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70 Courrier de l'Environnement de l'INRA n° 28, août 1996 La bière en Allemagne Enjeux économiques, sociaux et environnementaux à échelle locale et régionale par Thierry Hommel INRA-DPEnv., 147, rue de l'Université, 75338 Paris cedex 07. Acheter un pack de bière est un geste hebdomadaire, voire quotidien, qui chez nos cousins Germains est la résultante de la tradition, la culture et, à n'en pas douter, de l'incomparable sensation procurée par le houblon macéré ! Facteur économique d'importance (voir encadré ci-après), la bière est outre-Rhin le produit d'un secteur agro-alimentaire de pointe qui a su évoluer et s'adapter aux mutations technologiques. L'industrie du brassage s'apprête effectivement à entrer dans son 10 e siècle d'existence'(*). Complètement intégrée au système économique libéral, elle peut toutefois s'enorgueillir d'un statut particulier. Pour un habitant du Bade, la bière de Heidelberg est certes allemande, mais reste avant tout une bière locale. Fédéralisme aidant, les marchandises circulent à un niveau national, sans pour autant nuire au développement d'une économie de proximité. Aussi, l'émergence de brasseries d'envergure internationale n'a aucunement remis en cause l'existence de micro- et moyennes brasseries, qui écoulent leur production aux niveaux local et régional. Ce type de brasserie aux structures de PME 2 a pratiquement disparu en France 3 mais fait plus que subsister en Allemagne. Souvent propriété des duchés, des Etats ou des municipalités au X V I I e siècle, pendant la période mercantiliste, la brasserie fut un agent productif assurant des recettes non seulement par ses ventes, mais aussi grâce à l'impôt perçu sur la bière. La brasserie était alors un acteur socio-économique important au niveau local, tant comme créateur d'emplois que par son association à une multitude de corporations opérant dans le même périmètre. On peut se risquer à affirmer que cette situation s'est grosso-modo maintenue. Le brasseur utilise aujourd'hui les mêmes matières premières et reste encore étroitement lié à l'agriculture, aux souffleries de verre, à l'hôtellerie, la restauration et aux tavernes. Aussi, et afin de mieux cerner ces différentes interactions, nous proposons nous d'étudier à l'échelle nationale allemande dans un premier temps, puis à un niveau local à l'exemple de Heidelberg dans un second temps les enjeux économiques, environnementaux et sociaux que véhicule la bière en Allemagne. Présentation générale Sans entrer dans les détails techniques rappelons brièvement que la bière est un mélange d'orge, de houblon, de levure et d'eau (voir ci-après l'encadré Le brassage de la bière). En Allemagne, un texte de loi, promulgué en 1516 par Guillaume IV de Bavière, à Ingoldstadt, la Reinheitsgebot, loi allemande de pureté de la bière, influe sur la fabrication et perpétue une tradition culturelle (on lira son énoncé plus loin). Remaniée au cours de l'histoire, réadaptée en fonction des changements technologiques, elle conserve toutefois l'alinéa initial qui en fait la loi alimentaire la plus ancienne au monde et permet aux brasseurs allemands de bénéficier d'une notoriété publique sans égale dans les autres secteurs de l'agro-alimentaire. En interdisant aux brasseurs d'utiliser d'autres composants que le malt, le houblon, la levure et l'eau pour la fabrication de la bière, cette loi fait office de label de qualité, garantissant l'origine naturelle de la production. Richard von Weizsàcker, ancien président de la République fédérale (*) Les notes sonc reportées en fin d'article. L'auteur remercie M. F Jolibert, de l'Institut français de brasserie- malterie, M me D. Nâscher. de la Heidelberg SchloBquell Brauerei. ainsi que l'ensemble de l'Umweltdezernat de la mairie de Heidelberg. allemande, allait même jusqu'à dire : « Nous pourrions nous estimer heureux si l'air était aussi pur que la bière. » 4 Le consommateur allemand, très sensibilisé aux problèmes environnementaux, perçoit les mérites de ce texte qui vise à bannir du marché les produits phosphatés, les agents de conservations, les colorants et autres substances chimiques. Garantie de qualité par essence, cette loi est cependant une arme à double tranchant puisque protectionniste dans les faits. La cour de justice de l'Union européenne rendait le 12 mars 1987 la décision suivante : « La libre circulation des marchandises au sein de la Communauté européenne rend possible la mise en vente sur le territoire allemand de bières non fabriquées selon la Reinheitsgebot. Elles peuvent contenir des ingrédients comme l'orge non malté, le mais, le riz, le millet et des additifs. Ces ingrédients doivent toutefois être impérativement signalés ». Quelques chiffres sur la bière en Allemagne Nombre d'employés dans l'industrie du brassage : 53 600 Nombre de brasseries : 1 300 Production globale en hl : 118 600 000 Consommation globale en hl : 113 600 000 Consommation en I par habitant : 139,6 % de bières importées/consommation : 2,44 % de bières exportées/production : 7,974 Prix moyen d'un litre de bière dans le commerce en DM 2,26 Chiffre d'affaire de l'industrie du brassage en MD/DM : 20,439 Recette de l'impôt sur la bière en MD/DM : 1,794 1 DM =3,45 FrF Source : Die deutsche Brauwirtschalt in Zahlen, 1994, Volkswirtschaftliche Abteilung Deutscher Brauer-Bund e.V, Bonn. Cette décision européenne a fait très peu de tort aux brasseurs allemands. Si quelques marques se sont effectivement lancées sur le territoire allemand, leur percée reste faible. La Reinheitsgebot est un décret trop ancré dans les moeurs pour qu'on puisse espérer une implantation rapide d'un produit qui la transgresse. Seules quelques marques qui l'ont intégrée pour l'exportation à leurs méthodes de production (avant tout les marques tchèques) bénéficient des faveurs du public. Notons pourtant que cette Reinheitsgebot, label de fabrication et de qualité, n'offre aucune indication sur la qualité des matières premières utilisées. On peut alors la concevoir uniquement comme une mesure protectionniste et une subtile manipulation du consommateur. Le fait d'utiliser du houblon, du malt, de l'eau ne garantit pas une culture sans pesticides ni engrais chimiques, une eau dépourvue de nitrates... Pourtant, les matières premières elles-mêmes sont l'objet d'un soin tout particulier (voir encadré Le brassage de la bière). Tout comme le consommateur, le producteur allemand est fortement sensibilisé aux problèmes de protection de l'environnement. Cette préoccupation est le résultat d'un programme lancé voici maintenant vingt ans par les mouvements écologistes, suite aux premières constatations des dégâts occasionnés par les pluies acides dans les forêts allemandes.

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70 Courrier de l'Environnement de l'INRA n° 28, août 1996

La bière en AllemagneEnjeux économiques, sociaux et environnementaux à échelle locale et régionalepar Thierry HommelINRA-DPEnv., 147, rue de l'Université, 75338 Paris cedex 07.

Acheter un pack de bière est un geste hebdomadaire, voirequotidien, qui chez nos cousins Germains est la résultantede la tradition, la culture et, à n'en pas douter, del'incomparable sensation procurée par le houblon macéré !Facteur économique d'importance (voir encadré ci-après), labière est outre-Rhin le produit d'un secteur agro-alimentairede pointe qui a su évoluer et s'adapter aux mutationstechnologiques. L'industrie du brassage s'apprêteeffectivement à entrer dans son 10e siècle d'existence'(*).Complètement intégrée au système économique libéral, ellepeut toutefois s'enorgueillir d'un statut particulier. Pour unhabitant du Bade, la bière de Heidelberg est certesallemande, mais reste avant tout une bière locale.Fédéralisme aidant, les marchandises circulent à un niveaunational, sans pour autant nuire au développement d'uneéconomie de proximité. Aussi, l'émergence de brasseriesd'envergure internationale n'a aucunement remis en causel'existence de micro- et moyennes brasseries, qui écoulentleur production aux niveaux local et régional.Ce type de brasserie aux structures de PME2 a pratiquementdisparu en France3 mais fait plus que subsister enAllemagne. Souvent propriété des duchés, des Etats ou desmunicipalités au X V I I e siècle, pendant la périodemercantiliste, la brasserie fut un agent productif assurantdes recettes non seulement par ses ventes, mais aussi grâceà l'impôt perçu sur la bière. La brasserie était alors unacteur socio-économique important au niveau local, tantcomme créateur d'emplois que par son association à unemultitude de corporations opérant dans le même périmètre.On peut se risquer à affirmer que cette situation s'estgrosso-modo maintenue. Le brasseur utilise aujourd'hui lesmêmes matières premières et reste encore étroitement lié àl'agriculture, aux souffleries de verre, à l'hôtellerie, larestauration et aux tavernes. Aussi, et afin de mieux cernerces différentes interactions, nous proposons nous d'étudier àl'échelle nationale allemande dans un premier temps, puis àun niveau local à l'exemple de Heidelberg dans un secondtemps les enjeux économiques, environnementaux etsociaux que véhicule la bière en Allemagne.

Présentation généraleSans entrer dans les détails techniques rappelonsbrièvement que la bière est un mélange d'orge, de houblon,de levure et d'eau (voir ci-après l'encadré Le brassage de labière). En Allemagne, un texte de loi, promulgué en 1516par Guillaume IV de Bavière, à Ingoldstadt, laReinheitsgebot, loi allemande de pureté de la bière, influesur la fabrication et perpétue une tradition culturelle (on lirason énoncé plus loin). Remaniée au cours de l'histoire,réadaptée en fonction des changements technologiques, elleconserve toutefois l'alinéa initial qui en fait la loialimentaire la plus ancienne au monde et permet auxbrasseurs allemands de bénéficier d'une notoriété publiquesans égale dans les autres secteurs de l'agro-alimentaire.En interdisant aux brasseurs d'utiliser d'autres composantsque le malt, le houblon, la levure et l'eau pour la fabricationde la bière, cette loi fait office de label de qualité,garantissant l'origine naturelle de la production. Richardvon Weizsàcker, ancien président de la République fédérale

(*) Les notes sonc reportées en fin d'article.L'auteur remercie M. F Jolibert, de l'Institut français de brasserie-

malterie, M m e D. Nâscher. de la Heidelberg SchloBquell Brauerei. ainsi quel'ensemble de l'Umweltdezernat de la mairie de Heidelberg.

allemande, allait même jusqu'à dire : « Nous pourrions nousestimer heureux si l'air était aussi pur que la bière. »4 Leconsommateur allemand, très sensibilisé aux problèmesenvironnementaux, perçoit les mérites de ce texte qui vise àbannir du marché les produits phosphatés, les agents deconservations, les colorants et autres substances chimiques.Garantie de qualité par essence, cette loi est cependant unearme à double tranchant puisque protectionniste dans lesfaits. La cour de justice de l'Union européenne rendait le 12mars 1987 la décision suivante : « La libre circulation desmarchandises au sein de la Communauté européenne rendpossible la mise en vente sur le territoire allemand de bièresnon fabriquées selon la Reinheitsgebot. Elles peuventcontenir des ingrédients comme l'orge non malté, le mais, leriz, le millet et des additifs. Ces ingrédients doiventtoutefois être impérativement signalés ».

Quelques chiffres surla bière en AllemagneNombre d'employés dans l'industrie du brassage :53 600Nombre de brasseries : 1 300Production globale en hl : 118 600 000Consommation globale en hl : 113 600 000Consommation en I par habitant : 139,6% de bières importées/consommation : 2,44% de bières exportées/production : 7,974Prix moyen d'un litre de bière dans le commerce en DM2,26Chiffre d'affaire de l'industrie du brassage en MD/DM :20,439Recette de l'impôt sur la bière en MD/DM : 1,7941 DM =3,45 FrFSource : Die deutsche Brauwirtschalt in Zahlen, 1994, VolkswirtschaftlicheAbteilung Deutscher Brauer-Bund e.V, Bonn.

Cette décision européenne a fait très peu de tort auxbrasseurs allemands. Si quelques marques se sonteffectivement lancées sur le territoire allemand, leur percéereste faible. La Reinheitsgebot est un décret trop ancré dansles moeurs pour qu'on puisse espérer une implantationrapide d'un produit qui la transgresse. Seules quelquesmarques qui l'ont intégrée pour l'exportation à leursméthodes de production (avant tout les marques tchèques)bénéficient des faveurs du public. Notons pourtant que cetteReinheitsgebot, label de fabrication et de qualité, n'offreaucune indication sur la qualité des matières premièresutilisées. On peut alors la concevoir uniquement commeune mesure protectionniste et une subtile manipulation duconsommateur. Le fait d'utiliser du houblon, du malt, del'eau ne garantit pas une culture sans pesticides ni engraischimiques, une eau dépourvue de nitrates... Pourtant, lesmatières premières elles-mêmes sont l'objet d'un soin toutparticulier (voir encadré Le brassage de la bière).Tout comme le consommateur, le producteur allemand estfortement sensibilisé aux problèmes de protection del'environnement. Cette préoccupation est le résultat d'unprogramme lancé voici maintenant vingt ans par lesmouvements écologistes, suite aux premières constatationsdes dégâts occasionnés par les pluies acides dans les forêtsallemandes.

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Les matières premièresDe l'eau pureUne eau riche en minéraux est un impératifpour fabriquer une bière de qualité. L'eau debrassage doit répondre aux mêmes normesde qualité que l'eau potable. Toutefois, lesbrasseurs ont souvent des exigences dequalité supérieures aux nonnes en vigueur.L'eau a également d'autres fonctions quecelle d'ingrédient : elle sert au nettoyage, aurefroidissement et au maltage. Lesaméliorations technologiques aident à réduirela quantité d'eau utilisée pour l'obtention d'unhectolitre de bière : elle est passée de 25 hlvoici trente ans à 4-5 hl aujourd'hui.

Du maltL'orge est la matière première de baseessentielle pour la fabrication du malt.Chaque grain d'orge contient des vitamines,des protéines, des hydrates de carbone etdes lipides. Ces différents éléments doiventêtre transformés avant le brassage. L'orge esten premier lieu trempée dans de l'eau etcommence à germer. La germination a poureffet de créer et d'activer des enzymes. Cesenzymes transforment les hydrates decarbone en maltose, sucre qui alimente lafermentation des levures. Dans un mêmetemps, les protéines sont transformées enacides aminés. Contrairement à l'orge, le maltobtenu est riche en enzymes et en sucre.Depuis plus de cent ans, des variétésspécifiques d'orge et de blé sont cultivéespour la fabrication du malt de brasserie. Onaccorde une attention particulière à larichesse en enzymes, à la faible présence deprotéines et à la qualité du grain. Seul unmode de culture avec un minimum d'engraispermet d'obtenir ce résultat.Voici maintenant un rapide aperçu desdifférentes étapes de la transformation del'orge en malt.

De l'orge au malt vertLe grain d'orge n'est pas directementutilisable pour le brassage. Pour libérer lescomposants utiles à la fabrication de la bière,il faut le ma/fer. Le grain est nettoyé et trié.Puis, il est immergé dans de grandes cuves,les cuves de trempe, pendant deux jours.Cette trempe permet a l'orge d'entamer sagermination. Tout élément chimique favorisantune germination plus rapide est interdit.Durant les premières heures, les grainsabsorbent rapidement l'eau. Si la températureest bonne - de 15 à 16'C - et l'aérationsuffisante, l'orge commence à germer.La phase de germination peut débuter. Lesgrains sont placés dans des germoirs pendant5 jours. Souvent, les germoirs traditionnelssont remplacés par de grandes salles àdouble fond dans lesquelles l'orge est empiléepar tas d'un mètre de hauteur maximum. Enfaisant circuler un courant d'air dans lamasse, on obtient le malt vert (44%d'humidité).

Le brassage de la bière

Du malt vert au malt séchéLe malt vert va être séché pour stopper lagermination : c'est la dessiccation ou letouraillage. En augmentant progressivement latempérature de l'air (jusqu'à 80 C) dans unséchoir, la touraille, on obtient le malt séché. Lesconditions de température, d'humidité et ladurée de l'opération permettent d'obtenir soit dumalt clair, soit du malt foncé, aux arômesdifférents, utilisés dans la fabrication de bièresblondes ou ambrées.

Le malt de brasserieLe malt de brasserie ne contient plus que 3 à4% d'humidité. Sa conservation est assurée parle séchage. Il est ensuite dégermé à l'aide d'unedégermeuse : le malt est débarrassé desgermes, des radicelles, de la poussière et estpoli, puis placé dans des silos bien aérés etprotégés de la poussière. L'activité desenzymes, stoppée par le touraillage, reprendraau brassage, quand celles-ci seront de nouveauen contact avec l'eau.

De la levurePour transformer le sucre en alcool et en acidecarbonique, les brasseurs utilisent de la levurede bière, un champignon microscopique enforme de cellule ovoïde ou arrondie. La levurese reproduit par bourgeonnement. Pour lebrassage, on utilise des levures spécifiques.Comme la levure influe sur le goût de la bière, ilfaut cultiver une souche ayant toujours lesmêmes propriétés à partir d'une cellule-mère.On distingue deux grands types de levures debrasserie, les levures à fermentation haute etcelles à fermentation basse. Les levures àfermentation haute, Saccharomyces cerevisiae,fermentent le sucre du malt à une températurecomprise entre 15 et 20'C et remontent ensurface. Les levures de fermentation basse,Saccharomyces carlsbergensis, fermentent lesucre entre 4 et 9'C. La fermentation dureenviron 8 jours, après quoi la levure se déposeau fond des cuves.

Du houblonLe houblon est une plante grimpante, cultivéesur des fils de fer tendus entre des pieux enbois, jusqu'à 7 m de hauteur.Pour le brassage, on utilise uniquement lescônes femelles. Ces cônes contiennent unprincipe amer et aromatisant, la lupuline. Lalupuline a pour effet second de se lier auxprotéines, ce qui garantit une conservation pluslongue à la bière et améliore la qualité de lamousse. L'Institut allemand de recherche sur lehoublon (Hopfenforschungsinstitut Hûll, Bavière)s'efforce de trouver des nouvelles méthodes delutte contre les ravageurs et maladies, etrecherche notamment des variétés résistantes.Des procédés de lutte biologique existent quiautorisent une culture pratiquement sanspesticides. En Allemagne, on récolte entre600 000 et 800 000 q/an de houblon. Lesrégions de culture les plus importantes sontTettnang, Spalt, Hersbruck, Rheinland/Baden,Bitburg et Elbe/Saale.

Le brassageLe brassage peut commencerDans les chaudrons de cuivre et les fûts desbrasseries traditionnelles, on fabrique le moûtde bière avec l'eau, le malt réduit en farinegrossière et le houblon. Dans une cuve-matière, le brasseur verse la farine et l'eau.Le mélange obtenu est ensuite porté àdifférentes températures. Au cours de ceprocessus, les éléments solubles de la farinede malt se dissolvent. Dans la cuve filtre àdouble fond, dont la fonction est la séparationdes substances solubles et insolubles, leséléments insolubles se déposent dans lepremier fond de la cuve et forment un filtre. Lejus sucré, le moût, s'écoule au travers de cefiltre naturel. Les restes, la drêche, servirontde provende pour le bétail.

On rajoute le houblonPassé dans la chaudière à houblonner, lemoût est ensuite chauffé, après qu'on y aitrajouté le houblon. Par l'évaporation de l'eau,le moût atteint le degré d^amertume et ladensité souhaité. Le moût obtenu doit êtrerefroidi et filtré avant la fermentation. Dans lawhirpool, un cylindre métallique, les résidusde houblon et de malt non filtrés sontéliminés. Il existe aujourd'hui des échangeursà plaque plus économiques en énergie, et leprocessus de fabrication est automatisé.

On fermente le moûtLe moût refroidi est versé dans les cuves defermentation, aujourd'hui métalliques. Pour lafermentation basse, le processus dure 8 jours.Au bout de 24 heures, une épaisse couche demousse se dépose à la surface : le processusnaturel de fermentation, qui transforme lemaltose en alcool et gaz carbonique est enmarche.

La bière doit vieillirLa bière repose quelques semaines, jusqu'àobtention de la saveur et de la teneur en gazcarbonique souhaitées. Pour éviter une perteen gaz carbonique, la phase d'après-fermentation s'effectue sous pression. Avantd'être mise en tonneaux et en bouteilles, labière est de nouveau filtrée : c'est là qu'elleacquiert sa teinte dorée translucide.

Et pour en savoir plus- Larousse Agricole, Paris, 1921.- HYPP, cédérom, version 1.0, INRA/ACTA,1994.• Sur Internet : Bieraus Deutschland,http://www.bier.de/ et Breworld,http://www.breworïd.com/breworld/- Gesellschaft fur Ôflentlichkeitsarbeit der DeutschenBrauwirtschaft e.V.- L'Institut français des boissons de la brasseriemalterie, Pôle technologique de Brabois, 7, rue duBois-de-la-Chapelle, BP 267, 54512 Vandoeuvrecedex.

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Imputée avant tout aux industries chimiques, cettecatastrophe écologique fut le signal attendu par toute unejeunesse. Mouvement contestataire à sa naissance, les Verts(Die Griineri) ont su défendre ardemment la cause del'écologie, au point que les différents partis politiques, puisl'Etat, furent obligés d'intégrer ces préoccupations nouvellesdans leurs programmes. Celles-ci, depuis maintenant quinzeans, sont présentes à tous les niveaux et les industrielsnégligents sont bien vite rappelés à l'ordre par lesinstitutions politiques et autres associations deconsommateurs !On comprend en effet que certaines marques, qui, pourcause d'emballages superflus, s'attirèrent les foudres desassociations de consommateurs (on notera par exemple unecampagne anti Mac-Donald, destinée à faire plier le géantde l'alimentation rapide en vue d'une substitution du papierkraft aux emballages PVC), s'emploient maintenant pourproduire et emballer mieux. Produire mieux, c'estéconomiser l'énergie, les matières premières et limiter lesdéchets de production et de consommation. Ce qui pourraitêtre vécu comme une contrainte pose pourtant peu deproblèmes. En effet, les progrès technologiques récentspermettent aux brasseurs d'utiliser environ 6 fois moinsd'eau qu'il y a trente ans pour une production équivalente.Pendant ce temps, les dépenses énergétiques liées à laproduction ont diminué. Les mutations technologiquespermettent donc aux industriels de mieux supporter etd'intégrer des mesures coûteuses.Les efforts des brasseurs dans la lutte acharnée contre lesdéchets d'emballages sont soutenus par les consommateurs.Les liens entre ces deux groupes se sont renforcés sur labase de la réciprocité. Le brasseur s'engage à fournir unproduit de qualité, naturel, dont la production tient comptedes problèmes environnementaux, et attend en contrepartieun soutien de son client. Celui-ci n'est pas uniquement unacheteur, mais, tout comme le producteur, un pollueur.Aussi, pour le bien-être de chacun, le producteur etl'acheteur s'unissent pour limiter les déchets d'emballage.En Allemagne, la bière est vendue le plus souvent parcaisses de 20 bouteilles de 1/2 litre ( i l existe également descaisses de 24 bouteilles de 33 cl). De forme standard, ellessont fabriquées dans les souffleries de verre allemandes, quiproduisent chaque année environ 1,5 milliards de bouteilleset sont transportées dans des caisses tout aussi standard, quidiffèrent seulement par la signalétique propre à chaquemarque. Ces bouteilles sont recyclables trois fois, mais sontsurtout lavables. En verre brun, elles supportent jusqu'à 60lavages par vaporisation haute température. Les coûts et ladépense énergétique liés aux lavages sont moindres queceux qui sont occasionnés par la refonte et le soufflage duverre, d'où l'instauration d'un système de consigne quigarantit leur réutilisation.Le prix moyen d'une caisse est de 28 DM (100 FrF), dont7 DM (24 FrF) de consigne pour une caisse renduecomplète. Certes, la conscience environnementale joue,mais il n'est pas pour autant prouvé qu'elle peut se priver dusoutien d'un stimulant économique. On se garde bien detenter l'expérience, c'est ce qu'on appelle le pragmatisme !Surtout quand les enjeux sont d'envergure : laconsommation par habitant atteint en Allemagne 139 litrespar an en 1994, pour 80 millions de personnes...La bière existe aussi sous d'autres conditionnements :canettes et bouteilles non consignées. Ces variantes nebénéficient généralement pas des faveurs du publicallemand, mais sont utilisées par les brasseries les plusimportantes, notamment à l'exportation. De plus, lescanettes métalliques bénéficient d'un avantage de poids etde solidité et sont de ce fait appréciées pour les voyages.

Quelques bières allemandesAltbierLa Alt est une bière de fermentation haute, trouble etambrée, brassée à Dùsseldorf.BockbierAu XIVe siècle, Einbeck, Bavière, est, avec ses 700brasseries, le centre de l'industrie du brassage. En 1612,le meilleur maître brasseur de la ville se fait employerpar Mùnchner Hofbrauhaus nouvellement créée àMunich. Il y emporte avec lui la recette de laEinbecksche, qu'on appelle aujourd'hui Bock. LesBockbier sont des bières blondes ou ambrées, fortes etde fermentation basse.ExportBière de fermentation basse au goût malté, dont lateneur en houblon est moins importante que celle desPils.KôlschLa Kôlsch est la spécialité de Cologne. C'est une bièrede fermentation haute, blonde et limpide. Elle est servieen couronne, plateau rond possédant 14 trous danslesquels se logent des verres de 20 cl. Cologne possèdeactuellement 16 brasseries et la Kôlsch est une bièred'origine contrôlée, qui ne peut être brassée que sur unpetit territoire comprenant Cologne et sa banlieue.MarzenMârzen, bière de Mars : au Moyen Age les bières defermentation basse sont brassées à la sortie de l'hiver,en mars, pour qu'on puisse les conserver jusqu'à la finde l'été. L'utilisation d'un malt spécifique donne à la bièrede mars une saveur légère et maltée. Elle estgénéralement blonde, mais existe aussi en bièreambrée.Pilsener/PilsLa Pils est plus qu'un type de bière, c'est avant tout uneméthode de brassage, utilisée pour la première fois enBohème, à Pilsen, par le maître brasseur munichoisJoseph Groll. La Pils est aujourd'hui la bière la plusbrassée en Allemagne. Elle est blonde, limpide, avec unfort degré d'amertume.WeizenbierLa Weizen, bière de blé, est obtenue par l'utilisation demalt issu du blé et non de l'orge. Son origine remonte àl'époque du monopole exercé par l'Etat bavarois sur lafabrication du malt issu de l'orge. La variante filtrée,Kristallweizen, est blonde et limpide. Les non filtrées,Hefeweizen, contiennent toujours la levure defermentation. Elles sont blondes, helles Weizenbier, oubrunes, dunkeles Weizenbier.

Quant aux taverniers, ils sont livrés par fûts métalliques,d'une contenance de 30 ou 50 1, propriété des brasseries quiles récupèrent une fois vides. Les coûts de transport sontaussi pris en compte.Par souci d'économie, les brasseries de moyenne et petiteenvergure centralisent souvent leurs systèmes dedistribution et font appel à des grossistes. Une fois encore,les contraintes financières génèrent un nombre moinsimportant de livraisons et des économies d'énergie. Quandon dit que l'économie de marché, la tradition et le respect del'environnement ne font pas bon ménage...

Le cas de Heidelberg

Confortablement blottie entre les premiers contreforts del'Odenwal, Heidelberg est une ville universitaire du Bade-Wurtemberg baignée par le Neckar, forte de 136 000habitants, chef-lieu du Kreis (structure administrativecomparable à l'arrondissement français) de Heidelberg. Lasuperficie de la ville est de 109 km2 dont 44 km2 de forêt.

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Si l'on excepte Zum Vetter, brasserie artisanale qui produitsa bière pour son restaurant, il n'existe plus aujourd'hui àHeidelberg qu'une brasserie produisant pour le marchérégional : VHeidelberger Schlofiquell-Brauerei. Fondée en1753, elle a su évoluer pour finalement englober l'ensembledes brasseries existantes au X V I I I e siècle. En 1830,Heidelberg possède encore 35 brasseries, en 1900, ellessont au nombre de 6 : Kleinlein, Engel, Schroedl,Goldennes Fasschen, Krone et Ziegler. Un grand nombre debrasseries refusent alors, soit par traditionnalisme, soit parmanque de moyens financiers, de se moderniser. Le résultatest la faillite ou le rachat, si bien qu'en 1920, seules deuxsubsistent : Engel et Heidelberger Aktienbrauerei,anciennement Kleinlein, qui a ouvert son capital à desactionnaires en 1884. Après la vente et la disparition deEngel, faute de repreneur, seule HeidelbergerAktienbrauerei, rebaptisée Heidelberger Schlofiquell-Brauerei, dont la majorité du capital est passée en 1968 àl'entreprise berlinoise Schultheiss-Brauerei, entretient unetradition séculaire.En 1989, son capital a été revendu par Dortmunder-Union-Schultheiss AG. à Brau und Brunnen AG. Depuis 1995, ellea le statut de GMBH, comparable à une grande SARLfrançaise et emploie actuellement 70 personnes pour uneproduction annuelle de 162 000 hl et un chiffre d'affaire de24 millions de DM. Pour résister à une concurrencerégionale forte - il existe dans le Kreis de Heidelberg deuxautres brasseries de taille comparable, LeimenerBergbrauerei et Wâldebràu - la brasserie a révisé sastratégie de marketing. Considérée dans les années 80comme une brasserie produisant des bières de grandeconsommation, elle cherche maintenant à reconquérir unprestige perdu. Elle dispose d'un atout naturel, sa source. Leduc Karl Phillip von Pfalz avait reconnu les qualités decette eau : ayant été obligé en 1720 de renoncer à sarésidence d'Heidelberg et de s'installer à Mannheim, il sefaisait envoyer chaque jour de l'eau provenant de sonancienne capitale. En 1934, la brasserie qui se souvient sansdoute de cette anecdote achète à l'office des forêts(Kammerforst) un petit terrain qui possède l'une de cessources.Enclavée entre deux zones de protection des eaux, cette

source ne peut, de par son statut privé, prétendre êtreincluse dans une « zone de protection des eaux reconnued'utilité publique » (Wasserschutzgebiet). Son eaus'apparente à celle de la ville de Pilsen, célèbre pour safaible teneur en calcaire : 2 sur l'échelle de dureté,comparée aux 3, voire 4, des eaux municipales provenantde la plaine rhénane. Comme toutes les eaux utilisées parl'industrie agro-alimentaire, elle doit satisfaire à des normesde qualité strictes (Trinkwasserverordnung). Ledépartement sanitaire du Kreis, officiant sur l'ensemble duréseau hydrographique, effectue régulièrement desprélèvements. De par sa situation géologique spécifique, leKreis de Heidelberg possède deux zones hydrologiquesdistinctes : Odenwald et plaine rhénane.Les eaux de l'Odenwald s'écoulent dans une zone demoyenne montagne, dans des grès sédimentaires ; les eauxsouterraines suivent les strates rocheuses et sont très peucalcaires (2 à 3 sur l'échelle de dureté) et acides. Lapollution par les nitrates et les phosphates est presqueinexistante, puisque l'Odenwald est pratiquement vierge detoute culture et d'industrie. Le forage n'est pas nécessaire :ces eaux sourdent à plusieurs endroits et de là sontacheminées vers l'usine de traitement. Notons que c'est uneentreprise privée (Stadtwerke Heidelberg AG), dont lefinancement provient cependant majoritairement de lamunicipalité, qui administre ce réseau hydrographique.L'entreprise doit également tenir compte des besoins en eaud'une faune variée (gros et moyen gibier, oiseaux divers)qui reste établie dans cette zone forestière non exploitée :des points d'eau ont été aménagés à différentes hauteurs etle débit biologique d'écoulement est régulièrement contrôlé.La source administrée par la brasserie fait l'objet du mêmesoin, surtout depuis la prise de conscience de sonimportance pour la survie de la brasserie.Par souci d'économiser cette eau souterraine de qualité, eten accord avec la ville, on l'utilise uniquement pour lebrassage. Un système de canalisations de 2,5 km l'achemineà la brasserie. Pour le nettoyage on se sert d'une eau dequalité inférieure puisée dans la plaine rhénane, pluscalcaire (sols sablonneux et limoneux) et surtout polluéepar les nitrates et phosphates. L'intensification des cultures(houblon, orge, betterave, tabac, asperge) dans la plaine a

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grandement contribué à ce phénomène. L'arrêt de lafertilisation à tout va et l'introduction d'un impôt de typetaxe pollueur-payeur, le Wasserpfennig, font que l'onobserve une amélioration de la qualité des eaux de surface ;pour les eaux souterraines (de 10 à 12 m sous terre), onn'attend pas d'amélioration avant dix ans... La richesse desnappes suffit largement à l'approvisionnement de la ville,mais les pollutions agricoles font que l'on manque d'eaupotable et que l'on en importe,les eaux de l'Odenwald nepouvant à elles seules subveniraux besoins du Kreis. Lesproblèmes municipaux ne fontque renforcer la valeur que labrasserie Heidelberg-Schlofiquell Brauerei attribue àsa source. Elle fournit l'élémentclef du brassage et confère unprestige certain à une entreprisequi en manquait. La recherched'un prestige nouveau, c'est eneffet la clef d'un succès encorefragile.Dans cette optique, la brasseriediversifie et segmente saproduction. Elle compteaujourd'hui 6 marques et 9types de bière. Deux bièresgrande consommation(Heidelberger SchloBquellExport et HeidelbergerSchloBquell Pils), une Pils deluxe brassée avec plus dehoublon et moins d'extraits dehoublon que l'autre Pils(Heidelberger 1603 Pilsenerdepuis 1990), trois types debière de blé (ValentinsWeizenbier, kristall, hell etdunkel), une bière de mars(Heidelberger Osterbier depuis1993) et une bière de Noël(Heidelberger Weihnachtsbierdepuis 1989). De même ellemet en oeuvre des mesuresrespectueuses del'environnement. Dès 1976, elles'était munie d'un bac desédimentation pourl'assainissement des eaux usées.En 1989, elle remplace les fûtsen aluminium par 6 000« Kegs » au tuyau d'écoulementintégré. Ceux-ci sont plussimples à laver et permettentdes économies d'eau. En 1990,elle stoppe la vente de bière enbouteilles non consignées pourenfin en 1993 remplacer lafeuille d'aluminium du col desbouteilles par des étiquettes enpapier.Ces différentes mesuresn'auraient pourtant aucune importance si elles nepermettaient pas, outre d'améliorer son image, d'augmenterégalement les ventes. Il faut l'avouer, le marché local n'estpas en régression, mais la concurrence est forte.Nombreuses sont les brasseries d'envergure régionale etnationale qui le pénètrent. Ce marché peut être un atoutsupplémentaire pour la concurrence, mais pourHeidelberger SchloBquell-Brauerei, c'est un besoin vital.

La Reinheitsgebot de 1516Comment la bière doit être servie et brasséesur notre territoire en été et en hiver.Nous légiférons et décrétons, avec le conseilde notre Etat, que partout dans la principautéde Bavière, dans les campagnes commedans les villes et sur les marchés qui n'ontpas de lois qui leur soient propres, de la saintMichel [29 septembre] à la saint Georges [23avril], qu'un MaB [1,069 I] ou une Kopf[récipient en forme de boule, d'unecontenance presque équivalente au MaB] debière ne doit être servi pour plus d'un pfennigde monnaie frappée à Munich, et de la saintGeorges à la saint Michel, qu'un MaB de bièrene doit être servi pour plus de deux pfennigsde la même monnaie, une Kopf pour plus detrois Heller [1/2 Pfennig], sous peine despunitions indiquées ci-dessus. Celui quipossède ou brasse une bière autre que labière de mars ne doit en aucun cas la servirou la vendre pour plus d'un pfennig le MaB.Nous voulons tout particulièrement, quepartout dans nos villes, sur nos marchéset dans nos campagnes, aucun autreingrédient que l'orge, le houblon et l'eausoit utilisés et requis dans le brassage dela bière. Celui qui devrait passer outre etvioler consciemment cette règle verra, tantque cela se reproduira, son fut de bièreconfisqué sans indulgence par l'instancede justice. Toutefois, seul un hôtelier quiachète à une brasserie dans nos villes, surnos marchés, dans nos campagnes, deux outrois Eimer [60 Ma(3] de bière et les sert à laroture se voit accorder le droit de resservircette bière un Heller plus cher que le prixindiqué ci-dessus. De même, le droit doitnous être réservé, à nous Princes, dans lecas d'un manque et d'une augmentation duprix des céréales causant de graves difficultés(du fait que les saisons, mais aussi l'arrivée àmaturité du grain varient dans notre pays), depouvoir ordonner des restrictions pour le bien-être général.Ingoldstadt, 1516Guillaume IV de Bavière

Traduction T.H. d'après le texte original

Existant uniquement par les ventes locales et régionales,elle ne possède ni les structures, ni le financement qui luipermettraient une réorganisation stratégique suite à unécroulement des revenus sur « son » territoire. Aussi il faut« s'accrocher » pour fournir un maximum des 310 taverneset restaurants d'une ville qui voit défiler chaque année 3,3millions de visiteurs.En 1995, Heidelberger-SchloBquell Brauerei livre environ

450 tavernes et restaurants dansle Kreis de Heidelberg. Sesparts de marché pour la villeseule oscillent entre 20% et30%. De plus, elle livre environ700 revendeurs spécialisés,moyennes surfaces et 2grossistes dans le Kreis. Maiss'implanter, c'est égalementtravailler avec les entrepriseslocales. En premier lieu,Heidelberger SchloBquell-Brauerei fournit les restaurantset les cafés universitaires. Ondénombre 32 500 étudiants etl'université emploie 10 307personnes. De plus la brasserieest présente sur la majorité desfêtes organisées par lesdifférentes facultés, maissurtout à l'occasion de laHerbstfest (fête d'automne),festivité municipale du premierweek-end d'octobre où la bièrecoule à flot.Cela étant, l'existence de labrasserie n'occasionne pasuniquement l'ivresse : elle estaussi une source de profit pourles agriculteurs locaux (soit 280personnes pour le Kreis) etrégionaux qui lui fournissent lamajeure partie de l'orge dontelle a besoin. Il existeégalement des houblonnières à6 km de Heidelberg(Sandhausen, Kreis deHeidelberg). Malheureusement,elles sont trop peu nombreusespour approvisionner les troisbrasseries du Kreis.Heidelberger-SchloBquell-Brauerei doit donc importer duhoublon de Hallertau (enBavière), actuellement leadermondial pour cette culture. Leséleveurs de la région, peunombreux, sont égalementintégrés à cette associationbrasseur-agriculteur en tantqu'utilisateurs de drêche. Lessouffleries Rastal et Sahm,implantées dans la Westerwald,dans la région de Coblence,en Rhénanie, fournissent la

brasserie en verres estampillés aux couleurs de sesdifférentes marques : développer un commerce régionaln'empêche pas les appels d'offre et les collaborationsinterrégionales, surtout quand certaines régionsrevendiquent également un savoir-faire traditionnel...

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En conclusionAu regard de cet exposé, on peut se demander quel estl'intérêt d'une organisation de type Heidelberger-SchloBquell-Brauerei. Une réponse en quelques motsserait : intégration d'une entreprise dans un conceptglobalisant. En premier lieu, cette organisation permet unresserrement des liens, en second lieu une concertationentre multiples corporations aux préoccupations diverses.Diverses, certes, pourtant, elles doivent toutes faire face auxdifficultés liées au milieu. Et ce milieu à préserver, c'est unespace, en l'occurrence le Kreis de Heidelberg, et sesmultiples populations végétales, animales et humaines.D'où une attention particulière accordée à la protection del'environnement. Ce leitmotiv est insufflé au niveaumunicipal par tous les pôles de décision, politiques etéconomiques. Ainsi, le conseil municipal s'est engagé àmettre en oeuvre un programme destiné à réduire lesémissions de CO2

5, les brasseurs à maintenir la qualité deleur produit et del'eau. Idyllique me direz-vous ? Non,simple résultat d'une prise de conscience qui se résume endeux mots : large concertation. Une structure qui fonctionnese doit certes d'être hiérarchisée, mais de façon horizontale :un tissu associatif vaste et fédéral, où chaque parties'implique tout en se trouvant limitée par une organisationsociale qui lui interdit les chemins de traverse s'ils necorrespondent pas à l'intérêt commun défini à long terme.Chaque corporation possède sa fédération (Bund), ouassociation de défense de ses intérêts, qui supervise avec lesstructures politiques locales et régionales les décisionsprises. Le circuit de distribution court est toujours envisagécomme facteur de développement local. En cas de réussite,la structure commerciale sera considérée comme un bienpublic auquel chacun pourra s'identifier, renforçant ainsi lacohésion sociale. Cette cohésion sociale est entretenue etmise quotidiennement à l'épreuve par les diversesassociations de consommateurs. Respectées et prises encompte par l'ensemble de la population, craintes par lesindustriels, elles sont garantes d'une certaine transparencedu marché. Elles officient comme médiateur d'information,sans pour autant éviter l'implication et la prise de positionpartisane vis-à-vis de certains produits. Une telle puissancepourrait même être considérée comme dangereuse etpartiale. Pourtant la multiplicité de ces associations, ladiversité de leurs positions vis-à-vis de certains produits etles querelles existantes entre elles laissent à penser quecelles ci ne sont pas partisanes parce que soumises auxdirectives des industriels. Le boycott est, même s'il estparfois douteux, idéologique et fondé sur des principesancrés dans les chartes des associations, qui n'hésitentcependant pas à se remettre en cause et à reconnaître leurstorts. Une organisation horizontale, moins égoïste et plusprospective, adaptant certaines priorités, le développementlocal, la transparence, une bonne relation marchand-client àl'organisation sociale française, permettrait peut-être de voirvenir et de mettre un terme aux maux qui affaiblissent nosprovinces : la réussite des initiatives locales de Heidelbergen atteste. Pour cela, il est urgent de revivifier des liensinterprofessionnels sclérosés et stéréotypés en France. Peut-être alors, et à l'image de nos voisins, pourra-t-on reparlerde conseils, de services ailleurs que dans nossupermarchés ! Vous, industriels français, sachez bien quel'entreprise et le commerçant allemands soignent leursrelations et leur clientèle, comme le montre ceci : pourrédiger cet article, le 11 juin j'écrivais à la HeidelbergerSchloBquell-Brauerei ; deux heures plus tard, un fax mesignalait que ma demande était prise en compte et,le 13 aumatin, les informations étaient sur mon bureau... Même siune telle organisation coûte cher et est contraignante, laconsommation est peut-être à ce prix ! •

La Reinheitsgebot aujourd'huiPréparation de la bière, paragraphe 91. Les ingrédients autorisés pour la préparation des bières defermentation basse sont, mis à part les prescriptions des alinéas (4)jusqu'à (6), le malt issu de l'orge, le houblon, la levure et l'eau.2. La préparation de bières à fermentation haute est astreinte à lamême réglementation ; toutefois, l'utilisation d'un autre malt etl'utilisation de sucre de canne, de betterave, de sucre inverti et deglucose, de même que l'utilisation de colorants dérivés des sucresdésignés est autorisée.3. Le terme malt désigne toute céréale amenée à germerartificiellement.4. L'utilisation de colorants, fabriqués exclusivement à base de malt,de houblon, de levure et d'eau est autorisée dans le brassage de labière, sous l'astreinte de mesures de surveillance particulières.5. A la place du houblon, l'utilisation de poudre de houblon, d'autresformes de houblon réduit, ou d'extraits de houblon est autorisée, tantque ces différents produits répondent aux critères suivants :- la poudre de houblon, les autres formes de houblon réduit doiventdériver uniquement du houblon ;- les extraits de houblon doivent (a) contenir les substances duhoublon, soit son arôme et ses extraits amers, qui se décomposentdans le moût pendant le processus d'ébullition dans des proportionséquivalentes à celles du houblon lorsqu'il bout dans le moût, et (b)répondre aux normes de la législation alimentaire. Les extraits dehoublon doivent être mélangés au moût uniquement avant oupendant sa cuisson.6. Les clarifiants tolérés dans le moût et la bière doivent être desproduits agissant mécaniquement ou par absorption. A l'exceptiondes particules sans incidence sur le goût, la santé et l'odeur qui nepeuvent techniquement être éliminés, ces clarifiants doivent êtreéliminés après utilisation7. Sur demande, une exception aux alinéas (1) et (2) peut êtretolérée dans des cas uniques de préparation de bière destinée àl'exportation ou à des expériences scientifiques.8. Les indications des alinéas (1) et (2) ne s'appliquent pas pour lesbrasseries qui produisent de la bière destinée uniquement à leurpropre consommation (brasseur à domicile).9. L'addition d'eau à la bière par les brasseurs après constatationdans la cuve de fermentation de la teneur en extrait de moût ou parles distributeurs et le restaurateur est interdite. Le bureau desdouanes peut autoriser aux brasseurs, dans les conditions desécurité nécessaire, l'addition d'eau à la bière après constatationdans la cuve de fermentation de la teneur en extrait de moût.10. Le mélange de Einfachbier [bière dont la teneur en moût estcomprise entre 2% et 5,5%], Schankbier [bière dont la teneur enmoût est comprise entre 7% et 8%], Vollbier [bière dont la teneur enmoût est comprise entre 11% et 16%] et Starkbier [bière dont lateneur en moût est égale ou supérieure à 16%] entre elles, etl'addition de sucre par les brasseurs après imposition, par lesdistributeurs et les restaurateurs sont interdits. Le ministère fédéraldes Finances peut autoriser des exceptions.11. Des édulcorants, conformes au décret sur l'autorisation desédulcorants du 22/12/1981 (BC-BLI, p. 1625) sont autorisés pour lafabrication de la Einfachbier à fermentation haute.Biersteuergesetz (Bundesgesetzblatt) 19961, page 527, (rad. T.H.

Notes1. La plus vieille brasserie du monde est bavaroise : la brasserieWeihenstephan, fondée en 1040 par des moines bénédictins, quiabrite aujourd'hui un institut de recherche sur la bière.2. Production inférieure à 200 000 hl et nombre d'employésinférieur à 100. Les structures sont donc comparables à celles desentreprises moyennes en France ; pourtant, le capital est souventaux mains de sociétés par actions.3. Il existe en France 26 brasseries (en 1994), employant 6 467personnes et produisant en moyenne 786 346 hl.4. Voir sur Internet : http:Avww.bier.de/b-020d.html Bier ausDeutschland, Reinheitsgebot5. L'IFEU (Institute of Energy and Environmental Reasearch) et laVille de Heidelberg ont développé un programme destiné à réduireles émissions de CO2 de 25-30% entre 1991 et 2005 pour la régionde Heidelberg.