesinconnusarriventdansuneoasis,maisjenedécelainiappréhensionnihostilité.

J’endéduisisquelesguerresetlesraidsn’avaientpastouchéleRocherRouge.Unenfant,parjeu,courutprèsdelamonturedeHassan.«Tonkaiilan’apasdeclochettes,»ditl’enfant.—«Despillardslesontvolées,»réponditHassan.L’enfantritsanscesserdecourirprès

delui.«Nousallonschercheruneauberge,»décidaHassan.La bataille du Rocher Rouge, qui a donné son nom à l’oasis, s’était déroulée plus de

soixante-dix ans auparavant, en 10051, C.A., dans la sixième année du règne de Ba’ArubPacha. Depuis cette époque, les Tachid sont une tribu vassale des Aretai. Bien qu’il y aitquelques tributs, exemptionde taxepour les caravanesdesAretai etainside suite, la tribuvassaleest,danslesdomainesquilaconcernent,presquecomplètementautonome,avecsespropresdirigeants,magistrats,jugesetsoldats.Lesensdesrelationsest,essentiellement,cequinemanquepasd’intérêt,unealliancemilitaire.LatribuvassaleestliéeparlessermentsduTahari,prêtéssurl’eauet lesel,etsoutientleseffortsmilitairesdelatribuconquéranteenluifournissantduravitaillement,deskaiilasetdeshommes.Latribuvassaleest,enfait,uneunitémilitairesubordonnéeà la tribuconquérantequi,dece fait, lacompteparmisesforces.Lesennemisvaincusdeviennentdesalliés.Lesadversairesd’hierdeviennentlesamisd’aujourd’hui.LevaincuduTahariestprêt,lorsqu’onluirendsoncimeterre,àdéfendresonvainqueurjusqu’àlamort.Levainqueur,parsapuissance,saruseetsavictoire,selonledroitduTahari,agagnéunsoldatàsacause.Jeneconnaispasbienlesracineshistoriquesdecetteinstitution sociale étrange mais elle a pour effet, en pratique, de pacifier des zones trèsétendues du Tahari. La guerre, par exemple, entre les tribus expansionnistes et les tribusvassales est, quoiqu’elle arrive parfois, très rare. Une autre conséquence, peut-êtremalheureuse, est que les diverses tribus ont tendance à se constituer en confédérationsmilitairesdeplusenpluslarges.Ainsi,silaguerreéclataitentrelesgrandestribus,lestribusconquérantes, leshostilités s’étendraient audésert tout entier.C’était ce qui risquait de seproduireàcemoment-làcar lesAretaiet lesKavarsétaientdeuxgrandestribus.Toutes lestribus, naturellement, ne sont pas vassales ou conquérantes. Quelques-unes sontindépendantes. La guerre, incidemment, entre les tribus vassales, n’est pas inconnue. Les

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grandes tribusne sont pas obligées, bienqu’elles le fassent souvent, de soutenir les tribusvassalesdansleursquerelles;lestribusvassales,enrevanche,sontobligéesdesoutenirlesgrandes tribus lorsqu’elles s’opposent. Parfois, il est indiqué clairement, par messager ouproclamation,si laguerreestlocaleounonentre,parexemple,lesTa’KaraetlesLuraz,quine sont pas d’accord sur un problème donné. Dans l’ensemble, les relations entre tribusvassalesettribusconquérantescontribuentprobablementdavantageaumaintiendelapaix,dansleTahari,qu’audéclenchementdeshostilités.IlestheureuxquedetelsarrangementsexistentcarleshommesduTahari,commelesGoréensengénéral,sontextrêmementfiers,orgueilleux,facilementvexés,avecunsensdel’honneurextrêmementchatouilleux.Enoutre,comme ils aiment la guerre, un rien les pousse à enfourcher leur kaiila, le cimeterre à lamain. Une rumeur ou une injure, que l’on ne prend pas la peine de vérifier, peut-êtreintentionnellement,peuventsuffire.Unebonnebataille,ai-jeentenduleshommesduTaharidire,ensepassantlalanguesurleslèvres,justifietouteslescauses.Ilestpeut-êtreutiledementionner ici que la raison pour laquelle Hammaran est venu au Rocher Rouge il y asoixante-dixansn’estconnuenidesAretainidesTashid.Lacausedelaguerreestoubliée,maissesfaitsd’armessontencoreracontésautourdesfeux.Lagarded’Hammarancomptaitsoixante-dix hommes.Quand il vit qu’il avait perdu la bataille,Ba’Arub tenta de le frapperdirectement.Onracontequ’ilarrivaàdixmètresdelui.

«Nousallonsdescendreici,»décidaHassan,s’arrêtantdevantuneauberge.Nousmîmespiedà terre.Nousdéchargeâmesnoskaiilas.De jeunesgarçonsvinrentprendrenoskaiilasafinde lesconduireauxécuries.DeuxdeshommesdeHassan lesaccompagnèrent,afindes’assurer que les animaux seraient bien traités. Un des hommes de Hassan aida Alyena àmettrepiedàterre.Àpetitspas,ellevints’agenouillerprèsdeHassan,latêtecontresacuissegauche.

«Debout,Esclave!»luidit-il.—«Oui,Maître,»répondit-elle.Ilprituneoutre,encorepleine,quicontenaitenvironquatre-vingtslitresd’eau.—«Portecefardeau,Esclave,»dit-il.—«Oui,Maître,»répondit-elle.Illejetasursesépaules.Elleeutuncriétouffé.Ellesepenchaenavant,équilibrantlesac

aveclesmains.Ilétaitlourd,comptetenudesaminceur.Ellefaillitperdrel’équilibre.Siellefaisaittomberl’outre,elleseraitbattue.

Les hommes, ensuite, rassemblèrent leurs selles, leurs armes, l’eau et leurs autrespossessions.Alyenanousattendit,penchée,portantlelourdfardeausursespetitesépaules.

Chaquehommeportaitsaselle.LessellescomptentbeaucoupdansleTahari,ettousleshommes protègent la leur, se préoccupant de sa sécurité. Chez les nomades, elles sontrangéeschaquesoirdanslatente,poséesdanslapartiedroitedecelle-ci,aufond.

L’eauquenousavionsapportéeavecnousneseraitpasgâchéemais,conformémentàlatradition du Tahari, serait versée dans la citerne de l’auberge. De cette manière, l’eau estutiliséeet,dansunecertainemesure,celaéviteauxemployésdel’auberged’allerchercherdegrandes quantités d’eau aux puits de l’oasis. Lorsque l’on quitte l’oasis, de même, parpolitessevis-à-visdel’auberge,etdesonhospitalité,onneremplitpaslesoutresàlaciterne,maisauxpuitspublics.

Hassan,alors,portantsaselleetsesaffaires,entradansl’auberge.Nouslesuivîmes,seshommesetmoi.Alyena,baissantlatête,entraladernièredansl’auberge.

«Ici,Esclave!»luiditunemployédel’auberge,luiindiquantlechemindelaciternedel’auberge.Alyena, lentement, trébuchant, le suivit.Naturellement, ilne l’aidapas.Ellevida

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l’eau dans la citerne. Les hommes deHassan qui portaient également de l’eau la vidèrentaussidanslaciterne.Avantqu’Alyenarevienne,l’employéluiavaitretirésacapuche,révélantsescheveuxetsonvisage.Illapritparlescheveux.

«Tuesunejolieesclave,»dit-il.—«Merci,Maître,»répondit-elle.Illuitournalatêted’uncôté,puisdel’autre.Puisillalâcha,faisantclaquerlesdoigtset

montrant ses pieds. Elle s’agenouilla devant lui, lui embrassa les pieds, ses cheveux lescouvrant.Puisils’enalla.Elleserelevaetvints’agenouillerprèsdeHassan,quiétaitassisàtable, sur un banc. Elle s’agenouilla perpendiculairement à sa cuisse et posa la tête,tendrement,sursajambegauche.Illuicaressalatêteetlescheveuxavecunetendresserude,touchantsapeausouslecollier.

«As-tudéjàentenduparlerd’unetourd’acier?»demandaitHassanàl’aubergiste.Personne,apparemment,auRocherRouge,n’avaitvuouentenduparlerd’unecuriosité

architecturaletellequ’unetourd’aciersedressantdansledésert.Cela irritaHassan, etmoi également, car l’Oasis de la Bataille du Rocher Rouge est la

dernière oasis importante avant deuxmille pasangs, en direction de l’est ; elle se trouvait,effectivement,enbordureduredoutablePaysdesDunes ; ilyadesoasis,dans lePaysdesDunes,maiselles sontpetiteset rareset se trouventsouventàplusdedeuxcentspasangsl’unedel’autre;danslessables,ellesnesontpastoujoursfacilesàtrouver;danslesdunes,onpeutpasseràmoinsdedixpasangsd’uneoasisetlamanquer.Iln’yapratiquementqueles caravanesde sel,dans lePaysdesDunes.Les caravanes transportantdesmarchandisesonttendanceàsuivrelabordureoccidentaleduTahari;lescaravanes,celaméritesansdouted’êtrementionné,vontparfoisdeTorouKasraàTurmas,avant-posteturienetkasbahsituésurlabordureorientaleduTahari,maisellesévitentengénérallePaysdesDunes,allantverslesudetl’est,ouversl’estetlesud,contournantlessables.Raressontleshommesqui,sansbonnesraisons,pénètrentdanscetterégion.

J’étais persuadé, tout comme Hassan, que la tour d’acier se trouvait dans le Pays desDunes,sicetédificeextraordinaireexistaiteffectivement.

Il semblait raisonnablement clair que, si tel n’était pas le cas, quelqu’un, nomade oumarchand,aubergisteouconducteur,guideousoldat,enauraitentenduparler.

LesAutres,lesKurii,avaientcesséd’importerdesesclavessurGor.«LivrezGor!»avaitété l’ultimatum communiqué aux Sardar. Un Kur, seul, avait été capturé, se dirigeantapparemmentverslePaysdesDunes.Unmessageavaitétégravésurunrocher:«Méfie-toidelatourd’acier.».EtunemessagèreavaitétéenvoyéeàSamosdePortKar.Sonmessage,quiétaitapparuaprèsqu’on luieût rasé le crâne,était :«Méfie-toid’Abdul.».Seulecettepartie du mystère semblait être résolue. Abdul était un humble Porteur d’Eau de Tor,probablementunagentmineurdesAutres,lesKurii,quivoulaitm’empêcherd’entrerdansleTahari. Toutefois, j’ignorais qui avait envoyé lemessage. Jem’interrogeais sur le Kur qui,invisible, était entré dans ma cellule, aux Neuf Puits. Il avait été gravement blessé. Il nem’avait pas tué. Ibn Saranm’avait dit que l’animal avait été abattu. Néanmoins, il y avaitbeaucoupdechosesquejenecomprenaispas.

«Nouspartironsdemainmatin,»meditHassan,s’étirant.«Ici,personne,apparemment,neconnaîtlatourd’acier.»

Enfait,cequimesurprit,lanouvelledel’attaque,probablementperpétréeparlesAretai,del’OasisbakahdesDeuxCimeterres,quelquesjoursauparavant,n’avaitpasencoreatteintleRocherRouge.Personnen’enparlait. Si les habitants avaient été au courant, cela aurait

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vraisemblablement constitué le sujet de conversation principal. Il me parut clair que, dumoinsencequi concernait lapopulation,personnen’étaitaucourant.Si lesAretaiavaienteffectivementattaqué,ilnemesemblaitpasdouteuxquelapopulationseseraitpréparéeauxreprésailles des Kavars. Il n’était pas étrange, naturellement, que les habitants du RocherRougen’aientpasencoreentenduparlerdel’attaque.Celas’expliquaitsimplementparlefaitquepersonnen’avaitencoreapportélanouvelle.Iln’étaitarrivépersonnequisoitaucourantde l’attaqueousoitdisposéàenparler.Comme leRocherRougeétaituneoasisgouvernéeparlesTashid,tribuvassaledesAretai,naturellement,aucunBakahouautremembredelaconfédérationdesKavars,neprendraitlerisquedepasseret,amicalement,deleurdonnercerenseignement.Enfait,ilséviteraientplutôtlesoasisaretaiousousladépendancedesAretai,du moins jusqu’au jour où ils pourraient arriver en force, remplissant avec l’acier lespolitessesduTahari.

«Jesuisfatigué,»ditHassan.«Jevaismeretirer.»IlavaitdéjàenvoyéAlyenadanssachambre.Seshommes,également,étaientlogésaupremierétage.

Hassanregardaautourdelui.«Quelleheureest-il?»demanda-t-il.Un employé de l’auberge, assis, vêtu de son tablier, sur un banc proche de la grosse

horlogeàsablecylindrique,yjetauncoupd’œil:—«Dix-neufahnspassées,»dit-il.Ilbâilla.Ilresteraitjusqu’àlavingtièmeheure,minuitsurGor,puisretourneraitl’horloge

ets’enirait.«LesMaîtressont-ilscontentsdemamaison?»demandal’aubergiste.—«Oui,»réponditHassan.PuisHassanfitremarquer:«Dessoldatsrentrent.»J’écoutai attentivement. Je n’avais pas remarqué le bruit. Les doigts de Hassan, sur la

table,avaientsurprisunesubtilevibration.J’entendisalorslegrondementdugalopdeskaiilas.—«Lessoldatsnesontpassortis,»ditl’aubergiste.Hassanselevad’unbond,renversantlatable.Ilgagnarapidementl’étage.«N’allezpasauxfenêtres!»cria-t-il.Mais,déjà,l’aubergisteavaitfermélesvolets.J’entendisHassancrieràl’étage.J’entendis

desbruitsdepas.L’aubergistesetournaversmoi,blême;iltombaparterre,cassantlaflèchefichéedanssapoitrine;«LesKavarspar-dessustout!»entendis-je.Jemeprécipitaiverslafenêtre,frappaiavecmoncimeterreetlasilhouettevêtued’unburnous,accrochéeàl’appui,hurla et tomba, ensanglantée, dans le noir. Je tendis les bras pour fermer les volets.Deuxflèchesfrappèrentleboisetdeséclatsm’égratignèrentlajoue;puisjetirai lesvoletset lesfixai ; une autre flèche en transperça un, restant pendante de notre côté. L’employé del’aubergesetenaitprèsdel’horloge,regardantfollementautourdelui.Nousentendîmeslespattes des kaiilas, leurs glapissements, rugissements, sifflements. J’entendis un hommehurler.J’entendisuneportevolerenéclatsmaiscen’étaitpas,àmonavis,celledel’auberge.

«LesKavarspar-dessustout!»entendis-je.«Montez,»criaHassan,«surletoit!»Je montai l’escalier, quatre marches à la fois, jusqu’au premier étage. L’employé de

l’auberge,terrifié,disparutdanslacuisine.Alyena,blême,étaitdebout,tenueparundeshommesdeHassan.«Suivez-moi,»ditHassan.Lesclientsdel’auberge,eux,dévalèrentl’escalier.Unefemme

hurla.Nousgravîmesuneétroiteéchelle,poussâmeslatrappequidonnaitsurletoit.Nousnous

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immobilisâmes sous les trois lunesdeGor.Ledésert étaitblanc.Enbas,dans les rues, lesgenscouraient,quelques-unsemportantleursaffaires.

«Àlakasbah!»criaunhomme.«Réfugiez-vousdanslakasbah!»Parmi les fuyards, chevauchaient des cavaliers qui se frayaient un chemin à coups de

cimeterre.«LesKavarspar-dessustout!»criaient-ils.«LesKavars!»criai-je.Hassanmeregardafollement,furieux.«Àlacourdesécuries!»lança-t-il.Nouscourûmes,surletoit,jusqu’aumurdelacour

des écuries. Il cria des ordres, rapidement. On alla chercher les selles, deux hommessautèrentdanslacour,puiscoururentjusqu’àl’écurie.Jevisuneflècheenflamméefilerdanslecielau-dessusdespalmiers.J’entendis lebruitdeshaches.Onentendaitdeshurlements,de l’autrecôtédumur.Laportede l’auberge futenfoncée.Enbas,dans lacourde l’écurie,tenantlesrênesdenosmontures,apparurentleshommesdeHassan.

«Gardelatrappe,»ditHassanàundeseshommes.Presqueaumêmemoment,latrappese souleva et la tête d’un homme apparut ; l’homme deHassan lui plongea son cimeterredanslaboucheetleretira,ensanglanté,avantderefermerlatrappe.

«Àlakasbah!»criaunhomme,terrifié,danslarue.«Dans ledésert !»hurlaunefemme.«Lakasbahest ferméeàcausedespillards !On

meurtàlaporte,succombantsouslescoupsdecimeterre,sanspouvoirentrer.»«Aufeu!»criai-je.Uneflècheenflamméeétaittombéedanslacour,touchantlapaille

entreposée sur la droite. Un homme sauta par-dessus la porte de la cour de l’écurie. Ilretomba dans la rue, frappé par la lance d’un des hommes deHassan. La paille brûlait, àprésent,dans lacourde l’écurie, leskaiilasglapissaientde frayeur.LeshommesdeHassanjetèrentleursburnoussurlestêtesdesanimaux.Deuxd’entreeuxétaientsellés.

«Regardez!»criai-je.Deuxpillardsétaientmontéssurletoit,bondissantdepuisledosdeleurskaiilas.Nousles

attaquâmesfurieusement,Hassanetmoi,lesfaisantreculerettombersurlafoulehurlantequiencombraitlarue.Jevisunpalmiers’abattre.Quatrebâtimentsbrûlaient.

Unefemmehurla.Lamajoritédescavaliers,sefrayantuncheminàcoupsdecimeterre,passaitdanslarue.«Leursvêtementsetleursselles,»ditHassan,«sontkavars.»Depuis le toit, nous voyions les hommes, les femmes et les enfants courir dans les

palmeraiesetlesjardins.Unautrebâtiment,surnotregauche,cettefois,pritfeu.Jesentislafumée.«L’aubergebrûle,»dis-je.«Tarna!»entendis-je.«Tarna!»Hassangagnaleborddutoitetregardadanslacourenflammesdel’écurie.«Suivez-les !»criaHassan,montrant lesdeuxhommesqui se trouvaientenbas,à ses

autreshommes,mêmeàceluiquigardaitlatrappe.Ilsgagnèrentleborddutoitetsautèrentdans la cour. En hâte, ils sellèrent leurs kaiilas. Alyena, folle de terreur, se tourna versHassan.

«Maître,»sanglota-t-elle.Maisilétaitdéjàparti.Nouscourûmesànouveaudel’autrecôtédutoit.Nousvîmesd’autrespillardsarriver.Ils

étaientrépartisenplusieursgroupes,etétaientplusieurscentaines.«Àmonsignal,»ditHassan,«ordonne-leurd’ouvrirlesportesdelacouretdefuir!»

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Jegagnai lesommetdumursurplombantlacour.Jevis l’hommeàquiAlyenaavaitétépassée.Elleétaitàprésentsursonproprekaiila.Ilétaitaumilieudesautres.

«JetransmetslesignaldeHassan!»lançai-je.«Àcesignal,fuyez!»—«Ilyadeuxkaiilasselléspourvous,»meditl’homme,indiquantlesdeuxmontures.—«Àcesignal,»lançais-je,«fuyez!»—«Ettoi?»crial’homme.«EtHassan?»—«Àcesignal,»répétai-je,«fuyez!»—«Préparez-vousàouvrirlesportes!»lançal’hommeàdeuxdesescompagnonsqui,à

dosdekaiila,prirentposition.Ilssoulèveraientlesbarres.«Hassan!»hurlaAlyena,«Hassan!»L’un d’entre nous devait surveiller, pour choisir lemoment favorable à la fuite, l’autre

devaittransmettrelesignal.«Hassan!»hurlaAlyena,enbas.Je souris intérieurement. Elle avait osé souiller le nom de son Maître en lui faisant

franchirseslèvresqui,quoiquejolies,étaientcellesd’uneesclave.Engénéral,lesfemmesnesont pas autorisées à prononcer le nom de leur maître. Elles l’appellent : « Maître »lorsqu’elless’adressentàluiouluirépondent.SiHassansurvivait,illabattraitcopieusement.Quelques maîtres, toutefois, permettent aux femmes de prononcer leur nom s’il estaccompagné du titre qui leur revient comme, par exemple : « Maître Hassan ». Hassan,cependant, n’était pas aussi permissif ; il n’avait pas encore donné cette liberté à sa belleAlyena.J’étaispersuadéque,s’ilsurvivait,lajoliepetitefemmeseraitcopieusementfouettéepourcetécartquifrisaitl’insolence.

Il avait lebras levé. Il baissait la tête, regardant la rue. J’entendisungroupede soldatspasserdansunbruitdetonnerre.Sonbrass’abaissa.

«Partez!»criai-je.Lesbarresfurentlevées;lesportess’ouvrirent;lesburnousposéssurlestêtesdeskaiilas

furentretirésetlesanimauxsortirentàtoutevitessedelacourenflammes,débouchantdanslarue.

Nousentendîmesdescris.Quelquesinstantsplustard,leskaiilasetleurscavaliersavaientdisparudanslarue.«Ilrestedeuxkaiilassellés!»criai-jeàHassan,«Vite!»—«Prends-enun!»cria-t-il.«Pars!C’estlemoment.Pars!»Maisjelerejoignisauborddutoit.Puisunautregroupedecavalierspassadanslarue.Nousbaissâmeslatête.—«Tunevienspas?»demandai-je.—«Pars!»souffla-t-il.«Attends,»ajouta-t-il.Puis,enbas,danslesrues,vêtusdeburnouspourpreetjaune,arrivèrentonzecavaliers.«Tarna!»entendîmes-nous.«Tarna!»Ilss’arrêtèrent,presquesous le toit.Plusieursautrescavaliers,despillards,étaientavec

eux,derrièreeux.«Tarna!»entendîmes-nous.Lechefdescavaliers,enburnouspourpreetbleu, sedressasursesétriers, regardant le

carnage.Deslieutenantsfaisaientleurrapportauchef.Desordresleurétaientdonnéset,surleur

kaiila, ils s’éloignaient rapidement. Le chef, élégant,mince, énergique, était dressé sur sesétriers,lecimeterreàlamain.

«Lespuits?»demandaunhomme.

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—«Détruisez-les!»ordonna-t-elle.Ils’éloignaaugalop,suivid’ungroupedecavaliers.La femmeserassitsursaselle,son

burnous gonflé par le vent, son cimeterre léger, à la courbe sournoise, en travers dupommeau.

«Détruisezlespalmiers,brûlezlesbâtiments!»ordonna-t-elle.—«Oui,Tarna,»direntleslieutenants;puisilsfirentpivoterleursmontures,rejoignant

leurshommes.Lafemmeregardaautourd’ellepuis,rapidement,dansunnuagedepoussière,ellelança

sonkaiilaendirectiondelakasbah.Ellefutsuivie,immédiatement,parlesdixcavaliersquil’accompagnaient,etplusieursautrescavaliers.

«Prendstonkaiilaetfuis,»ditHassan.Letoitétaitbrûlant;l’aubergebrûlait;surnotredroite,desflammestraversaientletoit.

—«Tunevienspas?»demandai-je.—«Pourlemoment,»répondit-il,«j’aienviedevoirundecesKavars.»—«Jevaisavectoi,»dis-je.—«Sauve-toi,»mepressa-t-il.—«Jevaisavectoi,»répétai-je.—«Nousn’avonsmêmepaspartagélesel,»releva-t-il.—«Jet’accompagne,»décidai-je.Ilmeregardaunlongmoment.Puisilremontasamanchedroite.Jeposaileslèvressurle

dosdesonpoignetdroit,goûtant,danslasueur,lesel.Jeluitendisensuitemonpoignetdroitetilyposaseslèvres.

—«Comprends-tuceci?»demanda-t-il.—«Jecrois,»dis-je.—«Suis-moi,»lança-t-il,«nousavonsàfaire,monfrère!»Noustraversâmesletoit,quiétaitpresquecomplètementenflammes,etsautâmesdans

la cour de l’écurie. Nos kaiilas, attachés, la fumée leur piquant les narines, nerveux, noscouverturesdesellesurlatête,s’ytrouvaient.Nouslesconduisîmesdanslarue,oùnousleurretirâmes leurs couvertures. Je vis le corps d’un employé de l’auberge, un peu plus loin,contrelemurdubâtimentd’enface.Lavingtièmeheuredevaitêtrepassée.L’horlogen’avaitpas été retournée.Nous entendîmes le toit de l’auberge s’effondrer. Au loin, retentissaientdeshurlements.Nousconduisîmesnosanimauxdanslesruesdel’oasis.Pardeuxfois,nouscontournâmesdesgroupesd’hommesquisebattaient.Àunmomentdonné,quatresoldatsTashidpassèrentencourant.

Un peu plus tard, au bout d’une ruelle, dans la rue perpendiculaire, nous vîmes descombattants montés. Une dizaine de soldats Tashid, montés, attaquaient l’état-major despillards. Puis ils furent repoussés, avec des lances, par des dizaines de pillards. Puis ilss’enfuirent,poursuivisparlespillards,l’état-major,enburnouspourpreetjaune,suivant.Jevis Tarna, chef des pillards, debout sur ses étriers, le cimeterre levé, encourageant seshommes,puissejoignantàlapoursuite.

«Quiêtes-vous?»criaunevoix.Nouspivotâmessurnous-mêmes.«SleensAretai!»crial’homme.Ilmontasursonkaiila,jetasamontureenavant.Nous

bloquâmes la charge avec nos kaiilas. Les animaux glapirent et grognèrent. À cause desanimaux,nousnepûmesfrappercorrectement.L’homme,avecuncriderage,fitreculersonanimalet s’enfuitdans lenoir.Cen’étaitpasstupidedesapart.Dans la ruelle,du faitquenousétionsdeux,leschosesauraientpumaltournerpourlui.

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«Nousl’avonsmanqué,»dis-je.—«Ilyenad’autres,»ditHassan.Quelques instants plus tard, nous arrivâmes au pied d’un épais mur de terre rouge.

Devant lemur, il y avait six pillards, quatre avec le cimeterre à lamain. Contre lemur, àgenoux, nues, le ventre pressé contre lui, la pointe des cimeterres sur le dos, entre lesomoplates,lementonlevé,contrelemur,lesbrasau-dessusdelatête,lespaumescontrelemur, se trouvaient quatrebelles femmes.Unhomme, le cimeterre rengainé, sepréparait àpasser les menottes à la première ; un autre homme, le cimeterre également rengainé,déroulaitunemincechaînedestinéeàattacherlesesclavesparlecou.

«Tal,»ditHassan,lessaluant.Ilssetournèrentvivementverslui.Tousportaientlesvêtementsetl’agaldesKavars.Les

sellesdeleurskaiilasétaientkavars.Ilsse jetèrentsurnous, lesdeuxderniersdégainant leurcimeterre.Lorsqu’ilsarrivèrent

surnous, lesquatreautresétaientà terre. Ils reculèrent,puispivotèrentsureux-mêmesets’enfuirent.Nousnelespoursuivîmespas.

Lesfemmesrestèrentoùellesétaient.Ellesn’osèrentmêmepastournerlatête.Hassanenembrassaunesurlanuque.«Oh!»s’écria-t-elle.—«Êtes-vousdesesclaves?»demanda-t-il.—«Non,Maîtres!»crial’uned’entreelles.—«Danscecas,fuyezdansledésert,»ditHassan.Ellesseretournèrent,tasséescontrelemur,essayantdesecacher.—«Maisnoussommesnues,»luiremontral’uned’entreelles.—«Fuyez!»répétaHassan,enfrappantuneduplatdesalame.—«Oh!»s’écria-t-elle,puiselles’enfuit,suiviedesautres,danslenoir.Nousriions.«Ellessontjolies,»relevaHassan.«Peut-êtreaurions-nousdûlesgarder.»—«Peut-être,»admis-je.L’uned’entreelles,unepetitebruneauxhancheslarges,aurait

ététrèsbienàmespieds.—«Cependant,»repritHassan,«cen’estguèrelemomentdepasserlesmenottesàdes

femmes.»—«Tuasraison,»acquiesçai-je.—«Enoutre,»relevaHassan,«ellesétaientbienjeunes.Dansdeuxans,ellesserontà

point.»—«D’autreslescapturerontpeut-être,»relevai-je.Ilhaussalesépaules.—«Ilyatoujoursassezdebellesjeunesfemmesàasservir,»assura-t-il.—«Exact,»reconnus-je.Ilregardanosquatreadversairestombés.Leslunesetlalumièred’unetorcheglisséedans

unanneaudumurnouséclairaient.—«Voyons,»ditHassan,s’agenouillantprèsd’unhommeàterre.Jelerejoignis.Hassan

remontalamanchegauche.—«C’estunKavar,»dis-je.Jevis,surlebrasgauchedel’homme,lecimeterrebleu.—«Non,»ditHassan.«Regarde.Lapointeducimeterreestversl’intérieur,endirection

ducorps.»—«Etalors?»demandai-je.—«Lecimeterrekavarestdirigéversl’extérieur,versl’ennemi.»

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Jeleregardai.Hassansourit.Ilrelevasamanchegauche.Stupéfait,jevislamarquesursonavant-bras.«Voici,»ditHassanensouriant,«lamarquedesKavars.»Jevisquelapointe,commeill’avaitdit,étaitdirigéeversl’extérieur,versl’ennemi.—«TuesunKavar?»m’étonnai-je.—«Biensûr,»réponditHassan.Nouspivotâmessurnous-mêmes.Nousentendîmesunbruittrèsfaible.Nouslevâmesla

tête. Nous étions au centre d’un cercle de cavaliers vêtus de burnous pourpre et jaune,derrière lesquels se trouvaient des guerriers plus simplement habillés. Des lances nousmenaçaient,nousclouantaumur.Desflèchesétaientpointéessurnoscœurs.

«C’estbieneux,»ditl’hommequenousavionsaffrontédanslaruelle.«Faut-illestuer?»demandaunhommeenburnouspourpreetjaune.«Jetezvosarmes!»ditTarna.Nousobéîmes.«Relevez-vous!»dit-elle.Nousobéîmes.«Faut-illestuer?»répétal’homme.«Levezlatête!»ordonnalafemme.Nousfîmescequinousétaitcommandé.«Tarna?»demanda-t-il.— « Non, » dit-elle. « Ils sont beaux et forts. Ils m’intéressent. Prenons-les comme

esclaves.»—«Oui,Tarna,»ditl’homme.—«Celui-ci,»repritlafemme,meregardantcalmement,«déshabillez-leetenchaînez-le

àmonétrier.»

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12

CEQUIARRIVADANSLAKASBAHDETARNA;NOUSDÉCIDONS,HASSANETMOI,DEQUITTERCET

ENDROIT

JEroulaisurledos,faisantjaillirl’eau.C’étaittrèsagréable.Latempératuredel’eauétaitpeut-êtreunpeutropélevée.Enoutre,

elleétaitparfumée.Maiscelanemegênaitpas.Ilyavaitdessemainesquejen’avaispasprisdebain.J’appréciaiscettehospitalitédanslesérailmasculindelakasbahdeTarna,femme-banditduTahari.

«Presse-toi,Esclave!»ditlagrandefemmebrune,auxbrasnus,vêtued’unelargerobeblanchequi luicouvrait leschevilles.«LaMaîtresseserabientôtprêteà terecevoir.»Elletenaitquatre lourdes serviettesneigeuses, toutesd’undegréd’absorptiondifférent.Unpeuplus loinune autre femme, vêtue identiquement, replaçait surdes étagères leshuilesdontj’avaisétéenduitavantd’entrerdansmonsecondbain.Jelesavaisàprésentrincéesmaisjen’étaispaspressédesortirdel’eau.Jem’yplaisais.

Hassan,vêtud’uncourtvêtementdesoie,étaitassisnonloindelà.«Nesoispastroptriste,»medit-il.«TaMaîtresse,Tarna,est-ellejolie?»demandai-jeàlagrandefemmebrune.—«Sorsetessuietoi,»ditlafemme.—«J’aibienbesoind’unbain,»répondis-jeavecunsourire.—«C’estvrai,»admit-elle.«Presse-toi.»Quatre jours auparavant, à l’aube, Tarna, à la tête de ses hommes, quitta l’Oasis du

RocherRougeenflammes.Seulesacitadelle,sakasbah,avaitétéimprenable.Sespalmeraiesavaient été abattues, ses jardins détruits, quatre de ses cinq puits publics effondrés oucomblés. L’autre puits, par de trop nombreux hommes, avait été trop courageusementdéfendu. Il y avait eu entrequatre et cinq centspillards.Lorsqu’ils quittèrent l’oasis, leurskaiilasétaientchargésdebutin.Unequarantained’esclaves,enchaînées,attachées lesunesaux autres par le cou, avaient été capturées. Deuxmâles avaient également été capturés :Hassanetmoi.QuandTarnaavaitquittéleRocherRouge,sansregarderderrièreelle,droitesursaselle,leburnousgonfléparlabrisedumatin,jemarchaisprèsd’elle,nu,lespoignetsenchaînésdansledos,attachéparlecouàsonétrier.Hassan,attachédelamêmemanière,étaitenchaînéàl’étrierd’undeslieutenantsdeTarna.Avantquelesoleilsoithaut,etlesablebrûlant, nous atteignîmes les chariots qui attendaient dans le désert. Hassan et moi, uncapuchon d’esclave sur la tête, fûmes enchaînés et jetés dans un chariot, avec le reste dubutin. Les femmes elles-mêmes, une fois enchaînées dans leur chariot, furentencapuchonnées.L’endroitoùse trouvait lakasbahdeTarna, femme-banditduTahari, sonrepaire, était secret. Nous en étions arrivés à proximité ce matin, peu après l’aube. Lesprisonniers avaient pu retirer leurs capuchons d’esclave. Puis, à nouveau, Hassan et moi,

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nousavionsétéenchaînésauxétriers.MoiàceluideTarna,prèsdesabotte.«Oùsommes-nous?»demandai-jeàHassan.Lacravached’ungardem’avaitfrappésur

labouche.—«Jenesaispas,»réponditHassan.Ilfutégalementfrappé.Lesfemmesfurentenchaînéesenfileentredeuxcavaliers,unentêtedelaChaîne,l’autre

en queue. Une chaîne d’environ trois mètres de long, fixée au cou de la première, étaitattachéeaupommeaudelaselledugardedetête;unechaîned’environtroismètresdelong,fixéeaucoudeladernièrefemme,étaitattachéeaupommeaudelaselledugardedequeue.Ellesétaientattachéesde lasorteafinquelesrésidentset lagarnisonde lakasbah,dans lagrande cour, derrière les portes, quel que soit le côté sur lequel ils se trouvent, puissecontempler sans obstacles la chair du butin. Les bâches des chariots furent égalementretirées, afin que les marchandises prises au Rocher Rouge puissent être vues dans leurabondanceetleurrichesse.

Quandlacolonnedepillardsarriva,grâceàunmiroir,unmessagefutadresséàlakasbah.Ensuite,uneoriflamme,uneoriflammedevictoire,futhisséesurlatourdominantlesportes.Nousvîmeslesportess’ouvrir.

Soudain,Tarnadonnadescoupsdetalondanslesflancsdesonkaiilaetquittalacolonneaugalop.La chaînem’écorcha lanuque, je fus jetéà terreet traînédans lesbuissonset lapoussière,medébattant.Ellegalopaunecentainedemètres,puiss’arrêta.

«As-tudel’énergie?Peux-tucourir?»demanda-t-elle.Jelaregardai,toussant,couvertdepoussière,coupépar lesbuissons.«Debout!»dit-elle, lesyeuxétincelantau-dessusdesonvoilepourpre.«Jevais t’apprendreà ramper,»ajouta-t-elle.Jeme levaipéniblement.Elle fit alors marcher son kaiila, décrivant un grand cercle, augmentant progressivement,doucement, la vitesse.«Excellent ! » cria-t-elle. J’appartiens à laCastedesGuerriers.Elleaccéléra.«Excellent!»MêmepourunGuerrier,j’étaissouple,rapide.Moncœurbattait;jecherchaismon souffle.Elleme fit courir plus d’unpasangdans le désert. « Incroyable ! »lança-t-elleenriant.Puis,rianttoujours,elledonnadescoupsdetalonàsonkaiilaetjefusànouveau jeté à terre, les poignets attachés dans le dos, et traîné, roulant, me débattant,derrièreelle.Auboutd’unquartdepasang,ellemelaissamereleverpuis,autrot,alorsquej’étaiscouvertdesang,quejetrébuchais,lecorpstremblant,lecoubrûlant,lavisiontrouble,elleregagnalatêtedesacolonne;jetombaiàgenouxdanslapoussièreprèsdesonétrier.

«Lèvelatête,»ordonna-t-elle,«Esclave!»Jelevailatête.«Jevaistefaireramper,»dit-elle.Puiselleajouta:«Debout!»Jemelevai.Elleparut

stupéfaite. Elle ne croyait pas que je pourraisme lever. «Tu es fort, » remarqua-t-elle. Jesentislapointedesoncimeterresousmonmenton,meforçantàleverlatête.«J’aimefairecourir les hommes à mon étrier, » me dit-elle. « Tu es fort. Je prendrai plaisir à tedompter ! » Puis elle se tourna sur sa selle et, montrant la kasbah de la pointe de soncimeterre, elle cria : «Enavant ! »Et la colonne, avecbutin et esclaves, sedirigea vers legrandportailvoûtédelaforteressedudésert.Avecintérêt,jeremarquaiqu’ilyavait,enfait,deuxkasbahs.Ladeuxième,plusgrande,sedressaitàenvirondeuxpasangsàl’estdel’autre.J’ignoraisàquiappartenaitcettegrandekasbah.

Bientôt, Tarna, avec ses hommes, son butin et ses esclaves, franchit le portail de laforteressedudésert.Ellelevalesbrasetsoncimeterre,répondantauxacclamations.

«Presse-toi,Esclave!»ditlagrandefemmebrune,auxbrasnus,vêtued’uneamplerobe

blanchequiluicouvraitleschevilles.«LaMaîtresseserabientôtprêteàterecevoir.»

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—«TaMaîtresseest-ellejolie?»luidemandai-je.Jen’avaispas,àcauseduvoilepourprequeportaitTarna,qu’elleavaitenrouléautourdesatête,bienvusonvisage.Cequej’avaisvume semblait non seulement joli, mais beau. J’étais convaincu que c’était une femmeorgueilleuseetmagnifique.Naturellement,jen’avaispaspu,àcausedesvêtementsamplesetmasculinsqu’elleportait,jugerdescourbesdesoncorps.Onnepeutjugerdelabeautéd’unefemmequelorsqu’elleestnue,commelesesclavessontvendues.

—«Elleestlaidecommeunsleendessables!»répliquasèchementlafemme.«Presse-toi.»

—«Nousn’avons jamaisvunotreMaîtresse,» intervint l’autre femme,elleaussivêtued’unelonguerobe,quiétaitresponsabledeshuilesdebain.

—«Presse-toi,Esclave!»lançalapremièrefemme,«sinonnousappelleronslesgardeset tu seras battu ! » Elle regarda autour d’elle avec inquiétude. Je compris qu’elle seraitcertainement tenue pour responsable si je n’étais pas prêt à temps pour le plaisir de samaîtresse. Je vis l’autre femme préparer une légère tunique de soie rouge et un collier deperlesjaunesquim’étaientsansdoutedestinés.«Sors,àprésent,»dit-elle.«Etsèche-toi.»

Jeroulaidansl’eau.J’avaisbienmangé.J’avaisbeaucoupdormi,depuislematin.Jemesentaisrafraîchietreposé.Unelonguechevauchéeàdosdekaiilam’attendait,cettenuit.

— « Quel est, » demandai-je à la femme, « le sort réservé aux femmes capturées auRocherRouge?»

—«Déjà,»répondit-elle,«gardées,dansdeschariots,ellessontenroutepourleMarchédeTor,oùellesserontvendues.»

—«Ya-t-ilquelquesfemmes,danslaforteresse?»demandai-je.—«Ilyena,naturellement,quelques-unes,»répondit-elle;«pourleshommes.»—«Où?»m’enquis-je.—«Danslesniveauxinférieursdelakasbah,»répondit-elle.—«Maistun’espasicipourleshommes?»demandai-je.—«Non,biensûr!»répondit-elle,furieuse.QuelqueshommesappartenantàTarnaétaientassisdans lapièce,vêtusdetuniquesen

soie,portantparfoisdesbijoux,nousregardantaveccuriosité,Hassanetmoi.Quelques-unsétaientplutôttristes.L’und’entreeux,unpeuplustôt,untypeavecuncollierderubis,avaitdit:

« Je suismanifestement plus beau que lui. » Il faisait allusion àmoi. Je supposai quec’étaitvrai.Enrevanche,Hassanetmoiavionsl’avantagedelafraîcheuretdelanouveauté.J’étaisheureuxd’avoirétéchoisipourlanuit.Jetrouvaislesérailmasculinagréablemaisnevoulaispasyresterpluslongtempsquenécessaire.

«Jenecomprendspascommentilsefait,»avaitditHassan,«quecenesoitpasmoiquiaieétéchoisipourleplaisirdelaMaîtresse.»

—«Jesuissansdouteplusfascinant,»répondis-je.—«Onnepeutexpliquerlegoûtdesfemmes,»avait-ilsouligné.—«C’estexact,»dis-je.«J’airemarquéqu’Alyenatepréfèreàmoi.»—«C’estvrai,»opina-t-il.—«Bienentendu,»fis-jeremarquer,«cen’estqu’uneesclave.»—« Il est vrai que cen’estqu’une esclave,» acquiesça-t-il, «mais c’est égalementune

jeunefemmeextrêmementintelligente.»— « C’est exact, » reconnus-je. Les Marchands d’Esclaves des Kurii, les Autres,

sélectionnaient, entre autres, en fonction de l’intelligence des victimes. Les deux critèresprincipaux,comptetenudecequej’aipuconstater,sontlaféminitéetl’intelligence.Cesdeux

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caractéristiques, hormonale et intellectuelle, produisent presque toujours une beautévulnérable, fragile, vive, sensible, presque toujours prête pour le collier. Les femmesextrêmement intelligentes et féminines, comme presque tous les Goréens le savent, sontd’excellentes esclaves. Les Goréens s’intéressent peu aux femmes stupides, bien quequelques-unessoientsexuellementattirantes,oumasculines.Lesfemmesstupidessonttropstupides pour être de bonnes esclaves et les femmes masculines ne sont même pas desfemmes.Maislavéritablefemme,prisonnièreéveillée,impuissante,desesinstinctsetdesonsang,avecunespritfin,unespritprofond,beau,sensible,imaginatifetinventif,estcequelesGoréens veulent, la tête baissée, à leurs pieds. Qui voudrait passer son collier à un objetmoinsprécieux?

—«Pourtant,»suggérai-je,«Tarnanesemblepasstupide.»—«Non,»reconnut-il,«c’estvrai.»—«Etc’estmoiquiaiétéchoisi,»fis-jeremarquer.—«Onnepeutexpliquer legoûtdes femmes,» souligna-t-il.«Alyena,parexemple,»

ajouta-t-il,«quiestmeilleure,mepréfère.»—«Jen’aipasvuTarnanueetattachéeàunanneaud’esclave,»relevai-je.«Jenesais

passiAlyenaestounonmeilleure.»—«Supposonsqu’ellelesoit,»proposaHassan.—«Trèsbien,»acquiesçai-je.—«Ellemepréfère,»dit-il.—«Onnepeutexpliquerlegoûtdesfemmes,»rappelai-je.À ce moment-là, deux femmes bras nus, en robe blanche, étaient venuesme chercher

pourm’emmenerdansmonbain.«Celatedéplaît,Ali?»demandaundeshommesvêtusdesoie.—«Non,pasdutout,»répliquasèchementlafemmevêtuedeblanc,avecsesserviettes.Jenageaijusqu’auborddelapiscineetlaregardai.«Commentt’appelles-tu?»demandai-je.Ellerecula.—«Ali,»répondit-elle.—«C’estunnomd’homme,»relevai-je,«oudegarçon.»—«MaMaîtresse,»réponditlafemme,«medonnelenomquiluiplaît!»Elleétaiten

colère.L’hommequiavaitparlé,rit.«Tais-toi,Fina!»fit-ellesèchement.Ilblêmit.Ilbaissalatête.—«Oui,Maîtresse,»dit-il.—«Fina,»relevai-je,«estunnomdefemme,oudefille.»—«LaMaîtresse,»répondit-elle,«aimedonnerlesnomsquiluiplaisent.»Elleadressa

unbrefregardauxhommesvêtusdesoie.«Ilsonttousdesnomsdefemmesoudefilles.»Ellenousfoudroyaduregard,Hassanetmoi.«Vousaussiserezbientôtdanslemêmecas.»Puisellecria:«Allezdansvosalcôves,Esclaves!Allez!»

Leshommes,dontquelques-unsparurenteffrayés,àl’exceptiondeHassanquirestaassis,déconcerté,auborddelapiscine,gagnèrentleursminusculesalcôves.

Lesdeuxfemmesenblanc,jecommençaisàlecomprendre,dominaientlesérail,unpeucommedeseunuques, legouvernantet imposantunedisciplineharmonieuseauxesclaves.Leurparole, prononcée impérieusement, avec l’assurancedupouvoir absolu,probablementsoutenueparlesfouetsetlescimeterresdesgardespostésdehors,étaitlaloidesoccupants

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du sérail ; lorsqu’elles parlaient, les hommes obéissaient ; lorsqu’elles parlaient durement,leshommesavaientpeur;danslesérail,soutenuesparlapuissancedesgardesdeTarna,cesdeux belles femmes dominaient les hommes ; elles méprisaient manifestement les mâlesvêtusde soiedontellesavaient la charge, surtout lagrandebrune ; sans se cacher, elle lesécrasaitdesonmépris.

Onfrappaàlaportedusérail,auboutducouloir.«Vite!»crialafemme.«Ilsviennenttechercher.Sors!Sèche-toi!»Jetendislebraset,sansquitterlapiscine,luiprislachevillegauche.L’autrefemme,qui

s’occupaitdelatuniquedesoierouge,etducollierdeperles,retintsonsouffle.Jeregardailagrandefemme.

—«Tuneportespasdecollier,»relevai-je.—«Non,»répondit-elle.Puiselleajouta:«Lâchemacheville,sleeninsolent!»—«Cettechevillenemesemblepasmasculine,»dis-je.Jeserraissajoliecheville.—«Lâche-moi,»dit-elle.Autourdesacheville,unanneaumétalliqueétaitsoudé.—«Qu’est-cequec’est?»demandai-je.—«C’estainsiqueTarnamarquelesesclavesfemellesdesonsérail,»réponditlafemme.

«Lâche-moi.»Lescoupssefirentplusforts.«Lâche-moi!»cria-t-elle.«Jevaistefairefouetter.»— « Mais alors, je ne serai peut-être pas prêt à temps pour la Maîtresse, » fis-je

remarquer.—«Demain,jeteferaibattreàmort!»cracha-t-elle.—«Danscecas,»dis-je,«cesoir,jedevraiexpliqueràlaMaîtressepourquoijenepeux

pasluidonnerbeaucoupdeplaisir.»Lafemmeblêmit.«Tum’asséduit,»expliquai-je.—«Non!Non!»cria-t-elle.—«Quelétaittonnomdefemme?»demandai-je.—«Lana!»cria-t-elle,désespérée.Elletentadesedégager.«Lâche-moi!»Desgardesouvrirentlaporteextérieure.«Ilsserontprêtsdansunmoment!»cria-t-elle.«Jet’enprie!»Jelâchaisachevilleetmehissai,trempé,horsdelapiscine.Elle me jeta les serviettes, presque frénétiquement. Nous entendîmes les gardiens

s’arrêterderrièrelaporteintérieureetparleraveclesdeuxhommesquilagardaient.«Sèche-toi,»dit-elle.Jelevailesbras.—«Sèche-moi,Lana,»dis-je.—«Sleen!»cria-t-elle.Je regardai le sérail. Il était joli. Il y avait deminces colonnes demarbre décorées, de

nombreusesvoûteset sculptures,beaucoupde tentures,desdallesdemarbre, sur le sol,etdesmosaïques.Ilétaithautdeplafond,grand,beau.Jeregrettaidenepasavoirdavantagedetempsàypasser.

«Sleen,»sanglotalafemme,commençantàmesécheraveclapremièreserviette.«Aide-moi!»cria-t-elleàl’autrefemme,quiavaitpeur.

—«Non,»dis-je,«seulementtoi,Lana.»Enlarmes,furieuse,Lanamefrottaaveclaserviette.

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—«Oh!»cria-t-elle,carjel’avaisprisedansmesbras.Jeluiserrailataille.Ellerejetalatêteenarrière.«Non!»cria-t-elle.«Es-tufou?JesuislaMaîtresseduSérail.Non!»Lescrochetsayantcédé,sonvêtementtombaparterre.

—«Toncorpsnonplusn’estpasceluid’unmâle,»relevai-jeànouveau.—«Jet’enprie,»sanglota-t-elle.J’embrassaisesseins,carilsétaientbeaux.«JesuislaMaîtresseduSérail,»sanglota-t-elle.Jel’embrassaisurlabouche,l’immobilisant.—«Non,»dis-je.«Tun’esqu’unebelleesclave.»Jelalâchaiet,maladroitement,enhâte,ellemesécha.Quandelleeutterminé,elleétaità

mespieds,lesessuyant.Jelarelevaietluiappuyailedoscontreunedesmincescolonnesdemarbrefroidquisoutenaientletoitvoûtédusérail.Jemeserraicontreelle,noslèvresàuncentimètrelesunesdesautres.Duboutdesdoigts,jecaressailescôtésdesoncou.

«Cecou,»dis-je,«estaristocratiqueetbeau.Uncollierluiiraitbien.»Ellemeregardadanslesyeux.

—«J’aimeraisporterletien,»souffla-t-elle,«Maître.»Jel’embrassai.J’entendisleverroudelaporteintérieure.L’autrefemmemejetalatuniquedesoierouge

etjel’enfilai,sansmettrelecollierdeperlesjaunes.Laportes’ouvrit.Deuxgardesentrèrent,vêtusdeburnouspourpreetjaune.«L’esclaveest-ilprêt ?»demandaungarde, regardantautourde lui.«Quesepasse-t-

il?»demandal’autre,contemplantlabeautéexposéedeLana,MaîtresseduSérail.Effrayée,lesmainsdevantlabouche,elles’appuyacontrelacolonne.

—«Ellevaprendreunbain,»leurdis-je.J’allaiprèsd’elle,laprisparlebrasgauche,au-dessusducoude,puisparlacheville,etlajetailatêtelapremièredanslapiscine.

JeregardaiHassanetl’autrefemme.«Jereviendraibientôt,»promis-je.—«Trèsbien,»répondit-il,sedirigeantversl’autrefemme.—«LaMaîtresse,»prévintungarde,«retientsesmâleslongtemps.»LatêtedeLana,crachant,clignantdesyeux,sortitdel’eau.—«Cesoir,ceseradifférent,»répliquai-je.JemetournaiversHassan.«Tiens-toiprêt,»

luidis-je.«Unelonguechevauchéenousattend,cettenuit.»—«Trèsbien,»répondit-il.Lesgardesmeregardèrentcommesij’étaisfou.Ilsetenaità

présentpresqueexactementderrièrel’autrefemme,cellequiétaitresponsabledeshuiles.—«Dépêchons-nous,»dis-jeauxgardes.«IlnefautpasfaireattendrelaMaîtresse.»—«Ilestpressé!»s’exclamaungarde.—«Ileststupide!»fitl’autreenriant.Lana,trempée, latêtebaissée,sortitde l’eau.JevisHassanestimer ladistanceséparant

lesdeuxfemmes.Jefranchisrapidementlaporteintérieuredusérail.«VotreMaîtresseest-ellejolie?»demandai-jeauxgardesquim’emboîtèrentlepas.—«Elleestlaidecommeunsleen,»grondal’und’entreeux.Ilverrouilla laportederrière lui, fermant lesérailàcléde l’extérieur.Jenotaiquedeux

gardessetenaientdevantlaporte.Auboutducouloir,aprèscinquantemètresdedallesetdetentures,sedressait laporteextérieure.Ils frappèrentetelle futouvertede l’extérieur.Elleétaitégalementgardéepardeuxhommes.

—«Franchement,»dis-je,«votreMaîtresseest-ellejolie?»—«Elleestaussilaidequ’unsleen,»réponditlegarde.

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«Jem’appelleTarna,»ditlafemme.Elleétaitallongéesurunlargecanapé,dresséesur

lecoude,etmedétaillait.Jeregardailapièce.Jegagnailafenêtreetregardaidanslacour.«Lesol,»dit-elle,«estàvingtmètres.»J’examinailesmurs,laporte.«Laporte,»dit-elle,«parlesgardesquisetrouventdehors,n’estouvertequesurmon

signal.»«Viens,»reprit-elle,«aupieddemacouche.»—«Noussommesseuls?»demandai-je.—«Ilyadesgardesderrièrelaporte,»répondit-elle,troublée.—«C’estacceptable,»dis-je.Jelaconsidérai.— « Tu es un esclave bizarre, » fit-elle remarquer. Elle était couchée, appuyée sur le

coude.Elleportaituneamplerobe,jaune,légère,desoieturienne;elleétaitfineet,avecsondécolleté,ainsiquesurleshanches,neladissimulaitguère.Sescheveuxétaientnoirs,longs,riches,etlecoussinjaunelesmettaitenvaleur.

Je constatai avec satisfaction qu’elle n’était pas aussi laide qu’un sleen des sables. Jeconstataiavecjoie,aucontraire,qu’elleétaittrèsbelle.Sesyeuxétaienttrèsnoirs.

«Jetepossède,»dit-elle.—«Unelonguechevauchéem’attend,cettenuit,»dis-je.—«Tuesunesclaveétrange,»reprit-elle.—«Ilyauneautrekasbah,»dis-je,«àmoinsdedeuxpasangsd’ici.Àquiappartient-

elle?»—«Celan’aaucuneimportance,»fit-elle.«Tonétatd’esclaveteplaît-il?»demanda-t-

elle.Ilyavaitdesdrapsdesoierouge,surlacoucheoùelleétaitallongée.Aupied,ilyavaitun

anneaud’esclave.—«Àmonavis,conformémentàlaLoidesMarchandsetàlacoutumeduTahari,»dis-je,

«jenesuispasunesclavecar,quoiquejesoisprisonnier,jen’aipasétémarqué,neportepasdecollieretn’aifaitaucunactedesoumission.»

—«Monbelesclaveinsolent!»souligna-t-elle.Jehaussailesépaules.«Me trouves-tu jolie, » demanda-t-elle, « sans les vêtementsmasculins que je portais

dansledésert?»Jelaregardai.—«Oui,»répondis-je.Jeconstataiqu’elleavaitunecravacheàlamain.—«JesuislaMaîtresse,»appuya-t-elle.—«Tuestrèsbelle,»dis-je.«Tudevraisêtreuneesclave.»Ellerejetalatêteenarrière.—«Esclaveinsolent!»fit-elle.«Tumeplais.Tusemblesdifférentdesautres.Peut-être

vais-jemêmerenonceràtedonnerunnomdefemme.»—«Peut-être,»reconnus-je.—«Jemedemandeparfois,»rêva-t-elle,«queleffetcelafaitd’êtreunefemme.»—«Detouteévidence,tuesunefemme,»dis-je.—«Suis-jeséduisante?»demanda-t-elle.

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—«Oui,»répondis-je.—«Sais-tuque, avec le cimeterre, »demanda-t-elle, « je suis très adroite, plus adroite

quen’importequelhomme?»—«Non,»répondis-je,«jenelesavaispas.»—«Maisjemedemandeparfois,»reprit-elle,«queleffetcelafaitd’êtreunefemme.»Jesouris.«Unevraiefemme,»ajouta-t-elle,«àlamercid’unhomme.»— «Oh ? » demandai-je. Je regardai la pièce. Il y avait, çà et là, dans des coffres, des

écharpesetdescordesdontdépendaientlestentures.Ilfaudraits’occuperdesgardes.Puissoncomportementchangea.Elledevintarrogante,furieuse.—«Sers-moiduvin,Esclave!»ordonna-t-elle.Jegagnailapetitetableet,avecunrécipientcourbe,emplitunepetitetassedevin.Jela

luidonnai.Elles’assitaubordde lacoucheetbutàpetitesgorgées.Puissonregarddevintirrité.

«J’aidonné l’ordre,»dit-elle,«que tumesoisprésenté ce soir avecdesperles jaunesd’esclave.JevoisquejedevraifairefouetterlaMaîtresseduSéraildemainmatin.»

—«Non,»dis-je.«Jelesai,àl’intérieurdematunique.»—«Sors-les,»dit-elle.—«Non,»répondis-je.Elleposasatassedevin.—«Non?»demanda-t-elle.—«Non,»répondis-je.Ellerit.—«Maistupourraisêtrefouetté,»releva-t-elle.«Torturé,détruit.»—«J’endoute,»dis-je.—«Àgenouxsouslefouet!»ordonna-t-elle.Ellelevasacravache.—«Non,»répondis-je.Ellerecula.Ellenetentapasdemefrapper.—«Jenecomprendspas,»dit-elle.«Tuterendscertainementcompteque,danscette

pièce,danscettekasbah,auTahari,tum’appartiensettudoisfairecequej’ordonne.J’aitouslespouvoirssurtoi!Tuesmonesclave,totalement.»

—«Non,»dis-je.—«Quelesclave fantastique tues !» s’exclama-t-elle.«Jenesais si jedoisounon te

fairetuer.»Ellemeregarda.«Tun’asdoncpaspeur?»—«Non,»répondis-je.—«Tuesdifférent,»reconnut-elle,«différentdetouslesautres.Jedoisêtreprudente.

Je ne suis même pas sûre qu’il soit bon de te briser, de te faire gémir et ramper. » Elleparaissaittrèspensive.

Jemeservisunepetitetassedevin,buspuislaremissurlatable.—«Tuesbelle,»dis-je, la regardant.«Tes lèvres,»ajoutai-je,« sont intéressantes.»

Elles étaient un peu pleines, saillantes, boudeuses. Elles s’écraseraient bien sous les dentsd’unhomme.

—«Commentcela?»demanda-t-elle.—«Unmaîtrepourraitlesfairesaignersanspeine,»dis-je.Sesyeuxlancèrentdeséclairs.—«Vaprèsdel’anneaud’esclave!»ordonna-t-elle.

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—«Non,»répondis-je.Ellerecula,commeabasourdie.—«Jevaisappelerlesgardes,»prévint-elle.—«Fais-le,»suggérai-je.Maisilétaitclairqu’ellen’enavaitpasenvie.—«Tunem’obéispas,»fit-elle.—«Tuesunefemme,»dis-je,«c’estàtoid’obéir.»— « Sleen insolent ! » cria-t-elle, pivotant sur elle-même, sa robe tournoyant. « Sleen

insolent !»Puisellese tournaversmoi.«Àprésent, jevaisappeler lesgardes,»décida-t-elle.«Ilsvontentrerettedétruire.»

—«Mais,danscecas,»relevai-je,«tunesauraspascequec’estqu’êtreunefemme…àlamercideshommes.»

Ellegagnalafenêtre,furieuse,etregardalesmursdelakasbah,lessablesargentésparlalumièredestroislunes.Dansleciel,lesétoilesbrillaient.

Ellesetournaversmoi,lespoingscrispés,serrantlacravachedanslepoingdroit.«Tuassûrementdéjàeuenviedesavoircequec’estqu’êtreunevraiefemme,àlamerci

deshommes?»—«Jamais !»cria-t-elle.«Jamais.JesuisTarna.Jen’aipasde tellespensées.Jesuis

Tarna.JesuisTarna!»Ellesetournaverslafenêtre.—«Appellelesgardes,alors,»suggérai-je.Ellesetournaànouveauversmoi.—«Apprends-moiàêtreunefemme,»dit-elle.—«Viens,»l’invitai-je.Ellevints’immobiliserdevantmoi;furieuse.Jetendislamain.

Ellelaregarda.Puis,lentement,elleposalalonguecravachesoupledansmamain.—«Oserais-tumefrapper?»demanda-t-elle.—«Situn’obéispas,»dis-je.—«Tuleferais,»souffla-t-elle.«Tuleferais.»—«Oui,»dis-je.—«J’obéirai,»accepta-t-elle.Jejetailacravachedansuncoin,parterre.Elleglissasurlesdalles.Ellelaregarda.—«Vachercherlacravache,»dis-je.Elleobéitetlaremitdansmamain.«Tournesurtoi-même,»dis-je.«Vat’allongersurlacouche.»Ses épaules frémirent de colère. Mais elle pivota sur elle-même, gagna la couche et

s’allongeadessus.Jelalaissailàpendantquelquesinstants.Jelaregardaidanslesyeux.Jefuspersuadé,en

regardant ses yeux, et compte tenu de sa respiration, que si je touchais son corps,intimement,mamainseraitchaudeetmouilléepar l’impuissancedesonexcitation.J’avaisrarementvuunefemmeaussiprête.

JecomprisqueTarnaattendaitdepuislongtempsd’êtreunefemme.Jejetailacravache.—«Tuneveuxpasdelacravache,»s’étonna-t-elle,«pourmefaireobéir?»—«Valachercher,»dis-je.Elleseleva,tenantàpeinedebout,penchée,tellementsondésirlatourmentait.«Non!»l’arrêtai-je.Ellemeregarda.«Àgenoux,»précisai-je,«entrelesdents.»

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Ellerampajusqu’àlacravacheet,penchantlatêtesurlecôté,lapritentrelesdents.Puis,àquatrepattes,ellemelarapporta.Jelaluiarrachairudementdelabouche.

«Surlacouche!»ordonnai-je.—«Oui,Guerrier,»souffla-t-elle,grimpantànouveausurlesdrapsécarlates.Jeposaila

cravacheprèsde lacouche,àportéede lamain.Jenepensaispasqu’ilseraitnécessairedel’utiliser.

Jegagnaiundescoffresetensortisdeuxécharpes.«Quevas-tuenfaire?»demanda-t-elle.—«Tuverras,»répondis-je.Jelesposaiprèsd’elle,surl’oreiller.—«Tum’asenvoyéechercher la cravache,»dit-elle,«àquatrepattes, entre lesdents,

commesij’étaisunsleen.»—«Tuesunsleen,»dis-je.«Tuserastraitéeentantquetel.»—«Jen’aipasl’habitude,»énonça-t-elle,«d’allerchercherlescravachesentrelesdents

pourleshommes.»— « Si tu connaissais davantage d’hommes, » dis-je, « de vrais hommes, tu en aurais

l’habitude.»—«Jevois,»fit-elle.—«Lesleen,»repris-je,«estunanimalsinueux,beauetextrêmementdangereux.Onne

peutmanifesterlamoindrefaiblesse,aveccetanimal.Ils’attaqueraitàsonmaître.Ilfautlecontrôlerparfaitement.»

—«Etsionlecontrôleparfaitement?»demandaTarna.—«Danscecas,c’estunanimalfamiliersuperbeettrèsagréable.»—«Suis-jeunsleen?»demanda-t-elle.—«Oui,»répondis-je.—«Et,»ajouta-t-elle,«suis-jetonsleen,qu’ilfautcontrôlerparfaitement?»—«Biensûr,»dis-je.—«Tuesunmonstre,»souffla-t-elle.—«Oui,»répondis-je.—«Sij’étaisunsleen,»rêva-t-elle,selovantsurl’oreiller,«jecroisquej’aimeraisavoir

unmaîtretelquetoi.»—«Tuesunsleen,»dis-je.—«Ettoi?»demanda-t-elle.—«JesuistonMaître,»répondis-je.—«Contrôle-moiparfaitement,Maître,»dit-elle.—«C’estcequejevaisfaire,»répondis-je.Ellemeregarda,leslèvresentrouvertes,lesyeuxbrillants.—«Jetedonnelapermission,»dit-elle,«defairecequetuveuxdemoi.»—«Jen’aipasbesoindetapermission,»précisai-je.Sesmainsétaientprèsdesatête,surl’oreiller.—«Quevas-tufairedemoi?»demanda-t-elle.— « Tu verras, » répondis-je. Je m’immobilisai près de la couche, la dominant, la

regardant.Jevisqu’elleavaitenviedeparler.J’attendis.Elleselevasurlescoudes.—«Jenemesuisjamaissentieainsi,»dit-elle.Jehaussailesépaules.Sessentimentsnem’intéressaientpas.«Tuesdifférentdesautres,»souffla-t-elle,«deceuxquisontdocilesetfaibles.»

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—«C’estlafemellequiestfaible,»soulignai-je,«lafemellequiestdocile.»—«Etlesleen?»demanda-t-elleavecunsourire.—«Tun’espasvéritablementunsleen,»dis-je.—«Ah?»fit-elle.«Quesuis-jedonc?»—«Queressens-tu?»demandai-je.—« J’ai des impressions étranges, » répondit-elle, «que jen’ai jamais eues. »Elleme

regarda.«Jemesens,devanttoi,»ajouta-t-elle,«faible,vulnérable.Jeveuxêtredominéepartoi,etserrée.J’imagineque lesesclaveséprouventdetelssentimentsdevantunmaîtrepuissant.»

Jesouris.« Tu es tellement différent, » releva-t-elle, « tellement différent des autres, qui sont

faiblesetdociles.»—«C’esttoiquiesfaible,»soulignai-je.Jeluiimmobilisailesmains,souslesmiennes,

prèsdelatête.Ellenepouvaitsedégager.—«Oui,»répondit-elle,«jesuisfaible.»Ellemesourit.—«Etc’esttoi,»ajoutai-je,«quiserasdocile.»—«Oui,»répondit-elle,«jeseraidocile.»Jeluilâchailesmainsetlaregardai.«Oui»dit-elle,«jesuisimpuissante.Jeseraidocile.»—«Tuseraisunejolieesclave,»estimai-je.—«Vraiment?»demanda-t-elle.—«Oui,»répondis-je.—«Quevas-tufairedemoi?»s’enquit-elle.—«Tuverras,»répondis-je.—«Jetesuppliedem’accorderunefaveur,»dit-elle,«Guerrier.»—«Queveux-tu?»demandai-je.—«Cesoir, jet’enprie,Guerrier,»dit-elle,«cesoir, laisse-moiêtrevéritablementune

esclave. Traite-moi non comme ta Maîtresse mais comme une simple esclave que tuposséderais,àtamerci.Jet’enprie,Guerrier,traite-moicommeuneesclave.»

—«Oh?»fis-je.—«Apprends-moi,»supplia-t-elle,«àêtrefemme.»—«Jen’aipasletemps,»dis-je.Ellemeregarda,désespérée.«Unelonguechevauchéem’attend,cettenuit,»dis-je.Saisissantuneécharpe,quej’avais

subrepticementrouléeenboule,jelaluienfonçairapidement,profondément,danslabouche.Ellenepouvaitplusparleretsedébattit,seulsdepetitsbruitsétoufféssortantdesabouche.Àgenouxau-dessusd’elle,luiimmobilisantlesbrascontrelesflancs,avecl’autreécharpe,jelabâillonnaisolidement.Tenantensuitesesdeuxmainsdansmamaingauche, je latraînaidansuncoindelapièceoù,aveclamaindroite,j’arrachailescordesquiservaientàsoutenirles tentures volumineuses, drapées, décorant lesmurs. Ensuite je la jetai près de l’anneaud’esclave et, avec les cordes, lui attachai les poignets dans le dos, passant ensuite la cordedansl’anneauetluicroisantpuisluiliantleschevilles,avantdelestirerprèsdesespoignets.Ensuite je lamis à genoux, pieds et poings liés, près de l’anneau d’esclave. Elle se tournapéniblementversmoi,setortillant,lesyeuxétincelantsderage.

Jeregardailaporte,estimantladistance.Rapidement, je détachai le bâillon. Puis, très vite, afin d’être en position, je gagnai la

porte.Latêtebaissée,furieuse,Tarnas’efforçadecracherlabouledetissuqu’elleavaitdans

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labouche.Cela luipritunpeuplus longtempsque jene l’avaisprévu,maiscelanemettaitpasmonplanenpéril.Ellecrachalabouled’écharpemouillée.Ellerejetalatêteenarrière.

«Gardes!»cria-t-elle.«Gardes!»Un instant plus tard, la porte s’ouvrit et deux gardes, le cimeterre à lamain, entrèrent

danslapièce.Ils virent Tarna attachée à l’anneau d’esclave. Ils s’immobilisèrent, stupéfaits. J’étais

derrièreeux.Je lesprispar lecouet,enun instant,avantqu’ilsaientpuréagir, frappai lesdeuxtêtesl’unecontrel’autre,abattantlesdeuxhommes.

Jefermailaporte.Tarnameregardait,désespérée.«Tum’astrompée,»dit-elle,tirantsurl’anneau.J’enfonçaidenouveauprofondémentl’écharpedanssabouche,lafixantaveclebâillon.—«Oui,»dis-je.Jetraînailesdeuxgardesinconscientsdansuncoin.J’enfilailesvêtementsdel’und’entre

euxetattachailesdeuxhommes,lesbâillonnanteuxaussi.Jejetaiunetentureluxueusesureux.

Jegagnairapidementlaporteet,l’entrouvrant,regardaidehors.JemetournaiànouveauversTarna.Elleétaitfurieuse.Ellesedébattait.Naturellement,

elleavaitétéattachéeparunGuerrier.Ellenepouvaitrienfaire.Prèsde latuniquedesoierougequej’avaisjetéeparterre,lorsquej’avaisenfilélesvêtementsdugarde,jevislesperlesd’esclave,vulgairesetrondes,lecollierquej’avaisrefusédemettre.

Tarna se tassa sur elle-même. Elle secoua la tête. Je ramassai le collier, qui avait cinqrangsdeperleset,m’agenouillantprèsd’elle,baissantsarobesursesépaules,pourqu’ilsevoiemieux,leluipassaiaucou.Ensuitejeposaiungrandmiroirenfaced’elle,del’autrecôtédelapièce,afinqu’ellepuisseserendrecomptecommeelleétaitbelle.

«Ne tedébatspas trop,» lui conseillai-je,« sinon,quand leshommesviendront, ils tetrouverontnuejusqu’auxcuisses.»

Jenecomprispascequ’elledit,maisc’étaitsansdouteaussibien.«Jereviendraipeut-êtreunjour,»ajoutai-je,«pourteréduireenesclavage.»Ellesetortilladanssesliens,tirantsureux,enragée,puiss’arrêtasoudain,furieuse;un

mouvementsupplémentaireetelleseseraitretrouvéenue.Jeluienvoyaiunbaiser,àlamanièregoréenne,duboutdesdoigts.Sesyeuxétaientdéments,au-dessusdubâillon,enragés,furieux.Peut-êtrereviendrais-jeunjouretlaréduirais-jeenesclavage.Àmonavis,elleseraitune

esclaveagréable.Jefermailaporte.Jetraversairapidementlepalais,mesouvenantducheminquej’avaisempruntéavecles

gardeslorsqu’ilsm’avaientconduitauboudoirdeTarna,Maîtresseredoutéedelakasbah.Ilétait tardet jerencontraipeudegardes.Levoileétaithautsurmonvisage,commesi

j’étaisunmessagerincognito.Mesvêtementssuffisaientàm’ouvrirlepassage.À laporteextérieuredusérail, jeprétendisque jedevaisconduire l’esclaveHassanchez

Tarna.Jefusadmis.Àlaporteintérieure,jefusarrêté.«J’aicettelettre,»dis-je,cherchantsousmadjellaba.Lalettreétaitledosdemamain,

remontantversladroitetandisquemonpoinggauchefrappaitviolemmentlediaphragmedel’homme.Ilnefitpaslemoindrebruit,sepliaendeux.Avantquel’hommequisetrouvaitàma droite ait pu récupérer, ou dégainer son arme, je l’avais assommé ; ensuite,

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tranquillement,jefislamêmechoseavecl’autre.Jelesbâillonnaietlesattachai.Ensuite,j’ouvrislaportedusérail.«Salut,»ditHassan.—«Salut,»répondis-je.—«Touts’estbienpassé?»demanda-t-il.—«Oui,»répondis-je.«Toutest-ilenordre,ici?»m’enquis-je.—«Apparemment,oui,»répondit-il.J’entendis les voix étouffées des deux Maîtresses du Sérail, Lana et celle qui était

responsabledeshuiles.Elles étaient bâillonnées et attachées avec des bandes de leurs robes blanches. Elles

étaientdebout,nues,chacunecontreunedesmincescolonnesdemarbrequisoutenaientlesvoûtes du sérail ; elles avaient les poignets attachés derrière elles, de l’autre côté de lacolonne. Elles émettaient des protestations étouffées ; leurs yeux étaient désespérés, au-dessusdesbâillons.

Ilyavaitunetacherougeâtresurl’intérieurdelacuissed’unedesfemmes,laresponsabledeshuiles.

—«Elleétaitvierge,»fis-jeremarquer.—«Oui,»ditHassan.—«Etl’autre?»demandai-jeàHassan,montrantLana.—«J’aifaitl’expérience,»réponditHassan.«Ellel’estaussi.Jetel’ailaissée.»Lanasetassacontrelacolonne.—«Quesepasse-t-il?»demandai-je.Jevisunhommevêtudesoie,celuiquiportaitun

collierderubis,tentantdegagnerfurtivementlaporte.Ilsemitàcourirmaisjeparvinsàluifaireuncroche-piedetHassansejetasurluipuisle

ramena,sedébattant,verslapiscine.« Nous allons être battus, » gémit le type. « Donnez l’alarme ! » cria-t-il à ses

compagnons.Deuxoutroisd’entreeuxsetrouvaientlà,maisilsnecrièrentpas.Hassanjetaletypesurleventreprèsdelapiscineetluimaintintlatêtesousl’eaupendantenvironuneehn.Lorsqu’ilsortitlatêtedutypedel’eau,ildit:

—«Tupourraistenoyerdanslapiscine.Cegenred’accidentarrive.»Puisilluiplongeaànouveau la tête sous l’eau. Lorsqu’il lui sortit une nouvelle fois la tête de l’eau, l’hommeimplorasapitié.Hassanlejetaversdeuxdesescompagnons.

«S’iltentededonnerl’alarme,»ditHassan,«noyez-le.»—«Trèsbien,»ditundeshommes.J’en déduisis que le type au collier de rubis n’était guère aimé dans le sérail de Tarna.

C’était, avais-je appris, un faible, un informateur, prêt à tout pour obtenir la faveur de lamaîtresse, qui le méprisait, un de ses animaux familiers qui comptait parmi les plusobséquieux,etquetoutlemondeméprisaitaussi.

—«Vouspourrezdirequec’estnousquil’avonsnoyé,bienentendu,»précisaHassan.—«Naturellement,»réponditundeshommesvêtusdesoie.L’hommeaucollierderubisfrissonna.—«Jemetairai,»promit-il.—«Tutetairasoutumourras,»répliquaundeshommes.—«N’oubliepas,»ajoutaunautre,«que,quoiqu’ilarrive,tureviendrasavecnous.»—«Jen’oublieraipas,»promitl’hommeaucollier.«Jeferaicequevousvoudrez.»—«Emmenez-ledansunealcôve,»dis-je.«Attachez-leetbâillonnez-le.Ensuite,retirez-

vousdansvospropresalcôves.»

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—«Trèsbien,»répondirent-ils,seretirant,emmenant l’hommeaucollierderubis,quitrébuchaitmisérablement.

Lesérail,ensuite,parutvideetsilencieux.Nousentendîmeslechuintementdestorches.Je regardai à nouveau Lana. Elle se tassa sur elle-même. La Maîtresse du Sérail,

vulnérable,attachée,bâillonnée,impuissante,étaitseuleavecnous.«Jetel’ailaissée,»rappelaHassan.Rapidement, je luidétachai lesmains,puis lesrattachaidesortequ’ellessoientderrière

sa tête et au-dessus, liées sur les côtés de la colonne. Ensuite, la soulevant, je l’allongeaidoucementsurlesdalles.Ellesedébattitenvain.Parleschevilles,jelatiraiaussiloindelacolonnequelesliensdesespoignets,taillésdanssesvêtementsblancs,lepermettaient.Elleleva un genou. Je lui écartai les genoux. Elle leva la tête, essayant deme toucher avec sabouchebâillonnée.J’abaissailebâillon,pouruninstant,etlalaissaicracherlabouledetissuqu’elleavaitdanslabouche.

«Jet’aime,Maître,»souffla-t-elle.«Jet’aime.»Jel’embrassai,remislabouledetissuetlebâillon.Jemeredressai.« À présent, grâce à toi, » dit Hassan, « elle ne sera plus une Maîtresse du Sérail

efficace.»Lafemmeessayaitdeposerlajambecontremoi,demetoucher.Jeluiprislachevilleet,

me baissant, l’embrassai, puis posai les lèvres sous son pied, près de la cambrure, ensuitederrièrelemolletpuisànouveau,deuxfois,souslepied,danslacambrure.

Jeregardaisesréactions,lesmouvementsdesesyeux.—«Oui,»dis-je,«probablement.»Lanalevadésespérémentsoncorpsversmoi.« Je te garantis,ma chère, » dis-je, « que, désormais, tu seras donnée aux hommes. »

Puis,avecsonsangvirginal,sursonventre,jetraçailamarquedesesclavesduTahari.Voyantcettemarque,quiindiquaitqu’unhommeavaitétésatisfaitd’elle,j’étaispersuadéqueTarnalachasseraitdusérail,lafaisantenchaînerdanslesniveauxinférieursoù,aveclesesclavesdebasétage,elleserviraitlesplaisirsdespillards.LesyeuxdeLanabrillèrentdejoie.Jel’avaistrouvéeacceptable.Enoutre,jel’avaisindiquésursapeau.Ellepourrait,àprésent,quitterlesérail.Elleaurait,àprésent,affaireàdeshommeslibres,àdevraishommes,elle, l’esclave.Elle gisait, attachée et bâillonnée, fièrement. Elle étira son corps, comme elle le pouvait,sensuellement,jouissantdelasensationdesoncorpsetdelafraîcheurdesdallessursapeau.

JenotaiqueHassan,suivantmonexemple,avaitégalementindiquésasatisfactionsurleventredel’autrefemme.

«Ilfautquenouspartions,»dit-il.—« Il y a deux gardes à la porte extérieure, » le prévins-je. « Ils savent que je dois te

ramener.»— « Tout demême, » releva-t-il, « il me faut des vêtements pour chevaucher dans la

nuit.»—«Undesgardesdelaporteextérieure,»émis-je,«accepterapeut-êtredeteprêterdes

vêtements,desarmesetlereste.»—«Ceseraitvraimentgentildesapart,»fitHassan.—«Ilsm’ontparutrèsgentils,»soulignai-je.

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13

JERETROUVEUNECONNAISSANCE

MONpiedgauches’enfonçadanslacroûtedesel.«Tuez-nous!Tuez-nous!»criaunhomme.J’entendisleclaquementdufouet,derrièremoi,puisunautrehurlement,long,pitoyable.

Ma jambe gauche, jusqu’à la cuisse, s’enfonça dans les couches cassantes de la croûte. Jetombai,incapabled’amortirmachuteàcausedesmenottesquim’immobilisaientlesmainsàlahauteurdelaceinture,attachéesàunechaîne,brûlanteausoleil.Jenevoyaisriencarjeportais un capuchon d’esclave.Mon dos etmon corps brûlaient. Nos pieds et nos jambes,jusqu’auxgenoux,étaientcouvertsdecuirmais,endenombreuxendroits, tandisquenousprogressions sur les croûtes, nousnous enfoncionsdavantage.Le sel, passant sous le cuir,atteignaitnospieds.Jesentaislesang,souslecuir.Plusieurshommes,maisjenesavaispascombien,s’étaientmisàboiter.Ilsn’étaientplusdanslaChaîne.Ilsgisaient,égorgés,surlescroûtes de sel. La chaîne du collier que je portais se tendit. Le fouet s’abattit surmoi. Lachaînesetenditànouveauetjemerelevaipéniblement.Lefouets’abattitencore.J’avançaien trébuchant. Le chemin est tracé par un kaiila dont les puissantes pattes poilues et leslargespiedsbrisentlacroûte.

«Jenepensaispasqu’unefemmepourraitteretenir,»avaitditl’homme.Àpeineavions-nous,Hassanetmoi,vêtusdeshabitsdesgardes,quittéàdosdekaiilales

écuries de la kasbah de Tarna et étions-nous sortis de la forteresse que, sur le chemin duRocherRouge,unetroupedecavaliersnousavaitbarrélaroute.Faisantpivoternoskaiilas,nous avions voulu nous enfuir,mais avions découvert que nous étions encerclés. Dans lalumièreintensedestroislunesdeGor,nousnousétionsretournés.Ilyavaitdescavaliersdetouslescôtés,beaucoupavecdesarbalètes.

«Nousvousattendions,»ditundescavaliers.«Sera-t-ilnécessairedetuerleskaiilas?»Lescavaliersétaientvoilésderouge.

—«Non,»avaitréponduHassan.Ils’étaitdésarméetavaitmispiedàterre.Jesuivissonexemple.

Onnouspassadescordesaucou;onnousattachalesmainsdansledos.Àpied aumilieudenos ravisseurs, attachéspar le cou aux anneauxde selle, lesmains

liées,nous gagnâmes la grandekasbahvoisinede celledeTarna.Le trajetn’était pas long,deuxpasangsenviron.

Devantlagrandeporte,nousnousarrêtâmes.Lesmursfaisaientplusdevingtmètresdehaut. Les tours, compte tenu de la symétrie de l’ensemble et en comptant celles quiflanquaient la porte centrale, faisaient une trentaine demètres de haut. Lemur de façadefaisaitplusdecentmètresdelong.Lesmursdecetypedekasbahfontpresquedeuxmètresd’épaisseur et sont constitués de pierres et de briques de boue séchée ; lesmurs de cettekasbah,commeceuxdebeaucoupd’autres,étaientrecouvertsd’unenduitrosâtrequi,après

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desannéesd’expositionausoleiletàlachaleur,s’écaillait.«TuesTarlCabot,»ditlechefdeshommesquinousavaientcapturés,memontrant.Jehaussailesépaules.Hassanmedévisagea.«Ettoi,»ajoutal’homme,montrantHassan,«tuesHassanleBandit.»—«C’estpossible,»reconnutHassan.—«C’estnus,prisonniers,quevousentrerezdanscettekasbah,»repritl’homme.Nousfûmesdévêtusaveclalamedescimeterres.Nus, attachés, debout dans le sable, entourés de cavaliers, nous regardâmes les murs

couvertsd’enduitécaillé, lestoursflanquantlagrandeporte.Leclairdeslunesserépandaitsurlesmurscouvertsd’enduitrosâtre,écaillé.

Deuxkaiilasgrondèrent,grattantlesable.Lagrandeporte,sursesgondsépais,s’ouvrantparlemilieu,pivotalentement.Nousrestâmesimmobilesfaceàl’ouverture.«Vousnousavezfaitdesennuis,»ditlecavalier.«Vousnenousferezplusd’ennuis.»Nous vîmes la cour blanchâtre, son sable, derrière la porte, éclairée par des lampes

accrochéesauxmurs.«Àquiappartientcettekasbah?»demandai-je.—«Ilnepeuts’agir,»ditHassan,«quedelakasbahduGardiendesDunes.»—«Celledel’UbarduSel?»demandai-je.— « Exact, » réponditHassan. J’avais entendu parler de l’Ubar du Sel, ouGardien des

Dunes. L’endroit où se dresse sa kasbah est secret. Il est probable que, en dehors de seshommes, seules quelques centaines de personnes savent où elle se trouve, notamment lesgrandsMarchands de Sel, et rares sont ceux d’entre eux qui savent exactement où elle setrouve.Quoiqu’il soit possible d’obtenir du sel à partir de l’eau demer, ou en brûlant desalgues,commecelasepratiqueparfoisauTorvaldsland,etqu’ilyaitplusieursrégionsdeGoroù l’on trouvedu sel, solideouen solution, les gisementsde sel lesplus importants et lesplus riches se trouvent concentrés dans le Tahari. Le sel du Tahari représente, dans sesvariétés, à mon avis, environ vingt pour cent des produits à base de sel, tels que lesmédicaments, les antiseptiques, les nettoyants, les détergents, le verre de bouteille, quicontientdescendresdérivéesdusel, lesproduitschimiquesutiliséspour le tannage.Leselest un produit d’échange par excellence[2]. Il y a des régions, sur Gor, où le sel sert demonnaie,oùilestpeséetéchangécommelesmétauxprécieux.Laprotectionet lecontrôleduselduTahari,naturellement,reposentessentiellementsurladifficultéd’accès,lesdépôtsde sel, qui sont plusieurs, étant éparpillés et isolés dans lePaysdesDunes, dans les longstrajetsnécessairesetladifficultéoul’impossibilitédeseleprocurersansconnaîtrelespisteset les coutumes du désert. La protection et le contrôle reposent également, quoique à undegré moindre, mais non négligeable, sur la puissance de l’Ubar du Sel, ou Gardien desDunes. L’entretien de la kasbah de l’Ubar du Sel vient des tributs payés par les grandsMarchands de Sel, tributs que, naturellement, ils incluent dans le prix de revente à leursdistributeurs. La fonction de la kasbah de l’Ubar du Sel, ainsi, officiellement, estd’administreret contrôler les régionsproductricesdeselpour le comptedesMarchandsdeSelduTahari,principalementensurveillantl’accèsauxdistricts,envérifiantlespapiersetlesdocuments des Marchands, en inspectant les caravanes, en réglementant le commerce etainside suite.Par exemple, les caravanesentre leRocherRougeetd’autresoasis voyagentsousescorteduGardiendesDunes.Denombreusescaravanesdesel, incidemment,nefontqueletrajetentrelesdistrictsproducteursetlesoasisdelarégion,tandisqued’autresfontletrajetentrecesoasisetlesgrandscentres,principalementKasraetTor.Quelquescaravanes,

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naturellement,fontletrajetentrelesgrandscentresetlesdistrictsproducteurs,acceptantlesinconvénientsliésàlatraverséeduPaysdesDunesmaisévitantdepayerlespriximposésparlesdistributeursdesoasisde larégion.Cescaravanes,naturellement,une foisdans lePaysdes Dunes, sont accompagnées par les hommes du Gardien des Dunes. Le Gardien desDunes, naturellement, ne doit pas son titre à l’autorité qu’il exerce sur les districtsproducteursdesel,autoritéquisertlesMarchandsdeSelduTahari.Ondit,etjesuisdecetavis, que c’est lui, et non les Marchands de Sel, qui contrôle le sel du Tahari. Protecteurofficiel des Marchands du Tahari, à l’abri de sa kasbah, guerrier féroce parmi les autres,insaisissableet sans scrupules, ildétient le selduTahari, ce commercevital étantdirigéetréglementé suivant sa volonté. Il détient, dans son territoire, le droit de légiférer etd’exécuter.DanslesDunes,c’est l’Ubar,et lesMarchandss’inclinentdevantlui.LeGardiendesDunescompteparmileshommeslespluspuissantsetlesplusredoutésduTahari.

«Àgenoux,Esclave!»lançalecavalier,chefdeshommesquinousavaientcapturés.Nousnousagenouillâmes.«EmbrassezlesabledevantlaportedevotreMaître!»ordonnal’homme.Nousposâmes,Hassanetmoi,leslèvressurlesable,devantleportailouvert.«Debout,Esclaves!»repritl’homme.Nousnouslevâmes.«Vousnousavezfaitdesennuis,Esclaves,»répétal’homme.«Vousnenousferezplus

d’ennuis.»Laporteétaitouvertedevantnous.Nousvoyionslacour,blanchâtre,leclairdeslunessur

lesable,lespetiteslampessuspenduesauxmurs.«Conduisez lesesclavesdevant leurMaître!»ordonnalecavalierquicommandaitnos

ravisseurs.Jesentislapointed’uncimeterredansmondos.«Comments’appellel’UbarduSel?»demandai-jeàHassan.—«Jecroyaisquetoutlemondeconnaissaitsonnom,»s’étonnaHassan.—«Non,»dis-je.«Comments’appelle-t-il?»—«Abdul,»réponditHassan.La pointe du cimeterre appuya sur mon dos. Nous entrâmes, Hassan et moi, dans la

kasbahduGardiendesDunes,l’UbarduSel,dontlenométaitAbdul.Opulentes étaient les salles et les galeriesde lakasbahduGardiendesDunes,que l’on

appelaitégalementl’UbarduSelduTahari.Lissesetrichesétaientlesdallesvariéesetvernissées,somptueuseslestentures,minces

lespiliersetlescolonnes,ornéslesparaventsetlessculptures,magnifiquesetcomplexeslesincrustations florales stylisées, les mosaïques géométriques. De hauts récipients en or,parfois aussi hauts qu’une femme, décoraient les couloirs dans lesquels nous passâmes,luisant faiblement dans la lumière des lampes ; dans les pièces supérieures également, degrands vases de porcelaine jaune et rouge, dont beaucoup avaient la taille d’un homme,importés des poteries deTyros, étaient exposés.Nous franchîmes denombreux rideauxdeperles,ainsiquedehautsportailssculptés.

Nousnesalîmespaslesplancherspolis,nousn’apportâmespasdesableàl’intérieur.Aupieddugrandescalierdemarbre,enspirale,qui conduisaità l’étage,nousnousarrêtâmes,nousetladouzainedegardesquinousaccompagnaient.Leursbottesleurfurentretiréespardesesclavesàgenouxqui, ensuite, avecdes serviettes,de l’eaudeveminiumetdeshuiles,versantetfrottant,leurlavèrentlespieds.Lesfemmesn’étaientpasoriginairesduTahari,desorte qu’elles leur séchèrent les pieds avec leurs cheveux. Obliger une femme du Tahari,

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mêmeesclave,àagirainsi,estconsidérécommeladégradationultime.Entantquepunition,naturellement, ce qui est une routine pour une femme qui n’est pas originaire du Tahari,misérablementréduiteenesclavageauTahari,peutêtre imposéàuneesclaveoriginaireduTahari. Quand les pieds des hommes furent propres, les femmes leur passèrent desbabouches souples, sans talon, de celles que l’on porte généralement à l’intérieur dans lesrésidencespermanentesduTahari,avecunelonguepointecourbe.LespiedsdeHassanetlesmiens furent également lavés et séchés. La femme qui s’occupait de moi avait de longscheveuxpresquenoirs.Ellesepenchasursontravail.Àunmomentdonné,ellemeregarda.Peut-êtreavait-elleautrefoisappartenuàunegrande familled’Ar.Àprésent,cen’étaitplusqu’uneesclaveauTahari.Ellebaissalatête,terminantsatâche.

«Parici,»ditl’hommequicommandaitnosravisseurs.Nousnoustrouvionsalorsdevantunportailimposant,plusétroitenbas,puisformantunecourbeéléganteàmi-hauteur,avantdedevenirànouveauplusétroitenhaut.Celapouvaitêtreledessinstyliséd’unelance,d’uneflammeoud’une feuille.Ce portail se trouvait aubout denotre trajet, après denombreuxcouloirsetunautreescalier.

Ilyavaitdeshommes,àl’intérieur,assisautourd’unpersonnagecentral,lui-mêmeassissurdestapis,suruneestradesurmontéed’undais.Leshommesétaientvoilés,àlamanièreduChar.Desfemmes,dociles,portantdesclochettesetuncollier,lesservaient.

Unefemmesortitde lapièce.Nosregardsserencontrèrent.Ellebaissa lesyeux.Ellenenous connaissait pas.Elle s’aperçutqu’elle était examinée. Son corps rougit, de la tête auxpieds.Quoiquenoussoyonsnus,Hassanetmoi,elleétaitplusnuequenouscarelleportaitla soie des esclaves goréennes. « Entrez, » dit l’homme. À nouveau, je sentis la pointe ducimeterresurmondos.

Lacordeaucou,lesmainsattachéesdansledos,nousentrâmes,Hassanetmoi,danslagrandesalle.

Ceuxquisetrouvaientàl’intérieurlevèrentlatête.Onnouspoussadevantl’estrade.«À genoux et embrassez les dalles devant les pieds de votreMaître ! » nous enjoignit

l’homme. Nous nous agenouillâmes. Les cimeterres étaient levés. Nous embrassâmes lesdalles.Nousnousredressâmes.Lerefusdesesoumettre,dansunetellesituation,signifieladécapitationimmédiate.

L’hommeassissurl’estradenousregarda.Nousrestâmessilencieux.« Je me doutais bien qu’une femme ne pourrait vous garder, » dit avec un sourire

l’hommequisetrouvaitsurl’estrade.Nousnerépondîmespas.«Nousespéronsavoirdavantagedechance,»repritl’homme.Ilétaitvoilé,àlamanière

du Char, comme l’étaient les autres. Il prit une grappe de raisin dans une coupe de fruitsposéesurunepetitetableprochedeluiet,écartantlevoiledesonvisage,commelefontleshommesduChar,mitungrainderaisindanssaboucheetmorditdedans.Ilmâchalefruit.

Jeregardaiautourdemoi.La pièce était magnifique, grande, haute de plafond, avec des dalles et des colonnes,

merveilleusement ciselée, ouverte et spacieused’aspect, richedans sadécoration.UnVizir,unPacha,unCalifeauraientpurecevoirdansunetellesalle.

«Cettefemmeestunexcellentoutil,»ditl’hommeassissurl’estrade,terminantlefruit,rinçantlesdoigtsdesamaindroitedansunpetitbold’eaudeveminiumpuislesséchantavecuneserviette,«maiscen’est,auboutducompte,qu’une femme.Jenepensaispasqu’elle

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pourraitvousgarder.Vousn’êtesrestésqu’unevingtained’ahnssoussacoupe.»—«Noussommestombésdanstonpiège,»ditHassan.L’hommehaussalesépaules,trèsdiscrètement,commeonlefaitauTahari,etcegestefut

commeunsourireremerciantHassandesoncompliment.« Je ne comprends pas pourquoi, » reprit Hassan, « un simple marchand de dattes,

comme mon ami Hakim de Tor, et moi-même, pauvre bandit, intéressons ton augustepersonne.»

L’hommeregardaHassan.—«Autrefois,»dit-il,«tum’asprisquelquechose,quelquechosequim’intéressait.»—«Je suisbandit,» réponditHassanavecunebonneconscience joyeuse.«C’estmon

travail.Peut-êtrepourrais-jetelerendre,situtiensabsolumentàleretrouver.»—«Jel’aidéjàretrouvé,»l’informa-t-il.—«Danscecas, jenepeuxguèremarchander,»reconnutHassan.«Qu’ai-jedoncpris,

quit’intéressetant?»—«Unebagatelle,»réponditl’homme.— « Peut-être était-ce un autre bandit, » suggéra Hassan. « Voilés, nous nous

ressemblonstous.»—«J’aiassistéauvol,»précisa-t-il.«Tun’aspasdaignédissimulertestraits.»—«Ce futpeut-être imprudentdemapart, » admitHassan.De toute évidence, il était

curieux.«Pourtant,jenemesouvienspasavoirvoléquoiquecesoitdansunendroitoùtuétaisprésent.Enfait,c’estlapremièrefoisquejepénètredanstakasbah.»

—«Tunem’aspasreconnu,»ditl’homme.—«Jenecherchepasàmemontrerimpoli,»avançaHassan.—«Effectivement,tuétaispressé,»reconnutl’homme.— «Mes affaires exigent souvent que je fasse vite, » soulignaHassan. «Qu’ai-je donc

volé?»s’enquit-il.—«Unebabiole,»réponditl’homme.—«J’espèrequetumepardonneras,»ditHassan.«Enoutre,comptetenudufaitquetu

as retrouvé ce qui t’intéressait, quelle qu’en soit la nature, je suis persuadé que tu serasdisposéàmettreuntermeàcetteaffaireetquetunouspermettrasdepartir,ennousrendantnos kaiilas, nos vêtements et nos affaires, et peut-êtremême en nous fournissant un peud’eauetquelquesprovisions.Ensuite,nouspartirons,vantanttagénérositéettonhospitalitéautourdesfeuxdecamp,ettun’entendrasplusparlerdenous.»

—«Jecrainsquecelanesoitpaspossible,»ditl’homme.—«Jen’étaispasoptimiste,»reconnutHassan.—«Tuesunbandit,»fitremarquerl’hommeassissurl’estrade.—«Detouteévidence,nousavonschacunnosaffaires,»ditHassan.«Monaffaire,c’est

d’êtrebandit.Tunejugestoutdemêmepaslesgenssurcequ’ilsfont?»— « Non, » admit l’homme. « Mais j’ai également mes affaires et une de mes tâches

consisteàarrêteretchâtier lesbandits.Tunevastoutdemêmepasmejugersurcequejefais?»

—«Biensûrquenon,»ditHassan.«Celaseraitnonseulementirrationnel,maisaussidiscourtois.»D’un signede tête, ilmemontra.«J’ai voyagéavec ce type,» reprit-il,«unmarchanddedattesmaladroit,grossiermaisbienintentionné,HakimdeTor,pastrèsmalinmais avec un bon cœur. Nous nous sommes rencontrés par hasard. Si tu le libérais, onparleraitdetagénérositéetdetonhospitalitéautourdesfeuxdecamp.»

LadescriptiondeHassannemeplutguère.Jenesuispasgrossier.

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—«Ilfaudraquel’onparled’autrechoseautourdesfeuxdecamp,»ditl’homme.Il regarda autour de lui. Sur l’estrade, avec lui, il y avait plusieurs hommes, des tables

basses chargées de fruits, de ragoûts, demorceaux de verr rôti, de diverses sortes de pain.Lui-mêmeetleshommesétaientvoilés.Autourdel’estrade,àgenoux,attendantdeservir,setrouvaient les esclaves, dont quelques-unes portaient un haut collier, vêtues de bandes desoie. Elles n’étaient pas voilées. Dans les classes supérieures du Tahari il estscandaleusementérotique,engénéral,quelabouchedesfemmesnesoitpascachée.Voirlaboucheet lesdentsd’unefemmeestuneexpériencetrèsexcitante.Toucherlesdentsd’unefemme avec ses dents est le prélude à la prise de son corps, un acte dans lequel on nes’engage qu’avec une compagne audacieuse, effrontée ou avec une esclave impudique avecquionpeutfaireexactementtoutcequel’onveut.

«Ilyalongtempsquej’attendsdevousavoiràmespieds,»ditl’homme.Puisil levaledoigt.Quatre femmes,dansuntintementdeclochettesd’esclave,s’approchèrentdeHassanetdemoi.Elles regardèrent l’hommevoilé assis sur l’estrade.«Faites-leurplaisir, »dit-il.Nous nous débattîmes. Avec les lèvres, la langue et leurs petits doigts, les femmes seconsacrèrentànotreplaisir.Lacordenousentaillalespoignets.Lescordesquenousavionsaucounousimmobilisaient.Nousnepouvionsnousdégager.Ànouveau,l’hommevoilélevale doigt. D’autres femmes nous firent manger, nous glissant, avec leurs petits doigts, desmorceaux de viande rôtie et des sucreries dans la bouche.Une femmenous tira la tête enarrièretandisqu’uneautre,avecdesgobelets,nousfaisaitboiredesvins,vinsturiens,sucrésetépais,vindeTa,descélèbresvignesTaquipoussentsurlesterrassesdeCosetmêmedesvinsdeKa-la-na,douxetsecs,d’Ar.Nouseûmeslevertige.Nousentendîmesdelamusique.DesMusiciens étaient entrés dans la salle. « Festoyez, » dit l’homme. Il claqua dans sesmains.Noussecouâmeslatête,tentantdechasserl’ivresse.Nousnousdébattîmes.J’écartaima tête des lèvres impatientes d’une esclave qui voulait me prendre dans ses bras etm’embrasser.

« Tafa t’aime, » souffla-t-elle en m’embrassant. Un garde me tenait par les cheveux,m’empêchantdebouger la tête.La cordemebrûla le cou. Je fermai les yeux. Je sentis seslèvres,sousmonoreillegauche,embrassantetmordillant.«Tafat’aime,Maître,»souffla-t-elle.«LaisseTafatefaireplaisir.»Jefusstupéfait.Jecomprissoudainquec’étaitunedesfemmescapturéesparHassandansledésert,justeavantquejefassesaconnaissance.C’étaitla femme libre orgueilleuse vendue aux Deux Cimeterres avec Zina la traîtresse. Il étaitdifficiledevoir,àprésent,danscetteesclavelasciveetdélicieuse,quisemblaitêtrenéepourle collier, la femme libre orgueilleuse que Hassan avait capturée, et qui avait ensuite étévendueàl’OasisdesDeuxCimeterres.DesGoréensaffirmentquelesfemmessontnéespouruncollieretqu’ilsuffitqu’ellesrencontrentunhommeassezfortpourleleurmettre.

Jetentaidem’écarter,maisonmetenait.« Tafa t’aime, » souffla-t-elle. « Laisse Tafa te donner du plaisir. » Je sentis les lèvres

d’uneautrefemmesurmacuisseetmataille.Leshommesvoilésregardaientaveccomplaisance.L’homme assis sous le dais frappa une nouvelle fois dans ses mains. Devant nous, à

présent,surlesdalles,danslapositiondebasedel’esclavedanseuse,lesmainsau-dessusdelatête,lespoignetsdosàdos,setenaitunefemmeenchaînée.

LesyeuxdeHassanétaientdurs.C’étaitAlyena.«Tesouviens-tudecettefemme?»s’enquitl’hommeassissousledais.—«Oui,»réponditHassan.

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—«C’estcedontjeparlaisplustôt,»précisal’homme.«C’estcequim’intéressait.C’estcequetum’aspris.C’estlabagatelle,lababiole.Àprésent,jel’airetrouvée.»

AlyenatremblaitdevantHassan.Elleportaitd’éléganteschaînesenor.«Jel’airetrouvée,»nousapprit-il,«nonloinduRocherRouge.»Les yeux d’Alyena étaient pleins de larmes. Elle était en position d’esclave danseuse,

attendantqu’onluiordonnededistraireleshommes.«Elleétaitavecplusieurshommes,»expliqual’hommeassissurl’estrade.«Ilssesont

bienbattus,avecadresseetsauvagerie,puissesontenfuisdansledésert.»Commentsefait-il,danscecas,medemandai-je,quelajolieAlyenasoiticideboutsurles

dalles,esclave?«Ensuite,bizarrement,»reprit l’homme,«alorsqu’elleétaitapparemmentensécurité,

fuyantavecsonescorte,elleasoudain faitpivotersonkaiilaetest repartieendirectionduRocherRouge.»

Jesavaisquel’oasis,àcemoment-làétaitenflammes.«Bienentendu,ellefutpresqueimmédiatementcapturée,»ditl’homme.«Ellepleurait

enprononçantunnom:Hassan.»Je constatai que celaneplaisait pasdu tout àHassan. Sa volonté avait étébafouée.En

outre,jemesouvinsquelafemmeavait,auRocherRouge,dansl’affolement,criésonnom,leprononçantalorsqu’ellen’étaitqu’unefemmeasservie.

«Jet’aime,Maître!»crialafemme.«Jevoulaisêtreavectoi!Àtescôtés!»—«Tuesuneesclaveéchappée,»dit-il.Ellesanglota,maisrestaenpositiondedanse.«Enoutre,»reprit-il,«àl’oasis,tuascriémonnom.»Ils’agissaitdefautesgraves.—«Pardonne-moi,Maître,»sanglota-t-elle.«Jet’aime!»Elleavaitrisquésaviepour

rejoindreHassan.Ellel’aimait.Pourtant,uneesclavedoitl’obéissanceabsolueàsonmaître.Elleavaitbafouésavolontéendeuxoccasions.Àmonavis,elles’enrepentirait.L’amour,surGor, n’autorise pas les femmes à manquer à leurs devoirs ; il n’atténue pas leurasservissement, ne diminue pas leur servitudemais les rend, au contraire, plus complètes,plusimpuissantesetplusmisérables.

«Maître,»sanglotalafemme.Comme Alyena était un beau morceau d’esclave, terriblement vulnérable et féminine,

mais comment aurait-il pu en être autrement puisqu’elle était possédéepar desGoréens ?L’homme assis sous le dais leva paresseusement le doigt. Les Musiciens se préparèrent.AlyenaregardaHassan,lesyeuxpleinsdedouleur.

«Maître,quedois-jefaire?»supplia-t-elle.Elle portait au cou un collier de danse en or, des chaînes en or lui entouraient les

poignets, étaient attachées aux anneaux du collier, puis tombaient gracieusement jusqu’ausol ; il y a divers types de chaînes de danse, au Tahari ; elle portait l’ovale et le collier ;brièvement, en préparant une femme, après qu’on lui amis les chaînes et les soieries, lesclochettes,lemaquillageetunetouchedeparfumd’esclave,elles’agenouille,latêtebaissée,dansungrandovaledechaîneslégèresetluisantes,lespoignetstendusdevantelle;fixésdechaque côté de la pointede l’ovale, il y a deux anneauxdepoignets ; de chaque côté de lapointe inférieure de l’ovale, il y a deux anneaux de chevilles ; on tire ensuite l’ovale surl’intérieurdesortequelesanneauxdechevillesetdepoignetsserefermentsurl’esclave;onlui passe ensuite au couun collier de danse qui a, sous lementon, un anneauouvert ; onprendensuitel’ovaledanslamaingauchedesortequelesdeuxchaînessetrouventdanslapaume de lamain gauche, que l’on lève ensuite afin de les passer dans l’anneau, que l’on

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referme; lesdeuxchaînesglissent librementdans l’anneau;ainsi,bienque lespoignetsetles chevillesde la femmesoientattachésàunedistancegénéreusemais inflexibles lesunsdes autres, généralement un mètre entre les poignets et cinquante centimètres entre leschevilles,unepartieimportantedelachaînepeutjouerdansl’anneauducollier;celapermetà une femme adroite de faire de nombreux effets de chaîne ; l’ovale et le collier sonttraditionnels au Tahari ; ils soulignent la beauté des femmes ; ils entravent peu la danse,quoiqu’ilsluiimposentdeslimitessubtilesetsensuelles;unebonnedanseusesesertdeceslimites,lesexploitantdélicieusement;ellepeut,parexemple,tendreunbrastoutentenantdiscrètementlachaîneàsatailleavecl’autremain;lachaîneglissedansl’anneaumaisarrêtelemouvementavantsonterme;lachaîneimmobiliselepoignet;lepoignetserebellemaisilnepeutrienfaire;ildoitsesoumettre;latêtetombe;ladanseuseestuneesclaveenchaînée.

«Maître,quedois-jefaire?»suppliaAlyena.Commeelleétaitbelle!Tous les regards étaient sur elle.Outre sesbijoux, ses clochettes, l’ovale et le collier, le

maquillage, le parfum entêtant, elle portait six bandes de soie jaune, trois devant et troisderrière, d’environ unmètre vingt de long, fixées à son collier. J’avais toujours admiré samarque.Elleétaitprofonde,délicateetmerveilleusementappliquée.

«Maître!»sanglotaAlyena.Ledoigtdel’hommeassissurl’estrade,voiléderouge,étaitsurlepointdes’abaisser.—«Danse,Esclave,»ditHassan.Ledoigt de l’homme s’abaissadansun geste languide, lesMusiciens semirent à jouer.

Alyena,devantnous,portantleschaînesduTahari,dansa.C’étaitunetrèsjoliebagatelle,unebabioleexquise.

Nousfestoyâmeslongtempsetlesesclavesdel’UbarduSelnousdonnèrentbeaucoupde

plaisir.Finalement,ildit:«Ilesttard.Etvousdevezvousretirercarvousvouslèvereztôtdemainmatin.»Ilyavaitdenombreusesheuresqu’Alyenaavaitquittélasalled’audienceduGardiendes

Dunes,l’UbarduSel.« Conduisez-la dans la salle des gardes, » avait-il dit. « Qu’elle donne du plaisir aux

hommes.»Alyena,toujoursenchaînée,futtraînéeparlescheveuxhorsdelasalle.—«TutevoilesàlamanièreduChar,»relevai-je,«maisjenecroispasquetusoisdu

Char.»—«Non,»réponditl’hommeassissurl’estrade.—«Jenesavaispasquetuétaisl’UbarduSel,»dis-je.—«Raressontceuxquilesavent,»répondit-il.—«Pourquoiêtes-voustousvoilés?»m’enquis-je.—«LeshommesduGardiendesDunesontcoutumedesevoiler,» répondit-il.«Leur

allégeancen’estàaucunetribu,maisàlaprotectiondusel.L’anonymatestuneprotection.Ilspeuventalleretvenirlibrementlorsqu’ilsneportentpasdevoile,personnenesachantqu’ilssont àmon service. Voilés, leurs actes ne permettent de remonter à aucun individu,maisseulementàuneinstitution,monUbarat.»

—«Tuparlesdetachargeavecorgueil,»relevai-je.—«Rares sont ceuxqui connaissent leshommesde l’UbarduSel,» souligna-t-il. «Et

voilés,anonymes,toutlemondelescraint.»—«Moi,jenelescrainspas!»intervintHassan.«Détache-moi,donne-moiuncimeterre

etnousverronsbien.»

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—«Ya-t-il,ici,desgensquejeconnaisse?»demandai-je.—«Peut-être,» répondit l’homme.Puis il se tournavers lesautres.«Dévoilez-vous,»

ajouta-t-il.Leshommesretirèrentleursvoilesrouges.—«Hamid,»dis-je,«lieutenantdeShakar,capitainedesAretai.»Jehochailatête.L’hommem’adressaunregardchargédehaine.Ilavaitdéjàposélamainsursadague.—«Laisse-moiletuertoutdesuite,»siffla-t-il.— « Peut-être auras-tu davantage de chance que le jour où tu as frappé Suleiman

Pacha!»luilançai-je.L’hommepoussauncridefureur.Lechef,l’UbarduSel,levaledoigtetl’hommesecalma,leregardenfeu.«Ilyaencorequelqu’unquejeconnais,»dis-je,montrantd’unsignedetêteunhomme

depetite taille assis près de l’Ubar du Sel, « bien que ses vêtements soient beaucoupplussomptueuxqueladernièrefoisquejel’aivu.»

—«IlestmesyeuxetmesoreillesàTor,»m’appritl’UbarduSel.—«AbdullePorteurd’Eau,»dis-je.«Autrefois,jet’aiprispourquelqu’und’autre.»—«Oh?»fit-il.—«Celan’aplusd’importance,àprésent,»dis-je.Jesouris intérieurement.J’avaiscru

que c’était l’Abdul du message tatoué sur le crâne de la messagère, Veema, qui avait étémystérieusementenvoyéedanslaDemeuredeSamosdePortKar.Jenesavaistoujourspasquiavaitenvoyélemessage.Ilmeparutalorstoutàfaitclairquelemessagefaisaitréférenceà Abdul, l’Ubar du Sel. Celui qui avait envoyé le message habitait vraisemblablement leTahari.Iln’avaitprobablementpasimaginéquelemessagepourraitêtremalinterprété.Danslesenshistorique,lesensplanétaire,ilnepouvaityavoirqu’unAbdulcorrespondantdansleTahari à cette époque, le puissant et redoutable Gardien des Dunes, l’Ubar du Sel. C’étaitprobablementl’agentlepluspuissantdesKurii.NiSamosnimoi,cependant,bienquenousconnaissionsl’UbarduSel,nesavionssonnom.Enoutre,onnementionnepassouventsonnom,auTahari. Il estdifficilede savoirqui sont sesespions.Seshommesappartiennentàdiversestribus.Jemeseraispeut-êtrecomportéautrement,dansleTahari,sij’avaisconnulenomdel’UbarduSel.Jemedemandaiquiavaitenvoyélemessage:«Méfie-toid’Abdul.».Commej’avaisétécomplaisant,certaind’avoirpercélemystère!

—«Puis-jel’égorger?»demandalePorteurd’Eau.—«Nousavonsd’autresprojetspournotreami,»révéla l’UbarduSel. Ilnes’étaitpas

encoredévoilébienqueseshommes,sursonordre,l’aientfait.—«Ya-t-illongtempsquetut’appellesAbdul?»demandai-jeàl’UbarduSel.—«Depuisenvironcinqans,»m’apprit-il.«depuisquejemesuisinfiltrédanslakasbah

etaidéposémonprédécesseur.»—«TuserslesKurii,»dis-je.L’hommehaussalesépaules.—«TuserslesPrêtres-Rois,»dit-il.«Nousavonsdenombreuseschosesencommuncar

noussommestousdeuxdesmercenaires.Maistuesmoinsprudentquemoicartuneserspaslecampquigoûteraleseldelavictoire.»

—«LesPrêtres-Roissontdesennemisredoutables,»relevai-je.— « Pas aussi redoutables que les Kurii, » souligna-t-il. « Le Kur, » reprit-il, « est

persévérant.Ilesttenace.Ilestféroce.Ilarriveraàsesfins.LesPrêtres-Roistomberont.Ilséchoueront.»

Jemedisqu’il avaitpeut-être raison.LeKurestdéterminé, agressif, impitoyable. Il est

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extrêmementintelligent,ilaimelesang,iltuepourunterritoireoudelaviande.LePrêtre-Roiestunorganismerelativementdoux,délicatetcalme.Lesconflitsnel’intéressentguère;militairement, ilestpresquetoujourssur ladéfensive; ilveutseulementqu’onle laisseenpaix.Jenesavaispassi lesprêtres-Rois,avectoute leur intelligence, tout lesavoirde leursbandes odorantes, pouvaient comprendre la nature et lesmotivations des Kurii. La naturevéritabledesKuriileuréchappaitpeut-être,presquephysiologiquement,commeunecouleurmenaçantequ’ilsnepouvaientvoir,unbruitterrifiantauquelleurssensneréagissaientpas.L’homme,àmonavis,pouvait comprendre leKurmais ilmesemblaitque lesPrêtres-Roispouvaientsimplementleconnaître.PourcomprendreleKur,peut-êtrefallait-il,auclairdeslunes, l’affronter à la hache, respirer le musc de sa rage meurtrière, voir ses yeux, sapuissanceintelligente,souple,prêteàbondir,lesangcoagulésurseslèvres,entendrelecridusang,soutenirsacharge.Unecréaturen’ayantpasconnulahaine,lasoifdesangetlaterreur,àmonavis,nepouvaitguèrecomprendrelesKurii,ouleshommes.

—«Cequetudisestpeut-êtrevrai,»répondis-je.—«JenetedemanderaipasdeservirlesKurii,»ditl’homme.—«Tumefaishonneur,»appréciai-je.—«TuappartiensàlaCastedesGuerriers,»dit-il.—«C’estvrai,»dis-je.Onnem’avaitjamaisretiréleRouge.J’étaisprêtàaffronter,avec

l’acier,tousceuxquivoudraientmedisputermacaste.— « Eh bien, » conclut l’homme assis sous le dais, « il est tard et nous devons nous

retirer.Ilfautquenousnouslevionsavantl’aube.»—«OùestVella?»demandai-je.—«Jel’aienferméedanssesquartiers,»répondit-il.—«Dois-jet’appelerAbdul?»demandai-je.L’hommebaissasonvoile.—«Non,»répondit-il,«passitunelesouhaitespas.»—«Jeteconnaismieuxsousunautrenom,»dis-je.—«C’estexact,»fitl’homme.Hassansedébattit.Ilneputcasserles lanièresqui luiattachaientlespoignets.Lacorde

luibrûlalecou.Lesgardesleforcèrentàresteràgenoux.Lalamed’uncimeterrefutposéecontresagorge.Ils’immobilisa.—«Serons-noustuésàl’aube?»demandai-je.—«Non,»répondit-il.Jeleregardaisanscomprendre.Hassanparutégalementstupéfait.«Vouspartirezenvoyage,avecd’autres,à l’aube,»précisa l’homme.«Ceseraun long

voyage,àpied.J’espèrequevousarriverezàdestination.»—«Quevas-tufairedenous?»s’enquitHassan.—«Jevouscondamne,»ditIbnSaran,«auxMinesdeseldeKlima.»Noustentâmesdenouslevermaislesgardesnousenempêchèrent.« Tafa, Riza, » dit Ibn Saran à deux femmes, « déshabillez-vous. » Elles obéirent, ne

gardantque leurcollieret leurmarque.«Onvavousconduiredans lescavesdudonjon,»nousditIbnSaran.«Vousyserezenchaînésdansdescellulesséparées.Danschaquecellule,nousmettronsuneesclavenue,égalementenchaînée,sachaîneàportéedevotremainafinquevouspuissiez,sivouslesouhaitez,latirerversvous.»

—«IbnSaranestgénéreux,»relevai-je.— « Je donne une femme à Hassan, » reprit-il, « à cause de son audace. Je te donne

égalementunefemmeàcausedetavirilitéetparcequenoussommestousdeuxmercenaires

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d’uneguerrequinousdépasse.»Ilsetournaverslesfemmes.«Tiens-toidroite,Tafa!»dit-il. Elle obéit et se tint merveilleusement, magnifiquement. « Enchaîne Riza, » dit-il à ungarde,choisissantlesfemmesquinousserviraient,«prèsdeHassanleBanditetTafaprèsdecethomme,membredelaCastedesGuerriers,quisenommeTarlCabot.»

Deslaissesmétalliquesfurentaccrochéesauxcolliersdesfemmes.«ContempleTafa,TarlCabot,»ditIbnSaran.J’obéis.«PuisselecorpsdeTafatedonner

beaucoupdeplaisir,»ajouta-t-il,«cariln’yapasdefemmesàKlima.»Onnousfitpivotersurnous-mêmesetsortirdelasalled’audienceduGardiendesDunes,

Abdul,l’UbarduSel,quiétait,enfait,IbnSaran.

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14

LAMARCHEJUSQU’ÀKLIMA

JE fis encore un pas etma jambe, jusqu’au genou, s’enfonça dans la croûte cassante. Lefouets’abattitànouveausurmondos.Jemeredressai,lecapuchond’esclavesurlatête,lesépaulesrejetéesenarrièresousl’effetducoup.Lachaînequej’avaisaucoufuttendueetjefus brutalement tiré en avant. Je serrai les poings dans les menottes attachées sur monventreparuneboucledechaîne.Majambegauches’enfonçadansunedouzainedecouches,les cassant avec des centaines de petits bruits doux, rupture d’innombrables structurescristallinesextrêmementfines.Jesentaislesangsurmajambegauche,au-dessusdesbandesde cuir, à l’endroit où unmorceau de croûte, tranchant, brûlant, l’avait déchirée. Je perdisl’équilibreettombai.Jetentaidemelever.Maislachaînem’entraînaenavantetjetombaiànouveau.Lefouets’abattitencoredeuxfois.Jeretrouvaimonéquilibre.JereprislamarcheversKlima,danslescroûtesdesel.

Nousmarchions depuis vingt jours.Quelques-uns pensaient que c’était cent. Beaucoupavaientperdulecompte.

LaChaîneduSelcomptaitaudépartplusdedeuxcentcinquantehommes.Je ne savais pas combien nous étions encore. La chaîne était à présent beaucoup plus

lourdequ’auparavantcar,bienquecertainespartiesaientétéretirées,nousétionsbeaucoupmoinsnombreuxpourlaporter.Onditque,pourêtreunEsclaveduSel,ilfautêtrefort.Onditqueseulsceuxquisontfortsarriventjusqu’àKlima.

DanslaChaîne,nousportionsdescapuchonsd’esclave.Onnouslesavaitmisaupieddesmursdelakasbahdel’UbarduSel.Avantquelemiensoitfermésousmonmenton,j’avaisvuledésertargentédanslalumièredel’aube.Leciel,àl’est,carGor,commelaTerre,tourneendirection de l’est, semblait frais et gris. Il était difficile de croire, à cemoment-là, dans lafraîcheurdumatin,quelatempératuredusoldesrégionsquenoustraverserionsatteindraitquelques heures plus tard plus de cinquante degrés. Nos jambes, plus tôt, avaient étéenveloppées jusqu’au genou dans des bandes de cuir, en prévision des croûtes de sel quenousrencontrerions.Leslunes,àcemoment-là,étaienttoujoursau-dessusdel’horizon.Lesrochersdudésert,et lesmursaveuglesde lakasbahde l’UbarduSel,quisedressaientau-dessusdenous,luisaient,couvertsderosée,cequiestfréquentdansleTahariaupetitmatin.Cette rosée s’évapore dès que le soleil monte dans le ciel. Les enfants et les nomades selèventparfoistôtafindelécherlarosée.Del’endroitoùnousétionsenchaînésj’avaispuvoir,à environ deux pasangs en direction de l’ouest, la kasbah de Tarna. L’Ubar du Sel l’avaitqualifiéed’outilutile.Ellen’avaitpaspunousretenir,Hassanetmoi.L’UbarduSelpensaitquelesortluiseraitplusfavorable,surceplan.Lecollierfutrefermésurmoncou.

Uneahnavantl’aube,onm’avaitréveillé.Tafa,douceetchaude,surlesdallesfroides,surlapaille,étaitcouchéecontremoi,dansmesbras.Aucou,elleavaitunlourdcollier,avecunanneau;attachéeàl’anneau,ilyavaitunechaînedequatremètresdelongfixéeàuneplaqueprochedenostêtes.J’étaisattachédelamêmemanière.Lesplaquesn’étaientséparéesque

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par une quarantaine de centimètres. Quand nous avions été enfermés dans la cellule, unepetite lampe avait été posée sur une étagère proche de la porte. Les dalles étaient de grosblocsfroids,humidesparendroits,surlesquellesonavaitétenduunepaillemouillée.Nousétionsapproximativementunetrentainedemètressouslakasbah.Lacellulen’avaitpaséténettoyée.Ellesentaitlesêtreshumainsetlesurts.Tafahurlamais,détachée,futjetéecontrelemurpuissonjolicoufutplacédanslecollier,lequelfutrefermé.Jefusensuiteattaché.

«Nemelaissezpasici!»hurlaTafa.«Jevousenprie!Jevousenprie!»Maisilsn’ouvrirentpaslecollier.Unurtcourutsurlesdalles,disparaissantdansuntrou

d’un mur. Tafa hurla et se jeta aux pieds d’un geôlier, serrant ses jambes dans ses bras,l’embrassant.Aveclamaindroiteetlamaingauche,ilvérifialecollierqu’elleportaitaucou,le tenant dans la main gauche et, avec la droite, tirant deux fois sur la chaîne fixée dansl’anneau;puisillajetasurlapaille.L’autrehommevérifiamoncollierdelamêmemanière.Ensuite, avec son poignard, il coupa la corde que j’avais au cou et les lanières de cuir quim’emprisonnaient lesmains. Il ramassa lesmorceauxde corde et de lanières de cuir, puissortitdelacellule.Lalourdeportedeboisrenforcéavecdumétal,quifaisaitunevingtainedecentimètresd’épaisseur,futfermée.Lesbarresfurentmisesenplaceetdeuxgrossesserruresfurent, à leur tour, fermées. En haut de la porte, garni de barreaux, il y avait un judas dequinze centimètres sur dix. Les gardiens regardèrent à l’intérieur. Tafa se leva d’un bond,courutjusqu’àlalimitedesachaîne,lesmainsetlesdoigtstendusverslejudas.Sesdoigtsarrivaientàunequarantainedecentimètresdesbarreaux.

«Nemelaissezpasici!»cria-t-elle.«Jevousenprie,oh,jevousenprie,Maîtres!»Ilss’enallèrent.Ellegémitettournaledosàlaporte,traînantlachaîneavecsespetites

mains.Elletombaàquatrepattesetvomitdeuxfois,àcausedelapeuretdelapuanteur.Unurtpassaprèsd’elle,sortantd’unefissureentredeuxdallesdusol,ettraversarapidementlacellule,lelongd’unmur,avantdedisparaîtredansletrouqu’avaitempruntésoncongénèrequelquesinstantsplustôt.Tafasemitàpleurerettirahystériquementsursoncollieretsachaîne.Ilsétaientinamovibles.Jevérifiaimoncollieretmachaîne,ainsiquelesfixationsdel’anneauetdelaplaque.J’étaisattaché.Jeregardailapetitelampeposéesurl’étagèreprochede la porte. Elle fumait et brûlait de l’huile, probablement extraite du petit tharlarion desrochers,abondantausuddeTorauprintemps.JeregardaiTafa.Ellesecoualatête.

«Non,»dit-elle.«TuescondamnéàKlima.»Jem’appuyaicontrelemur.«Tuneserasqu’unEsclaveduSel,»ajouta-t-elle.Jelaregardai.Avecledosdupoignet,elles’essuyalabouche.Jecontinuaidelaregarder.

Elleétaitàdemiàgenoux,àdemiassise,latêtebaissée,lespaumesdesmainsposéessurlesdallesdelacellule.

Jeramassai,àl’endroitoùelleétaitposéesurlesdalles,attachéeàuneplaquemétalliqueprochedelamienne,lachaînequi,traînantsurlesol,étaitfixéeàsoncollier.

«Non!»cria-t-elle,furieuse.Jetenaislachaîne.Jenetiraipas.«EsclaveduSel!»cria-t-elle.Elle tira lachaîneàdeuxmains,àgenoux,reculant.Mamainétait légèrementposéesurlachaîne.Elletiraitsursonanneau,tendue.Jelâchailachaîne.

Me surveillant, féline, Tafa s’allongea sur le flanc dans la paille. Je tournai la tête del’autrecôté.Tafa,quin’étaitplussousleregarddesonmaître,leredoutableIbnSaran,avaitlafiertédel’esclave.C’était,aprèstout,unefemmeportantuncollieràserrure,quiavaitétélibre, qui était belle, qui avait, aux Deux Cimeterres, été vendue cher, un prix qui avaitcertainementétéaugmenté,mêmelégèrement,parlesagentsd’IbnSaran,lorsqu’ilsl’avaientachetée pour le compte de leurmaître. Les esclaves, généralement obséquieuses et dociles

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avec les hommes libres, qui peuvent les châtier sur l’instant, sont souvent insolentes etarrogantes avec les mâles qui sont esclaves, qu’elles méprisent. Les Esclaves du Sel, auTahari, comptent parmi les esclaves les plus méprisés. Les femmes qui, joyeusement, setraînent lascivement aux pieds d’un homme libre, le suppliant de les caresser, lorsqu’ellessont confrontées à des esclaves mâles, les traitent souvent avec le mépris et la froideurgénéralementréservésauxhommesdelaTerreparleursfemmeshautainesetfrustrées;jeme suis souvent demandé s’il en est ainsi parce que les femmes de la Terre, privées de ladomination du sexe agressif, considèrent ces faibles, peut-être à contrecœur etinconsciemment, commedes esclaves, des hommes incapables de devenir desmaîtres, desmâlesdécidésàn’êtrequeleségauxdesfemelles,desfousstupidesquiportentleurspropreschaînes, des esclaves qui se sont asservis eux-mêmes, craignant d’être libres. LesGoréens,bizarrement,dupointdevued’unTerrien,quiontétésoumisàdesprocessushistoriquesdeconditionnementdifférents,neconsidèrentpaslabiologiecommemauvaise;ceuxquinientlabiologienesontpasacclaméssurGor,commesur laTerre,maissontconsidéréscommebizarresetpathétiques.Detouteévidence, ilestdifficiledeporterdes jugementsdevaleur.Peut-êtreest-ilintrinsèquementplusdésirable,dansunsensobscur,denierlabiologieetdes’exposer à desmaladiesmentales et physiques que d’accepter la biologie et d’être fort etjoyeux,jenesaispas.Jelaissecettequestionàplussagequemoi.Quoiqu’ilensoit,bienquecelasoitsansdoutepeupertinent,leshommesetlesfemmesdeGorsont,engénéral,entierset heureux ; les hommes et les femmes de la Terre, le plus souvent, si je n’interprète pasfaussementlasituation,nelesontpas.L’antidotedupoisonn’estpeut-êtrepasdavantagedepoison,maisquelquechosededifférent.Mais,encoreunefois, je laisseceproblèmeàplussagequemoi.

Mamain prit à nouveau la chaîne de Tafa, à l’endroit où elle était fixée à une plaqueprochedelamienne.Aussitôtsesyeux,qu’elleavaitfermés,lebrassouslecôtégauchedelachaîne,s’ouvrirent.Jefermailepoingsurlachaîne.

«EsclaveduSel!»jeta-t-elle.Ellesemitàgenoux.Elletiradetoutessesforcessurlachaîne.Cettefois,jenelalâchai

pas. Ses mains glissèrent sur la chaîne. Elle tenta une nouvelle fois de me l’arracher, laserrantplusfort.Jenelâchaipaslachaîne.C’étaitcommesielleavaitétéfixéeunenouvellefois,etlégèrementraccourcie.

«Non ! » cria-t-elle. Je pris un autre poing de chaîne. Elle se leva d’un bond. «Non !Non ! » cria-t-elle. Je posai les deux mains sur la chaîne. Je la tirai encore de quelquescentimètresversmoi.Elletrébuchapuissecampafermementsurlesdalles,prêteàrésister,lesmainsserrantlachaîne.«Non!»cria-t-elle.Jeprisencoreunpoingdechaîne,tirantsoncouetsatêteversmoi.Elleétaitdansunepositiondésagréable.Ellenepouvaitrésister.Elleavançadequelquescentimètresetsecampaànouveau,tirantdetoutsonpoidssurlachaîne.Ellenecédapas.Ellesanglota.«Non,non,»dit-elle.Jetrouvaisintéressantqu’elletentedesemesureràmoi.La forced’une femmeadulteestéquivalenteàcelled’unenfantmâlededouze ans. Du point de vue des Goréens, cela indique qui est le maître. Centimètre parcentimètre,lentement,surlesoldelacellule,tandisqu’elleglissait,sedébattait,hurlait,jelatirai vers moi. Je vis que la petite lampe faiblissait, l’huile étant presque usée, la mèchefumant.Puismonpoingserefermasurlecollierdelafemmeetjelajetaisurledosàcôtédemoi.Aveclamaingauche,jelevailecolliersursanuqueetluipassailachaîneau-dessusdela tête et derrière. Je vis ses yeux fous, effrayés. Avec un peu de paille, je lui essuyai labouche, la nettoyant car, un peu plus tôt, dans sa révulsion, son horreur et sa terreur,consécutivesàl’aspectdel’endroitoùelleavaitétéincarcérée,elleavaitvomi,salissantlesol

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delacelluleainsiqu’elle-même.«Jet’enprie,»dit-elle.—«Tais-toi!»ordonnai-je.Lalampes’éteignit.Uneahnavantl’aube,j’avaisétéréveillé.Tafa,douceetchaude,surlesdallesfroides,sur

lapaille,étaitcouchéecontremoi,dansmesbras.Cinqhommes,deuxavecdes lampes,entrèrentdans lacellule.Unechaîne futenroulée

autourdemataille.Mespoignetsfurentattachésdevantmoi, lesmenottesétantfixéesàlachaîneparunanneau.Deuxhommes,undechaquecôté,passèrentunebarredansmondos,devantlescoudes,grâceàlaquelleilspourraientaisémentmediriger.Lecinquièmehommedétachalecollierquejeportaisaucouetlelaissatomber,avecsachaîne,parterre.Onmefitlever.

Tafa,effrayée,réveillée,étaitàgenouxàmespieds.Ellesepenchasurmespieds.Jesentisses cheveux sur mes pieds. Je sentis ses lèvres embrasser mes pieds. Elle était à genouxcommeuneesclave.J’avaisfaitsaconquête.

Aumoyendelabarre,neregardantpasderrièremoi,jefuspousséhorsdelacellule.Nousavionsétérassemblés,EsclavesduSelenpartancepourKlima,aupieddumurdela

kasbahdel’UbarduSel.Leslunesn’avaientpasencoredisparusousl’horizon.Ilfaisaitfrais,etmême froid, à cette heure, à la fin du printemps. L’aube, comme un cimeterre sombre,formaitunecourbegriseàl’est.JevoyaislakasbahdeTarna,àenvirondeuxpasangsdelà.Hassansetrouvaitàquatrehommesdemoi,égalementlesmenottesauxpoignets.Onavaitdéjàenroulélesbandesdecuirautourdenosjambes.LecollierdelaChaîneluifutpasséaucou.Laroséeluisaitsurl’enduitdesmursdelakasbahquisedressaientprèsdemoi,surlesrochersdudésert.Uncavalieràdosdekaiilasedirigeaitversnous,suivantlemur.LevoilerougedeshommesduGardiendesDunes cachait ses traits, flottantderrière lui, et le ventgonflaitsonlargeburnous.L’agal,surlekaffiyehrouge,étaitunecordedorée.Deshommes,prèsdemoi,levèrentlachaîneetlecollier.L’hommearrêtasonkaiilaprèsdemoi,tirantsurlarêneunique.Lecollierfutrefermésurmoncou.Jesentislepoidsdelachaîne.

«Salut,TarlCabot,»ditlecavalier.—«Tutelèvestôt,NobleIbnSaran,»répondis-je.—«Jenevoulaispasmanquertondépart,»expliqua-t-il.—«Detouteévidence,»dis-je,«c’estunevictoirepourtoi.»—«Oui,»reconnut-il.«Maisaussidesregrets,Camarade.Onremporteunevictoire,et

onperdunennemi.»LeshommesduGardiendesDunesmettaientdescapuchonsd’esclaveauxhommesdela

Chaîne. Il y avait plusieurs hommes derrièremoi. Ce capuchon d’esclave n’est pas équipéd’unbâillon.Cen’estpasuncapuchonparticulièrementcruel,contrairementàd’autres,maisutilitaireetbienveillant. Iladeuxfonctionsprincipales. Il facilite lecontrôleduprisonnier.Unprisonnierportantuncapuchon,mêmelorsqu’iln’estpasattaché,estpratiquementréduitàl’impuissance.Ilnepeutvoirpours’enfuir;ilnepeutvoirpourattaquer;ilnepeutmêmeestimerlenombreet lapositiondesesravisseurs,s’ilssontenfacede lui, lesurveillent,etainsi de suite ; parfois, on dit simplement au prisonnier encapuchonné de s’agenouiller etqu’ilseratués’ilbouge;lesgardiens,pours’amuser,laissentparfoislesprisonniersainsietconstatentuneheureplustard,lorsqu’ilsreviennent,qu’ilsn’ontpaschangédeposition;leprisonnier,naturellement,nesaitpass’ilssesontsimplementéloignésd’unecentainedepas

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pour se reposer ou dresser le camp ; il sait seulement que si lui s’éloigne de trentecentimètresdel’endroitindiqué,ilsentirapeut-êtrelecimeterreluipasseràtraverslecorps.Encapuchonné,naturellement,leprisonnierignorequilefrappeouletourmente.Ilestseuldans le capuchon avec sa confusion, son ignorance, son désespoir, son angoisse, sonimpuissance.Ladeuxième fonctionprincipaledu capuchonconsiste à cacherauprisonnieroùilsetrouveetoùonleconduit.Ilinhibelesensdel’orientation,produituneimpressiondedépendancevis-à-visdesgardiens.DanslecasdeKlima,naturellement,lecapuchonsertàcacher aux prisonniers le chemin desmines. Ainsi,même s’ils espéraient pouvoir survivrequelque temps dans le désert, en essayant de fuir, ils ne sauraient dans quelle directions’enfuir.Leurschancesdetrouverlechemindelakasbahdel’UbarduSelpuis,delà,celuiduRocher Rouge, par exemple, seraient réduites, même sans capuchon ; avec un capuchonpendant la marche vers Klima, naturellement, leurs chances de trouver le cheminultérieurement, après qu’on leur a retiré le capuchon, sont négligeables. Désorientés, leshommesrestentàKlima;ainsi,raressontceuxquimeurentdansledésertaprèsavoirtentédes’enfuir.LesdeuxautresfonctionsducapuchonrelativesàlamarcheversKlima,tenaientspécifiquementàlamarcheelle-même.Lecapuchonprotègelatêtedusoleil;onnemarchepasnu-têtedans ledésert ;deuxièmement, l’obscuritéqui règneà l’intérieurdu capuchon,lorsqu’onarriveauxcroûtesdesel,prévientlacécitéquepeutproduirelerefletdusoleilduTaharisurlessurfacesblanchesdescroûtesdesel.Cescapuchons,utiliséspendantlamarcheversKlima,ontunepetiteporte,ferméeetattachéeavecunelanièredecuir,auniveaudelabouche,parlaquelle,plusieursfoisparjour,aprèsl’avoirouverte,onfaitpasserlebecd’uneoutre posée sur le dos d’un kaiila. Les hommesmangent deux fois par jour, lematin et lesoir ; on ouvre alors le capuchon et on le remonte de quelques centimètres pour qu’ilspuissentabsorberlanourriture.Onleurmetlanourrituredanslabouche.Ils’agitengénéralde fruits secs, de biscuits et d’un peu de sel afin de compenser la perte de sel, due à latranspiration,pendantlamarche.Lesprotéines:viande,laitdekaiila,œufsdevulo,fromagede verr, exigent beaucoup d’eau pour la digestion. Lorsque l’eaumanque, les nomades nemangent pas du tout. Il faut des semaines pour mourir de faimmais seulement, dans leTahari,deuxjourspourmourirdesoif.Danscesconditions,onévitedeconsommerl’eaudestissusdansleprocessusdedigestion.Ceseraitunmauvaiscalcul.

Ibn Saran avait tourné son kaiila versHassan. Il le regarda pendant quelques instants.Puisildit:

«Je suisdésolé.»Hassanne réponditpas. Je fus étonnéqu’IbnSaranaitparléainsi àHassanleBandit.PuisIbnSaranfitànouveaupivotersonkaiilaetsepréparaàs’éloignerdelaChaîne.

—«IbnSaran,»dis-je.Ils’arrêtaetpoussasonkaiilaversmoi.Leshommesétaientplusprès,àprésent,mettant

lescapuchonsauxprisonniers.«Letraficd’esclavesaveclaTerre,»dis-je,«aétéinterrompu.»—«Jesais,»répondit-il.—«Celanesemble-t-ilpasétrange?»demandai-je.Ilhaussalesépaules.«LesPrêtres-Rois,» repris-je,«ont reçuunultimatum:«LivrezGor !».Lesavais-tu

aussi?»—«Oui,jesuisaucourant,»dit-il.—«Pourrais-tuclarifiercetultimatum?»demandai-je.— « Je présume, » dit-il, « qu’il manifeste l’intention d’inviter à la capitulation avant

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qu’uneactionagressivesoitentreprise.»—«Uneactiondequellenature?»insistai-je.—«Jen’assistepas,»répondit-il,«auxconférencesdeguerredesKurii.»— « Quelles sont tes responsabilités, dans le désert, pour le compte des Kurii ? »

m’enquis-je.—«Leurtravail,»répondit-il.—«Etdernièrement?»insistai-je.—«Précipiterlaguerre,»répondit-il,«entrelesKavars,lesAretaietleurstribusvassales

afind’interdireledésertauxétrangers,auxintrus.»—«CommelesagentsdesPrêtres-Rois?»demandai-je.—«Commebeaucoupd’autres individus, ilsnesontpas lesbienvenusdans lePaysdes

Dunes,»dit-il.—«TeshommesnepeuventdoncpascontrôlerlePaysdesDunes?»demandai-je.—«Nousnesommespasasseznombreux,»reconnut-il.«Lerisquedevoirdesétrangers

s’yintroduireseraittropgrand.»Engoréen,lemêmemotsignifieétrangeretennemi.—«Desortequetuenrôlesledésertdanstoncamp?»endéduisis-je.— « Sans le savoir, » dit-il, « des milliers de guerriers se préparent, en hâte et

conformémentàmesplans,às’entre-tuer.»—«Beaucoupd’hommesvontmourir,»s’écriaHassan,«Kavars,Aretaietlesmembres

deleurstribusvassales!Ilfautempêchercela!Ilfautlesavertir!»—«C’estnécessaire,»affirmaIbnSaran.«Jesuisdésolé.»Lecapuchond’esclavefutmissurlatêtedeHassan.Ilserralespoings.Lecapuchonfut

attachésoussonmenton.«Onremporteunevictoire,»ditIbnSaran,«maisonperdunennemi.»Ilmeregarda.Il

dégainasoncimeterre.—«Non,»refusai-je.«Jemarcheraijusqu’àKlima.»—«Jesuisprêtàmemontrermagnanime,»dit-il,«Camarade.»—«Non,»répondis-je.—«Ilfaitfrais,ici,»souligna-t-il,«tamortseraitrapide.»—«Non,»dis-je.—«TuappartiensàlaCastedesGuerriers,»reconnut-il.«Tuasleurstupidité,leurforce

etleurcourage.»—«Jemarcheraijusqu’àKlima,»affirmai-je.Illevasoncimeterredevantmoi,mesaluant.—«Danscecas,marche,»conclut-il,«jusqu’àKlima.»Ilrengainarapidementsalame.

Ilfitpivotersonkaiila.Ils’éloignalelongdelafile,sonburnousflottantauvent.Hamid,quiétaitlieutenantdeShakar,capitainedesAretai,etquiportaitàprésentlevoile

rougedeshommesduGardiendesDunes,setenaitàquelquedistance.«J’accompagnelaChaîne,»m’apprit-il.—«Tacompagniemefaitplaisir,»dis-je.—«Tusentirasmonfouet,»mepromit-il.Jevisleskaiilasàgenouxdesgardes,lesgardess’étantàprésentmisenselle,selever.Je

comptairapidementleskaiilasportantdel’eau.—«Kliman’estpasloin,»estimai-je.—«C’estloin,»medétrompa-t-il.—«Iln’yapasassezd’eau,»fis-jeremarquer.—«Ilyenaplusqu’assez,»dit-il.«Beaucoupn’atteindrontpasKlima.»

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—«Dois-jeatteindreKlima?»m’enquis-je.—«Oui,»réponditHamid.«Situesassezfort.»—«Quesepassera-t-ils’ilarrivedesdifficultésimprévuesenroute?»demandai-je.—«Danscecas,malheureusement,»réponditHamid,«jeseraiobligédetetuerdansla

Chaîne.»—«Est-ilimportantquej’atteigneKlima?»demandai-je.—«Oui,»réponditHamid.—«Pourquoi?»m’enquis-je.— « Tu as fait beaucoup d’ennuis aux Kurii et à leurs agents, » répondit-il. « Tu t’es

opposéàleurvolonté.TarlCabot,pourcetteraison,serviraàKlima.»—«TarlCabot,pourcetteraison,»répétai-je,«serviraàKlima.»—«Regarde,»ditHamid.Ilmontraunefenêtreétroite,enhautdumur.Jelevailatête.À la fenêtre, voilée de jaune, unMaître desEsclaves se tenant derrière elle, se trouvait

uneesclave.Avec élégance, la femme, de toute évidence avec la permission duMaître des Esclaves,

retirasonvoile.C’étaitVella.«Tutesouvienspeut-être,»ditHamid,latêtelevée,«deladélicieuseesclave,Vella,qui

s’estrévéléetrèsutileauxKurii,quiatémoignécontretoidevantletribunaldesNeufPuits,qui,parsonfauxtémoignage,t’afaitcondamnerauxMinesdeseldeKlima?»

—«Jemesouviensdecetteesclave,»répondis-je.«ElleappartientàIbnSaran.»Jemesouvenaistrèsbiend’elle.—«C’estelle,»repritHamid,montrantlafemmequisetenaitderrièrelafenêtreétroite,

unMaîtredesEsclavesderrièreelle.—«Oui,»répondis-je.«Jevois.»Lafemmemeregardait.Elleavaitunsourireironique.Ellem’avaitsupplié,àLydius,de

l’affranchir.J’avaiscomprisseulementalorsquec’étaituneesclavevéritable.Maisjel’aurais,de toute façon, compris à ce moment-là, devant son insolence, sa beauté mesquine et lecollierqu’elleportait.J’étaissoussafenêtre,danslaChaînedesEsclavesduSel.Lesesclaves,craintivesetobséquieuses,effrayéespar leshommeslibres,manifestentsouventduméprisvis-à-visdesmâlesesclaves.Parfois,ellesexposentmêmeleurbeautédevanteux,dansleurdémarcheetleursgestes,sachantquelemâleesclavepeutêtretués’iloseprendrelalibertéde toucher leurs vêtements de soie. Je constatai qu’elle était heureuse de me voir ainsi,impuissantdanslaChaîneenpartancepourKlima.Jevisdanssonsourire lamanièredontellemeregardait, commeuneesclave regardeunmâleasservi,mais jevis également,danssonsourire,leplaisirqueluiprocuraitsontriomphe.

—«Unejournéedélicieusepourl’esclave,»soulignaHamid.—«Exact,»fis-je.La femme, glissant la main sous sa tunique, en sortit un petit carré de soie écarlate,

légère,diaphane.Elle se tourna vers leMaître des Esclaves qui se tenait derrière elle. Elle lui demanda

quelque chose. Il parut intraitable. Elle se fit suppliante. Avec un rire, il accepta.Triomphante, elle se tournaànouveauvers l’extérieur et jeta lemorceaude soie. Il tombagracieusement,seposantaupieddumur,surlesable,prèsdenous.

«Apporte-le,»ditHamidàunhomme.L’hommeleramassa,lesentit,puisl’apportaàHamid.Hamidleprit.Ilsentaitleparfumd’esclave.C’étaitdelasoied’esclave.

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—«Unsouvenir,»dis-je.— « Un souvenir d’une esclave, » précisa Hamid d’une voix méprisante. Hamid glissa

brutalementlecarrédesoiesouslemétaldemoncollier,puislenoua.«Souviens-toid’elleàKlima,»dit-il.

Elle avait témoigné contre moi aux Neuf Puits. Elle avait souri quand j’avais étécondamnéauxMinesdeseldeKlima.

Jelevailatête,lemorceaudesoieattachéàmoncollier.Ellemeregarda,commeuneesclaveregardeunmâleasservi.Et,surtout,ellemeregarda

avecunairdetriomphe.Sonvisageétaitrouge.Ilétaitrougedeplaisir,illuminéparlajoie.Comme sa vengeance féminine, mesquine, lui était délicieusement douce ! Comme je latrouvaisstupide!Nesavait-elledoncpasquej’étaisGoréen?Nesavait-elledoncpasquejelaretrouverais?

MaisondisaitquepersonnenerevenaitdeKlima.Jelaregardai.JerésolusderevenirdeKlima.«Souviens-toid’elle,àKlima,»ditHamid.—«Oui,»dis-je.Jemesouviendraisd’elle.Jemesouviendraisbiend’elle.Àlafenêtre,lafemmesecrispa.L’hommequisetenaitderrièreelleluiavaitditquelque

chose. Elle se tourna vers lui, désespérée. Elle le supplia. Cette fois, son visage restaimpassible.Furieuse,ellesetournaànouveauverslafenêtre.Ellesourit.Ellem’envoyaunbaiser, à lamanièregoréenne, l’accompagnantavec lesdoigts.Puis, rapidement, ellepivotasurelle-mêmeetquittalafenêtre.

«N’est-ellepas,»demandai-je, « autorisée ànous regarder commencer lamarche versKlima?»

—«C’estuneesclave,»ditHamid.«Ellen’yestpasautorisée.»—«Jevois,»fis-je.Onprive souvent les esclaves de petits plaisirs ou gratifications.Cela leurmontre, plus

profondément,qu’ellessontesclaves.Quelqueskaiilaspassèrent,chargésdeprovisions.Desgardienspassèrent.Je respirai le parfum d’esclave. Je me souvins que je l’avais senti dans le palais de

Suleiman Pacha quand la femme, avec une autre esclave, Zaya, avait servi le vin noir. Lesmaîtres riches font souvent fabriquer des parfums spéciaux correspondant à leurs diverstypesd’esclaves.Toutessontesclaves,complètement,maischaquefemme,portantuncollier,asservie,estdélicieusementdifférente.Certainsparfumscorrespondentàcertainesesclaveset d’autres pas. Le parfum de Vella, à mon avis, probablement dû à la compétence d’unParfumeur, lui convenait parfaitement. Il lui allait bien, comme un collier fabriqué surmesure.

Jesouris.Peut-êtreVellaavait-elleregagnélequartierdesesclavesoùelleattendaitd’êtreappelée,parleshommes,poursesexercicesousonbain,sessoieriesousonmaquillage,sonembellissement,oubienpourdepetitestâchesserviles,oubiensurlacouchedesonmaître,oubiencelledeceuxàquiilavaitdécidédelaprêter.Maisilétaittôt.Detouteévidence,onluiavaitsansdouteretirésasoieavantdeluiordonnerdes’allongeràplatventre,latêteprèsdumur,danssonalcôve,etderefermerlapetiteportecarréesurelle.CesdeuxprécautionssontfréquentesdanslessérailsdefemmesduTahari.Lorsqu’unefemmeestàplatventrelatêteprèsdumur,ellenepeutempêcherlaportedesefermeràcléderrièreelle.Enoutre,lapetite ouverture, qui fait environ cinquante centimètres de côté et se trouve

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approximativement à trente centimètres du sol, ne peut être commodément franchie qu’àquatrepattes.Les femmesnepeuventsortir rapidementde l’alcôveàesclaveduTahari.Lefaitqu’ellenepuisseentreretsortirqu’àquatrepattesestcenséavoirsurlafemmeuneffetpsychologiquedésirable,montrantauxfemmeshautaineselles-mêmesqu’ellesnesontquedesesclaves.Cetteposition,enoutre,évidemment,permetdefouetterfacilementlafemmelorsqu’ellesortdel’alcôveouyentre.

Jeregardaiàlafenêtreoùs’étaittenuelafemme.Elleétaitàprésentvide.Il était probable que, déjà, dans le quartier des esclaves, Vella était couchée sur les

coussinsdesonalcôve.Peut-êtresespetitspoingsétaient-ilsserréstandisqu’ellegisaitnue,sur les soieries et les coussins, à plat ventre, la tête près du mur, derrière les barreauxsculptés de sa nicheminuscule et luxueuse. La petite portemétallique, avec ses barreaux,lourde,étaitferméeàcléderrièreelle.Ellen’avaitpasétéautorisée,triomphante,àregardermondépartpourKlima.Cequ’ellen’avaitpaspufaireauxNeufPuits,sonMaître,IbnSaran,sournois,félinetsouple,l’avaitaccompli.Lapetitebrunettedélicieuse,possédée,n’avaitpasétéautoriséeàregarder.Cettegratification,luiavaitétérefusée.Elleavaitétéenferméedanssonalcôve.C’étaituneesclave,seulementuneesclave.

Jesouris.Jerespiraileparfum.Hamidprituncapuchond’esclavedesmainsd’unhommequise tenaitprèsde lui.Jevis lecielgrisâtre, les lunesquidescendaient, ledésert,puis lecapuchonfutmissurmatête,installéenplacepuisfermé.

Nous avancions péniblement, grimpant, enchaînés, encapuchonnés, à demi traînés,

tortueusement, sur une longue pente. Le temps semblait rythmé par les pas, les coups defouet,lesoleilpassantlentement,aufildesahns,d’uneépauleàl’autre.

Depuisvingt jours,nousmarchions.Quelques-unspensaientque c’était cent.Beaucoupavaientperdu le compte.Beaucoupd’hommesétaientdevenus fous.Nousétionsdeuxcentcinquante au départ. La chaîne était plus lourde, à présent. Nous ne savions pas combiennousétionsàprésent,pourporterlachaîne,oucequ’ilenrestait.

Normalement,onnemarchepasdansledésertdejour,maislamarchejusqu’àKlimasefait au soleil, afin que seuls les plus forts survivent. On nous donnait peu àmangermaisbeaucoupd’eau.Dansledésert,sanseau,mêmelesplusfortsmeurentrapidement.

«Tuez-nous!Tuez-nous!»hurlaitunhomme.Ausommetdelapente,unhommecria:«Halte!»LaChaînes’arrêta.Je tombai à genoux, les cuisses enfoncées dans les croûtes. L’intérieur du capuchon

d’esclave semblait clair et granuleux. Même à l’intérieur, je gardais les yeux fermés. Jegardais lesmains, le cou, aussi immobiles que possible car lemoindremouvement faisaitbougerlecollier,lesmenottes,lachaînequim’entouraitlatailledesortequel’acierbrûlantfrottaitsurmachairdéchirée.Jenevoulaispasperdreconnaissance.Tropnombreuxétaientceuxqui,l’ayantfait,n’avaientjamaisreprisconscience.LesgardiensdelaChaînen’aimaientpasêtreretardésparceuxquinepouvaientselever.

Leselcollaitàmapeau.LesoleilétaitlesoleildelafinduprintempsdansleTahari.Latempératuredelasurface

des croûtes devait se situer aux environs de soixante degrés. La température de l’air, elle,devaitsesituerentrequarante-cinqetcinquantedegrés.LesmarchesversKliman’ontjamaislieu enété,mais seulementauprintemps, enhiver et enautomne, afinque toutdemêmequelqueshommessurvivent.

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Je levai la tête vers le soleil et fermai les yeux à cause du rouge, de la chaleur et de laréverbération qui parurent emplir le capuchon. Je baissai la tête. Malgré le capuchon, jesentislachaleurréfléchieparlescroûtes.

CelafaitplaisirauxKurii,medis-je,queTarlCabotserveàKlima.Commeilsvonttrouvercelaamusant!Ilyavaitunmorceaudesoie,probablementblanchieparlesoleil,àprésent,nouéàmoncollier.Detouteévidence,quelqu’und’autreétaitheureuxquejeserveàKlima.

Un kaiila me dépassa rapidement, ses pattes projetant du sel. Je le sentis dans lesmarbruresdemondosetlesentaillesproduitesparleschaînes.

« Tuez – nous ! Tuez – nous ! » hurla à nouveau l’homme, enchaîné derrière moi, àplusieurscolliersdemoi.

Unautre kaiila passaprèsdemoi, sedirigeant vers la têtede laChaîne.Mespoings seserrèrent.

Jemedemandaisijetiendraisencoreunejournée.Jesavaisquej’enétaiscapable.J’avaisdenombreusesraisonsdevivre.Unmorceaudesoieétaitnouéaucollierquejeportais.

«Tuez-nous!Tuez-nous!»hurlal’homme.«Ilssonttropnombreux,»ditungarde.«Uncolliersurdeux,»ditunevoix.«Non!»hurlaquelqu’un.«Non!»Lesgardiensconnaissaientl’eau,pasnous.Ilmesemblaquenousrestâmeslongtempsàgenouxsurlescroûtes.Auboutdequelques

ehns,j’entendisdeshommesàpiedprèsdemoi.IlsmarchaientlelongdelaChaîne.Jemecrispai.Soudain,lachaîne,devantmoi,eutunesecousse.Jen’entendispasunbruit.Puisellesetendit,verslebas.Jemelevaipéniblement,tirantsurlachaîneavecmoncou,incapabledevoir,frénétique.

«Àgenoux!»ditunevoix.Jem’agenouillai.Jemecrispai.Jenevoyaisrien,àcauseducapuchon.J’étaisàgenoux,

captif, enchaîné, sur les croûtes de sel. Je ne pouvais lever les mains. J’étais impuissant,absolument.

«Non!»hurlaquelqu’un.«Non!»La chaîne fixée à mon cou, derrière, se tendit soudain. J’entendis des pas, craquant,

glissant sur la croûte de sel. Il y eut un cri et je perçus, par la chaîne, une secousse et unfrisson.Puisleshommescontinuèrentleurchemin.

«J’aifaitunemauvaiseestimationdel’eau,»ditHamid.«Peuimporte,»réponditquelqu’un.Nous étions à genoux sur les croûtes de sel. À quelques mètres de moi, un homme

chantaitàmi-voix.Un autre homme passa le long de la Chaîne. Je l’entendis ouvrir les colliers qui se

trouvaientdevantetderrièremoi.J’entendis,unpeuplustard,lebattementdesailesd’unouplusieursgrandsoiseaux.Ces

oiseaux,auxgrandesailes,noirsetblancs,suiventlesmarchesversKlima.Leurbec,jaunâtre,mince,estlongetlégèrementcrochu,cequiestbienutilepourperceretdéchirer.

Les oiseaux s’éparpillèrent avec des cris rauques lorsqu’un kaiila passa au galop. Cesoiseauxs’appellent:zads.

«Debout,Esclaves!»entendis-je.Lefouets’abattitdeuxfoissurmoi.Jenerebiffaipas.J’enregistrai simplement. Le sang courut dans mon corps. La douleur fut brutale, riche,profondeetinsidieuse.Jenem’opposaipasàladouleur,carjepuslaressentir.L’exaltations’emparademoi,sauvage, incontrôlable,car j’étaisvivant.Le fouets’abattitdenouveau.Je

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ris,meredressantpéniblement.Jemetinsdroit.«Marchez,Esclaves !»entendis-je.Et jemeremisàmarcher,avançantd’abord lepied

gauche,puislepieddroit,afinqueladémarchesoituniforme,quelepoidsdelachaînesoitbienréparti.Elleétaitpluslourdequeprécédemmentmaisellemeparaissaitlégèreparcequej’étaisvivant.Jenem’opposaisplusauseldansmachair,àlachaleur.Ilétaitsuffisantquejesois vivant. Comme ilme parut stupide, à cemoment-là, de vouloir davantage ! Commentpouvait-on demander davantage sauf, peut-être la santé, l’honneur et une esclave à sespieds ? Je marchai à nouveau, passant parmi les zads qui mangeaient, vers Klima. Jefredonnaisunemélodietoutesimple,unemélodiequejen’avaisjamaisoubliée,unechansondeGuerrierdelacitéseptentrionaledeKo-ro-ba.

Quatrejoursplustard,surunecrête,lavoixcriaànouveau:«Halte!»EtlaChaînes’arrêta.«Nenous tuezpas !Nenous tuezpas !»hurlaquelqu’un.Je reconnus lavoix.C’était

celle de l’homme qui, pendant presque toute la marche, avait crié qu’il voulait que noussoyonstués.Ils’étaittudepuisquenousnousétionsarrêtés,quatrejoursplustôt.J’ignoraisalorss’ilétaittoujoursvivant.

Deskaiilasnousdépassèrent.Les colliers furent ouverts.À causedu capuchon, jene voyais rien.Lemorceaude soie

nouéàmoncollierfutretiré.Ilfutattaché,surl’ordredeHamid,quisetrouvaitàproximité,àmonpoignetgauche,souslamenotte.Jesentislasoiesurmonpoignetdéchiré.Unegrosseclé fut glissée dans la serrure de mon collier. La serrure contenait du sel. À cause de lachaleur, le métal s’était dilaté. La serrure résista. Puis la clé, forcée, avec un claquementsonore,tourna,libérantlepêne.Lecollierfutouvert.Lecolliermefutbrutalementretiréettombaaveclachaîne,surlescroûtesdesel.L’hommepassaensuiteauprisonniersuivant.

Personnenetentadefuir.«Nousnepouvonspasfaireentrerleskaiilas,»ditunhomme.Nous restâmes quelques minutes immobiles. Je sentais le sel et le sang dans les

craqueluresdesbandesdecuirquicouvraientmesjambes.Jeprissoindenepasbougerlesmenottesetlachaîne.

La clé fut introduite dans la serrure du capuchon d’esclave. Je constatai avec surprisequ’on le soulevait et qu’on me le retirait. Je criai soudain sous l’effet de la douleur, del’incroyablelumièreblanche,brûlante,féroce,universelle,impitoyable,frémissantedansl’airen fusion des croûtes étincelantes qui nous entouraient, d’un horizon à l’autre, explosant,entaillantetbrûlant,commedesfersrouges,monvisageetmesyeux.

«Jesuisaveugle!»criaunhomme.«Jesuisaveugle!»Deskaiilaspassèrentlelongdelafile.Denombreusesminutess’écouleraientavantque

nouspuissionsvoir.Leschaînesfurentenrouléesetrassemblées.D’autreskaiilaspassèrent.Mesmembresétaientfaiblesetdouloureux.J’avaislevertige.C’étaitàpeinesijepouvais

bouger.C’étaitàpeinesijetenaisdebout.«Mangedusel,»ditunevoix.C’étaitHassan.—«Tuesvivant!»m’écriai-je.Il tomba à genoux, plongea son visage dans le sel. Il mordit les croûtes. Il lécha les

cristaux.Jesuivissonexemple.Nousn’avionspaseudeseldepuisquatrejours.

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«Regardez !» criaungarde.Nous levâmes la tête.Nousnousdressâmespéniblement.Nousfermâmeshermétiquementlesyeux,àcausedelachaleuretlalumièreaveuglante.

«Del’eau!»criaunevoix.«Del’eau!»Je vis un homme émerger du désert. Il ne faisait pas partie de la Chaîne. Il avait des

menottes.«Del’eau!»cria-t-il.Ilsedirigeaitversnousentrébuchant.Ilétaitvêtud’unmorceaude

tissu déchiré. Son corps bougeait maladroitement. Il n’avait plus d’ongles. Son visagesemblaitcraquelécommedelaboueséchée.

«C’estunesclaveévadédansledésert,»ditHamid.Ildégainasoncimeterreetsedirigeavers l’homme. Il sepencha souplement sur sa selle, la lameprête,mais ilne frappapas etrevintprèsdesautresgardes.L’hommeétaitdeboutsurlescrêtes,regardantstupidementlecavalier.

«Del’eau,»dit-il,«del’eau,jevousenprie.»«Est-cequenousnousamusonsunpeu?»demandaHamidàdeuxdesescompagnons.—«Latête?»proposal’und’entreeux.«L’oreillegauche?»—«D’accord,»acquiesçal’autre.Ilsdégagèrentleurslances.«Del’eau,»ditl’homme.«Del’eau.»Lepremierhomme,lançantsonkaiila,manquasoncoup.Ladémarchedukaiila,surles

croûtes, n’est pas régulière. La cible, en outre, n’était pas facile. L’atteindre exigeraitbeaucoupd’adresse.

L’homme,hagard,restaitstupidementdeboutsurlescroûtesdesel.«L’oreilledroite,»annonça l’hommesuivant,serrant la lance longueetmince,detrois

mètres de long, ornée de spirales jaunes et rouges, terminée par une pointe extrêmementétroite, tranchantecommeunrasoir,devingt-cinqcentimètresde longet lancéoléecommeunefeuilledeflahdah.Iln’avaitpasquittélacibledesyeux.

«Del’eau!»crial’homme.Puisilhurlalorsquelalancelefrappa,lefaisanttournersurlui-même.

Ledeuxièmecavalierétaitadroit.Lalameavaitpénétrésousl’ourletetouvertl’oreille.L’homme recula en vacillant. Il leva la main. Le premier cavalier jura. Il chargeait à

nouveau.Cette fois l’homme, trébuchant,essayantde fuir,avaitété touchéaubrasgauche,justesousl’épaule.Jefusstupéfaitqu’ilyaitaussipeudesang,carlablessureétaitprofonde.C’étaitcommesil’hommen’avaitplusdesang.Ilyavaitunelignedefluiderougeâtredanslablessure. Je regardai, les paupières plissées à cause de la lumière. Avec horreur, je visl’hommeposer les lèvres sur sablessure, suçantunpeude sang. Il nebougeapas et restadeboutsurlescroûtes,suçantsonsang.

Hamid, avec aisance, à dos de kaiila, le cimeterre levé, se dirigea vers l’homme. Je neregardaipas.

« Le point est àBaram, » déclaraHamid.De toute évidence, le deuxième cavalier étaitplusadroit.

—«Nousnepouvonspasfaireentrerleskaiilas,»ditungarde.— « Nous avons assez d’eau pour rentrer, » dit un autre, « en progressant

tranquillement.»Avec stupéfaction, je vis un gardien détacher la chaîne et lesmenottes d’un prisonnier.

L’hommeneportaitdéjàplusdecapuchond’esclave.Etonnousavaitdéjàretirénoscolliers.Je regardai autour de moi, les yeux mi-clos. Je n’étais pas solide sur mes jambes. Je

comptais.Ilyavaitvingtprisonnierssurlacrête.Jefrémis.Hamids’arrêtaprèsdemoi.Ilavaitessuyésalamesurlacrinièredesonkaiila.Ilrengaina

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sa lame. Je sentais la chaleur. Nous étions sur une crête dominant une large vallée peuprofonde.

Hamidsepencha.«Là-bas,»dit-il,montrantlavallée.«Vois-tu?»—«Oui,»répondis-je.Au loin, en bas, à environ cinq pasangs, dans le blanc incurvé du sel, semblable à une

immensecuvetteblancheetpeuprofonde,ilyavaitdelongsbâtimentsbas,blancs,deboueséchéerecouverted’enduit.Ilsétaientnombreux.Ilsétaientdifficilesàvoir,auloin,danslalumière,maisjelesdistinguainéanmoins.

—«Klima,»annonçaHamid.«J’aifaitlamarchejusqu’àKlima,»ditunprisonnier.Ilcria,exalté:«J’aifaitlamarche

jusqu’àKlima!»C’étaitl’hommequi,pendantdenombreuxjours,avaitdemandéquenoussoyonsmassacrés.C’étaitluiqui,depuislahaltequenousavionsfaitequatrejoursplustôt,étaitrestésilencieux.

Je regardai les prisonniers. Nous nous regardâmes mutuellement. Nos corps étaientbrûlés,noirs,àcausedusoleil.Lapeau,endenombreuxendroits,étaitfendillée.Onpouvaitvoir,dessous,unechairplusclaire.Nousavionsduseljusqu’auxcuisses.Lesbandesdecuirquientouraientnosjambesétaientenloques.Notrecouetnotrecorpsétaientdéchirésparlecollier et les chaînes. Pendant les derniers jours, on nous avait privés de sel. Nos corpsn’étaientquecrampesetfaiblesse.Maisnousnoustenionsdroit,tous,carnousétionsarrivésàKlima.

VingthommesétaientarrivésàKlima.Lepremierprisonnier,dontlespoignetsavaientétélibérés,futpousséverslesbâtiments.

Ildescenditlapenteentrébuchant,sedirigeantverslavallée,glissantsurlescroûtesdesel,s’enfonçantparfoisjusqu’augenou.

Un par un, les prisonniers furent détachés. Personne ne tenta de fuir dans le désert.Chacun,unefoislibéré,pritladirectiondeKlima.Iln’yavaitpasd’autreendroitoùaller.

L’homme qui avait crié : « J’ai fait lamarche jusqu’à Klima ! » fut libéré. Il partit entrébuchantverslesbâtiments,courant,tombantpresque.

Nous fûmes détachés, Hassan et moi. Nous prîmes la direction de Klima, suivant leshommesquinousprécédaient.

Nousarrivâmesprèsd’unesilhouettegisantdanslesel.C’étaitl’hommequiavaitcouru,celuiquiavaitcrié,incrédule,«J’aifaitlamarchejusqu’àKlima!».

Nousretournâmeslecorpsdanslesel.«Ilestmort,»ditHassan.Nousnousredressâmes.Dix-neufhommesétaientarrivésàKlima.JemeretournaietvisHamid,quiétaitpayéparleGardiendesDunes,l’UbarduSel,qui

était également censé être le lieutenant fidèledeShakar, capitainedesAretai. Il fit pivotersonkaiilaet,dansundélugedesel,suivantsescompagnons,disparutderrièrelacrête.

Jeregardailesoleilimpitoyable.Saprésenceindomptablesemblaitemplirleciel.Jebaissailatête.Autourdupoignetgauche,noué,blanchipar le soleil, j’avaisuncarréde soie. Il sentait

encore un peu le parfum d’une esclave qui, achetée, avait été utile aux Kurii, qui avaittémoignécontremoiauxNeufPuitsqui,avecméprisetinsolence,m’avaitenvoyécesymboledesaconsidération,unmorceaudesoieparfumée,afinquejemesouvienned’elletandisquejeserviraisàKlima.Jen’oublieraipasdesitôtlajolieVella.Jemesouviendraisd’elle.

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Je regardai à nouveau le soleil puis, amer, tournai la tête. Je chassai la femmedemespensées.Cen’étaitqu’uneesclave,delachairàcollier.

Cequicomptait,c’étaitletravaildesPrêtres-Rois.Nousn’avionspastrouvélatourd’acier,Hassanetmoi.Nousavionséchoué.J’étaisamer.Puis jesuivisHassanquiavaitprisde l’avance ;pataugeantdans lesel, je lesuivisvers

Klima.

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15

T’ZSHAL

À Klima, et dans d’autres régions semblables, le sel est une industrie. Des milliersd’hommes y servent, captifs dans le désert. Klima possède son eau mais dépend descaravanessur leplande lanourriture.Cesréservesdenourrituresontdéposéesàquelquespasangsdesbâtiments,oùlesEsclavesduSelvontensuiteleschercher.Demême,leslourdscylindresdesel,produitsetmoulésàKlima,sonttransportésàdosd’esclavedesentrepôtsdeKlima aux zones de stockage du désert, où ils sont répertoriés, vendus et distribués auxcaravanes.LescylindrespèsentdixPierres,c’est-à-direun«Poids»goréen,soitvingtkilos.Unkaiilanormaltransportedixcylindresdecetype,cinqdechaquecôté.Unkaiilaplusfortpeut en porter seize, huit de chaque côté. La charge est toujours équilibrée. Il est difficilepourunanimalouunhomme,naturellement,deporterunechargemaléquilibrée.LeseldeKlima est généralement blanc mais quelques mines produisent du sel rouge, teinté parl’oxydedeferquientredanssacomposition,quel’onappelle:leSelRougedeKasracarc’estdansceportduconfluentduFayeenSupérieuretduFayeenInférieurqu’ilestembarqué.

DanslepasségéologiquedeGorilsemblequelesrégionsproductricesdesel,commedesflaques éparpillées de résidus cristallins, soient les vestiges de ce qui fut autrefois une ouplusieursmersintérieurestrèssalées.Ilestpossibleque,dansunpassélointain,unbrasdeThassa soit venu jusque-là, ou bien y soit venu et, plus tard, à la suite de dislocationsséismiquesoude ladérivedescontinents,sesoit trouvé isoléde lamassed’eauprincipale,formant ainsi une ou plusieurs petites mers. Ou peut-être les mers étaient-ellesindépendantes,nourriespardesfleuvesquiemportaientleselaccumulésurlesrocherssurdesmilliersdepasangscarrés.Onl’ignore.Danslesrégionsproductricesdesel,ontrouvelesel soit sous formesolide, soit en solution.Klimaest célèbrepour sesmines inondées.Ontrouveleselsolidesoitàlasurfacedusol,soitsouslasurface.Avecladisparitiondelameretle tassement des strates, certains pasangs cubiques de sel, dans certaines régions, ont étécomprimés en une matière compacte qui ressemble à du granit et dans laquelle on peutcreuserdestunnels.Certainsdecesdépôtssonttrèsprofonds.Leshommesyvivent,parfoisplusieurssemainesdesuite.Dansd’autresrégions,cesdépôtssontprochesde lasurfaceetleshommesytravaillentcommedansdesminesàcielouvertoudescarrières.Parendroits,cesmontagnesdeselfontdeuxcentsmètresdehaut.ÀKlima,toutefois,l’essentielduselestdissout.Ils’agitdevestigessouterrainsdesmersdisparuesquiontglissédansdesfissureset,protégés de la chaleur, sont toujours alimentés par d’antiques cours d’eau qui coulent àprésent lentement sous la surface, restes cachés d’un océan autrefois puissant dont lesvagues roulaient, il y a longtemps, sur la surface deGor. Le sel en solution est produit dedeuxmanières,encreusantpuisenremplissantlestrousd’eauet,danslesminesprofondes,en envoyant des hommes chercher l’eau saturée de sel. Dans le cas des forages, deuxsystèmes sont utilisés : le système à double tubes et le système à tubes séparés. Dans lesystèmeàdoubletubes,del’eaudouceestenvoyéedanslacavitéparuntubeextérieuretla

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solutionsalinesort,bouillonnante,parlesecondtube,outubeintérieur,quisetrouvedanslepremier. Dans le système à tubes séparés, deux tubes, séparés par plusieurs mètres, sontutilisés,l’eaudouceétantintroduitedanslepremieretlasolutionsaline,leselétantdissoutpar l’eau douce, sort par l’autre. Le système à tubes séparés est considéré comme plusefficaceparlesMaîtresduSel.L’avantagedusystèmeàdoubletubesestqu’ilsuffitd’unseulforage. Les deux systèmes, naturellement, utilisent des pompes.Mais l’essentiel du sel deKlima provient des célèbres mines. Ces mines sont de deux types : « ouvertes » ou«fermées».Leshommes,danslesminesfermées,descendenteffectivementàl’intérieuret,àpiedousurdesradeaux,sedéplacentsur lasolution,remplissant leursrécipientspuisendéversant le contenudansdes sacs suspendus àdes crochets et que l’on remonte avecdestreuils.Lerécipientderamassage,paslerécipientdestockage,estunesortedecôneperforéavec une anse à laquelle est attachée une corde. On le traîne dans la solution puis on lesoulèvede sorteque l’eau libre s’échappe,ne laissantque labouilliede selqui est ensuiteverséedansdegrandsrécipientsenbois.Cesrécipientssontensuiteversésdanslessacsdelevage, lesquels comportent un anneauqui se fixe au crochet de la corde. Par endroits, lesmines sont à ciel ouvert, l’eau étant renouvelée par de petites sources souterraines quicompensent l’évaporation, laquelleest très importantecompte tenude lachaleurquirègneau Tahari. Les hommes ne durent pas longtemps dans les mines à ciel ouvert. Lesinfiltrations souterraines qui, par endroits, remplissent les mines, dans d’autres endroits,passantàtraversdesstratesdépourvuesdesel,fournissentdel’eaudouceàKlima.Elleaungoût légèrement salé, comme presque toute l’eau du Tahari, mais elle est parfaitementpotable,n’étantpaspasséedans lesdépôtsdesel.Elleneprésenteque leselnormalementcontenudans l’eauduTahari.Leselde l’eaudouceduTahari, incidemment,n’estpassansvertu car il contribue dans une certaine mesure, quoique cela ne soit pas suffisant, àcompenser la perte de sel due à l’évaporation chez les hommes et les animaux. Le sel,naturellement, comme l’eau,estessentielà lavie.Transpirerestdangereuxdans leTahari.Celan’estpassansrapportaveclesmouvementsélégants,presqueparesseux,desnomadesetdes animaux du Tahari. Les lourds vêtements du Tahari, également, ont pour objet lapréventiondelaperted’eau,larétentiondel’humiditédelapeau,réduisantl’évaporation.Onnepeutsepermettredetranspirerabondammentquelorsquel’ondisposedebeaucoupd’eauetdesel.

Outrelesminesdesrégionsproductricesdesel, ilyadesentrepôtsetdesbureauxdanslesquelsdescomptescomplexessonttenusàjouretd’oùleschargementssontenvoyésdansles zones de stockage du désert. Il y a aussi les zones de traitement où le sel est séché etraffinéàdiversdegrésdequalitéparunsystèmecomplexedetablesetdeplats,généralementexposésausoleil.Lesesclavessontchargésdecetravail,étalant,remuantettamisant.Ilyaégalement les ateliers demoulage où le sel est pressé en gros cylindres de sorte qu’il soitpossibledelesattacheravecdescordes,puisleschargersurleskaiilas.Ilyaneufqualitésdesel.Tous lescylindresportent lamarquede leurqualité,cellede larégiondeproductionetcelleduMaîtreduSeldecetterégion.

Inutile de dire que Klima dispose également, nécessaire à l’industrie du sel qui y estconcentrée,del’intendanceindispensableàcesopérationsd’extractionetdetransformation.Ilyadescuisinesetdesdépôtsdevivres,desdortoirsetdesréfectoires,desfossesoùsontenfermés les délinquants, des points de rassemblement, des forges et des boutiques, lesquartiersdesgardesetdesScribes,leurinfirmerieetainsidesuite.Surdenombreuxplans,Klimafaitpenseràunecommunauté,saufsurdeuxpointsimportants:iln’yanifemmesnienfants.

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TandisquenousapprochionsdeKlima,Hassanmedit:«Laisselecarrédesoiequetuportesaupoignetdanslescroûtesdesel,cache-le.»—«Pourquoi?»demandai-je.—«C’estdelasoied’esclave,»répondit-il,«etelleporteencoreunparfumdefemme.»—«Pourquoidois-jelelaisser?»—«Parceque,àKlima,»dit-il,«leshommesvonttetuerpourtelevoler.»Jecachailecarrédesoiedanslescroûtes,prèsd’unbâtimentbascouvertd’enduitblanc.L’hommequis’adressaitànousétaitT’Zshal,MaîtreduDortoir804.«VousêteslibresdequitterKlimaquandvouslevoulez.»dit-il.«Personnen’estretenu

icicontresavolonté.»Ilétaitdeboutdevantnous.Nous étions assis sur le plancher de la cabane, nus. Nous étions attachés les uns aux

autrespar lecouavecunecorde légère.Elleauraitsuffi,enfait,pourattacherdesfemmes.Pourtant,personnenelacoupa;personnenes’échappa.

«Jeneplaisantepas,»repritl’homme.NousétionsàKlimadepuisquatrejours.Onnousavaitdonnébeaucoupd’eauetonnous

avait bien nourris. Nous étions restés à l’ombre. La corde nous avait été passée au coulorsquenousétionsarrivésdudésert,afinquenousnesoyonspasséparés.Onnousditdenepaslaretirer;nousnelaretirâmespas.Quatrehommes,cependant,avaientétélibérés;ilsétaientmortsdes conséquencesde lamarche.Ainsi, auboutdu compte, seulementquinzehommesavaientsurvécuàlamarche.

«Non,»ditT’Zshal,«jeneplaisantepas.»Ilportaitdesbottes,unpantalondetoile,large,uneceinturerouge;danslaceintureétait

glisséeunedaguecourte,courbe.Sapoitrinenueétaitpoilue;ilportaitlekaffiyehetl’agal,mais ils étaient en reps. Il portait la barbe. Il avait un fouet, le « serpent », symbole del’autoritéqu’ilexerçaitsurnous.Derrièrelui,armésdecimeterres,setenaientdeuxgardes,égalementtorsenu,avecdesturbansplats,enreps.Lalumièreentraitdansledortoirparuneouvertureduplafond.

Il s’approchadenous.Plusieurshommesse tassèrentsureux-mêmes. Il sortit sadaguecourbeetcoupalescordesquenousavionsaucou.

«Vousêteslibresdepartir,»dit-il.Personnenebougea.«Ah,»fit-il,«vousdécidezderester.C’estvotredécision.Trèsbien,jel’accepte.Mais,si

vous restez, vous devez le faire à mes conditions. » Il fit soudain claquer son fouet. Leclaquementfutbref,puissant«Est-cebiencompris?»demanda-t-il.

—«Oui,»direntquelqueshommes,avecempressement.—«Àgenoux!»aboyaT’Zshal.Nousnousagenouillâmes.«Maisserez-vousautorisésàrester?»demanda-t-il.Plusieurshommesseregardèrentavecappréhension.«Peut-êtrequeoui.Peut-êtrequenon,»soulignaT’Zshal.«Cettedécision,voyez-vous,

m’appartient.»Ilroula le fouet.«Iln’estpas faciledegagnersavie,àKlima.ÀKlima, lesprixsontélevés.VousdevezgagnerledroitderesteràKlima.Vousdeveztravaillerdur.Vousdevezmesatisfaire…entouspoints.»Ilregardalesvisages,touslesvisages,unparun.

Ilnedemandapassinousavionscompris.Nouscomprenions.—«Cependantnouspouvons,»demandaHassan,«partirquandnousenavonsenvie?»T’Zshal le dévisagea.De toute évidence, il sedemandait s’il était fou. Je souris.T’Zshal

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étaittroublé.—«Oui,»répondit-il.—«Trèsbien,»ditHassan,notantcepoint.—«Ilyapeudecuir,àKlima,»soulignaT’Zshal.«Ilyapeud’outres.Cellesquiexistent

fontuntalu.Ellessontgardées.»L’eau,àKlima,estgénéralementtransportéedansdepetitsseaux,accrochésàdesjougs

enbois, avecdepetits robinetspour les esclaves.Un talu correspondapproximativement àhuit litres.Uneoutred’un talu est unepetite outre.C’est ce typed’outreque lesnomadesutilisentlorsqu’ilsgardentlesverrsàproximitéducamp.Lescaravanesontrarementcetyped’outre,saufpourlesaccrocheràlaselledeséclaireurs.

«As-tu l’intention,»s’enquitT’Zshal,s’adressantàHassan,«devolerquelquesoutres,delesrempliraprèsavoirneutralisélesgardes,puisdequitterKlimaàpied?»

Même,naturellement,s’ilétaitpossibledeseprocurerplusieursoutresetdelesremplird’eau, il ne semblait pasprobable que l’onpuisse transporter assezd’eaupour traverser ledésert.

Hassanhaussalesépaules.—«C’estuneidée,»reconnutHassan.—«Tudoispenserquetuesfort,»relevaT’Zshal.—«J’aifaitlamarchejusqu’àKlima,»réponditHassan.—«Nousavonstousfaitlamarchejusqu’àKlima,»précisaT’Zshal.Cettedéclarationnousstupéfia.« Tous ceux qui habitent Klima, » expliqua T’Zhal, « ont fait cette marche. » Il nous

regarda. « Tous ceux qui sont ici, » reprit-il, « mes Jolis, sont des Esclaves du Sel, desEsclavesduDésert.Nousextrayonsleselpourleshommeslibres;noussommesnourris.»

—«MêmeleMaîtreduSel?»s’enquitHassan.—«Luiaussi,ilyabienlongtemps,estarrivénuàKlima,»affirmaT’Zshal.«Nousnous

organisons en fonction de la compétence et de l’acier.Nous, esclaves, avons constitué unenation que nous administrons à notre convenance. Le sel étant produit, les étrangersn’interviennentpasdansnosaffaires.Noussommesautonomes.»

—«Etnous?»ditHassan.—«Vous,»ditT’Zshalavecunsourire ironique,«vousêtes lesvéritablesesclaves,car

vousêteslesesclavesdesesclaves.»Ilrit.—«Es-tuarrivéencapuchonnéàKlima?»demandaHassan.—«Oui,commenoustous,mêmeleMaîtreduSelenpersonne,»réponditT’Zshal.C’étaitune informationdécevante.Hassanavaitcertainementdans l’idéedecontraindre

ungarde,ouunMaîtredeDortoir,peut-êtreT’Zshallui-même,àleguiderdansledésert,s’ilparvenaità seprocurerde l’eau.Et il apparaissaitàprésent, et iln’yavaitpasde raisondemettre en doute la parole du Maître du Dortoir, qu’aucun habitant de Klima n’en étaitcapable.

Nous savions, en gros, que le Rocher Rouge, la kasbah de l’Ubar du Sel et le reste setrouvaient au nord-ouest deKlimamais, faute de connaître précisément la direction, cetteinformationétait inutile.Mêmependantunemarched’une journée,onpeutpasser sans lesavoirprèsd’uneoasis,lamanquantdequelquespasangs.

Laconnaissancedespistesestcapitale.Personne,àKlima,neconnaissaitlespistes.Leshommeslibres,lesmaîtres,yveillaient.Enoutre,pourprotéger lesecretdesrégionsproductricesdesel, lespistesn’étaientpas

indiquées. C’était une précaution destinée à protéger le monopole du Tahari en ce qui

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concernaitlesel,commesiledésertlui-mêmenesuffisaitpas.T’Zshalsourit,paraissantuninstanthumain,oubliantsonrôledeMaîtredeDortoir.«Personne,mesJolis,»dit-il,«ne saitquitterKlima. Iln’ya,par conséquent,dans le

désert,aucunmoyendequitterKlima.»—«Ilyaunmoyen,»relevaHassan.«Ilsuffitdeletrouver.»—«Bonnechance!»lançaT’Zshal.Avecsonfouet,ilmontralaporteouvertedudortoir.

«Pars,»fit-il.—«Jedécidederesterunpeu,»ditHassan.— « Mon Dortoir est honoré, » souligna T’Zshal, inclinant la tête. Hassan inclina

égalementlatête,politesseduTaharilorsqu’onaccepteuncompliment.T’Zshalsourit.«Sachez cependant ceci, » reprit-il. « Si vousnousquittez, celanousdéplaît parceque

notre hospitalité a été rejetée. Rares sont ceux qui reviennent à Klima. Parmi ceux quireviennent, rares sont ceuxqui survivent aux fosses pénitentiaires, et ceux qui y surviventtravaillent ensuite dans les mines à ciel ouvert. » Il leva son fouet, regardant sa courbeélégante.C’étaitunserpentavecdenombreuxcrocs,petitsmorceauxdemétaltressésdanslecuir. « Klima, » dit T’Zshal lentement, « vous apparaîtra peut-être comme un endroitsauvage, terrible. C’est peut-être le cas. Je ne sais pas. J’ai oublié tous les autres endroits.Pourtant,àmonavis,iln’estpasdifférentdumondetelqu’ilestdel’autrecôtédel’horizon.ÀKlimavousconstaterezque,commeailleurs, il yaceuxqui tiennent le fouetet ceuxquicreusent etmeurent. » Il nous regarda. « Ici, » ajouta-t-il, «dans cedortoir, c’estmoi quitienslefouet.»

—«Comment,»demandai-je,«devient-onMaîtreduDortoir?»—«Tue-moi,»réponditT’Zshal.

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16

NOUSACCEPTONSD’ACCOMPAGNERT’ZSHAL

JEtenaisdanslamaindroitelacordeenrouléequiétaitattachéeàl’anseducônemétalliqueperforéquisebalançaitsurmagauche.

Ilfaisaitfrais,danslamine,surlegrandradeau.Auxquatrecoinsduradeau,surunpieu,ilyavaitunepetitelampeàhuile.Ilfaisaitnoir,danslafosse,àl’exceptiondelalumièredenos lampes et de celles des autres radeaux. Je voyais deux autres radeaux, éclairésdans lenoir,lepremieràdeuxcentsmètres,l’autreàplusd’unpasang.Parendroits,nouspouvionsvoirleplafonddelamine,quelquesdizainesdecentimètresau-dessusdenostêtes;ailleurs,ilseperdaitdansl’obscurité,setrouvantpeut-êtreplusieursdizainesdemètresau-dessusdenous.J’estimaisquenousétionsàplusdecentmètressouslasurfacedusol.Leradeau,surleseauxnoires,denses,bougeaitsousnospieds.

Je lançai le cône, dans le noir, laissant la corde se dérouler, entraînée par le cône quidisparaissait,coulait.

Je partageai le radeau avec huit hommes, trois autres ramasseurs équipés de cônes,quatrerameursetun timonier.Lesramasseurset lesrameurschangeaientpériodiquementde position. Le radeau est dirigé par un gouvernail situé à l’arrière et manœuvré par letimonier. Il estpropulsépar les rameurs.Les gaffes sont lestées à l’extrémité inférieure etfontenvironsixmètresdelong.Unegaffe,lâchéedansl’eau,restedroite,unmètreenvironsortant de l’eau. Le lest permet demaintenir plus aisément la gaffe, qui est longue, dansl’eau. Son maniement est ainsi moins fatigant. Le fond des mines, en général, se trouvequatre mètres cinquante sous la surface de l’eau. Il y a des endroits, cependant, où laprofondeurdépasselalongueurdesgaffes.Danscesendroits,onutiliselespagaies.Chaqueradeaudisposede quatre pagaies rangées près des récipients enbois contenant la solutionsaline. Ilestdifficileet laborieux, toutefois,demouvoirainsi les lourdsradeaux.Leradeaufaitapproximativementquatremètresdelargeetentreseptmètrescinquanteethuitmètresde long. Chaque radeau comporte une estrade basse sur laquelle sont posés les récipients,grandescuvettesenboisd’environunmètredehautetunmètrevingtdediamètre.Chaqueradeauenaquatredisposéssoitsurlescôtéssoitaucentre.Lesnôtressetrouvaientsurlescôtés. Cette disposition facilite le déchargement ; la disposition en carré central permetd’augmenter l’espace disponible sur le pont à l’avant et à l’arrière. Du point de vue duramassage,lesdispositionssontéquivalentesàceciprèsquelesramasseurs,naturellement,poursefaciliterletravail,seplacentdifféremment.Lorsqu’onestdroitier,ontravailleaveclerécipientde gauche,de sorteque l’onpuisse se tourner et, avec lamaindroite, basculer lecône,letenantaveclamaingauche.

Jelaissailecônedescendrejusqu’aufond.Lesrécipientssont,surlesquaisdusel,soulevésaumoyendepouliesetdecontrepoids.

L’équipage du radeau exécute ce travail. Lorsque les récipients sont suspendus, ils sontbasculésetlasolutionsaline,avecdespelles,estverséedansungrandsacàlargeouverture

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et comportant un anneau. Ceux-ci, posés sur des wagonnets roulant sur des rails en boisrecouvert de métal, sont transportés jusqu’aux cordes équipées de crochets. Les cordesmontentjusqu’àlasurfaceetreviennent.Leshommesquimanœuvrentletreuil,àlasurface,montent le sac,qui redescendensuitevide.L’anneau lesténepeutpassedésengagerparceque,àsontour,chaquecrochet,avantquelesacsoitvidé,engageundesnombreuxpivotsdelamachinerie, laquellenepeutplustourneralorsquedansunseulsens.Ilyavingtpivots,montéssurungrandcercle;lorsqu’uncrochetsort,libéréparlapesanteur,unautrecrochetest déjà engagé,maintenu en place par le poids des sacs quimontent. Les sacs vides sontaccrochésauxcrochetstombés,puisredescendusdanslamine.

Le timonier, lorsqu’il ne s’occupait pas de la barre, avait une lance. Nous n’étions passeulsdanslamine.

Jetirailecône,danslasolutionsaline,versleradeau.J’avaisapprisavecstupéfactionquelesmines,quiétaientenréalitéunréseaudepetites

merssouterraines,n’étaientpasdépourvuesdevie.Jepensaisqu’ils’agissaitd’eaustérile,àcausedel’absencedelumièreempêchantlaphotosynthèseetlecommencementdelachaînede lanourriture,ainsiquede lahaute teneurenseldu fluide.Unhomme,parexemple,nepeutcoulerdanscetteeau.C’estunedesraisonspourlesquelles,danscetenvironnement,ilestnécessairede lester lesgaffes.Celapermetdecontrebalancer laportancedufluidesalé.Mesdéductionsinitiales,toutefois,concernantlastérilitédecespetitesmers,étaientfausses.

«Regardez!»criaunramasseur.Jeviségalement.Lesautreshommesvinrentdemoncôtéduradeauetnousvîmesl’eau

bouger.Letimonierdirigealapointedesalanceversl’eau,attentifégalement.Je tirai lentement le cônedemétalperforé.L’eau s’enéchappaenpetits jets irréguliers

qui tombèrent dans l’eau et sur les planches du radeau. Puis je levai le cône et versai lasolution saline dans le récipient, grande cuvette en bois qui se trouvait à ma gauche. Jen’enroulaipasànouveaulacorde.Jeregardaiségalementl’eau.

La lumière de nos lampes clignotait à la surface, jaunâtre, en reflets changeants,éparpillés.

«Là!»criaunhomme.Lesleltssontsouventattirésparlesradeaux,principalementgrâceauxvibrationsdel’eau

perçues par leurs protubérances latérales anormalement développées et leur récepteur devibrationscrânien,enformedefougère,captantcellesdescônesetdesgaffes.Enoutre,bienqu’ilssoientaveugles,jecroisquelalumière,oulachaleurpeut-être,deslampes,lesattire.Lapetitetêtedépourvued’yeuxjaillithorsdel’eauetlesfilamentsenformedefougère,surlescôtésdelatête,s’ouvrentetseferment,s’orientantversl’uneoul’autrelampe.Leleltfaitentre vingt et trente centimètres de long. Il est blanc, avec de grandes nageoires. Il nagelentement et régulièrement, ses nageoires ne déplaçant que très peu d’eau ce qui,apparemment,contribueàsadiscrétion,dansl’eau,etfaciliteladétectiondesesproies,quisont constituéesdeplusieurs variétésdeminuscules créatures segmentées, principalementdesisopodes.Lecerveauduleltestintéressantdufaitqu’ilcontientuncentredeperceptiondes odeurs exceptionnellement développé et deux centres de réception des vibrations. Sonorgane de l’équilibre, ou « oreille » interne, est également exceptionnellement gros et estreliéàuncentrecérébralluiaussiexceptionnellementgrand.Soncentrevisuel,enrevanche,est atrophié et sous-développé, vestige, souvenir génétique vague d’un organe abandonnédepuislongtempsaucoursdel’évolutiondel’animal.Parmilesleltsilyavaitégalement,detempsentemps,detoutespetitessalamandres,blanchesetaveuglesellesaussi.Commeleslelts,ellesétaientlongues,comparativementàleurgrosseur,etcapablesdelonguespériodes

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d’hibernation ; en outre, elles possédaient un métabolisme lent, ce qui est utile dans unenvironnementoù lanourrituren’estpasabondante.Contrairementaux lelts,ellesontdespattes longuesetminces.Audébut, je lesprenaispourdesleltsnageantrapidementautourdesradeaux,jusqu’auxfilamentssurlescôtésdelatête,maiscesfilaments,danslecasdessalamandres,bizarrement,nesontpasdescapteursdevibrationsmaisunsystèmeextérieurde branchies. Ce système, répandu chez les animaux n’ayant pas terminé leur croissance,existe chez les salamandres adultes qui, dans cet environnement, possèdent des branchiespermanentes.Lesbranchiesdu lelt se trouventsur lapartie inférieuredesamâchoire,nonsurlescôtés,commec’estlecaschezpresquetouslespoissons.Lesbranchiesextérieuresdessalamandres, apparemment, leur permettent de chasser, dans les mêmes endroits que leslelts, lesmêmes proies, les vibrations de ces organes étant similaires, sans les effrayer, enagitant l’eauetalertant lesproiespossibles. Ils chassent souventdans lesmêmesendroits.Bienquecetypedesalamandrepossèdedesrécepteursdevibrationslatéraux,commelelelt,iln’apasderécepteurscrâniensetsesrécepteurslatérauxn’ontpaslasensibilitédeceuxdulelt.Ensuivantlelelt,sansledéranger,lasalamandretrouveparfoisplusaisémentsaproie.Enrevanche lasalamandre,aumoyendesespattesetdesespieds,peutdélogerdesproiesinaccessiblespourlelelt.Lalongueurdespattesmincesdelasalamandre,incidemment,luipermet de quadriller l’eau. Elle prend de petites proies tandis qu’elles nagent. Les longuespattes ne font guère vibrer l’eau. En outre, elles permettent à l’animal de se déplacerefficacement,couvrantdesdistancesimportantessansdépenserbeaucoupd’énergie.Dansunenvironnement ténébreux, où la nourriture est rare, la conservation de l’énergie est unélémentcapital.Leslonguespattesmincesdelasalamandreluipermettentégalementdesedressersurlefond,desortequ’illuiestpossiblederepérerlesvibrationsdesproiessurunedistance plus importante. La station debout, chez l’homme, représente des avantagessimilaires, visuellement, en augmentant le champ visuelmais aussi, naturellement, en luipermettantderepérerlesdangersalorsqu’ilssontencoreéloignéset,peut-être,évitables.

Mais ce n’étaient ni les lelts ni les salamandres qui expliquaient pourquoi nous nousintéressionsauxmouvementsdel’eau.

«Là!»crial’homme.«Ilrevient!»Maisildisparut.Jenel’avaispasvu.Dans les mines, il n’y a pas de lumière, sauf celle que les hommes produisent. Sans

lumière,ilnepeutyavoirdephotosynthèse.Sansphotosynthèse,iln’yapasderéductiondel’oxydedecarbone,deformationdesucre,dedébutdelachaînedelanourriture.Endernierressort, dans ces conditions, la nourriture parvient dans les mines, généralement sous laformededébrisorganiques,venantdecentainesdesources,parfoiséloignéesdecentainesdepasangs;cesdébrissontapportésparlesalimentationsd’eaudouce,àtraversdeminusculesfailles et fissures, et même à travers les roches poreuses, jusqu’aux vestiges des mersantiquesquisetrouventàprésentsouslesol.Surcesdébrisetdanscesdébris,ilyadiversesvariétésdebactéries.Cesbactériessontdévoréesparlesprotozoairesetlesrotifères.Ceux-ci,à leur tour, nourrissent de nombreuses créatures segmentées minuscules, telles que lesisopodes,lesquelssontàleurtourmangéspardepetiteslangoustesaveugles,lesleltsetlessalamandres.

Ces derniers, cependant, ne se trouvent pas au sommet de l’échelle de la nourriture.Parfois, on prend des lelts ou des salamandres dans les cônes. Ce n’était pas eux quisuscitaientl’intérêtdeshommes.

«Est-ceLeVieux?»demandaunhomme.—«Jenesaispas,»réponditunautre.Letimoniertenaitsalancelevée.«Là!»criaunhomme,lebrastendu.

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Jelevisalors,approchantlentement,puisfaisantdemi-tour.Lesleltsetlessalamandresdisparurent,s’enfonçantdansl’eau.Lacréatures’évanouit.L’eauredevintcalme.

«Ilestparti,»ditunhomme.—«Était-ceLeVieux?»demandaunautre.—«Jenesaispas,»réponditletimonier,quitenaittoujourssalance.Ilyavaitplusde

dixansquel’onn’avaitpasvuLeVieuxdanslesmines.—«Ilestparti,àprésent,»ditunautrehomme.—«Regardez!»criai-je.Cettefoisilétaitprès,faisantsurfaceàmoinsdetroismètresdu

radeau. Nous vîmes la grosse tête lisse, sans yeux, blanche. Puis il plongea dans unmouvementdesalonguecolonnevertébraleetdesaqueue.

Letimonierétaitblême.—«C’estLeVieux,»dit-il.Surledosblanchâtre,prèsdelanageoiredorsale,ilyavaitune

longue cicatrice. La nageoire dorsale elle-même était partiellement déchirée et couverte decicatrices.C’étaientlesmarquesd’unelance.

—«Ilestrevenu,»ditunhomme.Leseauxétaientimmobiles.Au sommet de la chaîne de la nourriture desmines, il y avait un descendant, adapté à

l’obscurité,delaterreurdesmersantiques,lelongrequinduselàneufnageoires.Leseauxétaientcalmes.—«Ramassonslesel,»ditunhomme.—«Attendez!»prévintletimonier.«Regardezbiend’abord.»Pendantplusd’unquartd’ahn,nousnefîmesrien.—«Ilestparti,»ditunhomme.—«Nousdevonsfairenosquotas,»ditunautreramasseur.—«Ramassezlesel,»décidaletimonier.Ànouveau,aveclacordeetlecône,nousramassâmeslesel.«Lesleltsnesontpasrevenus,»meditletimonier.—«Qu’est-cequecelasignifie?»demandai-je.—«QueLeVieuxesttoujourslà,»répondit-il,regardantleseauxnoires.Puisilajouta:

«Ramasselesel.»Jelançaiànouveaulacordeetlecône.Ilsefaisaittard.Leslampesàhuile,surlespieux,auxcoinsduradeau,baissèrent.Je me demandai comment il était possible de s’échapper de Klima. Même s’il était

possibledeseprocurerde l’eau, ilnemesemblaitpaspossible,àpied,detransporterassezd’eaupourquitterlesrégionsproductricesdesel.Etmêmes’ilétaitpossibledetraverserdescentainesdepasangsdedésertàpied,ilmesemblaitimprobable,danscescontréesdésolées,que je puisse gagner le Rocher Rouge ou une autre oasis. Les habitants de Klima, par lavolonté des hommes libres, leurs frères, ignoraient tout des pistes susceptibles de lesconduire à la liberté. Je me souvins également du pauvre esclave que notre Chaîne avaitrencontré,pendantlamarcheversKlima.Ilavaitservidecible,puisonl’avaittué.Personne,disait-on,nerevenaitdeKlima.

Jepensai auxPrêtres-Rois et auxAutres, lesKurii, ainsiqu’à leur guerre.Tout celamesemblaittrèsloin.

Celaarrivatrèssoudainement,jaillissantdel’eau,àmoinsd’unmètrecinquantedemoi.Jevisl’homme,hurlant,entrelesmâchoires.Latêtefaisaitplusd’unmètredelarge,blanche,avecdestrousàlaplacedesyeux.Leradeaubascula,heurtéparsondoslorsqu’iltournasurlui-mêmeets’éloignadanslenoir.

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«Les gaffes ! »hurla le timonier. «Les gaffes ! »Les esclavesprirent les gaffes et lesenfoncèrentdansl’eau.

Unelampes’éteignit.J’entendaisdeshurlements,àprésent,auloin.Comptetenudelateneurenseldel’eau,le

requin du sel, lorsqu’il ne chasse pas, nage souvent àmoitié hors de l’eau. Ses branchies,comme celles du lelt, sont situées sous la mâchoire. C’est une adaptation au sel quiéconomise l’énergie qui serait, autrement, continuellement utilisée pour conserver uneattitudefavorableàl’oxygénation.

«Jenetouchepluslefond!»criaunhomme,désespéré.Leradeauavaitdérivé.« Les pagaies ! » cria le timonier, appuyé sur le gouvernail. Les esclaves prirent les

grandespagaiesposéesprèsdesrécipients.Uneautrelampes’éteignit.Seulesdeuxlampesbrûlaientencore.«Vousautres,»cria le timonier,«prenez lesgaffes !»Nousobéîmes.Nousespérions

que leshommes,avec lespagaies,pourraientamener leradeaudansunendroitoù ilseraitpossibled’utiliserlesgaffes.

«Ilestparti,àprésent,»ditunpagayeur.«C’estLeVieux,»précisa letimonier.«C’est lecrépuscule.»Jecomprisalors,grâceà

cesparoles, ceque signifiait la raretéde lanourrituredans lesmines.Quand la chasse estbonne,onchasse.Onpeuts’occuperplustarddesproiesmortes,enchassantlesleltsquis’yattaquent. En outre, je m’interrogeais sur le requin du sel, aveugle, vivant dans le noircomplet.Pourtantilchassaitàl’aubeetaucrépuscule,apparemmentguidépardesrythmesbiologiquesantiques.Lalonguecréaturefantomatique,chassantdansleseauxnoires,suivaitencore les rythmesde sonhorloge ténébreuse, réglée pour son espèce unquart demilliond’annéesauparavant,dansunmondedisparu,lointain,ensoleillé.

«Vite!»crialetimonier.«Vite!»La troisième lampe s’éteignit. Il ne restait plusqu’une seule lampe, à bâbord, à l’avant.

Puiselles’éteignitégalement.Nousétionsdanslenoir.Autourdenous,ouendessousdenous,nageaitLeVieux.Nousétionsdans lenoirabsolu.Iln’yavaitpasdeclairde lunes,pasmêmedesétoiles.

Puis,danslenoir,undéluged’eausalées’abattitsurnousetnousentendîmeslegrandcorps,quifaisaitplusdesixmètresdelong,s’abattredansl’eau.

Puis,pendantquelquesinstants,toutfutcalmeànouveau.Nousentendîmesuncoupsourdcontreleradeau,perçûmeslesvibrationsdubois.Nous

comprîmes que Le Vieux se trouvait sous le radeau. Le radeau se souleva, mais retomba.Nousnousaccrochions,dans lenoir, aux récipientspleinsde solutionsaline.Pardeux foisencore,leradeausesoulevaetretomba.

Plusd’unquartd’ahns’écoula.NouscrûmesqueLeVieuxn’étaitpluslà.Puisleradeau,àbâbord, parut s’enfoncer dans l’eau.Un homme hurla, terrifié, frappant avec sa pagaie. Lagrossetêteplongeasousl’eau.LeVieuxavaitposélatêtesurleradeau,tentantdepercevoirdanslenoir.

Nousdérivâmespendantplusd’uneahn,ensilence,danslenoir.Puis,soudain,jaillissanthorsdel’eau, lecorpspuissants’abattitentraversduradeau,battantvigoureusementdesaqueuepuissante.J’entendislecraquementdubois,lesrécipientsdesolutionsaline,frappésetdisloqués,tombantlourdementdeleurestrade.J’entendisdeshommeshurler,sentisquequelques-uns étaientprojetés àplusieursmètresdu radeau,puis les entendis tomberdansl’eau.

Je me jetai à plat ventre dans les décombres de l’estrade cassée, m’accrochant aux

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morceauxdebois.Ilyeutdeshurlementsdanslenoir.Plusd’unhommefutcapturé.«Jenevoisrien!»criaquelqu’un.Quatrefoisencore,legrandcorpss’abattitsurleradeau.Àunmomentdonné,ilroulasurmondos,maismoncorpsfutprotégéparlesdécombres

de l’estrade. Sa peau n’était pas rugueuse, abrasive, comme celle des autres requins,maislisse, couverte d’un limon bactérien. Il roula sur moi sans m’arracher à mon abri. Il metoucha,maisjenevisrien.

«Oùêtes-vous?»criaquelqu’un,dansl’eau.—«Ici!»répondis-je.«Leradeauestici!»Jem’agenouillaisurleradeau.Jenesavais

passij’étaisseulounon.«Ici!»criai-je.«Ici!Ici!»«Ausecours!»entendis-je.«Ausecours!»Deuxhommessehissèrentpéniblementsur

leradeau.L’und’entreeuxsemitàhurler.L’autresehissasurleradeaupuis,stupidement,semitàalleretvenir.

«Baissez-vous!»criai-je.«Sauve-qui-peut!»cria-t-il.Ilsautadansl’eau.«Reviens!»criai-je.Jesupposequ’ilvoulaitregagnerlequai,quisetrouvaitàplusd’unpasang,àlanage.Il

nerevintpas,mêmequandjeluiindiquaiqu’ilsetrompaitdedirection.«Pauvreimbécile,»ditunevoix.«Hassan!»m’écriai-je.—«C’estmoi,»dit-il,prèsdemoi.«Ausecours!»entendis-je.Jecherchaiunegaffeàtâtons,entrouvaiuneetlatendisen

directiondelavoix.Jetirail’hommesurleradeau.Jetentaidesauverunautrehommedelamêmemanière,maisilfutemporté,hurlant,parLeVieux.

Jevisdeslumières,cellesd’unautreradeauquiapprochait.Àlaproue,lalancelevée,setenaitT’Zshal.

Lesdeuxradeauxseheurtèrentdoucement.Nousmontâmessurl’autreradeau.«Ilyaunautrehommedansl’eau,»dis-jeàT’Zshal.«Ilestpartiparlà.»— « L’imbécile, » dit T’Zshal. « L’imbécile. » Il nous regarda. « Le Vieux, » dit-il, ne

posantpaslaquestion.Letimonierhochalatête.Ilavaitsurvécu.«Rentrons,»ditundeshommesdeT’Zshal,serrantsagaffe.T’Zshal nous regarda. Nous avions survécu, Hassan et moi, ainsi que le timonier et

l’homme que j’avais sauvé. J’ignorais si l’homme qui avait sauté dans l’eau avait ou nonsurvécu.Àmonavis,ilyavaitpeudechances.

«Regagnonsrapidementlequai,»ditundeshommesdeT’Zshal.T’Zshalregardaleseauxnoires.«LeVieuxestrevenu,»émit-il,«etiln’apasoubliésesruses.»—«Retournonsrapidementauquai,»insistaunhomme.—«Un demes hommes, » rappela T’Zshal, « est encore dans l’eau. » Il indiqua à ses

compagnonsladirectionqu’ilfallaitprendre.IlsgémirentmaisnedésobéirentpasauMaîtredeDortoir.T’Zshal en personne se tenait à la proue, la lance dans une main, une lanterne dans

l’autre.Uneahnplustard,nousretrouvâmesl’homme.«Salut,»ditl’homme.

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—«Salut,»réponditT’Zshal,letiranthorsdel’eau.—«J’ainagé,»ditl’homme.—«Oui,»réponditT’Zshal.T’Zshalposal’hommesurlesplanchesduradeau.L’hommenesemblaitpassesouvenir

duVieuxetdelaraisonpourlaquelleilétaitdansl’eau.Ils’endormit.«Regagnonslequai,»ditT’Zshal.Lelourdradeaufitdemi-touretpritladirectionduquai.Nousnousregardâmes,Hassan

etmoi.NousavionsdécidédenepastuerT’Zshal.«Demain,»ditT’Zshal,«aucrépuscule,jereviendraidanscettezone.»—«Jet’accompagnerai,»dis-je.—«Etmoiaussi,»ditHassan.

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17

CEQUISEPASSADANSLAMINE

JEcrois que personne, sur le radeau, ce soir-là, n’avait pas perdu aumoins un camarade,récemmentouautrefois,àcauseduVieux.

«NouschassonsLeVieux,»avaitditT’Zshal.Ilavaitvisitéplusieursmines,souterrainesouàcielouvert,lesentrepôts,lesraffineries.«NouschassonsLeVieux,»avait-ildit.Etilsl’avaientsuivi.Mêmedansl’ombredudonjondeKlimalui-même,bâtimentcarré,trapu,auxallures de forteresse qui abrite l’armurerie, le domicile et les bureaux duMaître du Sel, ilavaitrecruténotreéquipage.Ausommetdudonjonjevis,tendudansleventbrûlant,souslesoleilimpitoyable,défiantlesminesetledésertlui-même,ledrapeaudeKlima,lefouetetlecimeterre. Personne n’avait été contraint ; personne, sur le radeau, n’avait répondu à lapersuasiondufouetrouléoudel’acierdénudé.Ilyavaitbeaucoupd’hommesâgés,calmesetmûrs,noircisparlesoleil.Tousétaientesclavesmaisilsnevinrentpasentantqu’esclaves;ils vinrentde leurproprechef, librement.«NouschassonsLeVieux,»avaitditT’Zshal. Ill’avait dit dans les mines, dans les entrepôts, dans les raffineries. « Nous chassons LeVieux,»avait-ildit.Etleshommeslesuivirent.

Jecroisquepersonne,surleradeau,cesoir-là,n’avaitpasperduaumoinsuncamarade,

récemmentouautrefois,àcauseduVieux.«Réveillez-moi,»avaitditT’Zshal,«quandlesleltsserontpartis.»Au fondde lamine, loindesquaisdu sel,nousarrêtâmes le radeauet l’immobilisâmes

avecdesgaffes,lemaintenantautantquepossibleenplace.Letimonierdelaveille,pendantl’attaqueduVieux,tenaitlabarrequigouvernaitlesmouvementsdelaplate-formeouverte,peumaniable,quiconstituaitnotreembarcation.Prèsdelui,seulsHassan,d’uncôté,etmoi,appartenant à l’équipage de la veille, accompagnaient T’Zshal. Aux coins du radeau, deslampes, fixées sur des pieux, brûlaient. Néanmoins, nous avions des torches, en cas denécessité.

« Réveillez-moi quand les lelts seront partis, » avait dit T’Zshal. « À présent, je vaisdormir.»

Il s’était allongé, derrière l’estrade sur laquelle on dispose les récipients contenant lasolutionsaline,àl’avant,ets’étaitendormi.Prèsdelui,étaitposéeunelonguelancedeprèsdetroismètresdelong.

«Vas-tuempoisonnerlalame?»avaitdemandéunhomme,surlequaidusel.CeuxquiaccompagnaientT’Zshaln’avaientpasposélaquestion.

—«Non,»avaitréponduT’Zshal.Jemedemandais’ilavaitautrefoisappartenuàlaCastedesGuerriers.Je regardai T’Zshal dormir, sa tête barbue sur un bras. Je me demandai pourquoi

personneneletuaitafindedevenirMaîtreduDortoiràsaplace.Commentsefaisait-ilque,détenant une souveraineté précaire sur notre dortoir, il ose dormir parmi des esclaves qui

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pourraientgagnersonkaffiyehetsonagal,bienqu’ilssoientensimplereps,en l’égorgeantavecsadagueglisséesoussaceinture?LeMaîtreduDortoir,bienqu’esclave,estunUbar,avecdroitdevieetdemort,danssondomainesordide.Commentsefait-il,medemandai-je,quecethommepeutsurvivreàlanuit,quecethommeosetournerledosauxsleensféroces,jaloux parmi lesquels, avec son fouet, il marche en riant ? Sa volonté, sa parole, dans ledortoir,ontforcedeloi.Ilpeut,s’il leveut,attacherausoleil,fouetteroutuerl’hommequineramassepassonquotadesel,ou frapper,administrantunchâtiment féroce, redoutable,lorsque l’envie l’en prend, et pourtant, s’il était tué, son assassin ne serait pas puni,maisaccéderaitàsonautoritéet,àsaplace,deviendraitMaîtreduDortoir.Commentsefait-il,medemandai-je, que les hommes survivent à Klima et qu’ils ne s’entre-tuent pascontinuellement?

Je regardai les têtesdes lelts et,parmielles, les têtespâlesdes salamandres, sortantdel’eau,attirésparlesmouvementsoulaconsciencedelalumièreoudelachaleurdeslampes.

Ilsétaientprèsduradeaudepuisplusd’uneahn,àprésent,étantarrivésenvironunquartd’ahnaprèsquenousayonsimmobilisénotreembarcationmalcommode.

Ilestdifficilededécrirel’obscuritédesmines.T’Zshaldormait.Près de lui, était posée une lance ; sous sa ceinture rouge, était glissée la dague de sa

charge.«Lesleltsrestent,»ditunhomme,prèsdemoi,quitenaitégalementunegaffe.Jeregardailesleltset,parmieux,çàetlà,lessalamandres.Leurstêteslisses,blanchâtres,

sortaientde l’eau,curieuses,orientéesvers lesdiverses lampesduradeau.Jem’agenouillaisur le radeauet, rapidement, sortisun leltde l’eau.Je le serraidans lamain. Il sedébattitbrièvement, puis s’immobilisa. Le lelt est un petit poisson au corps très longproportionnellementàsagrosseur,etauxgrandesnageoires.Engénéral, ilnagelentement,régulièrement,économisantl’énergiedanslemondenoiretsalinoùsedéroulesonexistence.Ilyapeuàmanger,danscemonde;c’estundésertliquide,désolé,noir,aveugleetfrais.Ilnagelentement,économisant l’énergie,sansalertersaproie,généralementdesversplatsetdes isopodes.Jeretournai le lelt,regardant lespetitesdépressionscouvertessituéessur lescôtés de sa tête. Je me demandai s’il était capable de percevoir vaguement la lumière.Existait-iluneaptitude,uneprédispositiongénétiqueà laperceptionde la lumière, commeunemémoire génétiquepresqueoubliée, enfouiedans le petit cerveau linéaire tout simplesitué au sommet de lamoelle épinière ? Ce n’est pas possible, me dis-je. Lesminusculesbranchies,bizarrementsituéessous lamâchoire,s’ouvraientetse fermaient.Elles faisaientunbruitàpeineperceptible.Jebaissailamainetleremisdansl’eau.Ildisparut.Puisjelevisànouveau,àquelquesdizainesdecentimètresduradeau.Satêtesortaitànouveaudel’eau,orientéeverslamêmelampe.

«Pourquoinel’as-tupasmangé?»demandamonvoisin.Jehaussai lesépaules.CertainsEsclavesduSelmangeaientleslelts,crus, lessortantde

l’eauoulesprenantdansleurscônes.Lapremièrebouchéeestpriseàlabaseducou.Jeregardailepoisson.Peut-être ont-ils une conscience vague de la lumière. Peut-être est-ce simplement la

chaleurquilesattire.Jesupposeque,danslesminesdesel,unedenospetiteslampesdoitapparaître,àceuxquineconnaissentquelenoirpendanttouteleurvie,commelagloired’unmillierdesoleils.Nousnesavonspasgrand-chosedeslelts.Maisnoussavonsqu’ilssortentdunoiretlèventlestrousaveuglesdeleursyeuxverslessourcesdelumière.

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«Tuauraispumeledonner,»mereprochamonvoisin.—«Jen’yaipaspensé,»répondis-je.Jemedisque,demême,nousnesavonspasgrand-chosedeshommes.Maisnoussavons

qu’ils cherchent la vérité. Je ne sais pas s’ils peuvent la voir. Peut-être sommes-nousincapables de voir la vérité. Peut-être la nature nous a-t-elle refusé ce don. Peut-êtrepouvons-nous seulement sentir sa présence. Peut-être pouvons-nous seulement sentir sachaleur.Peut-êtresuffit-ild’êtreexposédetempsentempsàsaprésence.

«Lesleltssontpartis,»annonçal’homme.Leseauxétaientnoires,apparemmentvides.Lesleltsetlessalamandresétaientpartis.«Réveille-toi,T’Zshal,»ditl’homme.Lescheveuxsedressèrentsurmanuque.Soudain, à ce moment-là, je compris l’institution du Maître du Dortoir et des lois

ténébreuses gouvernant son domaine, comment elles réglaient et ordonnaient lecomportementdeshabitantsdeKlima.

«Lesleltssontpartis,»soufflal’homme.JeregardaiT’Zshal,sagrossetêtebarbuesurlebras,lalanceposéeprèsdelui.Jem’étaisdemandépourquoileshommesnetuaientpasT’ZshaletlesautresMaîtresde

Dortoir,pourquoi l’organisation sociale était aussi stable. Je savais, àprésent.C’étaitparceque l’assassin, à son tour, deviendrait Maître du Dortoir. Il lui faudrait assumer cetteresponsabilité redoutable. Le fardeau effroyable de l’autonomie, de la liberté, luiappartiendrait.Ilfautparleravecprudencequandlesparolesquel’onprononcesontlaloi.Iln’est pas facile d’être unmaître à Klima. En outre, on serait alors le prochainmort. C’estpayercherlefouet.IlfautréfléchirsoigneusementavantdetuerunMaîtredeDortoircarlesraisons pour lesquelles on commet un tel acte, si elles suffisent à justifier son assassinat,suffisentégalementàjustifierl’assassinatdesonsuccesseur.Ilyadeuxcontrôlesimportantsde la charge de Maître de Dortoir, celui des hommes et celui du maître. Le contrôle deshommes consiste en ceci que l’assassin doit prendre la place de sa victime, avec sesvulnérabilités et ses hasards. Le contrôle du Maître de Dortoir est la fureur contenue,menaçante, de ses hommes. S’il ne gouverne pas intelligemment et correctement, s’iln’appliquepasunejusticerude,ilprovoquedesdissensionsetduressentimentqui,parmileshommesprisaupiègedeKlima,produironttôtoutarduneinsurrection.Ilnepeutpasêtredoux avec eux, naturellement, car il est lui-même sujet aux sanctions de ses supérieurs,surtoutencequi concerne lesquotasde sel imposésà sondortoir.Néanmoins, il fautquel’und’entre eux règne ; il faut que l’und’entre eux accepte le fardeau.Ce sont l’acier et lavolontéquiempêchent la catastropheet lemassacre. Il fautquequelqu’un tienne le fouet.Quiseraassezcourageuxetfortpourlelever,parmilesbêtessauvagesdeKlima?Quiseraassez audacieux, assez généreux pour accepter la charge redoutable deMaître deDortoir àKlima?

«Réveille-toi,T’Zshal,»soufflal’homme.J’allaiprèsdelasilhouetteallongéeduMaîtredeDortoir.Jeposailamainsursonépaule.«Réveille-toi,T’Zshal,»dis-je.«Lesleltssontpartis.»T’Zshalouvritlesyeux.Ils’assit.Aveclesdoigtsetunpeud’eau,prisedansuneoutre,il

sefrottalesyeux.Ilbut.Ils’étiraetseleva.Ilexaminaleseauxentourantleradeau,noiresetcalmes.Ilquittasachemiseetsesbottes.

Leseauxétaienttranquilles.Ilétaittorsenu.Ilportaitlekaffiyehetl’agal.Ilétaitpiedsnus.Ladagueétaitglisséesous

saceinture.Ilexaminalalonguepointedelalance,passantledoigtsurlefil.Lapointeétaitfixée à lahampeparquatre rivets.De sous sa ceinture, il sortit une longue lanièrede cuir

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qu’ilenroulaàlabasedelapointedelalance,àl’endroitoùelleétaitrivetéeàlahampe,surune quinzaine de centimètres, renforçant ainsi la hampe. Puis il prit de l’eau douce dansl’outre etmouilla la lanièrede cuir.Ensuite, il posa la lance surdeux grands récipients enboisdestinésàrecevoirlasolutionsaline.

Iln’yavaitpaslemoindremouvement,autourduradeau.Personneneparlait.T’Zshalfutlepremieràlevoir.Nousnelevîmesqu’aprèsqu’ileûtperçulemouvement

léger.Ils’étaitproduitàunedizainedemètresduradeau,àl’arrièreetàtribord.Puisildisparut.T’Zshalpritlalance,latenantlapointeenbas.Illaserraitàdeuxmains.«Nerestezpasaubordduradeau,»dit-il.Nousreculâmes.Je me sentais joyeux. Je cessai soudain de ruminer les réalités et les vérités qui ne

pouvaient être révélées aux hommes. Il suffit de savoir qu’elles existent. Il est inutile deresteràjamaislevisagecolléàunmurqu’ilestimpossibledepénétrer.Ilfautrire,crier,êtreunhomme.L’hommepeutpenser;ildoitagir.Aumilieudemystèresimpénétrablesquinesesoucientpasdelui,ledépassent,ilexiste,choisit,agit.Lasagessestipulequ’ilnefautpasplanterl’arbredelapenséelàoùilnepeutpasproduiredefruits.Onpeutmourirdefaimenessayant de manger une illusion de nourriture. Il y a des réalités, des vérités, auxquellesl’homme a accès. Ce sont celles de son espèce, de son être, de son domaine animal. Pourconnaîtrecesvérités,iln’apratiquementbesoinquedesoncerveau,desonsang,desesyeuxetdesesmains.Ilécoutetropcequineluiparlepas,cequinepeutpasluiparler.Dansleslimitesdesonêtre,danscedomaineétincelant,ildoitpouvoirclamerlasuprématiequiestlasienne; ilresteravide,saufs’ils’enempare.Ellesluiappartiennent; ilpeutlesprendreounon. C’est à lui de choisir. Tout le reste est ténèbres et obscurité. Il chantera parmi lesrochers et le silence. Il chantera pour lui-même ; la justification, c’est lui-même et lachanson.Àquoidoit-ilêtrefidèle,sinonàlui-même?Àquoid’autrepourrait-ilêtrefidèle?Ilestnéchasseur.Ilnefautpasqu’iloublielegoûtdelaviande.

Iljaillithorsdel’eauàmoinsd’unmètreduradeau,sautantplusdetroismètresenl’air,dominant les planches et T’Zshal, avec un cri de rage et de joie, alors que je hurlaiségalement, enfonçaprofondément la lancedans le corpsaumomentoù il tournait en l’air,mâchoiresarméesdedents commedes crochets,branchies triangulaireset courbes sous lamâchoire,dépressionssurlescôtésdelagrossetêtequifaisaitplusd’unmètredelarge,puisil retomba dans l’eau et ondula sous la surface, décrivant des cercles, sa grande nageoiredorsale,quiportaitdéjàd’anciennescicatrices,passantetrepassant.

«Salut,LeVieux!»criaT’Zshal.Ilavait la lanceensanglantéeà lamain,couverted’unfluideépais,noirdanslalumièredeslampes.

Le Vieux fit à nouveau face au radeau. Il bougeait à peine dans l’eau. Il semblait noussurveiller.

«Iln’estpascontent,»ditunhomme.«Tul’asmisencolère,»ditunautre.Mon cœur battait très fort. Je ne pensais pas, à ce moment-là, à nos camarades de la

veille,tuésparlemonstredansl’eau.Jepensaisplutôtàl’animal,l’adversaire,etàlachasse.Jecraignaisqu’ilnerenonceaucombat.

Maisj’avaistortdecraindrecela,carc’étaitauVieuxquenousavionsaffaire.«Ah,LeVieux,»fitdoucementT’Zshal,«nousnousretrouvons.»Jemedemandaipourquoiilavaitditcela.

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«Protégezleslampes,»ditT’Zshalàvoixbasse.«Couvrez-lesquandl’eauserahaute.»Si les lampesétaientperdues,et les torchesencoreéteintes, jenepensaispasquenous

rentrerionsauquaidusel.Jevisl’eaubougerprèsdelaqueueduVieux.Ilbougeaitsaqueued’avantenarrière.Puis

ilglissasouslasurface.«Tenez-vousauxrécipients!»lançaT’Zshal.Nous sentîmes que le corps puissant du Vieux se tordait sous les grosses poutres du

radeau. Puis le radeau se souleva, presque à quarante-cinq degrés, tandis que le monstres’arc-boutait dessous, poussant. Les hommes glissèrent, quelques-uns tombèrent, maispersonnenefutprojetédansl’eau.Parquatrefois,LeVieuxtentadefairebasculerleradeau.Avantdequitter lequai,nousavionsrempli lesrécipientsdesel. Ilneput fairebasculer leradeau.Leslampesnes’éteignirentpas.LeVieuxdécrivitànouveaudescerclespuissetapitdansl’eau,àdixouquinzemètres,paraissantnoussurveiller.

Puisildisparutànouveau.Ilrestainvisiblependantunquartd’ahn.Puis,soudain,àbâbord,devant, il jaillithorsde l’eauàtroismètresdenousets’abattit,

dansundéluged’eau,surleradeau.«Couvrezlestorches!»criaT’Zshal.«Protégezleslampes!»Lalampeducoinavant,à

bâbord, trempée, s’éteignit. Les hommes couvrirent les torches avec leur corps. Le Vieuxdisparutànouveau.

«Ilestpeut-êtreparti,àprésent,»ditunhomme.—«Peut-être,»ditT’Zshal.Leshommesrirent.—«Aiiii!»criaunhomme.LeVieuxsauta,setordant,prèsdelui,àl’avant,surbâbord.Il

recula d’un bond. Le Vieux pivota, son énorme queue en forme de faux claquant sur lespoutres. Elle coinça la jambe de l’homme contre un récipient, la cassant, la fléchissantbizarrementversl’intérieur,souslegenou.Maisnousdevinâmesquecen’étaitpasl’hommequeLeVieuxvoulait.Laqueue,commeunebranchette,avaitarrachélepieudelalampe,leprojetant, tournoyant, avec une traînée d’huile enflammée, en dehors du cercle éclairé parnoslampes,dansl’eaunoireetsalée.

«Mettezleslampesaucentreduradeau!»ordonnaT’Zshal.«Montezsurl’estradedesrécipients!»

Desplaquesd’huile,provenantdelalampearrachée,brûlèrentbrièvementsurl’eau.Puiselless’éteignirent.

Jeregardail’hommeàlajambecassée.Ils’accrochaitàunrécipient,duselsurlajoue,lesbrasetlapoitrine.Ilnedisaitrien.

«Tuasétémaladroit,»commentaT’Zshal.LeVieuxfitquatrefoisletourduradeau,s’arrêtantdetempsentemps,commepournous

surveiller.«Situnousveux,tudoisvenirnouschercher!»criaT’Zshal.«Viensmonpetit,viensà

T’Zshal.T’Zshalt’attend!»L’eausemitàbougerautourde laqueueduVieux.Les trousde sesyeuxse trouvaient

justeàlasurfacedel’eau.«Attention,»dis-jeàT’Zshal.«Ilarrive!»criaunhomme.Lecorps longeténormefiladans l’eau, laqueuebattant.Presqueaubordduradeau, le

corps jaillit hors de l’eau, se tournant sur le côté, la mâchoire ouverte, tendue, tombant,mordant lespoutres.T’Zshalprojeta la longue lance,presquedroite,vers lemonstreetellecoupa, entaillant le flanc sur plus d’unmètre. Les dents se refermèrent sur son pantalon

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bouffant, faisantpivoterT’Zshalsur lui-même,déchirant le tissu jusqu’à lahanche.T’Zshalfrappaunenouvellefoisavecsalance,l’enfonçantdanslaqueuedumonstreaumomentoùils’éloignait.

«Allumezunetorche.Tenez-labienhaut!»ordonnaT’Zshal.Sa lance était levée. Sur la jambe gauche de T’Zshal, à l’endroit où le tissu avait été

déchiré, jevis,blancheet large, irrégulière,unelonguecicatrice.Elle faisaitpresqueletourdelajambe,faisantentreunettroiscentimètresdelarge.

«Nousnousconnaissonsbien,LeVieux!»criaT’Zshal.«Reviens!»C’était la première fois que je voyais la cicatrice. Je compris alors que, à un moment

donné,T’ZshaletLeVieuxs’étaientrencontrés.T’ZshaletLeVieux,commeill’avaitdit,seconnaissaientbien.Jemedemandaicombien

d’hommesdeT’ZshalavaientététuésparLeVieux.Beaucoup,àmonavis.Danslalumièredeslampes,surleradeau,surleseauxnoires,parminous,lalancelevée,

ilattendait.Nousrestâmessilencieux.Personne ne s’en doutait. Cela arriva par surprise, par-derrière, sous l’eau, puis les

hommessemirentàhurler,leboisvolaenéclats,noustombâmeslesunssurlesautresetilnerestaplusqu’uneseulelampeallumée,minuscule,danslenoir.

«Allumezlestorches!»criai-je.Destorchesfurentalluméesàlalampe.NousvîmesLeVieux jaillirhorsde l’eau,soncorpsénorme,puissant,sedressantau-dessusdenous, l’eaudégoulinantsursapeau,lecorpsdeT’Zshalentresesmâchoires.

Jebondisdans l’eau. J’arrivaiprèsduVieuxavantd’avoir réellement compris ceque jefaisais.LesdentsduVieux,commecellesdeslongsrequinsdeGor,etcellesdenombreusesespèces voisines, ainsi que celles des espèces similaires de la Terre, sont dirigées versl’arrière ; lamorsure immobilise lesmatièresmorduesquinepeuvent êtredégagéesqu’endirection de la gorge. En bref, Le Vieux ne pouvait lâcher facilement sa proie. En outre leréflexe naturel, instinctif, de l’animal, serait de tenir, non de lâcher.Mêmepour LeVieux,dansceseauxnoires,désolées,lanourrituredevaitêtrerare.Dansuntelenvironnement,onpouvaitsupposerquecetinstinctseraitpratiquementinflexible.Jesaisislanageoirelatéraledroitedel’animal.Ilplongeaetsefrotta,setordant,contreleseldufonddelamine.Jenelâchaipasprise.Jetendislamainverslamâchoire.Elleétaitouverte,serréesurlecorpsdeT’Zshal. Je pus mettre la main dans la mâchoire. Puis l’animal sauta et, accroché à sanageoire, je jaillis hors de l’eau avec lui, le selme piquant les narines et les yeux, à demiaveuglé.J’aperçus les torches,sur leradeau, j’entendis lescrisdeshommes,puis lesquale,auquel j’étais toujoursaccroché,retombadans l’eau,battantde laqueue.Lorsqu’ilretombadansl’eau,ilroulasurlui-même,meprojetantenl’air.Jesecouailatêteetlâchailanageoire,mejetantverslamâchoire.Lesqualeroula.Jelâchaiprise.JemeretinsaucorpsdeT’Zshal.J’introduisisànouveaulebrasdanslamâchoire.Jeposailamainsurlapoignéedeladague.L’animal sauta ànouveauet jeparvins àdégager ladague, laplongeantdans lesbranchiessituées sous lamâchoire, adaptation à l’eau extrêmement salée desmines. Je ne savais nicombien il avait de cœurs, ni où ils se trouvaient. Ces éléments varient chez les requinsgoréens.Enoutre,lecœurestprofondémentenfoncéàl’intérieurducorps.Jenepensaispaspouvoir l’atteindre avec la lame dont je disposais. Mais le tissu des branchies est délicat,semblableàdescouchesdepétales,essentielpourextrairel’oxygènedel’environnement.Lemonstre marin se débattit follement ; ses mâchoires s’ouvrirent, tentant de cracher leurvictime,maiselleétaitmaintenueenplaceparlesdents;iltentadecouperlecorpsendeux,mais celui-ci était profondément enfoncé, de sorte qu’il n’avait guère de force. Puis il se

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débattitplusfaiblement.LeVieuxétaittoujoursvivantquandjefushissé,parHassanetunautrehomme,surleradeau.Jenepouvaislâcherladague.Hassanm’ouvritlesdoigtspourlaretirer. Je restai allongé sur le radeau. Près demoi, gisait T’Zshal. À quatre pattes, je medirigeaiverslui.

«Tut’eslaisséprendreparLeVieux,»dis-je.—«J’aiétémaladroit,»répondit-ilavecunsourire.Sachairétaitdéchirée.Jetentaiderefermerlesblessures.«LeVieux?»demandaT’Zshal.—«Mort,»répondis-je.Lacarcassegisaitdansl’eau,blanchâtre,flottantàcausedelateneurensel.—«Bien,»ditT’Zshal.Puisilfermalesyeux.—«Ilestmort,»ditunhomme.— « Allez chercher la pointe de la lance ! » ordonnai-je. « Déroulez la lanière de cuir.

Apportez-moiladague!»— « Tu ne peux pas le sauver, » fit Hassan. Les poutres, sous le corps du Maître de

Dortoir,étaientcouvertesdesang.Monfrontétaitcouvertdesueur.Jeregardailesblessuresdanslalumièrevacillantedestorches.Ilyavaitdusel,surmesmains,dusang.Jerefermai,demonmieux,leschairsdéchiquetées.

—«Jenesavaispasqu’ilpouvaityavoirautantdesangdansunhomme,»ditquelqu’un,derrièremoi.

—«Apportez-moicequej’aidemandé!»ordonnai-je.La lance, dont la hampe était brisée, flottait près du radeau. La lanière de cuir fut

déroulée.Ladaguefutplantéedanslebois,prèsdemoi.«Aide-moi,»dis-jeàHassan.—«Aiepitiédelui,»ditHassan.«Tue-le.»—«Aide-moi,»répétai-je.—«Iln’yapasd’espoir,»insista-t-il.—«Nousavonspartagélesel,»luirappelai-je.—«Jevaist’aider,»cédaHassan.Utilisantladaguecommepoinçon,perçantlachair,etlalonguelanièredecuirdelalance,

tandis que Hassan réunissait les bords déchiquetés des sillons, je parvins à recoudregrossièrementlachairdéchirée.

Àunmomentdonné,T’Zshalouvritlesyeux.«Laisse-moimourir,»supplia-t-il.—«Jecroyaisquetuavaisfaitlamarchejusqu’àKlima,»dis-je.—«C’estvrai,»ditT’Zshal.—«Marcheànouveaujusqu’àKlima,»dis-je.LespoingsduMaîtredeDortoirseserrèrent.Quelquesinstantsplustard,ils’endormit.JemepenchaiànouveausurlecorpsdeT’Zshal.—«TunepourraispasapparteniràlaCastedesMédecins,»relevaunhomme,derrière

moi.—«Personnellement,»intervintHassan,«jenel’admettraismêmepasdanslaCastedes

Bourreliers.»Nousrîmes.T’Zshaldormait.—«EtLeVieux?»demandaunautrehomme.—«Laisse-le,»dis-je.Lesleltsn’osaientpasencoreapprocherdelacarcasseflottantedu

Vieux. Avec le temps, leur faim les attirerait près de la masse et un festin aveugle

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commencerait.«Retournonsauquaidusel,»dis-je.Leshommesprirentleursgaffes.Legrandradeaufitdemi-touretpritladirectionduquai.

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JERETROUVEUNCARRÉDESOIE;NOUSENTRONSDANSLEDÉSERT

«POURQUOIm’as-tusauvélavie?»demandaT’Zshal.—«Commentsefait-il,»demandai-je«quecetteentrevuesedérouledanslademeure

duMaîtreduSel?»J’étaisdeboutsurlesdallesbleuesetjaunesd’unesallevoûtée,dansledonjonduMaître

du Sel. Je me tenais devant la couche sur laquelle T’Zshal était allongé. Des gardes nousentouraient.Prèsdemoi,setenaitHassan.

— « Je suis le Maître du Sel, » dit T’Zshal. Des membres de la Caste des Médecins,esclaveségalement,setenaientprèsdelacouche.«Pourquoias-tufaitcela?»

—«Maliberté,»dis-je,«etdel’eau.»JeconsidéraiT’Zshal.Ilétaitallongé,nujusqu’àlaceinture, ne daignant pas cacher les blessures horribles, recousues, dont son corps étaitcouvert.

—«Iln’yapasdekaiila,àKlima,»dit-il.—«Jesais,»répondis-je.—«Tuentreraisdansledésertàpied?»demanda-t-il.—«J’aiàfaireloindeKlima,»répondis-je.—«Tum’assauvélavie,»ditT’Zshal.«Enéchange,tudemandeslamort?»—«Non,»répondis-je.«Jedemandelalibertéetdel’eau.»—«Tuneconnaispasledésert,»dit-il.—«Jel’accompagnerai,»intervintHassan.«Jedemandeégalementlalibertéetdel’eau.

J’aiégalementàfaireloindeKlima.»—«Tuconnaisledésert?»demandaT’Zshal.—«Ledésertestmamèreetmonpère,»réponditHassan.C’étaitundictonduTahari.—«Et,pourtant,tuveuxquitterKlimaàpied?»—«Fournis-moiunkaiila,»proposaHassan.«Jenelerefuseraipas.»—«Jepourraisvousdonnerdespostesimportants,»suggéraT’Zshal.—«Nousavonsàfaireailleurs,»dis-je.—«Vousêtesdéterminés?»s’enquitT’Zshal.—«Oui,»répondis-je.—«Moiaussi,»ditHassan.—«Trèsbien,»fitT’Zshal.«Attachez-lesausoleil.»Lesgardes,par-derrière,sesaisirentdenous.Nousnousdébattîmes.—«Jet’aisauvélavie!»criai-je.—«Attachez-leausoleil,»répétaT’Zshal.—«Sleen!»criaHassan.—«Luiaussi,»ajoutaT’Zshal.

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Jetiraisurlepieuauquelmonpoignetdroitétaitattaché.«Nebougepas!»ditlegarde.Jesentislapointedesalancesurmagorge.Ilretournasousledaissouslequel,avecdel’eau,ils’assitprèsdesoncompagnon.Entre

eux ils avaient, sur la croûtede sel, tracéundamierdeZar. Il ressemble audamierutilisépourleKaissa.Lespièces,cependant,nepeuventêtreposéesqu’auxintersectionsdeslignes,à l’intérieur ou au bord du damier. Chaque joueur a neuf pièces de valeur égale qui sontplacéesàl’origineauxintersectionsdesneuflignesverticalesintérieuresaveccequiseraitlalignehorizontalearrière,constituéeparleborddudamier,dupointdevuedechaquejoueur.Lescoinsnesontpasutilisésdansladispositiond’origine,maisilestautoriséd’yposerlespièces lorsque la partie a commencé. Les pièces sont généralement des cailloux ou desmorceaux de crotte de verr, et des bâtons. Les « cailloux » bougent d’abord. Les piècesavancentd’uneintersectionàlafois,sauflorsqu’ellessautent.Onpeutsautersoitlespiècesdel’adversaire,soitlessiennes.Ilfautsauterjusqu’àunpointinoccupé.Lessautsmultiplessont possibles. L’objectif est de faire le retournement complet de la position d’origine. Lepremier joueur à occuper complètement la position d’origine de l’adversaire gagne.Naturellement,onneprendpaslespièces.C’estunjeudestratégieetdemanœuvres.

«Hassan,»dis-je.—«Restetranquille,»dit-il.«Neparlepas.Essayedevivre.»Jemetus.«Ah!»s’écriaungarde.Ilvenaitdefaireunmouvementquilesatisfaisait.Jegardailesyeuxfermés,afindenepasdeveniraveugle.Ilfaisaitfroid.Jebougeailepieu,auquelmonpoignetdroitétaitattaché,d’uncentimètre.«Hassan,»dis-je.«Es-tuvivant?»—«Oui,»répondit-il,prèsdemoi.Nousavionsétéattachéssurlescroûtesdesel.Lesoleilétaitcouché,àprésent.Sous le soleil du Tahari, il y a des hommes qui ne tiennent que quatre heures,même

parmiceuxquiontfaitlamarchejusqu’àKlima.Ilyavaitdel’eau,àproximité,maisonnenousenavaitpasdonné.Nousétionsattachés

auxpieux.Ilfautbougerlemoinspossible.Ilfautéviterdetranspirer.Enoutre,onprotègeavecsoncorpslasurfacesurlaquelleonestcouché.Latempératuredesurfacepeutatteindrecinquante-cinqdegrésenfind’après-midi.

Bizarrement,j’avaisfroid.C’étaitlanuitduTahari.Jevoyaislesétoilesetlestroislunes.Lesgardesétaientpartis.«Demainàmidi,nousseronsmorts,»ditHassan.Jedéplaçaiencore lepieu,auquelmonpoignetdroitétaitattaché,d’uncentimètre.Puis

lentement,petitàpetit,jel’arrachai.LevisagedeHassanétaittournéversmoi.—«Neparlepas,»luidis-je.Aveclepieuarrachéetlamaindroite,jeroulaisurlecôtégaucheetattaquailescroûtes

entourant le pieu auquel était attachémon poignet gauche. Puis il fut dégagé et, avec lesdentsetlamaindroite,jedétachaimonpoignetgauche.Ensuite,jedétachaimeschevilles.

—«Sauve-toi,»ditHassan.«Jenepeuxpasmarcher.»Jeluidétachailespoignets,puisleschevilles.Àmonpoignetdroitétaitsuspendulepieu

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quej’avaisarrachéenpremier.«Va-t’en,»insistaHassan.«Jenepeuxpasmarcher.»Jemepenchaietl’aidaiàselever.Jelesoutinsenluipassantlebrasgaucheautourdela

taille.Sonbrasdroitétaitsurmesépaules.Nouslevâmeslatête.Autourdenous,commeunnuagenoir,setenaientdouzehommes,lecimeterreàlamain.Jeprislepieudanslamaindroite,pourluttercontrel’acier.Les hommes qui nous entouraient s’écartèrent. Je vis, parmi eux, dans une chaise à

porteurs,T’Zshal.Lachaisefutposéedevantnous.«T’Zshal!»criai-je.Ilnousdévisagea,sousleslunes.—«Êtes-voustoujoursdécidésàentrerdansledésert?»demanda-t-il.—«Nouslesommes,»répondîmes-nous.—«Votreeauestprête,»dit-il.Deuxhommes,avecdesjougschargésd’outres,dechaquecôté,avancèrent.« Nous avons cousu plusieurs outres d’un talu, » expliqua T’Zshal, « pour fabriquer

celles-ci.»Jefusstupéfait.«J’espérais,»repritT’Zshal,«vousenseignerlesoleilet lemanqued’eau,afindevous

fairerenonceràvotrefolie.»—«Tunousasbienmontré,T’Zshal,»dis-je,«lemanqued’eauetlesensausoleil.»Ilhochalatête.—«Àprésent,»conclut-il,«voussavez,avantd’entrerdansledésert.»Ilsetournavers

ungarde.«Coupeleliendupieususpenduàsonpoignet,»dit-il.Cefutfait.Puisilsetournavers un autre garde, qui avait une outre d’un talu, qui était parmi les hommes qui noussurveillaient,lorsquenousavionsétéattachés.«Donne-luidel’eau,»dit-il.

—«Tunem’aspaslaissémedébattre,»dis-jeaugarde.— « Tu as sauvé la vie de T’Zshal, » répondit l’homme. « Je ne voulais pas que tu

meures.»Puisilnousdonnal’eauqu’ilportait.Avant de terminer l’outre, nous la passâmes aux hommes et à T’Zshal, afin que nous

buvionstousl’eaudelamêmeoutre.Nousaurions,ainsi,partagél’eau.— « Bien entendu, » dit T’Zshal, « vous allez rester quelques jours à Klima, afin de

reprendredesforces.»—«Nouspartonscesoir,»répondis-je.—«Etlui?»demandaT’Zshal,montrantHassan.—«Jepeuxmarcher,»ditHassan,seredressant.«Àprésent,j’aidel’eau.»—«Oui,»reconnutT’Zshal,«tuesvraimentduTahari.»Unhommemetenditunsacdenourriture.Ilcontenaitdesfruitsséchés,desbiscuitset

dusel.—«Merci,»dis-je.Nousnenousattendionspasàrecevoirdelanourriture.—«Cen’estrien,»répondit-il.—«Tenteras-tu,»demandai-jeàT’Zshal,«quandtesblessuresserontguéries,dequitter

Klima?»—«Non,»réponditT’Zshal.—«Pourquoi?»demandai-je.Jen’aipasoubliésaréponse.—«JepréfèreêtrelepremieràKlimaqueledeuxièmeàTor,»dit-il.

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—«Jetesouhaitetoutlebien,»dis-je,«T’Zshal,MaîtreduSeldeKlima.»Nouspivotâmessurnous-mêmes,Hassanetmoipuis,avecnotreeauetnosprovisions,

nouspartîmesdanslanuitdudésert.NousnousarrêtâmesendehorsdupérimètredeKlima.Àl’endroitoù,danslescroûtesde

sel, je l’avais caché, je repris le carré de soie décolorée qui avait été noué à mon collierpendantlamarchejusqu’àKlima.Jelepressaisurmonvisage,puissurceluideHassan.

«Ilsentencoreuntoutpetitpeuleparfum,»dit-il.—«Peut-êtredevrais-jeledonnerauxhommesdeKlima,»fis-jeavecunsourire.—«Non,»réponditHassan,«ilss’entre-tueraientpourlui.»Mais je n’avais aucune envie de le donner aux hommes deKlima. Je voulais le rendre,

personnellement,àlafemme.J’attachailecarrédesoieàmonpoignetgauche.Puis,sousleslunesgoréennes,surlescroûtesdesel,nousnouséloignâmesdeKlima.Nous nous arrêtâmes une fois, sur la crête de la grande cuvette au fond de laquelle se

trouveKlima, et nousnous retournâmes.Nous regardâmes les bâtiments deKlima, blancsdanslalumièredestroislunes.Puisnousreprîmesnotrechemin.

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19

LEVENTSOUFFLEDEL’EST;NOUSRENCONTRONSUNKUR

J’ENTENDISHassancrier.Danslesable,jelerejoignisencourant.Il se tenait sur le flanc d’une dune, dans le clair des lunes. Il y avait une grande roche

plate,exposéeparlevent,endessousdelui.« Je l’ai vu là ! » cria-t-il. « Je l’ai vu ! » Ilmontrait la grande roche plate. Le vent la

balayait.Jenevisrien.«C’estdelafolie,»repritHassan.«Iln’yarien.Jesuisfou.»—«Qu’as-tuvu?»demandai-je.—«Unmonstre,»dit-il.«Ungrosanimal.Ils’estsoudainmisdebout.Sesbrasétaient

longs.Ilm’aregardé.Puisiladisparu.»Ilsecoualatête.«Maisilnepouvaitpasêtrelà.Iln’yapasd’endroitoùilauraitpusecacher.»

—«TudécrisunKur,»estimai-je.— « J’ai entendu parler d’eux, » releva Hassan. « Ne s’agit-il pas de créatures

mythiques?»—«LesKuriiexistent,»affirmai-je.—«Untelanimalnepourraitsurvivredansledésert,»déclaraHassan.—«Non,»reconnus-je,«untelanimalnepourraitsurvivredansledésert.»—«Bizarre,»repritHassan,«quej’aieimaginéunKurici,dansleTahari.»J’allaisurlarocheetl’examinai.Jenetrouvaipaslemoindreindicedel’animal.Levent

soulevaitlesablealentour.Jenediscernaiaucuneempreintedepas.«Continuons,»ditHassan,«avantdedevenirfoustouslesdeux.»Prenantànouveaul’eausurl’épaule,jesuivisHassan.La veille, nous avions fini la nourriture. Mais nous avions de l’eau. Hassan vit cinq

oiseauxvolantdansleciel.«Tombeàquatrepattes,»dit-il.«Baisselatête.»Cequ’ilfit.Jesuivissonexemple.Lescinqoiseauxsemirentàvolerencercles.Jelevaila

tête. Il s’agissaitdevulossauvages, trapusetavecdegrandesailes.Unpeuplus tard, ilsseposèrentàquelquesmètresdenous.Ilsnousregardèrent,latêtetournéesurlecôté.Hassansemitàembrasserrythmiquementledosdesamain,latêtebaissée,maiss’arrangeantpourvoirlesoiseaux.Lebruitqu’ilémettaitfaisaitnettementpenseràceluid’unanimalbuvantdel’eau.

Il y eut un cri rauque lorsqu’il s’empara d’un des oiseaux qui, curieux, s’était aventurétropprès.Lesautresvuloss’envolèrent.Hassantorditlecoudel’oiseauentresesdoigtsetsemitàleplumer.

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Nousmangeâmesdelaviande.Nousétionsdansledésertdepuisdouzejoursquandjeperçussoudain,dansuncoupde

vent,l’odeur.«Arrête,»dis-jeàHassan.«Sens-tu?»—«Quoi?»demanda-t-il.—«Elleadisparu,»dis-je.—«Qu’as-tusenti?»demanda-t-il.—«UnKur,»répondis-je.Ilrit.—«Toiaussi,»releva-t-il,«tuesfou.»Jescrutailesdunesquinousentouraient,argentéesdansleclairdeslunes.Jechangeaila

position de l’outre d’eau posée sur mon épaule. Hassan était près de moi. Il changea lapositiondel’outrequ’ilportaitsurl’épaulegauche,gonfléedevantetderrière.

«Cen’estrien,»dit-il.«Continuons.»Jeregardaiautourdemoi.—«Ilestprèsdenous,quelquepart,»maintins-je.«Quelquepart.»—«Viens,»ditHassan.«Lematinnevapastarder.»—«Trèsbien,»acquiesçai-je.—«Pourquoihésites-tu?»demanda-t-il.Jeregardaiautourdemoi.—«Nousnemarchonspasseuls,»déclarai-je.«Quelqu’unmarcheavecnous.»Hassanscrutalesdunes.—«Jenevoisrien,»dit-il.—«Nousnesommespasseuls,»insistai-je.«Ilya,quelquepart,quelqu’unquimarche

avecnous.»Nousnousremîmesenmarche.LamarchedeHassanavaitpourobjectifnon leRocherRouge,qui se trouvait aunord-

ouestdeKlima,maislesQuatrePalmiers,avant-postekavarquisetrouvaitnettementausuddu Rocher Rouge. Malheureusement, l’Oasis des Quatre Palmiers était plus éloignée deKlimaquecelleduRocherRouge.Enrevanche,sadécisionsemblaitsage.LeRocherRougeétaituneoasistashidsousl’hégémoniedesAretai,ennemisdesKavars.Enoutre,entreKlimaetleRocherRougesetrouvaientlesrégionsoùpatrouillaientleshommesd’Abdul,l’UbarduSel,quejeconnaissaissouslenomd’IbnSaran.Enoutre,bienquelesQuatrePalmierssoitplusloindeKlimaqueleRocherRouge,lecheminquiyconduisaitquittaitapparemmentlePaysdesDunesplustôtquelecheminduRocherRouge,nousfaisantpénétrerplustôtdansleTaharitypiquederochersetdebuissons,oùilétaitpossibledetrouverunpeudegibier,del’eaudetempsentempsetpeut-êtredesgroupesdenomadesnesemontrantpashostilesvis-à-vis desKavars.Tout bien considéré, la décisionde tenterd’atteindre lesQuatrePalmierssemblait la plus rationnelle, compte tenu des circonstances. Cette décision, naturellement,comportait des risques. Notre unique possibilité était de jouer. Hassan avait jouéadroitement;restaitàsavoirs’ilavaitégalementbienjoué.

JesuivisHassan,quis’orientaitsurlesoleiletlevoldecertainsoiseauxmigrateurs.Nousn’avions, naturellement, aucun instrument, aucune piste marquée, et nous ignorions lapositionexactedeKlimarelativementauRocherRougeetauxQuatrePalmiers.

Nous jouions.Nousmarchions. L’alternative du jeun’était pas la sécuritémais lamort

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certaine.La conséquence du plan de Hassan était que nous nous dirigions en gros vers le sud-

ouest, c’est-à-dire, pendant un certain temps, dans la région la plus désolée, la moinsfréquentée,duPaysdesDunes,àl’écartmêmedesroutesdusel.

Jecomprisalorsquec’étaitpourcetteraisonquel’animalnoussuivait.«Nousn’avonsdel’eau,»dis-jeàHassan,«quepourquatrejours.»—«Six,»répondit-il.«Etnousvivronspeut-êtredeuxjourssanseau.»Nousavionsatteint la limiteduPaysdesDunes.Jeregardai lescollinesaccidentées, les

failles,lesrochers,lesbuissons.—«Est-ceencoreloin?»demandai-je.—« Jene sais pas, » réponditHassan.«Peut-être cinq jours, peut-êtredix. »Nousne

savionspasàquelendroitnousétionssortisdesdunes.—«Nousavonsfaitbeaucoupdechemin,»dis-je.—«As-turemarquélevent?»s’enquitHassan.—«Non,»répondis-je.Jen’avaispasfaitattention.—«Dequelledirectionvient-il?»demandaHassan.—«Del’est,»dis-je.—«C’estleprintemps,»conclutHassan.—«Celasignifie-t-ilquelquechose?»demandai-je.Leventmeparaissaitsemblableau

ventchaudquisoufflecontinuellementdansleTahari,endehorsdeladirection.Nousétionsdansledésertdepuisquatorzejoursquandleventtournaàl’est.—«Oui,»réponditHassan,«celasignifiequelquechose.»Deuxahnsplustôt, leborddusoleilétaitapparusur l’horizon, illuminant lescrêtesdes

dunesquisefaisaientplusrares.Uneahnplustôt,Hassanavaitdit:«Àprésent,ilesttempsdecreuserunetranchée.»À quatre pattes, avec lesmains, nous creusâmes la terre desséchée. La tranchée faisait

environunmètrevingtdeprofondeur,étroite,facileàcreuser.Elleestorientéedetellesortequelesoleilpasseperpendiculairementàsonaxe.Celafournitdel’ombrelematinetl’après-midi.Ellen’estcomplètementexposéequelorsquelesoleilesthaut.

Nousnoustenionsauborddelatranchée,Hassanetmoi,regardantversl’est.«Oui,»répétaHassan,«celasignifiequelquechose.»—«Jenevoisrien,»dis-je.Desgrainsdesablemefouettaientlevisage.—«Noussommesarrivésjusqu’ici,»ditHassan.—«Nepouvons-nousrienfaire?»demandai-je.—«Jevaisdormir,»décidaHassan.«Jesuisfatigué.»JefisleguettandisqueHassandormait.Celacommençaàl’est,commeuneligneminceà

la limite du désert. C’est seulement lorsque cela approcha que je compris que cela faisaitplusieursdizainesdemètresdehaut,peut-êtrecentpasangsdelarge;leciel,au-dessus,étaitgris, puis noir, comme de la fumée ; puis je dus cesser de regarder, de peur de deveniraveugle ; je protégeaimes yeux avecmesmains ; je tournai le dos ; jeme tassai dans latranchée;leventhurlaau-dessusdemoi;desgrainsdesableétaientenfoncésdansledosdemesmains;parendroits,quandjelesdélogeai,ilyavaitdusang.Jelevailatête.Lecielétaitnoirdesable;desbuissons,commedestabukssurpris,bondissants,passaientau-dessusdematête;leventhurlait.Jerestaiassisdanslatranchée.Jeposailefrontsurlesbras,latêtebaissée,lesbrassurlesgenoux.J’écoutailatempête.Puisjem’endormis.

Le soir, nousnous réveillâmes.Nous bûmes. La tempête faisait toujours rage.Nousne

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pouvionsvoirlesétoiles.«Combiendetempsdurentcestempêtes?»demandai-je.—«Auprintemps,»dit-il,haussantlesépaulesàlamanièreduTahari,«quisait?»—«Suis-jetonfrère?»demandai-je.Illevalatête.—«Onignorecombiendetempsunetelletempêtepeutdurer,»précisa-t-il.«Ellepeut

durerdenombreuxjours.C’est leprintemps,»ajouta-t-il.«Leventvientde l’est.»Puis ilbaissaànouveaulatête.

Ils’endormit.Finalement,jem’endormiségalement.Soudain,peuavantl’aube,jemeréveillai.Ilsetenaitlà,danslestourbillonsdesable,énorme,nousregardant.«Hassan!»criai-je.Ilseréveillaimmédiatement.Nousnouslevâmespéniblement,lespiedsenfoncésdansle

sablequis’étaitaccumuléaufonddelatranchée,ledossoudainlacéréparlevent.Ilouvrit sagrandegueule, tournant la tête. Il faisaitdeuxmètresdixdehaut,arc-bouté

contre le vent. Du sable était collé à sa fourrure. Il me regarda. Il leva son long bras. IlmontraitlePaysdesDunes.

« Fuyons ! » criaHassan.Nous sortîmes de la tranchée d’un bond, jetés à terre par latempête, nous relevant péniblement. Nous nous baissâmes, tentant de conserver notreéquilibre,latranchéeentrenousetl’animaldressé.Ilvacilladanslevent,s’appuyantcontrelui,maisnetentapasdes’approcherdenous.Ilmeregardait.IlmontraitlePaysdesDunes.

«L’eau!»s’écriaHassan.«L’eau!»Il prit position au-dessus de la tranchée, pour me protéger, dans toute la mesure du

possible.Jemeglissaidanslatranchéeet, lentement,afindenepasprovoquerl’attaquedel’animal, tirai les deux outres. Hassan les prit et, quand je fus sorti de la tranchée, nousreculâmes, sans quitter l’animal des yeux. Nous étions fouettés par le vent et le sable.L’animalnebougeapas et restadebout, ses yeuxàdemi fermés,bordésde sable, fixés surmoi,songrandbrasmontrantlePaysdesDunes.

Nous pivotâmes sur nous-mêmes, Hassan et moi puis, trébuchant, portant l’eau, nousprîmeslafuitedansledésert.Àunmomentdonné,brièvement,jeperdisHassandevue,puisje le vis à nouveau, àmoins d’unmètre demoi, dans l’obscurité, les tourbillons de sable.Nouscourûmesensemble.L’animalnenouspoursuivitpas.

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LEKURVEUTRETOURNERDANSLEPAYSDESDUNES;JEL’ACCOMPAGNE

«ILestlà,»ditHassan.«Maistuesfouderetournerprèsdelui.»—«Ilauraitpunoustuerdanslatranchée,»soulignai-je.«Ilnel’apasfait.»La tempête, d’un seul coup, s’était calmée. Elle n’avait duré qu’un peu moins d’une

journée. Le paysage semblait légèrement différent mais il ne nous fut pas difficile deretrouverlatranchée.Nousn’avionspaspuallerloin,danslatempête.Nousavionsparcourumoins de dix pasangs quandnous tombâmes, jetés à terre par le vent, dans le sable.Nousrestâmes couchés, protégeant nos têtes et l’eau. Presque aussi brusquement qu’elle étaitarrivée,leventtournantaunord,elleavaitdisparu.

—«Ilvayavoird’autrestempêtes,»préditHassan.«Celle-ciétaittropcourte.»Ilmeregarda. « Il faut que nous avancions pendant que nous le pouvons, avant qu’une autretempête,pluslongue,arrive.»

—«Jeretourneàlatranchée,»dis-je.—«Jevaisavectoi,»répondit-il.Depuis une petite éminence, nous vîmes ce qu’il restait de la tranchée, qui était

pratiquement pleine de sable. Le soleil était haut. Près de la tranchée, sur le dos, à demicouvertdesable,gisaitleKur.

Quandnousarrivâmes,iltournalatêteversnous.«Iln’estpasmort,»ditHassan.—«Ilsemblefaible,»dis-je.—«Nousaussi,noussommesfaibles,»relevaHassan.«C’estàpeinesinousavons la

forcedeporterl’eau.»JefisletourduKur,quifermalesyeux.Safourrureétaitpleinedesable.Jem’accroupisprèsdelui.Ilouvritlesyeuxetmeregarda.Sursapatteantérieuredroite,surundessixdoigts,ilyavaitunanneau,apparemmenten

or.C’étaitlapremièrefoisquejevoyaisunKuravecuntelbijou.J’avaisvudesanneauxde

ce typeportésauxbrasetauxpoignets ;etdesbouclesd’oreilles,maisaucunanneaude latailled’undoigt.LesKuriisontsouventdesanimauxpleinsdevanité.

—«J’aidéjàvuceKur,»dis-je.Jel’avaisvudansunecelluledelaDemeuredeSamos.Ilavaitétécapturéplusieursmoisauparavant,sedirigeantapparemmentversleTahari.Samosl’avait acheté à des chasseurs. Six hommes étaient morts pendant sa capture. Les yeux,bordés de sable, avaient une pupille noire ; la cornée, généralement jaune, semblait pâle,terne ; lemufle parcheminé paraissait sec, les lèvres étaient retroussées sur les crocs ; lalangue,noire,semblaitgrosse;ilparaissaitmaigre,pourunKur,hagard;jecomprisquesestissusétaientvraisemblablementdéshydratés.LefaitqueleKursesoitdirigéversleTahari

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étaitunepartiedumystèrequim’avaitpousséàm’aventurerdansledésert.Qu’allait-ilfairedansleTahari?

—«Ilvamourirbientôt,»ditHassan.«Laisse-le.»JerestaiprèsduKur,leregardant.—«Ilabesoind’eau,»dis-je.—«N’approchepasdelui,»meconseillaHassan.Àmonavis,leshommesavaientpeud’ennemisaussiterriblesetredoutablesqueleKur,

endehorsdesautreshommes.CescréaturesetlesPrêtres-Roisselivraientuneguerresansmerci,deuxmondes,deuxplanètes,GoretlaTerre,enétantl’enjeu.Leshommessemblaientêtre les alliés négligeables de l’une ou l’autre espèce. Devant moi, gisait un ennemiimpuissant.

«Tue-le,»ditHassan.—«C’estunecréaturerationnelle,»relevai-je.«Elleabesoind’eau.»—«Renonceàcettefolie!»criaHassan.Je soulevai la tête velue, qui faisait plus de soixante centimètres de large. Entre les

rangéesdecrocs,l’outresurmonépaule,jeplaçail’emboutdel’outre.Lespattesdel’animalselevèrentlentementetseposèrentsurl’outre.Jelesvisappuyer

surl’outre; l’enverguredesdoigtsfaisaitplusdequarantecentimètres.Ilyavaitsixdoigts,aux articulations multiples, velus. Je vis l’anneau en or, lourd, étrangement incrusté, mesembla-t-il,d’uncarréenargent,surlecuirbrundel’outre.Cen’était,apparemmentpas,unebaguenormale.

—«Cematin,»rappelai-je,«avantl’aube,ilauraitpunoustueretprendrel’eau.Ilnel’apasfait.»

Hassanneréponditpas.Lentement, leKurse leva.Je fermai l’outre. Ilnerestaitquequatreoucinq litresd’eau

dansl’outre.Celapermetàunêtrehumaindetenirunejournée;ensuite,illuifautentamerlesréservesdesestissus.

Hassanrestaàl’écart.LeKurnoustournaledos.Trèslentement,illevalatête,commes’ilsentaitlittéralement

l’eau couler dans les vaisseaux de son corps. C’était terrifiant à voir, dans un sens. C’étaitcommes’ilrevivait,etc’étaitunKur.

—«Tuesfou,»soufflaHassan.«Ledésertl’auraittuéàtaplace.»—«Ilnenousapastuésquandilauraitpulefaire,»insistai-je.«Iln’apasprisl’eau.»—«Ilétaitfouàcausedudésert,delatempête,»suggéraHassan.«Àprésent,ilvaavoir

lesidéesclaires.»Jeregardai leKur.Ilsemitàquatrepattes ;puis ilseredressapartiellement, lesdoigts

danslapoussière,commesedéplacentgénéralementlesKurii.Soudain,ilrouladanslesable.Puis il se leva. Il tendit une patte. La patte saisit les tiges épaisses, tortueuses d’un grosbuissonà feuillesminces.Commepresque toutes lesplantesdudésert, il avaitdes racinesprofondes.D’unseulgeste,leKurarrachalebuisson,lelevaau-dessusdesatêtepuislejetaau loin. Il bondit, puis frappa le sable avec sonpoingdroit. Puis, sortant les griffesde sonappendice préhensile droit, grossemain à six doigts, il griffa la poussière, en projetant undélugederrière lui.Ensuite il se redressa,hurlapuis, semettantàquatrepattes, se tournaversnousetnousregarda.Puis,lentement,penché,lesdoigtsdanslapoussière,ilsedirigeaversnous.

Lacornéedesesyeuxétaitàprésent jauneclaire.Sonmufle luisaitdesueur.Sa languepassaitsurseslèvres,quiétaienthumides.

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Ils’arrêtaàquelquesdizainesdecentimètresdenous.J’étaisconvaincuqu’ilétaitcapabledetuerdeuxhommesdésarmésdansledésert.

Maisiln’attaquapas.Ilmeregarda.PuisilmontralePaysdesDunes.Ilseredressa,peut-êtrepourprendreuneapparenceplushumaine.Jeconstataiqu’ilavait

étéblessé.Parendroits,safourrureétaitcoupée.Plusieursentailles,apparemmentproduitespar des cimeterres, partiellement cicatrisées, couvraient son corps. Il devait avoir, à unmomentdonné,perdubeaucoupdesang.

—«JeconnaisceKur,»dis-je.Jeleconsidérai.«Peux-tumecomprendre?»demandai-je.

Rienn’indiquaqu’ilavaitcompris.«Jel’aifait libérerd’unecelluledePortKar,»expliquai-jeàHassan.«ÀTor,dansune

cour,plusieurshommesm’attendaientpourme tuer. Ilsontétémassacrés commeseulunKur pouvait le faire. Dans la prison des Neuf Puits, quoique, bizarrement, il m’ait étéimpossibledelevoir,unKurestentrédansmacellule.Ilauraitpumetuer,puisquej’étaisenchaîné.Ilnel’apasfait.Jecroisqu’ilatentédemelibérer.IlaétésurprisparIbnSaranetseshommes.Ilapresqueététué,prisaupiègedanslacellule.Ilaétégravementblessé.IbnSaranm’a dit que l’animal avait été tué. Il mentait. C’est lui. C’est ce Kur. Je le connais,Hassan. C’est, même provisoirement, mon allié. Je crois, Hassan, aussi étrange que celaparaisse,quenouscombattonspourlamêmecause.»

—«UnhommeetunKur!»protestaHassan.«C’estimpossible!»LeKurmontraittoujourslePaysdesDunes.JemetournaiversHassan.—«Jetesouhaitetoutlebien,Hassan,»dis-je.—«C’estde la foliederetournerdans lePaysdesDunes,»meremontra-t-il.«Iln’ya

presqueplusd’eau.»—«Tentedegagner lesQuatrePalmiers,»dis-je.«Tu tedoisavant toutà ta tribu.La

guerrevabientôtfaireragedansleTahari.QuandlesKavarschevaucheront,ilfaudraquetuchevauchesaveceux.»

—«C’estunchoixdifficilequetum’imposes,»ditHassan.«Ilmefautchoisirentremonfrèreetmatribu.»Puisilajouta:«JesuisduTahari.Jedoischoisirmonfrère.»

—«L’eaudécide,»dis-je.«Tatribuattend.»HassanregardaleKur.Puisilmeregarda.—«Jetesouhaitetoutlebien,monfrère,»dit-il.Puisilsourit.«Puissenttesoutresne

jamaisêtrevides.Puisses-tunejamaismanquerd’eau.»— « Puissent tes outres ne jamais être vides, » répondis-je. « Puisses-tu ne jamais

manquerd’eau.»Hassanpivotasurlui-même.Jeluisouhaitaistoutlebien.J’espéraisqu’ilatteindraitles

QuatrePalmiers.Déjà, bondissant, puis se retournant, puis avançant ànouveau, leKur allait devantmoi

verslesondulationsirrégulièresdesdunesquisedressaientànotregauche.Jelesuivis.

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CEQUIARRIVADANSLEPAYSDESDUNES

LEKurétaitunanimalincroyable.Sanslui,jen’auraispassurvécu.Lelendemain,nousn’avionsplusd’eau.Je constatai avec surprise que, bienqu’il aitmontré lePaysdesDunes, leKur suivit la

limite des dunes, sur un terrain plus typique du Tahari. Je compris qu’il avait montré sadestination,quellequ’ellesoit,laquellesetrouvaitàl’intérieurduPaysdesDunes,commesije la connaissais,maisque le cheminqu’il avait intelligemment choisi suivrait la limiteduPaysdesDunesjusqu’àunpointdonnéàpartirduquelnousnousengagerionsdanslesdunesredoutablesendirectiondel’objectifquil’intéressait,ounousintéressait.

«Iln’yaplusd’eau,»luidis-je.Jelevail’outredemanièreàluimontrerqu’ilnerestaitplusrienàl’intérieur.Aprèsavoirbu,prèsdelatranchée,leKurn’avaitplusabsorbéd’eau.

LeKurregardaunvold’oiseaux.Illessuivitpendantunejournée.Iltrouvaleureau.Elleétait mauvaise. Nous bûmes cependant avec reconnaissance. Je plongeai mon outre dansl’eau.Noustuâmesquatreoiseauxetlesmangeâmescrus.LeKurpritunpetittharlariondesrochers et nous le mangeâmes également. Puis nous continuâmes notre chemin. Je busbeaucoupcarleKursemblaitpressé.Ilsavaitcertainementqu’ilestpréférabledemarcherlanuit,pourtantilsemblaitinfatigable,mepoussantàcontinuer,commesijen’avaisbesoinnidemangernidedormir.Savait-ilquejen’étaispasunKur?Protégéparsafourrure,ilétaitmoinsexposéausoleil. Ilavançait jouretnuit,maismoi jene lepouvaispas. Impatient, ils’accroupissait prèsdemoi lorsque jem’effondrais sur le sablepourdormir.Une ahnplustard, ilme réveillait etmontrait le soleil. Pourtant, je ne crois pas qu’il voulaitm’indiquerl’heure,maissimplementattirermonattentionsurlepassagedutemps.Ilparaissaitpressé.De toute évidence, malgré la puissance de son corps, la chaleur, le soleil, le manque denourritureetd’eaudevaientpréleverunlourdtributsurlui.Parfois,sesblessuresdevaientletourmenter.Pardeuxfois,jelevislécherlescroûtesensanglantées.Puis,lentement,commeparlaforcedesavolonté,ilrepartait.J’étaisconvaincuqu’ilnoustuerait.Onneprovoquepasledésert.Ilestimplacable,commelapierreoulefeu.

«J’aibesoind’eau,»luidis-je.Ilavaitdisparupendantplusd’unejournée.LeKurlevahuitdoigtsetmontralesoleil.Jenecomprispascequ’ilvoulaitdire.Nous continuâmes. Une ahn plus tard, les narines au ras du sol, dilatées, il s’agita. Il

montra le sol. Il me regarda comme s’il fallait que je comprenne. Naturellement, je necomprispas.Ilregardalesoleil,puismeregarda,commes’ilexaminaitlesdeuxpôlesd’unealternative. Puis il s’éloigna rapidement de la direction que nous suivions. Je compris,plusieursahnsplustard,qu’ilsuivaitlapisted’unanimaletquemessensn’étaientpasassezaiguiséspourlapercevoir.Nousnousjetâmesàplatventreprèsdel’eausale,empestantlesexcréments,etjeremplisànouveaul’outre.Ilyavaituntabukpartiellementdévoré,prèsdelamare. LeKurm’interdit de prendre certainsmorceaux, les reniflant.D’autresmorceaux,

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éloignés des partiesmangées, davantage exposés au soleil, ilme les donna. Il arracha unehancheet,avecdesmouvementsrapides,avecsesdents,tenantlemorceau,arrachalaviandeséchéedel’os.

LeKurme fit signedeme lever. Il fallait repartir.Ayantmangé et bu, je le suivismaischaquepas,àcausedemonépuisement,étaitunetorture.

Il regagna la piste que nous suivions à l’origine, dont nous nous étions écartés, etpoursuivitsonchemin.

Le lendemainmatin, ilmontra le soleil et leva sept doigts.Mais ilme laissa dormir, àl’ombred’unrocher,etmonta lagarde.Cettenuit-là,nousmarchâmesànouveau.Lereposmefitbeaucoupdebien.Lelendemainmatin,ilmontralesoleiletlevasixdoigts.Jecomprisquesonrendez-vous,oucequ’ilavaitàfaire,devaitêtreaccomplidanssixjours.C’étaitpourcetteraisonqu’ilétaitpressé.

L’eausefitplusrare.Le Kur progressa plus lentement et but davantage. Je crois que ses blessures le

handicapaient. Il ne paraissait plus disposé à s’écarter de la piste pour trouver de l’eau. Ildevint désespéré. Il avait peur, supposai-je, de manquer son rendez-vous. Il n’avait pascomptéavecsafaiblesse.Lecuirquejeportaisautourdespiedsétaitenloques,maisilyavaitdusangdanslestracesdepasduKur.Ilavançait,indomptable.

Puisl’eaufutépuisée.Aumatin,leKuravaitmontrélesoleiletlevéquatredoigts.Nousmarchâmesunejournéesanseau.Le lendemain,nous trouvâmesdesmouchesvolantau-dessusde la terredesséchée.Là,

avecsesgrossespattes,lentement,péniblement,leKurcreusa.Plusd’unmètrevingtsouslasurface,noustrouvâmesdelaboue.Nouslapressâmes,danslecarrédesoiequejeportaisaupoignet,danssesgrandespaumes.Ilmedonnapresquetoutecetteeau.Ilneléchaquecequirestadanssespaumes.Ailleurs,cettemêmenuit,noustrouvâmesunétroitchenaldebouecraquelée, litd’unminusculecoursd’eaudisparucommeceuxqui,enhiver, lorsqu’ilpleut,ont de l’eau pendant quelques jours. Nous le suivîmes jusqu’à une petite mare à sec. Encreusant,noustrouvâmesdesescargots.Sousleclairdeslunes,nouscassâmeslescoquilleset suçâmes le fluide. Il empestait. Je ne vomis qu’au début. À nouveau, le Kurme donnal’essentieldenotredécouverte.Puisnousnetrouvâmesplusrien.

Nousrevînmessurnospasjusqu’àl’endroitoùnousnousétionsécartésdelapiste,puisreprîmesnotrechemin.

Lelendemainmatin,leKurmontralesoleiletlevatroisdoigts.L’outre,entremesmains,étaitvideetsèche.«Reposons-nous,»dis-jeauKur.Il voulut continuer. Je suivis l’empreinte de ses pas. Il y avait du sang à l’intérieur. Je

fermailesyeuxàcausedelaluminositédusol.Jemettais inlassablement, interminablement,unpieddevant l’autre.LeKurcommença

deboiter.Jemesentaisfaible,j’avaisenviededormir.Jen’avaisplusguèreenviedemanger.Jeme

sentisétrangementbrûlant.Jetouchaimonfront.Ilétaitsecetsemblaitextrêmementchaud.J’avaismalàl’estomacetdesnausées.C’estétrange,medis-je.Nousn’avionspratiquementrienmangé.

«Ilfautquenousnousreposions,»dis-jeauKur.Maisilcontinuademarcher.Jelesuivisentrébuchant, l’outreà lamain.Jelaregardai.

Elle s’était fendilléeau soleil. Jem’accrochaià elle,demanière irrationnelle. Jenevoulais

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paslalâcher.Quandlesoleilfuthaut,jetombai.LeKurattenditquejemesoisrelevé,puispartitenboitantdevantmoi.

«J’ailevertige,»luidis-je.«Attends!»Je restai immobile et attendis que le vertige soit passé. Le Kur attendit. Puis nous

repartîmes.J’avaismalàlatête.Jesecouailatête.Ladouleurétaitviolente.Jemisunpieddevant l’autre,continuantdesuivre leKur.Puis j’eusdesdémangeaisons.Jemegrattai lesbrasetlecorps.Jetrébuchai.LeKuravançaitdevantmoi.C’étaitétrangedeneplusavoirdesalivedanslabouche.Mesyeuxétaientsecs.J’avaisl’impressiond’avoirdesgrainsdesableentre l’œil et lapaupière ; je sentis, également,desgrainsde sabledansmabouche ; jenepouvaislescracher;jen’avaisplusdelarmes.Meslèvresdevinrentdouloureuses.Malangueétaitgrosse.Jesentisquelapeaudemalanguepelait.J’eusdescrampesdansl’estomac,lesbras et les jambes. Je regardai autour demoi. Il semblait y avoir beaucoupd’eau, çà et là,dans les endroits plats, au loin, mouvante. Parfois, nos pas nous conduisaient dans sadirectionmais, lorsquenousarrivions, c’étaitdu sable, la chaleurdudésertproduisantdesondulationsau-dessus.

«Jenepeuxpasallerplusloin,»dis-jeauKur.Ilsetournaversmoi,penché.Ilmontraladroite,pourlapremièrefois.Ilmontraitl’est,

lesdunes.Jecomprisquec’étaitlàqu’ilnousfallaitprendreladirectiondel’intérieur.Jeregardai lesdunes,surmagauche,miroitantesàcausede lachaleur,caresséespar le

ventquiformaitcommedepetitesfuméesauxsommets.Entrersignifiaitlafolieetlamort.Iltendaitsonlongbrasdroitverslesdunes.«Jenepeuxpasallerplusloin,»dis-je.Il approcha de moi. Je le regardai. Il me prit par le bras et me releva violemment. Je

l’entendis prendre et déchirer l’outre.Mesmains furent tirées dansmon dos et attachées.Meschevillesfurentcroiséesetattachées.Avecdesmorceauxd’outreetdeslambeaux,leKurs’enveloppalespieds,pourlesprotégerdusable.Avecdesbandesdecuir,ilconfectionnaunecorde.Jesentis,couchédanslesableetlespierres,qu’ilmelamettaitaucou.Aveclesdents,ilcoupalecuirquim’attachaitleschevilles.Jefuspresqueétranglé.Ilmerelevarudement.LeKursetournavers lesdunes, lacordedecuirdans lapattedroite.Puis ilm’entraîna,enlaisse, prisonnier humain, gravissant en trébuchant et glissant, la première longue pente,danslePaysdesDunes.

«Tues fou, fou !»voulus-jecrier.Mais jepusseulementmurmureretc’estàpeinesij’entendismaproprevoix.

Ilcontinuaet,enlaisse,jelesuivis.Leventfouettaitlesable.Tuasfaitlamarchejusqu’àKlima,medis-je.Tumarchesànouveaujusqu’àKlima.Mais,

pendantlamarchejusqu’àKlima,j’avaisdel’eau,dusel.Àunmomentdonné,enfind’après-midi, jedusperdreconnaissance.Jerêvaidesbains

d’AretdeTuria.Jem’éveillaipendantlanuit.Jen’étaisplusattaché.LeKurmeportait,parmilesdunes

argentées. Il avançait lentement. Il boitait du pied droit. J’étais contre les blessures dusommetdesapoitrine.Ellesétaientouvertes.Maisellesnesaignaientpas.

Jem’endormisànouveau.Jem’éveillaiànouveaupeuavantl’aube.LeKur,prèsdemoi,partiellementcouvertdesableapportéparlevent,dormait.Jemelevai,péniblement.Puisjetombai.Jenetenaisplusdebout.

Jem’assisdanslesable,ledosàladune.JeregardaileKur.L’animalavaitétéadmirable,

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puissant.Mais,àprésent,ledésertetsesblessuresletuaient.Ilétaitfaibleetépuisé.Sapeausemblaitplisséesursacharpenteénorme,souveniratrophiéde lapuissancede l’animal.Jeregrettai,bizarrement,d’assisteràsondéclin.Jemedemandaicequilepoussait,pourquoiilvoulaittellementmeneràbiencettemission,quellequ’ellesoit.Ilosaits’opposeraudésert.Je remarquai sa fourrure. Elle n’était plus lisse mais, à présent, apparemment morte,cassante ; elleétait sèche ; elleétait couvertede sable.Lecuirde sonmufle, avec lesdeuxnarines,étaitcraqueléet,bizarrement,gris.Saboucheetseslèvresétaientsèches,commedupapier.Autourdumufle,desnarines,delaboucheetdeslèvres,ilyavaitdepetitesfissurespleines de sable. En outre, les narines, les yeux, la bouche et les lèvres étaient bordés desable.Ilétaitcouchédanslesable,enrond,latêteàl’opposédeladirectionduvent,commeunobjetabandonné,jeté,inutile.Cetanimalorgueilleuxavaitdéfiéledésert.Ilavaitperdu.Quelobjectif,medemandai-je,valait lerisquequel’animalavaitpris, lerisquedeperdrelavie ? Je me demandai s’il pourrait se relever. Je ne pensais pas que nous tiendrions lajournée.

Lesoleilpointait.L’animalseleva,secoualesableaccumulédanssafourrure.Ilvacillait.«Parssansmoi,»dis-je.«Jenepeuxplusmarcher.Tunepeuxplusmeporter.»L’animaltenditsonlongbrasverslesoleil.Illevadeuxdoigts.Ils’approchademoi.« Je ne peux pas aller avec toi, » dis-je. « Qu’est-ce qui est tellement important ? »

demandai-je.L’animalsepassaundoigtsur les lèvreset la langue. Ilposa ledoigtsurmes lèvres.Je

sentislesableetlesel.«Jenepeuxpasavaler,»dis-je.L’animalme regarda longtemps. Sa corne n’était plus jaune,mais pâle, blanchâtre. Les

petitesfissures,auxcoinsdesesyeux,étaientpleinesdesable.Sesyeuxsemblaientsecs.Mesyeuxmepiquaient.Jen’essayaisplusderetirerlesparticulesquisetrouvaientàl’intérieur.

L’animalmetournaledosetpenchalatêteau-dessusdesesmains.Quandilsetournaànouveau vers moi je vis, dans les paumes noires de ses mains, un fluide nauséabond. Jebaissailevisageverssesmainset,lesmainstremblantes,tenantsesmains,jebus.L’animalfitcelaquatrefois.C’étaitl’eaudeladernièremarequenousavionstrouvée,prèsdelaquelleilyavaituntabukmort,stockéedansl’estomacdel’animal.C’était,dansunsens,l’eaudesestissusqu’ilmedonnait,laprenantàsonorganismeetmelacédantafinquejenemeurepas.L’animaltentaencoredemedonnerdel’eau,maisiln’enavaitplus.Ilm’avaitdonnétoutel’eauquiluirestait.Ànouveau,ilgrattasabouche,seslèvres,soncorps,pourseprocurerdusel.Ilenpritégalementsurlescroûtessanglantesdesesblessures.Jelepris,aveclesable,leléchant, capable à présent de l’avaler. Ilm’avait donné, présent apparemment inexplicable,l’eauetleseldesoncorps.

« À présent, je peuxmarcher, » dis-je. « Il ne sera pas nécessaire que tume portes, àsupposerquetuensoiscapable,ouquetum’attachesetmetraînecommeunprisonnier.Tum’as donné l’eau et le sel de ton corps. Jene sais pas ce que tu cherches, ou quelle est lanaturedetamission,maisjet’accompagnerai.Nousironsensemble.»

L’animal me fit signe de me reposer. Puis il s’installa entre le soleil et moi et, dansl’ombredesoncorps,qu’ildéplaçaitdetempsentemps,jedormis.

Jerêvaidel’anneauqu’ilportaitaudeuxièmedoigtdelamaingauche.Quandleslunesfurenthautes,jemeréveillai.PuisjesuivisleKur.Ilavançaitlentement,

du fait qu’il boitait. Ses tissus desséchés, à mon avis, n’abriteraient pas longtemps la vie.

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L’eauqu’ilavaitconservée,peut-êtrepourmoi,avaitdisparu.Je ne savais pas ce qu’il cherchait. Pourtant je l’admirais parce qu’il le cherchait,

indomptablement.Jenetrouvaisnimauvaisnidéplacédemourirauxcôtésd’untelanimal.À ses côtés, je percevais la volonté et lanoblesseduKur.LesKurii étaient, en fait, des

ennemissplendidespourlesPrêtres-Roisetleshommes.JemedemandaisilesPrêtres-Roisouleshommesétaientdignesd’eux.

Ainsi, ennemis naturels, un humain et un Kur, dans une étrange trêve du désert,marchaient côteà côte. Jene savaispasversquoi. Jeneposaipas laquestionet, si j’avaisposélaquestion,jenecroispasquemoncompagnonauraitrépondu.Jel’accompagnais.

De nombreuses fois, pendant la nuit, il tomba. Il s’affaiblissait. J’attendais qu’il seredresse.Puisnousnousremettionsàmarcher.

Unpeuavantlematin,nousnousreposâmes.Uneahnplustard,ilvoulutselevermaisenfutincapable.Ilregardalesoleil.Danslesable,duboutd’undoigt,iltraçauneseuleligne.Ilserrasonénormepoingdroit,frappaunefoislesable,désespérément.Puisils’effondra.

Je crus alorsqu’il allaitmourir,mais il nemourutpas.De temps en temps, pendant lajournée,couchéàl’ombredesoncorps,jelecrusmortmais,posantl’oreillesursapoitrine,j’entendislebattementdesongroscœur, lent, irrégulier,sporadique,capricieux,commeunpoingfaiblementserré.

Lesoir,jemepréparaiàenterrerleKur.Jecreusaiunetranchéedanslesable.J’attendisqu’ilmeure.

Jeregrettaidenepasavoirunepierrepourmarquersatombe.Quandleslunesfurentpleines,ilrejetalatêteenarrièreetjevissesrangéesdedents.Il

se leva péniblement, ce quim’horrifia et, secouant le sable accumulé dans sa fourrure, seremitenmarche.Stupéfait,jelesuivis.

Aumatin, ilne s’arrêtapaspour se reposer. Ilmontraànouveau le soleil et, cette fois,levalepoingserré.

Jene comprispas cequ’il voulaitdire.Puis les cheveux sedressèrent surmanuque. Ilm’avaitmontréletemps,enindiquantlesoleil,etlesjoursenlevantlesdoigts.Àprésent,ilmontraitlesoleiletlevaitungrospoingsec,entêté,fermé.

Jecomprisalors,horrifié,soudain,lesensdesamission.Ilnerestaitplusdejours.C’étaitledernierjour.C’étaitledernierjourdumonde.

«LivrezGor!»avaitétélemessageenvoyéauxSardarparlesvaisseauxdesKurii.C’étaitunultimatum.LesPrêtres-Rois,bienentendu,avaientététroublés;leurréactionavaitétélacuriosité, la recherche d’informations ; créatures rationnelles, ils ne pouvaient imaginerl’énormité du plan desKurii. Je compris qu’il devait y avoir différents groupes parmi eux,parmi ces créatures menaçantes, féroces, agressives, fières, impérialistes, intraitables etbelliqueuses.Aprèsl’échecdelatentativeduTorvaldsland,ilsemblaitprobablequ’ungroupeouunetribuaitperdulepouvoir.Ilmeparutclair,alors,qu’uneforcenouvelleétaitvenueaupouvoirparmilesennemisdesSardar,uneforceprête,sinécessaire,àsacrifieruneplanètepourconquérirl’autre.

LeKuravaitlevélepoingfermé.Ilnerestaitplusdejours.Jefistoutmonpossiblepournepasmelaisserdistancer.

Le trafic d’esclaves avait cessé.De toute évidence, les responsables importants, surtoutceuxquiparlaientleslanguesdelaTerre,avaientétéévacués.Lesautres,ignoranttoutdelastratégiedelaguerreinterplanétaire,resteraient.IbnSaranlui-même,àmonavis,malgrésonintelligence,n’imaginaitpasqu’iljouaitunrôlededupedansceplanenprécipitantlaguerretribale,cequiavaitpoureffetd’interdireledésertauxintrus,auxétrangers,qu’ils’agissedes

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agentsdesPrêtres-Roisoudereprésentantsd’autresgroupesdeKurii.JepensaiquelesKuriidevaient être aussi désunis que les hommes car il s’agit également d’animaux jaloux,orgueilleuxetterritoriaux.

JecomprisqueGorseraitdétruite.Celaélimineraituneplanète,maisaussi lesPrêtres-Rois, et laisserait la Terre sans protection, vulnérable aux attaques des flottes desmondesd’acier.Ilvalaitmieuxuneseuleplanètequ’aucuneplanète.

BienquelesoleilbrûlantduTaharisoitauzénith,l’animalnes’arrêtapas.LeKur,commelesgrands félins, chassequand il a faim,mais c’estunanimalmagnifiquementadaptéà lanuit.Savisionnocturneestpeut-êtrecentfoismeilleurequecelledesêtreshumains.Ilpeutvoiràlaseuleclartédesétoiles.Ilneseraitaveuglequedanslenoirtotal,commeaufonddesMinesdeKlima.Lespupillesdesesyeux,commecellesdesfélins,peuventprendrelatailled’une tête d’épingle ou bien devenir de grandes lunes sombres, sensibles à la lumière,capablesdeperceptionssubtilesdanscequiserait,pourunêtrehumain,lenoircomplet.LeKur,engénéral,sortdesonrepaireaucrépuscule.C’estàcemoment-làquesesnarinessedistendent, que ses oreilles se dressent et qu’il se met à chasser. J’étais persuadé que ladestructiondumonde,conformémentauxhabitudesdesKurii,aurait lieuàlatombéedelanuit.C’estàcemoment-là,engénéral,queleKursemetenchasse.

Enfind’après-midi, leKurpoussauncriderage.Ilsetenaitausommetd’unedune,dusablepresquejusqu’auxgenoux,dansuntourbillondesable.Levents’étaitlevé.Safourrureflottait.

Leventavaitànouveautournéàl’est.Quelquesinstantsplustard,latempêtecommença.LeKuravançadansleventchargéde

sable. Le ciel était noir. Je tenais la fourrure de son bras, luttant pour ne pas perdrel’équilibre. Soudain, le Kur s’arrêta, s’appuyant contre le vent. J’ouvris les yeux et vis,brièvement,devantmoi,àmoinsdecentmètres,dansuntroudelatempête,quiserefermarapidement, penché sur le côté, partiellement enfoui dans le sable, un cylindre d’acier ; ilfaisait environ quatre mètres de diamètre ; une douzaine de mètres étaient exposés ; ausommet,j’aperçusdestuyères;c’étaitunvaisseauquis’étaitécrasédanslesable.

LamainduKurserefermasurmonbras.Ilestdifficiledeparlerdecequejevisensuite.LeKur,prèsdemoi,melâchalebras.Avec

lamaindroite,ilpritl’anneauqu’ilportaitàsamaingauche,audeuxièmedoigt,ettournalechaton à l’intérieur, de sorte que la plaque d’argent soit tournée à l’intérieur. Sur la partievisibledel’anneau,ilyavaitunboutonrondqu’ilenfonça.Pendantquelquesinstants,danslesable,ilparutmiroiter,puisjenevisplusquelestourbillonsdesable.J’étaisseul.

Je compris alors qu’il chassait en direction de la tour. À quatre pattes, je fis quelquesmètres vers la tour. Je la vis ànouveau,brièvement,dansunedéchirurede la tempête.Laconception me parut primitive. Les tuyères faisaient penser à une fusée à combustibleliquide.Ellen’étaitpasenformededisque.Jesupposaiqu’ils’agissaitd’unvaisseaudémodé,peut-être d’une épave, même un vaisseau antique, pratiquement un fuselage abritant unebombe.

Jefrissonnaienpensantàlapuissancecachéedanscettecarcassed’acier.Je voulus fuir dans la tempête. Mais je savais qu’il était impossible d’échapper à ce

vaisseauinerte.«Méfie-toidelatourd’acier.»avaitétégravésurlerocher.C’étaitunearmeposéesurlatempedumonde,etquiseraitactionnéeàlatombéedelanuit.

Je crus entendre, sauvages, mais ce fut difficile à dire dans le vent, des hurlementsd’hommes.Puisj’entendislecrid’unKuretquatreexplosionsensuccessionrapide.

Ensuite,jen’entendisquelevent.

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J’attendisplusd’unquartd’ahn.Puisjelesentisprèsdemoi.L’airmiroita.Ilvacillait.LeKur était devant moi. Ses pattes étaient rouges. Il avait quatre trous d’un centimètre dediamètre,unàlacuissegaucheettroisdanslapoitrine.Sesyeuxétaientvitreux.Ilmetournaledos.Dans sondos, aux endroits où la force était sortiede son corps, il y avaitdes trouscorrespondant à ceux de sa poitrine et de sa cuisse. Je sentis la chair brûlée. Une fuméeblanche, mince, semblable à la fumée de la glace sèche, s’échappait des trous, puis étaitemportéeparlevent.LeKurs’effondrasurlesable.Jem’agenouillaiprèsdelui.Ilouvritlesyeux.Ilmeregarda.

«Est-ceaccompli?»demandai-je.«Lamissionest-elleremplie?»Avecsapatteensanglantée,l’animalretiral’anneauqu’ilportaitaudoigt.Illepoussavers

moi.Ilétaitcouvertdesang,celui,supposai-je,deshommesqu’ilavaittués.L’anneaun’étaitpas conçupour un être humain. Il faisait trois centimètres de diamètre. Je serrai l’anneauentremesmains.Avecunebandedecuir,arrachéeauxbandesdemespieds,jelemisàmoncou.

L’animal gisait dans le sable. Il saignait lentement. Je présumai qu’il n’avait plusbeaucoupdesang.Enoutre,laforcequiavaitpénétrésoncorpsavaitapparemment,brûlante,partiellement cicatrisé les blessures.C’était comme si unpique-feubrûlant, chimiquementactif,luiavaittraversélecorps.Lesablerougitsousl’animal.Jeprislesbandesdemespiedset lesenfonçaidans lesblessures.L’animalmerepoussa. Il leva lebrasvers l’endroitoù lesoleilauraitdûsetrouver,s’ilavaitétévisible.

Jemelevai,vacillant,prèsdelui.Puis,danslatempête,jeprisladirectionduvaisseau.Prèsduvaisseau,jetrouvailesruinesd’unabridepierresetdetoiles.Éparpillésautour,il

y avaitdeshommes. Jenepensaipasqu’ils soient vivants. Jeme figeaiquand j’aperçus, àtraversleventetlesable,unautreKur.Ilétaitarmé.Danslapattedroite,ilserraitunpetitappareil.Ilétaitperché,scrutantlatempête.

Je fus stupéfait de trouver un Kur près du vaisseau. Je crois que le Kur quej’accompagnais n’avait pas prévu cette éventualité. Les Kurii, comme les hommes, nes’exposentpasvolontairementàladestruction.Pourtant,unKurgardaitlevaisseau.Jesavaisque ce serait un animal déterminé, désespéré. Il était prêt à mourir, apparemment, pourassurer le succès du plan de ses supérieurs. Je suppose que de nombreux Kurii s’étaientopposés pour avoir cet honneur. Les Kurii ne croient pas à l’immortalité. Ils croient,cependant,àlagloire.CeKur,entretous,danslacruellesélectiondesmondesd’acier,avaitsurvécu.C’étaitleplusdangereux.Ilsetournaversmoi.

Jevissapatteseleveretmejetaisurlecôté.Unegrossepierrecarrée,prèsdemoi,unedecelles qui tenaient la toile, sauta, fendue en deux, brûlée, presque à l’instant où j’entendisl’explosionproduiteparl’arme.

JecroisqueleKurfutstupéfaitdemevoir.Ilnes’attendaitpasàvoirunhumainprèsduvaisseau.Peut-êtreest-cecelaqui,danssonréflexe,l’amenaàmalviser.Puislestourbillonsdesablenouscachèrentl’unàl’autre.Jem’éloignaidel’abrienrampant.Jelevis,deuxfois,dansdesdéchiruresdelatempête.Maisluinemevitpas.Lorsquejel’aperçusànouveau,ilsetournaversmoi,penché.Jereculai.Ilapprocha,danslesable.Ilnetirapas.Ilpointaitsonarme vers moi. Il s’efforçait de ne pas perdre l’équilibre. Je supposai que son arme necontenaitqu’unnombrelimitédecharges.Ellenetiraitpasunrayonmaisfonctionnaitplutôtcommeune arme à balles. Soudain, je sentis l’acier du vaisseau contremon dos. L’animalsortitdestourbillonsdesable.Jevisseslèvresseretrousser; ilpritsonarme,dansleventviolent, à deux mains ; j’appuyai sur le bouton rond de l’anneau que je portais au cou.Soudain,jevisleKurcommedansunelumièrerougeetlesable,également,rougeetnoir.Il

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parutstupéfait,cequimesurprit;ilhésita; jebondissurlecôté.Ladéchargedel’armedepoing frappa l’acier du vaisseau. Il y eut un trou noir, commepercé avec unemèche ; desgouttelettesdemétalcoulèrentsurleflancduvaisseau.

Jecomprissoudain,avecexaltation,queleKurnepouvaitpasmevoir.L’anneau contenait un appareil de diversion de la lumière, produisant un champ dans

lequel se trouvait le porteur. Nous voyons grâce aux ondes lumineuses réfléchies par lestexturesdiversesdessurfacesd’ondesquistimulentlesrécepteurssensoriels.Lechampquim’entourait, supposai-je, rendait à ces ondes leur texture d’origine ; ainsi, une ondelumineusedonnéedanslespectrevisuelnormal,aulieudemetoucheretd’êtreréfléchieendirection des organes récepteurs d’un autre organisme, était détournée ; de même, lesstructureslumineusesdesobjetsquisetrouvaientderrièremoiétaientdétournéesautourdemon champ et reconstituées devant afin d’impressionner, comme si je n’étais pas là, lesrécepteurs visuels de l’organisme qui me regardait. La lumière grâce à laquelle je voyaischangeait de spectre ; elle était, originellement, à mon avis, dans la partie non-visible duspectre,peut-êtrelapartieinfrarouge,quipouvaitpénétrerlechampmaisétaittransforméede telle manière par celui-ci que, de l’intérieur, je pouvais voir, grâce à elle, le mondeextérieur.CetappareilauraitétéinutileparmilesPrêtres-Roiscarilsnecomptentguèresurlesrécepteursvisuels.ChezlesKurii,jen’étaispascertaindesonefficacité.LesKurii,commeleshommes,sontdesorganismesprincipalementvisuels,maisleurouïeetleurodoratsontconsidérablementplusaiguisés.

J’ignorais de combien de charges disposait l’arme duKur. En outre, j’étais désarmé. Jeplongeaidanslestourbillonsdesable.Jem’accroupis.

Le hurlement du vent dissimula le bruit demesmouvements ; la violence des rafalesdevait dispersermon odeur, l’éparpillant dans toutes les directions, ne fournissant auKurquedessensationsrapides,incertaines,trompeuses,confuses.Ilnepouvait,pourlemoment,melocaliser.Jelevis,rougedanslestourbillonsdesable,sedéplaçant,l’armeaupoing,mecherchant.

Jemedemandaipourquoi leKuravecqui j’avaismarché,quiportait l’anneau,avait ététouchéquatre foispar l’armeduKurquimecherchait.Enoutre il avait été touché, simessuppositions étaient bonnes, de face. Ce n’était pas comme si le Kur armé l’avait surpriségorgeantunhommeetavaittiré.

IlmeparutprobablequeleKuraitététouchéalorsqu’ilsedétachait,peut-êtredansuneouverture,l’autreKur,leflairant,l’entendant,faisantfeupendantqu’ilentrait.LeKurarmé,ensuite,étaitsorti,lecherchant,pourl’achever.

Iln’avaitpascomptésurunallié,unêtrehumain.Les mêmes pensées avaient dû traverser le cerveau du Kur et le mien, mais je ne

connaissaisnil’emplacementnilanaturedel’entrée.Jelevisretournerverslevaisseau,abandonnantlesrecherches,seconsacrantànouveau

àsonobjectifprincipal.C’est ainsi qu’il me conduisit à l’entrée. Il l’atteignit avant moi. Il grimpa, ses griffes

crissantsur l’acier,puiss’accroupità l’intérieur.L’ouverturedevaitêtre lapartieextérieured’un ancien sas ; elle était rectangulaire ; la porte extérieure manquait ; il y avait desmorceauxdemétaltordu,surlecôtédel’ouverture,commesilaporteavaitétéarrachéeàsesgonds rouillés ; l’animal était accroupi dans le sas, regardant la tempête. Puis il disparut àl’intérieur.

Mon cœur se serra ; le temps jouaitpour lui ; lanuit tomberait bientôt ; il lui suffisaitd’attendre.

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Jeretournaiprèsdespierresetdestoiles;là,àtâtons,jelocalisaiuncorpspratiquemententier.D’autresavaientlatêteoulesbrasarrachés.

Jetraînailecorpscontrelevaisseau.BienqueleKurnelesaitpasutilisées,ilyavaitdesentailles dans lemétal, probablement utilisées par les humains pour entrer et sortir. Uneéchelle métallique, tordue, était fixée au flanc arrondi du vaisseau. Compte tenu de lapositionduvaisseau,cependant,l’échellefaisaitapproximativementunangledevingtdegrésavec le sol et se trouvait à sixmètres du sable ; elle ne pouvaitme servir. J’utiliserais lesentailles. Je n’essayai pas d’être silencieux. Je grattai le flanc du vaisseau. Jem’arrangeaipourqueleKurdel’intérieur,s’ilpouvaitentendre,soitpersuadéquequelqu’ungravissaitleflancduvaisseau,traînantunpoidsinerte,probablementuncadavre.

JesavaisqueleKurdevaitêtrerusé,sinonexceptionnellementintelligent.Cen’étaitpasparhasardqueceKur,etpasunautre,s’étaitvuconfiercettemissionterrifianteconsistantàprotégerunebombecapablededétruireuneplanètejusqu’aumomentoùelleexploserait.

Mais il devait également être nerveux. Et, dans la tempête, il ne devait pas voirdistinctementl’extérieur.Ilsupposeraitquejenerenonceraispasàlaprotectiondel’anneaud’invisibilité.Unediversionseraitinefficacecarqu’est-cequipourraitamenerleKuràquittersaposition?Silesangdeshumainsmassacrésn’avaitpassuffiàvaincresonobéissanceauximpératifs ténébreux des mondes d’acier, je ne pourrais rien imaginer qui puisse l’attirerdehors.Ilavaitrésistéausang;lavolontédeceKur,quiparvenaitàrésisteràsesinstincts,devait être exceptionnelle. Il supposerait, sansdoute,que je le ferais tirer surunappât, enprofitantpourmeglisserdans le vaisseau.Le seul objetutilisabledansun tel plan était lecadavre d’un humain tué par leKur avec qui j’avais traversé le désert. Je ne tentai pas derestersilencieux.Jemanifestaiclairementque j’étaisà l’extérieur,que jegravissais le flancduvaisseau,quejetraînaisunobjetinerte,probablementuncadavre.

Unplanvalable,mesemblait-il,consistaitàjeteruncorpsinertedansl’ouverture,attirantainsilefeuduKurquisetrouvaitàl’intérieur.Peut-êtrealors,danslaconfusion,pourrais-jemeglisseràl’intérieur,invisible.

Ceseraitlastratégieélémentairedel’appât.C’étaitunplanvalable.Jenel’adoptaicependantpas.LeKurattendaitàl’intérieur.Jene

pensaispasquejedisputaisunepartiedeKaissaavecunimbécile.Mais j’utiliserais la stratégiede l’appât.Seulement, c’estmoiqui serais l’appât.Derrière

l’appât, il n’y aurait rien. Une chose à laquelle le Kur ne s’attendrait pas serait que jerenonceraisàlaprotectiondel’invisibilité;lachoseàlaquelleilnes’attendraitpasseraitquejem’offriraismoi-mêmeaufeudesonarme.

Jem’agrippaiaucôtédel’ouverture.Jeserrailecorpscontremoi,letenantdemanièreàcequ’ilnes’écartepasduflancduvaisseau.

Je comptai lentement cinqmille ihns afin que les réflexes du Kur, à l’intérieur, soienttendusàcraquer,quelapuissancenerveusedel’animalsoitenéquilibreinstable,quetoutesles fibres et tous les instincts de son corps hurlent d’envie de presser sur la détente aumoindremouvement.Mais je comptai, également, sur son intelligence, son calme,pensantqu’ilnetireraitpasaupremiermouvement,surtouts’ilétaitvisible.

Leventhurlaitetlesabletourbillonnaitautourduvaisseau.J’appuyaisurleboutonrondde l’anneau que je portais au cou. Je vis à nouveau dans le cadre du spectre normal. Jecompris alors que je voyais dans la lumière des lunes ;mon corps se couvrit de sueur ; ilfaisait nuit.Mou, comme si onmepoussait par-derrière, jemepropulsai,maladroitement,dans l’ouverture et tombai en avant. À peine étais-je tombé dans le sas que j’entendis,puissantes,au-dessusdemoi, lesexplosionsde l’armequitiracinqfois ;presqueaumême

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moment, leKurbonditàl’intérieur,sortantd’unenchevêtrementdetubes,etpassaprèsdemoi;sonpiedseposasurmonépaule;ilscrutalatempête;ilexaminalecorps,enbas,quiavaitglissécontreleflancduvaisseautandisquej’entrais,dufaitquejel’avaislâché;ilparutun instant troublé ; il tira encore deux fois sur le corps ; il franchit l’ouverture, tournant,glissantsurl’acier,puisdescenditaupiedduvaisseau.

Jemeremisenmouvement,franchissantlaporteintérieure,quiétaitouverte,attachéedemanièrequeleKurpuissetirercorrectement.Jemeglissaiàl’intérieur,faillistomber,mespiedscherchantunappui.Jeletrouvai.J’entendisleKur,dehors,hurlerderage.Jetentaidefermer le sas,mais lesgondsétaient rouillés et laporte refusadepivoter.Peut-être leKuravec qui j’avais marché, avec la frénésie de la force d’un Kur, les avait-il tordus avant derecevoirlesquatrechargesdel’armedel’autreKur.J’entendislesgriffesduKurcrissersurl’acier,dehors.Jecherchail’anneauquejeportaisaucou.Iln’yétaitplus.Lalanièredecuir,desséchée,uséeparlesoleil,avaitcassé.J’entendisleclaquementdel’arme.Jelevailatête.Elleétaitàmoinsdequarantecentimètresdematête.Elleclaquaànouveau.Jetombaidansl’obscuritéduvaisseau.Ilétaitvide.LeKurpoussaunhurlementrageur.Jetombai,heurtantdesobjets,glissant,surdouzeouquinzemètres.Puisjefusarrêtéparuneparoi.Jelevai latête. L’intérieur du vaisseau fut soudain éclairé. Dans le cylindre, au-dessus demoi, dansl’ouverture,lamainsurledisque,setenaitleKur.Ilmeregarda.Seslèvresseretroussèrent.Il avait jeté son arme. Je regardai désespérément autour de moi. L’intérieur du vaisseau,compte tenu de sa position, semblait étrangement décalé. En outre, il n’était pas aussicompactquejelepensais,aussipleindemachines,detableauxdecommandesetdeplacards.On avait retiré beaucoup de choses, apparemment pour l’alléger. Je vis le Kur, aisément,gracieusement compte tenude sa taille, avec ses longs bras, d’un tube à l’autre, descendreversmoi. Lorsqu’il arriva àmonniveau, je tentai de remonter,m’accrochant aux tubes. Samainserefermasurmachevilleetjefusobligédelâcherprise.Ilmesouleva,mejetacontrelaparoiduvaisseauetjetombaiaupieddelaparoi,tombantdetroismètresdanslesrestestordus,brisés,delacoque,glissaiànouveauettombaisurdesdébrisetdesmorceauxdefilélectrique.Jememisàquatrepattes.J’entendis leKurapprocher.Sousdestubes,soudain,en dessous de moi, je vis l’anneau. Je me glissai à plat ventre, le bras tendu. Je ne pusl’atteindre. Je me levai péniblement. Le Kur baissa la tête et vit également l’anneau. Jereculai,trébuchantunpeu,danslesdébrisetlesfils.Jelevailatête,danslecylindreinclinéduvaisseau.Dix-huitouvingtmètresau-dessusdemoi,jevissixcadrans.LeKurtenditsonlongbras.Jemepenchaisurletasdedébrisetdefils.LebrasduKurétaitassezlongpouratteindrel’anneau,contrairementaumien,maisl’enchevêtrementdetubesderrièrelequelilétaittombéétaittropdensepourqu’ilpuissepasserlebrasàtravers.Jegrimpai,grâceàdesexcroissances, des tubes, contre la paroi tordue, en direction des cadrans. LeKur saisit lestubes,pourlesécarter.Illesavaitécartésdequelquescentimètreslorsqu’ilmevit.Ilhurladefureur. Il cessa de s’intéresser à l’anneau. Il semit aussitôt à grimper versmoi. Ilmontarapidement,déterminé.

Je m’accroupis sur une poutre métallique qui traversait le cylindre, en face des sixcadrans. Les quatre premiers cadrans étaient immobiles. Les deux derniers bougeaienttoujours. Chaque cadrann’avait qu’une seule aiguille. Chaque cadran était divisé en douzeparties. Les aiguilles des quatre premiers cadrans étaient verticales. Je ne pouvais lire leschiffresdescadrans.Jesupposaiquelapositionverticaleétaitéquivalenteàdouzeouzéro.C’était, de toutemanière, la position, manifestement, où les appareils étaient arrêtés. Lesaiguillesbougeaientensensinversedesaiguillesd’unemontre.

LeKurgrimpaitversmoi.

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Lepremiercadran,àmonavis,indiquaitunéquivalentquelconquedesmois,ledeuxièmelessemaines,letroisièmelesjours,lequatrièmelesheures.J’ignoraisletempsderévolutionde laplanèted’originedesKurii,etson tempsderotation.J’étaispersuadé,cependant,queces mesures étaient calquées sur les mouvements d’une planète, probablement disparue,détruiteparlesguerres.Ilsavaientdétruitunmonde;ilsenvoulaientàprésentunautre.

Aveclesdents,j’arrachail’isolantd’unmorceaudefilquej’avaisprissurletasdedébrisetdefilsetemporté,entremesdents,engrimpant.

Je fis une boucle à l’endroit où le fil était nu. Tandis que leKurmontait versmoi,metournantledos,jeluipassailaboucleautourducouetlaserrai.Iltentad’arracherlefilfinavecsessixdoigtsépais,maisilnepouvaitlesglisserdessous.Jemejetaidanslevideetlefilécarta leKur de la paroi de sorte qu’il fut pendu, se débattant, tandis que jeme balançaisquelquesdizainesdecentimètresendessousdelui.Iltenditlesbrasmaisneputriensaisir.Il tentadeprendre le fil,d’ygrimperoudediminuer lapressionquis’exerçaitsursoncou,maissespattesglissèrentsurlefilament;puissonpoidsmefitmonter;accrochéàlapartieisoléedufil,jerepoussaileKuràcoupsdepiedlorsqu’iltentadesesaisirdemoi;puisjefusau-dessusdelui,sonpoidsmetirantverslapoutre;lesépaulesduKurétaientcouvertesderouge;desflotsdesangbouillonnants’échappaientdesagorge;jemecampai,latêteenbas,les pieds sur la poutre, pourmaintenir leKur enplace ; puis, d’un seul coup, le fil cassa ;quandlefilcassa,j’étaispresquehorizontalparrapportàlapoutre,tentantd’éviterd’êtretiréau-dessus,tentantdetenirleKur;laforcedemesjambes,délivréessoudaindupoidsduKur,me jeta pratiquement de l’autre côté du vaisseau et jem’accrochai à des tubes. LeKur, secognantquatrefois,tombatoutaufondduvaisseau,dix-huitouvingtmètresplusbas,plusbasquelaporte,plusbasqueleniveaudusable,dehors.

Jeregardailescadrans.L’aiguilleducinquièmecadranétaitpresqueverticale.Jesavaisque,dehors,ilfaisaitnuit.Latempêtefaisaittoujoursrage.Lescadransétaientprotégésparduverreépais.Jemontaisurlapoutred’oùj’avaisprisle

Kur.Jenepouvaisatteindrelescadrans.Jeregardaidésespérémentautourdemoi.Jenepouvaislesarrêter.En bas, avec horreur, je vis le Kur, masse de sang, se relever péniblement. Il saignait

encore,abondamment,delagorge.Jefusconvaincuqu’ungrosvaisseaudesoncouavaitétédéchiré,sinoncoupé.

L’animalsemblaitindomptable.Saforceétaitpresqueinconcevable.Il grimpait lentement. Je vis son visage levé, ses yeux terribles, ses crocs, les oreilles

couchées sur le crâne. À la force des bras, lentement, à présent, difficilement, centimètreaprèscentimètre,ilgrimpait.

Jeprisunmincetubequisetrouvaitau-dessusdematête,tirantviolemmentdessus.Ilcontenaitdesfils.Frénétiquement,jetentaidel’arracher.Jenepouvaislefairebouger.

L’animal était proche, à présent, et grimpait toujours. Je vis ses yeux. Il gravit encorequelquescentimètres.

J’arrachai enfin le tube. L’aiguille du cinquième cadran s’arrêta soudain. L’aiguille dusixième cadranmonta vers la verticale, dans le sens inverse des aiguilles d’unemontre. Àmon avis, elle ne mettrait que quelques secondes. Je frappai à coups répétés le sixièmecadran,faisantvolerleverreenéclats.JevisleKur,moinsdetrentecentimètresau-dessousdemoi.Il tentade lever lebras,pourmesaisir.Lesangnecoulaitplusdesagorge.Ilétaitmort.Iltombacontrelestubesdelaparoiduvaisseau,puisauniveauinférieur.

Jeplantai lemincetube,depuis lapoutre,commeune lance,dans lecadran.Lasixièmeaiguille,uninstantplustard,heurtacetobstacle,s’arrêtantavantlaverticale.

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Couchésurlapoutre,jepleuraieteuspeurdetomber.Quandj’euslecouragedebouger,jesortisduvaisseau.Dehors,latempêtes’étaitcalmée.

Jeretrouvai,danslesable,leKuravecquij’avaismarché.«Lamissionestaccomplie,»luidis-je.«C’estfait.»Maisilétaitdéjàmort.Seslèvresdécouvraientsesdents,mimiqueanalogue,d’aprèscequejesais,chezlesKurii,

ausourire.Àmonavis,iln’estpasmortmalheureux.Jeretournaiauvaisseauoùjetrouvaibeaucoupdenourritureetd’eau.Lesjourssuivants,

soigneusement,demonmieux,lesdébranchant,jedémontaietdétruisislescomposantsduvaisseau. Plus tard, les Prêtres-Rois trouveraient le vaisseau et le désamorceraient pluscorrectement.J’enterrai leshommesquiétaientmortsprèsduvaisseau.Jesortis leKurduvaisseau,maisjen’enterrainil’unnil’autre.Jeleslaissaiauxcharognardsdudésertcarilsn’étaientquedesanimaux.

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22

JEMEPROCUREUNKAIILA

J’ÉTAIS accroupi entre les tuyères, à une vingtaine demètres du sol, au sommet du grandvaisseaupartiellementenfoncédanslessablesduTahari.Lestuyères,faisantfaceausoleil,étaient pleines de sable. Entre elles, j’avais construit un abri qui me protégeait du soleil.J’accédaisausommetduvaisseauavecunecorde.Jebuvaisdel’eau,regardantapprocherlesdeuxcavaliers.Del’endroitoùjemetrouvais,jepouvaisvoirplusieurspasangsàlaronde.Ledésertétaitclair.

Commejel’avaissupposé,ilyavaitdescontactsentrelevaisseauetlesagentsdesKuriidans la région, les hommes d’Abdul, Ibn Saran, l’Ubar du Sel. La nourriture et l’eau, lesprovisions, avaient dû être apportées à dos de kaiila. Il y avait probablement desapprovisionnementsde routine, oudes communications, avec les agentsdesKurii,maisnipar radio ni par l’entremise d’appareils comparables qui auraient pu attirer l’attention desstationsd’écoutedesSardar.Lestournéesd’approvisionnementdevaientêtrepréparéesdessemaines à l’avance. Les programmes devaient être conçus pour dépasser la date dedestruction de la planète, afin de ne pas éveiller la curiosité et les soupçons des agentshumains des Kurii. Les hommes qui approchaient, conduisant quatre kaiilas de trait, nesavaient rien. Ils approchaient lentement, à lamanière nonchalante du Tahari. Il n’y avaitriend’exceptionnel,deleurpointdevue,surleplandelalivraisonetdeladateàlaquelleelleavait lieu. Je souris.Laplanète aurait pu exploser sous leurspieds.Pourtant, ils arrivaienttranquillement.

Jefussatisfaitdelesvoir.J’avaisenvisagédesortiràpieddudésert.Ilyavaitbeaucoupdenourriture et d’eaudans le vaisseau. J’aurais dû fabriquer un traîneau, avec unharnaispourlesépaules,quej’auraisfaitglissersurlesable,chargéd’eauetdenourriture,etj’auraispumarcherdenuit,mais j’yavais renoncé.Jenesavaisniàquelledistancenidansquelledirection se trouvaient les oasis. J’aurais pu errer dans le désert pendant des semaines,jusqu’àcequemesprovisionssoientépuisées.J’auraispurencontrerdescavaliershostiles.J’aurais étéàpied.J’ignorais combiende tempsdurerait l’énergiede l’anneau.Je supposaiqu’il ne pouvait produire son champ que pendant une période donnée. Si je rencontraisplusieurscavaliersjepourrais,grâceàl’anneau,leuréchapper,maisjepourraisaussiperdremesprovisions. Ilme fallaitunkaiila ; ilme fallaitunedirection.Enune journée, s’ilboitcorrectement, un kaiila fort peut couvrir une distance qu’il faudrait des semaines pourparcouriràpied.Enoutre,lekaiilatrouvesouventdel’eau.

Ilnemeparaissaitpasimprobablequ’ilyaitunsignaldereconnaissance,donnépar lescavaliers arrivant à proximité du vaisseau, auquel un autre signal répondait, avant qu’ilsfassent approcher leurs kaiilas. Faute de le recevoir, j’étais persuadé qu’ils approcheraienttrès prudemment ou, tout simplement, s’en iraient. J’ignorais quelles étaient leursinstructions.Jen’étaispasprêtàprendrelerisquedeladeuxièmesolution.Jejetail’abriquej’avaisconstruitsurlesable,derrièrelevaisseau.Jejetaiégalementlabonbonnemétallique

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pleined’eau.Puis,grâceàlacorde,égalementderrièrelevaisseau,jedescendislentementàlaforce des bras. Bien que je puisseme tenir, invisible, dans le champ de l’anneau, le sable,déplacé, révélerait mes mouvements et ma présence. Si j’attaquais un cavalier, invisible,l’autre,alerté,fuiraitpeut-être,prisdepaniqueetterrifié.Surlesable,aupieddufuselage,jebusabondamment.Puisj’allaidansledésert.

«Àboire!»criai-je.«Àboire!»Les cavaliers s’arrêtèrent à cent mètres de moi. Je ne venais pas de la direction du

vaisseau.«Àboire!»criai-je.J’avançaisentrébuchant.Jevacillaiettombaiplusieursfois.Ilsmelaissèrentapprocher.Jelesviséchangerunregard.Jetombaisurungenouetme

relevaipéniblement.Jetendislamaindroiteverseux.J’avaisdusabledanslescheveux,surlecorps.J’avançaiscommesi j’avaismal,commesi jesouffraisdecrampesabdominalesetmusculaires,commesij’avaislevertige.Jevacillais.

«À boire ! » criai-je. «À boire, je vous en prie ! » Jem’arrêtai à une cinquantaine demètresd’eux.Jelesvisdégagerleurslances.

Jetombaiàplatventresur lesable.Jegardai latêtebaissée.Danslesable, jesouris.Jeconnaissais ces hommes. Je les avais vus chevaucher. Il s’agissait vraiment d’agents desKurii,deséidesd’IbnSaran,Abdul,l’UbarduSel.Ilsétaientparmilesgardiensdelamarchejusqu’àKlima.

«Debout!»crial’und’entreeux.Ilétaitàunequarantainedemètresdemoi.Jemerelevaipéniblement, lespiedsenfoncésdans lesable.Jevacillais.Je lesregardais

stupidement.J’avaislesoleildansledos.Cen’étaitpasparhasard.Celuiquis’appelaitBaram,leplusadroit,feraitlepremierpassage.«Àboire !»criai-je.«Àboire, jevousensupplie !» Il étaitdroitier. Ilpasseraitàma

droite.Jeregardai la lance.Elleétait longue,mince, faisaitapproximativement troismètresdelong.Elleétaitdécoréedelignesrougesetjaunes,enspirales;elleétaitterminéeparunepointeextrêmementétroite,d’aciertranchantcommeunrasoir,devingt-cinqcentimètresdelong,lancéoléecommeunefeuilledeflahdah.Cen’étaitpasparhasardquejemetrouvaisàcetendroit.Jevoulaisquelepasdesonkaiilasoitrégulier.Lesable,entrenous,étaitlisse.Jejaugeail’angledesalance.Ilfrapperaitàlatête;jesupposaiqu’ils’agissaitdel’oreilledroite.Celaseraitfacileàvoirlorsquelapointefonceraitsurmoi.Onfeintesouventaveclapointe,ladéplaçantd’uncôtéetdel’autre,lalevantoulabaissant,pendantunebataille;mais,dansunjeu,laprécisioncomptaitdavantagequelaruse;jeregardailecavalier;jevissonsourire;lekaiilasecabra;jevislalancesemettreenposition;ils’amusait;moi,jefaisaislaguerre.

Ilneseméfiaitpas;toutesonattentionétaitconcentréesurlacible;croyait-ilquej’étaisunesclavedesPlainesdesPeuplesdesChariots,debout,untopsitdanslabouche,pourqu’ilpuissedémontrersonadresseàlalance?

Jefisunpasdecôtéet,àdeuxmains,unmètrederrièrelapointe,metournant,saisislalance ; le cavalier, avec un cri, fut désarçonné et roula dans le sable tandis que son kaiilas’éloignaitaugalop;lalanièredelalancecassa;jelevailalanceet,tandisqu’ilroulaitsurledos, les yeux pleins d’horreur, lui passai la lance à travers le corps, le clouant au sable ;j’arrachai l’arme, posant le pied gauche sur lui et pivotai pour affronter la charge de soncompagnon.Jefusstupéfait.Iln’avaitpaschargé.Iln’avaitpassaisisachance.Iln’étaitpasadroit.

Jeluifissignedecharger.Ilrestaimmobile.Sonvisageexprimaitlapeur.Jeluitournailedoset,lentement,avecinsolence,allaichercherlekaiiladontlaselleétait

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vide.S’ilavaitapproché,jel’auraisentendu.Je pris la rêne de l’autre animal. Les kaiilas de trait étaient près de l’autre homme,

personnenes’occupantd’eux.Jemis le pied dans l’étrier etmontai en selle. L’autre cavalier fit pivoter son kaiila et

s’enfuit.Ilnégligealesanimauxdetrait.J’allaiprèsdesanimauxdetraitetlesconduisisprèsduguerriermort.Ilneseraitpasdifficiledesuivrelapistedel’autrehomme.Jeleferaistranquillement.Je

pris ce dont j’avais besoin au guerriermort : bottes, armes et vêtements. Je ne pris pas lachemisecarelleétaitpleinedesang.Puis,surmonkaiila,conduisantlesautresanimaux,jeretournai près du vaisseau pour faire l’inventaire des paquets et, avec les provisions duvaisseau,choisircequej’emporterais.

Ilneseraitpasnécessairedesuivrelapistedesdeuxcavaliersquiétaientvenusjusqu’auvaisseau.Ilyavaitunepisteplusfraîche.Lefuyardmeconduiraithorsdudésert.Iln’avaitcertainementpasplusd’uneoutred’untaluàsaselle.

Jedormisjusqu’enfind’après-midipuis,lorsqu’ilfitfrais,leskaiilasayantmangéetbu,jepartis.Danslalumièredeslunes,lapisten’étaitpasdifficileàsuivre.

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23

JEFAISLACONNAISSANCEDEHAROUN,GRANDPACHADESKAVARS

J’ENTENDAISlestamboursdeguerre.«Pourquichevauches-tu?s’enquitunhomme.— « Je chevauche pour les Kavars, » répondis-je. Je poussai mon kaiila, avec la file

d’animauxdetrait,surl’autreflancdelacolline.L’épave,nue,lespoignetsliésetattachésàunelaissefixéeàmonpommeau,trébuchaitderrièremoi,surlecôté.Jeluiavaismêmeprisses bottes. Il boitait presque ; ses pieds étaient couverts de sang ; ses jambes étaientcouvertesdepoussièreetdesueurettachéesdesangparcequ’ilm’avaitsuivi,attaché,dansles buissons. Je l’avais pisté pendant quatre jours, utilisant sa tracepuis, lorsque je l’avaistrouvé dans le sable, délirant et faible, tremblant, assoiffé, incapable de bouger, je l’avaisdéshabilléetattaché.Jeluiavaisdonnédel’eauetdusel.Puisj’étaisremontéenselle.

«Net’envapas!»sanglota-t-il.—«Jen’aiplusbesoinde tapiste,»avais-jerépondu.«Àprésent, jepeuxretrouver le

RocherRouge.»—«Nemelaissepas!»cria-t-il.Ilétaitàgenoux,nu,surlesablebrûlant, leschevilles

attachées,lespoignetsliésdansledos.Lentement, jem’éloignaide lui.Quand j’eusparcouruquelquesmètres, jemeretournai

surmaselle.— « La guerre va éclater, » dis-je. « Les Kavars, les Aretai et leurs tribus vassales se

rassemblent.»—«Nemelaissepas!»crial’homme.Ilnepouvaitselever.—«Sais-tuoùsedérouleracetteguerre?»luidemandai-je.—«Oui!Oui!»cria-t-il.Jeleregardai.«Oui,»dit-il.«…Maître.»—«Peux-tum’yconduire?»m’enquis-je.—«Oui,Maître!»s’écria-t-il.«Oui,maître!»Sonkaiilaétaitparti.Leskaiilasdetraitétaientattachéslesunsauxautres,lalonguerêne

du premier animal étant enroulée autour du pommeau de ma selle. Je redistribuai lesfardeauxdesanimaux.Jedétachaileschevillesdel’hommeetlemis,lesmainstoujoursliéesdans le dos, sur l’animal de tête. Je lui attachai ensuite les chevilles sous le ventre del’animal.

—«Conduis-moi,»luidis-je.—«Oui,»répondit-il.Jedégainaimoncimeterre.Ilsecrispa.

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«Oui,Maître,»corrigea-t-il.Jerengainaimoncimeterre.Deux jours plus tard, nous arrivâmes à proximité du champde bataille. À environ cinq

heuresdu champdebataille, je coupai la cordequi attachait ses chevilles sous le kaiila et,poussantsonpiedgauche,l’envoyairoulerdanslarocaille,letournantensuitesurleventre.

«Nemetuepasmaintenant,»sanglota-t-il.Jeluiattachaileschevilles.Jeredistribuaiànouveauleschargesdesanimaux.—«Veux-tum’affronterencombatàmort?»luidemandai-je.—«Non!Non,Maître!»répondit-il.Ensuite,jeluiattachailesmainssurleventre,déliaiseschevillesetattachaiunelaisseau

pommeaudemaselle.J’entendaislestamboursdeguerre.«Pourquichevauches-tu?»s’enquitl’homme.—«JechevauchepourlesKavars,»répondis-je.Jefranchislacrêtedelacolline.C’étaitunspectaclesplendide.Danslaplaine,ilyavaitunedizainedemilliersdecavaliers.Répartissurplusieurslignes,

ilss’étendaientsurunpasang.J’entendaislestambours.Jevislesoriflammes,lesétendards.Ils étaient séparés par quelques centaines demètres. Les rangs étaient hérissés de lances.Derrièrechaquecamp,ilyavaitdescentainesdetentesdecouleursdifférentes.

Monkaiilabougea,ausommetdelacolline.LesangduGuerrierbouillonnaitenmoi.—«Es-tuunKavararrivantenretard?»demandal’homme.—«Non,»répondis-je.—«Àquelletribuvassaleappartiens-tu?»s’enquitl’homme.—«Àaucunetribuvassale,»répondis-je.«Maisc’estavec lesKavarsquejechoisisde

chevaucher.»—«Bienvenue!»s’écrial’homme,ravi,levantsalance.Ceuxquisetenaientderrièrelui

levèrentégalementleurslances.«Labatailledevraitêtremagnifique,»ditl’homme.Jemedressaisurlesétriers.J’aperçuslecentredesKavars,blanc.Surleflancgauche,ily

avaitl’oriflammedesTa’KaraetlepourpredesBakahs.Surleflancdroit,ilyavaitledorédesCharetlesdiversrougesetjaunesclairsdesKashani.

«Mais,commentt’appelles-tu?»demandal’homme.—«HakimdeTor,»répondis-je.—«Vas-tualleràlabatailleavecdeskaiilasdetrait?»demandal’homme.—«Jenecroispas,»dis-je.«Jetelesdonne.»L’hommefitunsigneetundesescompagnonsemmenaleskaiilasdetrait,contournant

le champdebataille,prèsdes tentesdesKavars. Il y avaitdes centainesdekaiilasde trait,parmilestentes.

—«Quiest-ce?»demandal’homme,montrantl’épaveattachéeàmonpommeau.Jem’adressaiàl’épave.—«Veux-tum’affronterencombatàmort?»demandai-je.Ilbaissalatête.—«Non,Maître,»répondit-il.—«C’estunesclave,»dis-jeàl’homme.«Jen’enaiplusbesoin.Jeteledonneaussi.»—«Nouspourronsl’utiliser,»acceptal’homme.«Ilssontparfoisutilespourpiocherles

légumesdanslesoasisisolées.»Jejetailalaissedel’esclaveàuncavalier,indiquéparl’hommeavecquijeparlais.

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«Viens,Esclave!»lançalecavalier,quitenaitàprésentlalaisse.— « Oui, Maître, » dit l’homme. Il n’était que trop content que sa laisse ne soit plus

attachéeàmonpommeau.Lecavaliers’éloigna.Iln’épargnapasl’esclave,quiavaitdumalàsuivre.Derrièrelesligneskavars,parmilestentes,avecleskaiilasetlesautresmarchandises,l’hommeseraitenchaînéenattendantlesdécisionsdesmaîtres.

À ma droite, il y avait les lignes des Aretai. Les Aretai eux-mêmes, naturellement, enkaffiyeh noir et agal blanc, tenaient le centre. Le flanc droit était tenu par les Luraz et lesTashid.LeflancgaucheétaittenuparlesRavirietquatretribusmineures,lesTi,lesZeyars,lesAranietlesTajuks.LesTajuksnesontpas,enfait,unetribuvassaledesAretai,bienqu’ilschevauchentaveceux.Ilyaplusdedeuxcentsans,unTajukégaréaétésauvédansledésertpar des cavaliers Aretai qui le traitèrent bien puis lui donnèrent de l’eau et un kaiila.L’hommeregagnases tentes.Depuis, lesTajuks, lorsqu’ils entendentdireque lesAretai serassemblent et appellent les tribus, viennent chevaucher avec eux. Ils n’ont jamais étéappelés par les Aretai, qui n’ont pas le droit de le faire, mais ils sont toujours venus. Engénéral,unmarchandAretaivendantdesmarchandisesbanales,visite latenteduKhandesTajuks, le kaffiyeh noir et l’agal blanc garantissant sa sécurité, et, autour du feu decampementduKhan,aprèsavoirvendusesmarchandises,enbuvantlethé,dit:

«IlparaîtquelesAretaiserassemblentenprévisiondelaguerre.»—«Où ? » demande leKhan des Tajuks, comme l’ont fait son père et son grand-père

avantlui.L’endroitestensuiteindiquéauKhan.«Nousyserons,»ditalorsleKhan.Jeconstataiqu’ilyavaitquelquesproblèmessurleflancgauchedesAretai.Lescavaliers

Tajuks se frayaient un chemin vers les premières lignes, entre les Zevars et les Arani. LesTajuksétaientaccoutumésàcetteposition.IlstenaientlespremièreslignesduflancgauchedesAretaidepuisdeuxcentsans.Leflancgauche, incidemment,estcapitaldupointdevuestratégique. La raison est intéressante et simple. Les armes offensives sont la lance et lecimeterre, l’arme défensive est le petit bouclier rond. Une fois la bataille commencée, lesdeux forces ont tendance à dériver sur la droite. Dans une bataille goréenne à pied,incidemment, en supposant des lignes uniformes, cette dérive est presque inévitable parceque les hommes, en combattant, ont tendance à se protéger partiellement, comme ilspeuvent,derrière lebouclierde l’hommequisetrouveà leurdroite.Celaexplique ladérivedeslignesd’infanterie.Enconséquence,ilestfréquentqueleflancgauchesoitdébordéparleflanc droit de l’adversaire. Il y a diversmoyensde remédier à ceci.Onpeut augmenter lesrangs sur le flanc gauche, si on dispose des hommes nécessaires. On peut utiliser destharlarionssur leflancgauche.Onpeut,siondisposedeshommesnécessaires,utiliserdesgroupes d’archers pour contenir l’ennemi. On peut choisir le terrain de telle sorte quel’avancedu flancdroit ennemi soitdifficile.Onpeut abandonner la formationen lignes, etainsi de suite. La dérive est beaucoupmoins prononcée, mais existe dans les batailles decavalerie.Cettedériveestprobablementliéeàlatendancequ’ontlescombattantsdemettrele bouclier sur la droite pour se protéger. Ces considérations, naturellement, présupposentqu’unsemblantdelignessoitmaintenu.Celaestbeaucoupplusdifficileàréaliserdansunebatailledecavaleriequedansunebatailled’infanterie.LesbataillesduTahari,àunmomentouunautre,presquetoujours,lesforcess’interpénétrantprofondément,setransformentenunemêléedecombatsindividuels.Ondisaitque,depuisdeuxcentsans,leflancgauchedesAretain’avaitpasétédébordé.IlétaittenuparlesTajuks,peupleculturellementhomogènemais composé de plusieurs races, dont beaucoup étaient caractérisées par le pli de

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l’épicanthus. Je compris que les Zevars et les Arani avaient obtenu des Aretai de tenir lespremières lignes du flanc gauche, ou que les Tajuks étaient peut-être arrivés en retard,constatantqueleurpositionétaitoccupéepard’autres.LesTajuksd’uncôté,lesZevarsetlesAranidel’autre,nes’aimaientguère.

« Ce n’est pas une tribu vassale des Aretai, » disait-on. « Pourtant, on leur donne lapremièreplacesurleflancgauche.»

Unpetitgroupedecavalierssedirigearapidementversleflancgauche.IlnefallaitpasquelesTajuks,lesZevarsetlesAranisemettentàsebattreentreeux.Je

compris, cependant, comme les cavaliersqui sehâtaient,quecen’étaitpas impossible.LesTajuksétaientvenusfairelaguerre;surunmotdeleurKhan,sanshésiter,enhurlant,ilsselanceraient contre les Zevars et les Arani. Les Tajuks étaient susceptibles, arrogants, fiers,généreuxetcapricieux.Offensés,etneconsidérantpascommehonorabled’attaquerlesalliésdesAretai,ilspouvaientaussiretirerleursforcesetrentrerdansleurpays,quisetrouvaitàplus de mille pasangs de là. Il n’était pas impossible non plus, pour manifester leurcontrariété,qu’ilspassentducôtédesKavars,supposantqu’onleurdonneraitlespremièreslignes du flanc gauche. Je respectais les Tajuks mais, comme la majorité des gens, neprétendaispaslescomprendre.

Undescavalierssedirigeantversleflancgaucheétaitattachésursaselle.Ladouleurluiraidissaitlecorps.Jelereconnus.Jefussatisfait.JeconstataiqueSuleiman,PachadesNeufsPuits,maîtred’unmillierdelances,vivait.Quittantsacouche,alorsquelablessureinfligéepar Hamid, assassinmanqué, n’était pas encore guérie, il s’étaitmis en selle. Près de lui,tenueparShakar,capitainedesAretai,sedressaitunehautelancesurmontéedel’oriflammeducommandantenchef.

Devant lecentredesKavars, jevisuneautresilhouette,vêtuedeblanc,barbue.Prèsdelui, un cavalier tenait l’oriflamme du commandement en chef des Kavars. Un autre tenaitl’oriflammeduvizir.CethommedevaitêtreBaram,nomassezrépandudansleTahari,Cheikde Bezhad, vizir de Haroun, Grand Pacha des Kavars. Je ne vis pas l’oriflamme du GrandPachaenpersonne.Jenesavaismêmepass’ilexistait.

Au cou, accroché à une lanière de cuir, je portais l’anneau du Kur, qui contenait unappareilàdiversiondelumière.Jeletouchai,toutenregardantleslignes.

Il y avait encore beaucoup d’agitation sur le flanc gauche des Aretai, des centaines decavaliers allaient et venaient, Tajuks, Zevars et Aranimêlés. Suleiman, avec sa suite, étaitparmieux,expliquantprobablement.

Jevisdesmouvementsdans les rangsdesKavarsetde leurs tribusvassales.Lerythmedestambourschangea; les lignesdecavalierss’ordonnèrent.Desoriflammesfurentlevées.Jesupposaique,lorsqu’elless’abaisseraient, lesoriflammesdelachargeseraientlevéessurleurs lances, que les lances seraient ensuite abaissées, et avec elles, les lances de tous lescavaliersKavarsetque,lestamboursbattant,leslignes,presqueparallèles,chargeraient.

IlmesemblaitqueBaramchoisissaitbienlemomentd’engagersesforces.Grâce aux Tajuks, Suleiman n’était pas au centre et, également grâce à eux, le flanc

gauchedesAretai,aulieud’êtreprêtpourl’action,grouillaitcommelafouled’unbazar.Je vis Baram, vizir deHaroun, tendre le bras puis le lever. Je vis les oriflammes de la

charge,avecsonbras,selever.Suleiman,aumilieudesTajuks,desZevarsetdesArani,seretourna,stupéfait.MaislebrasdeBaram,levizir,nes’abaissapas,entraînantleslancesaveclui.Soudain,il

sedressa sur sesétriers, se retourna, levant lesdeuxbraspourannuler l’ordre.Les lances,prêtespourlacharge,furentremisesdansleurlogement.

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Lentement, sans se presser, entre les lignes, arriva un cavalier seul, vêtu du blanc desKavars. Dans la main droite, il tenait une lance à l’extrémité de laquelle flottait uneoriflamme large et puissante, rouge et blanche, celle deHaroun, Grand Pacha des Kavars.Derrièreluietsurlecôté,trébuchaienttroisindividusnus,lespoignetscroisésetliés,chacunétantattachéparunelaisseaupommeaudelaselle.

Baram, rapidement, avec sa garde, alla à la rencontre du cavalier. Les lignes, des deuxcôtés,frémirentmaisnebougèrentpas.SuleimanregagnarapidementlecentredesAretai.

Jevis la lance, surmontéede l’oriflammepuissante,ducavalier, s’abaisseretdécrireunarc de cercle, puis s’abaisser et décrire à nouveau un arc de cercle. Les cavaliers, des deuxcôtés,poussèrentlentementleurskaiilasverslasilhouette,leursgardesrestantderrièreeux.Puis,danscetespacevinrentlesPachasdesTa’Kara,desBakahs,desCharetdesKashani;etaussi, chevauchantd’unairdécidé,attachésursa selle,vinrentSuleiman,GrandPachadesAretai,Shakar,capitainedesAretaietleurgarde,ainsiquelesPachasdesLuraz,desTashidetdesRaviri,avecleursgardes.PuislePachadesTi,avecsagarde,sejoignitàeux.Finalement,chevauchantcôteàcôte, rapidement, lesPachasdesZevarsetdesArani,ainsique le jeuneKhandesTajuks, lesrejoignirent.LesPachasdesZevarsetdesAraniétaientsuivisdeleursgardes.PersonnenesuivaitlejeuneKhandesTajuks.Ilvenaitseul.Iln’avaitpasbesoindegarde.

Jenereprésentaisquemoi-mêmeetj’étaiscurieux.Jepoussaimonkaiilasurlapente.Jememêleraisaugroupe.J’étaispersuadéquetoutlemondepenseraitquej’appartenaisàunautregroupe.

Quelquesinstantsplustard,mefrayantuncheminaveccourtoisiemaisrésolutionparmilesgardes,jemetrouvaisprèsducentredugroupe,derrièrelesPachasetleKhan.

«PuissantHaroun,»ditBaram,CheikdeBezhad,«lecommandementt’appartient!LesKavarsattendent!»

«LesBakahsaussi!»crialePachadesBakahs.«LesTa’Kara!»«LesChar!»«LesKashani!»LesPachaslevèrentleurslances.Lasilhouettevoilée,vêtuedeblanc,avecsa lancesurmontéed’uneoriflamme,hocha la

tête,acceptantlecommandementdecesmilliersdeguerriersféroces.Haroun,ensuite,seretourna.«Salut,Suleiman,»dit-il.—«Salut,Haroun,GrandPachadesKavars,»réponditSuleiman.—«J’aientendudirequetablessureétaitgrave,»ditHarounàSuleiman.«Pourquoit’es

tumisenselle?»—«Pourtefairelaguerre,naturellement,»réponditSuleiman.—«Pourdesraisonsprécisesoubienpourleplaisir?»demandaHaroun.—«Pourdesraisonsprécises,»réponditSuleimanaveccolère.«Desraidskavarssurdes

communautésaretai,ladestructiondepuits!»—«Souviens-toiduRocherRouge!»criaungardeTashid.— « Souviens-toi des Deux Cimeterres ! » cria un membre de la suite du Pacha des

Bakahs.—«Pasdepitiépourceuxquidétruisentl’eau!»criaunLuraz.Lescimeterresfurentdégagés.Jechangeailapositiondemonvoiledevantmonvisage.Il

y avaitdesAretai. Ilsne faisaient guère attentionàmoi. Shakarme regardapuis tourna la

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tête,troublé.—«Regardez!»ditHaroun.Ilmontralesindividusnus,auxpoignetsliés,attachésàson

pommeau.Leshommeslevèrentleurspoignetscroisésau-dessusdelatête.«Vousvoyez?»demandaHaroun.—«DesKavars!»criaunRaviri.—«Non!»s’écriaSuleiman.«Lecimeterresurl’avant-bras!Lapointen’estpasdirigée

versl’extérieur!»IlregardaHaroun.«CeshommesnesontpasdesKavars,»dit-il.—«Non,»réponditHaroun.—«LesAretaiontattaquélesoasiskavars!»criaungardeTa’Kara.«Ilsontdétruitles

puits!»Suleimanserralepoingsurlepommeaudesoncimeterre.—«Non,»s’écria-t-il,«cen’estpasvrai!»Descrisfurieuxs’élevèrentparmilesKavarsetleursalliés.Harounlevalamain.—«Suleimanditvrai,»affirma-t-il.«LesAretain’attaquentpasencettesaisonet,s’ils

l’avaientfait,ilsn’auraientpasdétruitlespuits.IlssontduTahari.»C’étaitleplusgrandcomplimentqu’unhommepuissefaireàunautre.—«LesKavarsaussi,»ditSuleimanclairement,lentement,«sontduTahari.»Leshommessecalmèrent.—«Nousavonsunennemicommunquiveutquenousnousdétruisionsmutuellement,»

ditHaroun.—«Qui?»s’enquitSuleiman.Haroun se tourna vers les individus attachés. Ils baissèrent les bras et tombèrent à

genouxsurlesableetlespierresduchampdebataille.Ilsbaissèrentlatête.—«Pourquichevauchez-vous?»demandaHaroun.Unhomme,misérable,levalatête.—«PourTarna,»répondit-il.—«Etpourquitravaille-t-elle?»s’enquitHaroun.—«PourAbdul,l’UbarduSel,»ditl’homme.Puisilbaissadenouveaulatête.—«Jenecomprendspasbientoutceci,»ditlejeuneKhandesTajuks.Ilavaitunbouclierdecuirnoir, laqué,aubrasgauche,unemincelancedeboisdeTem,

noire,danslamaindroite.Aucôté,ilavaituncimeterre.Ilportaitunturbanetunburnousdontlacapuchereposaitsursesépaules.Sesyeux,noirsetdurs,avaientlepliépicanthique.Àsa selle, était suspendu un casque d’acier conique, bizarrement entouré d’une bande defourrure,cequitrahissaitunetraditionarmurièredontl’originenesetrouvaitcertainementpasauTahari.LejeuneKhanregardalesvisages.Ilétaitfurieux.

«Jesuisvenupourfairelaguerre,»dit-il.«Iln’yaurapasdeguerre?»Harounleregarda.—«Tuaurastaguerre,»promit-il.Puis ilse tournaversSuleiman.«Jeparleentoute

bonnefoi,»reprit-il.«LesKavarsettoutesleurstribusvassalessontsoustesordres.»—« Je suis faible, » répondit Suleiman.« Jene suis pas encore remisdemablessure.

CommandelesAretaietceuxquichevauchentaveceux.»HarounsetournaverslejeuneKhanTajuk.—«Ettoi?»demanda-t-il.—«Meconduis-tuàlaguerre?»demandaleTajuk.—«Oui,»réponditHaroun.

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— « Dans ce cas, je te suivrai, » dit-il. Le jeune Khan fit pivoter son kaiila. Puis il seretournaetdemandapar-dessusl’épaule:

«Quitienttonflancgauche?»—«LesTajuks,»réponditHaroun.—«Aiiii!»crialejeuneKhan,sedressantsursesétriers,levantsalance.Puisilrejoignit

seshommesaugalop.—«Nedevrais-tupasretournerauxNeufPuits?»demandaHarounàSuleiman.—«Non,»réponditSuleiman.Puisilajouta:«Jevaism’occuperdemeshommes.»Les pachas et leurs gardes, qui nous entouraient, regagnèrent leurs troupes. Haroun,

GrandPachadesKavars,tenditlalanceportantsonoriflamme,symboledesafonction,àundeshommesdeBaram,sonvizir.

— « Tuerons-nous ces sleens ? » demanda Baram, montrant les hommes à genoux,soumis,attachésaupommeaudelaselledeHaroun.Ilsposèrentlefrontsurlesableetlespierres,tremblants.

—«Non,»réponditHaroun.«Conduisez-lesdanslestentesetenchaînez-lescommedesesclaves.Ilyenaurad’autresplustard.IlssevendrontunbonprixàTor.»

Leslaissesdeshommesfurentdonnéesàuncavalier.Onlesemmena.Desordresfurentlancés.Unpeuplustardleslignes,étendues,partirentversledésert.Au

centre,ilyavaitlesKavarsetlesAretai.Surleflancdroit,chevauchantcôteàcôte,ilyavaitlesTa’Karaet lesLuraz, lesBakahset lesTashid, lesChar, lesKashaniet lesRaviri.Sur leflancgauche,ilyavaitlesTi,lesArani,lesZevarset,tenantl’extrémité,surquaranterangées,lesTajuks.

Derrière nous, derrière Haroun et moi, qui chevauchions seuls, sous notre direction,s’étendaientleslongueslignesdescavaliersdestribusduTahari.

«Commentleschosessesont-ellespassées,danslePaysdesDunes?»demandaHaroun.—«Bien,»répondis-je.Ilbaissalevoilesursesépaules.—«Jevoisquetuportestoujours,aupoignetgauche,uncarrédesoie,»fit-ilremarquer.—«Oui,»répondis-je.—«Tudois,pendantlamarche,»dit-il,«meracontercequis’estpassédanslePaysdes

Dunes.»—«Ceseraavecplaisir,»acceptai-je.«Quelnomdois-jetedonner?»—«Celuiquetuconnaislemieux,»répondit-il.—«Excellent,»dis-je,«Hassan.»

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24

J’ATTACHEUNEFEMME,MELARÉSERVANT;PUISJEM’ADRESSEAUXDEVOIRSDEL’ACIER

L’ISSUEdelabataillequisedéroulaàunevingtainedepasangsdelakasbahdel’UbarduSelne fut jamais douteuse. Le fait qu’Ibn Saran nous combattit, avec les vingt-cinq millemercenairesqu’ilputrassembler,estunpointensafaveur.

Ilfutrapidementdébordé.Seshommes,enmajorité,mesemble-t-il,comprirentlanaturedes forces qu’ils combattaient seulement aumoment où nous fondîmes sur eux depuis lesommetdescollines.Nousétionscinqfoisplusnombreux.Denombreuxmercenaires,dansl’impossibilitédefuir,laissèrenttomberleurbouclier,mirentpiedàterre,jetèrentleurlanceet leur cimeterre sur le sol. Les combats furent durs, cependant, à proximité des hommesd’Ibn Saran, ceux de l’Ubar du Sel et de ses alliés, ceux qui avaient combattu avec Tarna.J’arrivaiàcentcinquantemètresd’IbnSaran;Hassan,ouHaroun,GrandPachadesKavars,arrivaàvingtmètresdelui,sebattantcommeunanimalsauvage,maisilfutrepousséparunmurdeboucliers,unehaiedelances.JenevispasTarnadanslabataille.Jevisseshommesmaisilscombattaientsouslesordresd’IbnSaran.Jesupposaiqu’elleavaitétédémisedesoncommandement.

Enfind’après-midi,avecquatrecentscavaliers,IbnSaranfranchitnos lignesets’enfuitendirectiondunord-est.

Nousnelepoursuivîmespasetconsolidâmesnotrevictoire.«Ilvaseréfugierdanssakasbah,»ditHassan.«Ilseradifficiledeprendrelakasbah.»C’était vrai. Si elle nepouvait être prise rapidement, il serait peut-être impossible de la

prendre. Nous n’avions pas assez d’eau pour maintenir nos hommes dans le désert. Aumieux, nous pourrions, si nous ne parvenions pas à prendre la kasbah, l’assiéger avec uneforcemoinsnombreuse,facileàravitaillereneaudepuisleRocherRouge.Maisuntelsiègepouvait durer des mois. Nos lignes, longues, minces, seraient faciles à attaquer ; il seraitdifficile,enoutre,mêmesinos lignesn’étaientpaspercéesenforce,d’empêcher lafuitedepetitsgroupespendantlanuit.

«IbnSaran,»soulignai-je,«risquedenousglisserentrelesdoigts.»—«Ilfautquenousprenionslakasbah,»décidaHassan.—«Jepeuxpeut-êtret’aider,»dis-je,touchantl’anneauquejeportaisaucou.Lafemmeétaitàgenouxdevantsatableàmaquillage,aveclagrâcenaturelle, insolente,

de l’esclave.Elle sepeignait avecun largepeignecourbeencornedekailiauk.Ses cheveuxétaient longs et bruns. Le peigne était jaune. Elle portait un morceau de soie jaune desesclaves et son collier. Elle était belle, dans le miroir. Je me trouvai stupide de l’avoirautrefoislaisséeéchapper.Elleétaitàgenouxsurdegrandesdallesrouges.Àlacheville,elle

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portait plusieurs bracelets d’esclave. La pièce était éclairée par deux lampes à huile detharlarionposéesdechaquecôtédumiroir.

Ellen’avaitpasencoreremarquélecarrédesoiequej’avaisdéposéàcôté.Jeregardail’esclavesepeigner.Dansuneprison,danslademeured’agentsdesKurii,elle

avait trahi les Prêtres-Rois. Enchaînée, nue, dans une cellule, parmi les urts, elle avaitimplorélapitié.Elleavaitrévélétoutcequ’ellesavaitdesSardar,desplansdesPrêtres-Rois,deleurspratiquesetdeleursmachines,delafaiblesseduNid.Sielletombaitentrelesmainsde Samos, il la ferait certainement attacher et jeter aux urts, parmi les ordures, dans lescanaux de Port Kar. Ayant livré ce qu’elle savait, elle avait été amenée, par Ibn Saran, auTahari.Pour lui, ellem’avait identifié lorsque j’étais entrédans leTahari. Jeme souvenaisquec’étaitunedesesclavesqui,vêtued’unetuniquerouge,ensoie,etd’unchalwardiaphane,serréparuneceinture,avaitservilevinnoirdanslepalaisdeSuleiman,auxNeufPuits.Ellesetrouvaitdanslasalled’audiencelorsqueSuleimanavaitétéfrappé.Elleavaitaffirméquec’étaitmoiqui l’avaisattaqué.Jel’avaisvuesourirelorsqu’onl’avaitdétachée,aprèsqu’elleait témoigné.Autrefois, elle avait servi lesPrêtres-Rois ; puis,plus tard, elle avait servi lesAutres,lesKurii,etleursagents;jelaregardaisepeigner;ilmesemblaitque,àprésent,ellen’avaitpluslamoindreutilitédanslapolitiquedesplanètes;maiselleavaitétéépargnée;jeregardaisesmouvements;jesouris;moiaussi,jel’auraisépargnée;detouteévidence,ellen’était pas complètement inutile ; elle conservait, remarquai-je, la raison d’être de touteesclave jolie et charmante, ce qui expliquait pourquoi elle avait été épargnée. Sa chair sevendraitunbonprix.Lavoir,c’étaitavoirenviedelaposséder.JolieVella.

Elleposa lepeigneet tendit lamainvers lesminuscules flaconsdeparfum.Elle touchason cou, sous les oreilles, et son corps, autour des épaules, avec le parfum. Je respirai leparfum.

Jel’avaisemportéàKlima.Jenel’avaispasoublié.Sesyeux, lorsqu’elleremitlepetitflacondeparfumenplace,seposèrentsurlecarréde

soiedéposésuruncoindelatableàmaquillage.Elleleregarda,troublée,curieuse.Jemesouvinsdumatinoù,enchaîné,j’avaisattendu,aveclesautresprisonniers,departir

pourKlima.J’avais levé latête.Dansunefenêtreétroitedumurde lakasbah, trèshaut,setenaitunefemme,uneesclave,voiléeetvêtuedejaune,unMaîtredesEsclavesderrièreelle.Avec la permission duMaître desEsclaves, elle avait retiré le voile. Avecmépris, ironie ettriomphe,ellem’avaitregardé,simpleesclaveenchaînépartantpourKlima.Ellem’avaitjetéunsouvenir,uncarrédesoierouge,delasoied’esclave,embaumantunparfumfabriquéparquelqueParfumeur,sur l’ordredesonmaître,correspondantàsapersonnalitéd’esclave,sanature d’esclave et son corps d’esclave.Grâce à cela, je devaisme souvenir d’elle àKlima.J’avaisfaitlevœuderevenirdeKlima.Ellevoulaitvoirlesgardiensmemettrelecapuchond’esclave etm’emmener. Cette satisfaction,malgré ses prières, lui avait été refusée par leMaître des Esclaves. Elle m’avait alors envoyé un baiser puis, poussée par le Maître desEsclaves,avaitquittélafenêtre.

Jereculai.J’actionnaileboutondel’anneauquejeportais,afind’êtrevisible.Elleprit lecarrédesoie.Elle l’ouvrit ; ilétaiten loques,décoloré,presqueblanc.Elle le

tint,ouvert,devantelle.Elleleregarda.Ellelepritdanslesmainsetleposasursonvisage,lerespirant.Soudain,ellepoussauncridejoie.

«Tarl ! »Elle se retourna, se levant d’un bond. «Tarl ! » s’écria-t-elle. « Tarl ! »Ellecourutdansmadirection,dansuntintementdebracelets,etmepritdanssesbras,latêtesurmapoitrine,enlarmes.«Tarl!»sanglota-t-elle.«Tarl!Tarl!Jet’aime!Jet’aime!»

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Jeluiprislespoignetsetlesécartailentement.Jelesserrai.Ellevoulutapprocher,poserleslèvressurmoncorps.Jenelalaissaipasfaire.Frustrée,ellebalançaitlatêtelatéralement.Sonvisageétaittrempédelarmes.Ellesanglotait.

«Laisse-moitetoucher!»cria-t-elle.«Laisse-moiteserrer!Jet’aime!Jet’aime!»Latenantparlesbras,jel’écartaidemoi.Ellemeregardadanslesyeux.«Oh,Tarl,» sanglota-t-elle.«Pourras-tu jamaismepardonner?Pourras-tu jamaisme

pardonner?»—«Àgenoux!»luiordonnai-je.Lentement,sansunmot,lajeunefemmetombaàgenouxdevantmoi.—«Tarl?»dit-elle.Jesortisunmorceaudetissudemesvêtements.Ilétaitmince,court,déchiré;c’étaitdu

repsbonmarché,marronetrugueux;ilétaittachédepoussière,degraisse.Jel’avaistrouvédanslescuisinesd’IbnSaran.

Jelejetaisurelle.—«Metscela!»luiordonnai-je.—«Jesuisuneesclavedeclasse,»répondit-elle.—«Metscela!»répétai-je.Elleécarta levêtementdesoiequ’elleportait, le laissant tomberpar terre.Elle tendit la

mainverslemorceaudereps.«Retired’abordtesbracelets!»ordonnai-je.Elles’assitsurlesdalleset,unparun,retira

lesbraceletsqu’elleportaitàlachevillegauche.Puiselleselevaetpassalatuniquedereps.Son corps, involontairement, frémit lorsque le tissu raide de graisse glissa sur son corps,collant à sa peau, révélant sa beauté ; je l’examinai, marchant autour d’elle ; je déchirail’encolure, pour mieux exposer la beauté de ses seins ; je déchirai une bande, à l’ourlet,raccourcissantlevêtement;ilfallait,àprésent,qu’ellemarchetrèsprudemment;jedéchirailecôtégaucheduvêtementunpeuplus,pourexposerleslignesdélicieusesentresonseinetsahanche.

Jereculai.Ellesetournaversmoi.—«Cevêtementm’exposebeaucoup,»dit-elle,«Tarl.»—«Tends lesbrasetcroise lespoignets !»ordonnai-je.Elleobéit.Avecune lanièrede

cuir,jelesattachai.Lalanièreétaitlongueetpouvaitaussiservirdelaisse.« Nous n’avons pas beaucoup de temps, » dis-je. « On va bientôt se battre dans la

kasbah.»—«Jet’aime,»dit-elle.Jelafoudroyaiduregard.Macolèrelasurprit.«Jeregrettedet’avoiroffensé,»souffla-t-elle.«J’aibeaucoupsouffertàcausedecela.

Tunepeuxpassavoiràquelpointj’aisouffert,pleurantlanuit.Jeregrettetellement,Tarl.»Jenerépondispas.«J’aiétécruelleethorrible,»reprit-elle,«etmesquine.»Ellebaissapitoyablement la

tête.«Jenemelepardonneraijamais.»Ellelevalatête.«Pourras-tujamaismepardonner,Tarl?»demanda-t-elle.

Jeregardaiautourdemoi.Jepouvaisutiliserunedeslampesàhuiledetharlarionposéesprèsdugrandmiroir.

« J’ai témoigné contre toi, auxNeufPuits, » rappela-t-elle. « J’aimenti. Ce que j’ai ditétaitfaux.»

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—«Tuasfaitcequ’ont’aordonné,Esclave,»dis-je.— « Oh, Tarl ! » sanglota-t-elle. Elleme regarda, sans crainte. « À cause de Lydius, »

reprit-elle,«jevoulaisqu’ont’envoieàKlima.»—«Cequetuveuxnem’intéressepas,»dis-je.Ellemeregardaavechorreur.Ellepleura,alors,etbaissalatête.—«Jet’aiidentifiépourlecompted’IbnSaran,»rappela-t-elleencore.Jehaussailesépaules.«Tun’esmêmepasencolère!»cria-t-elle.—«L’esclave,»dis-je,«doitl’obéissanceabsolueàsonmaître.»Elletournalatête,aveccolère.—«Jen’osepastedirecequej’aiencorefait,»ajouta-t-elle.— « Tu as trahi les Prêtres-Rois, » déclarai-je, « totalement et au mieux de tes

possibilités.»Elleblêmit.—«Celafera-t-ilunedifférence?»demanda-t-elle.—«Jenesaispas,»répondis-je.«CelapourraitsignifierlapertedelaTerreetdeGor,la

victoiredesKurii.»Ellefrissonna.—«J’étaisfaible,»évoqua-t-elle.«Ilyavaitundonjon.J’étaisnue,enchaînée.Ilfaisait

noir. Il y avait des urts. J’étais terrifiée. Je ne pouvais rien faire. Ils m’ont dit qu’ilsm’affranchiraient.»

Aveclalanièredecuir,jetiraisursespoignets,luimontrantqu’ilsétaientbienattachés.—«Tuneseraspasaffranchie,»dis-je.—«Oh,Tarl,»sanglota-t-elle.Puiselledemanda:«Cequej’aifaitchangera-t-ilquelque

chose?»—«Jenesaispas,»répondis-je.«Peut-êtreceuxdesmondesd’aciernecroiront-ilspas

tes protestations. Peut-être croiront-ils que tu as seulement raconté sincèrement ce qui tesemblaitvraietnon,nécessairement,cequiestvrai.»

Ellefrémitpitoyablement.« Beaucoup de gens sont au courant de ta trahison, » précisai-je. «De toute évidence,

certainsserontcapturésoutomberontentrelesmainsdesagentsdesPrêtres-Rois.Bientôt,tavienevaudraplusgrand-chosedanslecampdesalliésdesPrêtres-Rois.»JepensaiàSamos.Cen’étaitpasunhommepatient.

Ellemeregarda.—«Jepourraisêtretorturéeetempalée,»dit-elle.—«Tuesuneesclave,»répondis-je.«Tun’auraispasdroitàunemortaussihonorable.

Tuauraislamortd’uneesclavequis’estmontréedésagréable.ÀPortKar,detouteévidence,tuauraislaMortdesOrdures…attachée,nue,etjetéeauxurtsdescanaux.»

Elle tombaàgenoux,horrifiée.Je la regardai.Quelques instantsplus tard,elle releva latête.

—«Peux-tupardonner,»demanda-t-elle,«cequej’aifait?»—«Cequisemblet’inquiéter,»dis-je,«nemesemblepasdevoirêtrepardonné.Tues

une esclave. Tu as simplement obéi à tonmaître. Personne ne peut s’opposer à ce qu’uneesclaveobéisseàsonmaître.»

—«Danscecas,»fit-elleàvoixbasse,«tun’aurasmêmepaslagentillessedetemontrercruelavecmoi?»

—«Jenesuispasindulgent,»dis-je.«Mafille,tut’esautoriséquelquesplaisirsquine

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t’ontpasétéordonnés.»Ellemeregarda.—«Lesquels?»demanda-t-elle.—«AuxNeufsPuits,» rappelai-je,«après ton témoignage,quim’accusait faussement,

lorsqu’ont’adétachée,tum’asregardéettuassouri.»—«Unesipetitechose?»fit-elle.«Jem’excuse,Tarl.»—«Etquandj’étaisenchaîné,avantdepartirpourKlima,»repris-je,«tut’esànouveau

moquéedemoi.Tum’asenvoyéuncarrédesoie.Ettum’asenvoyéunbaiser.»—«Jetehais!»cria-t-elle,àgenoux.Jesouris.«J’aiagienesclave,»dit-elle,baissantlatête.—«Sais-tupourquoituasagienesclave?»demandai-je.—«Non,»répondit-elle.Je la regardai, avec sa courte tunique, attachée, à genouxdevantmoi, la tête levée vers

moi.—«Parcequetuesuneesclave,»dis-je.—«Tarl!»s’écria-t-elle.Soudain, on frappa à la porte. Jeme glissai aussitôt derrière la femme, lamain sur sa

bouche,lepoignardentraversdesagorge.Elleensentaitlefil.—«Tunevaspascrier,tunevaspasdonnerl’alerte!»ordonnai-je.Elleacquiesçapitoyablement.Jeretirailamainposéesursabouche.«Vella!Vella!»appelaunevoix.Onfrappaànouveau.—«Tunemefaisdoncpasconfiance,Tarl?»demanda-t-elleàvoixbasse.—«Tuesuneesclave,»soufflai-je.«Réponds!»Lepoignardétaittoujourssursagorge.«OuiMaître?»crialafemme.—«Tu sais que, à la vingtième heure, tu dois donner du plaisir aux gardes de la Tour

Nord!»crial’homme.—«Jememaquille,»répondit-elle.«Jevaisfairevite.»—«Situesenretard,mêmedecinqehns,»menaça-t-il,«tuserascaresséeparlescinq

doigts du cuir. »C’était une allusion au fouet goréen à cinq lanières, destiné aux esclaves,généralementutilisésurlesfemmesàcausedelalargeuretdeladouceurdeseslanières.Ilpunitsévèrementmais,comptetenudesastructure,nemarquepaslesfemmesdemanièrepermanente.

—«Jemedépêche,Maître!Jemedépêche!»criaVella.L’hommes’enalla.«Tu es endanger, » ditVella. «Tudois fuir. » Je rengainai le poignard avec lequel je

l’avaiscontrainteàobéir.—«Lesoccupantsdelakasbahsontdavantageendangerquemoi,»dis-je.—«Commentes-tuentré?»demanda-t-elle.«Ya-t-iluneentréesecrète?»Jehaussailesépaules.—«Jesuisentrésansmefairevoir,»dis-je.Je laregardai.«Lacuriositénesiedpasà

uneKajira,»ajoutai-je.«Ellepourraitjustifierquel’ontebatte.»Elleseraidit.J’avais attendu près d’une des portes de la kasbah, à l’abri de l’invisibilité de l’anneau.

Lorsqu’unepatrouilleétaitsortiede lakasbah, jem’étaissimplementglisséà l’intérieur.Jem’étaisarrêtédanslescuisinesdelakasbahafindemeprocurerunvêtementdestinéàVella.Puisj’avaisexplorédiversendroitsjusqu’aumomentoùjel’avaistrouvée,dansunepièceoù

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lesfemmesdestinéesauplaisirdeshommespeuventsepréparer.Jeregardaileslampesposéesprèsdumiroir.L’uned’entreellesferaitl’affaire.Bientôt, Vella près de moi, les poignets liés, la laisse enroulée autour des avant-bras,

j’entraidansunelonguesalledallée,unelampeàlamain.Nous ne croisâmes qu’un ou deux hommes. Je portais les vêtements des hommes de

l’Ubar du Sel, pris à un prisonnier. Il y avait de nouveaux mercenaires dans la kasbah.Personnenefitattentionàmoi,maisonremarqual’esclavelascivequi,honteusementvêtue,meprécédait.JevisVella,femmevaniteuse,seredresser,instinctivement,magnifiquement,effrontément lorsque les yeux des hommes se posèrent sur elle. Esclave, elle était trèscontentedesetrouverexposéeauxregardsdeshommes.

Jericanai.Ellerejetafurieusementlatêteenarrière.Lorsque j’arrivai prèsd’une fenêtre étroite, pas assez largepourqu’unhommepuisse y

passer, donnant sur le désert, au nord, je levai et baissai la lampe, puis recommençai.J’éteignisalors la lampe.Je laposai.Nous restâmesdans lenoir, éclairés seulementpar leclairdeslunesentrantparlafenêtre.

Labarredelasentinelle,contrelemur,sonnalavingtièmeheure.«Ilsvontm’attendredanslaTourNord,»ditVella.«C’estlavingtièmeheure.»— « Je ne crois pas, » dis-je. Je regardai le désert. Nous entendions la barre de la

sentinelle.—«Quandilsverrontquejenevienspas,ilsirontmechercher.Ilsrisquentdetetrouver.

Fuispendantquec’estpossible.»Jevisdeshommes,descavaliers,sortirdudésert.«Onm’attenddanslaTourNord,»dit-elle.—«Jecroisque,dans laTourNord,»dis-je,« ilsontmieuxà fairequedepenseraux

esclaves.»—«Jenecomprendspas,»dit-elle.Jem’étaisintroduitdanslaTourNord,quicommandaitlaPorteNord.—«Lakasbah,»dis-je,«vatomber.»—«Lakasbahnetomberajamais,»contralafemme.«Ilyadel’eauetdesprovisions

pour desmois. Un homme, sur les murs, en vaut dix dans le désert. Il est impossible demaintenirdanslarégionuneforcecapabled’investirlakasbah!»

À la PorteNord, dans la salle de garde, au pied de la tour, dix hommes se débattaient,venantàpeinedereprendreconnaissance,attachésetbâillonnés.Au-dessusdelaporte,danslatourelle-même,dixautreshommesétaientdanslamêmesituation.

Nousentendîmeslederniercoupdebarre.C’étaitlavingtièmeheure.«Fuis,»soufflaVella.«Fuis.»LaPorteNord,malheureusement,peut-être,dupointdevuedesoccupantsdelakasbah,

etcertainementdupointdevuedesgardes,étaitrestéeentrouverte.«Fuis!»répétaVella.—«Regarde,»luidis-je.Jeposailamainsursaboucheetlapoussaiverslafenêtre.Elle

eutuncriétoufféetsedébattit.Ellesetortilla.Femmeàl’intérieurdelakasbah,cequ’ellevoyait laterrifiait.Commen’importequellebellefemelle,esclaveoulibre,ellesavaitcequirisquait de lui arriver. Elle voulut crier. Elle ne put le faire. « Crie, Esclave, » soufflai-je.«Donnel’alerte !»Savoix,sousmagrossemain,qui luiécrasait labouche,étaitétouffée.Elle gémit pitoyablement. Elle était impuissante. Ses yeux étaient fous au-dessus de mamain.

Lescavaliersavançaientvers lakasbah.Jevis leburnousblancdeHassan,gonflépar le

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vent,lesconduisant.Àcemoment-là,quelqu’unaperçut lescavaliers.Ilyeutdescris.Labarred’alerte,sous

l’effetdescoupsdemasse,retentitfollement.Deshommesapparurentdanslacour,enbas.Deshommesprirentposition sur lesmurs.Mais ils constatèrentavechorreurque,dans lacour, des cavaliers combattaient déjà les défenseurs. Des hommes mirent pied à terre etgravirent, le cimeterreaupoing, lesescaliersétroits conduisantauxmurs.L’ennemiétaitàl’intérieur.L’ennemiétaitderrière.Unflotdecavaliersetdefantassinsfranchissaitlaporte.La Porte Nord était tombée. La Tour Nord était investie. D’autres hommes entrèrent,envahissant les murs de la kasbah. Les défenseurs avancèrent. Partout, on se battait aucimeterre,partoutl’aciertintaitsurlesboucliers.Jevisdestorches.Oncriait.J’entendisleshurlementsdeshommes.Jereculai.Jeretirailamainposéesurlabouchedelafemme.Vellameregarda,lesyeuxdilatésparl’horreur.

«Crie,àprésent,Esclave,»dis-je.«Donnel’alerte!»—«Pourquoinem’as-tupaslaisséecrier?»demanda-t-elle.«Ilsvonttousnoustuer!»Commetouteslesfemmes,elleavaitunepeurinstinctivedescavaliersdudésert.Jelafispivotersurelle-mêmeetlapoussaidevantmoidanslasalle.—«Jesuisdansleurcamp,»dis-je.Ellegémit.Des cris retentissaient dans la kasbah. Par le bras, je la jetai dans la pièce où je l’avais

trouvée,oùilyavait lesgrandesdallesrouges,latableàmaquillage,lemiroiret,àprésent,uneseulelampeàhuiledetharlarion.

—«Tuesrevenupourmoi,»dit-elle,seserrantcontremoi, levant la tête.«Jevoulaisquetureviennespourmoi.J’enrêvais.»

Jelarepoussai.J’entendaisdescris,dehors.—«Jenesuispasrevenupourtoi,»dis-je.—«Tum’aimes!»cria-t-elle.Ellepoussaunhurlementdedésespoirlorsqu’ellevitmesyeux.«Alorspourquoi?»demanda-t-ellepitoyablement.—«Jeteveux,»répondis-je.—«Tum’aimes,»souffla-t-elle.—«Non,»répondis-je.—«Jenecomprendspas,»souffla-t-elle.— « Terrienne stupide, » dis-je en riant, « tu ne comprends donc pas que tu es

incroyablement désirable ? Ne comprends-tu donc pas que les hommes qui te voientdeviennent fous de désir ? Tu ne perçois donc pas, femme stupide, la passion folle que tuinspiresauxhommes?»

Ellemetournaledos.—«Jesaisquejesuisjolie,»dit-elle.Savoixétaithésitante,effrayée.—«Tuesunefemelleignorante,»fis-je.«Tunesaispascequelespectaclequetuoffres

faitauxhommes.»Ellesetournaviolemmentversmoi,lesyeuxétincelants.—«Quefait-il?»s’enquit-elle.—«Tevoir,c’estvouloirteposséder,»dis-je.—«Posséder!»cria-t-elle,horrifiée.— «Oui, » répondis-je. « Tout homme veut posséder complètement sa femme. Il veut

avoirunpouvoirabsolusurelle.Ilveutlacontrôlertotalement,surtouslesplans,mêmes’ilssontnégligeables.Ladominanceestunecaractéristiquegénétiquedesanature.Leshommessontdivisésentreceuxquisatisfontleurnatureetceuxquinelasatisfontpas.Leshommes

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quisatisfontleurnaturesonténergiques,joyeuxet,statistiquement,viventlongtemps;ceuxquinientleurnaturesontmisérableset,statistiquement,viventmoinslongtemps,lachimietorturéedeleurcorpslesexposantàdesmaladieshideuses.»

—«Leshommesveulentquelesfemmessoientlibres,»soufflaVella.— « Les hommes, parfois, » reconnus-je, « accordent de petites libertés aux femmes,

pensant que cela les rendra plus agréables. Tu connais certainement des maîtres qui, detempsentemps,autorisentlesfemmesàparlerfranchement.Et,danscesmoments-là,ellesle font, bien et avec audace.Mais elles savent qu’il peut leur retirer cette permission d’uninstantà l’autre.Celalestourmenteavecjoieetellesaimentlapuissancedumaître.Il leurdonne ce qu’elles désirent le plus, dans les profondeurs génétiques de leur féminité, lesentimentdélicieuxd’êtredominées, la soumissionde leurbeautéetde leur faiblesseàunmâlepuissant.»

—«SurTerre,»cria-t-elle,«leshommesserontdétrônésparledroit!»—«LaTerreaunehistoirepolitiquecomplexeetembrouillée,»dis-je.«Lespolitiqueset

les institutions,au fildessiècles,ontparfoisdesconséquencesque leursauteursn’ontpasprévues,desconséquencesquilesauraienthorrifiés.SurTerre,leshommesontconstruitunpiège dont ils ne pourront peut-être pas s’échapper. Peut-être pourront-ils en briser lesbarreaux.Peut-être,danslacagequ’ilsontconstruite,dépériront-ilsetmourront-ils.»

Vellaneréponditpas.«Crois-tu,»demandai-je,«quelesfemmesdelaTerresoientplusheureusesquecelles

deGor?»—«Non,»répondit-elle.«Non,non.»—«Àgenoux!»ordonnai-je.Elles’agenouilla.« Sur Gor, » demandai-je, « quelles sont les femmes les plus heureuses que tu aies

connues?»—«Lesfemmeslesplusheureusesquej’aiconnuessurGor,»souffla-t-elle,«étaientde

simplesesclaves.»—«L’hommeestgénétiquementportéàladominance,»dis-je.«Celan’estmisendoute

par aucune autorité qualifiée pour émettre une opinion sur la question. Il peut être, danscertaines circonstances, politiquement utile de nier cette vérité, mais c’est une questiondistinctequisoulèvedesproblèmesdifférents.»

— « Je ne doute pas que les hommes soient portés à dominer, » dit Vella. «Mais ilsdoiventcontrôlercettetendance.»

—«Disauxhommesdenepasrespirer,»relevai-je.«Demandeà leurcœurdenepasbattre.»Jelaregardai.«Demandeàl’hommedenepasêtrelui-même!»

Vellamedévisagea,choquée.«Jene saispasgrand-chosedesdroits,» reconnus-je,« car jem’occupedavantagedes

réalités, mais permets-moi de te poser cette question : L’homme a-t-il le droit d’être unhomme?»

—«Biensûr,»réponditVella.—«Etsi,»demandai-je,«étantunhomme,illuiétaitnécessaired’exercersadisposition

àladominance?»—«Danscecas,»réponditVella,«aucunhommen’aledroitd’êtreunhomme.»—«Etsi,»demandai-je,«afindes’accomplirentantquefemme,ilétaitnécessaire,du

moinsauxmomentsessentiels,qu’ellesoitsoumiseàladominationtotaledel’homme?»—«Danscecas,»ditVella,«aucunefemmen’auraitledroitd’êtreunefemme.»

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—«Dans ces circonstances, ainsi, » relevai-je, «ni l’hommeni la femmen’auraient ledroitd’êtreeux-mêmes.»

—«Oui,»réponditVella.—«Lescirconstancesquej’aidécrites,»repris-je,«sontlaréalité.Ilestindéniableque

l’homme est génétiquement porté à la dominance. Te semble-t-il probable que cettedispositionaitétésélectionnéedansl’isolement?»

Ellemeregarda,àgenoux,sansrépondre.«Ne te semble-t-il pasprobable que les hommes et les femmes, ensemble, demanière

complémentaire,formantunerace,ungenred’animal,aientétéconjointementformésparlalongueetdureapplicationdesforcesdel’évolution?Tesemble-t-ilprobablequelabiologieaitformél’hommeetnégligélafemme?»

—«Non,»réponditVella.«Non.»Ellebaissalatête.—«LaNature, en apprenant à l’hommeàdominer, n’a pasmanquéde lui fournir une

victime.»Vellalevalatête,furieuse.«Desfemmessensuellesetbelles,»soulignai-je.«Etquellesdoiventêtrelestendances

génétiquesdecesfemmes,souslevernis,lesincrustations,lesconditionnementsdesociétésimpersonnelles, mécaniques, industrielles pour lesquelles le sexe est embarrassant et lesêtreshumainsuneénigme?»

—«Jenesaispas,»répondit-elle.—«Ilyapeut-êtreenelles,»suggérai-je,«unedispositionàréagiràladominance,àla

désirer, à la rechercher et, au travers du comportement, à la quémander. Elles tentent decontrôler mais, dans leur cœur, elles désirent être contrôlées, totalement, car elles sontfemmes.»

—«Cequetudisvaàl’encontredetoutcequel’onm’aappris,»gémitVella.— « Les femmes, » demandai-je, « préfèrent-elles les hommes forts ou les hommes

faibles?»—«Leshommesforts,»répondit-elle.—«Pourquoi?»m’enquis-je.Ellebaissalatêtesansrépondre.—«Et si, Tarl, » demanda-t-elle soudain, « j’éprouvais ces sentiments, ces sentiments

terriblesetindignes?Etsi,dansmoncœur,jedésiraisladominationd’unmâle?»—«Une société saine, » répondis-je, « s’arrangerait pour fournir la satisfaction de ces

désirs.»Ellemeregarda.«La société goréenne, » indiquai-je, « s’arrangepour les satisfaire.Tu as certainement

entenduparlerdesrelationsdumaîtreetdel’esclave?»—«J’enaientenduparler,»répliqua-t-ellesèchement.— « L’institution la plus complète et la plus parfaite pour la domination totale de la

femme est l’esclavage, » expliquai-je. « Comment une femme pourrait-elle être plusparfaitement et complètement dominée, plus impuissante, dépendante du mâle, plusvulnérable,plussoumiseàlavolontédel’homme,plusàlamercidel’hommequelorsqu’elleest,littéralement,sonesclave?»Jelaregardai.«JolieVella,»dis-je,«teregarder,c’esttedésirer, te désirer c’est vouloir te posséder, complètement, d’un bout à l’autre, t’avoircomplètementàsamerci…complètement.»

—«C’estcedésir,»sanglota-t-elle.«C’estcedésircompletetsanscompromis.Qu’est-cequipourraitsecompareràlui?Jenesavaispasqu’unteldésir,unetellepassion,pouvaient

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exister.Celamedépasse.Jepeuxàpeinerespirer.Jeseraileurvictimeimpuissante.»J’entendisdescris,danslescouloirsprochesdelaporte.«Non!»sanglota-t-elle,selevant,tentantdefuir.Jefussurelleenuninstant,laprenant

dansmes bras, l’asseyant par terre. Je lui pris les poignets et, avec la lanière de cuir de lalaisse,lapenchantenavant,luiattachailespoignetsauxchevilles.L’extrémitédelalaisse,jel’attachaietl’enroulaiautourducuirdesespoignets,desortequ’ellenepourraitl’atteindre,mêmeaveclesdoigtsd’unedesesmains.Jelaregardai.Elleétaitassise,attachée,lehaillonquejeluiavaisdonnéremontésurlescuisses.Elleétaitincroyablementdésirable.Ellesevitdanslemiroir.Ellenepouvaitselever,attachéecommeellel’était,desortequ’ellenepouvaitatteindrel’autrelampeàhuiledetharlarion,poséeprèsdumiroir.

«Libère-moi!»sanglota-t-elle.«Libère-moi!»Jevérifiailesnœuds.Ilsétaientsatisfaisants.Elleseraitparfaitementimmobilisée.Letintementdescimeterresretentitdanslecouloir.«Neserai-jepaslibérée?»demanda-t-elle.Sursacuissegauche,petiteetprofonde,ilyavaitlamarquedesquatrecornesdebosk.Je

latouchai.Ellesecrispa.«Kamchakm’amarquée,»merappela-t-elle.«Quesignifielefaitquetum’aiesattachée?»demanda-t-ellealors.Jedécidaidelafairemarquerànouveau.Elle me regarda. Je pris une longue mèche de ses cheveux noirs d’environ trois

centimètresd’épaisseur.Jelanouaisursajouedroite.«Lenœudd’asservissement,»souffla-t-elle.—«Celaindiqueraquetuasétéprise,»dis-je.—«Prise?»s’enquit-elle.Jemelevai.Ellesedébattit.Jemedirigeaiverslaporte.«Tarl!»cria-t-elle.Jemetournaiverselle.«Jet’aime!»cria-t-elle.—«Tuesunecomédienneconsommée,»estimai-je.—«Non,»cria-t-elle,«c’estvrai!»—«Peum’importequecesoitvraiounon,»dis-je.Ellemeregarda,lesyeuxpleinsdelarmes,assise,attachée,lenœudd’asservissementsur

sajouedroite,etrouge…—«Celanecomptedoncpaspourtoi?»cria-t-elle.—«Non,»répondis-je.—«Tunem’aimespas?»sanglota-t-elle.—«Non,»répondis-je.—«Mais tu es venu ici, » dit-elle.Elle se débattit. «Tu as pris de gros risques. »Elle

pleurait.«Danscecas,queveux-tudemoi?»demanda-t-elle.Jeris.—«Jeveuxteposséder,»répondis-je.—«TuesunhommedelaTerre,»protesta-t-elle.—«Non,»dis-je,«jesuisdeGor.»Ellefrissonna.—«C’estvrai,»souffla-t-elle.«Jelevoisdanstesyeux.Jesuisàlamercid’unhomme

deGor.»Impuissante,attachée,ellefrémitencomprenantlesimplicationsdecetétatdefait.Jeluitournailedos.«Tarl!»cria-t-elle.

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Jemeretournaiànouveau,furieux.«Megarderas-tucommeesclave?»demanda-t-elle.—«Oui,»répondis-je.—«Avectoutcequecelaimplique?»demanda-t-elle,incrédule.—«Oui,»répondis-je.—«Mêmelefouet?»demanda-t-elle.—«Oui,»répondis-je.— « Pourrais-tu, Tarl, » demanda-t-elle, « me fouetter ? En serais-tu capable, si je te

déplaisais?Pourrais-tu,ancienTerrien,êtreaussifort?»—«Tum’asdéjàdéplubeaucoup,»luirappelai-je.JemesouvinsdesNeufPuits,oùelle

avaitsouri.Jemesouvinsdelafenêtredelakasbah,dubaiserqu’ellem’avaitenvoyé,etducarrédesoie.

—«Vais-jeêtrefouettéetoutdesuite?»demanda-t-elle.Ilauraitétéfacile,endéchirantlehaillonqu’elleportait,dufaitqu’elleétaitattachée,delafouetter.Ellelesavait.

—«Non,»répondis-je.J’allaiprèsd’elleetpris lecarrédesoieque j’avaisemportéàKlima,etrapporté.Elle le

regarda,pitoyable.Jel’attachaiàsonpoignetgauche,au-dessusdelalanièredecuir.Elleleportacommejel’avaisporté.

—«Quandmefouetteras-tu?»demanda-t-elle.—«Quandj’enauraienvie,»répondis-je.La porte s’ouvrit brutalement et deux hommes, me tournant le dos, se battant contre

d’autres qui se trouvaient dehors, entrèrent dans la pièce. Les cimeterres tintaient. Unhommeseretournadésespérément.Jedégainaimoncimeterre.Ilcompritalorsquej’étaisunennemi.Nousengageâmeslecombat.Malameletransperça.L’autrehommefutabattuprèsde laporte.Je jetaimesvêtementsd’hommede l’UbarduSel.Leshommesquise tenaientsurleseuillevèrentleurscimeterres.

«Jevousrejoins!»lançai-je.Avecmesbottes,jepoussailesdeuxhommesabattushorsdelapièce,refermailaporteet

metournaiànouveauversVella.Nousétionsànouveauseulsdanslapièce,àlalumièredel’uniquelampeàhuiledetharlarion.

Jemetournaiverselle.Elleétaitassiseparterre,penchéeenavant,lespoignetsattachésauxchevilles;lehaillonqu’elleportaitétaitremontésursescuisses;lesplaisirsdesesseinsn’étaient guère dissimulés, du fait que j’avais déchiré son vêtement ; ses mollets étaientmerveilleux;sonvisageetsachevelureétaientbeaux.

«Tuesuneesclavedélicieuse,Vella,»appréciai-je.—«Unequeleshommesaimentposséder?»releva-t-elle.—«Oui,»répondis-je.—«Etsurcetteplanète,»sanglota-t-elle,«jepeuxêtrepossédée!»—«Tuespossédée!»affirmai-je.—«Oui,»sanglota-t-elle.«Jesais.Jesaisquejesuispossédée.»—«Jecrois,»dis-je«quejevaistedonneràHakimdeTor.»Jemelevai.Ellemeregarda.—«Non!Non!»sanglota-t-elle.«Non,jet’enprie!»—«Jepeuxfairecequejeveux,»soulignai-je.—«Oh,non,non,non,»sanglota-t-elle.Ellecompritalors,véritablement, lamisèrede

l’esclave.J’allaiprèsd’elleetdéchirai sonhaillonsur l’épauledroite.Avecunrougeà lèvres,pris

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dansunpetittiroir,j’inscrivisunelettretahariquesursonépaule.«Qu’est-cequecelaveutdire?»demanda-t-elle.—«Celaveutdire,»répondis-je:«Jesuisl’esclavedeHakimdeTor».Voilà.»Elleregarda,horrifiée,leslettrestracéessursoncorps.—«Non,Tarl,jet’ensupplie!»cria-t-elle.Jemelevai.Ellemeregarda.«Tarl,»sanglota-t-elle.—«Tais-toi,»dis-je,«Esclave!»Ellebaissalatête.—«Oui,»dit-elle.—«Oui?»m’enquis-je.Ellelevalatête.Sesyeuxétaientpleinsdelarmes.—«Oui,»souffla-t-elle,«Maître.»Jem’éloignai rapidement et fermai la porte derrièremoi. Il y avait des hommes à tuer

danslescouloirs.C’étaituntravaild’homme.Ilyavaituntempspourtravailleretuntempspourlesplaisirsdesesclaves.C’était,àprésent,lemomentdetravailler.Jemedirigeaiverslefracasd’armesquiretentissaitauloin.

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25

LADEUXIÈMEKASBAHTOMBE;CEQUIFUTFAITÀTARNA

«OUestIbnSaran?»s’enquitHaroun,vêtudublancduGrandPachadesKavars.L’hommeàgenouxdevantlui,lespoignetsattachésdansledos,cria:«Jenesaispas!Jenesaispas!»« La kasbah est investie, » dit un autre homme. « Elle est à nous. Il n’est pas dans la

kasbah.Ilnes’estpaséchappénonplus.»«Ildoitêtretoujoursàl’intérieur!»s’écriaunautrehomme.Haroun,ouHassan,tandisquejecontinuaisàréfléchir,avecsabotte,donnauncoupde

piedauprisonnier.«Ildoitêtreencoredanslakasbah!»crial’hommequis’étaitdéjàfaitentendre.«Brûlonslakasbash!»criaunautre.«Non, » ditHaroun. La kasbah était trop importante pour qu’on la brûle. Il la voulait

pourlesKavars.Ilregardalesprisonniersattachésdanslagrandesalle,àgenoux.Detouteévidence,Ibn

Sarann’étaitpasparmieux.Dehors, dans l’ombre de la muraille de la kasbah, il y avait également de nombreux

prisonniers.IbnSarann’étaitpasnonplusparmieux.IbnSarann’étaitpasleseulhommemanquant.Jenetrouvai,parmilesprisonniersoules

tués,nilepetitAbdul,Porteurd’EauethommedemaindugrandAbdul,IbnSaran,UbarduSel,niHamid,traîtreauxAretai,quiavaitfrappéSuleimanPacha.

Harounpivotasurlui-même,sonburnoustourbillonnantet,furieux,bonditsurl’estradedel’UbarduSelpuisyfitlescentpascommeunlarlfrustré.

«Supposons,Pacha,»dis-jeàHassan,«qu’IbnSaransoitentrédanscettekasbah.»—«Ilyestentré!»criaquelqu’un.— « Supposons en outre que nos recherches aient été très efficaces et nos lignes

impénétrables.»— « Ces suppositions semblent raisonnables, » admit Haroun, « mais comment est-il

possiblequ’ellessoientexactesetqu’IbnSarannesoitnimortnienchaîné?»—«Ilyauneautrekasbahàproximité,celledesonalliéeTarna,»rappelai-je.—«Ilnepouvaits’yrendreparledésert,»ditl’homme.—«Oui!Oui!»s’écriaHassan.«Venezavecmoi!»Suividenombreuxhommesportant

deslampes,ilgagnalesfosses,lescellulesetlesentrepôtssituéssouslakasbah.Uneheureplus tard, sous une trappe et derrière les étagères d’un petit entrepôt, nous trouvâmes laporte.

Enfoncée, elle fit apparaître un tunnel obscur. Ce tunnel permettait, sous le désert, degagnerlapetitekasbahdeTarna.

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«Detouteévidence,»ditunhomme,«IbnSaransetrouvedanslakasbahdeTarna.»«Maisnousn’avonspasinvesticettekasbah,»ditunautrehomme.«Ainsi,»ajoutaunautre,«IbnSaranafranchinoslignes.Ilvaàprésentfuirlakasbah

deTarna.Nousl’avonsperdu.»«Jenecroispas,»ditHassanavecunsourire.Leshommesrestèrentsilencieux.Puislevizir,Baram,CheikdeBezhad,pritlaparole.«Commentest-ilpossiblequenousnel’ayonspasperdu,Pacha?»demanda-t-il.—«Parceque,»réponditHaroun,«lakasbahdeTarnaestinvestie.»—«C’estimpossible,»ditSuleimanPacha,appuyésurunhomme,lecimeterretoujours

àlamain.« Aucun Aretai n’est là-bas. » Les autres pachas parlèrent également. Les Char ne

l’avaientpasinvestie,nilesLuraz,nilesTajuks,nilesArani,nilesautres.«Parqui,Pacha,»demandaSuleiman,«sicen’estniparlesKavarsniparlesAretai,et

niparlesautres,lakasbahdeTarnaa-t-elleétéinvestie?»—«Parunmillierdelances,unmillierdecavaliers,»réponditHaroun.—«Etoùt’es-tuprocurécemillierdelances?»demandaSuleiman.Harounsourit.—«NousdiscuteronscettequestiondevantdepetitestassesdethédeBazi,àlafindela

journée,»suggéra-t-il.«Nousavonsmieuxàfairepourlemoment.»Suleimansourit.—«Conduis-nous, SleenKavar, »dit-il. «Tu as l’audacedeHassan leBandit, à qui tu

ressemblesbeaucoup.»— « On me l’a déjà dit, » répliqua Haroun. « Ce doit être un type formidable et

séduisant!»—«NouspourronsdiscutercepointdevantdepetitestassesdethédeBazi,àlafindela

journée,»rappelaSuleiman,regardantfixementHaroun.—«Exact,»fitHaroun.Hassan pivota alors sur lui-même et entra dans le tunnel. Des centaines d’hommes, y

comprismoi-même,beaucoupavecdeslampes,lesuivirent.C’estausommetdelaplushautetourdelakasbahdeTarnaqueHassan,quejesuivaisde

près,coinçaIbnSaran.«Camarades!»s’écriaIbnSaran,levantsoncimeterre.—«Ilestàmoi!»lançaHassan.—«Soisprudent,»luiglissai-je.Aussitôt,lecombats’engagea.J’airarementvuuneescrimeaussibrillante.Puislesdeuxhommess’écartèrentl’undel’autre.«Tutebatsbien,»déclaraIbnSaran.Ilvacillait.«Jet’aitoujoursbattu,»ajouta-t-il.—«C’étaitilyalongtemps,»ditHassan.—«Oui,»admitIbnSaran,«c’étaitilyalongtemps.»IbnSaran,levantsoncimeterre,

mesalua.—«Onremporteunevictoire,»dis-je.«Onperdunennemi.»Ibn Saran inclina la tête, signe de politesse du Tahari. Puis son visage blêmit, il se

retournaetgagnaentrébuchantleparapetdelatour.Iltombadansledésert.Hassanrengainasoncimeterre.—«J’avaisdeuxfrères,»dit-il.«LepremiercombattaitpourlesPrêtres-Rois.Ilestmort

dansledésert.LedeuxièmecombattaitpourlesKurii.Ilestmortsurlatourdelakasbahde

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Tarna.»—«Ettoi?»demandai-je.—«Jevoulaisresterneutre,»dit-il.«Jemesuisrenducomptequec’étaitimpossible.»—«Laneutralitén’existepas,»affirmai-je.—«Non,»admit-il.Puisilmeregarda.«Autrefois,»dit-il,«j’avaisdeuxfrères.»Ilme

pritparlesépaules.Sesyeuxétaientpleinsdelarmes.«Àprésent,»reprit-il,«àprésent,jen’enaiplusqu’un.»

Nousavionspartagéleselsuruntoitenflammes,auRocherRouge.—«Monfrère,»dis-je.—«Monfrère,»dit-il.Hassansesecoua.«Ilfautagir!»reprit-il.Nousdescendîmesrapidementl’escalierdelatour,jusqu’aumur

d’enceinte. Je vis, depuis le mur, des prisonniers que l’on reconduisait à la kasbah, deshommesquiavaienttentédefuirdansledésert.

Poussé par la pointe d’une lance, attaché, il y avait Abdul, le Porteur d’Eau. Égalementpousséparlapointed’unelance,descordesaucou,entredeuxkaiilas,vacillant,ensanglanté,il y avait Hamid, qui avait été le lieutenant de Shakar, capitaine des Aretai. Shakar enpersonne quitta la kasbah pour se charger dumisérable Hamid. Hamid, qu’il soit ou noncoupabled’avoirfrappéSuleimanPacha,avait,detouteévidence,combattuavecleshommesdel’UbarduSeletavaitlevésalamecontresapropretribu,celledesAretai.

D’autresprisonniersfurentramenésdudésert.LeslancesdeHarounavaientbieninvestilakasbah.

Nousgagnâmeslacourdelakasbah.Jedécouvrisavecstupéfaction,danslacour,montésurlahauteselled’unkaiila, lechef

deslanciersmystérieuxdeHassan,quiavaientinvestilakasbahdeTarna.Ilécartasonvoile.«T’Zshal!»m’écriai-je.Toujoursbarbu,ilm’adressaunsouriredepuissaselle,lalanceàlamain.«J’aienvoyé,»expliquaHassan,Haroun,GrandPachadesKavars,«millekaiilasetmille

lances,àtitredeprovisions,àKlima.Jemesuisditqueceshommespourraientêtreutiles.»T’Zshallevasalance.Lekaiilasecabra.—«Nousn’oublieronspaslesKavars,Pacha!»promitT’Zshal.JecraignisqueHassann’aitfaituneterribleerreur.Quioseraitarmerdetelshommes?T’Zshalfitmagnifiquementpivotersonkaiila.Ilavaitété,autrefois,duTahariet,dansun

déluge de sable, suivit par ses hommes, retourna dans le désert où ses camaradesenfermaientlakasbahdansuncercledevolonté,d’acieretdechairdekaiila.

HamidetAbdulétaientàgenouxsurlesable,attachés.HassanposasalamesurlagorgedeHamid.«QuiafrappéSuleimanPacha?»demanda-t-il.Hamidleregarda.SuleimanetShakarétaientàproximité.—«C’estmoi,»réponditHamid.—«Emmenez-le!»ditSuleimanPacha.OnemmenaHamid.«Commentsais-tuquec’estluiquim’afrappé?»demandaSuleiman.—«J’étaislà,»réponditHassan.«Jel’aivu.»—«Haroun,GrandPachadesKavars!»s’écriaShakar.Hassansourit.«Non!»cria-t-il.«Iln’yavaitlàquedesAretai,IbnSaran,HakimdeToret…»Shakarse

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tut.—«EtHassanleBandit,»complétaHassan.—«Toi!»s’écriaSuleimanenriant.— « Tu devais bien te douter qu’il n’y a pas tellement de types formidables et

séduisants,»soulignaHassan.—«SleenKavar!»s’exclamaSuleimanenriant.—«Nesoispastropprolixeavecmonidentitésupplémentaire,»demandaHassan.«Elle

m’est utile, de temps en temps, surtout lorsque les devoirs du Pacha deviennent tropoppressants.»

—«Jevoiscequetuveuxdire,»réponditSuleiman.«Necrainsrien.»—«Jegarderaiégalementcesecret,»promitShakar.—«TuesHakimdeTor,n’est-cepas?»demandaSuleiman,setournantversmoi.—«Oui,Pacha,»dis-je,faisantunpasenavant.—«Nousnoussommeslourdementtrompéssurtoncompte,»dit-il.Jehaussailesépaules.—«Ilyaencoredespochesderésistanceànettoyer,danslakasbah,»dis-je.«Jeteprie

debienvouloirm’excuser.»—«Puissetonœilêtrevif,tonacierrapide,»ditSuleimanPacha.Jem’inclinai.—«Etcepetitsleen?»demandaShakar,montrantlepetitAbdul,àgenoux,tassésurlui-

même,danslesable.— « Lui aussi, » dit Suleiman Pacha, « emmenez-le ! » Une corde fut passée au cou

d’Abdul,quifutentraîné.Jeregardai lebâtimentcentralde lakasbah.Àl’intérieur,çàet là,dans lespièces,onse

battaitencore.«TrouvezTarna!»ordonnaSuleimanPacha.«Amenez-la-moi!»Des hommes partirent en hâte. Je n’enviais pas la femme. Elle était libre. Elle avait

détruit des puits. Des tortures prolongées et hideuses l’attendaient, culminant avec sonempalementpublic,nue,surlesmursdelagrandekasbahdesNeufPuits.

Les hommes du Tahari ne sont pas tendres avec ceux qui détruisent les puits. Ils nemontrentpaslamoindreindulgencevis-à-visdececrime.

Jequittaidiscrètementlegroupe.Tarna, dans ses appartements, pivota sur elle-même etme regarda. Elle fut stupéfaite.

Ellenesavaitpasquej’étaislà.J’avaistouchél’anneau.Uninstantplustard,seretournant,ellemevitdanslapièce.

«Toi!»s’écria-t-elle.Son regard était fou. Elle était désespérée. Elle portait les vêtements des hommes du

Tahari, à l’exceptiondu voile, du kaffiyeh et de l’agal. Son visage et sa tête, fiers et beaux,étaient nus. Ses cheveux étaient défaits, longs, sur la capuche rejetée en arrière de sonburnous. Ses vêtements étaient déchirés et tachés. La jambe droite de son pantalon étaitcoupée.Samanchegaucheétait en lambeaux, tailladéepar les cimeterres.Ellene semblaitpasblessée.Lecôtégauchedesonvisageétaitsale.

«Tuesvenumechercher!»s’écria-t-elle.Elleavaituncimeterre.—«Tuasperdutaguerre,»dis-je.«C’estterminé.»Elle me foudroya du regard. Pendant un instant, ses yeux s’emplirent de larmes

étincelantesetbrûlantes.Jecomprisquec’étaitunefemme.PuisellefutànouveauTarna.

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—«Jamais!»cria-t-elle.Nousentendionsdesbruitsdebatailledanslescouloirs.— « La kasbah est tombée, » dis-je. « Ibn Saran est mort. Haroun, Grand Pacha des

Kavars,etSuleiman,GrandPachadesAretai,sontdéjààl’intérieur.»—«Jesais,»fit-elleavecdésespoir.«Jesais.»— « Tu as été relevée de ton commandement, » repris-je. « Tu ne servais plus à rien.

Même les hommes qui te suivaient, décimés, ne font plus que défendre leur vie. » Je laconsidérai.«Lakasbahesttombée,»répétai-je.

Ellemeregarda.«Tuesseule,»repris-je.«C’estterminé.»—«Jesais,»dit-elle.Puisellelevalatête,furieuse,pleined’orgueil…«Commentas-tudevinéquetumetrouveraislà?»demanda-t-elle.—«JeconnaisunpeulesappartementsdeTarna,»répondis-je.—«Biensûr,»dit-elle.Ellesourit.«Et,àprésent,tuesvenumechercher.»Ellerit.—«Oui,»dis-je.—«Detouteévidence,celuiquimeconduira,lacordeaucou,devantlesNoblesPachas

HarounetSuleimanauraunegrosserécompense,»estima-t-elle.—«Jesupposequetelseralecas,»opinai-je.—«Imbécile!»cria-t-elle.«Sleen!JesuisTarna!»Ellelevasoncimeterre.«Jesuis

supérieureàtousleshommes!»Jem’opposaiàsacharge.Ellen’étaitpasmaladroite.Jeparaisescoups.Jen’appuyaipas

mesattaques,afindenepaslafatiguer.Jelalaissaifrapperdetailleetdepointe,feinter.Pardeux fois elle recula brusquement, effrayée, renonçant presque, comprenant qu’elle s’étaitexposéeàmalameetquejenel’avaispasfrappée.

—«Tun’espassupérieureàunGuerrier,»luidis-je.C’étaitvrai.J’avaiscroiséleferavecdescentainesd’hommes,àl’entraînementetdanslesjeuxférocesdelaguerre,quiauraientpuentermineravecelle,rapidementetavecfacilité,s’ilsl’avaientvoulu.

Furieuse,elleattaquaànouveau.Jem’opposaiànouveauàsonattaque,jouantavecelle.Elle pleurait, frappant à l’aveuglette. J’étais à l’intérieur de sa garde, la lame sur son

ventre.Ellerecula.Ellecombattitencore.Cettefois, j’avançaisurelle, lui faisantsentir lepoids

de l’acier, le poids d’un bras d’homme. Soudain, elle se retrouva adossée à un pilier. Ellen’avaitplusdegarde.Ellenepouvaitpratiquementplus lever lebras.Ma lameétait sur sapoitrine.Jereculai.Elleavançaentrébuchant,désespérée.Ellelevaànouveausoncimeterre,essayad’attaquer.Jem’opposaiàsalame,haut,lacontraignantàbaisserlasienne;ellemitungenouàterre,levantlatête,tentantd’écarterlalame;ellen’avaitpasd’appui;ellen’avaitplus de force. Je la repoussai et elle tomba sur les dalles, devant moi ; ma botte gauche,lourde,futsursonpoignetdroit;lapetitemains’ouvritetlecimeterreglissasurlesdalles.Lapointedemalameétaitsursagorge.

«Debout!»ordonnai-je.Jecassaisoncimeterreauniveaudelagardeetlejetaidansuncoindelapièce.Elleseleva,aumilieudelapièce.—«Metstacordeàmoncou,Guerrier,»dit-elle.«Tum’asprise,Guerrier.»Jemarchaiautourd’elle,l’examinant.Elleétaitdebout,furieuse,inspectée.Avec la lame de mon cimeterre, j’écartai la jambe droite, lacérée, de son pantalon. La

jambe,àl’intérieur,étaitmagnifique.

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«Jet’enprie,»dit-elle.— «Quitte tes bottes, » dis-je. Furieuse, elle les quitta. Puis elle se tint, pieds nus, au

centredelapièce.—«Tuvasmeconduire,piedsnus,devantlesPachas?»demanda-t-elle.«Tavengeance

n’estdoncpasassezdouce,quetuveuillesaussim’humilier?»—«N’es-tupasmaprisonnière?»m’enquis-je.—«Si,»répondit-elle.—«Danscecas,tuferascequejeveux,»déclarai-je.—«Oh,non,»sanglota-t-elle.Quelquesinstantsplustard, je luidisdes’agenouiller.Elles’agenouillasur lesdalles, la

tête baissée, le visage dans les mains. Elle fut complètement dénudée par la lame ducimeterre.

«Quesepasse-t-il?»demandaHassan,entrantdans lapièce.Jeconstataiavec intérêtqu’ils’étaitchangé.IlneportaitplusleblancduGrandPachadesKavarsmaisdesvêtementsplussimplesquiauraientpuconveniràHassan,hors-la-loiduTahari.

—«Lève la tête,ma Jolie, » dis-je, posant doucementma lame sous sonmenton et laforçantàlelever.

ElleregardaHassan,incroyablementbelle,lesjouesmouilléesdelarmes.«VoiciTarna,»annonçai-je.—«Tellementbelle?»demanda-t-il.—«Oui,»dis-je.—«Tu l’ascapturée,»relevaHassan.«Mets tacordeàsoncou.Haroun,GrandPacha

desKavars,etSuleiman,GrandPachadesAretai,sontimpatientsdelavoir.»Jesouris.Jesortisunecordedemaceinture.C’étaitunecordegrossière.«Ilestprobable,»estimaHassan,«queHaroun,GrandPachadesKavars,etSuleiman,

Grand Pacha des Aretai, accorderont une forte récompense à l’homme qui leur livreraTarna.»

—«C’estprobable,»opinai-je.—«Jelesaientendusdirequ’ilslavoulaient,»affirmaHassan.Jenouailacordeautourducoudelafemme.Ellem’appartenait.Hassanregardalabellefemmenueetattachée.—«Jeneveuxpasmourir!»cria-t-ellesoudain.«Jeneveuxpasmourir!»Ellesecacha

levisagedanslesmainsetpleura.—«Lechâtimentdeceuxquidétruisentlespuits,»soulignaHassan,«n’estpasléger.»Tarna,frissonnante,pleura,latêteparterre,macordeaucou.—«Viens,Femme,»dis-je.Je tirai sur la corde, lui relevant la tête.« Il fautquenous

allionsvoirlesPachas.»—«Iln’yapasdefuitepossible?»sanglota-t-elle.—«Pourtoi,iln’yenapas,»répondis-je.«Tuasétécapturée.»—«Oui,»fit-elled’unevoixsourde.«J’aiétécapturée.»—«Crois-tu,Hassan,»demandai-je,«commemoi,qu’ilrestepeut-êtreunespoirpoursa

vie?»—«Peut-être,»fitHassanavecunsourireironique.—«Lequel?»s’écriaTarna.«Lequel?»—«Non,»dis-je.«C’esttrophorrible.»—«Lequel?»cria-t-elle.—«N’ypenseplus,»dis-je.

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—«N’ypensonsplus,»admitHassan.«Tun’accepterais jamais.Tues trop fière, tropnoble,tropbelle.»

—«Lequel?»cria-t-elle.JetiraisurlacordepourfaireleverTarnaetlaconduiredevantlesPachas.— « La torture et l’empalement sur les murs de la kasbah des Neuf Puits sont

préférables,»ditHassan.—«Lequel?»sanglotaTarna.—«C’esttrophorrible,tropaffreux,troptotalementhumiliantetsensuel,»dis-je.—«Lequel?»sanglotalabeautéattachée.«Oh,lequel?»—«Auxniveauxinférieurs,»ditHassan,«ilmesemblequesetrouventlesesclaves.»—«Oui,»ditTarna.«Pourleplaisirdemeshommes.»—«Tun’asplusd’hommes,»luirappelai-je.—«Jecomprends!»s’écriaTarna.«Jepourraismeglisserparmielles.»—«C’estunepossibilité,»reconnutHassan.—«Maisjenesuispasmarquée,»sanglota-t-elle.—«Celapeuts’arranger,»ditHassan.Elleleregarda,horrifiée.—«Maisalors,»releva-t-elle,«jeseraisvéritablementuneesclave.»—«Jesavaisquetuneseraispasd’accord,»rappelaHassan.Je tirai sur la corde attachée au cou de la femme. Cela l’obligea à lever lementon. Le

nœudétaitsoussamâchoire,surladroite,luitournantlatêteàgauche.—«Non,»dit-elle.«Non.»Nouslaregardâmes.«Asservissez-moi,»souffla-t-elle.«Jevousenprie.Jevousenprie.»— « C’est très dangereux, » fit valoir Hassan. « Si Haroun, Grand Pacha des Kavars,

l’apprenait,ilmeferaitécorchervivant.»—«Jevousenprie,»suppliaTarna.—«Ceneserapasfacile,»dis-je.—«Jevousenprie,jevousenprie,»sanglota-t-elle.—«Commentpourrions-nousnousyprendre?»demandai-je.— « D’abord, » dit Hassan, « la corde au cou ne convient pas. Il faut une laisse de

poignets.»—«Celasemblefacile,»dis-je.—«Leplusdifficile,»repritHassan,«seradelaconduiredanslescouloirs.»—«Jepeuxmarcherlatêtebaissée,commeuneesclave,»proposaTarna.—«Engénéral,»contraHassan,«lesesclavesmarchenttrèsfièrement.Ellessontfières

deleurasservissement,d’êtredominéesparleshommes.Ellesontapprisleurféminité.Onlaleur a enseignée. À leurmanière, bien qu’elles soient asservies, je crois qu’elles comptentparmi les femmes les plus vraies et les plus fières. Elles sont plus proches, peut-être, del’essentieldelaféminité:lasoumissionàlavolontémasculine,l’obéissance,leserviceetleplaisir. En étant véritablement elles-mêmes, complètement esclaves, elles sont très libres.C’estparadoxal,biensûr.Laplupartdesfemmes,verbalement,s’opposentàl’esclavagemaiscette demi-haine boudeuse, rhétorique inefficace, est démentie par la joie de leurcomportement.Lesfemmesquin’ontpasétéesclavesnepeuventcomprendrelajoiequecelareprésente, la profondeur de leur liberté. Les objections des femmes à l’esclavage, je l’aisouventconstaté,nesontpasdesobjectionsàl’institutionque,danslachaleurdoucedeleurcorps,ellesaimentbeaucoupetcraignentdeperdre,maisàunmaîtredonné.Aveclemaître

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qui leur convient, elles sont parfaitement satisfaites. Dans le collier qu’elles aiment, ellessontsereinesetjoyeuses.»

—«Lesesclavessont-ellesvéritablementfières?»demandaTarna.—«Presquetoutes,»réponditHassan.«Tunepensespeut-êtrequ’auxfemmesquetuas

dominées, auxMaîtresses du Sérail régnant sur desmâles faibles.Mais as-tu déjà vu desfemmesdevantdeshommes?»

— « Dans un café, autrefois, » répondit-elle, « j’ai vu une femme danser devant leshommes.Ellem’ascandalisée.Etlesserveuses!Honteux!Scandaleux!»

—«Soisprudente,Petite,» l’avertitHassan,«carunjour,tuservirasetdanseraspeut-être.»

Elleblêmit.«Lesfemmessemblaient-ellesfières?»demandaHassan.—«Oui,»répondittristementTarna.«Maispourquoiétaient-ellesfières?»—«Ellesétaientfièresdeleurcorps,deleurssentiments,deleurdésirabilité,»expliqua

Hassan,«etfières,aussi,deleurmaître,quiavaitlavolontéetlepouvoirdeleurfaireportersoncollieretdelesgarder,parcequecelaluifaisaitplaisir.»

—«Commeleshommesdoiventêtreforts!»soufflaTarna.—«Enoutre,»repritHassan,«femellesindéniables,confiantesenleursexualité,illeur

seraitdifficiledenepasêtrefières.Deplus,lajoierendlesfemmesfières.»—«Maispourquoi,pourquoi?»sanglotaTarna.«Pourquoisont-ellesfières?»Hassanhaussalesépaules.—«Parcequ’ellessaventqu’ellescomptentparmilesfemmeslesplusparfaitesetlesplus

profondes, » expliqua-t-il. « C’est pour cela qu’elles sont fières. »Hassan rit. « Parfois, »ajouta-t-il,« les femmessont tellement fièresqu’ilestnécessairede les fouetter,pour leurrappelerqu’ellessontesclaves.»

—« Je peuxmarcher fièrement, » déclara Tarna. « Conduisez-moi dans les couloirs. »Elleselevadevantnous.

—«Ilyaunedifférence,»rappelaHassan,«entrelafiertédelafemmelibreetcelledel’esclave.La fiertéde la femme libreest celled’une femmequi se considèrecomme l’égaledes hommes. La fierté de l’esclave est celle d’une femme qui sait qu’aucune femme nel’égale.»

Tarna,soudain,involontairement,frémitdeplaisir.Jeconstataiquecetteidéel’excitait.«Tuneconcurrencesplusleshommes,»relevaHassan.«Tues,àprésent,différente.»— « Oui, oui, » souffla soudain Tarna. « Je vois. Je suis différente. Je ne suis plus la

même.»Ellenousregarda.«Soudain,»dit-elle,«pourlapremièrefois,l’idéedenepasêtrelamêmemeplaît.»

—«C’estundébut,»admitHassan.—«Crois-tuqu’ellesoitprêteàallerdanslescouloirs?»demandai-je.J’entendaislescrisdeshommes,dehors.Onchantait,onfaisaitlafête.—«Ellenesaitpasencoremarchervéritablementcommeuneesclave,»relevaHassan,

«carcen’estpasencoreuneesclave,maissionnefaitpastropattentionàelle,nousavonspeut-êtreunechance.»Ilsetournaverslaprisonnière.«Commentregardes-tuleshommes,Petite?»demanda-t-il.«Commentsoutiens-tuleurregard?»

Tarnaleregarda.Hassangémit.«Nousallonsylaissernotretête,»dit-il.Aveclacorde,jetiraiTarnajusqu’àlacoucheimmenseetlajetaisurlescoussinsjaunes.

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Àla têtede lacouche, j’attachai lacordequiétaitpasséeàsoncou.Ellenepouvaitplussesouleversurlescoussins.Ellesedébattit,setournantversmoietmeregardant.

—«Qu’allez-vousfairedemoi?»demanda-t-elle,horrifiée.Hassaneutunsourireironique.—«Tul’ascapturée,»dit-il.«Lespremiersdroitsdecapturet’appartiennent.»Tarnapoussauncridedésespoir.Unpeuplustard,nousconduisîmesTarnadanslescouloirsdelakasbah.Nousluiavions

retiré la corde du cou pour dissimuler le fait que c’était une prisonnière libre. Je lui avaisattaché les poignets et tenais la laisse à lamain. Parfois, je tirais brusquement, la faisanttrébucher, courir ou tomber. J’agissais ainsi pour trois raisons : cela dissimulait samaladresse, j’étais pressé, et celame faisait plaisir. La corde qui lui attachait les poignetsprovenait des tentures de sa chambre. Ces cordes étaient telles, qu’elles n’étaient pasaisémentidentifiables.

«Netrouve-t-oncetypedecordequedanstesappartements?»luiavais-jedemandé.—«Non,»avait-ellerépondu.«Non.»Jel’avaisalorsattachéeavec.—«N’est-ellepastroppropre?»demandaHassan.Jeregardailafemmeattachée.—«Si,»dis-je.Puisj’ordonnaiàlafemme:«Couche-toiparterreetroule-toi!»Elleme foudroyaduregard,puisobéit.Quandellese futrelevée,Hassanpritde lasuie

dansunelampeàhuiledetharlarionetluienpassaçàetlàsurlecorps.Puisilpritdel’huileetellefrissonnalorsqu’illuienversasurl’épaulegaucheetfrotta.

—«Leplusdangereux,àprésent,»relevaHassan,«c’estl’absencedemarque.»—«Àmoinsquetun’aiesunfersurtoi,»dis-je,«nousn’ypouvonsrien.»Néanmoins,leproblèmeétaitgrave.Lesfemmessontgénéralementmarquéesdemanière

visible,surlacuissedroiteougauche.Lamarqued’uneesclaven’estpasquelquechosequel’on doit chercher lorsque la femme est nue. Si l’on remarquait, sur le trajet des niveauxinférieurs, que la femme n’était pas marquée, on supposerait qu’elle était libre. Celaéveilleraitlacuriositéetl’ons’ensouviendraitcertainementplustard.Tarna,naturellement,n’étaitpasmarquée.Enfait,c’étaitprobablementlaseulefemmenonmarquéedelakasbah.

J’arrachai une tenture jaune et en coupai une mince bande. Je l’enroulai autour descuissesde la femme,bas,pour exposer lenombril.Cela s’appelle : leVentred’Esclave.SurGor, seules les esclaves montrent leur nombril. Mais le morceau de tissu couvrirait lesendroitsordinairementréservésàlamarque.

—«Ilseraitsansdoutepréférable,»avançaHassan,«qu’ellesoitcomplètementnue.»—«Passansmarque,»rappelai-je.—«Tuasraison,»admitHassan.«Nousnepouvonspasprendrecerisque.»—«Supposons,»suggérai-je,«quenouslaconduisionsàquelqu’unàquinousallonsla

donner et que nous ne voulions lui arracher son dernier voile que devant son nouveaumaître.»

—«Excellent,»acquiesçaHassan.«Aumoins,c’estplausible.»—«Illefaudrabien,»dis-je.—«Jevousenprie,»demandaTarna.«Couvrezmonnombril!»Jedescendis,aucontraire,unpeupluslemorceaudetissusurseshanches.Ellefrémitde

colèremaisneditrien.Ellenefutpascontente,enoutre,lorsqueHassans’essuyalesmainssur lemorceaude tissu.Celasalit lemorceaude tissu,cequi rendaitplusvraisemblable lefaitqu’il soitportéparuneesclave ;enoutre,celaenleva lasuied’huilede tharlarionqu’il

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avaitsurlesmains.Quand nous passions près des soldats qui fêtaient la victoire, de nombreusesmains se

tendaientverslafemmequ’ilsprenaientpouruneesclave.«Oh!»s’écriait-elle.«Oh!»Ellefutbeaucoupcaressée,aveclafamiliaritérudequel’on

réserveauxesclaves.—«Vite, Esclave ! » aboyai-je. Elle ne savait pas répondre : «Oui,Maître. ». Je ne la

menais pas doucement. Finalement, avec soulagement, j’arrivai devant la porte conduisantauxniveauxinférieurs.

—«Les avez-vous vusme regarder ?»demanda-t-elle. «Est-ce ceque c’est qued’êtreuneesclave?»

Nousnerépondîmespas.Hassanouvritlalourdeporte.Jedétachailafemmeetjetaisesliensdansuncoin.Jelaprisparlebraset,Hassannousprécédant,jem’engageaidansl’étroitescaliertortueuxdescendantsouslakasbah.

Nousétionspasséssansennuisdanslescouloirsetcelanousfaisaitplaisir.J’étaisconvaincuquenotresuccès,surceplan,étaitdansune largemesuredûàceque

Tarna,nueetattachéeparlecou,avaitapprissursacouche.Ilyadegrandesdifférencesdansles rapports de divers types de femmes avec les hommes et la manière dont elles lesconsidèrent.Cesdifférencessontsouvent fonctiondesexpériencesqu’ellesontvécuesavecleshommes.Parexemple:seconsidèrent-ellescommeégalesousupérieuresauxhommes?Oubienont-ellesappris,deforceetclairement,qu’ellesnesontpasl’organismedominant?Sesont-ellesretrouvées, impuissantes,soumisesà lavolontéd’unmâle?Connaissent-ellesleurvulnérabilitédélicieuse,àsavoirqu’ellessontlavictimeetlaproiedumâle,sonplaisiretsondélice?Etconnaissent-elles,impuissantes,horrifiéesetjoyeuses,leschosesfantastiquesqu’ilpeutfaireàleurcorps?

« Comment regardes-tu les hommes, Petite ? » avait demandé Hassan. « Commentsoutiens-tuleurregard?»avait-ildemandé.

EtTarnal’avaitregardé.Ilavaitgémi.«Nousallonsylaissernotretête,»avait-ildit.Je l’avais trainée, par le cou, jusqu’à sa couche, afin qu’elle y reçoive un enseignement

rapide.Elleavaitencoredesmilliersdepasangsàparcourir,maisnousl’avionsdégrossieetelle

pouvaitallerdanslescouloirs.J’avaisvu ses réactionsquandnous l’avions trainéeparmi les soldats.Cen’étaitplus la

Tarnad’autrefois.C’étaitunefemmequiavaitcompriscequeleshommespouvaientluifaire.J’entendis des cris et des chansons, en bas. Nous descendîmes quatre étages, jusqu’au

niveauleplusbas.Tarnaparutécœurée.« Quelle odeur ! » s’écria-t-elle. Un soldat ivre, une bouteille à lamain, passa près de

nous.Jelalaissaivomirdeuxfoisdanslecouloir.Puisjelapoussaidevantmoi,latenantparlebras,glissantsurlapailleetlaboueducouloir.Ellecria,misérablement,quandunurtluifrôlalacheville.Nousregardâmesparuneporteouverte.Elledonnaitsurunepiècelongueetétroite.Contre lemurdu fond,unecentained’esclavesétaientenchaînéespar lecousur lapaille. Des soldats, dont beaucoup étaient ivres, s’amusaient avec elles. Quelques-uns, lestenant avec le bras gauche, les obligeaient à boiredu vin.D’autres femmes, tirant sur leurchaîne,setrémoussaientavecimpatience,àgenoux,lesbrastendus.

«Duvin,Maître,s’ilteplaît,»criaient-elles.Elles ne marchandaient pas, comme l’aurait fait une femme libre désespérée :

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«N’importequoipourunegorgéedevin,NobleSire!»,carellesétaientesclaves.Onpouvaittoutexigerd’ellesetonexigeaittoutd’elles,carellesétaientesclaves.

«Commeleshommessonthorribles!»gémitTarna.—«Neparlepastropvite,»laprévintHassan,«car,bientôt,commetoutescesfemmes

enchaînéescontrelemur,tuappartiendrasauxhommes.»Tarnarejetalatêteenarrièreetgémit.«C’estici,»annonçaHassan.Iltiralalourdeportemétalliqueetnousentrâmesdansla

pièce.Jeregardai leschaîneset lesappareils.Tarnasetassasurelle-même.Ellenepouvaitfuircar je la tenaispar lebras.Elleparutsur lepointdes’évanouir.Je lasoutins. Il faisaitsombre,danslapièce,quiétaituniquementéclairéeparunelampeàhuiledetharlarion,dansuncoin,et lesbraisesdufeuprocheduchevaletàmarquer.Hassanpiqualesbraises.Dansune grande kasbah, il y a toujours des fers au feu. Les esclaves le savent. J’arrachai lemorceaudetissuqu’elleportaitsurleshanchesetlajetaisurlechevalet.Jemanœuvrailesdeuxgrosanneauxmétalliquesetlesserraisursacuisse.Ellesetourna,essayantdefrapperlemétalqui l’immobilisait.Je luipris lespoignetset les tiraiversdeuxbarresséparéesparune vingtaine de centimètres, les emprisonnant dans les anneaux qui y étaient suspendus,faisant partie du chevalet à marquer. Ce sont des mécanismes simples. Ils sont faciles àouvrir et fermer, et on peut le faire d’unmouvement du doigt. Comme les bracelets sontassez loin l’un de l’autre et qu’ils se ferment indépendamment sur les poignets,naturellement, la femmenepeut lesouvrir.Quelqu’und’autrepeut lesouvriraisément.Lafemme,enrevanche,estparfaitement immobilisée.Jeserraiànouveau lesanneauxqui luimaintenaientlacuisse.

«Oh, oh ! » cria-t-elle.Elle tira en vain sur les anneauxde ses poignets. Puis je serraiencore.

«Jet’enprie!»cria-t-elle.—«Silence!»luidis-je.Ellesemorditlalèvre.Jeserraiencoreetbloquailesfermetures,afinquelesanneauxne

sedesserrentpas.Sacuisseétaitabsolumentimmobile.— « Je vois que tu aimes les femmesmarquées sur la cuisse gauche, » fit remarquer

Hassan.Lafemmepeutsedébattresurlechevalet,setortillerethurler,sacuissenebougerapas.

Elleattendralebaiserdel’acier.Avecungrosgant,Hassansortitleferdufeu.«Quepenses-tudecelui-ci?»demanda-t-il.C’étaitunemarqueentaharique.—«Ilest joli,»répondis-je.«Maisassurons-nousqueceseraunemarqueordinaireet

quenouspourronsvendrel’esclavedanslenord.»—«Bonne idée,»acquiesçaHassan. Il remit le ferdans le feu et en sortitunautre. Il

était rouge. C’était un bon fer, propre et précis. À l’extrémité, rouge luisante, il y avait lamarqueordinairedesKajiraedeGor.Tarnalaregarda,horrifiée.

«Iln’estpasencoreassezchaud,maJolie,»ditHassan.Illeremitdanslefeu.Nousentendîmesdescris,commes’ilsvenaientdeloin.Hassanmeregarda.—«Jevaisvoir,»dis-je.Jesortisdelapièceetgagnaileniveausupérieur.Lebruitvenait

dudeuxièmeniveau.Unsoldatmecroisaentrébuchant.«Quesepasse-t-il?»demandai-je,«enhaut?»—«OnchercheTarna,»répondit-ilenriant.Puisils’éloignaentrébuchant.Deuxfillesenchaînéespassèrentdevantmoi,conduitesparunsoldat.

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JeregagnailequatrièmeniveauetlapièceoùHassanattendait.«IlscherchentTarna,»dis-je.—«Àquelniveausont-ils?»demandaHassan.—«Audeuxième,»répondis-je.—«Ah,»fitHassan.«Danscecas,nousavonstoutletemps.»Quelquesehnsplustard, ilsortit leferdufeuet l’examina.Puis il leremitenplace.Un

instantplustard,cependant,commeildevaitêtrepresqueprêt,illesortitànouveau.Ilétaitd’unblancluisant.

«Tupeuxcrierethurler,maJolie,»proposaHassan,nonsansgentillesse.Elletirasurleschaînesdesespoignets,lesyeuxfixéssurlefer.Puisellehurla.Pendant

cinq longues ihns, Hassan appliqua fermement le fer. Je le vis s’enfoncer dans la cuisse,fumantetsifflant.Puis,proprement,illeretira.Tarnaétaitmarquée.

Elle sanglotait convulsivement.Nousne l’en empêchâmespas. Je libérai sa cuisse.Elletombaàgenoux, en larmes.J’ouvris lesanneauxqui lui emprisonnaient lespoignets. Je lapris,enlarmes,dansmesbras.

Suivant Hassan, je la jetai dans une cellule vide du quatrième niveau. Hassan tiraseulementlaporte,lalaissantentrouverte.Lacelluleétaitfaiblementéclairéeparlecouloir.JeposaiTarna,quipleuraittoujours,surlapaillehumide,contrelemurdufond.

«Jesuisuneesclave,»souffla-t-elle.«Jesuisuneesclave.»Noustrouvâmesunechaîneetuncollieretattachâmeslafemme.Nouslaregardâmes.Elleétaitenchaînéecontrelemur.«Jesuisuneesclave,»souffla-t-elle,incrédule,àtraversseslarmes.Nousentendîmesdubruit,auniveausupérieur.«Ilsfouillentletroisièmeniveau,»relevaHassan.«Ilsvontbientôtarriverici.»—«Jesuisuneesclave,»dit-elle.—«Sil’ondécouvraitquetuétaisTarna,»soulignaHassan,«leschosesneseraientpas

facilespourtoi.»Elle le regarda en silence, comprenant l’allusion. Il avait parlé de Tarna au passé. Elle

n’était plus Tarna. Tarna n’existait plus. Elle était à présent une esclave qui n’avait pas denom,commeunkaiilaouunverr.

« Si l’on découvrait que tu étais Tarna, » reprit Hassan avec gravité, « les choses neseraientpasfacilespourtoi.Tun’auraisplusdroitàcertainesformesdetorture,convenantaux personnes libres et se terminant par un empalement honorable. Ta mort seraitcertainementcelled’uneesclavequin’apasétéagréable.»

—«Quepuis-jefaire?»sanglota-t-elle.«Quepuis-jefaire?»—«Tuesuneesclave,»ditcruellementHassan.«Fais-nousplaisir.»Et,dans lacellule sale, sur lapaillenauséabonde,dans la faible lumièrede la lampedu

couloir,Tarna,autrefoisorgueilleuse,quin’étaitplusqu’uneesclavesansnom,enchaînéeparlesmaîtres, fit tout son possible pour provoquer notre plaisir. Nous ne fûmes pas faciles.Nousfûmesrudes,dursetcruels.Ellepleurasouvent,désespéradesonaptitudeànousfaireplaisir,maisellefutgiflée,reçutdescoupsdepiedets’attelaànouveauàlatâche.

Finalement,nousnouslevâmes.«L’esclaveespèrequ’elleafaitplaisirauxMaîtres,»soufflalafemme.Hassanmeregarda.— « Elle a beaucoup à apprendre, » dit-il. «Mais je crois que, avec le temps, elle sera

satisfaisante.»

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Jehochai la tête,étantde lamêmeopinionque lui.Puisnoussortîmesdans lecouloir.Nousyrencontrâmesunsoldatavecunelampe.

«JechercheTarna,»dit-il.—«Tarnan’estpasici,»répondis-je.«Iln’yaqu’uneesclave,danscettecellule.»Le soldat regardadans la cellule, levant sa lampe.La femmeétait couchée sur lapaille,

enchaînéepar lecou.Elleprotégeasesyeuxde la lumière.Ellen’étaitpas fortemais,dansl’obscuritédelacellule,ellefaisaitmalauxyeux.

Lafemmeétaitbelle,couchéesurlapaille.Ellelevalatête,seprotégeantlesyeux.«Maître?»demanda-t-elle.—«Commentt’appelles-tu,Petite?»demandalesoldat.—«CommelesouhaiteleMaître,»répondit-elle.Il leva la lampe, examinant sa beauté. Dans unmouvement souple et un tintement de

chaînes, elle se redressa, le dos droit. Elle tendit la jambe droite, le regardant par-dessusl’épauledroite;sesorteilsétaienttendus;sajambeétaitfléchie,mettantenvaleurlacourbedesonmollet.

J’eusenviedelavioler.—«Comments’appelletonMaître?»demandalesoldat.—«Jenesaispas,»répondit-elle.«J’appartenaisàTarna.Àprésent,j’aiapprispardes

soldatsqueTarnaétait tombée.JenesaispasquiseramonMaître.»Elle le regarda.«Tusemblesfort,»ajouta-t-elle…

Assise,elletenditlesseins,accentuantlalignedesabeauté.—«Salope!»fit-ilenriant.Ellebaissalatête,rabrouée.Ilrit.«Reprendslapositionquetuavais,»dit-il.Elleobéit.«Davantage,»dit-il.Elleobéit.«JechercheTarna,»reprit-il.—«Nelachercheplus,»ditlafemme.«Resteavecmoi.»—«Tuessale,»répliqua-t-il.«Ettuempestes.»—«Vachercherduparfumd’esclave,»suggéra-t-elle.«Passe-lesurmoncorps.»Ilsetournavers laporte.Elleseprécipitavers lui, tendantsachaîne,àgenoux, lesbras

tendus.«Lequatrièmeniveauestprofond,»dit-elle.«Jesuisseuledansmacellule.Beaucoup

d’hommesne saventmêmepasque je suis ici.Lakasbahest tombéeet seulsdeux soldatssontentrésdansmacellule.Resteavecmoi!»

—«JedoischercherTarna,»ditlesoldat.—«Quandtuaurasterminé,»proposalafemme,lesbrastendus,«reviens.»—«D’accord,»réponditlesoldat.Ileutunrirebrutal.—«Merci!»cria-t-elle,«Maîtrebien-aimé.»Iltournaledos.«Maîtrebien-aimé,»souffla-t-elle.Elleétaitàgenoux.Ellebaissalatête.«Sij’étaisune

femme libre effrontée, » reprit-elle, « et non une femme asservie, je te demanderais derapporterunebouteilledevinpourtonplaisir,afinquetuprofitesmieuxdemoi.»

—«Petitsleen!»s’écria-t-ilenriant.Iltraversalacellule,giflalafemmeetluidonnadescoups de pied jusqu’au moment où, tassée sur elle-même sur la paille, emmêlée dans sachaîne,ellesecouvritlatête.Puisilrepritsalampeetregagnalaporte.

«Jereviendrai,»promit-il.«Etj’apporteraiduvin.»Elles’assit.

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—«Merci,Maître!»cria-t-elle.— « Et j’apporterai également du parfum d’esclave, » ajouta-t-il. « Afin de couvrir ta

puanteur,Esclave!»—«Merci,Maître!»s’écria-t-elle.Enriant,ilsortitdelacellule,continuantdechercherTarna.«Remontons,»ditHassan.«Ilyaprobablementdesgensquisedemandentoùestpassé

Haroun,GrandPachadesKavars.»—«Probablement,»fis-je.Jeregardailafemme.«Tuesuneexcellenteactrice,»dis-je.Ellemedévisagea,troublée.«Jesuisconvaincuquelesoldatreviendra,»ajoutai-je.Ellecassaunbrindepailleentresesdoigts.—«Jel’espère,dit-elle.Jelaregardai.—«As-tuenviequ’ilrevienne?»m’enquis-je.—«Oui,»répondit-elle.Ellelevaitlatête,enchaînée.—«Pourquoi?»demandai-je.— « Tu ne l’as pas trouvé fort ? » demanda-t-elle. « Tu n’as pas vu l’aisance, l’audace,

l’autoritéaveclesquellesilm’atraitée?»—«J’aivu,»répondis-je.—«Jeveuxêtrepossédéeparlui,»dit-elle.«Jeveuxqu’ilmepossède.»—«Es-tusérieuse?»demandai-je.—«Oui,»répondit-elle.«Jeveuxêtresonesclave.»Hassansetenaitderrièremoi.—«Jetesouhaitetoutlebien,Petite,»dit-il.—«Moiaussi,jetesouhaitetoutlebien,Esclave,»dis-je.—«L’esclavevousexprimesagratitude,»dit-elle.Alorsquenousquittionslacellule,elle

ajouta:«Jevoussouhaitetoutlebien,Maîtres.»

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26

LAMARCHE

C’ÉTAITlematin.J’entendaislestambours.Lamarchecommenceraitbientôt.Lekaiilagriffaitlesable.Une

lanièredecuirétaitnouée,peuserrée,auhautpommeaudemaselledudésert.Mesbottesétaientdanslesétriers.J’avaismoncimeterreaucôté.J’avaislalancelégèreduTahari,dontlahampeétaitglisséedansunfourreaufixéàmonétrierdroit.

Je vis Haroun, Grand Pacha des Kavars, tout de blanc vêtu, passer près demoi. À sescôtés,portantlekaffiyehnoiret l’agalblancdesAretai,chevauchaitSuleiman,GrandPachadecette tribu, régnantsur lakasbahdesNeufPuits,maîtred’unmillierde lances.DerrièreHaroun, chevauchait Baram, Cheik de Bezhad, son vizir. Derrière Suleiman, sur un kaiilarapide,chevauchaitShakar,avecunelanceàpointed’argent,capitainedesAretai.

Jeregardai,derrièremoi,leslonguesfilesd’hommes.Lesoleiltouchaitàprésentlemursuddecequiavaitétélakasbahd’Abdul,IbnSaran,ex-UbarduSel.Lacolonnes’étendaitdesa kasbah, dans le désert, à la kasbah qui avait été celle de Tarna, autrefois orgueilleusepillardedudésert.C’étaitprèsdecettekasbahquesetrouvaitlatêtedelacolonne.

JevislejeuneKhandesTajuks,portantunturbanblanc,passeraugalop,sedirigeantversl’arrièredelacolonne.Ilétaitaccompagnéparvingtcavaliers.

LamarchegagneraitleRocherRouge,puislesDeuxCimeterres,puislesNeufPuitset,delà,parl’itinérairedescaravanes,Tor.Diversgroupesd’hommesquitteraientlafileàcertainspoints, lestribusregagnantleursdomainesrespectifs.Seulesquelquescentainesd’hommesiraient jusqu’àTor,essentiellementpourconduiredescentainesd’esclavessur lesMarchésdecetteville,quiest laplaquetournante,auTahari,desesclavesdestinésàêtrevendusaunord.Toravaitdéjàétéprévenue,afinquetoutsoitprêt.Ilfallaitprévoirdescages,forgerdeschaînes, stocker de la nourriture. En ce qui concernait les femmes, il fallait prévoir desparfumsetdumaquillage.Lesventesauxenchèresdevaientêtrepréparées.Ilfallaitfixerdesdates. La publicité était extrêmement importante. La vente devait être soigneusementannoncée dans de nombreuses cités. Il y a de nombreuses choses à faire avant que lapremièrefemme,nue,montesurl’estradepouryêtrevendue.Denombreuxpréparatifs,uneorganisationpréciseetbeaucoupdetravaildoiventêtrefaitsavantqu’ellelèvelatêtedevantlesacheteurs,lesregardant,l’und’entreeuxdevantlaposséder,etqu’elleentendelepremierappelducommissaire-priseur,levantsonfouetrouléderrièreelle:

«Quem’offre-t-on?»Dans la colonne, il y avait les Kavars, les Aretai les Ta’Kara, les Bakahs, les Char, les

Kashani,lesLuraz,lesTashid,lesRaviri,lesTi,lesZevars,lesAraniet,tenantl’arrière,avecleurslancesnoires,lesTajuks.

Ilyavaitdescentainesdekaiilasdetrait,beaucoupportantdel’eau.Lerythmedestambourss’accéléra,indiquantquelemomentdudépartapprochait.Lesoleiléclairaitàprésentenpleinlemursuddecequiavaitétélakasbahdel’Ubardu

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Sel.Unedouzainedekaiilas,enfile,passèrenttranquillement,chargésd’eau.Approximativement quinze cents hommes, qui s’étaient rendus, portaient à présent les

chaînesdesesclaves.Sixcentsfemmesavaientétécapturéesdanslesdeuxkasbahs.Leshommesmarcheraientà l’arrièrede lacolonne,devant lagardechargéededéfendre

lesarrières.Lesfemmes,cariln’yavaitpasassezdechariotsetdekaiilas,marcheraient,pargroupesdecinquante,aucentredelacolonne.Ellesétaientplusprécieusesqueleshommes.Touteslesfemmesétaientattachéeslesunesauxautresparlepoignet.

Jepoussaimonkaiila et regardai les groupesde femmesqui se tenaient contre lemur,n’ayantpasencoreétéconduitesàlaplacequ’ellesoccuperaientdanslacolonne.Touteslesfemmes étaient attachées par le poignet gauche. Elles étaient séparées l’une de l’autre parenvironunmètrecinquantedechaînebrillante.Leschaînesn’étaientpaslourdes.Tandisqueje passais devant les femmes enchaînées, les examinant, la lanière de cuir attachée aupommeaudemaselle se tendit.Elle conduisaitauxpoignetscroisés, liés,d’une femme.Lalaissefaisaittroismètres.Lafemmesuivait.

Les pieds des femmes avaient été enveloppés avec du cuir. Elles avaient du sablejusqu’aux chevilles. Plus tard, quand le soleil serait haut, on leur lancerait des draps quiprotégeraientleursyeuxdelaluminosité,leurcorpsdelachaleur.Ledrapsemetsurlatête,complètement,desortequelafemmenepeutrienvoir.Puisonattacheunelanièredecuirautour du cou de l’esclave, afin que le drap reste bien en place. Il est préférable,naturellement,quelesfemmesvoyagentdansunchariotferméoudansunkurdah.

Lesdraps,naturellement,n’étaientpasencoreenplace.Lesfemmessetenaientdroites,fièrement,sousleregardd’unGuerrier.«Tal,Maître,»direntplusieursquandjepassailentementdevantelles.«Achète-moiàTor,Maître!»crial’uned’entreelles.Une femme, dans le quatrième groupe, s’éloignades autres, sonpoignet gauche tiré en

arrièrepar lachaîne.Elleappuya levisagesur le trainavantdemonkaiilapuis,en larmes,levalevisageversmoi.C’étaitTafa.Jemesouvinsd’elle,danslaprisondecequiavaitétélakasbahd’IbnSaran,lematindemondépartpourKlima.C’étaitunebonnefille.Jecontinuaimon chemin. Zina, qui avait été capturée avec Tafa dans la caravane prise par Hassan, leBandit, ne se trouvait pasdans les deuxkasbahsdudésert.Nousne savionspas à qui elleavaitétévendue.Nousnesavionspasauxpiedsdequielleétait,àprésent,àgenoux.

Audébutduquatrièmegroupe,jevisuneautrefemmedontjemesouvenais.Elletournalatête,essayantdesecacher.J’arrêtaimonkaiila.Sentantquejem’étaisarrêté,elletombaàgenouxetsetournaversmoi,latêtebaissée.

«Pardonne-moi,Maître,»souffla-t-elle.—«Regarde-moi,Esclave!»ordonnai-je.Ellelevalatête,effrayée.C’étaitZaya,lafemmeroussequiservaitlessucresetlevinnoir

aupalaisdeSuleimanPacha.Elleavaittémoignécontremoi,auxNeufPuits.«Tesouviens-tu,»demandai-je,«quiafrappéSuleimanPacha?»—«Hamid,»sanglota-t-elle.«Hamid,lieutenantdeShakar,capitainedesAretai.»—«Tamémoires’estaméliorée,»constatai-je.Jeprisunbonbondansmonsacdeselle

etleluilançai.—«Tun’esdoncpasencolèrecontremoi,Maître?»demanda-t-elle.—«Non,»répondis-je.Ellemitlebonbondanssabouche.Jecontinuaimonchemin.Hamidn’étaitpasenchaînéaveclesprisonniers.Ilavaitétéconduitdansuneoasisaretai

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isolée.Là,enexil,ilseraitesclave.Dansledeuxièmegroupe,jepassaidevantdeuxfemmesquej’avaisrencontrées,Lana,la

grandefemmeresponsabledusérail,maîtressedanslakasbahdeTarna,etsacompagne,quis’occupaitdeshuilesdubain.Commenousavions,Hassanetmoi,misuntermeàleurutilitéauseindusérail,Tarna,furieuse,lesavaitenvoyéesdanslesniveauxinférieursdelakasbah,où elles avaient servi les plaisirs des hommes. Elles ne savaient pas que leur Maîtresseorgueilleuse, qu’elles n’avaient jamais vue, avait récemment, comme elles l’avaient fait,esclave sans aucun droit, servi les hommes, qu’elle s’était délicieusement abandonnée auplaisirdesoldatsrudes.

«Tal,Maître,»dirent-elles.—«Tal,Esclaves,»répondis-je.Je continuaimon chemin. Les esclavesmâles du sérail avaient été affranchis. On leur

donnerait de l’argent et un sauf-conduit jusqu’à Tor. Ils marcheraient avec la colonne.Haroun,GrandPachadesKavars,avaitfaituneexception.

« Celui-ci, » avait-il dit, siégeant dans la salle d’audience de ce qui avait été la kasbahd’IbnSaran,montrant le typevêtudesoiequiportaituncollierderubis,etquiavaitvoulunouslivrerauxgardesdeTarna,«doitêtrevenduàTor…Vendez-leàunefemme.»

L’hommeavaitétéemmené.Ilétaitaveclesprisonniers,àl’arrièredelacolonne;luiseuln’était pas nu ; il portait sa tunique de soie et son collier de rubis ; les prisonniers leregardaientdetravers.

Dans le premier groupe de cinquante femmes, nues, attendant, je m’arrêtai. C’était lavingt-troisièmefemmeenpartantdudébut.

Le poignet dans le dos, attachée à ses sœurs d’asservissement, elle avança. Elle posa lefrontcontremonétrier,sansmeregarder.Je lasentispresser les lèvres, intensément,avecferveur,surmabotte.

Ellelevalatête,lesyeuxpleinsdelarmes.«Merci,»souffla-t-elle,«Maître.»— « Tu es dans le premier groupe, en vingt-troisième position, » dis-je. « D’après les

hommes,tuestrèsbonne.»—«Jesuisreconnaissante,»dit-elle,«sileshommesmetrouventagréable.»Jevoulusm’éloigner.Sapetitemaindroiteétaitsurl’étrier.Lagaucheétaitderrièreelle,

enchaînée.«Jenesuispascommeunhomme,»dit-elle,levantlatête.—«C’estuneévidence,»dis-je,contemplantsanuditéd’esclave.—«Jesuisdifférente,»reprit-elle.Ellemeregarda.«J’aimeêtredifférente,»souffla-t-

elle.Jehochailatête.« J’aime les hommes, » reprit-elle. « Ils sont terriblement forts etmagnifiques. J’aime

êtrecommandéepareux.J’aimeleurobéir.J’aimesavoirquesijeleurdéplaisuntoutpetitpeu, je serai peut-être tuée ou fouettée. Je ne savais pas que de tels sentiments étaientpossibles.»

Je regardai la femmeasservie.Commeelleétaitheureusededécouvrir lesdélicesdesadominationparleshommes!Lesfemmesdésirentladominationdeshommes.Lorsqu’ellesensontprivées,ellesdeviennentmesquines, frustrées,compétitives,hostilesetméchantes,unefonctiondecebesoinfondamentaln’ayantpasétésatisfaite.L’institutiondel’esclavagedes femmes,dansunesociété, fournit levéhiculede l’expressionetde la satisfactiondecebesoin fondamental.L’esclavage,naturellement, est complètementet totalementà lamerci

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deshommes.C’estlaplusdominéedesfemmes.Enoutre,sadominationestsoutenueparlacivilisation ; elle est juridiquement obligatoire et sanctionnée culturellement ; elle estcomplète ;elle lavoitdans lesyeuxde tousceuxqui laregardent ;elleestcomplète ;c’estuneesclave.

«J’aimeêtreesclave,»ditlafemme,meregardant.—«Àgenoux!»luiordonnai-je.—«Oui,Maître,»dit-elle.Elles’agenouilla.Jetiraisurlarênedemonkaiila.Jedonnai

descoupsdetalondanssesflancs,pourlefaireavancerverslatêtedelacolonne.«Maître,»ditlafemme.—«Oui?»dis-je,m’arrêtantdenouveau.—«Puis-jeparler?»demanda-t-elle.—«Oui,»répondis-je.—«Serai-jevendueàTor?»demanda-t-elle.—«Oui,»répondis-je.«Tuserasvendue,nue,àTor,suruneestrade.»—«Àquiserai-jevendue?»demanda-t-elle.—«Àunmaître,»répondis-je.Puisjedonnaidescoupsdetalondanslesflancsdemon

kaiilaetm’éloignai.Lalanièredecuirattachéeàmonpommeausetendittandisquejetirailafemme trébuchante qui y était attachée. Derrière moi, à genoux dans le sable, attachée àd’autresfemmesparlepoignet,jelaissaiunebeautésansnomquiavaitétéTarna.

Ilseraittoujourstemps,àTor,deluidonnerunnom.Sonmaîtreluiendonneraitun.Illechoisirait.

Ilestutileque lesesclavesaientunnom. Ilestainsiplus facilede lesappeleretde lescommander.

Jeregardailafemmeattachéeàmaselle.Detouteslesesclaves,saufunequisetrouvaitdansunkurdahblanc,prèsdelatêtedelacolonne,elleseuleétaithabillée.Aucou,elleavaitunebanded’acier,uncollierd’esclave.Cen’étaitplusceluid’IbnSaran;ilportaitlenomdeHakimdeTor.C’étaitàluiquelafemmeappartenait.Ducuirluiliaitlespoignets;salaisseétait attachéeàmaselle.Levêtementqu’elleportait était incroyablement court,un simplemorceaudetissu;c’étaitdurepsmarron,tachédegraisseetdepoussière;jel’avaistrouvédanslescuisinesd’IbnSaran;ilavaitserviàuneesclavequidevaitnettoyerlescasseroles;j’avaisdéchirél’encolure;j’avaisdéchirélecôtégauchepourrévélerlacourbemerveilleusedesonseingauche,jusqu’àlahanche;ilfallaitqueleshommesvoientsabeauté;jepouvaisl’exposerautantquecelameplaisait,carc’étaitmonesclave.

Après qu’elle eut faussement témoigné contre moi aux Neuf Puits, elle avait souri,sournoisement, triomphante, contente de son travail, satisfaite que je sois condamné auxMinesdeseldeKlima;jem’étaiséchappédesNeufPuitsmais,capturéànouveau,enchaîné,j’étais parti pourKlima ; je n’avais pas oublié sa satisfaction, sonmépris, son ironie, alorsqu’elleme regardait, enchaîné et impuissant. Ellem’avait jeté un souvenir, afin que je nel’oublie pas, un morceau de soie d’esclave, embaumant le parfum d’esclave ; elle m’avaitenvoyé un baiser, en riant, avant qu’un Maître des Esclaves lui ordonne de regagner sonalcôve.

Je n’oublierai pas la jolie Vella. À présent, je la possédais. Elle m’avait supplié de lapardonner, comme si unmot demoi pouvait tout arranger.Quand elle avait été jetée auxpiedsdeHakimdeTor,elleavaitlevélatête,terrifiée,puisjoyeuseenvoyantquiétaitHakimdeTor,lemaîtreàquijel’avaisdonnée,moi-même.

«Netelèvepas,Esclave,»luiavais-jedit.—«Suis-jepardonnée,Tarl?»avait-ellesupplié.«Suis-jepardonnée?»

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—«Vachercherlefouet!»avais-jeordonné.Je visT’Zshal quipassa à la têtede sesmille lances. Il s’arrêta, seshommes faisantde

même.«NousretournonsàKlima,»dit-il.—«Maisvousavezdeskaiilas,»luiremontrai-je.—«NoussommeslesEsclavesduSel,lesEsclavesduDésert,»dit-il.«Nousretournons

àKlima.»—«Iln’yaplusd’UbarduSel,»relevai-je.—«NousnégocieronsaveclesPachaslocaux,réglementeronsledésertetdiscuteronsles

prixdesdifférentesvariétésdesel,»ditT’Zshal.—«Leprixduselvabientôtmonter,»estimai-je.—«Cen’estpasimpossible,»admitT’Zshal.Jemedemandai s’il avait été saged’armer leshommesdeKlimaetde leurdonnerdes

kaiilas. Il ne s’agissait pas d’hommes ordinaires. Tous avaient survécu à lamarche jusqu’àKlima.

«Situasbesoind’aide,»ditencoreT’Zshal,«envoieunmessageràKlima.LesEsclavesduSelviendront.»

— « Merci, » dis-je. Ils seraient des alliés féroces. Ces hommes étaient désespérés etpuissants.Ilsavaient tous fait lamarche jusqu’àKlima.«Jesuppose,»repris-je,«que leschosesvont changer, àKlima.»JemesouvinsqueHassanm’avait empêchéd’emporter lemorceaudesoieparfuméeàKlima.Jel’avaiscachédanslescroûtesdesel.«Onpourraittetuerpourl’avoir,»avait-ildit.

T’Zshalregardaautourdelui.Lesesclavesenchaînéessetassèrentsurelles-mêmes.—«Ilnousfaudradestavernesetdescafés,àKlima,»dit-il.«Leshommessontrestés

longtempssansdistractions.»—«Avec lecontrôled’unetellequantitédesel,»soulignai-je,«vousaureztoutceque

vousvoudrez.»—«Nousallonsconfédérerlesrégionsproductricesdesel,»m’appritT’Zshal.—«Tuestrèsambitieux,»relevai-je.T’Zshalétait,detouteévidence,unchef.Haroun,

siégeantdanscequiavaitétélasalled’audiencedelakasbahd’IbnSaran,avaitinvitéT’Zshaletseslancesàentreràsonservice.T’Zshaletsescompagnonsavaientrefusé.

—«NousallonsretourneràKlima,»dit-il,«Maître.»JesavaisqueT’Zshalneserviraitpersonne.« Jepréfère être le premier àKlimaque le deuxièmeàTor, » avait-il déclaré. Il n’était

l’esclavedepersonne,seulementceluiduseletdudésert.«Jetesouhaitetoutlebien,»ditT’Zshal.—«Jetesouhaitetoutlebien,»répondis-je.Sonkaiila,projetantunnuagedesable,s’éloigna.Millecavalierslesuivaient.Jegagnailentementlatêtedelacolonnequis’étendaitentrelesdeuxkasbahs.À environ deux cents mètres de la tête de la colonne, je passai devant le petit Abdul,

Porteur d’Eau de Tor et agent d’Ibn Saran. Il n’était pas impossible, dans le cadre de sontravailavecIbnSaran,qu’ilsoitaucourantdeproblèmesimportantsconcernantlesguerresdesPrêtres-RoisetdesKurii.Deuxchaînes fixéesàsoncolliermétalliqueétaientattachéesauxétriersdedeuxcavaliersqui l’escortaient.Sesmainsétaientattachéesàunechaînequiluientouraitlataille.Ilnelevapaslatête.Iln’osaitpasmeregarderenface.

« Envoyons-le à Tor, » avais-je suggéré. « Je vais y faire envoyer aussi des agents de

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SamosdePortKar.»—«Ceserafait,»avaitréponduHaroun,GrandPachadesKavars.Les agents de Samos avaient des techniques d’interrogatoire particulières. J’étais

convaincu qu’ils sauraient tout ce que le petit Abdul avait à dire. Ensuite, n’étant plusd’aucuneutilité,ilpourraitêtrevendudansleTahari.

Àunecentainedemètresdelatêtedelacolonne,jepassaiprèsd’ungrandkurdahblancposésurungroskaiilanoir.Jen’écartaipas lerideau.Jenepossédaispas la femmequisetrouvaità l’intérieur.Ilcontenaituneesclave,unefemmedélicieusementféminine,blonde,auxyeuxbleus.Elleétaitrichementvoiléeetportaitdesbijoux;c’étaitl’esclavepréféréedugrandHarounenpersonne,GrandPachadesKavars;ondisaitqu’elles’appelaitAlyena;elleétaitd’unrangtrèsélevé;elleportaitdessoieries,desvoilesetdesbijoux;maissoncollierétaitenacier.

Danscequiavaitété lakasbahd’IbnSaran,elleavaitété jetée,nue,aupieddel’estradesurlaquellelegrandHarounenpersonneétaitassis.Ellen’avaitpasoséleverlatête.

«Jevaisgardercetteesclave,»avait-ildit.Elleavaitétéemmenée,enlarmes.—«Jesuisl’esclavedeHassan!»avait-ellecrié.«Jen’aimequelui!»Cesoir-là,envoyéedanssesappartements,elles’étaitagenouilléedevantsonmaîtrevoilé.«Aimes-tuquelqu’und’autre,Petite?»demanda-t-ilavecgravité.—«Oui,»répondit-elle,«Maître.Pardonne-moi,tue-mois’illefaut.»—«Etquiest-ce?»—«Hassan,»sanglota-t-elle.«HassanleBandit.»—«Untypeabsolumentformidable!»acquiesçasonmaître.Lajeunefemmelevalatête,stupéfaite.Ilavaitbaissésonvoilesurlesépaules.—«Hassan!»sanglota-t-elle.Ellesejetaàsespieds,lescouvrantdebaisers,commeune

esclave.Lorsqu’ellelevalatête,illuiordonnad’allersursacouche.Elleycourutavecimpatience,

arrachant les soieriesd’esclavedont son corps avait été orné, puis elle s’agenouilladessus,petite, la têtebaissée,attendantsonMaître. Il la rejoignit,quittantses robes.Puis il lapritpar les cheveux, la souleva et la jeta sur le dos dans les soieries profondes et luxueuses ;ensuite,aveclavigueurd’unmaîtreduTahari,illuimontraqu’elleluiappartenait.

Aumatin, il lui rappela qu’elle devait être fouettée trois fois. Premièrement, elle avaitprononcé son nom, au Rocher Rouge, dans les flammes, pendant le raid des hommes deTarna;deuxièmement,elleavaitquittésescompagnonspourretournerauRocherRougeetlechercher,desortequ’elleavaitétécapturée ; troisièmement,elleavait,cesoirmême,endécouvrantquiseraitsonMaître,prononcéànouveausonnom.

«Fouette-moi,Maître,»dit-elle,couchéedanssesbras.«Jet’aime.»«Suis-jepardonnéeTarl?»avaitdemandéVella.«Suis-jepardonnée?»—«Vachercherlefouet,»luiavais-jeordonné.Elleme regarda, stupéfaite. Les femmesde laTerre sont toujours pardonnées.Elles ne

sont jamaispunies, quoiqu’elles fassent.Naturellement, cene sontpasdes esclaves.Ellessontjuridiquementlibresetneportentpasdecollier.

—«Tuneparlespassérieusement,»dit-elle.—«Net’ai-jepasparlédecelalorsquejet’aiattachée,Esclave?»demandai-je.Jefaisais

allusion à notre conversation dans la salle de préparation, lorsque je l’avais surprise etcapturée,enfaisantmonesclave.

— « Je t’ai demandé quand tu me fouetterais, » dit-elle d’une voix sourde. « Tu as

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réponduqueceseraitàtaconvenance.»Ellemeregardapitoyablement.—«Lemomentestvenu,»dis-je.Elleselevad’unbond.—«Jetehais!»cria-t-elle.«Jetehais!»Sespetitspoingsétaientserrés.Elleétaitfollederage,trèsbelledanslehaillontachéque

jeluiavaisdonné.«Jetehais!»cria-t-elle.«Jevoushaistous!»cria-t-elle,setournantverslesnombreux

Guerriersrassemblésdanslagrandesalle.«Jehaisleshommes!»cria-t-elle.Elleétaitpiedsnussurlesdalles.C’étaitlaseulefemmedelapièce,etc’étaituneesclave.«Jehaistousleshommes!»cria-t-elle.«Jeleshais!Jeleshais!»Ellesetournaversmoi.«EtjehaisaussilesPrêtres-Rois!»cria-t-elle.«Jevoushaistous!»

Personnenerépondit;toutlemondelaregardaavecimpassibilité.« J’ai trahi les Prêtres-Rois ! » cria-t-elle. «Oui ! J’ai servi les Kurii ! Oui ! Et je suis

heureuse de l’avoir fait, heureuse ! Oui, heureuse ! Heureuse ! Heureuse ! » Ses yeuxlançaientdeséclairs.«Punis-moi!»exigea-t-elle.

—«TuneseraspaspunieparcequetuastrahilesPrêtres-Rois,»dis-je.— « Tu m’as laissée dans une taverne de Lydius, » cria-t-elle, « Esclave de Taverne

enchaînée!»—«TuasdécidédefuirlesSardar,»répondis-je.«C’étaitunactecourageux.Celas’est

mal terminé. Tu as été asservie. Sur Gor, contrairement à ce qui se passe sur Terre, lesfemmesdoiventassumerlesconséquencesdeleursactes.»

—«Tuauraispum’acheter,àLydius!»cria-t-elle.—«Oui,»répondis-je,«j’avaisassezd’argentpourlefaire.»—«Maistunel’aspasfait!»cria-t-elle.—« Ilm’a semblé,»dis-je,«que cen’étaitpas lemomentde t’acheter etde te garder

commeesclave.»—«Commeesclave!»cria-t-elle.«Tuauraisdûm’affranchir!»—«Simessouvenirssontexacts,»dis-je,«tum’assuppliédet’affranchir.»—«Oui!»cria-t-elle.Leshommesprésentsdanslasalleseregardèrent.—«Jenesavaispas,avant,»dis-je,«quetuétais,dansleventre,unevéritableesclave.»Ellemefoudroyaduregard.Ellerougit.SurGor, on dit que seules les esclaves véritables supplient d’être affranchies. Cet acte,

indubitablement, sur Gor, plus profondément que la marque et le collier, indique quel’individu est un esclave véritable. Qui, à part un esclave véritable, supplierait d’êtreaffranchi ? Ces individus, naturellement, ne sont jamais affranchis mais, en général, leurnature ayant ainsi été indéniablement révélée, ils sont mieux surveillés et traités plusdurement.QuandTalena,filledeMarlenusd’Ar,Ubard’Ar,avait,dansunelettre,mendiésaliberté, il avait, sur son épée et sur le médaillon d’Ar, fait le serment de la renier. Enconséquence,ellen’étaitplusdehautenaissance,ellen’étaitplussafille.J’avaisdemandéàSamosdelalibéreretdel’envoyeràAr.Elleyhabitait,libremaissansstatut;ellen’étaitplusconsidérée,vis-à-visde laPierreduFoyer, commeunecitoyennede la cité ; elleneportaitmêmepasdecollierd’esclave ;elleétait séquestréeparMarlenusdans leCylindreCentral,afinquesonignominienesoitpasexposéepubliquementsurlesHautsPontsdelacité.

—«Non!»crialafemme.«Tuauraisdûm’affranchir!»Jelaregardai,furieux.Jesupposaiqu’elleavaitagiapproximativementcommel’auraient

fait d’autres femmes. Les Goréens croient, naturellement, que toutes les femmes sont, au

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fond,desesclavesetquecetétatdefaitestrévéléparlemaîtreapproprié.«Tuauraisdûm’affranchir!»cria-t-elle.«Tuauraisdûm’affranchir!»Jelaregardai,furieuse,danssabeauté,sespoingsserrés,sonhailloncourtetrévélateur.—«Tuestropbellepourêtrelibre,»dis-je.Elleréagitcommesielleavaitétéfrappée.Elle regarda, autourd’elle, leshommesprésentsdans la salle,portant les vêtementsdu

Tahari. Ils ne la quittaientpasdes yeux.Elle frémit, comprenantque, parmi eux, elle étaittropbellepourêtrelibre.

Ellesetournaànouveauversmoi.Elleseredressa.—«Jesuiscontentedet’avoir identifiépour lecompted’IbnSaran,»dit-elle.«Jesuis

contented’avoirtémoignécontretoiauxNeufPuits.Punis-moi!»—«Tuneseraspaspunieparcequetum’asidentifiépourlecompted’IbnSaran,»dis-je,

«niparcequetuastémoignécontremoiauxNeufPuits.»Ellemefoudroyaduregard.«TonMaître,IbnSaran,»demandai-je,«net’a-t-ilpasordonnédetémoigner?»—«Si,»répondit-elle.— « Tu étais une bonne esclave. Tu dois être commandée, » dis-je. « Lance-lui un

bonbon,»demandai-jeàunhomme.Illefit.«Mange-le,»dis-jeàVella.Elleobéit.«Tuseraspunie,»précisai-je,«parceque,etuniquementparceque,entantqu’esclave,

tun’aspasétéagréable.»Ellemeregarda,horrifiée.—«Poursipeu?»serécria-t-elle.Je fissigneàunhomme,unAretaienburnousblanc,kaffiyehnoiretagalblanc,quise

tenaitàproximité.Iljetaunfouetgoréensurlesdalles,àenvironcinqmètresdelafemme.Elle regarda le fouet, incrédule. Les femmes de la Terre, quoi qu’elles fassent, ne sont

jamaispunies.Ellenepouvaitcroirequ’elleseraittraitéeenesclavegoréenne.—«Vachercherlefouet!»ordonnai-je.Elleseredressa.—«Jamais!»cria-t-elle.«Jamais!Jamais!»—«Qu’onapporteunsablier,»dis-je,«d’uneehn.»Onl’apporta.Lajournéegoréenne

comptevingtahns;l’ahngoréennecomptequaranteehns,ouminutes;l’ehncomptequatre-vingtsihns,ousecondes.L’ihnestlégèrementplusbrèvequelasecondeterrestre.

Lesablierfutretourné.Elleleregarda.—«Tunepourrasjamaism’obligeràfairecela,»dit-elle,«Tarl.»Elleregardalesablecoulerdanslesablier.Ellesetournaversmoi.«Jesuisheureused’avoirtrahilesPrêtres-Rois.Jesuisheureused’avoirservilesKurii.

Je suis heureuse de t’avoir identifié pour le compte d’Ibn Saran. Je suis heureuse d’avoirtémoignécontretoi,auxNeufPuits.Comprends-tu?Heureuse!»

Unquartdusables’étaitécoulédanslesablier.«Tunem’aspasaffranchieàLydius.Tum’asabandonnéeà l’asservissement !»cria-t-

elleavecvigueur.Lamoitié du sable s’était à présent écoulée dans le sablier. Elle regarda les visages qui

l’entouraient,lestrouvanttousimpassibles,puisellesetournaànouveauversmoi.

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«Biensûr,j’aisouri,auxNeufPuits!»cria-t-elle.«JevoulaisquetuaillesàKlima.Jevoulais que tu y ailles. La vengeance était douce.Mais tu t’es enfui. Bien sûr, je me suismoquéede toi, depuis la fenêtre de la kasbahd’Ibn Saran ! Il n’y aurait pas de femmes, àKlima !Biensûr,avec insolence, je t’ai jetéunmorceaudesoieparfumée,pour te torturerpendant lamarcheet,plustard,àKlima.Biensûr, jet’aienvoyéunbaiserd’adieu,raviedemon triomphe. Bien sûr ! Bien sûr ! Oui, Oui, je me suis moquée de toi quand tu étaisimpuissant!Celam’adonnébeaucoupdeplaisir.»

Ilnerestaitplusqu’unquartdusable.Elleleregarda,pitoyablement.Ellesetournaànouveauversmoi.«J’aiétécruelleetmesquine,Tarl,»dit-elle.«Pardonne-moi.»Iln’yavaitpratiquementplusdesabledanslesablier.« Je suis une femme de la Terre ! » cria-t-elle. « De la Terre ! » Ces femmes,

naturellement, n’étaient jamais punies, quoi qu’elles fassent. Elles étaient toujourspardonnées.«Pardonne-moi,Tarl!»cria-t-elle.«Pardonne-moi!»

Maisc’étaituneesclavegoréenne.«Jen’iraijamaischercherlefouet!»cria-t-elle.Puis,enlarmes,gémissantdedésespoir,effrayée,uninstantavantquelesablefinissede

glisserdanslesablier,ellesetournaverslefouet.—«ÀlamanièreduTahari,»précisai-je.Elle gémit et se mit à quatre pattes. Les hommes, impassibles, la regardèrent aller

jusqu’aufouetetleprendreentrelesdents.«Poselefouet!»ordonnai-je.Elleposalefouet,lelaissanttomber.Ellemeregarda,joyeuse.«Àgenoux !»ordonnai-je.Elleobéit, troublée.«Déshabille-toi,»ajoutai-je,« sans te

mettredebout.»Elleobéit,furieuse,passantleminusculehaillondéchirépar-dessuslatêteetleposantparterre.Ellesecouasachevelure;elleseredressa.Unmurmured’appréciationcourut dans la salle. Puis un homme, à lamanière goréenne, se frappa l’épaule gauche, etd’autres l’imitèrent. Elle resta à genoux, droite, tandis que les hommes applaudissaient sabeauté.Commeelleétaitfière!Commeelleétaitfantastiquementbelle!Etjelapossédais.

«Attachetonvêtementautourdetachevilledroite!»luiordonnai-je.Elleobéit,assise,puiss’agenouillaànouveau.

«Àprésent,»repris-je,«ramasselefouet…aveclesdents!»Elleobéit.Elleneportaitpasdecollier.J’avaisfaitenleverceluid’IbnSaran.Jeluimettraislemien

plus tard. Elle était nue, à l’exception du haillon noué autour de sa cheville droite et,bizarrement,unmorceaudesoiedécoloréeattachéaupoignetgauche.

Elleleregarda,lefouetentrelesdents.«Àprésent,vadanstonalcôve!»ordonnai-je.«Tuyserasbattue.»Ellesortitdelapièce,esclaveallantsubirsonchâtiment.Jemetournaiversunhommequisetenaitàproximité.«Soissongardien,»luidis-je.Il hocha la tête et, se penchant, ramassa une lanière de cuir posée par terre. « Je vais

venir,»ajoutai-je.Ilacquiesça.Puisilsortitdelapièce,suivantlafemme.Legardiennesertpas,danscettesituation,àempêcherlafemmedes’échappercar,dans

unedemeureouunekasbah,ellenepeuts’échapper.Ilsertàlaprotéger,bizarrement,contrelesautresesclaves.Lalanièredecuiroulacorderouléequ’ilporteestmoinssouventutiliséepour faireallerplusvite,d’unemanièrehumiliante, la fillequipourrait,autrement, traînerenchemin,bienqu’ellesoitparfoisutiliséedanscebut,quepouréloignerlesautresfemmes.

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Ce typede lanière, naturellement, peut faire trèsmal,mêmeà travers la soie.Elle est trèsvulnérable,voyez-vous,lafemmeallantverslelieudesonchâtiment.Elleestnue;ilneluiestpaspermisdeselever;ellenepeutmêmepasparlercarelledoittenirlefouetentrelesdents;siellelefaittomber,ellerecevravingtcoupssupplémentaires.Lesressentiments,lesjalousies, les conflits mesquins, les animosités sont fréquents parmi les esclaves. Lesjalousiesetleshainessontparticulièrementvirulentesàl’égarddesbellesesclaves,cellesquioccupent le sommet de la hiérarchie. Une telle femme, allant à son châtiment, est uneaubainepourcellesquilahaïssentetlajalousent,desortequ’ellesprofitentdecetteoccasionpour semoquer d’elle et la tourmenter, parfois cruellement et physiquement. Bien que denombreuses femmes, dans la kasbah, soient enchaînées pour le plaisir des hommes,beaucoupétaientlibresdeleursmouvementsafinqu’ellespuissenttravailleretservir,etêtreprises chaque fois que les hommes avaient envie d’elles. Dans les couloirs, ellesconstitueraientunvéritabledangerpourVellaqui,occupant lesommetde lahiérarchiedesesclaves,étaitl’objetdebeaucoupdehaineetdejalousie.CommeellesseraientheureusesdevoirlajolieVellagagnantàquatrepattes,danslescouloirs,l’endroitoùelleseraitbattue!Ladeuxièmeraisonpour laquelleunhommeaccompagne la femmeestqu’ilestsonhéraut.Ilexécute ceque l’onappelleparfois leChantduFouet,bienqu’ilne s’agissepasd’unchantmaisplutôtd’une successiond’appels etdedéclarations.Ceux-ci sontdestinéà appeler lesautresfemmesafinqu’ellesregardentpassercellequivarecevoirsonchâtiment.

«Voiciune femmequin’apasété totalementagréable !»crie l’homme.«Regardez-la.Ellevaàsonchâtiment.Ellen’apasététotalementsatisfaisante.Regardez-la.Venezvoir lafemme qui n’a pas été totalement satisfaisante ! » Ces cris attirent les autres femmes quiregardent la fille punie passer à quatre pattes dans les couloirs. Bientôt, il y a une foulemoqueuse dans laquelle la femme punie, pitoyable, doit continuellement se frayer unchemin.Onluicrachedessus,onlafrappeaveclesmainsetdeslanièresdecuir,onluidonnedescoupsdepied,onlatourmentebeaucoupmaisseulement,bienentendu,dansleslimitesimposées par le gardien. Ce genre de chose est considéré comme utile, au Tahari, car ilencourage la femme qui porte le fouet à être plus appliquée dans l’avenir, ainsi que lesfemmesquilaregardentpasserafinquecenesoitpasellesqui,ensuite,àlamercideleursennemies, soient obligéesdeporter le fouet.Les coupsde fouet en eux-mêmes, auTahari,incidemment,sontgénéralementdonnéspar lemaître,oubienseshommes.Ilestrarequeles femmes soient autorisées à voir fouetter une de leurs sœurs. Elles savent seulement,lorsquelaportesereferme,qu’elleserafouettée.

Je trouvai la femme à genoux devant la porte métallique de son alcôve d’esclave. Legardien,l’ayantaccompagnéedanslequartierdesesclaves,quiétaitvide,lesfemmesservantleshommes,l’yavaitlaissée.Nousétionsseulsdansunegrandeetbellesalledontleplafondétaitsoutenupardescolonnes.Ellemeregarda.Jeprislefouetetleglissaisousmaceinture.

«Enlèvelehaillonquetuasàlachevilledroite!»ordonnai-je.Elleobéitetleposaparterre.

Elle était venue à quatre pattes de la salle d’audience, portant le fouet, la tête baissée,entrelesdents,entredeuxfilesd’esclavesquiavançaientenmêmetempsqu’elle,lesfemmescourant,lorsqu’ellearrivaitprèsd’elles,afindesetrouverànouveauentêtedelafilepourlafouetter,lafrapper,l’injurier.

Jeluijetaiuneservietteafinqu’ellepuisseessuyersoncorpsetsalonguechevelurenoire.Elle le fit, reconnaissante. Je constatai qu’on l’avait beaucoup frappée et tourmentée. Lesfemmes s’étaient beaucoup amusées avec elle, tandis qu’elle allait, à quatre pattes, jusqu’àl’endroit où elle serait châtiée. Vella, de toute évidence, n’était pas aimée des esclaves.

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Apparemment,onluienvoulaitetonlahaïssait.Vellaétaittropbelle,supposai-je,pourêtrepopulaire parmi les femmes. La beauté qui la faisait désirer par les hommes lui valaitl’hostilité et la haine des femmes. Une beauté comme Vella, sur Gor, ne pouvaitpratiquement que s’en remettre aux hommes et, étant esclave, suivant leurs termes. Enoutre,elleoccupaitlesommetdelahiérarchiedesesclaves,dominanttouteslesfemmes,etelle était à présent tombée, objet de leurs coups et de leurs quolibets, lesquels n’étaienttempérésquepar ledegréauquelellesétaientprêtesàs’exposerauxcoupsdela lanièredugardien.Ellemeregarda,lesyeuxpleinsdelarmes.

—«Tarl?»demanda-t-elle.Elle se dirigea versmoi et se leva, entourantmon corps de ses petits bras. Au poignet

gauche,noué,elleportaitlemorceaudesoiedeKlima.Elleposalatêtesurmonépaule,puislalevalentement,m’embrassant.C’étaituneesclavenue,belleetdélicieuse.

«Jet’aime,Tarl,»dit-elle.—«Donne-moitonpoignetgauche,»dis-je.Elletenditlepoignetgauche.Jeretirailemorceaudesoieetleremplaçaiparmaceinture.—«Jecomprendstonplanseulementmaintenant,»dit-elle.«Tuasfeintdefairedemoi

ton esclave pour tromper les autres. »Elle regarda autour d’elle. «Nous sommes seuls, »ajouta-t-elleavecunsourire.

J’ouvrislapetiteportecarréedel’alcôve,quisetrouvaitàenvirontrentecentimètresdusol.L’ouverturefaitenvironquarantecentimètresdecôté.

«Quefais-tu?»demanda-t-elle.J’utiliseraisunlienordinaireduTahari.«Tarl?»demanda-t-elle.Laportes’ouvredetellesortequelesbarreauxdelaporteminusculen’endommagentpas

labeautédelafemme.«Oh!»s’écria-t-elle.Je la jetai, la tenantpar lesbras,par-derrière,àgenoux, leventre

sur laplaquemétalliquesur laquelle laportepivote lorsqu’ellese ferme.Sesgenoux,ainsi,étaientpassésentre lesbarreaux,à l’intérieurdelacellule.Avecunelanièredecuir,passéeautour des genoux et derrière les barreaux, je l’immobilisai dans cette position. Elle nepouvaitbasculerenarrière.Puisjeluiprislespoignets,unparun,alorsque,stupéfaite,ellenepouvaitréagir,etlesattachaichacunàunbarreau,dechaquecôtédelaportemétallique.

«Tarl,»dit-elle.Ellepouvaitprendrelebarreaudanssapetitemain.Jelaconsidérai.«Tarl,»dit-elle,«cen’estpaslapeined’appliquertonplanjusque-là.Nousneseronspas

surpris. Les femmes ne seront pas autorisées à rentrer avant l’aube. Nous ne serons passurpris.Iln’estpasnécessairedem’attacherainsi,demeréduireàunetelleimpuissance.»

Jene répondispas.Je la trouvais stupide.Mais c’était,naturellement,une femmede laTerre.

« La plaisanterie a assez duré, » reprit-elle, irritée. «Détache-moi, à présent ! Tout desuite!»

Maisjeneladétachaipas.«Tarl,»dit-elle.Lecôtédroitdesonvisageétaitappuyécontrelabarremétalliqueplate,

d’environcinqcentimètresde large, situéeenhautde l’ouverture,contre laquelle repose laporte,lorsqu’elleestfermée.«Comprends-tucequetuasfait?»

—«Quoi?»demandai-je.—«Tum’asmisedanslapositionoùl’onfouettelesfemmes,auTahari,»dit-elle.

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—«Oh?»fis-je.—«C’esthumiliant,»reprit-elle.«Détache-moiimmédiatement!»Ellesedébattit.Elle

ne pouvait rien faire, attachée par un Guerrier. « Immédiatement ! » répéta-t-elle.«Immédiatement!»

Maisjeneladétachaipas.Jesortislefouetdemaceinture.«Tunevaspasmefrapperaveclefouet,n’est-cepas?»demanda-t-elle.Ellemeparlait

par-dessussonépaulegauche.«JesuisunefemmedelaTerre,»ajouta-t-elle.«Tunepeuxpasmetraitercommeunesimpleesclavegoréenne.Tusaisquetunepeuxpaslefaire!»

J’ouvrislefouet,libérantleslargeslanièresdecuir.«Noussommesseulsici,»reprit-elle.«Personnenesaurasitum’asfrappéeounon.Tu

n’aspasbesoindemefouetter.Tupeuxtecontenterdedirequetul’asfait.Jecorroboreraitonrécit.Ilestinutiledefeindrepluslongtempslefaitquejesoistonesclave.»Ellevouluttourner latêtepourmeregarder.Maisellenepouvaitmevoir.«Tun’asprobablementpasl’intentiondefairedemoiunevéritableesclave,cartun’esqu’unhommedelaTerre.»Ellerit.«Seulementunhommede laTerre !»Puiselleajouta :«Détache-moi,àprésent !Jel’exige ! Tu es seulement un homme de la Terre ! Seulement de la Terre. J’exige d’êtredétachée,Tarl!Toutdesuite!Toutdesuite!»

Jenerépondispas.Jeneladétachaipas.«Situnemefouettespas,personnenelesaura,»dit-elle.—«Moi,jelesaurai,»répondis-je.«Etquelqu’und’autrelesaura.»—«Qui?»demanda-t-elle.—«Unejoliepetiteesclave,Vella,»répondis-je.Elleserralespoings.—«Tupeuxm’appelerElizabeth,»dit-elle.—«Quiest-ce?»demandai-je.—«Oh,Tarl,»fit-elleironiquement.Je souris. Ignorait-elle qu’il n’y avait pas d’Elizabeth, sauf si unmaître décidait de lui

donnercenom?Elleparlait,àprésent,avecdavantaged’assurance.«JesuisunefemmedelaTerre,»dit-elle.«Iln’estpasnécessairedebattreunefemme

de la Terre pour lui donner une leçon à supposer que, quoique cela soit amusant etprésomptueux, ce soit ce que tu as dans l’idée. Ce n’est pas. Tarl, un animal qu’il fautfouetter.C’estunepersonne.Cen’estpasunefillegoréenne,simple,vive,presqueanimale.C’est une personne ! Une véritable personne ! J’ai compris la leçon, Tarl. Je suisvéritablementdésolée.J’aiétécruelleetmesquine.Jesais.Jem’excuse.J’aicomprislaleçon.Il ne sera pas nécessaire de me battre. » Elle sourit. « Détache-moi, Tarl, » dit-elle.«Détache-moi,àprésent.»

J’approchaidesbarreaux.«Merci,Tarl,»dit-elle.Maisjeneladétachaipas.Jefixailemorceaudesoiedécolorée,

que j’avaissortidemaceinture,sursonnezetsabouche.Ellepouvaitaisémentrespireretparler, à travers. Mais elle ne pouvait ni parler ni respirer sans prendre conscience de saprésence, sans inhaler son odeur presque imperceptible de parfum d’esclave, le sien, qu’ilcontenaitencore.Soudainsavoix,seslèvresbougeantderrièrelasoie,sefitplusincertaine.

«Jenesuispasunefillegoréenne,»dit-elle,«quel’onfouette.Jenesuispasundecesanimauxquinecomprennentquelescoups.»

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Jedétachailemorceaudesoieetleremisdansmaceinture.Jereculai.«JesuisunefemmedelaTerre!»cria-t-elle.Sespetitesmains,dontlespoignetsétaient

attachésauxbarreauxparunGuerrier,serrèrentlesbarreauxavecterreur.Elleseretournaànouveau,essayantdésespérémentdemevoir.Ellenepouvaitmevoir.

«Tarl!»cria-t-elle.«Tarl!»Jetendislebrasquitenaitlefouet.«Tunemepuniraspascommeuneesclavegoréenne!»cria-t-elle.—«Tun’aspasétésatisfaisante,»dis-je.Aprèsquatrecoups,ellehurla,enlarmes:—«J’aiétépunie!Arrête!Arrête!Lafemmeaétépunie!Arrête!»Aprèssixcoups,elle

hurla:«Jet’enprie,arrête!Jet’ensupplie,Maître!»Jedonnaivingtcoupsàl’esclave.Puisjeladétachai.Elletombasurlesdalles,devantmoi,

tendant lesmains versma cheville, posant ses lèvres brûlantes etmouillées surma botte,mouillantlecuirdeseslarmes.

—«Qu’est-cequetues?»demandai-je.—«UneesclavegoréenneauxpiedsdesonMaître,»répondit-elle.—«Tun’espasencorepunie,»déclarai-je.Ellemeregardaaveccrainteetétonnement.

Jeluiattachaisonvêtement,quej’avaisramasséparterre,autourducou,puislesmainsdansledos.Jepartisdanslescouloirsetellemesuivit,enlarmes,courantettrébuchant.Dehors,je la détachai puis la rattachai, sur le dos, la tête en bas, sur la selle de mon kaiila, puisl’emmenai dans la kasbah voisine, qui avait appartenu à Tarna. Je la conduisis ensuite auquatrième niveau, le niveau inférieur et, jetant le vêtement dans une cellule, où je lereprendraisplustard,jelapoussaidanslasalledemarquage,lajetaisurlechevalet,fermailesanneauxsursacuisseetlesmenottesautourdesespoignets.Hassanétaitlàetleferétaitdéjàchaud.C’étaitleferaveclequel,laveille,nousavionsmarquélafièreTarna.Ilavaitéténettoyé.Unfer,lorsqu’onl’entretientcorrectement,peutmarquerdesmilliersdefemmes.

«Non,Maître,»cria-t-elle.«Jet’enprie!»«Veux-tulamarquertoi-même?»demandaHassan.—«Oui,»répondis-je.Jelamarqueraissurlacuissegauche,au-dessusdesquatrecornes

debosk.Ceseraitunemarqueordinaired’esclavegoréenne,convenantàunefemmedebasétagequin’apasétésatisfaisante.

Jemontraileferchaufféaublancàlafemme.«Tuvasbientôtêtremarquée,Petite,»luiannonçai-je.—«Nememarquepas!»cria-t-elle.«Jet’enprie,nememarquepas!»sanglota-t-elle.Hassanlaregardaavecintérêt.—«Noussommesprêts,»dis-je.Ellemeregarda,puisfixaleferchaufféaublanc,luisant.Ellelefixaavechorreurtandis

qu’ils’approchaitd’elle.Jelemisenpositionau-dessusdesacuisse.—«Non!»hurla-t-elle.«Non!»—«Tuvasêtremarquée,Esclave,»dis-je.—«Non!»hurla-t-elle.Puis je lamarquai.Pendant cinq longues ihns, j’appliquai le fer, appuyantdessus. Je le

regardais’enfoncerdans lachair, fumant,chuintantet sifflant.Lamarqueétaitplusgrosseque celle des quatre cornes de bosk ; je m’assurai qu’elle serait plus profonde. Nousrespirâmesl’odeurdebrûlédesachaird’esclavemarquée.Puis,rapidement,proprement,jeretirailefer.Satêteétaitrejetéeenarrière.Ellehurlaitetpleurait.

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—«Unemarqueparfaite,»commentaHassan,laregardant.«Parfaite.»Jefuscontent.Lesautresfemmesseraientjalousesdecettemarque.Elleaugmenteraitlavaleurdel’animal.

Jedétachailesanneauxmétalliques,libérantsacuisse.J’ouvrislesmenottes.Jelaportai,nue,marquée,enlarmes,danslapetitecelluleoùj’avaisjetésonvêtement.Jelaposaisurlapaille.Soncouétaitnucar,laveille,j’avaisfaitretirerlecollierd’IbnSaran.

« Prends la position de la soumission de la femme ! » ordonnai-je. Elle obéit,s’agenouillant,assisesurlestalons,lesbrastendus,lespoignetscroisés,latêteentrelesbras.Ellepleurait.

«Répèteaprèsmoi,»dis-je.«Moi,autrefoisElizabethCardwell,delaplanèteTerre…»—«Moi,autrefoisElizabethCardwell,delaplanèteTerre…»dit-elle.—«…jemesoumetscomplètement,totalementetentouteschoses…»—«…jemesoumetscomplètement,totalementetentouteschoses…»dit-elle.—«…àceluiquel’onappelleHakimdeTor…»—«…àceluiquel’onappelleHakimdeTor…»dit-elle.—«…étantsafemme,sonesclave,unepartiedesespropriétésqu’ilpeututilisercomme

bonluisemble.»—«…étantsafemme,sonesclave,unepartiedesespropriétésqu’ilpeututilisercomme

bonluisemble,»dit-elle.Hassanme tendit le collier. Il portait : « Je suis la propriété deHakimdeTor. ». Je le

montraiàlafemme.Ellenesavaitpaslireletaharique.Jelusletexte.Jefermailecolliersursoncou.

—«Jet’appartiens,Maître,»répéta-t-elle.Ellemeregarda,lesyeuxpleinsdelarmes,moncollieràserrureaucou.—«Jet’appartiens,Maître,»dis-jeàlafemme.—«Jetefélicitedeposséderunetelleesclave,»ditHassan.«Elleestjolie.Àprésent,je

doism’occuperdelamienne.»Ilritets’enalla.Lafemmeselaissatombersurlapailleetmeregarda.Sesyeuxétaientpleinsdelarmes.

Ellesouffla:—«Jet’appartiens,àprésent,Tarl.Tumepossèdes.Tumepossèdesvraiment.»—«Commentt’appelles-tu?»demandai-je.—«CommecelaplaîtauMaître,»souffla-t-elle.—«Jevaist’appeler:Vella,»dis-je.—«Jem’appelleVella,»dit-elle,baissantlatête.Quelquesinstantsplustard,ellereleva

latête.«Puis-jet’appelerTarl?»demanda-t-elle.—«Seulementsijet’endonnelapermission,»répondis-je.C’estunehabitudenormale

avec les esclaves goréennes. En général, bien entendu, on ne demande même pas cettepermissionet, lorsqu’elleestdemandée,elleestrefusée.Parfois, lesfemmessontfouettéespouravoirosédemandercettepermission.

—«Lafemmedemandelapermissiond’appelerleMaîtreparsonnom,»dit-elle.—«Lapermissionestrefusée,»répondis-je.—«Bien,Maître,»dit-elle.Jenepermettraispasàuneesclavedeprononcermonnom.Il

n’estpasconvenablequelenomd’unmaîtresoitsouilléparleslèvresd’uneesclave.Jelaregardai,couchéesurlapaille.—«Tuasétédésagréable,»dis-je.—«LafemmeaétépunieparsonMaître,»dit-elle.Jeprislachaîneetlecollierdelacelluleetlefermaisursoncou,par-dessuslecollierà

serrurequifaisaitd’ellemapropriété.Ellefut,ainsi,enchaînéeaumur.

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—«Jenet’aipasencorepunie,»dis-je,laregardant.—«Jetehais,»dit-elled’unevoixlasse.«Jetehais!»Ellemeregarda.«Tum’asfait

trèsmal,»dit-elle.«Tum’asfouettée.Tum’asmarquéeauferrouge.»Elletournalatête.«Jenecomprendspas,»dit-elle.«Jenesaisplusquoipenser.»

—«Commentcela?»demandai-je.—«Celafaitterriblementmald’êtrefouettéeetmarquée,»dit-elle.—«Oui?»dis-je.— « Et pourtant, à cause de cela, j’éprouve un respect merveilleux et je me sens

vulnérablevis-à-visdetoietdeshommesengénéral,»dit-elle.—«Cequit’excite,»expliquai-je,«cen’estnilefouetnileferrouge,niladouleur,c’est

ladominationmasculine.C’estàelleque,sanslesavoir,turéagis.Cequicompte,cen’estpasquelemaîtretefouetteounon,maislefaitquetusachesqu’ilestcapabledetefouetter,etqu’illeferasituesdésagréable.»

— « Oui, » dit-elle, « c’est cela… pas la douleur… mais ma faiblesse et la force deshommes, lefaitquejesoissousleurdominationetque,si jesuisdésagréable, ilseraassezmasculinetfortpourmebattredurement,sanslemoindreregret.»

—«Toncorpsestbrûlant,àprésent,Esclave,»dis-je.—«Non!»gémit-elle.Jelatouchaietellesetortillasurlapaille,metournantledos,remontantlesjambes.Je

luitouchail’épauleetellefrémit.Elleétaittrèssensible.—«Esclave,»ironisai-je.—«Oui,esclave!»cria-t-elle,seretournantetm’offranteffrontémentsoncorps.—«TuneressemblesplusguèreàunefemmedelaTerre,»fis-jeremarquerenriant.Elleétenditsacheveluresurlapaille.—«Jenesuisqu’uneesclaveenchaleur,»dit-elleenriant.«Traite-moientantquetelle.

Jet’aime.Maître.»Nousentendîmesdessoldatsdanslecouloir.«Vas-tumedonnerauxsoldats?»demanda-t-elle.—«Sij’enaienvie,»répondis-je.—«Oui,»dit-elle.«Tuleferas…situenasenvie.»Elletournalatête.«Commejesuis

vulnérable!»Ellemeregarda.Satêteétaitposéesurlapaille.«Pourlapremièrefoisdemavie, » reprit-elle, « je sais que je suis une esclave, seulement une esclave. C’est uneimpression étrange, incontrôlable. Je ne suis plus une femme de la Terre. Je ne suis plusqu’uneesclavegoréenne.»

Jelaprisdansmesbras.« Je ne sais pas si j’aime ou si je hais, » dit-elle. « Je sais seulement que je suis une

esclave,quejesuisimpuissanteetquejesuisdanslesbrasdemonMaître.»Jelasoulevaipourprendreseslèvres.«As-tuoubliélaTerre?»demanda-t-elle.—«Jen’enaijamaisentenduparler,»répondis-je.Ellemetendittimidement,délicatement,seslèvres.—«Moinonplus,»dit-elle.Ellesouffla,trèsdoucement:«Jet’aime,Maître.»Jenela

laissaipasm’embrasser.Mais,soudain,aveclaférocitéd’unlarl, j’appuyaicruellementmeslèvres sur les siennes, dans le Baiser violent duMaître, et la pressai sur la paille, sur lespierres de la cellule où elle gisait, esclave, enchaînée sous moi. Elle se débattit puis,immobilisée, cria, un cri qui dut résonner dans toutes les cellules, tous les couloirs de cetétagelugubre,surprenantlesbeautésenchaînées,amusantlessoldatsquilesserraientdans

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leursbras,lehurlementd’amouretdesoumissiontotale,impuissante,del’esclave.Entêtedelacolonne,jerejoignisHassan.«Unechosemetrouble,»luidis-je.«Unechosequejenecomprendspasencore.»—«Laquelle?»demanda-t-il.— « Dans la Demeure de Samos de Port Kar, » dis-je, « il est arrivé une femme, une

messagère,Veema.Lemessagequ’elleportaitétait:«Méfie-toid’Abdul.».Parerreur,jecrusquel’AbduldecemessageétaitlePorteurd’EaudeTor.»

— « Un habitant du Tahari n’aurait pas commis une telle erreur, » dit Hassan. « IbnSaran,àcemoment-là,n’était-ilpasdanslaDemeuredeSamos?»

—«Si,»répondis-je.— « Le choix du moment est intéressant, » dit-il. « Peut-être celui qui a envoyé le

messagesupposait-ilque lesrenseignementsdesPrêtres-Rois leurpermettraientdefaire lelienentreIbnSaranetAbdul,l’UbarduSel,ou,dumoins,defairelerapprochement.»

—«Àcetteépoque,teln’étaitpaslecas,»dis-je.DepuislaGuerreduNid,lesservicesderenseignement et de surveillance des Prêtres-Rois étaient très affaiblis. Même s’ils nel’avaientpasété,leursinformations,dufaitqu’ilsquittaientrarementlesSardaretn’étaientpashumains,n’étaientguèremeilleuresquecellesdeleursagentshumains,trèsisoléesdansl’espaceetletemps.

«MaisquiaenvoyéVeemadanslaDemeuredeSamos?»demandai-je.— « Moi, » dit Hassan. « Mon frère m’a demandé de le faire. Il avait fait tatouer le

message plusieursmois auparavant. Je n’ai fait que transmettre la femme. Ensuite, il estentré dans le désert pour enquêter sur les rumeurs concernant une tour d’acier. Il acertainementétécapturépar leshommesd’IbnSaran.On l’a libérédans ledésertavecdesréservesd’eauinsuffisantes.»

—«Ilafaitbeaucoupdechemin,»appréciai-je.—«Ilétaittrèsfort,»soulignaHassan.—« Les Prêtres-Rois ont de la chance, » estimai-je, « que de tels hommes combattent

poureux.»—«J’aiconnuunautrehomme,»rappelaHassan,«trèsfortégalement,quicombattait

pourlesKurii.»Je hochai la tête. Je n’oublierais pas Ibn Saran, souple comme une panthère soyeuse.

C’étaitunennemivaleureux.Onremporteunevictoire;onperdunennemi.Je levai la tête vers le ciel, immense et bleu, sans nuages. Quelque part, au-delà des

atmosphères,au-delàdesorbitesdeGor,delaTerreetdeMars,dansl’obscuritéénigmatique,peupléederochers,del’espace,danslesilencedesfragmentsdelaCeintured’Astéroïdes,ilyavaitlesmondesd’acier,repairesetdomicilesdesKurii.UnKuravaitcombattuàmescôtéspour sauverGor. Tel n’était pas seulement le désir des hommes. C’était aussi le désir desKurii.Jenecroyaispasque lesKuriiaccepteraientànouveaudesacrifieruneplanètepourconquérir l’autre. Déjà, dans un passé lointain, ils avaient perdu une planète, la leur.L’ascensionpolitiquedupartiquiavaitacceptédedétruireGorpourconquérirlaTerreavait,avec l’échec du projet, probablement été brève. Le fait qu’un Kur ait été envoyé pour lecontrer avait certainement son importance. En outre, Gor était la plus séduisante desplanètestournantautourduSoleil,paslaTerrecaraunomdesdroitsetdelaliberté,etdesaffaires,lesfousdelaTerre,abusésparlarhétoriquedudroitetdelamoralité,dissimulantuneaviditéàcourtevueetlafolie,avaientbaissélesbras,permettantl’empoisonnementdel’airqu’ilsrespiraient,del’eauqu’ilsbuvaient,delanourriturequ’ilsmangeaient.Lefaitquelesempoisonneurspérirontaveclesempoisonnéslesconsolaitpeut-êtreunpeu.LesPrêtres-

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Rois, naturellement, qui raisonnent directement en termes de réalités et de conséquences,pas en termesdeplanètes,n’avaientpas laissé cetteduplicité folle sedévelopperdans leurdomaine.Ilsnereculentpasfaceàlaferveurmoraledesfanatiques;ilscherchentàvoirau-delà des planètes, les considérant largement comme insignifiantes, le sens véritable, lesdésirs,lesvolontéset,sicesprogrammesetpolitiquessontmisenapplication,quelleseralanaturedumonderésultantetsicemondeestounonacceptable.Àl’exploitation,augâchis,àla pollution, les Prêtres-Rois avaient simplement imposé des limitations technologiques àl’homme, dit : « Non. ». C’est, plaiderais-je pour défendre leur tyrannie, leur despotisme,voyez-vous,aprèstout,depeurquevousnelesjugiezmal,aussileurhabitat.

Jeregardai leciel.Àmonavis, lesKuriinevoulaientpas laTerre ; ilsvoulaientGor.LaTerre serait peut-être utile en tant que planète-esclavemais leur véritable désir, l’objet deleurenvie,étaitGor.

Quel serait,danscecas, l’étapesuivante?LesoulèvementdesKurii indigènesavaitétéécrasé au Tor-valdsland. J’étais au Torvaldsland à cette époque. La destruction de Gor,destinée à supprimer les Prêtres-Rois, avait échoué. Lorsque cela s’était produit, je metrouvaisdanslatourd’acierduTahari,vaisseaupartiellementenfouidanslesable,contenantunebombe.Jeregardailecieltranquille.

Detouteévidence,àprésent,lesKuriidevaientpercevoirlafaiblesseduNid.Levaisseau,parexemple,contenantlabombe,avaitpénétrélesdéfensesaffaibliesdesPrêtres-Rois.MaislesPrêtres-Rois,aprèslaGuerreduNid,reconstruisaientleurpuissance.

Les Kurii estimeraient peut-être qu’il faudrait frapper bientôt. Il n’y avait pas un seulnuagedanslecielimmenseetclairduTahari.L’invasion,àmonavis,devaitêtreimminente.

Lerythmedestambourss’accéléra.JemeretournaisurleKaiila,regardant,derrièremoi,leslonguescolonnesdecavaliers,dekaiilas,d’esclaves.Jevisledésert,lesoriflammes.Jevisles deux kasbahs, celle d’Abdul, Ibn Saran, l’Ubar du Sel, et celle de Tarna, autrefoisorgueilleusepillardedudésert.

Jesentislajouedelafemmeattachéeàmasellesepressercontreleflancdemabotte.Jebaissailatêteetellemeregarda.

«Maître?»demanda-t-elle.—«Lamarcheseralongue,»luidis-je.«Situtombes,tuserastraînée.»Ellemesourit.Elleembrassaleflancdemabotte.—«Lafemmelesait,»dit-elle,«Maître.»Elleembrassaànouveauleflancdemabotte,

dansl’étrier,puislevaencorelatêteversmoi.«Jesaisquej’aiméritéd’êtrefouettée,»dit-elle,meregardantavecrespect,avecadmiration.«Ettum’asfouettée,»Elleembrassaunenouvelle fois ma botte, me regarda, souriant avec les yeux. « J’étais fière, » reprit-elle,« arrogante, insolente, méprisante et lorsque tu étais réduit à l’impuissance, je me suismoquéede toialorsque jene risquais rien.Celane t’apasplu.Tues revenudeKlima.Tum’asmarquée au fer rouge et tu as fait demoi ton esclave. » Ses yeux brillaient. « Tu esmagnifique!»ajouta-t-elle.Avecledosdelamaingauche,jelagiflai,l’écartantdemaselle.

Jevislesoriflammessurleslances.J’écoutailestambours.J’étaisimpatientdepartir.Hassan,vêtudeblanc,levalebras.Lestamboursseturent.JechevauchaisentreHassan,

Haroun, Grand Pacha des Kavars et, portant le kaffiyeh noir avec l’agal blanc, Suleiman,GrandPacha desAretai. Près de nous, il y avaitBaram,Cheik deBezhad, vizir deHaroun,Grand Pacha des Kavars, et Shakar, avec une lance à pointe d’argent, capitaine des Aretai.D’autrespachaschevauchaientànoscôtés.Danslacolonne,ilyavaitdesKavars,desAretai,desTa’Kara,desBakahs,desChar,desKashani,desLuraz,desTashid,desRaviri,desTi,desZevars,desAraniet,tenantl’arrière,avecleurslancesnoires,desTajuks.

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JeregardaileskasbahsquiavaientappartenuàAbdul,IbnSaran,l’UbarduSel,etàTarna,autrefoisorgueilleusepillardedudésert.Leursmursétaientbrillants,chaudsetblancsdanslesoleildumatin.

Hassan baissa le bras. Les oriflammes s’abaissèrent et se redressèrent. Les tamboursbattirentlamarche.Ilyeutletintementdesharnaisdeskaiilas,lemouvementdesarmes.

Jecommençailamarche.Prèsdemoi,àmonétrier,setrouvaitmonesclave,Vella.

FIN

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4èmedecouverture

Ceuxd'Ailleurss'étaientmisenbranle!LesPrêtres-Roisavaient reçucetultimatum :«LivrezGor !».Et rendez-vousavait été

prispourlaconquêteouladestruction!TarlCabotnepouvaitplusdemeureràPort-Karsansrien faire. Il lui fallait agir au nom des Prêtres-Roismais aussi au nom de Gor et de sonmonde-jumeau,laTerre…

Ilneluirestaitplusqu'àsemettreenrouteverslesterresdésoléesduTahari.Ilsuivitlespistes fréquences par lesMarchands d'Esclaves, bien au-delà des effroyablesMines de Sel,affrontant un seigneur de la guerre femelle, un impitoyable chef de bande, et surtout lesmonstrueusesintelligencesdesmondesd'acier.

LedixièmevolumedelaSagadeGor,l'Anti-Terre!

[1]Enfrançaisdansletexte.(N.d.T.)[2]Enfrançaisdansletexte(N.d.T.).