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Journal des débats politiques et littérairesJournal des débats politiques et littéraires. 02/05/1896. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions

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Journal des débats politiqueset littéraires

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Journal des débats politiques et littéraires. 02/05/1896.

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'=.SOMMAIRE

BÔIXÉfm. Pour le suffrage universel.La. séance d'hieb. F. C.Kv iODB le jour. Lemois de Marie et les en-

fants de Marie. tîuy Tomel.L'Exposition nationale suisse. Philippe

Godet.A t'ÉTBANGEK. L* Angleterreet le Transvaal.-Les SALONS de 1896. Les dessins de Puvis de

Chavannes. André Michel.

BULLETINPOUR LE SUFFRAGE UNIVERSEL

M. Bourgeois et ses amis, ayant été batj,us àla Chambre aussi bien qu'au Sénat, essayentdepersuaderaux âmes naïves que c'est le suffrageuniverselqui a subi cet affront. Les 200 à 250députésqui ont voté hiercontre le ministèreont décidé qu'ils étaient la propre incarnationdu suffrage universel et qu'en conséquenceleurs griefs étaient-ceux du suffrage universellui-même.- Dans leur bouche les mots prennentun sens tout à fait nouvau le suffrage univer-sel; c'estjaminorité..

Avant la séance et les scrutins d'hier, les ra-dicaux et les socialistes n'avaient affaire qu'auSénat. Ils tiraient parti de cette circonstance,<fuele Sénat est élu par le suffrage universel àdeux

degrés, pour opposer les volontés du suf-frage universel aux prétentions du suffragerestreint. Cette antithèsen'était pas très juste,la thèse des radicaux et des socialistes péchaitpar la base; mais, enfin, c'était leur manière deraisonner.Le suffrage universel d'un côté, lesuffrage restreint de l'autre, un conflit entreles deux. C'est -ce qui servait de prétexte à M.Bourgeois et à son parti pour crier que le suf-frage universel était en péril, méconnu, insultéet menacé, et qu'il n'étaitque temps de se por-ter à son secours.

Les radicaux et les socialistes avaient juréhier, avant' la séance,de combattre pour le suf-frage universel jusqu'à la mort. Les bureauxde leurs groupes s'étaient réunispour affirmerqu'en cas de dissolution tous les partisans deM. Bourgeois se présenteraient devant le paysétroitement unis, comme jadis les 363, etcomme les champions du suffrage universel.

Après la séance et les votes d'hier, ils au-raient dû s'apercevoir qu'ils avaient trop tôtpris l'alarme, que le suffrage universel n'étaitnullementmenacé et que, n'étant pas attaqué,il n'avait pas besoin d'être défendu. Hier, laChambre, le Sénat, le gouvernement se sonttrouvés d'accord;Le suffrage universel direct,-comme le suffrage universel sous une autreforme, s'est prononcé contre M. Bourgeois etcontre son parti. M. Bourgeois, les radicaux et

lês,sociaustes ont été battus; mais le suffrageuniversel se porte fort bien.Il semble que les socialistes et les radicaux,

après cette épreuve, auraient dû changer dethème. Il ne pouvait plus être question poureux de soutenirsérieusementque.leur cause seconfondait avec celle du suffrage universel. Ilsn'avaientqu'à se résigner au rôle qui convient|à uneminoritéet à continuer, dans l'opposition,la lutte pour leurs idées et leur programme.Cependant, ils persistent,en dépitdes scrutins,à déclarer qu'ils sont la majorité et même qu'ilssont le suffrage universel. Ils ont imaginé deformer une Ligue permanente, un comité dedéfense où les groupes socialistes et radicauxdu Sénat seront représentés,tout celapour pro-téger le suffrage universelcontre des dangersimaginaires.

C'est aussi, au nom du suffrage universelmenacé, que le groupe socialiste delà Chambrea.rédigé hier, aussitôt après la séance, une pro-clamation enflammée. Ces députés socialistesappellent les citoyens à venger le suffrage uni-versel de «

l'humiliation et de la défaitequiviennent, parait-il, de lui être infligées. « Ré-solus, disent-ils, à tout tenter pour obtenir lasolutionpacifique du grand problème social,Inous vous convions à défendre la République

FEUILLETON DU JOURNAL DES DEBATS

du 2 mai 1896

LESv SALONSv DE 1896

LE8 DESSINS DE PUVIS DE CHAVANNES

T

Les Salons qui ont fait tant de mal à l'art,suscité tant de « genres

» faux, provoqué tantd'inutilitésencombrantes, exaspéré tant de va-nités, dévoyé ou débauché tant d'artistes, servienfin dé prétexte à tant de vaine littérature de-vraient .pourtant nous être d'un grandensei-gnement.Pour nous d'abord, qui faisonspro-fession de raisonner sur l'art et d'en étudierl'histoire, ils mettent chaque année sous nosyeuxdes œuvres qui, si nous savions les voir,auraient à nous révéler beaucoup de chosesdont l'histoire de l'art fera un jour son profitcar c'est ici, après tout, dans la confusion et l'in-évitable banalité du grand déballage périodi-que, qu'elle s'élabore an par an, cette histoire,st qu'elle ira chercher plus tard, étonnée sansdoute de notre ignoranceet de notre aveugle-ment, des documents que nous n'aurons pas suinterpréter au passage. Pour les artistes,pour ceux du moins qui cherchent autre choseque la satisfactionde leur petite vanité et l'oc-casion d'une réclame, ils devraient être le mo-ment d'un examen de .conscience et d'un retoursévèresur soi-même. Essayons, les uns et les au-tres, d!en retirer tout ce qu'ils peuvent nousapporter d'utileII convient, cette année, de consacrer à Pu-

vis de Chavannes notre premièrevisite aux Sa-lons. On trouve réunis (au « Champ-de-Mars »),à côté des Panneaux destinés à la bibliothèquede Boston, un résumé de son œuvre entier; descentainesde dessins y racontentà leur manièrecomment s'est élaborée dans la pensée dumaître, depuis l'Ave Picàrdia nutrix jusqu'àses dernières œuvres, cette suite de pèlntu-

Reproductiçninterdite.

compromise et le suffrage universel menacé.Guerre au Sénat et honte aux traîtres1 Vive laRépublique socialiste»Les traîtresce sont lespropres élus du suffrage universel. Les socia-listes et les radicauxcrient comme d'habitude« Guerre au Sénat » Mais maintenant il leurfaut ajouter « Guerre à la Chambre!»C'est Jesuffrage universel qu'ils attaquentetqu'ils in-jurient, sous prétexte de le défendre. Ils ontcontre eux tous les pouvoirs publics émanés dusuffrage universel. Il peut leur être pénibled'en convenir. Mais qu'ils en conviennent ounon, tout le monde s'en aperçoit.

.»La manifestationde dimanche. La pre-

mière partie de la journée du 1" mai s'est écouléesans incidents et tout fait croire qu'aucunnuagen'entroublera la fin. Ne nous hâtons pas trop cepen-dant de féliciter les socialistes de leur attitude. Cen'est que partie remise. Si les meneursdu parti ou-vrieront laissé passer la journée du 1er mai sans ma-nifester, c'est qu'ils se réservent pour dimanche pro-chain. Ils ont compris que c'était une cause de fai-blesse pour leur cause de célébrer la fête du travailun jour de la semaine et ils ont fini par se ranger àTavis des ouvriers anglais qui, eux. plus pratiques,ont toujours reporté au dimanche la manifestationdite du 1er Mai.' Donc, dimanche prochain, tous les.comités socialistes et intransigeantssont convoquéspour organiserune manifestation« ,gr,andiosè eténergique », comme le dit M. Eugène Baudin. Il pa-raît que lè lion populaire « est seulement endormiet qu'il va se réveiller et qu'il va -rugir ». La méta-phore n'esfpas nouvelle;. mais M. Baudin ne se piquepas de suivre la mode.

Ce qui est plus nouveau, c'est que la fête du tra-vail change deplus en plus de caractère.A l'origine,elle était ou elle était censée être une fête purenfentpacifique, sans couleur politique.- Seules,les ques-tions touchant au travail étaient agitées. Aujour-d'hui, il n'est même plus fait allusion ni à la journéede huit -heures, ni à la grève générale il s'agituniquement de protester en faveur du ministèreBourgeois-Cavaignac, qui vient de tomber, et deconspuer vigoureusementle Sénat. Quantaux ques-tions sociales, on s'en occupera plus tard.

Mais, si la manifestationdu 1er Mai est devenuebeaucoup plus politique que socialiste, elle a gardéson caractère résolument internationaliste.

« Aujour-d'hui, écrit M. Vandervelde, député belge, à sesfrères de Paris, l'Internationale est reconstituée plusgrande et plus forte.,» De son côté, M. Liebknechtdéclare que « le 1er Mai sera célébré par toute l'Al-lemagne ouvrière et socialiste qui ne fait qu'une- avecles socialistes de tous les autrespays du monde. Vivele socialisme international! ».

LA SÉANCE D'HIERLa séance d'hier a été excellentepour le mi-

nistère. Malgré la confusion qui existe encoredans quelques esprits, malgré les menaces desradicaux et des socialistes, malgré le discourspresque révolutionnaire prononcé par M: LéonBourgeois, le nouveau Cabineta eu une majo-rité de 34 voix. Peut-être avons-nous tort dedire que cette majoritéa été obtenuemalgré lediscours de M. Bourgeois ce discours a cer-tainement contribuéà la former.

C'est la première fois, depuis bien longtemps,qu'au lendemain même de sa chute le présidentdu Conseil de la veille monte à la tribune pourdéclarer la guerre à ses successeurs. M. Bour-geois l'a fait; ce n'est pasce que nous lui re-prochons. Les circonstances sont changées. Ily a désormais deux partis tranchés dans laRépublique:d'un côté, les radicaux socialistesde l'autre, les modérés. Entre eux, la concilia-tion, la concentration est devenue impossible,et nous n'y avons nul regret. Bon gré, mal gré,on se trouve obligé, de part et d'autre, à fairedes gouvernements homogènes. Il est doncnaturel qu'un ministre renversé entre tout desuite et de plain-pied dans l'opposition. Ace point de vue, M. Bourgeois a presquedonné un bon exemple il a dissipé la fictionde camaraderie politique qui obligeait les mi-nistres tombés à des ménagementsapparentsenvers leurs successeurs, et qui leur interdi-sait la tribune pour ne leur laisser que les in-trigues de couloir. En prenant dès le premierjour l'attituded'un adversaire, M. Bourgeois afait justice d'une équivoque; mais ce n'est pas

res murales dont on peut bien dire à présentqu'elles formerontun des grands chapitres del'histoire de l'art français au dix-neuvièmesiècle..

Les dessins d'un artiste, et l'ancienne or-thographeavait bien raison d'écrire dessein,ce sont ses confidences, ses intentions révélées,une à une. Depuis les premiers crayonnagesoij la pensée commence à prendre corps et lavision à se fixer jusqu'au carton définitif quin'attendplus que la couleur et déjà la suppose,vous pouvez suivre là l'histoire intime de cha-cune de ses œuvres, voir comment il a inter-rogé la nature et ce qu'il a voulu choisir dansle répertoire infini, qu'elle mettait à son ser-vice. Il est seulementregrettable que l'on n'aitpas facilité, en groupant plus méthodique-ment ces dessins, l'enseignement qu'ils con-tiennent.

Rien n'estmains compliqué qu'une œuvre dePuvis de Chavannes la conception sort tou-jours directe et franche de la naturemême dusujet; la part de l'invention littéraire estaussi réduite que possible. L'invention et laconstruction plastiques, dès la premièreheure,sollicitent et commandent l'effort de sa pen-sée. La vision s'ordonne, elle s'adapte auxformes architecturalesdont le cadre inflexible,sans cesse présent aux yeux du peintre, régieet déterminele jeudes lignesencoreincertaineset l'équilibredes massesà peine indiquées, où:le motif prend corps. Bientôt des formes plusprécises, une distribution plus claire des en-sembles, despartis pris plus nets apparaissent,et, par des tâtonnementssuccessifs, un rythmegénéral se dégage, les éléments de la créationfuture prennent, en larges traits volontaires etappuyés, chacun son allure et sa valeur pro-pre, dans la synthèse qui s'élabore.

Voyez, par exemple, la série de croquis pourl'hémicycle de la Sorbonne, l'Eté de l'Hôtelde Ville de Paris ou la Paix et le Travail dumusée de- Picardie. Pour TEté, en particulier,la recherchede l'équilibredes grandes masses,qui sont comme les assises de la constructionplastique, a passé par plusieurs états. Les boisépais du fond, la charrette chargée de foin quiinspira à M. de Vogiié une si belle page, ontété successivement rapprochées, puis éloignées,jusqu'à ce que le rythme le plus ample ait ététrouvé pour le plus grandcontentementde l'es-prit ferme et clair qui l'avait entrevu. Pourla Sorbonne, le groupe des jeunes gens quiprêtent serment à la science ou qui cueillent

la seule qu'il ait fait évariouir.H a dévoilé,dé-masqué le fond de sa propre politique. Aprèsen avoir soigneusement caché, dissimulé lecaractère pendant six mois de gouvernement,il l'a enfin franchement découvert. On a pureconnaître, en l'écoutant, l'étendue du dan-ger auquel ilavait exposé nos institutions dontil aentrepris, aux applaudissements des bou-langistes, lacritique amère et perfide. Tout enprotestantde son respect pour le Sénat, il s'estfait l'avocat d'une révision qui avait pour objetde lui enlever ses droits essentiels. C'est toutjuste s'il lui laisserait, comme aux anciensParlements, celui de faire des remontrances,mais des remontrancesdont la Chambre et leministère ne tiendraient aucun compte. On avingt-quatre heures pour maudire ses jugesM. Bourgeois a la malédiction tenace et per-sistante très au délà de ce délai. Sous la con-trainte qu'il s'efforçait d'imposer à ses paroles,on sentait quelque chose de plus profondque larancune excusable chezun ministre au lende-main d'un échec.Soit1 On saura désormaisque M. Bourgeois, homme de gouvernement,a inscrit en tête de son programme la re-vision de laConstitution, dirigée contre, le Sé-nat. S'il revient au pouvoir, ce sera pour lafaire- Il n'aura plus le droit de se dérober,comme dans son dernier ministère, à l'exécu^tion pleine et entière des revendications radi-cales.Il ne pourra plus tromper la Chambre,nile pays.

Mais où M. Bourgeois a dépassé toute me-sure, c'est lorsqu'il a adresséau Cabinet qui leremplaçait une sorte de sommation d'avoiràprendre à son compte le conflit si maladroi-tement, ouvert par lui-même, et d'aller la.dénouer à Versailles dans un Congrès révision-niste. Pourquoi donc M. Bourgeois est-il tombé,si ce n'est parce qu'il avait provoqué ce conflit?Pourquoi a-t-il donné sa' démission, si ce n'estparce qu'il ne pouvait pas le prolonger pluslongtemps? S'il était partisan de la revision ets'il la croyait réalisable, d'oùvient qu'il ne l'aitpas proposéeîllauraitétédansson rôle. Il auraitpousséjusqu'auboutlalogiquedumalqu'ilavait,déjàaccompli- Il aurait été fidèle à lui-même.Mais non l M. Bourgeois commence par donnersadémission puis il se retourneversson succes-seur, M. Méline, et il lui dit C'est à vous defaire ce que jen'ai pas osé faire. Poursuivez lapolitique dont je suis mort.Aggravez la mésin-telligence que j'ai artificiellement créée entreles deux Chambres.Exaspérezcontre le Sénat/et, au besoin, contre la Présidence de la -Répu-blique, les passions révolutionnaires, les ins-tincts factieux, auxquels j'ai donné l'éveil. Jevous ai cédé la place pour cela. Je n'ai pasvoulu faire personnellementcette besognej'avoue qu'elle me répugnait et que le cœurm'a manqué. Mais je l'ai laissée dans monhéritage et vous ne pouvez pas la répudier..La dignité du suffrageuniversel y est inté-ressée.

Tela été le sens du discours de M. Bourgeois.M. Méline, dans un langage très simple, trèsferme, empreintde la plus haute honnêteté po-litique, a répondu qu'ilne sujvrait pas son in-terlocuteursur le terrain où il l'appelait. Lenouveau Cabinetest venu pour terminerle con-flit et non pas pour l'aigrir encore davantage etpour l'éterniser. Son but, sa raison d'être est derétablir entre les pouvoirs publics l'harmoniesans laquelle tout est impossible. Le pays veutl'apaisement. Il est fatigué, écœuré des agita-tions stériles. Il attend des réformes pratiques,et on lui proposela distraction d'une espècedeguerre civile. Legouvernement ne s'y prêterapas. Mise en demeure de choisir entre 'cesdeux politiques, si nettement indiquées d'uncôté comme de l'autre, la Chambre pouvait-ellehésiter?

Les radicauxsocialistes avaient tout l'air decroire qu'elle n'hésiteraitpas en effet, et qu'ellepencherait de leur côté. M. Bourgeois a laissépercer cet espoir par la manière même dont ila brûlé ses vaisseaux. Il s'est placé dans unetelle situation que, s'il ne reprenait pas le pou-voir tout.de suite, il se mettaitdans l'impossi-bilité de l'exercer de très longtemps. Il a joué

des palmes a été de même cherché etdisposéenplusieurs arrangements successifs. Tous lesbras se levaient d'abord dans un mouvementunanime d'enthousiasme sacré mais c'étaienttrop de verticales juxtaposées un seul gestea suffi pour résumer dans sa ligne expressivela commune ferveur et les attitudes se sontdiversifiées, ajoutant à l'harmonie du groupesans rien lui enlever de sa forte éloquence.

On peut suivre ainsi tous les états de toutesles œuvres; on y verra toujours les choix déter-minés par le bon sens leplus clair, la logiquela plus simple, le sentimentet le besoin de l'har-monie le plus impérieux. Les détails, n'existent:que pour l'ensemble tout est subordonné; iln'est pas de curiositéou d'incident, si amu-sant puisse-t-il être, qui ait le droit des'-impo-;ser à la pensée directrice qui compose,quirègle, qui veut; chacun vient prendre place,discipliné et soumis, dansunensembleordonné;pour la plus grande valeur de la synthèse plas-tique.

Mais il ne .s'agit pas seulement d'équili-brer des masses il faut y disposer des formes:expressives adaptées à la pensée dont l'édifice^où elles doivent vivre est comme la manifesta-;tîon. C'est ici que le peintre se rapprochera;de la nature et lui demandera assistance etconseil. Regardez ces études de gestes,voyez;ces dessins au fusain, à la sanguine ou1

quelquefois au crayon relevé à la pointe d'ar-gent. Parce qu'il lui est arrivé de synthétiseren abréviations excessives, et parfois unpeu gauches, desformes et des mouvements, ona dit sur tous les tons quePuvis de Chavannesnésavait pas dessiner, et les professeurspatentésde dessin, les calligraphes d'a'cadémieont répétéle mot célèbre « Le dessin est la probité del'art. » Certes!voyez plutôt cette femmeoccupéeà traire une chèvre, qui devait trouver placeavec des modifications dans le groupe de làPaix au musée de Picardie comparez la pre-mière étude au crayon de la figure isolée avecl'admirable sanguine où elle revient dans l'en-semble définitif dont elle occupe le centre. Sice n'est pas dessiner que souligner avec cetteévidence expressive le double geste de lamain qui presse le pis de la bêteet de cellequi tend l'écuelle au lait blancqui jaillit, sice n'est pas dessiner que puiser à la sourcemême de la nature les mouvements, lesattitudes qui rythment et- expriment la viepour en évoquera nos yeux des imagesà la foissi vraieset si grandes, je me demande envérité

froidement le tout pour le tout, et il a perdu lapartie. Il se faisait évidemment -de sincères,mais d'étranges illusionssur la soliditédesama-joritéde lavei Ile, lorsque,s'adr.essantà l'amour-proprede tous ceux qui naguère encore votaientpour lui, il les mettaitpresque au défi de l'a-bandonner. Pour un chef de parti, c'était malconnaître les hommes.Au surplus,beaucoupdemembres de la Chambre, parmi ceux qui ontsoutenu autrefois le ministère radical, l'ontfait pour échapper au reproche, soit d'a-voir.voulu empêcher la lumière sur certainesaffaires, soit d'avoir voulu empêcher les réfor-mes démocratiques. M. Paul Desehanel lui-même n'a-t-il pas voté au début pour M. Bour-geois, parcequ'il voulaitle voir à l'œuvre ? Celalui donnait du moins le droit de caractériserl'œuvre accomplie,et il en a usé. La lumièrepromise n'est pas venue: on s'est contenté dela promettre et d'exercer par là un véritable« chantagemoral » sur la Chambre. Aucune desréformes annoncées n'a été faite,et on s'estmisdans, l'impossibilité d'en faire aucune.Le mi-nistère a même oublié de présenter les rareslois qui figuraient dans sa Déclaration initiale,par exemple la loi sur les Associations. Il apré-senté, à; la vérité, le projet d'impôt sur le re-venu mais, au moment du vote, pressentantlé.jugement de la Chambre, il s'est réfugié dans•un subterfuge qui a pris la forme d'un ajour-nement. Et ainsi pour le restel ainsi pourtout! Il fallait entendre M. Deschanel fairecette dissection du ministère défunt. Jamaisil n'avait été plus éloquent, parce que jamais iln'avait été plus courageux. Cette banqueroute,non pas partielle, mais totale et irrémédiabledu Cabinet radical, ne rendait-elle pas touteleur liberté à ceux qui avaient pu avoir à sonégard un moment d'illusion? La majorité a déjàchangé plus d'une. fois dans la Chambre ac-tuelle mais jamais elle ne l'a fait plus légiti-mement que hier. Qù l'avait conduite le minis-tère radical ? Au. conflit.A quoi M. Bourgeoisvoulait-il la condamner encore, et. toujours? Au

conflit. Triste et désolante politique!L'hon-neur du ministère actuel sera d'y avoir mis fin.L'accord est désormais rétabli entre les deuxChambres. L'instrument du progrès est res-tauré, et redevient- utilisable. On croit sortird'un mauvais rêve il n'a que trop duré.-

AU JOUR LE JOURLE MOIS DE MARIE ET LES ENFANTS 'DE MARIE

Depuis hier, dans toutes les, églises de France,a commencé la célébration du mois de Marie:c'est le printempsdes chapelles, et nous sommessi habitués en; pays latins à le voir refleurir cha-que annéequ'il nous semble que l'originede cettedévotion doit se perdre déjà dans la nuit des âges.'Il n'en est rien, cependant. L'institution, venued'Italie, date chez nous de moins d'un siècle etn'est point née d'uneimpulsion de l'Église laferveur des fidèles a tout fait d'elle-même au-

icune bulle pontificale," aucune loi canonique neréglementela célébration du mois de Marie quiest entièrementfacultative et ne bénéficie que dequelques indulgences spéciales.

L'affectation des mois de l'année à des cultesparticuliersest d'ailleurs, d'une manière générale,d'invention toute moderne c'est sous Louis-Philippe' que le mois- de juin fut consacré auSacré-Cœur, et c'est sous l'actuel Pontificat deLéon XIII que le mois d'octobre fut réservé auculte du Rosaire. Depuis dix ans, ce dernier" secélèbre par ordre papal. La Sainte Vierge a doncdans la catholicitédeux' mois où on l'honore da-vantage, l'un par prescription officielle, l'autrepar consentementspontané.-Quoi qu'il en soit de ses origines, la dévotion

du mois dé Marie, à peine née, se répanditcommeparenchantement.Elle franchit les Alpes sous laRestauration et prit, en France, un développe-ment considérable. Dès son début, les cérémoniesqui l'accompagnèrent furent marquées par unegrande profusion de chants qui nécessitèrent lacréation d'une poésie et d'une musique ad hoc. Ala première heure, on se trouva un peu pris au

ce qu'on entend par le dessin. Vous vous rap-pelez au Panthéon la petite sainte Genevièveagenouillée devant un arbre. Vous avez iciquelques-unes des études qui ont servi pourcette figure; c'est d'abord une fillette nue quiembrasse de se? deux bras serrés le tronc mêmede l'arbre; elle est reprise à plusieurs fois,vêtue ou dévêtue, et c'est enfin les mainsjointes, en une ardente oraison, où a passé,dans un geste plus approprié, toute la ferveurdu mouvement d'abord essayé, qu'elle est en-trée dans la composition définitive.

Qu'il s'agisse du Charles Martel (pour Poi-tiers), des forgerons, pour le Travail d'Amiens,des lanceursde javelotpour le Luduspro patria,des éphèbes cueillant des palmes pour la Sor-bonne ou le-Bois sacré cheraux Artset aux Muses,partout, pour toutes les figures qui peuplentcette œuvre immense, vous constaterez lamême observation naïve, non pas du modèleacadémique posé sur la planche en attitudesconventionnelles et apprises, mais de la na-ture et de la vie elles-mêmes, consultéesd'abord dans leurs indications lesplus précises,interprétées ensuite pour les besoins d'une œu-vre où elles doivents'accommoderaux exigencessupérieuresd'un ensemble voulu.Mais si la préoccupation des généralisationsnécessaires est sensible dans le plus grand nom-bre des dessins qui nous sont montrés, ce n'est;pas à dire que le détail de la. forme soit sansintérêtpour l'œilHu peintre; à ceux qui vou-draient le soutenir, on pourrait opposer cent

études de pieds, de mains, de chevelures tres-sées ou dénouées de femmes, qui, par leur va-leur de recherches analytiques et documen-taires, peuvent satisfaire les plus exigeants.Mais il va de soi que, dans l'œuvre monumen-tale à laquelle elles ont servi, ces notes ne pou-vaient trouver place et il serait plus que naïf des'étonnerde ne plus les y voir.

On sait assez, et nous avons dit trop souventpoury insister encore, le rôle que M. Puvisde Chavannes a donné au paysage dans la dé-coration murale, et l'on s'étonnera peut-êtrede ne pas trouverdans la collection de ses des-sins un plus grand nombre d'études pitto-resques.' On y remarque, en effet, très peu devues de pays ça et là, seulement, quelquesdessins très poussés de feuilles et de bran-ches mais, deux ou trois sépias et quel-ques aquarelles exceptées, les paysages quidoivent servir de support et de fond à sesfigures* sont seulement indiqués dans ses

P. C.

dépourvu. Si le texte des cantiques s'improvisaitdu soir au lendemain, sans grands efforts delyrisme, force-était d'emprunter la musique auxairs populaires les plus profanes. Le plus ancienmanuel de piété, paru sous le titre Mots deMarie, celui du P; Lalomia, missionnaire,con-tient les indications, suivantes

Cantique tiré du Regina Cœli, sur l'air: Ah t vousdirai-je, maman Oraisonjaculatoirepour direle matin en se réveillant, sur l'air Réveillez-vous, belle endormie. Pourinvoquer Dieu dansla tentation, sur l'air Ne v'Iâ-t-il pas etc.

Il faut croire que cet air « Ne v'là-t-il pas » étaittout spécialement répandu et estimé à l'épo-que, car une douzaine au moins des compositionsdu missionnaire se réclament de ses accents.

Evidemment ce mélange du sacré et du pro-fane n'allait pas -sans quelques inconvénients.Aussi l'obligation de l'inédit incita-t-elle deuxjésuites, les Pères Lambillottèet Alexis Lefebvre,à "se mettre résolument à la tâche. Le PèreAlexis Lefebvre, surnommé la Souris blanche,parce que ses cheveux devinrent d'un blanc im-maculé dès qu'il eut dix-neuf ans, fut le parolier.Ses productions n'ont rien de. particulièrementremarquable mais "son collaborateur, le- PèreLambillottè, étaitunmusiciende valeur dont nom-bre de mélodies sont devenues rapidementpopu-laires et sont restées au. répertoirexles églises.. ~ïlnous suffira de rappeler sa traductiondu Memorare;« Souvenez-vous,ô tendre mère», le cantique quidébute par ces vers

C'est le mois dé MarieC'est'Ie ftois le plus beau.

et cet autreDe Marie,Qu'on publie,

Et la gloire et les grandeurs.pour évoquer les notes qui les accompagnent àtoutes les oreilles. On ne reprocherapas au PèreLambillotte d'avoir abusé de la gloire. Bien raressont, je crois, parmi les centaines de milliers depersonnes qui chantent, sa-musique^ celles, quisoupçonnent sonnom.

Si la célébrationdu mois de Marie est, commeon le voit, quasi contemporaine,l'institution desenfants de Marie, qu'on en croit volontiers lecomplément,est au contraire fort antérieure.

Qui dit « enfants de Marie », de nos jours,éveille l'idée' d'une théorie d'adolescentes,la tailleceinte d'un ruban bleu, et groupées au pied d'unautel dont leur ferveur spéciale leur a mérité d'ê-tre les servantes. Pourtant, pendant de longuesannées les enfants de. Marie furent exclusive-ment des hommes."Lacréationen est due auxPères jésuites qui, dès les premiers temps oùfonctionnèrentleurs collèges, eurent l'idée de re-cruter parmi leurs élèves les plus zélés unecohorte spéciale, une sorte d'état-major dont lesmembres se lieraient par des vœux'plus étroitsetcontracteraientvolontairement des engagementsplus précis. La première« congrégation » fut éri-gée à Rome, sous le titre de l'Annonciationde laSainte Vierge, environ l'an 1568, pour servir demodèle à toutes les autres. Cette doyenneportele nom de Prima Primaria elle est restée l'archi-confrérie dont dépendent, très nominalementilest vrai, toutes les autres confréries de la Viergequi existent dans la chrétienté.

Ce n'est point ici le lieu de rappeler commentla Congrégation sortit des établissements scolairespour-se répandre dans le monde, et le rôle poli-tique qu'elle joua à certaines époques. Aujour-d'hui, les confrérieslaïques- d'hommesn'existentplus guère, que. dans les tiers-ordres dont les jé-suites n'ontpoint le monopole. Par contre, depuisune trentaine d'années, les confréries de jeunesfilles, dites enfants de Marie, E. D. M., se sontmultipliées dans toutes les paroisses de France.

A Paris, on compte environ 30,000 enfants deMarie qui gardent leur titre depuis la premièrecommunion jusqu'au mariage,époqueoù l'Œuvredes mères chrétiennes les prend et leur continueson assistance morale. La Congrégation de laSainte Vierge est donc une sorte de caté-chisme de persévérance prolongé, dont lessectatrices ont pour insigne un ruban bleuavec une médaille de la Vierge qu'elles neportent, d'une manière apparente, que dansleurs réunions hebdomadaires ou mensuelles.

cartons par de larges crayonnages. C'est que,ces paysages, il les a dans la tête. Il a emmagasiné en de longues contemplations et il varenouveler par de fréquents tête-à-tête lesimages les plus expressives de la nature. Il luisuffira, ensuite d'en résumeren quelques traitsessentiels les aspects permanentset les harmo-nies éternelles.Tous les matins d'ailleurs et tousles soirs, en suivant la route plantée de grandsarbres qui conduit à son atelier solitaire, il ra-jeunit et il entretientce sentiment de la naturesi présente dans son œuvre, et il lui suffira dela vision d'un soleil couchant reflété dans uneflaque d'eau de l'avenue de Neuilly pour pein-dre le grand ciel d'or et le lac immobile duBois sacré cher axixArtset aux Muses.

Où a-t-il pris, sinon dans ses souvenirs, lescinq paysages si simples dans leurs éléments,si grands dans leur aspect, si beaux dans leurèffet.si doucement persuasifsdans leur expres-sion qu'il a évoqués dans les panneauxdestinésà la bibliothèque de Boston?Tout l'accidentelenest banni (c'est ici le contraire de l'impression-nisme). Ce qui passe n'existe pas, c'est le défini-tif qui importe il suffira pour évoquerà la pensée tour à tour la profondeur desespaces infinis qui effrayait Pascal, la douceurd'idylle de l'églogue virgilienne, la splendeursereine de l'épopée antique, de" trois états duciel. Les Chaldéens, dans la transparenced'unenuit limpide, observent la voûte céleste d'unseul ton bleu violacé où brillent les tachesorangées des constellations. Ils s'appuientsurun rocher nu qui se teinte de reflets rosésquelques notes de verts rabattus font vi-brer ces premiers plans où se modèle lar-gement et s'enveloppe de douceur le geste au-guste et simple des premiers astronomes.Autour de Virgile, vêtu d'une robe blanche etdrapé d'un manteau de mauve violacé, uneprairie paisible où serpenteun ruisseau, deuxmasses lointainesd'arbresque sépare un champlabouré évoqueront sous un. ciel matinal d'unbleu cendré très doux toute la tendre et clairemélodie des Géorgiqiies et des Eglogues. Au-dessus du chœur charmant et douloureux desOcéanides qui monterrt et descendent sousl'azur implacable autour du roc où souffreProméthée, la note ardente et soutenue du ciel,celle plus intense de la mer éclatante ex-primeront à la fois la gloire du « divinether et les rires innombrables des flotsde la mer » qu'invoquait le vaincu de Zeus,l'impuissante compassion des belles vierges..

On leur prescrit de donner le bon exemple, des'abstenirdu bal et de la lecture des mauvais ro-mans, de fréquenter l'église et les sacrementssuivant les facilités de leur' état, de prendre parten voile blanc et précédées de leur guidon aux

grandes cérémonies et processionsreligieuses,etc.Les avantages- de l'association sont limités auxbénéfices moraux et spirituels et ne comportentaucune assistancetemporelle.

Bien que n'étant point affectéespar destinationaux servicesdu moisde'mai, on ne saurait s'éton-ner,que les enfants de Marie n'en soient les plusardents zélateurs, et ce sont elles qui formentde-puis hier la meilleure part des fidèlesaccourus enfoule aux pieds des autels, si richementornés etsi délicatement fleuris que nombre de fiancésavisés attendent cette époque de l'année pourparticiper sans frais à la pompe printanière qui

jonche gratuitementde fleurs le premier jour deleur mariage.

Guy Tomel.

AL'ÉTRANGERL'EXPOSITIONNATIONALE SUISSE

On nous écrit de GenèveSerait-ce un spectacleindigne de votre attention

que celui d'un petit peuple laborieux et pacifique,qui essaye de donner au monde une idée complètede son activité intellectuelle et industrielle?L'Expo-sition nationalequi va s'ouvrir à Genève, le 1"_ mai,attend de nombreux visiteursétrangers,et j'ose direque ce spectacle méritera d'être vu.

Sans doute, .toutes les Expositions se ressemblentcelle-ci ressemble aux autresdéjà par le seul faitqu'elle n'est pas complètement prête pour le jour d«l'ouverture mais elle le sera dans très peu de jours.Ellene prétendpas rivaliser avec ces manifestationsgrandioses que sont les Expositions « universelles ».Notre modeste Plainpalais ne rappelle que de loinle Champ-de-Mars,et Paris a vu bien d'autressplen-deurs. >

Au%|i bien ne vais-je pas tenter une descriptiondétaillée et complète de l'Exposition helvétique. Maisîil me paraît intéressant de mettre en relief ce qu'il ya de spécifiquementsuisse dans l'Exposition suisse,et de dégager de la banalité cosmopolite que le visi-

teur retrouvera ici, comme danstoutes les exhibi-tions analogues, le caractère local, seul vraimentsignificatif.

Je suis heureux de pouvoir l'affirmer hautementle spectacle auquel Genève vous convie est loin d'étre une simple reproduction, affaiblie, rapetissée, dece qui s'est vu ailleurs. Il a son originalité propre, jedirai même sa grandeur, tant on y devine les quali-tés solides et le vaillant effort d'un peuple conscientde ce qu'il peut.

Dès l'arrivée sur la vaste plaine de Plainpalaie»que l'activité genevoise a, depuis quelques mois,transformée comme par magie,on est saisi par une;

'apparition vraimentimprévue.C'est le palais des Beaux-Arts qui se dresse aitfond d'un parc élégant et par lequel on pénètredansl'enceintede l'Exposition. Cet édifice est d'une fan-

taisie pittoresque et brillante qu'on ne s'attendraitpoint à voir se déployer aussi librement dans uneville réputée triste et grise. Il faudra changer désor-mais les clichés mis à la mode par tant de touristessuperficiels. Genève triste ? Allons donc On ne sau-rait rien voir de plus jeune, de plus frais, de plusriant, que cette façade du palais des Beaux-Arts, oùs'est donné .carrière la verve endiablée d'un jeunsarchitecte plein de talent et d'audace, M. Paul Bou-vier. Retenez, je vous prie, le nom de cet élève très

émancipé de l'atelierCoquard.I Les promoteurs de l'Exposition,en gens trèsintel-ligents qu'ils sont, ont pensé que le mieux, lorsqu'ona affaire à un vrai tempérament d'artiste, c'est de luilaisser la bride- sur le cou. Cela leur a réussi, au delàmême de leur attente M. Bouvier sera pour unebelle part dans le succès de l'entreprise.

Persuadé qu'il y a, •– quoi qu'on eh ait dit, unearchitecture suisse, d'où l'on pourraittirer un partidécoratif applicable à l'architectured'exposition pro-prement dite, il a tenté de dégager des éléments con-structifs épars dans notre pays une synthèse qui necorrespond à rien dans la réalité connue, et qui estnéanmoinsprofondémentsuisse par l'esprit et le ca-ractère. Pour rendre amusants à l'œil les vastes toitsvitrés du palais des Beaux-Arts, il a fait courir toutle long de l'édifice un promenoir décoré de cloche-tons aux formes d'un archaïsme étrange, et couvertsde vieilles tuiles polychromes il a dressé au centreunavant-corpsprofilant sur le ciel sa silhouette har-die et brisée; puis il a osé, dans ce pays où la cou-leur est plutôt timide et sobre, se livrer à une belleoi-gie de couleur; et, chose plus surprenante, il a

qui l'assistent et son inutile protestation dansl'insensibleet splendidelumière.–Surles flancsdénudés d'une colline violacée inclinée sousun ciel qui verdit, les formes élémentaires deremparts primitifs et un panache de fuméemontant au bord de l'horizon suffiront à rap-peler l'incendie de la ville de Priam, tandis qu'aupremierplan, assis dans la blancheur, Homèreappuierasonfrontélargi sur samainfatiguée, et,sans voirsesdeux filles immortelles, l'Iliadecas-quée et vêtue de pourpre violacée, l'Odyssée,rame en main et drapée de vertbrouillé commela mer ingrate, qui lui tendent le laurier d'or.–Enfin,debout, au fiord d'une tranchée profondeqire dominent des champs où la vie éternelle secontinue en vertes floraisons, l'Histoire, d'ungestelent,impérieuxet doux,fera sortircommed'un tombeau et ressuscitera les forinôs ense-velies du passé. Et tous ces grands specta-cles, toutes ces visions s'ordonneront dans lesimages les mieux faites pour éveiller le rôvedans nos âmes, émouvoir la pensée, reposer etenchanterrlos yeux; tout y est tranquille, harmo-nieux etsimple,-il ne fautpas craindrederépé-ter le mot; les formesyapparaissentchargéesdumoindre poids'de matière, les couleurs poséespar grandes tonalitéségales s'y répandent ets'ycomplètent dans une harmonie faite de troisou quatrenotes au plus. Par endroits, la toile àpeine couverte laisse voir son grain, ou bienelle a reçu, étalée comme au couteau, une cou-che unie et Ijsse de pâte à peine humide et qui,par l'homogénéité de sa compositioncommeparle poli de sa surface, semble devoir échap-per à toutes les causes de décompositionin-terne ou de salissureextérieurequi menacent lapeinture moderne.J'étaisstupéfait l'autre jourd'entendre des peintres, et qui ne sont pas desmoindres de l'école, déplorer que tant d'admi-rables choses fussent compromises par les« complications, les surcharges et les empâte-ments. de métier ». Puvis de Chavannes, unmétier compliqué!Mais regardez donc: à moinsde peindre à fresque, et certes ii eût étésouhaitable que la chose fût possible,je neconçois pascommentonp-sut procéder plus sim-plement.Rassurons-nous: ces belles imagesiront à la postérité elles témoigneront pournous, elles diront que dans notre îetnps enfié-vré et troublé un homme se trouva pour rêvefunbeau rêve et faire apparaître aux yeux fati-gués ou souillés des hommes de pures cortteru~plations.

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