Justin Opera Omnia

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    uvres de St JustinPhilosophe apologiste et martyr

    Apologie en faveur des chrtiens adresse Antonin le Pieux

    Apologie en faveur des chrtiens adresse au Snat Romain

    Dialogue avec le Juif Tryphon

    Prcdes d'une

    Introductionet suivies des

    Actes du martyre de Justin et de ses compagnons

    Documents compils par Albocicade

    2009

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    Prsentation de Justin

    PrambuleLes crits chrtiens au IIe sicle prsentent gnralement un caractre nettement apologtique.Les chrtiens avaient justifier leur foi devant les Juifs (qui voyaient en eux des paens) etdevant les paens (qui les considraient comme des athes). Le christianisme n'avait pasd'existence lgale, et le gouvernement romain le considrait comme un culte contraire lareligion officielle. Le peuple le poursuivait de sa haine et de ses calomnies, les philosophesattaquaient au nom de la raison la doctrine chrtienne. L'uvre des apologistes fut derpondre ces contradictions. Aux Juifs, ils cherchrent montrer que les chrtiens avaient lavritable intelligence des livres saints ; aux empereurs, ils dnoncrent l'injustice desprocdures suivies leur gard ; au peuple et aux philosophes, ils montrrent la puret etl'excellence de leur religion.Un des principaux reprsentant de la littrature apologtique au IIe sicle fut saint Justin dit

    "le philosophe".

    Elments biographiquesJustin tait en effet un vrai philosophe, de tendances et de gots comme de profession et de

    costume; un philosophe qui, d'abord paen, se convertit au christianisme, mais qui, aprs saconversion et jusqu' son martyre, resta philosophe.Il naquit dans les premires annes du IIeme sicle, en Palestine, Flavia Neapolis,aujourd'huiNaplouse, l'ancienne Sichem, prs de Samarie. Son pre, Priscos, et son grand-pre, Baccheios, taient Grecs d'origine et paens. Lui-mme fut lev dans le paganisme.Grand travailleur, d'esprit ouvert et curieux, le jeune Justin se passionna pour la philo-sophie.Il raconte, dans le Dialogue avec Tryphon, comment il suivit successivement les leons deplusieurs matres, appartenant aux coles les plus diverses. Il fut sduit surtout parl'enseignement des platoniciens ; mais, l encore, il ne trouvait pas toute la vrit qu'ilcherchait.

    Entre temps, il eut l'occasion d'assister des scnes de martyre ; il fut trs mu par cespectacle et trs frapp de l'hrosme des chrtiens. Un jour, il rencontra un vieillard, qui luivanta et lui expliqua la religion du Christ. Le jeune philosophe se mit lire et tudier leslivres sacrs du christianisme, qui produisirent sur lui une grande impression. Enfin, vers 130,tant Ephse, il se convertit. Il avait alors environ trente ans. Devenu chrtien, et chrtientrs ardent, il ne renona pas pour cela la philosophie, ni au costume et la vie nomade desphilosophes. Il parcourut le monde, la faon des sophistes de cette poque, prchant sa foi,

    la doctrine du Christ, la prsentant comme la seule conforme la raison. Il finit par arriver Rome, o il fit un premier sjour, sur lequel nous sommes mal renseigns.Il y revint un peu plus tard, et, cette fois, s'y fixa. L, quoique simple laque, il avait groupautour de lui comme une cole de disciples volontaires. Son enseignement ne fut pas du gotde tous ses "confrres" philosophes. On lui chercha querelle ce propos : il eut soutenir detrs vives polmiques, souvent d'un tour personnel, contre plusieurs philosophes, surtoutcontre Crescens le Cynique.Aptre batailleur, champion hardi du christianisme, auteur fcond, Justin avait compos unedizaine d'ouvrages : des livres de controverse, des apologies, un grand trait contre leshrtiques. La plupart de ces ouvrages sont perdus, et connus seulement par quelquesfragments ou par divers tmoignages.

    Crescens, bout d'arguments, l'avait plus d'une fois menac de le dnoncer comme chrtien.Justin lui-mme dclare, dans sa seconde Apologie, qu'il s'attend ce dnouement de leurs

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    polmiques On a suppos que Crescens avait tenu parole ; mais nous n'en avons pas la preuve.Les Actes du martyre qui relatent sa mort (et sont considrs comme authentiques) disentseulement que, pendant une perscution, on arrta Justin avec six autres chrtiens sous laprfecture de Junius Rusticus, c'est--dire entre 163 et 167.

    La mmoire de St Justin et de ses compagnons de martyre est fte le 1er

    juin

    Ses oeuvresParmi les uvres attribues saint Justin qui sont parvenues jusqu' nous, trois seulementsont certainement authentiques :les deux apologies :* Apologie en faveur des chrtiens adresse Antonin le Pieux ()* Apologie en faveur des chrtiens adresse au Snat Romain ()

    et*le Dialogue avec le Juif Tryphon, ().

    Beaucoup d'autres crits ne sont pas parvenus jusqu' nous.Nous savons par lui-mme (Apol., I, xxvi) qu'il avait compos un ouvrage contre les hrsies :.Saint Irne cite (IV, vi, 2) un ;Tatien (18) un .Eusbe (IV, xviii) fait mention de ce dernier ouvrage, ainsi que de plusieurs autres, galementperdus : ;;;.

    Plusieurs autres ouvrages portent le nom de saint Justin, mais ne sont pas de lui. On rejettegnralement comme apocryphes leDiscours aux Gentils, l'Exhortation aux Gentils, et leDeMonarchia. Au reste, il n'est pas impossible que mme des crits attribus par Eusbe saintJustin ne soient pas authentiques.

    Les uvres de saint Justin sont d'un philosophe autant que d'un thologien. lev dans lesspculations du Platonisme, il est le premier qui ait tent un essai de conciliation entre laphilosophie et le christianisme. A ses yeux, la vrit est une : elle a pour source unique leVerbe divin. Le Verbe rpandu dans le monde () s'est rvl partiellementaux sages de l'antiquit, Socrate, Hraclite et les autres, qui furent chrtiens sans le savoir.Plus tard, le Logos se rvla compltement, quand il s'incarna dans la personne du Christ. La

    doctrine chrtienne n'est pas la ngation, mais l'expression la plus haute de la philosophierationnelle. Aussi philosophes et chrtiens s'accordent- ils dans leurs enseignements sur Dieu,l'me, la vertu, l'immortalit. Il n'est donc pas tonnant qu'ils aient les mmes ennemis, lesdmons, dont la haine poursuivit Socrate, comme elle poursuit les fidles du Christ. Cetteapproche des rapports entre la philosophie et la thologie chrtienne s'expliquent d'autant plusfacilement que, d'aprs saint Justin, les crivains de l'antiquit sont postrieurs Mose etdoivent aux Livres Saints la plupart des vrits qu'ils ont exprimes.

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    St Justin le PhilosophePremire apologie,

    adresse Antonin le Pieux

    Traduction franaise indtermine

    1. A l'empereur Titus Elius Adrien Antonin, Pieux, AugusteCsar; Verissime son fils, philosophe, et Lucius,philosophe, fils de Csar par la nature et de l'empereur paradoption; au sacr snat; et tout le peuple romain; pour ceshommes de toute race, injustement has et perscuts, moi, l'und'eux, Justin, fils de Priscus, fils de Bacchius, de la nouvelle Flavie en Syrie, Palestine, j'aicrit et prsent la requte suivante.

    2. C'est pour tous ceux qui sont rellement pieux et sages un devoir command par la raison,de chrir et d'honorer exclusivement la vrit, en renonant suivre les opinions anciennes si

    elles s'en cartent. Car non seulement cette loi de la raison ordonne de fuir ceux qui font etenseignent le mal, mais il faut encore que l'ami de la vrit s'attache, ft-ce mme au pril desa vie et y trouvt-il danger de mort, strictement observer la justice dans ses paroles et dansses actions. Or, vous tous qui vous entendez partout appeler pieux et sages, gardiens de la

    justice et amis de la science, il va tre prouv si vous l'tes en effet. Car nous n'avons pascompos cet crit pour vous flatter ni pour gagner vos bonnes grces: nous venons pour vousdemander d'tre jugs d'aprs les prceptes de la saine raison, et pour empcher aussiqu'entrans par la prvention, par trop de condescendance aux superstitions des hommes, parun mouvement irrflchi, par de perfides rumeurs que le temps a fortifies, vous n'alliezporter une sentence contre vous-mmes. Car tant que l'on ne nous convaincra pas d'tre desmalfaiteurs et des mchants, on ne pourra pas nous faire de mal. Vous, vous pouvez nous tuer,

    mais nous nuire, jamais.

    3. Et pour que ces paroles ne vous semblent ni tmraires ni draisonnables, nous voussupplions de rechercher les crimes dont on nous accuse. S'ils sont prouvs, que l'on nouspunisse comme cela est juste: que l'on nous punisse mme avec plus de svrit. Mais aussi, sivous ne trouvez rien nous reprocher, la saine raison ne s'oppose-t-elle pas ce que, sur desbruits calomnieux, vous perscutiez des innocents, ou plutt ce que vous ne vous fassiez tort vous-mmes, en suivant moins les inspirations de l'quit que celles de la passion? Touthomme sens conviendra que la plus belle garantie et la condition essentielle de la justice est,d'une part, pour les sujets, la facult de prouver l'innocence de leurs paroles et de leursactions, et, d'autre part, pour les gouvernants, cette droiture qui leur fait rendre leurs sentences

    dans un esprit de pit et de sagesse, et non pas de violence et de tyrannie. Alors souverains etsujets jouissent d'un vrai bonheur. Car un ancien l'a dit: "Si les princes et les peuples ne sont

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    pas philosophes, il est impossible que les tats soient heureux." Ainsi donc c'est nousd'exposer aux yeux de tous notre vie et notre doctrine, pour qu' tous ceux qui peuvent ignorernos prceptes, nous leur fassions connatre les chtiments que, sans s'en douter, ils encourentpar leur aveuglement: et c'est vous de nous couter avec attention, comme la raison vousl'ordonne, et de nous juger ensuite avec impartialit. Car, si en pleine connaissance de cause,

    vous ne nous rendiez pas justice, quelle excuse vous resterait-il devant Dieu?

    4. Ce n'est pas sur le simple nonc du nom et abstraction faite des actions qui s'y rattachentque l'on peut discerner le bien ou le mal. Car, ne considrer que ce nom qui nous accuse,nous sommes irrprochables. Mais, comme, au cas ou nous serions coupables, nous tiendrionspour injuste de devoir un nom seul notre absolution, de mme, s'il est prouv que notreconduite n'est pas plus coupable que notre nom, votre devoir est de faire tous vos efforts pourempcher qu'en perscutant injustement des innocents, vous ne fassiez affront la justice. Lenom seul en effet ne peut raisonnablement pas tre un titre la louange ou au blme, s'il n'y ad'ailleurs dans les actes rien de louable ou de criminel. Les accuss ordinaires qui paraissentdevant vous, vous ne les frappez qu'aprs les avoir convaincus: et nous, notre nom suffit pour

    nous condamner. Et pourtant, ne considrer que le nom, vous devriez bien plutt svircontre nos accusateurs. Nous sommes chrtiens: voil pourquoi l'on nous accuse: il estpourtant injuste de perscuter la vertu. Que si quelqu'un de nous vient renier sa qualit et dire: Non, je ne suis pas chrtien, vous le renvoyez comme n'ayant rien trouv de coupable enlui: qu'il confesse, au contraire, courageusement sa foi, cet aveu seul le fait traner ausupplice, tandis qu'il faudrait examiner et la vie du confesseur et la vie du rengat, et les jugerchacun selon leurs uvres. Car, si ceux qui ont appris du Christ leur matre ne pas separjurer donnent par leur fermet dans les interrogatoires le plus persuasif exemple et la pluspuissante exhortation, ceux-l aussi qui vivent dans l'iniquit fournissent peut-tre un prtexte toutes les accusations d'impit et d'injustice que l'on intente aux chrtiens; mais ce n'estcertes pas l de l'quit. En effet, parmi tous ceux qui se parent du nom et du manteau dephilosophes, il en est beaucoup aussi qui ne font rien de digne de ce titre, et vous n'ignorezpas que, malgr la plus complte contradiction dans leurs ides et leurs doctrines, les matresanciens ont tous t compris sous la dnomination unique de philosophes. Quelques-unsd'entre eux ont enseign l'athisme. Dans leurs chants, vos potes clbrent les incestes deJupiter avec ses enfants. Et tous ceux qui donnent de pareilles leons, vous ne leur fermezpas la bouche: que dis-je? Pour prix de leurs pompeuses insultes, vous les comblez d'honneurset de rcompenses!

    5. Pourquoi donc tant de haine contre nous? nous nous dclarons les ennemis du mal et detoutes ces impits, et vous n'examinez pas notre cause: loin de l, victimes de votre aveugle

    emportement, tournant sous le fouet des gnies du mal, vous vous inquitez peu de nous punirau mpris de toute justice. Or coutez: car il faut que la vrit se fasse jour. Quand autrefoisles gnies du mal eurent manifest leur prsence en enseignant l'adultre aux femmes, lacorruption aux enfants, et en frappant les hommes d'pouvante; alors, sous le coup de cetteimmense terreur, le monde entier, abdiquant les conseils de la raison, cdant l'effroi, et aussiignorant la pernicieuse mchancet de ces dmons, le monde en fit des dieux et les rvrasous le nom qu'ils s'taient eux- mmes choisi. Et si, dans la suite, Socrate, avec la puissanceet la droiture de sa raison, tenta de dvoiler ces choses et d'arracher les hommes au joug desdmons, ceux-ci mirent aussitt en uvre la malignit de leurs adorateurs, et Socrate, accusd'enseigner le culte de gnies nouveaux, fut condamn mort comme impie et comme athe.Mme conduite envers nous. Car ce n'est pas seulement au milieu des Grecs que le Verbe a

    fait, par l'organe de Socrate, de semblables rvlations; il a parl au milieu des barbares; maisalors il tait incarn: il s'tait fait homme et s'appelait Jsus-Christ. Et nous, qui avons mis

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    notre foi dans ce Verbe, nous disons que tous ces dmons-l, loin d'tre bienfaisants, ne sontque de perfides et de dtestables gnies, puisqu'ils agissent comme ne ferait pas un hommequelque peu jaloux de pratiquer la vertu.

    6. De l vient qu'on nous appelle athes. Athes; oui certes, nous le sommes devant de pareils

    dieux, mais non pas devant le Dieu de vrit, le pre de toute justice, de toute puret, de toutevertu, l'tre de perfection infinie. Voici le Dieu que nous adorons, et avec lui son fils qu'il aenvoy et qui nous a instruits, et enfin l'esprit prophtique; aprs eux, l'arme des bons anges,ses satellites et ses compagnons reoivent nos hommages. Devant eux nous nous prosternonsavec une vraie et juste vnration. Voil ce culte tel que nous l'avons appris et tel que noussommes heureux de le transmettre tous ceux qui sont dsireux de s'instruire.

    7. On nous dira peut-tre: Des chrtiens arrts ont t convaincus de crime. Ne vous arrive-t-il pas sans cesse, quand vous avez examin la conduite d'un accus, de le condamner? Mais, sivous le condamnez, est-ce parce que d'autres ont t convaincus avant lui? Nous lereconnaissons sans peine, en Grce la dnomination unique de philosophes s'est tendue

    tous ceux qui ont t les bienvenus y exposer leurs doctrines, toutes contradictoires qu'ellespussent tre; de mme, parmi les barbares une qualification accusatrice s'est attache tousceux qui se sont mis pratiquer et enseigner la sagesse: on les a tous appels chrtiens. C'estpour cela que nous vous supplions d'examiner les accusations dont on nous accable, afin que,si vous rencontrez un coupable, il soit puni comme coupable et non pas comme chrtien; maisque, si vous trouvez un innocent, il soit absous comme chrtien et comme innocent. Alors,croyez-le bien, nous ne vous demanderons pas de svir contre nos accusateurs; ils sont assezpunis par la conscience de leur perfidie et par leur ignorance de la vrit.

    8. Remarquez-le d'ailleurs; c'est uniquement cause de vous que nous donnons cesexplications. Car vos interrogatoires nous pourrions nous contenter de rpondre non; maisnous ne voudrions pas de la vie achete par un mensonge. Tous nos dsirs tendent cetteexistence, ternelle, incorruptible, au sein de Dieu le pre et le crateur de l'univers; et nousnous htons de le confesser hautement, persuads fermement que ce bonheur est rserv ceux qui par leurs uvres auront tmoign Dieu leur fidlit le servir et leur zle ardent conqurir cette cleste demeure, inaccessible au mal et au pch. Voil en peu de mots quellessont nos esprances, les leons que nous avons reues du Christ et les prceptes que nousenseignons. Platon a dit de Rhadamanthe et de Minos que les mchant taient traduits leurtribunal et y recevaient leur chtiment: nous, nous disons cela du Christ; mais, selon nous, le

    jugement frappera les coupables en corps et en me, et le supplice durera, non pas seulementune priode de mille annes, comme le disait Platon, mais l'ternit tout entire. Que si cela

    parat incroyable, impossible, nous rpondrons que c'est l tout au plus une erreur sansconsquence dangereuse, et qu'il n'y a pas l matire au plus lger reproche.

    9. Si nous ne nous couronnons pas de fleurs, si nous ne sacrifions pas de victimes en l'honneurde tous ces dieux que la main des hommes a taills et qu'elle a dresss dans les temples, c'estque dans cette matire brute et inanime nous ne voyons rien qui ait mme une ombre dedivinit (en effet, il nous est impossible de croire que Dieu ressemble ces images que l'onprtend faites en son honneur). Non, ce sont l les simulacres et les insignes de ces gnies dumal dont nous parlions nagure. Est-il donc besoin de vous le dire, et ne savez-vous pas biencomment les artistes travaillent la matire, comme ils la taillent et la sculptent, comme ils lafondent et la battent? Et combien de fois les vases les plus ignobles, n'ayant fait sous la main

    de l'ouvrier que changer de forme et de figure, ne sont-ils pas devenus des dieux? Voil ce qui nos yeux est une absurdit, et, de plus, un outrage la majest divine, puisqu'au mpris de la

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    gloire et de l'ineffable substance de Dieu, son saint nom est prostitu de viles et corruptiblescrations. Tous ces artistes eux-mmes, ce sont des impies, vous ne l'ignorez pas. Ils sontlivrs tous les vices; et, pour n'en citer qu'un trait, ne vont-ils pas jusqu' outrager les jeunesfilles qui partagent leurs travaux? Stupidit incroyable! C'est des dbauchs qu'il est donnde crer et de faire ces dieux devant qui le monde va se prosterner! Et voil les gardiens du

    sanctuaire de ces divinits! et on ne comprend pas tout ce qu'il y a de criminel penser et dire que des hommes sont les gardiens des dieux!

    10. Quant nous, nous savons que Dieu n'a pas besoin des offrandes matrielles des hommes,lui qui possde toutes choses; mais nous avons appris et nous tenons pour vritable qu'il agreceux qui tchent d'imiter ses perfections et de pratiquer la puret, la justice, la charit, enfintoutes les perfections de ce Dieu ineffable. C'est lui qui dans sa bont souveraine a daigntirer le monde du chaos primitif pour le donner aux hommes; c'est lui qui leur a promis aussi,s'ils se montrent par leurs uvres dignes des desseins de la Providence, de leur accorder, dansle sein de sa gloire la couronne incorruptible de l'immortalit. Car, si dans l'origine, lorsquenous n'tions pas encore, il a bien voulu nous crer, de mme aussi il accordera l'ternelle

    jouissance de sa gloire ceux qui se seront efforcs de choisir les moyens de lui plaire. Eneffet, il ne dpendait pas de nous d'tre crs; tandis que, pour nous attacher ce qui peutplaire Dieu, il suffit d'employer les forces de la raison qu'il nous a donne, il suffit de cderaux inspirations et aux lumires de la foi que sa grce nous prodigue chaque jour. Aussiregardons-nous comme de la plus haute importance pour tous les hommes, non seulement dene pas tre dtourns de ces enseignements, mais d'y tre, au contraire, puissammentencourags. Car ce que n'avaient pas pu faire les lois humaines, l'esprit divin l'aurait fait, si lesdmons, appelant leur aide la nature perverse et les mauvaises passions de chacun, n'avaientinvent et rpandu contre nous, malgr notre innocence, les plus odieuses calomnies et lesplus perfides accusations.

    11. Quand vous nous entendez parler de ce royaume, objet de nos esprances, vous vousimaginez bien tort qu'il s'agit d'un royaume humain: non, nous parlons du royaume de Dieu.Ce qui le prouve, c'est que nous confessons hautement devant vous notre titre de chrtiens,quoique nous n'ignorions pas que cet aveu vaut la mort. Et ne voyez-vous pas que, si nousattendions une couronne humaine, nous renierions notre foi, nous prendrions le plus grandsoin de nous cacher pour conserver notre vie et pour arriver au but de nos dsirs? Mais non,nos esprances ne sont pas dans le temps, et alors nous nous rions des bourreaux; car, aprstout, ne faut-il pas mourir?

    12. Certes vous trouvez en nous les plus utiles amis et les plus zls partisans de l'ordre et de

    la paix, puisque, d'aprs notre doctrine, nul ne peut se soustraire aux regards de Dieu: lemchant, l'avare, le perfide, pas plus que le vertueux et le juste, et qu'en raison de ses uvres,chacun marche au supplice ou au salut ternels. Si tous les hommes taient bien persuads decette vrit, quel est celui qui voudrait commettre un crime d'un instant avec la conscienced'avoir l'expier par les tourments du feu ternel? Avec quel soin, au contraire, chacun ne secontiendrait-il pas, ne s'ornerait-il pas de toutes les vertus, autant pour viter le chtiment quepour mriter la rcompense promise! Ce n'est jamais la crainte de vos lois et de vos peines quifait chercher au coupable le moyen de se cacher; car il sait bien, quand il commet son crime,que vous tes des hommes, et que l'on chappe votre justice. Mais, s'il tait persuad queDieu ne peut rien ignorer, pas une action, pas mme une pense, alors peut-tre l'imminentefrayeur du supplice lui ferait pratiquer la vertu; vous n'en disconviendrez pas. Et pourtant il

    semblerait que vous redoutez de voir tous vos sujets vertueux, que vous craigniez de n'avoirplus frapper. Ce serait l agir en bourreaux, et non pas en bons princes. Tout cela, nous le

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    croyons fermement, est l'uvre de ces perfides dmons, divinits auxquelles sacrifient lesmchant et les insenss. Mais vous, princes, qui aimez la pit et la sagesse, vous n'agirez pasainsi contre toute raison. Que si, dans un semblable esprit de dmence, vous prfriez couterle prjug et faire taire la vrit, dployez alors toute votre puissance. Les princes eux-mmes,quand ils sacrifient la vrit l'opinion, ne sont pas plus forts que de misrables brigands dans

    le dsert. Et prenez-y garde, car il vous en arrivera malheur: c'est le Verbe lui-mme, de tousles princes le plus royal et le plus saint avec Dieu son pre, qui vous le dclare. Or commepersonne n'est jaloux de recueillir en hritage la pauvret, la douleur ou la honte, tout hommesens se gardera bien de suivre les voies interdites par le Verbe. D'ailleurs toutes cesperscutions dont j'ai parl, elles ont t prdites par notre matre, le fils et l'envoy du pre etdu souverain de l'univers, Jsus-Christ, qui nous devons notre glorieux nom de chrtiens. Et,nous vous le demandons, notre foi dans sa parole ne devient-elle pas inbranlable quand nousvoyons toutes ses prdictions se raliser? C'est l l'uvre de Dieu: il parle, il annonce l'avenir,et l'vnement s'accomplit tel qu'il l'a prdit. Ici nous pourrions nous arrter et ne plus rienajouter; nous avons prouv la bont de notre cause et la justice de nos rclamations. Mais ilest difficile, nous le savons, de convaincre un esprit possd par l'ignorance. Aussi, pour

    achever de convaincre les sincres amis du vrai, nous avons rsolu d'ajouter encore quelquesmots, dans la persuasion que l'clat de la vrit pourra dissiper les tnbres de l'erreur.

    13. Est-il maintenant un homme raisonnable qui oserait dire que nous sommes des athes,nous qui adorons le crateur de l'univers? Notre Dieu n'a pas besoin de sang, ni de parfums, nide libations: les offrandes dignes de lui sont des hymnes de pit et de reconnaissance. Lavraie manire de l'honorer, ce n'est pas de consumer inutilement par le feu les choses qu'il acres pour notre subsistance, mais de nous servir de ces aliments, de les partager avec lespauvres, et aussi, dans un juste sentiment de gratitude, de clbrer la gloire divine par desaints cantiques: nous le savons, et en consquence nous le bnissons de toutes nos forces etnous lui rendons grces pour la vie qu'il nous a donne, pour les soins qu'il prend de notreexistence, pour les diverses qualits des choses, pour les changements des saisons, et surtoutpour cette immortalit future, magnifique rcompense promise notre foi. Avec ce Dieusuprme nous adorons encore deux autres personnes: celui qui est venu pour nous enseignersa doctrine, Jsus-Christ notre matre, crucifi en Jude sous Ponce-Pilate, du temps deTibre-Csar, vritablement fils de Dieu; et enfin l'Esprit prophtique, culte minemmentraisonnable, comme nous vous le dmontrerons. A ce propos on crie la folie: quelleabsurdit, en effet, de placer ct du Dieu immuable et ternel, ct du crateur du monde,un homme crucifi! C'est qu'il y a l un mystre que vous ignorez: nous allons vous ledcouvrir. Ecoutez et prtez-nous toute votre attention.

    14. Avant tout, nous vous en prvenons, prenez bien garde de ne pas vous laisser sduire parla malice des dmons soulevs contre nous; prenez garde qu'ils ne vous dtournent de nouslire et de nous comprendre (car ils emploient tout leur pouvoir vous vaincre, vous asservir;et par les visions du sommeil comme par les prestiges de la magie, ils enveloppent etsaisissent tous ceux qui ne veillent pas et ne combattent pas pour leur salut). Aussi, ds quenous avons cru au Verbe, nous sommes-nous loigns d'eux, et les avons-nous fuis pour nousattacher invinciblement par Jsus-Christ au Dieu incr. Autrefois nous prenions plaisir ladbauche, aujourd'hui la chastet seule fait nos dlices. Nous avions recours aux sortilges et la magie, et maintenant nous nous dvouons tout entiers au Dieu bon et immortel. Au lieu decette ambition et de cette insatiable avidit qui nous dvoraient, maintenant une doucecommunaut nous runit; tout ce que nous possdons, nous le partageons avec les pauvres.

    Les haines, les meurtres dvastaient nos rangs; la diffrence de murs et d'institutions nousfaisaient refuser l'tranger l'hospitalit de notre foyer; et maintenant, depuis la venue du

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    Christ, une fraternelle charit nous unit; nous prions pour nos ennemis; ceux qui nousperscutent, nous tchons de les convaincre: nous nous efforons de leur persuader que tousceux qui suivent les divins prceptes du Christ ont droit d'esprer comme nous la rcompensepromise par le matre de l'univers. Mais pour que l'on ne nous accuse pas de vouloir vouspayer de paroles, il ne sera pas inutile, je pense, de vous rappeler, avant d'en venir la

    dmonstration, quelques-uns des prceptes du Christ; et nous nous en remettrons vouscomme de puissants et d'quitables princes, pour juger si nos enseignements sont conformes ceux que nous a donns notre matre. Ses maximes sont brves et concises; car ce n'tait pasun sophiste, mais la puissance de la parole de Dieu tait en lui.

    15. Voici ce qu'il dit de la chastet: "Quiconque aura regard une femme pour la convoiter adj commis l'adultre dans son coeur." Et: "Que si votre oeil droit vous scandalise; arrachez-le et jetez-le loin de vous; il vaut mieux n'avoir qu'un oeil et entrer dans le royaume des cieux,qu'avoir deux yeux et tre jet dans le feu ternel." Et: "Celui qui pouse la femme rpudiepar un autre homme commet un adultre." Et: "Il y a des eunuques sortis tels du sein de leurmre; il y en a que les hommes ont fait eunuques, et il y en a qui se sont faits eunuques eux-

    mmes en vue du royaume des cieux; mais tous n'entendent pas cette parole." Ainsi ceux qui,selon la loi des hommes, contractent un second mariage aprs leur divorce, comme ceux quiregardent une femme pour la convoiter, sont coupables aux yeux de notre matre; il condamnele fait et jusqu' l'intention de l'adultre; car Dieu voit non seulement les actions de l'homme,mais mme ses plus secrtes penses. Et pourtant combien d'hommes et de femmes sontparvenus plus de soixante et soixante-dix annes, qui, nourris depuis leur berceau dans la foidu Christ, sont rests purs et irrprochables durant leur longue carrire! Ce fait se retrouvedans les peuples de toute contre; je m'engage le prouver. Et faut-il ce propos rappeler lamultitude innombrable de ceux qui ont rompu avec le vice pour se captiver sous l'obissancede la foi? car ce ne sont pas les hommes chastes et saints que le Christ convie au repentir, sesont les impies, les dbauchs, les mchants. Il le dit lui-mme: "Je ne suis pas venu appelerles justes la pnitence, mais les pcheurs; car le Pre cleste aime mieux le repentir que lechtiment du pcheur. Ecoutez maintenant ce que dit le Christ sur la charit envers tous: "Sivous aimez ceux qui vous aiment, que faites-vous de nouveau? Les impudiques en font autant.Mais moi je vous dis: Aimez vos ennemis; faites du bien ceux qui vous hassent; bnissezceux qui vous maudissent; et priez pour ceux qui vous calomnient." Sur l'obligation de donneraux pauvres et de ne rien faire pour la vaine gloire, voulez-vous savoir ce qui nous estprescrit: "Donnez celui qui vous demande: Ne refusez pas celui qui veut emprunter devous; car si vous prtez ceux de qui vous croyez recevoir, quel gr vous en saura-t-on? Lespublicains en font autant. N'amassez pas de trsors sur la terre, ou la rouille et les versdvorent, et o les voleurs fouillent et drobent; mais amassez des trsors dans le ciel, o ni la

    rouille ni les vers ne dvorent; car que sert un homme de gagner l'univers entier et de perdreson me? Et qu'est-ce que l'homme donnera en change pour son me? Amassez donc destrsors dans le ciel, ou ni les vers ni la rouille ne dvorent." Et: "Soyez doux et misricordieuxcomme votre Pre est doux et misricordieux; lui qui fait lever son soleil sur les bons commesur les mchants. Ne vous inquitez point pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pourvotre corps ou vous trouverez des vtements. Ne valez-vous pas mieux que les oiseaux et lesbtes? et Dieu les nourrit. Ne vous inquitez donc pas pour votre vie de ce que vousmangerez, ni pour votre corps o vous trouverez des vtements; car votre Pre cleste sait quevous avez besoin de tout cela. Cherchez le royaume de Dieu, et ces choses vous serontdonnes par surcrot. L'me de l'homme est l o est son trsor." Et: "Ne faites pas ces chosespour tre en spectacle aux hommes; car autrement vous ne gagnerez pas la rcompense

    promise par votre Pre qui est dans les cieux."

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    16. Faut-il nous rendre humbles, serviables, patients? Voici ses prceptes: "Si l'on vous frappesur une joue, tendez l'autre; si l'on vous enlve votre manteau, donnez aussi votre tunique.Celui qui se met en colre s'expose au feu ternel. Si quelqu'un vous force a le suivre pendantun mille, accompagnez-le pendant deux; et que vos bienfaits brillent aux yeux des hommes,de sorte que, les voyant, ils admirent votre Pre qui est dans les cieux." Dieu ne nous permet

    pas de nous rvolter: il ne veut pas que nous nous fassions les imitateurs des mchants; aucontraire, il nous engage employer la patience et la douceur pour arracher les hommes l'avilissement des mauvaises passions. C'est ce dont nous pourrions facilement trouver despreuves parmi vous, en vous citant tous ceux qui ont chang leurs habitudes de violence et detyrannie, vaincus par l'exprience journalire et par l'exemple de la puret de leurs voisins; parla vue de leur admirable patience supporter les outrages, ou enfin par l'examen de leurconduite et de leurs moeurs. Nous ne devons pas jurer, et nous sommes obligs de diretoujours la vrit. Ecoutez: "Ne jurez en aucune manire: que si c'est oui, dites oui; que si c'estnon, non; ce que vous ajouteriez de plus serait mal." La loi de l'adoration d'un seul Dieu, voicicomme il nous l'impose: "C'est ici le plus grand commandement: tu adoreras le Seigneur tonDieu, et tu rendras lui seul le culte souverain de tout ton coeur et de toute ta force, car c'est

    ton Seigneur Dieu qui t'a fait." Un homme s'approche de Jsus, en lui disant: "Matre parfait!Nul n'est parfait que Dieu seul, le crateur du monde, "rpond Jsus. Et pour tre reconnucomme chrtien, il ne suffit pas de proclamer de bouche la doctrine du Christ, il faut la suivredans toutes les actions de la vie; car ce n'est pas ceux qui parlent, mais ceux qui agissentque le salut ternel est promis. Ecoutez: "Tous ceux qui me disent: Seigneur, Seigneur,n'entreront pas dans le royaume des cieux: celui-l y entrera qui fait la volont de mon Prequi est dans les cieux; car celui qui m'coute et fait ce que je dis coute celui qui m'a envoy.Il y en a beaucoup qui me disent: Seigneur, Seigneur, est-ce que nous n'avons pas bu et mangen votre nom? est-ce que nous n'avons pas fait des miracles? Et alors, moi je leur dirai: Loinde moi, artisans d'iniquit! Et alors, il y aura l des pleurs et des grincements de dents; et les

    justes brilleront comme le soleil, et les mchants seront prcipits au feu ternel. Et, en effet,vous en verrez beaucoup venir en mon nom, qui au dehors seront revtus de peaux de brebis,et au dedans sont des loups ravissants. Vous les connatrez par leurs oeuvres; et tout arbre neportant pas de bons fruits sera coup et jet au feu." Chtiez donc tous ces gens qui ne sontchrtiens que de nom, et se conduisent en dpit des enseignements du Christ; chtiez-les, nousvous le demandons.

    17. Nous sommes les premiers payer les tributs entre les mains de ceux que vous avezprposs la leve des impts, car c'est encore l un prcepte du Christ. Des Juifs tant venusun jour lui demander s'il fallait payer le tribut Csar: "Dites-moi, je vous prie, de qui cettepice d'argent porte-t-elle l'effigie? De Csar, "rpondirent-ils. "Rendez donc Csar ce qui

    est Csar, et Dieu ce qui est Dieu." Aussi nous n'adorons que Dieu, et pour tout le restenous vous obissons de grand coeur, nous plaisant reconnatre en vous les princes et leschefs des peuples, et priant Dieu de vous accorder avec la souveraine puissance le don de lasagesse et de la raison. Que si, aprs tout, vous ddaignez nos prires, si vous mprisez nossuppliques et nos discours, nous ne nous en plaindrons pas et nous n'y perdrons rien; car, nousle croyons avec toute l'nergie de la conviction, chacun expiera ses actes dans le feu del'ternit, chacun rendra compte en raison de ce qu'il aura reu. C'est le Christ qui nousl'enseigne par cette parole: "Celui qui aura reu davantage, il lui sera demand davantage."

    18. Tournez les regards vers les empereurs qui vous ont prcd. Ils ont suivi la loi commune;ils sont morts comme tous les hommes. La mort devait-elle les plonger dans l'insensibilit du

    nant? Non, ce serait pour les mchants une faveur exorbitante. L'existence n'abandonne pasceux qui ont vcu, et les supplices ternels les saisissent au sortir de ce monde. Ecoutez,

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    prtez la plus grande attention: croyez surtout; car tout ceci est la vrit. Tous les prestiges dela ncromancie, l'inspection du cadavre palpitant d'un enfant, l'vocation des mes humaines,le ministre de tous ceux que les magiciens appellent les dispensateurs et les satellites dessonges, les oprations de ces adeptes, en est-ce assez pour vous faire croire que l'me aprs lamort conserve sa sensibilit? faut-il vous parler de ceux que vous voyez saisis et subjugus

    par les mes des morts, furieux et dmoniaques aux yeux de tous, oracles vos yeux, lesAmphiloques, les Pythies, les Dodones et mille autres? Voulez-vous les tmoignages descrivains, d'Empdocle et de Pythagore, de Platon et de Socrate? Et le gouffre infernald'Homre, et la descente d'Ulysse dans ce Tartare, et tant d'autres auteurs? Eh bien! nous nevous demandons qu'une chose, c'est de nous mettre l'gal de tous ces crivains, nous quicroyons autant et bien plus qu'eux en la divinit, puisque nous esprons voir un jour nos corpseux-mmes, cadavres enfouis dans la terre, se relever pour nous recevoir une seconde fois;car, nous le disons, rien n'est impossible Dieu.

    19. Certes, y rflchir attentivement, ne nous semblerait-il pas incroyable, si nous n'avionspas nos corps, d'entendre quelqu'un nous dire: Vous voyez ces chairs, ces os, ces nerfs, toute

    cette substance de l'homme, quelques gouttes de liqueur sminale suffisent pour la former etla produire? Or, raisonnons dans cette hypothse: oubliez un instant votre humanit et votreorigine, et supposez que l'on prsente vos regards, d'un ct l'image d'un homme, et del'autre cette faible semence, et qu'on vous dise: Ceci peut produire cela; croiriez-vous unepareille assertion avant de l'avoir vue ralise? Personne n'osera dire que oui. Eh bien!cependant, vous ne croyez pas la rsurrection des morts. Nous n'avons pas vu de mortressuscit, dites-vous? Et la possibilit de la gnration par des moyens aussi dbiles, vous nel'auriez pas crue d'abord; cependant vous en voyez partout le phnomne accompli chaque

    jour. Consquemment vous devez admettre la possibilit d'une rsurrection pour ces cadavrescorrompus que la dissolution a presque rduits l'tat de semence. Vous devez croire qu' laparole de Dieu ils pourront bien, au jour marqu, se redresser et revtir l'immortalit. Et, eneffet, serait-ce donner une ide convenable de la puissance divine que de dire avec certainesgens: Chaque chose retourne l'lment d'o elle est sortie, et Dieu mme ne peut rien fairede contraire cette loi? Non, nous ne pouvons accorder une opinion semblable. Mais ce quenous en concluons, c'est que ceux qui la dfendent n'auraient jamais cru la possibilit de leurpropre cration, de celle du monde entier, tel qu'il est, et avec l'origine qu'ils lui voient. Pluttque de partager leur incrdulit, ajoutons foi ces mystres incomprhensibles pour notrehumaine nature: c'est le parti le plus sage, c'est la doctrine de Jsus-Christ; car ne nous a-t-ilpas dit: "Ce qui est impossible l'homme est possible Dieu." Et: "Ne craignez pas ceux quivous tuent, ils ne peuvent rien au-del. Mais craignez celui qui, aprs la mort, peut prcipitervotre corps et votre me dans la ghenne." Or, cette ghenne, c'est le lieu o sont tortures ceux

    qui ont vcu dans l'iniquit et qui n'ont pas cru la ralisation des paroles que Dieu nous a faitannoncer par le Christ.

    20. Et la Sibylle et Hystaspe vous disent que toute la nature corruptible prira par le feu; etles philosophes de l'cole stocienne prtendent que Dieu lui-mme se rsoudra en feu, etqu'aprs la ruine universelle le monde renatra de nouveau. Mais nous, combien ne sommes-nous pas suprieurs ces doctrines versatiles, avec notre croyance en un Dieu crateur del'univers? Ainsi, non seulement nos doctrines ressemblent celles des philosophes et despotes le plus en honneur auprs de vous, mais mme, dans de certains points, nous parlonsun langage plus vrai et plus saint. Seuls enfin, nous prouvons nos assertions. Pourquoi doncmaintenant sommes-nous injustement poursuivis de la haine de tous? Dire que Dieu a tout

    cr et tout ordonn dans le monde, n'est-ce pas rpter un dogme de Platon? L'ide del'embrasement universel nous est commune avec les stociens. Croire que les mes des

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    mchants conservent la sensibilit aprs la mort, et qu'elles sont chties pour leurs crimes,tandis que celles des justes vitent les supplices et jouissent de la flicit, ce n'est que partagerle sentiment des potes et des philosophes. Quand enfin nous dtournons les hommes d'adorerdes tres pires qu'eux, nous ne faisons que rappeler les paroles de Mnandre le pote comique,et de tous ceux qui ont crit dans le mme sens. Tous en effet ont proclam que le crateur

    tait plus grand que la crature.

    21. Et quand nous parlons du Verbe engendr de Dieu avant tous les sicles; quand nousdisons qu'il est n d'une vierge sans aucune coopration trangre; qu'il est mort, et qu'aprstre ressuscit il est mont au ciel; nos rcits ne sont pas plus tranges que l'histoire de cespersonnages que vous appelez fils de Jupiter. Vous n'ignorez pas en effet combien vos plusclbres auteurs lui donnent d'enfants. C'est un Mercure, son interprte, son verbe, charg detout apprendre au monde; c'est un Esculape, qui, foudroy pour avoir exerc son art demdecin, est enlev au ciel; un Bacchus, qui est mis en pices; Hercule, qui se brle pour fairecesser ses travaux; les Dioscures, fils de Lda; Perse, fils de Dana; Bellrophon, que lecoursier Pgase ravit du milieu des mortels. Parlerai-je d'Ariane et de tous ceux qui comme

    elle sont devenus des astres? Et tous vos empereurs, peine sont-ils morts que vous voushtez d'en faire des immortels, et ne trouvez-vous pas au besoin un tmoin tout prt jurerqu'il a vu Csar s'lever resplendissant de son bcher vers les cieux? Au reste, il n'est pasncessaire de faire ici l'historique des hauts faits attribus tous ces enfants de Jupiter; vousles savez assez bien, et d'ailleurs ces rcits n'ont t crits que pour corrompre et dpraverl'esprit qui les tudie, puisque chacun pense qu'il ne peut mieux faire que d'imiter les dieux. Ya-t-il rien de plus contraire la saine ide de la divinit que de reprsenter Jupiter, lesouverain et le pre des dieux, comme fils d'un parricide et parricide lui-mme, livr aux plushonteuses dbauches, poussant la brutalit jusqu' abuser de Ganymde, jusqu' dshonorer ceprodigieux nombre de femmes d'o lui naquirent tous ces enfants, dignes imitateurs de leurpre? Ne voit-on pas l l'oeuvre des gnies du mal? Pour nous, notre doctrine nous apprendque l'immortalit est rserve ceux qui tchent de ressembler Dieu par la saintet de leurvie et la pratique de la vertu; tandis que le supplice du feu ternel attend ceux qui s'obstinent demeurer dans l'iniquit.

    22. Quant Jsus-Christ, que nous appelons le fils de Dieu, ne fut-il qu'un simple mortel, sasagesse lui mriterait ce titre; puisque tous les auteurs s'accordent donner la divinit lenom de pre des dieux et des hommes; que si, le croyant engendr d'une manire touteparticulire et surhumaine, nous l'appelons le Verbe de Dieu, nous ne faisons que luiappliquer la dnomination affecte Mercure, puisqu'on en parle comme du verbe, messagerde Dieu. Nous objectera-t-on qu'il a t crucifi; nous dirons qu'en cela il ressemble tous

    ceux des fils de Jupiter qui, selon vous, ont eu des tourments souffrir. Loin d'tre uniforme,leur genre de mort a t trs diffrent. Jsus aussi a eu son agonie part. Il ne le leur cde pasmme en cela. Combien au contraire ne les surpasse-t-il pas en tout! Htons-nous de leprouver, ou plutt la preuve est dj faite; car c'est par les actions que se constate lasupriorit. Jsus est n d'une vierge? oui, il a cela de commun avec Perse. Il gurissait lesboiteux et les paralytiques, les infirmes de naissance; il ressuscitait les morts. C'est ce quevous racontez d'Esculape.

    23. Mais, remarquez-le bien, si nous avons employ ce genre de preuves et ces assimilations,c'est que nous voulions vous dmontrer que la vrit se rencontre uniquement dans les leonsdu Christ et des prophtes ses prdcesseurs, plus anciens que tous vos crivains; et quand

    nous demandons d'tre crus, ce n'est pas en raison de ces ressemblances, c'est en raison de lavrit que nous annonons, c'est parce que nous vous disons que Jsus-Christ est le fils unique

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    du Pre, son premier-n, sa puissance, son Verbe; qu'il s'est fait homme par sa propre volont,et qu'il est venu nous instruire pour le salut et la rgnration du monde. Or, avant qu'il partparmi les hommes, ces gnies du mal, les dmons dont nous avons dj parl, se sont servisdes potes pour fausser d'avance le rcit de ces grands vnements, comme s'ils eussent djeu lieu; et ainsi ils sont parvenus inventer et faire croire contre nous les accusations les

    plus odieuses sans la moindre preuve et sans un seul tmoin. Voil la raison de notreargumentation.

    24. Ainsi donc, en premier lieu, nous ne faisons que ce que font les Grecs, et pourtant seulsnous souffrons perscution pour le nom du Christ. Nous ne commettons aucun crime, et onnous tue comme des sclrats. Tout autour de nous on adore des arbres, des fleuves, des chats,des souris, des crocodiles, des animaux de toute espce. Et ce culte n'est pas universel; non,chacun a son idole, en sorte que pour son voisin, dont il ne partage pas la croyance, c'est unimpie. Et le seul chef d'accusation que l'on puisse invoquer contre nous, c'est que nousn'adorons pas vos dieux, que nous ne faisons aux morts ni libations ni offrandes; que nous neconsacrons aux idoles ni couronnes ni victimes; des victimes! mais vous n'ignorez pourtant

    pas que ce qui est ici une victime, l est un dieu, plus loin une brute.

    25. En second lieu, remarquez-le bien, tandis que le genre humain entier se prosternait auxpieds de Bacchus et d'Apollon, dont les infmes dbauches font horreur; tandis qu'il adoraitProserpine et Vnus, dont vous clbrez dans vos mystres le honteux amour pour le jeuneAdonis; tandis qu'il rendait un culte Esculape et toute cette multitude de prtendus dieux;nous, au nom de Jsus-Christ et au pril de notre vie, nous avons foul aux pieds ces divinits,et embrass la foi ce Dieu incr, inaccessible au mal, et qui jamais ne descendit sur terrepour sduire une Antiope ou abuser d'un Ganymde; non, jamais notre Dieu n'eut besoin, pourse dlivrer de ses chanes, que Thtis implort le secours du gant cent bras; jamais pourprix d'un tel service il ne sacrifia des milliers de Grecs la colre d'Achille furieux del'enlvement de sa Brisis. Ceux qui croient de pareilles fables nous font piti, et nous n'ypouvons reconnatre que l'oeuvre des dmons.

    26. En troisime lieu, lorsque par son ascension le Christ eut t enlev au ciel, les dmonssuscitrent des hommes qui se prtendirent dieux: et vous, bien loin de les poursuivre, vousles avez combls d'honneurs. Un certain Simon, du bourg de Gitton, vint Rome du temps del'empereur Claude. Aid par les malins esprits, il fit dans votre ville impriale quelquesprodiges de magie, et aussitt on le prit pour un dieu, on lui leva une statue comme undieu. Cette statue est dans l'le du Tibre, entre les deux ponts, et elle porte cette inscriptionlatine: Simoni Deo sancto. Presque tous les Samaritains et quelques hommes d'autres nations

    le reconnaissent et l'adorent comme leur premire divinit. Et vous savez ce qu'on rapporte decette Hlne, qu'il avait retire d'une maison de prostitution pour en faire sa compagne et sonexpression intellectuelle, comme il le disait. Mnandre de Capparete, Samaritain aussi etdisciple de Simon, ne parvint-il pas, toujours par l'assistance des dmons, sduire par sesmagiques oprations les habitants d'Antioche, au point de persuader ses adeptes qu'ils nemourraient jamais? et nous voyons encore nombre de ses sectateurs. Marcion de Pont, qui vitencore, n'enseigne-t-il pas la croyance un dieu suprieur au crateur du monde? C'est lencore une oeuvre des gnies du mal, qui se sont servis de lui pour rpandre le blasphme surla terre, pour faire nier aux hommes que le crateur tout-puissant fut le pre du Christ, et pourleur faire professer, au contraire, l'existence d'un tre dont la puissance suprieur avait crdes ouvrages plus merveilleux. Tous les disciples de ces imposteurs sont, comme nous l'avons

    dit, compris sous la dnomination gnrale de chrtiens, de la mme manire que le nom dephilosophes s'applique une foule de gens qui ne partagent pas les mmes ides

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    philosophiques. Maintenant ces sectaires se rendent-ils coupables des crimes atroces dont lamalignit publique nous accuse, comme ces extinctions de lumires, ces mlanges confus dessexes, ces repas de chair humaine? Nous l'ignorons; mais ce que nous savons bien, c'est qu'aumoins, vous, vous ne leur faites pas un crime de leurs opinions et vous ne les massacrez pas.Au reste, nous avons compos un livre contre toutes les hrsies, et si vous voulez, nous vous

    en donnerons connaissance.

    27. Quant nous, loin de commettre aucune impit, aucune vexation, nous regardons commeun crime odieux l'exposition des enfants nouveau-ns; parce que d'abord nous voyons quec'est les vouer presque tous, non seulement les jeunes filles, mais mme les jeunes garons, une prostitution infme; car de mme qu'autrefois on levait des troupeaux de boeufs et dechvres, de brebis et de chevaux, de mme on nourrit aujourd'hui des troupes d'enfants pourles plus honteuses dbauches. Des femmes aussi et des tres d'un sexe douteux, livrs uncommerce que l'on n'ose nommer, voil ce qu'on trouve chez toutes les nations du Globe. Etau lieu de purger la terre d'un scandale pareil, vous en profitez, vous en recueillez des tributset des impts! D'ailleurs ne peut-il pas rsulter de cet odieux et sacrilge commerce un

    mlange affreux des pres avec leurs enfants, des frres avec leurs frres? Il est desmisrables qui prostituent leurs filles et leurs femmes: il en est qui se mutilent pour cetteinfme turpitude, pour les mystres de la mre des dieux; et chacune de vos divinits vousdonnez pour attribut ce grand et mystrieux symbole du serpent. Voil ce qui se fait chez vous la face du soleil: voil votre culte: Et vous nous imputez vos actes; et vous prtendez quenous touffons toutes les lumires divines! Au reste ce n'est pas nous que peut nuire unecalomnie de ce genre; elle retombe sur ceux qui commettent tous ces crimes et osent nous lesimputer.

    28. Parmi nous, le prince des gnies malfaisants s'appelle le serpent, le tentateur, Satan; etvous pouvez vous en assurer par la lecture de nos saintes lettres. C'est lui qui sera prcipitavec toute son arme et avec les hommes ses adorateurs dans le feu ternel pour y brler

    jamais: le Christ nous l'a prdit. Si un sursis a t accord cette condamnation, c'est enfaveur de l'homme; c'est en considration de son salut. Car Dieu sait bien que plusieurs serepentent dj, et que bien d'autres qui sont natre se repentiront aussi. Quand Dieu cra lanature humaine, il la fit intelligente et libre de choisir le bien et de s'y attacher, en sorte qu'l'homme raisonnable et intelligent il ne restt aucune excuse devant la justice divine. Aussiprtendre que Dieu ne se met point en peine des choses de ce monde, c'est dire qu'il n'y a pasde Dieu, ou que, s'il y en a, il ne se plat que dans le mal ou dans une insensibilit de pierre;c'est dire qu'il n'y a ni vice, ni vertu, et que le bien et le mal ne sont que des distinctionschimriques inventes par l'imagination humaine, ce qui est une haute impit et une odieuse

    injustice.29. Quant l'exposition des enfants, il est un motif encore qui nous la fait abhorrer. Nouscraindrions qu'ils ne fussent pas recueillis, et que notre conscience restt ainsi charge d'unhomicide. Au reste, si nous nous marions, c'est uniquement pour lever nos enfants; si nous nenous marions pas, c'est pour vivre dans une continence perptuelle. Nagure, un de nos frres,pour vous persuader qu'il n'y a parmi nous ni mystres impurs, ni mlanges infmes, prsenta Flix, prfet d'Alexandrie, une requte afin d'obtenir de se faire enlever les organes de lagnration. Les mdecins de la ville prtendaient ne pouvoir excuter cette opration sans lapermission du prfet. Flix ne voulut pas obtemprer cette demande, et le jeune homme fortde sa conscience et content de cet hommage rendu sa foi, conserva sa puret et vcut dans la

    chastet avec tous ceux qui partageaient sa croyance. Et ce propos, il me semble assez

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    curieux de faire mention ici de cet Antinous qui parut il y a peu de temps, imposteur effrontque l'on adorait dj comme un dieu, quoiqu'on st bien qui il tait et d'o il venait.

    30. Maintenant pour que personne ne tente de nous opposer que le personnage nomm parnous Christ n'est qu'un homme, fils d'un homme, et que ses miracles ne sont que des

    sorcelleries et des oeuvres de magie l'aide desquelles il a russi se faire passer pour le filsde Dieu, nous allons commencer notre dmonstration sur ce point, et vous prouver que cen'est pas sur des on dit que notre foi est fonde, mais sur des prophties publies bien avantl'vnement et sur la ralisation certaine et indubitable de ces faits annoncs, ralisation laquelle nous avons assist, laquelle nous assistons encore. Et ce sera l une magnifique etirrprochable dmonstration, nous en avons la ferme confiance.

    31. Il s'est rencontr chez les Juifs des hommes prophtes de Dieu, et dont l'Esprit saint seservait comme de hrauts pour annoncer l'avenir. Leurs prophties, mesure qu'elles taientprononces, taient soigneusement recueillies par les rois du moment, qui en possdaient lestextes; crits en hbreu de la main mme des prophtes. Quand Ptolme, roi d'Egypte,

    composa sa fameuse bibliothque, il eut connaissance de ces livres prophtiques, et il envoyaune ambassade Hrode, alors roi des Juifs, pour les lui demander. Hrode donna le textehbreu; mais cette langue tant inconnue aux Egyptiens, une nouvelle dputation vintsolliciter du roi des Juifs des hommes capables d'en faire une traduction grecque. Cette oeuvrefut excute, et ces livres sont rests jusqu' prsent aux mains des Egyptiens, comme ils sontpar toute la terre entre celles des Juifs. Mais c'est en vain que les Juifs les lisent, ils ne lescomprennent pas; au contraire, ils nous traitent comme leurs ennemis dclars; ils nousperscutent autant qu'il est en leur pouvoir; ils nous infligent comme vous les supplices et lamort: vous pouvez en avoir facilement la preuve. Voyez la dernire guerre de Jude,Barcochbas, le chef de la rvolte, ne svissait-il pas contre les chrtiens et contre eux seuls?Ne les accablait-il pas des plus cruelles tortures s'ils ne renonaient pas Jsus-Christ et s'ilsne blasphmaient pas son saint nom? C'est pourtant dans les livres des prophtes qu'estannonce la venue du Christ. Il y est dit qu'il doit natre d'une vierge; que, parvenu l'ged'homme, il gurira toutes les maladies et toutes les douleurs et ressuscitera les morts: quemconnu, perscut, il sera mis en croix, qu'il mourra et se ressuscitera pour remonter au ciel.Il y est dit qu'il est le fils de Dieu et qu'il sera reconnu pour tel; qu'il enverra par tout le genrehumain des hrauts pour l'annoncer, et que toutes les nations croiront sa parole. Et tout celaa t prophtis cinq mille, trois mille, deux mille, mille et enfin huit cents annes avantl'vnement, car telle est la succession des temps ou ont paru les prophtes.

    32. Mose, le premier de tous, a parl ainsi: "il ne manquera pas de prince de Juda, ni de chef

    de cette race jusqu' ce que vienne celui qui est attendu: celui-l sera l'esprance des nations;il attachera son non la vigne, et il lavera sa robe dans le sang de la grappe." Et voyez etrecherchez avec soin jusqu' quelle poque les Juifs ont eu un roi de leur nation. C'est

    justement celle o parut Jsus-Christ, notre matre, l'interprte des mystrieux oracles; et enlui s'est accompli ce que l'Esprit prophtique avait annonc par la bouche de Mose, savoirque le prince ne manquerait pas chez les Juifs jusqu' ce que fut venu celui qui le royaumetait rserv. Car Juda est le patriarche des Juifs, et c'est de lui qu'ils ont pris leur nom.Aussitt la venue du Messie, vous avez commenc rgner sur les Juifs, et vous avez soumistout leur pays votre domination. Cette parole, il sera l'esprance des nations, signifiait quepar toutes les nations il se trouverait des hommes qui soupireraient aprs sa venue. C'est l unfait que vous dmontre votre propre exprience. Ne voyez-vous pas que dans toutes les

    nations on espre en ce crucifi de la Jude, aprs la mort duquel la terre des Juifs a t priseet livre entre vos mains? Cette autre parole, "il attachera son non la vigne, et il lavera sa

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    robe dans le sang de la grappe, "est un symbole qui figure en partie ce qui devait arriver auChrist, en partie ce que lui-mme devait accomplir. Car il y avait l'entre d'un village unnon attach une vigne, et le Christ ordonna ses disciples de le lui amener: il y monta et fitson entre Jrusalem, o tait ce grand et magnifique temple que vous avez dtruit depuis.Aprs cela il fut crucifi, pour que le reste de la prophtie ft accompli. Car cette robe lave

    dans le sang de la grappe" tait l'annonce des douleurs qu'il devait endurer, pour racheter parson sang tous ceux qui croient en lui. La robe dont parle l'Esprit de Dieu reprsente leshommes qui ont foi en Jsus-Christ, et dans lesquels habite le Verbe, cette semence de Dieu.Le sang de la grappe signifiait aussi que le Messie aurait du sang, non pas du sang de lasemence humaine, mais de la puissance divine. La puissance souveraine avec le Pre et lematre de l'univers, c'est son fils, c'est le Verbe. Il a pris chair, il s'est fait homme, nous ledirons ensuite. Or, maintenant, comme ce n'est pas l'homme mais Dieu qui a fait le sang de lagrappe, de mme le sang du Christ tait ainsi clairement dsign comme ne pouvant pasrsulter de la semence humaine, mais de la vertu de Dieu, comme nous l'avons dit dj. Unautre prophte a dit exactement la mme chose en termes diffrents, c'est Esae: "Une toilesortira de Jacob, et une fleur poussera sur la tige de Jess, et les nations espreront en son

    bras." N'est-ce pas une toile brillante, n'est-ce pas une belle fleur sur la tige de Jess, quenotre Seigneur Jsus-Christ? La vertu de Dieu l'a engendr, et il est n d'une vierge de la racede Jacob, le pre de Juda (et nous avons vu que Juda est le patriarche des Juifs). Jess aussifut; selon les saints oracles, un aeul du Christ, fils lui-mme de Jacob et de Juda, comme leprouve la suite de sa gnalogie.

    33. Ecoutez maintenant comme Esae annonce que le Christ natra d'une vierge. Voici sesparoles: "La vierge sera enceinte, et elle enfantera un fils, et les hommes appelleront ce fils,Emmanuel, Dieu avec nous." Or c'taient des choses incroyables et impossibles l'hommeque Dieu faisait prdire par l'esprit de prophtie; en sorte qu' l'vnement on ne leur refustpas crance, et qu'au contraire on leur accordt une confiance illimite. Actuellement, pourque dans l'ignorance du sens vritable de cette prophtie, l'on ne vienne pas confondre nosparoles avec les rcits de vos potes, qui reprsentent Jupiter descendant des cieux; pour selivrer un commerce impur avec des femmes mortelles, nous allons entrer dans l'explication.Une vierge, dit Esae, sera enceinte: c'est--dire qu'elle concevra sans coopration humaine;car si ce commerce avait eu lieu, elle ne ft pas demeure vierge. Mais ici la vertu de Dieu estdescendue sur cette vierge et l'a environne comme d'un nuage sacr, et restant toujoursvierge, elle est nanmoins devenue enceinte. Ce fut un ange de Dieu qui fut alors envoy verscette vierge, et qui lui annona cette bonne nouvelle en disant: "Voici que vous concevrez duSaint-Esprit et que vous enfanterez un fils, et il sera appel le fils du Trs-Haut, et vous lenommerez Jsus; car il sauvera son peuple de ses pchs." C'est ce que nous apprennent ceux

    qui ont crit la vie et les oeuvres de Jsus-Christ, notre Sauveur; et c'est l ce que nouscroyons; car c'est la ralisation de ce qu'avait prdit le Saint-Esprit par la bouche d'Esae.Donc cet esprit et ce souffle de Dieu n'est autre chose que son Verbe, son premier-n: il estimpossible de penser autrement, et le prophte Mose l'a clairement annonc. C'est lui qui s'estrpandu sur la vierge et l'a enveloppe de son ombre; c'est lui qui l'a rendue fconde, non parles voies humaines, mais par la vertu de Dieu. Le nom hbreu de Jsus se traduit par Sauveur:de l vient que l'ange dit la vierge: "Vous l'appellerez Jsus, et il sauvera son peuple de sespchs." Il n'est pas besoin, je pense, de vous faire remarquer que l'Esprit de Dieu peut seuldicter des prophties pareilles: c'est une vrit que vous ne contesterez pas.

    34. Quant au lieu de la naissance du Christ, coutez ce qu'en a dit Miche, un autre prophte:

    "Et toi, Bethlhem, terre de Juda, tu ne seras pas toujours la dernire parmi les princes deJuda; car de toi sortira le chef, le pasteur de mon peuple." Or Bethlhem est un bourg dans la

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    terre de Jude, situ trente-cinq stades de Jrusalem: c'est l que le Christ est n; vouspouvez vous en assurer par les tables du recensement que leva en Jude Cyrnius, le premierdes prsidents de cette province.

    35. Aprs sa naissance, le Christ devait rester cach aux yeux des hommes jusqu' l'ge de

    virilit: c'est ce qui arriva. Mais coutez la prdiction: "Un petit enfant nous est n, et un jeuneadolescent nous a t donn, et la marque de l'empire est sur ses paules." Cette marque, c'estla croix qu'il porta au jour de sa passion, comme nous le dirons dans la suite de ce discours.Voici sur le mme sujet des paroles de ce divin prophte Esae: "J'ai tendu mes mains vers lepeuple incrdule et contradicteur, vers ceux qui marchent dans la voie mauvaise; etmaintenant ils demandent que je les juge, et ils osent approcher de Dieu." Et encore ces autresparoles: "Ils ont perc mes mains et mes pieds, et ils ont jet le sort sur ma robe." Et certes cen'est pas David, le roi-prophte, d'o ces paroles sont tires, qui a souffert ces tourments. Maisc'est le Christ Jsus, dont les mains furent tendues quand il fut crucifi par les Juifs, cesincrdules qui niaient sa divinit. Comme le prophte l'avait dit, il fut plac par drision surun tribunal, et le peuple lui disait: Juge-nous. Ces mots :Ils ont perc mes mains et mes pieds,

    taient l'annonce de ces clous qui, sur la croix, percrent et ses pieds et ses mains. Aprs qu'onl'eut crucifi, ses bourreaux tirrent ses vtements au sort et se les partagrent. Vous pouvezvoir tout ce rcit dans les Actes de Ponce-Pilate. Outre ce qui a t dj rapport sur l'non duChrist et son entre Jrusalem, voici encore des paroles d'un autre prophte, Sophonias:"Rjouissez-vous, fille de Sion; chantez, fille de Jrusalem, voici votre roi qui vienthumblement vous, mont sur une nesse et sur son non."

    36. Lorsque vous entendez toutes ces prophties mises dans la bouche d'un homme, gardez-vous de les attribuer ceux qui les prononcent; ayez grand soin, au contraire, de ne voir que lesouffle de Dieu qui les dicta, et qui tantt prend la forme d'une prdiction, tantt met sesparoles dans la bouche de Dieu le pre et seigneur de l'univers, tantt fait parler le Christ lui-mme, ou enfin les nations qui rpondent Jsus ou son Pre. C'est, au reste, une habitudecommune tous vos crivains; l'auteur, toujours le mme, introduit et met en scne despersonnages diffrents: c'est ce que ne comprirent pas les Juifs. Ils avaient entre les mains leslivres des prophtes, et ils ne reconnurent pas Jsus-Christ venant en ce monde. Loin de l, ilsnous perscutent, nous qui croyons la venue de ce Messie, et qui prouvons que, selon lesoracles, il a t crucifi par leurs mains.

    37. Pour vous prouver ce que nous disions l'instant de la manire dont les prophtes fontparler le Pre ternel, coutez ces paroles du prophte Esae: "Le boeuf connat son matre,l'ne son table; mais Isral ne m'a pas connu, et mon peuple ne m'a pas compris. Malheur la

    race pcheresse, au peuple rempli d'iniquits, au sang des mchants! Fils insenss, vous avezabandonn votre Seigneur!" Et ailleurs encore, toujours dans la bouche du Pre, ces mots:"Quelle maison me btissez-vous? dit le Seigneur; le ciel est mon trne, et la terre monmarchepied. Encore: "Mon coeur dteste vos nomnies et vos ftes; votre grand jene, tempsd'oisivet, je le hais, et quand vous viendrez moi je ne vous exaucerai pas. Vos mains sontpleines de sang, et vous m'offrez de l'encens et de la fleur de farine: cela m'est enabomination. Je ne veux plus de la graisse des agneaux et du sang des boucs. Qui a exig detels prsents de vos mains? Rompez tous les liens de l'iniquit; brisez les chanes de laviolence; conviez et recueillez celui qui est sans asile; partagez votre pain avec celui qui afaim." Tels sont, vous pouvez en juger, les enseignements que les prophtes font donner parDieu mme.

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    38. Quand le Saint-Esprit introduit le Christ, il le fait s'exprimer ainsi: "J'ai tendu mes mainsvers le peuple incrdule et contradicteur, vers ceux qui marchent dans les voies mauvaises."Et encore: "J'ai prsent mon dos au fouet et mes joues aux soufflets; je n'ai pas dtourn maface de l'affront des crachats, et le Seigneur a t mon aide: c'est pourquoi je n'ai pas eu honte,et mon visage a t comme un rocher solide, et j'ai su que je ne serais pas confondu; car celui

    qui doit me justifier est proche." Il dit encore: "Ils ont jet le sort sur mes vtements, et ils ontperc mes pieds et mes mains; et moi, je me suis endormi et j ai pris mon sommeil, et ensuiteje me suis rveill; car le Seigneur m'a relev." Puis, plus loin: "Ils ont remu les lvres etsecou la tte en disant: "Qu'il se dlivre lui-mme." Tous ces faits ont t raliss par lesJuifs en la personne du Christ; car, pendant qu'il tait en croix, les passants grimaaient deslvres et branlaient la tte en disant: "Lui qui ressuscitait les morts, qu'il se dlivre!"

    39. Le Saint-Esprit veut-il employer le ton de la prdiction, coutez-le: "Or la loi sortira deSion, et la parole de Dieu de Jrusalem, et il jugera parmi les nations, et il gouvernera unegrande multitude. Et les nations forgeront leurs glaives en fers de charrue, et leurs lances enfaucilles; et les peuples ne lveront plus l'pe contre les peuples, et ils n'apprendront plus se

    faire la guerre." L'vnement a confirm cette parole, vous pouvez vous en convaincre. Cardouze hommes sont sortis de Jrusalem pour parcourir le monde; ils taient grossiers et nesavaient pas parler; mais la vertu de Dieu les soutenait, et ils ont annonc tout le genrehumain qu'ils taient envoys du Christ pour enseigner la parole de Dieu; et nous qui jadisnous souillions de meurtres et de carnage, nous ne faisons plus la guerre, mme nosennemis. Bien plus, de peur d'un mensonge, et pour ne pas tromper ceux qui nous font subirdes interrogatoires, nous confessons avec joie notre Seigneur Jsus, et nous mourons pour lui.Il nous serait facile pourtant de nous autoriser de ce proverbe: Mes lvres ont jur, mais moncoeur refusait (Hippolyte d'Euripide, vers 612); Mais ce serait chose ridicule que l'on vt lessoldats enrls sous vos drapeaux rester fidles leur serment, au mpris de leur propre vie,au mpris de leurs affections de famille et de patrie, eux qui vous ne pouvez promettrequ'une rcompense corruptible, tandis que l'on nous verrait, avec la perspective del'immortalit, refuser de nous exposer toutes les perscutions qui peuvent nous obtenir lesrcompenses promises par notre souverain matre.

    40. Ecoutez maintenant ce que l'Esprit saint a inspir au roi- prophte au sujet de ces hrautsde la doctrine de Jsus-Christ, qui ont prophtis sa venue: "Le jour le raconte au jour, et lanuit le redit la nuit. Il n'est point de nation, quelle que soit sa langue, qui n'entende leur voix.Le bruit qu'ils font a parcouru toute la terre et leurs paroles sont alles jusqu'aux confins dumonde. Il a plac son tabernacle dans le soleil, et sortant de l comme l'poux de sa couche,semblable un gant, il s'lance dans la carrire." Puisque nous parlons de David, nous ne

    ferons pas mal de rapporter ici quelques passages qui pourront vous faire juger quelle rgle deconduite le Saint-Esprit donne l'homme, et aussi comme il prdit la coalition d'Hrode, roides Juifs, avec Ponce-Pilate, votre procurateur, et ses soldats, contre Jsus-Christ; comme ilannonce la conversion du genre humain la foi, comme il dit que Jsus-Christ sera appel lefils de Dieu, et comme il prophtise la promesse que le Pre fait son fils de lui soumettre sesennemis, les efforts des dmons pour se soustraire la puissance de Dieu le Pre et de Jsus-Christ lui-mme, et enfin ce grand appel la pnitence, que le Seigneur adresse tous leshommes avant le jour du jugement. Voici ces paroles: "Heureux celui qui ne suit pasl'assemble des impies, et ne marche pas dans la voie du pcheur, et ne s'assoit pas sur le siged'iniquit! Heureux celui dont la volont est dans la loi du Seigneur, et qui mdite jour et nuitses commandements! Il sera comme l'arbre plant sur le bord des eaux; il donnera son fruit

    dans la saison, et sa feuille ne se fanera pas, et tout ce qu'il fera prosprera. Il n'en est pas ainsipour les impies, non, il n'en est pas ainsi. Ils seront comme la poussire que le vent enlve de

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    la face de la terre; aussi les impies ne sigeront pas au jugement, ni les pcheurs au conseildes justes, parce que le Seigneur connat la voie des justes, et le chemin des impies prira.Pourquoi les nations ont-elles frmi, et pourquoi les peuples ont-ils form de vains complots?Les rois de la terre se sont levs, et les princes se sont ligus contre le Seigneur et contre sonChrist, disant: Rompons les chanes qu'il nous a donnes, et rejetons son joug loin de nous.

    Mais celui qui habite aux cieux se rira d'eux, et le Seigneur les tournera en drision. Puis illeur parlera dans sa colre, et il les dispersera dans sa fureur. Mais moi, je me suis constituroi par sa puissance, roi sur Sion, sa montagne sainte, et j'annonce les prceptes du Seigneur.Le Seigneur m'a dit: Tu es mon fils: je t'ai engendr aujourd'hui. Demande-moi, et je tedonnerai les nations en hritage, et je ne bornerai tes possessions qu'aux confins de la terre.Tu les gouverneras avec une verge de fer, et tu les briseras comme des vases d'argile. Et vousmaintenant, rois, comprenez; instruisez-vous, vous qui jugez la terre. Servez le Seigneur avecun respect ml de crainte, et tremblez, lors mme que vous chantez ses louanges. Saisissezses leons, de peur que le Seigneur ne s'irrite et que vous ne vous cartiez du droit chemin.Lorsque son courroux s'allumera tout--coup, heureux ceux qui auront mis en lui leurconfiance."

    41. Dans une autre prophtie, l'Esprit de Dieu voulant annoncer le rgne de Christ aprs lesupplice de la croix, fait dire encore David: "Chantez un cantique au Seigneur par toute laterre, et annoncez chaque jour son salut, car le Seigneur est grand et digne de louanges; il estterrible au-dessus de tous les dieux, car tous les dieux des nations sont les simulacres desdmons, et c'est Dieu qui a fait les cieux. La gloire et la majest marchent devant lui; la forceet la splendeur habitent dans son sanctuaire. Rendez gloire au Seigneur, pre des sicles;recevez sa grce; prosternez-vous devant lui et adorez-le dans les parvis de son sanctuaire.Que la terre tremble en sa prsence; mais si elle fait le bien, elle prosprera. Qu'elle ne setrouble pas; que toutes les nations se rjouissent: le Seigneur rgne du haut du bois."

    42. Parfois aussi, vous avez pu vous en apercevoir d'aprs ce qui a t dj cit, le Saint-Espritparle des vnements futurs comme s'ils taient arrivs, et ce propos nous nous empressonsde lever toutes les difficults et d'ter toute excuse aux lecteurs. L'Esprit saint connat l'avenir;aussi le raconte-t-il comme s'il tait accompli. Voulez-vous la preuve de cette explication?coutez: David parla du crucifiement quinze cents ans avant la naissance du Christ; orpersonne avant lui n'avait, par son supplice, apport une pareille flicit au monde; personnene l'a fait depuis le Christ. Au contraire, notre Seigneur Jsus, crucifi et mort, s'est ressuscit;et, de retour au ciel, il y a repris son empire, et c'est cette bonne nouvelle qui, porte en sonnom toutes les nations par les aptres, fait la joie de tous ceux qui vivent dans l'attente del'immortalit promise.

    43. Que d'ailleurs, si nous parlons de prescience et de prdiction, on se garde bien de conclureque nous croyons la fatalit et au destin. Non, et en voici la preuve. Il est, disons-nous, pourles mchants des punitions et des supplices, pour les bons des rcompenses et des bienfaits;les prophtes nous ont appris cette doctrine, et nous en soutenons la vrit. S'il n'en tait pasainsi, si tous suivaient la loi du destin, o serait le libre arbitre? car si c'tait par ncessit quecelui-ci est bon, celui-l mauvais, le premier ne serait pas digne d'loges, pas plus que lesecond ne serait coupable. Et si le genre humain n'avait pas le pouvoir de choisir par un actede sa libre volont le sentier de la vertu ou le chemin du vice, il n'aurait pas rpondre de sesactions. Mais l'homme a cette libert de faire le bien ou le mal son choix: nous le pouvons.Ne voit-on pas en effet le mme homme tenir la conduite la plus diverse. Si la loi du destin le

    forait tre mchant ou vertueux, certes il ne serait pas soumis ces contradictions et cesperptuelles variations. Loin de l, il n'y aurait ni un homme vertueux ni un homme dprav,

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    puisque le destin serait la cause du mal et en mme temps la cause du bien. Ou encore, noustomberions dans cette doctrine dont nous avons parl plus haut, et qui consiste nier la vertuet le vice, et ne voir dans le bien et le mal que des opinions diffrentes; ce qui est aux yeuxde la saine raison une impit et une absurdit monstrueuses. Pour le destin invitable tel quenous l'entendons, c'est celui qui attend les bons pour les rcompenser selon leurs mrites, et

    les mchants pour leur infliger les supplices qu'ils ont encourus. Car Dieu n'a pas crl'homme comme les plantes et les brutes qui ne savent ce qu'elles font; et l'homme nemriterait ni rcompense ni louange s'il n'avait pas le choix de la vertu et s'il y naissait toutfaonn; de mme qu'il ne pourrait encourir aucune peine s'il tait mchant, et qu'il ne le futpas de lui-mme, mais qu'enchan au vice par sa naissance, il ne pt se dlivrer de son joug.

    44. C'est le Saint-Esprit lui-mme qui nous a donn ces enseignements, puisqu'il atteste parl'organe de Mose que Dieu dit au premier homme sortant de ses mains: "Voici le bien et lemal devant toi: choisis le bien." C'est ce que confirme un autre prophte, Esae, quand il metdans la bouche de Dieu le Pre les paroles suivantes: "Lavez-vous de vos souillures etpurifiez-vous; enlevez le mal de vos coeurs, et apprenez faire le bien; rendez justice

    l'orphelin et dfendez la veuve. Prsentez-vous alors, et nous compterons, dit le Seigneur. Vospchs vous eussent-ils rendus rouges comme la pourpre, je vous rendrai blancs comme lalaine; fussiez-vous carlate, je vous rendrai plus blancs que la neige; et si vous le voulez, etque vous m'coutiez, vous serez nourris des biens de la terre; mais si vous ne m'coutez pas,le glaive vous dvorera; car c'est la bouche du Seigneur qui a parl." Or ces paroles, le glaivevous dvorera, ne signifient pas que la dsobissance sera punie par les coups du glaive; maisce glaive de Dieu, c'est le feu dont ceux qui s'attachent au mal deviennent la pture. Aussi dit-il: "Le glaive vous dvorera; car c'est la bouche du Seigneur qui a parl." Et ce terme dvorerane peut s'appliquer l'pe qui frappe et tue d'un seul coup. Aussi quand Platon a dit: "Lafaute est l'homme libre qui choisit. Dieu n'y est pour rien, " il a emprunt cette parole Mose; car Mose est plus ancien que tous les crivains de la Grce. Et tout ce que les poteset les philosophes ont pu dire sur l'immortalit de l'me, sur les chtiments aprs la mort, surla contemplation cleste de la divinit ou tout autre dogme semblable, ils en ont pris leprincipe dans les prophtes, et sont ainsi parvenus comprendre et expliquer ces vrits.C'est l qu'ils ont puis tous les lments du vrai qu'ils possdent, et si leurs emprunts sontdifficiles constater, cela tient la grande contrarit de leurs opinions. Maintenant, de ceque nous disons que l'avenir a t prdit, il n'en rsulte pas que nous consacrions le principede la ncessit et du destin. Non, mais comme Dieu prvoit toutes les actions futures deshommes, comme il doit rendre chacun selon le mrite de ses oeuvres, et rcompenser lesactes de vertu, il fait faire des prdictions par l'Esprit saint, appelant ainsi sans cesse le genrehumain au souvenir et la rflexion, et montrant pour lui toute sa sollicitude et sa providence.

    Aussi les gnies du mal sont-ils parvenus obtenir que l'on punit de mort ceux qui liraient leslivres d'Hystaspe, de la Sibylle et des prophtes; car ils voulaient, force de crainte, dtournerles hommes de cette lecture et des salutaires enseignements qu'ils y devaient trouver, et par cemoyen les retenir sous leur joug; mais ils n'ont pas pu interdire ces ouvrages pour toujours;car non seulement nous-mmes nous les lisons sans crainte, mais nous vous les offrons pourque vous les voyiez, et dans la persuasion qu'ils seront agrables tous. Et quand mme nousne les ferions lire qu' un petit nombre, ce serait toujours un gain immense; car, semblables de bons laboureurs, nous recevrions pour cette moisson une abondante rcompense.

    45. Le Pre ternel devait enlever le Christ au ciel aprs sa rsurrection, et l'y conserverjusqu' ce qu'il ait frapp les dmons ses ennemis, jusqu' ce que le nombre des prdestins et

    des saints soit rempli; car si la conflagration gnrale n'a pas encore eu lieu, ce dlai n'a taccord qu'en faveur des lus. Or, coutez comme David va prdire ces vnements: "Le

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    Seigneur a dit mon Seigneur: Asseyez-vous ma droite jusqu' ce que j'aie fait de vosennemis l'escabeau de vos pieds. Le Seigneur fera sortir de Jrusalem le sceptre de votreforce, et vous dominerez au milieu de vos ennemis. A vous est le commandement dans le jourde votre puissance et dans les splendeurs de vos saints. Je vous ai engendr de moi avantl'toile du matin." Ces mots: "Il fera sortir de Jrusalem le sceptre de votre force, "taient le

    symbole et l'annonce de cette parole puissante que, sortant de Jrusalem, les aptres allrentprcher au monde. Nous le savons, il y a peine de mort pour tous ceux qui enseignent, pourtous ceux qui confessent le nom du Christ, et nanmoins nous l'enseignons partout, partoutnous embrassons sa foi. Que si vous lisez ces pages avec un esprit de haine, vous pouvez noustuer, et rien de plus, nous vous le rptons; car en quoi nous nuit-elle cette mort? Tandis quevous et tous ceux qui nourrissent une animosit injuste, tous ceux qui ne se repentent pas deleurs erreurs, elle vous dvoue au feu ternel!

    46. On pourrait peut-tre, dans une intention mauvaise, fausser le sens de ce que nous avonsdit; et comme nous avons avanc que Jsus-Christ tait n il y a cent cinquante ans, sous laprsidence de Cyrnius, et qu'il a commenc enseigner sous celle de Ponce-Pilate, on

    pourrait prtendre, par une fausse induction, que tous les hommes antrieurs cette poque nesont aucunement coupables. Nous allons dtruire cette objection. Le Christ, avons-nous ditdj, est le premier-n de Dieu, il est son Verbe, sa parole, laquelle tous les hommesparticipent. Or tous ceux qui ont vcu selon les inspirations de ce Verbe sont chrtiens,eussent-ils mme pass pour athes. Tels furent, chez les Grecs, Socrate et Hraclite; chez lesbarbares, Abraham, Ananias, Azarias, Misal et Elie, et une multitude d'autres dont nous nousabstiendrons de citer ici les noms, ce qui serait trop long. Et aussi ceux qui ont vcucontrairement ces inspirations du Verbe ont t vicieux, ennemis du Christ, meurtriers desdisciples du Verbe. Ceux, au contraire, qui ont vcu ou qui vivent selon le Verbe, sont deschrtiens intrpides et inaccessibles la peur. Maintenant, pourquoi, accomplissant lesdesseins de Dieu, Pre et souverain de l'univers, le Verbe s'est-il incarn? pourquoi est-il nd'une vierge et s'est-il fait appeler Christ? pourquoi est-il mort sur la croix? pourquoi est-ilressuscit et remont aux cieux? c'est ce que tout homme sens comprendra sans peine d'aprsce que nous avons dit dj. Quant prsent, comme la dmonstration de ce point est moinsncessaire, passons ce qui est plus urgent, et continuons nos preuves.

    47. L'Esprit saint annonce ensuite la dvastation de la terre de Jude; il met en scne lespeuples stupfaits de cette ruine, et voici comment ils s'expriment: "Sion est devenue unesolitude; Jrusalem est devenue un dsert; la maldiction est sur le temple et sur le sanctuaire,et sa gloire, que clbraient nos pres, est devenue cendre et poussire; tous ses ornements lesplus beaux ont t dtruits, et cette vue vous tes rest impassible, vous vous tes tu, et vous

    nous avez humilis durement." Or, de la dvastation de Jrusalem et de l'accomplissement decette prophtie, vous devez tre, je pense, assez pleinement convaincus. Mais Jrusalemdevait tre rduite en solitude, et il ne devait plus tre permis personne de l'habiter; Esaie leprophte l'a dit ainsi: "Leur terre est un dsert, et en leur prsence, leurs ennemis la dvorent,et pas un seul d'entre eux ne l'habitera." Le soin que vous prenez de ne pas laisser un Juif enJude, la peine de mort qui attend l'audacieux infracteur de cette loi, c'est ce que vous savezmieux que nous.

    48. Il tait aussi prdit que Jsus-Christ gurirait les malades et ressusciterait les morts.Ecoutez: "A son arrive, le boiteux sautera comme un cerf, et la langue des muets seraloquente; les aveugles verront, et les lpreux seront purifis, et les morts se lveront et

    marcheront." Les Actes de Ponce-Pilate vous donnent la preuve de tous ces faits. La mort duChrist et le supplice de ceux qui esprent en lui taient aussi annoncs par Esae, dans ces

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    paroles: "Voici que le juste est tu, et personne ne le comprend dans son coeur; voici que leshommes de bien sont mis mort, et personne n'y pense. Le juste a t enlev en prsence del'iniquit, et sa spulture sera en paix. Il a t enlev du milieu des hommes."

    49. C'est encore Esae qui annonce que les Gentils adoreront le Christ, quoiqu'ils ne

    l'attendent pas, et que les Juifs, qui l'attendent toujours, ne reconnatront pas sa venue. Lesparoles du prophte sont mises dans la bouche du Christ lui- mme: "Je me suis manifest ceux qui ne me demandaient pas, et j'ai t trouv par ceux qui ne me cherchaient pas. J'ai dit:Me voici, aux nations qui n'avaient pas appel mon nom. J'ai tendu mes mains vers un peupleincrdule et contradicteur qui marchait dans une route mauvaise la suite de ses pchs, et cepeuple ameutait la haine contre moi." En effet les Juifs, qui avaient les prophties entre lesmains, et qui attendaient toujours la venue du Christ, ne l'ont pas reconnu; et non seulementils ne l'ont pas reconnu, mais ils l'ont mis mort. Les Gentils, au contraire, qui n'avaient

    jamais rien appris du Christ avant que les aptres, venant de Jrusalem, ne leur eussentannonc sa venue et ne leur eussent transmis les prophties, ont renonc leurs idoles, etpleins de foi et de bonheur, se sont consacrs par le Christ au culte du Dieu incr. Quant aux

    perscutions dont les nouveaux confesseurs du Christ furent les victimes, quant la piti quedoivent inspirer ceux qui accablent le Christ de maldictions, et qui trouvent beau de dfendreet de conserver les vieilles institutions, voici leur sujet un seul mot d'Esae: "Malheur vousqui appelez doux ce qui est amer, et amer ce qui est doux!"

    50. Jsus-Christ fait homme pour nous, devait souffrir la honte et l'ignominie sur la terre, et ildoit venir une seconde fois, mais alors environn de toute sa gloire. En voici la prophtie:"Parce qu'ils ont livr son me la mort, parce qu'il a t compt parmi les mchants, il s'estcharg des pchs de plusieurs, et il obtiendra le pardon des pcheurs. Car, je vous le dis, monserviteur comprendra, et il sera exalt, et il sera grandement glorifi. Plusieurs serontmerveills de vous, et plusieurs aussi mpriseront votre aspect et votre gloire. Et aussiplusieurs nations vous admireront, et les rois resteront muets devant vous, parce que ceux-l qui rien n'avait t annonc et qui n'avaient rien entendu comprendront. Seigneur, qui a cru votre parole? Et qui le bras du Seigneur a-t-il t rvl? Nous l'avons annonc comme unpetit enfant, comme une plante sur la terre dessche. Il n'a ni clat, ni gloire; et nous l'avonsvu, et il n'avait ni clat, ni beaut; au contraire, son aspect tait misrable, et il taitabandonn devant les hommes. C'tait un homme dvou aux coups et sachantsupporter sonsupplice, et les injures, et les indicibles mpris dont on accablait sa face. Celui-l porte nospchs et souffre pour nous, et nous avons rflchi qu'il tait dans la souffrance et dans lessupplices et dans l'affliction. Et lui, il a t charg de coups, cause de nos iniquits, et il a tsupplici; pour nos pchs. Nous avons appris la paix de lui, et nous avons t guris par ses

    plaies; car, tous, nous errions comme des brebis: l'homme s'tait perdu dans sa voie, et il l'alivr pour nos iniquits; et lui, au milieu de l'affliction, il n'a pas ouvert la bouche. Il a tconduit comme une brebis au sacrifice, et comme un agneau muet sous le ciseau qui le tond: iln'a pas ouvert la bouche, et dans cette humiliation, sa condamnation a t trouve juste." Eneffet, lorsque Jsus fut crucifi, ses disciples eux-mmes l'abandonnrent et le renirent, et cefut seulement quand, aprs sa rsurrection, il leur eut apparu et leur eut appris lire lesprophties dont l'accomplissement venait de se faire en lui, quand ils l'eurent vu monter auciel, et que pleins de foi et de croyance, forts de la puissance que Jsus leur envoya, ils s'enfurent alls vers toutes les nations, ce fut alors seulement qu'ils instruisirent la terre et qu'ilsreurent le nom d'aptres.

    51. Pour nous montrer que celui qui s'tait soumis ces douleurs avait une origine ineffable etqu'il devait dompter tous ses ennemis, voici ce que nous dit le Saint-Esprit:" Qui racontera sa

  • 8/14/2019 Justin Opera Omnia

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    gnration? Il a t retranch de la terre des vivants; il est pass dans la mort pour les iniquitsdes hommes, et les mchants seront rachets par sa spulture, et les riches par sa mort; car,lui, il n'a pas commis l'iniquit, et le mensonge n'a pas souill sa bouche. Le Seigneur veut legurir de ses plaies. S'il a t livr pour le pch, c'tait afin que votre me ret une semenced'ternit. Et le Seigneur veut retirer son me de la douleur, lui montrer la lumire, le remplir

    d'intelligence et justifier ce juste qui s'est dvou pour tous. Il portera lui-mme tous nospchs: c'est pourquoi il rgnera sur un grand peuple, et il partagera les dpouilles des forts,parce que son me a t livre la mort, et qu'il a t compt parmi les mchant; et il a prissur lui les pchs de plusieurs, et il a t livr pour leurs iniquits." Ecoutez maintenant laprophtie de son ascension: "Ouvrez les portes des cieux, dit-il; ouvrez-les, pour que le Roi degloire y fasse son entre. Quel est-il ce Roi de gloire? C'est le Dieu fort et le Dieu puissant."Et au sujet de son second et glorieux avnement, Jrmie ajoute: "Voici le fils de l'homme quivient sur les nues du ciel, et ses anges l'accompagnent."

    52. Ainsi donc, puisque nous avons dj montr que tous les vnements accomplis avaientt prdits l'avance par les prophtes, il en faut ncessairement conclure que tout ce qui a t

    encore annonc, et dont la ralisation n'a pas encore eu lieu, ne peut manquer d'arriver. Lesfaits accomplis, dont la prdiction tait certaine et le moment inconnu, se sont ralis; il ensera de mme pour ceux qui sont encore venir: ils sont prdits, on les ignore, on ne veut pasy croire; ils arriveront cependant. Les prophtes ont parl de deux avnements pour le Christ:le premier, qui a eu lieu, avnement sous la figure d'un homme mpris et perscut; lesecond, dans lequel il viendra resplendissant de toute la gloire des cieux, et entour de seslgions d'anges; alors il ressuscitera les cadavres de tous les hommes qui auront vcu sur laterre, et il revtira les corps des justes d'une immortalit glorieuse, et il enverra ceux desmchants, incorruptibles aussi, brler ternellement dans le feu infernal. En voulez-vous laprophtie? Ecoutez Ezchiel: "La jointure se reliera la jointure, et l'os l'os, et les chairsrecrotront une seconde fois. Et tout genou flchira devant le Seigneur, et toute langueconfessera son nom." Voulez-vous savoir ce que sera la douleur et le supplice des mchants?Ecoutez encore: "Le ver qui les ronge ne s'assoupira pas, et le feu qui les dvore ne s'teindra

    jamais." Ils se repentiront alors, mais leur repentir ne leur servira de rien. Et que feront, quediront les Juifs ce glorieux avnement? Entendez le prophte Zacharie: "J'ordonnerai auxquatre vents de rassembler mes enfants pars; j'ordonnerai au vent du nord qu'il porte au loinma parole, et au vent du midi qu'il n'y fasse pas obstacle. Et alors il y aura dans Jrusalem ungrand gmissement, et ce ne sera pas un gmissement des lvres et de la bouche, mais ungmissement du coeur; et ils ne dchireront pas leurs vtements, mais leurs esprits, et ils seplaindront tribu tribu, et alors ils verront celui qu'ils ont frapp, et ils diront: Pourquoi,Seigneur, nous avez-vous fait errer loin de votre voie? La gloire dont se rjouissaient nos

    pres, elle est devenue pour nous une ignominie."53. Nous aurions encore bien d'autres tmoignages des prophtes invoquer; mais nous nousarrterons ici, persuads que nous en avons rapport assez pour convaincre ceux qui ont desoreilles disposes entendre et croire, et pour tablir qu' la diffrence des faiseurs de fableset de tous les historiens des prtendus fils de Jupiter, nous ne disons rien que nous ne soyonsen tat de prouver immdiatement. Comment, en effet, aurions-nous cru que cet hommecrucifi tait le fils de Dieu, appel juger tout le