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Joël Pommerat

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Joël Pommerat

PinocchioNotes et dossier rédigés

par François Mouttapa

Les Ateliers d’ACTES SUD

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SommaireSur le seuil

Pinocchio, de Joël Pommerat, par Nicolas Zouliamis, artiste invité . . . . . . . 7

PinocchioLa fabrique du texte

Dans l’atelier de Joël Pommerat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88En aparté avec Joël Pommerat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99Chronologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101

L’atelier de lectureAborder par la BD . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104Questionner au fil du texte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105Synthétiser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114Vers le spectacle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 116

Résonances et rebondsLa réserve de textes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120

Pour tout l’or des contes (groupement 1) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120L’aventure pour grandir (groupement 2) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128

Le coin des arts. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137Pinocchio dans l’art contemporain. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137Merveilles de l’or . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 138

L’atelier découverte : prolonger sa lecture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140

Le spectacle Pinocchio a été créé le 8 mars 2008 aux Ateliers Berthier de l’Odéon – Théâtre de l’Europe (direction Olivier Py).

Imaginé pour Pierre-Yves Chapalain, Jean-Pierre Costanziello, Philippe Lehembre, Florence Perrin et Maya Vignando, il a aussi été joué avec Myriam Assouline, Hervé Blanc,

Daniel Dubois, Lorenzo Graouer, Anne Rotger.

© ACTES SUD / Théâtre de Sartrouville – CDN, 2008 © ACTES SUD, 2021, pour la présente édition

ISBN 978-2-330-13546-1

Dans

CollègeGrumberG, Jean-Claude, Marie des grenouilles, suivi de Iq et Ox.

Lewis, Roy, Pourquoi j’ai mangé mon père.

Ovide, Les Métamorphoses.

POmmerat, Joël, Pinocchio.

stevensOn, Robert L., Le Cas étrange du Dr Jekyll et de Mr Hyde.

3e-Lycée Gaudé, Laurent, Cris.

Eldorado (à paraître en août 2021).

madani, Ahmed, Je marche dans la nuit par un chemin mauvais.

Lycée (à paraître en août 2021)

beLLay, Joachim du, Sonnets d’amour et d’exil.

énard, Mathias, Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants.

HuGO, Victor, Le Dernier Jour d’un condamné.

POmmerat, Joël, Cendrillon.

Les Ateliers d’ACTES SUD

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LE PRÉSENTATEUR. – Mesdames messieurs, bonsoir je vous souhaite la bienvenue. L’histoire que je vais vous raconter ici ce soir est une histoire extraordinaire, une histoire plus extraordinaire que vos rêves, et pourtant une histoire vraie… Mais avant de commencer à vous la dire, il faut que je vous parle de moi. Quand j’étais enfant, j’étais aveugle. Je n’y voyais rien. Mes yeux n’ont appris à voir clair que très tard, bien après que mes jambes eurent appris à marcher. Lorsque j’étais aveugle donc et que je ne voyais rien, voilà ce que je voyais.(Noir.)

Voilà. Ce que je voyais autour de moi quand j’ouvrais les yeux c’était ça : le noir. Pas très gai n’est-ce pas ? Du coup dans ma tête je voyais énormément de choses. Ce qu’il y avait à l’intérieur de ma tête par exemple c’était ça.(Une tête masquée apparaît.)

Ou bien encore ça…(Une autre tête masquée apparaît.)

Ou ça…(Une autre tête masquée apparaît.)

Vous voyez, finalement toute une compagnie, une compa-gnie qui est à mes côtés encore aujourd’hui.(Une assemblée de mannequins avec des masques de carnaval

apparaît.)

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Personnages

LE PRÉSENTATEUR

LE PANTIN

L’HOMME ÂGÉ

LA FÉE

LES ESCROCS : premier escroc et second escroc

LE JUGE

LES MEURTRIERS : premier meurtrier et second meurtrier

LE MAÎTRE D’ÉCOLE

LE MAUVAIS ÉLÈVE

LE MARCHAND D’ÂNES

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à regarder le jour se leversans penser à riencomme ça lui arrivait souvent.Cet homme avait perdu tout contact avec les autres et ne voyait plus personne excepté un arbre qui était planté juste en face de chez lui.(Un grand arbre apparaît.)

Cet arbre n’était pas fait du même bois que les autres.C’était un arbre maigre 1.Un arbre qui ne servait pas à grand-chose.Non pas un arbre triste, non, mais un arbre qui avait connu moins de bonheur que de malheur dans l’existence et donc un arbre sombre.Comme d’habitude ce matin-là, cet homme engagea avec cet arbre une sorte de longue conversation sérieuse et incom -préhensible.Et ce matin-là il eut même l’impression que cet arbre lui répondait.(Noir. Bruits de tempête, orage, tonnerre fracassant.)

Une nuit une tempête imprévisible survola la région et l’arbre en fut très atteint.(L’arbre est maintenant couché au sol.)

L’homme se dit qu’il avait eu beaucoup de chance.Mais il était surtout très triste évidemment devant un tel spectacle.Ce jour-là, en voyant cet arbre ainsi abattu, il se mit à réflé-chir, réfléchir, réfléchir, réfléchir…Et il prit une des plus grandes décisions de toute sa vie.

1. Maigre : ici, sans branches et dont le tronc est mince.

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Une compagnie qui est là pour m’aider et me soutenir dans mon existence. Pour m’aider et me soutenir dans cette tâche qui est pour moi la plus importante du monde : ne jamais mentir, ne jamais vous mentir, ne jamais vous dire autre chose que la vérité,ne jamais dévier de la vérité,ne jamais sortir de la vérité.Ne jamais dire autre chose, aucun mot, aucune parole qui ne soit la plus pure et la plus étincelante des vérités…Car vous le découvrirez vous-mêmes grâce à cette histoire, mesdames messieurs, cette histoire extraordinaire et véri-dique 1 à la fois, vous le découvrirez, mesdames messieurs, rien n’est plus important dans la vie que la vérité…Rien n’est plus important que la vérité… oui.Rien n’est plus important que de Vivre dans la vérité.(Un homme âgé apparaît.)

Mon histoire commence comme ça :Je connaissais un homme.Un homme qui n’avait jamais eu d’enfant,ni même de femme d’ailleurs,car il était timide.Cet homme un jour se réveilla en pleine nuit dans sa chambre, se réveilla en pleine nuit car il avait froid, comme toutes les nuits d’ailleurs.En ouvrant la porte de sa maison, cet homme se rendit compte que malgré l’hiver il faisait moins froid à l’extérieur de chez lui qu’à l’intérieur…Il resta donc là un momentdehors

1. Véridique : qui est vrai.

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mystère. Une chose est sûre, le mot « brouillard » s'accorde aux question-nements incessants qui accompagnent son travail. Il contraste aussi avec le nom d’une compagnie célèbre, le Théâtre du Soleil, fondée par Ariane Mnouchkine en 1964.La Compagnie Louis Brouillard joue uniquement les textes écrits par Joël Pommerat. Au fil de ses créations, ce dernier précise la mission qu’il donne à son théâtre : celle de « capter le réel », « de rendre le réel à un haut degré d’intensité et de force », selon ses propres mots 1. Il met en scène des personnages ordinaires dont il invite à découvrir les rêves secrets (Pôles, 1995 ; Treize étroites têtes, 1997 ; Mon ami, 2000), aborde les thèmes de la famille, du pouvoir et du travail dans sa trilogie composée des pièces Au monde (2004), D’une seule main (2005) et Les Marchands (2006)…

« Pinocchio » et autres contes sur scèneC’est en 2004 que l’univers du conte surgit dans sa création : pour per-mettre à l'une de ses filles de mieux comprendre son travail, Joël Pommerat donne naissance au spectacle Le Petit Chaperon rouge qui connaît un très grand succès. Suivent Pinocchio en 2008 (repris de nom-breuses fois et adapté à l’opéra en 2017, en collaboration avec le compo-siteur Philippe Boesmans) et Cendrillon en 2011. Au même moment, les adaptations de contes sont plus nombreuses sur la scène contemporaine et révèlent une nouvelle génération d’auteurs (voir Chronologie, p. 101).

Aux sources du spectacleUn conte de marionnetteC’est entre 1881 et 1883 que le journaliste et écrivain italien Carlo Collodi (1826-1890) conçoit Les Aventures de Pinocchio. Elles paraissent d’abord en feuilleton dans un hebdomadaire pour enfants, Giornale per i bambini, avant d’être réunies en volume. À quoi ressemble cette « histoire [de] marionnette » (comme l’intitule son auteur lors de la publication des pre-miers chapitres) ?

1. Ibid., p. 10.

Dans l’atelier de Joël Pommerat

Si Joël Pommerat m’était contéEntre choix et recherchesNé en 1963 à Roanne, dans la Loire, Joël Pommerat découvre le théâtre grâce à une professeure de français de collège. Il interrompt ses études pour devenir acteur. Il raconte lui-même son parcours 1, qui s’articule autour de deux mots-clés : « choix » et « recherches ». « J’ai commencé à faire [du théâtre] comme comédien avec des compagnies amateurs. Puis une compagnie m’a engagé, j’avais dix-neuf ans », explique-t-il. Cette première expérience lui apprend « les choses essentielles », ce qu’est « la communauté du théâtre, sa réalité modeste », c’est-à-dire le peu de moyens avec lequel elle doit composer. Mais le rôle d’acteur ne le satisfait pas pleinement, parce qu’il ne lui offre pas l’autonomie qu’il souhaiterait : « La place d’acteur est ingrate. On y dépend absolument des autres. Comment faire des choix quand on est acteur ? », s’interroge Joël Pommerat. C’est pourquoi, à vingt-trois ans, il se tourne vers l’écri-ture. Il n’a pas encore de projet précis, seulement des « intuitions » et des « envies » ; il écrit avant tout « pour pouvoir penser ».

La fondation de la Compagnie Louis BrouillardAu cours de cette période de quête créative, réfléchissant à la mise en scène de ses textes, il comprend qu’il doit travailler avec des acteurs qui partageront son « sens de la recherche », des véritables « complices ». Aussi, en 1990, il fonde sa propre compagnie théâtrale : il la nomme la Compagnie Louis Brouillard. « Louis » fait-il référence au prénom de son père, de son grand-père ? Ce nom est-il un clin d'œil à celui de l'inven-teur du cinéma Louis Lumière (1864-1948) ? Joël Pommerat entretient le

1. Joël Pommerat, Théâtres en présence, Actes Sud-Papiers, 2016, p. 5-6.

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Questionner au fil du texte • 105

Aborder par la BDAvec les planches de Nicolas Zouliamis

Observez l'histoire racontée en bande dessinée (p. 7-12) puis répondez aux questions suivantes :

1. Saisir la singularité du héros. Quel est le personnage central des planches 1 et 2 ? À partir de quel matériau a-t-il été fabriqué ? Comment le dessin le rend-il vivant (étudiez notamment son expression, son mouvement et son vêtement) ?

2. Aborder l’univers merveilleux du conte. Observez les planches 3 et 4. Quelle transformation du personnage vous paraît la plus extraordinaire ? Où Pinocchio se retrouve-t-il dans la planche 5 ? En quoi ce cadre est-il lui aussi surprenant ?

3. Comprendre la multiplicité des aventures. Dans l’ensemble des planches, intéressez-vous au mouvement du personnage qui court ainsi qu’aux vignettes constituant l’arrière-plan. Quelles remarques pouvez-vous faire au sujet des aventures du héros et de leur rythme ?

4. Analyser un dessin expressif. Observez les différentes expressions du visage de Pinocchio (planches  1 à 5). Quelles remarques pouvez-vous faire sur la progression de ses émotions ?

5. Interpréter la fin de l’histoire. Quelle évolu-tion indiquent l’apparence et la mise en scène du héros dans la dernière planche ?

Bande dessinée : séquence dessinée, succession d’images organisée pour raconter une histoire.Ellipse : temps qui passe entre deux cases ou deux scènes. L’ellipse permet de sauter des événements sans importance afin de ne pas casser le rythme de l’action.Planche : page entière d’une bande dessinée.Séquence : suite d’images ou de scènes formant un ensemble.Vignette (ou case) : zone de dessin délimitée par un cadre (qu’il soit matérialisé par un trait ou un espace « vide »).

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Questionner au fil du texteComment devenir humain ?

La naissance du héros p. 16-22

ENTRER DANS LE TEXTE PAR L’IMAGE

Découvrez la représentation de Pinocchio par Jim Dine (voir image 1 du cahier photos). En quoi la sculpture est-elle inachevée ? Pourquoi peut-on dire que cet état contribue à la rendre vivante ? Qu’éprouvez-vous en contemplant cette œuvre : de l’émerveillement ? de l’inquiétude ? de la pitié ? Justifiez votre réponse.

ANALYSER

Du conte à la pièce (l. 41-78)

1. « Mon histoire commence comme ça » (l. 41), indique le Présentateur en s’adressant au public : à qui vous fait penser ce personnage ?

2. Quel pouvoir le Présentateur a-t-il sur les personnages et les objets ? Recherchez les différents sens du mot « compagnie » que le Présen -tateur utilise au tout début de la pièce (l. 21). Dès lors, à qui le Présentateur ressemble-t-il également ?

La création du pantin (l. 79-126)

3. Quelle raison incite le vieil homme à créer un pantin ?

4. Précisez les différentes étapes de la création. Comment le texte les signale-t-il ?

Un héros surprenant (l. 127-190)

5. En quoi le pantin surprend-il le spectateur ? Pour répondre, intéressez- vous au registre de langue qu’il utilise et aux verbes qu’il emploie : quel mode manie-t-il à plusieurs reprises ?

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La réserve de textesPour tout l’or des contes Groupement 1

Pinocchio n’a pas envie d’aller à l’école. S’il accepte de s’y rendre, c’est pour devenir riche. Il partage ce rêve avec d’autres héros de contes, qui voient leurs espoirs comblés d’un coup de baguette magique ou par de merveilleux hasards. Le héros de « Jack et le Haricot magique » est de ceux-là. Dans un conte plus contemporain, Roald Dahl reprend lui aussi le motif de la richesse miraculeuse, en lui donnant la forme d’une loterie organisée par un industriel du chocolat (p. 122). Mais que révèle cette quête de richesse ? C’est la question qui anime les pièces d’Olivier Py (p. 124) et Alice Zeniter (p. 125), toutes deux adaptées de contes traditionnels.

Joseph Jacobs, « Jack et le Haricot magique » (1890)

L’écrivain australien Joseph Jacobs (1854-1916) est l’auteur d’un recueil de contes, English Fairy Tales (Contes merveilleux anglais, 1890), inspirés par des histoires entendues dans son enfance.Dans l’un d’eux, la pauvreté conduit Jack et sa mère à se séparer de Blanchette, leur unique vache. Alors qu’il se rend au marché pour vendre l’animal, Jack rencontre un homme qui lui propose d’échanger Blanchette contre des haricots magiques. Le motif de la quête de richesse donne ainsi au récit sa dimension fabuleuse.

Jack s’en retourna à la maison et comme il n’était pas allé bien loin, il atteignit la porte avant le crépuscule.

« Déjà de retour, Jack ? demanda sa mère. Je vois que tu n’as plus Blanchette, tu l’as donc vendue. Combien en as-tu obtenu ?

— Vous ne devinerez jamais, maman, dit Jack.— Non, tu ne me le dis pas. Bon garçon ! Cinq livres1 ? Dix ?

Quinze ? Non, ça ne peut pas être vingt.

1. La livre est une unité monétaire anglaise.

— Je vous ai dit que vous ne pouviez pas deviner. Que dites-vous de ces haricots ? Ils sont magiques. Plantez-les pendant la nuit et…

— Quoi ! s’écria la mère de Jack. As-tu été si bête, si idiot, si imbécile, au point de donner ma Blanchette, la meilleure laitière de la paroisse et un bovin de choix, pour une misérable poignée de haricots ? Prends ça ! Et ça ! Et ça ! Et quant à tes précieuses fèves, par la fenêtre ! Et maintenant, file au lit. Tu ne mangeras pas ta soupe, tu n’en humeras 1 même pas l’odeur ce soir. »

Jack monta dans sa petite chambre dans le grenier. Bien sûr, il était triste et désolé, autant d’avoir déçu sa mère aimante que d’avoir manqué le souper, d’ailleurs.

Il s’endormit enfin.Quand il se réveilla, la pièce avait un drôle d’air. Le soleil éclairait

seulement une partie de celle-ci alors que tout le reste était resté dans la pénombre. Jack se leva et s’habilla. Il alla à la fenêtre. Et que croyez-vous qu’il vît ? Les haricots que sa mère avait jetés par la fenêtre dans le jardin s’étaient transformés en grande tige qui montait et montait et montait jusqu’au ciel. L’homme avait donc dit la vérité, en fin de compte.

Jack grimpe sur la tige qui atteint le ciel et découvre une maison. Il est accueilli par une grande et grosse femme : la femme d’un ogre. Celle-ci cache Jack pour qu’il ne soit pas mangé par son mari qui rentre chez lui.

C’était un énorme géant, bien sûr. À sa ceinture, il avait trois mollets attachés par les talons. Il les décrocha et les jeta sur la table en disant : « Tiens, ma femme, fais-m’en griller quelques-uns pour le petit-déjeuner. Ah ! Qu’est-ce que je sens ?

Fi, Fo, Fa, FumJe sens le sang d’un Anglais,Mort ou vif,

1. Humeras : sentiras.

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