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Interview 12 No 105 04 FÉVRIER 2012 CAMBRIOLAGE À D’EPINAY D es bijoux, une caméra et une guitare d’une valeur totale de Rs 140 000 ont été volés dans une maison à D’Epinay le 1er février à 10h46. Dans sa déc- laration à la police de Montagne Longue, le propriétaire de la maison, un man- ager de 29 ans a rapporté que le vol a dû être commis le lundi 30 janvier entre 08h30 et 18h05. Dans le dernier épisode du feuilleton sur la réforme électorale, Paul Bérenger propose une réforme en deux volets, d’abord voter la dose de proportionnelle, puis ultérieurement l’aboli- tion du best loser. Quant au Premier ministre, il garde le flou autour du BLS. Joseph Tsang Mang Kin, qu’en pensez-vous ? - Je dois dire que ça me fait bien rigoler. La chose fonda- mentale qu’on doit se deman- der quand on parle de réforme électorale, c’est : Que veut-on ? Pour qui fait-on cette réforme électorale ? Considérant toutes les propositions que j’ai enten- dues jusqu’ici, que ce soit le rapport Sithanen ou celles des leaders politiques, l’idée pri- mordiale semble surtout de maintenir les partis au pouvoir. Il y a un souci de consolidation du pouvoir politique sur la vie du pays. Sir Seewoosagur Ram- goolam s’était battu pour don- ner une voix à chaque Mauricien. Or maintenant, d’après cette réforme que l’on propose, on est en train de con- fisquer le droit de vote des in- dividus. Parce que, quand vous avez une party list, c’est le parti qui décide qui va être dans la course. La proportionnelle sur liste bloquée serait donc la dictature des partis ? Oui, et moi je dis qu’il faudrait que les Mauriciens se réveillent sur cette question. L’autre question, c’est le best loser system. Ceux qui sont nés avant 1968, ils pensent tou- jours en fonction de best loser, de communauté… Ils sont in- capables de sortir de cette cangue. C’est ça la tragédie des hommes politiques de mon pays. Ils sont conditionnés, en- doctrinés. Je vois, chez les je- unes, une différence. Surtout ceux qui sont nés après 1982, ils se fichent de ça, ils sont dé- connectés. Cette réforme est capitale. Ça va nous marquer pour au moins deux ou trois généra- tions. C’est pourquoi j’insiste que cette réforme doit être faite pour les jeunes. Il faut penser aux nouvelles générations. Que ces politiciens cessent de se re- garder le nombril. Ce n’est pas pour eux qu’on doit faire cette réforme ! Si les jeunes sont décon- nectés, pourquoi faire une réforme pour eux ? Justement, ils sont décon- nectés parce qu’ils ne croient plus que la politique puisse changer quoi que ce soit pour le meilleur. Toutes ces combines entre partis, des alliances qui sont faites non pas dans l’in- térêt public, mais pour se main- tenir au pouvoir… Les jeunes ne sont pas des imbéciles, ils s’en rendent compte. C’est pour ça qu’ils ont perdu la foi en la politique. Et puis, il y a un change- ment d’époque. Tout l’enthou- siasme du combat pour l’indépendance a disparu. En plus, en 1982, c’est un régime de terreur qui s’est installé. On a fait voter des lois répressives et on a supprimé les entrenched clauses qui protégeaient les hauts fonctionnaires. A partir de là, on s’est retrouvé dans une société cassée en deux, où il y a eu non pas des gagnants et des perdants, mais des vainqueurs et des vaincus. Et les vaincus ont dû se taire. A partir de là, les Mauriciens ont eu peur de demander ou de faire valoir leurs droits. Alors, la population mauricienne, comment savoir si elle veut une ré- forme ? Ce sont les partis qui sont en train de tout décider. Il faut amener les gens à prendre con- science qu’on ne peut pas se laisser manipuler comme ça. Le peuple doit avoir son mot à dire, le peuple aurait son mot à dire à travers un référendum. Et puis, je le répète, la nou- velle génération n’est plus com- munautariste comme l’étaient les gens de ma génération. Pour les jeunes, le problème de best loser ne se pose pas puisqu’ils ne voient pas la société en ter- mes de communautés. Sans un référendum, on ne peut pas savoir quel est le pourcentage de la popula- tion en faveur ou contre le maintien du BLS. C’est vrai. D’ailleurs, rien n’empêche de faire un référen- dum. D’autant plus qu’en 1982, les partis au pouvoir étaient d’accord pour un référendum. Il n’a jamais eu lieu. Alors moi je dis : faites-le maintenant ! Pour en revenir à cette épineuse question des mi- norités, on a du mal à com- prendre comment on peut continuer de se revendiquer comme un minoritaire, dans un Etat-nation où on pour- rait revendiquer d’être des citoyens égaux ? La jeunesse est prête pour former la nation mauricienne. Mais cette jeunesse, a-t- elle un poids politique ? Elle n’a pas de poids poli- tique. Mais justement, c’est notre devoir en tant qu’aînés, de préparer et de lui donner le cadre de vie qui lui permettra d’aller de l’avant et de con- solider cette nation maurici- enne. Et aussi, il faut proposer une formule qui permette aux can- didats indépendants ou aux pe- tits partis de se présenter. Parce qu’avec cette histoire de dose proportionnelle sur party list, vous supprimez les petits. Et étouffer les petits, c’est étouffer la démocratie, c’est mettre la population mauricienne entre les griffes des rapaces ! Reprenons donc la ques- tion de la représentation. Pourquoi continue-t-on à dire qu’il faut représenter les Mauriciens dans la diversité de leurs appartenances eth- niques, mais jamais dans la diversité de leurs idées ? Ceux qui sont encore parti- sans de représenter la diversité ethnique sont des hommes qui vivent avec des idées dépassées. On ne sait que trop bien les in- térêts que ces personnes défendent. Je soutiens qu’il est grand temps qu’on reconnaisse que la jeunesse d’aujourd’hui est une jeunesse éduquée, in- formée et qui veut des débats d’idées. On ne voit pas de dé- bats d’idées dans nos journaux parce que beaucoup de nos journaux sont à la solde de cer- tains intérêts. C’est sur Face- book que se fait le débat d’idées, pas dans nos journaux ! Donc vous, vous n’avez pas peur d’un blocage de la réforme venant des lobbies communautaires ? Il y aura toujours des gens qui voudront voter pour des représentants de leur groupe, c’est inévitable. Mais ce qui compte, c’est la transition, le passage de la mentalité com- munautariste à une mentalité nationale. Ça prendra du temps, mais la réalité sociale mauricienne est déjà en avance sur les politiciens. Alors, pré- parons la nation mauricienne à la transition. Mais si aux élections on a un raz-de-marée d’un parti communautariste ex- trémiste, ce n’est pas grave ? Non, ce n’est pas grave. Moi je dis, laissez voter, arrive ce qui arrive, s’il faut passer par là pour avoir la démocratie. Mais justement, je ne pense pas que ce sera comme ça. Peut-être si on était dans les années 1960 ou 1980. Mais aujourd’hui, ce n’est plus le même contexte. Quand on regarde les jeunes, ils ne font pas dans ces différences. Mais même parmi les je- unes on a des groupes com- munautaristes, y compris sur Facebook. Vous n’avez pas peur qu’on se retrouve avec une balkanisation comme en Israël ou au Liban ? Non, non, je ne pense pas. Ca c’est pour effrayer les gens, c’est pour se maintenir au pou- voir. Le véritable danger qui guette l’île Maurice et dont on ne nous parle pas, ce n’est pas le communautarisme. C’est la dictature. C’est la dictature des partis qui est le véritable danger pour ce pays. Propos recueillis par C.B. JOSEPH TSANG MANG KIN : « La dictature, le véritable danger pour Maurice » Avec son langage sans concessions, il jette un pavé dans la mare du débat sur la réforme élec- torale. Pour Joseph Tsang Mang Kin, le maintien du BLS et la proportionnelle sur party list seraient deux façons d’étouffer la dé- mocratie mauricienne. Car la réforme doit être faite pour les jeunes et ces derniers, pour revenir à la politique, ont besoin qu’on restaure le débat d’idées…

Joseph Tsang Mang Kin : la dictature, le véritable danger pour Maurice

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Joseph Tsang Mang Kin : la dictature, le véritable danger pour Maurice, interview realisee par Catherine Boudet dans le Journal du Samedi du 04 fevrier 2012.

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Interview12No 105 04 FÉVRIER 2012

CAMBRIOLAGE À D’EPINAY

Des bijoux, une caméra et une guitare d’une valeur totale de Rs 140 000 ontété volés dans une maison à D’Epinay le 1er février à 10h46. Dans sa déc-

laration à la police de Montagne Longue, le propriétaire de la maison, un man-ager de 29 ans a rapporté que le vol a dû être commis le lundi 30 janvier entre08h30 et 18h05.

Dans le dernier épisodedu feuilleton sur la réformeélectorale, Paul Bérengerpropose une réforme endeux volets, d’abord voter ladose de proportionnelle,puis ultérieurement l’aboli-tion du best loser. Quant auPremier ministre, il garde leflou autour du BLS. JosephTsang Mang Kin, qu’enpensez-vous ?

- Je dois dire que ça me faitbien rigoler. La chose fonda-mentale qu’on doit se deman-der quand on parle de réformeélectorale, c’est : Que veut-on ?Pour qui fait-on cette réformeélectorale ? Considérant toutesles propositions que j’ai enten-dues jusqu’ici, que ce soit lerapport Sithanen ou celles desleaders politiques, l’idée pri-mordiale semble surtout demaintenir les partis au pouvoir.Il y a un souci de consolidationdu pouvoir politique sur la viedu pays. Sir Seewoosagur Ram-goolam s’était battu pour don-ner une voix à chaqueMauricien. Or maintenant,d’après cette réforme que l’onpropose, on est en train de con-fisquer le droit de vote des in-dividus. Parce que, quand vousavez une party list, c’est le partiqui décide qui va être dans lacourse.

La proportionnelle surliste bloquée serait donc ladictature des partis ?

Oui, et moi je dis qu’ilfaudrait que les Mauriciens seréveillent sur cette question.L’autre question, c’est le best

loser system. Ceux qui sont nésavant 1968, ils pensent tou-jours en fonction de best loser,de communauté… Ils sont in-capables de sortir de cettecangue. C’est ça la tragédie deshommes politiques de monpays. Ils sont conditionnés, en-doctrinés. Je vois, chez les je-unes, une différence. Surtoutceux qui sont nés après 1982,ils se fichent de ça, ils sont dé-connectés.

Cette réforme est capitale.Ça va nous marquer pour aumoins deux ou trois généra-tions. C’est pourquoi j’insisteque cette réforme doit être faitepour les jeunes. Il faut penseraux nouvelles générations. Queces politiciens cessent de se re-garder le nombril. Ce n’est paspour eux qu’on doit faire cetteréforme !

Si les jeunes sont décon-nectés, pourquoi faire uneréforme pour eux ?

Justement, ils sont décon-nectés parce qu’ils ne croientplus que la politique puissechanger quoi que ce soit pourle meilleur. Toutes ces combinesentre partis, des alliances quisont faites non pas dans l’in-térêt public, mais pour se main-tenir au pouvoir… Les jeunesne sont pas des imbéciles, ilss’en rendent compte. C’estpour ça qu’ils ont perdu la foien la politique.

Et puis, il y a un change-

ment d’époque. Tout l’enthou-siasme du combat pourl’indépendance a disparu. Enplus, en 1982, c’est un régimede terreur qui s’est installé. Ona fait voter des lois répressives eton a supprimé les entrenchedclauses qui protégeaient leshauts fonctionnaires. A partirde là, on s’est retrouvé dans unesociété cassée en deux, où il y aeu non pas des gagnants et desperdants, mais des vainqueurset des vaincus. Et les vaincusont dû se taire. A partir de là,les Mauriciens ont eu peur dedemander ou de faire valoirleurs droits.

Alors, la populationmauricienne, commentsavoir si elle veut une ré-forme ?

Ce sont les partis qui sont entrain de tout décider. Il fautamener les gens à prendre con-science qu’on ne peut pas selaisser manipuler comme ça. Lepeuple doit avoir son mot àdire, le peuple aurait son mot àdire à travers un référendum.

Et puis, je le répète, la nou-velle génération n’est plus com-munautariste comme l’étaientles gens de ma génération. Pourles jeunes, le problème de bestloser ne se pose pas puisqu’ilsne voient pas la société en ter-mes de communautés.

Sans un référendum, onne peut pas savoir quel est le

pourcentage de la popula-tion en faveur ou contre lemaintien du BLS.

C’est vrai. D’ailleurs, rienn’empêche de faire un référen-dum. D’autant plus qu’en1982, les partis au pouvoirétaient d’accord pour unréférendum. Il n’a jamais eulieu. Alors moi je dis : faites-lemaintenant !

Pour en revenir à cetteépineuse question des mi-norités, on a du mal à com-prendre comment on peutcontinuer de se revendiquercomme un minoritaire, dansun Etat-nation où on pour-rait revendiquer d’être descitoyens égaux ?

La jeunesse est prête pourformer la nation mauricienne.

Mais cette jeunesse, a-t-elle un poids politique ?

Elle n’a pas de poids poli-tique. Mais justement, c’estnotre devoir en tant qu’aînés,de préparer et de lui donner lecadre de vie qui lui permettrad’aller de l’avant et de con-solider cette nation maurici-enne.

Et aussi, il faut proposer uneformule qui permette aux can-didats indépendants ou aux pe-tits partis de se présenter. Parcequ’avec cette histoire de doseproportionnelle sur party list,vous supprimez les petits. Etétouffer les petits, c’est étoufferla démocratie, c’est mettre lapopulation mauricienne entreles griffes des rapaces !

Reprenons donc la ques-tion de la représentation.Pourquoi continue-t-on àdire qu’il faut représenter lesMauriciens dans la diversitéde leurs appartenances eth-niques, mais jamais dans ladiversité de leurs idées ?

Ceux qui sont encore parti-sans de représenter la diversitéethnique sont des hommes quivivent avec des idées dépassées.On ne sait que trop bien les in-térêts que ces personnesdéfendent. Je soutiens qu’il estgrand temps qu’on reconnaisseque la jeunesse d’aujourd’huiest une jeunesse éduquée, in-formée et qui veut des débats

d’idées. On ne voit pas de dé-bats d’idées dans nos journauxparce que beaucoup de nosjournaux sont à la solde de cer-tains intérêts. C’est sur Face-book que se fait le débatd’idées, pas dans nos journaux !

Donc vous, vous n’avezpas peur d’un blocage de laréforme venant des lobbiescommunautaires ?

Il y aura toujours des gensqui voudront voter pour desreprésentants de leur groupe,c’est inévitable. Mais ce quicompte, c’est la transition, lepassage de la mentalité com-munautariste à une mentaliténationale. Ça prendra dutemps, mais la réalité socialemauricienne est déjà en avancesur les politiciens. Alors, pré-parons la nation mauricienne àla transition.

Mais si aux élections on aun raz-de-marée d’un particommunautariste ex-trémiste, ce n’est pas grave ?

Non, ce n’est pas grave. Moije dis, laissez voter, arrive ce quiarrive, s’il faut passer par làpour avoir la démocratie. Maisjustement, je ne pense pas quece sera comme ça. Peut-être sion était dans les années 1960ou 1980. Mais aujourd’hui, cen’est plus le même contexte.Quand on regarde les jeunes, ilsne font pas dans ces différences.

Mais même parmi les je-unes on a des groupes com-munautaristes, y compris surFacebook. Vous n’avez paspeur qu’on se retrouve avecune balkanisation comme enIsraël ou au Liban ?

Non, non, je ne pense pas.Ca c’est pour effrayer les gens,c’est pour se maintenir au pou-voir. Le véritable danger quiguette l’île Maurice et dont onne nous parle pas, ce n’est pas lecommunautarisme. C’est ladictature. C’est la dictature despartis qui est le véritable dangerpour ce pays.

■ Propos recueillis par C.B.

JOSEPH TSANG MANG KIN :

« La dictature, le véritable danger pour Maurice »

Avec son langage sansconcessions, il jette unpavé dans la mare dudébat sur la réforme élec-torale. Pour Joseph TsangMang Kin, le maintien duBLS et la proportionnellesur party list seraient deuxfaçons d’étouffer la dé-mocratie mauricienne. Carla réforme doit être faitepour les jeunes et cesderniers, pour revenir à lapolitique, ont besoinqu’on restaure le débatd’idées…