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Journalistes-octobre-1012

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Mensuel de l'Association des Journalistes Professionnels (AJP). Page 8 : entretien avec Eric Fottorino, journaliste, écrivain et ancien directeur du journal Le Monde.

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Page 1: Journalistes-octobre-1012

Oc tob r e 2012 - n°141

Le débat n’est pas neuf mais il continue à interroger académiques et professionnels : comment définir le journalisme aujourd’hui ?

La presse du XXIe siècle est-elle celle du «néo-journalisme » ? La question était posée, les 3 et

4 octobre derniers, dans le cadre d’un colloque orga-nisé par les universités de Louvain (UCL) et Namur (FUNDP). Intitulé « Vers un néo-journalisme ? Redéfi- nition, extension ou reconfiguration d’une profession », il confrontait les travaux de chercheurs aux pratiques professionnelles.Avant de plonger dans le vif du sujet, encore fallait- il définir ce qu’est le « néo-journalisme ». S’agit-il d’un renouveau de la manière de faire et de penser le métier ou s’agit-il de le réinterpréter tout en conservant ses fondements ? Pour Marc Deuze, de l’Université de l’Indiana (Etats-Unis), les fonctions du journalisme sont les mêmes qu’hier. « Mais aujourd’hui,

le rôle du journaliste est de jeter un pont avec la parti- cipation de la société », soulignait-il. « Oui, j’ai été journaliste avant internet », confessait Alain Gerlache (RTBF), avant d’insister sur la nouvelle relation entre le professionnel et un public désormais placé « sur le même pied d’égalité. Le journaliste a perdu son identité, sa couronne ».Tandis que Roland Legrand (L’Echo/De Tijd) parlait, lui, de « déconstruction du journalisme et du journaliste », dans un contexte où « l’opposition entre les audiences et les salles de ré-daction est devenue problématique. »Outre les questions liées à l’audience, l’univers nu-mérique continue à interroger sur de nombreuses thématiques : rapidité versus fiabilité, uniformisation des contenus, coût de l’information, droit à l’oubli numérique, déontologie,… Et si de nouveaux outils permettent aux professionnels d’encore mieux prati-quer leur métier, le journalisme d’aujourd’hui, obser-vait encore Alain Gerlache, ne se résume pas qu’à la seule technologie.Articles page 5

Laurence DierickxSommaire

N° d’agréation : P101017Bruxelles X - treizième année

AG statutaire le 15 novembre

Une étape essentielle pour l’AGJPB

Colloque

« Néo-journalisme », ou le métier reconfiguré

En finir avec la distinction entre professionnels de la presse d’information générale et ceux de la

presse périodique spécialisée ; aboutir à une seule carte de presse ; fusionner l’AJP et l’Association des journalistes de la presse périodique (AJPP) ; s’ouvrir, sous certaines conditions strictes, aux journalistes non professionnels… C’est le gros chantier qui s’ouvrait voici plusieurs années déjà et qui devrait franchir une nouvelle étape le 15 novembre prochain, si les mem-bres de l’AJP l’acceptent. Le projet de fusion a déjà fait l’objet d’un accord, dans ses principes essentiels, entre les organisations. Mais l’accueil des membres de l’AJPP-VJPP par l’AJP et la VVJ exige des modifi-cations statutaires chez ces dernières, ainsi d’ailleurs qu’à l’AGJPB, la coupole fédérale. Ces modifications doivent être validées lors d’une assemblée générale (AG) statutaire, qui sera convo-quée pro forma pour le 8 novembre et qui devrait

réunir la moitié des membres au moins. Comme il est peu probable que ce quorum puisse être atteint, une seconde AG est déjà prévue le 15 novembre prochain à 18h30. Elle se tiendra à la Maison des journalistes, 21 rue de la Senne à 1000 Bruxelles. A cette AG, qui pourra statuer quel que soit le nombre de membres présents, une majorité des trois quarts des voix exprimées sera nécessaire pour adopter les modifications statutaires. Les membres recevront l’ordre du jour détaillé par courriel et pourront, auparavant, prendre connais-sance des propositions de modifications des statuts sur le site de l’AJP. Il est essentiel que vous soyez en nombre à cette AG du 15 novembre où le débat sera ouvert. La force de notre union professionnelle en dépend.

François RyckmansPrésident AGJPB-AJP

Pour regrouper tous les journalistes professionnels (info générale et spécialisée) et s’ouvrir à certains non-professionnels.

AllochtonesLes mots pour le dire 2

JusticeDeux jugements rappellent à bon escient

des principes de base de la liberté de

presse 3

TurquieDes élus belges répondent au courrier

de l’AGJPB 4

Presse écriteQuentin Gemoets à l’IDJ : qualité

des contenus et adaptation 6

EntretienEric Fottorino : « Il faut retouver le sens

de notre singularité » 8

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journalistes - octobre 2012 - n°141 - 2

Diversité

Va-et-vientA Licencié en septembre par La Dernière Heure où il était rédacteur en chef adjoint (Journalistes n°140), Christian Carpentier a été engagé par Sudpresse. Il prendra ses fonctions le 1er décembre et couvrira notam-ment la politique belge.

A La Dernière Heure, encore elle, a mis fin au contrat de travail de David Lehaire, adjoint au chef du service Sports. Le journaliste avait travaillé sept ans à La DH avant de rejoindre Sudpresse puis de revenir à la rédaction de la DH en janvier 2011.

Nouveaux agréésSeptembre 2012 ProfessionnelsDUBUISSON Dimitri Square TVMOERMAN Aurélie BelgaWARSZTACKI Sandrine Agence Alter

StagiairesCOLLIENNE Fiona RTBFDELHAYE Camille Bel-RTLTHIÉRY Valentin FreelanceVOKAR Benjamin RTL

Agenda

Pour démonter les clichésDès le 12 novembre, la RTBF diffusera, avant le JT de 19h30, un nouveau programme inti-tulé « La boîte à clichés ». Sous-titré « Sexe et stéréotypes dans les médias », ce program-me d’une minute trente entend démonter ces clichés véhiculés par la presse, la télévision, la publicité... Plutôt que les traquer ou les in-terdire, le concept du programme est de les questionner. Objectifs : tenter de comprendre comment ce stéréotype s’est formé, décoder notre rapport aux stéréotypes, provoquer une réflexion sur le discours et les images médiatiques, contourner les lieux communs et interroger le téléspectetur sur la manière dont il construit ses clichés. Les capsules de « La boîte à clichés » sont signées Stéphane Hoebeke, juriste à la RTBF.

Réseaux sociaux : une expo et un débatLe Centre d’action laïque de la province de Liège organise, jusqu’au 9 novembre à Waremme, l’exposition « Voyage au centre de l’info » consacrée aux réseaux sociaux. Une rencontre-débat sur ce thème aura lieu le 6 novembre, avec François Colmant (ULG, dont les recherches portent sur les conséquences de la révolution numérique sur le travail au quotidien des journalistes) et Pascal Minotte (chercheur au Centre de référence de santé mentale).A Infos : www.voyage-info.be

Retrouvez l’agenda de la presse et des médias sur www.ajp.be/agenda

En 1994, il y a donc bientôt vingt ans, l’AGJPB publiait ses « Recommandations pour l’in-

formation relative aux allochtones ». A l’époque, le terme « allochtone » n’était guère utilisé en français que dans le registre botanique ou géolo-gique. La décision de l’importer du néerlandais avait donné lieu à vif débat au sein de notre groupe de travail « Médias/Migrants », mais nous avait semblée justifiée, justement parce que ce mot n’était pas (encore) connoté péjorativement. Dans le lexique annexé aux recommandations, l’AGJPB écrivait : « ce néologisme fait son appa- rition dans le champ sémantique de l’immigration comme antonyme d’autochtone, habitant ‘indigè-ne’ du pays. Il se veut moins connoté que ‘immi-gré’. Il indique que la personne, ses parents ou grands-parents sont originaires d’un autre pays que la Belgique. Le terme n’étant pas admis par tous (Robert ou Larousse), certains lui préfèrent l’expression ‘ personne issue de l’immigration’ ».

Un concept binaireBien davantage utilisé en néerlandais qu’en fran-çais, le mot « allochtone » a au fil des ans, aux Pays-Bas comme en Flandre, acquis un sens pé-joratif, stigmatisant, excluant. Au point de donner lieu régulièrement à des débats sémantiques. Un débat que vient de trancher définivement De Morgen pour ses pages(1) : la rédaction n’utilisera plus ce terme. Les raisons avancées par Wouter Verschelden, rédacteur en chef du Morgen, sont multiples : « allochtone » catégorise les gens de manière binaire. On est un allochtone ou pas, mais on ne l’est pas « un peu ». Impossible donc avec ce mot d’être nuancé, d’autant qu’il est vague : on y rangera pêle-mêle les Arabes, les Musulmans, les nord-Africains, mais pas les Allemands, les Français ni les Chinois. « Un Chinois c’est un Chinois, pas un allochtone ». Et là se pose la question centrale pour les journa-listes, selon Verschelden : peut-on continuer à utiliser un mot dont le sens est vague, stigmati-sant, simpliste, sans nuances ? Plus personne

n’utilise le mot « nègre ». Il faut aussi et pour les mêmes raisons se débarrasser du mot « allochtone ». Verschelden avance encore que le concept est « intellectuel-lement malhonnête » : un Belge dont les grands parents sont nés en Turquie peut sans doute être qualifié d’allochtone. Et ses enfants ? Cesse-t-on jamais d’être allochtone ? Pour toutes ces raisons, De Morgen a décidé que sa rédaction n’utili-serait plus ce mot. Mais bien le mot exact. Pas une nouvelle étiquette ou un autre concept vague. Mais des termes(2) comme « d’origine maghrébine », « musulman » ou encore « Turkse Belg ». De Morgen veut ainsi « ouvrir le débat ». La ministre fédérale de l’Egalité des chan-ces, Joëlle Milquet, a saisi la balle au bond. Elle a invité tous les médias et acteurs du secteur à une table ronde sur « le rôle des médias pour une diversité réussie ». Et a indiqué qu’elle soutenait l’initiative de De Morgen qu’elle « aimerait personnellement recommander à toutes les rédactions qui partagent l’envie de lutter contre la stigma-tisation et les stéréotypes ». Une « recom-mandation » diversement perçue par les médias, qui apprécient peu qu’on leur dise ce qu’ils ont à dire ou écrire. Mais au-delà de la susceptibilité de cer-tains, l’AJP se rendra à l’invitation de la mi-nistre qui souhaite « évoquer d’éventuelles nouvelles initiatives ». Car le débat sur l’in-tégration, les inégalités et discriminations mérite plus qu’une discussion sémantique ou une table ronde.En Communauté française, les actions du secteur médiatique se sont multipliées ces derniers mois(3) et il en va de même un peu partout en Europe. De nouvelles initiatives seront les bienvenues : le défi du vivre en-semble est immense et concerne les mé-dias au premier plan.

Martine Simonis

(1) Lire « Waarom wij, De Morgen, ‘allochtoon’ niet meer gebruiken », 20/09/2012, à la Une de l’édition et sur www.demorgen.be(2) A noter que le CDJ a publié récem-ment sur son site un lexique : http://bit.ly/cdj-vocabulaire-islam(3) Voir www.ajp.be/diversite

De Morgen n’utilisera plus le mot « allochtone ». La ministre Milquet invite tous les médias à faire de même. Un débat qui n’est pas seulement sémantique.

Un Chinois n’est pas un allochtone...

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journalistes - octobre 2012 - n°141 - 3

Justice

C’est une leçon claire de journalisme que rendait, le 11 septembre dernier, le tribunal de première

instance de Liège présidée par la juge Sylvie Thielen. L’affaire concernait Michel Bouffioux, journaliste à Paris-Match, édition belge, assigné par le directeur du centre fermé pour étrangers illégaux de Vottem, M. Jacob. Celui-ci réclamait 5.000 € de dommages et intérêts suite à un article paru en mars 2007 dans ce qui s’appelait alors La Libre Match. Michel Bouffioux avait rapporté et parfois commenté les témoignages de deux infirmières (elles aussi assignées) faisant état d’entorses à la déontologie médicale au Centre de Vottem. Le directeur lui a reproché d’avoir relaté des faits inexacts, d’avoir écrit des propos contraires à la réalité et d’avoir sali sa réputation. Le tribunal l’a débouté sur tous ces griefs.

Une obligation de moyen, pas de résultatLes médias « peuvent largement critiquer, dénoncer, bousculer… y compris en ayant recours à une certai-ne dose d’exagération, voire même de provocation », rappelle le jugement en guise de préambule. A propos de l’appréciation par la justice d’une faute éventuelle du journaliste, il souligne que le juge examinera si le journaliste a été « normalement prudent et avisé »,

et cela dans le recueil de l’information et dans la ma-nière de la communiquer.Certes, les médias ont un devoir de stricte véracité à l’égard des faits. « Cela étant, le journaliste n’est pas automatiquement tenu pour fautif dès l’instant où les faits allégués se révèlent inexacts. Son obligation d’investigation est, à cet égard, de simple moyen ». Concernant les commentaires et les jugements de va-leurs du journaliste, le contrôle des cours et tribunaux sera marginal puisqu’il n’y a pas ici de démonstration d’exactitude à faire.L’article de Michel Bouffioux reposait en grande partie sur des témoignages. Si ceux-ci sont mensongers, le journaliste porte-t-il une responsabilité ? Cela peut être le cas, répond en substance le tribunal, car l’auteur d’un article ne peut s’abriter derrière le fait qu’il « ne fait que citer ». « Tout dépend des précautions prises par le journaliste dans la manière de rapporter les dé-clarations des tiers ». En l’espèce, le collaborateur de La Libre Match n’avait pas tenté de faire accréditer la version des infirmières, et il avait exposé le point de vue de la direction. On ne peut lui faire de reproche. Quant à certains commentaires comme « une argu-mentation qui nous semble très vague », le jugement n’y voit aucune faute et relève que la formulation indique clairement qu’il s’agit de la propre opinion

Une leçon de journalisme A Liège, la justice déboute un plaignant qui n’avait pas apprécié une enquête le concernant. Le jugement rappelle quelques droits et devoirs des journalistes en la matière.

de l’auteur. Certes, d’autres propos per-sonnels du journaliste « se rapprochent quelque peu d’un style sensationnaliste » estime (sur quels critères ?) le tribunal. Mais « il faut admettre qu’un journaliste puisse adopter un style accrocheur, pour autant qu’il s’abstienne de tenir des pro-pos méchants, malveillants, injurieux, dé-nigrants, infamants ou outrageants. »

Sélectionner n’est pas tromperDernière leçon, sur une évidence dès que l’on parle de récit médiatique. Le plaignant reprochait à Michel Bouffioux de ne pas avoir tenu compte de ce qu’il lui avait don-né comme informations lors d’un entretien. Non seulement, l’analyse de contenu de l’article menée par le tribunal conclut que « la majorité des informations figure bel et bien dans l’écrit », mais il souligne aussi qu’après un entretien d’une cinquantaine de minutes, le journaliste « a dû sélection-ner les extraits qui lui paraissaient les plus pertinents ». Aucune faute ne peut être re-levée dans son chef.

J.-F. Dt

La liberté de presse peut aussi s’exercer dans une affiche de film. Et le droit à l’image de personnes

représentées sur cette affiche n’est pas absolu. Il doit être confronté au droit à l’information. C’est en substance ce que le tribunal de première instance de Liège, siégeant en référé, a rappelé dans son or-donnance du 3 octobre, dans une affaire qui opposait le général Numbi au journaliste-réalisateur Thierry Michel (photo).Le premier voulait obtenir le retrait de l’affiche du film documentaire « L’Affaire Chebeya, un crime d’Etat ? » où il apparaissait avec d’autres personnes. Le géné-ral, chef de la police congolaise à l’époque de l’as-sassinat de Floribert Chebeya, faisait valoir son droit à l’image, utilisée selon lui à des fins commerciales. Il invoquait aussi une atteinte à son honneur. La dé-fense de Thierry Michel avait été prise en charge par l’AJP.

Un an avant de réagir : demande non fondéeConstatant que l’affiche existe depuis novembre 2011 et que le plaignant, qui ne pouvait pas ignorer son existence, a mis presqu’un an avant de réagir, le tri-bunal a rejeté l’urgence de la demande et déclaré celle-ci non fondée.Mais, « en toutes hypothèses, note le juge, il y a lieu de constater que le demandeur est, contrairement à

ce qu’il affirme, une personnalité publique importante dans son pays, que ce soit par ses fonctions, ou parce que, selon ses propres dires, il a été un artisan de paix entre son pays et un autre, grave-ment mis en cause par des parties civi-les constituées dans le cadre d’un procès pour assassinats, en- tendu publiquement, fût-ce en qualité de témoin, et filmé à cette occasion. Le film litigieux paraît bien constituer une infor-mation sur cette affaire d’assassinats et ne vise pas à exploiter commercialement l’image du demandeur ».L’ordonnance souligne encore que « l’affi- che représente un équilibre acceptable entre, d’une part, la mise en cause d’une autorité publique et son impunité et, d’autre part, les questions qui subsistent à cet égard.»

J.-F. Dt

Une affiche informative et « équilibrée »Où on rappelle que le droit à l’image n’est pas absolu...

Un informateur m’a transmis un document volé ou qu’il ne pouvait normalement pas divulguer. Suis-je passible de poursuite pour recel ?

Avant la loi du 7 avril 2005 sur la protec-tion des sources journalistiques, le ris-

que d’être poursuivi était réel. Au début des années 1980, le patron du magazine Pour fut d’ailleurs condamné pour recel d’une copie d’un document détourné par un fonctionnaire.Mais la loi de 2005 est venue inverser ce prin-cipe. Elle précise en effet que les personnes concernées par la loi « ne peuvent être pour-suivies sur la base de l’article 505 du Code pénal lorsqu’elles exercent leur droit à ne pas révéler leurs sources d’information ». Cet article 505 est celui qui punit le recel. Dès lors, les journalistes (et tous les autres bé-néficiaires de la loi) ne peuvent être inculpés pour ce motif. Le fait que la source aurait éventuellement violé le secret professionnel auquel il est tenu ne modifie en rien la protection du journaliste. La loi de 2005 précise en effet qu’il ne pourra pas être poursuivi sur la base de l’article 67, alinéa 4 du code pénal, qui punit les compli-ces de crimes ou délits. Mais comme on n’est jamais assez prudent, ne laissez pas les docu-ments chez vous ou sur votre lieu de travail.

J.-F. Dt

Source : St.Hoebeke, B.Mouffe, « Le Droit de la presse» , Anthemis, 2012.

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171 courriers sont partis du secrétariat de l’AGJPB, fin septembre : tous les parlementaires, membres

effectifs ou suppléants d’une commission des relations internationales d’un des parlements que compte no-tre pays, ont reçu une missive qui les sensibilisait à la dégradation de la liberté de la presse en Turquie et au sort des journalistes incarcérés ou poursuivis dont, en premier lieu, Baris Terkoglu, le journaliste « adopté » par ses confrères belges (lire ci-dessous).A chacun des destinataires, François Ryckmans, pré-sident de l’AGJPB, et l’auteur de ces lignes leur sug-géraient de « s’associer à la démarche entreprise par l’AJP-AGJPB et la FEJ pour la liberté de la Presse en Turquie, d’exprimer (leur) réprobation à l’ambassade de Turquie à Bruxelles, voire d’envisager l’envoi d’une mission parlementaire en Turquie, qui pourrait récla-mer un droit de visite aux journalistes détenus ».Une demande additionnelle était adressée aux dé-putés wallons et bruxellois francophones, membres par ailleurs du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles : qu’ils « gèlent » l’accord de coopération conclu récemment entre la République de Turquie, et dont un des volets prévoit un échange de journalistes. « Il est à nos yeux inconcevable de mettre ce volet de l’accord en œuvre sans exiger, comme les associa-tions susdites, la libération immédiate des journalistes actuellement détenus en Turquie », commentaient les signataires.De telles réserves avaient été exprimées dans des courriers précédents adressés au ministre-président

wallon et communautaire, Rudy Demotte (PS), ainsi qu’à la ministre de l’Audiovisuel, Fadila Laanan (PS). Cette dernière vient de nous répondre qu’elle avait transmis notre lettre au... ministre-président, dont nous attendons toujours la réaction. Michel Colson, député bruxellois (FDF) a envoyé une protestation à l’ambassade de Turquie à Bruxelles. André Frédéric député (PS), garantit l’attention de son groupe au dossier. Le député-bourgmestre d’Auder-ghem (FDF) Didier Gosuin nous signale que son groupe s’est opposé à l’adoption de l’accord de coo-pération visé « pour les raisons que vous évoquez ». Le député flamand Bart Tommelein (Open VLD), qui siège au Sénat, nous annonce, lui, le dépôt d’une question au ministre des Relations internationales.Last but not least, notre ancien confrère Jean-Claude Defossé, aujourd’hui parlementaire bruxellois et fran-cophone (Ecolo), nous rappelle la proposition de motion qu’il a déposée il y a plus d’un an à ce propos, et que nous avons déjà évoquée par ailleurs. Le par-cours parlementaire du texte est semé d’embûches mais une audition du signataire de ces lignes était prévue, le 23 octobre, devant la commission des Re-lations internationales du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. L’occasion de rappeler l’urgence de défendre la liberté de la presse en Turquie !

Philippe LeruthVice-président de la Fédération

européenne des journalistes (FEJ)

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Fédération européenne des journalistes

Coopération avec la Turquie :des élus réagissent

L’AGJPB avait interpellé le monde politique, par courrier, pour le sensibiliser à la dégradation de la liberté de la presse en Turquie.

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A l’autre bout du fil, une voix radieuse raconte : « oui, notre vie est assez agitée pour l’instant »

sourit Özge Izdes, l’épouse de Baris Terkoglu. Après 578 jours de détention, le journaliste d’Odatv « adop-té » par l’AJP-AGJPB a effectivement beaucoup de temps à rattraper. « Mais ce sont peut-être les inter-views qui lui prennent le plus de temps : il ne se passe pas un jour sans qu’il n’aille témoigner de ses condi-tions de détention et de celles des autres journalistes toujours incarcérés », poursuit Özge Izdes.N’est-ce pas dangereux pour lui ? Car il reste pour-suivi, et il devra comparaître à nouveau le 16 novem-bre prochain...Cela ne le freine pas, bien au contraire. Il est convain-cu qu’il lui faut expliquer les raisons pour lesquelles des journalistes sont arrêtés en Turquie, et dans quel-les conditions ils sont détenus.Ce témoignage est-il facile, dans le contexte actuel de crise au Proche-Orient, où la Turquie est directe-ment impliquée dans le conflit en Syrie ?La guerre en Syrie préoccupe beaucoup la popula-tion, c’est vrai, mais je pense qu’il y a une énorme majorité contre une participation éventuelle à ce conflit. Et aussi longtemps que des journalistes reste-

ront incarcérés en Turquie, il nous faut témoigner.On vous sent toujours très proche des journalistes qui restent incarcé-rés et de leur famille...C’est assez étrange : je ne connais-sais pas personnellement tous ces journalistes et encore moins leurs fa-milles. Nous nous sommes rencontrés dans des réunions et des meetings de soutien. Au fil du temps, des liens très forts se sont tissés entre nous. Je suis évidemment très heureuse de la libération de Baris mais, comme je l’ai dit le jour de sa libération, je ne pourrai être heu- reuse que lorsque tous les journalistes turcs seront sortis de prisons.Le Premier ministre, M. Erdogan, a évoqué récem-ment la possibilité d’une réouverture des négocia-tions entre son gouvernement et le PKK. Peut-être y a-t-il là un signe d’ouverture ?M. Erdogan a évoqué cette hypothèse au cours d’une interview télévisée. Mais honnêtement, nous n’y croyons pas tellement.

Entretien : Phi. Le

Özge Izdes : « Pas un jour sans que Baris n’aille témoigner »

Baris Terkoglu et Özge Izdes.

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Colloque

Des défis nouveaux, vraiment ?Une des sessions de ce colloque concernait

les enjeux déontologiques en relation avec les « nouveaux rôles journalistiques » à l’ère di-gitale. Nouveaux rôles, vraiment ? Beaucoup de questions ont été posées, mais avec finalement peu de réponses originales. Des chercheurs universitaires ont certes présenté des études réalisées auprès de journalistes dans différents pays (Espagne, Roumanie, Suisse…) sur leurs perceptions de l’information on-line, mais au-delà des perceptions, quoi de neuf ? Que le journalisme n’est pas mort mais que dé-fendre l’identité journalistique est un combat ? Que l’internet pose un problème de vérification des sources ? Que les nouvelles technologies modifient les anciennes règles, valeurs et pro-cédures du journalisme mais que leurs versions nouvelles n’émergent pas facilement ? Et si, finalement, la nouveauté était déjà dans l’ancienneté ? Nicolas Filio, du site français Citizenside(1), a expliqué que si le site diffuse des images ou témoignages envoyés par n’importe qui, ces informations sont toujours vérifiées. Il n’utilise d’ailleurs pas le terme journalisme ci-toyen mais celui de témoin d’actualité qui alerte la rédaction, à charge pour celle-ci de recou-per et de publier. Marco Giardina a ajouté que même lorsque les usagers envoient des infor-mations, c’est aux journalistes qu’il revient de travailler ces infos. L’idée-force est peut-être dès lors celle de ce professeur suisse, pour qui « on aura toujours besoin de journalistes pro-fessionnels ». Ou, en tout cas, de journalistes assurant la fonction sociale d’intermédiaire entre la masse d’infos disponibles et le public. Mais ça, on le savait déjà.

André Linard (1) www.citizenside.com

« Néo-journalisme » : de la technologie à la déontologie

De tout temps le journaliste a utilisé des données chiffrées pour apporter de la consistance à ses

enquêtes. Mais si l’on parle aujourd’hui du data jour-nalism, ou du journalisme de données, c’est qu’il y a du neuf. Cette nouveauté provient surtout de la multi-plication des données disponibles et des outils infor-matiques permettant de les traiter.

Objectivation par les chiffres« Aujourd’hui, nous pouvons faire des corrélations entre de nombreuses données, commente Sylvain Parasie (Université de Paris/Est), par exemple pour réaliser une cartographie du crime. » Le sociologue s’interroge alors sur ce que cela change pour le sta-tut du journaliste. « En menant des investigations sur base de données disponibles nous pouvons répon-dre à la question essentielle : sur quoi se fonde le journaliste pour tenir un discours vrai sur le monde ? » Il s’agit en quelque sorte d’une objectivation du dis-cours journalistique par les chiffres.C’est d’autant plus important, ajoute le chercheur, quand on voit que ce type de journalisme cherche

souvent à avoir un impact sur la société. « Aux Etats-Unis, par exemple, une enquête a été menée sur les failles sismiques et l’im-pact sur les écoles. En dépouillant, en net-toyant, en organisant et en cartographiant différentes données, on s’est aperçu que de nombreuses écoles étaient placées sur des points sensibles et qu’elles n’étaient pas préparées à affronter un séisme. Révélation très sensible ! » Cet exercice ne remplace par le journalisme de terrain, conclut Sylvain Parasie : il le complète.

Répondre aux pressionsValérie Croissant et Annelise Touboul (Uni-versité Lyon 2) insistent sur la diversité des pratiques entourant le journalisme de données. Informaticiens, hackers, gra-phistes, statisticiens… toutes ces spécia- lités qui ne sont pas spécifiquement liées au journalisme y contribuent. Ce qui les réunit c’est la croyance en la véracité des

L’Université catholique de Louvain (UCL) et les Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix

de Namur (FUNDP) ont organisé, les 3 et 4 octobre à Bruxelles, un colloque international sur la presse en ligne. Objectif de ces deux journées, entre aca-démiques et professionnels : mieux cerner les moda-lités et exigences du journalisme tel qu’il se pratique aujourd’hui(1). Il fut donc question de journalisme de données, de réseaux sociaux, de contenus générés par les utilisateurs (UGC), de déontologie, d’économie et de régulation. Car si le web est un lieu où la liberté d’expression domine, celle-ci reste encadrée par toute une série de prescrits légaux dont certains font tou-jours l’objet de débats.Ainsi en va-t-il du droit à l’oubli numérique. « Avec inter-net et les archives en ligne, des articles sont republiés, des informations refont surface », observe l’avocate et chercheuse Elise Defreyne (FUNDP). « Le droit à l’oubli du passé criminel est consacré dans la jurisprudence belge. (...) Le respect de la vie privée et le droit à la liberté d’expression sont ici en balance et l’analyse aura toujours lieu au cas par cas, en prenant en consi-dération le caractère judiciaire des faits rappelés, l’intérêt de la redivulgation, le degré d’exposition au public de la personne qui est visée, le laps de temps entre la première divulgation et le rappel des faits. » En matière de droit à l’oubli numérique, une direc-tive du Parlement européen relative à la protection du traitement et à la circulation de données à ca-ractère personnel(2), prévoit que « toute donnée doit

être adéquate, pertinente, non excessive par rapport à la finalité du traitement », poursuit Elise Defreyne.« La directive prévoit des exceptions : l’utilisation à des fins historiques, scientifiques ou statisti- ques ; et la mise en balance avec la liberté d’expression. La Commission souhaite au- jourd’hui y ajouter les principes de finalité, de droit d’effacement et de rectification des données. » En pratique, faudrait-il décider, à l’avenir, de mettre hors ligne les archives d’une publication, de les désindexer ou de les rendre anonymes ? « A mon sens, pour garder l’équilibre, il faudrait travailler au cas par cas en fonction des archives liti-gieuses. Mais il y a la question du coût car ce type d’analyse va nécessiter plus de moyens. L’anonymisation de la publication est la solution qui permettrait de garder cet équilibre mais il se pose alors la question de la manière dont le journaliste l’applique-ra lors de la rédaction de son article. On en revient là à la déontologie et la prudence du journaliste. »

L. D.

(1) Lire le compte rendu du colloque sur www.ajp.be/blogs/multimedia (2) Directive 9�/46/CE, article 61B, 24 octobre 199�

Comment se dessine le journalisme du XXIe siècle ? Dans quel contexte et avec quelles contraintes ? Début octobre, un colloque réunissait experts universitaires et professionnels pour mieux en cerner les contours.

L’investigation se muscle par les chiffres

données. Et le journaliste estime qu’elles sont suscep- tibles de créer de l’information. Le traitement de masses de données et leur présentation sous forme de graphique ou d’animation apporte aussi un gain de temps pour le lecteur ; en un regard il prend connais-sance d’une réalité complexe. Puis il peut approfondir son désir d’en savoir davantage. Les chercheuses estiment qu’actuellement le journa-lisme de données est peu créatif mais qu’il est appelé à se développer. « C’est aussi un moyen de résister aux pressions subies actuellement par le journaliste dans sa rédaction. Au lieu de suivre une impression, qui ferait vendre, il peut répondre par des données précises. »

Jean-Pierre Borloo

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Peut-on être à la fois en frais réels pour ses honoraires et en frais forfaitaires pour ses droits d’auteur ?

Il n’y a encore rien dans la littérature qui traite de cette question posée à

l’AJP par un journaliste indépendant, explique notre expert-comptable. Un procédé logique consiste à collation-ner l’ensemble des frais réels, comme pour une activité normale, puis de dé-falquer de ces frais réels le montant des frais forfaitaires imputés au droit d’auteur.Prenons l’exemple de 100 € de reve- nus – 50 € de prestation + 50 € de droits d’auteur – et 40 € de frais réels. Les frais forfaitaires sur les droits d’auteur sont de 50%, soit 25 €. On les enlève des frais réels, soit 40-25 = 15. Au total, la base imposable pour les honoraires sera de 50-15 = 35, et pour les droits d’auteur de 50–25 = 25.La justification de ce système est qu’il n’est pas (en général) possible de faire le tri dans les frais réels entre ceux qui sont exposés pour la prestation et ceux pour le droit d’auteur. En ce qui concerne le débiteur, à moins que les frais réels grevant le droit d’auteur ne lui soient connus, il n’a pas d’autre solution que d’appliquer la règle ha-bituelle du précompte de 15% après abattement forfaitaire de 50%.

Thierry WagenerThierry Wagener est décédé le 13 septem-bre à 51 ans, à la fleur de l’âge si l’on pense à sa vivacité d’esprit. De complexion déli-cate, il a lutté toute son existence contre son corps, ce qui n’entravait ni son dy-namisme, ni sa puissance de travail. Une longue maladie inattendue a eu finalement raison de lui.Pilier de l’édition Sambre et Meuse, Botte du Hainaut, Thierry était entré à La Nouvelle Gazette en 1987 et l’avait quittée en 2009. Amoureux de la langue française et de la belle Entre-Sambre et Meuse, passionné par l’information régionale, il en défendait la qualité, celle du quotidien des hommes, loin du populisme complaisant. La jus-tesse de ses écrits, sa rectitude morale lui avaient valu d’être fait citoyen d’honneur de la ville de Philippeville et de recevoir le prix du foyer culturel de Doische.Avec le colonel Genart, il avait écrit le livre brûlot « Vers une armée flamande ». Sa plume alerte, déliée, avait rendu attrayante au grand public une matière très techni-que, sans édulcorer le message politique. A son épouse Laurence, que le caractère fort de Thierry ne rebutait pas, va toute no-tre sympathie et notre compassion ! (P. H.)

HommageQuestion fiscalité

HommageHommage

HommageLa rentrée de l’IDJ

Presse écrite quotidienne :les raisons d’y croireL’info garde la cote, rassure le patron des Editions de l’Avenir devant les étudiants en journalisme.

La fin des journaux papier en Bel-gique pour 2026 ? Malgré des

ventes et des recettes publicitaires en baisse, la sinistre prédiction des prévisionnistes américains de Futur Exploration n’entame pas le moral de Quentin Gemoets. Orateur de la rentrée académique de l’Institut de journalisme (IDJ) à Bruxelles, l’admi-nistrateur délégué des Editions de l’Avenir (EdA) a invité les diplômés de l’année 2011-2012 et les 27 nouveaux étudiants à « ne pas paniquer ». Première raison d’y croire : « l’information intéresse toujours le public » et, sur la toile, ce sont les sites d’info qui sont les plus consultés. Ensuite, la presse écrite (papier ou web) reste en tête en matière de fiabilité, y compris aux yeux des jeunes. Enfin, il faut considérer l’ensemble des audiences de la presse écrite, et pas seulement celles du support papier. Les tablettes, notamment, ouvrent à ce propos de

belles perspectives, per-mettant à l’utilisateur un confort de lecture et le plaisir de celui qui feuillet-te son journal page après page.Tout cela, ajoute aussitôt Quentin Gemoets, ne sera possible que si les entre-prises de presse et leurs rédactions sont soutenues (par les pouvoirs publics entre autres) et si elles sont capables de passer de la culture mono-média

à celle du multimédia. Autre condition, déclinée depuis des mois dans la cam-pagne publicitaire de L’Avenir : la qualité des contenus. « Notre territoire, c’est la proximité, explique le patron des EdA. Notre ADN, c’est la crédibilité, pas le sen-sationnalisme. Nous sommes convaincus qu’on peut être un ‘’quality regional’’ ». Son conseil aux futurs journalistes : évitez la routine, soyez ouvert au changement… et soignez l’orthographe.

J.-F. Dt

A Site : www.institutdejournalisme.eu

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Quentin Gemoets : « Pas de panique ! ». Photo : EdA

Photo : IDJ

journalistes - octobre 2012 - n°141 - 6

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journalistes - octobre 2012 - n°141 - �

A Olivier Bailly (indépendant) publie le ro-man « Dis, petite salope, raconte-moi tout… », récit de la déchéance d’un jaloux maladif.Ou comment un regard peut détruire le réel. Cactus inébranlable, �2 pp., 1� €.

A Benjamin Moriamé (indépendant) a rassem-blé dans « Les laissés-pour-compte de Namur. La face cachée de la capitale wallonne » une sélection de ses articles publiés ces huit derniè-res années. Ils abordent notamment la situation des sans-abri, allocatai-res sociaux, nomades,

sans-papiers établis dans la région. Les pho-tojournalistes Bruno Arnold, Xavier Willot, Jean-Marc Bodson illustrent l’ouvrage, publié à compte d’auteur et disponible dans certaines librairies de Namur et via Benjamin Moriamé. Infos : http://moriame.unblog.fr/lpcn/230 pp., 19 €.

A Et de deux pour Sondron qui publie, toujours chez Luc Pire, un nouvel album de des- sins impertinents. Inti- tulé « Crise », il ras- semble ses meilleurs dessins publiés en 2012 (notamment dans les journaux L’Avenir) ainsi que des inédits et des

refusés. 64pp. 16 €.

A Adrien Joveneau (RTBF), Francis Hubin, Frédérique Thiébaut (No Télé) et Thomas Merveille remontent en selle pour de nou-velles balades dans « Le beau vélo de Ravel 2012 ». Le guide, richement illustré, propose 13 promenades à travers la Wallonie. RTBF/Racine, 168 pp., 14,9� €.

A Il mange local mais voyage lointain, s’habille vintage mais cher… Le bobo, qui n’en est pas à une contradiction près, a alimenté une chroni-que du même nom, sur La Première, signée par Myriam Leroy (indé- pendante). Cette chro-nique a donné lieu à

« Les bobos. La révolution sans effort », dont la préface est signée Olivier Monssens et les illustrations, Nicolat Vadot. La Renaissance du Livre, 96 pp., 9,99 €.

A Frédéric Deborsu (RTBF) a enquêté de manière approfondie sur la famille royale belge et recueilli une cinquantaine de témoi- gnages. L’ouvrage qui en est issu, « Ques- tion(s) royale(s) », pose entre autres les questions de la fortune de la famille royale et de sa relation avec l’Eglise.La Renaissance du livre, 304 pp., 19,95 €.

L’écriture SMS, l’info « tweetée », l’article directe-ment mis en ligne, la photo postée en temps réel

sur Facebook… Dans l’air du temps, ces pratiques génèrent bien des frustrations, tant chez le journaliste qu’auprès du lecteur. Si certains se contentent de ces fast news, à l’image du fast food, d’autres dévelop-pent des alternatives. Celles-ci passent par le recul, l’approfondissement, la diversité, la prise de temps… pour la lecture et le reportage.C’est dans ce créneau que se situe le nouveau « mook » (contraction de magazine et book) français Long cours (1). La revue fait la part belle au long for-mat, au reportage, à l’ouverture sur le monde, à l’in-formation en décalage par rapport à la frénésie de l’immédiateté. Le premier numéro, paru en cette fin d’été, propose au lecteur de s’évader à Cuba, au Caire, en Chine, en Australie… Il s’agit principalement de reportage, mais on y trouve aussi une enquête sur la fixation du prix du riz à l’échelle mondiale, ou encore une analyse des mouvements féministes en Ukraine, au Canada et au Libéria. Des textes généralement bien écrits, des sujets traités en images aussi.Long cours ne se différencie pas tellement des mooks déjà existants, il se situe dans la lignée des

La rentrée de septembre a ravivé les prétentions des reporters. Le précédent appel du Fonds pour

le journalisme, en juin, avait recueilli peu de projets (trois sujets soutenus) alors que le dernier, celui du 15 septembre, a accueilli seize demandes. Cepen-dant, trop de journalistes ignorent encore qu’il faut répondre à tous les critères énoncés sur le site du Fonds pour être éligible. Cinq projets ont dès lors été écartés sur cette base.Parmi les projets soumis à la lecture critique du jury, trois n’ont pas atteint la moyenne de 600 points sur 1.000. Ensuite, pour un des projets, le jury a invité la journaliste à revoir l’approche et le traitement de son sujet. Sept projets ont dès lors reçu, après délibération, une aide du Fonds. Il s’agit principalement de re-portages – quatre à l’étranger et deux en Belgique – et d’une enquête originale en Belgique.Six sur sept émanent de journalistes indépendants. Cette fois, il y a une majorité de projets de femmes journalistes (quatre contre trois, pour les hommes). Les sommes allouées varient entre 2.345 et 8.450 euros. Plusieurs médias bénéficieront, à terme, de ces re-portages : radio, télévision, presse magazine et pres-se quotidienne.

Suite à ce 12e appel, qui clôture ainsi la troisième année de fonctionnement du Fonds, quelques rappels s’imposent. D’abord qu’il s’agit d’un soutien aux jour- nalistes pour qu’ils puissent effectuer des enquêtes et/ou de l’investigation. Ou alors, du reportage qui n’aurait pas pu être effectué sans l’intervention du Fonds ; jamais il n’a été question de dispenser les médias de la Fédération Wallonie-Bruxelles d’investir dans ce créneau, sous prétexte qu’il y a une intervention du Fonds. Chacun doit jouer son rôle : le journaliste propose, le Fonds soutient, et le média rémunère.

Un nouveau juréSuite au décès de Jacques Gevers, qui était membre du jury, le Fonds est à la re-cherche d’un nouveau juré. C’est le Bureau de l’AJP qui le désignera. Il s’agira, pour le nouveau membre du jury, de terminer le mandat entamé, donc de siéger pendant un an.

Jean-Pierre Borloo

A www.fondspourlejournalisme.be

XXI, Feuilleton, We Demain. A tel point qu’on se demande s’il y a de la place sur le mar-ché francophone pour autant de magazines de reportage. L’expérience de L’Equipe, avec son mook sportif Hobo n’a pas été concluante, le titre s’étant déjà éteint après une seule parution.Long cours est une pu- blication du groupe L’Express/Roularta, il est d’ailleurs imprimé en Belgique. Une oppor-tunité nouvelle pour les journalistes belges ou les pigistes de Roularta ? « Pas vraiment », nous dit-on en interne. Les passerelles en-tre Bruxelles et Paris, dans ce groupe, sont plus que restreintes.

J.-P. B.

(1) « Long cours », trimestriel, 196 pp. 1� €.

HommageIls et elles publient

Peu d’enquêtes proposées au Fonds

Sept nouveaux projets soutenus par le Fonds pour le journalis-me. Du bon reportage. Mais une seule enquête, alors qu’il s’agit de la vocation première du Fonds : soutenir l’investigation.

Fonds pour le journalisme

Sortie de presse

« Long cours » contre le courtEncore un nouveau « mook » français dédié au reportage.

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journalistes - octobre 2012 - n°141 - 8

Journalistes - L e m e n s u e l d e l’ A J P Mensuel (ne paraît pas en août). Publication de l’Association des journalistes professionnels

Editeur responsable : François Ryckmansrue de la Senne 21, 1000 Bruxelles Rédaction : Maison des journalistes,rue de la Senne 21, 1000 Bruxelles T : 02 777 08 60 - F : 02 777 08 69 Courriel : [email protected] Site : www.ajp.beCoordination : Laurence Dierickx Ont participé à ce numéro : Nicolas Becquet, Jean-Pierre Borloo, Jean-François Dumont, Paul Hasquin, Philippe Leruth, André Linard, François Ryckmans, Martine SimonisIllustration : VinceAbonnement : 40 € (11 n°s/an). Rédactionnel bouclé le 17/10/12

Membre de l’Union des éditeurs de la presse périodique (UPP)

Débat

Comment percevez-vous les difficultés grandissan-tes auxquelles sont confrontées les entreprises de presse? Est-ce le signe d’un déclin irrémédiable ?Eric Fottorino : On ne peut pas parler de déclin de la presse. Au contraire, nous sommes à la fois dans une période de grande créativité pour adapter les conte-nus aux nouveaux supports, et dans une période de transition car il y a une déconnexion, un découplage entre une presse ancienne et de nouveaux modèles économiques à trouver. Lorsqu’on regarde la baisse de la diffusion, il y a de quoi s’inquiéter mais, dans le même temps, il ne faut pas céder au fatalisme : certains journaux de niche fonctionnent très bien et continuent à intéresser les lecteurs en misant sur leur singularité et leur qualité.

Comment analysez-vous la diminution constante des moyens alloués aux journalistes ?Au début des années 2000, on a introduit un venin mortel : la gratuité. A l’époque, cela a beaucoup heurté la profession. L’information n’avait plus de prix donc plus de valeur, elle était devenue un dû. Google a pillé les contenus des médias et a produit une lame de fond puissante. L’audience a augmenté rapidement mais sans la monétisation. L’information sur Internet est devenue un système lowcost dans lequel on a troqué des euros contre des centimes.Quel est l’intérêt pour un industriel d’investir s’il n’y a pas de revenus à la clef ? Il n’y en a pas. Le jour où les tablettes seront durablement implantées dans les foyers, que les habitudes de consommation seront consolidées, il y aura à nouveau des investissements et donc des moyens alloués aux journalistes. En tout cas, je ne connais pas de média qui peut faire vivre une rédaction avec les revenus issus du web.

Dans ce contexte, quelle est la première mission du journaliste ?Pendant longtemps, les journalistes ont lutté contre le silence et la chape de plomb afin de publier des

informations cachées. L’époque a changé. Il faut désormais lutter contre le bruit, la cacophonie de l’info et l’accélération généralisée qui abîme et pulvérise le processus de recueil et de traitement de l’info.A l’heure où l’information est devenue « une ma-tière première gratuite », le journaliste doit filtrer, hiérarchiser, mettre en perspective. L’écrit, et la presse en général, a encore un rôle à jouer comme repère, comme gage de fiabilité et de mémoire dans un environnement où il n’y a que de l’instantané qui prévaut.

Quels sont les plus gros défauts de l’information en ligne ?Une montée de l’insignifiant, des règles de valida-tion moins stricte, la préférence donnée à une ru-meur si elle « buzze ». On publie des informations qui sont inexactes, mais que l’on corrige ensuite… Tout cela aboutit à la ruine du contrat de lecture qui devrait être basé sur la fiabilité et la confian-ce. Il y a un risque que le média ne soit plus une

Eric Fottorino a passé la plus grande partie de sa carrière au journal Le Monde. Grand reporter, directeur du journal puis enfin président du directoire du Groupe éponyme jusqu’en 2010. Il expose sa vision de la presse et de l’influence de l’ère digitale sur le métier de journaliste. Interview.

Eric Fottorino : « Retrouver le sens de la singularité »

référence. Et je pense que face aux dérives, il y aura un mouvement de rééquilibrage venant des personnes lassées de l’uniformisation, de la destruction de valeur et de la banalisation des marques. Le paradoxe, c’est qu’a priori, avec les moyens dont on dispose, on peut être beaucoup plus créatif et pourtant, il y a une grande uniformisation. Il n’y a plus de limite de temps, d’espace ou de mode de diffusion, mais peu de sites ont vraiment in-tégré et valorisé toutes ces dimensions. On a tous les ingrédients mais on n’a toujours pas trouvé la recette pour réaliser le plat.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune journaliste ?Multiplier les expériences. C’est l’école du cir-que, il faut apprendre à jongler, à faire du tra-pèze, à faire rire… Il faut apprivoiser tous les outils et les nouvelles écritures, pas en être esclave. Avec la multiplication des écrans, il me paraît également essentiel de ne jamais perdre contact avec le réel et d’accepter d’être bousculé par la réalité. Il faut être ca-pable de remettre en cause ce qu’on fait et ce qu’on pense, car le réel se chargera toujours de démolir vos idées reçues. Je dirais aussi qu’il faut cultiver sa mémoire pour pouvoir fai-re face à l’immédiat. Enfin, nous vivons dans un immense copié-collé, une duplication à l’infini de l’information, il faut donc retrouver le sens de sa singularité.

Entretien : Nicolas Becquet

Site : nicolasbecquet.posterous.com

«Je suivis d’un cœur léger ses mots d’or-dre : voyager, rencontrer, raconter. Puis

recommencer. » Telle fut la philosophie cultivée par Eric Fottorino, qui commença sa carrière comme chroniqueur à La Tribune. Son premier papier, c’est pour Le Monde qu’il l’écrit, en 1974. Le début d’une histoire d’amour avec le quotidien du soir qui fit de lui un grand reporter, un chro-niqueur, un rédacteur en chef pour finalement le hisser à sa tête alors que la menace de la faillite planait sur le journal. Patron de presse sur le tard, il fut surtout journaliste.Eric Fottorino évoque ainsi le métier dans ses grandeurs, ses désillusions et ses dilemmes quoti-

diens. Sa plume est trempée dans la vie, sans fausse pudeur, mais aigre et tranchante si la situation l’impose. Pas de règlement de com-ptes mais quelques scènes de châteaux, dont certaines en disent long sur les jeux de pouvoir.Tour à tour récit de voyages, roman initiatique et peinture du monde de la presse, ce livre est un témoignage sur le journalisme tel qu’il se pratiquait au tournant du siècle, lorsque l’ère numérique n’avait pas encore bouleversé le paysage médiatique.

N. B.« Mon tour du Monde », Gallimard, 2012,�44pp., 22, �0 €.

Eric Fottorino. Photo : C. Hélie

Son tour du « Monde »