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JtrRISPRUDENCE 87 No 3918, Cour d'appel de Bruxelles (5e eh.).·- 26 octobre Sièg. : M•M. Defroidmont, prés.; Sirnon et Piret, cons.; De Buscher, Suibst. Proc. gén.'- PI. : M'Mes M. della Faille et de Cambry d,e Baudimont c/ Ch. Resteau et Oh. Emond, a•vocats. (Ddme Hirsch- et son époux Frans fanssens c/ Soc. coopér. pour le Commerce extérieur.) Société coopérative. -I. Parts bénéficiaires-titres de créance ou parts d'associé. - Qualité d'associé. - 11. Capita! social. - 111. Décès de !'associé- Droits de ses béritiers ou légataires. /. Les parts bénétlciaires de société coopérative ont, selon les circonstances, Ze caractère de simples ti tres de créance, ou celtii de parfs d' associé. Ce dernier cara:ctère peut ressortir de la réunion des circonstances suivantes : participationo aux perles sociales par le fait d'être apporteur, participation aux bénéfices par le dro-it à des dividend es el à une du solde bén:éficiaire de la liquidation; collabo- ration à la gestion de la société incessibilité conv·enue des parts bénéficiaires à des -tierS'. La circonstance que des bilans ne mentionnent pas oe•s parts sous- la rubrique << Capital », ou n·e.les y mentionnen.t que <<•pour mémoire », ne contredit pas nécessairemC!tlt cette interprétation. La qualité d' associé doit être reconnue à quico.nque contribue, par des apports matériels ou immatériels, en affrontani les risques de gains ou de pertes, à la formation du capita[ social. Il. Par capital social, il. ne faut pas entendre exclusioement le capital sodal « exprimé », mais le capital social réel, l' ensemble des biens généralement quel- conques de la société. 1//. En vertu de. l' art.. 154 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, manifcstation du principe' de l'intuitus personae dans les coopératives, les héritiers d' un sociétaire décédé recouvrent part; ils n' ont pas la quaHté de soditaire qu' avait leur auteur, maïs deviennent simplcment créanciers de l'être social. L' art. 153 combiné avec l' art. 154 donne au x héritiers ( ou légalaires) du sócié- taire décédé, créance pour la oaleur de sa part telle qu' elle apparaît au der- nier bilan; le législateur a Voulu par cette disposition, tout en excluant les héri- .fiers ou légataires de la société, éviter leur appauvrissement; mais ces ar ticles doivent s'appliquer que <<mutatis mutandis» lorsque ['associé n·'avait pas de droit actuel dans laJ s'ociété. {Appel dl'un jugement diu T ri'bunal de commlerce de Bruxelles du 20 avril 1943.) Attendu que feu Albert Hirsch, mari de l'appelante, étá-it de son vivant titulaire de 15 parts sa ciales et de 10.000 parts bénéficiaires d'e la société intimée; Qu'à hon droit, le 5 mars 1938, il 1aissa l'app;elante comme légata1re univer- selle; Attendu que l' appel ante, se fondant sur les artiel es 193 et 154 des lois coor- données sur les sociétés a réclamé paiement de la valuer de dibes parts sociales et bénéficiaires; Attend'u que le premier juge a reconnu son droit à la valeur des 15 p:a.rts socia- les 1ef désigna un expert pour évaluer ces parts; qu'il a également ordonné une 3918

JtrRISPRUDENCE 87 No eh.).·- · caractère de simples ti tres de créance, ou celtii de parfs d' associé. Ce dernier cara:ctère peut ressortir de la réunion des circonstances

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JtrRISPRUDENCE 87

No 3918, Cour d'appel de Bruxelles (5e eh.).·- 26 octobre 1946~ Sièg. : M•M. Defroidmont, prés.; Sirnon et Piret, cons.; De Buscher, Suibst. Proc. gén.'- PI. : M'Mes M. della Faille et de Cambry d,e Baudimont c/ Ch. Resteau

et Oh. Emond, a•vocats. (Ddme Hirsch- et son époux Frans fanssens c/ Soc. coopér. pour le Commerce

extérieur.)

Société coopérative. -I. Parts bénéficiaires-titres de créance ou parts d'associé. - Qualité d'associé. - 11. Capita! social. - 111. Décès de !'associé- Droits de ses béritiers ou légataires.

/. Les parts bénétlciaires de société coopérative ont, selon les circonstances, Ze caractère de simples ti tres de créance, ou celtii de parfs d' associé. Ce dernier cara:ctère peut ressortir de la réunion des circonstances suivantes : participationo aux perles sociales par le fait d'être apporteur, participation aux bénéfices par le dro-it à des dividend es el à une p~rtie du solde bén:éficiaire de la liquidation; collabo­ration à la gestion de la société ,· incessibilité conv·enue des parts bénéficiaires à des -tierS'. La circonstance que des bilans ne mentionnent pas oe•s parts sous- la rubrique << Capital », ou n·e.les y mentionnen.t que <<•pour mémoire », ne contredit pas nécessairemC!tlt cette interprétation. La qualité d' associé doit être reconnue à quico.nque contribue, par des apports matériels ou immatériels, en affrontani les risques de gains ou de pertes, à la formation du capita[ social.

Il. Par capital social, il. ne faut pas entendre exclusioement le capital sodal « exprimé », mais le capital social réel, l' ensemble des biens généralement quel­conques de la société.

1//. En vertu de. l' art.. 154 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, manifcstation du principe' de l'intuitus personae dans les coopératives, les héritiers d' un sociétaire décédé recouvrent s~ part; ils n' ont pas la quaHté de soditaire qu' avait leur auteur, maïs deviennent simplcment créanciers de l'être social.

L' art. 153 combiné avec l' art. 154 donne au x héritiers ( ou légalaires) du sócié­taire décédé, un~ créance pour la oaleur de sa part telle qu' elle apparaît au der­nier bilan; le législateur a Voulu par cette disposition, tout en excluant les héri­.fiers ou légataires de la société, éviter leur appauvrissement; mais ces ar ticles n~ doivent s'appliquer que <<mutatis mutandis» lorsque ['associé n·'avait pas de droit actuel dans laJ s'ociété.

{Appel dl'un jugement diu T ri'bunal de commlerce de Bruxelles du 20 avril 1943.)

Attendu que feu Albert Hirsch, mari de l'appelante, étá-it de son vivant titulaire de 15 parts sa ciales et de 10.000 parts bénéficiaires d'e la société intimée;

Qu'à hon droit, le 5 mars 1938, il 1aissa l'app;elante comme légata1re univer­selle;

Attendu que l' appel ante, se fondant sur les artiel es 193 et 154 des lois coor­données sur les sociétés a réclamé paiement de la valuer de dibes parts sociales et bénéficiaires;

Attend'u que le premier juge a reconnu son droit à la valeur des 15 p:a.rts socia­les 1ef désigna un expert pour évaluer ces parts; qu'il a également ordonné une

N° 3918

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mesure d'instruction sur une demande reconventionnelle que l'in:timée avait for­muJée; qu'il a rej·eté l'action de l'appelante, en tant qu'dle tendait au rembour­sement de 'la va·leur des parts bénéficiaires;

Attendu que cette décision n'a été critiquée devant la Cour qu'!en tant qu'elle a repoussé l•es prétentions de I' appelante à la val•eur de ses parts bénéficiaires;

Attendu que les 10.000 parts bénéficiai11es dont s'agit a;vaient été allouées à feu Albert Hirsch, en rémunération de !':apport qu'il avait ·fait à, la société intimée d'un n:10nopole de vente de cantrats et marchés •en cours et de relations commer­cia'les; ·

Qwe la d'élibération de I' assemblée générale -die la société intimée du- 12 août 1931 déclare que ces parts bénéficiaires seront nominatiV'es et incessibles à des tiers;

Qu'il y est précisé que les parts bénéficiair.es auront non setdement un droit au hénéfice, ma;i~ un droit die vote aux assemblées générales, leurs droits étant égaux ~ c.eux des parts social~s; .

Attendu que les parts .bénéficiaires ont, selon •les circonstances, soit Ie cmactère de simples ti tres de créance, soit cel ui de parts d' associé;

Qu' en I' espèce, il échet d' admettre qu'dles -on:t ce dernier carac.tère; Que leur titulaire participait aux pertes sociales ayant mis, 1m société ses appo-rts

ei-avant; qu'il participait ~ hénéfices par son droit à des ·d~vid'endes et comme il sera d!it ei-après, à une partie du solde :bénéf.iciaire 'à, la liquidation; qu'il colla­borait à la gestion de la sociêté;

Attendu que la réunion de ces éléments et l'incessibiJ.ité des parts ne peuvent s' expliquer qu1e par la possession par Albert Hirsch, du chef de I' attribution des parts bénéficiaires, de la qualité d'associé (comp. RESTEAU, Société coopéra­tive, Eid, 1926, n° 150; - Rép. pr. Dr. beige, Vo Sociétés coopératives, n° 196);

Attendu que Jes énonciations des bilans ne contredisent pas C'ette solution; que si les bilans de 1937 et 1938 ne mentionnent :plus s·ous la rubrique << Capital ».Jes parts :bénéficiaires, mais chiffrent seulement Ie· capita} représenté par les parts sa cia­les, il n'en était pas de même de bilans antérieu.rs qui mentionnaient les parts béné­ficiaines; qu'à, la ;vérité, ces bilans antérieurs les portaient au passif « pour mé..: moÎl'e », mais que cette inscription se comprend aisément par l'impossibilité de chiffrer l}a· valeur ac:tuelle de C·es parts; •

Attendu qu1e la qualité d' associé doit être reconnue à quiconque contribue par des apports matériels ou immatériels en. af.frontant les risques de gains ou de :pertes à la formation du capital sociaÏ; que pél'r capita•l social, il ne fa ut pas enten­dre, exclusivement 1e capital social « ·exprimé », rnais I.e capita! socÎa1l réel, I' en­semble dies brens généralement quelconques .de la société (RESTEAU, Sociétés anonymes, 1913, t. Jer, n° 5167, et t. H, n° 11 15; COR'BII.AU, Revue prat. soc., 1898, p. 35);

Attendu qu'au surplus, les statuts die la société. désignent bien les porteUl·s de parts bénéficiaires comme des « sociétaires »; que notamment, I' artiele 31 relatif à 1la composition de !'assemblée générale dénomme indïstinctement sociêtaires les poss1esseurs de parts sociales et l·es possesseurs departs bénéficiaires; ,que l'~rticle 27 relatif au cautionnement des administrateurs .et commissaires ,en titres sociaux admet que les garanties à fournir pourront consister aussi bi en en parts bénéficiaires qu' en parts sociales; que l' artiele 39 relatif à la dis tribution dies bénéfices appelle socié-

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JURISPRUDENCE 89

taires tout aussi bi,en les possesseurs de parts bénéficiaires que Ier posses51eurs de , parts sociales;

Attendu que l' artiele 154 des lois sur les sociétés, manifcstation du p.rincipe d'e l'intuiius personae dans les coopéralives, dispose qu'à la mort d'un sociétaire, ses héritiers recouvrent sa part; que ·les di,~s héritiers n' ont pas la qualité de sociétaire qu'avait leur auteur, mais deviennent simplcment créanciers de !'être social (,Rép. fJrat. Dr. beige, verba citato n° 260);

Que 1J'.appelante n'·est ·donc plus associée mais créanciène de l'intimée; Attendu qu'.i} ne résulte pas de là: que, camroe elle Ie soutient, eUe aurait droit

à la valeur d'une fraction de I' actif social, diminué des dlettes, proportionnelle au nombre des parts bénéficiaires de feu A~lbert Hirsch, par rapport au nombre total des parts sociales et hénéficiaires;

Attendu que Ia base -du soutènement de l'appdante est la délibération du 12 août 193 1, sui~vant laquelle les parts bénéficiaires jouissent des même5 droits que les parts sa ciales no'minatives, à I' exception du 11emboursement en cas de liqui-datien de I' avoir social; .

Que, d' après l' appelante, dans toutes autres hypothèses que celle d'une liquida­tion, les parts bénéficiaires auraient les mêmès drorts sur l'actif que les parts so­ciales;

Attendu que la thèse de l'appelante, bien qu'elle trouve un appui dans la lettre du texte cité, ne peut êtr,e adoptée;

Attendu que, selon la terminologie ordinairement admise, l·es parts bénéficiaires ne donnen:t Ie d'roit en p~·incipe qu'à un1e part dans les bénéfices et un droit éven­tuel à Ûne part dans .Ja quoti'té de l'actif à la liquidation qui représente les bén~­fices << cristallisés »;

Que l'app}ication de la thèse de l'appelante ,entraînerait ou eût pu entraîner .des résultats iniques.; que, par exemple, •en s'appuyant sur cette thèse, feu Albert Hirsch eût .pu, 1en démissionnant dès la première année, qui avait suivi son entrée dans Ia société, obtenir à peu près la moitié de l' actif social en numéraire apporté par son co-associé Rosenherg et les autres co-associés (soit au tota'l plus de 500.000 francs), en abandonnant seuJ,ement les apports impondérables de biens immatériels qu'il avait faits;

Que les lettres des 22 et 26 janvier 1938, invoquées par l' appelante, paraissent büm démontrer que ces apports de hiens immatériels n' a•VaJ.ent point la valeUJr que I' appelante voudrait leur vair reconnaître; que la réa1lisation de Ia. licenc~ Arko­ph ar est signalée par Ie géran;t Rosenberg camroe un simple incident d'e la vie social,e·;

Qu'il se comprendrait mal que les droits des parts bénéficiaires aient été consi­dérablement plus étendus pendant I' existenc.e de la société qu'à· sa liquidation;

Que la salution proposée par l'appelante mèlll~rait à des conséquences particu­lièrement absurdes dans Ie cas d'exclusion de !'associé Hirsch pour inobservation du pacte social; qu'il eût eu, s'il s' était fait exclure, des droits beaucoup plus étcn­dus qUJe s'il avait exécuté ses engagements jusqu' au terroe de la société;

Attendu que la résolution ci:-avant rappelée du 12 août 1931, se cornp.rend aisément si on la rapproche de I' artiele 3 de 'la convention du I 2 janvier 1931 ave'nue entre Hirsch et Rosenb1erg; que eet artiele détermine limitati,vement la

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cantre-partie des apports de Hirsch, c'·est-à-dire les droits des parts bénéficiaifes; I. un droit de vote égal à cel ui des "parts sociaL~s, titre pour titre; 2. un droit égal en· cas de liquidation, mais après remboursement des parts

sociales; 3. un droit égal au bé~1éfice; Que selon la wuvention du 12 janvier 1931, les pal"ts bénéficiaires n' av.aien-t

donc aucun droit dans l'actif sinon en cas de liquicfation; Que c' est ce système que la formule énoncée le 12 août 1931 a voulu reprendre,

mais a très mal énoncé; Attendu que les mentions portées aux bilans antérieurs à 1937 s'expliquent

clail1ement si l'on considère qu'aux yeux de Hirsch et Ros-enberg, qui les rédigè­rent, la possession .de parts bénéficiaires impliquait la qualité d' associé, mais ne conférait qti'un droit tout à la fois à terme et conditionnel dans r actif; que cette

. situation apparaissait nettement dans l'inscription sous la· rubrique << Capita! » pour mémoire;

Attend'u que l' artide 153 des lois sur les sociétés combiné a:vec l' artiele 154 donne aux héátiers (au légataires) du sociétaire d'écédé, une créance pour la valeur de sa, part, telle qu'elle apparaît au dernier bilan; -

Que le Iégisla:teut a voulu par cette disposiüon, tout •en excluant les héritiers ou légataires de la société, éviter leur appauvrissement;

Mais que les ar~ides 153 et 154 ne deivent s'appliquer que <~mutatis mutandis» lorsque I' associé n' avait pas de droit actud dans 1' actif;

Att·endu que, faute 'de pouvoir appliquer dans sa lettre l'article 153, il n'est pQint d'autré salution qui réponde à· son esprit sans amoindrir soit la situa.tion de l' associé, soit celle de la société, que de mainteoir, à dab~r du décès, à ces hériti-ers ou légataire, à titre de créa.nciers, les droits qui étaient conférés à l1eur auteur, ~ titre d'' associé;

Att,endu que, dans cette solution, l'appelante aurait clone contre l'in:timée, du che.f de la possession de 1 0.000 parts bénéficiaÎ11::s transformées en titres de créance, Ie droit aux dividend'es et conservera Je drott à terme et conditi~nnel sur · Ie solde en boni d~e la liquidatien qu'avait f.eu Atbert Hirsch;

Aitteridu que le premier juge a décidé, dans le dispositif de son jugement·, que l'appelante aurait les 111êmes droits que f:eu Albert Hirsc:h; que l'intimée, inter­prétant Ia décision du premier juge, estime qu'il reconnaît par là à l'appelante le ,droit de vote pour ces pints bénéficiaires; que l'intimée. qui, dans ses condusions devant le premier juge avait conclu au refus du droit de ,vote à l'appelante, a cep~ndant déclaré ne pas se pourvoir co11t11e ladite· décision;

Par ces motifs, La Cour,

/

Rejetan:t toutes autres conclusions, Vu l'artide 24 de la loi du 15 JU111 1935, Heçoit l'appel, statuant sur son fondement,

1' appelanbe.; Cond'amne l'appelante aux dépens d'appel.

dit l' appel non fondé, en déboute

0 bservations. - I. Le litige porté devant le T ribunal de com­merce, ptiis la Cour d' appel de Bruxelles, soulevait, indépendain-

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ment de débats sur I' application de règles de droit certaines, des

c~ntestations sur l'interprétation de conventions et de circonstances

d'espèce. Le commentateur ne peut que rarement s'immiscer dans

les dernières; il ne doit se permettre d' apprécier que la solution

donnée aux premiers.

Aussi bien, sur ce terrain, I' arrêt ci~dessus laisse~t~il, à raison de

la netteté et de la précision de ses définitions juridiques, peu de

choses à dire. Il ne semble pas, du reste, que sur ce chapitre des

principes, les parties plaidantes fussent en divergence .

. 11 n' est contesté, en effet, par personne que les parts béné~

ficiaires puissent avoir, selon les circonstances d' espèce, Ie carac~

tère, soit de simples tit:r:es de créance, soit de parts d' associé. Ques~

tion de fait.

Les présomptions utiles pour déterminer la qualité d' associé doi~

vent s' apprécier selon ·les principes généraux du contrat de société

objet Cl u litige, ~in on même du .contrat ële société tout court. L' as~ socié se reconnaît essentiellement, comme Ie ëlit I' arrêt, au fait de

contribuer par des apports matériels ou immatériels, en affrontant

les risques de perte et e~ coura~t les chances de gain, à la for~ mation du ca pi tal social. C' est ce que dit, en d' autres terll).es, I' ar~ ticle 1832, complété par l'art. 1855 du Code civil. La proportion

8.e la participation aux bénéfices et aux pertes peut d'ailleurs varier

d' un associé à I' autre. La collaboration ·à la gestion sociale est, de

même, un signe caractérsitiquè et cette collaboration peut être, elle • aussi, différ.entielle. La réunion de ces diverses circonstances im~

pose, a fortiori, la convictioh. Enfin, selon Ie type de société en

question, certains éléments peuvent être spécifiquement détermi­

nateurs; par exemple, dans la société coopérative, I' incessibilité

des parts à des tiers, stipulation caractéristique de ce type de société

(lois cöord., art. 1 4 1 , alinéa 2) .

II. Quant à la participation au ca pi tal social; I' arrêt précise qu'il

faut entendre par là -.- pour la détermination du moins de la qua~

lité d' associé- non tellement, ni seulement Ie capita! « exprimé »,

mais Ie capita! effectif, réel, constituant l' avoir de la société expo­

sée aUX chances et risques de I' entreprise l;iOCÏa}e. Il faut, mais. i}

suffit; qu'il y ait réellement une mise de I' associé, un apport, maté~

riel ou immatériel, dont la société puisse faire fruit pour Ie profit

commun~ et qui soit éventuellement I' objet du risque de perte

(C. civ., art. 1832 et 1855).

N°. 3918

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92 LÉGISLATION

III. L' applica ti on des artiel es 1 5 3 et 1 5 4 combinés aux héritiers

ou légataires du coopérateur décédé ne présente pas de difficulté

en présence de la précision de ces text~s.

No 3919. - Tarif des honoraires des notaires en matière d'actes de société.

Un arrêté du Régent du 24 janvier 1946 (M anileur belge, 2 février- 1946, p. 871 - Bull. législ., 1946, p. 113) a remplacé l' arrêté royal .du 27 novembre 1926 portant bar~ficatiou des honoraires des notaires, et modifié par les arrêtés royaux des 5 septembre 19Q9, 22 août 1934, 28 jaurvier 1935 et 6 rnai 1936.

Selon I' art. 5 de eet arrêté, Ie minimum d:e !'honoraire prop ortionnel est porté à 500 f,rancs pÓut tous les actes de société.

Selon 1' art. 6, l 'honoraire proportionnd est dégressif et se calcule suivant la nature de l'acte auquel j,l s'applique par référ·ence à chacun des barèmes d'un tableau annexé au dit article.

Voici ces barêmes en ce qui concerne les actes de société :·

500.000. 0,50 1.000.000 0,35 2.000.000 0,25 8.000.000 0,,15

20.000.000 0,05 50.000.000 o.p1 surp1us 0,02 -

No 3920. ~ Cour d'appel de Brux'elles (3e eh.) .. - 14 ma i 1946

Sièg. : MM. De Potter, prés.; Eyhen et Delvaulx, cons. - Min. publ. : M. De Bussoher, subst. proc. gén. -- Plaid. : MJM1es Mm·cq, Préaux, Bernard,

Simont et F ally, avocats. . (Varn Goitsenhoven cj Vve Peten et Veuve Peten c/ Vander Aa)

Sociétés commerciales. - Dividendes. - Legs de parts sociales. Fruits civils de l'exercice social: acquisition au jour Ie jour.- Dates de décrètement et de mise en paiement. - Coupons afférents à un exercice révolu au jour de Ia demande en délivrance dn, legs, maïs mis en paiement postérieurement.

Les dividend es, pa,rlicipani de la nature des fruits civils, soni réputés s' acquérir au jo.ur le jour au cours de l' exercice social auquel ils se ~-~pportet1l, quelle que soit la date, poslérieure à la doture de l' exercice social, à laqrielle ils sont d.écrétés au mis en payemenl.

Le légataire particulier n' ayanl droit aux fruits qu' à co'mpter de la demande en délivrance, les héritiers légaux ani droit aux dividend~s des actions léguées se rapporta~l à ~n exercice social révolu au jour de l'assignation en délivrance même

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· JURISPRUDENCE 93

s'ils ont été mis en payement postérieurement. En raison du démembrement de propriété qui S:' opère au jour de la délivrance du legs, c~s diaMendes ne peuvenf être considérés comme un accessoire nécessaire de la chose léguée (art. 1018 Code civil).

Sur ce qui conce.rm les coupons de dividende des parts sociales : Attendu qu'il est constant que Ie sieur Van Goitsenhoven est décédé ,Je 27 ma1

1942, laissant pour hériticrs légaux 1' appelante et ses deux enfants mineurs; qUie la demande en délivrance des 1.000 parts .sociales fut ·introduite par l'intimée en date du 2 octobre 1942;

Attendu que les dividendes étant aHérents à J',exercice socia,J 1941-1942 clo~uré Ie 31 ma i 1941, c' est-à-dire avant la demande de déliv,rance de ,}egs, mais d' autre pa"rt, Ie montant du dividende n'ayant été détermin~ par I··assemblée générale des actionnai11es que Ie 7 oC'tobre 1942, et la date ·d' exigibilité fixée au 28 décemhre I 942, c' est-<à-.dire postérieurement à la pris,e de poss·ession par la légatai·re, ,Je li:tige porte sur Ie po:int de savoir à qui, des héritiers légaux ou de ,Ja :légJataire, revi>ent la perception du coupon litigieux;

Attendu qu'à bon droit d par des considérations justement déduites des dispo­sitions des_ articles 584 et 586 du Code civil, Ie premier juge a ·estimé que les divid1endes, participant de la nature des fruits civils, étaient réputés s'acquérir jour par jour; qu'il s' ensuit que les di!v:idendes litigieux étant aHérents à un exer­cice social rév,olu au j-our de •la demande en d'élivrance du legs ~ cornpter de laqueUe: seulement le légataire pouvait prétendre aux fruits (art. 1014 C. ci•v.), oes dividendes reviennent aux ihéritiers du défunt, investis de la saisine Iégale et ayant comme tels la jouissanoe 'des biens de la succ1ession jusqu'à la demande en déliv11ance du legs; que Ie droit des héritiers étant ainsi ét,abli, la date de m;ise en paiement du coupon teHe' qu'elle a été déterminée par Ie conseil d'administra­tion advient sans >Ïntérêt;

AttendU qu' en raison du démern:brement du droit de propriété qui s' était opéré au jour de Ia ·dél~vrance du legs, les dividend'es Iitigieux ne p1euvent êt,re consi­dérés comme un accessoire nécessaire de la chose léguée et qu'en vain, l'intimée Sle fonde pour les réclamer sur Ia disposition de l'article 101 ·8 du Code civil;

A:ttendu que l' on ne peut davantage. appliquer en la présente matière, des règles édictées ou des usages admis dans Ie domaine ·des. négociations de valeurs hoursières, ces négoci.ations étant assujetties à un régime qui, leur est propre;

Attendu que c' est donc ·à bon d'roit que Ie premier juge a écarté la dema:nde du tuteur de l'intimée ·tendant à la délivrance des coupons litigieux.

(Le r.este sans intérêt pour cette Revue.) Par ces motifs :

La Cour, Vu l'artide 24 de. ,Ja loi du 15 juin 1935, qui est appliqué; Ouï en son avis conforme donné en audience publique, M. de Busscher, sub-

stitut du Procureur général; . · Reçoit les ·appels, tant principaux qu'incid.;ent;

Rejetant toutes autres conclusions, met J,e jugement au néant, mais en talllt seu­lement qu'·il a ordonné la délivrance d'u piano litigieux dans les huit jours du prononcé; _

Le c·onfirme pour 'Ie surplus; ...

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94 JURISPRUDENCE

Observations. Les contestations relatives à I' acquisition de dividendes d' actions ou de parts sociales léguées sont fréquentes. La doctrine et la jurisprudence offrent Ie spectacle de divergences et de controverses sur la nature du droit même aux dividendes : ont~ils Ie caractère de fruits, de fruits civiis?

L' arrêt ci~dessus se prononce nettement en faveur de cette thèse. Elle peut se réclamer, entre autres, des autorités ci~après : DE PAGE, Droit civil, t. VI, n° 2 71 0; - LAURENT, t. VI, n° 402; - PLANlOL et RIPERT, Hl, n° 791 ; -. JOSSERAND, I, nos 1405 et 1698;- BAUDRY LACANTINERIE, V, n° 518;- VAN ARENBERG, Traité de l'usufruit. n° 1121 ; - R 1ép. prat. Dr. b., vo· Soc. an., n° 2020; - NOVELLES, Droit civil, lil, n° 42 7; So,c. c01nm., 11° 2891; - Pmtd. b., Vo Dividende, n° 6 4 et suiv.; -HOUPIN et BOSVIEUX, 7e éd., Il, n° 1351, p. 59;- REDAND, Les parts soc. sous Ie rég de communatité, 11°6 416 et 41 7; - Cass. fr.,,5 févr. 1890 (Rev. prat. soc., 1922, n° 2437, p. 136;- Cass. fr., 21 oct. 1931, D.P., 1933, I, 100 (note Carbonnier);- Civ. Courtrai, 20 févr. 1913, P.P., 1913, 476;- Civ. Liège, 21 déc. 1932, Pas., J 934, lil, 85.

En sens contraire : MOUREAUX, 1nn. nat., 1932, n° 190; -LE HON, Rev. prat. nat., 1943, 65;- DEKKERS (Droit de l'usu~ fruitier), Rev. prat. nat., 1943, P: 434;- Gand, 8 févr. 1930; Pas., 1930, II, 101 ; - Cass., 11 janvier 1934, Pas., I, 193 7.

Voir aussi (passim) études deL. MAHIEU, Rev. prat. soc., 1922, n° 2434, p. 112, et de F. BARATIN, Rev. prat. soc., 1922, n° 2439, .P· 138; - Civ. Namur, 28 .mai -1923 (Revue, 1923, n° 2522, p. 32 7) et Liège, 30 mai 1924 (Revue, 1926, n° 2661, p. 3 7).

N° 3921.- Tribunai de 1re instanee de Namur.- 5 mars 1945. Sièg. : M. Loiseau, pr~s.; - Plaid. : Mes P. Bovesse, De vos et Leb run, a!V:ocats.

(B ... contre soc. an. Charbonnages de P ... , T ... et G ... )

Société anonyme - Dh•ecteul"·gérant : pouvoil"s - Nomination d'un ingénieur n'engageant pas la société (art. 63 des lois coord.) -- Responsa.bilité personnelle du dit"ecteur-gérant en-vers l'ingénieur.

D' après l' art. 63 des lois coord. sur les soc. comm. les pouvoirs du directeur-gérant d' une société anonyme se limitent à la gestio-n joumalière de celleJ-ci; foute extension de ces pouvoirs, même prévue par les slatuts, Joit être restreinte d'office dans les limites légales. La norryination d'un ingénieur par le dÏI'ecteur-gérant d'une société anonyme n'engage pas la société à l' égard de eet ingénieur; toU'lefoi•s, en

.N° 3921

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JURISPRUDENCE 95

cas de no·n-ratification par la société,-le diredeur-gérant peut, dans certaines con­.. ditions, être tenu pour personnellement responsabie et être passible· de dommages­

intérêis envers l'ingénieur choisi par lui.

Le Tábunal :

Attendu que d'après l'art. 63 des lois coord. sur les soc. comm. les pouvoirs du directeur-gérant d'une société anonyme se limi:t·ent à la gestion journalière de celie-ei;

AHendu que toute extension de ces pouvoirs, même prévue par les statuts, doit être restl,einte d'office dans les limi:tes légales (FIR8DERICQ, Dr. comm., t. lil, n° 941, p. 369);

Attendu qu'un acte aussi important que la nomination d'un ingénieur-conseil solt d'u oadre de la ges·tion journalière d'une entreprise industrielle;

Attendu que les défendeurs consorts T ... et G ... , respectivement directeur-gérant, comptable et actionnaire de la société anonyme défend'eresse n'avaient pas alors qualité pour conférer au demandeur, au nom de la société, la. place d'ingénieur­conseil du charbonnage qu'elle exploite;

Attendu que la dause liti.gieuse ne peut clone avoir d'effet contraduel à l'égar-d de la société défenderesse ;

Attendu, d'autre. part, qu~, selon l'art. 115·7 C. civ. « lorsqu'une claus·e est susceptible de deux sens, on doit :plu tot l' e'ntendte dans cel ui a vee lequel elle peut a~oir quelque eHet, que dans .cel ui a vee lequel elle n'en pourrait avoir aucun »;

Attendu que le seul sens dans lèquel il soit possibie d'·entendre la clause quereL lée de telle façon qu'dle puisse a~roir quelque eHet juridique, est celui d'un enga­gement des défendeurs consorts T ... et G ... de se porter forts de l'agréation d'u demandeur comme ingénieur-conseil .par l·es organe~ réguliers de Ia société ( conseil d!'administration et assemblée générale); .

Attendu que l'intention des consorts T ... et G ... au moment de la .convention, de se porter forts de la nomination du demandeur au pos-te d'ingénieur-conseil, ressort à suffisance des circonstances de la cause, la personnalité des défendeurs qui étaient directeur-gérant, comptabie et principaux actionnaires de la société défenderesse, leur influence au sein de celle-ci, l' état de ·désol'ganisation de I' entre­prise sociale, etc.;

Attendu que les défendeurs consor·ts T ... et G ... sont en défaut d' exécuter ileur obligation env•ers le demandeur; •

Attendu que le préjudice matériel et moral de cette inexécution peut être fixé ~x aequo et bono à la somme de 7.500 fr.;

Par ces motifs, statuant contradictoir·ement, dit l'action non fondée à l'égard de la société anonyme . défenderesse et la met hors cause; dit résiliée, par suite de l'inexécution par les défendeurs consorts T ... et G ... de ·leurs obligations ·envers Ie demandeur la .convention qu'ils ont conclu avec lui Ie 6 novembre 1942.; dit que les défendeurs consorts T ... d G... sont ·tenus de répal'er le préjudice causé au demandeur par le1:1.r inexécution; condamne in solidum les .défend'etirs consorts T ... et G ... à payer au demandeur à titl'e de dommages-intérêts la somme de 7.500 fr. avec les intérêts judiciaires; condamne les .défendeurs consorts T ... et G ... aux dépens; dit n'y a~oir lieu ~ ord'onner l'exécution provisoir.e du p1résent jugement.

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96 JURISPRUDENCE

Observatlons. - Ce jugement résout une question. importante

et délicate : celle de l' étendue des pouvoirs susceptibles d' être con~

férés à des directeurs--gérants ou autres agents, associés ou non,

de société anonyme sur base de I' art. 63 des lois coord. sur les

sociétés commerciales.

Le principe régulateur de notre législation en matière de société

anonyme est que ce genre de société est gérée par un collège de

mandataires appelé Conseil d'administration, dont les attributions

sont définies par les statuts, dans les limites toutefois des disposi~

ti ons légales ( artiel es 5 3 à 69 des lois co9rd.).

Mais, en fait, il est impossible qu'un Conseil d' administration

siège en permanence et s' occupe de tous les détails de la gestion

sociale. « Sous Ie régime de la loi belge, Ie fonctionnement des

sociétés anonymes est, en fait, réalisé par des délégations de pou~ •

voirs. » (W AUWERMANS, NI anuel soc. an., 7e éd., n° 41 2.)

Les délégations peuvent être faites par les statuts directement;

les statuts pourront aussi déléguer expressément cette nomination

à }'assemblée générale OU même au conseil d' administration.

Ce sont d' ordinaire les statuts qui pourvoient ·aux délégations

jugées nécessaires par les fondateurs (lois coord., art. 63) : ils

peuvent les conférer directement, ou bien déléguer expressément

les nominations à faire à }'assemblée générale OU au consei} d' ad~

ministration. Personne ne met, d'autre part, en doute que Ie droit

de délégation existe même en cas de silence des statuts, puisque

la loi (art. 63) prévoit elle~même et organise la délégation de

pouvoirs ( qui est d' ailleurs, comme nous venons de le rappeler,

l'effet d'une nécessité pratique), que l'art. 70 confère à l'assemblée

générale « les pouvoirs les plus étendus pour faire ou ratifier les

actes qui intéressent la société, et qu' 'lucune disposition ne lui

interdit, non plus qu'au conseil d'administration, la faculté de con~

dure des conirats de mandat ». Mais quelle peut être la nature et I' étendue des pouvoirs suscep­

tibles d' être conférés par délégation? La doctrine marque, nous

semble~t-il, un certain Hottement à ce propos.

T ous les auteurs sont d' accord, en effet, pour professer que la

délégation de pouvoirs ne saurait être admise ·pour dispenser Ie

conseil d' administra ti on d' exercer son magistère social; ce ma~

gistère . est obligatoire; la loi 1' impose (art. 5 4) et 1' ento.ure de

garanties ( responsabilité solidaire, cautionnement, conditions de

N° 3921

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·.· .·

JURISPRUDENCE 97

décharge, /etc.) au profit des actionnaires. Les statuts peuvent pour~

voir à faciliter la tache des administrateurs; les administrateurs peuvent se faire .. assister; mais .c' est eux qui ·. sont légalement

chargés de la mission de gérer les· affaires sociales; eh auctin cas,

les pouvoirs · que comporte cette· mission ne sauraient être l'objet

d' une <;lélégation générale et collective, qui modifierait à la base,

toute 'r économie légale de r administration de la sociétÇ anonyrl).e . /

(W AUMÈRMANS, op. ciL n° 4 14).

Si néanmoins Ie droit de délégation exi~te, I' objet n'en pourra

clone jamais être que partieL

C' est ici. que I' exposé doctrina} manque parfois de précision.

W AUWERMANS, par exemple, s' exprime ainsi (op. · cit., n° 414) : « L' art. 63 autorise la délégation uniquement en ce qui

· ~oncerne la gestion journalière. Ce Berait abuser, du tex~e de la

loi, et en fausser !'esprit, que d'attribuer trop d'importance aux

fonctions du gérant ». Mais ce même auteur vient d' écrire quel~

ques lignes plus haut : « La délégation visée par I' art. 63 n' exclut

pas la . faculté de collation de mandats dans les ·conditions de

I' art. 1 994 du Code ei vil ».

De son coté, M. Ch. RESTEAU écrit (So1c. an., rt0 11 04) :

« L' art. 63 ne permet que la délégation de Ia gestion journalière

des affaires de la société, ainsi que la représentation de la société

en ce qui concerne cette gestion et il n' est pas possible d' aller

au delà.

» Le motif en est simple. Autoriser la délégati:on de pouvoirs

au tres que ceux dont parle I' art. 63 à des directeurs ou au tres

agents serait en faire de véritables administrateurs non soumis

i à r obliga:tion de fournir une garantie de leur gestion ( car les direc~ teurs ne doivent pas déposer un certain nombre d' actions à la

ginarttie de la borine exécution de leur mandat) et exempts de la

responsabilité spéciale que la loi des sociétés fait peser sur les

administrateurs.

» La disposition du pacte social qui attribuerait aux directeurs

des pouvoirs excédant ceux dont il est question à I' art. 63, devrait

être considérée comme non écrite, ou pour être plus exact, sa

portée devrait être réduite dans les limites imparties par la loi. »

M. L. FREDERICQ, dans son excellent « Traité de Droit com~

mercial », t. 11, n° 9 3 9; M. DEMBOUR, dans son . substantie!

N° 39.21 ' 7

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98 JL'RISPRUDEKCE

« Précis des sociétés anonymes », n° 82, s'expriment en ternies

analogues.

Et cependant, on ne conteste pas - les termes de l'art. '70 y

feraient obstacle -· à l' assemblée générale Ie droit de ratifier un

acte du directeur gérant accompli en dehors des pouvoirs de la

gestion journalière ou de la reprêsentation de la société afférente

à. cette g~stion : le jugement rapporté ci-dessus en offre un cas

d' application .jurisprudentie! frappant. Or, qui peut ratifier, peut

faire faire par manClataire; Si 1' assemblée générale peut ·clone délé­

guer Ie pouvoir de fai~e, comment expliquer qu'il fût. interdit aux

fondateurs d' étendre dans les statuts les pouvoirs conférés ou con­

férables aux directeurs au delà des limites extrêmes de la gestion

j ournalière, et que « toute extension de ces pouvoirs, · même prévue

par les statuts, doit, comn'le le décide Ie Tribunal civil de Namur

à la suite du traité de L. FREDERICQ, être restrein te d' office ·

dans les limites légales »? ... Nous pensons que pour démêler cèt imbroglio,. peut-être plus

apparent que réel, il faut remonter à la raison inspiratrice. de l'in­

sertion dans la loi, de r art. 63; Cet artiele n' a pas pour but de conférer à la société anonyme

la faculté de -recourir à la pratique du ·mandat qu' elle possède déjà,

en vertu du droit commun (C. civ., art. 1984 à 2010). Il s'inspire

du dessein d' empêcher· q'ue, par l'usage du droit commun de man:.

dat ou de délégation - usage inévitable eu égard aux nécessités

de la pratique - Ie principe cardinal de I' administration de la

société anonyme par un collège d'administrateurs ne vienne à être

faussé ou tourné. La loi limite la délégation de pouvoirs dans une

certaine mesure, . à titre de compromis entre les exigences de la

pratique et I' économie juridique du régime spécial assigné légale­

ment à la ges ti on de ce type ·de société, à savoir la gestion par

collège d' administrateurs.

Camment opérera cette limitation de compromis? Comment, en

d'autres. termes, l'administration par collège d'administrateurs se

conciliera-t-elle avec I' exercice du droit co,mmun du mandat?

Comme 1' explique excellemment M. Th. THEA TE, dans une

étude remarquable : « Ou directeur dans les sociétés anonymes » (Revue, 1894, 11° 546, p. 289 et n° 555, p. 321) il y a lieu de

considérer d'abord de qui Ie directeur, appelé à intervenir dans la

gestion des affaires de la société, aux cotés du Conseil d' adminis-

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· JURISPRUDENCE 99

tration, tient Sa désignation : des statuts directement, OU de }'as~

semblée générale ou cl u Conseil cl' administration auxquels les sta.:.

tuts auront ( expressément ou tacitement) délégué cette nomina~

ti on; qu « Ie fait cl' avoir été. nommé de I' une ou de I' autre manière

èntraine des conséquences différentes pour Ie directeur, notam~

ment quant à ses pouvoirs et à sa révocation » (étude ·èitée, n° 5).

« QueUes sont, poursuit M. THEATE (n° 7), les attributions du

directeur.? L'article 53 (63 actuel) s'en ·remet aux statuts. Si Ie

pacte social s' est attaché à régler ce point, la difficulté se résoud

clone en une question d'interprétation de convention.

» Mais. que décider si Ie contrat .de. société est reste muet à eet

égard?

» D' après le texte de I' art. 5 3 lui~même, Ie directeur est un

man?ataire. Il .faut clone, dans Ie silence des statuts, se reporter

aux règ1es tracees par Ie Code civil relativement au mandat, en

les combinant aves les intentions des parties présumées d'après la

teneur du pacte social et Ie but de la s~ciété. 11 .va de soi, du reste,

que si Ie directeur était désigné par I' assèmblée générale des action~ .

naires ou par Ie Conseil cl' administration, I' étendue de ses pouvoirs

dépendrait, en outre, des termes de sa nomination.

>> 8. - C'est clone, en principe, aux statuts à déterminer la

portée des attributions du directeur. Ce n' est pas à dire, néanmoins,

qu'ils puissent les étendre indéfiniment. La loi, en effet, pose ·une

limite quïl est interdit au pacte social de dépasser ·: Ie directeur~ .

gérant ne peut être chargé que « de la gestion journalière des affai~

res de la société et de la représentation de la société en ce qui

concerne cette gesti'on ». En dehors de cette gestion journalière,

c' est Ie Conseil cl' administration qui, seul, a Ie droit de représenter

la société et d' agir en son nom. >>

La loi veut, en effet, que I' administration de la société soit réser.:.

vée à un mandataire qui fournisse les garanties qu' elle exig.e; elle

ne les· exige pas, ces. garanties, du directeur~gérant, précisément

parce que ses pouvoirs ne doivent pas aller au delà des limites

de la ges ti on j ournalière.

« Maïs rien ne s~ oppose, continue M. THEA TE, à ce que Ie

Co"nseil d' administration, com~osé de personne~. qui. ont fourni les

garanties légales, délègue, sous sa responsabilité, une partie de

ses pouvoirs au directeur~gérant. Dans ce cas, en effet, la société

et les tiers sont suffisamment protégés par la responsabilité des

N° 3921

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100 JURISPRUDENCE

administrateurs eux~mêmes. ( Observ. sousl Bruxelles, 1 4 juillet

1888, Revue, 1889, n° 2). » (Cfr kt.STEAU, Soc. an., ze éd.,

t. Il, n ° 1 1 0 5 . ) · M. THEATE ajoute (n° 9) : « Souvent, dans la pratique, sa

situation ( du directeur) dans la société est plus indépendante. et

plus puissante à la fois que ne Ie laisse supposer eet artiele 5 3 ( 63).

En effet, lorsquïl est choisi par Ie~ statuts)_ o.u par rassemblée

générale, à l' exclusion du Conseil d' administration, il a;rrive que

s~s pouvoirs soient étendus . dans une certaine mesure, grace à une

restrietion de ceux qui s~nt attribués aux adrriinistratéurs. Cette

pratique est abusive, car, comme nous venons de Ie dire, les admi~

nistrateurs doivent fournir des garanti.es qui ne sont pas exigées

du directeur. » Ainsi, en définitive, la loi permet la délégatio_n de pouvoirs,

tçmt aux statuts qu'àl'assemblée générale, mais à la condition que

la délégation ne restreigne pas les attributions légales du Conseil

d' administration.

La société se défendra, Ie cas échéant, contre I' abus de pouvoir

du directeur, contre la délégation abusive de pouvoirs dont il se

prévaudrait, en se faisant déclarer rion engagée par I' acte ahusif,

en faisant déclarer non écrite la délégation abusive, comme dans

I' espèce jugée par le T ribunal ei vil de Namur. Ce qui peut laisser

néanmoins l€ directeur personnellement eng_agé à r égard des tiers,

se Ion les circo!~ ~ ·:ances de la cause.

No 3922.- Tribunal da 1re instanee de Bruxelles (13e eh.) 17 rnars 1938.

Sièg. : MM. Oriane, prés.; Perrichon, subst. Proc. du Roi. -Pl. : Mes Van Reepinghen c/ J. Baillon, M. Sand, G. Legrand et Bansart, avoc.

(Etat beige finances cj Beken, Dourson et consorts.)

Société a.nonyme.- Liquidateurs.- Responsabilité pour faits de leurs fonctions.- Distribution de l'actif social avant apurement complet des dettes (art. 185 lois coord.); - Prescription quinquennale (art. 194 lois coord ).

Le fait, pour les liquidateurs d'une société anonyme, d'avoir procédé à la répartition etztre ·les actio1tnaires de valeurs actives alors qu'il subsisfait encm·e tme C1'éance non liquidée à charge de la soclé~é, cotzstitue une faute sus~eptible d'engager lem· responsabilité perso11nelle sur base de !'art. t8s des lois coiH·don­tz~es sur les sociétés commerciales, si l'existence d'un autre (lctif ultél'ieurement

NC) 3922

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JURISPRUDENCE lOl

distribué ott encqre à répartir tt'est point démontrée. La faute; en ce cas, s'est · trouvée irrévocablement cotzsommée à la date de la t·épartition reprochée. Plus de cinq ans étant écoulés etztre cette date extrême et l'intentement de l'acti~n etz respo11sabilité, la prescriptiotl q~tinquemzale de /'art. r94 (r6g atlcietl) 'des lois coordonnées est acquise et l'action ·est éteitzte. Si ia dissimulation doleuse de ces actes tz'e,st. ni établie ni même alléguée, la prescription court à partir 'des faits cotzstituant la faute alléguée, les demattdeurs n' établissant pas, d'autre part, qu'ils se soiettt trouvés dizns l'impossibilité absolue d'agir avant l'échéance de la prescription, par suite d'ttn empêchement légal, ~otzventionnel ~tt de force majeure.

Vu. les rétroacites de \a cause riotamment Ie jugement de défaut profit joint rendu Ie 9 octobre 1930 par le Tribunal de ce siège, !'exploit de réassignation signifié à Goffinet, défendeur défaillant Ie 28 octobre 1930 et l'acte de cori.sti­tution daté du 4 novembre 1930 de M~ l'avoué Cox pour Ie dit Goffinet;

Attendu qu'aux termes de la sommation ajourneroent qu'ils leur ont fáit signlfier Ie 28 juin 1930, l'Etat beige et pour autant que de besoin, Ie receveur des . contributions dir.ectes de Dieghem, poursuivent à charge des . défendeurs solidairement Ie paieinent, outre divers accessoires,· d'une som me de 46.280 fr. en réparation du dommage que les défendeurs leur ont. prétendûment causé par. l'inexécution des obligations que leur i~posaient leurs fonctions de liquidateurs de la société anonyme <<Les Briqueteries Nationales »; .

Attendu que la faute reprochée par les· demandeurs aux défendeurs est d'avoir réparti entre les actionnaires de la société anonyme «Les Briqueteries Natio­nales » en liquidation, un actif consistant en : 1° cinq cents a·ctions de la société anonyme «Les Briqueteries de l'Etat », entièrement libérées et d'une valeur nominale de soo francs chacune; 2° une somroe de 190.000 francs en espèces, · sans a_cquitter au préalable la créance des demandeurs;

Attendu que cette créance consiste dans Ie montant de ·la taxe mobilière due par la société anonyme « Les Briqueteries Nationales » en. vertu des dispositions de l'article 15, par. 2 des lois coordonnées en matière d'impots sur les revenus en vigueur à cette époque; cette taxe arrêtée· du montant de 46.280 fr. sous l'article 15 du rOfe de l'exercice 1923 (rappel ·en· 1929) rendu exécutoire le 6 mai 1929 par Ie directeur des contributions dir~ctes de la province de . Bra­bant;

Attendu que, stat~ant sur une réclamation des défendeurs actuels · q.q., Ie directeur des contributions directes à Bruxelles a, Ie 22 juin 1934; accordé à la soc. an. «Les Briqueteries Nationales » un dégrèvement de 11.415 fr.; que la Cour d'appel de ce siège, ay~nt, Ie 14 avril 1937, rejeté les recours fqrmés par les défendeurs q.q. contre la décision précitée, !a taxation de la socété ano­nyme «Les Briqueteries Nationales » à Ia somme de 46:280 fr. moins 11.415 fr., égale 34.865 fr., somme à laquelle la demande se trouve réduite dans les con­clusions des dem,andeurs, est devenue définitive;

Attendu qu'il résulte des décisions prérappelées et produites en forme régu­lière, que là soc. an. «Les Briqueteries Nationales représentée par les défen· dèurs; chargés Ie 16 mars 1923 de sa liquidation, est redevabie de la somme de 34.865 fr. du chef d'opérations soumises à la perception de la taxe mobilière et réalisées entre Ie i6 mars et Ie 30 novembre 1923;

N° 3922

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102 J"CRISPRUDENCE

Attendu qu'il résulte de Ia disposition . de l'art. 185 ( r6o anciet;~) des lois

coordop.nées sur les sociétés commerciales que les liquidateurs ne distribuent aux

sóciétaires les sommes ou valeurs qui peuvent former des valeurs égales qu'après

Ie paiement ou 1~ consignation des .sommes nécessaires au paiement des dettes;

Attendu. néanmoins que, sans opérer Ie paiement OU la consignation du mon­

tant de la taxe mobilière à raison sinon de l'acte, assimilé au partage de l'avoir

social, reçu Ie 16 mars 1923, par Ie notaire Lamal, de Schaerbeek, et .publié

aux annexes du « Moniteur » l.e 6 avril 1923, sous Ie riuméro 3314, du moins des

distributions opérées entre Ie 16 mars et Ie 30 novembre 1923, les défendeurs

ont procédé entre ces deux dates à la répartition . entre les actionn~ires de la

société an. «Les Briqueteries Nationales ».de sommes ou valeurs s'élevant en

tout à 341.100 francs; Attendu que l'existence d'un autre actif ultétieurement distribué ou encore

à répartir n'étant démontrée ni même alléguée!, il s'en suit. que Ia faute des.

défendeurs s'est trouvée irrévocablement conso1mmée au plus tard Ie 30 no­

yembre 1923; Attendu q~e les défendeurs se prévalent de la prescription quinquennale

édictée ,par r'arti~le 194 (169 ancien), alinéa s, des lois. coordonnées sur. les

sociétés commerciales, plus de cinq ans s'étant écoulés entre la date extrême

dès actes fautifs (30 novembre 1923) et l'intentement de l'acdon (28 juin 1930); Attendu qu'à tort les de~andeurs soutienneut :

-Io que la prescription quinquennale ne court qu'à dater de la publication de

la cloture de la -liquidation et qu'il n'est pas établi que cette publication ait été

faite i· 2° qu'en tout cas, l'action en responsabilité a été suspendue par la réclamation

. introduite par les défendeurs contre la cotisation Ie 14 mai 1929 jusqu'à l'arrêt

,de la Cour d'appel du 14 avril 1937; Attendu, en effet, que l'action n'est. pas dirigée contre les liquidateurs de la

soc. an. «Les Briqueteries Nationales »- mais contre ~es défendeurs person­

nellement, responsables des actes de leur gesti.on; que la dissimulation doleuse

de ces actes n'étant ni établie ni même alléguée, la prescription court clone à

partir des faits co.nstituant la faute incriminée1 soit Ie 30 novembre 1923, ainsi

· qu'il . est dit ei-avant;

Attendu, d'autre part, que les demandeurs n'établissent pas· qu'ils se soient

trouvés dans l'impossibilité absolue d'agir avant Ie 28 juin 1930 par suite d'un

empêchement légal,. conventionnel ou de force majeure;

Attendu, en effet, que l'événement qui a donné lieu à la cotisation arrêtée

Ie 6 mai 1929 est, suivant la décision directoriale du 22 juin 1934, non infirmée

par l'arrêt du q avril 1937, constituée par les actes publiés aux annexes du

« Moniteur » Ie 6 avril 1923 sous les numéros 3339 et 3340; que c'est clone à partir de cette date que les demandeurs étaient en mesure d'agir pour conserver

leurs droits;

. Áttendu, d'autre part, que les recours exercés par les défendeurs q.q. contre

la cotisation ne pouvaient avoir pour effet de suspendre le cours. de ·la prescrip­

tion de l'action personnelle cpntre les défertdeurs, puisque cette prescription

était déjà entièrement accomplie Ie 30 novembre 1928, c'est•à-dire à une date

antérieure à I' établissement de la cotisation:

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--I

JURISPRUDENCE 103

Attendu, en conséquence, que l'actio.n des demandeurs est éteinte par l'effet de la prescription;

Pour ces motifs,

Le Tribunal, vu l~s articles 4 et 41 de la loi du 15 juin 1935; Rejetant comme non fondées ou s·ans intérêt toutes autres conclusions; Entend u .M._ Perrichon, substitut du Procureur du Roi, en son avis conforme; Dit l'action prescrite, en conséquence, en déboute les demandeurs, les con-

damne aux dépens taxés pour Me d'Aout, à onze cent quarante-quatre fran:c·s cinquarite centimes, pour Me Bihin, à cinq cent. nonante neuf lra·ncs cinquante centimes, pour Me Cóxj à six cent cinq francs cinquante centimes.

Observations. - Jugement conforme à la doctrine et à la jurisw prudence, sauf en un point. Le jugement semble admettre que la

prescription aurait pu être suspendue si Ie· demandeur s' était trouvé

·dans lïmpossibilité d'agir par suite d'un empêchement légal, con~

ventionnel ou de force majeure. Or, Ie délai de ·cinq ans des pres~

criptions de I' art. 1 94 ( 1 69 ancien) des lois coordonnées sur les

sociétés commerciales a un caractère fatal, ert ce' sen~ qu'il n' est

pas sujet à I' application de l' adage : « contra non valentem agere

noil. currit praescriptic ».

La preuve en est que, de 1' opinion unanime de tous les com~

mentateurs, s' appuyant sur les travaux préparatoires de la loi de

18 7 3 qui confirment eux-mênies les errements de la jurisprudence

antérieure de l'art. 64 du Code de commerce de 1807, les pres­

criptions de ,l' art. 1 94 actuel courent sans interruption, même con­

tre les mineurs et les interdits. Cfr. RESTEAU, Soc. an., ze éd.,

t. IV, n° 2110.

Les prescriptions quinquennales de I' art. 194 s' accomplissent

aussi nonobstant l'autré adage, fondamental en matière de pres~

criptions de droit commun: << Actioni non natae non praescribitur».

Cfr. RESTEAU, Soc. t:m., nos 2112, 2119.

Le motif de ·ces dérogations importantes est. tiré de l'intérêt

général : l'intentiori formelle du législateur en instituant ces pres­

criptions si brèves et en leur donnant (sauf Ie cas de dol) des

points de départ fixés dans Ie temps d'une manière absolue et

clone indépendants de toutes circonstances accidentelles et propres

à la personne des créanciers, a été d' affranchir de toute insécurité,

uniformément après cinq ans, Ie patrimoine . des personnes enga­

gées dans les liens d'ui-1 contrat de société commerciale, de ma­

nière que ce patrimoine redevînt libre pour de nouveaux engage­

ments.

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104 JURISPRUDENCE

V oir une analyse des origines de I' art. 1 94 dan~ I' avis de I' avo~ cat général BOSCH précédant !'arrêt de Cassat~on du 2 0 décembre 1894 ·(Revue, 1895, n° 594, p. 114).

Consulter aussi sur I' ensemble et divers aspects particuliers de la · què.stion · :

. GUILLERY, Soc. ,comnt., t. 111, n°8 1212 et suiv., _1259; 1272; -. SIVILLE, Soc. an., nos 1890 à 1912;- WAUWERMANS,

Man. soc. ·an;, 7e éd., n()s 1061 ~ 1062;- FREDERICQ, Droit cómm., t. Il, J 147;- DOUXCHAMPS, Rev. dr. b., t. IV, pp. 238~264;

- RESTEAU, Soc. an., n°8 2 11 0 et suiv., 2119, 21 21, 2126; -ROLAND, Resp. des adm., n° 2 1 5; - DEMBOUR, Soc. an., n°8 196 à 200; etc.

Bruxelles, 29 déc. 1886, Pas., 1887, 11, 198; - Cass._ 31 mai 1894, Avis de l'av.· gén. Melot, Re1.Jué., 1894, n° 536, p. 263; -Cass., 20 janvier 1896, Revue., 1896, n° 690, p. 117.

Voir aussi : Civ. Bruxe~les, 5 mars 1940 et Bruxelles, 3 novem~ bre 1943, Revue, ·1947, n° 3905, p. 1.

Dans les cas . d' actions personnelles en ~esponsabilité didgées

contre des administrateurs, gérants, commissaires liquidateurs de

soèiétés commerciales, pour faits de leurs fonctions, Ie point de départ de la prescription est celui de. la consommation_ de la faute, et non de. la consommation ou cessation du préjtidice. Cfr. RES~ TEAU, Soc. an., t. IV, n° 2~ 1 5; -. - Civ. Dinant, 26 mai 1886, f. Trib., 922; - Dinant, 15 févr. 1 d88, Pas., 504; - Bruxelles, 16 avril 1937, Revue, 1937, n9 2975.

. I .

t\ 0 3913. · - Tribunal de commerce de 'ordeaux - 9 mai 1935 et I

Cour d'appel de B_ordeaux -- 24 février 1936. ( Etablisseme11ts Gardies et Cie.)

Société en. commandite simple. ~ I. Clause d'intérêts au profit du commanditaire. - Contribution aux pertes différemment réglée à l'égard des tiers et dans les rapports entre associés. - Liquidation judiciaire. - Non-admission au passif social.

II. Liquidation personnel1e du gérant. - Commanditaire non admis à son passif en concours avec les créanciers sociaux.

I. L'associé comma11ditaire · ne doit pas être consi4éré comme créancier de la liquidation judiciai1·e de la société au titre des prod-uits de sa commandite même (m ce qui co1tcerne les sommes .provenant de la clause d'intérêts fixes.

II. Jl 1ze peut pas davantage venh·, dans /a fiquidatio11 pe1'SOn1Hrfle du géf'attf,

e_11 ço;!cUJTe}tce avec les créanciers sociaux.

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JURI SPR UDE::'\ CE 105

· Jugeme1tt du Tribunal de commerce de_ Bordeaux du 9 mai I93S·

Attendu que_ Sorbier. demande à produire au passif chirographaire. des deux

liquidations judiciaires, pour .une somme de fr. 68.330,70, représentant Ie mon­

tant des intérêts de sa commandite du IS juin 1931 au ·24 octobre 1933;

Attendu que pour appuyer sa prétention, Sorbier fait remarquer que les inté­

rêts de sa commandite étaient dus chaque année, même en !'absence de béné­

fices, en vertu des dispositións de l'article 8 . des statuts de la sodété et que

ces dispositions ayant été. régulièrement publiées, sont opposables aux tiers;

Attendu que s'il est vrai que .Ie paiement des intérêts aux commanditaires,

même en l'abse·nce de bénéfices, est reconnu valable par la jurisprudence, lors­

que la société. est in bonis et que les statuts ont été publiés, ce droit aux inté- _

rêts est per.du dès que la société est en faillite ou en liquidation judiciaire,

même pour les intérêts échus mais non en_core versés, car les associés étant

responsables du· passif social jusqu'à concurrence. du montant de leur com­

mandite, ne peuvent venir en concours avec les créanciers sociaux, ce qui équivaudrait à la reprise d'une partie de la commandite; .

Attendu que, même sans tenir compte dè cette jurisprudence, Sorbier doit

être débouté de sa demande, parce qu'elle est cor..traire à l'article 14 du pacte

social qui stipule formellement « que les premiers fonds provenant de la liqui- ·

dation · seroot avant, tout employés à 1' extinction du. passif en vers les ti ers »;

Attendu que· Sorbier n'étant pas, en . conséquence, reconnu créancier de la

liquidation judiciaire de- Ia société, ne peut être admis à la liquidation per­

sonnelle de Gardies pour une cau,se sociale;

Attendu enfin que Sorbier réclame à titre chirographaire à la liquidation per­

sonnelle de Gardies une somme non encore déterminée, mais qui devrait être

égale à la différence entre Ie montant de sa commandite et sa contribution aux pertes, dans les proportions · fixées dans l;acte . de · société;

Attendu que l'article 26 du Code de commerce voulant que Ie capita! d'une

commandite soit entièrement engagé à l'égard des tiers, ne s'opp~se pas à ce

que la contribution de !'associé commanditaire dans les pertes, soit, dans ses

rapports avec ses associés, réglée par une stipulation du pacte scoial et· que,

par suite, si, après la liquidation du passif de la société, les fonds de la com- ·

munauté, totalement perdus, excèdent au détriment du èommandit~ire, la part

contributiye convenue entre lui. et ses associés, il a nécessairement contre eux

une action en répétition pour faire réduire sa perte;

Mais attendu que les opérations de la liquidation des Etablissements. Gardies

et Cie ne sont point terminées; que tout~ action en répêtition est interdite tant

que les créanciers ·sociaux n'auront pas é~é désintéressés et que si Sorbier puise

dans la stipulation sociale Ie droi~ de réclamer contre !'associé Jean Gardies, .

gérant, une portion de sa mise, ce droit ne peut être exercé tant que la situa­

tion n'aura pas été fixée contradictoirement avec les liquidés, et tant qu'une

liquidation régulière n'aura pas fixé la quotité des pertes de ·la société; .

Attendu qu'en conséquence i1 échet de déclarer Sorbier non· recevable, dès

à présent, en sa demande, tout en réservanf· tous ses droits d'exercer contre

Jean Gardies tellè action. qu'il aviseta, .mais après la liquidation des affaires

sociales · ou Ie paiement des créanciers sociaux;

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106 JTJH.ISPRUDENGÈ

Par ces motifs :

Le Tribunal décide que Sorbier sera admis, etc ...

Réserve. tou:s ses droits pour toute action éventu&llle contre Jean Gardies;

Déboute Sorbier du surplus çle ses demandes et Ie condamne aux dépens.

Arrêt de la Cour d'appel de Bordeaux du 24 jévrie1· I936.

Attendu que Sorbier a interjeté appel d'un jugernent rendu: Ie 9 mai 1935 par

Ie Tribunal de commerce de Bordeaux, qui a rejeté la demande d'inscription

au. passif de la liquidation judiciaire de Jean Gardies et de la société en com­

mandite simplc Etablissements · Gardies et Cie;

Attendu que, etc ...

Attendu que Sorbier a produit encore pour un9 somme de 68.330 fr. à titre

chirographaire, au passif des deux liquidations; que cette production s'applique

aux. intérêts de sa commandite du 15 juin 1931 au 24 octobre 1933; qu'il pré­

tend puiser ce droit dans l'article 8 des státuts 9ui stipule, au profit du cóm­

manditaire, un intérêt proportionnel de 10 o/o payfble chaque année, lors de la cloture de l'inventaire et· porté au compte des frai1s généraux; ·

Mais attendu que cette prétention se heurte au principe qu'un commanditaire,

·qui est un associé, ne peut se faire payer sur Ie fonds -social, au détriment des

créanciers de la .société; qu'il Ie pourrait, mais seiderneut pour une cr~ance . étrangère à la qualité. d'associé;. qu'en effet, touchant des intérêts, il recouvre­

rait une partie de ses apports au préjudice des tiers; que ce n'est qu'après

l'extinction du. passif social, que le commanditaire pourra être remboursé; que

I' artiele 14 du pacte social confirm_e cette interdiction; qu'il n'y a pas lieu,

d'autre part, d'excepter les intérêts échus avant la mise en liquidation, lesquels,

fondus dans sa masse active doivent servir, d'abord, à I' acquit du passif étranger;

Attendu que Sorbier réclame à la liquidation personnelle de Gardies, etc ...

Attendu que Sorbier produit à la liquidation personnelle de Gardies, à titre

chirographaire, pour une somme en l'état indéterminée, représentant la diffé­

rence entre Ie montant de sa.· commandite, 300.000 francs, dont il est tenu au

regard des tiers, et sa · contributi.on vis-à-vis de ses assoc.iés, fixée par l'acte

de société à 5 o/o du passif;

Attendu qu'une telle convention est valable; qu'elle ne saurait toutefois pér·

mettre à Sorbier, .débiteur sociai; de venir en concours avec les créariciers

sociaux; qu'après leur paiement seulement, il pourra exercer, sur Ie restant,

son droÜ de créanc·e; qu'il n'est pas assimilable, ainsi qu'it' Ie prétend, à un

bailleur de fonds, parce que la participation ne serait que de 5 o/o; · que peu

importe la quotité, mais seulement la nature du droit de créance;

Attendu qu'il n'y a lieu de surseoir; ·

Par ces· motifs, et ceux non contraires des premiers juges,

La Cour, après délibéré, reçoit l'appel régulier en la _forine;

Confirme Ie jugement dont appel.

Observatlo.ns. - Ces de u~ décisions font une exacte application

du principe de lïntégrit~ et de la fixité .du capital social, qui est

la base du statut juridique des sociétes cammerciales dans leun~

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JURISPR UDEN CE 107

rapports avec les tiers, comme il est aussi la base de leur crédit

·dans les relations de la vie économique.

Le ·capital social est Ie patrimoine constitué par les assoc1es à la société qu'ils créent; et óffert aux. tiers en. gage commun des

engagements éventuels. de la société en vers ceux-ci. s·~a n' était pas

obligatoirement fixe, le_s associés auraient Ie moyen, après ·que la

société aurait pris des engagemt:mts envers des tiers stir la foi du

crédit proportionné à son patrimoine, de retirer tout ou partie de

leur mise et les tiers seraient ainsi frustrés et même spoliés.

D'autre .·part, dans la commandite, ou la mi"se du commandi­

taire est limitée, celui-ei ne peut être admis, _à no~re avis, à perce­

voir pendant ·r existence de la société, en I' absence de bénéfices,

des intérêts fixes de 'sa mise payables en frais généraux.

On admet, en général, que la clause d'intérêts fixes n'est pas

nécessairement incohciliable avec Ie principe ·de la limitation et de

la fixité de la commandite;- mais c' est à la condition toutefois qu' au

r.egard des tiers, les intérêts fixes ne soient perçuès qu' en cas d' exis­

tence de· bénéfices suffisants; I' inexistence de bé~éfices doit avoir

pour effet, non sans doute d' éteindre la dette de .la société eh vers

Ie commanditairy, mais d' en suspendre I' exigibilité, clone Ie place­

ment jusqu' à ce que les tiers aient été d' abord remplis de leurs

droits.

Ce qui revient à dire que la cl~use d'intérêt fixe n' est pas oppo­

sable par Ie com~anditaire aux créanciers sociaux en cas d'inexis­

tence OU d'insuffisance de bénéfices. Elle ne rest qu au gérant OU,

aUx coassociés du commanditaire.

Par conséquent, en cas de liquidation de la société, Ie comman­

ditaire, créancier de tels intérêts, ne pourra pas venir en concours

av~t les créan~iers sociaux pour sa créance d'intérêts fixes, par

admission au passif · social ; et il ne sèa pas admissible au passif

de la liquidation personnelle du gérant, ·en concours a vee les créan­

ciers sociaux · recourant contre Ie dit gérant comme associé indéfi­

niment responsabie du chef des engagements de la société.

Si I' on admettait Ie commanditaire à percevoir ses intérêts fixes

nonobstant lïnexistence ou lïnsuffisance de bénéfices, cela équi­

vaudrait à permettre Ie .retrait graduel de Ia· commandite. Si I' on

admettait, ~n cas de liquidation, Ie commanditaire au passif soéial,

d~ chef de sa créance dïntérêts fixes, cela équivaudrait à exonérer

d' autant sa mise de sa con tribution aux pertes sociales, contribu-

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108 JCRISPRUDENCE

tion quïl doit éventuellement jusqu'à épuisement de cette mise.

La clause d'intérêts fixes resterait par contre, valable dans les rap-·

ports · liquidatifs entre .assóciés, pour Ie règlement i~ terne . de. la

contribution ,?e chacun d' eux aux pertes~

Nous devons signaler, au surplus, qu'une partie de la doctrine

et de la jurisprudence française admet la validité de· la clause

dïntérêts, fixes même à 1' égard des tiers, pourvu qu' elle soit ciai­

rement exprimée à l'acte de société .: cfrl étude de J. MOLIERAC, Revue (française) des Sociétés, 1938, 113 et suiv.

No 3924. -_Cour d'appel de Grenohle (lre eh.). - 10 mars 1937. (Silvestre et Dicderichs cf Vasserot-Merli! et Nivel.)

Société en co~mandite simp Ie. - Droit de controle des associés· com­manditaires exercé par l'intermèdiaire d'un conseil de surveillance ou de délégués. - .Immixtion de !'associé commanditaire du fait d'intervention des délégués en dehors d~ leur mission. - Responsa­bilité de, ces délégués à raison des falites par·eux commises.- Action oblique des syndics de la faillite exerçant les recours de ia société contre les commanditaires.

La· prohibition de l'article 27 du· Code de commerce, attx te1·mes duquel !'associé commanditaire ne peut (sous peine des smzctions édictées par l'article 28

C. comm.) faire aucun acte de gestion même- par procuration, a ét~ instituée dans l'intérêt des tiers, vis-à-vis desquels il impm·te d'éviter toute équivoque sur la qualité de ce/ui avec [equel ils traitent et sur l'étendue de la responsa­bilité qu'il peut encourir. Toutefois, Ûne distinction s'impose ent1·e les actes de gestion intérieure et les actes de gestion extérieure, les secmtds seuls étant Pt·ohibés, à l'exclusion des premie1·s, qut, en principe, n'ont pas pour effet de mettre Ie commanditaire en rapport avec les . tiet·s.

Si, pour les. sociétés en commandite par actions, Ie législateur a. exigé l'insti­tution d'un conseil de surveillance, il n'en est pas de même dans les sociétés ett commandite simpte. Dans ces sociétés, lorsque les statuts ont prévu la créa­tion d'un cottseil de surveillance ( ou la ttomination de délégués} ,- ses mem,bres tte sont 'que de simp/es. mandatait·es des commanditaires, et, pour que les arti­cle~ I382 et I383 du Code civil leur soieut applicables, il1te suffit pas que les tiers (en l'espèce, Ie syndic de faillite, représenta1lt les créanciers sociaux) iuvoquent à leur encontre la ttéglige1tce, l'imprévoyance ou l'incm·ie qu'ils aurai~nt commise dans leur controle, mais i! fa ut qu'ils puissent établir l' exis­tence d'un. (Jcte de dol ou de mauvaise foi Ott d'tttt fait constitutif d'ttn quàsi-délit.

C'est ainsi notamme1tt,. que la 1:esp~nsabilité des délégués que les comman- · ditah·es ont choisis pour exet·cer leur droit de controle est susceptible ·de se trouver engagée, att regm·d 'des créanciers sociaux, non pas en vertu de l'arti­cle 27 du Code de commerce, mais par application de· l'article I382 du Code civil, lorsqtte ceux-ci ont, en deltors de leut·s fonctio1zs de sttt"Veillmtce ét des

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JURISPRUI:'ENCE 109

actes autorisés par !'art. 28 du Code de commerce, usé de leur influerzce sut· Ie gérant pour lui faire prendre, au tzom. de la société, des engagements dont celte-ei n' était pas tenue ( ert l' espèce la· prise etz charge dtt passif d'une société mitét·ieure) et qui ont pesé dès !'origine, sur la trésorerie et ottl étJ l'une des cattses de sa déconfiture.

Il en est de même lorsque, sortant du cadre de leur mission, les délégués des commanditaires ont, pom· éviter des poursuites pénales contre Ie gérant démission'naire, coupable d'avoir disposé des titres de plusieurs. clients et déjà débiteur de sommes importante-s pl'is l'initiative, sans en référer -au pt·éa{able aux commmzditai1·es, de lui cottsentir de nouvelles avances qu'il n'a pas rem­boursées.

De même, la responsabilité des commanditaires est $USceptible ·de se t1·ouver engagée lorsqu'ils ont signé en même temps que les garants un m·ticle de presse destiné à mnimer la confiattee des déposants et à faire cesser les relmits de fmzds, en laissant entendt·e qu'ils soutenaient la banque et qu'utte suspension .de paiements n' était pas à cr(lindre, càr, si tme mise au point s'imposait, elle ne pouvait êtt·e que Ie fait des gémnts. Toutefois et bien qu'tme telle initialive constitue à la fois un acte d'immixtimz au re gard des. Iiers, et utte faute dflns

.les termes de l'article IJ82 du Code civil, poter que les commandit~ires puissent être_ cottdamnés à d~s dommages-intérêts, il est tzécessaire que cette publicité incrimin.ée ait été corzstitutive d'un préjudice et qu'une relation de cause à ~ffet existe etztr~ .z'immixtion ou la faute et le ptéjudice.

Par ailleurs, Ja responsabilité des délégués des commanditaires ne saumit être mise en jeu par Ie syndic, à raisott des négligences qu'ils auraient commises dans l' exet·cice de leurs fonctions, cm· ces délégués, mandatair es à titre gt·atuit, n'avaient à exercer leur missiott que dans l'intérêt. des commanditaires. Au su1·· plus, alors même qu'ils eussent pu apporter plus de diligenc~ dans leur cotztrole, ils · se t1·ouvent exonérés. de toute responsabilité lorsque Ie résultat n' eût pas ~té différent s'ils avaient mieux exet'cé leur mission et que la situation a éié compromise par les agissements du gérant, agissements que, seule, une persomte avisée eût pu déco.uvrir. Dmzs ces conditions il y a dorzc lieu d' écarter purement et simptement l'action oblique exercée pm· Ie syndic e11. vertu de l'art. n66 du Code c,ïvil, sans avoir à statuer sur sa recevabilité.

La Cour, Attendu que, par actes des 22, 26 et 28 décembre 1923, reçus par Me Monta­

gneux, .notaire à Vienne, il fut créé dans cette ville sous la dénomination Socié.té de Beauregard, et la raison sociale Poitrasson, Chabert et Cie, une société ayant pour objet Ie commerce de banque et toutes négociations s'y rattachant, que cette société était constit~ée entre, d'une part, Poitrasson et Chabert, comme associés en nom · collectif et gérants. et, d'autre part, 35 personnalités connoes du monde des affaires, en qualité de simples commanditaires; que Ie capita! était d'un million, souscrit à concurrence de 100.000 francs par les deux gérants, et de 900.000 francs par les commanditaires; que sa durée était fixée à 15 années,

à partir du Ier janvier 1924;

Attendu que, par acte passé devant Ie même · notaire Ie 19 janvier 1924,

Chabert cédait à cette société son fongs de commerce de fmnque pour Ie prix de 5000 francs et que Ie 21 mars suivant, Vial, liquidateur d'une Société Clm·et

N° 3924

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110 JURISPRUDENCE

et Cie, lui cédait également, avec jouïssance rétroactive du Ier janvier 1924, Ie matériet et l'agencement des locaux ou la Société Clm·et et Cie était établie et ou elle avait ouvert une banque, Ie . droit au bail de ces locaux, l'enseigne et la dénomination « Banque de Be~uregard », pour Ie" prix de so.ooo fr. outre paiement des frais de liquidation, évalués par l'enregistrement à. 3000 francs;

Attendu qu'aux termes de l'article 8 de l'acte constitutif ·d·e la Société Poitras­son, Chabe1·t et Cie, il était stipulé que si les commanditaires voulaient, à un moment donné, exercer leur· droit de controle et prendre . connaissance des livres sociaux, ils devraient s'entendre pour déléguer à bet effet l'un ou deux d'entre eux, lesquels pourraient s'adjoindre- un comptabl~ de leur choix; qu'au mois de février 1924, les commanditaires désignèrent Joseph Silvestre et Gustave Diederichs comme délégués; que ce dernier n'exerça, en fait cette fonction que pendant un an environ, alors que Silvestre en restait seul chargé jusqu'au II juillet 1930, date à laquelle de Morangies lui fut ad joint; qu'aucune rému­nération n'était prévue pour les controleurs;

Attendu qu'après des vicissitudes diverses, Chabert ayant remis sa démission

Ie 9 décembre 1924, la Société Poitrasson et Cie fut déclarée en état de liqui­dation- judiciaire Ie I6 février 1932, convertie par la suite en faillite;

Attendu que, par exploit du 7 décembre 1932, Ie syndic Vasserot-Merle assigna devant Ie Tribunal de commerce de Vienne Silvestre, Diederichs et un s-ieur Vaganay, ·en réparation du préjudice causé aux créanèiers par des actes qui auraient ~ngagé leur responsabilité; que de Morangies fut assigné aux mêmes fins, par exploit du 9 décembre suivant; qu'un créancier, Ie sieur Bertrand, assigna également Silvestre et Diederichs en· paiement de Io.ooo francs; que les sieurs Trémeau intervinrent dans l'instance, qui avait été reprise par Nivel, remplaçant Vasserot-Merle comme syndic;

Attendu que, par jugement du 7 juillet 1936, Ie Tribunal, joignant les instan­ces, a déclaré irrecevable l'actiori Bertrand, irrégulière et irrecevable l'inter­vention des sieurs Trémeau, mis hors de cause Vaganay et de Morangies, et prononcé contre Silvestre et Dieder.ichs une condamnation solidaire· ari verse­ment de I.66o.ooo francs, outre les. dépens; que ceux-ci ont régulièrement relevé appel de cette décision et que Nivel,. ès qualités, a, de son coté, formé appel incident;

Attendu que l'action est basée à la fois sur les di.spositions de l'article 27 du

Code de commerce, 1382 et 1383 du Code civil et_ u66 du même Code; qu'il y. a lieu d'examiner successivement les· griefs qui sont articulés contre les appe­Iants de ces divers chefs, après avoir tout d'abord dégagé les principes . juridi-

. ques en la· matière;

Attendu que · l'article 27. du Code de commerce dispose que I' associé comman­ditaire ne peut faire aucun acte de gestion, même en vertu d'une procuration; que l'article 28 prévoit les sanctions attachées à l'inobservation de cette pres­cription et précise que les avis et· conseils, les actes de controle et de surveil­lance, n'engagent pas eet associé;

Attendu que la prohibition de l'article 27 a été instituée dans l'intérêt des tiers, vis-à-vis desquels il importe d'éviter toute équivoque sur la qualité de cel ui a vee lequel -ils traitent et sur 1' étendue de la responsabilité qu'il peut

encourir;

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JURISPRPDE:'{CE lll

Attendu toutefois qu'une distinction s'impose entre les actes de gestion inté­

.rieure et e:xtérieure; que les premiers, qui n'ont pas pour eHet de mettre Ie

.commanditaire en rapport avec les tiers, ne sauraient, en principe, être prohibés, mais qu'il en .est autrement pour les seconds, qui ont un caractère tout diffé­

rent; qu'en effet Ie commanditaire apparaît alors comm.e représentant la société et se comporte en réalité comme un véritable associé en nom collectif, en sorte que ses agîssemtmts sont de nature à faire croire aux tiers qu'il avait, en fait, cette qualité;

Attendu, sur la faute, que si, pour les sociétés en commandite par actions, Ie législateur' a exigé l'institution d'un conseil de surveillance, il n'en est pas de même en cas de commandite simple; que ·te conseil de surv~illance, même prévu par les statuts, est institué dans Ie seul intérêt des commanditaires ; que ses membres sont les mandataires de ceux-ci; que pour que les articles 1382 et

· 1383 du Code civil ·lui soient applicables, il fa ut· que l'action· en responsabilité dirigée par Ie syndic de la faillite ne soit pas fondée sur la négligence, l'impré­voyance ou Fincurie dans leur· controle, mais qu'il. soit allégué à leur encontre un acte de dol, de mauvaise foi ou un fait constitutif d'un quasi-délit;

Fait Clm·et :

Attendu qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, Ie liquidateur de la Banque Clm·et qt Cie a cédé à la Société Poitrasson et Cie, Ie fonds de commerce de C'ette banque; que Silvestre, commanditaire de celle-ci, avait été chargé, en même temps que Vaganay, d'en provoquer la dissolution; que, devenu également commanditaire de la Société Poitrasson Chabe1·t et Cie ~t chargé du controle par les aut~es commanditaires, il lui est reproché d'avoir fait supporter par la nouvelle société le passif de la liquidatien de la précédente;

Attendu que Silvestre prétend que Ie remboursement par subrogatio~ des déposants de la Bauqtte Clm·et et Cie était une condition de la ·cession du pas de porte de celie-ei à la Société Poitrasson, C habert et Cie; qu'il est bien cer­tain. que, si ce fait était établi, sa responsabilité ne saurait être engagée;

Attepdu qu'aucune preuve n'est rapportée sur les pourparlers qui ont pu

avoir lieu au moment de la constitution de la n()uvelle société; que l'acte de cessiqn du 21 mars 1924 est muet sur cette condition; qu'il est seulemènt précisé que les frais de la Üquidation de la sociéttf dissoute seroot pris en charge piu la Société Poitmsson, Chabert et. Cie, ce qui n'implique pas Ie remboursement par subrogation des déposants; que c'est seulement en juin 1924 que Poitrasson adr:essa à l'agrément de Silvest~e et à Vaganay un projet de lettre et que c'est

Ie 5 juillet 1924 qu'il leur écrivit : « Comme suite à votre demande, nous avons Ie plaisir de vous. confirmer que, dans Ie but de vous être agréables, et bien que n'y étant nullement tenus, nous prenons l'engagement de faire au

liquidateur de la Société Clm·et et Çie toutes les avances qui lui seront néces­saires pour lui permettre ·de rembourser intégralement les comptes de dépot,. c'est-à-dire que nous paierons par subrogation tous ces comptes prenaQ.t vis-à-vis de la liquidation les lieu et place des déposants. En aucun cas, cette lettre ne pourra être invoquée à notre égard par la Société Clm:et et Cie elle-même, elle n'a d'autre but que de vous assurer personnellement que nous rembourserons

par subr~gation tous les comptes de dépot de la Société Clm·et et Cie. »

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112 JURISPRUDENCE

Attendu q·ue cette lettre est capitale, qu'elle indique nettement qu'aucun enga.

gement ferme ri'avait été pris antérieurement; que cette opération n'était con7

sentie que pour être agréable à Silvestre et à Vaganay; qu'elle devait' rester entre eux et que la Société Poitrass01t, C hábert et Cie n'y était nollement tenue; qu'il ne saurait clone être prétendu, en présence de termes aussi clairs, que ce remboursement était une condition de la cession; que Silvestre soutient, il. est vrai,_ qu'à !'assemblée des commanditaires du 16 mars 1936, Poi~rasson aurait déclaré notamment : « Nous voUs parierons tout d'abord de la .liquidation Claret,

qui a constitué les conditions de notre pas de potte » ; que cette allégation est manifestement contrai~è à la réalité des faits, tels qu'ils sont relatés dans la lettre précitée, et qu'elle ne pouvait avoir pour but que de justifier aux yeux des commanditaires Ie fait accompli; qu'en décider autrement serait enlever toute portée à cette lettre, qui explique sans équivoque possible, les conditions dans. lesquelles Ie remboursement des déposants est, en fait, pris en charge par la nouvelle société;

Attendu que Sllvestre prétend également que l'engagement était pris vis-à-vis

de Vaganay et de lui, en _leur qualité de commanditaires de la Société Clm·et et Cie, société dissoute, mais qu'il ne faut pas perdre de vue que Silvestre était en même temps commanditaire et controleur de la Société Poitrasson et Cie ,· qu'on comprend très bien l'intérêt que Poitrasson avait de Ie ménager, et qu'on peut dire, sans crainte. de se tromper, qu'il ri'eût jamais pris un engagement qui devait, par la suite, apparaître comme désastreux pour la nouvelle société et qui, même à l'époqu~ ou il a été pris, présentait tout de même des risCJ,ues, s'il n'avait voulu, ainsi qu'il Ie déclare, être agréable à Silvestre notamment; qtle l'intervention de celui-ei a été déterminante;

Atten~u q"Qe la responsabilité de Silvestre ne saurait être engagée .en vertu de I' artiele 27 du Code de commerce; qu'il n'y eut, en effet, aucun acte connu des tiers et de nature à leur faire croire que Silvstre agissait comme un véritable associé, mais que cette responsabilit~ découle des dispositions des articles 1382

et 1383 du Code civil; que. Silvestre," en effet, a, e~ deho~s de ses fonctioris de surveillance et des actes autorisés par l'article 28 du Code de commerce, com­mis un acte quasi délictuel; qu'il est évident que 1' engagement souscrit par Poitrassori était gros de risques pour la nouvelle société, ainsi que les événe.· ments l'ont montré; qu'étant donnée la situation que Silvestre avait dans celle­ci, il devait s'abstenir de toute tractation de nature à lui causer un préjudice; qu'il ne saurait dédoubler sa personnalité, et que c'est en usant de cette qualité dans la Société Poitrasson et en abusant de son influence sur Ie gérant, qu'il a pu obtenir un engagement aussi favorable .aux intérêts des déposants de la Battque C lar ei et aussi dommageable pour ceux de la nouvelle société, sacri­fiant ainsi les secouds aux premiers; que ce faisant, il a commis une faute grave dont il est tenu de réparer les conséquences; qu'il ne saurait alléguer qu'il ne pouvait prévoir les mécomptes qui se sont produits dans Ie recouvrement des créances de la Qanque Clm·et ,· qu'il s'agit là d'un fait bien prévisihle, et qui ne devai't pas échapper à sa perspicacité d'homme d'affaires ayerti; que cette situa­

tion a pesé, dès !'origine, sur la trésorerie de la société et a été l'une des causes

de sa déconfiture.

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113 JURISPR UDEN CE

Fait Chabert.

Attendu que, peu de temps après son entrée dans Ia société, Ie cogérant Chabert s'était fait consentir par cellt:·ci une ouverture de crédit, gagée sur ses créances pour le·s besoins de la liquidation de sa banque personnelle; qu'il

fut 'ensuite révélé que Chabert avait. disposé de ti tres à lui confiés par certains . de ses clients; que Poitrasson mit alors Silvestre et Diederichs au courant . de cette situ~tion, et que ceux·ci I'invitèrent, Ie 28 novembre 1924, à cesser toute aval:\ce nouvelle à son . cogérant; qu'ils firent comparaître Chabert devant · eux et qu'un accord intervint, aux termes duquel celui-ei reniettrait sa dém~ssion sous la double condition qu'il demeurerait comme simple employé pendant une période de neuf mois pour lui permettre de chercher une autre situation, et qu'un crédit de 150.000 à I8o.ooo francs Iu~. serait consenti pour régler les exigi­bilités qui pourraient se produire du fait de son départ, moyennant quelques garanties; qu'en outre, sa démission entraînait quitus de ·sa cogestion;

Attendu que Ie compte de Chabert à la Société Poitmsson et Ci'e s'étant trouvé deficitaire de plus de I I/2 million, · Ie syndic se retourne aujourd'hui contre les appelants pour en obtenir Ie paiement; que, sur ce point encore, la respol).s.abilité de ceux-ci ne saurait être engagée en vertu des dispositions de

I'art. 27 du Code de commerce; que ces faits se sont passés dèrrière Ie~ tiers, auxquels, d'ailleurs, il était du plus grand i!ltérêt de· les cacher, mais que cette responsabilité découle de l'art. 1382 du Code civil dans les Iimites qui seroot ultérieurement précisées;

Attendu, en effet, que si les délégués des commanditaires peuyent révoquer un gérant, il leur ·est interdit de dépasser Ie. cadre de leur mission, ainsi que

. les appelants l'ont fait; que, ce faisant, iis ont commis des actes quasi délic· tuels, qui engagent leur responsahilité personnelle et ont été une souree de préjudice pour la masse des cré;nciers;

Attendu qu'il est étabii par les doeurneuts versés aux débats que, dès qu'ils eurent été mis au courant de Ia situation fileheuse de Chabert, S~Ivestre . et Diederichs ont pris eux-mêmes Ia direction des pour~arlers avec celui-ci, don­nant l'ordre à· Poitrasson de cesser toute avance nouvelle et se réservant d'exa­miner les rtSclamations des clients de l'ancienne B{mque Chabert et Cie, au cas ou il viendrait à s'en produire; que ce sont eux qui ont pris I'initiative de consentir à Chabert un nouveau crédit d' environ . I6o.ooo francs · insuffisamment garanti; que la prudenee la plus élémentaire leu~ commandait, au contraire, de s'abstenir de toute ingérence de cette nature,· en dehors de Ieurs fonctions de surveillance; que s·i, ainsi qu'ils Ie prétendent, ils ont agi de cette façon pour éviter Ie retentissement faclieux qu'aurait pu avoir sur l'esprit de la clientèle de la société une poursuite pénale contre l'un des gérants, ce souci, si Iégitime · qu'il puisse apparaître; ne les autorisait pas à dispos er des fonds de Ia société, ce qui · excédaît leurs pouvoirs; qu'ils eossent dû en référer immé­diatement aux commanditaires et prendre avec eux, Ie cas échéant, toutes dis­positions pécuniaires en vue de parer à cette situation; qu'en tout cas, ils doi­vent être déclarés responsables de la perte de ce chef;

Attendu que Ie syndic réclame également leur condamnation à la totalité du passif du compte Chabert et que les premiers juges ont fait droit à cètte

demande;

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114 JURISPRUDENCE

Attendu qu'une ouverture de crédit de soo.ooo francs avait été consentie à Chabert, Ie 15 septembre 1924, par Poitrasson, agissant en qualité de cogérant de la société; que cette ouverture de crédit paraît même avoir été dépassée lorsqu'en novembre suivant Silvestre et Diederichs ont été införmés de la situa­tion de Poitrasson; que c'est donc seulement à cette date que ceux-ci sont intervenus et qu'on ne peut leur faire grief de ce qui s'était passé auparavant;

Attendti qu'il leur est, il est vrai, reproché d'avoir donné à Chabert quitus de sa gestion; que·les appelants prétendent que ce quitus ne s'appliquait, qu'à la gestion. du cogér·ant, ma is nullcment à · ses dettes vis-à-vis de la société; qu'on peut objecter que Ie fait, par un gérant, de s'être fait ouvrir un compte avec des garanties insuffisantes constitue de sa part une faute qui eût piJ. jus­tifier plus de réserves et· plus de prudenee dans la délivrance d'un quitus,' mais qu'en fait, qu'il y eût quitus ou -non, la situation demeurait la même; que Chabert, totalement lnsolvable, restait débiteur. de sommes élevées et que les créances qu'il avait remises en garantie de son ouverture de crédit s'avéraient ~'une solidité des plus douteuses, · ainsi que, d'ailleurs, l'avenir l'a démontré;

Attendu, en conséquence, que Silvestre et Diederichs ne sauraient être temilii pour responsabie de la totalité du déficit de Chabert et que leur responsabilité se trouve limitée à l'assistance financière qu'ils ont, de leur propre chef, .con­sentie à Chabert, aux frais de· la société, au mois de décembre 1934, à moins qu'il ne soit établi qu'à partir de cette époque d'autres avances lui aient été accordées avec leur autorisation;

Artiele de ·presse:

Attendu qu'en octobre 1926, un nouvei incident se prodi.tisit dans l'existtmce de la Banque Poitrasson, qui fut l'objet d'une campagne de presse mettant en doute s.a solidité; que d'import~mts retraits de' fonds se produisirent au point de menacer l'existence de la. société; que les commanditaire.s se réunirent Ie tJ. no­<vembre 1926, sur convocation de Silvestre, de Diederichs et des gérants; qu'il y ,fut, à l'unanimité, décidé qu'il y avait lieu pour -eux d'épauler de t011tes leurs forces la banque, tant moralement que pécuniairement, de remettre d'imJ?or­tantes sommes cl'argent, d'insérer dans les grands quotidiens de la· région et de publier, si besoio était, par voiè d'affiches, . l'article suivant : «En raison de certains bruits · tendancieux dirigés . contre les banques locales de la plac~ de Vienne, ·tes commanditaires. de la Ba11que Poitrasson et Cie font savoir qu'ils ont toute satisfaction de la· géran~e de leur maison et que la situation de la banque s'est acquise une place au-dessus de toute insinuation malveillante. Ils s'associent aux géra.nts pour remercie~ leurs nombreux clients de la confiance qu'ils lui ont · tonjours témoignée et pour les informer que, comme par Ie passé, leurs fonds et dépots libres restent à leur entière disposition et pouri'ont leur être remboursés à guichet ouvert » ;

Attendu que eet arti~le, paru dans la . pres se régionale, suivi • des ooms des commanditaires et même de ceux de deux autres personnalités de Vienne, eut pour effet de faire cesser les rètraits de fonds massifs et la banque reprit son

exploitation normale;

Attendu qu'il ne paraît pas douteux qu'une telle lnitiative; de la part notam­. ment de Silvestre et de Diederichs, constitue un acte . d'immixtion au regard

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JDRISPRUDENCE 115

des ti ers; que, s'ils indiquaient leur qualité, ils laissaient aussi entendre, sans équivoque possibte; qu'ils soutenaient la banque et qu'une suspension de paie­ment n'était pas à_ craindre; que, si une mise au point s'imposait, elle ne pou· vait êtr-e que Ie fait des gérants ; que même en dehors de c~tte infraction aux prescriptions de l'article 27 du Code de co'mmerce, il semble qu'ils engageaient leur responsabilité dans les termes de l'article. 1382 du Code civil, en laissant croire au. public que les indications , qu'ils fournissaient ainsi étaient la consé­quence d'un examen attentif de la situation, alors ·qu'au contraire, il résulte des différentes expertises auxquelles il a été procédé qu'à cette époque déjà. la Bm1que Roitrasson et Cie se trouvait en face d'un déficit important;

Attendu toutefois qu'il ne suffit pas qu'un acte d'immixtion ou une faute aient été commis; qu'il faut, en oiltre, qu'il soit démontré que ces acte!i aient été constitutifs d'un préjudice et qu'une relation de caU:se ~ effet existe entre

'l'immixtion on la· faute et Ie préjudice; que, dans l'espèce, la preuv~ n'en est pas suffisamment rapportée; qu'elle ne résulte. ni d'une procédure correction· nelle régulièrement versée aux débats, ni des éléments de la cause;

Attendu, en effet, que c'est seulement en 1932, c'est-à-dire près de six ans plus tard, que la banque a déposé son bilan; que Ie . syndic prétend, par voie d'appel incident, rendre Silvestre ·et Diederichs solidairement ,responsables du passif, 's'élevant à cnviron 12 millions; qu'il n'établit pas les éléments de ce passif qui ont . pu être la: conséquence de l'article de presse incriminé; ni les dettes et. engagetl.lents qui en sont dérivés; que si la situation de la banque s'est, par Ia suite, révélée aussi déficitaire, cela tient aux agissements d~lictueux de Poitrasson et aussi · aux conséquences de la crise économique qui a, sévi à cette époque; qu'on ne saurait rendre Silvestre et Diederichs responsables de èes faits; qu'il est bien certain 11ue si, en 1926, la banque eût dû suspendre ses paiements, ils eussent pu, à la suite de lèur intervention, être déclarés respon­_sables du déficit existant alors, inais qu'on ne. peut les condamner à réparer 'un préjudice qui dépènd d'autres causes et ne s'est produit que ph1sieurs atmées plus tárd, alors surtout qu'il n'était p~s prévisible; que l'influence. que l'article inséré ·dans' la presse a pu exercer sur les clients de la banque n'est pas suffi·

· samment établie et qu'on ne peut dire, en outre, avec certitude, qu'il · ait con· tribué à la ruine de celie-ei;

Sur les autt·es griefs articulés par les sy1tdics : Attendu que, sur ces chefs, l'actîon du· ·syndic est· basée sur les dispositions

des · artiel es 1382, 1383 et n66 du Code civil; Attendu, stir les articles 1382 et 1383, que Ie syndic reproche aux appelants

un -certain nombre de fautes, tirant leur origine des négligences qu'ils auraient commis es dans leurs fonctions de ïiélégués des .. commanditaires; Attend~ que ·silvestre et Dieqerichs étaient mandataires à titre gratuit; que,

dans une société en commandite simple, ces délégués, à la différence des mem·. bres du conseil de surveillance des sociétés en commandite par actions, ne sont que les mandataires des commanditaires et n'assument pas, au regard des tiers, l'obligation de controler le.s affaires sociales, leur mandat ne devant s'exercer que ·dans l'intérêt exclusif des commanditaires;

Ma is attendu q~; en fait, même si les · appelants- eus~ent pu 'apporter pÎus de diligence dans leur controle; il est douteux que les résultats eossent été diffé~

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116 JURISPRUDENCE

rents; qu'il ne faut pas p~rdre de vue qu'ils avaient eu recours, d'abord à la Société fiduciaire de France, · et Silvestre seul eosuite à un comptable qualifié pour les éclairer; qu'il faut également' tenir compte de ce fait important que la situation de la banque a été compromise par les agissem.ents de Poitrasson, _ qui tenait une comptabilité occulte et s'est livré à des actes délictueux et qui ont été sanctionné~ par la juridiction répressive; que ces faits avaient échappé aux- comptables chargés de. la vé.rification, Poitrasson ayant mis en reuvre tous les moyens pour dissimuier cette situation à l'aide de co~ptes occultes; qu'il eût fallu un spécialiste ~articulièrement avisé pour les découvrir, et qu'on ne peut faire grief à des mandataires exerçant industrieHement leurs·,. fonctions, o~cupés en outre par des affaires industrielies extrêmement importantes, de ne pas s'être montrés plus perspicaces; qu'on ne saurait donc, en se basailt s1,1r les articles 1382 et 1383 du Code civil, retenir, sur ces chefs, leur responsabilité;

Attendu, sur l'actino oblique de l'a.rticle n66 du Code civil, que, sans avo'ir' à statuer sur sa recevabilité, dans l'incertitu~e ou l'on se trouve sur Ie point de savoir si elle aurait été ou non soulevée en première instance, ~I· y a lieu de I' écarter; que si Ie syndic peut exercer une action contre la sociét~, et si celie-ei en . a également une contre les comm::j.nditaires, l'.action du syndic est basée ~ur Ie défaut de controle des délégués, qu'il vient d'être répondu sur ce point qu'étant. donnés Ie caractère de leur mandat et les difficultés qu'ils. ren­contrai~nt dans leur mission, il n'est pas suffisammént établi qu'ils aient com­mis des fautes autorisa~t leurs mandants à se retouroer contre eux, et que les mêmes arguments que précédemment sont de nature à les décharger de toute responsabilité de ce chef;

Sur ·Ie préjudice :

Att~ndu que les parties ne sont d'accord ni sur îe montant du passif Claret, ni sur celui de !'ouverture de crédit consentie par les appelants Chabert, déduc-, tion faite des sommes provenant de la réalisation des gages remis par celui-ei en contrepartie de cette ouverture de crédit; que la Cour n'a donc pas les élé­ments. suffisants pour statuer sur les réparations qui petiVent être mises à la charge de Silvestre et de Diedérichs, et qu'il y a lieu de' recourir à une exper­

tise;

Par ces motifs,

La Cour reçoit en la f.orme, Silv~stre et Diederichs, appelants, et Nivel, ·ès qualités, iocidemment appelant du jugement rendu Ie 7 juillet 1936, par !e Tribupal de commerce de Vienne; - au fond, fait partiellement droit à I' appel principal et rejette, comme mal fon~é, I' appel incident; - dit et juge que Silvestre est tenu, aux termes des dispositions des articles 1382 et 1383 du Code civil, de ·réparer Ie. préjudice subi par la masse des créanciers, à raison du passif Claret, et confirme, sur ce principe, . Ie jugement entrepris; - dit et juge que Silvestre et Diededchs sont tenus, ~n vertu des mêmes textes, de réparer Ie préjudice subi par la masse des ctféancièrs, en· raison de la faute

qu'ils ont ~otiunise en ouvrlmt, à _ partir du mois de déceJ;Dbre 1924, un crédit à Chabert, et confirme, également de ce chef, la décision frappée d'appel;

l'infirme en ce qu'elle a mis à leur charge tout Ie surplus de ce passif;

- rejette, comme mal fondées, toutes autres ou plus amples fins, demandes et

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JURISPRUDENCE 117

conclusions des parties, les en déboute; - et, avant de statuer sur Ie montant du préjudice, commet G. Boudillon, expert-comptable à Lyon, serment préala­blem~nt prêté, s'il n'en est dispensé par les parties, et sauf Ie droit pour cel­les-ei de convenir d'un autre expert dans les délais légaux, à l'effet, en s'.en­tourant de tous renseignements, à condition d'en préciser la: source, de reeher­eher : .. . (Ie reste sans intérêt).

Observations. - Le développement eonsidérahle do'nné par la

Cour de Grenoble à I' exposé des faits de la cause dispense de

longs commentaires sur les solutions données aux problèmes, d'une

part, de. la responsabÜité des commanditaires pour immixtion par

Ie fait Çle leurs délégués à la surveillance, cl' autre part de la res~

ponsabilité quasi délictuelle de ces délég~és mê~es, à ràison de

tautes personnelles.

Si, dans la commandite, I' engagem~nt des commanditaires est

limité à leur mise, c' est à, la condition formelle, qu'ils évitent d' en­

trer en relation directe avec les contraetahts ·de .la société, de se

camporter comme des représentants de celie-ei et d' exposer ainsi

les tiers à penser avoir affaire à des associés indéfiniment respon­

sables. Dans Ie cas de. l'espèce, cette taute d'immixtion avait été

commise non par .les cOmmanditairès mêmes, mais par des délé­

gués à la surveillance quïls avaient commis à leur place et dans·

leur intérêt. Les commanditaîres étaient, évide_mment, comme man­

dants, responsables des fautes de leurs délégués.

L' arrêt est, sur ce point, comme sur les applications de I' artiele

1382 C. civ. conforme à la doctrine et à la jurisprudence.

N° 3925. - Tribunal de commerce de Bruxelles (l3e eh.) . 29 octobre 1938.

~ièg. : MM. Brunard, vice-prés.; Lombaerts, référ.- Plaïd. : Mes Van Remoortel èt Servais, avocats.

( Fentmtd De Meur-Pau[ Demeur cj S. A. FILM A VOX.)

Société coopérative (art. 141 Iois coord.).- Cession de parts sociales à des tiers prévue aux statuts moyennant.autorisation du conseil d'administration. - Validité.

N'est pas 11ulle la société coopérative dont les statuts prévoient que les parts sociales petwent être cédées à wn ou des tiers, moyemtant l'auto1'isation du conseil d' administration.

Attendu que l'opposition est régulière en la formé et que sa recevabilite n'a

pas été contestée; Vu les articles 4 et 6 de la loi du 15 juin 1935;

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118 JURISPRUDENCE

Attendu que les opposants ne soulèvent aucune critique quant au montant des· sommes réclamées mises à leur charge P::tr Ie jugement par défaut en date. du 23 février 1938, produit aux débats en expéditipn enregistrée; .

Qu'ils déclarent que c'est à tort que Ie prédit jugement par défaut á dit pour droit que la société coopérative «La· Camera» était radicalement ·nolle; ,

Attendu que la demanderesse origl'naire cónclut à la nullité radicale de la société coopérative susdénommée à raison de ce que, en leur artiele 4, les statuts stipulent que les párts sociales peuvent être cédées à un ou des tiers, moyen­nant l'autorisation du conseil d'administration;

Que la demanderesse originaire expose que eet artiele 4 des statuts est en contradiction formelle avec Ie texte de l'arti~le 141 de la loi sur les sociétés (ancien artiele 115), qui _range l'incessibilité des parts à des ti ers par mi les trois caractères essentiels des sociétés coopérative~ i

Attendu que l'incessibilité des parts à des tiers est un des signes distinctifs de la société coopérative; M. PIRMEZ et les auteurs de la loi l'ont proclamé à djverses reprises, au- cours des discussions auxquelles la loi a donné lieu;

Que cette règle se conçoit d'ailleurs parfaitement, la société coopérative étant essentieHement et avant tout une société de personnes, des tiers ne pouvant, sans autorisation de la société, être substitués à des associés;

Que ceux-ci, en effet, ont été ad mis au· sein de I' être moral, soit en raison de leur personnalité, soit, peut-être, en raison de leur solvabilité (RESTEAU, Traité des Sociétés. coophatives, 2e édition, n° 152);

Qti'il est de doctrine et de jurisprudence constante que si une société coopé­rative, malgré 1~ défense de I'árticle 141 (ancien artiele 1~5) de la loi, autori-. sait par ses statuts la cession des parts à. des tiers, ellc serait nolle comme n'ayant pas un des caractères essentiels et distinctifs de la société coopérative (Revue pmtique des sociétés, I897, p. I58; - Civil Charleroi, 12 mai 1900, Revue pmtique d~s sociétés, 1901, p: 52; - Appel Bruxelles, 2·1·1902, Pas., Il, p. 302; - Comm. Brux., 24·2·1908, Revue pratique des sociétés, p. 189; -Comm. Brux., 8-2·1906, JU1·. comm. Brux., 1906, p. 230; - Comm. Brux., 6·7· 1912, Jur. comm. Brux., 1912, p. 436; - NOVELLES, Dt·oit commercial, t. lil, no 3598) ;

Que la cessibilité prévue aux statuts entraîne la nullité de-·la société (Etude de CORBIAU, R ev. prat. des sociétés, 1905, nos 1627 et 1633) ;

Attendu qu'il résulte 'des attendus qui précèdent, que ce que la loi sur les sociétés coopératives pröhibe c'est la cession pure et simple et sans condition des parts so~iales, fût-elle admise ou autorisée par les statuts;

Qu'il échet, cependant, d'examiner si cette prohibition de céder les parts à des tiers est absolue, malgré Ie texte précis de l'article ,141, et si cette c.ession n'est pas possible avec l'autorisation de la société, si· elle emporte retrait d'un associé et agréation du tiers comme ,nouve.au membre;

Attendu qu'il est étabÜ _en la cause que. la société « La Camera» a été con· stituée sous forme de société coopérative, Ie 15 octobre 1935, sui'vant acte paru au « Moniteur » du 20 novembre 1935, sous Ie ri0 15148;

Qué·l'article 4 des statuts· stipule que «les parts sociales peuvent être cédées à un ou des tiers, moyennant l'autorisation du ~onseil d'administration »;

Qu'il échet égalem~nt de souligoer que les st~t~ts. prévoient en leur artiele 6

N 6 3925

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JURISPRUDENCE 119

que · l'admission d'un nouveau membre doit être faite par demande adressée préalablement au conseil d'administration;

Attendu que lors des · discussions parlementaires,- Ie rapporteur M. PIRMEZ s'exprimait ainsi : « 11 faut bien nous entendre. Nous 'considérons que toute pession est interdite dans les sociétés coop~ratives; mais rien n'empêche qu'il y ait retraite d'un ancien asso-cié et admission d'un nouvel associé convennes entre eux. L'associé ne doit pas pouvoir .céder son droit sans l'intervention de la société; mais s'il veut convenir, soit avec un associé, soit avec un tiers qu'il se retirera pour lui céder sa plac~, la· société pourra admettre la retraite de l'un et l'entrée de l'autre et consacrer la substitution de l'un à l'autre; c'est çe qui se passe tous les jours dans les sociétés d'agrément. 11 n'est pas permis, dans ces sociétés, de céder ·son droit, niais . d~s membres se retirent, d'autres ent~ent, et Ie persounel se modifie sans qu'il y ait cession. Je crois clone qu'il faut ~ainteriir strictement Ie principe qu'il n'y a de cession possible. Mais je .crois aussi qu'on peut autoriser des cessions sans s'exposer au danger que l'ho­norable M. JOTTRAND redo~te. Seulement, au Iieu de la cession directe, ii faut,· ce qui est de !'essence de la société coöpérative·, l'autorisation pour Ie retrait ~t: l'admission » ·;

M. BARA donna aussi son avis sur l'intéressante discussion qui avait surgi · entre M. PIRMEZ et M. JOTTRAND et il Ie fit en ces· termes caractéristi­ques : « L'honoral:ile M. PIRMEZ dit que les parts sont incessibles; mais, au fond, elles sont cessibles. 11 suffit que Ie cessionnaire se fasse admettre dans la société. C'est au fond· une ~ession s~us la condition de se faire admettre dans la société. >>.

Au Sénat, l'article IIS (141 nouveau) fut commenté de la même façon par Ie rapporteur, M. SOL VYNS : ·«Les sociétés coopératives, disait-il, sont des sociétés de persounes et non des sociétés de capitaux. Elles ont pour signes distinctifs la variabilité dans Ie nomore des associés et dans Ie 'capita!, ainsi que l'incessibilité des parts d'intérêts à un tiers. Cette incessibilité est nécessaire afin que la société coopérative ne devienne pas une société de spéculation. Tou­tefois, elle ne semble pas être un signe réellement distinctif de la société. coopé­rative. La part d'intérêts, tonjours cessible d'associé à associé, n'est pas, en effet, incessible à un ti ers. Elle . est cessible à une condition qui est 1' admission du tiers dans la société. »

Faisant suite à ces discussions parlementaires, RESTEAU souligue qu'ii y eût unanimité parmi les membres de la Iégislature pour prociaroer qu'un asso­cié peut céder sa part à un ti ers, pourvu qu'il remplisse les. formalités pres­cri te~ pour pouvoir se retirer de la 5ociété et que Ie tiers · se soit fait. admettre dans la s~ciété. Peu importe'donc que la loi n'ait pas cru devoir reconnaître ce droit expressément; il fa :ut décider que ce droit existe inconte.stable.ment -(contra : Revue prat. des sociéÎés~ 1897, p. 158 : lncessibilité des parts sociales à des tiers est absolue et ne souffre aucune exception) ; .

Que c'est clone à tort que 'Ie Tribun!ll, statuant par défaut, a dit pour droit que la· société cooperative « La Camera » était nolle et que les opposants devaient être tenus comme solidairement responsabl~s des sommes qui pouvaient être does par cette société à la demanderesse;

Par ces motifs,

N° 3925.

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120 JURISPRUDENCE

Le Tribunal :

Ecartant toutes autres conclusions,

Revu son · jugement par défaut en date du 23 février 1938, enregistré;

Reçoit l'opposition eti la forme et y faisant droit, ·dit pour droit que la société coopérative <<.La. Camera>> ·n'est pas nulle; en conséquence, décharge les opposants des condamnations prononcées à leur charge en principal, intérêts et frais par l_e p~édit jugement par défaut;

Condamne .Ia demanderesse originaire_ aux dépens taxés à ce jour à soixante­six francs.

Observations. - La question de droit débattue en ce procès et tranchée par Ie: jugement ci-dessus, dans Ie sens de ce qu'il appelle

la cel?sibilité des parts sociales d'une l;lociété coop~i:ativ:e moyen~ant r autorisation statutaire du conseil . d' administration, est tme fort

ancienne question d' école dont l'intérêt n' est pas .épuisé, bien que

la rigueur pr~mière en ait été noyée sous les expédients de la pra­

tique jurisprudentielle.

Essayons de la ramener à ses termes premiers.

La société coopérative est, en droit beige, essentiellement une

société de personnes. Comme telle, la règle édictée dans I' art. 1 861

c. civ. lui est applicable : constituée en,tre ses membres fondateurs

(et ensuit<:i ceux qu'illeur ,PlaÜ .de s'adjoindre) sur la base de la

considération de la personne de chacun d' eux (intuitus pe_rSonae), la qualité de sociétaire et les droits -qui en dépendent, sont atta­

chés exclusivement à leurs individualités et non cessibles à des tiers,

non plus que transmissibles à cause de mort à des ayants-droit des

associés. Lorsque la mort ou la ·retraite volontaire vient mettre fin

aux rapports entre Ie sociétaire et la société, .c' est un lien individuel

qui se rompt entre ·eux et qui ·tombe au.néant. Lorsqu'un nouveau

I"\embre est admis, c' est un autre lien individuel qui se noue entre

Ie ~ouveau sociétaire et la société, lien sa:ns rapport avec Ie précê­

dent. Il en est ainsi, même· lorsque 1' entrée de l'un coïncide avet

la sortie de r autre ( com~e il se fait dans les sociétés à noinbre

fixe (numerus clausus), et même si Ie sortant a, quant à lui, coin­

biné, contractuellement, par un arrangement particulier, sa retraite

avec I' admission du néophyte. Cet arrangement particulier est

res inter alias acta au regard de la société : y étant restée étrangère

(par hypothèse), elle est fondée à l'ignorer officiellement, quand

bien même elle l' aurait connu officieusement.

Or, les conditions de retraite. des associés et de la liquidation

de leurs droits sociaux sont fixées par les statuts ou par la loi

N.· 39~5

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J URISPRUDENCE 121

{art. 145 et 146; anciens 118 et 11Y, et 153 .et suivants). Ces

dispositions statutaires et légales doivent être appliquées, d'une

façon indépen:dante à I' en trant comme au sortant .. L' arrange~ent particulier qui a· pu intervenir entrè eux est impuissant à empiéter

sur elles, ou à s'y substituer : n' obligeant .PaS }q: société, celie-ei

n' a pas à en tenir compte; ell~ doit appliquer la. loi et ses statuts

f.iU sortant ou à ses ayants-droits, comme elle ·Ie doit à I' en trant,

dont les conditions d' admission sont également fixées de la même

manière.

Telles sont, en stri_cte logique, les conséquènces du principe de

la pe'rsonnalité du lien social dans ce type .de société comme~ciale. Ce principe et ces conséquences se résument dans la règle dite de

lïncessibilité au~ tiers· des parts sociales de la société· coopérative. -

La part sociale du coopérateur est, ·en effet, représentative de sa

qualité de sociétaire et des droits personnels y attachés.

En prociamant -les parts sociales incessibles aux tiers, Ie légis­

lateur a entendu signifier, cert~s. que Ie titulaire de la part la p'os- .

sède dans son patrimoine, mais que, ne I' ayant ob tenue qu' en con­

sidération de sa personne, de même qu~ tous ses coassociés, il n'en

pourrait dîsposer à son seul gré, par cession qu' en faveur de ceux­

ci; n ne polirrait invoquet son droit patrimonia! exclusif sur sa part

pour prétendre, en la cédant à des tiers, imposer à la société I' in­

trusion de ceux-ci dans Ie cercle de ses membre·s, contre ~a volorité

ou sans Ie concours exprès de celie-ei : I' obligation essentiellement

personnelle qui unit les membres de la société ne sa,urait souffrir

pareille violence de la part d' aucun d' entre eux.

Aussi bien:, n' est-ce pas ce cas qui faisait· I' obj~t de la· vieille

question d' école que. nous évoquons. 11 s'y agit d'une ces~ion de

part sociale à un tiers, combinée avec ce tiers par un associé qui

se retire, de man~ère à substituer pureme~t e~ simplement ce- tiers

dans les droits d' associé, Ie substitué de celui-ei étant, a·u surplus,

personnellement agréé comme remplaçant par celui des organes .

• sociaux qui est statutairement qualifié à cette fin ( conseil d' ad­

ministration, par exemplc, ou assemblée générale).

En pareil cas, il n'est pas fait violence à la s~ciété de personnes,

puisqu'elle admet comme nouveau membre, intuitu persmue, celui

que ie sociétaire qui fait. retraite, s' est choisi comme. ·cessionnai~e. Mais ell~ I' accepte pprement et simplement comme substitué dans

les droits du sortant;. sans lui imposer les formalités ordinairès de

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122 JURISPRUDENCE

I' admission ( cotisation, etc.), pas plus qu' elle ne liquide selon les

formalités statutaires les droits sociaux de I' associé qui fait retraite.

Et c' est ici, précisément, que naît la difficulté do,ctrinale.

En effet, « il existe, comme le dit M. Ch .. RESTEAU dans son

Traité des société .coopératiV'es (2: éd., n'o 160, p. 17.2), une énorme

différence entre la co~binaison autorisant la cession de part, à condition que Ie cédant remp~isse. les formalités présentes pour

. pouvoir se retirer de la société et· que Ie cessionnaire se soit fait

admettre dans la société et I' agréation purf et simple d' un nouveau

membre et Ie retrait pur et simple d'un ancien associé ». L'auteur

explique cette différence en ces termes (n° 1 5 8) :

« I1 • importe de bi en comprendre la situation et de ne pas la

confondre avec Ie départ d'un associé. L'hypothèse que nous envi­

sageons 'est tout autre. c· est une démission et une agréation, com­

binées, inséparables; c' est la substitution d'urr associé nouveau à un associé ancien qui disparaît.

» Là question a une très grande importance pratique. En effet,

sïl s'agit d'une démission et d'une ~gréalion pures et simples, les

,intérêts pécuniaires des parties se règleront de la manière. suivante :

T associé démissionnaire touchera Ie montant de sa part sur Ie pied I , . .

du bilan, de I' année sociale, conformément à 1' artiele 1 2 6 ( actuel-

lement 1 5 3), et I' associé admis payera. à la société les somme's

qu'elle lui réclamera en e:X.écution des ·statuts et des' conventions

sociales. >> Au contraire, s'il s'agit de la substitution d'un asso~ié à un

autre, la ~oci~té n' aura ~ien à débourse~ au profit de I' associé qui

se retire, pa~ plus qu~elle ne pourra réclamer une somroe quelcon­

que à l' associé entrant. Celui-ei aura à payer à I' associé auquel

il succède, Ie prix de la cession conven u d' avance entre-eux; la

sodété n' a rie~ à voir dans ·leurs conven ti ons p'articulières. » La question est döhc de savoir si I' opératioh · de cession ain~i

décrite ·est compatible, en matière ·de socié~é coopérative, a vee

·la règle de lïncessibilité des parts sociales à ~es tiers de 1' art. 141 actuel.

Ou seul point de vue théorique, il nous 'paraît que la réponse

doiV ·être négative. Tel était déjà I' avis de notre prédécesseur

J. ·CO RB lAU, -encore suivi en ce,la par Ie plus récent traité de droit

commerciaJ beige : L. FREDERICQ · (Droit ,commercial, 1930,

t. 11, p0 .624) ; selon eux, I' interdiction de la èession de part. sociale

est absolue ..

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JURISPRUDENCE -123

M. Ch. RESTEAU, de son coté, partagerai't cette opinion sur

Ie terrain de la théorie, mais il s'en écarte, pour des motifs d'in­

terprétatiop de la loi tirés de ses travaux préparatoires

« Si l' on s'en tenait, écrit-il, à la lettre même de I' art. 115

, ( 1 4 1 actuel), il faudrait décider que I' opération qqe nous venons

cl' exposer et qui apparaît comme une, cession de part. à un ti ers, est

prohibée par la loi. Maïs il faut interpréter eet artiele à la lumière

des travat,J.x préparatoires et reehereher si les motifs qui ont Cléter-.

miné Ie législateur à ,édicter la · prohibition de 1' art. 11 5, doivent

faire dé~endre les combinaisons que nous avons analysées. Et si

pn se livre à ce double travail, on se convainc aisément que cette

opération est permise. » Suit !'examen des travaux préparatoires (op_~ cii., n°8 159 et

160, pages. 168-1 72) qui, en effet, impose la conviction que, tout

illogique .que I' opinion soit par rapport au principe rigoureux d'in­

cessibilité aux tiers posé par I' art .. 1 1 5, Ie législateur a bien entend u . ne pas prohiber la cession de part sociale à un tiers póurvu qu'il

soit agréé com:me membre par, r organ:e soç:ial qualifié aux fins de

I' agrément à donner aux admissions.

Le législateur a considéré què, pourvu que fût sauv.e I' autono­

.mie de la sqciété dans r agréation de ses nouveaux associés, raison

d'être profonde du principe de l'incessibilité aux tiers des parts

sociales, la combinaison de substitutio11: d' associés pouvait être

tolérée sans cause de nullité pour la société.

Il reste bien encore pourtant un point délicat : c' est que pareille

substitution pure et simple d'un associé entrant à un sortant, consti­

tue un mode de retraite et d' admission exceptionnel et dérogatoire

aux règles_ légales et statutaires, appliqué par f~veur particulière à detJ.X membres de la société : les autres membres, à qui les statuts et la loi restent rigoureusement applicables en cas de .retraite,· de

liquidation de part- et d' admission, ne pourraient-ils pas s'en plain·

dre comme d'une infraction au pacte social et une méconnaissance

du principe de I' égalité de traitement à laquelle tous les associés

opt droit? Nous posons la question, sans. vouloir la résoudr~. M. Ch. RESTEAU ne I' examine, -ni n' ~~ fait mention. Peut-être ne présente-t-elle pas assez d'intérêt pratique (sauf

cas extraordinaire) pour valoir la peine d'une discussion appro­

fondie en vue de sa solution doctrinale.

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124 ~URISPRUDENCE

No 3926. - Cour d'appel de Bruxelles. (4e eh.) - 27 ma i 1942. I

Sièg. : MM. :Babut du Marès, prés. ; Arnould et Weens, cons. ; Bon A. van den

Branden de Reeth, subst. du Proc. gén. - Pl. : Mes HuJ,Uhlet c. Duvieusart

(Charleroi).

( Bughin cj Soc. co op. L'Outillage m·tismzal .du Bassin de Cha1'leroi.)

Société coopérative.- I. Exploi.t introductif d'instance.- Nullité pour défaut d'indication des personnes pbysiques administrant la société.

11. Action sociale en responsabilité contre un ancien administratEur à raison de sa gestion. - Défaut d~ décision régulière, à cette fin, de !'assemblée générale. ~ Irrecevabilité.

Vu produit en expédition régulière Ie jugement dont appel rendu Ie 20 mai

1938 par Ie Tribunal de première instanee de Charleroi siégeant consulairement, régulièrement signifié Ie 8 aoû:t 1938; '

Vu l'acte d'appel notifié régulièrement Ie 17. septembre 1938;

I.· Su1· la nullité de /'exploit int1·oductif .a' instanee: Áttendu que !'exploit introductif d'instance du 20 janvier 1937 a ~té notifié

à la requête de la société coopérative « L'Outillage artisanal d.u . Bassin de

Charleroi» représenté par son conseil d'administration, poursuites et diligences

de M. Bizet, son administrateur gérant à ce statutairement autorisé; Attendu que l'appelant pour la. première fois devant la Cour, soutient qu'à

défaut de l'iridication des noms, prénoms, profession et domicile des persounes physiques chargées d'adminlstrer la société,. !'exploit se trouve entaché d'une

nulÜté s~bstantielle qui peut être soulevée en tout état de cause; Attendu que ce premier moyen invoqué par l'appelant repose en réalité sur

une nullité qui affecteruit en une matière non substantielle la f~rme de I' exploit;

Attendu que l'appelant, ancien administrateur de l'intimée, n'a pli se mépren­

dre sur l'identité de la société qU:i l'assignait ni · sur celle de la personne qui la

représentait; Attendu qu'il en est tellerneut ainsi qu'il soutient en outre . que ni Ie sieur

Biz~t, ni .Ie conseil d'administration n'avaient été autorisés par la société à intenter I' action;

Attendu que l'appelant ne prouve point que cette nullité aurait nui à ses

intérêts; qu'elle est au surplus converte parce qu'iÎ · ne I' a point proposée «in

.limin·e litis » avant toute autre exception ou défense (art. 173 nouveau du Code

de procédure civile) ;

11. Sur l'irrecevabilité de l'action à d'éfaut de qualité du conseil d'administra­tion et du sieu1· Bizet :

Attendu que la fin de non-recevpir tirée du défaut de .qualité de la persc;mne

qui a:git pour Ie demande~r en }ustice peut être soulevée pour la première fois

devant la Cour; Attendu que l'intimée ne soutient point que l'appelant aurait renoncé à se

prévaloir de ce moyen en ne l'invoquant point devant Ie premier juge; Attendu que d'après l'appelant l'actio~ ne pouvait être décidée que par les

associés réunis en assemblée générale, · parce qu'il s'agissait d'une action de la

société contre un ancien administrateur à raison de. s~ gestion;

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Jl!RISPRUDEl'l"CE 125

Attendu au contraire que l'intimée soutient que l'iqitiative de l'action appar­tenaît au conseil d'administration qui l'a valablement autorisée dans sa réunion du 18 février 1938 et qu'elle f1,1t eosuite poursuivie par !'administrateur gérant à ce statutairement autorisé; .

I

Attend~ que l'assignation fut ~ignifiée à l'appelant en sa qualité d'adminis­trateur gérant de la société; qu'elle avait pour objet d'obtenir restitution de certáines . sommes qu'il se serait attribuées en rémunération de ses services alors qu'il n'y avait point droit;

Attendu que l'action est donc introduite contre un des administrateurs de la société en cette qualité; qu'elle trouve sa cause dans les fautes prétendûment commises dans la gestion de. celui-ei;

Attendu qu'aux termes de la loi ( ardeles 143 et 146 de la loi sur les sociétés) et en vertu des statuts de la société (annexes du « Moniteur » du .19 février 1930, art. '1954), l'appelant tenait son .mandat d'adrriinistrateur de I' assemblée générale de la société; qu'en cette qualité il n'était responsabie que vis-à-vis de son mandant;

Attendu qu'il n'appartenait qu'à la mandante d'exercér l'action en responsa­. bilité contre son administrateur pour fa u te commise dans sa gestion; ·

Attendu que la .société exerçait ce droit par dédsion ~e son orgime légal, I' assemblée générale des associés;

Attendu que I~ conseÜ d'administration n'avait clone point Ie droit de se sub­stituer à la société et qu'il ne pouvait agir en la présente action qu'en exécution

. d'une décision régulière de !'assemblée générale' (RESTEAU, Traité des socié­tés coopératives, 3e ~d.,. n° 266) ;

Attendu que l'áction judiciaire n'a donc pas été valablement décidée par Ie conseil d'administration; . . .

ÁÜendu il est vrai que Ia décision. du conseil d'administration fut incidem-· ment portée à la connaissance de !'assemblée générale du 29· décembre 1936,

mais qu'il résulte du procès-verbal de cette séance que. cette décision n'avait point été portée à l'ordre du jour de cette assemblée et ne fi~ poit)t l'objet d'un vote régulier;

Attendu qu'il suit de ces considérations que I' action de l'intimée a été. inten· tée par 'des mandataires non valablement autorisés, que partant eiie· n'est point recevable;

Attendu que la demande principale n'étant point recevable, la demande recon• ventionnelle de l'appelant en do~mages-intérêt~ pour proc~s téméraire et vexa­toire n'est également point recevabl~;

Par ces motifs,

La Cour, Vu le,s articles 24 et 41 de la loi du IS juin 1935,· statuant contradictoirement,

entend u en audience publique. en son avis conforme M. Ie su~stitut Baron A. van den Branden de Reeth,

Rejetant toutes conclusions autres ou contraires, Reçoit I' appel, Ie déclare fondé quant à la recevabilité de I' action principale;

en conséquence, met à néant Ie j~geme~t entrepris, dit non reeevabie l'action principale de l'intimée et l'action reconventioimelle de l'appelant, condamne l'iu­timée aux dépens des deux instances.

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126 JURISPRUDENCE

Obvervations. - I. 11 est aujourd'hui, en Belgique, de doctrine et de jurisprudence unanirries que. r exploit introductif d'instance

à la requêté d' une société co~merciale satisfait au prescri't de I' ar~ ticle 61, 1°, C. proc. civ., lorsquïl indique les noms, profession et

domicile de la_ ou des persounes chargées statutaireme~t ou légale~ ment .de la représenter en justice. Cet artiele a· pour but, en effet,

de faire respecter le droit du défendeur cl' être suffisamment éclairé

dès I' abord sur I' identité et la qu~lité db cel ui qui l' attrait devant . . I

les tribunaux. Ce but. est atteint pourvu) que la condition énoncé~ ci~dessus soit remplie. ll serait, de ce point de vue, d'une rigueur

formaliste inutile d' exiger in variabiement l'indication des norri, pro'fession,,. domicile de toutes les persounes chàrgées d~ I' admi~ ·

nistra ti on de' la société, n:ême de celles qui, en vertu_ ·des disposi~ .

tioris statutaires, n' ont pas, dans leurs attributions sociales, la- repré~

sentation de la société en jtistice.

Cfr. Revue : ze Table générale, n°8 1 0 70 et suiv; -- NOVELLES, Soc. ,comm, n°6 119 et suiv., 1822 et suiv., 1938 et suiv.

II. L' action . en responsabilité, dirigée par la société 'anonyme

ou coopérative contre un 'administrateur ou ancien administrateur,

du chef de fautes de gestion, est Ie type même l' actio mandati dir.ecta. Les administrateurs de ces sociétés, en vèrtu de I' art. 5 3

et de I' art. 14 3 lois coord. sui" les sociétés commerciales, sont, dans

leurs rapports avec la société, de~ mandataires : leur mission est

de gérer les intérêts sociaux. S'ils cammettent des fautes dans l'ac~

camplissement de cette mission, ils doivent en répondre , envers

leur mandante et l~ur responsabilité doit être appréciée à la_ lumière

del? règles du man dat. C' est la société qui est leur mandante; elle

á, comnie telle, pour organe 1' assemblée générale, qui désigne les

administrateurs e_t .leur confère ainsi mandat ·d, administrer dans

l' orbite des statuts. C' est clone'; elle, et ell~ seulement, qui a pou~ voir pour apprécier· après coup l' exécution donnee au mandat, c' est~

à~dire pour recevoir la reddition de comptes de ses mandataires et

pOur leur. en donner décharge ou la leur refuser. S'il _y a lieu,

allant plus loin, de saisir la justice de la qu~stion de leur responsa~ bilité et de leur obligation de réparer Ie dommage éprouvé p~r

, suite de leurs fautes, c' est encore elle et elle seule qui, logiquement,

et juridiquement, a qualité peur Ie qire et pour ordonner d' ouvri:r

une instanee judiciaire à cette fin. Le conseil d' administration ( ou

Ie gén;l~t de la société coopérative), chargé d' un mandat génér~l

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JURISPRUDENCE 127

d'administrer, a sans· doute qualité pour agir au nom de la société,

notamment pOur la repré~enter en justice; mais ce mandat général

d'administration ne comporte pas Ie droit de se substituer à l'as­

semblée générale pour prendre l'initiative d'exercer l',action sociale

en responsabilité; il a seulement, en cette matière, qualité pour

mettre à exécution la décision prise par I' assemblée générale d' exer­

cer cette action.

· Encore faut-il quïl s'agisse d'une décision prise par un vote

régulier, seule forme incontestable dans laquelle peut s' exprimer

valablement la volonté de I' assemblée géné'rale.

Cfr. NOVELLES, Soc. comm., nos 2036 et s.; - WAUWER­

MANS, Man. ·soc. an., n° 449. L' art. 66 -des lois, coord. sur Ier~ sociétés commer~iales n' est

qu'.une application expresse de ces principes de la théorie du man­dat aux sociétés an.onymes ..

Ces mêmes principes doivent trouver, en vertu de la même

théorie, une application identique dan's la sodété coopérative. c· est

ce que professe à juste titre M. Ch. REST~AU, Soc. coopér., n° 266.

No 3927. - Tribunaf de commerce de Courtrai. - 20 jcJnvler 1940. Sièg. : M. De Necker, référ. - PI. : Mes Beeckman et Roelandts, avocats.

( Atibel, soc. coop., cj Léon D'Hondt.)

Société coopérative. - Acte constitutif. - Siège social: défaut d'in· dication· précise. - Nullité absolue. - Demande principale. -Demande reconventiomlelle irrecevable.

I. L'acte constittttif de la société coopérative doit, entre autres mentions obliga­toires, compt·enilt-e, à peine de tmllité de la société, l'indic'O.tio_n précise du siège social. La seule inqication d'tttze ville (Gand) est imprécise. Cette nullité est absolue et no11 susceptible d'être couverte.

Il. La demande t·econventiomtelle a un caractère incidente! par rapport à la demmzde princip(Jle et est itrecevable tm cas d'i1'1·ecevabilité de cette dernière.

' (Tt·aduction.)

Vu les articles 2, 34, 36, 37 et 41 de la loi du 15 juin 1935; Ouï les parties en leurs moyens et conclusions;

Vu les pièces; Attendu que I' action tend à. ce que Ie Tribunal désigne. un arbitre,lequel,

désignera, de concert avec Me Van Tyghem, arbitre choisi par la demanderesse, u~ troisième arbitre, · pour vider par une sentenèe les différends surgis entre parties et exposés dans l'assignation, et à ce que Ie jugement à intervenir tienne Iieu de compromis ; .

N° 3927

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128 JURISPRUDENCE

Attendu que, reconventionnellement, Ie défendeur. postule que la société coopéra:tive « Atibel » soit déclarée null~, et que des liquidateurs soient nom· més par Ie Tribunal, pour procéder à sa liq~idation;

I. - Quant à l'action principale :

A.- En fait:

La société coopérative. « Atibel » (Association des Tisseurs de jute de Bel­gique) fut fondée Ie 8 mars 1935 par acte sous seing privé, publié d~ns les annexes du « Moniteur », Ie 29 mars 1935, sub n° 3299;

L'objet social était défini comme suit : « prendre toutes mesures destinées à favoriser l'écoulement normal du' produit des usines affiliées tant à l'intérieur qu'à l'exportation »;

11 fut stipulé que : « en vue de détermine_r les conditions auxquelles la société subordonnera son concours, il sera établi par les soins du conseil d'administra­tion un règlement d'ordre intérieur qui détermin!'lra les droits et devoirs des coopérateurs. Ce règlemènt n'entrera en vigueur . qu'après -avoir reçu l'adhésion des fondateurs et il -ne pourra être modifié- que dans ~es formes prescrites à l'article 41 ei-après pour la modification aux statuts » (art. 12) ;

Le règlement d'ordre intérieur, prévu à l'article 12 des stlltuts, exige une caisse de compensation, alimentée. par les cotisations des associ~s d' A ti bel et dont Ie solde, après déduction des frais généraux, était réparti entre les asso· ciés, au prorata de l'importance de leurs ti.ssages, . calculée sur la: ·base de la largeur utile des métiers ;

Un controle· était prévu exercé . par la Société Fiduciaire, ainsi que des. saric­tion·s àu cas de non-exécutio1,1 de leurs obligations par les membres;

.Les différends entre les associés et Ie c~ns~il d'administration qui échappent à la coÎnpétence de ce dernier, doivent être jugés aux termes des .statuts ou du règlerrient, par un collège de trois arbitres, choisis par chacune des parties, Ie troisième étant désigné par cooptation par les deux arbitres préalablement

désignés; . A certain moll).ent, il fut reproché au défendeur de ne plus s'être acquitté

à partir du 1er . janvier 1939 de ses cótisations. mensnelles et de s'opposer au

controle 'de sa comptabilité; Le conseil d'ad.miriistration prit contre luî, le 20 juillet 1939; les sanctions

prévues par Ie règlement, porta ces sa~ctions à la conn~issance du défendeur par lettre 1-ecommandée_ du 20 juillet 1939 et fit savoir qu'il désignait comme arbitre Me Van Tyghem, avocat, à Rouiers; . . Que Ie litige se résume en ce que Ie défendeur préümd que c'est à tort que des sanctions furent prises à son ~gard et que è'est à bori droit que, depuis Ie 1er janvier 1939, il a suspendu l'exécution de s.es obligations, la société coopé­rative Atibel devant calculer les indemnités. lui r.evenant sur base du double ·d~ la largeur utile des métiers, correspondant à son activité réelle, puisqu'il travaille à deux équipes, alors que les autres asrociés n'ont qu'une seule équipe

~~nill; 1

B. - En droit :

Atteridu que Ie défendeur oppose : I 0 la non-recevabilité de la demande : a) pour Ie motif qu'elle est introduite par une société coopérative radicalement

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(

JITRISPRUDENCE

nulle à défaut de désignation du siège social dans les statuts, de rédaction de l'acte de constitution en deux originaux et de constatation dans l'acte constitu­

. tif de l'observation de la formalité de l'écrit en double; b) pour Ie motif qu'il n'existe pas de lien de droit ·entre parties, Ie défendêur n'étant pas devenu associé dans la société Atibel demanderesse;

2° une fin de non-procéder, déduite du fait que Ie gérant de la société coopé­rative a négligé de déposer au greffe du Tribunal de commerce la liste des membres de la société, comme il y était Iégalement t_enu;

,jo Ie non-fondement de l'action pour Ie motif que - sous réserve des moyens formulés ei-avant .....:.. il n'a jamais refusé d'exécuter la clause compromissoire et de signer Ie compromis;

11. - Quant à la non-recevabilité de l'action': ·

a) En ce qu1 concerne la nullité de la société coopérative, à défaut de dési­_gnation du siège social dans l'acte constitutif :

Ahendu qu'aux termes de l'article 144 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, l'acte constitutif de la société coopérative doit compr.endre, à peine de nullité, · les points suivants : I) ·la dénomination de la société, son siège; ... ;

Attendu que l'article 2 de l'acte constitutif de la société coopérative Atibel est rédigé comme suit : << Son siège est à Gand. 11 pourra être transféré dans une autre localité de Belgique par simpte. décision du .conseil d'administration »;

Attendu que la demanderesse prétend qu'elle a ainsi observé, à suffisance de droit, les prescriptions de I' artiele 144 des lois coordonnées sur les· sociétés commerciales; que l'indication précise du siège social, par une adresse exacte et c'omplète, n'est pas requise;

Öu'elle tache de tirer argument du 3° du même article, ou Ie législateur détermine : «la désignation précise des associés», adjectif qui fait défaut dans Ie 1° de I' artiele;

Attendu que c'est à bon droit que la doctrine et la jorisprudenee exigent l'in­dication précise du siège social dam; l'acte constitutif (RESTEAU, Soc. coopér., n° 38; - Comm. Brux., rer avril ·1924 : Jur. comm. Bt·ux., p. 223; - Comm. Brux., 8 nov. 1904 : Jur. comm. Brux., 1905, p. 324; - Comm. Brux., 14 févr. 1909 : Pas., 111, p. 126; - NOVELLES, Droit commerc., t. 111, p. 485, n° -3397) ;

Attendu, en effet, que cette indication doit être donnée principalement dans l'intérêt .des tiers qui doivent pouvoir trouver avec précision dans l'acte consti­tutiE l'endroit ou la société a son siège social, exerce son activité, ou les lettres re~ommandées et les actes à. signifier peuvent lui être adressés ;

Attendu qu'il ·est indéniable que I~ seule indication « Gand >> dans l'aètè constitutif est insuffisante puisqu'elle doit fatalement forcer Ie tiers à faire des recherches pour la compléter, chose que Ie Iégislateur a justement voulu

éviter; Attendu que Ie siège social des sociétés peut être comparé au domicile des

p.ersonnes physiques; que, de même ces personnes physiques ne peuvent avoir qu'un seul domicile, encore qu'elles püissent posséder plusieurs résideQ.ces, de même la société, personne morale, ne peut avoir qu'un siège social, QU9iqu'elle

\.

9

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130 JURISPRUDENCE

puisse posséder, fût-ce dans la même ville, plusieurs sièges d'exploitation, qui peuvent se comparer à la résidence des personnes physiques;

Qu'il se conçoit, dès lors, que Ie siège social doive être m:entionné avec pré- -cision pöur éviter toute confusion entre- Ie siège -social et les sièges d' exploita­tion; que c'est là, du reste, Ie cas pour des sociétés coopératives importantes, telles que Coop. Vooruit, l'Union économique et bien d'autres;

Attendu que vainement, on prétendrait que pareille confusion s'avère impos­sibie lorsque la société ne dispose que d'un seul local, puisque les tiers, par la seule inspeetion des statuts, ne peuvent ·se rendre compte si la société outre Ie siège social dispose encore de sièges d' exploitation;

I Attendu qu'en rédigeant l'article 2 de l'acte constit_utif comme suit : « Son { siège est à Gand », les fon~ateurs ont négligé d'observer les stipulations de 1 I' artiele 144 des lois sur les sociétés; \ Qu'en conséquence, la société coopérative Atibel est nullei \._ Attendu qu'il y a encore lieu d'examiner si cette nullité· est absolue ou rela­

tive; Attendu qu'une convention est nulle à défaut d'un élément que la loi consi­

dère comme essentie! . (DE PAGE, Dr.· civ., t. 11, p. 633) ; Que pareille nullité est absolue si elle est fondée sur un motif~ d'ordre

public ou d'i~térêt général, ce qui se déduit soit du texte, soit de l'esprit de la loi, que, par contre, elle n'est que relative lorsqu'elle est uniquement intro­cluite en vue de la sauvegarde de certains intérêts particuliers (DE PAGE, Dr. civ., t. 11, p. 640) ;

Attendu que la nullité édictée par l'article 144 de la loi sur les sociétés est une nullité absolue (CORBIAU,. « Du caractère de la nullité é~ictée par l'ar­ticle 87 de la loi de 1873 contre les sociétés coopératives dont l'acte constitutif ne contient pas les rnentions Iégalement obligatoires », Rev. prat. soc., z896, p. 28;; - RESTEAU, Soc. coopér., pp. 83 et s.; - Namur Code de commet·ce, p. 334; - Contm : NOVELLES, Dr. comm., t. Hl, n°8 3436 et s.; - Cass., 5 juin 1930: Rev. prat. not., p. 652; - FREDERICQ, Droit comm., t. 11, p. 499, no 1073; - BELT JENS, Encycl. Dr. comm.; art. 67, lois des 18 mai 1873 et 22 mni 1886, n° 20) ;

Attendu que ce qui caractérise la nullité absolue, c'est de pouvoir être invo. quée par tous et contre tous et ceci pour la raison qu'elle touche à l'ordre public;

Attendu qu'il peut se déduire des discussions de loi que Ie Iégislateur a voutu' reconnaître à la nullité édictée par l'article 144 Ie caractère d'une nullité absolue;

Qu'en effet, à la _séance de la Chambre des ReJ?résentants du 5 avril 1870 (Ann. pari., 1869-70, p. 711), Ie déput~ Lelièvre, voulant résumer Ie débat, fit sans être contredit, ni par Ie rapporteur, ni p~r Ie ministre, ni par un -~utre député, la déclaration su:ivante : « Je pense qu'ill est entend u que la nullité dont il est question dans Ie paragraphe premier. ·ae n~tre disposition, peut être invo­quée soit par les tiers, soit par les intéressés eu-x;~mêmes. La nullité est pro­noncée d'une manière générale et dans un intérêt d'ordre public »;

Que cette. opinion peut clone être corisidérée comme étant celle du Iégisla­

teu!;

N° 3927

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JURJSPRUDENCE 131

~ttendu que la nullité découlant de l'indication insuffisante des points prévus à I' artiele II4 de la Ioi sur les sociétés, ne peut pas être converte;

Que cela se déduit de' son caractère de nullité absolue intéressant l'ordre pubtic (RESTEAU, Soc. co op . ., p. 93, n° 86; - NOVELLES, Dr. comm., t. 111, n° 3443; - Comm. Brux., 5 déc. 1912 : Pand. pér., 1913, p. sso);

Attendu que la demanderesse fait observer que d'après RESTEAU même, la nullité découlant du défaut de souscription du capita! minimum, ou de !'absence du minimum de membres (moins de sept) peut se couvrir et que Ie même rai· sonnement peut s'appliquer en _ce qui concerne les autres mentions obligatoires, dès que, par . une addition postérieure, les droits des tiers oot été sauvegardés (RESTEAU, Soc. eoop., n° 86; - NOVELLES, Dr. eomm., t. 111, n° 3443) ;

Attendu qu'en vertu de l'article 114, l'acte constitutif doit déterminer les points que ·eet artiele indique, qu'à défaut de contenir 'ces indications, l'acte constitu~if sera irrégulier, ce qui entraînera la nullité; mais qu'il peut arriver que l'acte soit complètement régulier, parce qu'il comportera toutes les indica· tions exigées à peine de nullité, sans pourtant que Ia réalité des faits corres· ponde aux indications données; qu'en ce cas - alors que l'acte Iui-même n'est pas irrégulier - la nullité dérivant du défaut de concordance entre les men· tions de l'acte et Ia réalité des faits peut être couverto, lorsque plus tard, ces faits répondront aux indications de f'acte; que ce sera, par exemple, Ie cas lorsque l'acte indique un fonds social minimum, mais qu'en fait, ce minimum n'est pas souscrit; lorsque l'acte mentionhe Ie ~ièg'e social avec précision, mais qu'en fait, à l'adresse indiquée dans l'acte, la société n'a'vait pas de bureaux, ete. (NOVELLES, Dr. eomm., t. 111, n° 3444) ;

Attendu qu'en l'espèce, l',acte constitutif lui-même est entaché d'ir~égularité, à défaut d'indication précise du siège social, fait irrévocablement acquis et ayant pour effet la nullité de la soéiété ;

Attendu que cette nullité rétroagit ex tune, c'est-à-dire qu'une fois constatée par Ie juge et admise, elle sort ses effets ab i1titio; que Ia société nulle dégénère en une indivision de fait, sans personnalité juridique,· la personne morale de la société dis paraissant;

111. -:- Quant à l'action reconventionnelle : Attendu que Ie défendeur, par 'voie de reconvention,, postule que Ie Tribunal

prononce Ia nullité de hi société coopérat~ve Atibel, nomme des liquidateurs et fixe Ie mode de liquidation;

Attendu que Ie défendeur a soulevt) la non-recevábilité de l'action de la défenderesse pour cause de nullité radicale de celle-ci, nullité réagissant ex tune, en sorte que Ia demanderesse, au moment de I'intentement de l'action, n'avait point qualité pour agir;

Attendu que ce moyen d'irrecevabilité a été accueilli; Attendu que la demande reconventionnelle est essentiellement un moyen de

défçnse contre l'actio~ principale, en sorte que l'irreéevabilité de la demande principale doit avoir pour effet l'irrecevabilité de l'action reconventionnelle puis· qu'une. défens~ au . fond est inconcevable Ià ou la demande principale ne peut même pas être accueillie pour examen au fond;

Que la demande reconventionnelle est donc irrecevable; Par ces motifs :

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132 JURISPRUDENCE

Le Tribunal, S'tatuant sur l'action principale, dit pour droit que la. société coopérative Atibel

est nulle pour non-observation dans l'acte constitutif des dispositions de l'arti­cle 144 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, nullité agissant ex tune et qui ne peut être couverte; .

En conséquence, déclare l'actioil intentée par cette société nolle non rece­vable;

Statuant sur la demande reconventionnelle, la déclare non reeevabie; , Dépens à charge de la demanderesse.

Observationa. - Jugement intéressant par la discussiori appro.­fondie quïl contient de la notion de nullité, appliquée à la' sociétê coopér~tive.

Le fait que les diverses parties de I' argumentation sont accom~ pagnées chacune de nombreuses références, nous dispense d'y en ajouter d' autres.

J,..a distinction faite dans la dernière partie entre I' ir~égularité formelle de l'acte et sa discordance avec la réalité est judicieuse.

L'irrégularité formelle est ou n' est pas; ce fait est irrévocable.

ll serait contraire à sa nature et à sa définition d' admettre qu' elle peut être couverte. Seul un nouvel acte pourrait non réparer et

couvrir Ie vice du précédent, - puisque l'irrégularité l'a entaché d'une n~llité rac;licale et absolue, - mais parer à la situation péril~ leuse résultant de cette nullité.

Au contraire, si I' acte est régulier en la forme conformément à la loi, mais que ses mentions ne concordent pas avec la réalité, cette discordance pourra engendrer aussi la nullité; mais s'il peut ~tre pourvu par des mesures de fait, avant l'intentement de l'ac~ tion, au rétablissement de la concordance des men ti ons de. I' acte avec la réalité, de quoi, désormais, les tiers pourraient~ils se plain~

dre ~ En quoi, au moment de 1'-action, I' acte constitutif, en sa forme, et la société, en I' accomplissement des conditions substantielies de sa constitution, présenteraient~ils défaut?

M. RESTEAU admet cependant (Soc. coopér., n° 8 7) que I' in~ suffisance du nombre des fondateurs et l'imprécision dans la dési~ gnation des associés pourraient êtr~ couvertes. « Il suffita, écrit-il,

que, par la suite, et avant que la nullité soit demandée à la justice, Ie chiffre de sept associés soit atteint et que leur désignation exacte et précise se trouve dans Ie registre des! actionnaires (il faut lire

. I

sans do u te : sociétaires). » !

Nous ne sommes pas, personnellement, partisan de I' extension législative des cas de nullité de société et nous enregistrons volon~

N 8 -8927

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JURISPRUDENCE 133

tiers les solutions cl' accommodement. Nous devons cependant no~

ter que J' opinion de M. RESTEAU manque ici de logique. Si Ie

législateur exige, sous peine de nullité radicale, non seulement la

réunion de sept associés pour la constitution de la société, mais

encore rindication de ce nombre dans l'acte constitutif avec leur

désignation précise, Ie défaut d' accomplissement de ces conditions

essentielles est aussi irrévocablement acquis, dès la ·signature de

1' acte, que Ie défaut de précision de l'indication du siège social. Et

aucune circonstance de fait postérieure, tellè qu~ additions à la

liste des associés ou au registre des sociétaires, ne pourra jamais

faire que ces vices de forme de I' acte constitutif n' aient pas été :

r acte constitutif irrégulier dès I' origine, restera fatalement taujours

tel. Dura lex, assurément, sed lex . . Nous croyons utile de rectifier un point de détail de l'une des

, références : les NOVELLES, Dr. comm., t. 111 (Soc. ~omm.}, n°5 3436 et suiv., loin de se prononeer contre la thèse du caractère

absolu de la nullité édictée en sanction de I' art. 144 des lois coord. sur les sociétés commerciales·, y adhèrent, au contraire, expressé~

ment, du moins quant au manque, dans I' acte constitutif, des men~

tions impérativement exigées par eet article.

No 3928. - Cour de cas~ation (1 re eh.). - 15 avrll 1943. Sièg. : MM. Soenens·, ff. prés.; de Cocqéau des Mottes, cons. rapp.;

R. Hayoit de Termicourt, av. gén. ·Plaid. : MMes Simont et della Faille d'Huysse.

{De Brouwet· c/ Middenk1·edietkas.)

Associa.tion en pa.rticipation. - I. Commencernent de preuve par écrit. - Preuve par térnoins ou·présomptions recevable.

ii. Ca.ractére civil ou commercial déterminé par le but de l'association et les opératioms qui en forment l'objet. L'art. r834 C. civ. n'est qu'une application de la règle générale énoncée à

·l'art. I34I ~~ reçoit, pm·tant, exception, comme celle-ci, dans le cas prévu par

l'art. I347·

[. - L' existence d'mte associatiott en participation, fût-elle de nature civile, peut donc êtt·e prouvée par témoitts ou présomptions lo1·squ'elle est rendue

vraisemblable pm· un commencement de preuve par écl'it.

ll. - Le caractère civil ou commercial d'une association est détermiJ!é par le but de l'association, par les opérations qtii forment l'objet de celle-ci.

Vu I' arrêt entrepris, rendu par la Cour d'appel de Gand Ie 15 juillet 1942; Sur Ie moyen unique, pris de la violation de I' artiele 97 de la Constitution;

des articles 2, spécialement 2, alinéa 2, 5, 6 et 8, et 25 de la loi du 15 décembre

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134 JURISPRUDENCE

!872, contenant les titres I à IV du livre Ier du Code de commerce; des arti­cles Ier, 3, 5, I4 et I76 des lois sur les sociétés commerciales coord9nnées par arrêté royal .du 30 novembre I935; des articles 8, I2, et spécialement I2, 2°, I3 et 21 . de la loi du 25 mars 1876, contenant Je titre préliminaire du Code de procédure civile, le dit artiele 8 abrogé et- remplacé par l'article jer de la loi du I5 mars I932, modifiant les lois d'organisation judiciaire et de compétence, et, pour autant que de· besoin, de I' artiele Ier de la dite loi du I5 mars I932; pour autant que de besoin, de l'article I2, et spécialement I2, 2°, de Ia dite Ioi du 25 mars I876, modifié en son alinéa xer par l'article 4 de l'arrêté-loi n° 63 du I3 janvier 1935, relatif à Ia compétence et au ressort en matière civile et commerciale et à !'appel des jugements des juges de paix, et de l'article 4 du dit arrêté royal n°· 63 du 13 janvier 1935; des articles 37bis et 37ter, introduits dans la dite Ioi du 25 ·mars 1876 par l'article 9 de la dite loi du 15 mars 1932, et, pour autant que de besoin, de l'lirtièle 9 de la di te loi du 15 mars 1932; des articles 1217, 1218, 134I, I347, I349 et I353 du Code civil, les dits articles I34I et 1834 modifiés par l'article Ier de Ia loi du I4 avril 1938, relatif à la preuve testimoniale. en matière civile, et des articles Ier et 2 de la dite loi du 14 avril I938, en ce que Ie juge du fond s'est déclaré compétent ratione matet·iae pour connaître de l'action, sous prétexte :

« Que, lorsque l'existence d'une société commerciale est invoquée, la preuve · par témoins et présomptions peut être admise; que de la correspondance -décou­verte entre parties et des autres éléments constants de la cause indiqués dans Ie jugement dont appel, résulte incontestablement qu'une association en parti­cipation ·a été créée ~ntre parties, dans la queUe l'une a apporté en commun des fonds, et l'autre, sous des conditions déterminées, des titres, en vue de - par la vente des titres et la souscription de nouveaux titres, dans Ie but de les vendre ~ compte commun - réaliser des bénéfices et, par conséquent, faire des onérations de banque pour lesqueUes la coopération de l'appelant était stipu­lée :)1 alors :

xo Que Ie demandeur en cassation avait relevé en conclusions qu'il n'étai~ pas eommerç!mt; que Ie juge du fond ne lui a pas attribué la qualité de commer• çant et, ·en toute hypothèse, aurait dû, à peine de ne pas motiver Iégalement sa décision, donner les motifs pour lesquels il considérait Ie demandeur comme commerçant (violation de l'article 97 de la Constitution);

2° Que, d'autre part, une associàtion en participation n'est de nature commer­cialè dans Ie chef de l'associé, qui n'est pas commerçant, que si elle a, à l'égard de eet associé, pour ob jet de faire des actes de commerce; que, suivant Ie juge du fond, l'association en participation, prétenduemént constituée entre parties, aurait eu pour objet de réaliser certains titres que Ie demandeur en cas~ation n'aurait pas vendus à la défenderesse et dont il ne pouvait davantage transférer la propriété à l'association en participation, celie-ei étant dépourvue de person­nalité juridiquè et n'ayant pas de patrimoine distinct de celui de ses associés; que Ie demandeur en cassation n'avait pas acquis, à l'origine, les titres avec l'intention de les revendre, et que I'existence de pareille intention dans Ie chef du demandeur en cassation n'a pas été constatée par I' arrêt attaqué; que, dès lors, la réalisation des titres ne pouvai1? être tenue, à l'égard du demandeur en cassation1 conune une vente consécutive à un achat fait avec I'intention de

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JURISPR UI' EN CE 135

revendre ni, par suite, comme un acte de commerce ( violation des articles 97 de la Constitution, Ier et 2 du Code de commerce, Ier, 3 et I7 des lois coordon­nées sur les sociétés commercial es) ;

D'ou il suit que la preuve de l'association litigieuse ne pouvait être adminis­trée par toutes voies de droit ( violation des articles 25 du Code de commerce,

5 et I4 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, I34I, 1347, 1349, I353 et I834 du Code civil, t"er et 2 de la loi du I4 avril 1938) et que Ia con­~estation n'était pas une contestation entre associés pour raison d'une société de commerce, de la compétence de la juridiction consulaire ( viohition des arti­

cles 8, I2, I3, 2I, 37bk et 37te1· de la ·loi du 25 mars I876; ~er et 9 de la loi du IS mars I932; 4 de l'arrêté royal n° 63 du I3 janvier I935; I2I7 et 12I8 du Code civil) ;

Attendu qu'en sa première branche, le moyen faif grief à l'arrêt d'avoir admis que Ie Tribunal de commerce était compétent en raison de la qualité de com­merçant qu'il attribue à tort au demandeur, et sans motiver à eet égard sa décision;

Attendu que la Cour d'appel justifie la compétence du Tribunal de commerce en se basant non point sur .la qualité du demandeur, mais sur la nature et l'objet de l'association entre parties, à laquelle elle reconnaît un caractère com­mercial;

Qu'en sa première branche Ie moyen manque do11c en fait;

Attendu qu'en sa seconde branche Ie moyen fait un double grief à l'arrêt attaqué : I 0 d'avoir admis I'exjstence de l'association en participation selon des modes de preuve interdits en droit civil; 2° d'avoir décidé que Ie Tribunal ~de commerce avait compétence pour vider un différend relatif à une association qui n'avait pour objet que la vente. de titres appartenant à l'un des associés;

Attendu, quant au premier point, que l'árticle ·I834 du Code civil n'est qu'une

application de la règle générale énoncée à l'article I34I, et reçoit, partant, ~Xception, comme celle-ci, dans Ie cas prévu par l'article I347 ;_ que, fût-elle civile, une association en participation peut donc être prouvée par témoins ou présomptions, lorsque son existence est rendue vraisemblable par un commen­

cement de preuve par écrit;

Attendu que l'arrêt attaq~é relève .comme élément de preuve la correspon­dance échangée entre parties,· laquelle constitue un commencement de preuve par 6crit; qu'il y ajoute les présomptions retenues par Ie premier juge;

Attendu, quant au second. point, qu.e pour décider que l'association entre par­ties est commerciale et que Ie litige rentre donc dans la compétence du tribunal de commerce, l'arrêt attaqué ne se borne pas à constater que l'association a pour but la réalisation de Ütres précédemment acquis par Ie demandeur et dont ce dernier _prétend avoir conservé la propriété, mais analyse ainsi fes 'opérations qui formaient l'objet de l'association : « une associatioti en participation dans laquelle l'un a apporté en commun de l'argent, et I'autre, sous des conditions déterminées, des titres, en vue - par la vente de ces titres et la souscriptio11 ·à de nouveaux titres, dans/ Ie but de les vendre pour compte commun - de réa­

liser des bénéfices, et par conséquent faire des opérations de banque pour les­quelles la coopération. de l'appelant (De Brouwer) était stipulée »;

N° 3928

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136 Jt!RISPRUDENCE

Attendu que cette appréciation de ·l'objet de l'association est souveraine et justifie la décision entreprise (loi du 25 mars 1876, art. 12, 20; arr. roy. n° 63 du 13 janvier 1935, art. 4) ; , Que Ie moyen, en sa seconde_ branche, manque en droit et en fait;

Par ces · motifs, La Cour rejette ... , condamne Ie demandeur aux frais et à l'indemnité de

fSO francs envers la défenderesse.

Observatlons. - L'association en participation est de caractère civil ou commercial selon la nature· de son objet et selon son but, c' est-à:...dire les opérations pour lesqueUes elle est constituée et Ie dessein dans lequel les parties veulent les accomplir. Cfr. : DE

PELSMAEKER, Des associations en parv~cip·ation et des syndicats ,financiers, p. 290; - Civ. Bruxelles, ]·er juin 1908, Revue, 1913, p. 20; - GUILLERY, t. I, n° 169; -. NYSSENS et CORBIAU, t. I, n<> 206; -·-NOVELLES, Soc. commer.c., n°5 3845 et suiv.

Cfr. aussi : HOUPIN et BOSVIEUX, Traité des soc., 7e éd., t. I, n° 329; - THALLER et PIC, Sociétés commer,c., t. III, n° 1980.

Lorsgtie l' association en participation est reconnue de caractère commercial.1 son existence peut être prouvée par tous moyens ·

(art. 5 lois coordonnées). Cfr. L. FREDERICQ, Droit commercial, t. II, n° 1 1 7 3.

Lorsque I' existence de la société alléguée est contestée et que I' objet qui lui .est attribué serait de nature civile, ·la preuve à faire

doit évidemment s' admini~trer selon les règles du droit civil. Né­cessité d'un écrit de C:onstitution, lorsque I' objet est d'une valeur de plus de mille cinq cents francs, dispose I' art. 1834 C. civ . . ( modifié par la loi du 14 avril 1 9 3 ~) qui ne fait qu' appliquer expressément à la matière du contrat de société la règle plus géné­rale de l'art. 1341 C. civ. (Cass.; 18 mai 1876, Pas., 205}. La Cour suprême en déduit que la règle accessoire de I' art. 1 34 7, visant Ie cas d' exception de I' existence d'un cammencement de preuve par écrit, est également applicable. En I' espèce litigieuse, Ie cammencement de preuve par écrit consistait dans la correspon­dance entre parties et 1' arrêt attaqué, analysant celle-ci, en· avait dégagé une définition que la Cour suprême estima, d'une part, souveraine, d' autre part, j ustificative de I' existence d' une associa­tion en pa;rticipation : association ou l'un apportait de 1' argent, I' autre, sous des conditio~s déterminées, des ti tres, en vue - par ven te des titres et rachat de nouveaux titres. pour les revendre en commun - de réaliser des bénéfices, par conséquent de faire

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JURISPRUDENCE 137

des opérations de banques pour lesqueUes la coopération de I' ap­porteur de titres était stipulée. » Il apparaît, en effet, que cette définition contient tous les éléments constitutifs du contrat · de société (art. 1832 C. civ.) et que l'objet de l'association est com­mercial ( opérations de banq~e).

No 3929. Co-ur de cassation (2e eh.). - 7 juillet 1941. Sièg. : MM. Hodüm, f.f. de prés.; Lambinet, _cons. rapp.;

R. Hayoit de Termicourt, av. gén. (Adm. des Finances cj Soc. en nom colleetij Donceel et Cie.}

Impöts sur les revenus professionnels. - Société commerciale. ~ Liqui­dation. - Liquidateur non autorisé à continuer Ie commerce de la société. - Plus valnes réalisées par suite de la. cession (non taxable). - Bénéflces réservés du dernier exercice avant la liquidation (taxable).

1° Lorsque, par ·le fait de la cessiotz de son avoir, une société commerciale entre en liquidation, sans que ie liquidateur soit autorisé à continuer Ie com­met·ce de la société, les plus-values réalisées par cette cession ou ensuite de· celte-ei ne sont pas soumises à la taxe pt·ofessionnelle. (Lois coordonnées par l'arrêté royal du 12 septembre 1936, art. 25 et 27.)

2° Lorsqu'une société commerciale entre en liquidation, les bénéfices de l' exel·· cice en cours pt·oduits avant l'entrée en liquidation et réservés sottt soumis à la taxe professiomzelle. (Lois coordonnées par l'arrêté royal du 12 septembre 1936, art. 25, 27 et 32, § 2.)

ARRET.

Vu l'arrêt attaqué rendu par .la Cour. d'appel de Liège Ie 10 mai 1940; Sur Ie premier moyen, pris de la violation, ou tout au moins la fausse inter­

prétation ou application des articles 97 de la Constitution, 14 § rer, 1° et 3°, litt. a; 15, § 2; 18; 25, § rer, I 0 ; s4, § ror, dernier alinéa, des lois relatives aux impots sur les revenus, coordonnées par arrêté royal du 12 septembre 1936, en ce que !'arrêt a décidé que, lorsqu'une. société se trouve en liquidation, aucune imposition quelconque à la taxe professionnelle et à la contribution nationale de crise ne peut plus légalement être établie à sa · ch.arge;

Attendu que la défenderesse, société en nom collectif, dont l'objet social était la fabrication et la ven te du strcre de betterave. a, Ie 28 avril 1936, cédé à la Société anonyme « Sucrerie et Raffinerie d'Embresin » tout son avoir mobilier et immobilier, y compris l'achalandage, à l'exception des valeurs en espèces · ou en dépot, des créances actives et passives, des stocks de marchandises en magasin, et de quelques parcelles de terrain;

Attendu qu'en suite de cette opération, la défender-esse . a été cotisée à la taxe professionnelle et à Ia contribution nationale de crise, pour l'exercice fiscal 1936, sur une somme de 3.328.442 fr. 95 différence entre 3·387.500 francs, prix de Ia vente prérappelée et 59.057 fr. os, somme qui figur~it antérieurement dans

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138 JURJSPRUDENCE

les écritures sociales, comme représentant la- valeur de son avoir mobilier et immobilier;

Attendu que pour justifier la Iégalité dt}f cette taxation, l'administration s'appuie notaroment sur l'article 27, § Ier, des lois coordonnées d'impots sur les revenus, qui considère comme bénéfices d'une exploitation industrielle, commerciale ou ·agricole, tous accroissements des avoirs quelconques investis .dans cette exploitation, y compris les accroissements qui résultent de plus­values . et móins-values, soit réalisées, soit exprimées dans les comptes ou inventaires du redevable, queUes qu'en soient I' origine et la nature;

Attendu qu'il apparaît du texte de l'article 25, § Ier, des dites lois, dont l'arti­cle 27 n'est que Ie complément, que les bénéfices taxables visés par .ces dispo­sitions, sont uniquement ceux qui résultent d'une exploitatio~, c'est-à-dire de l'activité professionnelle du redevabie;

Attendu qu'il est hors de doute que Ie prix de la cession réalisée dans les conditions préindiquées, ne constitue pas un profit d'exploitation; qu'en effet, la cause génératrice de l'accroisseinent litigieux est précisément la même qui a, concomitamment mis fin à l'existence de la société défenderesse en tant qu'ex­ploitation industrielle et commercia!e, étant acquis, d'ailleurs, ainsi que Ie constate l'arrêt attaqué, qu'elle ne s'est plus livrée, depuis lors, à aucune opéra­'tion relative à son activité professionnelle, mais à de pures opérations de liqui-dation;

Attendu que vainement l'administration tire argument de l'article 54, § Ier,

la déclaration imposée par cette disposition n'étant qu'utie mesure de controle permeitant de vérifier la situation des firmes et sociétés en liquidadon; que eet artiele 54 ne dit pas davantage que les sociétés en liquidatiön doivent la taxe professionnelle avant la répartition de leur actif, alors qu'elles n'exploi­tent plus, et que les plus-values ne sont réalisées, comme au cas actuel, que depuis, et par Ie fait de la mise en liquidation; que, partant, Ie moyen manque en droit;

Sur Ie second moyen, pris de la violation, ou, tout au moins de la fausse inter­prétation ou applicaÜon des articles 97 de la Constitution, 25, § Ier; 27, § :t;er

et § 2, so; 32, § Ier, premier alinéa, et 54, § ér, alinéa final, des lois coordonnées précitées, en ce que l'arrêt attaqué dit pour droit que les bénéfices réalisés par la société intéressée depuis la cloture de l'exercice socÏI;tl I935, jusqu'à la date du 28. avril I936 - date de. la réalisation des biens qui a entraîné la dissolution et la liquidation - et non répartis à cette derriière date, ne peuvent être assimi­lés aux bénéfices visés au dit artiele 27, § 2, 5°, et ne sont taxables que dans . Ie chef des associés, Iors de .la répartition de ces profits;

Attendu qu'il est constant que depuis Ie IS août I935, date de son dernier bilan de fin d'exercice, jusqu'au jour de la cession de son avoir mobilier et iinmobilier, soit Ie 28 avril I936, la société défenderesse s'est livrée à l'exploi­tation de son industrie et de son commerce, et e.n a recueilli des bénéfices; qu'il s'ensuit qu'au ·moment ou · elle. est entrée en liquidation, Ia dite société était redevable, à I' égard du · fisc, de la taxe professionnelle ·et cle Ia èontribu­tion nationale de crise afférentes à ces bénéfices, ceux-ci étant Ie produit de son activité professionnelle pendant cette dernière période d'exploitation;

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JURISPRUDENCE 139

Attendu que ces taxes constituaient, dès lors, un élément du passif de la liquidation, que la société défend~resse étaid tenue d'acquitter, à l'égal de toute autre charge grevant le patrimoine social; que, par ailleurs, aucune dispo­sition des lois fiscales n'exonère de l'impót les bénéfices qu'une société a recueillis au cours de la dernière période d'activité précédant ·sa mise en liqui­dation; qu'au contraire,. l'article 32, § 2, des lois coordonnées prévoit qu'en cas de cessation de profession dans Ie courant de l'année, une' cotisation spéciale est réglée d'après les résultats de la période pendant làquelle la profession a été exercée; que cette disposition est générale et s'applique aux sociétés aussi bien qu'aux particuliers exerçant une profession lucrative; qu'il s'ensoit qu'en- sta­tuant comme il l'a fait, !'arrêt attaqué a violé les articles 25, § 1\13r, et 27, § 1er,

visés au moyen;

Par ces motifs, la Cour casse !'arrêt attaqué, mais en tant seulement qu'il a décidé que n'étaient pas soumis à la taxe professionnelle et à la contribution nationale de crisè, ainsi qu'aux centimes additiohnels y afférents, les bénéfices réali~és par la société. défenderesse depuis Ie 15 août 1935 jusqu'au moment de la cession du 28 avril 1936; ordonne que Ie présent arrêt sera transcrit ~ur les registres de la cour d'appel de Liège et que mention en sera faite en marge de la décision partielleme_nt annolee; rejehe Ie pourvoi pour Ie surplus; con• damne ·r Administration et la société défenderesse chacune à la moitié des frais; renvoie la cause ainsï limitée à la Cour d'appel de Bruxelles.

Observations. - Cet arrêt, outre son importance pour la fixa­tion de la jurisprudence' en matière fiscale, présente un intérêt

notabie par la précision qu' apporte sur les effets de la liquidation

des sociétés commercial es, I' avis de M. I' avocat général Hayoit de

Termicourt qui I' a précédé. et dont Ja Cour suprême a adopté les '

conclusions. On trouvera eet avis reproduit presque · entièrement

dans la Pasicrisie, 1941, 1 pages 284 ~t suiv. Nos lecteurs nous

sauront gré de leur en faire connaître les extr~its ei-après;

Rappelons d' abord que la société en nom collectif défenderesse

en cassation avait, le 28 avril 1936, au cours de l'exercice social

15 août 1935 - 15 août 1936, cédé à une société anonyme son

avoir social; elle se trouvait donc dès lors dans I' impossibilité de

poursuivre son .activité et en état de liquidation. Elle ne se livra

plus ensuite qu'à des opérations liquidatives. L' Administration des

Finances avait taxé les plus-values réal!sées par suite de la cession

et les bénéfices non répartis produits depuis Ie dernier bilan

( 1 5 août 1935) jusqu' au jour de la. cegsion.

L' arrêt de la Cour-d' appel de Liège avait annulé ces deux taxa­

tions; quant à la première, pour Ie motif principal, que les plus­

values réalisé"es par suite de la cession ne constituaient pas des

· bénéfices d' exploitation; q~.tant à la seconde taxation (bénéfice du

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140 JURISPRUDENCE

dernier exercice social partiel), parce que, quoique bénéfices d' ex­

ploitation, ils venaient se fondre dans les produits de la liquidation

et étaient uniqûement destinés à être répartis avec et dans ceux-ci,

la société ayant · disparu comme redevabie d'impots, puisqu' elle

n' existait plus que pour Ie partage des biens sociaux.

L' organe du Ministère public approuve la décision de la Cour d' appel quant à la première taxation et la desapprouve quant à la' seconde, pour les motifs principaux ei-après :

A l'appui du premier moyen, 1' Administration demanderesse présente trots arguments.

Une société commerciale, tant que sa liquidation n'est pas cloturée, est répu­téè exister pour sa liquidation et elle conserve son caractère commercial. 11 n'y a donc pas cessation de l'expioitation. Tel est Ie premier argument de la dem!m­deresse.

Il est hors de doute qu'aux termes de l'article 178 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales « les sociétés commerciales sont, après leur dissolu­tion, réputées exister pour leur liquidation » et, ainsi que Ie texte l'indique, c'est comme « sociétés commerciales » qu'elles subsistent. Votre arrêt du 5 novem­bre 1900 (1) constate, lui aussi, que la loi ,« rnaintient aux socié.tés en liquida­tion leur existence primitive » (2). «La société en liquidation, décide votre arrêt du 5 mai 1911 (3), conserve, pendant toute la durée de la liquidation, son caractère primitif de_ société de commerce. »

La conséquence qu'il faut tirer du maintien du caractère commercial de la société en liquidation est assurémènt que la loi considère les actes de liquida­tion comme des actes de commerce (4) ·et qu'une société en liquidation peut

. encore être déclarée en état de faillite, alors même que plus de six mois se sont écoulés soit depuis la dissolution, soit depuis Ie dernier acte accompli, au· cours de la liquidation, par Ie liquidateur (5). En revanche, de ce que Ja société en liquidation conserve son caractère de société de commerce, il ne résulte pas nécessairement qu'ellè soit encore en exploitation, qu'elle constitue encore une

exploitation commerciale. Une fois la société dissoute, trois hypothèses peuvent se présenter : Ou bien la société n'a plus d'entreprises en cours, entreprises répondant à

son objet social. La liquidation ne comportera alors que des actes de pure liquidation, c'est-à-dire la réalisation de l'actif, l'apurement du passif, la répar­tition du boni éventuel. La société, en tant qu' exploitation, a disparu;

Ou bien des opérations sont en cours d'exécution et les ·liquidateurs oot, en

cette qualité, Ie pouvoir et même l'obligation à l'égard des tiers de poursuivre

(1) Bull. et PASIC., 1901, I, 48. (2) Voy. dans Ie même sens, Cass., 7 décembre 1922 (Bull. et PASIC., 1923,

I. 102); LES NOVELLES, Droit commercial, t. III, n° 4272.

(3) Bull. et P ASIC., 1911, I, 236. (4) Voy. Cass., 5 novembre 1900 (Bull. et PASIC., 1901, I, 48); 12 mars 1885

(ibid., 1885, I, 91). (5) Voy. Cass., 5 mai 1911 (Bull. et P ASIC., 1911, I, 236).

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JURISPR UDEN CE 141

cette exécution (I). En agissant de- la sorte, les liquidateurs ne poursuivent pas l'activité sociale, l'exploitation commerciale; ils se bornent à régler Ie passé, c'est-à-dire à exécuter les engagements antérieurs, et à mettre ordre aux affaires sociales en vue de la liquidation. lis ne cherchent nollement à développer ni . même à maintenir en activité l'exploitation; ils continuent une exécution déjà commencée et que les tiers ont Ie droit de voir poursuivrti;

Ou bien, enfin, les liquidateurs ont, conformément à l'article I82 des lois sur les sociétés commerciales, été autorisés à continuer, jusqu'à réalisation, !'indus­trie ou Ie commerce de la société. Dans ce dernier cas, l'entrée en liquidation ne me~ pas fin à l'exploitation industrielle. ou commerciale.

Ainsi clone, sauf l'hypothèse exceptionnelle de l'article I82 - hypothèse étrangère ;. l'espèce préserite - une société en liquidation ne constitue plus une exploitation; l'être social, en tant qu' exploitation p1·ojessionnelle, ces se de vivre. C'est ce que THALLER et PERCEROU expriment exactement en ces 'termes : « Sitot dissoute, la société · cesse de vivre, du moins comme société

· d'exploitation » (2). Et FEYE (3), réservant toutefois Ie cas de l'article I82 : _«A partir de la mise en liquidation I' être social, en tant que sujet d'activité professionnelle, s'évanouit » (4).

Or, la taxe professionnelle, établie par les articles 25 et 27 des lois coordon­nées relatives aux impots sur les revenus, frappe les bénéfices des exploitations industrielles, commerciales ou agricoles .

. .. La taxe professionnelle, comme sa dénomination l'indique, soppose clone l'exercice d'une activité professiomzelle, c'est-à-dire, lorsqu'il s'agit d'un com­merce ou d'une industrie, une exploitation commerciale ou industrielle.

Dès lors que cette exploitation a pris fin, il ne peut plus être produit désor­mais de bénéfices d'exploitation; la chose est d'évidence. Certes, l'avoir qui .a permis l'exploitation, qui a servi à celle-ci, n'a pas disparu; mais Ie fait de réaliser eet avoir ne constitue plus une activité professionnelle, une exploitation, et, dès lors, Ie produit de cette réalisation n'est pas Ie bénéfice d'un acte d'ex­ploitation.

Le premier argument invoqué par la demanderesse, loin de justifier en droit Ie pourvoi, démontre que l'arrêt attaqué a légalement décidé que l'application des -artiel es 25, § Ier, et 27, § Ier, des lois coordonnées relatives aux impots sur les reverius ne peut être faite aux plus-values réalisées par ia défenderesse depuis l'entrée de celie-ei en liquidation.

Le deuxième argument proposé par la demanderésse à l'appui du premier moyen du pourvoi peut être résumé comme suit : Ie texte d~ l'article 27, § ~er, des lois coordonnées ne fait aucune distinction entre les sociétés en liquidation

(I) Cass., 5 novembre I900 et 7 décembre I922 précités. (2) Traité élém. de droit commercial, I9JI, t. Ier, pp. 287 et suiv. (3) Droit fiscal des sociétés, t. 11, n° 168ter. (4) Suivant FREDERICQ -( Princ. de droit comm. beige, t. 11, n° 1104), la

société en liquidation ne cesse pas d'exister juridiquement, mais elle n'existe plus « comme organisme d' exploitation agissant ».

N 11 3929

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142 JURISPRUDEN CE

et les autres sociétés, et les travaux préparatoires de la loi condamneut même pareille distinction.

11 est exact que Ie texte de Partiele 27, § 1er, n'oppose pas formellement les sociétés en liquidation aux autres sociétés; C'est pourquoi d'ailleurs eet artiele est applicable même aux sociétés · en liquidation, lorsque Ie liquidateur est auto· risé à continuer Ie commerce au l'industrie de la société (art. 182) (1). Mais ce texte, comme celui de l'article 25, § 1er, dont il est Ie complément, exige corilme condition essentielle de son application qu'îl y ait exploitation. Dès lors qu'il .n'y a plus exploitation, la taxe n'est plus due.

Apparemment plus fondée est la seconde branche de !'argument présenté par la demanderesse. L'exposé des motifs de la loi du 13 juillet 1930 (2) · admet implicitement que les sociétés dans lesqueUes la répartition de l'actif ne suit pas immédiatemen_t la dissolution demeurent assujetties à la taxe professionnelle. De même Ie rapporteur au Sénat a incidemment · soutenu la thèse aujourd'hui présentée par Ie pourvoi. Interprétant l'article 14 de la loi du 13 juillet 1930, il déclara :

« Il ne s'agit pas, comme on pourrait Ie croire à la lecture du rapport de la commission de la Chambre, d'exige.r dans tous les cas la taxe mobilière sur la plus-value éventuellement taxabie de I'avoir social, dès Ie prononcé de la dis&o· lution.

» Deux cas sont à envisager :

» 1o La dissolution est prononcée, sans mise en liquidation, par la réunion des actions dans Ie chef d'une seule personne physique ou morale. La taxe mobilière est due à ce moment ...

» 2o La dissolution donne lieu à la mise en liquidation. La taxe mobilière ne sera due sur la plus-value éventuellement taxabie de l'avoir social qu'au moment de la répartition de cette plus-value. Dans l'entretemps, la société -qui subsiste juridiquement - devr~ déposer annuellcment sa déclaration et subira, Ie cas échéant, les impots sur les bénéfices. distribués ou réservés » (3).

Si catégorique que soit cette dernière affirmation, je ne la crois cependant pas décisive. D'abord parce que Ja question que Ie rapporteur avait à résoudre était celle du moment de la débitio~ de la taxe mobilière. Ce n'est qu'incidemment qu'il parle des autres impots. Ens~ite !'argument sur lequel il se fonde pour déclarer que, durant la liquidation, la société sub~t les impots sur les bénéfices est tiré uniquement de ce que la société, pendant cette période, subsiste juridi· quement. Or, je crois avoir démontré ei-avant que, pour que la taxe profes·

. sionnelle soit due aux termes des artiel es . 25, § 1er, et 27, § 1er, des lois coor­données, il ne suffit pas qu'un être juridique ait des revenus, il faut que des bénéfices soient produits par une exploûation industrlelle, comme~ciale ou agricole. L'affirmation du rapporteu'r de la commission du Sénat paraît clone bien avoir été faite de manière trop généra1e, sans_ égard à toutes. les conditions requises pour .l'application des articles 2S, § 1er, et 27, § 1er,

Enfin, l'administration derrümderesse reprend, dans son pourvoi, !'argument

(1) Voy. FEYE, t. II, n° r68ter. (2) Doe. parl., Ch., 1929-1930, n° 13, p. 9· (3) Doe. pari., Sénat, 1929-1930, no 177, p. 10.

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JURISPRUDENCE 143

déjà présenté par elle au juge du fond et tiré du § I;er de l'article S4 des lois coordonnées relatives aux impots sur les revenus. Suivant cette disposition, les redevables tenant une comptabilité autrement que par année civile et toutes Jes sociétés par actions doivent, dans les six mois de la cloture de l'ex:ercice social, remettre à 1' Administration mie déclaration énonçarit, par catégorie, Ie montant des revenus imposables à Ia taxe mobilière ·et à la taxe profession­nelle. L'article ajoute que cehe déclaration doit également être remise par les firmes ou sociétés en liquidation. Cette. obligation commune aux sociétés en exploitation et aux sociétés en liquidation est, d'après la demanderesse, _Ja preuve que ces dernières sociétés sont soumises comme les premières à la taxe professionnelle sur les bénéfices non_ répartis.

Ce raisonnement n'est pas convaincant. Le but de la disposition invoquée est d'établir une mesure de controle permettant à l'Administration de suivre et de vérifier la situation des firmes ou sociétés en liquidation. On lit, en effet, dans I' exposé des motifs : «De cette manière, il sera possible d'appliquer les impots sur tout bénéfice de répartition qui n'aurait pas apparu ou qui aurait été réalisé postérieurement au dernier bilan ou compte soumis à l'examen de l'Administra­tion fiscale » (I). Le rapporteur à la Chambre souligne, à son tour, que cette

_ disposition << tend à assurer la. perception régulière de l'impot à charge des sociétés en liquidation ... à éviter que la percépti_on d'impots Iégitimement dus ne soit oompromise » (2). Bref, Ie texte ne dit pas qu'une société en liquidation est redevabie de la taxe professionnelle, alors même qu'elle ne continue ph~s son exploitation (art. I82 des lois sur les s~ciétés commerciales) et qu'il s'agit de plus-values · réalisées seulement depuis sa mise en liquidation. 11 renferme une prescription permettant de percevoir les impots Iégalment dus; il n'a pas d'autre portée.

De ces diverses considérations, je conclus que Ie premier moyen manque en

dr~it.

Le second moyen concerne Ie dispositif de l'arrêt relatif à la partie de Ia coti­sation frappant les bénéfices produits par.l'exploitation de la défenderesse avant la mise en liquidation de cette société.

Au seuil de !'examen de ce moyen il importe de dissiper une équivoque. Le bilan de la société précédant la liquidation est établi à la date du IS août

I93S· La cession à la société anonyme « Sucrerie et Raffinerie d'Embresin » a été faite Ie 28 avril I936. La demanderesse, dans sa requête, considère comme réalisés avant la liquidatiori les bénéfices produits du IS áoût I93S au 28 avril I936, y compris la plus-value résultant de -la cession du 28 avril I936, « cette ·vente constituant incontestablement un acte professionnel antérieur à la disso­lution de plein droit ». L'arrêt attaqué, en revanche, ne considère comme. réaUsés avant la liquidation que les bénéfices produits depuis Ie IS août I93S jusqu'au moment précédant immédiatement la cession faite à la société anonyme « Sucre­rie et Raffinede d'Embresin », cette vente constituant. à la · fois « l'opération

(1) Doe. pari., Ch., 1929·1930, n° I3.

(2) Doe. pari., Ch., I929-1930, n° 186, pp. II2 et II3.

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144 JURISPRUDENCE

entraîrtant la dissolution de la soci6té et l'acte initial de sa liquidation, savoir la réalisation de la presque totalité de ses biens ».

La requête en cassation n'indique aucune loi que l'arrêt attaqué aurait, par cette décision~ violée : Ie po_urvoi, en tant qu'il soutient que la cession litigieuse n'est pas un acte de liquidation, mais un acte professionnel antérieur à la liquida­tion n'est pas reeevabie · (loi du 6 septembre 1895, art. 14).

Le second moyen n'est clone reeevabie qu'en tant qu'il fait grief à l'arrêt d'avoir annulé" la cotisation frappant les bénéfices produtis par l'exploitation d~ Ja défenderesse' avant Ja Cession du 28 avril 1936 et non distribués OU rép11rtis.

L'administration demanderesse conteste la pertinence des deux arguments sur lesquels l'arrêt fonde sa décision. Ces ar"guments, je Ie rappelle, sont, d'une part, que les bénéfices du dernier exercice social :rie sont pas, quoique provisoi­rement réservés, destinés à parer aux éventtialités défavorables que la société pourrait rencontrer ultérieurement au cours de sa vie sociale, qu'ils ne sont donc pas affectés à l'activité sociale, mais sont destinés à être ultérieurement répartis et, d'autre part, sauf Ie cas de l'article 182 des _lois coordonnées, la sociéte, dès sa dissolution, disparaît comme redevabie d'impots.

Est-il exact que la taxe professionnelle ne frappe pas les bénéfices qui, bien que produits par une exploitation. et réservés, sont cependant destinés à être ultérieurement répartis? Je cherche en va in dans la loi un t~xte qui appuie l'opinion de la Cour d'appel. Qu'il s'agisse, ·en l'espèce, de bénéfices produits par une exploitation commerciale, l'arrêt attaqué Ie constate en termes formels. Qr, suivant l'article 25, § rer, la « taxe professionnelle atteint tous les revenus désignés ei-après : 1° les bénéfices des exploitations industrielles ... ». L'art. 27,

§ 2, précise que sont considérés comme b~néfices, au point de vue de la taxe -professionnelle : « 5° les réserves ou fonds de prévision quelconques, Ie report à nouveau de l'année et toutes affectations analogues ». Ainsi donc, non point seulement les réserves affectées au déyeloppement de la vie sociale, mais les réserves ou fonds de prévision quelconques et toutes affectations analogues. On ne peut dire en termes plus nets que tout bénéfice réservé, · queUe que soit· la destination de cette réserve, est taxable. Par ailleurs, l'article 35, § 2, n'excepte de la taxe, lorsqu'il s'agit d'une société par actions, que les « revenus distribués ou assujettis à la taxe mobilière comme revenus de capitaux investis »; et il rappelle, pour les sociétés autres que par actions possédant la personnalité juridique, qu'elles sont assujetties à la taxe professionnelle sur les bénéfices

réservés.

C'est donc à bon droit, selon mon sentiment, que Ie pourvói reproche à l'arrêt d'avoir violé les articles 25 et 27 des lois coordonnées en . donnant à l'expression « bénéfices réservés » une interpt'{;tation restrictive, alors -que Ie texte vise les réserves quelconques.

Mais Ie dispositif de l'arrêt attaqué ne demeure-t-il pas justifié par la seconde _raison qu'il invoque, savoir que la dissolution ou mise en liquidation d'une société entraîne . nécessairement et immédiatement la disparitionl de celie-ei comme redevabie d'impots? La société ayant disparu ne peut plus ·être un sujet d'impots, même en raison de bénéfices pr,oduits durant sa vie. Pour la Cour d'appel, la société en liquidation, sauf le cas de l'article 182, est donc uné

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JURISPR UDEN CE 145

société morte, et ce mort n'a point d'héritiers qui continuent sa personne; dès lors, toute imposition est devenue impossible, car on n'impose pas un mort.

Est-il bien eertaio qu'une société en liquidation soit, au regard du fisc, une société morte?

Si telle devait être la vérité Iégale, on aboutirait à d'étranges conséquences. Ainsi, il a été ràppelé ci-dessus que la défenderesse est demeurée propriétaire

de quelques terrains. Ceux-ci sont sa propriété exclusive; les associés n'en deviendront jamais propriétaires si les terrains sont réalisés; si les terrains leur sont remis à la. fin de la liquidation par Ie liquidateur, ils en acquerront, ma is à partir de ce moment seulement, la propriété. Dans la doctrine de !'arrêt atta­qué, ces terrains, tant qu'ils demeurent la propriété de la· société, ne peuvent donoer lieu, à charge de celie-ei - morte et sans héritier - à la perception de la_ contribution foncière. Voilà donc des immeubles qui continuent à appar·. tenir à la société, mais qui, en dehors de toute exemption Iégale, seroot exoné· rés en fait d'impot!

La taxe professionnelle, suivant l'article 32 des lois coordonnées relatives aux impots sur les revenus, est établie, pour les redevables ne tenant pas une comp­tabilité par année civile, sur les revenus de l'exercice annal cloturé pendant l'année courante. La société défenderesse ayant cloturé son bilan Ie IS août I935 a été, pour l'année I935, cotisée sur base de ce bilan après que, confor­mément à l'article 54, elle eut dans les quinze jours de l'approbation du bilan remis à l'administration une déclaration énonçant, par catégorie, Ie ~ontant

des revenus imposables. Supposons qu'au lieu de n'avoir été mise en liquidation que Ie 28 avril I936,

la société défenderesse l'eût éte postérieurement au bilan du I5 août I935, mais ·avant Ie jour ou elle était tenue de remettre sa déclaration. Dans la doe· · trine de l'arrêt attaqué, aucune taxe professionnelle n'eût pu être établie sur les bénéfices réservés au bilan du IS août I935, puisque, au moment ou la société devait être taxée par l'Administration, elle n'était plus qu'un cadavre. On reconnaîtra que pareille exonération d'impots oe peut être admise par Ie juge que si elle résulte fortneHement ou nécessairement de la loi.

Or, la loi ne · dit pas que la société en liquidation est une société morte, et pareille affirmation me paraît d'ailleurs des plus contestables.

Ce «mort», en effet, conserve légalement un domicile (I) et un droit exclu­sif à son oom ( 2). C' est ce mort qui seul demeure propriétaire des biens sociaux non encore répartis, car, par le seul fait de la mise en liquidation, il ne s'établit pas un état d'indivisio~ entre les associés (3) ; Ie législateur a voulu que jus­qu'à la réalisation ou la répartition des biens sociaux, ceux-ci demeurassent la propriété de la société dissoute, et même lorsque ces biens sont partagés en , nature, ce partage ne rétroagit pas au jour de la mise en liquidation (4). Ce mort

(I) Code de procédure civile, art. 69, 6°. (2) LES NOVELLES, Droit commercial, t. 111, n° 4273. (3) FREDERICQ, Princ. de d1'oit comm. belge, n° nos; RESTEAU, Traité

des sociétés anonymes, I934, t. ry, n° I973; Cass., I7 mai I906 (Bull. et PASIC., I906, I, 249), rendu à I' occasion d'une société en oom collectif.

(4) Le partage ne rétroagit que lorsqu'il s'agit de sociétés civiles (Code civ.,

art. I872) ..

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-14{) JURISPRUDENCE

demeure aussi titulaire des ·créances et reste tenu des dettes sociales {I) ; ce mort, enfin, peut agir en justice, sóit ~n demandant, soit en se défendant (2).

A la vérité, ce prétendu mort ressemble, par · bien des aspects, à un vivant, à un vivant qui, généralement, a perdu toute activité professionnelle et s'atro­phie, mais à un vivant néanmoins. C'est ce qui faisait dire à M. Ie procureur .général Terlinden, dans ses conclusions précédant votre arrêt du 5 mai 1911 (3) : _'lu mise en liquidation n'est pas encore la mort, c'est l'agonie.

Par ailleurs, l'arrêt attaqué reconnaît que, lorsque la société en liquidation continue, par l'organe de ses liquidateurs, son commerce ou son industrie jusqu'à réalisation (art. 182), elle peut être imposée. On ne saurait d'ailleurs sérieuse­.ment contester qu'il en soit ainsi (4). Mais cette continuation d'u commerce d~ . la société n'empêche pas celie-ei d'être en état de liquidation et l'autorisation requise par, l'article I82 n'est même souvent donnée que postérieurement au _moment de la mise en liquidation. D'ou la condusion que, dàns Ia doctrine de !'arrêt attaqué, les sociétés en liquidation sont tantot des morts, tantot des

.vivants1 tant8t des morts que l'on ramène à la vie, qui ressuscitent. 11 ne seinbie pas que la vérité légale soit aussi complexe ni que l'imagination du législaterir ait été aussi riche.

Certes, une logique rigide eût exigé que la société qui n'a été créée que pour réaliser l'objet social, pour exploiter une industrie ou un commerce, cessat d~exister dès Ie jour de sa mise en liquidation, c'est-à-dire dès Ie jour ou, généra\ement, elle cesse de poursuivre la réalisation de son objet, d'exploiter son industrie ou son commerce. Mais cette conséquence logique, Ie législat_eur n'a pas cru· porivoir l'admettre et cela non point seulement, c~mme on Ie sou­tient parfois, en raison de l'intérêt des tiers, mais encore - et les travaux pré­paratoires Ie soulignent (5) - en raison de l'intérê~ des associés e_ux-mêmes.

C'est qu'en effet l'être moral qui constitue la société n'a pas, comme une per­sonne physique, d'héritier. Cet être juridique disparu, nul ne lui succède. Dès lors si, pendant l~ liquidation, I'être moral société ne subsistait point, les biens ~soéiaux devi.endraient des biens sans maître, des immeubles sans propriétaire, des

créances sans titulaire et les dettes sociales s'éteindraient faute de débiteur. Sans · . doute on eûf pu imaginer que,·Ia société une fois disGoute, Ie patrimoine social fût

immédiatem{mt transféré aux associés. Mais pareil système eût, lui aussi, entraîné de graves conséquences : d'une part, les créanciers de la société et les créanciers per· ·son.nels ·des associés fussent alors venus en concours; d'autre part, la liquida­tion du patrimoine social eût exigé l'intervention .de chacun des associés et, s'il 'e::dstait parmi ceux-ci des mineurs, les formalités de la loi ·civile sur les par~ tGges eussent dû êt~e observées. Dans Ie cas ou un intérêt certairt exigeait que provisoirement Ie commerce fût continué (art. 182), tous les actionnaires fussent devenus des commerçants et eussent été exposés à être déclarés en état de

fejllite.

(I) (2)

(3)

(4) (s)

. I

Lois coordonnées sur les sociétés commerc11

iales, art. I8I et I84. Idem, art. _I8I. Bull. et P ASIC., I911, I, 235. FEYE, t. 11, n° I68tet·. Ann. pari., Ch. I869-I87o, p. 5I5, in fine.

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JURISPRUDENCE 147

Tenant compte de- ces considérations et des nécessités juridiques et économi­qu~s dont elles sont l'expression, ie Iégislateur a décidé que la mise en liquida­tion d'une société oommerciale n'entraînerait pas la disparition de l'être juridi­que. Mais celui-ei n'a plus désormais qu'une vie réduite, atrophiée et éphémère. 11 n'existe plus « que pour sa liquidation » (1), c'est-à-dire dans' la _mesure ou Ie maintien de son existence est nécessaire jusqu'au jour ou, la liquidation étant terminé~, ii ne reste plus de la société qu'un souvenir.

De là plusieurs conséquences :

1° C'est Ie même être moral qui subsiste pendant la durée de la liquida• tion (2). La mise en liquidation ne fait donc pas de Ia soèiété un cadavre, un mort auquel succède un être nouveau et éphémère;

2° La capacité de l'être mor~l est néanmoins considérablement réduite. En -principe, la société ne peut plus entreprendre ·une affaire nouvelle et lors­qu'exceptionnellement elle y est autorisée (art. I82), ce ne peut être que pour une durée limitée et en _vue de rendre plus avantageuse Ia liquidation. Lorsque - ce qui est la règle - l'exploitatión de son commerce _a pris fin, elle ne peut plus faire que des actes de liquidation, c'est-à-dire terminer les affaires commen­cées avant la dissolution, réaliser les biens sociaux, apurer Ie passif, répartir éventuellement Ie solde en boni entte les associés;

3° La société n~étarit point morte, ii n'est pas exact de dire qu'eUe ne peut plus être un contribuable, redevabie d'impot. Particulièrement, puisqu'elle survit notaroment pour apurer son passif, pour. payer ses dettes, tant celles antérieures au jour de la dissolution que celles contractées pendant et pour la liquidation, elle est tenue d'acquitter les impots auxquels sont soumis les opératións ou béné­fices antérieurs à son entrée 1 en liquidation, comme éventuellement ceux dont la loi frappe les opérations ou certaines opérations de liquidation.

Je conclus qu'aucun des arguments invoqués par l'arrêt à l'appui de son dis­positif relatif aux bénéfices produits avant l'acte initial de la liquidation - la cession du 28 avril I936 - et non répartis, n'est fondé.

Mais cette constatation ne doit pas nécessairement entraîner la cassation de l'arrêt. Si celui-ei a, pour déclarer la cotisation nulle, invoqué des motifs de droit erronés, il demeure possible que ce dispositif soit justifié par d'autres raisons de droit qu'il appartient à la Cour d'invoquer d'office. - La Cour doit donc reehereher s'il est bien exact, comme l'affirme la deman­

deresse, que les bénéfices litigieux étaient soumis à la taxé · professionnelle en vertu des articles 25, § 1er, 27, §§ 1er et 2, 5°, et 32 des lois coordonnées, relati­ves aux impots sur les revenus.

J'ai déjà rappelé à la Cour que, suivant les constatations mêmes de l'arrêt, il s'agit en l'espèce de bénéfice~ d'une exploitation commerciale au sens des articles 25, § Ier, et 27, § Ier, des lois précitées. Puis j'ai tenté de lui démontrer que la oirconstance que ces bénéfices réservés étaiel)t destinés, en tout ou en partie, à être ultérieurement répàrtis, ne faisait pas obstacle à l'application de

l'article 27, § 2, 5°.

·(I) Artiele 178 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales. (2) LES NOVELLES, Droit commercial, t. lil, n° 4272; RESTEAU, t. IV,

Jio I879•

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148 JURISPRUDENCE.

On peut déjà déduire de ces deux propositions que la taxe professionnelle. est, en principe, . applicable à ces bénéfices .

. Mais n'existe-t-il aucune disposition Iégale qui exonère de la taxe profes­sionnelle les bénéfices produits et réservés d'une exploitation commerciale, lorsque celte-ei pre11d fi11 au cours d,u11 exercice?

Pareille exonération n'est énoncée par aucune disposition de la loi et elle me paraît même formellement contredite par Ie § 2 de l'article 32, · ainsi conçu :, « § 2. En cas de cessation de profession da;~ Ie courant de l'année par suite de décès ou de toute autre cause, une cotisation spéciale est réglée d'après les résultats de la période pendant laquelle Ia profession a été exercée ».

On soutient parfois, il est vrai, que cette disposition ne concerne que les per­_sonnes physiques qui survivent à la cessation . de leur profession ou qui, après leur décès, sont représentées par leurs héritiers. Mais il importe de reehereher si cette interprétation restrictive èst fondée.

Certes, il existe de notables différences entre une société qui entre en liqui­dation et cesse son exploitation, d'une part, et la personne physique qui cesse sa profe~sion, d'autre part. La société en liquidation continue à vivre, mais d'une vie réduite, atrophiée et éphémère. La personne physique qui cesse sa profession ou bien ne vit plus - si Ia cessation a pour cause Ie décès - ou bien au con­traire continue à vivre sans que la cessation de sa profession ait une incidence quelconque sur Ia durée de son existence. Mais ce qui est commun à l'une et à l'autre - et ce qui est précisément exprimé par l'article 32 - c'est que toutes deux cessent leur profession, que toutes deux mettent un terroe à leur activité professionnelle. Dès Iors que ie texte de l'article 32,~ § 2, comprend aussi bien la première hypothèse · que la seconde, pourquoi se refuser à l'appliquer à celle~là et ajouter ,au texte cette condition, qu'il ne · contient point : <<En cali de cessation de profession par u11e person11e physique ... ? »

Signaloos que cette restrietion est d'autant plus difficile à justifier que d'au­tres dispositions du même artiele 32 sont manifestement applicahles aux sociétés comme aux personnes physiques. Tel est Ie cas du· § Ier, alinéas I et 2. Com­ment Ie Iégisiateur, s'il avait entendu !le point rendre Ie § 2 applicable, lui aussi, aux sociétés contme aux personnes physiques, aurait-il omis de s'en expiiquer

formellement?

·En vous conviant à interpréter l'article 32, § 2, conformément à son texte, je demeure fidèle à Ia doctrine des deux arrêts que vous avez rendus Ie 9 octobre I939 (I). Sans do u te oppose-t-on à ces arrêts les conclusions prises par M. Ie procureur général Gesché avant votre arrêt du 25 novemhre I935 (2). Mais l'espèce appréciée par M. Ie procureur général Gesché était très différente de l'espèce présente. Voici comment s'exprimait ce haut rnagistrat : «Tout ce qui est réglé par l'article 32 soppose un contribuahle susceptihle d'être imposé à Ia taxe professionnelle... Or, si ce contrihuahle survit dans Ie particulier qui vient à cesser sa profession, il a définitivement cessé d'exister; si ce contrihuable est une .société qui a procédé à sa liquidation ». M. Ie procureur général ne dit pas que I' artiele 32 n'est jamais applicahle aux sociétés commerciales; il ne dit

(I) Bull. et PASIC., I939, I, 404. (2) Ibid., I936, I, p. 64.

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JURISPRUDENCE 149

pas non plus que l'article précité n'est jamais applicable aux sociétés eil liqui­dation. 11 précise que l'article est sans application aux sociétés dont la liquida­tion . est opéré'e; lorsque la ïiquidation est close, I' être juridique a, en effet, totalement disparu. Qu_e telle soit bien la pensée de l'éminent magistrat, la suite de ses conclusions Ie démontre péremptoirement : « Une fois la ·Jiquida­tion opérée, il ne reste plus que des biens et des personnes qui ont sur ces biens Uti- droit de Pt·opriété dinJet et qur jamais, à aucun titre, .n'ont été débiteurs de la taxe professionnelle... Les pro prié taires du reliquat actif de· la société ne sont en aucune' façon les héritiers de la personne juridique de celle-ci. » Pour · que les associés aient un droit de propriété et plus encore un droit de propriété direct, sur les biens ayan.t appartenu à la société, pour qu'ils soient devenus propriétaires du reliquat actif de la société, il ne suffit pas que celle-ci ait été mise en liquidation; il faut que la liquidation soit opérée, c'est-à-dire cloturée.

Lorsque la liquidation est cloturée, l'être juridique a disparu et dès ce moment il ne peut clone plus être imposé. Tout autre est Ie cas présent, puisque la défet;J.deresse a été cotisée pendant Ie cours de sa liquidation et à raison de bénéfices antérieurement recueillis par elle.

Condusion : cassation de l'arrêt, mais en tant seulement que celui-ei déclare nulle la cotisation établie à raison des bénéfices recue'illis par la défenderesse avant la cession du 28 avrii 1936 et non répartis ou distribués. Ren~oi de la cause ainsi limitée.

Rejet du pourvoi pour Ie surplus.

Gondamnation de chacune des parties à la moitié des dépens de I'instance en cassation.

No 3930. - Cour de cassation (2e eh.). 17 juln 1942. Sièg. : MM. Hodüm, ff. prés.; Wal effe, rapp.;

R. Hayoit ·de Termicourt, av. gén.

(Soc. Etabl. Scaldis, Vanderwielen et Jeuniaux c/ Adm. des Finances.)

Société en commandite simple. - Dissolution. -Apport de l'avoir social à une société nouvelle. - Subsistance de la. société dissoute pour sa liquidation. - Obligations envers ses créanciers. - Taxe mobilière d:ue et en suspens. L'apport de l'avoir d'une société commet·ciale (commandite simple) à une

société -nouvelle laisse subsister la première pour sa liquidation et tz'entraîne · pas décharge de ses obligations envet·s ses créanciers.

Pourvoi contre un arrêt de la Cour de Bruxelles du 26 novembre 1941.

Le moyen du pourvoi fait grief à eet arrêt d'avoir ad mis que 1' Administr~tion des Finances ait pu Iégalement établir les cotisations Iitigieuses (taxe mobilière) à la charge de la société en commandite simp Ie Eug. J euniaux et Oe, bi en que celie-ei fût dissoute par acte notarié du 30 novembre 1936, pour le motif que la liquidation de cette société n'était pas à cette date réellement cloturée · et que, partant, la société était, aux termes de l'art. 178 lois coord., réputée exister pour sa liquidation. Suivant la demanderesse en cassation, la liquidation était

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JURISPRUDENCE

nécessairement cloturée dès l'instant ou les associés avaient, par l'acte du 30 · novembre 1936, déclaré transférer tout l'actif so~ial {i une société nouvelle.

La Cour de cassation statue comme suit :

Attendu que Ie moyen fait grief à l'arrêt d'avoir admis- que l'Administration des Finances ait pu légalement établir les c~tisation~ litigieuses à la charge de la soCiété en commandite simple « Eugène J euniaux ·et_ Oe », bi~n que celie­ei fût dissoute par acte notadé du 30 novembre 1936, pour Ie motif que la liqui­dation de cette société n'était pas à cette date réellement cloturée et que, partant, la société était, aux termes de l'article 178 des· lois coordonnées Ie 30 novembre 1935, réputée exister pour sa Îiquidation; .

Que, suivant la demanderesse, la liquidation de la société en commandite simple était nécessairement cloturée dès !'instant ou ses associés avaient unani­mement, par l'acte du 30 novembre 1936, déclaré transférer tout l'actif social à une société nouvelle, la demanderesse, et qu'en décidant Ie contraire; l'arrêt a violé l'article 178 précité, ·la foi due à l'acte authentique du 30 novembre 1936 et l'aveu f~it par l'Administration dans la décision directoriale, objet du recours de':ant la Cour d'appel;

Attendu que de la constatation par l'arrêt que l'acte du 30 novembre 1936

« implique une répartition préalable faite aux associés de l'objet de leur apport· à la société nouvelle », répartition donnant lieu au payement d'un impot par la société en commandite simple il résulte que celie-ei était débitrice du dit impot antérieurement à l'acte du 30 novembre 1936;

Attendu que la fixation du montant de la dette de la société envers Ie fisc et son règlement étant encore en suspens au 30 novembre 1936, la Cour d'appel, ·en décidant que la société, à cette date, continuait à exister pour sa liquidation, 11.'a pas yiolé l'article 178 des lois coordonnées sur les sociétés co'mmerciales; qu'elle n'a pas davantage violé la foi due à l'acte authentique du 30 novembre 1936, l'apport de l'avoir d'une société à une société nouvelle n'entraînant pas, pour la première, décharge de ses obligations envers ses créanciers;

Attendu, enfin, que l'appréciation émise par Ie directeur des contributions, . dans l'un des motifs de sa décision, que la liquidation de la société en com­mandite simple était automatiquement terminée par ~uite du transfert de l'avoir de · cette société à la société nouvelle, ne constitue pas un aveu au sens- de I' artiele 1356 du Code ei vil;

· Que, saisie par Ie . recours du redevabie contre une décision qui rnaintient la cotisation établie, la Cour d'appel doit reehereher si l'impot est ou n'est pas légalement dû;

Que si elle ne peut aggraver, au regard du redevable, le dispositif ·de la déci­sion frappée de reco.urs, elle n'est aucunement liée par les motifs invoqués à l'appui de cette décision;

. Attendu quë l'arrêt, se bornant à maintenir Ie dispositif de la décision direc­toriale, a pu, sans violer aucune des dispositions visées au moyen, ne point s'en approprier tous les motifs;

Que Ie moyen manque en droit;

-Par ces motifs, la Cour rej ette ... ; condamne la demanderesse aux frais.

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Obsarvations. - Les motifs de cette décision sont conformes aux ,principes fonda:mentatix en matière de liquidation consacrés par les art. 1 7 8 lois coord. soc. comm. et 12 71, zo, 12 7 5, 12 77 C. civ.

La novation par changement de débiteur ne peut s'opérer sans Ie concours du créancier. En cl' autres termes, un débiteui:' ne _peut imposer à son créancier, contre Ie gré de celui~ci, un autre débiteur; Ie débiteur n' est pas déchargé .à 1' égard de son créáncier, par Ie fait quïl se substitue . une autre personne pour payer sa dette; il reste personnellement ten u de celle~ci envers son créan~: cier _jusqu' à complet paiement ou décharge volontaire de ce der~

;mer. Conséquence en matière de société cammerciale : une sociétéJ

qui se dissout pour faire apport de la totalité de son actif à une société nouvelle, reste, ce nonobstant, tenue envers ses propres _créanciers, même si la société nouvelle s' est chargée du paiement

de son passif. Cfr Cassation, 7 mai 1930, Revue, 1932, n° 3204, pp. 63 et

suiv., et les observations. Sur cette question et cl' au tres. questions voisines ~uscitées par

l'absorption ou la fusion de· sociétés, voir : Revue, 1932, n° 3221, p. 9.1;- 1934, n° 3362, p. 38;- 1934, n° 3391, p. 157;-1935, n° 34 79, p. 294; - 1936, n° 35 73, p. 315; - 1939, n° 3825, p. 294; - Comm. Bruxelles, 15 déc. 1941, Revue, 1947. \ : ill

En ce qui concerne Ie point de vue fiscal rappraeher aussi de

!'arrêt, !'arrêt de Cassation du 7 juillet 1941 (Revue} 1947,

n° 3929, p. 13 7).

No 3931. -. Tribunal de commerce de Bruxelles (lP eh.). 21 janvier 1939.

Sièg. : MM. Campain, prés.; Hendrickx, référ.; Plaid. : MMes Bouchery (Anvers) c. Brusseleers (Anvers)

et M. Grégoire, avocats. {Moes cj soc. mz. E.D.E.C. et Moes cj Dubois et Nieder.)

Société anonyme.- Nombre des associés réduit à deux. - Dissalution demandée. - Liquidation .. ___:_ Désignation des liquidateurs et mode de liquidation réservés par les statuts à l'assemblée générale. -Titrespossédés à moitié par les deux associés avec convention de blo­cage. - Mésintelligence irrémédiable. - Assemblée générale. - Con-

N11 3931

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152 JURISPRUDENCE

stitution . d'une majorité impossible.- Inter-vention du Tribunàl pour dé•igner Ie liquidateur et déterminer ses pouvoirs (art. 179, loi& coord. soc. comm.).

Lorsque, dans une société anonyme dissoute en raisotz de la réduction à deux du nombre des associés, il appamît dès ores, impossible par suite de la posses­sion 'des actions en exacte moitié par les dits associés, d'ailletlt'S liés Stt·ictement par une convention de blocage de leurs titres et sépm·és par une mésintelligence apparentment it'rémédiable, qu'une majot·ité se dégage en assemblée générale pour, conformément aux statuts, désigner des liquidateut·s et détet·minet· le mode de liquidation, i/ appartient aux tribunaux de suppléer à cet'te carenee acquise de ['assemblée générale, nonobstant les tennes de l'art. I54 atzcien (I79) des lois coordonnées sut' les sociétés commercialesl

. i

Attendu que I' action inscrite sub n° 12.593 tend ·.à faire déclarer dissoute la société défenderesse et à faire dire que sa liquiàation se fera conformément à ses statuts;

Attendu que l'action inscrite sub n° 12.594 tend à faire déclarer commun aux deux défendeurs Ie jug~ment à rendre en la cause précitée sub n:o 12.593;

Attendu que Ia sóciété Edec ( d~fenderesse, en la cause 12.593) ne conteste pas Ie fondement de Ia demande; qu'elle déclare accepter que sa dissolution soit prononcée et que sa liquidation se fasse conformément à ses statuts;

Attendu que Ie défendeu·r Nieder déclare se référer à justice; Attendu que Ie défendeur Dubois ne s'oppose pas à ce que la société Edec

soit déclarée dissoute; qu'il postule tóutefois la désignation d'un liquidateur et la détermination du mode de liquidation par Ie Tribunal;

Attendu que la société Edec s'oppose à la demande formulée par Dubois; Attendu que la société ~dec fait observer : 1° que par son acceptation des

fins de I' exploit introductif susvisé Ie coritrat judiciaire serait formé; qu'il n'appartiendrait ni à Dubois, ni à Nieder de s'opposer à cette acceptation, ni au Tribu.nal de se substituer aux parties en leur imposant une solution différente de celle qu'elles désirent; .

2° que Ie Tribunal n'est pas qualifié J?OUr désigner un liquidateur, ni pour déterminer -Ie mode de liquidatîon; que son intervention se ferait en violation de la loi (art .. 179 des lois coordonnées sur les sociétés) et de la volonté for­mellement exprimée par les parties dans les statuts de la société Edec (art. 29 des statuts publiés aux annexes du M oniteur beige du 18 octobre 1933, -acte n° 12.925);

I) Quant au premier moyen soulevé par la sociét~. Edec; Attendu que son observàtion formulée. dans une note non développée en plai­

doiries et à laquelle aucune allusion n'a d'ailleurs été faite en conclusions, ne peut être accueillie;

Attendu en effet qu'il est constant que Dubois et Nieder sont les deux seuls l!lctionnaires de la société Edec depnis Ie Ier juillet 1937;

Qu'ils seraient clone reeevables à former tierce-opposition au jugement qui interviendrait en cause de Moes, président du conseil d'admi11istration de la société Edec, sans en être actionnaire, contre cette dernière;

Que Dubois et Nieder pou:rraient par cette voie Jaire valoir leurs moyens

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JURISPRUDENCE 153

et combattre les fins de !'exploit introductif pour obtenir un jugement qui n'y serait pas conforme;

Qu'ayant été assignés en déclaration de jugement commun, ils sont autorisés à opposer les mêmes moyens que dans une instanee en tierce-opposition i que s'ils ne pouvaient jouer qu'un role passif dans l'action en déclaration de juge­ment commun, leur mise en cause serait sans intérêti qu'elle se justifie au contraire par Ie souci de ne leur rendre commun qu'un jugement prononcé après examen de tous les moyens de fait ou de droit qu'ils estiment devoir invoquer à l'appui ou à l'encontre de la demande ·principale; .

Attendu qu'il résulte de ces considérations que l'acceptation pJ,~re et simple par la société Edec des fins de }'exploit précité dicté à la requête de Moes, peut être combadue par Dubois et Nieder et qu'il échet de se prononeer sur Ie fondement de leurs observations ;

2) Quant au deuxième moyen soulevé par la société Edec : Attendu que parties étant toutes d'accord sur la nécessité de déclarer la

société dissoute, Ie litige porte essentieHement sur la nomination d'un liquida­teur et sur la détermination du mode de liquidation de· la société après. sa dissolution i

Attendu qu'il échet de préciser avec soin les éléments d'appréciation acquis aux débatsi . · Attendu que Ie 7 octobre I933, date de la constitution de la société Edec (statuts publiés au Mo11item· beige susindiqué), Dubois et Nieder signaient avec un sieur Pierre Chateau une convention aux termes de laquelle « les trois sous­,signés, propriétaires ebacon de 146 titres de la société anonyme E. D. E. C. s'engagent à ne jamais vendr{!, sauf en cas d'accord unanime, aucune des actions de la dite société, si ce n'est entre eux et ce par parts égales i si l'un des ayants-droit ne désire pas acheter la part lui revenant, celie-ei pourra être reprise. par l'autre »i

Attendu qu'en exéèution de cette ·convention et par suite du départ du sieur Chateau, Dubois et Nieder d~ivent avoir acquis de ce dernier les actions qu'il possédait et, en outre, les douze actions souscrites par des ti ers à I' époque de la constitution de la société i

Attendu qu'il résulte, en effet, tant d'une déclaration de Nieder en date du 9 avril I938, que de Dubois en date du 2 .avril I938, que les 450 actions for­mant la totalité au capital de la société Edec, sont depuis une date antérieure au Ier juillet I937 la propriété exclusive de MM. Dubois et Nieder et ce par parts égales i que Dubois et Nieder sont donc, depuis une époque antérieure au Ier juillet I937, propriétaires ebacon de· 225 actions de la société Edec, dont Ie nombre d'associés est, tout au moins depuis cette date, réduit à deux; que la dissolution de la société Edec, postulée par Ie président de son conseil d'ad­ministration, doit être prononcée (art. I03 des lois coordonnées sur les sociétés) i _ Attendu que, comme Ie fait observer Moes dans son exploit introdqctif sus­visé, la situation prédécrite « est de nature à compromettre gravement Ie {onctionnement normal de la société tel qu'il a été voulu par Ie législateur, à . réduire dans des limites inadmissibles Ie controle régulier des opérations socia­les et de l'accomplissement des prescripdons Iégales i qu'en outre, les difficul­tés et dangers résultant de cette situation s~ trQuvent encore aggravés du

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154 JURISPRUDENCE

fait des dissensions graves existant actuellement , entre les de u x àctionnaires »i Attendu que l'existence d'un conflit sérieux entre Dubois et Nieder est clone

reconnue par Ie président du conseil .d'admitiistration lui~même i qu'il n'y a pas Üeu de reehereher les causes de l'opposition d'intérêts née entre euxi qu'il suffit de constater qu'elle . existe, qu'elle est grave et 9u'elle paraît d'autant plus insoluble que chacun possède Ie même nombre de titres et qu'aux termes de la convention du 7 octobre 1933 précitée, chacun s'est engagé à ne jamais vendt·e aucrine de ces actions i

Attendu que c'est au regard des faits non contestés, tels ql.l'ils sont repris dans les motif~ · susénoncés, qu'il y a lieu d'apprécier les arguments développés par les parties i

Attendu sans doute qu'aux termes. de I' artiele 29 des statuts de la société Edec susvisés, · « en cas de liquidation de la société, soit pour terme de son existence, soit pour tout f!Ulre motif, !'assemblée générale nommera Ie ou les liquidateurs et fixera le mode de liquidation »i

Que cette clause se borne d'ailleurs à reproduire expressément dans les stat~ts la disposition 'légale de l'urt. 154 des lois coordonnées sur les sociétés .qui règle la situation à défaut de convention contr.aire i

Attendu que tant la loi que la volonté des assoèiés . au· jour de la constitution de la société Edec attribuent clone à !'assemblée générale la nomination du ou des liquidateurs et la fixation du mode de liquidation i

Que Ie même artiele 154 n'accorde aux tribunaux Ie pouvoir de statuer à eet égard qu.e lorsque la majorité spéciale n'est pas atteinte dans les sociétés en nom collectif et dans les sociétés en commandite simple · ou dans les cas de nullité de société i ,

Attendu qu'il se conçoit que la doctrine refuse en général, dans ces ·cas, aux tribunaux Ie droit de se s\lbstituer à !'assemblée générale d'une société anonyme en. dehors du cas de nullité de la société i (RESTEAU, Tmité des sociétés atto­nymes, t; lil, n° 1803 et ss., édit. de 1913 i DE WEERDT, Samensmelting vaH naamlooze vennootschappen, pp. 35 et 36 i WAUW~RMANS, Manuel pratique d~s sociétés ano~tymes, n° 93q i FREDERICQ, Pn)zcipes de droit commercial, ·t. IJ, p. 530) i . . .

Attendu, d'autre part, que Dubois fait observer à tort ql.le !'assemblée géné­rale ne pourrait accomplir la mission qui lui est dévolue par les" statuts, pour Ie motif que la dissolution d~ la société étant déclarée, !'assemblée générale ne lui survivrait pas i

Attendu que non seulement aux termes de l'art. 153 des lois coordonnées, les sociétés commerciales sont, après leur dissolution, réputées exister pour leur liquidation, mais que la réunion de !'assemblée générale d'une société dissoute et en liquidatien est expre~sément vi~ée par les articles :r57, 162 et 163 anciens, . des lois coordonnées i

Mais attendu que si la survivance théorique de !'assemblée générale dans les· sociétés dissoutes est certaine, contrairement à la thèse ·de Dubois, encore faut-il que son. fonctionnement régulier et normal soit possible pour · que l'exercice des pouvoirs qui lui sont Iégalement ou statutairement conférés, lui soit excl~sivement et définitivement maintenu i

Que sous peine de déni de justice il incombe au juge de statuer Iorsque .des

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.ÏURISPRUDENCE 155-

litiges présentant des situations non prévues par la loi ou les conventions lui sont soumis; que « liée au caractère de généralité inhérent à toute règle, elle (la loi) ne va ut. que comme solution moyenne; ... à la jurisprudence est dévolue fadaptation aux réalités concrètes, aux cas d'espèce »; (DE PAGE, H., Traité élémentaire de droit civil, t. I, n° 10) ;

Attendu qu'en décidant de laisser à !'assemblée générale le soin de nommer ltl ou les liquidateurs et de fixer. Ie mode de liquidation, la loi et ·les statuts p'ont évidemment pu enyisager que l'hypothèse ou cette assemblée générale pouvait fonctionner régulièrement et délibérer en suivant Ie~ règles de discus­sion des assemblées délibérantes (art. 74 des lois· coordonnées) ou Ie mode de délibération fixé par Ie pacte social; qu'il est de règle dans une ·assemblée délibérante que la majorité impose son choix à la mi~orité; que « en cas de parité de voix, la proposition soumise àu yote est rejetée » (RESTEAU, op. cit., t.- 11, p. 371); que l'adoption d'un objet quelconque figurant à l'ordre du jour

'd'une assemblée générale est nécessairement soumise à la condition qu'une majorité même relative puisse se dégager, de ses délibérations; qu'à défaut de cette majorité la proposition ne pourra être accueillie;

Attendu que l'opinion précitée exprimée par Resteau semble d'ailleurs être inspirée par Ie cas normal, quod plerumque fit, ou !'assemblée générale pourra réunir une majorité et pourra donc délibérer utilement; qu'il estime, en effet, (op. cit., t. III, n° 1803 itz fine) qu'il n'y a « aucune utilité à reconnaître aux tribunaux Ie droit de désigner des liquidateurs; ainsi que nous l'avons démon­tré, les actionnáires sont suffisamment armés pour req~érir des anciens admi~

vîstniteurs la convocation d'une assemblée générale ayant pour mission de nommer des liquidateurs; dans ces conditions il serait inutile · d'autoriser un rccours aux tribunaux ) ; · Attendu en conséquence que c'est dans la possibilité pour les actionnaires

d'obtenir la convocation d'une' asssemblée générale aux fins de nommer des liquidateurs, que Resteau voit Ia sauvegarde de leurs droits et l'inutilité du recours aux tribunaux;

Attendu que lorsqu'il est avéré que des délibérations de }'assemblée générale, suprême ressource des actionnaires, aucune majorité ne pourra se dégagei" sur Ie point de l'ordre du jou:r relatif à la nomination des liquidateurs, il s'aperçoit aisément que Ie recours aux tribunaux ne sera pas seulement utile mais néces· saire; • Attendu que Ie droit pour les tribunaux de procéder, dans cette hypothèse bien spéciale d'une impossibilité pour !'assemblée générale d'obtenir une majo· rité, à la désignation d'un liquidateur a d'ailleurs été admis par . un jugement du Tribunal de commerce de Bruxelles en date du 7 septembre 1~21 (Jur. Comni. Brux., 1921, p. 429) confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles, du 22 février 1922 (Jur. Comm. Brux., 1922, p. 133);

Que comme Ie décide Ie jugement précité, « au cas de dissolution d'une société (anonyme) Ie mode de liquidation étant déterminé et les liquidateurs étant nommés par !'assemblée générale des associés, à défaut d'une convention con· traire qui n'est pas intervenue, il ne pourrait échoir. pour Ie- Tribunal de nom· mer des liquid~teurs et de fixer leurs pouvoirs, qu'au cas ou !'assemblée gén~rale, Îtlvitée à remplir cètte mission, s'y serait refusée >>;

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156 JURISPRUDENCE

Que Ie principe d'une possibilité de mise en liquidation par justice semble avoir été admis également par un jugement du Ti"ibunal de commerce de Bruxelles en date du 24 décembre 1903 (Jttr. Comm. Brux., 1904, 106);

Attendu en conséquence que lorsqu'il est établi que de }'assemblée générale ne pourra se dégager une majorité pom· designer les liquiaateurs et déterminer ll•urs pouvoirs, les tribunaux ne se substituent pas à elle, mais en exécution de la mission quÎ leur est impartie, de juger même les cas non prévus par la loi ou les parties, ils· sont tenus de suppléer à la carenee de l'assèmblée géné­rale et de per'mettre aux actionnaires d/ sortir d'une situation sans issue et de sauvegarder leurs droits en· désignant un liquidateur;

Attendu, il est vrai, que la société Edec fait opserver qu'à défaut de désigna­tion de liquidateurs par l'assemblée générale ces fonctions seroot dévolues eux administrateurs · (art. 155 des lois coordonnébs) ;

Mais attendu que ces administrateurs ne sont considérés comme liquidateurs qu'à l'égard des tiers; qu'il en résulte que « ces mandataires ne peuvent exercer les. actions qui compètent à la société, ni contre les . associés, ni contre les tiers; on leur opposerait victorieusement une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité »; (FREDERICQ, op. cit., no no8); qu' « à l'égard des associés cette présomption n'existe pas » (RESTEAU, op. cit~, t. 111, n° 1796);

Attendu que si les tiers sont donc ainsi armés pour la sauvegarde de leurs droits, il n'en est pas de même pour les associés; qu'en effet, si Resteau estime (op. cit., t: 111, n° 1804) qri'il n'y a pas d'inconvénierit même pour les action­naires « à refuser aux tribunaux prononçant la dissolution de la société par application de l'article 103, Ie droit de désigner des liquidateurs », c'est toujours pour Ie même motif qu'il exprime plus loin : « les administrateurs dóivent achever leur mission en convoquant }'assemblée génét-ale pour désigner des liquidateurs et prendre les mesures conservatoires de nature à assurer la con­servation du patrimoine social » et en outre : « un recours aux tribunaux ... . exigerait autant ,de. temps que la convocation d'une assemblée générale » et enfin : « nous sommes donc d'avis que, même lorsque la dissolution de la ~ociété est prononcée pa~ justice. ~. la désignation des liquidateurs doit être faite par I' assemblée générale_ des actionnaires »;

Attendu qu'il' est donc eertaio que l'opinion de Resteau s'appuie principale­ment sur la possibilité de faire prononeer par }'assemblée générale sur la nomi­ngtion des liquidateurs; que dans cette hypothèse et pour l~s motifs susindiqués la loi et les statuts commandent .sans doute la solution qu'il défend;

Mais attendu que tous les: inconvénients qui peuvent naître pour les action· naires et la société, de l'absence de nomination des liquidateurs et de déter· rnination de Jeurs pouvoirs · existent incontestablemeiit s'il est démontré que !'assemblée générale sera impuissante à statuer sur ces points à défaut de majorité;

Qu'il y a donc un intérêt supérieur pour les actionnaires et une nécessité juri­dique à suppléer dans ce cas à la carenee de I' assemblée générale; que seuls les tribunaux pe~vent remédier à ces inconvénients pour lesquels ni la loi, ni les statuts n'ont prévu la règle Iégale ou conventionnelle à appliquer; que les 'principes généraux du mandat invoqués par la société Edec pour déterminer rétendue de la responsabilité de la liquidation entre associés sont immffisants

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JURISPRUDENCE 157

pour être adaptés au mandat bien spécial et très large conféré à un liquidateur de société commerciale; qu'au surplus, l'assimilation des fonctions du liquida· teur à celles de !'administrateur n'est pas conciliable avec les textes Iégaux (Comm. Brux., 13 nov. 1936, Jur. Gom. Brux., 1938, 337); -

Attendu qu'il suit de !'ensemble de ces considérations que s'il est acquis aux débats que 'l'asseniblée générale se refuse ou sera dans l'impossibilité, à défaut de majorité, de procéder à la désignation des liquidateurs, il appartiendra au Tribunal de prendre cette mesure nécessaire pour Ia proteetion des intérêts des associés;

Attendu, il est vrai, que la société Edec fait valoir qu'il ne serait pas démon­tré à ce jour que }'assemblée générale serait impuissante à désigner des liqui· duteurs, ce point n'ayant pas encore été soumis .à ses délibérations; qu'en accueillant l'hypothèse d'un désaccord fut~r possible, Ie Tribunal statuerait sur une action ad futurum,· qu'au surplus, rien ne permetfrait d'affirmer que l'un des deux actionnaires ~' obtiendrait pas Ie déblocage des ti tres et en consé­quence la formation d'une majorité à I' assemblée générale;

Attendu, toutefois, qu'il résulte des termes de la convention précitée, en date du 7 octobre 1933, · que Dubois et Nieder se sont engagés à ne jamais vendre leurs actions sauf en cas d'accord; que l'économie générale de la dite conven­tion tend précisément à assurer l'égalité absolue au sein de !'assemblée des actionnaires,_ entre les trois signataires primitivement et eosuite entre Dubois et Nieder;

Attendu en conséquence, que jusqu'à la cloture de la liquidation et à la_ tenue de la dernière assemblée générale, cette convention qui fait la loi des parties, ayant été Iégalement formée, doit être respectée et interdit tant à Dubois qu'à Nieder de vendre une seule. des actions dont il!i sont propriétaires.; que la dite convention doit sortir tous ses effets aussi longtemps que survivra I'assemblée général~ de la société Edec dans . laquelle la volonté commune de Dubois, Chateau et Nieder et eosuite de Nieder et Dubois, a été de ne pas rompre l'égalité entre eux; que contrairement à ce que fait remarquer la société Edec la convention susvisée est générale et ne distingue nollement entre les actions nominatives et au porteur;

Attendu que la dissolution de la société n'aura donc pas pour effet de rendre caduque l'obligation réciproque assumée par Nieder et Dubois; qu'à défaut d'accord de ces deruiers sur un point quelconque soumis aux délibérations de I' assemblée générale ·de la société, une majorité ne pourra jamais être acquise, leurs droits étant égaux; .

Que ce n'est qu'à la faveur d'une vente, interdite par la convention précitée, d'une ou plusieurs actions de l'un ou l'autre des associés que cette égalité pour· rait être rompoe et qu'une majorité pourrait, malgré Ie désaccord persistant de Dubois et Nieder·, se dessiner à !'assemblée générale; ·

Attendu, toutefois, qu'il n'appartient pas à la société Edec de faire état d'une hypothèse qui ne pourrait se réaliser que par Ia violation de la part de Nieder ou de Dubois de leurs obligations contractnelles;

Qu'i~ f_aut donc admettre que toute assemblée générale ultérieure de la société ·Edec se verra tonjours composée, en qualité d'actionnaires, de Nieder et Dubois les deux seuls associés possibles, à défaut d'accord de leur part pour

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158 JURISPRUDENCE

en accueillir d'autres; qu'ils y disposeroot toujours -d'un nombre égal de -voix; Attendu que leur désaccord sur un objet mis à l'ordre du jour, tel que la

désignation des liquidateurs, impliquerait tonjours la parité de voix et en ~on· séquence Ie rejet de la proposition;

Attendu que des éléments de fait de la cause découlent des présomptions suffisantes d'un dissentiment d'une gravité telle, entre Dubois et 'Nieder, que la possibilité d'un accord sur un point qu'ils considèrent, à tort OU à raison, comme essentie!, doit être exclue; ·

Qu'e~ e~fet, non se~leme?t l'exploit intro~ucf~f précité en date d.u II ~vr~l _1938 fatt etat des « dissenswns graves » qUI e'ftstent entre eux, mats les met·. dents qui se sont produits avant et au cours 1 des asserriblées gériérales des 8 avril 1938, 20 septembre 1938, II octobre 1938 '( ?) et 3 ~ovembre 1938 et dont certains oot été constatés par les procès-verbaux des huissiers Merainy et Vanderperren, · de Bruxelles et Schuermans, d' A overs, en date des 8 avril 1938, n octobre 1938, et 3 novembre 1938, dûment enregistrés, . constituent la preuve évidente de l'état des relations. entre Nieder et Dubois; qu'à eet égard Ie procès-verbal de l'assemblée générale du 3 novembre 1938, pr?duit par la société Edec est particulièrement significatif; qu'à cette assemblée, à laquelle étaient pr6sents les deux seuls actionnair~s, Nieder et Dubois, disposant chacun de 225 titres, aucun des points figurant à l'ordre du jour n'a pu êt~e adopté; que la parité de voix a dû être constatée tant pour l'approbation des rapports, que pour les bilan et compte de profits et pertes, la décharge. aux administra· teurs et ·commissaires, la révocation et- la nomiriation éventuelle d'administra· teurs et commissaires; qu'il suffit que l'un des actionnaires accepte un des objets à l'ordre · du jour, pour que l'autre Ie rejette et inversement;

Attendu qu'en outre la procédure en. référés mue à la requête de Dubois dirigée contre Nieder en vue de lui permettre de disposer de ses' actions dépo· &ées à la Caisse _Générale de Reports et de Dépots, procédure ayant abouti à l'ordonnance en date du 12 juillet 1938 produite en expédition régulière,. démon­tre qu'un accord entre Dubois et Nieder semble impossible à réaliser en dehors de I' intervention des tribunaux; qu'en fin l'inutilité .de i:~us efforts en vue d'obtenir une solution amiable résulte encore clairement des tentatives faites

,.par Ie Tribunal auprès de Nieder et de Dubois, au cours des débats act.uels qui portaient en ordre principal sur la désignation d'un liquidateur et 111 détermina­tion de ses pouvoirs; . A:ttendu que de l'ensemble de ces éléments et des faits de la cause, il suit que l'assemblée générale éventuellement appelée à se prononeer sur la liqui­.datioil ne pourra réaliser l'accord que les deux seuls actionnaires de la société Edec ont dès à présent rejeté en f~it et qu'une majorité ne pouvant être ob.tenue sur des questions moins importantes que celle de la nomination du ou des l1quidateurs, leur désignation par l'assemblée générale peut être considétée dès ores conime impossible; _

Attendu que la demande formulée par Dubois ne se présente donc pas comme une action ad futUt·ttm; que les moyens invoqués par la Société Edec reposent soit sur l'hypothèse d'une rupture de la convention de blocage par Dubois ou ,Nieder, soit sur des suppositions qui ne sont étayées d'aucun élément précis, ulors que les faits susindiqués et acquis aux débats permettent de considérer

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JURISPRUDENCE 159

dès à préseat que la désignation des liquidateurs par !'assemblée générale est pratiquement irréalisable; (V oir en matière de société de· personnes : Comm. Brux., 6 juillet 1937, Jur. Comm. Bt·ux., 1938, 330);

Attendu au surplus qu'il est de l'intérêt général de désigner un liquidateur dans Ie délai Ie plus bref après Ja dissolution de la société et de confier cette mission à un ti ers, vu les différends profonds entre. les deux seuls associés;

Attendu surabondamment qu'il est constant, ainsi qu'il a été ·· démontré plus haut, que la totalité des actions de la société est répartie par parts égales (225 titres) à Nieder et à Dubois; que l'actif net de la société Edec devra donc leur être attribué par moitié; .

Attendu eri conséquenc.e que Dubois et Nieder cachent :-en fait; sous- les . tipparences d'une société de capitimx (la société anonyme Edec), une société _ ~e personnes ; que . par analogie et par une extenslon · fictive il pourrait être fait application ~u présent litige des dispositions de. I'article 154 des lois coordon­

·uées, alinéa I, in fine;

Attendu que de l'ensemble des considérations susénoncées, il découle qu'il échet de désigner un liquidateur avec .les pouvoirs les plus étendu!! ;

Atten-du, quant au mode de liquidation, qu'il n'y a pas lieu de limiter les .pouvoirs du liquidateur en ce qui regarde la réalisation de l'actif conformément à la demande formulée par Dubois et étendue en conclusions verbales à l'au­dience à la mise aux enchères du fonds de commerce non seulement entre les ássoèiés mais également entre des tiers ;

Attendu, en effet, que la mission confiée par Ie Tribunal au liquidateur désigné par- la- présente décision comporte la réálisation d_e l'actif,. Ie règlement du passif et la répartition du solde disponible, par parts égales entre Dubois et Nieder; qu'il appartiendra au liquidateur de réaliser l'actif soit en blÓc, soit en détail, en s'inspirant -exclusiveinent de l'intérêt des créanciers éventuels et 'des aètionnaires, sans qu'il y ait lieu de restreindre à eet égard sa mission à l'un ol'l à l'autre mode de réalisation;

Attendu {)_uand à la date de la dissolution que si la société est réduite à moins de sept associés mais en comprend encore au moins deux comme . en I' espèce, elle n' est pas dissou te de plein droit; qu'il n'y a donc pas lieu de faire. 'remonte~ I~ dissolution au delà du II avril 1938, ~ate de la demande ~n disso­lution;

Attendu que toutes autres considérations ne sont pas déterminantes;

. Par ces motifs, Ie Tribunal, Ecartant toutes conclusions autres, plus amples ou contraires, joint comme

connexes les causes inscrites sub nis 12.593 et 12.594 du role général et statuant par un seul et même jugemént qu'il déclare commun à la société Edec, à Dubois et Nieder, donne acte à la société Edec d~ ce qu'elle accepte la dissolution telle qu'elle est demandée par l'exploit introductif précité; à l'exclusion de toute désignation du liquidateur ou du mode de liquidation; déclare dissoute à la date du n avril 1938 la société défenderesse. en la cause sub n° I2.S93; dit pour dr~it que sa liquidation ne pouvant. être assurée à l'égard des. associés conformément aux statuts, il y a lieu de désigner Ie liquidateur et de fixer ses pouvoirs; désigne comme liquidateur Me Ghyse.n, Jacques, 34, rmi de Belle­Vue, Bruxelles; lequel aura les pouvoirs les plus étendus prévus par les lois

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160 JURISPRUDENCE

coordonnées pour la réalisation de l'actif, Ie règlement du passif et la réparti. tion du solde dispooibie par parts égales entre les deux associés Dubois et Nieder; dit n'y avoir lieu de limiter les pouvoirs du liquidateur pour la réali­sation de l'actif; donne acte à la société Edec de son évaluation des actions; déclare Ie présent jugement commun à Dubois et à Nieder; donne acte à Dubois de ce qu'il se réserve Ie droit de faire annuler les décisions prises à I' assemblée générale du 8 avril 1938;

Met les dépens à charge de la société en liquidation; déclare Ie présent juge. ment exécutoire nonobstant tous recours, sans caution.

Observatlons. - 11 serait assurément difficile d'imaginer en matière de société anonyme, un cas d' espèce plus bizarre et plus

rare que celui qui fait I' objet du jugement reproduit ci~dessus :

une société anonyme, réduite en nombre, à deux actionnaires pos­

sédant chacun la moitié des actions mais li~s, entre eux, par une convention leur interdisant d'aliéner jamais à aucun tiers aucune partie de leurs actions, et, de surcroît, séparés par une mésintelli­

gence grave et irrémédiable; de telle sorte que ces. associés, qui

$Ont acculés à la dissalution de la société par suite de la réduction du nombre des associés, ne parviennent plus à s' aceorder sur

aucune mesure consécutive, pas mêm.e sur la désignation d'un

liquidateur dans les conditions fixées par les statuts ( délibération de I' assemblée générale) !.. .

Comment se dégager d'une telle ornière? .

La question fut posée au T rîbunal d~ commerce de Bruxelles

par Ie président du Conseil d' administr~tion de la société anony­

_m.e, non associé, au nom de celle~ci, les deux associé~ étant appe­,lés en intervention pour déclaration de jugement commun.

· Il nous semble que Ja salution qu' il- a donnée au problème est

à approuver, bien que, sur certains points, elle revête quelque peu - c'était fatal - Ie caractère d'une « salution d'expédient ». Encore est~il que I' expédient adopté - nous voulons parler de

I' applicatiori analogique de règles suivies en matière de société de persounes - se recommande d'une exacte compréhension des

principes générateurs de ces règles.

Le jugement .est suffisamment explicite en ses motifs pour que

nous puissions nous dispenser d'un commentaire détaillé.

La société anonyme réduite à moins de sept associés ne doit

pas néc~ssairement se dissoudre, mais la dissalution doit en être prononcée à la requête de tout intéressé lorsqu'il ~·est écoulé plus

de six rriois depuis la réduction {lois coord, soc. comm., art. 1 04).

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J:-Jibli,:_:L.hec.a Facu lLati~

JlJ I11.S.

JURI SPRUDENCE 161

La dissolution, a.u contraire, s' opère de plein droit lorsque Ie nom­

bre des ~ssociés ~st réduit à I' unité t en ce cas, la société n' a plus, ipso facto, d' existence légale sauf sa subsistance fictive pour les

besoins de sa liquidation, car il .est de I' essence de la notion de

société quïl y ait des associé.s (Cass., 5 ja:t:Ivier 1911, Revue, 1911,

0° 2 1 5 2, p. 1 85).

Réduite à moins de sept associés et non dissoute à la requête

cl'un intéressé, la société anonyme doit cependant pouvoir fonc­

tionner .conformément à ses statuts .et à la loi; de même, dissou te,

elle doit pouvoir se liquider dans les mêmes conditions, c' est-à-dire

par un liquidateur_,· nommé en vertu d'une délibération d'assem­

blée générale, Ie concours de celie-ei étant, du reste, nécessaire

aussi pour I' exécution jusqu' à achèvement, de la mission du liqui~

dateur.

Or, I' assemblée genéral~, formée pour dég;;1ger de la pluralité

des suffrages une volonté collective, ne peut exprimer sa v~lonté que par Ie moyen d'une majorité.

L'hypothèse de fait, d,ans Ie cas en litige, accusait l'impossibi­

lité. pratique, dès ores acquise sur base de circonstances graves,

précises et concordantes, de former jamais une majorité.

Pareille hypothèse n~est pas entrée dans les piévisions du légis­

lateur; ellen' était pas entrée non plus dans celles des contraetauts

lors de la èonclusion du contrat social. Et cependant Ie juge était

légalement tenu de rendre justice.

11 ne pouvait Ie faire qu'en s'inspirant des règles fondamen­

tales du droit des. obligations (notam. de l'art. 1135, :fixant les·

limites de la force obligatoire des conventions) et de I' interpréta­

,tion des conventions. C' est ce que fait Ie jugement, en fondant I' intervention du tri­

bunal ·en suppléance de celle de I' assemblée générale, sur la con­

statation de fait de l'incapacité. pratique de fonctionner, acquise

et absolue, des rouages or.dinaires de la société.

11 assimile ainsi Ie cas de I' espèce à cel ui de la nullité de société,

visé et réglé par I' art. 1 79, alinéa 2 ( 154 ancien) qui confie au juge, ' outre Ie droit de. d~signation des liquidateurs, celui de

déterminer Ie mode de liquidation en s'inspirant de l' équité

( Ch. RESTEAU, Soc. an;., n° 1 9 5). Quant à la présomption légale instituée par I' artiele 1 80, selon

laquelle les gérants dans les société_s en nom collectif, ·en comman-

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H

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162 JURISPR UDEN CE

dite et coopératives, et les administra,.teurs dans les sociétés anony~

lUes, seron t, à I' égard des ti ers, considérés comme liquidateurs, el1e n' existe . pas à I' égard des associés ( Cass., 5 janvier 1911,

Revue, 1911, n° 215 2, p .. 185 et obser:vations; -Bruxelles, 7 jan~ vier 1924, Revue, 1925, n°2626, p. 202) et elle n'était clone pas applicable dans Ie cas présent.

Le Tribunal fait remarquer, par contre et de surcroît, que, vu les particularités du litige, il pourrait être ·fait application de rart. 154, alinéa ]er, bien qu'édîcté expressément pour les sociétés

en nom colleetiJ et en commandite simple.

Tout eet artiele est, du reste, inspiré par l'intention de rendre plus facile et en tout cas possible la dispersion des biens soc1aux à.près la dissalution de la société.

No 3932. - Tribunal de commerce de Bruxalles. 5 août 1944 et 1er juin 1946.

Sièg. : MM. de Formanoir de la Cazerie, juge unique suppléant; Wilmart, référ. Plaid. : MMes J. Baugniet c. Touchard et Vander Mensbrugghe, avocats.·

(M. et Mme M.-C. contre Soc. A1t. Maiso1: c:)

Société anonyme.- Assemblées générales.- ·conseil d'administration - Poursuite frauduleuse d'intéréts personnels par l'administra teu:r délégué à l'encontra de l'intérêt social et pour reviser des majorités latentes, - Convocations irrégulières. - Composition irrégulière de !'assemblée. - Majorit.és artificieusement constituées par des cesslons d'action non couformes anx statuts.- Nulité des_ délibérations .. ~

Prétendues rectifications.

Calcul des votes: rectiflca.tion seulement en cas d'erreur matérièlle.

Registre des actions nominatives: valeur probante.

Actions souscrites par l'épouse non commune en biens. """"""Droits exercés . par l'époux.- Usufruit. - I

Nombre d'actionnaires reduit à moins ~e sept. - Dissohttion d~ la société. - Discorde irrémédiable entre les actionnaires membres d'une même familie. - Nomination dU liquidateur,

Doivent être annulées comme frauduleusf!s des délibératiotts d'asse!ftblées. géttérales et· de cotzseils d'administratiott, d'ailleurs entachées aussi d'itTégu­lat·ités de forme dans leurs convocations, te·4a;,_,.composition, leur tetzue et Ie conten-u des délibérations, qu'un administrateut·-délégué de s~ciété anonyme a fait tenir avec et dans le dessein de t•envet·ser à son profit et _au profit de sa. familie, zes majot·ités qu'on ct·oyait latenles au sein' de ces assem~lées et réunions.

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JURISPRUDENCE ·163

S'il est ïégitime de t·echercher, de provoquer le t·envet·sement de majorités de l'espèce, même lot·~qu'elles ont été obtenues et établies d'un cottsentement una­tiime, encot:e ce/a ne peut-i/ se fait1e que pm· des procédés réguliet·s et non frau­

duleux. ll y a lieu de se mof!tt·er d'autmtt plus circonspect lorsqtie les répm·titions des

droits et des influences au sein de la société cottstituée ~t contittuée pratique­mettl ettlt·e membres d'une seule familie ottt manifestement fait l'objet des pré­occupatiotts et d' échanges dé • vues de s.es fondateurs et de ses dirigeants et

qzt'elles se trouvaient consaèréés par une·longue et heU1·euse pmtique. Des cessions d'a.cti01ts faites en vue de favoriser la t·éalisatiott du plan ftaudu­

leux d' évictiotts ne sont pas ~pllfl!.ables à la société. Des pdtendues ratifications e1ztachées des mêmes irrégulàt·iiés et qui n'ont

pas été votées en toute cotznalssance de cause par les volants n' excusent ni

11e consolident la fraude. ll n'y a pas lieu de faire dt·oit à une demande de rectificatiott du calcut des

votes qui n'est pas seulemettt Ie t·ésultat d'une erreut· matérielle. Doive1zt être cottsidérées comme nulles et tton avenues pour les demandeut·s,

par voie de consëquence et bien que l'amtttlation n'en ait pas été expt·essément demandée, des délibérations cotzsécutives d'assemblées postérieures, et d'aitieut·s postérieures aus;i à l'intentement de l'action.

Le registre des actions nominatives n'est pas utt titt·e par lui-même, mais im

instrument de preuve. Ne· doit pas empêcher Ie Tribunal de prononeer l'annulation det,;.mtdée des

délibéi-ations la considét-atiott qu'il existait et existe des majorités régulières pour prettdre des décisions aboutissant à utt résultat ideniique, sinon pour t·ati­,fier Ie~ décisions critiquées. Il est .possible, ett effet, que la décisi~n du Tt·ibunal empêche à l'avenir la formation de telles majorités.

Le régime exclusif de communauté laisse, en p1"incipe, à chacun des époux la propriété des actions souscriles pm· lui, quelle que soit /'origine des espèces. qui ont servi à en payet· Ie prix. .

Dans ce t·égime, on peut qualifiet· d'usufruit Ie droit attri,bué par Ie contt·at de mat"iage au mari qui perço_it lui-même à son profit les avantages attachés · aux actions achetées pm· son . épouse et qtti en exet·ce Ie dt·oit ·de vote.

On tte peui, dans Ie calcul de la puissance de vote, cottsidérer co·mme l'exer­cice personnet t!t indépe11dant du droit de vote de l'épouse, lè vote émis par elle sous /'reil du mari, et ·en vertu de son .autorisation nécessaire, ioujours t·évocable.

Lorsque depuis plus de six mois, Ie nombre des actiomzaires est t·éduit à moins de. sept, la dissolutiott, demandée en justice, de la société anonyme doit être prononcée sans considération .de la questiou d'opportm~ité (lois coord., arti­

ele I04). La réduction du nombre des actionnaires à moins de sept ne justifie pas une

cessiott contrait·e aux sttituts. Aucune ratificátion ne peut. valider ce qui est entaché de fraude. L'inscription au t·egistre des actions ttominatives est inopérante pour t·em,édier

à la déficience du nombre légal minimum d'associés, 'lot·squ'elle est elle-même fraudulèuse; elle ne forme d'ailleurs pas titre pm· elle-même.

Ott ne répottd pas à la fraude pm· la fraude ..

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"164· JURISPRUDENCE

Lorsqu'il n'appm·aît pas qu'une majorité ne puisse se fot·mer au sein de /'as­semblée générale, le Tribunal qui prononce la dissolution. ne peut se substituer à ['assemblée pour nomtp6r un liquidatem·.

Vu les articles 4-6 de la loi du 15 juin 1935; Attendu que les d~~andeurs ont introduit les 17 juin 194>:! et 9 novembre 1943

deux actions tendant pour parties au~ mêmes fins que celles faisant · robjet de l'actu~l exploit introductif; ·

Attendu qu'à la date du 5 août 1944 un -jugement dont les termes sont ei-des­sous reproduits a été prononcé;

Vu en la cause 4194, !'exploit enregistré d'ajournement du 17 juin 1942, en la cause 8.89, !'exploit enregistré d'ajournement du 9 novembre 19_43, et: en ces deux causes les articles 4, 34 et 64 de la loi du 15 juin 1935;

Attendu qu'aux termes mêmes de !'exploit introductif d'instance de la deu­xième de ces causes, la solution à donner à la première doit exercer son influence

· sur la solution à donoer à la deuxièmt;; Que ces causes sont clone connexes, et qu'il y a lieu de les joindre et de

statuer sur el les en un seul jugement;

En la cause 4I94 :

A. Attendu qu'en termes de plaidoiries, il a été reconnu par la défenderesse que son adininistráteur-délégué, qui plaide en réàlité sous son nom, a fait tenir les assemblées générales et les conseils d'administration litigieux, et spéciale­ment cel ui du 15 avril 1942, avec et . dans Ie dessein de· renverser à son profit et au profit de sa familie, les majorités qu'on croyait latentes a:u sein de ces asselllblées et de ces réunions;

Attendu que· la poursuite d'intérêts persoonels a d'ailleurs été avouée 'par­son administrateur-délégué dans une lettr.e du 5 janvier 1942, et lors de !'assem­blée générale du 27 avril 1942, dans et lors desqueUes il faisait savoir que la nomination de son fils en qualité d'administrateur, réalisée Ie 24 décembre 1941, permettait à celui-ei de défendre les intérêts de sa mère et les siens propres;

Attendu que s'il est légitime de reehereher et de provoquer Ie renversement de majorités de l'espèce, même Iorsque, comme c'était le' cas, elles ont été obtenues et établies d'un consentement unanime, encore cela ne peut-il se faire que par des procédés réguliets et non ft:auduleux;

Attendu qu'il y a lieu de se montrer d'autant plus circonspect en la cause que les répartitions des droits et des infiuences au sein de la société défenderesse .constituée et continuée pratiquement entre membres d'une ~eJ.de familie, ont manifestement fait l'objet des préoccupations et d'échanges de 'vues de ses fon­dateurs et de ses dirigeants, et qu'elles se trouvaient consacrées par une longue et heureuse pratique;

B.. Attendu que ·les demandeurs sollicitent en ordre tant principal· que subsi­diaire, la nullité des délibérations des assemblées géiîérales du 24 décembre 1941 et du 27 avril 1942, et celles des conseils d'admini~~ration d~ ~4 décembre 1941,

du 27 mars et du 27 avril· 1942;

a) Assemblée génét-ale et conseil d'administration du 24 décembre I94I; Attendu que l'irrégularité de ces assemblées est incontestable et à peine·

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JURISPRUDENCE 165-

contestée, à raison de l'irrégularité tant de Ia convocation que de la coniposition de ces assemblées ainsi q de leur tenue et du contenu même des délibérations ;·

A. Assemblée· gé1zé1 Ie I. Couvocations :

Attendu que l'ass mblée générále; tout d'abord a été convoquée non seule· ment sans consulta ti on préalable du · demandeur, un des deux administrateurs restant en fonction, et ancien président du conseil avec droit de convocation, maïs encore avec un délai insuffisant et à une adresse illusoire, en manière telle que, même compte tenu d'une convocation 'semblable adressée à la bonne adresse,, mais au nom du frère et beau-frère des demandeurs, ceux-ci n'eu.ssent pu être touchés utilement par Ia convoc'ation;

Attendu que les convocations furent, en effet, adressées à Lille alors que les demandeurs habitaient Paris et que leur maison de Lille étaii ocèupée par l'en­nemi et que datées du 16 décembre à Bruxelles, elles fixaient a~ décembre à Bruxelles Ie jour et l'endroit de la réunion;

. Attendu qu'ainsi, même Ie délai Iégal minimum strict n'était pas observé; Qu'aux termes de l'article 73 des lois coordonnées sur les sociétés commer­

ciales, les lettres de convocation doive~t, en effet, être adressées huit jours « avant » !'assemblée, c'est-à-dire avee;! un intervalle de huit jours francs (WAUWERMANS, p. 303, no 535) ; .

Que, si on av:ait tenu· cömpte des lenteurs de la correspondance entre la Bel­gique et la France, et des difficultés de communication entre ces deux pays, à ·l'époque des faits, ce délai eût certainement été porté au double ou au triple du délai strictement légal;

A.ttendu que la défenderesse n'a pas à souligner l'inçonvénient qu'il y avait pour elle d'ávoir des actionnaires et des administrateurs domiciliés à l'étranger, puisque cette situation était expressément prévue à_ l'flrticle 44 de s~s statuts~

et que, si ceux-ci imposaient en ce cás une élection de domicile au siège social, encore est-il qu'!'llle n'a pas adressé les convocations à ce domicile élu, et encore lui aurait-il apparte:nu de faire parvenir les convocations· ·à leur destinataire, dans toute la mesure du possible;

Que cette possibilité existait, comme Ie prouve la correspondance . échangée auparavant pendant environ un an entre Ie demandeur et I'administrateur-délégué de la défenderesse;

Attendu qu'il n'est pas _sérieux de la part de la défenderesse ou de son admi­nistrateur-délégué de prétendre que Ie délai légal exprimé ne devait et ne pou­vait être dépassé ;

Que les termes « au moins » et « avant » du dit artiele 73 autorisaient et impo­saient ce dépassement dans les circonstan.ces données ;

Que !'argument, qui porte à faux puisque Ie délai légal n'a pas été observé, est d'autant moins sérieux que les actionnaires importants étaient tous membres d'une seule familie et ne se mot~tra~ent pas 'd'habitude si rigoureux dans l'ap­plication des textes légaux ou statutaires (pour les réunions du conseil d'admi­nistration notamment) ;

Afttmdu que Ie demandeur établit que son domicile légal n'était pas à Lille, comme Ie soutient la défenderesse, mais à Paris;

Que les documents officiels qu'il produit à eet effet ne penvent être . balancés

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166 JTJRISPRUDE~CE

par des déclarations privées produites par la défenderesse et qui · ne penvent .être considérés que comme des re!lseignements émanant d'elle;

Qu'au surplus, ~a loi n'impose pas d'adresser les convocations à un domicile -ou on. sait qu'elles ne penvent toucher Ie destinataire, plutot qu'à Une résidence

· réelle ou. elles doivent normalement lui parvenir; Qu'en ceci encore la défenderesse fait fi de la correspondance antérieure;

Attendu qu'à vrai dire, la lettre recommandée du 16 décembre 1941 ne cönsti• tuait d'ailleurs ·pas une convocation, mais une notification;

11. Composition :

Attendu que Ie procès-verbal de }'assemblée générale du 24 décembre 1941

révèle que la composition de cette assemblée· fut irrégulière en la personne de Charles· C., représ·entant de la succession de feu Ie géneral Albert C.;

Qu'il n:y est, en effet, pas mentionné que. Ie mandat du dit repré8entant, qui est contesté, ait été annexé à I' act~;

Que cette composition irrégulière de l'assembléè peut avoir influencé la déli­bération à laquelle elle a donné lieu et à iaquelle, exclu Ie dit représentant, n:e :participai~nt que l'administrateur-délégué de la défenderesse, l'épouse de celui-. .ei et Ie major B., qui n'y joua qu'un role. de comparse/ des deux précédents;

Que toutes ces personnes réunies ne formaient pas ensemble une majorité ·d'actions de la défenderesse ~

111. Tenue de /'assemblée et cotttenu des délibérations:

Attendu que la norriination d'un administrateur et d'un commissaire devaient épuiser l'ordre du jour de !'assemblée gé:ilérale, tel que porté dans les convoca­

tions; Que c'est clone irrégulièrement encore que, l'ordre du jour étant épuisé, cette

assemblée fut prorogée jusqu'après la tenue d'un· prétendu cÓnseil d'administra­

tion;

Attendu que la délibération n'a pu avoir de quelque peu sérieux, que la oomi­

nation du commissaire;

Qu'encore celui-ei n'était-il. qu'un employé au service de la défenderesse, et par conséquent mi subordonné de son administrateur-délégué, subordonné qui, si on compare ses explications du 27 avril 1942 à celles de l'expert N. relative­ment à la différence entre une perte d'environ 90.000 fr. et un gain d'environ S.ooo fr. dans les comptes de la société, semble .bien· avoir subi l'influence .de

son chef;

Attendu que, pour Ie surplus, la réunion des dits associés ou prétendus tels, la décision prise par les seuls époux ~., c'est-à-dire Ie dit administrateur-délégué et son épouse, de nommer Ie major B. en qualité d'administrateur et la décision manifestée par celui-ei d'accepter cette nomiriation, .n'étaient qu'une suite d'ar­

tifices;

Qu'en effet, à peine nommé et acceptant, Ie nouvel administrateur ne fit usage de sa qualité que pour déniissionner en faveur du fils K. et lui céder son unique action, cessant clone tout aussitot d'être administrateur et actionnaire, sans que

rien justifiát cette attitude; . Qu'ores bien, Ie dit fils K. n'était encore qu'.un mineur, qui n'avait été éman-

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,TURISPRUDENCE 167

cipé, à raison évidemment de ce qui se tramait, que Ie jour même des convo~ cations à !'assemblée générale ici eri question;

Attendu que Ie procès-verbal de !'assemblée ne mentîonne pas non plus que, conformément à l'article 3s des statuts, 1r ait été _procédé à un scrutin secret. pour les nominations;

Attendu que c'est enfin tout à fait irrégulièrement que !'assemblée générale prorogée jusqu'après la tenue du prétendu conseil d'administration all cours duquel Ie major B. se prêta à la manreuvre qui devait rendre Ie· fils K. . action­naire, fut complétée de la pré'sence de celui-ei (art. 31 des statuts) et qu'il fut procédé par père . et mère à sa nomination en qualité d'administtateur;

Que. rien de tout cela .ne figurait à l'ordre du jour des convocations, qui n'en­visageaient Ie remplacement en qualité d'ádministrateur qu~ du seul général C., décédé, et remplacé par Ie major B.;

B. Conseil d'administration : I. Convocatiou

Attend~ que Ie conseil d'administration participe des irrégularités de convoca­tion de l'assemblée générale, dont les ~vocations faisaient corps avec les siennes;

Qu'aux termes de l'article r6 des statuts, il n'eût d'~illeurs pu être convoqué que par son président et que les procès-verbaux des séances ultérieures du 27 mars et du 27 avril• 1942, donnent enco.re ce titre au demandeur;

II. C.ompositiott :

Attendu que la nomination du major B. en qualité d'administrateur devant être considérée comme irrégulière à_ raison ·de l'irrégularité de I' assemblée générale qui procéda à sa nomination, la composition du conseii· d'administration dans lequel il siégea pour se livrer à la manreuvre décrite ei-avant, est, par consé­quent, aussi irrégulière;

111. Délibération :

Attendu qu'aux termes de _l'article ro des statuts de la défenderesse un trans­fert d'actions ne peut être fait qu'à des personnes préalablement agréées;

Que la délibération du conseil d'administration entérinant la cessiori par Ie major B. de son unique action au fils K. est, par conséquent, irrégulière, à rai-son également !:le son conten u; .

Que, d'après la rédaction dti procès-ver1iaÎ, la ratification de ce transfert d'ac­tion ne fut d'ailleurs décidée qu'àprès que ·Ie maj~r B. efit donné sa démission d'administrateur et rendu, par conséquent, impossible toute délibération;.

·Remarques ghzét-ales : Attendu qu'il ne s'agit pas seulement d'irrégularités de forme; Attendu que la défenderesse ne peut soutenir avec chance de convaincre, que

la nomination du fils K., eneöre mineur, en q~alité d'administrateur dans des circonstances tant générales que particulières des plus délicates, était de son intérêt et que l'agréation du même en qualité d'actionnaire n'eût pu, dans ces circonstances, être refusée par un conseil d'administration régulier, qui pouvait "au contraire la refuser sans devoi~ justifier sa décisio9-; . .

, Attendu qu'elle soutient, il est vrai, dans Ie même teinps, que rien n'était changé, parce que la Direction de la société était déjà, de fait, tout entière aux

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168 JURISPRUDENCE

rnains de son adniinistrateur-délégué; mais qu'il était évide!llment dangereux, dans les dites circonstances, de renforcer encore la position de eet administra­ûmr-délégué en lui pro.corant l'appui d'mie appa~ence d'.assemblée générale ou d'une apparenc~ de conseil d'administration;

Attendu qu~ seul eet administrateur-délégué pouvait, en réalité, avoir un intérêt, d'aille~rs avoué ainsi qu'on l'a dit, à une nomination contraire à Ia v~lonté certaine et de lui connue, et de sön unique collègue du conseil d'admi­nistration et 'des actionnaires représentant la moitiê 'moins ' une de toutes les actions de. Ia défenderesse;

Attendu que la rétrocession de l'action cédée par Ie. major B. au fils K., opé­rée par ce dernier Ie 27 mars · 1943, ne rend évidemment pas ·sans ob jet la pré­sente demande en n_ullité de la délibération qui en ratifiait la cession, dont Ia sanction doit d'ailleurs avoir sa répercussion sur les délibérations des assem­blées auxquelles Ie cessionnaire a pris irrégulièrement part dans l'entretemps;

Attendu que c'est tout aussi vainement que . la défenderesse fait valoir qu'il y

avait urgence pour elle de compléter son persounel administratif; Qu'il n'y avait aucun perü--en-hr"dëiiiëüêe dont il soit congrûment justifié, et

qu'il n'eût pas fallu beaucoup plus de te~ps, maïs sans doute au contraire beau­coup moins, pour agir régulièrement et selon les convenanoes co~munes;

Qu'à supposer une inertie et une -résistance injustifiées des demandeurs, il appartenait aux intéressés de les combattre avec les armes que la loi et Ie d~oit autorisent et organisent, tels que mise en demeure, ajournement, au besoin en référé, etc., et non par des procédés qui y sont manifestment contraires ;

Que la lettre du 4 décembre 1941 était bien _plus propre à endormir la vigi­lance du demandeur qu'à secouer son inertie;

b) A u tres assemblées : Attendu que s'il y avait urgence en décembre 1941 de compléter Ie persounel

administratif, il n'y avait en tout cas pas urgèmce pour ies autres délibérations visées dans -la demande, lesqueUes sont cependant, sauf celle du 27 mars 1942,

précisément de peu d'intérêt, entachées des mêmes irrégularités d'adresse et de délai de convocations;

c) Caractère frauduleux commun à ces assemblées : Attendu que, chose plus grave, ces constatations et d'autres qui vont suivre

révèlent Ie caractère frauduleux des délibérations; Qu'il en résulte, en effet, que, si elles furent ! irrégulières, ce fut avec Ie

dessein prémédité non seuleinent de faire élire q~elqu'un qu'on n'avait qu'un intérêt personnet à voir élire, maïs encore d'éliminer la présence et l'avis de celui et de ceux auxquels les fondateurs et les continuateurs de la société avaient manifestement voulu aceorder la prépondérance au conseil d'administration et

.aux assemblées générales; Que la préniéditatiop. du premier de ces desseins, d'ailleurs avoué et reconnu,

ressort à suffisance, et de l'émancipation du fils de l'administrateur-délégué Ie jour même des cönvocations et de l'envoi de celles-ei dans les conditions irré­gulières qui ont été dites, et de }'absence d'un mot d'avis, qui s'imposait après la correspondance échangée antérieurement, pour en expliquer !'envoi précipité, et de la date choisie pour la réunion en temps . de guerre la veille de la Noël, alors bien que les demandeurs résident à l'étranger;

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Jl!RISPRUDENCE 169

Que Ie but d'évincer les demandeurs de la situation à peine prépondérante qui était la' leur, résulte, en outre, de ce que l'administrateur-délégué ·de la défen­deresse a constamment . fait la sourde oreille aux pro.positions conciliantes du demandeur, aussi bien qu'à ses. observations, demandès et protestations justi­fiées; de ce qu'il persiste dans les mêmes conditions à convoquer Ie ou les demandeurs aux assemblées générales et aux conseils d'administration dans un délai, qui, pour être devenu Ie plus souvent conforme à la lettre de la loi et des st~tuts, était cependant insuffisant et injustifié dans les circonstances que le demandeur n'a cessé de f~ire valoir (pour Ie · conseil d'administration du IS avril, pour lequel la convocation unique. fut adressée ·à Lille, Ie délai statu­taire ne fut même pas respecté); de ee que, lorsque les demandeurs eurent requis la convocation d'une assemblée générale extraordinaire pour Ie 27 avril 1942, il se hata de convoquer une apparence de conseil d'administration pour Ie IS avril 1942, en vue de s'assurer à coup. sûr une majorité décidée à maintenir les irrégularités comJ,Ilises; de ce qu'enfin tous ses actes n'ont tendu qu'à la consolidation et au rJnforcement d'une position illégitimement acqtiise;

Que les agissemeóts de l'adrriinistrateur-délégué laissant, au surplus, à diverses reprises, pereer une 'intention de briinade (par exemple, en fai~ant inscrire ·au procès-verbal que 'bertaîns aètionnaires n'ont pas « daigné » se déranger, en par­lant. des proposition~ de son jeune fils comme de propositions émanànt d'un « èollègue » du demandeur, en supprimant certaines allocations antérieurement versées à cel ui-ei, sans s'en expliquer sérieusement, en répondant, à de justes observations par de fausses. raisons) ;

Attendu qu'il est . caractéristique de la manière du dit administniteur-délégué que, le 27. avril -1943, il fit assister le nouveau coinmissaire au prétendu conseil d'administraÜon corhposé de son fils et de lui, sa~s · qu'il eût été question de

. réuriir un conseit' géneral, et fit rejeter, sous prétexte d'illégalité, une proposi­tion du demandeur tendant à I' augmentafton du délai des·. convocations, pour en faire adop_ter une, émanant du dit << collègue » du demandeur, à coup sûr illé­gale et contraire aux statuts, puisqu'elle tendait, en apparence, du moins, à des réunions sans convocation;

Qu'à Ia suite de l'adoption de cette proposition il écrivit au demandeur qui ne parvenait plus à obtenir une réunion : « J'ai décidé que la réunion du 26 cou­rant n'aurait pas _lieu »;

. d) Conséquences.: . Attendu qu'il n'y a donc pas de doute qu'il convient d'annuler les assemblées

gênérales et les conseils d'administration visés dans la demande et entachés à 'des degrés divers des· mêmes vices que ceux analy'5és ei-avant, compte tenu de ce que l'annulation de l'assemb_lée et de la réunion du 24 décembre 1941, qui s'im.pose, doit avoir pour · effet de décider;

JO qu'il n'y a paS eU d'administrateur nommé en remplacement du général C,, et qu'il n'y a donc pq avoir, depuis ce décès,, de conseil d'admini_stration régu~

lier; 2o qu'il n'y a pas eu et qu'il n'a pu y avoir depuis, de cession d'action oppo­

sable à la société, et que la participàtion ou la simple présence de nouveaux actionnaires aux · délibérations de~ asse~blées générales subséquentes a vicié

celles-ei;

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170 JURISPRUDE~CE

e) R éponses à cm·taines objections :

Attendu que ce qui est décisif d'ailleurs est que toutes ces assemblées et réunions participent de la inême intention frauduleuse;

Que c'est bien vainement, en effet, que la défenderesse tente d'opposer divers moyens, notaroment de prétendues ratifications · entachées des mêmes irrégula­rités et qui n'ont pas ·été votées en toute connaissance de cause par les votants;

Qu'on .n'excuse et on ne consolide pas la fráude, à tout Ie moins sans Ie consen­tement des parties lésées;

Qu'il n'y a pas seulement fraude au préjudice des demandeurs, triais de nom­breuses fraudes à la loi, dont on a cherché, sans y réussir, à ne respecter que la lettre, et que même un consentement de la partie lésée serait inopétant pour tous ces cas ;

Qu'à ce sujet, il convient de citer encore, comme caractéristique de la ma­nière de l'administrateur-délégué de la défenderesse, Ie fait que, Ie 7 novembre 1942, il fit ratifier par un prétendu conseil, composé de son fils et de lui-même, des cessions d'actions de lui-même à. ce fils, et de ce fils à sa mèr~, femme de l'administrateur-délégué, ce qui n'était manifestement qu'une façon de touroer l'article 1595 du Code civil; . .

C. Attendu qu'il ne convient pas, dès lors, de faire droit à la demande te~dant à la rectification du calcul des votes, qui n'est pas seulement Ie résultat d~une erreur matérielle;

Qu'au surplus, l'entérinement, par exemple, de la première proposition du demandeur, à !'assemblée générale extraordinaire -du 17 avril 1942 n'a plus 'd'objet après l'annulation de la délibération du 26 décembre 1941;

D. Attendu qu'il importe peu qUe les demandeurs n'alent pas demandé expres­sément l'arinulation des délibérations postérieures au 27 avril . 1942 et d'ailleurs postérieures aussi à I' introduetion de la présente instanee;

Qu'elles devront · être considérées coïnme nulles et non avenues pour les demandeurs par voie de conséquence, puisqu'elles. ne peuvent· remédier, en tout cas pas 'sans lui, à la situation; qu'elles sont d'ailleurs la suite des précédentes et qu'elles tendent à la ratification de celles-ei;

E. Attendu que, de même, il n'était pas ~écessaire de demander consultation des inscriptions . de nouveaux actionnaires ou de cessions d'actions au registre des insct·iptions nominatives lequel devra évidemment · être rectifié par voie de conséquence; que ce registre n'est d'ailleurs pas un titre par lui-même mais un instrume!lt de preuve;

F. Attendu qu'aussi bien tout l'effort de la défenderesse tend à faire admettre qu'en faisant droit à la 'demande, Ie T~ibunal ferait reuvre illu"soire et vaine, et cela principalement parce qu'il existait et existe des majQrités régulières po1,1r prendre des décisions aboutissant à un résultat identique, sinon pour ratifier les décisions critiquées;

Attendu qu'il est possible que la décision du Tribunal empêche à l'avenir la formation de pareilles majorités, et que les intéressés n'ont éventuellement qu'à s'en prendre à eux-mêmes de ne les avoir pàs utilisées régulièrement;

Attendu que ce soutènement repose d'ailleurs, en Qrdre princiJ>al, sur la démon· stratioll que les époux demandeurs, étant. mari~s sous un régime de communauté

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J URISPRUDENCE 171

d'acquêts ·et leur souscription respective d'a,ctions n'ayant pas été stipulée en remploi des biens propres, il n'y a en eux deux qu'une propriété d'actions et qu'un droit de vote à faire valoir et à exercer par Ie mari, chef de cette com­munauté; tartdis qu'il n'en est pas de même des _époux K. (l'administrateur-délé­gué et sa femme) mariés sous un régime d'exclusion de la communauté;

Attendu qutil paraît, il est vrai, à 1' époque actuelle, difficilement contestable qu~ 1~ régime exclusif de communauté laisse, en principe, à chacun des époux la propriété des actions souscrites par lui, quelle que soit l'origine des espèces qui ont servi à en payer Ie prix, J>Uisque tel est l'enseignement de toute la doc­trine quelque peu recente;

Attendu qu'il. est toutefois permis de clouter que telle soit la situation dans Ie cas contraire du contrat de mariage des épo~x K., lequel . stipule en faveur du mari : «Et indépendammènt de ses biens et valeurs actuels, et de ceux dont · il deviendra propriétaire par la suite à quelque titre que ce soit, il aura droit à tous les bénéfices, économies et acquêts -qui pourront être pris pendant Ie rnadage »; et se continue d'ailleurs ainsi qu'il snit : «A l'égard de la future épouse, ses droits se bornerout à la reprise ,soit en nature, soit en deniers, tant des biens et valeurs par elle appQrtés en mariage, que de ceux qui pourront lui échoir ou advenir par la suite, par succession, donation, legs ou tout autre titre persounel » (et voyez Pand(!ctes bel ges, Acquêt, I,. 3, IO, n, IS et 78) ;

. Qu'il est d'ailleurs vrai que ni les principes, ni Ie contrat n'attdbuent au mari la propriété des· biens menbles apportés par la femme ou lui éc.héant et qui ne se consomment -pas au premier usage_;

Attendu qu'en tout cas, il résulte ·de ce qui précède que Monsieur K., en vertu de son contrat de mariage, acquérait sur les titres achetés par !>On épouse un droit d'administration et un droit a'usuiruit, en vertu desquels il perçoit .lui­même à son profit les avantages attachés aux actions, et en exerce Ie droit de vote;

· Qu'il n'est pas pos~>ible d'admettre qu'en laissant ou plutot en faisant voter sa femme aux assemblées générales auxquelles il assistait, il abandonnait réelle­ment à son épouse, autorisée à eet effet par sa seule présence dans la ·mesure permise, son droit d'adm.inistration;

Qu'on a bien plutot vu qu'en ce faisant il l'~xerçait aussi pleinerneut que pos­sibie à son profit;

Que, d'autre part, si la nature du droit d;usufruit tel que celui attribué à Monsieur K. par son contrat de rnadage est contestée en doctrine et s'il ne peut être assimilé pleinerneut au droit réel de ce nom dont il n'a pas toutes les possi­bilités de suite, i1 n'en constitue pas pour autant un droit de créance ordinaire dont il .n'admet pas le concours, et i1 paraît bien téméraire de lui entever un nom que lui donne- tant la loi que la doctrine et. la jurisprudence, tand is qu' on ne par le que du droit de nue propriété de 1' épouse;

Qu'il rie s'agit, du reste, pas seulement d'un mot; que l'article I530 du _Code civil caractérise ce droit en disant que les fruits sont censés apportés au · mari; que l'article I533 _comporte que ce droit a pour compensation· des charges qui n'incombent qu'à un usufruitier; qu'il se transforme éventuellement en quasi­usufruit;

Que la notion cl' usufruit s'applique mieux au droit du mar i dans un · r:égime

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172 JURISPRUDENCE

sans communauté qpe dans un régime de communauté (Pandectes belges, Com­

munauté conjugale, 209, et Usufruit et Usa:ge en général, 1990,. 1991 et 2192

à 2194); Qu'on peut dans ce régime se demander si Ie. droit d'administration du mari

ne lui est pas reconnu à raison précisément de eet usufruit (Pandectes belges, Usufruit et Usages en général, 1041 et ISSI; à consulter aussi sur eet usufruit,

ibidem, 125, 365, 369, 370, 525 à 527; . 531, 777, 947 à 949; 1222 à 1224, 1225 à 1229 et suttout l'm·rêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 21 novembre 1909

en note du numéro 1228) ; Que d'ailleurs Ie droit de vote de l'usufruitier d'actions . de société anonyme

lui est reconnu à raison de sa jouïssance et non à raison de son emprise sur Ie

~ien du propriétaire, et qu'il doit en être ainsi du mari dans un régime sans communauté (Pándectes belges, ibidem, les derniers numéros et l'arrêU cités

ei-avant); Attendu qu'en tout cas, la nécessité d'une autorisation tonjours révocable et

la façon dont elle lui fut donnée pour n'en user que sous l'reil de son auteur,

ne donnaient pas à l'épouse K. l'indépendance nécessaire à l'exercice d'un droit de vote véritablement personnel, et que cela. est si vrai, qu'en conclusions la

défenderesse n'hésite pas à argomenter de l'assurance de ce que tonjours .les IVotes des époux K. s'opposeront aux votes des épO"!JX M.;

Qu'il n'y a clone aucune raison de ne pas appliquer l'article 32 des statuts de ia défenderesse et de· ne ·pas considérer qu'en votant ensemble pour plus de

deux cinquières des titres, les époux K. aussi bien que les époux M. excéde­raient les droits de vote du mari;

Qu'il y .aurait d'autant · moins de raison de ce faire, qu'ainsi qu'il a été dit,

l'égalité des deux groupes, et même la prépondérance du groupe M. avaient manifestement été voulues par les fondateurs · et par les continuateurs de la défenderesse dont les deux ménages eux-mêmes;

Attendu qu'il résulte toutefois de ce qui précède que Madame M. n'a pas qualité pour figurer corilme demanderesse aux présents procès, et que la de­

mande · doit être déclarée non reeevabie de sa part et reeevabie et fondée seule­

ment dans Ie chef du dmandeur, en tant qu'il poursuii .Ja nullité des assemblées générales et conseils d'administra.tion visés à la demande;

En la cause 889 :

Attendu qu'en admettant que les époux K. puissent être des actionnaires dis­

. tincts et I'aient été, encore la société se tröuve-t-elle depuis sa constitution, et par conséquent depnis plus de six mois, être composée de six associés au lieu

de sept; ·

Qu'en pareil cas, il y a lieu. d'appliquer l'article 104 des lois coordonnées sur

les sociétés commerciales prescrivant la dissolution là la demande de tout inté-ressé; I ·

. Attendu qu'il importe peu qu'un prétendu- conJeil d'administration ait, Ie·

~7 mars 1943, autorisé la cession d'une action à un nouveau venu, et que cette

cession ait été réalisée, ou encore que !'assemblée générale du 24 décembre·

1943 ait ratifié ces opérations et que la nullité n'en soit pas postulée;

Que la réduction du nombre des actionnaires ne justifie pas une cession con·

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JURISPRUDENCE 173

traire au statuts (NOVELLES, t. 111,' 3227) et qu'ainsi que montré ei-avant, aucune autorisation et aucune cession d1actipns valables · et opposables à la société (q.ue Ie demandeur représente autant que l'administrateur-délégué). et opposables au demandeur, n'a pu se faire; faute de pouvoir réunir un conseil d'administration à eet effet;

Qu'aucune ratification n'a pu valider ce qui était entaché de fraude, et qu'il était clone inutile d'en postuier la nullité, alors surtout qu'if s'agit d'actes posté· rieurs à l'intentement de la demande;

Que ·l'inscription au registre ·des actions nominatives de la défenderesse est inopérante en pareil cas, étant elle-même frauduleuse et ne formant d'ailleurs pas titre à elle ~eule;

Attendu qu'il n'appartient pas au Tribunal saisi d'une demande de dissolu­tion sur base de l'article 104 susdit d'en apprécier l'opportunité (NOYELLES, t. III, 3225; Répert. prat., 2408; RESTEAU, t. IV, n° 1824; FREDERICQ, n° 1065; W AUWERMANS, no 919);

Que d'ailleurs s'il fallait suivre la défenderesse, on ne se trouverait plus en présence d'une société màis d'un administt'ateur-délégué omnipotent;

Que par sa lettre du IO janvier 1942, Ie demandeur fait une proposition rai­sonnable et co~n~iliante qu'on n'a pas daigné prendre en considération, tandis que l'administrateur-délégué, qui prétend avoir dû parer au plus pressé et sou­tiènt que la nomination de son fils en qualitê d'administrateur n'était que pro­visoire, n'a, au contraire, rien tenté pour rectifier une situation qui établissait la discorde au sein de la société et a prétendu faire consolider une situation qui, · d"e fait, n'était pas tolérable·;

Que la vie normale de la défenderesse n'est pas pos~ible dans ces conditions; Attendu que c'est vainement que la défenderesse insinue qu'il n'a été fait

autre chose que répliquer à une fraude ancienne du · demandeur lui-même; Qu'on ne répond pas à la fraude par Ia fraude; que ce serait un motif de

plus d'accueillir la demande; mais que la défenderesse ne peut qu'alléguer Ie fáit brutal du non accomplissement en faveur de la demanderesse des formalités relatives au remploi de ses biens propres, créant une situation que manifeste­ment les dem:andeurs n'oqt pas voulue, et dont rien n'é~ablit qu'ils aient usé ou aBusé;

Attendu qu'il n~apparaît pas qu'une majorité ne puisse se former au sein de l'assemblée générale, à laquelle Ie Tribunal ne peut dès lors se substituer pour nommer un liquidateur (RESTEAU, i862 et .1863; FREDERICQ, t. 11, no8; ;NOVELLES, t. 111, 4369 et 4370; Répertoire Pt·atique, 2469 et 2470; ,Comm. Brux., 21 janvier 1939, B. J., 1940, col. 20 et note sous Ie jugement) ;

Par ces motifs,

Le Tribunal, stat~ant en la cause 4194 déciare la demanderesse non reee­vabie pour· défaut de qualité; déclare la demande reeevabie et fondêe ainsi qu'il suit dans Ie chef du demandeur; déclare nulles et de nul effet les décisions prises par les assemblées générales de la défenderesse tant ordinaires qu'extra­ordinaires du vingt-quatre d.écembre mil neuf cent quararite et un et du vingt. sept ~1 mil n~ ·quarante-trois, et par les conseils d'administration du vingt-quatre décembre mil neuf cent quarante- et un, du vingt-sept mars mil neuf

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174 JURISPR UDEN CE

cent quarimte-deux èt du vingt-sept avril mil neuf cent quarante-deux; réserve les droits du demandeur à tous dom.mages-intérêts pour Ie préjudice qui lui a été ou qui pourrait lui être occasionné tant à titre personnel, qu'en "sa qualité de chef de la communauté qu'il forme avec la demanderesse, par les décisions irrégulièrement prises ou par celles que Ie conseil d'administration irrégulière­ment composé pourrait encore prendre; condamne la défenderesse aux dépens taxés à ce jour à cent soixante-huit francs;

Statuant en la cause 839 : déclare la demanderesse non reeevabie pour défaut de qualité; déclare la demande reeevabie et fondée dans Ie chef du dem~ndeur; déclarè en conséquence la société dissoute par application de l'ariicle I04 des lois coordonnées sur les sociétés commerciales; condamne la défenderesse aux dépens à ce jour taxés à cent quarante-huit francs;

Statuant en ces deux causes : déclare Ie présent jugement exécutoire par pro~ vision nonobstant appel, et sans caution, dépens à réserver en cas d'appel; donne acte au demandeur de son évaluation de chacune des demandes, en chacun de leurs chefs·, à plus de un milliort de francs, pour fixer la compétence et Ie ressort;

Attendu que, pour autant que de Óesoin, Ie Tribunal déclare · faire siens les termes du prédit jugement;

Attendu quant au surplus qu'il y a lieu pour les parties de s'expliquer à

nouveau;

Par ces motifs,

Le Tribunal dit que Ie présent jugement vaudra minute nouvelle du jugement prononcé Ie cinq août mil neuf cent quarante-quatre par la troisième chambre

. et qui se trouve ei-dessus reproduit, tout en déclarant pour autant que de besoin faire siens les termes du dit jugement; ordonne quant au surplus aux parties de s'expliquer à nouveau quant aux points qui n'auraient pas déjà été tranchés et ce à l'audience du samedi I2 octobre I946; réserve les dépens de la présente action; déclare Ie présent jugement exécutoire nonobstant appel et sans cau­tion. (I)

Observations. J_.' abondance des renseigne:r:nents donnés par

Ie jugement sur les éléments de ce litige complexe et Ie ca':ract~re explicite de la motivation de la décision nous dispensent d' en fair~

I' objet d'un commentaire détaillé.

Le procès mettait aux prises les membres d'une même familie,

composant à eux setils la société de fonne anonyme. Le groupe

auquel appartenait I' administrateur-délégué avait formé Ie dessein

de s' emparer de la prépondérance, sans égard pour les intentions

des fondateurs et sans scrupule dans I' em)floi des moyens. Entre..J

prise égoïste, contraire à I' esprït de fraterni~as inclus dans la notion

de société; entreprise illégale par I' irrégula~ité des procédés d' exé- \J

(I) Ce jugement est devenu définitif par exécution volontaire.

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JURISPRUDE~CE 175

cution et I' intention frauduleuse animant .toute la manceuvre d'usur~

pation du pouvoir majoritaire.

Le contrat de société consistant dans la mise en commun de

quelque chose par )lleux ou plusieurs personnes, dans la vue de

partager Ie béJ?.éfièe qui pourra en résulter (C. civ., art. 1832)

comporte, de sa n~ture, }' exclusion de f esprit d' égoÏsme, OU du

moins la subordination constante de la recherche de I' intérêt per~

-sonnel à la pou;suite de l'intérêt commun; il suppose et il exige

la sincérité et la permanence de rintention sociale dans I' exploita~ tion de la chose mise en commun:

Il y. a ~onc fraude à l'-obligation sociale et, par suite, vialation

du contré!t, lorsque r associé abuse des rnayens que la société et la

loi mettent à sa dispositioh pour s' assurer des avantages ou · une

position égoïst~s en vue de ·faire 'prédominer, . dans la société, ses

intérêts p~ersohnels sur ceux de la communauté.

Dans I' esp~ce jugé~, Ie T ribunal a eu à consta ter, dans des élé~

rnents de corresponda:nce et dans UJ?.e série d'infractions à la loi

et aux statuts, la réalité d'une telle disposition antisociale de ·vo~

lonté dans Ie chd de l'un des associés, I' administrateur~délégué. Le jugement dégage des faits de la cause I' existence d'un plan

dolosif, ourdi parreet associé aux fins d' évincer ses coassoeiés, dans

son propre et persounel lnrérêt.

Une fois cette constatation fa:ite, il devait nécessairement s'en~

suivre annulabilité de tous les actes de ré~lisation de ce plan. Ainsi

r exigeaient les_ principes généraux du droit des corptrats, même si,

par ailleurs, ces actes; .co~sidérés en soi, n' avaient pas déjà consti~ tué, en fait, des infractions caractérisées à la loi et aux statuts,

telles que convocations. irrégulières, composition irrégulière d' as~ semblées généra~es, cessions fictives d' actions à des comparses,

ami, fils ou épouse, etc.

La collection d:irrégularités relevées id égale la diversité et la

persévérance des manceuvres eaptieuses. C' était Ie cas ou jamais

de faire appli~~tion de I' a dage : « Fraus omnia corrumpit ».

Le T ribunal, en faisant sévèrement justice, a eu I' occasion, en

chemin, de rappeler ou de préciser certaines prescriptions du droit

· des sociétés anonymes ou des sociétés en général.

Par exemple :

- Le délai de convocation par lettre des actionnaires nomma~

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176 JURISPRUDENCE

tifs doit s' entendre de huit jours francs avant I' assemblée (lois

coord.! art. 7 3).

-. Ce délai est un minimum prévu en considération de circon­

stances normal~s; Des cas peuvent se présenter exceptionnellement

(guerre, événements graves, éloigneinent connu, difficultés notoi­

res de communication, etc.) ou, pour être util~, Ie délai doit être

plus long : la bonne foi contractuelle I' exige._ Elle exige aussi que

la convocation soit adressée de ma:nière à toucher et non pas à manquer Ie destinataire, clone plutot à. la résidence réelle qu' au

domicile ou I' ~xpéditeur saurait que I' on n' est pas.

-. La délibération de I' assemblée n' ((St valable qu' à la condi­

tion de porter sur u~ objet insci:it ou notoirement campris dans

I' ordre du jour.

Les décisions prises doivent être sincères, non artificieuses.

- Des transferts d' actions, même réghliers en la forme, inspi­

rés par une intention frauduleuse de módifier la composition d.'une

assemblée ou de tourner captieusell1ent les prescriptions légales sur . la lirriitation du droit de vote peuvent être des causes d'annula­

tion des . délibérations de 1"; assemblée générale.

- L'annulation d'une délibération d'assemblée générale entraî­

ne logiquement la nullité, à I' égard de. la partie qui robtient, de

délibérations conséc::utives d~autres assemblées qui ne pourraient

tirer leur validité que de celle de la d6libération jugée nulle.

-- La ratification d'u~ acte frauduleux par celui qui en est lésé

n' est valable que si elie est donnée en connaissance de cause. . . '

- Même un consentement de la partie lésée serait inopérant

pour valider des fraudes à la loi.

- n y a lieu à rectification du calcul des votes seulement en

c.as d' erreur matérielle, maïs rion "lorsque la délibération discutée

a été prise en vialation d'une prescription légale.

- Le registre des actions nominatives n' est ·pas un titre par

lui-même, mais un instrument de preuve.

- Les délibérations irrégulières doivent être annulées, même

lorsquïl peut être soutenu qü'il e:X:istait et qu'il existe des majorités'

régulières pour prendre des décisions aboutissant à des résulta.ts

identiques. Le jugement c.ontient aussi une discussion intéressante de la

nature du droit du mari d' exercer les droits attachés à des actions

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JURISPRUDENCE , 177

apportées en mariage ou souscrites· par I' épouse, en cas de régime

d'exclusion de communauté (C. civ., art. 1530 et suivants). Nous

y renvoyons Ie lecteur. / Enfin dans sa dernière partie, Ie jugement fait une application

exacte et intéressante de r art. 1 04 des lois coordonnées sur les

sociétés commerciales. Cet artiele prescrit la dissolution de la société à la demande de

tout intéressé lorsqu~ plus de six mois se sont écoulés depuis que

Ie nombre des actionnaires a été réduit à moins de sept.

Il n' est pas loisible à la société de réparer la déficience de nom­

bre en admettant Gne cession d' actions contrairement aux statuts

ou à la loi (cff Comm. Gand, 16 février 1924, Revue}. 1926, n° 2659, p. 28).

Le juge, de son coté, n' a pas Ie pouvoir de se refuser à pro­

noneer la dissolutio~ par motif d'inopportunité de celie-ei : la

prescription légale de · dissalution dans les. conditions définies à I' art. 1 04, est impérative par raison d'intérêt général.

Quant à la désignation du liquidateur lorsque la dissolution· est

prononcée' pour cause de déficience du nombre des actionrtaires,

Ie soin en àppart~ent, en principe, non pas aux tribunaux mais à I' assemblée ~énérale (au trement en va-t-il dans Ie cas de nullité de société : "Iois coord., art. 1 79).

Si les administrateurs de la société qui ont Ie devoir de convo­

quer I' assemblée générale à cette fin, y manquent, les actionnaires

trouvent dans la loi, et généralement aussi dans IC:~s statuts, Ie droit

de ies en requérir et de les y faire cont.raindre judiciaitement (lois

~oord., art. 73) .

Tout actionn.aire aurait . mê~e, individuellement, qualité pour

demander aux tribunaux la désignation d'un administrateur pro­

visoire chargé de faire la convbcation. Au surplus, à défaut de

nomination de liquidateurs, les ~dministrateurs dans les sociétés

anonymes seront, à I' égard des t~rs, considéré~ comme liquida­

teurs (art. 180).

11 peut se -presenter pourtant des cas ou.la désighation de liqui­

dateu~s par I' assemblée générale soit matériellemerlt imJ:>o_ssible.

En ce cas, nous pensons que I' on pourrait par analogie de motifs apphquer la règle édictée 'pour les sociétés dP. persounes {lois ·coor­

données, art: 179). En ce s~ns, voir Comm; Bruxelles, 21 janvier

1939, Revue} 194 7; n° 3931, p. 15 1.

·N°3932

1.2

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178 JURISPRUDÉNCE

lncidemment Ie jugement note, à propos de I' argument n-on

pertinent cl' opportunité de la dissolution, que, dans I' espèce, les

éléments de la cause · révèlent un état de dissension tel entre les

associés· que « la vie ~ormale de la société n' est pas possible dans

ces conditions ». 11 semble ainsi faire allusion au . pouvoir qu' ont

les tribunaux cl! appHquer, Ie cas échéant, I' art. 18 71 C. civ. ( di~so~ lution anticipée des' sociétés à terme).

La doctrine et la jurisprudence admett~nt, en effet, que I' état

de dissentiment 'irrémédiable entre les ·associés est compris/ au

nombre des ca~ __ de « justes motifs » de dissalution « dont la légi~ timité et la gravité sont laissées à I' arbitrage des tribunaux ». Maïs

Ie législateur, en eet article, vise manifestement les sociétés de per~

sonnes.

La nature même de la société anonyme, société de capitaux,

clone impersonnelle par définition, semble répugner même à la

seule hypothèse d' applicabilité d' un tel motif. T outefois, I' espèce

jugée montre que l'hypothèse peut se trouver exceptionnellement

réalisée dans Ie cas, par exemple, d'une société de forme anonyme

abritant, en fait, ce qu' on appelle une « société de familie », c' est~

à~dire une réunion d' actionnaires tous nominatifs, régie, en vertu

d'un pacte familial, par des dispositi<?ns statutaires ou para~statu~

taires re.strictives de I' anonymat et qui en font, en réalité, une

société de personnes.

N~~ 3933. ~ Cour d'appel _de Bruxelles (11 e eh.). 4 mars 1946. Sièg. : MM. Cappellen, prés.; Mechelynck et Ooms, cons. - Min. public :

M. Van der Perren, av. gén. - Plaid. : MMes Baugniet et Callewaert, avocats. (Cinéma Forum contre Administmtion des Fina~ces.)

Société. - Sommes tirées de la caisse sociale par un associé à son profit personnel (art. 1840, alinéa 2, C. civ.) .

. Société anonyme.- Prêt sans intérêt accordé à un administrateur. -Intérêts néanmoins dus de plein droit à la société.

Mandat. - Mandataire employant des sommes à son usage (art. 1996 C civ.).

La débitiotz de plein droit instituée pm· les articles z846 et I996 du Code civil s'applique dès que les sommes ont été tirées de lp caisse sociale pm· un associé pour son profit personnet ou employées pm· le. mandatai1·e pour son usage, même si la 11Jise à disjJOsition du bénéfi_ciaire a eu lieu; avec l'accm·d soit du Con~eil d'administration, soit de /'assemblée générale de la société anonyme, notamment au profit d'un administmteur auquel la société a consenû des pt·êts ne portant pas intérêt.

N° 3933

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JURISPR UDEN CE 179

Attendu que recours régulier en la forme et déposé dans Ie délai légal au greffe, est pris contre la décision du 31 juillet 1943, du directeur des Contribu­tions dir~ctes à Bruxelles, 1re direction, qui a rejeté la réclamation présentée le 1er mai 1942 par la requérante contre les cotisations à la taxe profession. nelle à la contribution nationale de crise établies à sa charge pour l'exercice

194Ii Attendu · que la requérante, dont Ie capital de 3.0oo.ooo de francs représenté

par 1000 parts sociales qui, suivant acte n° 16.932 publié aux annexes du M oni• teut' belge du 11-12 mars 1940, étaient en possession de deux de ses adminis­trateurs, MM. François et Félix Cloets, respectivement à concurrence de 498 et 497 parts, a pour objet· social l'exploitation d'établissements cinématographi­ques et toutes opérations se rattachant directement ou indirectement à eet objet principal, telles que l'achat, la vente ou .la location de films ou d'appareils cinématographiques', ainsi que la participation à toutes entreprises commerciales, financières ou industrièlles similaires ; que par diverses décisions du Conseil d'administration de la requérante s'échelonnant de 1935 à 1940, diverses sommes faisant partie de l'avoir de la requérant~ furent prêtées aux deux administra­teurs prérappelés qui les utilisèrent ·dans leur intérêt persounel; que la première

de ces décisions, datant du 28 février 1935, fixait Ie taux d'intérêts à fr. 0,50 p.c~ l'an; qu'à partir du 16 juillet 1935, Ie Conseil d'administration décida cl~ ne plus exiger d'intérêt ·et que les décisions subséquentes accordant des 'prêts ne fixè­rent aucun intérêt à payer par les frères Cloets; que Ie total des sommes prê­tées s' élevait en 1940 à 2.500.000 francs que 1' Administration des Finances estima, en se basant sur l'article 1846 du Code civil applicable aux sociétés commer­ciales, qu'un intérêt était dû sur ces sommes par les emprunteurs et fixa celui-ei à Ioo.ooo francs, somme qui, selon elle, devait être ajustée aux bénéfices décla­rés par la requérante et qui a servi de base aux cotisations querellées ;

Attendu que MM. François et Félix Cloets étaient débiteurs de plein droit et sans mise en demeure de l'intérêt des sommes ainsi prises dans la caisse de la requérante du jour oii ils les en ont tirées, pour leur profit personnel, ce em tant qu'associés aux termes de l'article 1846 du Code civil; qu'ils étaient <lébiteurs dans la même . condition de l'intérêt des sommes appartenant à la requérante employées à leur usage à dater de eet emploi, et, ce, en leur qua­lité de mandataires de la requérante (art. 53 des lois coordonnées sur les · socié­tés commerciales) et ce, en vertu de l'article 1996 du Code civil, également appli­cable aux sociétés commerciales;

Attendu que contrairement à ce que soutient la requérante, les termes « som­mes prises dans la caisse » et « tirées à son profit persounel », employés dans I'article 1846 du Code civil ne doivent pas s'entendre dans Ie sens péjoratif, de mise en posséssion délictuelle, par voie de détournement; qu'il suffit pour que les articles 1846 et 1996 prérappelés deviennent applicables, que la somme soit sortie de la caisse sociale pour être utilisée à des fins non statutaires mais persor~nelles et dans Ie seul intérêt de l'associé ou du mandablire bénéficiaire de cette mise à sa disposition, même si elle a lieu avec l'accord soit du Conseil d'administration, soit de I' Assemblée générale des actionnaires; que Ie seul divertissement du but social au profit de l'intérêt persounel s~rt de base à l'application des articles dont s'agit (LAURENT, Pt·incipes de dt·oit civil, t. 26,

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180 JURISPRUDENCE

n° 256; JAMAR, · Répertoire décennal de la Jut·isprudence, I88o-189o, t. 111; Trib. Brux., 16 juin 1884, J. T. I448; MARCADE, Explication du code Napo­le01t, t. 7, p. 223, titre IX du Contrat de société; Cass., 7 mai I897, Pas., .1, p. I74);

Attendu que les cotisations querellées ont été établies suivant la procédure de l'article 55 des lois coordonnées relatives aux impots sur les revenus et que le montant de la somme due à titre d'intérêt a été établi par comparaison avec les bénéfices normaux de redevables similaires et d'après tous autres rensei­gnements c.onformément à I' artiele 28 des mêmes IIois;

Par~ ces motifs,

La Cour,

I

Entendu en audience publique, Ie rapport fait par M. Ie Président Cappellen, et l'avis conforme de M. l'Avocat général Van der Perren, rejetant toutes autres conclusions, dit Ie recours non fondé,

En déboute la requérante et la condamne aux dépens. ·

Obsarvations. - Cet arrêt a été cassé par arrêt du 18 novem­bre 1946 reproduit ei-après (Revue,. 194 7, n° 3934).

Sur la débition de plein droit des intérêts par application des articles 1846, alinéa 2, et 1996· C. civ. à la m~tière des sociétés, voir : P. PONT, Soc . .civ. et com1n., t. Il, n°8 99 et 316 et suiv.; -NYSSENS et CORBIAU, Soc. comm., t. I, n°5 119 et suiv.; - Brux., 7 déc. 1903, Revue, 1904, p. 53.

No 3934. Cour de ca3sation (2e eh.). 18 novembre 1946. Sièg. : MM. Vitry, prés.; Sohier, cons. rapp. - Min. puhl. : M. R. Hayoit

de Termicourt, premier Av. gén.

(Cinema Fontm contt·e Admittistmfion des Finances.}

Société.- Associé tirant de la caisse sociale des. sommes pJur son pro­fit personnel (art. 1846, alinéa 2, C. civ .)

Société anonyme.- Prêt sans intérêt accordé à un administrateur.

Mandat. - Mandataire employant des sommes à son usage (a.rt. 1 ~96 C. civ .. )

Ordre public.- Règles supplétives de la vololité des parties.

L'm·t. I846, al. 2, et /'art. I996 C. cîv. ne sont pas d'ordre pub/ie, mais sup. plitifs de la volonté des pm·ties. lls ne sont pas d'application contt·airement à

tme convention de celles-ci. Sttt· .le pt·emiet· moyen, tiré de la violation des articlës 6, II33, II34, II53,

I846, 1873 et 1996 du Code civil, I et 53 . des lois coordonnées sur les sociétés commerciales, 25, 26, §§ I et 3 et 27 des Jois coordonnées relatives aux impots sur ·Jes revenus, 2, de l'arrêté du IS juin 1941 relatif à la contribution nationale de crise et 97 de la Constitution, en ce que l'arrêt attaqué, aprês avoir constaté en fait que, p~r décisions du Conseil d'administration approuvées par 1' Assem~

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il"RISPRUDENCE 181

blée générale des actionnaires, des sommes faisant partie de l'avoir social de la . dc·manderesse furent prêtées à deux de ses administrateurs, a décidé : première. branche, que ces administrateurs étaient débiteurs de plein droit et sans mise· en demeure de ces sommes par application des articles 1846 et 1996 précités;

Et sur Ie sec011d moyen, tiré de la violation des articles II34, 1320, 1322, 1846· et 1996, 1874, 1875, 1892 et 1905 du Code civil, 53, 54, 6o, 63, 70 et 74 des Iois: coordonnées sur les sociétés commerciales ~t 97 de la Constitution, en ce que l'arrêt attaqué, après avoir · constaté en fait que Ie Conseil d'administration avait fixé d'abord Ie taux d'intérêt de ces prêts à fr. 0,50 p. c. l'an, puis décidé de: ne plus exiger d'intérêt, a décidé, contrairement à ces décisions faisant la lqi des: parties que les administrateurs, en vertu des articles 1846 et 1996 précités,.

· étaient débiteurs de l'intérêt des sommes prêtées; Attendu que l'arrêt attaqué constate que la société. demanderesse a consenti

à deux de ses .administrateurs différents prêts et que ces prêts étaient stipulés sans intérêts; . qu'il décide que ces administrateurs étaient néanmoins débiteurs de plein dtoit d'intérêts, tant en vertu de l'article 1846, alinéa 2, du Code civil~

en leur qualité d'associés ayant tiré des sommes de la caisse de la société pour leur profit personnel, qu'en vertu de l'article 1996 du Code civil, en leur qtia· _lité de mandataires ayant employé à. leur usage personnel des sommes apparte­nant à leur ~andant; qu'il . en déduit que Ie montant de ces intérêts avait à bon droit été ajouté par 1' Administration !J.UX bénéfices de la demanderesse pour servir de base à la t~xation;

Attendu que les articles 1846 et 1996 du Code civil ne sont pas d'ordre public, mais supplétifs de la volonté des parties; qu'en en faisant application contrai­rement à la convention dès parties, l'arrêt a violé les dispositions iridiquées au moyen;

Par ·ces motifs,

Et sans qu'il y ait lieu d'examiner Ie premier moyen en sa seconde branche, Casse I' arrêt attaqué; Ordonne que Ie présent arrêt sera trànscrit sur les registres de la Cour d'ap­

pel de Bruxelles et que mention en sera faite en marge de la décision annulée; Renvoie la cause à la Cour d'appel de Liège; Condamne l'Etat aux frais.

Observations. Une .prétention du Fisc, fondée sur I' opposi,:.

tion, soutenue par lui, entre les articles 1846 et 1996 C. civ. et

certaines clauses d'une convention de prêt conclue entre une société

et l'un de ses administrateurs, a donné lieu, assez inopinément,

à la Cour de cassation d'interpréter la portée des deux articles pré.­

cités, sur ~n point que, ·à notre · connaissance du moins, les tribu ..

naux belges n' avaient pas encore eu I' occasion de fixer.

Les deux··articles en question, art~ 1846, alinéa 2, et 1996 Code

civ., consacrent Ie principe que.l'associé et Ie mandataire doivent,

de plein droit, l'iritérêt des sommes ne leur appartenant pas qu'ils

auraient, run, tirées de la caisse socia.le pour son profit particulier,

N° 3934

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182 J"CRISPRUDENCE

I' autre, employées à son usage ou dont il serait resté reliquataire;

De plein droit, c'est~à~dire sau's quïl soit besoin de la mise en

demeure exigée, en règle générale, par I' art. 11 5 3 C. civ. Là~

dessus, point d.e contestation de principe (cfr Bruxelles, 26 juillet

l871 (Pas., 1871, II, 404).

Ces dispositions, justifiées par des. considérations tirées de la

nature des cantrats (société. et mandat) auxquels elles se· rappor~

tent respectivement, ont cependant d_<:mqé.lieu, jadis, à des contra~ verses dïnterprétation doetrinale et d' application jurispruderitielle,

mais qui portaient exclusivement sur I' étendue et les modalités de

I' exception faite à la règle de I' art. 11 5 3 C. civ., qui subordonne,

on Ie sait, la débition des intérêts sur les dettes de sommes d' ar­

gent, à la signification d'une mise en demeure.

La question de savoir si I' expression impérative de I' exception

ainsi instituée pour la matière des cantrats de société et de mandat

signifiait la volonté du législateur du Code civil de leur conférer

en sus, le caractère de disposition d' ordre public, interdisant par suite, toute convention contraire, n' avait, semble~t~il, jamais été

mise en litige, . ou considérée comme susceptible de l' être. Dans le

cas de I' espèce, la société anonyme ( Conseil d' administration et

Assemblée générale) et ses administrateurs associés étaient partis

de lïdée quïl ne leur était pas légalement interdit d' exonérer con..;

ventionnellement certaines avances faites ·à deux administrateurs

·de la déhition dïntérêts, dont le cours, à les supposer dus, aurait

débuté, selon l'article 1846, en tous cas, sans mise en demeure.

~ur quoi, le Fisc, aux yeux de lynx, avait décelé dans cette

capvention une atteinte détournée à ses droits, en ce sens que,

r art. 1846, alinéa 2, imposait, selon lui, nonobstant toute stipula~ tion contraire, la- charge d'intérêts aux administrateurs, et, cela

étant, I' exonération convenue au profit de ceux~ci diminuait indi.:.

redement, sin on captieusement, les revenus taxables de la société;

,d' ou préterition de faire déclarer. et de taxer comme bénéfices, ces

intérêts dont il avait plu à la société de se priver - et donc .de ·Ie priver, lui, Fisc - à l' avantage de ses administrateur~ emprun~ teurs.

La Cour d' appel avait admis cette thèse qui, incontestableinent,

eût été fondée, .du point de vue fiscal, s'il devait être admis, en

droit civil, que I' artiele 1846 - et l' artiele 1996 qui s'inspire de

N° 3934

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JURISPRUDENCE 183

la même 'idée quant au principe de la débition d'intérêts - ont Ie caractère de dispositions d' ordre public.

La Cour de cassation a fait justice de cette confusion dans l'in~

terprétation du sens de_ la débition « de plein droit » des intérêts,

instituée par l'art. 1846 et par l'art. 1996 : elle décide qtt'ils ne

sont pas d'ordre public, mais supplétifs de la volonté des parties ». Il est clone permis à celles~ci d'y déroger conventionnellement.

Il n' est clone pas illicite pour une société qui fait des avances à ses administrateurs de convenir avec eux· de les exonérer de toute

charge d'intérêts; de même pour un mandant,_ de décharger d'avan~

ce son mandataire des intérêts prévus à I' art. 1996 Ç,- civ.

Cela laisse, au reste, entière .la 'réserve réprobative qu'impli~ quent, de la part du législateur, les d,ispositions des articles 1846,

alinéa 2, et 1996 C. civ. La dispense de mise en demem·e se jus~

tifie parce qu'il coiisidère, non sans raison, comme exorbitant de

I' objet et de I' esprit du cantrat de société, Ie fait que des ,fonds

··sociaux soi~nt employés au profit personne! de certains associés;

de même-, comme exorbitant de robjet et' de I' esprit du cantrat

de mandat, que des sommes, revenant au mandant, soient diver~

ties à l'usage du mandataire. Ces actes constituent, à inoins d'être

dûment autorisés, des abus et, en certains cas, même des détour~

nements. S'inspirant de cette considération, on devra faire rentrer SO!JS

I' a.pplication de I' art. 60 des lois coordonnées sur les sociétés com~

merciales, la décharge à obtenir par I' administrateur de société anonyme qui aura bénéficié de prêts à charge de la caisse sociale.

Cfr NOVELLES, Soc.· comm., n° 1861 bis.

No 3935. - Trlbunal de commerce de Bruxelles (3e eh.). 29 juillet 1938

Sièg. : MM. Heymans, prés.; Bieswal et Raymaekers, juges; Brassine, référ. Plaid. : MMes L. Declercq c/ Voets et Peyralbe, avocats~

( Maryssael et Lauwers c/ Declercq et Baget.)

Société anonyme. - Assemblées générales modifiant la composition du conseil d'administration. - Action ·en nullité de ces assemblées. -Recevabilité: nécessité de présence de la société à la cause. - Repré­sentation de la société en justice par les administrateurs. - Ordre dujour: statuts iuterdisant de d~libérer sur autre objet. --- Délibé­ration nulle.

N° 3935

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184 JURISPRUDENCE

N'est pas reeevabie l'actiott tendant à faire déclat·er nulles des· assemblées génét·ales d'une société anonyme et leurs délibérátions, si la société n'est pas t•alablement représentée en la cause.

Si les assemqlées génét·ales dont la nullité est demandée ont modifié la com­position du conseil d'administmtion, i/ y a lieu d'examiner la validité de ces assemblées pour pouvoir ensuite .statuer sm· la t·ecevabilité de l'action.

Attendu que l'action tend à· << entendre déclarer nulles et, de nul effet les as~emblées générales extraordinaires des actionnaires de la Société anonyme « Universelle Brique Compagnie», du 26 avril 1934 -insérée à l'annexe du Moni­teur beige, du 6 mai 1934, sous Ie n° 6519 et du r6 janvier 1935, insérée à I' annexe du M oniteut· beige, du 23 janvier 1935, sous Ie n° 740, ainsi que « toutes les résolutions notées aux dites assemblées générales extraordinair:es, et . à faire condamner les défendeurs à payer aux · demandeurs la somroe de 200.000 francs à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que les défendeurs contestent -la recevabilité de l'action en tant qu'elle est intentée à la requête de la société anonyme « Universelle Brique Co»; qu'ils allèguent que, des personnes indiquées à l'assignation comme composant Ie conseil d'administration, les unes (Mlle Jeanne Maryssael et Georges Lau­wers) ont été révoquées valablement par }'assemblée générale tenue Ie 26 avril I934, à rr heures, et les autres ne possèdent pas I~ qualité d'administrateur et de commissaire, celie-ei leur ayant été conférée par }'assemblée générale non valablement tenue Ie même jour~ à r6 h. 30;

Attendu que la présence de la dite société est indispensable en la cause puis­qu'il s'agit de décider de la validité d''assemblées générale~ extraordinaires de la société;

Attendu qu'il échet, dès lors, d'examiner la question de la validité de ces asseinblées afin ·de pouvoir ensuite statuer sur la recevabilité de I' action;

I~ - Assemblée générale du 26 avt·il I934, à II' hew·es.

I. Attendu que.les demandeurs soutiennent que cette assemblée générale s'est tenue ailleurs qu'au siège social, qui était à Breedene, avenue Princesse Elisa­

beth; Attendu qu'ils en donneut comme preuve l'extrait du procès-verbal de l'assem­

blée publié au M oniteut· sous Ie numéro précité; Attendu que l'e~-tête de eet extrait indique, en effet, comme siège social :

221, chaussée ~e Nieuport, Ostende; Que pareille indication est la conséquence de la huitième résolution prise par

!'assemblée et transférant Ie siège social à ladite adresse et ne prouve nulie­merit que I' assemblée litigieuse aurait été . tenue à eet e11droit;

Attendu qu'il résulte, au contraire,; des déclarations faites par les deman­c1eurs, Mlle -Maryssael, M. et -Mme ·G. Lauwers,

1

dans la plainte déposée par eux Ie 8 ·mai 1934 entre les rnains de M. Ie Procur~ur du Roi à Bruges, à èharge· des défendeurs G. Declercq et A. Baget, que l'askemblée générale en question

I

s;est bien tenue au siège social à Breedene; 2. Attendu que les demandeurs allèguent que Ie 26 avril 1934 les sieurs

Declercq, Baget, · Grossé et Rutten n'étaient pas propriétaires d'actions de. la société « Universelle Brique Co»;

N° 3935

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JI;RISPR UDEN CE 185

Que, selon les demandeurs, la preuve en découle du fait que Mlle Maryssael et Georges Lauwers sont propriétaires à eux deux de la totalité des actions ;

Attendu qu'il est constant que les sieurs Grossé et Rutten n'êtaient ni pré­sents ni représentés à aucune des assemblées tenues Ie 26 avril 1934;

Que seuls Gustave Declercq et Alphonse Baget assistaient à la séance dû matin, ainsi qu'il résulte du procès-verbal de celie-ei;

Attendu que .la société anonyme « Universelle Brique C0 » fut constituée Ie 5 septembre 1928, suivant acte du notaire Serruys, à Ostende, inséré aux anne­xes du M oniteur en date du 26 scptembie 1928, sous Ie n° 12.859;

Que eet acte constate que Ie fonds social est fixé à 100.000 francs divisé en 50 actiöns de 2.000 francs chacune et que ladite somme de 100.000 francs a été versée en présence du notaire;

Qu_e Gustave 'Declercq est. indiqué comme souscripteur de 25 actions;

Attendu que · par acte du même notaire du 2 décembre 1929 (annexes du M oititeur du 14 décembre 1929, n° 18.646), Ie capita} de la société fut porté à 500.000 francs par la création de 200 actions nouvelles, dont 50 « souscrites et libérées complètement » par Gustave Declercq;

Attendu qu'à ce moment, celui-ei était donc propriétaire de 75 actioris de capita};

Qu'en vain, les demandeurs prét~ndent que Declercq n'aurait pas payé Ie montant de ces actions;

Que cette prétention est, en effet, d'une part, en contradiction formelle avec Ie contenu ·des actes authentiques précités, et, de l'autre, sans relevance, Ie non-paiement d'actions n'empêchant nullcment la possession de la qualité de propriétaire de ces actions ;

Attendu qu'en vain, également,. les demandeurs soutienneut que la propriété des actions souscrites par Declercq, est revenue, dès 1930, entre les rnains .de Hector De Vriese, l'un des fondateurs de la Société, dont Mlle Jeanne Marys­sael tire tous ses droits à titre de légataire universelle;

Qu'il ne peut nullement, en effet, être déduit _des reconnaissances datant respec­tivement des II mai 1930 et 27 octobre 1930, ni de la lettre de De Vriese du IJ avril 1931, la preuve du transfert de propriété vanté par les demandeurs;

Que pour po1Jvoir en déduire une telle preuve, les demandeurs doivent d'ail­leurs considérer comme acquis Ie non-paierneut des actions par Declercq;

Que ce n·on-paiement n'est pas démontré par les demande.urs et est même con­trouvé par les éléments de la cause et notaroment ies constatations de }'expert M~ertens, commis par Ie parquet de Bruges sur la plainte des demarideurs pré­cit.és;

Attendu que lors de l'information judiciaire, Declercq a certes déclaré, qu'il n'avait pas payé ses actions, mais a· ajouté qu'il avait fait, avant la constitu­tion de la société, diverses remises de f'onds à De V riese en paiement de ces

actions;

Attendu que les demandeurs produisent encore une série d'éléments d'ou il résulterait, selon eux, que I!eclercq et Baget ont reconnu que l'affaire de I' « Universelle Brique» était la quasi-entière propriété de Mlle J eanne Marys­

sael;

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186 JURISPR UDEN CE

Attendu que !'examen de ces divers éléments ne permet pas de conclure à la réalité d'une telle reconnaissance de la part desdits défendeurs ;

Que !'expert Maertens fait d'ailleurs valoir dans son rapport diverses décla· rations émanant de De V riese et de J eanne Maryssael selon lesqueUes ceux-ci ont admis l'importance des intérêts d-; Gustave Declercq dans la sodété «Uni­verselle Brique » ;

Attendu que Alphonse Baget est devenu propriétaire de 40 actions qui lui ont été cédées par Declercq, cession inscrite au registre des actionnaires, ainsi que Ie con~tate !'expert Maertens;

Attendu qu'il suit de ces considérations que les demandeurs n'ont pas apporté la preuve, qui leur iricombait, quant au fait que les sieurs Declercq et Baget auraient participé à l'assemblt~ générale extraordinaire du 26 avril 1934 sans être « régulièrement propriétálre d'actions »;

Qu'il est ~'ailleurs significatif de remarquer qJe la plainte dêposée de ce chef par les demandeurs a été classée sans suite par Ie parquet de. Bruges;

3. Attendu que les demandeurs prétendent que !'assemblée générale tenue Ie 26 avril 1934 ~ onze heures n'a été précédée d'aucune · convocation ni publica­tion d'un· ordre du jour;

Attendu qu'il est constant que les actionnaires de la « Société Universelle Brique Qo » ont été régulièrement convoqués à une assemblée générale extra· ordinaire qui devait se tenir Ie 26 avril 1934, à II heures, avec indication de l'ordre du jour (M oniteut· du 18 avril 1934, n° 3032; Dernière H eure des 10 18 avril 1934 et Cm·illon d'Ostende du 18 avril 1934) ;

Attendu, qu'en vain, les demandeurs soutiennent que ces convocations con· cernent I' assemblée tenue Ie 26 avril 1934 et répertoriée _sous Ie n° 6518;

Qu'il est coristant, en effet, que cette asse~blée n'a pas eu lieu à 11 heures comme l'indiquaient les convocations, mais à 16 h. 30;

Qu'en vain, également, les demandeurs allègue~t que «!'assemblée générale extraordinaire des actionnaires . s'est ouverte au siège social, à II heures, sous la présiderice de Georges Lauwers.» et que « ce idernier, au vreu de la totalité des actionnaires, a décidé que le.s . délibérations seraient prises à quatre heures et demie ce jour»;

Que les demandeurs n'apportent · aucune preuve à l'appui d'une telle alléga. tion;

Qu'il n'est produit aucun procès-verbal~"'d'une séance tenue Ie 26 avril 1934, à II heures du ma tin,· et qui aurait pris la décision vantée par les demandeurs;

Qu'il est acquis, d'autre part, que Mlle Maryssael et Georges Lauwers, les de u x seuls actionnaires présents qui auraient. pu provoquer ladite décision, n'étaient nullement propriétaires de la totalité des !).ctions, comme les deman-deurs Ie ·prétendent; (' ... /

Attendu, toutefois, qu'avec raison les deux demandeurs déclarent « qu'aucun Jl,f oniteur beige, aucun journal de Bruxelles ni de province n'a convoqué une assemblée générale ayant un ordre du jour portant sur Ie retrait du mandat d'ad­rninistrateur à Georges Lauwers et J eanne Maryssael » ;

Attendu que l'article 31 des statuts porte que « aucun objet autre' que ceux portés à l'ordre du jour ne peut être remis en délibération »;

N 11 3936

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JURISPRU:L'ENCE 187

Attendu que les résolutions 3e, 4e, 7e et Se ne figurent pas à l'ordre du jour indiqué par les convocations ;

Qu'elles doivent, dès lors, être tenues pour nulles et de nul effet; Attendu qu:une telle nullité n'a pu être supprimée par la validation décidée

par l'assemblée générale extraordinaire du 16 janvier 1935, ladite assemblée ayant été cfmvoquée par Ie conseil d'ádministration issus des dites résolutións nulles, c'est-à-dire irrégulièrement convoqué;

II. - Assemblée générale extraordinaire du 26 avril Ii)34, à I6 h. 30.

Attendu qu'il résulte des considérations développées ci-dessus que cette assemblée générale extraordinaire, ainsi que les résolutions y prises, doivent être regardées comme nulles à défaut de convocation régulière;

111. - Attendu qu'aucune des assemblées générales extraordin.aires tenues Ie 26 avril 1934 n'a donc pas valablement prononcé l'exclusion d'administrateurs quelconques ;

Atteildu que Ie Conseil d'administration · doit être considéré comme composé comme · suit : Gustave Declercq, président et administrateur- délégué; J eanne Maryssael et .Lauwers, administrateurs, c'est-à-dire tel qu•a· était composé avant }'assemblée générale extraordinaire du 26 avril 1934;

Attendu que la composition du conseil d'administration indiquée à !'exploit d'assignation, n'est donc pas conforme à la réalité;

Que l'action doit, dès lors, être déclarée non reeevabie telle qu'elle est intentée ( artiele 21\ des, statuts) ;

Demande reconventionnelle :

Attendu qu'une demande reconventionnelle ne ·peut être reçue comme telle que si l'action principale sur laquelle elle se greffe, est elle-même valablement

intentée; Que tel n'est point Ie cas. en l'espèce; Qu'il s'ensnit que la demande reconventionnelle formée, en coneinsion par

les défendeurs, ne peut être accueillie; Par ces motifs, Ie Tribunal, écartant toutes autres fins ou conclusions, déclare

l'action non reeevabie telle qu'eile est intentée, et condamne les demandeurs Mlle· J eanne _Maryssael, Georges Lauwers et son épouse, aux dépens taxés à

ce jour à 33 francs ; Statuant sur la demande reconventionnelle, la déclare non reeevabie comme

telle.

Observations. - Le jugerrient ci-dessus".; étant rendu presque

exclusivement en fait, échappe dans cette même mesute _au com­

mentaire de la Revue .. Lorsque les statuts d'une société anonyme portent défense

expresse de mettre en délibération aUcun objet autre que ceux qui

sont portés à I' ordre du jour, I' infraction de cette disposition rend

la délibération nulle, ou du moins annulable.

La loi impose déjà, quant à elle {art. 73 lois coord.) d'insérer

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•.

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188 JURISPRUDENCE

dans les convocations, I' ordre du jour; d' ou suit I' obligation de renfermer les délibérations dans les objets indiqué~ par celui-ci. Il ne s' ensuit pas de là pourtant que I' assemblée ne puisse jamais, sous peine de nullité, s'écarter de l'ordre. du jour de la réunion.

·On c~nsultera à ce propos, av~c intérêt, les décisions reproduites et commentées dans la Revue, 1936, n° 3505,·p. 48; -1933,

n° 3331, p. 12 7; - 1930, n° 3098, p. 353; - 1929, n° 3004, p. 366, et les deux Tables générales de la Revue, va Assemblée géné­rale.

No 3936. - Tribunal de commerce de Bruxelles (12e eh.). 24 janvier 1939.

Sièg. : MM. Wolfs, prés.; Ghysen, référ. suppl. Plaid. : MMes Vermoesen c/ Robert De Smet, avocats •

. (de Giey cj s. a. Etrzmo.)

Société anónyme. - Tantième de bénéfice d'administrateurs. - Répar. tition prescrite par les statuts selon mi règlement intérieur. - Déci­sion de répartition non conforme. - Action en paiement contre la société. - Règlement applicable jusqu'à. modifi.mttion. - Amende­meuts sans effet rétroactif. - ·Fonctions d'administrateur remplies pendant une partie seulement de l'exercice social. - Répartition proportionnelle.

I. - Lorsque les statuts d'une société anonyme stipulent qu;wt pout·centage des béttéfices t·éalisés sera alloué au conseil d'adm.inistration et sera t·éparti .entre les membres du dit conseil confonnément à un t•èglement d'm·dre intérieur, l'admittistrateut· qui soutient que la t·épartition décidée par le conseil d'adminis­tration n'a pas été faite conformément au dit règlement, ou, à son défaut, aux pt·incipes juridiques sur la matière, est recevabltr à réclamer à la société la somme dont il ·pt·étend avoi1· été ft·ustré, sans devoir pt·endt·e au préalable de t·ecout·s contre la décisiotz dtt conseil d'administration qui a fixé la répartitiot~

critiquée.

11. - Dims l'espèce envisagée, lorsqu'il existe tm t·èglement d'ordt·e intérieur fixant le mode de t·épartition, ce règlement s'applique à tous les exercices qui s'écoulent aussi longtemps qu'il n'est pas modifié, et les amendetnents y appot·­tés ne peuvent pt·odui1'e d'effet qtJe pour l'avenir.

I

lil. - L'admi1zistrateur qui tt'a exercé ses fondfons que pettdant utze pm·tie _de l' exercice social a dt·oit à une t'étribution propo~·tiotmelle à la durée de ses fouctiotzs.

Attendu que l'action tend à obtenir condarnnation de la défende~esse au paie,;. ment de la somroe de 6.156 francs, rnontant des t~ntièrnes qui seraient dus· au dernandeur, en sa qualité d'adrninistrateur de la défenderesse, pour l'exercice

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JURISPRUDENCE 189

écoulé du 30 septembre 1936 au 30 septembre 1937, sous déduction d'une somroe de 2.500 francs payée au demandeur de ce chef;

Attendu qu'il est constant que Ie demandeur a fait partie du Conseil d' Ad­ministration de la défenderesse du 30 décembre 1935 au 14 septembre 1937, date à laquelle une assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la défen­deresse a acté sa démission;

Attendu que, aux termes des statuts sociaux de la défenderesse : « Sur Ie pénéfice net distribuable, il est prélevé annuellement : 1° cinq pour cent pour la réserve Jégale; 2° la som me nécessaire pour distriboer aux actions de _ca pi tal un premier dividende calculé à raison de cinq · pour cent l'an sur ~e montant des versements appelés et effectués ... ; 3° du solde, il sera alloué quinze pour cent au Conseil d'administration. Le montant sera réparti conformément à une décision du Conseil d'administration en date du 5 mars -1938; que suivant Ie tSOutènement du demandeur, Ie Conseil d'administration se composant de six membres, la somroe de 38.543 francs aurait du être divisée en six parts égales, ·et, Ie demandeur ayant e,xercé · ses fonctions pendant vingt-trois vingt-quatrièmes

38543 23 de l'exercice, aurait droit à --- X -, soit à 6.156 francs.

6 24

I. - Sur la t·ecevabilité.

Attendu que la défenderesse oppose tout d'abord à la demande une exception de non recevabilité : selon elle, Ie demandeur critiquerait la répartition faite par Ie Conseil d'administration, à qui ce soin était dévolu par les statuts, de la somme totale revenant aux membres du dit Conseil; il suivrait là que c'est contre les administrateurs personnellement et non point contre la s.ociété que Ie demandeur eût dû agir;

Que la défenderesse étaye notaroment son système sur la disposition de I' art. 62 des lois coordon~ées- sur les sociétés commerciales aux termes de la­quelle les administrateurs sont solidairement responsa bles, soit· envers la société, soit envers les tiers, de tous dommages-intérêts résultant d'infractions aux dis­positions des statuts sociaux j qu'elle soutient que, OU bien Ja répartition faite par Ie Conseil d'administration est conforme aux statuts ...:__ et, dans ce cas, Ie demandeur est sans griefs - ou bien elle y contrevient - et dans cette hypo­thèse, il lui appartient de poursuivre contre les membres du Conseil d'adminis- -tration en fonctions lors de la répartition querellée, la réparation du préjudice en résulté pour lui;

Attendu qu'il échet tout d'abord de préciser que, quel que soit Ie role joué par Ie Conseil- d'administration dans la répartition des tantièmes, c'est la société qui est débitrice envers ·. chacun des administrateurs de la som me qui lui revient (Comm. Bruxelles, 28-4-1932, Rev. prat. soc;, 1932, p. 282) : les tantièmes ne sortent de la caisse sociale que pour être versés directement à chacun des inté­ressés, après qtie la répartition en a été détermmee conformément aux statuts sociaux;

Attendu qu_e les statuts de la défenderesse stipulent que la répartition du montant global des tantièmes se fera conformément à un règlement d'ordre intérieur; qu'il ne s'agit nollement là d'un pouvoir discrétionnaire conféré au

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Conseil, de fixer comme il l'entend, à la cloture de chaque exercice social, la part de chacun des administrateurs; que les pouvoirs du Con~eil à ce sujet sont Jimitativement fixés par les statuts ·à l'établissement d'un règlement d'ordre intérieur fixant les principes selon lesquels la répartition sera opérée;

Attendu que le non-fondem~nt de l'exception de non-recevabilité soulevée par la défenderesse ressort des considérations ci-dessus développées ;, qu'en effet, le Conseil d'administration, dès lors qu'il a établi le règlement d'ordre intérieur dont l' élaboration lui a été confiée par les statuts, a épuisé ses po u, voirs à ce sujet; qu'il ne peut procéder à la répartition de la prédite somme globale que dans la mesure ou il fait application de ce règlement; que s'il fixe le montant revenani à chaque administrateur sans se conformer au susdit règle~ ment, et, en son absence, aux principes juridiques appÜcables à la matière, il. agit sans pouvoirs et commet une simple voie de fait dont Ie demandeur n'a à connaître à aucun titre, à moins qu'il y ait marqué son adhésion; que, s'il peut · se concevoir que, quand Ie Conseil d'administration est investi du pouvoir de procéder à la répartition des tantièmes, on puisse soutenir qu'un administrateur qui s'estimerait lésé doive, avant de réclamer à la Société la partie de ses tantièmes dont il aurait été frustré, poursuivre tout d'abord l'annulation .de la décision du Conseil, tel n'est pas le cas dans l'espèce_; que, si Ie demandeur n'a pas touché la totalité de la somme dont il est créancier, conformément au règlemènt d'ordre intérieur, il est reeevabie à en poursuivre Ie paiement à charge de _la défenderesse, quî en est débitricè, sans devoir prendre de recours contre -une décisiön du Conseil d'administration qui est . sans incidence à la question;

Oue la circonstance que Ie demandeur eût pu éventuellement être en droit d'agir contre les administrateurs, en réparation du préjudice résulté pour lui de la répartition non conforme au règlement faite par le Conseil, n'est pas de nature à rendre irrecevable l'action mue par Ie demandeur contre la défende-

·(\1 resse.; qu'entre deux voies différentes qui s'offrent à • lui pour faire valoir ses droits, l'intéressé choisit librement.

ll. - A u fond.

Attendu qu'il y a lieu d'examiner s'il existait un règlement d'ordre intérieur fixant 'les principes selon lesquels devait s'effectuer cette ·répartition;

Attendu qu'il est constant que, pour le premier exercice social de la défende, resse, qui se cloturait Ie 30 septémbre 1936, la somme globale revenant au Con­seil fut divisée en sept parts égales dont deux "furent attribuées au Président du Conseil, et· une à chacun des au tres administrateurs ; que cette_ répartition, faite de l'accord de tous les administrateurs, implique l'existence d'un: règlement fixant. Ie principe sûivant : parts égales aux administrateurs, sauf quant au Pré­sident qui recevrait une part double;

Attendu qu~ sans doute ce règlement était susc)eptible d'être modifié par la suite; mais qu'il échet d'observer immédiatement q~e les amendements y appor­tés éventuellement ne pouvaient pröduire d'eHets que pour l'avenir; qu'en effet, si lorsque le Conseil d'administration est chargé d' établir lui-même la répartition comme il l'entend, la décision qu'il prend après la cloture de chaque exercice porte sur les tantièmes de l'exercice écoulé, et sur ceux-là seuls, une

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nouvelle décision devant interveoir pour l'exercice suivant, telle n'est pas la situation lorsque, comme en l'espèce, un règlemènt d'ordre intérieur fixe Ie mode de répartition; que ce règlement s'applique à tous les exercices qui s'écoulent aussi longtemps qu'il n'est pas modifié; que les administrateurs qui ont rempli leurs fonctions alors qu'il était en vigueur, ont Ie droit d'être rému· nérés conformément aux principes fixés par les statuts sociaux et Ie règlement; que ce droit ne peut être énervé rétroactivement par l'effet d'une modification

postérieure;

Attendu qu'il n'est même pas allégué par la partie défenderesse que, avant la décision du 5 mars 1938, Ie Conseil d'administration · aurait établi de nou­veaux principes de répartition des tantièmes; que la susdite décision, en admet· tant qu'elle, eût institué semblabies principes, scrait sans incidence à la cause;

Attendu, d'ailleurs, qu'elle fut prise dans les termes suivants : « Le Conseil décide la répartition des tantièmes de l'exercice 1937 de la faç~n suivant~ : ... » (indication du ·nom des administrateurs et de Ia somme allouée. à chacun) : d'ou il résulte clairement que Ie Conseil· n'entenduit nullement faire application d'un ·règlement, mais, au contraire, fixer lui-même et comme il l'entendait, Ie mon· tant de la somme à attribuer à chacun des administrateurs; que bien plus, alors que selon les statuts, la somme globale de 38.543 fr. était allouée au Conseil d'administration, la décision du 5 mars 1938 ne répartissait que 22.500 fr., stipu· lant que Ie solde, soit 16.043 fr., serait porté au compte de réserve -:- ce en violation des statuts -; que, des 22.500 fr. répartis, elle attribuait respective·

ment 2.500 fr. à M. d'Huart et 500 fr. à Mlle Helen, qui n'étaient pas ~d~inis· trateurs· - ce également en violation des statuts; que,. même en ce qui concerne les sommes réellement allouées aux administrateurs, il est impossible d'aperce· vóir un principe ou ~ne règle quelconque qui aient été suivis; qu'en effet, il fut attribué 6.ooo fr. à deux administrateurs, dont Ie Président du Conseil, 2.500 fr. à trois autres dont Ie deman~eur, et rien au sixième;

Attendu clone que Ie Conseil d'administration, par sa décision du 5 mars 1938, n'a pas fait application du règlement d'ordre intérieur . et ne I' a pas ~avantage modifié; qu'il s'est manifestement considéré, à tort, comme investi d'un pouvoir discrétionnaire lui permettant, non pas seulement de répartir la somme globale dont question entre les administrateurs, mais mê4e de l'utiliser, comme bon lui semblait;

Attendu que cette décision ne peut produire d'effet juridique, et est sans pertinence à la cause;

Que, Ie règlement initia! étant toujours en vigueur, Ie demandeur, qui a droit à une rétribution proportionnelle à la partie de l'exercice social pendant laquelle il a exercé ses fonctions (Comm. Bruxelles, 28-4-1932, ci-dess.us cité, RESTEAU, n°~ 900 et s., PASSELECQ, n° 1731 et références y reprises, W AUWERMANS, 1t0 31), est créancier de la défenderesse de vingt-trois vingt-quatrièmes d'un septième de 38.543 fr., soit de 5.276 fr.; qu'ayant touché 2.500 fr., il lui reste dû .2.776 fr.;

Attendu que toutes au tres considérations sont sans pertinence;

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192 JURISPRUDENCE

Par ces motifs,

Le Tribunal, écartant toutes èonchisions autres, plus amples ou contraires; Condamne la défenderesse à payer au demandeur la somme de 2.776 francs; La condamne aux intérêts judiciaires et aux dépens.

Observations. - Quelles que soient les modalités statutaires de !épartition des tantièmes alloués par des statuts de société anonyme

aux administrateurs, c' est la société qui en reste débitrice directe

envers chacun d' eux. Chaque administrateur a clone, contre elle,

une action en paiement.

Si les statuts ont stipulé que la répartition des tantièmes ~e fera

selon un règlement d' ordre intérieur, cette stipulation oblige con~

tractuelle~ent la société et ,les administrateurs; Ie règlement fix~nt la quotité de la créance de chacun, doit être observé.

Si Ie Conseil d' administration avai~ enfreint Ie règlement, il

aurait commis à la fois une faute contractuelle et un ma~quement aux statuts,- dont ses membres seraient responsables à 1' égard de

tous les intéressés : ceux~ci auraient, en ce cas, une action en res~

ponsabilité quasi~délictuelle en dommages~intérêts contre les admi~

nistrateurs personnellement (C. civ., artiele 1382, et lois coord.,

art. 62), outre leur action contractuelle (actio socii) contre la

société aux fins d' exécution du règlerrient statutaire, obligation de

faire de la société pouvapt se résoudre, Ie cas échéant, en dom~

mages~intérêts (C. c1v., art. 1142).

Le Tribunal pose, à juste titre, en principe, qu'un ~èglement d' ordre intérieur, qui forme contrat entre les parties, est modifia~

ble par nature, mais garde une obligation jusqu' à modification. 11

s' apJ?lique clone à tous les exercices qui s' écoulent aussi longtemps

quïl n' est pas modifié, de telle sorte qué les administrateurs qui

ont rempli leurs fonctions alors quïl était en vigueur, ont Ie droit

d' être rémunérés conformément aux principes . fixés par les statuts

sociaux, la modification postérieure, ne pouvant avoir d' effet

rétroactif. 1l est normal que la créa4ce soit établie au prorata d.e la ·

portion de temp~ de 1' exercice pendant laquelle 1' administrateur

a exercé ses fonctions. Voir les références citées au jugement.