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Jolanta Kuznecoviene État et Églises en Lituanie I. Données sociologiques En regardant les statistiques, il est possible de déduire que la Lituanie est un pays très largement catholique-romain. La majorité de la population lituanienne – 79 % – se considère elle-même comme catholique. Bien que la plupart d’entre eux n'aillent pas régulièrement à l’église (seuls 3 % vont une fois ou plus par semaine à l’église), les catholiques lituaniens se sentent très proches des rites de l’Église catholique. Presque 90 % ont indiqué qu’ils considèrent très important d’avoir un baptême, un mariage et des obsèques conformément aux rites catholiques. Les chiffres du recensement indiquent cependant que 80 % sont d’avis que les prêtres ne devraient ni être politiquement actifs, ni influencer les votes des citoyens 1 . En 2001, l’appartenance religieuse de la population lituanienne était la suivante 2 : Confession Membres Membres en % Catholiques-romains 2 752 447 79,00 Orthodoxes-russes 141 821 4,07 Vieux-croyants 27 073 0,78 Protestants-luthériens 19 637 0,56 Protestants-réformés 7 082 0,20 Témoins de Jéhovah 3 512 0,10 Musulmans (Sunnites) 2 860 0,08 Pentecôtistes (au total) 1 307 0,04 Juifs (Parole de foi) 1 272 0,04 Païens baltes 1 270 0,04 Baptistes (au total) 1 249 0,04 Adventistes 547 0,02 1 A. Matulions (éd.), Europa ir mes, Vilnius 2001, Gervelė, p. 129, 139. 2 Données du recensement de 2001. Source: www.std.lt.

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Jolanta Kuznecoviene État et Églises en Lituanie

I. Données sociologiques

En regardant les statistiques, il est possible de déduire que la Lituanie est un pays très largement catholique-romain. La majorité de la population lituanienne – 79 % – se considère elle-même comme catholique. Bien que la plupart d’entre eux n'aillent pas régulièrement à l’église (seuls 3 % vont une fois ou plus par semaine à l’église), les catholiques lituaniens se sentent très proches des rites de l’Église catholique. Presque 90 % ont indiqué qu’ils considèrent très important d’avoir un baptême, un mariage et des obsèques conformément aux rites catholiques. Les chiffres du recensement indiquent cependant que 80 % sont d’avis que les prêtres ne devraient ni être politiquement actifs, ni influencer les votes des citoyens1. En 2001, l’appartenance religieuse de la population lituanienne était la suivante2:

Confession Membres Membres en %

Catholiques-romains 2 752 447 79,00 Orthodoxes-russes 141 821 4,07 Vieux-croyants 27 073 0,78 Protestants-luthériens 19 637 0,56 Protestants-réformés 7 082 0,20 Témoins de Jéhovah 3 512 0,10 Musulmans (Sunnites) 2 860 0,08 Pentecôtistes (au total) 1 307 0,04 Juifs (Parole de foi) 1 272 0,04 Païens baltes 1 270 0,04 Baptistes (au total) 1 249 0,04 Adventistes 547 0,02

1 A. Matulions (éd.), Europa ir mes, Vilnius 2001, Gervelė, p. 129, 139. 2 Données du recensement de 2001. Source: www.std.lt.

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Confession Membres Membres en %

Nouveaux apostoliques 436 0,01 Bouddhistes 408 0,01 Catholiques-grecs 364 0,01 Hare Krishna 265 0,01 Karaïtes 258 0,01 Méthodistes 211 0,01 Mormons 197 0,01 Non croyants 239 0,01 Aucune confession particulière 331 087 9,90 Aucune réponse 186 447 5,35

II. Toile de fond historique

L’ascension de l’État lituanien est directement liée au roi lituanien Mindaugas qui fut baptisé en 1215. L’archevêché lituanien fut fondé à cette époque. La Lituanie fut cependant officiellement déclarée seulement en 1387 en tant qu’État chrétien. Suite à un privilège du grand-duc Jogaila, l’évêque de Vilnius reçut de manière généreuse des propriétés rurales étatiques et les Églises et monastères furent exonérées de leurs obligations fiscales envers l’État3. L’Église catholique devint puissante au sens de la vie sociale, politi-que et culturelle de Lituanie. Elle fut soutenue par les grands-ducs et par l’État. Afin de repousser l’influence du protestantisme et l’avancée de l’Église orientale, le Seimas lituanien (Parlement) adop-ta des lois (les Constitutions de 1630, 1648, 1666, 1674) qui interdi-saient la création de nouvelles Églises pour d’autres confessions. En 1733, le Seimas exclut les autres confessions de la participation aux affaires publiques. La croyance catholique fut déclarée comme pré-éminente dans la Constitution de 1791. Une période d’oppression commença pour l’Église catholique avec l’annexion de la Lituanie par la Russie en 1795. La grande partie des privilèges accordés auparavant au clergé catholique fut abrogée par décrets de Catherine II durant la période entre 1769 et 1772. Le gou-vernement disposait de plus du droit d’intervenir dans les affaires

3 M. Jucas, I. Luksaite, V. Merkys, Lietuvos istorija, Vilnius, Mokslas 1988.

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internes des Églises. Fut également abrogé le droit de l’Église catho-lique de nommer des évêques de manière indépendante, de fonder de nouvelles paroisses, de nommer des diacres de paroisses et des rec-teurs de séminaire, de recruter des étudiants pour les séminaires, de publier des écrits religieux ou d’accepter des personnes d’une autre croyance au sein de l’Église catholique. L’oppression de l’Église catholique s’intensifia encore après l’insurrection de 1863. Les processions catholiques publiques furent interdites, le patrimoine et les propriétés rurales de l’Église catholi-que furent confisqués, la censure sur les publications catholiques et les sermons fut introduite et les publications des écrits religieux et l’instruction religieuse à l’école furent interdites. On assista à une modification des relations entre l’État et l’Église suite à l’indépendance de la Lituanie le 16 février 1918. La Constitu-tion de 1922 réintroduisait le droit des Cultes d’organiser leurs affai-res internes conformément à leurs propres règles et d’être actifs dans les domaines de la culture, de la bienfaisance et de l’éducation. L’État reconnaissait l’enregistrement ecclésiastique des mariages et des décès. Les Cultes pouvaient également acquérir la personnalité juridique. La nouvelle Constitution de la République lituanienne adoptée en 1938 restreint cependant de nouveau certains droits des Cultes. Elle ne reconnaît pas le droit des Cultes de régler leurs affaires confor-mément à leurs propres règles et lois. Elle limite de plus leurs activi-tés publiques et elle ne leur garantit ni la reconnaissance de l’enregistrement des décès, des mariages et des naissances, ni une aide financière publique pour les écoles confessionnelles privées4. Le statut des Cultes se modifia de manière profonde de nouveau après l’occupation soviétique le 15 juin 1940. Les limitations des droits des Églises furent accompagnées de la nationalisation de leur patrimoine, ainsi que de la poursuite et de la déportation des prêtres et des croyants. Une nouvelle époque pour les relations entre État et Église commen-ça seulement après la reconquête de l’indépendance par la Lituanie le 11 mars 1990. Le 30 août 1991, les relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la République lituanienne reprenaient. Un an plus tard l’ambassadeur lituanien auprès du Saint-Siège, K. Lozoraitis, remettait ses lettres de créance au Vatican.

4 V. Vardys, Christianity in Lithuania, Chicago 1997, p. 240-269.

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Le second document important pour l’évolution des relations entre l’État et l’Église était le statut de la restitution portant sur la position juridique de l’Église catholique en Lituanie adopté le 12 juin 1990. Ce statut contribuait à de nombreuses choses: il reconnaissait le droit des Églises de gérer leurs affaires conformément au droit canonique, il garantissait le recouvrement des pertes par l’État, il garantissait de ne pas troubler, conformément à un accord conclu entre l’Église et l’État, les activités de l’Église dans le domaine de la formation et il prévoyait expressément la collaboration de l’Église et de l’État sur la base de la parité. Bien que ce statut ne possède aucune force de loi, il fut très important pour la situation en 1990. Le statut exprimait l’opinion étatique sur ces questions et montrait l’obligation de pro-mulguer une loi portant sur les relations entre l’État et l’Église. Le statut de la restitution ne concernait cependant que l’Église catholi-que.

III. Structures de base

1. Sources juridiques

La Constitution de la République lituanienne adoptée le 25 octobre 1992 représente la source juridique la plus importante pour les rela-tions entre l’État et l’Église. Elle précise les bases de ces relations et introduit les principes fondamentaux des droits de l’homme dans le droit lituanien. Elle garantit la liberté de chacun de choisir et d’exercer une religion ou une croyance sous forme d’un office, d’un comportement général ou d’une doctrine (art. 25 et 26). La Constitu-tion prévoit que les convictions, la religion ou la croyance ne peuvent justifier aucun délit ou aucune violation du droit; chacun doit respec-ter la Constitution dans l’exercice de ses droits et libertés et ne peut entraver les droits et libertés des autres (art. 28). Les dispositions les plus larges concernant les relations entre l’État et l’Église se trouvent dans la loi de 1995 portant sur les communautés et associations religieuses (LCAR)5. Cette loi garantit la liberté de religion basée sur la Constitution de la République lituanienne et des

5 Loi portant sur les communautés et associations religieuses, promulguée le 4 octobre

1995//Valstybės žinios, 1995, n° 89-1985. Les modifications sont publiées dans Valstybės žinios 1997, n° 66-1618, 2000, n° 40-1115.

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documents internationaux (art. 2, 3 et 8), elle énumère les commu-nautés et associations religieuses traditionnelles reconnues par l’État (art. 5), elle définit les critères et la procédure de la reconnaissance étatique des autres associations religieuses (art. 5 et 6), et elle contient la procédure d’octroi de la personnalité juridique pour les associations religieuses reconnues par l’État, ainsi que celle de l’enregistrement des autres communautés et associations religieuses (art. 5, 6, 10, 11 et 12). La procédure pour la suspension ou l’achèvement de l’activité des organisations religieuses est également contenue dans la LCAR. La LCAR réglemente également l’instruction religieuse dans les écoles, les activités d’utilité publique, de bienfaisance ou en matière de formation des organisations religieuses (art. 14) et leurs droits patrimoniaux, relations du travail et questions d’imposition et d’assurances sociales (art. 13, 16, 17 et 18). Des fondements juridiques pour la relation entre l’Église et l’État sont également présents dans le Code civil lituanien6, dans la loi por-tant sur la formation7 et dans la loi portant sur l’assurance vieillesse8, qui réglementent les principales questions de la relation entre l’État et l’Église. En plus des lois qui réglementent les relations entre l’État et l’Église en général, il existe des dispositions portant sur les structures juridi-ques des relations entre l’État et l’Église catholique dans trois ac-cords conclus entre le Saint-Siège et la République lituanienne le 5 mai 2000. Le premier accord porte "sur la coopération en matière de formation et de culture"9, le deuxième concerne "l’assistance spiri-tuelle des personnes catholiques effectuant leur service militaire"10 et le troisième "les aspects juridiques des relations entre l’Église catho-lique et l’État"11.

6 Code civil de la République lituanienne//Valstybės žinios, 2000, n° 74-2262. 7 Loi portant sur la formation de la République lituanienne//Valstybės žinios, 2003,

n° 63-2853. 8 Loi portant sur l’assurance vieillesse de la République lituanienne//Valstybės žinios, 1994,

n° 59-1153; n° 113-3283; n° 41-1165; n° 92-2862. 9 Accord conclu entre le gouvernement de la République lituanienne et le Saint-Siège portant

sur la coopération en matière de formation et de culture, Valstybės žinios, 2000, n° 67-2024.

10 Accord conclu entre le gouvernement de la République lituanienne et le Saint-Siège concernant l’assistance spirituelle des personnes catholiques effectuant leur service mili-taire, Valstybės žinios, 2000, n° 67-2023.

11 Accord conclu entre le gouvernement de la République lituanienne et le Saint-Siège concernant les aspects juridiques des relations entre l’Église catholique et l’État, Valstybės žinios, 2000, 67-2022.

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L’article 43 de la Constitution de la République lituanienne prévoit la possibilité de régler le statut juridique d’une institution religieuse par un accord réciproque conclu entre l’État et l’association religieuse concernée. Actuellement seule la relation entre l’Église catholique-romaine et l’État est réglée par un accord.

2. Principes fondamentaux du système

Le principe de la voie médiane est sans aucun doute caractéristique de la relation entre l’État et l’Église en Lituanie. La Constitution de la République lituanienne prévoit la séparation de l’Église et de l’État. L’article 43 de la Constitution réglemente le droit des organi-sations religieuses d’être librement actives conformément à leurs dispositions et leurs statuts et déclare qu’il n’existe aucune religion d’État en Lituanie12. Des dispositions plus larges portant sur les relations entre l’État et l’Église sont contenues dans la LCAR. L’article 7 de cette loi précise que: "Les communautés et associations religieuses n’exercent aucune fonction publique et l’État ne peut exercer aucune fonction des communautés et associations religieuses". La décision constitutionnelle relative à la non-existence d’une reli-gion d’État en Lituanie sera expliquée par la suite dans une décision de la Cour constitutionnelle du 13 juin 200013. Selon cette décision, la disposition portant sur l’absence d’une religion d'État signifie tant la séparation de l’État et l’Église que la neutralité. La séparation fonde deux principes importants des relations entre l’État et l’Église. Pre-mièrement les actes publics se basent sur le principe de la sécularité et deuxièmement les secteurs des activités publiques et religieuses sont séparés les uns des autres. La séparation signifie ainsi, d’une part, que les Églises et les organisations religieuses ne peuvent s’immiscer dans les actes publics officiels et exercer une politique étatique. La séparation signifie, d’autre part, que l’État n’intervient pas dans les affaires internes des Églises qui peuvent agir conformé-ment à leurs propres règles et statuts. La séparation de l’Église et de l’État ne signifie cependant pas que l’État et l’Église ne pourraient 12 Première Constitution de la République lituanienne//Valstybės žinios, 1992, n° 33-1014. 13 Décision de la Cour constitutionnelle de la République lituanienne portant sur la

compatibilité des art. 1 al. 5, art. 10 al. 3 et 4, art. 15 al. 1, art. 20, art. 21 al. 2, art. 32 al. 2, art. 34 al.2, 3 et 4, art. 35 al. 2 et 5, art. 37 al. 2, et art. 38 al. 2 et 3 de la loi portant sur la formation de la République lituanienne avec la Constitution de la République lituanienne, 13 juin 2000//Valstybės žinios, 2000, n° 49-1424.

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rien avoir à faire ensemble. Le terme "séparation" souligne l’importance tant de l’État que de l’Église au sein de la vie sociale lituanienne plutôt que l’absence de tout contact entre eux. La neutra-lité veut dire que l’État et ses institutions sont neutres en ce qui concerne l’idéologie et la religion. La neutralité garantit la tolérance envers les différentes idéologies religieuses et interdit la discrimina-tion des croyants.

IV. Statut juridique des religions

1. Statut juridique des institutions religieuses

Les institutions religieuses principales sont définies dans la Constitu-tion de la République lituanienne et dans la loi portant sur les com-munautés et les associations religieuses. Conformément à l’article 2 LCAR, une communauté religieuse est une unité formée par un groupe d’individus cherchant à réaliser des buts d’une même reli-gion. Une association religieuse est formée par au moins deux com-munautés qui disposent d’une direction commune. Un centre reli-gieux est un organe de direction d’une association religieuse. En posant cette définition pour l’existence des différents groupes religieux, la LCAR indique que les efforts des membres du groupe devraient consister dans la réalisation pratique de leurs objectifs reli-gieux communs. L’enregistrement des communautés et des associa-tions religieuses n’est pas nécessaire bien que les communautés reli-gieuses non enregistrées ne soient pas des sujets de droit. La LCAR distingue trois catégories de communautés et associations religieuses: "les communautés et associations religieuses tradition-nelles", "les communautés religieuses reconnues par l’État" et "les autres communautés et associations religieuses (non-traditionnelles)". La LCAR prévoit que sont considérées comme des communautés et associations religieuses traditionnelles celles qui font partie de l’héritage historique, spirituel et social de la Lituanie. L’article 5 énumère les neuf Églises traditionnelles en Lituanie: l’Église catholi-que-romaine, l’Église catholique-grecque, l’Église protestante-luthérienne, l’Église protestante-réformée, l’Église orthodoxe-russe, les vieux-croyants, les juifs, les musulmans sunnites et les karaïtes.

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Il peut être reconnu aux communautés et associations religieuses non-traditionnelles le statut d’une communauté ou association reli-gieuse reconnue par l’État et elles peuvent s’enregistrer et obtenir la personnalité juridique. Il est précisé dans l’article 6 LCAR qu’une communauté religieuse (ou association religieuse) peut être reconnue par l’État lorsqu’elle comprend une partie du patrimoine historique, spirituel et social de la société, qu’elle est acceptée par l’État et que sa doctrine et ses tradi-tions n’entrent pas en contradiction avec les lois et la morale. Il en résulte que conformément à la LCAR tant les communautés et associations religieuses traditionnelles, que celles reconnues sont perçues comme une partie de l’héritage culturel lituanien. Il ne faut cependant pas assimiler le fait d’être reconnu avec celui d’appartenir à une Église traditionnelle. Conformément à une décision de la Cour constitutionnelle de la République lituanienne du 13 juin 2000 "le fait de désigner des Églises et des organisations religieuses comme traditionnelles n’est pas en soi un acte les édifiant comme organisa-tions traditionnelles, mais un acte constatant tant le caractère tradi-tionnel que le statut de leurs relations avec la société. Un tel acte reflète l’évolution et la situation de la culture religieuse dans la société". La tradition n’est ni fondée, ni achevée par un acte de volonté du législateur. Il en résulte comme conséquence que la liste des Églises traditionnelles est fermée14. Les communautés et associations religieuses peuvent demander une reconnaissance étatique au plus tôt 25 ans après la date de leur enre-gistrement initial en Lituanie. La reconnaissance étatique est accor-dée par le Seimas de la République lituanienne après l’avis du minis-tère de la Justice. Lorsque la demande est refusée, elle peut être dé-posée de nouveau après un délai de dix ans à compter du jour de la date du refus de la première demande (art. 6 LCAR). Le Seimas a reconnu le 1er juillet 2001 le statut de communauté reli-gieuse reconnue par l’État à l’Union des communautés protestantes baptistes de Lituanie15. La procédure pour l’obtention du statut de personne morale tant pour les communautés et associations religieuses traditionnelles que pour les autres est réglée dans la Constitution de la République litua-nienne, dans la LCAR et dans le Code de procédure civile.

14 Décision de la Cour constitutionnelle de la République lituanienne portant sur la

compatibilité des art. 1 al. 5, art. 10 al. 3 et 4, art. 15 al. 1, art. 20, art. 21 al. 2, art. 32 al. 2, art. 34 al. 2, 3 et 4, art. 35 al. 2 et 5, art. 37 al. 2 et art. 38 al. 2 et 3 de la loi portant sur la formation de la République lituanienne, 13 juin 2000//Valstybės žinios, 2000, n° 49-1424.

15 Décision n° 9-464, Valstybės žinios, 2000, n° 62-2249.

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L’article 43 de la Constitution précise que les communautés religieu-ses reconnues par l’État sont des personnes morales et que la loi n’exige pas l’enregistrement des statuts ou de documents similaires des communautés ou associations traditionnelles16. Les communautés et associations religieuses traditionnelles nouvel-lement fondées ou (fondées de nouveau) obtiennent la personnalité juridique suite à un rapport de leur organe de direction portant sur leur formation (ou leur fondation nouvelle) remis au ministère de la Justice. Les communautés et associations religieuses non-traditionnelles ob-tiennent la personnalité juridique par le biais de leur enregistrement sur le registre des personnes morales. Une communauté religieuse peut être enregistrée à la condition d’avoir au minimum 15 membres majeurs citoyens de la République lituanienne. Une association reli-gieuse peut être enregistrée lorsqu’elle comprend au moins deux communautés. Un centre religieux peut être enregistré lorsque cela est prévu dans les statuts ou autres documents similaires de l’association religieuse. Conformément à la LCAR et au Code civil, l’institution religieuse doit fournir les documents nécessaires auprès du ministère de la Jus-tice. Le ministère examine la concordance des documents avec la LCAR, ainsi que la non-violation par la confession de cette religion des droits de l’homme, des libertés ou de l’ordre public. Les statuts d’une association religieuse peuvent être enregistrés au cours des six mois après présentation. Les statuts ou documents similaires qui sont à présenter doivent comprendre les noms de la communauté, son siège principal, sa for-mation juridique, les objectifs et buts de la religion, sa structure ad-ministrative, les organes de direction de la communauté ou de l’association, la procédure de direction, la procédure de modification des statuts, la procédure de l’adhésion et du retrait de la communau-té, les droits et obligations des membres, la procédure de la réorgani-sation et la répartition du patrimoine en cas de liquidation. Les communautés religieuses qui appartiennent à des communautés religieuses traditionnelles déjà enregistrées obtiennent la personnalité juridique lorsque les organes de direction de l’association religieuse reconnaissent leur existence et en informent par écrit le ministère de la Justice17. 16 Le ministère de la Justice a déjà reconnu la personnalité juridique à 967 communautés,

associations et centres religieux traditionnels. Source: www.religija.lt. 17 140 communautés religieuses non-traditionnelles ont obtenu les droits d’une personne

morale en Lituanie en 1988. Source: www. religija.lt.

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Le ministère de la Justice peut refuser l’enregistrement des statuts des communautés et associations religieuses lorsque "(1) les indica-tions nécessaires n’ont pas été faites; (2) l’activité de la communauté ou association religieuse constitue une violation aux droits de l’homme ou aux libertés ou à l’ordre public; (3) lorsque les statuts sont déjà enregistrés sous le même nom" (art. 12 LCAR). Conformément au livre II, chapitre 4, article 2, alinéa 34 du Code civil, les communautés et associations religieuses sont des personnes morales de droit public (à but non lucratif). Suite au rapport portant sur "les activités illégales des sectes" d’une commission du Parlement européen du 14 avril 2000, le gouverne-ment prit la décision de créer une Commission pour la coordination des mesures des différentes institutions publiques qui cherchent à résoudre, conformément à leurs compétences, les problèmes résultant de l’activité des groupes religieux, ésotériques ou spirituels. Cette commission est composée de représentants des ministères prin-cipaux – Justice, Intérieur, Éducation et Sciences, Santé, Extérieur, Ministère public, Chancellerie d’État, Commission des droits de l’homme et le Centre des études et recherche religieuses. Les objec-tifs principaux de cette commission sont les suivants: 1. la coordination des recherches portant sur le respect des différen-

tes actions de chacun des groupes avec la loi; 2. la garantie de l’échange d’informations entre les différentes insti-

tutions publiques et, si nécessaire, la diffusion des propositions portant sur les mesures publiques urgentes concernant ces grou-pes. La commission doit remettre tous les six mois un rapport sur son travail au gouvernement et à la Commission des droits de l’homme.

2. La signification du terme communauté religieuse et le droit à la libre détermination

Le droit à la libre détermination est le principe de base qui fixe les relations entre l’État et l’Église en Lituanie. L’autonomie interne des communautés religieuses est garantie par la Constitution. L’article 43 précise que les communautés religieuses peuvent agir librement sui-vant leurs dispositions et leurs statuts et qu’elles disposent du droit d’exercer librement leurs croyances, les rites de leurs croyances et d’avoir des lieux du culte et des institutions de formation pour la formation de leurs ministres du culte de leurs croyances, dans la me-

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sure où elles ne sont pas en contradiction avec le droit lituanien. En comparaison avec la Constitution, la loi portant sur les communautés et associations religieuses traite plutôt de la structure administrative des communautés religieuses que de leur droit à l’exercice de la reli-gion. L’article 7 précise que les communautés et associations reli-gieuses disposent du droit de s’organiser librement conformément à leur structure hiérarchique et institutionnelle et d’administrer leur vie interne d’après leurs propres dispositions, statuts et autres règles. Le droit à la libre détermination est reconnu dans la législation litua-nienne également par rapport à la possibilité des communautés et associations religieuses d’organiser et d’exercer des activités socia-les, en particulier des activités à but non lucratif et d’administrer des institutions générales d’éducation ou de formation diverses. Les communautés et associations religieuses peuvent être actives dans les domaines de la production et de l’économie: presse, établissements de santé, organisations à but non lucratif et médias (art. 14, 15 LCAR). Au cours de l’exercice de ces activités, les communautés religieuses sont cependant liées par le droit civil et doivent être acti-ves en tant qu’organisations à but non lucratif. La souveraineté de l’Église catholique est déclarée dans l’accord conclu entre le Saint-Siège et la République lituanienne portant sur les aspects juridiques des relations entre l’Église catholique et l’État. Bien que l’article 1 garantisse l’indépendance et l’autonomie de l’Église catholique et de l’État (art. 1, al. 2), il souligne également que l’exercice d’activités sociales, culturelles et de formation de l’Église catholique doit respecter non seulement le droit canonique, mais également le droit étatique (art. 4). Conformément à l’article 5, l’État reconnaît l’entière compétence de l’Église catholique dans ses domaines propres.

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V. Églises et culture

La formation est certainement le domaine qui connaît les relations les plus étroites entre l’État et l’Église en Lituanie. Les dispositions principales sont contenues dans la Constitution, dans la loi portant sur les communautés et associations religieuses et dans la loi portant sur la formation. L’article 40 de la Constitution pose deux principes. Le premier consiste dans l’obligation de sécularité des institutions d’enseignement et de formation publiques et communales, alors que le second contraint les institutions communales à proposer une ins-truction religieuse à la demande des parents. Conformément à une décision de la Cour constitutionnelle, la forma-tion séculière signifie que toutes les institutions publiques et com-munales de formation doivent être tolérantes, ouvertes et accessibles aux membres de toutes religions et d’aucune, et que le contenu idéo-logique de leur programme de formation doit être séculier. Il n’existe aucune condition relative aux croyances personnelles ou à la religion des enseignants à l’exception des enseignants de religion18. Bien que la LCAR et la Constitution distinguent entre les commu-nautés religieuses traditionnelles et celles reconnues par l’État, la loi adoptée auparavant portant sur les relations entre l’État et l’Église garantissait les mêmes droits pour les communautés et associations traditionnelles et celles reconnues par l’État dans le domaine de l’instruction religieuse. Ainsi la première version (du 4 octobre 1995) de la loi portant sur les communautés et associations religieuses pré-voyait, qu’à la demande des parents, la religion des communautés et associations religieuses traditionnelles et de celles reconnues par l’État pouvait être enseignée dans les établissements publics de for-mation (art. 9). Des dispositions postérieures montrèrent cependant une tendance à accorder des droits différents aux communautés reli-gieuses traditionnelles et à celles reconnues par l’État. Ainsi, par exemple, l’article 20 de la loi portant sur la formation et l’article 9 modifié de la LCAR précisent que seule la religion des communautés traditionnelles pourrait être enseignée dans les établissements publics de formation. L’instruction religieuse pour les communautés et asso- 18 Valstybės žinios, n° 49, 2000 birzelio 16 d. p. 17.

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ciations religieuses traditionnelles est proposée dans toutes les écoles publiques et communales. L’enseignement de l’éthique est proposée pour ceux qui ne souhaitent pas participer à l’instruction religieuse. La participation dépend de la décision des parents ou du représentant légal. À partir de l’âge de 15 ans, les élèves décident eux-mêmes (art. 20 de la loi portant sur la formation). Les enfants sous protection étatique ou communale peuvent choisir une instruction religieuse conformément à la confession religieuse de leur famille (art. 20 de la loi portant sur la formation). Les enseignants de religion sont accrédités par les communautés et associations religieuses traditionnelles; ils doivent cependant dispo-ser d’une compétence les autorisant à enseigner. Les enseignants sont formés dans des établissements de formation supérieure étatique et sont rémunérés pour leur travail au sein de l’école par l’État. Conformément à la loi, les communautés et associations religieuses disposent du droit de former et d’exercer des écoles de formation générale et des établissements de formation pour leurs ministres du culte et leurs enseignants de religion (art. 40 de la Constitution, art. 10 de la loi portant sur la formation et art. 14 LCAR). L’article 10 de la loi portant sur la formation accorde la possibilité à la demande des parents de créer des établissements de formation communs à l’État, aux communes et aux communautés et associa-tions religieuses traditionnelles. Conformément à une décision de la Cour constitutionnelle de telles écoles sont cependant séculières. Les élèves de ces écoles "communes" ne peuvent participer à l’instruction religieuse qu’uniquement sur demande de leurs parents. Les communautés et associations religieuses traditionnelles ne peu-vent réglementer que l’instruction religieuse. Elles ne disposent pas du droit de poser des conditions particulières pour le personnel en-seignant en matière idéologique ou éducative ou de même pour l’appréciation des enseignants ou du reste du personnel ou de nom-mer le directeur de l’école19. Les relations entre l’État et l’Église catholique sont de plus réglées par l’accord portant sur la coopération en matière de formation et de culture conclu entre le Saint-Siège et la République lituanienne. Les dispositions principales en matière de formation concernent l’instruction religieuse catholique dans les écoles générales, la formation des enseignants de religion et le statut et le financement des facultés de théologie et les séminaires catholiques.

19 Décision de la Cour constitutionnelle 13 juin 2000//Valstybės žinios, 2000, n° 49.

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L’État accorde des moyens financiers pour les centres de formation des enseignants de religion catholique, pour les établissements pu-blics d’enseignement supérieur, y compris ceux où les facultés catho-liques de théologie, les centres catholiques pour les études religieuses et les départements catholiques existent (art. 10 de l’accord portant sur la formation et la culture). Conformément à l’article 11 de cet accord, l’État doit accorder également des moyens financiers aux séminaires catholiques. Le montant est fixé par un accord spécifique conclu entre l’État et la conférence épiscopale lituanienne. Il n’existe actuellement pas un tel accord. Deux séminaires (Kaunas et Vilkavis-kis) disposent cependant du statut d’établissement d’enseignement supérieur (ils font partie de l’université Vytautas Magnus) et dispo-sent d’un financement public total. L’accord fixe que les professeurs de la faculté de théologie sont des fonctionnaires publics. Les professeurs et les étudiants des séminai-res disposent des mêmes droits et obligations que les professeurs et étudiants des autres établissements de formation (art. 11 de l’accord portant sur la formation). Les diplômes d’enseignement supérieur des séminaires sont reconnus par l’État lorsque le niveau de la formation correspond aux condi-tions de qualité d’une formation supérieure (art. 11 de l’accord por-tant sur la formation). L’État reconnaît également les diplômes et les qualifications académiques qui sont accordés par la faculté de théo-logie qui existait au sein du séminaire inter-diocésain à Kaunas entre 1940 et 1991 (art. 11 de l’accord portant sur la formation). Les relations entre l’État et l’Église dans le domaine de la formation sont également réglées par la décision portant sur les établissements confessionnels de formation. D’après cette décision, le gouverne-ment peut à la demande du ministère de la Culture et de l’Éducation décider de transformer des établissements publics de formation en des établissements confessionnels de formation et de donner au pré-alable en location à une confession les bâtiments et l’équipement appartenant à l’école publique. Les relations entre l’Église et les médias sont uniquement réglemen-tées par la loi portant sur la radio- et télédiffusion nationale20. D’après cette loi, la radio- et télédiffusion nationale doit mettre à disposition des communautés religieuses traditionnelles et reconnues par l’État un temps d’antenne pour la diffusion de leurs offices conformément à une procédure et à des conditions posées dans des

20 Loi portant sur la radio- et télédiffusion nationale de la République lituanienne//Valstybės

žinios, 2000, n° 58-1712; 1996, n° 102-2319.

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accords bilatéraux. Les autres programmes de télévision sont diffusés par des établissements de télé- et radiodiffusion nationaux ou privés de la même manière que tout autre programme. L’émission bénéfi-ciant probablement de l’influence la plus importante dans les médias est le programme quotidien "Mazoji studija" ("Le petit Studio") qui est diffusé par la radio nationale. Les organes des stations de radio- et télédiffusion nationale n’ont aucune influence sur le contenu du programme. Ce programme radio perçoit une aide de la part de la conférence épiscopale catholique et de certains donateurs catholiques étrangers. L’État n’a mis aucun moyen à disposition pour le rétablissement des médias de l’Église catholique ou d’une autre communauté religieuse quelconque. Des dispositions spécifiques pour l'Église catholique sont contenues dans l’accord conclu entre le Saint-Siège et la République litua-nienne portant sur la coopération dans le domaine de la formation et de la culture. Il précise que l’Église catholique doit disposer de l’accès aux médias publics; les émissions catholiques de radio- et télédiffusion sont diffusées cependant en accord avec une convention propre conclue entre la conférence épiscopale lituanienne et les ins-tances compétentes de la République lituanienne (art. 12 de l’accord portant sur la formation).

VI. Droit du travail au sein des Cultes

Les relations entre l’État et l’Église dans le domaine du travail sont principalement réglementées dans la LCAR et dans la loi portant sur l’assurance vieillesse publique. D’après la LCAR, les communautés et associations religieuses disposent en Lituanie du droit d’employer des salariés sur la base de contrats de travail. La plupart des Églises en Lituanie ont des employés qui sont considérés comme des fonc-tionnaires. Pour la majorité des employés, le droit du travail ordinaire s’applique (art. 17). Celui qui a été embauché sur la base d’un contrat de travail avec une communauté ou association religieuse dispose du droit à la sécurité sociale et autres garanties accordées par la loi. Les organisations religieuses doivent verser dans ce but des contributions de leur ré-munération à la sécurité sociale publique de la même manière que les entreprises publiques.

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La LCAR prévoit que les ministres du culte peuvent être financés par leur communauté ou association religieuse conformément aux critè-res posés par les dispositions en vigueur. Les ministres du culte et autres employés des organisations religions ne disposant pas d’un contrat de travail peuvent verser leurs propres contributions privées à la sécurité sociale publique conformément aux critères posés par les dispositions en vigueur (art. 18 LCAR). Les ministres du culte liés par une relation de travail rémunérée disposent des mêmes droits et obligations sociales que les autres employés. Depuis le 1er janvier 2000, les ministres du culte des communautés religieuses traditionnelles et autres reconnues par l’État et les moines travaillant dans les monastères sont assurés de droit dans le système d’assurance vieillesse publique. L’État paye de son budget public toutes les contributions obligatoires pour toutes ces personnes. Les autres personnes travaillant dans des organisations religieuses peu-vent sur une base volontaire être assurées dans le système d’assurance vieillesse en y apportant des contributions propres ou par l’intermédiaire de l’organisation religieuse. Les ministres du culte employés par des institutions séculières payent les mêmes contribu-tions à l’assurance vieillesse publique que toute autre personne.

VII. Financement des Églises

Les relations financières entre l’État et l’Église se basent essentiel-lement sur le soutien financier étatique et la politique fiscale. Le domaine principal pour le soutien financier étatique des Églises est celui de la formation. Une modification de l’article 14 LCAR (en mai 2000) précise que les institutions de formation des communautés et associations religieuses traditionnelles qui transmettent une formation correspondant aux standards publics sont financées et soutenues par l’État. Depuis le 1er septembre 2001, toutes les écoles de formation générale des associations religieuses traditionnelles peuvent être financées et soutenues par le gouvernement ou par des institutions fixées par le gouvernement selon les critères posés par les dispositions en vigueur par le biais de l’octroi des mêmes moyens que les institutions publi-ques ou communales comparables. La contribution est fixée en fonc-

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tion des coûts nécessaires pour un enfant ou un élève dans des éta-blissements publics ou communaux comparables21. Cette possibilité est précisée de manière plus détaillée pour l’Église catholique dans l’accord cité au préalable. D’après cet accord, les établissements de formation dirigés ensemble par l’État ou les com-munes et l’Église catholique, ainsi que les programmes de formation correspondant aux standards publics dans les établissements de for-mation catholiques non-publics et non-communaux sont financés "sur la base des titres du budget prévus à cet effet conformément aux dispositions adoptées par le gouvernement de la République litua-nienne ou par les institutions compétentes en la matière, tout comme les établissements publics ou communaux de nature similaire ou de niveau similaire". L’institution de fondation doit de plus financer elle-même les programmes complémentaires des établissements de formation catholiques non-publics. Les écoles confessionnelles privées des autres communautés et asso-ciations religieuses qui proposent des cycles de formation soutenus par l’État, peuvent de même obtenir des aides financières ou autres sur la base des budgets nationaux et communaux. Les principes de base de la politique fiscale sont fixés dans l’article 16 LCAR. En vertu de ceux-ci, toutes les communautés, associations et centres religieux sont exonérés d’impôt sur les revenus perçus. Conformément à la loi, le revenu provenant de la vente de la proprié-té acquise de manière non lucrative n’est pas soumis à l’impôt s’il est destiné à la construction, la réparation ou la restauration des bâti-ments dévoués à l’office, à des objectifs charitables, à la culture ou la formation. Les revenus des ministres du culte, des personnes aidant aux offices, de celles effectuant des prestations de service (autres que les travaux de construction, réparation ou restauration) des caisses ci-dessus citées ne sont pas soumis à l’impôt personnel sur le revenu. Les dons et aides charitables des projets religieux de développement sont également exonérés d’impôt22. Les communautés et associations religieuses doivent déclarer les dons à but non lucratif et les sponsors reçus aux administrations fiscales et à l’Office des statistiques. Les biens et les ouvrages religieux introduits sur le territoire lituanien ne sont pas soumis aux déclarations en douane avec l’accord des com-munautés religieuses disposant de la personnalité juridique.

21 Loi portant modification de l’article 14 de la loi portant sur les communautés et associa-

tions religieuses de la République lituanienne. Mai 2000 n° VIII-1677//Valstybės žinios, 2000, n° 40-1115.

22 Loi portant sur les donations d’utilité publique et des sponsors//Valstybės žinios, 2000, n° 61-1818.

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Conformément à l’article 16 LCAR, les entreprises (organisations) dirigées par les communautés religieuses sont soumises à l’obligation fiscale conformément aux lois portant sur les activités des entreprises ou organisations économiques. Tous les revenus des activités com-merciales des communautés ou entreprises religieuses sont soumis à l’impôt sur le revenu. Dans les cas où les associations religieuses vendent la propriété acquise par le biais de la restitution, le gain ob-tenu est à imposer après déduction de la valeur de la propriété à la date de la restitution23. Les communautés religieuses sont exonérées de l’impôt foncier lors-qu’elles utilisent leurs bâtiments et leurs biens fonciers uniquement pour des buts religieux ou pour la fabrication d’objets religieux. Lorsque des communautés religieuses louent des biens fonciers ou les utilisent pour d’autres buts, ces derniers sont soumis à l’impôt foncier24. La plupart des impôts cités ne sont pas prélevés par l’Église catholi-que. L’accord conclu entre le Saint-Siège et la Lituanie portant sur les aspects juridiques des relations entre l’Église catholique et l’État précise que la propriété des personnes morales ayant des missions accordées par le droit canonique et portant sur l’aumônerie, l’utilité publique, le domaine social, culturel et de la formation, y compris les revenus issus des activités économiques ne sont pas soumis aux im-pôts de l’État. Conformément à la déclaration de l’inspection publique des impôts, les prestations de service fournies par les communautés religieuses traditionnelles ne sont pas soumises à la TVA lorsque ces prestations sont financées par des dons25. L’article 7 LCAR précise que toutes les associations et communautés religieuses disposant de la capacité juridique peuvent obtenir des aides publiques pour le domaine culturel, de la formation ou d’utilité publique conformément aux critères posés par les dispositions léga-les. Il faut souligner que la loi autorise mais n’oblige pas l’État à fournir ces aides. Bien que la loi prévoie cette possibilité pour toutes les organisations religieuses enregistrées, les communautés religieu-ses traditionnelles disposent de plus de facilités pour obtenir ces ai-des. Ainsi le gouvernement lituanien attribue par exemple, par déci-sion, chaque année entre 0,8 et 4 millions LTL pour les communau-tés religieuses traditionnelles afin de protéger les bâtiments culturels 23 Déclaration de l’inspection publique des impôts, 12 janvier 2000, n° 08-01-06/470. 24 R. Ziliute, D. Gllodenis, State and Church in Lithuania, in: R. Balodis (éd.), State and

Church in the Baltic States, 2001, p. 83. 25 Déclaration de l’inspection publique des impôts, 12 janvier 2000, n° 08-01-06/470.

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et pour d’autres besoins26. Ces moyens sont distribués en relation avec le nombre de membres de ces communautés avec un minimum fixé pour chaque communauté. Sont également mises à disposition des aides en relation avec des projets sur la base des budgets étati-ques et communaux pour la restauration des églises, les activités ecclésiastiques d’utilité publique et l’entretien des séminaires. Les administrations communales donnent également de petites sommes pour différents besoins et projets aux Églises et organisations reli-gieuses. Les relations financières publiques variées avec les différentes com-munautés religieuses conduisent à des doutes réguliers au sein de l’opinion publique en ce qui concerne la protection par l’État d’un traitement suffisamment équivalent de tous les groupes religieux. D’après une décision de la Cour constitutionnelle, certaines presta-tions accordées aux communautés religieuses traditionnelles sont d’ailleurs prévues par le droit constitutionnel. L’attribution du nom "Église traditionnelle" à une organisation religieuse constitue la voie particulière pour la reconnaissance étatique. L’institution d’une Église traditionnelle est reconnue par la Constitution. La "traditionalité" si-gnifie le statut particulier présent des relations entre l’État et l’Église qui se base sur la signification de la culture religieuse pour l’évolution de la société et son influence sur cette évolution. Les Églises tradition-nelles peuvent pour cette raison disposer de droits que les autres Égli-ses n’ont pas27. La loi portant sur la restauration des lieux de prière et des autres bâti-ments règle les questions importantes des relations financières entre l’État et l’Église. La loi fut adoptée par le Parlement en février 1990. Elle abrogea le décret du Soviet suprême lituanien du 6 juin 1948 por-tant sur la nationalisation des lieux de prière, les bâtiments ecclésiasti-ques et les autres objets. Selon ce dernier, les administrations commu-nales étaient obligées de conclure des conventions avec les commu-nautés religieuses qui devaient soit contenir des mesures portant sur la restitution des bâtiments nationalisés ou sur l’octroi d’indemnisations financières ou pour également d’autres moyens pour la restitution des biens fonciers qui appartenaient auparavant aux Églises.

26 Par ex. en 2002 2,879 millions de LTL furent accordés, en 2000 2,492 millions de LTL, en

1998 1,783 millions de LTL et en 1997 3,0 millions de LTL. 27 Valstybės žinios, n° 49, 2000 birzelio 16 d. p. 16-17.

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VIII. Assistance spirituelle dans les organismes publics

La LCAR contient des bases juridiques pour l’assistance spirituelle dans les organismes publics. Elle précise qu’à la demande des croyants des activités religieuses peuvent être effectuées dans les hôpitaux, les institutions sociales, les établissements pénitenciers et les établissements militaires. Les administrations doivent donner la possibilité d’effectuer ces activités religieuses et approuver le mo-ment des activités et cérémonies religieuses (art. 8). L’assistance spirituelle pour les catholiques des forces armées est réglementée par un accord conclu entre le Saint-Siège et la Républi-que lituanienne. Selon ce dernier, le Saint-Siège doit nommer un ordinariat militaire qui est compétent pour l’assistance spirituelle des catholiques au sein des forces armées (art. 1). En collaboration avec le ministre de la Défense, l’évêque militaire nomme un vicaire géné-ral. Ce dernier est en même temps le ministre du culte en chef des forces armées (art. 3). Les ministres du culte militaires exercent leurs fonctions spirituelles conformément au droit canonique, aux disposi-tions fixées par l’évêque militaire et aux règles et dispositions des forces armées. Les obligations des ministres du culte militaires consis-tent dans la visite des unités militaires, au fait de procéder aux offices et à la direction des autres activités cultuelles, dans l’administration des sacrements, dans l’instruction religieuse et morale, dans l’administration des discussions portant sur la religion et la morale et dans l’exercice des autres activités d’aumônerie (art. 8). Le ministère de la Défense nationale met à disposition les moyens nécessaires aux ministres du culte militaire pour l’ordinariat militaire et pour les activités d’aumônerie (art. 7). La loi portant sur l’administration pénitentiaire de la République lituanienne réglemente l’aumônerie dans les prisons. Elle précise que "la direction de tous les établissements pénitenciers doit permettre la possibilité de l’exercice des rites religieux pour les personnes qui pur-gent des peines pénales. Les ministres du culte de toutes les confes-sions ont le droit sans réserve aucune de rendre visite aux détenus" (art. 60)28. Les ministres du culte peuvent rendre visite aux détenus à leur demande à des horaires fixés en accord avec l’administration de l’établissement pénitencier. Les représentants des communautés et

28 Réglementation interne des détenus, reconnue par décret du ministre de la Justice n° 172,

16 août 2000//Valstybės žinios 2000, n° 72.

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associations religieuses disposant de la personnalité juridique peuvent aller voir les détenus avec l’accord de la direction de la prison29.

IX. Statut juridique des ecclésiastiques

Il n’existe dans le système juridique lituanien aucune disposition particulière portant sur le statut juridique des ecclésiastiques. Les dispositions de la Constitution et de la LCAR ne se réfèrent que de manière indirecte à ces questions. Conformément à la Constitution, tout citoyen dispose du droit de participer au gouvernement de son pays tant directement que par le biais de représentants élus et il dis-pose d’un accès égal aux fonctions publiques. Les citoyens en âge de 18 ans et plus disposent du droit de participer aux élections (art. 33 et 34). Les dispositions de la LCAR complètent la Constitution avec la règle suivant laquelle tous sont égaux devant la loi indépendamment de leur religion. Il est interdit de limiter leurs droits et libertés ou de leur attribuer des privilèges.

X. Droit de la famille et du mariage

Le mariage est en Lituanie une affaire tant de l’État que de l’Église. La Constitution de la République lituanienne précise que l’État enre-gistre les mariages, les naissances et les décès et reconnaît les maria-ges religieusement conclus (art. 38). La procédure d’enregistrement des mariages est réglementée dans le Code civil. Le mariage religieux (confessionnel) a des conséquences de droit civil en tant qu’acte juridique public dès le moment de l’office religieux lorsque les conditions suivantes sont remplies: a) il n’existe aucune infraction aux exigences des articles 3.12-3.17

du Code civil au regard de l’âge et de la libre volonté des mariés, b) la conclusion du mariage est effectuée d’après les dispositions de

l’organisation religieuse reconnue et immatriculée par l’État li-

29 Réglementation interne des détenus, reconnue par décret du ministre de la Justice n° 172,

16 août 2001//Valstybės žinios, 2001, n° 72.

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tuanien, c) la conclusion du mariage religieux (confessionnel) est enregistrée

dans un registre civil (art. 13 de l’accord portant sur les aspects juridiques).

Un mariage religieux doit être enregistré dans le registre civil. L’organisation religieuse doit transférer le rapport dans une forme particulière conformément aux critères du ministère de la Justice à l’office d’enregistrement dans un délai de dix jours suivant la conclusion du mariage. L’office d’enregistrement inscrit le mariage et délivre un certificat de mariage. Le moment de l’enregistrement du mariage correspond à celui de la conclusion du mariage religieux. Lorsque le rapport n’est pas transféré dans les dix jours à l’office d’enregistrement, la date du mariage est fixée par celle de l’enregistrement (art. 3(304) du Code civil). Les décisions des juridictions ecclésiastiques portant sur la nullité du mariage et celles de l’instance supérieure de l’Église portant sur l’annulation du mariage doivent être communiquées aux administra-tions compétentes de la République lituanienne dans un but de ré-glementation des conséquences légales d’une telle décision suivant les critères du droit public (art. 13 de l’accord portant sur les aspects juridiques).

XI. Droit pénal

Conformément à l’article 171 du Code pénal, le fait de troubler les rites ou fêtes religieuses est pénalement puni. Celui qui trouble des offices ou autres cérémonies religieuses d’une communauté reli-gieuse reconnue par l’État par des actes outrageants, des menaces, des diffamations ou autres comportements étranges, se rend coupable d’un délit et sera puni par un travail d’intérêt général, une amende ou une peine limitative de liberté.

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XII. Bibliographie

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Baltic States, 2001, Riga, Religijas Brivibas Asociacija, 2001. Religija ir teisė pilietinėje visuomenėje. Tarptautinės konferencijos medžiaga,Vilnius,

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