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Oualha L, Hentati H, Ben Youssef S, Ben Amor F, Selmi J, Commissionat Y. Kyste de Gorlin: à propos d’un cas. Actualités Odonto-Stomatologiques 2007;240:347-357 347 kyste de Gorlin : à propos d’un cas Lamia OUALHA AHU au serivce de Médecine et Chirurgie Buccales, Clinique Dentaire de Monastir, rue Avicenne, 5000 Monastir, Tunisie. Hager HENTATI AHU au serivce de Médecine et Chirurgie Buccales, Clinique Dentaire de Monastir, Tunisie. Souha BEN YOUSSEF Professeur au service de Médecine Dentaire, CHU Farhat Hached Sousse, Tunisie. Faten BEN AMOR Professeur en Anatomie à la Faculté de Médecine Dentaire de Monastir, Monastir, Tunisie. Jamil SELMI Professeur, Chef du Service de Médecine et Chirurgie Buccales, Clinique Dentaire de Monastir, Tunisie. Yves COMMISSIONAT Professeur au Collège de Médecine des Hôpitaux de Paris, Membre de l’Académie Nationale de Chirurgie Dentaire, 10, avenue Percier, 75008 Paris. Le kyste odontogénique épithélial calcifié (K.O.C.) est une lésion bénigne classée actuellement parmi les tumeurs épi- théliales avec induction du mésenchyme. Cliniquement, le K.O.C. est en général asymptomatique, souvent c’est la tuméfaction à croissance lente qui est remarquée, découverte à l’occasion de signes inflamma- toires généralement modérés. Ce kyste peut être aussi découvert suite à un examen radiologique de routine ou chez l’enfant, en présence de troubles d’éruption. Radiologiquement, le K.O.C. se traduit par un foyer ostéo- lytique radioclair de contour plus ou moins précis. Monogéodique ou polygéodique, l’image est souvent par- semée de fines ponctuations radio-opaques, périphériques, de taille et nombre variables et fréquemment en rapport avec une dent incluse, mais ces dernières peuvent faire défaut compliquant ainsi la pose d’un diagnostic précis. Le traitement de ce kyste consiste en l’exérèse complète avec curetage de la cavité résiduelle. Le diagnostic définitif est histologique. RÉSUMÉ tumeur odontogénique bénigne cellule fantôme kyste calcifié MOTS CLÉS STOMATOLOGIE : PATHOLOGIE Article available at http://dx.doi.org/10.1051/aos:2007010

Kyste de Gorlin : à propos d’un cas - Actualités ...aos.edp-dentaire.fr/articles/aos/pdf/2007/04/aos2007240p347.pdf · Clinique Dentaire de Monastir, Tunisie. Souha BEN YOUSSEF

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Oualha L, Hentati H, Ben Youssef S, Ben Amor F, Selmi J, Commissionat Y. Kyste de Gorlin : à propos d’un cas. Actualités Odonto-Stomatologiques 2007;240:347-357

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kyste de Gorlin :à propos d’un cas

Lamia OUALHAAHU au serivce de Médecineet Chirurgie Buccales,Clinique Dentaire de Monastir,rue Avicenne, 5000 Monastir,Tunisie.

Hager HENTATIAHU au serivce de Médecineet Chirurgie Buccales,Clinique Dentaire de Monastir,Tunisie.

Souha BEN YOUSSEFProfesseur au servicede Médecine Dentaire,CHU Farhat Hached Sousse,Tunisie.

Faten BEN AMORProfesseur en Anatomie à la Facultéde Médecine Dentaire de Monastir,Monastir, Tunisie.

Jamil SELMIProfesseur, Chef du Service de Médecineet Chirurgie Buccales,Clinique Dentaire de Monastir,Tunisie.

Yves COMMISSIONATProfesseur au Collège de Médecinedes Hôpitaux de Paris,Membre de l’Académie Nationalede Chirurgie Dentaire,10, avenue Percier,75008 Paris.

Le kyste odontogénique épithélial calcifié (K.O.C.) est unelésion bénigne classée actuellement parmi les tumeurs épi-théliales avec induction du mésenchyme.Cliniquement, le K.O.C. est en général asymptomatique,souvent c’est la tuméfaction à croissance lente qui estremarquée, découverte à l’occasion de signes inflamma-toires généralement modérés. Ce kyste peut être aussidécouvert suite à un examen radiologique de routine ouchez l’enfant, en présence de troubles d’éruption.Radiologiquement, le K.O.C. se traduit par un foyer ostéo-lytique radioclair de contour plus ou moins précis.Monogéodique ou polygéodique, l’image est souvent par-semée de fines ponctuations radio-opaques, périphériques,de taille et nombre variables et fréquemment en rapportavec une dent incluse, mais ces dernières peuvent fairedéfaut compliquant ainsi la pose d’un diagnostic précis.Le traitement de ce kyste consiste en l’exérèse complèteavec curetage de la cavité résiduelle.Le diagnostic définitif est histologique.

RÉSUMÉ

tumeur odontogénique bénigne

cellule fantôme

kyste calcifié

MOTS CLÉS

STOMATOLOGIE : PATHOLOGIE

Article available at http://dx.doi.org/10.1051/aos:2007010

e kyste de Gorlin ou kysteodontogène calcifié (KOC) aété définitivement décrit en1962 par Gorlin, et al. et en1963, par Gold[1].

Il s’agit d’une lésion rare, bénigne,d’évolution lente, non douloureuse àcause de l’absence de réaction périos-tée.Ce kyste est une lésion bénigne clas-sée actuellement parmi les tumeurs

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épithéliales avec induction du mésen-chyme.Il est probablement issu de l’épithéliumodontogénique situé dans la muqueuseou l’os alvéolaire.L’auteur rapporte une localisationrare de kyste odontogène calcifié,pouvant rendre le diagnostic cliniqueet même radiologique difficile et laliste de diagnostics différentiels pluslongue.

Lintroduction

cas clinique

Il s’agit d’un patient âgé de 42 ans,adressé au Service de Médecine etChirurgie Buccales par son médecindentiste pour une tuméfaction labialesupérieure persistante, évoluant depuisdeux mois.

Le patient n’a pas pu confirmer la vita-lité dentaire de la 11 et de la 21 avant letraitement endodontique entrepris mal-gré tout par son médecin dentiste.

Par ailleurs, le patient a bénéficié d’uneantibiothérapie.

L’examen locorégional est normal, sanshypoesthésie cutanée, ni adénopathies.

À l’examen exobuccal on note unelégère tuméfaction labiale supérieure(fig. 1).

L’examen endobuccal montre unetuméfaction vestibulaire antérieure de2 cm de grand axe (fig. 2), non doulou-reuse à la palpation, de consistancefluctuante et recouverte par unemuqueuse saine.

Le test de vitalité est négatif sur la 11 etla 22 ; positif sur toutes les autres dentsmaxillaires. Aucune mobilité dentairen’a été notée.Le panoramique montre :1 - une image ostéolytique antéro-

supérieure en forme de cœur, de2 cm de grand axe en rapport avec la11, la 21 et la 22 ;

2 - une obturation canalaire de mau-vaise qualité au niveau de la 21 ;

3 - une résorption de l’apex de la 11(fig. 3a) ;

4 - des opacités à l’intérieur de cetteimage ;

5 - l’image ostéolytique englobe lespéri-apex de la 11, la 21 et la 22(fig. 3b) ;

Au vu de cet examen clinique et radio-logique, plusieurs diagnostics peuventêtre évoqués devant le fait que :

– les dents étaient déjà traitées endo-dontiquement lors de notre consul-

fig. 3 a Image radioclaire antéro-supérieure enregard de la 11, la 21 et la 22 avec desopacités à l'intérieur de cette image etun traitement endodontique insuffi-sant sur la 21.

fig. 3 b L'image ostéolytique en plusfort grossissement montredes opacités de 1 mm de dia-mètre. L'une apparaît entreles racines de la 11 et de la21, l'autre en regard de l'apexde la 21.

fig. 1 Vue de profil du patient montrantune discrète tuméfaction labialesupérieure.

fig. 2 Léger comblement vestibulaireantérieur à localisation centrale,avec mauvaise hygiène bucco-den-taire.

tation et la vitalité pulpaire (para-mètre d’orientation diagnostique)ne peut plus être prise en considé-ration ;

– la région anatomique où évoluela lésion donne toujours sur lesclichés radiologiques une image«en cœur de carte à jouer» nonspécifique, due à la présence de

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l’épine nasale antérieure et auxracines des deux incisives cen-trales ;

– le panoramique ne permet pas dedéfinir la tonalité des opacitésretrouvées à l’intérieur de la radio-clarté : s’agit-il d’un dépassementdu produit d’obturation ou bien decalcifications ?

LE KYSTE FISSURAIRE(NASO-PALATIN)

Ce diagnostic peut être retenu si onconsidère que les dents étaient vivantesavant leur trépanation et que les opaci-tés proviennent du produit d’obtura-tion.

En plus, l’image lytique engendrée, en«cœur de carte à jouer», est typique dece type de kyste.

Cependant, ce kyste évolue le plus sou-vent du côté palatin.

TUMEUR ADÉNOMATOÏDE

Cette tumeur peut être évoquée devantles cacifications radio-opaques.

En effet, l’aspect radiologique habituelest une image radioclaire, uniloculaire,bien limitée, pouvant contenir desmicrocalcifications radio-opaques carac-téristiques, siégeant électivement dansla partie antérieure du maxillaire enregard des canines et souvent en rap-port avec une dent incluse.

Cependant, ce diagnostic suppose que lemédecin traitant a effectué un traite-ment endodontique non justifié sur desincisives centrales conservant leur vita-lité pulpaire.

KYSTE DE GORLIN

Il peut être évoqué si l’on considère queles opacités sont de nature dentino-cémentaire et amélaire et présentes enpériphérie de la lésion.

Cependant, ce kyste est beaucoup plusfréquent en situation postérieure parrapport à la canine au niveau maxil-laire.

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TUMEUR ÉPITHÉLIALEODONTOGÉNIQUE CALCIFIÉE :LA TUMEUR DE PINDBORG[2]

Au sein de l’image radiologique les opa-cités, lorsqu’elles existent, sont cen-trales, nombreuses, de nature osseuse,rondes ou allongées.En plus, cette tumeur est généralementen rapport avec une dent incluse le plussouvent entourée par les opacités.Son siège est surtout prémolo-molairemandibulaire.

KYSTE PRIMORDIALSUR DENT SURNUMÉRAIRE

Ce diagnostic suppose qu’il existe unedent surnuméraire, mais ce type kys-tique est plus fréquent au niveau de larégion prémolo-molaire mandibulaire.

FIBRO-ODONTOMEAMÉLOBLASTIQUE

Si les calcifications sont de nature den-taire et proches de celles de l’émail avecune zone ostéolytique radioclaire éten-due, le diagnostic de fibro-odontomeaméloblastique peut être évoqué.

LE FIBRO-DENTINOMEAMÉLOBLASTIQUE

C’est la tonalité des calcifications quidiffère par rapport au fibro-odontomeaméloblastique. Ces calcifications sontde tonalité moindre que celle de l’émail.Cependant, l’étude exacte des tonalitésne peut être faite sur un simple clichépanoramique.

LE KÉRATOKYSTE[3]

En absence de calcifications, ce dia-gnostic peut être évoqué.

fig. 4 Image radiologique ostéolytique dukératokyste en rapport avec la 23incluse.

fig. 5 Cavité résiduelle après énucléationdu kératokyste.

Au niveau maxillaire, le siège du kéra-tokyste est le plus souvent dans larégion prémolaire.Les signes cliniques sont en rapportavec l’expansion du kyste et les dépla-cements dentaires qu’il provoque seconfondant ainsi avec le KOC[4].L’image radiologique du kératokyste estcelle d’une géode mono- ou polyfocale,homogène, ronde ou ovale, auxcontours réguliers et nets, bien tracés,voire épaissis[5] (fig. 4).Certains kératokystes enveloppent unedent adjacente non évoluée (fig. 5) etdéveloppent la rhizalyse des autresdents situées à son contact.

L’AMÉLOBLASTOME

Ce diagnostic est aussi évoqué enabsence de calcifications.L’améloblastome peut siéger sur l’en-semble de la mandibule, mais plus pré-férentiellement à l’angle mandibulaire,son siège préférentiel au maxillaireétant la tubérosité.Il entraîne souvent une mobilité den-taire et des résorptions radiculaires.

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L’image radiologique est non spéci-fique, allant de la simple image mono-géodique à celle de bulles de savon, auxcontours réguliers, de taille variable.En évoluant, ces bulles disparaissentpar amincissement de leur cloison lorsde l’augmentation du volume de latumeur.L’attitude thérapeutique a consisté àrefaire le traitement endodontique de la21, effectuer le traitement endodon-tique de la 11 et enfin réaliser l’énu-cléation kystique sous anesthésie locale(fig. 6 à 11).L’examen anatomo-pathologique (fig. 12et 13) a montré que la paroi du kysteest tapissée par un épithélium multis-tratifié, d’aspect malpighien. Focale-ment, cet épithélium comporte des amasde cellules éosinophiles momifiées etparfois calcifiées. Ces cellules sont, parplaces, visibles dans le conjonctif sous-jacent. Celui-ci est fibreux, siège d’uninfiltrat inflammatoire plasmocytaire etd’amas de macrophages dont le cyto-plasme est granulaire verdâtre, élé-ments en faveur du kyste odontogé-nique calcifié.

fig. 6 Incision intrasulculaire de canine àcanine avec deux incisions dedécharge.

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fig. 8 Énucléation de la paroi kystique.

fig. 7 Décollement d'un lambeau mucopé-riosté mettant à nu la lésion kys-tique.

fig. 9 Cavité résiduelle après curetage.

fig. 10 Pièce opératoire. fig. 11 Réalisation des sutures.

Précédemment confondu avec un amé-loblastome ou un odontome atypique,ce kyste est identifié par Gorlin[6].Le kyste odontogénique calcifié est unelésion bénigne rare qui affecte les maxil-laires (moins de 0,1 % des kystes desmaxillaires). Il est probablement issu del’épithélium odontogénique situé dansla muqueuse ou l’os alvéolaire.La symptomatologie est fruste, voireinexistante, sans spécificité (traductioncourante des tumeurs odontogènes etnon odontogènes bénignes).Dans notre cas, la symptomatologies’est résumée en une tuméfaction vesti-bulaire antérieure.Ce kyste survient à n’importe quelleépoque de la vie, avec une légère prédi-lection pour les deuxième et troisièmedécennies.Freedman, et al. (1975) notent une dis-tribution différente selon l’âge : il seraitplus fréquent au maxillaire jusqu’à la

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quatrième décade et plus fréquent à lamandibule après 41 ans. Ces résultatsconcordent avec notre cas.Il affecte à proportions égales l’hommeet la femme[7].Dans 80 % des cas, le kyste est intra-osseux, presque toujours en zone den-tée, exceptionnellement en zone éden-tée[1, 6].D’autres variétés extra-osseuses, ditespériphériques, sont de fréquence moin-dre (20 %) et décrites au niveau desparties molles gingivales recouvrant lesaires d’éruption dentaires[8].Ces dernières surviendraient chez dessujets plus âgés, adoptant ainsi cer-taines similitudes avec l’améloblastomepériphérique ou le kyste gingival del’adulte.Un cas extra-osseux a été observé ausein de la glande parotide et un cas isoléau sein de la muqueuse alvéolaire man-dibulaire[4, 9].

fig. 12 Coupe histologique: HE X 100.Paroi kystique tapissée par un épi-thélium d'épaisseur variable.

fig. 13 Coupe histologique: HE X 400.a : calcification,b : cellule fantôme.

discussion

La localisation est, semble-t-il, autantmaxillaire que mandibulaire.La localisation maxillaire préférentielleest postérieure à la canine, contraire-ment au cas présenté.La tuméfaction est non gênante pour lepatient, découverte par hasard, à l’occa-sion de signes inflammatoires, biensouvent modérés qui marquent unepoussée évolutive révélatrice[10].Cependant, dans ce cas clinique, il n’yavait pas de signes inflammatoires maisjuste une tuméfaction. La douleur estrare, elle était absente chez notrepatient.La découverte peut aussi être fortuite,au cours d’un examen dentaire de rou-tine ou lors d’un retard d’éruption et iln’est pas rare de trouver plus d’unedent incluse en relation étroite avec lekyste.La déformation intra-buccale est recou-verte d’une muqueuse saine, parfoisérythémateuse. À la palpation, les sen-sations sont différentes selon son staded’évolution :

– soit fluctuante, dépressible et quipeut glisser à la mobilisation sur leplan profond sans y adhérer, d’as-pect purement kystique ;

– soit ferme et solide, bien adhé-rante, d’aspect tumoral ;

– soit aussi de forme intermédiairedite mixte, de transition entre laforme kystique et la forme néopla-sique.

L’exploration se fait habituellement parles incidences classiques et la TDM estréservée au bilan d’extension deslésions volumineuses.Radiologiquement, le kyste apparaîtle plus souvent comme une lacune uni-

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loculaire bien limitée, des masses cal-cifiées de tailles variables sont disper-sées dans la radioclarté (calcificationsde petite taille dans 10 % des cas et degrande taille dans 20 % des cas)[1].Dans plus de 25 % des cas, le kyste esten relation avec une dent incluse. Desrésorptions des racines des dents voi-sines attribuables à la pression dukyste ont été observées. Alors que,dans le cas présenté, les dents adja-centes ne présentaient pas de résorp-tions.Le traitement recommandé est l’énu-cléation chirurgicale. Les récidives sonttrès rares.Sa dégénérescence maligne a été excep-tionnellement observée, marquée pardes infiltrations et des métastases.Histologiquement, le kyste possède unépithélium composé d’une assise basalecuboïdale ou cylindrique surmontée pardeux ou trois assises de cellules d’as-pect étoilé.Dans cette couche de cellules étoilées,se trouvent des cellules dites fantômes(ghost cells), gonflées, éosinophiles,qui ont perdu leur noyau et qui contien-nent beaucoup de tonofibrilles[9].Concernant les cellules épithéliales,Shear (1983), puis Lucas (1984)[11]

ont montré que le revêtement épithélialest composé d’un épithélium pavimen-teux non kératinisant, linéaire ouplissé.Il est constitué d’une assise basalecuboïdale ou cylindrique, à noyauxhyperchromatiques, surmontée par unecouche superficielle d’épaisseur varia-ble, composée de cellules basophiles auxlongs prolongements cytoplasmiques,étoilées rappelant celles de l’organe de

l’émail des dents en formation ou lesaméloblastomes.

Par zones, l’épithélium peut être trèsaminci ou, au contraire, fortementhyperplasié. Freedman, et al. (1975),puis Praetoruis, et al. (1981) ont expli-qué que, dans ce dernier cas, l’aspectcaractéristique du KOC ne subsiste quepar zones. Les cellules épithéliales et lescellules étoilées ont un marquage netavec les anticorps anti-cytokératines. Lestroma fibreux comportant de l’ostéo-dentine peu différenciée d’originemésodermique peut être observé (den-tine dysplasique, d’aspect ostéoïde aty-pique, sans structure tubulaire nor-male), soit directement au contact descellules basales, soit plus profondémentsous forme de globules.

Cette ostéodentine peut être le résultatd’un effet inducteur ou simplementd’une métaplasie au sein du tissuconjonctif.

D’autres auteurs nient l’origine méso-dermique éventuelle de cette dentinedysplasique, suggérant, sur base d’étu-des ultrastructurales, qu’elle représenteun type dur de kératine, similaire àcelui trouvé dans les ongles.

Parfois aussi, de la dentine tubulaire etde l’émail se développent formant desstructures rappelant les dents[11, 12].

Les cellules fantômes sont caractéris-tiques mais non pathognomoniques dukyste odontogénique calcifié[11] ; ellessont en effet observées aussi, mais plusrarement, dans les fibro-odontomesaméloblastiques, dans les odontomescomplexes et composés, dans les amélo-blastomes, dans les carcinomes et

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même dans les cranio-pharyngiomes oules épithéliomas de Malherbe.Ces cellules dites fantômes (ghostcells), éléments pâles, éosinophiles,ayant perdu leur noyau contiennentbeaucoup de tonofibrilles, de 60 à240 mm de diamètre, arrangés dansdiverses directions[13].Elles sont présentes dans la couchede cellules étoilées d’une qualitévariable.Pour expliquer la présence des calcifica-tions, Fejerskow et Krogh ont biendécrit l’originalité histologique de cettetumeur avec des cellules épithéliales detype malpighien différentes et dont l’as-pect ultrastructural, ainsi que les activi-tés enzymatiques comparables à cellesdes cellules du stratum intermédium,leur font évoquer une origine possiblede la tumeur à partir de ces cellules.Ces cellules à potentialité odontogènene pourraient pas produire une matricede l’émail, mais une substance amy-loïde, et les calcifications seraient alorsun essai de minéralisation de cettematrice anormale.Ces calcifications, au début, centrales,s’étendent et fusionnent pour formerparfois une vaste plage. Il est admis queceux-ci résultent de la calcification de lasubstance amyloïde, mais ils pour-raient, pour une part, provenir de colla-gène calcifié ou bien de la dégénérationdes mitochondries ou des tonofi-brilles[14].La substance amyloïde induirait la pro-duction par les cellules du stroma d’unematrice collagène, qui se calcifierait etressemblerait au cément.

Cliniquement, le KOC est le plus sou-vent asymptomatique, seule la tuméfac-tion à croissance lente est remarquée.Le traitement consiste en l’exérèse com-plète.Une surveillance clinique et radiolo-gique dont la périodicité dépend de laconclusion anatomopathologique et jus-qu’à l’obtention d’une réossificationcomplète est nécessaire.L’examen histologique est indispen-sable.Enfin, c’est de la confrontation radiocli-nique et histologique que naîtra le dia-gnostic.

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Du point de vue évolutif, ce kyste gué-rit après énucléation complète ; d’ex-ceptionnelles récidives locales et tar-dives ont cependant été signalées etmises sur le compte d’une exérèseincomplète.

De plus, une dégénérescence malignede la variété tumorale a été exception-nellement observée et décrite sous lenom de carcinome odontogénique à cel-lules fantômes, avec croissance impor-tante et tendance à l’infiltration des tis-sus adjacents et, dans certains cas, desmétastases.

conclusion

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SUMMARY

The calcifying odontogenic cyst: a case reportL. OUALHA, H. HENTATI, S. BEN YOUSSEF, F. BEN AMOR, J. SELMI, Y. COMMISSIONAT

Calcified epithelial odontogenic cysts (C.O.C.)are benign lesions classified among the epithe-lial tumours with mesenchyme induction.Clinically, C.O.C. are generally asymptomatic.They are often discovered following tumefac-tion of slow growth or inflammatory signsthat are generally moderate. They are also dis-covered following a routine radiological exa-mination or in children having troubles oferuption.Radiologically, C.O.C. are shown by a radioclear

osteolytic image, having more or less a precisecontour.Mono- or polygeodic, the image is frequentlyscattered with radio-opaque, peripheral finepoints. They are of variable size and number.They are frequently related to unerupted teeth.However, sometimes, these points do not existwhich complicates diagnosis.The treatment of these cysts consists in the com-plete ablation with curettage of the residual cavity.The final diagnosis is histologic.

keywords: odontogenic benign tumors, ghost cell, calcifying cyst.