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Jurisprudence 2019

Jurisprudence 2019 - ROHQ · 2019. 11. 25. · Jurisprudence • OH 2019 7 Jurisprudence OH 2019 [16] En outre, il maintient qu’il s’agit d’un immeuble où la tranquillité

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La sélection, l’indexation ainsi que les commentaires de chacune des décisions ont été effectués par Me Chantal Pellerin, conseillère juridique

et secrétaire générale du ROHQ.

Recueil préparé par Le Regroupement des offices d’habitation du Québec

1135, Grande Allée Ouest, bureau 170, Québec (Québec) G1S 1E7 Tél. : 418 527-6228

Courriel : [email protected] Site Internet : www.rohq.qc.ca

Novembre 2019

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PRÉSENTATION

C’est un plaisir de vous présenter cette 39e édition, laquelle contient 14 décisions de la Régie du logement impliquant des offices d’habitation. 

Comme pour les dernières éditions, toutes les décisions sont commen-tées par la soussignée. 

Les décisions1 des années 2018-2019 répertoriées ici ont été sélection-nées à partir du site Internet Jugments.qc.ca, et à partir de  jugements partagés par certaines organisations. Toutes les décisions des tribunaux civils et administratifs sont publiées sur ce site. 

Je vous invite à me transmettre vos décisions pour la production de la prochaine édition 2020.

Bonne lecture,

Me Chantal Pellerin Avocate, conseillère juridique et secrétaire générale, ROHQ

  1.  Les textes des décisions doivent être reproduits dans leur intégralité, y compris les fautes d’ortho-graphe et de syntaxe. Nous vous prions donc de ne pas nous en tenir rigueur.

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TABLE DES MATIÈRES

PRÉSENTATION 3

TABLE DES MATIÈRES 4

JUGEMENTS 5

TRANSFERT – RÉVISION DÉCISION 5

RADIATION LISTE ADMISSIBILITÉ 12

ENCOMBREMENT – BRUIT – COMPORTEMENT DÉRANGEANT 20

DOMMAGES MATÉRIELS – TROUBLES DE JOUISSANCE 27

NON-RESPECT D’UNE ORDONNANCE DE PAYER 33

NON-PRODUCTION DE DOCUMENTS – RÉSILIATION 37

NON RESPECT D’UNE ORDONNANCE 44

LOGEMENT INOCCUPÉ 54

ANIMAUX – DÉFENSE DE ZOOTHÉRAPIE 58

ENCOMBREMENT – PROPRETÉ DES LIEUX 69

REFUS DE TRANSFERT – RÉSILIATION DU BAIL 77

RESPONSABILITÉ CIVILE – CHUTE DANS UN ESCALIER 82

PUNAISES DE LIT – FAUTE DU LOCATEUR 85

DIMINUTION DE LOYER – TROUBLES DE JOUISSANCE 90

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JUGEMENTS

TRANSFERT – RÉVISION DÉCISION

RAYNALD ARSENAULT c. OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION DE QUÉBECRégie du logement no 434614 18 20190103 GLucie Béliveau, juge administrativeJugement rendu le 01 mars 2019

DÉCISION[1] Le Tribunal est saisi d’une demande du locataire en révision de la décision de l’Office municipal d’Habitation de Québec (ci-après : « OMHQ »), qui refuse de le transférer dans un logement qui conviendrait à son état de santé.

[2] Les  parties  sont  liées  par  un  bail  d’habitation  à  loyer  modique, lequel a été reconduit  jusqu’au 31 décembre 2019, à un loyer mensuel de 302 $.

Aperçu

[3] Le locataire, monsieur Raynald Arsenault, a initialement demandé au locateur (l’OMHQ) une demande de transfert puisque le logement qu’il loue actuellement représente un risque pour sa santé, prétend-t-il.

[4] Il souffre d’épilepsie et il soutient que les pertes de sommeil dues aux  bruits  incessants  dans  l’immeuble  diminuent  l’efficacité  de  ses  médicaments et ses crises d’épilepsie s’accentuent.

[5] Le  locataire affirme qu’il  est  constamment dérangé par  les bruits faits par les autres locataires et visiteurs qui entrent et sortent de  l’immeuble puisqu’un des murs de son logement est adjacent à la cage d’escalier.

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[6] Au surplus, il soutient que les boîtes postales sont également sur ce mur et qu’il entend tous les locataires qui prennent leur courrier et le postier qui dépose les lettres dans les différents casiers.

[7] De plus, il entend le signal sonore du mécanisme d’ouverture de la porte d’entrée lorsqu’un visiteur se présente et le bruit de la chaufferette du hall d’entrée.

[8] La sœur du locataire témoigne et corrobore les prétentions de son frère, tout en spécifiant qu’elle rend visite à son frère aux deux mois et le jour seulement.

[9] Le mandataire de l’OMHQ précise que la demande de transfert a été reçue le 22 août 2018.

[10] Le 13 décembre 2018,  le comité de sélection  rend une décision défavorable et  refuse  la  demande de  transfert  du  locataire,  qui  en est informé par écrit le 14 décembre 2018.

[11] Dans le délai prévu par la loi, le locataire se pourvoit en révision de cette décision de refus de transfert.

[12] Le mandataire de l’OMHQ soumet en preuve la documentation et la législation applicable en l’espèce, en particulier la politique de transfert adoptée par la résolution numéro OM-2013–004 datée du 29 janvier 2013 et  le  certificat  de  conformité  approuvé  par  la  Société  d’habitation  du Québec en 2013.

[13] Il dépose également le diagnostic médical remis par le locataire au soutien de sa demande, lequel édicte que le locataire souffre d’épilepsie réfractaire et que les troubles de sommeil causés par le bruit entraînent un  moins  bon  contrôle  de  l’épilepsie  avec  des  crises  plus  fréquentes (notre soulignement).

[14] Il  allègue,  preuve  à  l’appui,  que  toutes  les  démarches  sont conformes à la législation applicable et que la décision a été défavorable puisque le locataire ne remplit pas les critères d’admissibilité pour obtenir un tel changement.

[15] En effet, il explique que l’état de santé du locataire est somme toute modérée et  ne  correspond pas aux  critères  prévus  par  la  politique de transfert. De plus, le logement n’est pas en lien direct avec l’état de santé du locataire.

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[16] En outre,  il maintient  qu’il  s’agit  d’un  immeuble  où  la  tranquillité règne puisque les 21 logements sont habités par des personnes retrai-tées. Aucune  problématique  n’a  été  détectée  à  cet  immeuble  et  il  est même allé vérifier personnellement sur place : tout est normal et paisible.

[17] Il est vrai que la cage d’escaliers et les casiers postaux sont apposés sur  un  des murs  séparateurs  du  logement  concerné, mais  le  postier  y dépose le courrier durant environ 15 minutes du lundi au vendredi et de jour et  il  y deux cages d’escaliers,  avant et arrière,  limitant  les entrées par l’avant.

[18] Il précise que le locataire habite ce logement depuis six années est très revendicateur et qu’il s’est plaint de diverses situations anodines et sans fondement au cours des années.

[19] Il  déclare  que  le  locataire  doit  apprendre à  vivre avec  les bruits normaux de la vie quotidienne dans un immeuble à logements. L’OMHQ gère plus de 8000 portes et s’il fallait obtempérer aux demandes particu-lières de tous les locataires, la situation serait ingérable et insoutenable.

[20] Le locataire détient un logement de la bonne catégorie, dans le bon secteur, et son transfert n’est pas justifié.

[21] D’ailleurs, il plaide que le locataire a pris le mauvais recours car il ne s’agit pas d’un transfert à proprement parlé, mais d’un cas de diminu-tion de loyer.

Question en litige

• Le locataire a-t-il prouvé que son état de santé nécessitait un trans-fert de logement ?

Analyse et droit applicable

[22] Pour obtenir un changement de logement, le locataire doit obtenir sa réinscription sur la liste d’admissibilité d’un logement à loyer modique.

[23] La demande de transfert effectuée par le locataire est régie par la politique de transfert de l’OMHQ, c’est l’article 2 paragraphe B, alinéa 1 et le Nota Bene (N.B.) qui reçoivent application :

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« Article 2 : L’admissibilité

(…)

B) Par le locataire

1.  L’état de santé : un membre du ménage est atteint d’une maladie grave ou incurable en stade avancé ou a atteint un niveau de perte d’autonomie tel qu’un transfert de logement  permettrait  d’améliorer  sensiblement  ses conditions de vie et/ou de prolonger son autonomie.

(…)

N.B.  Pour  les points 1 à 4,  il doit y avoir une  relation directe entre la difficulté de fonctionner d’un locataire en raison de son état de santé physique ou mental et  le logement du locataire ou sa situation. Un certificat médical produit par un médecin, désigné par l’Office, peut être exigé.

Lorsque la sécurité est en cause, la preuve de la gravité de la situation, la relation entre la situation et le logement et une recommandation précise doivent être établies par une personne compétente. »

[24] On constate qu’une demande de transfert basé sur l’état de santé et la maladie doit rencontrer les critères énumérés à l’article 2 B) et qu’au surplus,  il  doit  y avoir  un  lien de causalité entre  le problème de santé soulevé et le logement concerné. 

[25] Le locataire dépose un certificat médical daté du 6 juin 2018, qui spécifie que les troubles de sommeil engendrés par les bruits entraînent un moins bon contrôle des crises d’épilepsie. Le médecin s’appuie néces-sairement  sur  les  dires  du  locataire  pour  indiquer  que  les  troubles  de sommeil sont engendrés par les bruits car évidemment, il n’est jamais allé sur place pour le constater.

[26] En matière de logement à loyer modique, le locateur est astreint à des règles strictes d’attribution de ces logements. Certes, le fait de béné-ficier  d’un  tel  logement  comporte  ses  avantages,  mais aussi ses inconvénients. Il y a lieu de rappeler que les normes d’occupation prévues au Règlement sont d’ordre public et qu’elles doivent s’appliquer impérati-vement (notre soulignement).

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[27] Le Tribunal doit considérer que le locateur, qui gère ces immeubles à même les fonds publics, se doit de respecter et de se conformer aux lois et règlements applicables. 

[28] Dans les circonstances, le Tribunal doit conclure que le locateur a agi dans les conditions prévues par les règlements et il n’y a pas lieu de réviser la décision rendue. 

[29] D’ailleurs  la  juge  administrative  Sophie Alain  énonçait  pertinem-ment que le rôle le rôle du Tribunal se définissait comme suit : 

« En l’instance, comme le locataire a demandé la révision de la décision de l’OMH, le fardeau de preuve revient à ce dernier de prouver qu’il a respecté la réglementation. 

Dans le cadre d’une demande de révision introduite par un locataire, le rôle du Tribunal se limite à vérifier si les conditions d’application  prévues  aux  règlements  sont  rencontrées. D’ailleurs, dans l’affaire Drewnik c. Montréal (Office municipal d’habitation de)  (6),  il  fut  rappelé que  le présent Tribunal ne peut que vérifier si le processus et la décision adoptée par le conseil respectent les dispositions réglementaires qui lui sont applicables et ne relèvent donc pas de son simple arbitraire. Il ne peut réévaluer la décision en regard de son caractère opportun. Il pourra décider que le comité ne disposait pas de preuve suffisante pour asseoir sa décision de façon objective et motivée et demander alors à ce dernier, une réévaluation de sa décision. »2

[30] La  Cour  du  Québec  rappelle  les  enseignements  de  Me  Carole Mc  Murray3,  à  l’effet  que  cette  obligation  vise  à  assurer  une  gestion adéquate des logements publics et à sauvegarder le droit d’accès à ces logements  à  la  clientèle  ciblée.  Ce  n’est  que  dans  la  mesure  où  les éléments soumis par  le  locataire pourraient être retenus en vertu de  la réglementation de la législation que le Tribunal pourrait intervenir. 

2. Nasir c. Office municipal d’habitation de Montréal, R.D.L., 2017-03-24, 2017 QCRDL 9288, SOQUIJ AZ-51377707.

3. Déry  c. Coopérative Chez nous Chez vous,  C.Q.,  2006-11-29,  2006 QCCQ  11946,  SOQUIJ AZ-50399770, J.E. 2007-168, [2007] R.J.Q. 171, [2007] J.L. 87, [2007] R.D.I. 200 (rés.).

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[31] De la preuve et des témoignages entendus le Tribunal estime que les problèmes de santé vécus par  le  locataire ne rencontrent pas ceux requis à la Politique de transfert car il ne souffre pas d’une maladie grave ou incurable en stade avancé où un transfert lui permettrait d’améliorer sensiblement ses conditions de vie et/ou de prolonger son autonomie.

[32] Au surplus,  le certificat médical spécifie que c’est  le manque de sommeil qui peut intensifier les crises d’épilepsie, alors que le locataire ne fait aucune preuve qu’il y des bruits la nuit, il se plaint surtout des bruits le jour.

[33] Le locataire doit accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance4.

[34] Ce critère  des « inconvénients  normaux du  voisinage » est  repris par la doctrine en matière résidentielle. L’auteur Pierre-Gabriel Jobin écrit : 

« Conciliation  d’intérêts  contraires,  tolérance,  situation  des lieux et usage seront donc les guides du juge pour apprécier la conduite du  locataire prétendument  fautif. Ainsi,  le niveau critique  d’un  trouble  de  voisinage  peut  varier  sensiblement d’un contexte à un autre. On tiendra compte des mœurs, du niveau général de tolérance du milieu social ainsi que des caractéristiques inhérentes à l’usage pour lequel les lieux ont été loués (par exemple, une famille ayant des enfants fait plus de bruit qu’un couple sans enfant). Par ailleurs, pour apprécier ce qui constitue « la jouissance normale » du locataire victime, les  tribunaux,  en  principe,  ne  tiendront  pas  compte  de  sa sensibilité particulière (due par exemple à son âge ou à son état de santé) : dans cette mesure, le test des inconvénients excessifs paraît bien être objectif. Cependant, à juste titre, les tribunaux insistent sur leur pouvoir d’apprécier un trouble de voisinage suivant les circonstances de chaque espèce. »5

[35] En somme, le Tribunal ne croit pas que l’état de santé du locataire est à ce point grave tel que requis par la Politique de transfert, non plus qu’il soit relié au logement ou sa situation. Au contraire, le Tribunal estime que le locataire a une difficulté à accepter les inconvénients normaux du voisinage. 

  4.  Article 976 du Code civil du Québec, CCQ-1991.  5.  Pierre-Gabriel JOBIN, Le Louage, 2e édition, Éditions Yvon Blais, 1996, p. 252-253.

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POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[36] REJETTE la demande du locataire, à ses frais.

Lucie Béliveau

Présence(s) : le locatairele mandataire du locateur

Date de l’audience :  28 février 2019

COMMENTAIRES

L’office a refusé une demande de transfert présentée par le locataire. Ce dernier demande au Tribunal de réviser la décision de l’office.

Le locataire souffre d’épilepsie et prétend que le logement qu’il occupe  représente un  risque pour  sa santé.  Il  est dérangé par  le bruit, ce qui diminue l’efficacité de ses médicaments.

L’office prétend que  les bruits dont  se plaint  le  locataire  sont des inconvénients  normaux  de  voisinage,  que  le  locataire  habite  la bonne catégorie de logement, que le logement est situé dans le bon secteur et que la demande de transfert n’est pas justifiée.

Pour  être  accordée,  une  demande  de  transfert  présentée  par  un locataire doit être justifiée et doit respecter les politiques de l’office et la règlementation. Le locateur doit, quant à lui, respecter les règles strictes  d’attribution  des  logements  à  loyer modique.  Les  normes d’occupation  sont  d’ordre  public.  Le  locateur  n’a  aucun  pouvoir  discrétionnaire. Il doit respecter les normes et s’y conformer. 

En matière  de  révision,  le  seul  pouvoir  du  tribunal  est  de  vérifier si  les conditions d’application prévues aux règlements et aux poli-tiques sont rencontrées. Si tel est le cas, le tribunal ne peut réviser la décision du locateur.

Le locataire doit accepter les inconvénients normaux de voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance. 

Nous pouvons croire que si le locataire avait démontré que les bruits étaient présents la nuit, que son état de santé était relié au logement ou à sa situation, la décision du tribunal aurait pu être différente.

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RADIATION LISTE ADMISSIBILITÉ

LAFRENIÈRE c. OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION DE SHERBROOKERégie du logement no 430332 26 20181130 GMarc Landry, juge administratifJugement rendu le 21 février 2019

DÉCISION[37] La demanderesse est radiée par le locateur de la liste d’admissi-bilité en vue de l’attribution d’un logement à loyer modique subventionné pour une période de  trois années. Elle  intente un  recours en  vertu de l’article 1986 du Code civil du Québec. Elle demande  la  révision de  la décision de l’Office municipal d’habitation de Sherbrooke (OMH).

[38] Les faits de base sont simples et non contestés.

[39] Le 6 mars 2018, la demanderesse fait une demande de logement à  loyer modique.  Elle  remplit  un  formulaire  de  choix  d’immeuble.  À  la question « À quel(s) étage(s) pourrions-nous vous offrir un logement ? », la demanderesse coche tous les étages disponibles, sauf le sous-sol. Elle coche également  les secteurs dans  la ville de Sherbrooke où elle veut habiter et fournit les autres renseignements nécessaires au traitement de sa demande. Le  formulaire de demande de  logement à  loyer modique reflète les choix de la demanderesse.

[40] La demanderesse est avisée par la suite qu’un logement, le 103, lui est offert dans un des secteurs et un des immeubles qu’elle a choisis.

[41] L’immeuble en question est alors en chantier en vue d’être trans-formé en immeuble à logements. Les travaux en cours ne permettent pas de visiter le logement et l’immeuble. 

[42] Le logement est présenté à la demanderesse sur un plan.

[43] Le 20 mars 2018, la demanderesse accepte le logement.

[44] Le 19 avril 2018, le bail est signé pour la période du 1er août 2018 au 30 juin 2019 au loyer mensuel de 575 $ pour un logement de 3 ½ pièces, étant prévu que  la demanderesse  locataire bénéficiera d’une réduction (ou d’une subvention) de loyer de 152 $.

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[45] Vers le 27 juin 2018, une fois que l’avancement des travaux permet de circuler dans l’immeuble, la demanderesse locataire visite les lieux et le logement. Le logement, son environnement, l’étage ne lui plaisent pas. Elle s’attendait à un logement à l’étage supérieur.

[46] Le 29 juin 2018, la demanderesse informe le locateur qu’elle refuse le  logement, sans expliciter davantage dans  le document. Elle  indique qu’elle  comprend  que  son  refus  « entraînerait »  (sic)  une  radiation  de trois ans.

[47] Le  11  septembre  2018,  le  Comité  de  sélection  du  locateur « suspend » ou radie la demanderesse de la liste d’admissibilité pour une période de trois ans en vertu de l’article 51 du Règlement sur l’attribution des logements à loyer modique6.

[48] Le 10 octobre 2018, la demanderesse en appelle d’abord adminis-trativement  de  la  décision.  Elle  précise  dans  ce  document  les  raisons l’ayant mené à refuser le logement le 29 juin 2018 :

« Lors  de  la  visite  du  27  juin,  à  presqu’une  semaine  du déménagement,  je  me  suis  rendue  compte  que  le  103 correspondait à un sous-sol sans lumière, et qu’il était à la hauteur  des  tuyaux  d’échappement  d’air  des  voitures  (cet espace sert beaucoup aux visiteurs car il n’y a qu’un espace de  stationnement).  De  plus,  imaginez  ma  déconvenue  à l’idée que mes meubles ne rentreraient pas malgré toutes les précautions prises. J’ai pris peur me disant que je n’arriverais pas à me remettre des aléas causés par l’incendie. » (sic)

[49] Le 6 novembre 2018, le Comité de sélection du locateur maintient sa décision après avoir considéré les points soulevés par la demande-resse dans sa contestation.

[50] Le 30 novembre 2018, la demanderesse prend recours.

[51] À  l’audience,  la  demanderesse  témoigne  du  fait  qu’elle  n’a  pas réalisé que le logement offert correspondait à un sous-sol ou un demi-sous-sol. Elle croyait que le logement était situé au premier étage.

  6.  RLRQ, c. S-8, r. 1.

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[52] La demanderesse invoque le non-respect de son choix, puisque le logement  est  situé  au  niveau  sous-sol  ou  demi-sous-sol.  Elle  plaide  l’exception  réglementaire  reliée  au  choix  qu’elle  a  exprimé  quant  à  l’emplacement du logement.

[53] Le locateur plaide le contraire, à savoir que le logement est situé au premier étage, et le fait d’avoir suivi la règlementation et sa politique interne.

[54] Les interprétations des parties divergent sur ce que constitue un sous-sol ou un demi-sous-sol.

[55] L’article 1986 du Code civil du Québec prévoit :

« 1986. Une personne peut, si le locateur refuse d’inscrire sa demande au registre ou de l’inscrire sur la liste d’admissibilité, s’adresser au tribunal, dans le mois du refus, pour faire réviser la décision du locateur.

La personne radiée de la liste ou inscrite dans une catégorie de logement, incluant une sous-catégorie, autre que celle à laquelle elle a droit peut, pareillement, faire réviser la décision du locateur, dans le mois qui suit la décision.

En ces cas, il incombe au locateur d’établir qu’il a agi dans les conditions prévues par les règlements. Le tribunal peut, le cas échéant, ordonner l’inscription de la demande au registre ou l’inscription, la réinscription ou le reclassement de la personne sur la liste d’admissibilité. »

[56] Selon  la  loi,  lors  d’une  demande  de  révision  d’une  décision  de radiation, il appartient au locateur d’établir que la radiation de la liste d’ad-missibilité est conforme aux conditions prévues par les règlements, soit aux articles suivants du Règlement sur l’attribution des logements à loyer modique (ci-après désigné le Règlement) :

« 51.  Le  locateur  radie  de  la  liste  d’admissibilité  le  nom  du demandeur qui refuse un logement qui lui est offert.

Cette radiation est valide pour une période d’un an à compter de la date à laquelle le demandeur a refusé de louer un logement.

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Le locateur radie aussi de la liste le nom du demandeur à qui est attribué un logement et qui refuse d’en prendre possession.

Cette radiation est valide pour une période d’au plus 3 ans à compter de la signature du bail. »

« 52. Malgré  l’article 51,  le demandeur qui  refuse  la  location d’un logement qui lui est offert par le locateur conserve son rang et son classement sur la liste d’admissibilité de même que son droit à la location d’un tel logement dans les cas suivants :

1°  un  cas  fortuit  de  force  majeure  l’empêche  d’occuper  le logement dans un délai de 90 jours à compter de la réception de l’avis ;

2°  le  demandeur  ou  un  membre  de  son  ménage  est  une personne  handicapée  et  le  logement  offert  comporte  des barrières architecturales qui lui causent des difficultés d’accès ou de circulation ;

3° en raison de circonstances particulières, sur présentation de  pièces  justificatives,  accepter  le  logement  aurait  pour conséquence de détériorer de façon marquée sa situation économique ou son état psychologique ;

4° le logement ne correspond pas aux choix qu’il a énoncés en  conformité  avec  le  paragraphe  9  du  premier  alinéa  de l’article 11. »

[57] L’article 51 du Règlement énonce le principe de la radiation en cas de refus. La personne qui refuse de louer un logement est radiée de la liste d’admissibilité pour une période d’un an et celle qui refuse de prendre possession d’un logement après l’avoir loué est radiée pour une période de trois ans.

[58] L’article 52 du Règlement prévoit toutefois que la personne qui refuse un logement offert conserve son inscription, à savoir son rang et son classement sur la liste d’amissibilité dans les quatre situations énumé-rées, dont celle énoncée au paragraphe 4 du premier alinéa lorsque le logement ne correspond pas aux choix énoncés en conformité avec  le paragraphe 9 du premier alinéa de l’article 11.

[59] Le paragraphe 9 du premier alinéa de  l’article 11 du Règlement précise les choix énoncés qui sont à considérer :

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« 11. La demande de location d’un logement à loyer modique est faite par écrit sur le formulaire fourni par le locateur et doit contenir les renseignements suivants :

[…]

9°  ses  choix,  quant  à  l’emplacement,  dans  la  ville  ou  la municipalité concernée, du logement. Le locateur doit établir, par règlement, la liste des secteurs pour lesquels le demandeur peut faire un choix. »

[60] Les choix à considérer pour  justifier un refus sont donc  limités à l’emplacement dans la ville ou la municipalité concernée, à la liste des secteurs  géographiques  déterminés  par  règlement  pour  lesquels  un demandeur de logement à loyer modique peut faire des choix.

[61] La  demanderesse  ne  peut  invoquer  en  sa  faveur  l’exception  du paragraphe 4 du premier alinéa de l’article 52 du Règlement pour justifier son refus de prendre possession du logement à cause de l’étage où se situe le logement.

[62] Le terme « emplacement » au sens du paragraphe 9 de l’article 11 du Règlement (et, par extension, du paragraphe 4 de l’article 52) ne vise pas l’endroit où se situe le logement dans l’immeuble mais réfère plutôt à l’emplacement géographique.

[63] Il apparaît donc que  les préférences exprimées par  la demande-resse, dans le Formulaire de choix et dans sa Demande de logement à loyer modique, quant à l’étage du logement ne font pas partie des choix pouvant justifier un refus de louer ou de prendre possession d’un  logement au sens du Règlement.

[64] Le débat mené au cours de l’audience sur le fait que le logement est situé ou non au sous-sol et/ou qu’il constitue ou non un demi-sous-sol est en fait un faux débat qui n’est pas pertinent au niveau des articles 11 (1) 9° et 52 (1) 4° du Règlement.

[65] Si l’emplacement du logement dans l’immeuble peut devenir perti-nent, c’est plutôt dans les situations prévues aux paragraphes 2 et 3 de l’article 52 du Règlement, mais ce n’est pas ce que plaide la demande-resse (et, d’ailleurs, la preuve ne lui permet pas de se qualifier sous ces paragraphes).

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[66] Le législateur indique à l’article 1986 du Code civil du Québec7 les décisions  que  peut  rendre  le  Tribunal  lorsqu’il  révise  une  décision  du  locateur. Il peut ordonner l’inscription de la demande au registre ou l’ins-cription, la réinscription ou le reclassement de la personne sur la liste d’admissibilité.

[67] Le Tribunal n’exerce pas de pouvoir discrétionnaire lorsqu’il révise la  décision  du  locateur.  Son  rôle  se  limite  à  vérifier  si  les  conditions prévues à la règlementation sont rencontrées8. Il ne peut accepter d’autres motifs de refus que ceux énoncés par  la règlementation9.  Il doit rendre jugement selon les indications et dans les limites prévues par la loi.

[68] Il n’appartient pas au Tribunal de refaire la loi ou de s’arroger des pouvoirs qu’il n’a pas. Le locateur peut par contre facilement modifier ou ajuster ses formulaires afin d’éviter la confusion chez les demandeurs de logement à  loyer modique quant à  la portée des divers choix ou préfé-rences qui peuvent être exprimés ou cochés.

[69] En résumé, pour conclure, la demanderesse refuse de prendre possession du logement le 27 juin 2018. Le 11 septembre 2018, le loca-teur décide conformément au Règlement de radier la demanderesse de la liste d’admissibilité pour une période de trois ans, soit celle prévue par le  législateur  dans  un  tel  cas.  Il  notifie  par  la  suite  sa  décision  écrite motivée à la demanderesse. Lors de la révision administrative, le locateur considère les points soulevés par la demanderesse dans sa contestation et il maintient la radiation. Et la locataire ne peut bénéficier de l’exception à l’article 52 du Règlement.

[70] Le locateur a satisfait à son fardeau de preuve.

  7.  Voir également l’article 53 du Règlement sur l’attribution des logements à loyer modique.  8.  Article 1986 C.c.Q. Logis c. Coopérative d’habitation multiculturelle Cœur à cœur, 2012 QCRDL 

12531 ; Desgagné c. Office municipal d’habitation de Jonquière, 02-910813-002G (R.L.), 30 septembre 1991, P. D’Auteuil j.adm. ; Gendron c. Office municipal d’habitation des monts, 1992 J.L. 199 ; Gauvreau c. Coopérative d’Habitation les Girardins, 37-050912-007G (R.L.), 2 février 2006, Luc Harvey j.adm. ; Nyiraamuntu c. O.M.H. de Longueuil, 37-080312-001G et 37-080421-009G (R.L.), 6 juin 2008, Anne Morin j.adm.

  9.  Godin c. Office municipal d’habitation de La Tuque, 14-051213-003G (R.L.), 5 octobre 2006, Danielle Dumont  j.adm. ; Office municipal d’habitation de Drummondville c. Genest, J.E. 2000-565 (C.Q.) ; Jarry c. Office municipal d’habitation de Longueuil,  37-041027-014G  (R.L.),  29 décembre 2004, Jocelyne Gravel j.adm. ; Marseille c. Office municipal de Québec, 18-020104-028G (R.L.), 21 février 2002, Pierre Leblanc j.adm.

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[71] Le Tribunal ne peut donc réviser la radiation du nom de la deman-deresse sur la liste d’admissibilité, celle-ci étant conforme aux conditions prévues par les règlements.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[72] REJETTE la demande.

Marc Landry

Présence(s) : la locataireMe Jean-Christian Blais, avocat de la locatairela mandataire du locateur

Date de l’audience :  22 janvier 2019

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COMMENTAIRES

Après avoir accepté le logement, la demanderesse a refusé d’en prendre possession sous prétexte qu’il ne respectait pas son choix exprimé dans le formulaire de demande. Elle souhaitait ne pas habi-ter un logement situé dans un sous-sol ou dans un demi-sous-sol. L’office a donc radié le nom de la demanderesse de sa liste d’admis-sibilité pour une période de 3 ans conformément à  l’article 51 du Règlement sur l’attribution des logements à loyer modique.

L’article 52 du règlement prévoit des cas d’exception, lesquels per-mettent à un demandeur de refuser le logement attribué ou encore refuser d’en prendre possession. Cet article précise que si le loge-ment ne correspond pas aux choix indiqués au paragraphe 9 du pre-mier alinéa de l’article 11 du règlement, le demandeur peut refuser le  logement et son nom doit demeurer inscrit sur  la liste d’attente. Un demandeur qui refuse un logement car il n’est pas situé dans le secteur choisi, l’office ne peut le radier et doit maintenir son nom sur la liste d’admissibilité. 

Il est reconnu que le terme emplacement réfère à l’emplacement géographique  et  non  à  l’emplacement  du  logement  dans  l’im-meuble. Ainsi, les préférences indiquées concernant l’étage ne font pas parties des choix justifiant le demandeur de refuser l’attribution d’un  logement  ou de prendre possession du  logement  attribué et accepté. L’emplacement du logement dans l’immeuble peut devenir pertinent seulement dans les cas prévus aux paragraphes 2 et 3 de l’article 52 du règlement.

En cette matière,  le tribunal n’a aucun pouvoir discrétionnaire. S’il est démontré que la décision de  l’office a été prise conformément aux dispositions du règlement, le tribunal ne peut la réviser.

Le  tribunal  rappelle  que  les  formulaires  de demande doivent  être précis lorsqu’il s’agit d’offrir des choix aux demandeurs afin d’éviter une mauvaise compréhension. 

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ENCOMBREMENT – BRUIT – COMPORTEMENT DÉRANGEANT

OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION DES ÎLES-DE-LA-MADELEINE c. PAULO BERNARDRégie du logement no 426230 08 20181029 GManon Talbot, juge administrativeJugement rendu le 21 mars 2019

DÉCISION[73] Le locateur demande la résiliation du bail et l’expulsion du locataire aux motifs que ce dernier trouble la jouissance paisible des autres occu-pants de l’immeuble par son comportement et parce qu’il n’utilise pas les lieux avec prudence et diligence.

[74] Le  locateur  demande  aussi  la  résiliation  du  bail  au motif  que  le locataire est en retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer et qu’il paie fréquemment son loyer en retard. Il réclame également le recouvrement du loyer ainsi que le loyer dû à l’audience. 

[75] Les parties sont liées par un bail du 8 juin 2018 au 30 juin 2019 au loyer mensuel de 229 $. 

[76] Le  locataire  occupe  un  logement  dans  un  immeuble  de  l’Office municipal d’habitation des Îles-de-la-Madeleine en comportant 11.

[77] Le Tribunal a entendu quatre témoins, et ce, en l’absence du loca-taire, malgré la signification de la procédure par huissier le 12 novembre 2018.

Questions en litige

[78] Le comportement du locataire justifie-t-il la résiliation de son bail ?

[79] Le loyer est-il fréquemment payé en retard ? Si oui, ce retard cause-t-il un préjudice sérieux au locateur ?

[80] Au jour de l’audience, existe-t-il un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer ? 

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Contexte

[81] La directrice générale de l’immeuble, Amélie Vigneau, témoigne de ses visites hebdomadaires au locataire dès le début du bail en raison de l’encombrement de son logement et pour l’inciter à se débarrasser des nombreux objets qu’il accumule dans les lieux. 

[82] De plus, peu de temps après l’arrivée du locataire, elle reçoit des plaintes concernant son comportement et pour du bruit provenant de son logement.

[83] Madame Vigneau rencontre le travailleur social du locataire le 24 août 2018 pour lui faire part des difficultés rencontrées avec celui-ci en raison  de  l’encombrement  du  logement,  les  bruits  dérangeants,  les plaintes concernant son comportement et le paiement du loyer.

[84] En  raison  des  troubles  persistants  avec  le  locataire,  lorsqu’elle tente de communiquer avec son travailleur social en octobre 2018, elle est informée que le suivi professionnel a cessé.

[85] Les plaintes de diverses natures des autres locataires de l’im-meuble  exigent  alors  de madame Vigneau  de  nombreuses  rencontres avec le locataire pour voir cesser son comportement, ce qui lui vaudra des accusations de harcèlement.

[86] Par ailleurs, madame Vigneau réclame une somme de 229 $ repré-sentant le loyer impayé de mars 2019.

[87] L’avocate du locateur fait témoigner trois locataires de l’immeuble, lesquelles affirment toutes avoir fait l’objet de propos injurieux, menaces et comportements intimidants de la part du locataire, lequel s’en prend également à d’autres résidents. Elles lui reprochent aussi de déambuler en état d’ébriété et en sous-vêtements dans les corridors de l’immeuble. Les locataires craignent aussi pour le feu puisque le détecteur de fumée de son logement sonne régulièrement à toute heure du jour ou de la nuit. 

[88] Les  témoins  indiquent  ne  plus  être  en  mesure  de  supporter  la présence du locataire et considèrent déménager si le locataire demeure dans l’immeuble.

[89] La résidente du logement situé sous celui du locataire témoigne avoir subi deux dégâts d’eau en quelques mois en raison de la négligence de ce dernier, l’obligeant même à évacuer les lieux durant deux semaines lors de la deuxième fois. De plus, depuis ses plaintes à madame Vigneau 

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concernant le comportement du locataire, ce dernier fait encore plus de bruit en guise de représailles et son attitude est davantage  intimidante lorsqu’ils  se  croisent.  À  titre  d’exemple,  elle mentionne  que  le  jour  de l’audience il tentait de l’empêcher de sortir de l’immeuble.

[90] Une autre résidente témoigne que depuis l’arrivée du locataire en juin 2018, la vie des résidents de l’immeuble a basculé et leurs activités communautaires ont cessé en raison de la crainte qu’il provoque. 

[91] Elle relate d’autres comportements du locataire lesquels non seule-ment  l’importune, mais  lui  fait craindre pour  leur sécurité : vols d’objets situés  dans  les  aires  communes  (plantes,  supports,  outils),  utilisation inappropriée et abusive des appareils de la buanderie commune et récu-pération de biens jetés aux ordures.

[92] Une autre voisine du locataire témoigne de l’aide apportée à celui-ci à son arrivée dans l’immeuble en raison de son âge et, car elle le croyait sans ressources. Or, elle constate rapidement un problème d’accumula-tion de meubles, biens divers et souillés et de nourriture provenant des poubelles. Les  lieux sont  tellement encombrés, dit-elle, qu’il est difficile d’y circuler et l’on y trouve même des objets à l’intérieur du four, ce qui augmente le risque d’incendie, ce qui a d’ailleurs failli se produire à une occasion. Bref, en raison de l’encombrement des lieux, les fortes odeurs, la saleté et la présence d’insectes indésirables, les lieux sont à son avis insalubres. 

[93] Elle raconte aussi que le locataire mélange les médicaments et l’alcool, ce qui exacerbe son comportement agressif envers  les autres. Elle fut témoin des attaques verbales du locataire à l’égard de certains résidents de l’immeuble et même de menaces de mort. Elle a d’ailleurs porté plainte voies de fait à son égard pour des évènements survenus le 29 octobre 2018 et pour lesquels des accusations ont été déposées. 

[94] Elle a bien tenté d’aviser le CLSC et le médecin traitant du locataire pour qu’il reçoive l’aide adéquate, mais sans succès.

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Analyse et décision

[95] En vertu de  la  loi,  le  locataire a  l’obligation d’utiliser  le  logement avec prudence et diligence10 et de se conduire de manière à ne pas trou-bler la jouissance normale des autres locataires11. En cas de non-respect de ces obligations, le locateur peut demander la résiliation du bail12. 

[96] En corollaire, un locateur doit procurer la jouissance paisible des lieux à tous ses locataires13. En raison de cette obligation qualifiée d’obli-gation « de résultat », le locateur doit alors prendre les moyens nécessaires afin de faire cesser le trouble allégué lorsque des plaintes lui sont ache-minées. Il doit agir avec diligence afin de ne pas exposer sa responsabilité. 

[97] C’est dans ce contexte notamment que  le  locateur agit actuelle-ment à la suite de plaintes de locataires de l’immeuble. 

[98] Pour obtenir la résiliation du bail pour troubles de comportement, le locateur doit démontrer14 de façon probante15 que le locataire cause par son comportement un préjudice sérieux16 au locateur et aux autres habi-tants de  l’immeuble.  Il doit donc démontrer que  le  locataire a eu « des comportements et des attitudes qui, par leurs répétitions et insistances, agacent,  excèdent  ou  importunent  gravement  les  autres  occupants  du même immeuble, troublant ainsi la jouissance normale des lieux à laquelle ils ont droit. »17

[99] En l’instance, les locataires entendues ont témoigné avec force et détails avoir perdu la tranquillité qu’elles connaissaient antérieurement à l’arrivée du locataire et à laquelle elles ont droit. 

[100] De  l’ensemble  de  la  preuve  reçue,  le  locataire  éprouve  des problèmes de comportement le rendant agressif et intimidant auprès de ses voisins. Une telle situation est intolérable et inacceptable. Le locataire n’a manifestement aucun respect pour la quiétude de son entourage. 

  10.  Art.1855 du Code civil du Québec (C.c.Q.).  11.  Art.1860 C.c.Q.  12.  Art.1860 C.c.Q.  13.  Art. 1854 al.1 C.c.Q.   14.  Art. 2803 C.c.Q.  15.  Art. 2804 C.c.Q.  16.  Art. 1863 C.c.Q.  17. Lacasse c. Picard, 18 890911 014G, Régie du logement, le 17 octobre 1989. 

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[101] De plus, la preuve démontre que le locataire n’utilise pas le loge-ment avec prudence et diligence et fait craindre pour la sécurité de l’immeuble.

[102] Ces comportements répétitifs causent des inconvénients et préju-dices sérieux tant pour les locataires de l’immeuble que pour le locateur, lequel tente de gérer cette situation. Par conséquent, il a établi son droit à la résiliation du bail. 

[103] Par ailleurs, vu l’absence du locataire à l’audience et la persistance des comportements dérangeants, malgré l’introduction du recours, le Tribunal ne croit pas qu’il faille surseoir à la résiliation du bail et y substi-tuer une ordonnance selon l’article 1973 C.c.Q. 

[104] Eu égard à la réclamation pour le loyer impayé, il a été établi que le locataire doit  le  loyer de mars 2019 au montant de 229 $. Le  locataire n’est toutefois pas en retard de plus de trois semaines, ce motif de résilia-tion du bail n’est donc pas justifié.

[105] Quant au motif de résiliation concernant les retards fréquents dans le paiement du loyer, le bail étant résilié pour les problèmes de comporte-ment du locataire, il devient inutile de se prononcer sur cet autre motif de résiliation.

[106] La  preuve  ne  justifie  cependant  pas  l’exécution  provisoire  de  la décision. Le locataire disposera donc d’un délai de 30 jours de la présente décision pour quitter son logement. 

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POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[107] ACCUEILLE la demande du locateur ;

[108] RÉSILIE le bail intervenu entre les parties ; 

[109] ORDONNE  l’expulsion du  locataire et de  tous  les occupants du logement ;

[110] CONDAMNE le locataire à payer au locateur la somme de 229 $, plus les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q., à compter du 1er mars 2019, plus les frais judiciaires de 84 $. 

Manon Talbot

Présence(s) : la mandataire du locateurMe Christine Lafrance, avocate du locateur

Date de l’audience :  12 mars 2019

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COMMENTAIRES

Le locataire doit utiliser le logement avec prudence et diligence et ne pas se conduire de manière à troubler la jouissance paisible des lieux  des  autres  locataires. Quant  au  locateur,  il  a  l’obligation  de procurer la jouissance paisible des lieux à tous les locataires. Il doit prendre  tous  les moyens  pour  y  arriver  et  agir  avec  diligence.  À défaut, il expose sa responsabilité.

Le  locateur  pourra  obtenir  la  résiliation  du  bail  s’il  démontre  que les comportements dérangeants sont répétitifs, qu’ils causent des inconvénients  anormaux  et  des  préjudices  sérieux  tant  aux  loca-taires qu’à lui-même. Le tribunal peut, même si ces éléments sont démontrés,  rendre une ordonnance de dernière chance et ne pas résilier le bail.

L’utilisation du logement par le locataire ne doit pas faire craindre pour la sécurité des autres occupants. Si on craint pour la sécurité, la résiliation sera certainement accordée.

Comme le locataire n’a pas démontré d’intérêt à modifier son com-portement,  le Tribunal n’a pas cru bon de rendre une ordonnance autre que de résilier le bail. 

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DOMMAGES MATÉRIELS – TROUBLES DE JOUISSANCE

OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION DE LÉVIS c. ANDRÉE MORINRégie du logement no 432069 18 20181129 GMicheline Leclerc, juge administrativeJugement rendu le 14 février 2019

DÉCISION[111] Le locateur demande la résiliation du bail, l’éviction de la locataire et  de  tous  les  occupants  du  logement  et  l’exécution  provisoire  de  la  décision nonobstant appel.

[112] À l’audience du 4 février 2019,  la demande a été amendée pour prouver les dommages matériels causés au logement et demander une réserve des recours du locateur, ce qui a été autorisé.

La preuve

[113] Les parties ont conclu un bail pour la période du 1er janvier 2011 au 30 juin 2011 au loyer mensuel de 208 $ lequel a été reconduit depuis, le loyer mensuel étant de 282 $ pour la période du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019.

[114] Au soutien de sa demande, le locateur allègue que la locataire trouble la jouissance paisible des autres locataires et qu’elle a causé des bris dans le logement.

[115] Le locataire occupant le logement au-dessus de celui de la locataire depuis le 12 mars 2018, monsieur Steeve Fréchette, a d’abord témoigné.

[116] Il explique qu’un mois et demi après son arrivée, la locataire rece-vait  beaucoup  de  gens  et  gueulait,  au  point  où  sa  sœur  a  voulu  aller cogner chez elle.

[117] De plus, le niveau de son de sa musique est très fort.

[118] Puis au mois de mai 2018, elle cognait du marteau à 1h00 du matin et les policiers sont allés à son logement, mais pas à sa demande.

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[119] Une  autre  fois,  les  policiers  l’ont  amenée  parce  qu’elle  s’était engueulée avec une  locataire d’un autre  immeuble. Un mois plus  tard, elle lui a dit qu’elle avait été hospitalisée en psychiatrie à l’Hôtel-Dieu de Lévis.

[120] Il s’est résigné et se réfugie dans sa chambre pour écouter la télé-vision.

[121] Un matin de juillet 2018, il est allé chercher quelque chose dans la cuisine et elle est allée cogner chez lui en disant qu’il faisait du bruit en marchant.

[122] Une autre  fois,  il  l’a vue dehors s’engueuler avec des gens.  Il a voulu passer par une autre porte et elle lui a dit « mon ostie je vas te tuer si t’arrête pas de marcher fort ».

[123] Il est allé lui dire deux à trois fois, à la mi-novembre 2018, que sa musique était trop forte et il a téléphoné aux policiers une fois. Elle les a engueulés pendant une demi-heure.

[124] Puis, est survenu un feu sur la cuisinière de la locataire.

[125] Madame Sandra Charest est intervenante sociale à l’Office muni-cipal d’habitation depuis le mois de novembre 2018. 

[126] Elle a connu la locataire le 22 novembre 2018 lorsqu’il y a eu un feu sur la cuisinière, mais elle avait lu à son dossier qu’une plainte était ouverte pour errance, menaces de mort, vandalisme et intrusion chez les autres locataires.

[127] Le  22  novembre,  la  locataire  faisait  un  feu  sur  sa  cuisinière  et dansait  en  avant.  Elle  est  allée  au  logement  avec  les  policiers  et  les pompiers, mais la locataire n’ouvrait pas et criait des bêtises.

[128] Un voisin est monté sur son balcon par l’extérieur, a ouvert et les pompiers  ont  éteint  le  feu.  La  locataire  était  très  agressive,  tenait  un discours décousu et incohérent et les policiers l’ont amenée.

[129] Elle a pris des photos après le départ de la locataire, montrant les cendres de papier sur le rond de la cuisinière (P-2).

[130] Sur les dommages, elle a décrit la porte de garde-robe enlevée, le ventilateur manquant au plafond de la salle de bain et des trous dans les murs.

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[131] Elle a dû sécuriser les autres locataires, elle a communiqué avec le directeur général et ils ont fermé le logement.

[132] Monsieur Métivier est directeur du service communautaire depuis le mois de mai 2018.

[133] Il a produit  l’entente signée avec  la  locataire au sujet des  règle-ments de l’immeuble (P-3) et la décision rendue le 14 mars 2012 entérinant une entente, laquelle a été suivie par une autre entente (P-5). 

[134] Il ajoute que la locataire a peinturé dans la cage d’escalier, en plus des dommages décrits par madame Charest.

[135] La locataire dit qu’elle occupe son logement depuis 5 ans, sans plainte, et que monsieur Fréchette n’est là que depuis peu de temps et « passe avant elle », qu’elle se fait hospitaliser à chaque intervention poli-cière ce qui  lui cause des problèmes à chaque fois, que  le  locateur  l’a mise  dehors  en  plein  hiver  puisque  la  serrure  a  été  changée  pendant qu’elle était à l’hôpital et elle nie toute menace de mort.

[136] Elle a produit des photographies du logement en disant qu’elle l’a rénové et installé un atelier dans la garde-robe dont elle a enlevé la porte.

[137] De plus, elle dit qu’elle ne reçoit que trois amis et qu’elle joue de la musique.

[138] La locataire a ensuite tenu des propos incohérents et le Tribunal a dû mettre fin à  l’audience alors qu’il avait dû faire appel à un agent de sécurité en raison de son comportement dérangeant et agressif pendant l’audience. 

Décision

[139] Un locataire doit user des lieux loués avec prudence et diligence.

[140] En  cas  de  défaut,  le  locateur  pourra  exercer  l’un  ou  l’autre  des recours prévus à l’article 1863 du Code civil du Québec :

« 1863.  L’inexécution  d’une  obligation  par  l’une  des  parties confère à l’autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l’exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l’inexécution lui cause à elle-même ou, s’agissant d’un bail immobilier,  aux  autres  occupants,  un  préjudice  sérieux,  elle peut demander la résiliation du bail.

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L’inexécution  confère,  en  outre,  au  locataire  le  droit  de demander une diminution de loyer ; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l’avenir. »

[141] De plus, l’article 1860 du Code civil du Québec stipule que le loca-taire doit se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance paisible des autres locataires et en cas de défaut, le locateur pourra demander la résiliation du bail tel que prévu à l’article 1861 du Code civil du Québec : 

« 1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.

Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l’usage du bien ou l’accès à celui-ci.

Le  locateur  peut,  au  cas  de  violation  de  cette  obligation, demander la résiliation du bail. »

« 1861. Le locataire, troublé par un autre locataire ou par les personnes auxquelles ce dernier permet  l’usage du bien ou l’accès à celui-ci, peut obtenir, suivant les circonstances, une diminution de loyer ou la résiliation du bail, s’il a dénoncé au locateur commun le trouble et que celui-ci persiste.

Il  peut  aussi  obtenir  des  dommages-intérêts  du  locateur commun, à moins que celui-ci ne prouve qu’il a agi avec prudence et diligence ; le locateur peut s’adresser au locataire fautif, afin d’être indemnisé pour le préjudice qu’il a subi. »

[142] Ainsi dans un tel cas,  le  locateur n’a pas à prouver de préjudice sérieux pour obtenir la résiliation du bail.

[143] La preuve a révélé que la locataire a un comportement dérangeant, menaçant et dangereux au point de nécessiter l’intervention des services policiers ainsi que son hospitalisation, ce qu’elle a d’ailleurs établi elle-même.

[144] Il ressort aussi des photographies produites que des bris significa-tifs ont été causés, tant par des trous que par de la peinture.

[145] De plus, il ressort de la décision du mois de mars 2017 que le Tribunal  a  entériné  l’entente  intervenue  entre  les  parties  à  laquelle  la 

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locataire s’est engagée à payer les dommages causés à son ancien loge-ment, à respecter les règlements, à ne pas permettre la présence d’invités à la condition qu’ils respectent les règlements et notamment de :

« (…)

7.   En particulier, la locataire et ses invités ne causeront aucun désordre  et  auront  bonne  conduite ;  il  ne  sera  toléré  aucun cri, insulte, menace ni intimidation à l’égard des préposés de l’Office ni des autres locataires, et particulièrement :

–  Il n’y aura ni cris ni hurlements ;

–  Il n’y aura pas de coups sur le plancher ou les murs ;

–  II n’y aura pas de déplacements bruyants des meubles ni de pas lourds ;

–  Il n’y aura pas de travaux manuels avec scie, marteau ou outils électriques ;

–  Il n’y aura pas de musique à volume élevé ;

8.  La locataire ne devra jamais lancer de meubles ou autres objets par les fenêtres, la porte-patio ou le balcon ;

9.  La locataire s’engage surtout à ne plus consommer aucune substance  interdite  ni  alcool  en  quantité  déraisonnable,  à suivre toutes les indications de son médecin et de son agent de  probation  et  à  prendre  sans  défaut  la médication  qui  lui sera fixée par ordonnance ;

(…) »

[146] Ainsi, il n’est donc pas vrai qu’elle n’a pas eu de plainte en 5 ans.

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POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[147] ACCUEILLE la demande ;

[148] RÉSILIE le bail et ORDONNE l’éviction immédiate de la locataire et de tous les occupants du logement ainsi que l’exécution provisoire de la décision nonobstant appel ;

[149] RÉSERVE les recours du locateur.

Micheline Leclerc

Présence(s) : le mandataire du locateurMe Victoria Lemieux-Brown, avocate du locateur la locataire

Date de l’audience :  4 février 2019

COMMENTAIRES

La locataire avait un comportement perturbant, dérangeant et mena-çant pour la sécurité des autres occupants de l’immeuble au point de nécessiter l’intervention des policiers. 

Une des obligations de tout locataire est d’user des lieux loués avec prudence et diligence. Il doit prendre soin des lieux loués. De plus, le locataire doit se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance paisible des autres locataires.

Le défaut de respecter ces obligations peut donner lieu à la résiliation du bail et au paiement de dommages lorsque la preuve établie que les inconvénients ne sont pas des troubles normaux de voisinage et que le locataire a causé des dommages matériels au logement. 

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NON-RESPECT D’UNE ORDONNANCE DE PAYER

OFFICE D’HABITATION DE MAGOG c. STÉPHANIE FORTIERRégie du logement no 354499 26 20170906 SMarc Landry, juge administratifJugement rendu le 15 avril 2019

DÉCISION[150] Le 4 février 2019, le locateur demande la résiliation du bail, l’expul-sion de la locataire et de tous les occupants du logement, le recouvrement du loyer (291 $) ainsi que le loyer dû au moment de l’audience, plus l’exé-cution provisoire de la décision malgré l’appel, les intérêts et les frais.

[151] Comme  motif  de  résiliation  de  bail,  le  locateur  allègue  le  non-respect d’une ordonnance de payer  le  loyer  le premier  jour de chaque mois rendue le 26 février 2018 en vertu de l’article 1973 du Code civil du Québec dans le présent dossier18.

[152] Les parties sont liées par bail reconduit du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019 au loyer mensuel de 291 $, payable le premier jour de chaque mois.

[153] La locataire paie le loyer dû le 4 février 2019, le jour même et à peu près en même temps que le locateur prend le présent recours.

[154] La locataire explique que le 1er février 2019, soit le jour de paiement du  loyer,  tombe  un  vendredi.  Elle  reçoit  son  chèque  d’aide  de  dernier recours vers 15h00 ce jour-là. Elle se rend à sa banque pour encaisser le chèque. Par la suite, elle ne rend pas au bureau du locateur situé sur la rue derrière son logement pour effectuer le paiement du loyer (elle dit que le bureau était déjà fermé). Pourtant, le bureau du locateur ferme à 17h00. Il  rouvre  le  lundi  suivant  (4  février 2019) à 8h30. Une boîte est même installée au bureau du locateur afin de permettre le paiement du loyer en dehors  des  heures  d’ouverture.  La  locataire  laisse  un message  sur  le répondeur du locateur afin d’annoncer qu’elle paiera le loyer lundi.

[155] Le lundi 4 février 2019 à 8h30, à l’ouverture du bureau, le locateur ne trouve pas le paiement du loyer dans la boîte prévue à cet effet et la locataire ne se présente pas non plus pour faire son paiement. Vers la fin 

  18.  Demande no 2323666.

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de la matinée, la mandataire du locateur se rend donc à la Régie du loge-ment pour prendre recours. À peu près au même moment,  la  locataire vient payer le loyer du mois de février 2019.

[156] Le Tribunal est loin d’être convaincu que la locataire a fait preuve de diligence et qu’elle a été empêchée, pour une cause extérieure à elle-même, à sa propre volonté, de payer son  loyer à  temps au bureau du locateur le 1er février 2019 ou à la limite lors de la réouverture du bureau le lundi 4 février.

[157] Le paiement du loyer est une obligation de résultat19 (article 1855 du Code civil du Québec). De surcroît, une ordonnance de payer le loyer le premier jour de chaque mois n’est pas à prendre à la légère.

[158] La preuve révèle que la locataire ne respecte pas l’ordonnance de payer le loyer le premier jour du mois, rendue le 26 février 2018 en vertu de l’article 1973 du Code civil du Québec, pour cause de retards fréquents dans le paiement du loyer.

[159] L’article 1973 du Code civil du Québec prévoit que :

« 1973.  Lorsque  l’une  ou  l’autre  des  parties  demande  la résiliation du bail,  le  tribunal  peut  l’accorder  immédiatement ou  ordonner  au  débiteur  d’exécuter  ses  obligations  dans  le délai qu’il détermine, à moins qu’il ne s’agisse d’un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer.

Si  le débiteur ne se conforme pas à  la décision du  tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail. » 

[160] Cet article de loi établit que le tribunal doit résilier le bail à la suite du non-respect d’une ordonnance émise antérieurement.

[161] Cet article a été interprété par le juge Jean-Jacques Croteau de la Cour supérieure dans l’exercice de son pouvoir de contrôle judiciaire et de réforme. Il a révisé le jugement de la Cour du Québec statuant que celle-ci avait commis une erreur manifestement déraisonnable en déci-dant que le locataire méritait une remontrance de la Régie du logement,

  19.  Voir  entre  autres : Borduas c. Béliveau,  25-030707-005G  (R.L.),  28 août  2003 ; Ruel c. Vachon, 2013 QCRDL 26400 ; Jonathas c. Larouche,  2018 QCRDL 27237 ; Rimouski (Office municipal d’habitation de) c. Coulombe-Amyot, 2016 QCRDL 17695 ; Happy Leaf Corporation inc. c. Krajicek, 2015 QCRDL 5858.

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une seconde chance, plutôt que d’ordonner la résiliation du bail et l’expul-sion du locataire qui n’avait pas respecté une ordonnance émise par la Régie.20

[162] La résiliation du bail est donc justifiée par l’application de l’article 1973 du Code civil du Québec.

[163] L’exécution provisoire de la décision malgré l’appel, tel que prévu à l’article 82.1 de la Loi sur la Régie du logement, n’est pas accordée.

[164] CONSIDÉRANT les articles 1855 et 1973 du Code civil du Québec ainsi que l’article 79.1 de la Loi sur la Régie du logement ;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[165] RÉSILIE le bail et ORDONNE l’expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement ;

[166] CONDAMNE la locataire à payer au locateur les frais de 85 $ ;

[167] REJETTE la demande quant aux autres conclusions.

Marc Landry

Présence(s) : la mandataire du locateurla locataireMe Bruno Riopel, avocat de la locataire

Date de l’audience :  8 avril 2019

  20. Office municipal d’habitation de Montréal c. Cour du Québec, J.E. 95-1623, (C.S.) conf. Par la Cour d’appel du Québec, 500-09-001265-98, le 17 novembre 1998. Voir aussi : Office municipal d’habitation de Plessisville c. Drapeau, C.Q. Arthabaska, 415-80-000211-088, 17 octobre 2008, j. Pierre Labbé ; Audet et Audet c. Courville, C.Q. Montréal, 500-80-000192-022, Cour du Québec, 14 avril 2003, j. Raoul Barbe.

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COMMENTAIRES

Le Tribunal rappelle que le paiement du loyer est une obligation de résultat. Si après avoir obtenu une ordonnance de payer le loyer le 1er du mois, le locataire ne paie pas à la date prévue, son bail sera résilié. Il pourra éviter la résiliation, s’il démontre qu’il a été empêché de payer par une cause extérieure à lui-même et qui ne découle pas de sa volonté.

Le bail a été  résilié car en plus de ne pas avoir  respecté  l’ordon-nance de paiement, le locataire n’a pas démontré qu’il a été empê-ché de payer en raison d’un événement hors de son contrôle. 

En matière de paiement de loyer, le locataire doit agir avec diligence. 

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NON-PRODUCTION DE DOCUMENTS – RÉSILIATION

OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION DE MONTRÉAL SECTEUR EST c. DANIELLE TESSIER-TOUZINRégie du logement no 426000 31 20181024 GMarc C. Forest, juge administratifJugement rendu le 15 avril 2019

DÉCISION

La demande

[168] Le Tribunal est saisi d’une demande en résiliation du bail et éviction de la locataire et de tous les occupants pour non-production de  documents.

Question juridique

[169] La locatrice peut-elle obtenir la résiliation du bail dû à la négligence de la locataire de fournir les documents demandés ?

Analyse et commentaires

[170] La locataire occupe un logement subventionné par  l’Office muni-cipal d’habitation.

[171] Ce logement comporte 3 chambres et elle vit avec ses deux enfants.

[172] Afin de fixer le coût du loyer pour l’année suivante, l’Office muni-cipal d’habitation (le locateur) a besoin de certains documents.

[173] En effet, le prix du logement des gens qui habitent dans un HLM est fixé selon l’ensemble des revenus des gens qui y habitent.

[174] Le  8  septembre  2017,  une  première  demande  des  revenus  est demandée à la locataire, ainsi que ses enfants.

[175] N’ayant pas reçu les documents demandés le 25 novembre 2017, un deuxième avis est transmis.

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[176] Le 18 décembre 2017, un troisième avis est transmis pour compléter le dossier.

[177] Le 25 janvier 2018, un quatrième avis est de nouveau transmis à la locataire.

[178] Finalement, le 14 février 2019, un dernier avis est transmis.

[179] Après  l’ensemble  de  ces avis,  la  locatrice  n’a  toujours  pas  reçu l’ensemble  des  documents  qu’elle  demandait  et  par  conséquent,  elle n’est pas en mesure de fixer le coût du loyer pour la période définie.

[180] La locataire était absente et  le Tribunal n’a pu obtenir sa version des faits.

Le droit

1863 C.c.Q. L’inexécution d’une obligation par l’une des parties confère à l’autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l’exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l’inexécution lui cause à elle-même ou, s’agissant d’un bail immobilier,  aux  autres  occupants,  un  préjudice  sérieux,  elle peut demander la résiliation du bail.

L’inexécution  confère,  en  outre,  au  locataire  le  droit  de demander une diminution de loyer ; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l’avenir.

3. R.c.1.1.1.m.  Les  revenus  considérés  aux  fins du présent règlement sont les sommes gagnées au cours de l’année civile qui précède  la date du début de bail par chacune des personnes qui composent le ménage.

5. R.c.I.I.I.m. Le loyer d’un logement est déterminé en fonction du nombre de personnes qui composent le ménage, de leurs revenus respectifs ainsi qu’en considération des services et équipements offerts.

Ce  loyer  est  égal  à  la  somme  du  loyer  de  base  déterminé conformément à l’article 6 ou 8, selon le cas, et, le cas échéant, des  contributions  établies  à  l’article  10  et  des  ajustements prévus aux articles 11, 12 et 13.

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Le loyer à payer est arrondi au dollar le plus près.

10. R.c.1.1.I.m. La contribution prévue à l’article 5 correspond, pour chaque personne indépendante autre que celle identifiée comme occupant 2, à 25 % des revenus mensuels de chacune de ces personnes, jusqu’à concurrence de la somme de 87 $ par personne.

18.  R.c.I.1.1.m. Aux  fins  de  la  conclusion  du  bail  ou  de  sa reconduction, le locataire doit fournir au locateur le nom des personnes qui habitent avec lui et les preuves requises pour la  détermination  du  loyer. Ces  renseignements  doivent  être fournis dans un délai d’un mois de la demande du locateur.

En tout temps, le locataire est tenu d’informer le locateur lorsqu’il y a ajout d’occupant, et ce, dans un délai d’un mois de l’arrivée du nouvel occupant.

S’il  y  a  ajout  d’occupant  entre  la  date  de  réception  des renseignements visés au premier alinéa et la date de la conclusion du bail ou de sa  reconduction, selon  le cas, ces nouveaux occupants sont considérés pour la détermination du loyer prévu à l’article 5.

[181] La  locataire  ainsi  que  ses  deux  enfants  occupent  un  logement grandement recherché de plusieurs autres familles habitant au Québec.

[182] Ce logement est grandement recherché puisqu’il peut  facilement accommoder une grande famille comme celle de la locataire, et ce, avec un coût minime, puisqu’il s’agit de logement subventionné par le gouver-nement, soit par des fonds publics.

[183] La  locataire bénéficie donc d’un privilège extraordinaire, puisque des dizaines de milliers de personnes attendent depuis plusieurs années afin d’occuper un tel logement.

[184] Par contre, pour occuper un  logement subventionné,  la  locataire doit se qualifier et l’un des moyens de contrôle constitue pour la locataire, le dépôt annuel de documents prouvant sa situation financière.

[185] Or, annuellement, elle doit transmettre à l’Office municipal d’habi-tation, ses revenus ainsi que tous ceux des membres de sa famille qui habitent avec elle.

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[186] Pour  l’Office  municipal  d’habitation,  une  personne  qui  reçoit  de l’aide sociale doit déclarer ce revenu, car il est pris en compte pour le calcul du loyer mensuel.

[187] Pour  le Tribunal,  il est évident que  la  locataire et ses enfants ne veulent pas collaborer.

[188] Un manquement de sa part à cette seule obligation de fournir ses renseignements peut lui valoir de lourdes conséquences.

[189] Comme il s’agit de fonds publics, le Tribunal se doit de sanctionner sévèrement  les  personnes  qui  en  bénéficient  et  qui  en  échange  ne rencontrent pas le minimum des obligations qu’ils ont à faire.

[190] Dans  la cause Lag c. Montréal  (Office municipal d’habitation de) 2010 QCCQ 11866, 17 décembre 2010, la Cour du Québec mentionne que le fait de ne pas transmettre à l’organisme (la locatrice), l’information requis pour établir le coût du loyer, constitue un préjudice sérieux

[54] En évocation devant la Cour supérieure, le locataire a essentiellement plaidé que le juge de la Cour du Québec avait excédé sa compétence en interprétant de façon déraisonnable voire même erronée les dispositions du Règlement. La Cour supérieure ne peut se rallier à cet argument et en vient à la conclusion à la page 11 du jugement que :

Le  juge,  après  avoir  entendu  la  preuve  qui  lui  était présentée, en est venu à la conclusion que le locataire n’avait pas rempli  les obligations que  la  loi  lui  impose et, compte tenu des circonstances qu’il a appréciées comme il devait le faire, il en a conclu que ce refus, cette négligence ou  cette  omission  de  se  conformer  aux  exigences  de l’article 13 [maintenant 18], pouvait entraîner la résiliation du bail. Ce  faisant,  il  [le  juge de  la Cour du Québec] n’a rien ajouté à l’article 13, il l’a simplement interprété compte tenu du contexte dans lequel il se trouve et de la preuve qui lui a révélé que le locataire n’avait pas fourni au locateur « les preuves requises pour l’attestation des revenus » au sens de l’article précité. Enfin, il en est venu à la conclusion que, dans les circonstances, la résiliation constituait une sanction appropriée.

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[55]  Ces  décisions  viennent  donc  appuyer  la  proposition que  la preuve d’un préjudice pécuniaire n’est ni nécessaire, ni  essentielle  pour  justifier  la  résiliation  d’un  bail  relié  à  un logement à  loyer modique  lorsque  le  locataire  fait défaut de respecter  son obligation de divulguer  au  renouvellement  de son bail l’ensemble de ses revenus (article 18). Dans l’affaire Winslow Smith tout comme dans la présente affaire, les locataires auraient pu néanmoins se voir attribuer un logement à loyer modique et ce, même s’ils avaient déclaré tous leurs revenus comme l’exige  la réglementation applicable et  leurs loyers  n’auraient  pas  été  possiblement  largement  différents de  ceux  qu’ils  payaient.  Ce  que  la  Cour  du  Québec  vient sanctionner  n’est  donc  pas !a  perte  financière  subie  par  le locateur de logement à loyer modique, mais plutôt l’inexécution d’une  obligation  commandée  par  la  loi  et  la  réglementation applicables.

[56 Ainsi, le manquement à une telle obligation incombant au locataire qui désire bénéficier d’un logement à loyer modique peut  justifier  la  résiliation  du  bail.  Une  telle  inexécution d’une  obligation  fondamentale  peut  constituer  à  elle  seule un  préjudice  sérieux  pour  le  locateur  de  logements  à  loyer modique au sens de l’article 1863 C.c.Q. Manifestement, cette omission empêche le locateur d’un logement à loyer modique de  fixer  correctement  le  montant  du  loyer  à  être  versé,  en considération des revenus réels du locataire.

[57]  À  cet  égard,  le Tribunal  est  particulièrement  sensible  à l’argument de l’Office qui doit gérer quelque 20,000 logements à Montréal et que tout déficit d’opération est toujours assumé par les trois paliers de gouvernement qui l’absorbent. À proprement parler,  l’Office  n’encoure  aucun  préjudice  financier  lorsqu’un locataire  n’acquitte  pas  le  loyer  qu’il  devrait  normalement payer. Il s’agit d’un coût absorbé par l’ensemble de la société qui accepte de mettre à la disposition de ses citoyens les moins fortunés  des  logements  à  loyer  modique.  C’est  dans  un  tel contexte particulier que le respect du Règlement revêt toute son importance et que l’inexécution de cette obligation impérative pour  toute  personne  qui  désire  se  prévaloir  des  bénéfices 

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sociaux qui en découlent (à savoir l’octroi d’un logement à loyer modique) peut causer au locateur un préjudice sérieux qui peut entraîner la résiliation du bail.

[191] Le Tribunal conclut que le fait pour  la  locataire de ne pas fournir l’ensemble  des documents  demandés  constitue  une  faute  et  un  grave préjudice pour la locatrice.

[192] Et par conséquent,  le Tribunal se doit de prononcer  la  résiliation du bail.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[193] RÉSILIE le bail ;

[194] ORDONNE l’expulsion de la locataire et de tous les occupants ;

[195] ORDONNE l’exécution provisoire, malgré l’appel, de l’ordonnance d’expulsion à compter du 11e jour de sa date ;

[196] RÉSERVE à la locatrice tous ses autres recours.

Marc C. Forest

Présence(s) : Me Éric Martineau, avocat de la locatrice

Date de l’audience :  18 février 2019

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COMMENTAIRES

Cinq (5) avis ont été transmis à la locataire dans le but d’obtenir les documents démontrant les revenus des occupants pour permettre à l’office d’établir le coût du loyer en conformité avec le Règlement sur les conditions de location des logements à loyer modique. Les cinq (5) avis sont demeurés sans réponse.

Le Tribunal rappelle que le fait d’habiter un logement à loyer modique constitue  un  privilège.  Le  locataire  a  l’obligation  de  transmettre annuellement les documents démontrant les revenus de tous les membres du ménage. Le défaut de fournir les documents permet-tant à l’office d’établir le coût du loyer constitue un préjudice sérieux pour l’organisme pouvant entraîner la résiliation du bail.

La preuve du préjudice pécuniaire n’est pas essentielle pour justifier la résiliation du bail relié à un logement à loyer modique lorsque le locataire fait défaut de divulguer l’ensemble des revenus. Ce qui est sanctionné ce n’est pas la perte financière mais le défaut du loca-taire d’exécuter une obligation qui lui est imposée par la loi ou par les règlements applicables.

Le fait pour la locataire de ne pas fournir l’ensemble des documents nécessaires au renouvellement du bail constitue une faute pouvant être sanctionnée par la résiliation du bail ou par une ordonnance de fournir les documents dans un délai précis. 

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NON RESPECT D’UNE ORDONNANCE

OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION DE NEW-RICHMOND c. PIERRE LEPAGERégie du logement no 252190 08 20151222 SPhilippe Morisset, juge administratifJugement rendu le 26 novembre 2018

DÉCISION[197] Par un  recours  introduit  le 12  juin 2018,  le  locateur demande  la résiliation du bail et l’expulsion du locataire, au motif de la contravention d’une ordonnance émise par décision rendue le 21 avril 2016 :

« [...] 

[3]  Le logement est situé dans un immeuble de 20 logements occupés par des personnes âgées. 

[4]  La preuve démontre que le locataire héberge des jeunes qui font du bruit, consomment alcool et drogues. Il y a des va-et-vient et des chicanes de façon régulière plusieurs fois par semaine. 

[5]  Depuis 2013, le locateur tente de gérer ces problèmes et les plaintes des locataires par l’envoi de nombreuses mises en demeure au locataire. 

[6]  En décembre 2015, une dernière  lettre est adressée au locataire. Depuis janvier 2016, le représentant du locateur dit avoir constaté une nette amélioration. Il souhaite donner une ultime chance au locataire de se conformer à ses obligations. 

[7]  Le  locataire  reconnaît  ces  faits.  Étant  lui-même dépendant  à  ces  substances,  son  logement  est  devenu  un lieu  de  rassemblement  et  il  avait  de  la  difficulté  à  obtenir de  ces  visiteurs  qu’ils  quittent  son  logement.  Il  consent  à l’émission d’une ordonnance en admettant ses manquements contractuels et le préjudice sérieux subi par ses voisins. 

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[8]  L’article 1860 du Code civil du Québec énonce ce qui suit : 

« 1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires. 

Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer  le  préjudice  qui  peut  résulter  de  la  violation  de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l’usage du bien ou l’accès à celui-ci. 

Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail. » 

[9]  Le  locataire est donc  responsable des  troubles commis par les personnes à qui il donne accès à son logement. 

[10] La  preuve  révèle  une  série  de  faits  établissant  des inconvénients  anormaux  ou  excessifs  qui  présentent  un caractère de persistance ou de répétition. Le locataire ou les personnes à qui il permet l’accès agissent de façon illégitime ou fautive. Les troubles ont été dénoncés à plusieurs reprises sans  que  des  correctifs  souhaitables  soient  apportés  sauf depuis quelques mois. 

[11] Considérant le consentement et la preuve soumise, le  Tribunal  estime  qu’il  y  a  lieu  d’émettre  une  ordonnance conformément  à  l’article  1973 du Code  civil  du Québec qui stipule : 

« 1973. Lorsque l’une ou l’autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l’accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d’exécuter ses obligations dans le délai qu’il détermine, à moins qu’il ne s’agisse d’un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer. 

Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail. » 

[12] L’auteur Me Pierre-Gabriel Jobin mentionne ce qui suit(1) : 

« En  matière  de  louage  résidentiel,  d’une  part,  une disposition  expresse  confère  au  tribunal  le  pouvoir discrétionnaire de refuser la résiliation demandée et d’ordonner  plutôt  l’exécution  en  nature  de  l’obligation 

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violée ; si, toutefois, le locataire, ensuite, persiste dans son défaut et que le locateur formule une seconde demande de résiliation, elle sera alors accordée automatiquement. Il s’agit d’une sorte d’ultimatum lancé au locataire. » 

[13] On constate, par ailleurs, un certain flottement  jurispru-dentiel quant à la durée que doit comporter l’ordonnance émise. On peut, cependant, comprendre que celle-ci ne doit pas être illimitée dans le temps, ni imprécise(2). 

[14] Le Tribunal considère qu’il y a lieu de rendre une ordon-nance d’une durée de 24 mois. 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[15] ORDONNE au locataire de  prendre  les  moyens nécessaires pour ne plus  troubler  la  jouissance paisible des autres  locataires  de  l’immeuble  personnellement  ou  par les personnes à qui il donne accès à son logement, ladite ordonnance étant valide pour une période de 24 mois, à compter du 1er juin 2016.

(Références omises)

(Soulignements ajoutés)

[198] La signification de la procédure a été admise.

[199] De la preuve, le Tribunal retient les faits suivants.

[200] À  titre  de  premier  témoin,  le  locateur  a  fait  entendre  madame Sandra Leblanc.

[201] Elle témoigne que malgré l’ordonnance, le locateur a continué à recevoir des plaintes des autres  locataires de  l’immeuble en  raison du bruit provenant du logement du locataire.

[202] Elle explique avoir reçu des plaintes de quatre ou cinq locataires au motifs que le locataire serait la source de bruits la nuit, qu’il y aurait des coups de poing dans les murs la nuit et que cela empêcherait les autres locataires de l’immeuble de dormir.

[203] Elle aurait visionné une vidéo dans lequel elle a été en mesure de constater des coups dans les murs, bien que celle-ci ne comportait pas de son.

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[204] Elle témoigne aussi avoir eu connaissance de bruits provenant du logement du locataire. Elle ne peut toutefois préciser le moment de ces bruits, ni en préciser le type.

[205] Elle  explique  également  avoir  rencontré  le  locataire  pour  qu’il corrige son comportement.

[206] En contre-interrogatoire, elle témoigne qu’elle a visionné la vidéo en février ou mars 2018. Elle témoigne ne pas avoir pris en note les dates des bruits et situe la rencontre avec le locataire au début de l’année 2018.

[207] Elle témoigne que depuis l’audience tenue le 6 février 2018, aucune mise en demeure n’a été transmise au locataire.

[208] Le  locateur  a  également  fait  entendre  monsieur  Réjean  Bujold. Celui-ci occupe l’appartement numéro [...] situé dans le même immeuble que celui du locataire.

[209] Il  témoigne  que  depuis  l’arrivée  du  locataire  dans  l’immeuble,  il existe un problème de bruit. Il explique qu’il y a des attroupements dans le  logement du  locataire, que ce dernier  fait du bruit qui  l’empêche de dormir, qu’il est souvent en état d’ébriété et qu’il y a des odeurs d’alcool dans l’immeuble.

[210] Il dit ne pas être intéressé à vivre dans cette situation.

[211] En contre-interrogatoire, le locataire témoigne qu’il a constaté les odeurs d’alcool il y a 2-3 mois. Quant au bruit, il affirme qu’il y en a tant le jour que la nuit.

[212] Il témoigne avoir rencontré madame Leblanc il y a 2 à 3 semaines pour se plaindre du bruit causé par le locataire. Il précise que la situation n’a pas changé depuis 2016.

[213] À  titre  de  troisième  témoin,  le  locateur  a  fait  entendre madame Lucia Leblanc.

[214] Celle-ci  occupe  l’appartement  numéro  [...]  situé  dans  le  même immeuble que celui du locataire.

[215] Lors de son témoignage, madame Leblanc fait référence à plusieurs événements  datant  de  l’année 2016. Elle  corrobore  essentiellement  le témoignage de monsieur Bujold.

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[216] Elle témoigne que le problème est le bruit provenant du logement du  locataire car elle se  fait  réveiller. Elle explique avoir  fait une plainte dernièrement à ce sujet, soit le 22 mai dernier.

[217] En contre-interrogatoire, elle témoigne que les policiers se sont déplacés à l’immeuble, mais elle ne peut en préciser la raison.

[218] En défense, le locataire a informé le Tribunal n’avoir aucun témoin à faire entendre, sa preuve s’étant limitée aux contre-interrogatoires.

DÉCISION

[219] Afin qu’une ordonnance soit rendue sous l’égide de l’article 1973 du Code civil du Québec, le Tribunal doit d’abord juger que la preuve est suffisante pour mener à la résiliation du bail : 

« 1973. Lorsque l’une ou l’autre des parties demande la résiliation du bail,  le  tribunal  peut  l’accorder  immédiatement ou ordonner  au  débiteur  d’exécuter  ses  obligations  dans  le délai qu’il détermine, à moins qu’il ne s’agisse d’un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer.

Si  le débiteur ne se conforme pas à  la décision du  tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail. »

(Soulignements ajoutés)

[220] Au sujet des suites de cette disposition législative, la juge adminis-trative Chantal Bouchard s’exprimait ainsi21 : 

« Tel que déjà mentionné, l’ordonnance en cause prend source de l’article1973 du Code civil du Québec [...]. 

Suivant  la  teneur  du  texte  du  premier  alinéa,  l’ordonnance prévue vient souvent tempérer la rigueur du prononcé immédiat de la résiliation d’un bail, justifiée par ailleurs de la preuve d’un préjudice sérieux(17). L’ordonnance est donc rendue au lieu et place de cette résiliation dont le fondement est établi. 

  21.  RDL 31-11118-047S-120402.

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En cas de contravention de celle-ci, le second alinéa de cette disposition s’avère sans équivoque sur la sanction à appliquer. Cette  sanction est  la  résiliation du bail  et  il  n’y  a alors plus lieu d’examiner le préjudice sérieux qu’en subit le créancier de l’obligation. 

Dans le cadre de l’examen d’une demande de résiliation sous ce thème, la discrétion judiciaire du tribunal est alors limitée à évaluer si le sujet a respecté ou non l’ordonnance.(18)(19)(20) Suivant cette dernière occurrence, les prescriptions in fine de l’article1973 du Code civil du Québec ne laissent entrevoir aucune  autre  avenue,  discrétion,  latitude(21)  ou  alternative que celle de résilier le bail lorsque le défaut est constaté. 

Cependant,  encore  faut-il  que  tel  défaut  le  soit(22)  et  ce, soutenu par une preuve prépondérante(23), comme dans tout litige civil. 

Aussi, cette constatation ne pourra se faire au détriment d’autres concepts  de  droit,  tels  que  la  prescription  extinctive(24),  la confirmation(25), la transaction(26) ou la renonciation, lesquels concepts  devront  être  pris  en  compte  pour  s’assurer  de  la vigueur de l’ordonnance dont on veut assurer la sanction. En effet, s’il était établi que l’ordonnance n’a plus force, est devenue caduque ou sans effet,  le  recours basé sur sa contravention demeurerait lettre morte. 

Sous cet angle et à  la  lumière de  jugements de  la Cour du Québec  rendus  en  appel  ou  accueillant  la  permission  d’en appeler de décisions de la Régie du logement(27), se dégagent certains principes eu égard à la constatation même du défaut, soit celle du non-respect d’une ordonnance de ce type. 

Fort de ces préceptes, le Tribunal estime qu’il y a lieu de prendre en compte certaines interrogations dans cette analyse, à savoir : L’ordonnance était-elle en vigueur au moment du défaut et de celui  du  dépôt  de  la  procédure ?  (28) Est-elle  suffisamment claire et circonscrite dans le temps pour être exécutable ? (29) L’est-elle également pour que les parties en comprennent la  portée ?  Le  créancier  a-t-il  renoncé  expressément  ou tacitement à son droit d’en demander l’application ? Y a-t-il eu tolérance à cet égard ? Cette tolérance peut-elle équivaloir à renonciation ? (30) Y a-t-il eu transaction entre les parties au 

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sens de l’article 2631 du Code civil du Québec ? (31) (32) Le renouvellement du bail ou  l’avis  le proposant peuvent-ils en faire office ou interférer quant à la durée de l’ordonnance(33) (34) ? Enfin,  le créancier use-t-il de mauvaise foi(35) de son droit  de  s’en  prévaloir,  ou  encore,  a-t-il  contribué  au  défaut invoqué ?... » 

(Références omises)

[221] Dans l’affaire Lavigueur c. Grenon22, l’honorable juge Serge Laurin de  la Cour du Québec s’exprimait ainsi  relativement à  l’article 1973 du Code civil du Québec : 

« CONCLUSION

[30] Le Tribunal constate que l’ordonnance prévue à l’article1973 C.c.Q. s’apparente à  l’injonction. Lorsqu’une ordonnance est préalablement  émise  par  un  régisseur,  ce  dernier  doit  tenir une audition avant de prononcer  la  résiliation. Comme on  le sait, le défaut de respecter une ordonnance de la Cour ou une injonction est sanctionné par un outrage au Tribunal. Par contre, dans le cadre d’une ordonnance de l’article1973 C.c.Q., la sanction est la résiliation.

[31] Également,  l’article 53.1 du Code de procédure civile18 prévoit que la preuve offerte relativement à un outrage au Tribunal ne doit pas laisser place à un doute raisonnable.

[32] L’ordonnance de l’article1973 C.c.Q. entraîne de graves conséquences qui vont à l’encontre du droit au maintien dans les  lieux  du  locataire.  Il  est  certain  que  la  sanction  d’une telle  ordonnance  doit  être  appliquée  de manière  restrictive. L’ordonnance doit être claire, précise et ne laissez aucun doute ou ambigüité. L’ordonnance ne peut être imprécise quant à sa durée. De plus, la résiliation n’est pas automatique.

[33]  Toutes  ces  conditions  sont  nécessaires  pour  que l’ordonnance soit exécutoire. […]. » 

(Références omises)

  22.  2015 QCCQ 14082 (CanLII).

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[222] Les prétentions du locateur sont que le locataire a contrevenu à l’ordonnance émise à la décision rendue le 21 avril 2016, alors qu’elle était en vigueur. Le témoignage des témoins appuie ses prétentions. Le locataire a continué à troubler la jouissance des lieux en étant une source de bruits malgré l’ordonnance. Cette situation a un impact important sur les autres locataires de l’immeuble. Le locateur invite le Tribunal à prendre en considération que l’immeuble est un immeuble pour personnes âgées.

[223] Quant au locataire, celui-ci invite le Tribunal à analyser la situation avec une certaine réserve. Selon lui, il est victime du locateur qui s’acharne sur son cas.

[224] Il s’explique mal que le locateur ait introduit son recours à la limite de la fin de l’ordonnance.

[225] De plus, il mentionne que les parties sont venues devant le Tribunal au mois de février 2018 puisque le locateur demandait la résiliation de son  bail  en  raison  de  son  comportement,  sans  toutefois  alléguer  la contravention à l’ordonnance rendue en 2016. Bien que la décision n’ait pas été produite dans ce dossier, le Tribunal comprend que la demande du locateur a été rejetée et qu’il requiert dans le présent dossier la rési-liation du bail.

[226] Selon  le  locataire,  la preuve n’est pas concluante quant au non-respect de l’ordonnance émise en 2016, d’autant plus que les témoins font référence à des événements datant de 2016.

[227] Qu’en est-il en l’espèce ?

[228] De  l’avis  du Tribunal,  le  locateur  a  démontré  que  le  locataire  a contrevenu à l’ordonnance émise le 21 avril 2016 par la juge administra-tive Francine Jodoin.

[229] Bien que les témoignages de monsieur Bujold et de madame Lucia Leblanc  font  référence  à  des  événements  remontant  à  l’année  2016, ceux-ci sont clairs à l’effet que le locataire a été la source de bruits qui les ont dérangés et  les ont empêchés de dormir  la nuit, alors que  l’ordon-nance était en vigueur. 

[230] Leurs  témoignages  ont  été  crédibles  et  sincères  aux  yeux  du Tribunal, bien qu’imprécis à certains moments.

[231] Malgré les prétentions du locataire, le Tribunal ne peut rien inférer du fait que le locateur ait attendu à la limite de la fin de l’ordonnance. 

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[232] De plus, le locataire n’a soulevé aucun argument relatif à la durée de l’ordonnance, sa précision, la renonciation à son exécution par le loca-teur ou relatif aux conséquences du jugement résultant de l’audience du mois de février 2018. 

[233] Tel que mentionné précédemment en cas de contravention à une ordonnance rendue en vertu de l’article 1973 du Code civil du Québec, le second alinéa de cette disposition s’avère sans équivoque sur la sanction à appliquer, soit la résiliation du bail. Il n’y a alors plus lieu d’examiner le préjudice sérieux qu’en subit le créancier de l’obligation. 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[234] ACCUEILLE la demande du locateur ;

[235] RÉSILIE le bail et ORDONNE l’expulsion du locataire et de tous les occupants du logement ;

[236] COMDAMNE le locataire à payer au locateur les frais judiciaires au montant de 84 $.

Philippe Morisset

Présence(s) : la mandataire du locateurMe Isabelle Gagnon, avocate du locateurle locataireMe Danny Genois, avocat du locataire

Date de l’audience :  26 novembre 2018

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COMMENTAIRES

Près de deux après  le prononcé d’une décision,  l’office demande la résiliation du bail et l’expulsion du locataire au motif que l’ordon-nance n’a pas été respectée.

Le locataire a admis héberger des jeunes bruyants et qui consom-ment des drogues et alcool alors qu’il habite un immeuble de per-sonnes âgées. Selon la loi, le locataire est responsable des troubles commis par les personnes à qui il donne accès à son logement. 

Malgré l’engagement du locataire à amender son comportement et l’ordonnance rendue, l’office a continué de recevoir des plaintes des autres locataires car la situation ne s’est pas améliorée. 

En matière  de  non-respect  d’une  ordonnance,  le  tribunal  doit  se demander si l’ordonnance rendue a été respectée et si elle est tou-jours en vigueur.

Selon les tribunaux, l’ordonnance rendue en vertu de l’article 1973 CCQ s’apparente à une injonction (ordre de faire ou de ne pas faire). Le défaut de respecter une ordonnance de la Cour ou une injonc-tion est sanctionné par un outrage au Tribunal. Toutefois,  la sanc-tion dans le cadre du défaut de respecter une ordonnance rendue en vertu de l’article 1973 CCQ est la résiliation du bail. Les consé-quences sont graves car elles vont à l’encontre du principe du droit au maintien dans les lieux. La preuve doit être sans équivoque. L’or-donnance dont on prétend le non-respect doit être claire, précise et non ambigüe.

Le tribunal a conclu au non-respect de l’ordonnance et a résilié  le bail.

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LOGEMENT INOCCUPÉ

OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION DE QUÉBEC c. CÉLINE POULINRégie du logement no 447693 18 20190307 GMélanie Marois, juge administrativeJugement rendu le 04 avril 2019

DÉCISION[237] Le  locateur,  l’Office  municipal  d’habitation  de  Québec  (OMHQ), demande la résiliation du bail et l’éviction de la locataire, Céline Poulin, ainsi  que  l’exécution  immédiate  de  la  décision  nonobstant  appel  et  la condamnation de la locataire aux frais judiciaires.

[238] Au motif de sa demande, l’OMHQ soutient que la locataire n’occupe pas le logement qui lui est octroyé, ce qui prive une personne admissible d’un logement à loyer modique.

[239] Bien que dûment signifiée par huissier, la locataire est absente au moment de l’audition.

Question en litige

• La  locataire occupe-t-elle son  logement ? Si  tel n’est pas  le cas, cela cause-t-il un préjudice grave à l’OMHQ, justifiant la résiliation du bail ?

Contexte et analyse

[240] Le Tribunal retient de la preuve que la locataire n’occupe pas son logement.

[241] Tout  d’abord,  en  2017,  des  travaux  majeurs  ont  lieu  dans  l’im-meuble  et  nécessitent  l’accès  au  logement  de  la  locataire.  En  aucun temps, sur une période d’environ deux mois, la personne qui s’occupe de la liaison entre l’entrepreneur et les locataires ne la voit à son logement. Le  locateur  communique  avec  elle  et  celle-ci  lui  explique  qu’elle  est malade et qu’elle est en rétablissement chez un ami. 

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[242] Ensuite, en février 2019, un avis est laissé sur la porte du logement des locataires pour  les aviser de travaux majeurs à venir et  l’avis n’est pas  récupéré  par  la  locataire.  Ces  travaux  s’échelonnent  sur  trois semaines. À chaque vendredi, l’exterminateur et un employé de l’OMHQ doivent entrer dans les logements et ils ne constatent aucune trace  d’habitation au logement concerné. Dans le réfrigérateur, la nourriture est périmée. L’eau de la toilette s’est évaporée par défaut d’utilisation et une forte d’odeur d’égout est présente. 

[243] La situation est dénoncée à  la  technicienne à  l’attribution et à  la location des  logements de  l’OMHQ. Celle-ci communique avec  la  loca-taire qui l’assure qu’elle vit à cet endroit mais qu’elle est souvent chez son copain et elle lui explique qu’elle a l’obligation d’habiter le logement. 

[244] La locataire communique de nouveau avec elle et l’appel est enre-gistré. Cette conversation est entendue  lors de  l’audience. La  locataire affirme clairement que puisque ses meubles  sont dans  le  logement et qu’elle paie son loyer, « ils n’ont rien à dire ».

[245] Or, bénéficier d’un logement à loyer modique est un privilège, non un droit. Il s’agit d’une chance offerte par la société aux personnes dans le besoin. En s’appropriant un logement qu’elle n’utilise pas, la locataire en prive une autre personne. De plus, cela constitue un gaspillage des ressources limitées de l’État. Cette situation cause un grave préjudice à l’OMHQ car elle l’empêche d’accomplir pleinement sa mission d’offrir ces logements aux personnes moins favorisées qui en ont besoin. 

[246] Tel que le souligne la juge administrative Bouchard :

« [23] Étant donné les dispositions impératives attachées à la location d’un logement à loyer modique ainsi que la fonction sociale  implicite  et  les  deniers  publics  impliqués,  il  est  de juris prudence  constante  que  le  défaut  de  se  conformer  aux obligations prescrites à  la  loi et  la  réglementation applicable dans  ce  cadre  particulier  entraîne  préjudice  sérieux(16).  Le Tribunal demeure de cet avis. »23

  23. Office Municipal d’Habitation de Montréal c. Luis Perez Gutierrez, une décision rendue par la juge administrative Chantale Bouchard le 23 février 2017 dans le dossier 285619 31 20160629 G demande 2035045, au paragraphe 23, citant Coopérative D’habitation Des Ethnies c. Elvécia Bontemps, R.L. 31-110127-099G, le 31 mai 2011, r. Chantale Bouchard. j.adm. (2011 QCRDL 21539).

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[247] Or, selon les articles 1 et 18 du Règlement sur les conditions de location des logements à loyer modique24,  la  locataire  a  l’obligation  d’habiter son logement. 

[248] De plus, une absence prolongée du logement constitue un manque-ment  aux  obligations  contractuelles  de  la  locataire,  soit  d’entretenir  le logement et de l’utiliser avec prudence et diligence25.

[249] L’inhabitation du  logement par  la  locataire constitue un manque-ment  à  ses  obligations  contractuelles  et  cause  un  préjudice  sérieux  à l’OMHQ et à la société. La demande est justifiée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[250] RÉSILIE le bail de la locataire et ORDONNE son éviction immé-diate nonobstant appel de la présente décision ;

[251] CONDAMNE la locataire à payer au locateur les frais judiciaires et de signification de 85 $ ;

[252] RÉSERVE au locateur tous ses autres recours.

Mélanie Marois

Présence(s) : le mandataire du locateurDate de l’audience :  2 avril 2019

  24. Règlement sur les conditions de location des logements à loyer modique, chapitre S-8, r.3, adopté en vertu de la Loi sur la Société d’habitation du Québec, chapitre S-8, a. 86, 1er al, par g et 2e al..

  25. Article 1855 du Code civil du Québec.

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COMMENTAIRES

Ce jugement rappelle que le fait pour un individu de bénéficier d’un logement à loyer modique constitue un privilège et non un droit. 

Une absence prolongée du locataire au logement constitue un man-quement à ses obligations d’entretenir et d’utiliser le logement avec prudence et diligence.

L’article 1 et l’article 18 du Règlement sur les conditions de location des logements à loyer modique imposent l’obligation à tous locataire d’habiter son logement.

Une absence prolongée du locataire empêche l’office de remplir sa mission, cause un préjudice à l’organisation et prive une personne dans  le besoin de bénéficier du privilège d’habiter un  logement à loyer modique,  ce  qui  justifie  la  résiliation  du  bail  et  l’éviction  du locataire.

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ANIMAUX – DÉFENSE DE ZOOTHÉRAPIE

OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION DE SALLABERRY-DE-VALLEYFIELDRégie du logement no 306066 27 20161115 GAnne-Marie Forget, juge administrativeJugement rendu le 4 avril 2019

DÉCISION

Le contexte

[253] Le  locateur demande  la résiliation du bail,  l’expulsion de  la  loca-taire  ainsi  que  de  tout  autre  occupant  du  logement,  plus  l’exécution provisoire malgré l’appel et les frais judiciaires.

[254] De façon subsidiaire,  le  locateur  requiert  l’émission d’une ordon-nance enjoignant à la locataire de se départir de son lapin. 

[255] Après avoir entendu les parties et afin de décider du présent litige, le Tribunal retient de l’ensemble de la preuve administrée à l’audience les éléments pertinents qui suivent.

[256] Il appert que les parties sont liées par un bail débuté le 1er décembre 2010 et actuellement reconduit du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019.

[257] Au soutien de sa demande, le locateur invoque que la locataire contrevient aux clauses supplémentaires de son bail et des règlements de  l’immeuble26 en raison de la présence d’un lapin dans le logement, alors qu’il y est stipulé qu’aucun animal n’est toléré dans les logements ou les  immeubles (à  l’exception des oiseaux en cage ou des poissons en aquarium).  Il  appert  que  la  locataire  a  apposé  sa  signature  sur  ladite annexe le 7 septembre 2010.

[258] Dûment mise en demeure de se départir de son animal par le bais d’une lettre datée du 9 novembre 2016, celle-ci refuse d’obtempérer, d’où l’introduction de la demande en l’instance le 15 novembre suivant.

  26.  Pièce P-1.

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[259] En défense, la locataire soutient ne pas s’être cachée du fait qu’elle possédait un lapin nain au moment de la signature du bail. Elle affirme à ce sujet en avoir fait part à Ghislaine Roy, coordonnatrice à cette époque et que celle-ci lui aurait donné verbalement la permission de le garder en cage dans son  logement. Le  lapin en question étant décédé depuis,  la locataire a acquis son lapin actuel en septembre 2011. Elle ajoute regretter de ne pas avoir fait confirmer par écrit l’acquiescement initial donné par l’employée du locateur.

[260] Le témoignage de la locataire est à l’effet qu’elle se promène à l’extérieur avec son lapin et que les gens viennent le flatter. Elle indique par ailleurs que Mme Roy a vu son premier lapin, mais que le locateur n’a pas vu le second.

[261] La locataire ajoute faire un entretien rigoureux de la cage de son animal  et  que  sa  présence  n’occasionne  aucun  problème  d’odeur,  ou autre.

[262] La locataire a également témoigné de façon sincère quant à son attachement et la grande importance que revêt pour elle la présence de son lapin, incluant les retombées positives sur sa qualité de vie, celle-ci souffrant  de  divers  problèmes  de  santé  chroniques  (anxiété,  névralgie faciale causant des migraines sévères).

[263] Elle souligne de plus l’écoulement du temps avant de recevoir une unique mise en demeure du locateur, à laquelle elle a répondu le 9 novembre 2016, expliquant  les motifs de son refus de s’y conformer. Elle ne voit pas de logique dans la démarche du locateur.

[264] La locataire reproche également à Madame Caty Grenon, repré-sentante du locateur, de ne pas être venue constater par elle-même la situation dans son logement.

[265] La locataire reconnait que c’est postérieurement à la réception de la mise-en-demeure qu’elle a discuté pour la première fois avec son médecin  traitant  de  la  présence  de  son  lapin,  n’en  ayant  pas  senti  la nécessité auparavant.

[266] Elle souhaiterait que le locateur fasse une exception à la règlemen-tation en lui permettant de posséder un lapin, ou minimalement l’autoriser à conserver son lapin actuel jusqu’à la fin de sa vie. Dans le cas contraire, elle déclare qu’elle n’aura d’autre alternative que de faire euthanasier son animal, celui-ci étant trop âgé.

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[267] Le  Dr.  Denis  Belleville,  omnipraticien  témoigne  à  l’audience  au soutien de la défense. Celui-ci relate que la locataire est sa cliente depuis les années 80 et que celle-ci souffre de troubles anxieux depuis longtemps. Il estime que la présence d’un animal de compagnie se situe dans la caté-gorie des traitements non-spécifiques, (c’est-à-dire non- médicamenteux) et que c’est cette catégorie qu’il privilégie en premier lieu. 

[268] En contre-interrogatoire, Il admet ne pas être expert en zoothérapie de même qu’il reconnaît  le fait qu’il n’a pas prescrit de zoothérapie à  la locataire. Il déclare qu’il ne peut affirmer que c’est la présence du lapin qui est médicalement bénéfique pour cette dernière, mais qu’on peut néan-moins supposer que la présence d’un animal lui a été bénéfique.

[269] Madame Ghislaine Roy, technicienne en location pour le locateur au moment des évènements et retraitée depuis deux ans, témoigne en contre-preuve. 

[270] Celle-ci décrit la façon dont elle procédait lors de la visite des loge-ments et de la signature du bail. Elle est catégorique quant au fait que seuls les oiseaux et les poissons étaient permis. Bien qu’elle ne conserve pas de souvenirs très précis de cette période, elle se rappelle que la loca-taire l’avait informée qu’elle possédait un lapin, fait pour elle inusité. Elle affirme lui avoir alors répliqué qu’elle n’en avait pas le droit, ce à quoi la locataire avait semblé acquiescer avant de signer le bail.

[271] Ainsi peut-on résumer l’essentiel de la preuve pertinente.

Analyse et décision

[272] La demande du locateur est fondée sur l’article 1863 du Code Civil du Québec lequel énonce ce qui suit :

« 1863. L’inexécution  d’une  obligation  par  l’une  des  parties confère à l’autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l’exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l’inexécution lui cause à elle-même ou, s’agissant d’un bail immobilier,  aux  autres  occupants,  un  préjudice  sérieux,  elle peut demander la résiliation du bail.

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L’inexécution  confère,  en  outre,  au  locataire  le  droit  de demander une diminution de loyer ; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l’avenir. »

[273] À première vue,  il apparait  incontestable que  la  locataire contre-vient à son bail  de même qu’au  règlement de  l’immeuble en ayant un animal non autorisé dans le logement concerné. 

[274] Par ailleurs, pour obtenir gain de cause sur sa demande de résilia-tion du bail, le locateur doit également faire la preuve du préjudice sérieux découlant de ladite contravention. Après délibéré, le Tribunal conclut qu’il y a insuffisance de preuve quant à la démonstration probante dudit préju-dice. Le  locateur ne s’étant pas déchargé de son  fardeau à cet égard, cette partie de la demande sera rejetée.

[275] Qu’en est-il maintenant de  la  conclusion subsidiaire  recherchée, soit l’émission d’une ordonnance de se départir de l’animal en question ?

[276] Dans le cadre d’un recours basé sur l’article 1863 du Code civil du Québec, le demandeur, lorsqu’il requiert une ordonnance d’exécution en nature, n’a pas le fardeau de démontrer que la situation lui cause un préjudice sérieux, seule la démonstration prépondérante de la contraven-tion au bail et/ou aux règlements de l’immeuble est nécessaire.

[277] Ceci étant dit, les arguments soulevés en défense par la locataire peuvent-ils faire échec à la demande ?

[278] Ladite défense comporte deux axes principaux, soit que  la  loca-taire aurait obtenu  la permission expresse d’une employée du  locateur lors de la signature du bail à son arrivée dans le logement et deuxième-ment, que s’agissant de zoothérapie, la locataire devrait de toute façon être autorisée à conserver son lapin.

[279] Quant à l’argument à l’effet que la clause d’interdiction de certains animaux ait été récemment modifiée et  libellée de  façon différente, cet élément n’est d’aucun secours à la défense puisque la clause actuelle ne permettrait pas davantage à la locataire de posséder un lapin. 

La permission expresse

[280] En premier lieu, la preuve administrée à l’audience ne permet pas de conclure que le locateur tolère de façon généralisée la présence d’ani-maux dans l’immeuble et que la locataire serait visée de façon personnelle.

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[281] Quant à  la permission qu’aurait  formulée verbalement  l’ancienne technicienne en location, cette allégation de la locataire est niée par cette dernière.

[282] Le Tribunal rappelle à cet égard les règles générales du fardeau de la preuve, lesquelles sont prévues au Code civil du Québec :

« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »

« 2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante. »

« 2845.  La  force  probante  du  témoignage  est  laissée  à l’appréciation du tribunal. »

[283] En  l’instance,  l’analyse  de  la  preuve  ne  permet  donc  pas  de conclure de façon prépondérante qu’une telle autorisation aurait été donnée, ni qu’une tolérance ultérieure aurait rendue l’application de la preuve caduque. Sur ce dernier point, il n’a pas été démontré que l’exis-tence du lapin actuel de la locataire avait été porté à la connaissance du locateur avant 2016, la locataire ayant même témoigné du contraire.

[284] Quant au fait qu’une permission expresse aurait été donnée en tant que tel pour le premier lapin par une employée du locateur, même si l’on ne peut écarter complètement la possibilité que celle-ci aurait peut-être choisi de « fermer les yeux » vu le type d’animal, ce passe-droit, présumé, rappelons-le,  n’a  de  toute  manière  pas  été  ratifié  par  le  locateur27, la preuve soumise étant plutôt à l’effet que ce dernier prend des mesures dès qu’il est informé d’une présence animale en contravention avec la clause d’interdiction, dans le but légitime d’éviter un effet d’entrainement dans un complexe locatif.

  27. Article 2160 du Code civil du Québec.

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La défense de zoothérapie

[285] Dans l’affaire D.C. c. Office municipal d’habitation de Berthierville28, le juge Richard Landry, après avoir fait une revue de la doctrine et de la jurisprudence s’exprime en ses termes :

« [35]  Par  exemple,  dans  l’affaire  Coopérative  de  l’Ébène [13], monsieur le Juge Pierre Lortie procède à une revue des principes et de la  jurisprudence applicables en semblables matières. Je me contenterai d’en rappeler les paragraphes suivants : 

[67] Dans sa défense, la locataire invoque les dispositions de l’article 1901 C.c.Q. : 

Est abusive  la clause qui stipule une peine dont  le montant excède la valeur du préjudice réellement subi par le locateur, ainsi que celle qui impose au locataire une obligation qui est, en tenant compte des circonstances, déraisonnable.

Cette clause est nulle ou l’obligation qui en découle, réductible.

[68] Les clauses interdisant les animaux dans les logements ont à plusieurs reprises été soumises aux tribunaux [14]. La doctrine s’est de plus intéressée au sujet, parfois dans le cadre d’analyses plus générales [15]. 

[69]  Il  est  reconnu  que  ce  type  de  clause  n’est  pas  en  soi abusive.  Le  locateur  qui  demande  l’exécution  en  nature  de l’obligation n’a pas à prouver l’existence d’un préjudice. Il  lui suffit  de démontrer  la  violation au contrat. Ultimement,  si  la violation persiste, le locateur peut obtenir la résiliation du bail. 

[70] Le locataire qui demande l’annulation de la clause ou la réduction de l’obligation assume le fardeau de la preuve.

[71] Voilà donc des règles sans équivoque. 

[72]  Toutefois,  la  situation  se  corse  lorsqu’un  locataire soulève la défense de zoothérapie, soit l’activité « impliquant l’utilisation  d’un  animal  auprès  de  personnes,  dans  un  but récréatif ou clinique. Cette méthode favorise les liens naturels 

  28.  2012 QCCQ 1524.

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et bienfaisants existant entre  les humains et  les animaux, à des fins préventives et thérapeutiques » [16]. 

[73] À première vue, la jurisprudence semble divisée : certains décideurs considèrent que les clauses d’interdiction sont explicites et librement négociées, donc applicables à l’encontre du locataire ; d’autres concluent qu’il s’agit de stipulations abusives. Comme l’écrit  l’auteur Pierre Gagnon : « Il est clair qu’il n’existe pas d’unanimité étanche à ce sujet. Mais serait-ce préférable ? » [17] 

[74]  Une  analyse  approfondie  de  cette  jurisprudence  laisse voir que les situations sont nuancées, que les circonstances varient et qu’un remède applicable dans une situation ne peut être importé automatiquement dans une autre. »

[286] Dans l’affaire Office municipal de Val d’Or c. Ash29, la juge adminis-trative Danielle Deland cite ces extraits dudit jugement et les commente de la façon suivante :

« [51] Sans le dire toujours clairement, la jurisprudence paraît faire une différence entre le simple compagnonnage d’un animal, qui ne justifie pas d’écarter la clause d’interdiction, et les  besoins  thérapeutiques  d’un  locataire  (zoothérapie)  qui, eux, justifient le décideur de le faire.

[52] La ligne de démarcation entre les deux n’est pas toujours facile à tracer, notamment parce que  la zoothérapie est une discipline en devenir, encore mal définie et non encadrée par le Code des professions. »

[287] Il ressort desdits principes qu’avant d’avaliser la présence d’un animal dans le logement à des fins de zoothérapie, il faut mettre en preuve une preuve médicale précise et étoffée, car dans le cas contraire, cela serait  priver  la  clause  d’interdiction  d’animaux  de  tout  effet,  alors  que celle-ci est parfaitement légale.

[288] Nous sommes  ici dans un cadre d’exception qui commande une certaine rigueur dans sa détermination. Il est vrai que la jurisprudence est divisée à cet égard. Cependant, avec respect pour l’opinion contraire, la 

  29.  2016 QCRDL10752.

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soussignée est d’avis qu’il n’est pas suffisant de démontrer que le portrait médical de  la  locataire rende « vraisemblable »  le besoin d’un animal à des fins thérapeutiques. 

[289] En effet, pour que  l’on puisse conclure à un cas de zoothérapie faisant échec à une clause du bail librement consentie liant les parties, il faut aller au-delà de  la démonstration des bienfaits généraux  incontes-tables que la présence d’un compagnon animal procure à une personne, qu’elle soit malade ou non.

[290] La soussignée considère qu’il serait également inapproprié dans le cadre de l’analyse de la défense de zoothérapie de faire une distinction, voire d’appliquer un préjugé favorable ou défavorable, tout dépendant du type d’animal et/ou son tempérament (un lapin inoffensif, un petit chat ou un molosse),  ceci  équivalant  à  poser  un  critère  bien  subjectif  qui,  tout dépendant, allègerait le fardeau de preuve ou bien le rendrait plus difficile.

[291] Le Tribunal réitère que dans le cadre d’un recours basé sur l’article 1863 du Code civil du Québec, le demandeur n’a pas le fardeau de démontrer que la situation lui cause un préjudice sérieux, ni que la balance des inconvénients penche en sa faveur, seule la démonstration prépon-dérante de la contravention au bail étant nécessaire.

[292] Finalement, il importe également de distinguer les expertises médi-cales ou avis médicaux comportant une prescription formelle, versus des avis médicaux généraux ou billets de complaisances, qui apparaissent davantage être obtenus dans le but de soutenir un désir sincère (et humai-nement compréhensible), de conserver un animal auquel on est attaché. Il appert que la preuve médicale soumise en l’instance relève davantage de cette seconde catégorie.

[293] La preuve en défense est donc insuffisante pour faire échec à celle en demande, puisqu’elle ne permet pas de déterminer que la présence de l’animal constitue une zoothérapie, au sens médical du terme et surtout prescrite en ce sens vu sa nécessité.

[294] Après  délibéré  et  malgré  l’empathie  que  peut  avoir  le  Tribunal envers la situation de la locataire, l’analyse de la preuve soumise ne lui permet pas de juridiquement conclure dans le sens souhaité par celle-ci.

[295] Considérant l’ensemble de ce qui précède, le Tribunal fera droit à la conclusion subsidiaire demandée par le locateur, soit l’émission d’une ordonnance fondée sur l’article 1863 du Code civil du Québec.

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[296] En conséquence, la locataire devra donc se départir de son lapin et ce, dans un délai de 30 jours suivant la date de signature de la présente décision, la demande d’exécution provisoire n’apparaissant pas justifiée.

[297] La  demande  étant  accueille  en  partie,  les  frais  judiciaires  appli-cables sont adjugés contre la partie défenderesse selon le Tarif des frais exigibles par la Régie du logement30.

POUR CES MOTIFS LE TRIBUNAL :

[298] ACCUEILLE en partie la demande du locateur ;

[299] ORDONNE à la locataire de se départir de son lapin et ce, dans un délai de 30 jours à compter de la date de la présente décision ;

[300] CONDAMNE la  locataire à payer au  locateur  les frais  judiciaires de 92 $.

Anne-Marie Forget

Présence(s) : Me Marc Poirier, avocat du locateurla mandataire du locateurMe Marie-Josée Gingras, avocate de la locatairela locataire

Date de l’audience :  19 septembre 2018

Présence(s) : Me Marc Poirier, avocat du locateurMe Marie-Josée Gingras, avocate de la locatairela locataire

Date de l’audience : 9 janvier 2019

  30.  RLRQ, c. R-8.1, r.6.

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COMMENTAIRES

Dans  cette  affaire,  l’office  base  son  recours  sur  l’article  1863  du Code civil du Québec. L’office invoque l’inexécution d’une obligation de la locataire, puisque celle-ci possède un animal dans son loge-ment, un  lapin, alors que les clauses supplémentaires de son bail et  le règlement d’immeuble interdisent la possession d’animaux, à l’exception des oiseaux en cage ou des poissons.

L’office demande la résiliation du bail ou à défaut une ordonnance enjoignant à la locataire de se départir de son animal. Pour obtenir la  résiliation  du  bail,  l’office  doit  démontrer  que  la  possession  de l’animal, non seulement contrevient au règlement d’immeuble ou à une condition du bail, mais également que la possession de l’animal lui cause un préjudice sérieux. Comme cela n’a pas été démontré, le tribunal a analysé la deuxième demande de l’office.

Lorsque  l’on  recherche une ordonnance d’exécution en nature,  le demandeur doit seulement démontrer le non-respect d’une ou de plusieurs obligations découlant du bail. Ici, il est clair que la locataire ne respecte pas l’une des obligations. Elle possède un animal alors que c’est interdit. Les moyens de preuve invoqués par la locataire sont-ils suffisants pour faire échec à la clause d’interdiction de pos-séder un animal, laquelle est légale ?

Deux moyens de défense ont été présentés par la locataire. Le pre-mier faisait référence à une permission obtenue du la part de l’office. Ce moyen de défense n’a pas été retenu, car dès que l’office a eu connaissance  de  la  possession  de  l’animal  des  procédures  judi-ciaires ont été entreprises. On ne pouvait donc pas conclure à une autorisation même implicite.

Quant au deuxième moyen de défense soit celui de la nécessité de conserver l’animal en raison de l’élément de zoothérapie, le tribunal a également écarté ce moyen. 

La jurisprudence et la doctrine reconnaissent que les clauses inter-disant  la possession d’animal dans un logement ne sont pas abu-sives. Ainsi, l’article 1901 du Code civil du Québec ne peut trouver application pour faire déclarer une telle clause nulle. 

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Une différence doit être faite entre le simple compagnonnage d’un animal, lequel ne justifie pas d’écarter l’interdiction de posséder un animal, et les besoins thérapeutiques. Ces besoins justifient le tribu-nal d’écarter l’interdiction de posséder un animal dans un logement, peu importe le type d’animal. Pour écarter l’interdiction, le locataire doit démontrer précisément et de manière étoffée le besoin de pos-séder un animal.

Pour conclure à un cas de zoothérapie et faire échec à une clause interdisant la possession d’animal, il faut aller au-delà des simples bienfaits  que  l’animal  peut  apporter.  L’analyse  de  la  défense  de zoothérapie ne doit pas faire de distinction selon  le type d’animal. On doit également distinguer  les expertises médicales ou  les avis médicaux comportant une prescription formelle et les avis médicaux généraux ou billets de complaisance. Ces billets ne sont pas suffi-sants pour écarter la clause d’interdiction.

Dans cette affaire,  le témoignage du médecin semblait soutenir  le désir de la locataire de conserver son animal plus que la nécessité de zoothérapie. Pour ces raisons, une ordonnance de se départir de son animal a été rendue.

Il faut retenir que malgré la division des opinions en ce domaine, le type de preuve médicale soumis sera largement étudié.

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ENCOMBREMENT – PROPRETÉ DES LIEUX

OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION DE SEPT-ÎLES c. RONALD BEAUDINRégie du logement no 429412 10 20181126 GIsabelle Normand, juge administrativeJugement rendu le 15 mai 2019

DÉCISION[301] Le locateur demande la résiliation du bail, car le locataire n’use pas avec prudence et diligence du logement concerné.

[302] Les  parties  sont  liées  par  un  bail  du  1er  décembre  2018  au 30 novembre 2019 au loyer mensuel de 419 $.

[303] Le locataire occupe le logement concerné depuis plus de 15 ans. Il s’agit d’un logement de 3 ½ pièces muni de deux fenêtres, dont l’une peut servir d’issue de secours en cas d’incendie.

[304] Les locataires qui occupent l’immeuble sont des gens autonomes et relativement âgés.

[305] Lors d’interventions pour réparations majeures, le locateur constate l’état du logement concerné.

[306] Dès 2008, le locateur est interpellé par des représentants de la ville où  est  localisé  le  logement  concerné  quant  aux  problèmes  importants d’encombrement et de propreté.

[307] Le locateur inspecte les logements de l’immeuble de façon pério-dique depuis 2009, dont le logement concerné.

[308] Le 13 mai 2016, le locateur transmet une mise en demeure au locataire  afin  qu’il  désencombre  le  logement  concerné  afin  que  des travaux de remplacement de fenêtres soient effectués.

[309] Le 9 août 2016, le locateur doit à nouveau demander au locataire de désencombrer le logement concerné, car l’entrepreneur ne peut effec-tuer ces travaux de remplacement de fenêtres.

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[310] Le locataire ne s’étant pas conformé à la demande, des employés du  locateur ont dû déplacer des meubles pour que  les  fenêtres soient remplacées  et  des  travaux  connexes  (plâtre  et  peinture)  n’ont  pu  être effectués en raison de l’état d’encombrement du logement concerné.

[311] En juillet 2018, le locateur avise les locataires de l’immeuble que d’autres travaux seront entrepris dans leurs logements respectifs.

[312] Le 9 janvier 2019, le locateur rencontre les locataires de l’immeuble afin de les informer de l’échéancier de ces travaux et de la préparation dont doivent faire l’objet les logements.

[313] Les travaux annoncés en janvier 2019 par le locateur n’ont pu être que partiellement exécutés en avril 2019 dans le logement concerné, à l’exception de  certains  travaux à  la  hotte  et  des  travaux de  ventilation (au-dessus de la porte).

[314] Les travaux électriques suivants : remplacement d’interrupteurs et de panneaux électriques, n’ont pu être exécutés de même que des travaux au niveau de la toilette, car le logement est encore une fois trop encombré.

[315] Quant  aux  travaux  de  la  toilette,  les  employés  du  locateur  ont refusé de les exécuter en raison des trop fortes odeurs ; ils l’ont été par un entrepreneur externe.

[316] À  l’automne 2018,  le  locataire  avise  le  locateur  qu’il  y  aurait  un problème de dégât d’eau qui s’écoulerait du logement localisé au-dessus du logement concerné ; il y est constaté que de l’eau s’écoule du drain de l’évier du logement concerné. Le logement concerné, et particulièrement l’endroit où doivent être faites les réparations, est dans un tel état lamen-table que cet employé refuse d’y exécuter des travaux.

[317] Lors de cette  visite,  cet  employé a pris des photos qui  illustrent l’état lamentable du logement concerné et son encombrement majeur.

[318] À l’automne 2018, le 25 octobre 2018, lors d’un exercice d’évacua-tion d’incendie, le locateur constate que le locataire n’est pas sorti du logement concerné. Il est constaté, en présence du Service de prévention des incendies, que le logement du locataire est toujours très encombré, malgré toutes les demandes antérieures du locateur pour ce faire.

[319] Il lui a été suggéré par le Service des incendies de déplacer une table qui obstrue l’entrée du logement ; ce qui n’a pas été fait.

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[320] Le 6 novembre 2018,  le  locateur  rencontre  le  locataire et  l’avise que des services pourraient lui être offerts pour le désencombrement et l’entretien et ainsi régler la problématique. Le locataire les refuse, car il aurait lui-même requis des services d’entretien ménager.

[321] Ce même jour, le locateur transmet une mise en demeure au loca-taire  requérant de collaborer afin que  le  logement concerné soit, entre autres, désencombré et nettoyé pour que, notamment, des travaux pres-sants de plomberie soient effectués.

[322] Le lendemain, la représentante du locateur entre au logement concerné et prend des photos illustrant son état. Aucune amélioration n’y est dénotée : la cuisine est tellement encombrée que le comptoir n’est pas visible ; le salon est encombré, dont la fenêtre qui est obstruée par une bibliothèque et des effets sont trop près d’une plinthe électrique, ce qui peut présenter un risque d’incendie.

[323] Cette représentante n’a pu avoir accès à la chambre à coucher, car cela lui a été refusé par le locataire.

[324] Conséquemment, cette représentante a dû faire intervenir les auto-rités de la ville.

[325] Le 11 décembre 2018, le locateur a dû mandater une firme externe de plomberie pour exécuter des travaux de plomberie en raison du refus de travail de l’employé du locateur vu l’état d’insalubrité.

[326] Suite à la demande du locateur, après avis préalable, le service de l’urbanisme procède à l’inspection du logement concerné en présence du locataire le 19 novembre 2018. Il y est constaté :

• Que le logement est très encombré ;

• Que l’hygiène domestique est déficiente (salle de bain, cuisine) ;

• Que l’espace de rangement disponible est insuffisant pour ranger de façon ordonnée tous les biens qui s’y retrouvent ; et

• Que certains travaux de rénovation et de nettoyage de la cuisine sont requis pour rendre fonctionnelle la cuisine, car elle se trouve dans un état lamentable.

[327] Ces travaux, débutés en janvier 2019, n’ont pu être exécutés, car les prises électriques ne sont pas accessibles et les odeurs, la présence de vermine qui se propage à d’autres logements et l’état de malpropreté

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et d’encombrement du logement concerné font en sorte que les employés refusent d’y effectuer des travaux.

[328] L’état constaté antérieurement en 2018 du logement concerné ne s’est pas amélioré, tel qu’il est constaté en avril dernier.

[329] Le  locateur  réfère  au  règlement  afin de  justifier  sa demande de résiliation du bail. Il y est indiqué au paragraphe 11 :

« […]  Le  LOCATAIRE  doit  aider  le  BAILLEUR  et  collaborer avec  lui  à  l’entretien  des  lieux  loués  et  il  doit  faire  rapport sans délai à l’administration de tout ce qui pourrait être brisé, endommagé, ou nécessitant des réparations, en regard de l’un des logements, ou aires communes, des facilités ou de tout accessoire, que cela provienne d’un acte ou de la négligence des LOCATAIRES ou autrement. […] »

[330] En raison des graves manquements du locataire à ses obligations, le locateur se voit contraint de demander la résiliation du bail.

[331] Pour sa part, le locataire conteste la demande du locateur. Il occupe le logement concerné depuis 20 ans.

[332] Il déplore que le locateur, lorsqu’il a inspecté le logement concerné, ne l’a pas avisé préalablement.

[333] Au cours de  l’automne 2018,  le  locataire s’absente du  logement concerné. Il avertit le concierge de l’immeuble de la présence d’eau sous l’évier.

[334] À son retour, il constate qu’aucun travail n’a été exécuté. Il procède à l’ouverture du tuyau et demande la présence du locateur pour constater la présence de vermine.

[335] Il attribue les trois vols de ses biens, de grande valeur selon lui, à l’entrée au logement des employés du locateur.

[336] Il déplore que les travaux demandés ne sont pas exécutés.

[337] Quant  à  l’état  du  logement,  il  reconnaît  que  son  logement  est encombré et qu’il n’a pas accès à de l’espace de rangement.

[338] Il réitère son refus de collaborer pour nettoyer le logement concerné et nie que ce dernier est sale.

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L’analyse et la décision

[339] Le locateur fonde sa demande de résiliation de bail sur les dispo-sitions de l’article 1863 du Code civil du Québec (C.c.Q.) : 

« 1863.  L’inexécution  d’une  obligation  par  l’une  des  parties confère à l’autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l’exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l’inexécution lui cause à elle-même ou, s’agissant d’un bail immobilier,  aux  autres  occupants,  un  préjudice  sérieux,  elle peut demander la résiliation du bail. 

L’inexécution  confère,  en  outre,  au  locataire  le  droit  de demander une diminution de loyer ; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l’avenir. » 

[340] L’article 1972 C.c.Q. trouve, de plus, application en l’espèce : 

« 1972. Le locateur ou le locataire peut demander la résiliation du bail lorsque le logement devient impropre à l’habitation. » 

[341] Le locataire est tenu à plusieurs obligations, dont celle d’utiliser le logement avec prudence et diligence31, d’aviser le locateur des défectuo-sités et des détériorations32, d’entretenir le logement et de le maintenir en bon état de propreté33. Il appert de la preuve que le locataire a contrevenu à ces obligations. 

[342] La question que  l’on doit se poser est  la suivante : est-ce que  le logement est impropre à l’habitation, donnant ainsi ouverture à la demande de résiliation du locateur ?

[343] La soussignée répond par l’affirmative à cette question. 

  31.  Selon les dispositions de l’article 1855 C.c.Q. qui édicte :   « 1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d’user du bien 

avec prudence et diligence. »  32.  Selon les dispositions de l’article 1866 C.c.Q. qui édicte :     « 1866. Le locataire qui a connaissance d’une défectuosité ou d’une détérioration substantielles du 

bien loué, est tenu d’en aviser le locateur dans un délai raisonnable. »  33.  Selon les dispositions des articles 1864 et 1911 C.c.Q. qui édictent :   « 1864. Le locateur est tenu, au cours du bail, de faire toutes les réparations nécessaires au bien 

loué, à l’exception des menues réparations d’entretien ; celles-ci sont à la charge du locataire, à moins qu’elles ne résultent de la vétusté du bien ou d’une force majeure. » 

  « 1911. Le locateur est tenu de délivrer le logement en bon état de propreté ; le locataire est, pour sa part, tenu de maintenir le logement dans le même état. Lorsque le locateur effectue des travaux au logement, il doit remettre celui-ci en bon état de propreté. »

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[344] L’article 1913 C.c.Q. édicte que : 

« 1913. Le locateur ne peut offrir en location ni délivrer un logement impropre à l’habitation. 

Est impropre à l’habitation le logement dont l’état constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public, ou celui qui a été déclaré tel par le tribunal ou par l’autorité compétente. » 

[345] En effet, les articles 1862 et 1890 C.c.Q.34 créent une présomption de responsabilité du locataire en faveur du locateur. 

[346] En effet, la preuve est à l’effet que le locataire n’a pas respecté son obligation de maintenir le logement en bon état de propreté. 

[347] Le  logement  est  encombré  de  façon  quasi  incroyable,  tel  que plusieurs travaux de mise aux normes dont l’ensemble des logements de l’immeuble sont  l’objet ne peuvent être exécutés en raison de  l’état du logement concerné.

[348] Le locateur subit, en raison de la contravention des obligations du locataire, de nombreux dommages, dont des frais de réparation du loge-ment  qui  sont  effectués  par  des mandataires  externes,  ses  employés refusant  de  les  exécuter  en  raison  de  l’état  de malpropreté  avancé  et d’encombrement  incroyable  et  du  retard  dans  l’exécution  de mise  aux normes qui s’avèrent extraordinaires.

[349] Ce Tribunal a résilié le bail de locataires qui ont rendu le logement insalubre, tel qu’il appert de la jurisprudence35. 

  34.  « 1862. Le locataire est tenu de réparer le préjudice subi par le locateur en raison des pertes survenues au bien loué, à moins qu’il ne prouve que ces pertes ne sont pas dues à sa faute ou à celle des personnes à qui il permet l’usage du bien ou l’accès à celui-ci. Néanmoins, lorsque le bien loué est un immeuble, le locataire n’est tenu des dommages-intérêts résultant d’un incendie que s’il est prouvé que celui-ci est dû à sa faute ou à celle des personnes à qui il a permis l’accès à l’immeuble. » 

    « 1890. Le locataire est tenu, à la fin du bail, de remettre le bien dans l’état où il l’a reçu, mais il n’est pas tenu des changements résultant de la vétusté, de l’usure normale du bien ou d’une force majeure. L’état du bien peut être constaté par la description ou les photographies qu’en ont faites les parties ; à défaut de constatation, le locataire est présumé avoir reçu le bien en bon état au début du bail. »

  35. Office municipal d’habitation de Montréal c. Dupuis, 31-120809-016 G, 14 novembre 2012, Anne Mailfait, juge administrative ; Rocabado c. Remollino, 31-120919-124 G, 12 novembre 2012, André Gagnier, juge administratif ; Koinis c. Blais Poulin, 31-120913-014 G, 22 octobre 2012, Eric-Luc Moffat, juge administratif.

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[350] Selon la preuve, l’état du logement ne s’est pas amélioré depuis la transmission des avis  au  locataire,  des nombreuses  visites des divers intervenants  du  Service  de  la  prévention  des  incendies,  du  Service  d’urbanisme de la ville et des employés et gestionnaires du locateur. 

[351] En conséquence, la soussignée n’est pas convaincue qu’une ordonnance en vertu des dispositions de l’article 1973 C.c.Q. à cet égard36, ordonnant au locataire de collaborer, de procéder au nettoyage du loge-ment, de le désencombrer d’une façon permanente et de respecter ses obligations de maintenir le logement en bon état serait appropriée. 

[352] En effet, le locataire nie que le logement concerné est sale en admettant tout de même qu’il est un peu encombré et refuse toute aide pour entretenir et maintenir le logement concerné en bonne condition.

[353] CONSIDÉRANT la preuve et notamment l’état d’insalubrité avancé du logement, le bail est résilié. 

[354] Étant donné la preuve,  l’exécution provisoire de la décision n’est pas  justifiée  conformément  à  l’article  82.1  de  la  Loi sur la Régie du logement. 

  36.  « 1973. Lorsque l’une ou l’autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l’accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d’exécuter ses obligations dans le délai qu’il détermine, à moins qu’il ne s’agisse d’un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer. Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail. »

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POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[355] RÉSILIE  le bail et ORDONNE  l’expulsion du locataire et de tous les occupants ;

[356] CONDAMNE  le  locataire au paiement des  frais  judiciaires et de signification de 85 $ ; 

[357] REJETTE les autres demandes du locateur quant au surplus.

Isabelle Normand

Présence(s) : la mandataire du locateurMe Luc Dion, avocat du locateurle locataire

Date de l’audience :  13 mai 2019

COMMENTAIRES

Dans cette affaire,  l’office demande  la résiliation du bail en raison de l’inexécution d’’une obligation découlant du bail et pour l’état de malpropreté des  lieux, basant son recours sur  les articles 1863 et 1972 du Code civil du Québec. 

Le locataire a l’obligation d’utiliser le logement avec prudence et dili-gence. Lorsqu’il fait défaut de le maintenir en bon état de propreté, le locataire contrevient à cette obligation. L’état du logement a empê-ché l’office d’effectuer les travaux majeurs de mise aux normes. 

De nombreux avis ont été donnés au locataire pour remédier à son défaut, ce qu’il n’a pas fait. Le tribunal considère qu’une ordonnance de collaborer et de procéder au nettoyage et au désencombrement serait inutile.

Le tribunal a conclu à la résiliation du bail pour défaut d’avoir main-tenu  le  logement  en  bon  état  d’habitabilité. Cette  obligation  revêt une grande importance puisque le locateur, s’il subit un préjudice en raison du défaut d’agir du locataire, pourra obtenir la résiliation du bail et l’expulsion des occupants.

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REFUS DE TRANSFERT – RÉSILIATION DU BAIL

OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION DE VICTORIAVILLE-WARWICK c. NANCY TARDIFRégie du logement no 410804 16 20180725 GSerge Adam, juge administratifJugement rendu le 03 juin 2019

DÉCISION

Le contexte

[358] Le locateur demande la résiliation du bail et l’expulsion de la loca-taire ainsi que tout autre occupant du logement plus l’exécution provisoire de la décision et les frais judiciaires. Il demande aussi le remboursement des loyers dus.

[359] Au soutien de sa demande, le locateur invoque que la locataire a injustement refusé son transfert alors qu’elle n’a plus le droit d’occuper le logement concerné en vertu du Règlement sur l’attribution des logements à loyer modique37.

[360] Après avoir entendu les parties et analysé l’ensemble de la preuve administrée à  l’audience,  le Tribunal en  retient  les éléments pertinents suivants : 

[361] Au moment de l’audience, les parties sont liées par un bail recon-duit pour la période du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019, au loyer mensuel de 233 $.

[362] La preuve démontre que le 28 mai 2018, un avis de transfert obli-gatoire est adressé à la locataire en raison du fait qu’elle occupe un logement de deux chambres à coucher alors que la composition de son ménage ne requiert dorénavant qu’un logement d’une chambre et ce, en raison qu’elle vit seule.

  37.  RLRQ c. S-8, r. 1.

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[363] Par lettre datée du 1er septembre 2018, un nouveau logement est offert à  la  locataire,  lequel  tient compte des choix de secteurs de cette dernière.

[364] La locataire est formellement mise en demeure de venir signer le bail du logement en question, ce que celle-ci refuse. 

[365] Il  appert  que  la  locataire  n’a  pas  subséquemment  produit  de demande de contestation.

[366] Essentiellement, la preuve soumise en défense révèle que la loca-taire ne veut pas aller demeurer à l’endroit proposé car elle n’aime pas le quartier et que de plus, le logement proposé est malsain car plein de moisissures.

[367] Elle admet cependant qu’elle n’a droit qu’à une chambre à coucher.

[368] La locataire doit également plus ou moins neuf mois de loyers, soit du mois d’août 2018 à avril 2019 inclusivement, pour une somme totale de 2 097 $, ce qui est admis par la locataire.

[369] Ainsi peut-on résumer l’essentiel de la preuve pertinente.

Analyse et décision

[370] La présente demande se fonde sur l’article 1863 alinéa 1 du Code civil du Québec, lequel stipule ce qui suit : 

« 1863.  L’inexécution  d’une  obligation  par  l’une  des  parties confère à l’autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l’exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l’inexécution lui cause à elle-même ou, s’agissant d’un bail immobilier,  aux  autres  occupants,  un  préjudice  sérieux,  elle peut demander la résiliation du bail. »

[371] Après délibéré, le Tribunal ne peut que constater en premier lieu que la locataire, bien qu’ayant refusé le logement proposé, ne s’est pas prévalu de son droit de faire réviser la décision prise par le locateur, tel que le prévoit l’article 1990 du Code précité.

« 1990. Le locateur peut, en tout temps, reloger le locataire qui occupe un logement d’une catégorie autre que celle à laquelle il aurait droit dans un logement approprié, s’il lui donne un avis de trois mois. 

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Le  locataire  peut  faire  réviser  cette  décision  par  le  tribunal dans le mois de la réception de l’avis. »

[372] Il ne peut donc être question en l’instance de réviser ladite décision de transfert, mais bien de déterminer si la sanction demandée à la suite du refus de la locataire est fondée en faits et en droit. 

[373] Dans l’affaire Office Municipal d’Habitation de Montréal  c. Linda Godin, le juge administratif Jean Bisson s’exprimait ainsi38 : 

« Le nouveau  logement offert à  la  locataire vise à  respecter les critères d’attribution.  Il  faut se rappeler qu’en conservant son logement, la locataire prive un autre ménage qui pourrait y avoir droit. 

Le tribunal ne peut conclure de la preuve soumise que ce droit du locateur est exercé déraisonnablement. 

En acceptant de louer un logement à loyer modique, la locataire convenait de se soumettre aux règles d’attribution ainsi qu’aux conditions de  location qui  lui permettent de bénéficier d’une subvention au logement. 

Comme le soulignait notre collègue, Me Michel Dubé, dans un dossier similaire : 

« Il  y  a  de  grands  avantages  à  occuper  un  logement  à  prix modique, mais  il  y  a aussi  des  inconvénients  qui  découlent d’une telle occupation. Ce faisant, on ne peut donc bénéficier uniquement des avantages pour se soustraire aux obligations qui en découlent. »

Le défaut de la locataire de se conformer au Règlement sur  l’attribution des  logements à  loyer modique constitue un manquement aux obligations découlant du bail et conduit à la résiliation si un préjudice sérieux est démontré. 

Or, à plusieurs reprises, on a reconnu que le refus du locataire de se conformer à l’avis de relocation constituait un préjudice sérieux en  raison des  longues  listes d’attente gérées par  le locateur. » 

(Citations omises)

  38.  R.L. Montréal, 31 080417 005 G, j.adm. Jean Bisson, 13 mai 2008.

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[374] Le présent Tribunal partage également les propos tenus par la juge administrative  Claire  Courtemanche  dans  le  cadre  cette  fois  d’une demande de révision en vertu de l’article 1990 C.c.Q.39 : 

« [13] En matière de logement social, les locataires n’ont pas droit au maintien dans les lieux. Les règles d’attribution d’un logement sont basées sur la composition familiale et l’âge des personnes qui habiteront ce logement. »

[375] La locataire occupe ainsi un logement auquel elle n’a plus droit, alors que celui proposé se situé dans le même secteur et la loi ne permet pas à la locataire d’exiger de vivre dans le projet spécifique s’y trouvant.

[376] Également, à la lumière des dispositions impératives rattachées à la location d’un logement à loyer modique, considérant la fonction sociale de ceux-ci et de surcroît  les deniers publics  impliqués,  il  résulte de ce défaut de se conformer aux obligations prescrites à la loi et la réglemen-tation applicable dans ce cadre particulier un préjudice sérieux pour  le locateur.

[377] Considérant l’ensemble de ce qui précède, le Tribunal conclut que la demande de résiliation du bail est bien fondée. 

[378] L’exécution  provisoire  de  la  décision  n’apparait  cependant  pas justifiée.

[379] Quant aux  frais  judiciaires applicables,  ils sont adjugés contre  la partie défenderesse selon le Tarif des frais exigibles par la Régie du loge-ment (RLRQ, c. R-8.1, r.6).

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[380] ACCUEILLE la demande ;

[381] RÉSILIE le bail et ORDONNE l’expulsion de la locataire de même que de tout autre occupant éventuel du logement ;

[382] CONDAMNE la locataire à payer au locateur la somme de 2 097 $, plus les intérêts et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q., 

  39. Dubois c. Office municipal d’habitation du Québec, R.L. Québec, 2085354, j. adm. Claire Courte-manche, 7 novembre 2016.

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à compter du 1er août 2018 sur la somme de 233 $ et sur le solde à compter de l’échéance de chaque loyer, ainsi que les frais judiciaires de 85 $.

Serge Adam

Présence(s) : le mandataire du locateurla locataire

Date de l’audience :  25 avril 2019

COMMENTAIRES

La décision de l’office, de transférer la locataire dans un logement correspondant à sa situation de ménage, ne peut faire l’objet d’une demande de révision en vertu de l’article 1990 du Code civil du Qué-bec car, elle a refusé le logement offert et elle ne s’est pas prévalue de son droit de demander la révision de la décision de l’office.

La décision de transfert vise à faire respecter les critères d’attribu-tion des logements, lesquels sont prévus au Règlement. En conser-vant son logement, la locataire prive un ménage dans le besoin. 

Le Tribunal ne peut réviser la décision de l’office, il peut seulement déterminer si la sanction recherchée suite au refus de transfert, soit la résiliation du bail, est justifiée.

Le défaut de se conformer au Règlement sur les conditions de loca-tion des logements à loyer modique constitue un manquement aux conditions du bail. Le refus de transfert par la locataire constitue un manquement pouvant  justifier  la  résiliation du bail  si  un préjudice sérieux est démontré. Ainsi, le droit de l’office de transférer un loca-taire doit être exercé raisonnablement. Il doit exister des listes d’at-tente pour justifier la nécessité du transfert. Considérant l’octroi de deniers publics et la mission sociale de l’office, le refus de transférer dans un logement respectant les critères d’attribution, constitue un préjudice sérieux pour l’office justifiant la résiliation du bail. 

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RESPONSABILITÉ CIVILE – CHUTE DANS UN ESCALIER

RAYMOND SAVARD c. SOMHAC Régie du logement no 255010 18 20160112 GMicheline Leclerc, juge administrativeJugement rendu le 15 mai 2019

DÉCISION[383] Le locataire réclame des dommages de 11 025,95 $.

La preuve

[384] Les parties ont conclu un bail pour la période du 1er mars 2004 au 30 juin 2005, lequel a été reconduit depuis d’année en année.

[385] Au  soutien  de  sa  demande,  le  locataire  explique  qu’il  sortait  de l’immeuble le 12 février 2015 vers 11h30 lorsque sa cheville s’est tournée et a craqué.

[386] Il a mis des compresses d’eau froide mais le lendemain, il a dû consulter parce que sa jambe était noire.

[387] Il a vu un médecin qui l’a opéré le lendemain matin. Il est retourné chez  lui en béquilles  le 14  février, a gardé  le plâtre une semaine, puis enfilé une botte de marche, continué avec une machette puis des béquilles et finalement une canne.

[388] Sa santé a basculé depuis et il souffre d’arthrite et d’arthrose. 

[389] Il  réclame divers  frais  (L-1) et une somme de 10 000 $ pour  les souffrances et a produit une photo de l’escalier (L-2).

[390] Monsieur  Vallerand  a  vu  le  locataire  tomber  dans  l’escalier  qu’il qualifie de « glacé avec un peu de neige ». 

[391] Monsieur Olivier d’Aston est contremaître chez le locateur depuis 2010 et  il  est  responsable de  l’équipe d’entretien et  de  réparations de l’immeuble du  [...] où 15 hommes sont présents à différentes  journées de la semaine.

[392] Il a produit les procédures de déneigement mises en place (P-1) et explique  qu’un  entrepreneur  externe  déblaie  le  stationnement  et  les  trottoirs,  qu’il  y  a  des  clauses  à  respecter  et  que  son  équipe  s’assure 

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qu’elles  le soient,  la directive étant que s’il y a un problème mineur,  la centrale d’appels est contactée et s’il  y a urgence,  ils agissent  tout de suite, par exemple, pour déneiger, mettre de l’abrasif.

[393] De plus, ils ont des pelles et des boîtes à sel à l’entrée de chaque immeuble remplies par l’entrepreneur que les ouvriers utilisent au besoin.

[394] Un bon de travail est transmis en cas de plainte (P-2) et il confirme qu’il n’y a eu aucun appel pour déneiger avant le 19 février, le précédent ayant été fait le 9 février par un employé pour l’entrée du garage.

[395] Les données météo du 12 février 2015 produites (P-3)  indiquent qu’il y a eu 7 mm de neige et que la température moyenne était de moins 13  degrés,  alors  qu’il  n’y  a  eu  aucune  précipitation  la  veille  et  que  la température était de moins 17 degrés. 

[396] Monsieur Beaulieu est expert en sinistre pour l’assureur Indemnité Pro depuis 10 ans.

[397] Il a été mandaté par l’assureur pour établir la responsabilité suite à la chute du locataire. Il a recueilli les informations et sa version, en plus de contacter l’entrepreneur pour l’aviser de la chute et que sa responsa-bilité pouvait être engagée.

[398] Aux  termes  de  son  enquête  qui  incluait  également  les  données météo,  il  a  conclu que  le  locateur n’était  pas  responsable puisqu’il  n’y avait pas eu de neige la veille et un petit peu le jour de la chute, le locateur a un contrat en bonne et due forme, la responsabilité de l’entrepreneur est bien définie et le locateur a des directives en place.

[399] De plus,  il  n’y  avait  aucune  irrégularité  au  niveau  des marches, aucun piège et le béton bien lisse.

Décision

[400] La preuve a révélé que le locataire a fait une chute en empruntant l’escalier extérieur  le 12 février 2015 et  le  locateur a démontré qu’il n’y avait aucune défectuosité des marches, aucun piège et aucune condition hivernale négligée.

[401] De plus, le Tribunal note que le locataire n’a pas glissé mais que sa cheville s’est plutôt tordue, ce qui a été vraisemblablement la cause de la fracture.

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[402] Malheureusement, il s’agit d’un bête et malheureux accident dont le  locateur  ne  peut  être  tenu  responsable  puisqu’il  a  respecté  son  obli gation de moyen.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[403] REJETTE la demande. 

Micheline Leclerc

Présence(s) : le locatairele mandataire du locateur

Date de l’audience :  15 avril 2019

COMMENTAIRES

Le locataire réclame des dommages pour compenser les douleurs et inconvénients subis à la suite d’une chute dans un escalier glacé sur lequel il y avait accumulation de neige.

Le locateur s’est doté d’une procédure de déneigement et le déblaie-ment des escaliers est confié à un entrepreneur.

Le  locataire  n’a  pas  démontré  la  responsabilité  du  locateur,  il  n’y avait  aucune  défectuosité  des  marches,  aucun  piège  et  aucune condition hivernale négligée. Toutes les procédures ont été suivies. 

Le  tribunal  a  conclu  que  le  locateur  a  respecté  son obligation de moyen.

Il faut retenir qu’en matière de déneigement, le locateur n’a pas une obligation de résultat mais une obligation de moyen.  Il doit démon-trer qu’il a pris les moyens raisonnables pour atteindre les résultats qu’il s’est fixé, dans  le cas présent, avoir des escaliers sécuritaires en période hivernale. De là l’importance de mettre en place des pro-cédures précises, lesquelles doivent être connues des employés, et définir la responsabilité de l’entrepreneur en lui donnant des directives claires.

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PUNAISES DE LIT – FAUTE DU LOCATEUR

DENISE TURGEON c. OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION DE MONTRÉALRégie du logement no 348608 31 20170727 ASophie Alain, juge administrativeJugement rendu le 15 janvier 2019

DÉCISION[404] Par un recours introduit le 27 juillet 2017, la locataire demande une ordonnance pour l’exécution en nature des obligations du locateur (exter-mination  des  punaises  de  lit),  l’autorisation  de  déposer  son  loyer  à  la Régie du logement, plus des dommages-intérêts matériels et moraux en raison de la présence de punaises de lit.

[405] Les parties étaient liées par un bail du 1er février 2017 au 31 juillet 2018 au loyer mensuel de 226 $.

[406] La locataire ayant quitté le logement, l’ordonnance pour l’exécution en nature et  l’autorisation de déposer  le  loyer n’ont  plus d’objet. C’est pourquoi,  pour  trancher  le  litige  entre  les  parties,  le  Tribunal  ne  doit répondre qu’aux questions suivantes :

1.  La locataire a-t-elle démontré que le locateur a commis une faute dans la survenance et le traitement de la problématique de punaises de lit ?

2.  Auquel cas, quels sont les dommages à octroyer ?

Contexte

[407] Lors de la signature du bail en décembre 2016, la locataire ques-tionne  l’agente de  location sur  la présence de punaises de  lit. Celle-ci l’informe qu’il y a eu des logements qui ont eu des punaises de lit dans l’immeuble. En février 2017, la locataire emménage dans l’immeuble.

[408] En février 2017, le locateur procède à une vérification complète de l’immeuble. Bien que le logement de la locataire n’ait aucune punaise de lit,  la  locataire demande un traitement préventif. Celui-ci a  lieu le 5 juin 

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2017. L’exterminateur découvre alors des punaises de lit. Un second trai-tement a lieu 21 jours plus tard.

[409] La locataire doit alors laver et sécher tous ses vêtements et décide de dormir chez sa sœur. La locataire vit beaucoup d’anxiété et d’angoisse. Son médecin lui prescrit des médicaments.

[410] Le 17 juillet 2017, elle transmet une mise en demeure au locateur.

[411] Le 18 septembre 2017, la locataire quitte son logement pour s’éta-blir dans un immeuble réservé aux personnes de 60 ans et plus.

[412] La locataire admet n’avoir jamais vu les punaises de lit, mais toute la situation  lui a causé bien des troubles. Entre autres, elle ne dormira plus chez elle à compter du 5 juin, amis et famille ne peuvent plus venir chez elle, elle perd ses cheveux, elle développe de l’eczéma. De plus, en raison de la présence des punaises de lit, elle a encouru des dépenses supplémentaires ; par exemple, elle a dû acheter de bacs de plastique, payer une portion de son déménagement, etc.

[413] Pour  le  locateur,  l’agent  d’information  à  la  salubrité,  M.  Baron Bruneau, explique que le précédent locataire n’avait pas eu de punaises de lit ni vermine et il a quitté en décembre 2016 pour d’autres motifs. Il est formel, il n’y avait aucune punaise de lit ni vermine à l’arrivée de la loca-taire en février 2017.

[414] Il  déclare  que  l’immeuble  comporte  103  logements  répartis  sur 7 étages. Il y a eu 8 cas de punaises de lit dans l’immeuble.

[415] Il expose que le voisin de la locataire, vivant au logement 707, a eu une infestation de punaises de lit. Le locateur a introduit sa demande le 21 août et a obtenu une décision de résiliation du bail et d’expulsion du logement le 21 novembre 201740.

[416] C’est dans ce contexte, que le 14 juillet 2017, M. Baron Bruneau recommande de relocaliser la locataire dans un autre immeuble.

[417] En définitive, le locateur plaide n’avoir commis aucune faute dans la gestion de la problématique.

  40. Office municipal d’habitation de Montréal c. Parent (R.D.L., 2017-11-21), 2017 QCRDL 37845, SOQUIJ AZ-51445338.

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[418] Ainsi  se  résument  succinctement  les  faits.  Avant  d’aborder  les questions en litige, voyons d’abord les obligations d’un locateur quant à la problématique de punaises de lit dans un logement.

Droit applicable

[419] Le locateur assume, entre autres, l’obligation de délivrer un loge-ment en bon état de réparation de toute espèce et de procurer au locataire la jouissance paisible de son logement41, le maintien de celui-ci en bon état d’habitabilité42 et  l’exécution de toutes les réparations nécessaires, sauf celles qui sont purement locatives43.

[420] En bref, l’obligation au locateur de procurer la libre jouissance des lieux loués constitue l’essence même du bail, une obligation fondamen-tale et essentielle44. Cette obligation en est une de « résultat ».

[421] En présence d’un trouble anormal et persistant, comme la présence de punaises de lit, la Loi45 donne trois options au locataire selon les circonstances : l’exécution en nature, la résiliation du bail ou la diminution du loyer, avec ou sans dommages-intérêts.

[422] La  locataire  ne  demande  que  des  dommages-intérêts.  Or,  en présence de punaises de  lit,  le  régime de droit applicable est  celui du trouble du  fait d’un  tiers46 ;  il permet  l’attribution de diminution de  loyer, mais empêche la compensation des dommages, à moins d’une faute ou d’une négligence prouvée du locateur dans la survenance et le traitement de la problématique47.

  41. Article 1854 du Code civil du Québec (C.c.Q.).  42.  Article 1910 C.c.Q.  43.  Article 1864 C.c.Q.  44. 9185-4000 Québec inc. c. Centre commercial Innovation inc.* (C.A., 2016-03-29 (jugement rectifié 

le 2016-06-29)), 2016 QCCA 538, SOQUIJ AZ-51267936, 2016EXP-1208, J.E. 2016-654, parag. 19.  45.  Article 1863 C.c.Q.  46.  Article 1859 C.c.Q.  47.  Ce principe fut longuement analysé dans la décision Marcotte c. Garita Enterprises Inc Marcotte c. 

Garita Enterprises inc.,  2013 QCRDL 21867. En somme,  la  juge administrative Jocelyne Gravel rapporte que l’apparition de punaises de lit dans un immeuble peut provenir de différentes sources comme les couvertures du déménageur, le sac du postier, les vêtements d’un livreur, les vêtements laissés à la buanderie commune ou du nettoyeur de vêtements, ou encore après s�être assis sur un siège de métro ou autre lieu infesté, etc.

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[423] En effet, l’apparition de punaises de lit dans un immeuble ne résulte généralement pas du fait personnel du locateur et ce dernier a peu de contrôle, direct ou indirect, sur l’apparition de punaises dans son immeuble.

[424] Cependant, les comportements fautifs ou négligents après l’appa-rition des punaises de lit pourront entraîner la responsabilité du locateur. Dans ces cas, la cause du dommage ne pourrait plus être assimilée au fait d’un tiers et  les autres régimes de responsabilité pourraient consé-quemment trouver application, entraînant la responsabilité du locateur. Il pourrait s’agir, notamment, de l’inaction ou du défaut du locateur de recourir à des services d’extermination reconnus.

Décision

1. La locataire a-t-elle démontré que le locateur a commis une faute dans la survenance et le traitement de la problématique de punaises de lit ?

[425] La locataire a convaincu le Tribunal des très nombreux troubles et inconvénients causés par cette malheureuse situation. Aussi, le Tribunal comprend que la locataire ait pu avoir été angoissée, car la présence de punaises de lit diminue substantiellement l’habitabilité d’un logement.

[426] Cependant,  il ne suffit pas d’établir  l’existence d’un dommage,  il faut également qu’on puisse en attribuer la responsabilité légale au loca-teur48.  Or,  la  locataire  n’a  pas  démontré  la  faute  ou  la  négligence  du locateur  dans  la  survenance  et  le  traitement  de  la  problématique  de punaises de lit.

[427] En effet, le locateur a fait intervenir un exterminateur professionnel. Il a supervisé et suivi les instructions de ce dernier. Il a remis les instruc-tions nécessaires à la préparation du logement pour le traiter. Il a tenté de minimiser les troubles de la locataire en assumant une portion des coûts de relocalisation dans un autre logement à loyer modique.

[428] Par conséquent, en l’absence de faute du locateur, ce dernier ne peut être tenu responsable des dommages que réclame la locataire.

  48. Lewandowska c. Office municipal d’habitation de Montréal (R.D.L., 2017-04-05), 2017 QCRDL 10973, SOQUIJ AZ-51381723.

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POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[429] REJETTE la demande de la locataire.

Sophie Alain

Présence(s) : la locataireMe Marie-Pier Durand, avocate du locateur

Date de l’audience :  29 octobre 2018

COMMENTAIRES

Le Tribunal doit déterminer si  l’office a commis une  faute dans  la survenance et dans le traitement de la problématique de punaises de lit. Bien que le locataire a l’obligation et le devoir de collaborer au traitement, le locateur a l’obligation de délivrer un logement en bon état, de procurer au locataire la jouissance paisible des lieux et de maintenir le logement en bon état d’habitabilité.

L’obligation de procurer la jouissance paisible des lieux loués consti-tue une obligation fondamentale pour le locateur. La jouissance pai-sible des lieux peut être perturbée par un comportement abusif d’un autre locataire mais également par la présence de punaises de lit.

Lorsqu’il y a présence de punaises de lit, le locateur doit agir et ne pas commettre de faute ou de négligence dans la survenance et le traitement de la problématique. À défaut, le locataire pourra obtenir des dommages intérêts.

Dans le cas présent, la faute du locateur n’a pas été démontrée.

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DIMINUTION DE LOYER – TROUBLES DE JOUISSANCE

YVAN AMADO VIDAURRE MARTINEZ c. OFFICE MUNICIPAL D’HABITATION DE MONTRÉALRégie du logement no 415045 31 20180824 GAnne A. Laverdure, juge administrativeJugement rendu le 27 mars 2019

DÉCISION[430] Le  locataire  demande  une  diminution  de  loyer,  des  dommages-intérêts, l’exécution provisoire plus les intérêts et les frais.

[431] Il  se  plaint  des  bruits,  particulièrement  pendant  la  nuit,  qui proviennent du logement sous le sien.

[432] Il demande également que certaines ordonnances soient émises contre la locatrice dont celle qui fait l’objet d’un amendement au début de la première audience.

[433] Le  locataire cherche à obtenir  la collaboration de  la  locatrice au processus  de  relocalisation.  La  locatrice  s’engage  séance  tenante  à fournir les informations et les formulaires adéquats.

[434] La représentante de la locatrice et la procureure fournissent d’ail-leurs  plusieurs  informations  à  ce  sujet  au  locataire  en  présence  du Tribunal. La preuve est ensuite  faite que  les  formulaires sont  remis au locataire. Sur cet aspect, le Tribunal estime que la locatrice s’est déchargée de son fardeau.

[435] Le Tribunal reste saisi des demandes monétaires dont  il dispose par la présente décision ainsi que de la demande d’ordonnance visant à forcer la locatrice à entreprendre les démarches nécessaires pour trouver la provenance du bruit et le faire cesser.

[436] Les  parties  sont  liées  par  un  bail49 du 1er  novembre  2018  au 31 octobre 2019 au loyer subventionné de 229 $ par mois.

  49.  Pièce P-1.

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Questions en litige

[437] La jouissance du locataire a-t-elle été et est-elle troublée et si oui, le locataire a-t-il droit à une diminution de loyer et à des dommages ?

[438] Le Tribunal peut-il rendre l’ordonnance demandée ?

Analyse et décision

La  jouissance du  locataire  a-t-elle  été  et  est-elle  troublée et  si  oui,  le locataire a-t-il droit à une diminution de loyer et à des dommages ?

[439] Le recours du locataire se base sur l’article 1854 du Code civil du Québec.

[440] Selon cet article, la locatrice est tenue pendant la durée du bail de procurer la jouissance paisible du bien loué. 

« 1854.  Le  locateur est  tenu de délivrer  au  locataire  le bien loué en bon état de réparation de  toute espèce et de  lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail. 

Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à  l’usage pour  lequel  il est  loué, et de  l’entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail. »

[441] Les obligations prévues aux articles 1854 al. 1 sont « de résultat », ce qui  signifie que  les moyens de défense de  la  locatrice sont  limités, comme l’expliquent l’honorable juge Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin : 

« Au  contraire,  dans  le  cas  d’une  obligation  de  résultat,  la simple constatation de l’absence du résultat ou du préjudice subi  suffit  à  faire  présumer  la  faute du débiteur,  une  fois  le fait  même  de  l’inexécution  ou  la  survenance  du  dommage démontré par le créancier. Dès lors, le débiteur, pour dégager sa  responsabilité,  doit  aller  au-delà  d’une preuve de  simple absence de faute, c’est-à-dire démontrer que l’inexécution ou le préjudice subi provient d’une force majeure. Il ne saurait être admis à dégager sa  responsabilité en  rapportant seulement une preuve d’absence de faute. »50

  50.  Baudouin, Jean-Louis et Jobin, Pierre-Gabriel, Les obligations, Les Éditions Yvon Blais, 5e édition, pp. 36-37.

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[442] Le recours se base également sur l’article 1861 du Code civil du Québec qui prévoit :

« Le  locataire,  troublé  par  un  autre  locataire  ou  par  les personnes auxquelles ce dernier permet  l’usage du bien ou l’accès à celui-ci, peut obtenir, suivant les circonstances, une diminution de loyer ou la résiliation du bail, s’il a dénoncé au locateur commun le trouble et que celui-ci persiste.

Il  peut  aussi  obtenir  des  dommages-intérêts  du  locateur commun, à moins que celui-ci ne prouve qu’il a agi avec prudence et diligence ; le locateur peut s’adresser au locataire fautif, afin d’être indemnisé pour le préjudice qu’il a subi. »

[443] C’est l’article 1860 du Code civil du Québec qui encadre le compor-tement des locataires quant à la jouissance des autres locataires :

« 1860 Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.

Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l’usage du bien ou l’accès à celui-ci.

Le  locateur  peut,  au  cas  de  violation  de  cette  obligation, demander la résiliation du bail. »

[444] Voici ce que l’Honorable Brigitte Gouin de la Cour du Québec écrit sur cette obligation du locataire dans l’affaire Penney c. Modabbernia51 :

« [26]  L’article  1860  C.c.Q.  oblige  chaque  locataire  à  ne pas  troubler  le  déroulement  de  la  vie  normale  des  autres locataires, à défaut de quoi des recours peuvent être intentés et en particulier, le recours extrême soit la résiliation du bail.

[27]  Dans  Carignan  c.  Office  municipal  d’habitation  Notre-Dame-du-Bon-Conseil (1), on peut lire :

22. L’article 1860 du Code civil du Québec est formel et oblige chaque  locataire à ne pas  troubler  le déroulement de  la vie normale des autres locataires, à défaut de quoi des recours

  51.  2009 QCCQ 4207, (1) Carignan c. Office municipal d’habitation Notre-Dame-du-Bon-Conseil (C.Q., 2002-12-10), SOQUIJ AZ-50155094, B.E. 2003BE-273.

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peuvent être intentés et, en particulier, la (sic) recours extrême, soit la résiliation du bail.

[28]  Le  Tribunal  considère  que  chaque  cas  est  un  cas d’espèce. Le critère à appliquer ici est : Est-ce qu’il y a eu des inconvénients excessifs, est-ce que le trouble évoqué est persistant car évidemment « dans l’esprit des tribunaux, un fait isolé ne serait constitué un inconvénient excessif »52. »

(L’emphase est de nous)

[445] L’article 976 du Code civil du Québec peut aussi nous guider sur ce qui est excessif ou non :

« 976. Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du  voisinage  qui  n’excèdent  pas  les  limites  de  la  tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux. »

[446] Toute la question se résume donc à savoir s’il s’agit d’un inconvé-nient normal qui n’excède pas les limites de la tolérance conformément à l’article 976 du Code civil du Québec. 

[447] Comme  le souligne  l’auteur Pierre-Gabriel Jobin, dans son  traité portant sur le louage53 : 

« Qu’est-ce  qu’un  inconvénient  normal ?  Cette  première question  nous  amènera  à  préciser  notamment  si  le  trouble doit être persistant et si  le  locataire voisin doit avoir subi un préjudice sérieux. »

[448] Le Tribunal doit donc déterminer si le trouble est répétitif et si une personne raisonnable, placée dans les mêmes circonstances, trouverait les inconvénients intolérables.

[449] Dans le présent dossier, le locataire fait entendre un enregistre-ment audio des bruits singuliers qu’il entend la nuit.

[450] Il s’agit de vrombissements légers accompagnés d’autres sons qui donnent à penser que quelqu’un travaille.

  52.  Louage de choses, Jobin, Pierre-Gabriel, Les Éditions Yvon Blais Inc., 1989, p. 329.  53.  JOBIN, P.G., Le louage, Collection Traité de droit civil, 2e édition, Centre de recherche en droit privé 

et comparé du Québec, EYB 1996.

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[451] La localisation des 2 logements54 fait en sorte que seul le locataire est ennuyé par le bruit. Il note que les bruits se font entendre aussi dans le jour lorsque les enfants de l’école voisine jouent à l’extérieur.

[452] Il explique que les représentants de la locatrice sont venus de jour écouter si la locataire du dessous faisait du bruit. Quant à eux, le bruit est très  faible.  Ils  passent  aussi  dans  le  corridor  après  la  réception  d’une plainte, mais n’entendent rien. Or, les bruits se font entendre de la chambre à coucher à l’opposé du corridor.

[453] Or, ils n’ont pas pris la mesure de ce bruit de la chambre à coucher.

[454] Toutefois, le locataire rapporte, qu’après le dépôt d’une plainte, le bruit se calme pour 2 ou 3 jours. Il admet aussi que, depuis le dépôt de sa demande à la Régie du logement, la situation s’est améliorée.

[455] La première fois que le locataire dénonce la situation, c’est par lettre en date du 31 août 201555. Aucune enquête approfondie n’est faite et, à la question du Tribunal concernant la nature des bruits, la locatrice est incapable de répondre.

[456] En fait, la représentante de la locatrice, qui n’a pas eu l’opportunité d’entendre le bruit, cherche une provenance possible.

[457] Elle va chez la voisine puis teste les ascenseurs, mais n’arrive pas à identifier ni le bruit ni sa provenance.

[458] Après un certain temps, il est évident que les plaintes du locataire ne sont plus traitées avec tout le sérieux requis. On parle d’acouphène ou de problèmes affectant le locataire.

[459] Pourtant, le locataire fait entendre des témoins qui ont été invités chez  lui en soirée pour entendre  le bruit et qui corroborent son  témoi-gnage. Il ne fait pas de doute dans l’esprit du Tribunal que le locataire est dérangé par un bruit émanant de l’immeuble.

[460] Le Tribunal ne croit cependant pas que le fait que la voisine soit au service  de  la  locatrice  ait  eu  quelques  incidences  dans  le  dossier.  En effet, tout porte à croire que ce bruit ne provient pas de son logement.

  54.  Croquis Pièce L-2.  55.  Pièce L-1.

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[461] Cette  locataire  soupçonne  que  les  bruits  peuvent  émaner  de  la buanderie ou de la salle des machines. Elle-même est dérangée par tous ceux qui utilisent la buanderie en dehors des heures permises.

[462] Lorsqu’ils se manifestent de jour, le Tribunal considère que ce ne sont pas des bruits excessifs. Mais la nuit, entendre un vrombissement, même atténué, apparait excessif et dérangeant.

[463] Le  locataire  indique au Tribunal qu’il s’est absenté régulièrement pour aller dormir ailleurs. Il présente 2 billets médicaux où son médecin de famille demande que l’on règle ce problème pour éviter à son patient de prendre des médicaments dont il n’aurait pas besoin autrement.

[464] Malheureusement, le locataire n’a pas remis ces billets à la loca-trice.

[465] Quoi qu’il en soit, la représentante de la locatrice déclare qu’ils ne peuvent pas faire cesser le bruit.

[466] De l’avis du Tribunal, le locataire est justifié de demander une dimi-nution de loyer. Le Tribunal considère que le montant de 25 $ par mois est raisonnable.  Le Tribunal  octroie  donc  1  075 $  pour  la  période  entre  le 1er septembre 2015 et le 31 mars 2019.

[467] Rappelons-nous que la diminution de loyer vise strictement la dimi-nution de jouissance et a pour but de rétablir l’équilibre entre les prestations respectives des parties. En effet,  il  faut considérer  le  loyer payé par  la locataire comme étant la contrepartie monétaire de l’usage du logement de ses services et accessoires. Dans le cas présent, la contrepartie n’était pas au rendez-vous durant la période mentionnée.

[468] Le locataire demande également des dommages. Ceux-ci ne sont accordés que s’il y a faute de la locatrice.

[469] Le Tribunal considère que la locatrice a été négligente dans le trai-tement de ce dossier. Elle n’a pas cru aux plaintes du locataire et ne les a pas  traitées avec  le sérieux nécessaire après ses premières  tentatives infructueuses pour en trouver la source. 

[470] De  son  côté,  le  locataire  n’a  pas  donné  à  la  locatrice  tous  les éléments de preuve que le Tribunal a reçu. Il y a tout lieu de penser que les choses auraient pu se passer autrement. Le Tribunal mitige donc les dommages qu’il accorde. 

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[471] Quant aux troubles et inconvénients, un montant de 200 $ est donc raisonnable dans les circonstances.

[472] Maintenant, abordons la question de l’ordonnance.

Le Tribunal peut-il rendre l’ordonnance demandée ?

[473] Le Tribunal considère que le verbatim de l’ordonnance proposée est trop vague pour être susceptible d’exécution.

[474] À tout événement, le maintien de la diminution de loyer pour l’avenir apparait être un meilleur gage pour forcer la résolution du problème.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[475] CONDAMNE la locatrice à payer au locataire la somme de 1 275 $, avec intérêts au taux légal et  l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter de la date de la présente décision ;

[476] DIMINUE  la part du  loyer payé par  le  locataire de 25 $ par mois jusqu’à ce que le bruit cesse ; 

[477] AUTORISE  le  locataire  à  faire  compensation  avec  les  loyers  à échoir, le cas échéant.

Anne A. Laverdure

Présence(s) : le locataireRobert Collard, stagiaire en droit  pour le locatairela mandataire de la locatriceMe Marie-Pier Durand, avocate de la locatrice

Date de l’audience :  27 novembre 2018, 21 janvier 2019  et 5 mars 2019

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COMMENTAIRES

Le locataire se plaint de bruits provenant du logement situé en des-sous de celui qu’il occupe. Il demande au locateur de trouver la pro-venance du bruit, de le faire cesser et de lui accorder une diminution de loyer pour compenser la perte de jouissance paisible des lieux.

En  cette matière,  le  locateur  a  une  obligation  de  résultat,  ce  qui limite ses moyens de défense. Pour se dégager de sa  responsa-bilité, le locateur doit démontrer que l’inexécution de son obligation ou le préjudice subi par le locataire provient d’une force majeure. La seule preuve d’absence de faute de la part du locateur ne suffit pas à le dégager de sa responsabilité. Le locateur doit agir avec sérieux pour trouver la source et régler le problème.

Traiter  ce  genre  de  dossier  avec  négligence,  ne  pas  croire  les plaintes et ne pas les traiter avec le sérieux nécessaire permet au tribunal d’accorder une diminution de loyer pour compenser la perte de jouissance des lieux et forcer la résolution du problème. 

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