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L’emploi des radioisotopes dans les problkmes d’absorption par Rene Heller* Resum6 L’incorporation d’un isotope radioactif a une solution nutritive permet de suivre a la trace l’eltment absorbe, d’en distinguer les entrees et les sorties en en dtgageant les modalites. Etonna- ment precise, la methode a largement contribue a la mise en evidence des pompes metaboliques qui assurent les transports au travers des membranes biologiques. Mais elle cache des pitges que le specialiste lui-m@me a souvent du ma1 a dejouer. Abstract The inclusion of a radioisotope in a nutrient solution enables us to detect traces of the par- ticular element during the course of its absorption, to distinguish between its entrance and its exit, and to generally clarify some of the mechanisms involved in the process. This surprisingly precise method has contributed extensively to the evidence that transport across biological membranes is mediated by metabolic pumps. However, one should remember that it is strewn with hidden pit- falls which even a specialist is at pains to avoid. Zusammenfassung Das Einschleusen radioaktiver lsotope in eine NahrlBsung erlaubt es, die Fortbewegungen der so aufgenommenen Elemente genau zu verfolgen, deren Eintritt und Austritt zu unterschei- den und damit den entstehenden Mechanismus zu zeigen. Diese Methode hat vie1 dam beigetra- gen, den Transfer durch biologische Membranen, der von metabolischen Pumpen vollbracht wird, erstaunlich zu veranschaulichen. Jedoch verbirgt sie Fallen, die selbst fur den Spezialisten schwer zu entdecken und zu umgehen sind. I1 est connu depuis longtemps que l’absorption des elements mineraux par les cellules vivantes n’est pas une simple diffusion, mais une veritable fonction physiologique, au m&me titre que la respiration ou la photosynthese. Le fait est etabli aussi bien pour les cellules animales que pour les vegetales, mais je m’en tiendrai a ces dernieres, qui me sont plus familieres, et qui, moins specia- lisees, permettent souvent de mieux degager les principes fondamentaux du fonctionnement cellulaire. * 14, rue Leon Blum, F-92260 Fontenay-aux-Roses Dialectica Vol.36,No1 (1982)

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L’emploi des radioisotopes dans les problkmes d’absorption

par Rene Heller*

Resum6 L’incorporation d’un isotope radioactif a une solution nutritive permet de suivre a la trace

l’eltment absorbe, d’en distinguer les entrees et les sorties en en dtgageant les modalites. Etonna- ment precise, la methode a largement contribue a la mise en evidence des pompes metaboliques qui assurent les transports au travers des membranes biologiques. Mais elle cache des pitges que le specialiste lui-m@me a souvent du ma1 a dejouer.

Abstract The inclusion of a radioisotope in a nutrient solution enables us to detect traces of the par-

ticular element during the course of its absorption, to distinguish between its entrance and its exit, and to generally clarify some of the mechanisms involved in the process. This surprisingly precise method has contributed extensively to the evidence that transport across biological membranes is mediated by metabolic pumps. However, one should remember that it is strewn with hidden pit- falls which even a specialist is at pains to avoid.

Zusammenfassung Das Einschleusen radioaktiver lsotope in eine NahrlBsung erlaubt es, die Fortbewegungen

der so aufgenommenen Elemente genau zu verfolgen, deren Eintritt und Austritt zu unterschei- den und damit den entstehenden Mechanismus zu zeigen. Diese Methode hat vie1 dam beigetra- gen, den Transfer durch biologische Membranen, der von metabolischen Pumpen vollbracht wird, erstaunlich zu veranschaulichen. Jedoch verbirgt sie Fallen, die selbst fur den Spezialisten schwer zu entdecken und zu umgehen sind.

I1 est connu depuis longtemps que l’absorption des elements mineraux par les cellules vivantes n’est pas une simple diffusion, mais une veritable fonction physiologique, au m&me titre que la respiration ou la photosynthese. Le fait est etabli aussi bien pour les cellules animales que pour les vegetales, mais je m’en tiendrai a ces dernieres, qui me sont plus familieres, et qui, moins specia- lisees, permettent souvent de mieux degager les principes fondamentaux du fonctionnement cellulaire.

* 14, rue Leon Blum, F-92260 Fontenay-aux-Roses

Dialectica Vol.36,No1 (1982)

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Pour analyser un phenomene, il faut Cvidemment pouvoir le mesurer avec precision. Pour l’absorption, on peut en une premiere approche faire deux dosages chimiques de l’element dans le tissu: l’un au debut de l’experience, I’autre a la fin, la difference donne la masse absorbee. Mais pour avoir un k a r t appreciable il faut attendre plusieurs heures, sinon plusieurs jours, pen- dant lesquels il s’est passe bien des faits qui n’ont plus rien a voir avec l’absorption (metabolisation, conduction vers d’autres organes, etc.).

L’idCal est donc de disposer d’un moyen permettant de mesurer directe- ment I’entree d’un element sans avoir a operer par difference. En 1913, Georg Hevesy, chimiste anglais d’origine hongroise (1885-1966), eut l’idee de faire appel aux radioisotopes qui venaient d’Ctre decouverts. I1 imagina qu’incorpo- res a un milieu nutritif ils pourraient Ctre suivis ((a la trace)) lors de leur absorption; effectivement en 1923, il reussit a utiliser cornme {{traceur,) un isotope radioactif naturel du plomb qu’il fit absorber par des plantes.

On nomme isotopes, rappelons-le, des elements dont les noyaux atomiques ont la mCme charge electrique sans toutefois avoir la meme masse; or, pour l’essentiel, c’est la charge et non la masse du noyau qui commande les proprie- tes chimiques et donc physiologiques de l’element. Ainsi le phosphore naturel a des noyaux constitues de 31 particules: 15 protons, charges positivement et 16 neutrons non charges; c’est le nombre de charge)): 15 et non le H nombre de masse)): 31 qui le caracterise sur le plan chimique. C’est dire qu’avec un neutron supplementaire if est encore du phosphore, bien que de masse atomi- que 32. Ce ((phosphore-32)), ou 32P, on sait le fabriquer, mais il n’est pas sta- ble: il tend a prendre la forme stable la plus proche, a savoir le trsoufre-32)) (16 protons, 16 neutrons) en abandonnant une charge negative sous forme d’un rayonnement D, aisement decelable et mesurable a l’aide d’une plaque photographique ou par des compteurs spkciaux.

Ainsi, alors que l’isotope naturel, le 31P, n’est dosable que par des metho- des longues et compliquees, le 32P peut Ctre dose tres facilement et avec une precision sans commune mesure avec celle des procedes chimiques, meme assortis des moyens modernes. Des lors, il suffit de melanger des quantites infimes de 32P au phosphore ordinaire pour suivre la destinee du phosphore dans la plante.

C’est precisement au phosphore-32 que Hevesy, encore h i , s’adressa, peu apres la decouverte des radioelements artificiels par Irene et Frederic Joliot- Curie en 1934, pour reprendre plus commodement l’utilisation des radio- isotopes comme traceurs de I’absorption et mCme du metabolisme. I1 devait Etre suivi par de tr6s nombreux physiologistes et le 32P reste l’un des traceurs nucleaires les plus courants. C’est qu’il presente des conditions d’emploi tres avantageuses. Sa periode (temps qu’iI faut pour que la moitii des atomes de

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32P aient retrouve la stabilite) est de 14,3 j , ce qui n’est ni trop long, ce qui rendrait les mesures difficiles, ni trop court, ce qui presenterait des inconvt- nients en cas de contamination accidentelle. D’autre part, sont energie de rayonnement est relativement elevte: 1,7 MeV (millions d’klectrons-volts), d’ou une detection aisee.

Depuis, l’tventail des radioisotopes en usage dans les laboratoires s’est lar- gement ouvert. On citera le potassium (42K) de pkriode un peu courte (1 2’4 j) et auquel on substitue souvent le rubidium (86Rb), les deux alcalins ayant du point de vue de l’absorption des proprieties tres voisines; le sodium, avec deux isotopes (22Na et 24Na) que I’on peut discerner, ce qui permet de compliquer les experiences; le calcium (45Ca et 47Ca, moins usuel); le soufre (35S), etc. Tout ricemment le chlore s’est ajoute a la liste, malheureusement d’un prix de revient trks eleve. Pour l’azote, si on ne dispose pas de radioisotopes, l’incon- vtnient est pallie par l’existence d’un isotope lourd (15N au lieu de 14N), qui peut 2tre distingue de l’azote-14 par sa difference de masse a l’aide d’un (( spectrophotometre de masse D. La seule lacune vraiment fiicheuse est celle du magnesium (encore qu’il existe un 2*Mg, mais si cher qu’il n’est pratique- ment pas utilisable), ce qui explique en partie le retard de nos connaissances sur le transport de cet element.

L’emploi des radioisotopes a d’abord permis de confirmer et d’affiner les donnees acquises par Osterhout et ses collaborateurs au debut de ce siecle sur des Algues aux cellules gkantes et de dimontrer directement que l’absorption ne resulte pas seulement du jeu des forces osmotiques et des champs electri- ques (les elements ne sont pas sous forme neutre, mais sous forme d’ions char- gCs positivement ou negativement), mais de processus qu’en d’autres temps on e6t appele vitaux et que l’on designe maintenant sous le terme d’actifs, proces- sus complexes necessitant de l’energie fournie par le mktabolisme. Et l’on est alle beaucoup plus loin.

Outre sa precision, l’emploi des traceurs nucleaires presente en effet un avantage inestimable sur la methode chimique. Chargeons une suspension de cellules (algues ou cellules isolees de Vegetaux superieurs) en potassium-42 en les maintenant pendant quelques heures dans une solution de potassium mar- que au 42K, puis transferons-les dans une solution non radioactive: celle-ci le deviendra rapidement, preuve que le 42K est ressorti des cellules, et cela m@me si la solution est identique a la solution de charge (au 42K prb) et si un temoin sur solution radioactive montre que l’absorption de potassium se poursuit. Ainsi pour le potassium, comme pour la plupart des elements, il y a simultane- ment des entrees et des sorties d’ions d’une mCme espece. Les dosages chimi- ques traduisent seulement le bilan de ces deux sortes de mouvements, l’influx net, difference entre l’influx, courant d’entree, et l’effrux, courant de sortie (il

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ne s’agit la en fait que d’une formulation statistique, car les echanges sont constants dans les deux sens). Or le fait capital, etabli g r k e aux traceurs, c’est que les deux types de flux ne relevent generalement pas des memes mecanis- mes: en particulier, quand un flux est actif, donc consomme de I’tnergie meta- bolique, l’autre est seulement diffusionnel, sorte de fuite a la pompe metaboli- que qui assure le flux actif.

I1 devint ainsi possible de dissocier les deux types de flux, d’analyser leurs caracteres, d’etudier leur evolution en fonction du temps, des concentrations internes et externes, des facteurs de l’environnement, et de comparer leurs valeurs a celles prevues par les lois de la thermodynamique pour les transfor- mations exergoniques, c’est-a-dire celles qui entrainent une baisse des disponi- bilites energetiques du systeme et qui se deroulent spontanement sans apport d’energie exterieure.

I1 fut ainsi demontre que les ions negatifs (chlorures, phosphates, sulfates) sont absorbes activement (au sens physiologique du terme), le sodium au con- traire etant refoule activement a l’exterieur des cellules, aussi bien animales que vegetales; le potassium, semble se deplacer pour l’essentiel sous I’effet des champs tlectriques. De plus l’emploi des traceurs, associe a d’autres techni- ques, comme les mesures des differences de potentiel electrique transmembra- naires ou l’analyse mathematique des cinetiques des flux, a permis de descen- dre au niveau subcellulaire. La distribution ionique dans les differents com- partiments (paroi, couche cytoplasmique, vacuole, mitochondries, chloro- plastes, etc.) a i t6 prkcisee. L’Ctude des transports ioniques non plus seule- ment entre la cellule et son milieu mais au travers des diverses membranes bio- logiques internes a pu &tre faite; des pompes metaboliques de nature enzymati- que ont etC mises en evidence sur ces membranes et les mecanismes de leur fonctionnement commencent a Stre elucides. Les processus par lesquels la cel- lule assure le maintien approximatif de sa composition ionique (homeostasie), en dipit des variations du milieu exttrieur, sont eux aussi en passe d’&tre divoiles.

I1 serait evidemment excessif de pretendre que ces decouvertes ont eu lieu par la seule vertu des traceurs nucleaires. D’autres techniques tres fines ont dii Etre mises en ceuvre, et par exemple la decouverte des (( pompes a protons )) qui assurent le transport des ions H + et creent les differences de potentiels transmembranaires (pompes electrogknes) determinantes pour les mouve- ments d’ions, fut realiske sans qu’il ait ete fait appel au tritium 3H + , radioiso- tope de l’hydrogene. De mCme, les couplages energetiques sont etudies par des voies largement autonomes, relevant de l’enzymologie et de la photographie Clectronique. Mais on peut affirmer sans exageration que les decouvertes essentielles dans le domaine de l’absorption (comme dans celui du metabolis-

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me) n’auraient pu se faire sans I’emploi des radioisotopes, ou alors au prix de difficultks considerables par des methodes indirectes, laborieuses et incer- taines. * * *

Est-ce a dire que la methode des traceurs radioactifs soit une panacee et ses possibilites sans limites? Helas non, il n’y a pas de miracle en matiere de methodologie et les radioisotopes n’echappent pas a la regle. D’abord, sur le plan technique, l’expression adoptee pour presenter le principe de la methode: (( I1 suffit de melanger . . .H est d’une simplification derisoire. I1 faut en realite de minutieuses precautions, non seulement pour respecter les normes de secu- rite (certains elements, comme le calcium-45, tmettent des rayons y aussi nocifs que les rayons X), mais pour rester dans la gamme souvent tres etroite des doses utilisables. Un marquage trop fort, avec une radioactivite trop intense, risque d’entrainer des perturbations dans le mktabolisme ou meme des lesions tissulaires. Insuffisant, il rend la detection impossible du fait du ((bruit de fond >> sur les compteurs de la radioactivite ambiante (rayonnement cosmique). On doit Cviter les contaminations parasites, se defier de l’autoab- sorption du rayonnement par l’kchantillon lui-meme, etc.

Mais surtout, l’emploi des radioisotopes est entache de defauts fondamen- taux pendant longtemps negliges par les chercheurs et difficiles a surmonter. 11s ne sont d’ailleurs devenus apparents qu’h I’usage et rien ne dit que s’ils avaient 6te perGus plus tat, ils n’auraient pas decourage les pionniers, ce qui eQt ete bien dommage.

Tout d’abord, est-il vrai que deux isotopes se comportent de faqon identi- que et que les cellules ne les distinguent pas? Ecrire, comme nous I’avons fait (ici encore omission deliberee des nuances par souci pedagogique) que les pro- prietes chimiques et physiologiques d’un element ne dependent que de son cortege electronique et donc de sa charge electrique, n’est pas exact en toute rigueur. Une reaction chimique fait intervenir des rapprochements de particu- les avant la realisation de leurs liaisons, et leur mobilite depend necessaire- ment de leur densite, donc de leur masse. Dam le cas des phosphores 31P et 32P, il est vrai que la difference relative entre les masses (3%) peut &re negli- gee. Ce serait deja moins valable s’agissant de comparer le 42K et le 39K (diffe- rence de masse: 8%) ou le 45Ca et le 4oCa (12’5%) et plus du tout pour le tri- tium (3H +) et le proton (IH + ) (300%), ce qui explique que le tritium ne soit utilisable dans fes etudes sur les transports de protons que pour la collecte de donnees qualitatives.

Dans les recherches sur le metabolisme, oh les enchainements de reactions peuvent Etre tres lourds, la ((discrimination )) est si marquee, entre le 12C et le 14C par exemple, qu’elle a pu servir 5 distinguer les diffkrents types de meta-

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bolisme carbone dans les familles vegetales. Mais reconnaissons que dans les etudes sur l’absorption, aux processus plus simples, elle ne constitue pas un obstacle majeur.

Plus serieux est le probleme pose par les ecchanges isotopiques entre des ions adsorbes sur les membranes. Les ions n’y sont pas rigidement fixes mais constamment mobiles et leur apparente immobilite n’est qu’une illu- sion statistique provenant de ce qu’ils permutent avec des ions de la mEme espece sans qu’on puisse distinguer les permutes et les permutants, sauf s’il s’agit d’isotopes distincts. Prenons une membrane biologique dont les sites electronegatifs sont satures de calcium (calcium stable: 40Ca), plongeons-la dans une solution marquee au 45Ca: elle devient radioactive. Non pas qu’elle ait absorbe )) vraiment du calcium, contrairement aux apparences, mais simplement parce qu’elle a ctechange~ du 4oCa contre du 45Ca. Bien entendu, le specialiste pourra surmonter la difficulte par des experiences temoins et mtme tirer parti de l’inconvenient signale, pour l’etude des echanges par exernple, mais cela exigera de lui de I’imagination dans la con- ception des essais et un lourd travail experimental.

Quant au troisieme obstacle, il est si abrupt que jusqu’a une epoque tres recente (rnettons une dizaine d’annees), les chercheurs l’ignoraient purement et simplernent. Disons a leur decharge qu’il y avait encore tellement a decou- vrir en depit de cette complaisance qu’il etait legitime d’avancer en remettant a plus tard la liquidation de cet ilot de resistance.

Une mesure d’absorption par la methode des traceurs radioactifs suppose que l’on connaisse l’intensite du marquage du milieu d’absorption, apprecike par la radioactivite spkcifjque s, rapport entre la radioactivite mesuree au compteur en cpm (impulsions par min) et la teneur de ce milieu en element etu- die. Par exemple si on enregistre 1550 cpm pour un volume de milieu conte- nant 10 pg de K, s = 155. Supposons qu’en un temps donne l’echantillon ait absorbe une quantite q de radioactivite, on pourrait Etre tente de dire que la masse absorbee correspondante est q/s . Ainsi dans l’exemple precedent, si au bout d’une heure d’absorption I’echantillon a acquis une radioactivite de 823 pg, on pourrait penser qu’il a absorb6 823/155 = 5’3 pg de K. Regle de trois elementaire!

Ce serait oublier ce que nous avons signale plus haut: q n’est que le bilan (en radioactivite) entre une entree q; et une sortie concommitante qe, avec q = qi-qe, tandis que m, masse effectivement absorbee et que nous cherchons a determiner, est elle aussi la difference entre une entree et une sortie m = mi-me, avec mi = q;/Si et me = qe/Se , OU si et se sont les radioactivites specifiques des compartiments de depart des flux, donc respectivement de la solution externe pour l’influx et de la cellule pour l’efflux. L’experimentateur

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connait si, egal as, radioactivite specifique de la solution qu’il a fabriquee, mais pass,, radioactivite specifique de la cellule. I1 ne peut donc pas deduire m de q.

Naguere on tournait la difficulte en se limitant a des temps d’absorption soit tres courts (quelques minutes), pour que la radioactivite specifique cellu- laire reste negligeable devant celle du milieu (donc Se = 0), soit tres longs (quelques heures), pour que les echanges isotopiques aient assure l’equilibra- tion des radioactivites specifiques et que l’on puisse h i r e Se = Si = S, ce qui permet de retomber sur la formule q = m/s. Mais pour tous les temps inter- mediaires, si prkcieux pourtant a considerer, I’emploi de cette formule eQt ete abusif. Et encore ai-je sirnplifie en parlant de cellule sans distinguer ses diffe- rents compartiments.

En fait, des mesures correctes de flux endocellulaires exigent la connaissan- ce des radioactivites specifiques internes, ce qui implique que l’on dispose de moyens chimiques ou electrochimiques (electrodes specifiques), ou de metho- des indirectes, pour connaitre les teneurs en element stable des differents com- partiments. Ainsi par un plaisant retour des choses, la methode des traceurs nuclkaires ne peut fournir dans bien des cas des resultats valables qu’associee a des methodes qu’elle avait precisement pour objet de supplanter!

Outil precieux, aux possibilites considerables, l’emploi des radioisotopes, pratique sans discernement, risque de conduire a de grossiitres erreurs et con- fusions, ses qualites devenant alors des dangers. <<I1 n’est pas de mauvais outils, il n’est que de mauvais ouvriers )) dit la sagesse populaire. On peut aller plus loin et affirmer que l’amateur maladroit commettra d’autant plus de deg2ts que le materiel dont il dispose est plus performant. Toute methode de laboratoire, si tlaboree soit-elle, laisse a sont utilisateur l’obligation de faire preuve d’esprit critique et d’initiative. Et c’est bien ainsi. Car rien n’est pire, a la paillasse comme au volant, que la somnolence guettant l’imprudent qui se laissent bercer au doux ronron de la routine.

REFERENCES

I1 n’y a guere que des ouvrages dkja anciens qui soient spkcifiquement consacres aux bases de la methode des traceurs radioactifs, par exernple: J . Sacks, Isotopic Tracers in Biochemistry and Physiology, Mc Graw-Hill, New-York, 1953. et: M.D. Kamen, Radioactive tracers in Biology, Academic Press, New-York, 1957. En plus moderne, on dispose des compte-rendus de Colloques entre specialistes, tels que: S . Rothchild, dir., Advances in TJracer Methodology, 4 vol. Plenum Press, 1963-1968. Sur les transports membranaires, on peut mentionner, parmi les precis de caractere general: R. Heller, L ’absorption minerale chez ies vkgktaux, Masson, Paris, 1974. et: A. Kotyk et K. JanaEek, CeN Membrane and Transport, Plenum Press, New-York, 1975.

Dialectica Vol. 36, No 1 (1982)