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| ACTUALITÉ | Rencontre | 14 SOmag i o i L’homme de Shanghai Franck Boudot est l’ambassadeur des vins de Bordeaux en Asie. Il est à la tête de trois bistrots 100 % Bordeaux à Shanghai et porte des projets de développement plein ses valises. Retour sur un parcours singulier Texte : Xavier Sota Photo Thierry Coulon 14-17_Rencontre.qxp 13/07/16 11:06 Page 14

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L’homme de ShanghaiFranck Boudot estl’ambassadeur des vins de Bordeaux en Asie. Il est à la tête de trois bistrots 100 % Bordeaux à Shanghaiet porte des projets de développement plein ses valises. Retour sur un parcours singulier

Texte : Xavier Sota

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Pensez qu’il y a vingt ans, l’empire du Milieu ignoraittout ou presque des vins de Bordeaux. Aujourd’hui,la Chine est le premier client à l’export des bordeaux.

Pour beaucoup de professionnels, la boussole indique leSud-Est asiatique. Ou quand la Chine communiste re-prend le rôle de l’Eldorado. Certains s’y sont cassé lesdents, d’autres y ont accompli de grands bonds en avant.C’est le cas de Franck Boudot. Il y a vingt ans, il neconnaissait rien ou presque de la Chine. Aujourd’hui, ilparle couramment la langue de Confucius, cerne à laperfection les codes et les usages de la culture chinoise,notamment en affaires. Il est à la tête de trois bars à vin100 % Bordeaux en partenariat avec le CIVB (lire parailleurs) à Shanghai baptisés « Le Bordelais ». Le premier

a ouvert en 2012 et a fait des petits. Autant d’ambas-sades des vins de Bordeaux en Asie, où l’on peut goûtertoutes les grandes familles organiques. Dans le rôle del’ambassadeur, Franck Boudot, qui se résume sans di-plomatie : « Je suis bélier, je tape dedans jusqu’à ce queça passe ! » Il a Hong Kong, la Corée dans le viseur pourdécliner le concept. Pour Shanghai, sa terre d’élection, ilvoit également grand. Des petits frères en vue. Maisaussi un « concept store » 100 % Bordeaux, une sortede supermarché haute couture où l’on trouvera toutesles familles des vins girondins. Les Chinois aiment les« malls », ces grands ensembles commerciaux où il sepressent pour faire leurs emplettes et se restaurer. Il en-visage d’y implanter des échoppes de restauration (fran- >>>

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Le Bordelais, des bars à vins 100 % Bordeaux, ouverts en partenariat avec le CIVB

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çaise) avec des vins au verre. 40 appellations, tranche-t-il déjà. Et pourquoi pas un service de plateau-repas« Accords mets et vins (de Bordeaux) » pour les busi-nessmen pris dans d’interminables rounds de négocia-tions. Shanghai est en effet la première place financièrechinoise.

Objectif : les cols blancs chinois

« Dans un premier temps, il a fallu désacraliser les Bor-deaux, on associait nos vins aux seuls grands crus. LeBordelais offre tout le panorama de ce qui se fait, à tousles prix. La culture du vin progresse », constate-t-il. Soncœur de cible  : «  Le col blanc chinois. Ils se pressentpour goûter à ce produit millénaire. Cette dimension cul-turelle de Bordeaux est une donnée importante pour leconsommateur chinois.  » Innover, inventer, autant devertus cardinales pour se faire un nom dans une méga-lopole de 26 millions d’habitants. Franck Boudot est par-tout. Dans ses bistrots à donner un coup de main à sestroupes quand il le faut, dans la recherche de partenairespour les coups d’après, sur les réseaux sociaux chinoispour faire exister sa marque : « Le papier n’existe plus àShanghai ! Tout passe par le téléphone. » Alors il se dé-ploie sur Wechat, Weibo, planche sur une plateforme In-ternet : « Obligé d’être dans la mouvance, sinon c’est lesable mouvant ! L’objectif est simple, il s’agit d’être unleader d’opinion numérique», explique-t-il. Il s’y emploieavec ardeur. Le mouvement perpétuel, c’est un peu l’histoire de sa

vie. Né il y a un peu plus de quarante ans dans le 93, ildébarque à l’âge de 20 ans à Bordeaux. Un BTS d’écolehôtelière en poche et «  du culot  ». Il décroche un jobchez Buffalo Grill, à Lormont. Très vite réclame la directionde celui de Villenave-d’Ornon. « Je me régalais, j’y ai faitmes armes. C’est là que j’ai appris l’armature du fonc-tionnement d’un établissement, le management, la ges-tion des stocks. » Le jeune homme a des envies d’ailleurs.Une annonce dans le journal l’arrête. La Tupina, table àla renommée mondiale, à Bordeaux, cherche un maîtred’hôtel : « Je postulais comme maître d’hôtel, Jean-PierreXiradakis m’a nommé directeur général au terme de l’en-tretien. » Cinq années pied au plancher  : « Xira, c’estmon mentor. Et moi, je marche à l’admiration. Il m’a ap-pris le vin de Bordeaux, la cuisine du Sud-Ouest, m’afait rencontrer énormément de monde. Je répète souventson conseil : pour découvrir le vin, pas besoin d’acheterdes bouquins, il faut le boire. » Une véritable idylle pro-fessionnelle qui se clôt au terme d’un quinquennat (1996-2001).

Pékin, la découverte

L’envie d’ailleurs encore. Il prend la direction Relais etChâteau étoilé dans le Morbihan. Ne s’y plaît pas. « Maisj’y ai appris l’hôtellerie », précise-t-il. Croise une premièrefois le chemin du groupe Flo (chaîne de restaurants fran-çais, NDLR). L’affaire ne se fait pas. Direction Toulouse,où il prend les rênes d’un restaurant. Il recroise fortuite-ment le patron du groupe. Ils discutent. Dès le lendemain,

Pour découvrir le vin, pas besoin d’acheter des bouquins,

il faut le boire

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son téléphone sonne. Franck Boudot avait envie d’ailleurs.Flo lui propose la Chine. Nous sommes en 2002. Pas uneseconde d’hésitation. Il boucle sa valise. « Je découvrePékin, la Chine, je suis sous le charme. » Il ouvre unepremière brasserie à Pékin, puis Shanghai. « En Chine,on ne peut pas débarquer avec son joli sourire. Il fauts’associer avec des partenaires chinois. On ne fonctionnepas de la même manière côté business, il faut s’y faire.Dans mon bureau, il y avait la sœur de notre associé.Son job était de regarder ce que je faisais et de vérifiermes achats ! » Ça ne l’impressionne pas. Il change demaison pour cette fois implanter la Boîte à Pizza dansl’empire du Milieu. Il apparaît sur les radars de tousceux qui veulent investir en Chine. Au même moment, ilse verrait bien voler de ses propres ailes. Il se lance dansson projet : un bar à vin 100 % Bordeaux. Entre-temps,le groupe Mulliez l’embauche pour implanter les restau-rants Flunch en Asie. Il mène les projets de front avantque le groupe de Villeneuve-d’Ascq ne change brutalementd’avis. C’est le moment de voler de ses propres ailes. À10 000 kilomètres de distance, au Conseil interprofes-sionnel des vins de Bordeaux (CIVB), on entend développerun réseau « d’ambassades » des vins de Bordeaux encomplément des fêtes du vin qui se déploient à Hong

Kong, Québec et Bruxelles. Le réseau bordelais se met enbranle. Un partenariat est signé. L’aventure peut com-mencer et essaimer. Sa grande affaire. Pour la premièrefois de sa vie, pas d’envie d’ailleurs, mais l’ambition dese développer et de développer la marque Bordeaux enChine. Pas de mal du pays pour le moment. Mais l’hommea tout de même une idée dans un coin de sa tête : « Pourmes vieux jours, j’aimerais acheter un château dans l’En-tre-deux-Mers, avoir quelques vignes »… Il s’interrompt :«  Non, ce qui serait intéressant, c’est de monter un“glamping” [contraction de glamour et camping]. Deshabitats insolites pour passer la nuit, un bar à vin sur lemodèle du Bordelais pour déguster dans le château, desexcursions dans le vignoble  »…  Toujours un culotd’avance.

La Chine est le premier client à l’exportation du vignoble bordelais

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