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LAURENCE PROVENCHER ST-PIERRE LA COLLECTE DE L'OBJET CONTEMPORAIN L'exemple du Musée de la civilisation de Québec Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l'Université Laval dans le cadre du programme de maîtrise en ethnologie et patrimoine pour l'obtention du grade de Maître es arts (M.A.) DEPARTEMENT D'HISTOIRE FACULTÉ DES LETTRES UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 2012 © Laurence Provencher St-Pierre, 2012

La collecte de l'objet contemporain : L'exemple du Musée de la

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LAURENCE PROVENCHER ST-PIERRE

LA COLLECTE DE L'OBJET CONTEMPORAIN L'exemple du Musée de la civilisation de Québec

Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l'Université Laval

dans le cadre du programme de maîtrise en ethnologie et patrimoine pour l'obtention du grade de Maître es arts (M.A.)

DEPARTEMENT D'HISTOIRE FACULTÉ DES LETTRES

UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC

2012

© Laurence Provencher St-Pierre, 2012

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RESUME

Ce mémoire porte sur la collecte des objets contemporains en contexte muséal. En étudiant l'exemple du Musée de la civilisation, cette recherche pose un regard sur les pratiques entourant la collecte du contemporain dans cette institution, de son ouverture en 1988 à aujourd'hui, et fait ressortir les différentes étapes qui permettent à l'objet récent d'acquérir le statut d'objet de musée. Après sa sélection, sa documentation, son acquisition ainsi que sa prise en charge permettant sa conservation à long terme, l'objet contemporain intègre la collection nationale. Bien que son parcours soit similaire à celui traversé par les objets plus anciens, il s'en distingue par les enjeux et les limites inhérentes à sa collecte, l'objectif du Musée étant d'encourager son acquisition afin de constituer des collections qui représenteront demain la société d'aujourd'hui. En faisant ressortir le processus d'intégration des objets à la collection, cette étude met également en lumière le rôle des conservateurs dans le développement des collections muséales.

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REMERCIEMENTS

Pendant la rédaction de ce mémoire de maîtrise, j'ai pu compter sur la collaboration et le support de plusieurs personnes. Sans dresser une liste exhaustive de tous ceux et celles qui ont contribué à cette entreprise, je tiens à adresser un merci tout spécial à des personnes qui ont collaboré étroitement à sa réalisation.

Je tiens d'abord à remercier ma directrice, Jocelyne Mathieu, pour la confiance qu'elle m'a témoignée depuis le début de mes études universitaires ainsi que pour sa présence rassurante et ses nombreux conseils au cours de la rédaction de mon mémoire. Merci beaucoup!

Cette recherche n'aurait pu être réalisée sans l'intérêt qu'a démontré l'équipe du Musée de la civilisation et sans la précieuse participation des conservateurs et de Monsieur Richard Dubé qui ont accepté de contribuer à cette recherche en témoignant de leurs expériences professionnelles. J'adresse également un remerciement particulier à Valérie Laforge qui m'a fait découvrir l'ethnologie à mon arrivée à l'Université Laval et que j'ai croisée à différentes étapes de mon parcours par la suite.

En terminant, je tiens à souligner l'appui financier du Conseil des recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) qui m'a permis de consacrer tout le temps nécessaire à mes recherches.

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TABLE DES MATIERES

RESUME i REMERCIEMENTS ii

INTRODUCTION 1 Un intérêt grandissant pour la collecte du contemporain 2 Poser un regard ethnologique sur le musée 3

CHAPITRE I- La collecte de l'objet contemporain en contexte muséal : Problème et méthode 7

1.1. État de la question 7 1.1.1. De témoin à acteur : le regard du chercheur posé sur l'objet 7 1.1.2. L'objet de collection et l'objet de musée 10 1.1.3. L'objet contemporain 14

1.2. Problématique 17

1.3. Démarche méthodologique 20 1.3.1. Les sources à l'étude 21

a) Les entrevues 21 b) Les écrits sur les collections 23 c) Les écrits sur les objets 24

1.3.2. Suivre le parcours de l'objet : la méthode de l'itinéraire et l'approche biographique 25

CHAPITRE II - Regard du côté des collections : une institution, des professionnels et des objets 28

2.1. Le Musée de la civilisation : création, fonctions et orientations 28

2.2. Les professionnels des collections 30 2.2.1. L'équipe de conservateurs 31 2.2.2. Les conservateurs et leur travail aux collections 32

a) Développement des collections 34 b) Recherche, documentation et conservation 35 c) Diffusion et expertise-conseil 36 d) Réseautage 38

2.3. Collection et objets de musée 39 2.3.1. De la collection ethnographique à une collection nationale 40 2.3.2. L'objet témoin 44

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IV

CHAPITRE III - Collectionner le récent 48

3.1. Définir le contemporain 48

3.2. L'objet contemporain au Musée : de l'accessoire d'exposition au témoin à conserver 52

3.3. Les motifs de collectionnement 55 3.3.1. Garder une trace des activités de diffusion 56 3.3.2. Ouvrir la collection aux réalités sociales et culturelles de la société contemporaine 57 3.3.3. Éviter la disparition de l'objet 58 3.3.4. Être représentatif de la société actuelle 59 3.3.5. Collectionner l'aujourd'hui pour demain 61

3.4. Le parcours de l'objet contemporain : ruptures accélérées ou disparitions anticipées? 62 3.4.1. Un parcours accéléré 64 3.4.2. Un parcours réorganisé 65

CHAPITRE IV - Le processus d'intégration de l'objet à la collection 69

4.1. La sélection 70 4.1.1. L'objet offert 70 4.1.2. L'objet recherché 71 4.1.3. Les critères de sélection et d'élimination 73

a) L'objet représentatif 74 b) L'objet documenté 75 c) L'état de conservation 75 d) La qualité esthétique, le coût d'achat et la redondance : des critères ambivalents 77

4.2. La documentation 79 4.2.1. La recherche documentaire : variables, outils et méthodes 80 4.2.2. La préparation du dossier : description et justification muséologique 84

4.3. L'acquisition 86 4.3.1. Les modalités d'acquisition 87 4.3.2. Le passage devant un comité : changement de statut 88

4.4. La conservation: prise en charge de l'objet et intégration physique à la collection 90 4.4.1. Le transport 90 4.4.2. Le traitement et le catalogage 91 4.4.3. La numérotation et la mise en réserve 92

4.5. Objets anciens ou contemporains : variations et particularités de la démarche 92

CONCLUSION 97

BIBLIOGRAPHIE 101

ANNEXE 1 : Schéma d'entrevue 111 ANNEXE 2 : Fiches d'objets 113

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INTRODUCTION

« [Lj'objet n'est la vérité de rien du tout. Polyfonctionnel d'abord, polysémique ensuite, il ne prend de sens que mis dans un contexte ».

(Jacques Hainard, 1984 :189.)

Lorsqu'on peut déambuler dans les réserves des musées, l'on y croise à l'occasion des objets insoupçonnés qui nous étonnent par leur apparente banalité. Entreposés dans les réserves muséales, les objets ne bénéficient pas de la mise en contexte qui les accompagne dans les expositions. On se questionne alors sur les raisons et les circonstances qui ont mené à l'acquisition de ces objets. Pourquoi celui-ci plutôt qu'un autre? Alors que les musées se sont traditionnellement intéressés aux objets anciens et ayant un caractère exceptionnel, le musée de société, qui se développe au début des années 1990, s'intéresse à la société dans son ensemble et souvent sans s'imposer de limite temporelle1. Au côté des objets uniques, il conserve des objets communs, parfois récents, sans toujours d'égard à ses caractéristiques esthétiques. Comment s'est développé cet intérêt des musées pour l'objet usuel? Comment un musée arrive-t-il à intégrer dans ses collections des chaussures de jogging, un jeu de Scrabble, des stylos, une trousse de maquillage et autres objets d'usage courant? Bref, comment un objet banal devient objet de musée? Voilà les questions qui ont amorcé notre réflexion, prémisses de ce mémoire.

Dans un article tiré d'une conférence soulignant le cinquantième anniversaire des études de folklore à l'Université Laval, Roland Arpin, directeur général du Musée de la civilisation de 1987 à 2001, rendait compte de la présence de l'objet contemporain dans cette institution. Conscient de l'étendue du sujet et de ne l'aborder que brièvement, Arpin

1 « Le nom "musée de société" est conçu comme rassembleur, cherchant à regrouper une mouvance qui partage des valeurs et des façons de faire plutôt qu'un sujet particulier, mettant davantage en avant la volonté de produire des expositions de discours. Dans celui-ci, la société occupe un centre qui relègue l'objet dans une position plus ou moins seconde, où les sujets sont abordés dans une logique transversale et anthropologique, intégrant les publics au cœur même de leurs actions. » « Musée de société », André Desvallées et François Mairesse (dir.), Dictionnaire encyclopédique de muséologie, Paris, Armand Colin, 2011, p. 628. 2 Cette question en particulier renvoie aux travaux de l'historien et anthropologue Thierry Bonnot. La vie des objets : d'ustensiles banals à objets de collection, Paris, Maison des sciences de l'homme, 2002, 246 p.

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invitait à poursuivre la réflexion et concluait en ces termes : « Peut-être qu'un jour prochain, il se trouvera quelqu'un parmi vous pour faire l'ethnologie des musées de la fin du siècle . » Interpellée par cette idée d'ethnologie du musée, nous nous sommes engagée dans cette recherche. Cette lecture avait piqué notre curiosité et soulevé de nombreuses questions. Pourquoi collecter le présent? De quelles façons? Comment une institution muséale peut-elle identifier les objets qui témoignent de la société d'aujourd'hui? Sous cet angle, la collecte du contemporain apparaissait comme un prétexte afin d'observer le mécanisme d'intégration des objets aux collections et nous ramenait ainsi à notre questionnement initial; quoi choisir? Comment choisir?

Un intérêt grandissant pour la collecte du contemporain

L'élargissement de la notion de patrimoine au cours des trente dernières années jumelées à une diminution de la durée de vie utile des objets et un renouvellement constant des biens de consommation a amené les musées de société à élargir leur spectre de collecte et à inclure dans leurs collections des objets représentatifs du monde actuel4. Ainsi, on retrouve aujourd'hui dans certains musées des objets anciens qui côtoient des meubles des années 1980, des vêtements de designer, des ordinateurs portables, des iPod, des machines à café, des emballages commerciaux et bien d'autres. Ces objets contemporains témoignent d'une tendance dans les musées de société qui les incite de plus en plus à intégrer dans leurs collections des objets récents qu'ils souhaitent conserver et transmettre aux générations futures.

Toutefois, la collecte des objets contemporains demeure en rupture avec les pratiques muséales traditionnelles, proposant aux musées d'identifier aujourd'hui les objets qui représenteront notre culture demain. Les premières réflexions scientifiques sur ce sujet

3 Roland Arpin, « Au Musée de la civilisation : une pratique ethnologique sans filet de sécurité », dans Anne-Marie Desdouits et Laurier Turgeon, Ethnologies francophones de l'Amérique et d'ailleurs, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1997, p. 306. 4 François Mairesse, « Muséalisation; Regard & analyse », dans André Desvallées et François Mairesse (dir.), Dictionnaire encyclopédique de muséologie, Paris, j\rmand Colin, 2011, p. 261. ; Krzysztof Pomian, « Musée et patrimoine », dans Henri-Pierre Jeudy (dir.). Patrimoine en folie, Paris, Maison des Sciences de l'Homme, 1998, p. 176-198.

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remontent au tournant des années 19805. D'abord timide, l'intérêt des musées pour le contemporain s'est aiguisé plus particulièrement au cours des dernières années, comme en témoigne la publication d'articles et d'ouvrages récents sur le sujet ainsi que la multiplication des politiques d'acquisition élaborées spécifiquement afin de baliser la collecte d'objets issus de la société actuelle6.

Le Musée de la civilisation de Québec s'inscrit dans cette tendance. Dès son ouverture en 1989, il s'est démarqué en exposant aux côtés d'objets anciens des objets que l'on retrouvait dans toutes les maisons. Sa volonté de témoigner par ses expositions à la fois des sociétés anciennes et actuelles s'est répercutée dans ses collections, faisant en sorte qu'on y conserve des artefacts de différentes époques, incluant les plus récentes7. Se demandant d'abord quels objets actuels illustreraient le mieux le thème d'une exposition, le Musée s'interroge maintenant à savoir comment identifier les objets qui représenteront plus tard la société d'aujourd'hui. En effet, depuis quelques années, son intérêt pour le contemporain s'est affirmé et se traduit aujourd'hui en une volonté institutionnelle d'effectuer une collecte cohérente et organisée de l'objet contemporain. Il s'apprête

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d'ailleurs à déposer une politique spécifique d'acquisition du contemporain .

Poser un regard ethnologique sur le musée

Dans un musée, c'est aux conservateurs que revient la responsabilité d'identifier les objets qui intégreront la collection. Pour orienter leurs sélections, ces professionnels s'appuient sur la mission et sur les orientations de leurs institutions. Issues d'une démarche

5 ICOFOM, « Collectionner aujourd'hui pour demain », Icofom Study Series, Leiden, 5-6,1984.; Musée de Bretagne, Constituer aujourd'hui la mémoire de demain : actes du colloque de Rennes (décembre 1984), Rennes, Musée de Bretagne, 1988, 60 p.; Gôran Rosander (dir.), Today for tomorrow: museum documentation of contemporary society in Sweden by acquisition of objects, Stockholm, SAMDOK Council, 1980, 63 p.; Thomas J. Schlereth, « Collecting Today for Tommorow », Museum news, vol. 60, no 4, (mars-avril 1982), p. 29-37. 6 Notamment, Jacques Battesti (dir.) Que reste-t-il du présent? Collectionner le contemporain dans les musées de société Bayonne, Musée Basques et de l'histoire de Bayonne, [À paraître, automne 2012]; Denis Chevalier, « Collecter, exposer le contemporain au MUCEM », Ethnologie française, XXXVIII, 4, 2008, p. 631-632.; Eva Fagerborg et Elin von Unge (dir.), Connecting collecting, Stockholm, Samdok, Nordiska Museet, 2008, 126 p.; Owain Rhys, Contemporary collecting : Theory and practice, Edinburg, MuseumsEtc, 2011,163 p. 7 Roland Arpin, Le Musée de la civilisation : concept et pratiques. Québec, Éditions Multimondes, Musée de la civilisation, 1992, 166 p. 8 Le dépôt de cette politique est prévu en 2013.

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sélective, les collections muséales contiennent des objets qui sont à la fois révélateurs des valeurs de la société qui les a produits et utilisés ainsi que de celle qui les a collectionnés. Par leurs acquisitions, les institutions muséales témoignent donc aussi des valeurs, des intérêts, des goûts et des préoccupations de la société dans laquelle elles s'insèrent. Ainsi, comme le souligne l'ethnologue Nathalie Hamel, « [l]es collections offrent un objet d'étude privilégié pour l'histoire de la culture, puisque les choix effectués par un collectionneur ou une institution sont intimement liés aux contextes dans lesquels ils sont réalisés9. »

Les recherches sur le développement des collections et sur le collectionnement demeurent peu nombreuses malgré l'importance des musées dans la culture occidentale. Les activités de collecte ont attiré l'attention de quelques chercheurs10, mais demeurent peu étudiées comparativement à d'autres actions du musée". Notre recherche pose un regard ethnologique sur le musée et s'inscrit donc dans cette tendance qui consiste à se distancier des objets eux-mêmes afin de s'intéresser à l'institution muséale et aux pratiques qui s'y déroulent.

Le Musée de la civilisation, dynamique sur la question du contemporain, s'est rapidement imposé comme exemple à l'étude. Ce musée d'État manifeste depuis son ouverture un intérêt marqué pour les thématiques contemporaines. En tant que musée de société, il est particulièrement préoccupé par ces questions et cherche actuellement à se positionner par rapport à l'acquisition d'objets contemporains. Nous intéressant aux pratiques entourant la collecte de ces objets à l'intérieur de cette institution, nous souhaitons :

• Mettre en lumière le travail des conservateurs en soulignant plus particulièrement leur implication dans le processus de collecte;

• Saisir les enjeux et les limites inhérentes à la collecte du présent;

• Cerner les différentes étapes qui permettent à l'objet contemporain de devenir objet de musée.

Nathalie Hamel, La collection Coverdale : la construction d'un patrimoine national, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 2009, p. 15.

Notamment Susan M. Pearce, On collecting: an investigation into collecting in the European tradition, Londres, Routledge, 1995.; Simon J. Knell (dir.), Museums and the future of collecting, Aldershot, Hampshire; Burlington, Vt., Ashgate, 2004, 266 p. " André Desvallées et François Mairesse, « Muséologie; Regard & analyse », dans Desvallées et Mairesse (dir.), op. cit. p. 374.

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La recherche s'appuie principalement sur l'analyse de sources orales. Nous avons réalisé des entrevues semi-dirigées auprès de conservateurs. Ces témoignages complétés par une recherche documentaire aux Archives du Musée et par l'analyse de différents documents publiés par l'institution ont permis de cerner le contexte entourant la collecte du contemporain et de faire ressortir ses particularités.

Les circonstances ont fait en sorte que ce projet de recherche s'est développé en parallèle avec les travaux du Musée sur le sujet du contemporain. La réflexion qu'il a entamée dans le but de déposer une politique d'acquisition spécifique à ce type d'objet a sans aucun doute enrichi les échanges, les participants rencontrés étant déjà sensibles à la question. Cependant, il est essentiel de souligner que cette recherche ne vise en aucun cas à mesurer l'efficacité des méthodes de collecte proposées par le Musée, à formuler des critères de sélection ou à évaluer le processus d'acquisition. Nous souhaitons plutôt faire état de la situation du contemporain au Musée et rendre compte de cet intérêt marqué pour le sujet au moment précis où nous avons effectué cette recherche, soit quelques mois avant le dépôt de sa politique, alors en élaboration.

Ce mémoire se compose de quatre chapitres qui permettent d'appréhender la question de la collecte du contemporain sous un angle ethnologique. Le premier chapitre expose notre cadre théorique et méthodologique. Dans un premier temps, un bilan historiographique situe notre sujet à l'intérieur des études en culture matérielle. Ce bref état de la question s'ouvre ensuite sur la problématique de ce mémoire ainsi que sur les questionnements guidant notre recherche. La présentation de notre démarche méthodologique, des sources et des méthodes de traitement des données conclut cette section.

Dans le second chapitre, nous présentons l'institution à l'étude en trois volets, abordant sa mission, son équipe de conservateurs et ses collections. Ainsi, après avoir rappelé brièvement les principales étapes ayant mené à la création du Musée de la civilisation et les différentes fonctions de cette institution, nous nous intéressons au travail des conservateurs en abordant leurs différentes responsabilités au quotidien. Puis, nous

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traçons les principales phases du développement de sa collection en soulignant le rôle accordé à l'artefact dans cette institution.

Le troisième chapitre s'attarde plus particulièrement aux enjeux et aux limites relatifs à la collecte des objets contemporains. Après avoir abordé la question de la définition, nous rendons compte de sa présence au Musée de la civilisation et exposons les motifs qui encouragent son acquisition. Le chapitre se termine par la présentation des statuts successifs que doit obtenir l'objet contemporain afin d'être reconnu, puis acquis par un musée. En comparant ce « processus de reconnaissance12 » à celui de l'objet ancien, nous dégageons certaines spécificités de l'objet contemporain qui nous amènent à réfléchir sur le rapport particulier à la temporalité qu'impose aux musées la collecte du présent.

Le dernier chapitre est consacré au processus d'intégration des objets aux collections muséales. Nous y analysons le parcours de l'artefact en exposant chacune des étapes qui lui permettent de passer d'objet usuel à objet de musée. L'étude de ce processus fait également ressortir les particularités de la collecte du contemporain ainsi que les pratiques spécifiques et les méthodes exploratoires qu'elle impose.

12 Yves Bergeron, « Collection; Regard et analyse », dans Desvallées et Mairesse (dir.), op. cit., p. 60.

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CHAPITRE I- La collecte de l'objet contemporain en contexte muséal : Problème et méthode

Ce premier chapitre introduit notre sujet de recherche en présentant les questionnements et les différentes approches sur lesquels est basée notre démarche. D'abord, la recension des écrits en lien avec notre sujet permet de situer notre propre recherche dans le champ de la culture matérielle et des études sur les collections, puis d'ouvrir sur la problématique de ce mémoire. Enfin, nous exposerons la démarche méthodologique sur laquelle nous nous appuyons.

1.1. État de la question

L'étude de la culture matérielle rassemble des chercheurs provenant de plusieurs disciplines. En ethnologie, il s'agit d'un domaine de recherche privilégié puisque les objets renvoient entre autres à des pratiques, à des discours et à des représentations symboliques qui sont révélateurs d'une culture13. Le bilan historiographique qui suit permet, dans un premier temps, de mieux situer ce projet à l'intérieur des études en culture matérielle, puis de dégager les ouvrages qui ont traité sous différents angles de l'objet de collection, de l'objet de musée et, plus particulièrement, de l'objet contemporain. Ce bilan ne prétend pas à l'exhaustivité, mais tente plutôt de dresser un portrait général de notre domaine et de notre sujet de recherche. Il offre également l'occasion de présenter différentes approches privilégiées par les chercheurs ainsi que certaines notions et définitions avancées par ceux-ci.

1.1.1. De témoin à acteur : le regard du chercheur posé sur l'objet

Il est possible de subdiviser l'évolution des études en culture matérielle en quatre

étapes pendant lesquelles l'artefact a tenu successivement le rôle de témoin, de signe,

13 L'utilisation de l'expression culture matérielle est controversée à l'intérieur même de la discipline comme le rapportent les ethnologues Marie-Pierre Julien, Céline Rosselin et Jean-Pierre Warnier (« Pour une anthropologie du matériel », dans Julien et Rosselin (dir.), Le sujet contre les objets, tout contre : ethnographies de cultures matérielles, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, 2009, p. 86.). Le matériel et l'immatériel sont indissociables. Néanmoins, dans le cadre de cette recherche, nous conserverons cette expression, car elle réfère à un champ de recherche particulier qui s'est toutefois considérablement élargi au cours des quarante dernières années.

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d'objet social et d'objet de mémoire1 . En effet, les objets ont d'abord été considérés par les chercheurs comme des témoins de l'histoire des sociétés passées et comme un moyen de documenter des savoir-faire, des coutumes ou des pratiques traditionnelles. À partir des années 1960, cette conception de l'objet en tant que témoin s'est élargie pour y inclure l'étude de la culture matérielle des sociétés contemporaines. Depuis, différentes approches théoriques ont été développées, telles que les approches sémiologique, structuraliste, d'inspiration cognitiviste et historique qui constituent aujourd'hui, selon l'ethnologue Jean-Pierre Warnier, la « trousse à outils » du chercheur en culture matérielle15.

Au Québec, les études dans ce domaine se sont nourries de ces différentes approches et théories. À l'Université Laval, l'intérêt pour la culture matérielle s'est particulièrement aiguisé au cours de la décennie 1970 avec, notamment, la thèse de doctorat soutenue en 1975 et publiée en 1979 de l'ethnologue et professeur Jean-Claude Dupont16. Alors que l'approche comparative avait dominé les travaux, Dupont propose d'étudier la culture matérielle dans une perspective systémique. Il adopte une approche contextuelle en déplaçant son regard de l'objet aux gestes, aux pratiques, aux savoir-faire et aux symboliques. Dès lors, cette approche est adoptée en majorité dans les travaux des chercheurs et des étudiants qui demeurent toutefois fidèles à la perspective historique17.

Une autre façon d'aborder l'étude de la culture matérielle est l'analyse des fonctions sociales des objets. Ce courant de pensée est en expansion depuis les années 1980. On note deux éléments principaux qui s'en dégagent. D'une part, l'objet a une « vie sociale », une

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trajectoire . D'autre part, l'objet a une capacité d'agir socialement et culturellement. Un nombre important de travaux récents sur le pouvoir des objets dans la socialisation entre les 14 Laurier Turgeon, « La mémoire de la culture matérielle et la culture matérielle de la mémoire », dans Octave Debary et Laurier Turgeon (dir.). Objets et mémoires, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l'homme; Québec, Les Presses de l'Université Laval, 2007, p. 13-36. 15 Jean-Pierre Warnier, Construire la culture matérielle : l'homme qui pensait avec ses doigts. Paris, Presses universitaires de France, 1999, p. 14-16. 16 Jean-Claude Dupont, L'artisan forgeron. Québec, Presses de l'Université Laval, 1979, 355 p. 17 Martine Roberge, « Émergence d'une ethnologie contemporaine plurielle à l'Université Laval », Ethnologies, vol. 26, no 2, 2004, p. 149-153. 18 Arjun Appadurai (dir), The Social Life of Things : Commodities in Cultural Perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, 329 p.; Igor Kopytoff, «The Cultural Biography of Things: commoditization as Process », dans Appadurai (dir.), Op. of.,p. 64-91.; Thierry Bonnot, La vie des objets : d'ustensiles banals à objets de collection, Paris, Maison des sciences de l'homme, 2002, 246 p.

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individus ont été publiés et témoignent de cet engouement. L'objet y est considéré

notamment comme révélateur de relations sociales19, comme médiateur entre les

individus20 ou comme participant à la construction de soi et des rapports sociaux21. Si les

auteurs s'entendent sur la présence de relations entre l'humain et les choses , cette idée de

concevoir l'objet comme un acteur social ne fait pas l'unanimité. En effet, le groupe

français Matières à penser tente de rompre avec cette notion, considérant que seul un sujet

peut être un acteur et non pas un objet . Selon eux, il faut plutôt considérer la « co-

construction des sujets et des objets ».

Les études en culture matérielle accordent également une place privilégiée à l'objet

quotidien. D'abord considéré comme témoin, il a été étudié d'un point de vue historique.

Des ouvrages récents reprennent cette perspective et présentent des informations sur

l'invention, la commercialisation, l'utilisation et l'évolution de certains types d'objets que

l'on côtoie tous les jours 2 4. D'autres chercheurs se sont également intéressés à ces objets

d'un point de vue sémiologique 2 5. La question de l'accumulation des objets quotidiens dans

la sphère domestique a été abordée dans l'ouvrage sous la direction de Dominique Desjeux

et Isabelle Garabuau-Moussaoui dans lesquels les réflexions sur l'aspect social de l'objet

banal occupent une place centrale 2 6. Dans ce même ordre d'idées, les auteurs du collectif

sous la direction de Laurent Sébastien Fournier se sont intéressés à l'aspect patrimonial de

l'objet quotidien 2 7, alors que l'ethnologue Véronique Dassié a abordé les objets d'affection

19 Dominique Desjeux et Isabelle Garabuau-Moussaoui (dir.), Objet banal, objet social : Les objets quotidiens comme révélateurs des relations sociales, Paris, L'Harmattan; Montréal, L'Harmattan lnc, 2000, 256 p. 20 Serge Tisseron, Comment l'esprit vient aux objets, Paris, Aubier, 1999. 231 p. 2lBernard Blandin, La construction du social par les objets, Paris, Presses universitaires de France, 2002, 279 p. (Sociologie d'aujourd'hui). 22 Le bilan des études qui ont traité de « l'objet social » dressé par Bernard Blandin au début de son ouvrage souligne que si tous s'entendent sur la présence d'une interrelation entre les hommes et les objets, il n'y aurait pas de consensus sur la définition de ces relations, chaque auteur ayant une conception différente de celles-ci. Ibid., p. 11-12. 23 Marie-Pierre Julien et Céline Rosselin (dir.), Le sujet contre les objets, tout contre : ethnographies de cultures matérielles, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, 2009, p. 89. 24 Brigitte Jobbé-Duval, La grande histoire des petits objets du quotidien. Paris, Archives & culture, 2008. 125 p. "Notamment, Jacques Fontanille et Alessandro Zinna (dir.), Les objets au quotidien, Limoges, Presses de l'Université de Limoges, 2005. p. 9. 2 6 Dominique Desjeux et Isabelle Garabuau-Moussaoui (dir.), op. cit.

Laurent Sébastien Fournier (dir.). Le « petit patrimoine » des Européens : objets et valeurs du quotidien, Paris, L'Harmattan, 2008, 300 p.

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et leur role dans le cadre domestique . Ces études exposent le caractère hétéroclite de l'objet quotidien. Englobant, il demeure difficile à définir, ses particularités se situant non pas dans sa forme ou ses matériaux, mais plutôt dans son usage, comme le souligne le sociologue Andréa Semprini : « Dans la majorité des cas ce ne sont pas des caractéristiques intrinsèques qui déterminent la nature quotidienne d'un objet, mais plutôt le fait qu'ils soient inscrits et associé à des pratiques de vie quotidienne et que cette inscription parvienne à en effacer toute aspérité, jusqu'à en faire des présences muettes, des figurants en apparence anonymes et anodins29. »

De façon générale, l'étude de la culture matérielle s'est particulièrement développée au cours des quarante dernières années en adoptant de nouvelles approches et en s'ouvrant sur de nouveaux terrains. Les sujets se sont déplacés, passant de l'étude de l'objet comme témoin d'une société à l'étude de ses trajectoires et de ses fonctions sociales. Ce domaine s'est autonomisé et a adopté un regard qui dépasse les frontières entre les disciplines, comme en témoignent les nombreux ouvrages collectifs où se côtoient des auteurs issus de différents horizons des sciences humaines et sociales qui proposent leur propre lecture de l'objet matériel teintée par leurs origines disciplinaires.

1.1.2. L'objet de collection et l'objet de musée

L'objet de collection a d'abord intéressé l'historien et l'historien de l'art qui ont adopté une approche descriptive s'inspirant en quelque sorte des catalogues d'expositions. La perspective historique a également motivé la publication de monographies retraçant l'histoire des collections, des objets qui les composent et des collectionneurs qui les ont rassemblés. À cette approche classique vient s'ajouter d'autres façons d'étudier les collections en s'intéressant aux contextes social et culturel entourant leur constitution, aux pratiques de collectionnement, aux significations qui émergent de la sélection des objets, aux statuts qui leur sont attribués ainsi qu'aux parcours particuliers de certains ensembles.

28 Véronique Dassié, Objets d'affection : une ethnologie de l'intime, Paris, CTHS, 2010, 304 p. 29 Andrea Semprini, L'objet comme procès et comme action, Paris, L'Harmattan, 1995, p. 16.

Page 16: La collecte de l'objet contemporain : L'exemple du Musée de la

11

Selon le sociologue Jean Baudrillard, il existe deux fonctions que l'on peut attribuer

à un objet. Soit l'objet est pratique, soit il est possédé. Baudrillard précise que

[c]es deux fonctions sont en raison inverse l'une de l'autre. À la limite, l'objet strictement pratique prend un statut social : c'est la machine. À l'inverse, l'objet pur, dénué de fonction, ou abstrait de son usage, prend un statut strictement subjectif : il devient objet de collection30.

C'est alors par la possession, lorsqu'il perd sa fonction pratique, que l'artefact peut intégrer

une collection. Baudrillard définit cette dernière comme étant « une organisation plus ou

moins complexe d'objets renvoyant les uns aux autres [qui] constitue chaque objet en une

abstraction suffisante pour qu'il puisse être récupéré par le sujet dans l'abstraction vécue

qu'est le sentiment de possession . »

L'historien Krzysztof Pomian est l'un des premiers à s'intéresser aux collections

privées et publiques sous l'angle de l'histoire sociale et culturelle, étudiant la collection

comme un fait anthropologique. Considérant celle-ci comme un phénomène

pluridimensionnel, il propose de dépasser le stade de la description pour étudier les

collections dans une perspective plus globale. Pour Pomian, une collection correspond à

« tout ensemble d'objets naturels ou artificiels, maintenus temporairement ou

définitivement hors du circuit d'activités économiques, soumis à une protection spéciale

dans un lieu clos aménagé à cet effet, et exposé au regard32. » Ainsi, tout objet, qu'il soit

créé par la nature ou par l'homme, est susceptible d'intégrer une collection.

Critique devant cette définition, l'historien et anthropologue Thierry Bonnot qui

s'est intéressé aux parcours des objets de collection ajoute à ces trois critères énumérés par

Pomian (maintenue hors de la sphère économique, protégée et exposée) un quatrième

élément, soit la classification. Renvoyant à la notion de collection comme projet, il souligne

que « sans ordonnancement, si imprécis soit-il, il n'y a pas de collection . »

0 Jean Baudrillard, Le système des objets, Paris, Gallimard, 1968, p. 121. 31 lbid., p. 122. 32 Krzysztof Pomian, Collectionneurs, amateurs et curieux; Paris, Venise XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, 1987, p.l8. 33 Bonnot, op. cit., p. 128.

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12

Au cours des dernières années, une ouverture de la muséologie aux notions de

patrimoine immatériel a également entraîné l'élargissement de la notion de collection,

comme en témoigne cette définition tirée du Dictionnaire encyclopédique de muséologie.

De manière générale, une collection peut être définie comme un ensemble d'objets matériels ou immatériels (œuvres, artefacts, mentefacts, spécimens, documents d'archives, témoignages, etc.) qu'un individu ou un établissement a pris soin de rassembler, de sélectionner, de classer, de conserver dans un contexte sécurisé et le plus souvent de communiquer à un public plus ou moins large, selon qu'elle est publique ou privée34.

L'historien Dominique Poulot soulève également cette extension, notant une ouverture

graduelle des collections muséales au temps présent : « Les collections se sont d'abord

ouvertes sur l'histoire récente, puis sur l'histoire présente [...]. Aujourd'hui, le musée,

tendanciellement, ne laisse rien des choses et des usages hors de sa prise . »

Du côté anglo-saxon, l'historienne et archéologue Susan Pearce qui s'est notamment

intéressée au processus de collectionnement privé et institutionnel propose une définition

prêtant une dimension imaginaire aux collections :

Collections are set of objects, and, like all other sets of objects, they are an act of the imagination, part corporate and part individual, a metaphor intended to create meanings wich help to make individual identity and each individual's view of the world. Collections are gathered together for purposes wich are seen by their possessors as lifting them away from the world of common commodities into one of special significance, one for wich "sacred" seems the right word36.

Toute collection, privée ou publique, est donc une construction, une interprétation qui

participe à la création de sens. L'ethnologue Sara Le Ménestrel rappelle que

Collectionner est par définition une démarche sélective qui exclut toute neutralité. Elle implique toujours une certaine discrimination, qui résulte d'une interprétation du passé comme du présent. En outre, les choix effectués sont tout aussi révélateurs de notre société que les objets eux-

34 « Collection », dans André Desvallées et François Mairesse (dir.), op. cit. , p. 53. 35 Dominique Poulot, Musée et muséologie, Paris, la Découverte, 2009, p. 83.

Susan M. Pearce, On collecting: an investigation into collecting in the European tradition, Londres, Routledge, 1995, p. 27.

Page 18: La collecte de l'objet contemporain : L'exemple du Musée de la

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mêmes, puisqu'ils témoignent de l'image que nous avons, mais aussi de celle que nous voulons en donner .

En ce sens, les choix effectués par les collectionneurs privés ou par les conservateurs en musée ne sont pas gratuits et témoignent des valeurs, des goûts et des intérêts de la personne qui a assemblé la collection ainsi que de l'institution qui les acquiert.

Puisque les objets de collection ne renvoient pas exclusivement aux objets conservés dans les institutions muséales, il est essentiel de distinguer les objets de collection des objets de musée, aussi appelés muséalia38. L'objet de musée peut être défini comme « un objet séparé ou arraché de son contexte, qui entre dans les collections du musée précisément afin de documenter la réalité du contexte dont il est issu39. » Le sociologue et muséologue Jean Davallon propose, pour sa part, une définition plus large de ce terme, renvoyant à des choses, à des images ou à des discours et regroupant à la fois les artefacts conservés en réserve ainsi que les accessoires nécessaires à l'exposition . Il précise que le statut de muséalia n'est pas dans l'essence même de l'objet, soulignant au contraire que :

[L]es objets de musée sont tels parce que reconnus, définis, traités comme tels. [...] les muséalia sont moins à considérer comme des choses (du point de vue de leur réalité physique) que comme des êtres de langage (ils sont définis, reconnus comme dignes d'être conservés et présentés) et des supports de pratiques sociales (ils sont collectés, catalogués, exposés, etc.)41.

Dans ce même ordre d'idées, Bonnot s'oppose à l'étiquette objet de collection, puisque selon lui « la définition d'une telle catégorie induit que certains objets seraient aptes à motiver la constitution d'une collection alors que - [rejoignant] ici Pomian- tous les

37 Sara Le Ménestrel, « La collecte de l'objet contemporain: un défi posé au Musée de la civilisation à Québec », Ethnologie française, XXVI, 1, 1996, p. 80. '8 L'expression muséaliumï aurait été utilisée pour la première fois en 1969 par le muséologue tchèque Zbynek Z. Stransky qui concevait l'objet de musée comme étant un objet extrait de son contexte et qui intégrait le musée afin d'informer sur ce contexte d'origine. « Termes muséologiques de base », Publics et Musées », N° 14, 1998, p. 168.

9 François Mairesse et Bernard Deloche, « Objet [de musée] ou muséalie; Regard &analyse », dans Desvallées et Mairesse (dir.) op. cit., p. 399. 40 Jean Davallon, « Le musée est-il vraiment un média ? », Publics et Musées. N°2, 1992, p. 104. 41 Ibid., p. 104.

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objets, naturels ou artefact, sont susceptibles d'être collectionnés42. » Ainsi, comme pour les muséalia, l'expression objet de collection réfère non pas à une catégorie ou à une valeur intrinsèque à l'objet, mais plutôt à une phase biographique de son parcours, à un moment de sa trajectoire pendant lequel l'objet acquiert un sens particulier.

D'après les études citées, ce qui caractérise l'objet de musée ou l'objet de collection est la perte de sa fonction d'usage remplacée alors par une fonction symbolique43. Tout objet, qu'il soit exceptionnel ou banal, unique ou commun, ancien ou récent, peut donc devenir objet de collection. Selon Pomian, une des caractéristiques de notre époque est justement que tout est désormais muséalisable44. Ainsi, on retrouve dans les collections muséales divers types d'objets tels que ceux illustrant la vie quotidienne et domestique de différents groupes sociaux ou culturels. Ces objets quotidiens n'ont pas toujours eu leur place dans les musées, ayant longtemps été mis de côté au profit des objets d'art et des objets exotiques. Aujourd'hui, on retrouve l'objet quotidien dans les collections des musées d'histoire et de société, mais son utilisation diverge d'une institution à l'autre45. Sa collecte exprime ce désir manifesté par les musées de représenter le banal, l'ordinaire, les activités domestiques et le cadre dans lequel se déroule la vie de tous les jours. Dans la majorité des cas, l'artefact est ancien, référant à un passé plus ou moins lointain. D'autres ont aussi cette particularité d'illustrer des aspects de la société d'aujourd'hui.

1.1.3. L'objet contemporain

Au cours des trente dernières années, le patrimoine a connu une large extension, laissant aujourd'hui une impression que tout peut potentiellement en faire partie. Avec le temps, la notion est devenue plurielle, se déclinant sous plusieurs formes : patrimoine matériel, immatériel, privé, collectif, mondial, rural, religieux, artistique, architectural,

42 Bonnot, op. cit., p. 219. 43 Laurier Lacroix, « Les collections muséales au Québec », Société des musées québécois, 2002, p.l, Internet. 44 Pomian, « Patrimoine et musée », op. cit., p. 189. 45 Sur le parcours des objets quotidiens dans les musées, lire Céline Rosselin, « De l'objet quotidien à l'objet de musée », La lettre de l'OCIM, no 30, 1993, p. 22-27.

Page 20: La collecte de l'objet contemporain : L'exemple du Musée de la

15

moderne, etc.46 Cet élargissement n'est pas sans incidence pour les musées qui ont

graduellement étendu leur spectre de collecte, incluant dans leurs collections des objets de

plus en plus récents.

[N]ous assistons maintenant à l'entrée au musée des années cinquante et soixante du XXe siècle, voir plus proches encore. Le musée abrite ainsi les productions humaines représentatives de toutes les époques historiques, depuis les pierres taillées les plus archaïques jusqu'aux avant-derniers modèles d'avions, de satellites artificiels et d'ordinateurs47.

Ainsi, devant cette ouverture de la notion de patrimoine, les musées intègrent aujourd'hui à

leurs collections des objets représentatifs d'un passé récent ainsi que des objets illustrant le

temps présent. Cette situation amène d'ailleurs de plus en plus de musées, notamment des

musées de société, à s'interroger sur la collecte des objets contemporains.

Contemporain, vient du mot latin contemporaneus qui signifie « du même

temps . » Relatif, le terme est difficile à circonscrire. Dans les musées, sa définition pose

un premier problème théorique. S'il est facile de situer l'objet contemporain en l'opposant

à l'objet historique, la situation se complique lorsqu'on tente de tracer la ligne entre

l'ancien et l'actuel. Comme le résume Le Ménestrel, le mot est polysémique : « Indéfini, le

terme contemporain renvoie au "XXe siècle" dans son ensemble, ou plus spécifiquement

aux "années 50 ", au "récent" et même au "plus récent", jusqu' "à nos jours"4 . » L'emploi

du mot varierait selon les contextes et les institutions. D'ailleurs, il n'est pas rare qu'on ne

partage pas une définition unique à l'intérieur d'un même établissement.

Dans le contexte muséal, l'objet contemporain renvoie à des problématiques qui lui

sont propres. Son statut mal défini et ses contours flous font émerger différentes questions

sur sa place dans les collections ainsi que sur les limites de sa collecte50. Ils soulèvent

46 Sur l'évolution de la notion de patrimoine, voir notamment, Jean-Pierre Babelon et André Chastel, La notion de patrimoine, Paris, L. Levi, [1980] 2008, 176 p.; André Desvallées, « Émergence et cheminement du mot patrimoine », Musées et collections publiques de France, no208, septembre 1995, p. 6-29.; Dominique Poulot, Une histoire du patrimoine en Occident, XVIIIe-XXe siècles : du monument aux valeurs, Paris, Presses universitaire de France, 2006, 192 p. 47 Pomian, « Musée et patrimoine », op. cit., p. 190. 48 Lionel Ruffet, « Introduction », dans Lionel Ruffet et al. Qu'est-ce que le contemporain? Nantes, Éditions Cécile Défaut, 2010, p. 17. 49 Le Ménestrel, op. cit., p. 76. 50 Nous reviendrons sur les enjeux et les limites spécifiques à la collecte du contemporain dans le chapitre III.

Page 21: La collecte de l'objet contemporain : L'exemple du Musée de la

16

également des interrogations sur la responsabilité des conservateurs et sur les enjeux de la

constitution des collections. Les premières réflexions scientifiques sur la collecte du

contemporain dans les musées remontent aux années 1980. On y signale les problématiques

qui y sont reliées et on y aborde plus généralement l'idée de « collectionner aujourd'hui

pour demain », l'enjeu principal derrière la collecte du présent . Toutefois, peu de

chercheurs ont spécifiquement abordé la question du contemporain dans les collections,

alors que certaines institutions muséales s'y intéressent depuis une trentaine d'années.

C'est le cas du SAMDOK, une organisation regroupant plusieurs musées suédois, qui a agi

comme précurseur dans ce domaine et qui a, depuis 1977, établi des critères restrictifs pour

guider sa collecte des objets contemporains52.

En France, le Musée national des Arts et Traditions populaires53, créé en 1937, a

d'abord collectionné des objets associés à la vie paysanne dans le but de conserver des

traces de cette société traditionnelle que l'on voyait se transformer profondément au milieu

du 20e siècle. Il faut toutefois attendre la fin des années 1980, avant qu'on s'y intéresse à la

société industrielle. En 1999, le Musée est déménagé à Marseille et s'insère dès lors à

l'intérieur du projet du Musée national des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée

(MuCEM) dont l'ouverture est prévue en 2013. Depuis une dizaine d'années, le MuCEM

s'intéresse au contemporain et enrichit actuellement ses collections par des campagnes

d'acquisition d'objets récents euro-méditerranéens54.

Au Royaume-Uni, un partenariat entre différents musées du Pays-de-Galles a

permis de développer un projet pilote afin de rassembler des objets postérieurs aux années

1 ICOFOM, « Collectionner aujourd'hui pour demain », Icofom Study Series, Leiden, 5-6,1984.; Musée de Bretagne, Constituer aujourd'hui la mémoire de demain : actes du colloque de Rennes (décembre 1984). Rennes, Musée de Bretagne, 1988, 60 p.; Thomas J. Schlereth, « Collecting Today for Tommorow », Museum news, vol. 60, no 4, (mars-avril 1982), p. 29-37. 52 Gôran Rosander (dir.), Today for tomorrow: museum documentation of contemporary society in Sweden by acquisition of objects, Stockholm, SAMDOK Council, 1980, 63 p.; Elin Von Unge, When culture becomes heritage; In search of the Samdok discourse of collecting contemporary heritage, Mémoire de maitrise, Gôteborgs universitet, 2008, 57 p. 53 Lors de son ouverture, le Musée occupe une aile du Palais de Chaillot, à Paris. En 1972, il déménage dans un nouveau bâtiment au bois de Boulogne où il accueille des visiteurs jusqu'à sa fermeture en 2005. Sur le sujet, on peut consulter Martine Segalen, Vie d'un musée. 1937-2005. Paris, Stock, 2005, 360 p. 54 Denis Chevalier, « Collecter, exposer le contemporain au MUCEM », Ethnologie française, XXXVIII, 4, 2008, p. 631-632.

Page 22: La collecte de l'objet contemporain : L'exemple du Musée de la

17

1950. Parmi ces musées, on retrouve le St Fagan National History Museum, situé à Cardiff, capitale du Pays-de-Galles, qui a embauché en 2007 un conservateur responsable du secteur Contemporary life. L'année suivante, le Musée a adopté un plan stratégique de collecte du contemporain balisant l'acquisition d'objets issus des cinq dernières années55. En fait, en Europe comme en Amérique du Nord, les exemples de la présence grandissante de ce type d'objet dans les collections sont nombreux et les politiques à son sujet se multiplient56. Au Québec, certains musées s'y intéressent également. C'est le cas du Musée de la civilisation, proactif sur cette question, qui élabore actuellement une politique d'acquisition spécifique à l'objet contemporain.

1.2. Problématique

Dès son ouverture, le Musée de la civilisation démontre son intérêt pour le contemporain, principalement à l'intérieur de ses activités de diffusion. En tant que musée de société, il cherche à être représentatif de la culture dans laquelle il s'insère en présentant des expositions thématiques abordant les préoccupations de la société contemporaine. En ce sens, on retrouve dans ses expositions des objets appartenant à un passé récent et même au temps présent. En 1994, il organise un séminaire sur l'objet contemporain et, par la suite, différents articles traitant précisément de son utilisation au Musée sont publiés57. Dans ces

« [...] contemporary collecting, which for our purposes will be defined as a rolling horizon of the past five years. » Owain Rhys, Contemporary collecting : Theory and practice, Edinburg, MuseumsEtc, 2011, p. 105. 5 6 Le muséologue André Gob donne l'exemple du Musée de la Vie wallone, à Liège, qui invite la population à lui faire don d'objets de la vie quotidienne datant de la seconde moitié du 20 e siècle. (André Gob, Le musée, une institution dépassée ? Eléments de réponse. Paris, Armand Colin, 2010, p. 136.); Lire également Réda Benkirane et Erica Deuber-Ziegler, « Quels chantiers pour l'ethno? Entretien avec Jacques Hainard » dans Benkirane et Erica Deuber-Ziegler (dir.), Culture et cultures; les chantiers de l'ethno, Genève, Musée d'ethnographie/Infolio, 2007, p. 123-142. ; Eva Fagerborg et Elin von Unge (dir.), op. cit.; Norfolk Museums, « The social History Collecting Policy, Acquisitions and Norfolk Policy », Norfolk Museums & Archaeology service, 8 p., Internet. ; Rhys, op. cit. 57 Francine Lacroix (coors.), Actes du séminaire « L'objet contemporain », Québec 14 et 15 mai 1994, Musée de la civilisation, 1994,87 p.; Danielle Rompre, « Le statut et la place de l'objet contemporain dans les pratiques professionnelles du Musée de la civilisation », dans Francine Lacroix (coors.). op. cit., p. 49-56.; Le Ménestrel, op. cit.; Roland Arpin, « Au Musée de la civilisation : une pratique ethnologique sans filet de sécurité », dans Anne-Marie Desdouits et Laurier Turgeon, Ethnologies francophones de l'Amérique et d'ailleurs, Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1997, p. 295-306.; Valérie Laforge et Sylvie Toupin, « Voir venir. La collecte du contemporain au Musée de la civilisation : entre la rigueur et l'intuition » dans Jacques Battesti (dir.), Que reste-t-il du présent?Collectionner le contemporain dans les musées de société Bayonne, Musée Basques et de l'histoire de Bayonne, [À paraitre, automne 2012], 15 p.

Page 23: La collecte de l'objet contemporain : L'exemple du Musée de la

18

documents, on souligne le caractère à la fois incontournable et controversé de l'objet

contemporain en présentant les difficultés reliées à sa définition, à sa sélection et à son

exposition. Ces articles confirment l'intérêt du Musée pour ce type d'objet tout en

témoignant des débats relatifs à celui-ci et de la nécessité de poursuivre les réflexions sur le

sujet.

Le Musée de la civilisation est responsable de la conservation et de la mise en

valeur de la collection ethnographique qui lui a été confiée. Roland Arpin, directeur

générale de 1987 à 2001, précise que

Le Musée doit assurer le développement de la collection ethnologique dans le juste équilibre d'une double fonction, à savoir l'enrichissement du patrimoine matériel, témoin de la vie d'une société, en même temps qu'un support adéquat aux expositions qu'il réalise. Cette dualité de fonction constitue un défi particulier. Il s'agit de développer une collection ethnologique traditionnelle axée surtout sur les témoins de la société québécoise au sein d'un musée thématique, à vocation universelle, en présentant des expositions qui font appel à l'ethnologie contemporaine et, de ce fait, à un grand nombre d'objets d'aujourd'hui et d'ailleurs .

Si l'objet contemporain a toujours été une préoccupation dans les expositions, son

intégration à la collection ne s'est pas faite de façon systématique. Bien que répondant aux

orientations de l'institution, la collecte de l'objet contemporain demeure en rupture avec les

pratiques muséologiques traditionnelles. Par exemple, l'absence d'un certain recul

historique rend sa collecte difficile, car le Musée se voit obligé d'identifier ce qui est

représentatif de la culture actuelle et de sélectionner ce qui devra la représenter dans le

futur. Or, comment choisir aujourd'hui les objets qui représenteront notre culture demain?

Dans les musées, la responsabilité d'identifier les objets susceptibles d'intégrer les

réserves revient aux conservateurs qui occupent une place centrale dans le développement

des collections. Cette recherche vise justement à mettre en lumière le travail de ces

professionnels. Nous cherchons à comprendre comment les objets contemporains sont

sélectionnés et quelles sont les étapes qui leur permettent d'intégrer les collections

nationales. Cette recherche s'inscrit dans cette tendance qui consiste à détourner le regard

de l'objet lui-même afin d'analyser le contexte muséal dans lequel il s'insère. Le chercheur

Arpin, Le Musée de la civilisation : concept et pratiques, p. 91.

Page 24: La collecte de l'objet contemporain : L'exemple du Musée de la

19

pose alors un regard extérieur sur le musée et s'intéresse aux pratiques qui s'y déroulent. Le

musée devient un terrain pour l'ethnologue où prennent place différentes pratiques sociales

et culturelles5 . Ainsi, nous souhaitons nous distancier des études sur la forme et l'histoire

des objets pour nous concentrer sur leurs collectes, puisque, comme l'a souligné

l'ethnologue Nathalie Hamel, « tout n'est pas conservé, et ce qui l'est témoigne

nécessairement de l'établissement de certains critères, de l'attribution de valeurs60. »

Notre recherche s'articule donc autour de la question suivante : quelles sont les

pratiques entourant le collectionnement des objets contemporains au Musée de la

civilisation, de sa création à aujourd'hui? En nous attardant au travail des conservateurs,

nous tenterons d'identifier le processus qui permet à l'objet contemporain de devenir objet

de musée et les motivations qui incitent ces professionnels à les intégrer aux collections.

Cette recherche porte donc sur la muséalisation des objets contemporains, c'est-à-dire sur le

« processus d'incorporation6 » de ce type d'objet aux collections du Musée. Certains

comparent les différentes étapes de ce processus à un rite de passage62 pour l'objet ou à une

chaine opératoire63. En fait, la muséalisation peut aussi être définie comme étant

« l'opération tendant à extraire, physiquement et conceptuellement, une chose de son milieu

naturel ou culturel d'origine et à lui donner un statut muséal64 ».

Il apparait que les pratiques de collectionnement entourant les objets contemporains

au Musée se composent de nombreuses actions qui permettent à l'artefact de passer d'objet

en usage à objet de collection. Ce processus se structurerait autour de quatre grandes étapes,

soit la sélection, la documentation, l'acquisition et la conservation. Les activités de

diffusion, quant à elles, ne sont réservées qu'à une fraction des objets conservés et peuvent

précéder l'acquisition ou venir ponctuer la vie de l'objet pendant sa conservation. Si ces

étapes sont communes à tous les objets acquis par le Musée, le collectionnement de l'objet

'9 Yves Bergeron et Jean Davallon, « Recherche : Regard et analyse », dans Desvallées et Mairesse (dir.), op. cit., p. 538. ; Laurier Turgeon et Élise Dubuc, « Musées d'ethnologies ; Nouveaux défis, nouveaux terrains », Ethnologies, vol. 24, no 2, 2002, p. 9. 60 Nathalie Hamel, op. cit., p. 17. 61 André Gob, « Le jardin des Viard ou les valeurs de la muséalisation », CeROArt, 4, 2009, 12 p. 62 Marie-Pierre Julien et Céline Rosselin, La culture matérielle, Paris, La découverte, 2005, p. 37-42. 6 3 Gob, « Le jardin des Viard ou les valeurs de la muséalisation », op. cit. 64 « Muséalisation », Desvallées et Mairesse (dir.), op. cit., p. 251.

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contemporain se distinguerait par le fait qu'il répond à des objectifs différents, comme celui de constituer aujourd'hui cette mémoire de demain. Cet enjeu motiverait d'ailleurs de plus en plus les conservateurs à s'y intéresser. La collecte du contemporain les amène aujourd'hui à réfléchir sur ce qui caractérise la société actuelle et sur ce qui devrait la représenter dans le futur. Dès lors, aussitôt intégrés aux collections, les objets récents sont « traités sur le mode du passé », leur conservation témoignant d'un « traitement du présent comme futur passé65 ». Ainsi, nous croyons que les critères de sélection, les motivations et les manières de faire sous-jacents à la collecte de l'objet contemporain lui conféreraient un rôle particulier dans la construction d'une relation passé-présent-futur.

Le caractère polysémique du contemporain rend difficile l'établissement d'une définition claire et précise de ce que nous entendons par ce terme. Plutôt qu'imposer une définition, nous avons demandé aux personnes interrogées de nous présenter leur propre vision de ce qu'est l'objet contemporain. Toutefois, il nous semble important que la définition tienne compte du caractère relatif du terme. En effet, même si certains objets collectionnés à la fin des années 1980 peuvent apparaître aujourd'hui comme anciens, n'étant plus utilisés dans la vie de tous les jours, il n'en demeure pas moins qu'ils étaient au moment de leur entrée au Musée tout à fait actuels.

1.3. Démarche méthodologique

Par cette recherche, nous souhaitons d'abord nous pencher sur les pratiques de collectionnement en milieu muséal et, pour ce faire, nous avons privilégié l'étude d'un exemple précis. La méthode de l'étude de cas est à la fois une méthode de cueillette et de traitement des données qui vise, comme l'explique Pierre Collerette, à « rapporter une situation réelle prise dans son contexte, et à analyser pour voir comment se manifestent et évoluent les phénomènes auxquels le chercheur s'intéresse . » Cette méthode implique un travail de contextualisation qui permet de replacer les faits observés dans leur contexte plus

55 Marc Guillaume, La politique du patrimoine, Paris, Éditions Gallilée, 1980, p. 93. 6 6 Pierre Collerette, « Étude de cas (méthode des ) » dans Alex Mucchielli (dir.), Dictionnaire des méthodes qualitatives en sciences humaines, Paris, Armand Colin, 2009, p. 91.

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général. Collerette souligne également l'importance de « s'assurer d'avoir bien rapporté la

situation telle qu'elle a été vécue par les acteurs concernés, car c'est l'essence même

d'une étude de cas de rendre explicite ce que les acteurs ont vécu, et à partir de leur

système de pertinence67. » En ce sens, il s'agit d'une méthode qui correspond à la démarche

ethnologique et qui permettra de répondre aux objectifs de notre recherche.

L'adoption d'une approche comprehensive, relevant de la recherche qualitative,

permet d'appréhender le phénomène du collectionnement dans sa complexité en plaçant

l'acteur (dans ce cas-ci le conservateur), au centre de la recherche. En effet, le conservateur,

par le rôle qui lui est confié, se retrouve au cœur des pratiques de constitution des

collections. Ainsi, il est essentiel de lui donner la parole afin de bien analyser cette pratique.

L'approche comprehensive permet de faire ressurgir les motivations, les perceptions, les

valeurs véhiculées par les acteurs ainsi que le sens qu'ils accordent aux gestes qu'ils posent

et aux choix qu'ils font.

1.3.1. Les sources à l'étude

Cette recherche repose sur l'analyse d'un corpus de données se composant à la fois

de sources orales et imprimées. Le noyau principal formé d'entrevues est alors renforcé par

les sources secondaires que sont les écrits sur les collections et sur les objets. La

complémentarité de ces sources fait en sorte que chacune est enrichie par l'autre de façon à

tracer un portrait plus large des pratiques étudiées.

a) Les entrevues

En ce qui concerne les collections, les conservateurs font figure d'autorité puisqu'ils

participent à l'ensemble des étapes qui permettent à l'artefact de devenir un objet de musée.

S'il est possible de trouver divers documents traitant des collections du Musée de la

civilisation, il s'avère beaucoup plus difficile d'obtenir des témoignages écrits concernant

les pratiques professionnelles de ses conservateurs. En effet, ceux-ci ne semblent pas avoir

écrit sur leurs expériences de travail ou, plus généralement, sur l'histoire des collections. En

67 lbid., p. 93.

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22

ce sens, l'enquête orale, de type ethnologique, est la méthode toute indiquée pour constituer une source essentielle à l'étude des pratiques de collecte en milieu muséal. Dans cette perspective, l'entretien avec des informateurs permet au chercheur de constituer un corpus de données pertinentes au questionnement de recherche formulé en recueillant à la fois les récits de faits vécus, les perceptions qu'ont les personnes interrogées de leurs pratiques et de recueillir leurs propres réflexions.

Nous avons rencontré cinq conservateurs afin de documenter les différentes pratiques de collectionnement dans cet établissement depuis son ouverture . Ces cinq informateurs ont été retenus en fonction de leur disponibilité, de leur intérêt à participer à cette étude et de leur capacité à discuter de la présence des objets contemporains dans les collections. Les conservateurs interrogés travaillent au Musée depuis quinze à trente ans. Tous participent aux activités d'acquisition et ont sous leur responsabilité des collections susceptibles de contenir des objets contemporains, deux éléments essentiels dans cette recherche.

Un schéma commun d'entrevue pour l'ensemble des entretiens a été élaborée et abordait différents thèmes issus de la recherche préliminaire : la présentation de l'informateur, le travail de conservateur, le développement des collections du Musée, la présence d'objets quotidien et d'objets contemporains, puis la présentation d'exemples précis69. Pour chaque entretien, l'ensemble des thématiques a été abordé bien que chaque conservateur ait développé davantage sur l'une ou l'autre de celles-ci. En effet, certains se sont attardés sur le développement des collections alors que d'autres ont élaboré plus

70

longuement sur la question du contemporain .

À ce corpus viennent s'ajouter deux transcriptions d'entrevues réalisées en 2010

lors d'un projet initié par le Musée et qui consistaient à recueillir le récit de vie

Le nombre d'informateurs potentiels était relativement limité. Le Musée de la civilisation compte actuellement une équipe formée de neuf conservateurs permanents. Musée de la civilisation, « Personnel régulier au 31 mars 2011 », Rapport annuel 2010-2011, p. 35. 69 Voir le schéma d'entrevue en annexe. 70 Les entrevues semi-dirigées ont été enregistrées à l'aide d'un appareil audionumérique. Les informateurs ont confirmé leur consentement de participation par écrit. Ce projet de recherche est approuvé par le comité d'éthique de l'Université Laval (N° d'approbation 2011-103/13-05-2011).

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professionnel d'un conservateur à la veille de son départ à la retraite71. Si le sujet des objets contemporains n'y est pas abordé, on y trace toutefois le parcours professionnel de ce conservateur et on y traite de la question du collectionnement tout en présentant certains secteurs de la collection.

De plus, nous avons réalisé une entrevue complémentaire avec Richard Dubé, directeur des collections de 1987 à 1997. Un schéma d'entrevue ouvert, plus souple, lui a permis de nous parler de son rôle en tant que directeur, du développement des collections, de l'équipe qu'il supervisait et de la situation de l'objet contemporain dans les collections. Cette rencontre a permis de poser un regard plus ciblé sur la première décennie du Musée sur le plan des collections.

b) Les écrits sur les collections

Une recherche documentaire qui regroupe différents documents institutionnels ainsi que des publications du Musée dans lesquels on traite du contenu des collections, des politiques d'acquisition, des orientations et des axes de collectionnement viennent enrichir le corpus de données . Cette documentation permet de comprendre la place accordée aux collections à l'intérieur du Musée, de documenter les différentes étapes de leur développement et de préciser les orientations privilégiées quant à leur gestion. Ainsi, alors que l'absence de témoignages écrits concernant les pratiques professionnelles des conservateurs expose la nécessité de recourir à l'enquête orale, les documents écrits donnent accès à une vision davantage institutionnelle de la constitution des collections. Ces documents représentent une source complémentaire à l'étude des sources orales et des différents écrits sur les objets.

1 Jacinthe Desjardins-Presseau, Verbatim, Entrevue #1 avec Guy Toupin, 11 février 2010, 18 p.; Jacinthe Desjardins-Presseau, Verbatim, Entrevue #3 avec Guy Toupin, 3 mars 2010, 23 p.

Notamment, François Tremblay (dir.), Axes de développement des collections, Québec, Musée de la civilisation, 1987, 120 p.; Roland Arpin, Mission, concept et orientations : Musée de la civilisation, Québec, Musée de la civilisation, 1987, 27 p.; Roland Arpin, Le Musée de la civilisation: concept et pratiques, Québec, Éditions Multimondes, Musée de la civilisation, 1992, 166 p.; Richard Dubé, Trésors de société : Les collections du Musée de la civilisation, Québec, Musée de la civilisation; Montréal, Fides, 1998, 255 p.; Andrée Gendreau, La collection du Musée de la civilisation : principes et orientations, Québec, Musée de la civilisation, Service des collections, 2003, 68 p.; Sylvie Cauchon et al. Objet de civilisation. Québec, Musée de la civilisation, 1990. 153 p.; Objets de références, Québec, Musée de la civilisation, 2011, 255 p.

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c) Les écrits sur les objets

Une seconde catégorie de sources imprimées regroupe les documents produits par le Musée et servant à la documentation des objets de collection. C'est le cas des dossiers d'acquisitions73, des dossiers d'objets74 et des fiches d'objets75 accessibles par le système informatisé de gestions des collections Musim. Il aurait été irréaliste et inapproprié dans le cadre de cette recherche d'étudier l'ensemble des dossiers d'acquisitions ou des fiches d'objets du Musée. L'analyse se limite donc aux documents concernant les objets dits contemporains présentés par les conservateurs au cours des entretiens.

En effet, bien que le Musée considère l'objet contemporain comme un type d'objet76 qui se distingue, par exemple, des objets historiques, les objets ne sont pas classifies selon cette typologie dans la base de données. Ainsi, une recherche exhaustive des objets contemporains du Musée s'avère impossible à réaliser, d'autant plus que ces objets peuvent varier selon la définition du terme contemporain adoptée. Sans établir un corpus rigide d'artefacts à étudier, le terrain a permis d'identifier une quinzaine d'objets ou d'ensemble d'objets contemporains conservés par le Musée et porteurs de sens aux yeux des personnes interrogées. L'analyse plus approfondie de ces objets acquis entre 1988 et 2011 et ciblés par les conservateurs a permis d'étudier le parcours emprunté par les objets de musée à partir d'exemples concrets. Pour chacun, nous avons consulté la documentation disponible, soit le dossier et la fiche d'objet, le dossier et la fiche d'acquisition77 ainsi que,

73 Ces dossiers regroupent l'ensemble des documents en lien avec l'acquisition d'un objet ou d'une collection. Chaque objet ou ensemble d'objets possède un dossier d'acquisition. Toutefois, il y a eu une période pendant laquelle les transferts des expositions vers les collections se faisaient à l'interne, ce qui expliquerait pourquoi certains objets de notre corpus qui ont été d'abord exposés puis intégrés aux collections n'ont pas de dossier d'acquisition. 74 Certains objets possèdent un dossier papier regroupant des informations variées comme le nom de l'objet, ses dimensions, ses matériaux, une description, des photographies, des constats d'état, etc. 5 Tous les objets conservés au Musée ont une fiche informatisée qui leur est rattachée et dans laquelle on

retrouve différentes informations concernant par exemple leurs formes, leurs fonctions, leur état de conservation ainsi que des photographies. La base de données Musim est consultable sur place.

Yves Bergeron, « Essai de définition : types et statuts des collections du Musée de la civilisation », reproduit dans Andrée Gendreau, La collection du Musée de la civilisation : principes et orientations, Québec, Musée de la civilisation, Service des collections, 2003, non paginé. 77 Nous avons constaté que tous les dossiers d'acquisition consultés ayant été déposés depuis les années 2000 contiennent une fiche d'acquisition sur laquelle on retrouve l'argumentaire présenté par le conservateur afin de justifier l'acquisition de la pièce ainsi que la réponse du comité d'acquisition. Cependant, parmi la quinzaine d'objets analysés, cinq acquis depuis 2008 n'avaient pas encore de dossier. Nous avons toutefois été en mesure de consulter leurs fiches d'acquisition. Deux autres exemples acquis à la suite d'expositions dans les premières années du Musée ne possédaient pas de dossier, ni de fiche d'acquisition.

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le cas échéant, la documentation produite sur eux dans le cadre de publications78. Les informations recueillies ont également été croisées avec les témoignages des conservateurs qui ont parlé de ces objets et qui, dans la majorité des cas, les avaient acquis. Par cette recherche, nous voulions vérifier comment l'objet de musée est documenté, de quelles façons les informations disponibles sur celui-ci ont été recueillies et comment avait été justifiée son acquisition.

1.3.2. Suivre le parcours de l'objet : la méthode de l'itinéraire et l'approche biographique

Le traitement des sources orales consiste, dans un premier temps, à la production d'un guide d'écoute détaillé pour chaque entretien réalisé. Il s'agit d'un relevé dans lequel sont réunis l'essentiel des propos tenus par l'informateur ainsi que quelques citations particulièrement éloquentes. Le guide d'écoute présente de façon chronologique l'ensemble des éléments abordés au cours de l'entrevue. Les données sont par la suite compilées à l'intérieur d'une grille qui réunit à la fois des éléments tirés des entrevues et les résultats de la recherche documentaire. Cette grille permet de dégager des axes thématiques en lien avec le questionnement de recherche. Contrairement au guide d'écoute, la grille peut exclure certains éléments discutés au cours de l'entrevue qui ne correspondent pas directement aux objectifs de la recherche et classe les informations recueillies par thème. Cette organisation des données constitue déjà une première forme d'analyse qualitative, soit l'analyse thématique. Paillé et Mucchielli décrivent ainsi cette méthode :

Avec l'analyse thématique, la thématisation constitue l'opération centrale de la méthode, à savoir la transposition d'un corpus donné en un certain nombre de thèmes représentatifs du contenu analysé, et ce, en rapport avec l'orientation de recherche (la problématique). L'analyse thématique consiste, dans ce sens, à procéder systématiquement au repérage, au regroupement et, subsidiairement, à l'examen discursif des thèmes abordés dans un corpus, qu'il s'agisse d'un verbatim d'entretien, d'un document organisationnel ou

79 de note d'observation .

78 Cinq objets du corpus sont présentés dans l'ouvrage Objets de référence, Québec, Musée de la civilisation, 2011. 79 Alex Mucchielli et Pierre Paillé, L'analyse qualitative en sciences humaines et sociales, Paris, Armand Colin, 2008, p. 162.

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En plus de réunir l'information recueillie sur le travail de conservateur, sur le

développement des collections et sur la présence à l'intérieur de celles-ci d'objets

contemporains, les axes thématiques dégagés permettent de faire émerger les différentes

étapes qui amènent l'objet contemporain à devenir objet de collection. En ce sens, notre

recherche jumelle l'analyse thématique à une seconde méthode qui s'inspire de la méthode

des itinéraires :

La méthode des itinéraires est un cadre descriptif. Elle consiste à suivre un ou plusieurs objets ou produits en fonction des différentes étapes du processus qui conduit dans le temps et dans l'espace à son acquisition puis à son usage par différents acteurs. À chaque étape de l'itinéraire, les pratiques sont appréhendées en s'attachant à décrire leur diversité, les objets mobilisés, les lieux, les moments et les occasions dans lesquels elles se développent, les incertitudes et les craintes qui les modèlent, les acteurs impliqués et leurs arbitrages80.

Cette méthode présentée par Alami, Desjeux et Garabuau-Moussaoui est surtout utilisée

en « ethnomarketing » et cherche à reconstruire le processus décisionnel du consommateur

en faisant ressortir les différents éléments qui interviennent dans ses choix. Desjeux ajoute

que la méthode des itinéraires « fonctionne comme un système de scannage systématique

des étapes qui structurent le processus de décision de la consommation marchande ou non

marchande . »

Sans vouloir comparer le conservateur à un consommateur qui fait ses courses, il

n'en demeure pas moins que son travail l'amène à choisir parmi tous les objets disponibles

ceux qui entreront dans la collection nationale. En nous inspirant de cette méthode des

itinéraires, nous souhaitons mettre en lumière les différentes composantes de la pratique

entourant la collecte de l'objet contemporain au Musée et établir le parcours habituellement

traversé par celui-ci. En d'autres mots, nous souhaitons illustrer le processus

d'incorporation des objets aux collections en présentant pour chacune des étapes le

déroulement, les gens engagés dans celui-ci, les procédures, les conditions, les enjeux, les

intentions et les contraintes auxquelles sont soumis les conservateurs.

80 Alami, Desjeux et Garabuau-Moussaoui, Les méthodes qualitatives, Paris, Presses Universitaires de France, 2009, p. 109. 81 Dominique Desjeux, « La méthode des itinéraires comme méthode comparative appliquée à la comparaison interculturelle (Danemark, Chine, USA, France) », Consommation & société, no 1, 2001, Internet.

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En complément à cette méthode, à partir des informations recueillies lors des entrevues et de la recherche documentaire, nous retracerons le parcours de certains objets de collection, de leur sélection à leur conservation, en nous inspirant de l'approche biographique proposée par l'anthropologue Igor Kopytoff82. Celle-ci consiste à présenter le parcours d'un objet en le comparant à celui d'objets similaires. Cette méthode a été reprise par d'autres auteurs qui l'ont appliquée, entre autres, à des objets patrimoniaux83 et à des collections muséales84. Ainsi, la méthode des itinéraires et l'approche biographique permettront de suivre le parcours des objets contemporains collectionnés au Musée de la civilisation tout au long des différentes étapes qui marquent leur intégration aux collections et de mettre en lumière les pratiques qui y sont reliées.

Ce premier chapitre présentait d'abord un bilan historiographique, puis la problématique et la démarche méthodologique sur lesquelles s'appuie notre recherche. Avant de nous lancer dans l'analyse des pratiques entourant la collecte de l'objet contemporain, il est d'abord nécessaire de présenter le contexte dans lequel se déroulent celles-ci. En ce sens, le second chapitre rappelle brièvement les principales étapes qui ont menées à la création du Musée de la civilisation et présente le travail des conservateurs ainsi que le développement de la collection nationale.

8 2 Kopytoff, op. cit., p. 64-91. 8 Bonnot, op. cit. 8 4 Hamel, op. cit.

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CHAPITRE II - Regard du côté des collections : une institution, des professionnels et des objets

Depuis son ouverture en 1988, le Musée de la civilisation propose une approche

muséologique basée sur la communication et sur la diffusion dans laquelle le visiteur

occupe le centre de ses préoccupations. En ce sens, une attention particulière est accordée à

la réalisation des expositions thématiques. Sur le plan des collections, le Musée a d'abord

enrichi la collection ethnographique qu'on lui avait confiée, axée sur le mode de vie

traditionnel, de façon à ce qu'elle soit représentative de l'ensemble de la société d'hier et

d'aujourd'hui. Ce développement s'est traduit par une ouverture graduelle de la collection

aux objets du 20e siècle, puis du 21e siècle. Afin de cerner dans quel contexte a émergé cet

intérêt pour la collecte du contemporain, il est d'abord nécessaire de rappeler les principales

étapes qui ont menées à la création du Musée et des orientations qui ont guidé son

développement, puis de présenter l'équipe de conservateurs et son travail avec les

collections. De plus, puisque le Musée est responsable de la conservation et de la mise en

valeur d'une collection nationale, il apparait nécessaire de tracer les grandes lignes du

développement de sa collection et de préciser la relation qu'entretient l'institution avec les

artefacts.

2.1. Le Musée de la civilisation : création, fonctions et orientations

L'ouverture du Musée de la civilisation en 1988 marque le dénouement d'un projet o c

muséal qui se développe sur trois décennies . En effet, l'idée de créer une institution qui se

distinguerait des musées consacrés aux arts et qui s'intéresserait à la civilisation

canadienne-française ou à « l'Homme d'ici » remonte aux années 1960. Au milieu de cette

décennie, le ministère des Affaires culturelles du Québec86 souhaite créer un Musée de

l'Homme et mandate l'ethnologue Jean-Claude Dupont pour évaluer les différentes

85 Sur le sujet, lire Gérald Grandmont, « Longue gestation d'un jeune musée », Cap-aux-diamants, 1991, p. 56-59.; Christine Tarpin, L'émergence du Musée de la civilisation : contexte et création, Québec, Musée de la civilisation, 1998,220 p. 86 Aujourd'hui le ministère de la Culture, des Communication et de la Condition féminine.

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possibilités. Dans son rapport déposé en 1967, Dupont dresse le portrait de la muséologie

au Québec et propose de remplacer le projet du Musée de l'Homme par la création d'un

Institut national de la civilisation dont l'objectif serait de mettre sur pied des expositions

thématiques itinérantes qui circuleraient dans différentes régions du Québec. Créé en 1968,

l'Institut disparait au début des années 1970, mais cette idée de musée de l'Homme refait

surface dans les années qui suivent87.

De 1977 à 1980, le gouvernement, souhaitant agrandir le Musée du Québec ,

analyse différentes propositions, notamment celle suggérant d'intégrer au musée déjà

existant un nouveau musée s'inspirant du concept de musée de l'Homme proposé par

Dupont. Le projet aboutit en 1980 alors qu'un comité tranche finalement sur la nécessité de

créer un musée de civilisation à qui serait confiée la responsabilité de la collection

ethnographique conservée au Musée du Québec. On annonce alors la création du Musée

national de la civilisation. Malgré cette annonce, il faut attendre jusqu'en 1984 avant que la

Loi sur les musées nationaux soit modifiée afin de permettre la création de la nouvelle

institution, alors nommée Musée de la civilisation. La loi confie à ce dernier un triple

mandat, soit

1° de faire connaître l'histoire et les diverses composantes de notre civilisation, notamment les cultures matérielle et sociale des occupants du territoire québécois et celles qui les ont enrichies;

2° d'assurer la conservation et la mise en valeur de la collection ethnographique et des autres collections représentatives de notre civilisation;

3° d'assurer une présence du Québec dans le réseau international des manifestations muséologiques par des acquisitions, des expositions et d'autres activités d animation .

87 Roland Arpin et Yves Bergeron, « Du Musée de l'Homme au projet d'Institut national », dans Jean-Pierre Pichette (dir.), Entre Beauce et Acadie; facettes d'un parcours ethnologique, Sainte-Foy, Les Presses de l'Université Laval, 2001, p. 407-421. 88 Créé en 1933, le Musée de la province devient le Musée du Québec en 1963, puis le Musée national des beaux-arts en 2002. 89 Loi sur les musées nationaux, L. R. Q., chapitre M-44 (article 24.1, T alinéa), Québec, Éditeur officiel du Québec.

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Ce n'est qu'en 1987, lorsque Roland Arpin est nommé directeur général, que le concept définitif est développé puis accepté par le ministère des Affaires culturelles. Le concept élaboré par Arpin et son équipe confirme l'approche thématique, centrée sur la personne humaine et axée sur la communication . En ce sens, les activités du Musée ont toujours été orientées vers la diffusion.

Sans négliger la recherche et la conservation qui se recentrent sur les activités de diffusion, le Musée met l'accent sur la communication muséologique. Celle-ci recouvre l'ensemble des interventions visant à diffuser le contenu thématique des expositions et à faire circuler les collections91.

L'inauguration de la nouvelle institution a lieu l'année suivante, le 19 octobre 1988. Depuis son ouverture, le Musée a connu trois directeurs généraux, soit Roland Arpin (1987-2001), Claire Simard (2001-2010) et Michel Côté (en poste depuis août 2010). Aujourd'hui, le Musée s'insère à l'intérieur d'un complexe muséal qui réunit également le Musée de l'Amérique française, le Centre d'interprétation de Place-Royale, la Maison Chevalier et la Réserve muséale de la Capitale nationale92.

2.2. Les professionnels des collections

À l'intérieur du Service des collections, des archives historiques et de la bibliothèque du Musée de la civilisation, on retrouve une équipe de conservateurs responsables du développement et de la conservation de la collection nationale. À ce noyau se greffent d'autres professionnels spécialisés dans le traitement des artefacts et des archives, de même que des techniciens et du personnel de soutien. Bien que relevant de ce Service, les conservateurs participent également aux projets du Service des expositions. En effet, ils forment un groupe de professionnels qui travaille à la fois au développement de la collection et sur divers projets de diffusion. Pour illustrer ces deux chapeaux qu'ils sont

90 Roland .Arpin, Le Musée de la civilisation : concept et pratiques, Québec, Éditions Multimondes, Musée de la civilisation, 1992, 166 p. 91 Roland Arpin, Le Musée de la civilisation; une histoire d'amour. Québec, Musée de la civilisation; Montréal, Fides, 1998, p. 58. 92 La Réserve muséale, aussi appelée le Centre national d'étude sur les collections est située dans un secteur industriel à quelques kilomètres du Musée.

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appelés à porter dans l'exercice de leur profession ou pour se distinguer des conservateurs

contractuels travaillant uniquement du côté des expositions, certains conservateurs

interrogés ont opposé les expressions conservateurs aux expositions et conservateurs aux

collections.

2.2.1. L'équipe de conservateurs

La période allant de la création du Musée par la Loi sur les musées nationaux

jusqu'à son ouverture représente une période de transition pendant laquelle l'équipe du

Musée prend forme. Lorsque la collection d'ethnographie est confiée au Musée de la

civilisation, une première équipe formée de quatre conservatrices est mise sur pied afin de

veiller sur la collection93. Graduellement, d'autres conservateurs sont engagés afin de

répondre aux différents besoins du Musée, notamment pour travailler sur divers projets

d'expositions et documenter les collections. Au milieu des années 1990, alors que le Musée

devient responsable d'une collection scientifique, une conservatrice ayant une formation en

science est aussi embauchée.

Au cours des vingt-cinq dernières années, le nombre de conservateurs permanents a

légèrement varié. Du milieu des années 1990 jusqu'à aujourd'hui, l'équipe s'est toujours

composée de huit ou neuf conservateurs rattachés aux collections94. Malgré quelques

départs, notamment à la retraite, et quelques arrivées, il est demeuré un noyau composé de

conservateurs qui y travaillent depuis les premières années. Nous en avons rencontré cinq,

soit Nicole Grenier95, Michel Laurent96, Christian Denis97, Marie-Paule Robitaille98 et

93 II s'agit de Thérèse Latour, Nicole Grenier, Lydia Imreh-Ràsonyi et Céline Saucier. Parmi celles-ci, Nicole Grenier est toujours à l'emploi du Musée. 94 Le Musée emploie également des conservateurs contractuels qui travaillent exclusivement sur des projets d'expositions et qui ne réalisent pas d'acquisition. 95 Nicole Grenier travaillait au Musée du Québec. Elle a été transférée au Musée de la civilisation lorsque celui-ci a reçu la responsabilité de la collection ethnographique, au début des années 1980. Au cours de cette période de transition précédant l'ouverture du Musée, elle agissait à la fois comme conservatrice et comme chargée de projet en réalisant des expositions à la Maison Chevalier. Après l'ouverture, elle a principalement travaillé du côté des expositions. En 2000, on lui a confié la responsabilité de la collection de costumes et d'accessoires. 96 Michel Laurent a occupé le poste de registraire des collections pour le Musée de la civilisation de 1983 à 1995, soit jusqu'au moment où il est devenu conservateur et qu'on lui a confié la responsabilité de certaines collections. Pendant sa carrière, il a été en charge des collections textiles, d'objets religieux, d'ornements de fêtes, d'instruments de musique ainsi que de collections particulières comme la collection japonaise Hajime Miwa.

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Sylvie Toupin99. À leurs témoignages viennent s'ajouter ceux de Richard Dubé, directeur

des collections de 1987 à 1997, et du conservateur retraité Guy Toupin qui a travaillé au Musée du tournant des années 1990 à 2010101.

La collection du Musée de la civilisation est divisée en secteurs, abordant des thématiques plutôt larges. La répartition des tâches entre les conservateurs aux collections se fait d'abord selon ces secteurs. La distribution s'est fait dans un premier temps sur la base de la formation et des intérêts des conservateurs. Or, étant donné leur nombre limité, il arrive que certains se voient attribuer des secteurs de collections qui s'éloignent de leur champ de spécialisation ou de leurs intérêts principaux. Dans quelques cas, la responsabilité d'un secteur peut aussi être partagée entre deux conservateurs, chacun étant responsable d'une sous-section en particulier. Puis, lorsqu'un dossier d'acquisition implique plusieurs secteurs de collections, les conservateurs travaillent en collaboration, désignant toutefois un responsable afin que les donateurs ou les vendeurs n'aient qu'un seul interlocuteur au Musée.

2.2.2. Les conservateurs et leur travail aux collections

À son ouverture, le Musée de la civilisation s'est démarqué en proposant de confier la responsabilité des expositions à des chargés de projet spécialistes de la communication

97 Christian Denis intègre l'équipe du Musée en 1988. Il se voit confier les collections d'art populaire et des métiers traditionnels l'année suivante. Aujourd'hui, il est également responsables de nombreux autres secteurs soit du mobilier, des sports et des loisirs, des transports, des objets de communication et de collections particulières comme la collection du Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale du ministère de la Sécurité publique. 98 Arrivée en 1988, Marie-Paule Robitaille devient conservatrice des collections amérindiennes et inuites à la suite de Céline Saucier du Musée du Québec. Depuis 1995, elle s'occupe également de l'ensemble des collections anthropologiques du Musée, c'est-à-dire de tous les objets appartenant à des cultures hors Québec et ceux des périodes antiques issus des collections du Séminaires de Québec et dont le Musée a la responsabilité. w Sylvie Toupin joint l'équipe en 1996 après avoir complété des études en biologie et avoir obtenu une maitrise en muséologie. Responsable des collections scientifiques qui formaient un ensemble relativement complet, elle a été peu active du côté des acquisitions jusqu'à récemment, alors qu'on lui a confié la responsabilité de nouveaux secteurs (technologies et communications, objets techniques, médecine et pharmacie) qui l'amènent maintenant à réaliser plusieurs acquisitions annuellement. 100 Au cours de sa carrière, Guy Toupin a eu la responsabilité de plusieurs secteurs, notamment celui de la vie domestique, de l'alimentation, des armes, de la monnaie et des jeux. 101 Désormais, lorsque nous citerons l'un ou l'autre de nos informateurs, nous joindrons leurs initiales à leurs propos.

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plutôt qu'aux conservateurs comme c'était la norme dans les autres musées, notamment dans les musées d'art. Le Musée affirmait ainsi nettement sa priorité accordée à la diffusion. Dans ce contexte, l'objet de collection est utilisé comme support et est au service des thématiques des expositions. En conséquence, le travail des conservateurs dans cette institution se caractérise par le fait qu'ils deviennent, lorsqu'ils travaillent sur des projets d'expositions, membres d'une équipe multidisciplinaire dans laquelle ils agissent comme spécialistes des collections.

Les tâches du conservateur sont variées, mais demeurent toujours axées sur les objets. Son mandat comprend deux volets : les activités de diffusion et le développement de la collection nationale. Le conservateur responsable d'un secteur de collection partage son temps entre les activités de diffusion et les acquisitions. La proportion du temps accordé à

l'un ou l'autre volet de son travail diffère d'un conservateur à l'autre et varie selon les périodes. Alors qu'elles estimaient consacrer 20% de leur temps aux collections et 80% du côté des expositions, deux conservatrices considèrent que depuis quelques mois, elles accordent plutôt entre 50% et 60% de leur temps aux collections. La majorité des conservateurs interrogés notent en effet un retour vers les collections qui s'effectuent actuellement. Pour certains, ce changement est attribuable aux orientations données par la nouvelle direction. Pour d'autres, ce retour émerge d'abord de leur propre initiative. Il semble en effet qu'il y ait place à des initiatives personnelles permettant aux conservateurs de se consacrer de façon plus soutenue au travail sur les collections à certaines périodes, notamment en fin de carrière : « C'est une demande que j'ai faite à la direction [...], ayant toujours en tête la documentation des objets et la recherche. On m'a accordé ce projet-là. » (M.L.) D'autres propos recueillis abondent dans le même sens :

« J'ai freiné un peu [sur les projets d'expositions]. J'en fais encore des expos, mais je ne voulais pas prendre des mandats complets. Lorsqu'on fait une expo, il faut y être corps et âme, à temps plein presque. Et puis, avec les années, on mûrit par rapport à notre collection. On commence à la comprendre un peu mieux. On commence à voir comment elle a été constituée. On fait des liens qu'on ne voyait pas en 1988. Et puis, je me disais que pour faire avancer ça, il faudrait que je freine un peu de l'autre côté. Il faut dire aussi que tout cela s'est formulé presque automatiquement parce que, dans les premières années du Musée, on faisait jusqu'à une vingtaine de productions dans une année, alors tout le monde y était.» (M.P.R.)

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Pour les conservateurs, le volet diffusion de leur travail consiste à accomplir diverses tâches, notamment en lien avec la réalisation des expositions. Ces tâches sont nombreuses et variées, allant de la recherche des objets, à la rédaction de vignettes, de l'organisation des emprunts au transport des objets, du montage au démontage de l'exposition. Sans vouloir diminuer l'importance de ces gestes effectués par les conservateurs et auxquelles ils consacrent une part non négligeable de leur temps, nous nous concentrerons, dans cette recherche qui s'intéresse aux pratiques de collectionnement, sur le travail spécifique du conservateur en lien avec la collection du Musée.

a) Développement des collections

Le développement de la collection nationale est un des principaux mandats des conservateurs aux collections. Comme le souligne Richard Dubé, « [l]es gestes des conservateurs ne sont pas anodins. Ces professionnels ont mission d'assembler, au nom de la collectivité, un patrimoine matériel en vue de constituer son héritage102. » Cette tâche se fait d'abord par la réception et l'analyse des différentes offres d'acquisition, puis par la préparation des dossiers et leur présentation devant les différents comités d'acquisition du Musée . Le nombre de dossiers traités annuellement varie selon les périodes et les secteurs de collection. Au cours des dix premières années du Musée, il y était traité en moyenne entre 400 et 450 dossiers par année104. Cependant, ce ne sont pas tous les dossiers ouverts qui sont acceptés par la suite. Un conservateur gère donc plusieurs dossiers d'acquisition annuellement. Outre le nombre de dossiers en cours, il faut prendre en considération le nombre variable de pièces que peut contenir chacun de ces dossiers. Un conservateur précise par exemple qu'il avait, au moment de l'entrevue, une cinquantaine de dossiers d'acquisition ouverts et que certains contenaient des centaines de pièces. Travaillant sur une imposante donation, un autre précise que ce seul dossier lui demande en moyenne d'y consacrer une journée par semaine, ajoutant : « Ça, c'est juste pour visiter le lieu, faire une sélection d'objets, et là je ne parle pas encore de la compilation des objets pour la présentation aux comités de sélection. » (M.L.)

102 Dubé, op. cit., p. 64. 03 Ces différentes étapes seront précisées dans le quatrième chapitre.

104 Chiffres fournis par Richard Dubé.

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Comme responsable de secteurs spécifiques, le conservateur doit bien connaître le contenu de ses collections et des sections à consolider. Cette connaissance est sollicitée notamment lors de la préparation des politiques d'acquisition et de la définition des axes de développement de la collection. Le conservateur peut alors être appelé à participer à la rédaction des politiques et à proposer des axes à développer ou à consolider dans leurs secteurs. Pour le dernier exercice datant de 2003, les conservateurs ont notamment participé en rédigeant des textes synthèses qui ont été repris par la suite dans le document La collection du Musée de la civilisation : principes et orientations™5. Ce type de document guide le travail des conservateurs sur le plan des acquisitions, car il propose des orientations et des critères de sélections sur lesquelles se baser.

b) Recherche, documentation et conservation

Un autre aspect du travail du conservateur est celui de la documentation des objets. En dehors des différentes activités de diffusion qui peuvent exiger ce type de travail de façon ponctuelle, peu de temps est accordé à la recherche et à la documentation. Cette situation est déplorée par plusieurs conservateurs rencontrés. La documentation sur les objets de collection se limite généralement à l'information colligée lors de la préparation des dossiers d'acquisition10 . Il semble toutefois que la direction actuelle, accordant une plus large place aux collections, encourage la documentation des objets acquis.

Le travail du conservateur implique également de veiller à la conservation des artefacts qui lui sont confiés. Il doit évaluer l'état des objets, voir à leur entreposage et s'assurer que leur manipulation est faite de façon adéquate. Il est également responsable de l'utilisation des bons emballages lors du transport des objets, que ce soit au moment de l'acquisition ou lors du départ pour les expositions. Le conservateur peut également compléter des demandes de restauration adressées au Centre de conservation du Québec.

105 Andrée Gendreau, La collection du Musée de la civilisation : principes et orientations, Québec, Musée de la civilisation, Service des collections, 2003, 68 p. 106 11 arrive également que des contrats de documentation soient accordés, par exemple dans le cadre de stages ou d'emplois d'été. Dans ce cas, le conservateur supervise le travail de ses stagiaires et est appelé à valider la documentation produite par ceux-ci.

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De plus, deux conservateurs se partagent la responsabilité des constats d'état

lorsqu'un objet quitte la Réserve pour une exposition ou lorsqu'il est emprunté par un autre

musée. Ces constats témoignent en détail de l'état de conservation des objets au moment de

leurs départs. Pour ces deux conservateurs, cette tâche permet de jeter un autre regard sur

les objets conservés au Musée. Cela leur permet aussi de mettre à jour leur connaissance de

la collection : « Comme on est très sollicité de part et d'autre pour mille projets, c'est une

manière de s'arrêter et de voir nos objets. » (M.P.R.) Cette tâche a aussi un intérêt sur le

plan de la documentation, car elle oblige le conservateur à observer l'artefact sous toutes

ses coutures.

J'aime beaucoup faire ça, parce que là on peut quasiment décortiquer l'objet, on peut le voir, on peut comprendre. Qu'il soit brisé ou non, qu'il soit affaibli ou non, on peut aller voir l'arrière-scène de l'objet si on veut, puis sortir la documentation qui l'entoure, mieux contextualiser ce que c'est, mieux dater. » (M.P.R.)

En somme, cette tâche permet une proximité avec les objets de la collection et offre un

moment privilégié au conservateur afin d'approfondir sa connaissance de l'objet.

c) Diffusion et expertise-conseil

De première importance, les activités de diffusion occupent une bonne part du

temps des conservateurs. Outre leurs implications dans les projets d'exposition, les

conservateurs participent de façon ponctuelle à des projets de publications, à la rédaction de

textes pour des sites internet, à la sélection d'objets pour des activités particulières et

interviennent sur le blogue du Musée. Certaines activités de diffusion ont également

comme objectif de sensibiliser le public à l'importance de la conservation de leurs propres

objets. C'était le cas du programme Patrimoine à domicile et de l'émission télévisée

Trouvailles et trésors .

Patrimoine à domicile est un programme créé en 1996 et qui a pris fin

officiellement en janvier 2011. Trois conservateurs se déplaçaient dans les différentes

régions du Québec pour rencontrer les gens, parler de leurs objets anciens et leur donner

107 Pram Québec inc. Trouvailles et trésors, Historia, 105 épisodes, 2000-2006.

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des conseils sur la conservation de ceux-ci. Le programme reflétait les orientations que

s'était donné le Musée :

Pour le Musée, le Patrimoine à domicile permet d'abord d'affirmer une de ses valeurs fondamentales, soit sa volonté de partager avec le public la responsabilité de préserver le patrimoine. De par son implication citoyenne, le Musée considère la population comme partie prenante de la préservation d'un héritage commun dont font partie la collection de l'institution, celles des entités muséales régionales et les milliers d'objets répartis dans la population108.

L'équipe de trois conservateurs a aussi participé à une centaine d'épisodes de l'émission

télévisée Trouvailles et trésors diffusée sur Historia et qui reprenait la même formule que

Patrimoine à domicile. Tous en offrant la possibilité de rejoindre un public plus large qui

ne se déplace pas nécessairement au Musée, ces deux projets ont permis aux trois

conservateurs impliqués de demeurer actifs auprès des collectionneurs, de développer leurs

réseaux et, en quelque sorte, d'entrer en contact avec « la véritable collection

nationale »(M.L.) constituée de tous ces objets signifiants conservés par des particuliers. Il

est intéressant de noter que ces différentes activités ont parfois mené à des donations qui

sont venues enrichir la collection du Musée.

D'autres activités de diffusion, comme la série Portes ouvertes au Musée de la

civilisation , ont comme objectifs de faire connaître au grand public les collections

conservées au Musée. Jusqu'à aujourd'hui, 26 épisodes de cette série présentant différentes

collections ont été diffusés à la télévision et sur le web.

Dans le cadre de son travail, le conservateur intervient également en tant que

spécialiste. En ce sens, il participe à la diffusion de la collection en assurant un service

d'expertise-conseil en lien avec son secteur de spécialisation. Il répond aux diverses

demandes de renseignement et de documentation internes ou externes. Il peut aussi

collaborer avec les institutions emprunteuses afin de les conseiller dans le choix des objets

pertinents pour leur projet et leur fournir une documentation sur ceux-ci. Le conservateur

108 Claire Simard (dir.), Visite libre; les 20 ans du Musée de la civilisation, Montréal, Fides, 2009, p. 178. 109 Francis Lauzon et Luc St-Laurent, Portes ouvertes au Musée de la civilisation, 2 saisons, Musée de la civilisation, Télé-Québec,Canal Savoir, 2009-2010.

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peut également siéger sur divers comités scientifiques, participer à des colloques et donner des conférences.

Parce que leur expertise est reconnue dans le milieu muséal et qu'ils relèvent d'un musée d'Etat, les conservateurs sont très sollicités. Parlant de son expérience auprès des communautés religieuses, l'un d'eux précise :

Ce qui arrive quand on est dans un milieu depuis très longtemps, c'est qu'il n'y a pas que cette communauté qui nous appelle. Il y a d'autres communautés, d'autres conservateurs ou d'autres collectionneurs qui appellent pour avoir de l'information. Ce qui fait beaucoup de temps du conservateur qui passe au téléphone, en consultation. (M.L.)

Il ajoute : « C'est beaucoup de relation interpersonnelle, de création de réseaux. Ça, ça fait vraiment partie du travail de conservateur. » (M.L.) En effet, à ces différentes responsabilités viennent s'ajouter d'autres obligations sous-jacentes et essentielles à son travail, tel que la création d'un réseau.

d) Réseautage

Selon leurs secteurs de spécialisation, les conservateurs doivent se tenir au courant du marché, côtoyer les boutiques d'antiquaires, s'intéresser à ce qui se vend dans les encans et sur le web. La fréquentation de ce milieu les amène à développer un réseau principalement composé d'antiquaires et de collectionneurs. Cette connaissance du milieu est perçue à la fois comme un préalable nécessaire à leur embauche et comme un outil essentiel développé au fils de leur pratique.

En trente ans de carrière, on se fait un réseau. [...] les gens te connaissent, savent que tu travailles au Musée...Ça vient de partout. Tu finis par établir un grand réseau. Et ce réseau-là va te servir [...]. On fait des dossiers d'acquisition et dans ces dossiers d'acquisition, des fois la personne t'offre un secrétaire, mais tu as vu dans son armoire. C'est là la faculté d'essayer de garder les contacts... J'ai vu dans son armoire telle, telle, telle affaire et on ne se gêne pas pour dire « Ça, si un jour vous vous en départez, ça nous intéresserait ». (G.T.)

Leur travail auprès des donateurs les amène également à développer une relation particulière avec eux. Guy Toupin compare le processus du don à un deuil pour la personne

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qui se départit de ses biens, précisant que le conservateur doit accompagner le donateur

dans cette démarche.

Depuis l'ouverture du Musée, la nature du travail des conservateurs aux collections

ne semble pas avoir subi de modifications majeures. Ceux-ci continuent de partager leur

temps entre les activités de diffusion et le développement des collections. Toutefois, le

contexte de travail a légèrement changé. Une conservatrice constate que, au cours des ans,

le travail de conservateur s'est davantage sectorisé. C'est également ce que soulignait

Richard Dubé présentant un bilan des collections au terme de la première décennie du

Musée : « Les tâches des professionnels se sont spécialisées, les responsabilités des

secteurs de collection ont été précisées, le développement des collections s'est poursuivi

[...]. Dans l'interaction avec les équipes des expositions, la grande machine des collections

s'est mise en marche110. » Au cours de ces vingt-cinq années d'existence, le Musée semble

également avoir précisé sa démarche d'acquisition, notamment sur le plan administratif111.

Les conservateurs notent également quelques changements dans les outils utilisés pour

accomplir leur travail. Par exemple, l'informatisation a amené une plus grande rapidité dans

la recherche documentaire et une certaine accessibilité de la collection. Il est désormais plus

facile pour les conservateurs de créer des ensembles et d'identifier les objets présents ou

absents de leurs secteurs de collection.

2.3. Collection et objets de musée

Depuis son ouverture, le Musée de la civilisation a veillé à la conservation et la

mise en valeur de la collection ethnographique qui lui avait été confiée tout en développant

la collection en accord avec ses nouvelles orientations. Ainsi, vingt-cinq années de collecte

lui ont permis d'enrichir la collection qu'il a reçue en héritage de façon à en faire une

collection nationale illustrant les enjeux de la société contemporaine.

110 Dubé, op.cit., p.25. 1 ' ' Les principales étapes de cette démarche seront exposées dans le quatrième chapitre.

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2.3.1. De la collection ethnographique à une collection nationale

Lors de sa création, le Musée de la civilisation reçoit par la Loi sur les musées nationaux la responsabilité d'une collection ethnographique qui regroupe différentes collections réunies à l'origine par le Musée de la province et par les Archives nationales. Le parcours de cet ensemble s'étend sur plus de cinquante ans avant qu'il atteigne finalement la réserve du nouveau musée.

En 1927, le Musée de la province démarre sa collection d'objets ethnographiques du Québec . Au début des années 1940, cette collection de «choses canadiennes » contient un peu plus de cent objets. Elle en rassemble près de 500 au début des années 1950, puis atteint 1000 objets en 1965. Malgré cette croissance, le développement de cette collection est timide et demeure toujours en marge de la collection beaux-arts. Par ailleurs, il semble que l'intérêt des dirigeants du Musée, notamment de Paul Rainville (1941-1952) et de Gérard Morisset (1953-1965), ait influencé le développement de cette collection. Comme le souligne Andrée Gendreau, « les goûts personnels des responsables de ce projet ont [...] orienté relativement tôt la cueillette vers les arts décoratifs, excluant en grande partie les objets courants de la vie quotidienne11 . »

En 1968, le ministère des Affaires culturelles acquiert une partie de la collection Coverdale114, soit les objets provenant de l'Hôtel Tadoussac et du poste Chauvin, représentant 2500 objets ethnographiques euro-québécois et 800 objets amérindiens qui sont alors conservés au Musée du Québec. L'année suivante, la collection ethnographique est confiée au nouvel Institut national de la civilisation qui continue de la développer. Elle se compose alors de diverses collections provenant du Musée du Québec, des Archives nationales, du service d'archéologie, ainsi qu'une vingtaine de collections particulières. Le

112 Bien que le Musée de la province soit créé en 1933, les acquisitions débutent quelques années auparavant. Dubé, op. cit., p. 27. 113 Andrée Gendreau, « Regards croisés. La collection du Musée de la civilisation », Ethnologies, vol.24, no 2, 2002, p. 110. 1 1 4 II s'agit d'une collection d'entreprise assemblée par le président de la Canada Steamship Lines et collectionneur, William H. Coverdale entre 1928 et 1949. Mise en vente à la fin des années 1960, elle est partagée entre le ministère des Affaires culturelles du Québec et le gouvernement fédéral. Voir, Nathalie Hamel, op. cit.

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projet d'Institut national ayant été abandonné, les objets retournent sous la responsabilité du

Musée du Québec aux débuts des années 1970. D'autres collections sont acquises par la

suite, telles que la collection du Ministère de l'Agriculture en 1983 et différentes

collections amérindiennes115.

En 1982, lorsque la gestion de la collection ethnographique est transférée du Musée

du Québec au projet de nouveau Musée national de la civilisation, celle-ci contient 30 000

objets et près de 20 000 documents iconographiques. Elle se divise en deux volets

principaux, soit les objets euro-québécois ainsi que les objets amérindiens et inuits. La

collection euro-québécoise contient alors principalement des objets datant du 19e siècle et

de la première moitié du 20e siècle traitant du Canada français et illustrant surtout le monde

rural116. Andrée Gendreau rappelle la vision particulière qui oriente les acquisitions dans les

années 1970 et 1980, période pendant laquelle la collection connaît plusieurs

déménagements.

Pour un moment géré hors musée, la collection ethnographique s'est donc redéfinie autour d'un noyau dur constitué par une vision orientée vers le monde rural et les traditions folkloriques. [...] Bien que l'on s'éloigne d'une vision esthétique de la collection, on en conserve - sans doute inconsciemment - certains éléments, dont la pureté de l'objet et de son origine. On recherche surtout l'objet particulier et unique si possible, mais surtout ancien, "le" plus ancien. On constitue des séries, chaque objet se distinguant par une modalité stylistique, le plus recherché étant le premier de la série. Nous sommes encore au moment de la grande tentative de sauvegarde du patrimoine rural et, comme cette période donne lieu à de nombreuses acquisitions, la collection nationale, toujours désignée sous le terme de "collection ethnographique", en conserve une empreinte large et profonde117.

Lorsque le Musée de la civilisation reçoit la responsabilité de cette collection dans les

années 1980, celle-ci ne correspond pas entièrement aux objectifs que s'est fixés

l'institution. Dès l'ouverture, il définit les orientations de sa collecte : « Conscient des

limites d'un cadre ethnographique traditionnel [...] pour une collection de musées de 115 Sur l'histoire des collections et sur leur contenu, lire Dubé, op. cit.; Sur la collection amérindienne du Musée, lire Marie Renier, « Stratégies muséales à l'égard du patrimoine amérindien; Genèse de la collection amérindienne du Musée de la civilisation du Québec », Thèse de doctorat, Université Laval, 2010, 328 p. 1,6 Cependant, les objets postérieurs à 1900 sont peu nombreux selon Thérèse Latour, « Les collections ethno-québécoises », dans François Tremblay (dir.), Les axes de développement de la collection, Musée de la civilisation, Service des collections, 21 septembre 1989, p. 9. "7Gendreau, « Regards croisés. La collection du Musée de la civilisation », p. 118-119.

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société, le Musée s'est employé, dès 1989, à mettre au point des axes de développement de la collection correspondant mieux à l'approche d'un musée de société et à la vision ethnologique contemporaine . » Dès lors, les acquisitions répondent aux besoins des expositions, le Musée accordant d'abord à la collection un rôle de support des activités de diffusion. Comme le soulignait Arpin, « plutôt qu'un musée au service d'une collection, on est en présence d'une collection au service d'un musée et de ses objectifs de diffusion119. »

Pour l'équipe du Service des collections, dirigée dès 1987 par Richard Dubé, la première étape est donc de réaliser un inventaire de la collection qu'on leur a confié et établir des axes pour guider son développement. Les orientations concernant les acquisitions se sont toujours appuyées sur différents documents institutionnels produits par le Musée. Les premiers axes de développement avaient été proposés en 1987120. Il s'agissait alors d'un premier regard posé sur la collection ethnographique. Ce document a été repris ensuite par le Service des collections afin de poursuivre la réflexion et de définir leurs propres axes à privilégier. Ceux-ci sont présentés pour une première fois en 1989121. Par la suite, différents documents ont apporté certaines précisions concernant le développement de la collection et le rôle qu'elle était appelée à jouer au sein de l'institution, le dernier exercice datant de 2003122.

Ainsi, les premières années du Musée correspondent sur le plan des collections à une période de rattrapage pendant laquelle les acquisitions sont nombreuses : « On est à une époque où il y a une cueillette énorme. [...] Donc c'est un vaste chantier. Jusqu'en 1995, on peut dire qu'on a ratissé le Québec à la recherche d'objets. On a bonifié, augmenté, on a doublé pratiquement la collection. » (CD.) Plusieurs conservateurs interrogés parlent de ces premières années comme une période d'effervescence.

Gendreau, La collection du Musée de la civilisation : principes et orientations, p. 12. Arpin, Le Musée de la civilisation : concept et pratiques, p. 96

120 François Tremblay (dir.), Axes de développement des collections, Québec, Musée de la civilisation, 1987, 120 p. 1 2 1 François Tremblay (dir.), Les axes de développement de la collection, Musée de la civilisation, Service des collections, 21 septembre 1989, 23 p. 122 Plan directeur 1992-1995, Musée de la civilisation, 1992, p. 12-13; Arpin, Le Musée de la civilisation : concept et pratiques, 1992.; Gendreau, La collection du Musée de la civilisation : principes et orientations, 2003.

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C'était une époque un peu folle... on pouvait acquérir jusqu'à 10 000 ou 12 000 objets par années. [...] Il y avait des montagnes d'objets quand on arrivait le matin. [...] On se retrouvait avec des centaines d'objets en retard, avec des milliers à la fin de l'année. C'était incroyable. Il y avait un stress. Mais, il fallait ouvrir le Musée, on n'avait pas le choix. Parce que ce sont ces objets-là qui servaient de base aux prochaines expositions qui allaient permettre l'ouverture du Musée de la civilisation. (M.L.)

En effet, 20 000 objets et documents iconographiques sont acquis entre 1988 et 1992. C'est

d'abord les besoins des expositions qui orientent le développement de la collection. Richard

Dubé précise d'ailleurs que, en tant que directeur du Service, son mandat concernant la

collection ethnologique était clair et consistait à ouvrir cette collection à la dynamique de

diffusion du Musée.

La prise en charge des collections du Séminaire en 1995 représente un autre élément

marquant dans le développement de la collection du Musée123. En effet, même s'il n'en est

pas le propriétaire, le Musée devient responsable de la gestion de cet imposant corpus qui

vient changer le portrait de la collection.

Là, on arrive avec une collection historique, qui comprend peut-être huit à dix collections particulières qui étaient rattachées au monde de l'enseignement, une collection reliée au monde encyclopédique avec archives, grandes bibliothèques, musée scientifique, musée d'ethnologie, [...] avec collections beaux-arts, numismatique, timbres... Alors là, c'est un éclatement vraiment de la collection ethnologique traditionnelle. (R.D.)

L'arrivée des collections du Séminaire amène alors le Musée à poursuivre ses

réflexions sur le développement de la collection nationale et à réorienter ses axes de

développement. Cela coïncide aussi, en quelque sorte, avec la fin de cette période de

bouillonnement et de grande acquisition identifiée par les conservateurs. En effet,

aujourd'hui, ceux-ci ne travaillent plus dans la même urgence qui a caractérisé les

premières années du Musée. Le rattrapage semble complété et l'équipe des collections en

est maintenant à réviser les axes de développement :

123 Sur le sujet, lire Yves Bergeron, Un patrimoine commun : les musées du Séminaire de Québec et de l'Université Laval, Québec, Université Laval, Musée de la civilisation, Séminaire de Québec, 2002, 214 p.

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Depuis août 2010 la nouvelle direction du Musée de la civilisation révise le projet culturel et scientifique de l'institution et favorise le repositionnement des collections. La mise sur pied d'un Centre national d'étude des collections visant la démocratisation des accès aux collections et l'élaboration d'un programme de recherche en partenariat avec les milieux universitaires nourrit cette réflexion sur les collections124.

Les acquisitions demeurent nombreuses, mais le contexte change et amène l'institution à se positionner face à des problématiques spécifiques125. Les conservateurs interrogés soulignent aussi ce retour vers les collections et cette ouverture au contemporain. La position du directeur général par rapport aux acquisitions est d'ailleurs sans équivoque : « Une collection qui ne se développe pas est une collection qui meurt! Le Musée entend donc poursuivre et accentuer ses efforts pour chercher et cueillir tout objet significatif associé au passé ou contemporain utile à la compréhension de notre société126. »

2.3.2. L'objet témoin

Depuis son ouverture, le Musée de la civilisation a toujours revendiqué un rapport particulier à l'objet. En effet, le concept du Musée étant centré sur « la personne humaine », il lui accorde d'abord un rôle de support aux thématiques abordées dans les expositions, bien que celui-ci demeure essentiel sur le plan muséographique : « [lj'objet n'est pas un en soi; il est un moyen, un instrument, un témoin éloquent de la vie humaine et des rapports de l'homme avec son histoire quotidienne et avec l'histoire127. » Cette attitude envers l'objet semble caractéristique des musées de société qui, en dirigeant leur regard d'abord sur leur société plutôt que sur l'artefact, amène ce dernier à tenir, en quelque sorte, un rôle de soutien .

Laforge et Toupin, op. cit, p. 7. 125 Par exemple sur la question du patrimoine religieux, secteur qui a fait l'objet d'une politique d'acquisition spécifique, et du contemporain. 1 6 Propos de Michel Côté rapportés dans « De précieux objets patrimoniaux intègrent la collection nationale; Le musée de la civilisation rend hommage aux donateurs », Musée de la civilisation, 30 novembre 2010, Internet. 127 Arpin, Le Musée de la civilisation : concept el pratiques, p. 51. 128 « Musée de société » dans Desvallées et Mairesse (dir.), op. cit. p. 628. Sur le traitement de l'objet dans les expositions au Musée de la civilisation, voir Yves Bergeron, « Métissages entre musées d'art et musée de société dans les musées nord-américains », Culture et musées, no 16, p. 45-64.

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En tant que musée de société, le Musée de la civilisation a toujours manifesté son intérêt pour les objets ethnographiques en leur accordant d'abord un rôle de témoin. Omniprésents dans les expositions et dans la collection, l'objet témoin se caractérise par le fait qu'il est considéré comme un document permettant d'illustrer divers aspects d'une société ou d'une culture donnée . Le conservateur ne pose pas sur l'objet un regard d'historien de l'art, mais adopte plutôt une perspective anthropologique. Le recours à l'objet témoin permet alors au Musée d'exposer différents aspects qui caractérisent un groupe en faisant ressortir notamment certains éléments de sa vie quotidienne.

La collection ethnographique que le Musée reçoit en héritage laissait déjà une large place à l'objet quotidien. Les exemples de son utilisation dans les expositions sont multiples. Mentionnons simplement Mémoires et Objets de civilisation, deux expositions permanentes présentées à l'ouverture du Musée et dans lesquelles étaient exposés de nombreux objets illustrant la vie quotidienne et domestique. Ces objets témoins de la vie de tous les jours sont encore omniprésents dans les collections. Certains conservateurs estiment d'ailleurs que la collection nationale se compose aujourd'hui en grande majorité d'objets du quotidien.

Pour la majorité des conservateurs interrogés, l'objet quotidien se caractérise par le fait qu'il est commun et qu'il s'oppose à l'objet exceptionnel : « C'est un objet d'utilisation courante, un objet de tous les jours qui n'est pas nécessairement d'une grande beauté. C'est un objet usuel, un objet qui est surtout empreint d'une histoire familiale, de petits métiers et qui peut démontrer différentes formes de la tradition, soit culinaire, domestique... » (M.L.) En ce sens, par rapport aux objets quotidiens, les objets exceptionnels « sont des objets de la grande histoire, plutôt que de la petite histoire. » (M.L.) L'objet quotidien est aussi considéré comme un « objet démocratique » (S.T.) utilisé par une large partie de la population.

D'autres conservateurs soulignent le caractère relatif du quotidien qui varie selon les

contextes et les utilisateurs, le quotidien de l'un étant différent de celui de l'autre. Ainsi, 129 François Mairesse et Bernard Deloche, « Objet [de musée] ou muséalie; Regard & analyse », dans Desvallées et Mairesse (dir.) op. cit., p. 694-395.

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même si on note un certain consensus autour de la définition de cet objet, certains soulèvent son caractère englobant et s'interrogent sur la pertinence d'opposer le quotidien aux objets plus artistiques :

[L'objet quotidien,] c'est tout ce qui sert à notre vie, à nos activités d'humain... on naît, on meurt, on vie, on mange, on travaille, on construit, on crée. Donc tout ce qui est relié à l'activité humaine fait partie du quotidien. Par contre, quand c'est un objet d'art, on a l'impression que ce n'est pas un objet du quotidien, que ce n'est pas la vie quotidienne et que c'est l'exception. C'est peut-être une erreur de faire ça, parce que la vie quotidienne contient ça aussi. C'est un peu toute la vie quotidienne et si on n'avait pas l'art et si on n'allait pas au cinéma et si on n'allait pas dans les musées, si on n'était pas en contact avec la poésie, ce ne serait pas la même vie. Donc le terme quotidien réfère vraiment à l'objet ordinaire entre guillemets, mais c'est peut-être une erreur. (N.G.)

Si aucun ne remet en question la pertinence de ces objets dans un musée qui cherche justement à représenter toutes les facettes de la société, certains soulignent les difficultés reliées à la collecte de ces objets parfois moins valorisés. Un conservateur donne l'exemple d'assiettes en tôle émaillée très répandues et qui sont maintenant difficiles à trouver. Ces objets associés à un passé de misère n'ont pas nécessairement été conservés dans les familles. La situation est similaire dans le domaine du costume. Les vêtements de tous les jours sont difficiles à trouver ayant été portés jusqu'à l'usure, puis recyclés ou simplement jetés. Par le fait qu'il est moins valorisé que l'objet exceptionnel, l'objet quotidien risque donc de disparaitre ou, du moins, d'être plus difficile à trouver pour les conservateurs qui souhaitent l'inclure à la collection. Toutefois, le simple fait d'intégrer certains objets considérés comme banals à une collection nationale ou de les exposer dans un Musée participe à leur valorisation ou à leur revalorisation. Comme le souligne Roland Arpin, « [i]l est indéniable que le traitement spécial accordé à des objets du quotidien les magnifie aux yeux du public130. »

Pour les conservateurs interrogés, l'objet qualifié de quotidien, de banal, de commun, d'ordinaire, d'usuel ou de domestique est essentiel dans les collections d'un musée de civilisation qui se doit d'être représentatif de toutes les couches de la société. Cet

Arpin, « Au Musée de la civilisation : une pratique ethnologique sans filet de sécurité », p. 301.

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intérêt pour l'objet témoin de la vie de tous les jours a également entrainé une ouverture de la collection sur le plan temporel, amenant le Musée à exposer des situations quotidiennes d'aujourd'hui et à intégrer à sa collection des objets de plus en plus récents.

À l'intérieur de ce second chapitre, nous avons présenté le contexte de création du Musée, le travail des conservateurs ainsi que les principales étapes du développement de sa collection en soulignant le regard qu'il pose sur l'objet témoin. L'importance de la diffusion qui a guidé les orientations de l'institution depuis sa création, le travail effectué par les conservateurs et la double fonction des collections, soit celle de construire un héritage collectif tout en répondant aux besoins des expositions, permettent de cerner des éléments de contexte qui ont mené à l'ouverture grandissante de la collection aux objets récents. De ce portrait général de la situation présenté en trois volets émerge alors un questionnement plus profond sur la collecte de l'objet contemporain au Musée de la civilisation.

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CHAPITRE III - Collectionner le récent

Le Musée de la civilisation rassemble dans ses collections à la fois des objets courants et exceptionnels, témoins d'un passé plus ou moins récent ou de la société actuelle. Depuis son ouverture, ce musée de société s'est soucié d'intégrer des objets contemporains à ses expositions. Aujourd'hui, il souhaite aller plus loin en déposant une politique spécifique visant à baliser sa collecte. L'élaboration de cette politique est aussi l'occasion de réfléchir sur le développement et sur le rôle de la collection nationale tout en établissant des lignes directrices, des méthodes et des stratégies afin de permettre une collecte coordonnée et cohérente de ce type d'objets. Malgré la complexité de la question, le Musée s'y engage. La première difficulté est celle de définir le contemporain. Avant de rendre compte de la situation entourant la collecte de l'objet récent au Musée de la civilisation et d'exposer les différents enjeux motivant son acquisition, il est d'abord essentiel de s'attarder à sa définition. Puisque la collecte du contemporain précipite d'une certaine manière l'entrée de l'objet dans la collection et oblige le musée à réévaluer son rapport au temps, une réflexion sur l'articulation entre le passé, le présent et le futur à l'intérieur des institutions muséales conclura ce chapitre.

3.1. Définir le contemporain

Comment définir le contemporain? Incontournable, la question pose une première difficulté théorique. Terme polysémique aux contours flous, le contemporain est toujours relatif. C'est pourquoi il est difficile de le cerner d'une façon claire et précise. Plusieurs musées ont tenté de le définir, chacun proposant une définition en accord avec sa propre vision, sa mission et ses besoins. En 1994, Danielle Rompre, alors conservatrice au Musée de la civilisation, présente l'objet contemporain comme « un objet témoin d'un fait de

n i

société, un objet qui la caractérise, qui la démarque, qui en jalonne l'histoire . » Pour la

131 Rompre, op. cit., p. 50.

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majorité des professionnels du Musée, il serait généralement un objet de consommation

courante, issu de la production de masse et fait de matériaux éphémères 132

Deux ans plus tard, interrogeant des professionnels du Musée sur cette question, Sara Le Ménestrel relève la disparité des définitions obtenues lors de son enquête. Elle rapporte que, dans la pratique, il demeure difficile de s'entendre sur une vision uniforme de l'objet contemporain, chacun adoptant sa propre définition. Bien que l'objet soit généralement de fabrication récente, dans certains cas, sa contemporanéité réfère plutôt à sa forme ou à son usage toujours actuel plutôt qu'à sa date de fabrication. Parmi les définitions qu'elle a recueillies, certaines caractéristiques communes ressortent toutefois. Il s'agirait d'un objet industriel, de consommation courante et encore disponible sur le marché lors de l'acquisition par le Musée133.

En 1998, dans un document interne, le Musée définit ainsi l'objet contemporain : « On désigne certains objets comme "contemporains" pour les distinguer des objets dits historiques. Bien que le temps ne les ait pas encore consacrés objets historiques, on les considère cependant comme des objets de collection. Il peut s'agir d'objets témoins de notre société ou d'un objet jugé unique134. » Bien que cette définition ne permette pas encore de bien circonscrire l'objet dans le temps, elle adopte néanmoins un point de vue plus large, incluant à la fois l'objet banal et l'objet exceptionnel.

Quinze ans plus tard, la difficulté à cerner le contemporain demeure. Interrogés pendant l'année précédant le dépôt par le Musée de la politique concernant la collecte du contemporain, les conservateurs rencontrés ont présenté leur propre définition. Plusieurs précisent avoir peu réfléchi à la question, avançant tout de même quelques éléments de réponse. Pour certains, l'objet contemporain renvoie à la seconde moitié du 20e siècle ou à la période allant de la fin de la Seconde Guerre mondiale à aujourd'hui. Pour les autres, le contemporain réfère aux années 2000, à la dernière décennie, à l'année en cours ou, encore,

U 2 Ibid., p. 50-51. 133 Le Ménestrel, op. cit. p.76-77. 134 Yves Bergeron, « Essai de définition : types et statuts des collections du Musée de la civilisation », reproduit dans Andrée Gendreau, La collection du Musée de la civilisation : principes et orientations, Québec, Musée de la civilisation, Service des collections, 2003, non paginé.

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à l'instant présent, à l'aujourd'hui et au maintenant. Les définitions avancées divergent et ne permettent pas de cibler un cadre temporel précis. Tentant d'éviter ce piège, certains conservateurs définissent plutôt l'objet contemporain en termes de génération. Il s'agirait alors d'un objet qui n'est peut-être plus utilisé aujourd'hui, mais qui appartient à une génération toujours en vie. Pour d'autres, il est perçu en termes d'usage, rejoignant ainsi la position adoptée par Roland Arpin : « Ce qui est utilisé présentement - même s'il s'agit d'instruments anciens - est considéré comme contemporain. On ne parle pas d'objets de masse ou de consommation, d'objets rares ou précieux mais d'objets utilisés135. »

Aujourd'hui, alors qu'une équipe travaille à la rédaction d'une définition commune à présenter dans le cadre de la politique d'acquisition et que les conservateurs soulignent la nécessité d'un certain recul, les orientations proposées par la direction encouragent une conception du contemporain axée sur l'aujourd'hui et le maintenant . Les conservatrices impliquées dans la rédaction de la politique avancent, pour leurs parts, que le contemporain doit être situé dans le temps : « nous savons intuitivement que nos repères temporels seront

1 "Kl 1 "-IR

très précis . » Dans le cadre d'une conférence-atelier sur le sujet s'adressant aux employés du Musée, les participants proposent plutôt d'adopter une définition souple, sans contrainte de temps. Les réponses avancées par les conservateurs et celles issues des discussions lors de cette activité témoignent de cette multitude de points de vue sur la question à l'intérieur même de l'institution. Cette absence de consensus n'est pas propre au Musée de la civilisation. En fait, la communauté muséale en général ne s'étant pas positionnée sur la question, cela amène chaque institution à adopter sa propre définition.

Les caractéristiques de l'objet contemporain avancées par les conservateurs diffèrent également de celles relevées par Rompre et Le Ménestrel. Par exemple, la prédominance de l'objet ordinaire qu'elles avaient identifiée n'apparait pas clairement dans

135 Arpin, « Au Musée de la civilisation : une pratique ethnologique sans filet de sécurité », p. 299. 136 Laforge et Toupin, op. cit., p. 9. 131 Ibid, p. 13.

Conférence-atelier intitulée Que reste-t-il du présent? La collecte du contemporain au Musée de la civilisation donnée par les conservatrices Valérie Laforge et Sylvie Toupin dans le cadre du Café-Muséo tenu le 28 février 2012. Notre sujet de recherche étant connu des organisatrices, nous avons été invitée à y assister à titre d'observatrice. Une trentaine de personnes étaient présentes. Les Café-Muséo proposent régulièrement au personnel du Musée des conférences sur des thèmes variés.

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les réponses des conservateurs rencontrés. On remarque que le contemporain est

aujourd'hui considéré de façon plus globale, ne se limitant pas aux objets de consommation

de masse. Les exemples proposés concernent à la fois des objets usuels et industriels ainsi

que des objets uniques et des créations artistiques. C'est aussi le point du vue qui semble en

voie d'être adopté dans la nouvelle politique : « Il y sera question de la quotidienneté

comme de l'exceptionnel, du rare et du précieux comme du banal et du trivial139. »

Les éléments de définitions recueillies par Rompre, par Le Ménestrel et ceux qui

ressortent des entrevues avec les conservateurs laissent apparaître le caractère relatif de

l'objet contemporain et suggèrent une conception ouverte de celui-ci. Ainsi, il est à la fois :

• Industriel ou artisanal • Issu de la production de masse ou unique • Sans cadre temporel précis, renvoyant selon les cas

o au 20e siècle o à la seconde moitié du 20e siècle o à la fin de la Seconde Guerre mondiale à aujourd'hui o aux années 2000 o à la dernière décennie o à l'année en cours o à l'instant présent

• Disponible sur le marché lors de l'acquisition par le musée • Fait de matériaux composites et souvent éphémères • Toujours en usage ou ayant été utilisé par une génération toujours en vie

Témoignant de la confusion qui règne lorsqu'il est question de définition, certains

conservateurs interrogés opposent, sans toutefois en préciser les limites, le contemporain au

« très » contemporain. Par exemple, pour ceux qui le font débuter au milieu du 20e siècle, il

semble alors s'effectuer dans leur discours une distinction entre les objets issus de la

société de consommation qui s'intensifie à partir de la Seconde Guerre mondiale et les

objets témoignant de la société actuelle, de l'immédiat. Y aurait-il plusieurs

contemporains? Une définition unique est-elle possible ou serait-il plus juste d'adopter une

définition plurielle témoignant du caractère relatif du terme? Néanmoins, l'établissement

139 Lafoge et Toupin, op. cit., p. 14.

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d'une définition claire et précise, qu'elle soit restreinte ou englobante, est incontournable et

permettra aux conservateurs de coordonner leurs collectes. C'est donc la politique qui

tranchera, notamment sur le point des balises temporelles.

3.2. L'objet contemporain au Musée : de l'accessoire d'exposition au témoin à conserver

Répondant aux orientations du Musée de la civilisation, l'objet contemporain est

présent dans les expositions dès son ouverture. D était évident pour l'équipe en place que ce

type d'objet avait sa pertinence dans les activités de diffusion : « On n'en a pas fait une

question théorique. [...] Ça allait de soi que l'objet contemporain soit présent. » (R.D.)

Polysémique et polyvalent, il peut être utilisé afin d'illustrer une situation actuelle en lien

avec la thématique de l'exposition, agir comme éléments scénographiques ou être une

reproduction d'un objet ancien . Les exemples d'utilisation sont nombreux, mentionnons

notamment la vitrine sur l'épilation de l'exposition Souffrir pour être belle (1988-1989), les

objets de consommation et de récupération exposés dans Ingénieuse Afrique (1994) ou la

pyramide de déchets créée pour Éphémère (1990-1991)141.

Si l'objet contemporain était présent dans les expositions, la situation était différente

du côté des collections. Fréquemment exposé, il ne franchissait que rarement la porte de la

Réserve : « Le Musée avait les moyens de diffuser l'objet contemporain, sans

nécessairement le posséder. » (R.D.) En fait, la question de son intégration à la collection se

posait plutôt au moment du démontage des expositions. Au Musée, un objet peut posséder

deux statuts, soit celui d'accessoire ou d'artefact de collection142. À la fin d'une exposition,

l'objet de collection retourne à la Réserve muséale, alors que l'accessoire fait plutôt l'objet

d'une réflexion de la part du conservateur qui doit évaluer la pertinence de le conserver ou

140 Rompre, op. cit. p. 51-53. 141 Le recours à l'objet contemporain dans les expositions est chose courante au Musée. Nous intéressant à la collecte des objets contemporains plutôt qu'à leur rôle dans la diffusion, nous n'aborderons pas la question de leur traitement dans les expositions. Sur le sujet, on peut consulter l'article de Roland Arpin d'où sont tirés ces quelques exemples. Arpin, « Au Musée de la civilisation : une pratique ethnologique sans filet de sécurité ». l42Danielle Rompre précise toutefois qu'il s'agit de statuts principalement administratifs en lien avec la gestion de l'objet et que, parfois, l'objet occupe les deux fonctions simultanément. Rompre, op. cit., p. 53.

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non. C'est à cette étape que l'accessoire devient à l'occasion objet de collection et qu'il peut être acquis.

Bien que le Musée s'intéresse très tôt à l'objet contemporain, la réflexion sur sa présence dans la collection nationale s'est développée graduellement. En 1987, la conservatrice Thérèse Latour, sans énoncer directement la question du contemporain, soulevait déjà certaines interrogations concernant le développement de la collection :

Certaines balises chronologiques seront-elles maintenues où sinon quels seront les critères de sélection pour les objets issus de la production de masse? Poursuivra-t-on le développement d'une collection de pièces reliées au patrimoine industriel et technologique avec les contraintes à tous les niveaux (entreposage, conservation, inventaire, mise en valeur) que ce matériel suppose?143

Si ces questions ouvrent en quelque sorte la porte à une réflexion sur l'intégration d'objets plus récents à la collection, le contemporain demeure très peu abordé avant le milieu des années 1990. En 1994, le séminaire organisé au Musée sur le sujet permet de faire un bilan des pratiques de l'institution concernant ce type d'objets. Danielle Rompre invitait alors à réfléchir plus globalement sur l'idée de collectionner aujourd'hui pour demain.

En fait, nous sommes maintenant arrivés à une étape où notre position, face à l'objet contemporain, devrait dépasser l'objectif fonctionnel d'alimenter les services d'exposition, d'intégrer les transferts d'objets acquis pour les expositions et autres activités du musée. On doit élargir cet objectif et englober un questionnement plus profond sur notre rôle de témoins de notre époque face aux générations futures144.

Malgré cet appel à la réflexion, l'objet contemporain ne semble pas avoir particulièrement retenu l'attention des conservateurs qui n'ont continué de l'intégrer aux collections qu'occasionnellement.

Les conservateurs interrogés relèvent également cette contradiction entre les expositions et la collection, précisant que l'objet récent a longtemps été acquis de façon aléatoire. Dans la pratique, les objets ne sont pas classés selon leur caractère ancien ou 143 Thérèse Latour, « Les collections ethno-québécoises », dans François Tremblay (dir.), Les axes de développement de la collection, Musée de la civilisation, Service des collections, 21 septembre 1989, p. 85-86.

Rompre, op. cit. p. 55.

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contemporain. L'acquisition se ferait d'abord sur la base de la pertinence de l'objet, sans tenir compte de sa date de fabrication : « On acquérait du représentatif de la société. [...] il y a des objets qui étaient plus récents que d'autres, mais on ne les a pas catégorisés comme contemporains. Ce n'est pas classé comme ça. » (S.T.)

Or, de façon graduelle et plus particulièrement au cours des cinq dernières années, il semble que le regard posé sur l'objet récent se soit modifié. « Il y avait déjà une préoccupation, mais là je dirais que la préoccupation s'est changée en volonté. » (N.G.) Cette transformation illustre ce désir, de plus en plus répandu dans les musées de société, d'ouvrir les collections sur l'aujourd'hui. Un objet qu'on aurait refusé dans le passé devient maintenant intéressant à conserver. Un désir de témoigner de la société de consommation par la collecte d'objets iconiques se manifeste.

Différentes situations illustrent cette transformation au Musée. Par exemple, pour L'Odyssée de la lumière (2004-2005), la conservatrice responsable avait acheté comme accessoires d'exposition des luminaires fabriqués par des designers internationaux. Au démontage, après les avoir proposés à des musées d'art qui en possédaient déjà, elle décide de ne pas intégrer ces objets aux collections. Toutefois, avec ce recul de quelques années, sa perception a changé : « Si c'était à refaire aujourd'hui, je regarderais la possibilité de les intégrer à cause de la réflexion qu'on est en train d'avoir. » (S.T.) À l'opposé, pour l'exposition Chapeaux! (2011-2012) les pièces fabriquées par des chapelières contemporaines n'ont pas eu à passer par le statut d'accessoire145. Ayant été acquises avant d'être exposées, elles ont reçu automatiquement le statut d'objet de collection. La conservatrice responsable de l'exposition considère que cette acquisition s'inscrit dans les nouvelles orientations adoptées par la direction du Musée qui encourage les acquisitions de créations contemporaines.

D y avait un trou [dans la collection], effectivement, et il y avait une volonté de notre directeur d'illustrer cette période là aussi. D ne faut pas se cacher que les directeurs ont quand même une influence. Lui, il est très intéressé d'ancrer les choses dans le contemporain. [...] Dans ce cas-là, il a encouragé l'acquisition de nouvelles pièces qui sont très très contemporaines. (N.G.)

145 Pour un exemple de chapeau acquis dans le cadre de cette exposition, voir l'annexe 2, fiche 2011-19.

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Plusieurs conservateurs ont aussi souligné cette récente ouverture des collections afin d'y inclure la période actuelle. La position de la direction sur le sujet est claire : « pour nous, l'histoire, ça va jusqu'à maintenant. [...] Le Musée essaie de développer ses collections en tirant aussi, notamment, sur la création contemporaine et sur les objets contemporains parce que ça constitue un peu la mémoire de demain . »

Toutefois, c'est par son choix de mettre à l'agenda de l'année 2013 le dépôt d'une politique spécifique concernant l'acquisition d'objets contemporains que le Musée exprime de façon la plus claire son désir d'approfondir sa réflexion sur le sujet. Au moment des entrevues, soit plusieurs mois avant le dépôt de cette politique, les conservateurs précisent qu'ils en sont toujours au début de leur réflexion sur le sujet. Si aucun ne remet en doute la pertinence de la collecte du contemporain, certains sont plus impliqués, faisait ressortir le sentiment d'urgence qui les amène aujourd'hui à aller de l'avant sur cette question. D'autres soulignent que la recherche de témoins du passé est déjà une tâche exigeante qui leur demande toute leur attention et sur laquelle ils préfèrent se concentrer. Plusieurs attendent cependant le dépôt de la politique afin d'orienter leurs méthodes de collecte.

3.3. Les motifs de collectionnement

Les motifs sous-jacents au collectionnement du contemporain sont nombreux. En 1997, Arpin en soulevait deux : «on peut dire que jusqu'à aujourd'hui, les motifs de collectionnement sont principalement liés soit au développement de la collection déjà existante, soit à un témoignage des activités de l'institution147. » En effet, il semble que le désir de conserver une trace des activités de diffusion et celui de développer la collection grâce aux objets acquis pour les expositions ont été les deux principales motivations qui ont favorisé la collecte d'objets contemporains au cours des années 1980 et 1990. On remarque néanmoins que les motifs se sont graduellement diversifiés depuis les années 2000 et que les enjeux dépassent aujourd'hui ces objectifs fonctionnels identifiés par Arpin. Bien que

146 Propos de Michel Côté en entrevue à la radio de Radio-Canada. « Les coups de cœur du Musée de la civilisation en primeur », Première heure, Radio-Canada, 9 novembre 2011,15 minutes. 147 .Arpin, « Au Musée de la civilisation : une pratique ethnologique sans filet de sécurité », p. 200.

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ceux-ci soient toujours présents, ils sont désormais accompagnés d'une réflexion plus large

sur l'objet contemporain qui amène de nouveaux enjeux motivant sa collecte.

3.3.1. Garder une trace des activités de diffusion

Les expositions occupent une place centrale au Musée. Certains objets contemporains semblent avoir été conservés spécifiquement pour garder un témoignage des activités de diffusion. Par exemple, Arpin souligne qu'une quarantaine d'objets tirés de l'exposition Tsutsumu, l'art de l'emballage japonais (1989-1990) ont été conservés « parce qu'ils témoignent de la présentation d'une exposition itinérante que nous avons accueillie au Musée148. »

Un autre exemple est celui de l'exposition Mode et collections (1997-1998) pour laquelle le Musée avait fait appel à huit designers de mode149. Chacun devait créer une pièce originale en s'inspirant des objets de la collection. Au terme de l'exposition, les créations ont été acquises par le Musée. Or, ces pièces commandées n'apparaissent pas nécessairement comme représentatives d'un courant de mode ou de l'ensemble de l'œuvre de leurs créateurs. Le conservateur qui était responsable de cette exposition considère aujourd'hui qu'il aurait été aussi pertinent d'intégrer à la collection d'autres créations de ces designers.

C'était une très bonne chose de le faire, mais je pense qu'il aurait fallu, avec le recul qu'on a actuellement, aller plus loin. C'est-à-dire que, là, nous avons fait l'acquisition des pièces qui ont été créées pour l'exposition, mais nous n'avons pas de pièce de ces créateurs qui étaient là à l'époque. [...] Tout ce qu'on a, c'est des objets exceptionnels et on n'a pas d'objets usuels. Ça, sur le coup, on n'y a pas pensé. (M.L.)

En ce sens, les pièces conservées ici renvoient en premier lieu à l'exposition pour laquelle elles ont été créées.

Encore aujourd'hui, le désir de garder une trace des activités du Musée transparait lors

de l'acquisition de certaines pièces. C'est le cas d'un sapin et d'un ornement de Noël acquis

148 Ibid., p. 300. 149 Jean Airoldi, Hélène Barbeau, Line Bussière, Christian Chenail, Michel Desjardins, Véronique Miljkovitch, Jean-Claude Poitras et Marie Saint Pierre.

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en 2011. Créées par déjeunes artistes dans le cadre d'un concours organisé par le Musée, ces pièces ont été acquises, notamment, car elles « témoignent des activités institutionnelles de diffusion et de la créativité qui y est à l'œuvre150. » Sans être l'unique argument, ce motif est tout de même présenté et vient justifier l'acquisition de ces pièces. Ainsi, le désir du Musée de conserver une trace de ses activités n'est pas le motif principal menant à la collecte du contemporain, mais représente un intérêt particulier qui vient s'ajouter aux autres arguments développés lors de l'acquisition.

3.3.2. Ouvrir la collection aux réalités sociales et culturelles de la société contemporaine

Dès que le Musée de la civilisation débute ses activités de collecte, Roland Arpin encourage une ouverture de la collection nationale aux enjeux contemporains. Cet élargissement s'est d'abord effectué par les activités de diffusion. Plusieurs objets contemporains ont ainsi été acquis après avoir été exposés. Ces artefacts étaient alors conservés à cause de leur pouvoir d'évocation et de leur rôle d'icône. La poupée Rout d'chou , acquise dans le cadre de l'exposition Message (1989-1994) et intégrée à la collection en tant qu'emblème d'une génération, illustre cette idée. Les expositions peuvent aussi permettre une ouverture de la collection en y intégrant des objets appartenant à une période récente. C'est le cas de certaines pièces acquises à la suite de l'exposition Talons et tentations (2001-2002) et qui « complètent [la] collection de chaussures dans le temps, en y

i c'y

ajoutant des modèles du XXIe siècle . »

L'élargissement de la collection s'est aussi réalisé par les donations qui ont permis notamment de documenter de nouvelles pratiques, des changements technologiques, l'évolution du design et l'utilisation de nouveaux matériaux153. L'ouverture de la collection est encore un motif qui entraine l'acquisition d'objets contemporains. Or, cette motivation est de plus en plus accompagnée de nouveaux enjeux issus d'une réflexion plus globale sur le sujet.

150 « Recommandation du comité », Fiche d'acquisition. Dossier d'acquisition CA2011-037, 18 octobre 2011. 151 Voir l'annexe 2, fiche 87-105. 152 « Justification muséologique », Fiche d'acquisition. Dossier d'acquisition CA2002-022, 21 janvier 2003. 153 Rompre, op. cit, p. 54.

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33.3. Eviter la disparition de l'objet

Le développement de la société de consommation a entraîné une augmentation et une diversification des produits disponibles sur le marché. Aujourd'hui, le contexte de surconsommation fait en sorte que la durée de vie utile d'un objet diminue entraînant un renouvellement constant des objets de notre quotidien. Les avancées technologiques, notamment dans le domaine des communications, rendent ceux-ci rapidement désuets, les amenant très tôt à être jetés ou recyclés. Pour les conservateurs, la disparition prévisible des objets de consommation pose problème et incite plusieurs d'entre eux à s'intéresser davantage à l'objet contemporain : «J'essaie de collectionner de plus en plus proche, car sinon les objets disparaissent... » (N.G.) Devant la rapidité avec laquelle les objets de consommation sont remplacés ou détruits, il s'installe un sentiment d'urgence qui diffère toutefois de celui qui motive l'acquisition de certains objets anciens menacés de destruction : « L'urgence n'est pas celle du sauvetage engendré par la perte imminente d'un savoir ou d'un patrimoine en péril, mais bien plutôt celle du dépassement technologique, du renouvellement incessant des choses154. » Ainsi, la collecte du contemporain agit à titre préventif, puisqu'elle permet d'acquérir l'objet alors qu'il est encore accessible et, donc, de s'assurer d'en conserver un exemplaire dans la collection nationale.

Sous cet angle, le contemporain possède deux atouts non négligeables. D'une part, il permet de conserver des témoins de notre culture matérielle qui se compose d'objets de plus en plus éphémères. D'autre part, le nombre d'objets disponibles étant illimité, il permet l'acquisition des exemples les plus pertinents. En effet, lorsqu'il acquiert des objets anciens, le conservateur effectue sa sélection à partir des exemplaires qui lui sont proposés et qui ont subsisté jusqu'à aujourd'hui. Le temps a alors réalisé une présélection en préservant aléatoirement certains éléments de la destruction. Toutefois, ces objets ne représentent qu'une fraction de ceux produits dans le passé. Est-ce qu'il s'agit des plus représentatifs? Certains artefacts aujourd'hui introuvables auraient-ils été plus pertinents? En collectionnant des objets contemporains, toujours disponibles sur le marché, les conservateurs ne sont plus limités dans leurs choix. Dès lors, la question de la pertinence se pose de façon plus aiguë.

154 Laforge et Toupin, op. cit., p. 9.

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En contrepartie, voulant éviter que le temps n'effectue cette première sélection, on élimine du même coup le recul nécessaire afin déjuger de la pertinence d'un objet.

Je pense qu'il y a un petit risque d'erreur qui est peut-être plus important que lorsqu'on a un recul. [...] En ce moment on n'a pas assez de recul pour connaître vraiment les tendances. On les soupçonne, on sait qu'il y en a, mais dans dix ans on va dire : « Ça ce n'était pas si important finalement! » (N.G.)

L'absence de la distance historique rend la sélection difficile. Devoir choisir parmi la diversité des objets disponibles est, sous cet angle, une limite à la collecte : « Ce qui est problématique dans le contemporain, c'est de définir quels seront les objets porteurs dans l'avenir. » (M.L.)

Certains objets sont parfois plus faciles à identifier, par exemple lorsqu'ils ont été fabriqués par des créateurs ou reliés à des événements marquants. Cependant, lorsqu'il s'agit d'objets de tous les jours, le choix s'avère plus difficile. Les conservateurs réfèrent à quelques ouvrages traitant des objets importants de la période contemporaine et qui peuvent les aider à identifier certains objets significatifs. Toutefois, ces publications traitent plutôt du design et s'intéressent peu aux objets usuels. Il est donc possible, en se basant sur ce type d'ouvrage, d'identifier certaines icônes représentant notre époque, mais il s'avère plus difficile de choisir quels objets de la vie quotidienne représenteraient l'année ou la décennie en cours. C'est plutôt par leur fréquence dans l'univers domestique qu'il serait possible d'identifier ces objets usuels pertinents pour la collection du Musée, ce qui nécessite un certain recul. Afin de contourner cette difficulté et d'orienter leurs choix, les conservateurs avancent différentes stratégies sur lesquelles ils devront se pencher. Ils proposent par exemple de réaliser périodiquement une liste d'objets ayant marqué les douze derniers mois et de les acquérir ou de réunir un comité de spécialistes provenant de différents domaines pour poser un regard sur la décennie. Sur ce point, la politique d'acquisition du contemporain devrait proposer certaines pistes et méthodes à explorer.

3.3.4. Être représentatif de la société actuelle

Sous-jacente à cette idée d'empêcher le temps de choisir ce qui sera conservé, le

désir de constituer des collections représentatives encourage plusieurs conservateurs à

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s'intéresser à l'objet contemporain. « Ça prend de tout. Il faut que ce soit représentatif de la

société dans laquelle on vit.» (M.L.) La notion de représentativité est au cœur de la mission

du Musée de la civilisation et du concept plus général de musée de civilisation. Un des

objectifs derrière la collecte du contemporain est donc de présenter une situation actuelle et

d'exposer cette réalité sous toutes ses facettes. C'est ce qui a motivé, par exemple,

l'acquisition en 1992 d'un campement innu155 dans le cadre de l'exposition Nomades

(1992-1993).

Le musée avait acheté tout le campement : la tente, les vêtements de ceux qui y vivaient en été, les plats, etc. [...] En 1991, c'est leur campement quand ils vont sur le territoire, [l'année suivante] ce campement est sur nos tablettes. Alors, pour moi c'est du contemporain ça. On a toujours évoqué qu'il fallait montrer les gens dans l'actualité, pas dans le passé uniquement. (M.P.R.)

Si le Musée de la civilisation manifeste depuis son ouverture son désir d'être

représentatif de l'ensemble de la société, la collection ethnographique qu'il a reçue en

héritage ne répondait pas nécessairement à cet idéal. Celle-ci reflétait les orientations

privilégiées par ceux qui l'avaient constituée, alors que la sélection n'était pas

nécessairement basée sur le critère de représentativité. En effet, d'autres critères, comme

ceux de l'esthétisme, de l'unicité ou de l'ancienneté, ainsi que l'appartenance à un style ou

à une époque en particulier pouvaient être privilégiés15 . Les collectionneurs ont aussi fait

don au Musée d'ensembles qu'ils avaient constitués à partir de leurs goûts et de leurs

intérêts selon leurs propres critères de sélection157.

Le secteur du costume et des accessoires illustre cette problématique particulière.

Les vêtements conservés dans les familles et par les collectionneurs sont généralement de

l'ordre de l'exceptionnel (robes de mariée, tenues de bal, ensembles de baptêmes, etc.)

privilégiant également les vêtements les plus beaux, les plus richement décorés ou ceux

ayant appartenu à des familles aisées. À l'inverse, les vêtements quotidiens portés par une

majorité de gens ont été usés, rapiécés, recyclés ou jetés et rarement conservés. Illustrant

cette préférence, les vêtements exceptionnels se retrouvent en grand nombre dans la

155 Voir l'annexe 2, fiche 92-53. ' Andrée Gendreau, « Regards croisés. La collection du Musée de la civilisation », p. 107-124. Sur ce sujet, lire l'étude de Nathalie Hamel, op. cit.

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collection, alors que les vêtements quotidiens y sont sous-représentés. Si l'on examine, par

exemple, les éléments du costume datant de la fin du 19e siècle conservés au Musée,

l'ensemble suggère une certaine image de ce que devait être la mode de cette époque.

Cependant, ce portrait est incomplet pour la conservatrice responsable de ce secteur: « Ça

donne une idée fausse, je trouve, de la mode. Ça donne une idée que tout était broderies et

belles couleurs à une certaine époque et ça c'est faux. » (N.G.) Souhaitant constituer une

collection représentative de la mode contemporaine, elle ajoute :

Si une personne m'offre des vêtements des années 1980, [...] je fais l'effort de prendre [...] des vêtements qui sont beaux, des vêtements particuliers, mais j'essaie de toujours prendre une portion d'objets du quotidien qu'on dirait plus ordinaires ou des objets de la vie de tous les jours. Toujours la petite robe d'été bien ordinaire ou le tailleur qui peut être porté tous les jours. J'essaie toujours d'en avoir un peu pour équilibrer, pour que la représentation qu'on aura de notre époque soit plus juste. Parce que sinon, c'est complètement biaisé. (N.G.)

En ce sens, la collecte du contemporain permet aux conservateurs de s'assurer que la

collection nationale soit représentative de la réalité actuelle. En d'autres mots, elle permet

la constitution d'une collection appelée à représenter dans l'avenir la réalité d'aujourd'hui,

sous toutes ses facettes.

3.3.5. Collectionner l'aujourd'hui pour demain

Le motif de la représentativité renvoie à l'enjeu principal derrière la collecte du

contemporain, soit cette idée de collectionner aujourd'hui pour demain. C'est d'ailleurs sur

ce point que se situe le principal élément qui oppose la collecte du passé à celle du présent :

« If the whole purpose of collecting, traditionally was to preserve the past, then the whole

purpose of contemporary collecting is to preserve the present for the future . » Dès les

années 1990, Rompre et Arpin invitaient à réfléchir sur la question sans obtenir trop de

résultats. Or, depuis quelques années et plus particulièrement au cours des derniers mois, le

Musée de la civilisation a choisi d'approfondir la réflexion et de participer à la constitution

d'une collection qui représentera demain la société d'aujourd'hui.

158 Rhys, op. cit., p. 19.

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Ce désir de conserver l'actuel renvoie à la question d'héritage collectif et à l'idée de patrimoine à rassembler puis à transmettre. La tâche est complexe et le défi est grand. Comme le souligne Rompre, « [i]l est difficile, voire hasardeux, de définir quels sont les objets d'aujourd'hui qui témoigneront adéquatement de notre société dans cent ans159. » Cependant, la menace de disparition des objets, ce désir de « laisser une trace » (S.T.) de notre société aux générations futures et celui d'assurer la constitution d'une collection représentative de notre époque rendent l'expérience du contemporain nécessaire. Pour plusieurs conservateurs, la question est complexe, mais essentielle : « C'est plutôt une préoccupation de mémoire qu'on a à cause d'une situation contextuelle d'une société qui produit beaucoup. » (S.T.) La problématique implique l'ensemble de la collection.

Les conservateurs interrogés soulèvent cet enjeu central qu'est la collecte du présent pour l'avenir. Toutefois, conscients des difficultés que cela implique, plusieurs attendent le dépôt de la politique, espérant y retrouver des pistes afin d'orienter leurs propres démarches. Cette réflexion sur la collecte du présent qui se développe en parallèle dans le milieu muséal oblige aujourd'hui les institutions à repenser les fonctions de leurs collections. La question du contemporain les amène à s'interroger sur le présent, mais aussi à se projeter vers l'avenir, amenant les musées à réévaluer leur rapport au temps.

3.4. Le parcours de l'objet contemporain : ruptures accélérées ou disparitions anticipées?

Par son approche thématique, le Musée de la civilisation a toujours présenté des expositions sur des sujets variés, sans limites temporelles. Arpin précise que « [p]assé, présent et même futur sont les ambitieux vecteurs de son action1 . » Alors que ce regard posé sur l'actualité et tourné vers l'avenir était présent dans les expositions, les collections demeuraient principalement axées sur la recherche et la conservation des traces du passé. Aujourd'hui, l'ouverture de plus en plus grande et organisée vers le contemporain favorise une nouvelle réflexion sur le rôle de la collection nationale.

1 9 Rompre, op. cit., p. 56. Arpin, Le Musée de la civilisation : concept et pratiques, p. 4L

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Par leur mission qui les amène à constituer un patrimoine à conserver et à transmettre, les institutions muséales s'inscrivent dans un rapport particulier à la temporalité. Dans les musées, les temps se superposent, c'est-à-dire que l'institution pose un regard à partir du présent sur le passé, que les objets qui matérialisent ce passé existent toujours dans le présent et que les actions de conservation sont aussi réalisées en fonction des générations futures161. Alors que la collecte des objets anciens s'inscrit dans cette relation passé/présent/futur, que se passe-t-il lorsque le musée s'intéresse à l'objet récent?

Dans une société qui produit à un rythme toujours plus accéléré, les conservateurs ressentent un sentiment d'urgence devant ces artefacts appelés à disparaître, ce qui les amène à acquérir des objets de plus en plus récents. Cette entrée précipitée dans les collections apparait en rupture avec le parcours habituel de l'objet. Étudiant la constitution du patrimoine culturel, Krzysztof Pomian établit une séquence type composée de trois statuts qui peuvent être accolés successivement à un objet, soit utilitaire, déchet puis sémiophore162. Selon cette séquence, l'objet a d'abord une valeur d'usage. Une rupture entraine ensuite son abandon, l'objet n'ayant plus de fonction spécifique. En fait, c'est par ces ruptures successives provoquées par divers changements (de croyances, de modes de vie, de styles, de technologies, etc.) que les objets accèdent au statut d'objet de musée et deviennent patrimonial.

Chaque strate du patrimoine culturel résulte d'une rupture entre le présent et le passé qui fait que les objets allant de soi deviennent contestables avant de disparaître de la circulation, de passer du visible à l'invisible pour être récupérés bien plus tard avec des fonctions et des finalités différentes, celles des intermédiaires entre le passé et l'avenir163.

Ensuite, tiré de l'oubli, l'objet acquiert une fonction de référence à un passé disparu. Signifiant, il se transforme en sémiophore. C'est donc par l'attribution de sens qu'un objet désuet peut intégrer une collection muséale.

161 Sur la relation passé-présent dans la construction du patrimoine, lire Jean Davallon, Le don du patrimoine : une approche communicationnelle de la patrimonialisation, Paris, Lavoisier, Hermès science, 2006, p. 115-119. 162 Pour Pomian, il s'agit de la séquence parcourue par la majorité des objets patrimoniaux, à l'exception de quelques types d'artefacts, comme les œuvres d'art par exemple qui sont automatiquement des sémiophores puisqu'elles sont créées pour transmettre un message ou une idée. Pomian, « Patrimoine et musée », p. 178-179. 163 Ibid., p. 198.

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De son côté, l'ethnologue et muséologue Yves Bergeron identifie six niveaux composant le « processus de reconnaissance » menant un objet usuel à devenir un objet de musée. À la base de cette pyramide, on retrouve l'objet quotidien. Ensuite, s'il est conservé au-delà de sa vie utile, il devient historique, puis acquiert le statut d'objet ethnographique ou d'œuvre d'art. Le quatrième niveau est une phase d'abandon que Bergeron compare au purgatoire après laquelle l'objet peut devenir patrimonial et atteindre ensuite le sommet de la pyramide en devenant objet de musée164.

Ces deux parcours retracent les différents statuts accordés aux objets et situent l'entrée au musée au terme de sa trajectoire, soit après que l'objet ait perdu son sens premier, puis qu'il soit redevenu signifiant. Si ces auteurs illustrent la situation des objets anciens, les étapes menant à la reconnaissance de l'objet contemporain sont-elles les mêmes? Y a-t-il accélération du processus, faisant en sorte que la valeur de témoin de l'objet est reconnue plus rapidement, ou s'agit-il d'une réorganisation de la procédure qui l'amène à intégrer une collection avant d'avoir parcouru l'ensemble des étapes? En fait, les deux situations sont présentes en parallèle. Dans certains cas, la perception du temps change de façon à ce que des ruptures successives rendent l'objet récent déjà ancien. Le temps semble alors s'accélérer et le musée s'intéresse à un passé toujours plus rapproché. Dans d'autres cas, c'est le « processus de reconnaissance » qui est réorganisé, de façon à ce que l'objet contemporain intègre le musée alors qu'il n'y a pas encore eu rupture avec son monde d'origine. Ces situations illustrent deux conceptions du rôle du musée dans cette relation entre le passé, le présent et le futur. Elles soulignent également la relativité de ce rapport au temps. Un objet peut dater de plusieurs années et être toujours actuel, alors qu'un autre plus récent semble appartenir à une autre époque.

3.4.1. Un parcours accéléré

Au moment de leur acquisition, certains objets contemporains appartiennent déjà au passé, puisqu'ils ont été remplacés et qu'ils ne sont plus d'usage courant. Cette situation est particulièrement apparente dans le domaine des technologies et des télécommunications,

164 Bergeron, « Collection; Regard & analyse », dans Desvallées et Mairesse (dir.), op. cit., p. 60-63.

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alors qu'une console de jeux vidéo ou un ordinateur domestique, tous deux fabriqués il y a une vingtaine d'années, sont depuis longtemps dépassés et apparaissent déjà comme archaïques.1 5 Dans ce cas, le parcours menant à la reconnaissance de l'objet par un musée se compose des mêmes étapes que celui de l'objet ancien : il est utilisé, extrait de la sphère utilitaire à la suite d'une rupture, puis retrouve un nouveau sens, soit celui de témoin. Le musée s'empresse d'acquérir un exemplaire de l'objet désuet, souhaitant l'intégrer à la collection avant qu'il ne disparaisse complètement du marché courant. Dans ce contexte, l'objet contemporain est déjà dépassé au moment de son entrée au musée, n'appartenant pas au présent, mais bien à un passé récent. Sa date de fabrication de plus en plus rapprochée témoigne de ce renouvellement constant des objets de consommation et de leur durée de vie de plus en plus courte.

3.4.2. Un parcours réorganisé

Dans d'autres cas, l'objet contemporain est acquis alors qu'il est encore en usage. Son parcours se distingue de celui de l'objet ancien, venant bousculer les étapes qui mènent à sa reconnaissance et avancer le moment de son entrée dans les collections. Le statut d'objet de musée est alors accordé à l'objet avant qu'il n'y ait eu rupture avec son monde d'origine. Une définition fournie par un conservateur témoigne de cette particularité : « Pour moi, l'objet contemporain d'abord c'est un objet qui appartient à l'histoire actuelle, c'est-à-dire qui est en usage. C'est un objet, à tout le moins, qui est comme en voie de transition, qui est en voie de passer dans l'obsolescence.» (CD.) Ainsi, l'objet a encore une fonction utilitaire lorsqu'il intègre le Musée et ne deviendra un objet signifiant que plus tard : « Si ce n'est pas un témoin aujourd'hui, ça va l'être demain. » (S.T.) Sous cet angle, l'objet n'est pas conservé en tant que dernier témoin d'une génération ou d'une pratique disparue, mais il est plutôt considéré comme le représentant d'une pratique actuelle dont on prédit la disparition.

165 Plusieurs exemples d'objets appartenant au secteur des technologies et des télécommunications ont été cités par les conservateurs interrogés, dont deux ordinateurs datant des années 1980 et 1990 aujourd'hui conservés au Musée. Voir l'annexe 2, fiches 2009-141-1 et 2011-2-2.

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En ce sens, l'acquisition d'objets contemporains indique un « traitement du présent comme futur passé166 ». Cela le distingue de la conservation des objets anciens, comme le souligne Guillaume :

Le passé conservé [...] c'est l'ensemble de tous les éléments qui sont mis à l'écart parce qu'ils ont cessé d'être opératoires dans la société présente. De même, le présent préservé aujourd'hui parce que soupçonné d'être le « passé » de demain est composé d'éléments dont on pense qu'ils « vont passer », c'est-à-dire cesser bientôt d'être opératoires167.

Dans ce contexte, la collecte du contemporain témoigne d'un autre rapport au temps. D'une relation passé/présent qui prédomine dans la collecte des objets anciens ou même des objets récents ayant subi une rupture avec leur monde d'origine, nous passons dans ce cas-ci à une relation présent/futur qu'impose ce désir de collectionner l'aujourd'hui pour demain.

Chaque objet contemporain collectionné s'insère dans l'une ou l'autre de ces situations : soit son acquisition est la conséquence d'une rupture avec son monde d'origine, soit l'objet dont on prédit l'abandon prochain est acquis alors qu'il est toujours en usage. Ces deux possibilités illustrent, d'une part, la distinction qui s'effectue entre la collecte de l'objet ancien et celle de l'objet contemporain. D'autre part, elles impliquent un changement de perspective qui amène le musée à réorienter son rapport au temps en accordant une importance particulière au présent dans ses collections. Pour Pomian, le musée est conçu « pour servir d'intermédiaire entre le passé et l'avenir . » Ce désir de conserver hier pour demain169 permet au musée, conscient de son rôle dans la constitution et la conservation du patrimoine, de se positionner dans ce rapport passé/futur. Cependant, la collecte du contemporain transforme cette relation au temps, puisqu'elle impose une réflexion sur la société actuelle, amenant le musée à poser un regard sociologique sur son environnement afin de déterminer ce qui représente la société d'aujourd'hui.

166 Guillaume, op. cit, p. 93. 167 Ibid., p. 94. 168 Pomian, « Musée et patrimoine », op. cit., p. 186. 169 Réunion des musées nationaux, Hier pour demain; Arts, Traditions et Patrimoine, Paris, La Réunion, 1980,245 p.

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Pour l'historien François Hartog, ce « présent omniprésent » est caractéristique de la société actuelle et de son régime de temporalité qu'il nomme présentisme170. Cet intérêt pour le présent amène d'ailleurs la société en général à poser un « regard muséal » sur ce qui l'entoure : « Nous aimerions préparer, dès aujourd'hui, le musée de demain et réunir les archives d'aujourd'hui comme si c'était déjà hier pris que nous sommes entre amnésie et volonté de ne rien oublier. Pour qui, sinon, déjà, pour nous même?171 » En ce sens, en cherchant à conserver le présent, le musée témoigne aussi de cet intérêt marqué de la société pour l'aujourd'hui et le maintenant.

Cette réflexion du musée sur le présent en entraine aussi une autre sur l'avenir. Quelles traces voulons-nous laisser? Quels objets nous représenteront dans le futur? L'objectif du musée est de constituer maintenant une collection qui sera digne, plus tard, de nous représenter. Toutefois, il ne faut pas ignorer que cette représentativité est toujours subjective : « Quoi qu'on puisse dire, souhaiter et faire, il n'existe pas plus de collecte que d'exposition qui puisse prétendre à l'objectivité. Toute collecte témoigne d'une sélection qui est nécessairement subjective; et toute exposition est l'expression d'un parti pris172. » Ce regard de l'institution posé sur le présent est donc influencé par différents facteurs tels que sa mission, sa politique d'acquisition, sa propre vision de la société dans laquelle elle s'insère ainsi que celle des conservateurs qui sélectionnent les objets.

Dans ce troisième chapitre, nous avons rendu compte de la collecte du contemporain au Musée de la civilisation en faisant ressortir les enjeux qui motivent sa présence grandissante dans les collections. Souhaitant réunir des objets représentatifs de la société actuelle afin qu'ils témoignent de nous dans le futur, les conservateurs sont toutefois freinés par les nombreuses questions que pose le collectionnement du contemporain. À la difficulté de sa définition s'ajoutent d'autres limites comme l'absence de recul et l'obligation de choisir parmi le nombre illimité d'objets disponibles. Nous avons également présenté

170 Selon Hartog, le présentisme correspond à « [...] cette expérience contemporaine d'un présent perpétuel, insaisissable et quasiment immobile, cherchant malgré tout à produire pour lui-même son propre temps historique. » François Hartog, Régimes d'historicité; Présentisme et expériences du temps, Paris, Éditions du Seuil, [2003] 2012, p. 40. 171 Ibid., p. 248-249. 172 « Objectivité », dans Desvallées et Mairesse (dir.), op. cit., p. 639.

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le processus permettant la reconnaissance d'un objet en faisant ressortir le rapport particulier au temps qu'impose la collecte du récent. Pour ce faire, nous avons exposé les différents statuts théoriques permettant généralement à l'artefact de devenir objet de musée. Or, comment s'effectue, dans la pratique, ce passage d'objet usuel à objet de collection?

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CHAPITRE IV - Le processus d'intégration de l'objet à la collection

Le processus d'intégration d'un objet à une collection, ou plus globalement la

muséalisation, s'effectue par une série de gestes posés notamment par le conservateur et

faisant passer l'objet du monde profane au monde sacré que représente le musée173.

L'intégration s'opère donc par différentes étapes qui viennent accorder à l'artefact un

nouveau statut, soit celui d'objet de musée. La muséalisation implique les principales

fonctions de l'institution, soit « un travail de préservation (sélection, acquisition, gestion,

conservation), de recherche (dont le catalogage) et de communication (par le biais de

l'exposition, de publications, etc.) . » Comme le souligne Gob, ce processus institutionnel

se distingue de la démarche du collectionneur privé et doit s'appuyer sur la mission de

l'institution :

Les raisons qui motivent une acquisition par un collectionneur reposent sur la considération de la collection elle-même et sur les goûts et les envies de celui qui la rassemble alors que la muséalisation obéit à des impératifs plus larges liés à l'action, à l'intention du musée et à un intérêt societal. L'incorporation d'un objet dans la collection d'un musée implique de multiples opérations qui vont bien au-delà de l'acquisition sensu stricto [...]. Ces opérations nécessitent des choix, des prises de décision successives175.

Ces différents gestes qui amènent l'objet à intégrer la collection se structurent

autour de quatre étapes principales, soit la sélection, la documentation, l'acquisition et la

conservation. À celles-ci s'ajoutent également les activités de diffusion, souvent sous forme

d'expositions, qui précèdent l'acquisition ou qui viennent ponctuer le moment de la

conservation. À l'exception de la diffusion qui ne concerne qu'une fraction des objets

conservés, cette démarche d'intégration s'applique à l'ensemble des objets collectionnés.

Afin de faire ressortir les pratiques entourant la collecte du contemporain au Musée de la

civilisation, il est donc essentiel de s'intéresser à ce processus commun à tous les objets

acquis par le Musée en présentant chacune des étapes qui le composent, tout en faisant

ressortir les particularités qui caractérisent la collecte des objets récents.

173 Rosselin et Julien, op. cit., p. 37. 74 « Muséalisation », dans Desvallées et Mairesse (dir.), op. cit., p. 251-252.

1 5 Gob, « Le jardin des Viard ou les valeurs de la muséalisation », paragraphe 6.

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4.1. La sélection

Le processus d'incorporation d'un objet à une collection est déclenché par l'étape initiale de sa sélection qui débute toujours par une rencontre entre l'artefact et le conservateur. Celle-ci se fait de deux façons, soit l'objet est offert, c'est-à-dire que le propriétaire contacte l'institution afin de proposer son objet ou sa collection, soit il est repéré par le conservateur. La sélection des objets s'appuie sur différents critères et se conclut par le refus de l'objet par le conservateur ou par l'ouverture d'un dossier d'acquisition176.

4.1.1. L'objet offert

Dans la majorité des cas, l'objet est d'abord proposé au Musée. La demande est transmise au conservateur concerné qui prend alors connaissance de l'offre. Celui-ci contacte ensuite les propriétaires afin de recueillir les renseignements disponibles sur l'objet et tenter d'obtenir, si ce n'est déjà fait, des photographies de la pièce. Voir l'objet, d'abord virtuellement, est un moment important dans le processus décisionnel, puisque les photographies permettent au conservateur de prendre connaissance globalement de l'état de conservation de la pièce proposée. À cette première étape, les informations recueillies auprès des propriétaires concernent d'abord le parcours de l'objet : que savent-ils sur la pièce? S'agit-il d'un héritage familial? Comment l'ont-ils obtenu? Le conservateur vérifie également de quelles façons l'objet viendrait s'insérer dans la collection du Musée.

On fait des recherches dans nos collections pour voir si on a déjà des objets semblables. On regarde s'il complète la collection ou si ça devient un exemple tellement à part que [...] c'est un peu absurde de l'intégrer. Donc, on évalue selon tous les critères qu'on a son état de conservation, son histoire, sa pertinence dans la collection, sa représentativité de la société, etc. (N.G.)

Cet examen préliminaire permet au conservateur d'évaluer la pertinence de l'objet proposé.

Rapidement, il est donc en mesure d'identifier si l'objet est intéressant ou non. Il choisit

alors d'entamer le processus d'acquisition ou de refuser l'offre qui lui est faite.

176 Le dossier d'acquisition est un document préparé par le conservateur et présenté ensuite à un comité responsable du développement de la collection nationale. Voir les sections 4.2.3 et 4.3.

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En tant que premier intermédiaire, le rôle du conservateur est majeur, puisqu'il a le pouvoir de défendre l'acquisition d'un objet ou d'écarter une offre. Le nombre d'offres dépassant la demande, peu d'objets franchissent avec succès cette première étape : « Par rapport à l'offre, on n'acquiert pas beaucoup. [...] Sur dix demandes, si on en garde une, c'est beau. » (CD.) Ainsi, la décision d'entamer le processus d'acquisition signifie que le conservateur reconnaît l'intérêt et la pertinence de l'objet offert, en tenant compte des objectifs de l'institution et de l'état actuel de sa collection. À cause de tout le travail que leur demande la préparation des dossiers d'acquisition, les conservateurs ne peuvent se permettre d'enclencher le processus s'ils ont un doute sur l'intérêt de l'objet : « Moi, en général, si j'ouvre un dossier, il faut que j'aie une certaine certitude que je vais l'entrer [dans la collection]. » (CD.)

Une fois que l'artefact est engagé dans cette procédure, le conservateur, lorsque cela est possible, se déplace chez le propriétaire afin de voir l'objet de plus près. Puisque les gens offrent généralement des ensembles, la rencontre permet aussi au conservateur d'effectuer une sélection parmi tous les éléments proposés : « Il est très rare qu'on acquiert des fonds complets sans tenir une sélection. [...] On demande d'abord au propriétaire s'il veut bien scinder sa collection ou non. S'il dit oui, tant mieux. S'il dit non, ça pose vraiment un gros dilemme. » (M.L.) Cette rencontre est l'occasion de recueillir toutes les informations que le propriétaire possède sur les différentes pièces proposées.

4.1.2. L'objet recherché

Bien que la plupart des objets acquis proviennent d'offres de particuliers, il arrive également que le conservateur soit en mode de recherche et qu'il se déplace chez un antiquaire, un galeriste, un collectionneur ou un encanteur afin d'y dénicher un artefact à intégrer à la collection. Il arrive aussi que l'objet soit spécifiquement recherché par le conservateur qui a constaté un trou dans un de ses secteurs et qu'il souhaite combler.

Le conservateur souvent contacte des antiquaires et les collectionneurs qu'il connait depuis longtemps pour essayer de voir quels sont les objets qui pourraient éventuellement faire partie de la collection nationale. [...] Ce travail se fait à l'occasion, je dirais, mais c'est surtout dans les cas où on prépare des expositions. (M.L.)

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En effet, c'est généralement lorsqu'un projet d'exposition nécessite un objet précis, absent de la collection nationale, que le conservateur part à la recherche de l'objet manquant. Une fois trouvé, l'objet peut être intégré à la collection avant ou après l'exposition. En dehors de cette situation, il est rare qu'un conservateur recherche des objets de façon spécifique, puisque les budgets d'acquisition du Musée sont très limités. Travaillant sur divers projets de diffusion et devant répondre aux nombreuses offres d'acquisition, il ne lui reste que peu de temps à consacrer à la recherche d'objets précis.

Dans un contexte qui privilégie l'acquisition passive, la collecte du contemporain s'avère difficile, car l'objet récent est plutôt absent du réseau habituel des conservateurs et est rarement offert par les particuliers. Le Ménestrel souligne d'ailleurs que la situation particulière de l'objet contemporain implique des méthodes qui ne peuvent être calquées sur celles utilisées pour l'acquisition d'objets anciens :

L'attitude passive de « laisser faire », qui consiste à saisir les opportunités lorsqu'elles se présentent, revient à livrer le développement des collections au bon gré des collectionneurs privés et des antiquaires. [...] Tandis que les apports d'objets anciens dépendent le plus souvent de l'état de l'offre, les conditions de la collecte de l'objet contemporain nécessitent une approche active et délibérée, qui laisse le moins de part possible au hasard177.

Les conservateurs sont conscients de cette problématique : « il faudra qu'on agisse autrement, parce que les gens n'ont pas l'instinct de nous offrir des objets contemporains, ce n'est pas naturel. Ils ne pensent pas que ça peut être intéressant. » (N.G.)

Avant d'entamer une démarche et proposer un artefact à une institution, le propriétaire doit accorder à son objet une certaine valeur (historique, muséale, patrimoniale, monétaire, esthétique ou autre). C'est le conservateur qui vient par la suite confirmer l'intérêt de la pièce. Dans le cas du contemporain, la valeur de l'objet n'apparaît pas spontanément aux yeux du propriétaire. L'adoption d'une attitude proactive semble alors essentielle : « Il faut que je change mes stratégies de recherche d'objets parce qu'on est à la merci un peu des offres qu'on nous fait [...]. Si on n'est pas proactif, on n'aura pas les objets au bon moment.» (N.G.)

Le Ménestrel, op. cit., p. 85.

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Les auteurs qui se sont intéressés à la question soulèvent eux aussi la nécessité

d'adopter une collecte dynamique : « Collecting of this kind requires pro-active, focused

and selective collecting, possibly by buying objects or bidding for them on eBay, as

contemporary materials are rarely, if ever, offered to museums1 . » La sollicitation

citoyenne jumelée à un travail de sensibilisation du public aux enjeux de la collecte du

contemporain apparaît aussi comme une solution qui permettrait de stimuler les offres

d'objets récents. Cette valorisation du contemporain a déjà commencé. Par exemple, le fait

que le Musée ait démontré son intérêt pour l'acquisition de pièces de chapelières

contemporaines lors de la préparation de l'exposition Chapeaux! a incité, par la suite,

d'autres artisanes à offrir leurs créations. D'ailleurs, la diffusion des thèmes des expositions

en préparation entraine aussi des offres d'objets anciens ou récents de la part de particuliers

souhaitant compléter la collection du Musée.

Pour le moment, la recherche d'objets contemporains s'effectue d'abord par les

initiatives personnelles de certains conservateurs qui choisissent de s'y intéresser. Par

exemple, lors des entretiens, une conservatrice a manifesté son vif intérêt pour la question

et a précisé qu'elle était déjà à la recherche d'objets contemporains afin de combler ses

propres secteurs. Bien qu'elle ait en tête quelques icônes à acquérir, elle a plutôt ciblé de

larges catégories d'objets absents qu'elle souhaite intégrer. Pour sa part, c'est par le bouche

à oreille qu'elle espère mettre la main sur ces objets recherchés. Il est aussi possible de

trouver certains objets dans les magasins d'occasion ou sur les sites de vente en ligne, mais

jusqu'à maintenant, elle n'a pas eu besoin de recourir à ces stratégies de recherche.

4.1.3. Les critères de sélection et d'élimination

Lors de la sélection, le conservateur choisit un objet en fonction des axes de

développement de la collection, de ses projets d'expositions ainsi que des qualités de

178 Rhys, op. cit., p. 18-19.

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l'objet à acquérir. Son choix s'appuie également sur une série de critères précisés dans le document La collection du Musée de la civilisation, principes et orientations

Critères de sélection Critères d'élimination

• Capacité d'entreposage • Contraintes ou objections d'ordre • État de conservation éthique • Exemplarité • Coût d'achat élevé • Intérêt pour la diffusion • Elément d'une série • Polysémie • Mandats complémentaires d'autres • Pouvoir d'évocation ou de institutions

témoignage • Manque d'espace d'entreposage • Présence d'une documentation • Mauvais état de conservation ou le • Qualités esthétiques coût d'entretien trop élevé • Représentativité • Redondance • Valeur intrinsèque

Tous ces critères sont généralement pris en considération par le conservateur au moment de la sélection180. Néanmoins, parmi cette liste, certains se distinguent et apparaissant prédominants aux yeux des conservateurs, alors que d'autres se révèlent moins importants ou méritent selon eux d'être nuancés. Il s'effectue alors une hiérarchisation des critères qui, malgré un certain consensus, peut cependant différer d'un conservateur à l'autre.

a) L'objet représentatif

Parmi les critères essentiels, on retrouve celui de la représentativité. Pour certains conservateurs, il s'agit d'ailleurs du critère prédominant : « Pour moi, [si l'objet] est représentatif d'une époque, d'une société, d'une histoire particulière, d'une région, c'est ça qui compte. C'est, à mon avis, le critère principal qui devrait prévaloir. » (M.L.) Les objets

Ce document ne hiérarchise pas les critères, laissant le soin au conservateur d'identifier, selon les cas, les critères justifiant ses choix. Nous reprenons donc ici ces critères sans ordre d'importance. Lors des entretiens avec les conservateurs, nous avons extrait cette liste et nous leur avons demandé de commenter chacun des critères de sélection et d'élimination. Andrée Gendreau, La collection du Musée de la civilisation, principes et orientations, p. 27. 180 Certains conservateurs précisent cependant qu'ils ne ressentent pas toujours le besoin de retourner directement à l'ouvrage, car ils disent avoir intégré ces critères dans leur pratique au cours de toutes ces années passées au Musée.

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de la collection doivent en effet représenter l'ensemble de la société dans le temps et dans l'espace, c'est-à-dire que les objets choisis ne doivent pas toujours privilégier une période en particulier ou certaines classes sociales au détriment des autres. La collection ne doit pas non plus être réduite aux milieux urbains, mais doit aussi aborder les milieux ruraux et les spécificités régionales. « Le Musée de la civilisation c'est un musée de civilisation donc il faut que ça soit représentatif de toutes les strates de la population. » (G.T.) Ce critère est ressorti fortement des entretiens et apparait comme une préoccupation importante pour les conservateurs revenant à plusieurs reprises sur cette notion.

b) L'objet documenté

La présence d'une documentation accompagnant l'objet ou la disponibilité de celle-ci est un autre critère prédominant. Le propriétaire doit donc être en mesure de fournir différentes informations : « Un objet qui arrive avec rien, qui ne peut rien dire, c'est dur à présenter au comité [...]. En principe, il faut qu'on soit capable de raconter une histoire, qu'on ait l'information. » (S.T.) Les conservateurs cherchent non seulement à connaître la provenance de l'objet, mais aussi à retracer l'ensemble de son parcours: «Je privilégie toujours quand même l'objet ayant une histoire : à qui a-t-il appartenu? Qu'est-ce qu'on a fait avec? À quel endroit vous l'avez acquis? Etc. Pour moi, c'est important parce que c'est ça l'histoire d'un objet. » (M.L.) Ce critère de sélection renvoie à la notion de traçabilité permettant de reconstituer le parcours de l'objet et démontre qu'on ne s'intéresse pas uniquement à ses qualités formelles, mais surtout à son contexte et aux significations qui en émergent. Or, ce n'est que par la documentation que ces deux derniers éléments peuvent être connus.

c) L'état de conservation

Les conservateurs ont aussi souligné l'importance qu'ils accordaient à l'état de

conservation. Une pièce en très mauvais état, ça ne vaut pas la peine de subir tout le processus d'acquisition parce qu'elle va nécessiter une énorme restauration et des coûts exorbitants. C'est un objet qui va toujours rester fragile, donc la première affaire [à considérer], dans mon cas, dans mon secteur, c'est l'état de conservation. » (G.T.)

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En effet, puisque les coûts reliés à la restauration sont importants, il est préférable de favoriser l'acquisition d'objets en bon état181. Toutefois, l'objet contemporain, généralement moins endommagé que les objets anciens et parfois même acquis à l'état neuf, amène à considérer le critère de l'état de conservation sous un angle différent. Lorsqu'on acquiert un objet neuf, celui-ci n'a pas subi l'usure reliée au temps et à son utilisation . En revanche, l'objet neuf peut apparaître comme un objet sans histoire, n'ayant jamais été utilisé.

Si la collecte du contemporain semble favoriser l'acquisition de pièces en bon état, la conservation à long terme de ces objets aux matériaux composites, souvent synthétiques, soulève d'autres questions. Il ne faut pas négliger les problèmes de conservation reliés aux types de matériaux utilisés dans la fabrication des objets industriels. Les plastiques et autres matériaux synthétiques se dégradent avec le temps et amènent des problématiques de conservation particulières. Cet élément a d'ailleurs été soulevé en 2003 par le comité d'acquisition au moment de se prononcer sur le sort de chaussures du 21e siècle183 :

Après discussion sur la problématique de conservation des matières plastiques (dont sont faites entre autres les chaussures proposées), le comité reconnaît qu'on ne peut éviter l'acquisition d'objets de plastique, puisqu'ils envahissent le marché après la seconde guerre mondiale [M'C]184.

L'intervention du comité illustre cette préoccupation concernant la conservation à long terme des objets acquis et souligne le caractère incontournable des objets industriels faits de plastique et autres matières synthétiques. Il apparait donc impossible d'ignorer ces objets ou de leur limiter l'accès aux réserves du Musée compte tenu de leur omniprésence.

Il faut aussi souligner la problématique entourant toute cette gamme de produits de

consommation et d'emballages faits de matériaux décomposables, compostables ou

181 Une conservatrice souligne cependant l'intérêt scientifique que peut à l'occasion représenter une pièce en mauvais état. Par exemple, elle avait acquis deux objets similaires dont un, endommagé, révélait plusieurs informations sur sa technique de fabrication, ce qui était impossible à observer sur l'exemplaire en bonne condition. Toutefois, elle précise qu'il s'agissait d'une exception et que l'état de conservation demeure un critère essentiel. 182 Le Ménestrel, op. cit., p. 82. 183 Voir l'annexe 2, fiche 2002-104. 184 «Recommandation du comité», Fiche d'acquisition, Dossier d'acquisition CA-2002-022, 21 janvier 2003.

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biodégradables. Ces objets témoignent notamment de notre rapport à l'environnement. Or, un musée qui souhaiterait illustrer, par ses collections, cet aspect de la société se voit obligé de négocier avec des conditions de conservation particulières. En ce sens, la collecte du contemporain contraint les conservateurs à s'interroger tout particulièrement sur les conditions de conservation à long terme des objets qu'ils souhaitent acquérir.

d) La qualité esthétique, le coût d'achat et la redondance : des critères ambivalents

Si tous les critères sont pris en considération par le conservateur au moment de choisir un objet, certains apparaissent plutôt relatifs ou ambivalents : « Je pense qu'il y a des critères qu'on peut, comme ça, ... aménager à notre goût. » (M.L.) Les critères de sélection étant généraux, il semble possible pour les conservateurs de les interpréter selon leurs secteurs de collection ou, plus globalement, selon leurs propres visions de la collection nationale. Ainsi, lors des entrevues, les conservateurs ont tenu à nuancer certains critères.

D'abord, ils sont demeurés prudents en ce qui concerne le critère de la qualité esthétique. Le Musée de la civilisation accordant une large place à ses activités de diffusion, les objets conservés doivent pouvoir être exposés, ce qui dépend à la fois de l'état de conservation ainsi que, d'une certaine manière, de leurs qualités esthétiques. Or, les conservateurs accordent généralement une importance toute relative à ce dernier élément, plusieurs ayant des exemples d'objets visuellement peu intéressants, mais qu'ils considéraient comme incontournables et qu'ils ont acquis. C'est aussi ce qu'avait relevé Le Ménestrel, citant un de ses informateurs : « Certains pensent que l'ensemble de meubles de salle à manger en mélamine qu'on a ici est horrible, mais c'est l'objet le plus significatif d'une génération. L'esthétisme n'a rien à voir là-dedans185. » En fait, le moindre intérêt accordé à la beauté apparait caractéristique du rapport à l'objet développé dans les musées de société qui conçoivent d'abord celui-ci comme témoin plutôt que comme œuvre d'art . D'ailleurs, de façon plus générale, le critère de beauté semble, en dehors du domaine de

185 Propos de M.T. rapporté dans Le Ménestrel, op. cit., p. 84. 186 « Objet [de Musée] ou Muséalie », dans Desvallées et Mairesse (dir.), op. cit. p. 386.

Page 83: La collecte de l'objet contemporain : L'exemple du Musée de la

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l'art, moins considéré dans le choix des objets souvent jugé comme un critère subjectif qui 187

ne doit pas influencer la sélection .

Plusieurs conservateurs ont aussi commenté le critère éliminatoire du coût d'achat.

En effet, le Musée encourage fortement les propriétaires à faire don de leurs objets et limite

les achats au minimum. Cependant, certains déplorent que le coût puisse être un frein aux

acquisitions : « Si j 'ai un objet exceptionnel, ce ne devrait pas être son coût qui devrait être

un problème. » (M.L.) Sur ce point, l'objet récent offre certains avantages puisque, encore 1 88

accessible, il est généralement vendu à un coût moins élevé sur le marché . L'achat de ces

objets peut ainsi permettre aux musées d'éviter les spéculations qui font augmenter la 18Q v

valeur marchande, comme c'est le cas avec le marché des antiquités. A l'opposé, le fait

que l'objet soit toujours en usage peut apparaître comme un inconvénient : « Il faut penser

que, dans le contemporain, il faut avoir plus de budget, peut-être, parce que l'objet n'est pas

prêt à être donné. Il est encore utile. » (N.G.)

Les conservateurs ont aussi nuancé le critère éliminatoire de la redondance. Tous

s'entendent sur le fait qu'il s'agit d'un critère essentiel afin d'éviter les répétitions dans la

collection. Cependant, dans certains cas, l'acquisition d'objets similaires apparait

pertinente, voire nécessaire. La redondance semble tolérée lorsqu'il s'agit d'objets

particulièrement fragiles :

Dans le cas par exemple des textiles, [...], il faut des objets qui vont me permettre de faire des rotations dans les expositions. [...] Pour moi, qu'on en ait deux pareils, qu'on en ait quatre pareils, ce n'est pas important. Je sais que l'objet est problématique et que si je veux le mettre en valeur, je n'aurais pas le choix que d'en avoir quelques exemplaires. (M.L.)

Le Musée prêtant aussi à plusieurs maisons historiques, musées régionaux et centres

d'interprétation, le fait de posséder quelques exemplaires d'objets semblables et souvent

empruntés justifie selon eux cette légère redondance. Il s'agit toutefois de situations

exceptionnelles.

187 Nathalie Heinich, La fabrique du patrimoine : « de la cathédrale à la petite cuillère », Paris, Maison des sciences de l'homme, 2009, p. 219-232. 188 Rompre, op. cit., p. 52. 189 Le Ménestrel, op. cit., p. 82.

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Ces nuances apportées par les conservateurs suggèrent une certaine hiérarchisation

des critères de sélection et d'élimination. Ces distinctions rejoignent en quelque sorte la

classification des critères proposée par la sociologue Nathalie Heinich. Dans son étude sur

le travail des chercheurs de l'Inventaire du patrimoine de France, elle identifie trois types

de critères influençant la sélection des objets ou des monuments patrimoniaux : les critères

univoques dont la présence justifie la sélection d'un objet, les critères ambivalents jouant

selon les contextes en faveur ou en défaveur de celle-ci et les critères latents. Ces derniers

sont de moindre importance dans le processus décisionnel. Leurs présences ou leur absence

influent sur la sélection principalement lors de cas limites où l'expert doit trancher. À ces

critères prescrits et considérés par les acteurs comme étant objectifs, elle ajoute les critères

proscrits, soit ceux ne devant pas être pris en compte lors de la sélection19 . En ce sens, les

précisions des conservateurs permettent de mieux saisir ces critères dominants ou

ambivalents qui orientent leurs choix. Toutefois, même s'ils favorisent généralement les

mêmes critères, la sélection des objets ne peut se dégager de toute subjectivité.

On a tous des manières différentes comme conservateurs de voir les choses... À mon avis, l'objectivité est très très difficile, parce qu'on est tous des émotifs. L'émotion prend la plupart du temps le dessus sur le rationnel et on a tous des regards très différents sur les objets, qu'ils soient dans nos secteurs ou dans les autres. (S.T.)

Puisque la sélection d'un objet se base sur l'interprétation par le conservateur des critères et

des objectifs identifiés par l'institution, un secteur de collection va donc toujours « prendre

la couleur » (S.T.) du conservateur qui en est responsable.

4.2. La documentation

Dans un musée, la documentation d'un objet a d'abord pour objectif de rassembler

différents renseignements de façon à constituer un dossier documentaire sur chacun des

objets acquis191. La recherche documentaire s'intéresse aux aspects matériels et immatériels

rattachés à l'objet et rassemble divers types de sources (écrites, visuelles, sonores, etc.).

Pour Gob, il s'agit d'une étape incontournable du processus de muséalisation : « La

190 Heinich, op.cit.. p. 219-232. « Documenter », dans Desvallées et Mairesse (dir.), op. cit.. p. 590.

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documentation des objets muséalisés constitue une obligation majeure pour le musée. À

défaut, l'acquisition est incomplète et sans valeur192. » Au Musée de la civilisation, la

documentation est préalable à l'acquisition de l'objet et s'effectue principalement au

moment de la préparation du dossier d'acquisition.

4.2.1. La recherche documentaire : variables, outils et méthodes

Il est possible de diviser l'étape de la documentation en deux phases principales,

soit avant et après l'acquisition de l'objet. Au Musée de la civilisation, la documentation

débute au moment de la sélection permettant au conservateur d'appuyer sa décision de

retenir ou non un objet. En ce sens, les deux premières étapes du processus de

collectionnement se chevauchent. Lorsque le conservateur entame la procédure

d'acquisition, il poursuit le travail de documentation. Dans un premier temps, il colligé

l'information déjà disponible en interrogeant les propriétaires : « Lorsque la sélection [des

objets] est faite, on s'assoit avec le propriétaire et on commence une série de questions pour

essayer de documenter la collection qui va nous être offerte. » (M.L.) La prise de notes et

de photographies permet au conservateur d'orienter ses recherches par la suite.

Au Musée, la documentation a d'abord comme objectif de réunir différents

renseignements permettant de constituer le dossier d'acquisition que le conservateur doit

présenter à un comité responsable du développement de la collection. Il faut toutefois

préciser qu'à cette étape la documentation concerne généralement des ensembles d'objets et

ne documente pas nécessairement chacune des pièces de façon individuelle : « C'est sûr

que quand tu acquiers 400 objets, tu n'as pas le temps de tout documenter, mais tu as un

niveau de documentation qui te permet de justifier l'acquisition dans l'ensemble. » (CD.)

La documentation est donc réalisée dans un contexte particulier où le conservateur doit

justifier l'acquisition de l'objet ou de l'ensemble concerné.

Parce qu'on ne sait pas si l'objet va être acquis, il faut doser l'information par rapport à la documentation, c'est-à-dire essayer d'en prendre le plus possible pour rendre l'objet suffisamment intéressant et de voir son importance. Mais on n'ira pas à fond dans la documentation pour le présenter au comité, parce qu'on pourrait y passer des semaines et des semaines. (M.L.)

192 Gob, « Le jardin des Viard ou les valeurs de la muséalisation », paragraphe 14.

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81

La recherche permet de situer l'objet par rapport à la collection du Musée en faisant ressortir différents éléments de contexte venant justifier sa pertinence sur le plan historique, sociologique, technologique, etc. La documentation permet généralement de retracer les aspects socio-historiques reliés aux objets, ainsi que les principales étapes de leurs parcours

et se base d'abord sur les informations transmises par le propriétaire1 3. La date de fabrication et la provenance apparaissent comme des informations fondamentales. Souvent, celles-ci sont fournies par le propriétaire. Cependant, lorsqu'elles sont manquantes, une

recherche documentaire peut permettre de les repérer. Une conservatrice précise qu'elle applique dans ce cas une méthode comparative lui permettant par exemple de dater la pièce.

Je vais faire une grille montrant l'objet qu'on a. Je mets deux ou trois colonnes montrant des objets similaires dans des collections connues, la plupart du temps en Europe, [...] et je lis l'objet comme on va lire un livre. On décrit de la tête aux pieds, élément par élément : le bandeau de la tête, est-ce qu'il ressemble à celui-ci et celui-ci? Est-ce qu'il est fait de matériaux plus anciens que les autres? Quelles autres particularités ou différences y a-t-il avec les autres collections? Finalement, on se fait un créneau de datation, [comme] un entonnoir, et tout d'un coup on arrive à établir [la période de fabrication]. (M.P.R.)

Chaque conservateur établit sa propre démarche de documentation et oriente sa recherche en fonction de l'objet, de son secteur de collection ainsi que de l'argumentaire qu'il souhaite développer.

Par effectuer leurs recherches, les conservateurs utilisent différents outils. Le centre de documentation du Musée leur donne accès à des ouvrages et des périodiques spécialisés; Internet s'avère également un outil indispensable. D'ailleurs, plusieurs sites web sont cités comme référence lorsqu'on examine les dossiers d'acquisition les plus récents tirés de notre corpus. Lorsque cela est nécessaire, les conservateurs font aussi appel à leurs réseaux professionnels qui peuvent leur transmettre divers renseignements ou leur fournir des pistes de recherches afin d'approfondir la documentation d'une pièce.

193 L'enquête orale apparait comme une source documentaire à exploiter. À l'occasion, cette méthode est utilisée afin de documenter les pièces avant ou après l'acquisition. Cependant, les conservateurs n'ont que très rarement la possibilité de recourir à cette méthode, privilégiant plutôt les rencontres informelles avec les propriétaires au moment de la sélection de la pièce. Toutefois, il arrive, à l'occasion de projets étudiants, de stages ou de cours universitaires offerts en partenariat avec l'institution, que des enquêtes orales soient réalisées par des étudiants auprès de donateurs et versées par la suite au Musée de la civilisation.

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La recherche documentaire permet de compléter la fiche d'acquisition, composante

principale du dossier, à laquelle le conservateur joint des photographies de l'objet.

Cependant, les dossiers d'acquisition n'ont pas toujours compté de fiche détaillée. Par

exemple, les objets acquis à la suite d'une exposition ou qui avaient une valeur inférieure à

5 000$ n'avaient pas, dans les premières années du Musée, à passer par ce processus

administratif. L'acquisition de ces objets était décidée seulement à l'interne, sans l'avis

d'un comité . Or, avec les années, le processus administratif s'est étendu à l'ensemble des

objets acquis. Le dossier d'acquisition s'est également développé, puis uniformisé. À partir

des années 2000, on retrouve d'ailleurs des fiches standardisées. Outre les renseignements

techniques concernant les coordonnées des propriétaires et les modalités d'acquisition, on

retrouve sur ces fiches plusieurs zones que le conservateur doit compléter :

• Description de l'ensemble de l'offre

• Justification muséologique

• Axes de développement

• État de conservation

• Références bibliographiques

• Recommandation du conservateur responsable du dossier195

La fiche ne permettant pas toujours d'exposer tous les renseignements recueillis, un

document complémentaire peut aussi être préparé par le conservateur et annexé au dossier.

Celui-ci vient enrichir la documentation sommaire présentée dans la fiche. Cette annexe se

compose principalement de reproductions d'articles ou de sections d'ouvrages spécialisés

qui traitent par exemple d'un artiste, d'un fabricant ou du contexte historique. Certains

dossiers réfèrent aussi à des manuels d'utilisation, à des sites Internet et à des dictionnaires

spécialisés.

Ainsi, tous les objets, anciens ou récents, acquis par le Musée sont préalablement

documentés. Sur ce point, il faut souligner l'avantage que peut représenter le

194 Pratique attestée par Sara Le Ménestrel, (op. cit.,p. 86.) et par Richard Dubé. 195 La fiche contient également la recommandation du comité qui accepte ou refuse l'objet. La décision et le commentaire sont alors ajoutés sur la fiche à la suite du passage du dossier devant le comité.

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collectionnement de l'objet contemporain dont l'accessibilité de la documentation permet souvent une collecte d'informations approfondie et plus complète196. Cependant, le caractère souvent banal ou commun de l'objet courant peut déstabiliser le conservateur responsable de sa documentation, comme le souligne l'ethnologue Jacques Hainard, rapportant la situation au milieu des années 1980 au Musée d'ethnographie de Neuchatel:

Cela a été une aventure forte et un moment important dans notre réflexion lorsque nous avons pris la décision de réserver à ces objets le même traitement, au même niveau (enregistrement, inventaire, photographie, description), qu'aux autres pièces de nos collections; cette option n'a pas été sans effets sur les conservateurs, entraînés à décrire des objets africains ou océaniens et qui devaient tout à coup décrire une boîte de sardines ou une cravate... Nous avons réalisé que nous avions des a priori sur les objets d'ici, qui faisaient que nous les décrivions très mal. Nous pensions qu'il était inutile d'en expliquer les formes et le sens, alors même que nous étions hyper-scrupuleux s'agissant d'objets en provenance d'autres cultures197.

En effet, la documentation d'un objet que tout le monde connait peut paraître futile, mais permet notamment de dégager le sens que leur accordent leurs propriétaires. La description détaillée et la documentation approfondie permettent de préciser les différents usages et fonctions de ces objets familiers tout en permettant de saisir leurs significations198. Ces renseignements seront d'ailleurs essentiels dans le futur, lorsque l'objet aura été remplacé ou transformé.

Au Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, à Marseille, la collecte du contemporain implique des recherches sur le terrain visant à documenter les objets ainsi que recueillir les pratiques et les significations qui leur sont rattachées.

[...] les objets contemporains sont produits industriellement, souvent dans des contextes mondialisés. Seul un travail de recherche sur leur production et sur leurs usages va permettre de comprendre comment nos objets prennent, souvent plusieurs fois dans leur existence, des sens différents dans de nouveaux

199

contextes .

i % Le Ménestrel, op. cit., p. 83. 197 Réda Benkirane et Erica Deuber-Ziegler, « Quels chantiers pour l'ethno? Entretien avec Jacques Hainard » dans Benkirane et Deuber-Ziegler (dir.), op. cit., p. 133-134. 198 Marcel Moussette, « La culture matérielle », dans Bernard Arcand et. al.. Perspectives anthropologiques; un collectif d'anthropologue québécois, Montréal, Éditions du Renouveau pédagogique, 1979, p. 25-38. 199 Chevalier, op. cit., p. 635.

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Au Musée de la civilisation, l'objet contemporain subit le même traitement sur le plan de la documentation que les objets plus anciens. Le corpus démontre que, de manière générale, l'adoption d'une fiche d'acquisition standardisée a encouragé une plus grande documentation des pièces acquises ou, du moins, a favorisé la mise par écrit de l'information recueillie par le conservateur. La consignation des contextes de fabrication et et d'utilisation de l'objet semble aussi être de plus en plus valorisée, alors que le contexte d'acquisition par le Musée est rarement développé.

Une seconde phase de documentation est effectuée après l'acquisition par les techniciens en muséologie au moment de l'enregistrement de l'objet. Ceux-ci se basent d'abord sur les informations fournies dans le dossier d'acquisition. À cette étape, chacun des objets acquis est alors documenté et enregistré dans la base de données du Musée200. Une conservatrice souligne que, lorsque l'acquisition est confirmée et que l'objet arrive au Musée, elle tente de se rendre à la Réserve afin de voir l'objet et de compléter les renseignements déjà recueillis. Cependant, la recherche réalisée avant l'acquisition est généralement la seule documentation effectuée par les conservateurs, aucune documentation supplémentaire n'étant effectuée post-acquisition. Leur travail les amène plutôt à réaliser un autre type de documentation, dans le cadre des activités de diffusion. La recherche est alors orientée en fonction de la thématique abordée dans l'exposition. Elle est effectuée dans un certain contexte et répond à des objectifs spécifiques. Cette pratique favorisant les recherches en lien avec les activités de diffusion plutôt que celles sur les objets eux-mêmes semble répandue dans le milieu muséal et particulièrement dans les musées d'histoire et d'ethnologie201.

4.2.2. La préparation du dossier : description et justification muséologique

À l'intérieur de la fiche d'acquisition, deux zones exigent un développement particulier, soit celle de la description et celle de la justification muséologique. Dans un premier temps, le conservateur doit donc décrire l'ensemble offert. On retrouve dans cette

2 0 0 Nous reviendrons sur ce point dans la section 4.4.2. Le traitement et le catalogage. 201 Bergeron et Davallon, « Recherche : Regard & analyse », dans Desvallées et Mairesse (dir.), op. cit., p. 532.

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zone le nombre de pièces concernées, l'identification de chacun des objets et, s'il y a lieu,

de leurs composantes. L'analyse du corpus démontre que la description physique des objets

demeure relativement sommaire, se limitant parfois à l'énumération du contenu de

l'ensemble. On y mentionne aussi à l'occasion la technique de fabrication, les matériaux, le

style, les couleurs, les motifs et les dimensions. En ce sens, les descriptions présentent des

éléments formels, mais surtout contextuels : l'année et le lieu de fabrication, le nom de

l'artiste ou du fabricant, la provenance des matériaux, le nom du propriétaire, le contexte

d'acquisition et d'utilisation, les significations ou le contexte socio-historique. Les

descriptions varient en longueur d'un dossier à l'autre, mais demeurent brèves :

« Chasubles et étoles en lainage de couleur naturelle, décorées de motifs au pochoir. Travail

effectué dans les ateliers de l'abbaye. L'assemblage a été fait par une couturière locale et

une bénévole. Les tissus sont soit achetés sur le marché soit proviennent d'artisans202. »

Plus souvent, elles sont très courtes et adoptent un style télégraphique : « 1 paire

d'escarpins lamés or à orteils moulés . »

Dans la zone concernant la justification muséologique, le conservateur présente son

argumentaire afin de démontrer la pertinence de l'objet qu'il souhaite intégrer à la

collection du Musée. Les exemples étudiés exposent la variété des justificatifs avancés.

L'argumentaire est détaillé à l'intérieur d'un texte suivi ou énoncé en différents points. Sur

toutes les fiches d'acquisition consultées, l'objet est situé par rapport à la collection. On

précise alors qu'il vient compléter un secteur déjà existant ou qu'il ouvre un nouveau

champ de collectionnement. Les éléments contextuels parfois évoqués dans la description

sont repris et développés dans la justification. Ils deviennent alors des arguments exposant

l'intérêt de l'objet. On peut y retrouver par exemple le contexte de production et

d'utilisation ainsi qu'une présentation du créateur, du fabricant ou du propriétaire. La

précision des contextes de création et d'utilisation permet aussi de situer l'objet sur le plan

historique, social ou technologique. Si les arguments avancés concernent d'abord le

développement de la collection, ils renvoient aussi parfois à l'iconicité, à la rareté ou au

caractère exceptionnel de la pièce. Ils font ressortir l'intérêt pour la diffusion ainsi que la

202 Fiche générale d'acquisition, Dossier d'acquisition CA1999-012, 22 février 1999. 03 Fiche d'acquisition, Dossier d'acquisition CA2002-021, 21 janvier 2003.

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présence d'une documentation. Il arrive également que les conservateurs reprennent dans

cette zone les axes de développement de la collection.

En examinant les différents justificatifs, on constate que les enjeux principaux qui

motivent la collecte du contemporain comme la représentativité, le désir d'éviter la

disparition de l'objet et celui de constituer une collection qui représentera demain la société

d'aujourd'hui, ressortent peu de l'argumentaire. Tout au plus retrouve-t-on quelques

références au caractère contemporain de l'objet et au fait que son acquisition permettrait

d'ouvrir la collection aux productions du 21e siècle. Dans une des justifications, une

conservatrice souligne que l'objet est difficile à trouver sur le marché, ce qui peut laisser

sous-entendre que l'on souhaite l'acquérir avant qu'il ne disparaisse complètement. Or, cet

objectif n'est pas explicite.

Une fois que la description et la justification sont complétées, le conservateur réunit

la fiche, les photographies et, s'il y a lieu, la documentation complémentaire afin de

constituer le dossier d'acquisition qu'il remet au registraire. Le dossier sera ensuite présenté

et analysé par un comité, lors de son acquisition.

4.3. L'acquisition

Après la sélection de l'objet et sa documentation par les conservateurs, vient le

moment décisif de l'acquisition204. Cette étape se compose d'une série de gestes,

principalement administratifs, qui permet à l'objet de recevoir la reconnaissance du Musée

et de lui concéder officiellement le statut d'objet de la collection205. Il s'agit donc d'une

phase importante, mais qui n'est pas sans conséquence pour l'institution :

204 Dans l'univers muséal, ce terme est parfois utilisé de façon large afin de désigner l'ensemble du processus, de la sélection de l'objet à sa conservation. Dans le cadre de cette recherche, afin de délimiter chacune des actions qui permettent d'intégrer un objet à la collection, l'acquisition réfère plutôt à un moment précis pendant lequel l'objet devient officiellement propriété d'une institution muséale. 05 Yves Bergeron, « Collection ; Regard & analyse », dans Desvallées et Mairesse (dir.), op. cit., p. 60.

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d'un point de vue strictement pragmatique, [l'acquisition] signifie que jamais plus on ne pourra se défaire de l'objet acquis, qu'il devra être protégé, gardé, placé pour une période qui dépasse les perspectives d'une vie humaine, ce qui implique évidemment d'importants coûts professionnels et matériels, d'où l'importance du choix et, par conséquent, de la valeur ajoutée à cet objet206.

Afin d'assurer un développement cohérent de la collection, le Musée a mis sur pied une

structure administrative qui évalue chacune des propositions d'acquisition et s'assure de

leur pertinence.

4.3.1. Les modalités d'acquisition

Le Musée de la civilisation prévoit trois modes distincts de développement des 'yçyj 908

collections, soit le don , l'achat et le dépôt . Le don est le principal moyen d'acquisition,

alors que les achats sont restreints au minimum et réservés aux pièces rares qu'il serait

difficile d'acquérir par donation209. Ainsi, le don est essentiel pour le développement de la

collection nationale. Cependant, le Musée ne peut acquérir tout ce qui lui est offert. Les

institutions muséales doivent agir avec prudence et encadrer leurs collectes par une

politique de collectionnement claire, comme le souligne Gob et Drouguet : « Le musée doit

avoir une politique volontariste, dynamique, en matière d'acquisition, ne pas se contenter

d'être un réceptacle passif qui accueille les objets qu'on veut bien lui confier210. »

Le mode d'acquisition peut être pris en considération par le conservateur au

moment de la sélection de l'objet. Cependant, même si le coût d'achat peut être un obstacle

à l'acquisition, les conservateurs soulignent qu'il est parfois possible de négocier avec le

propriétaire ou de trouver un autre moyen de financement : « Il ne faut pas que je m'arrête

toujours [au coût], parce que parfois il y a moyen de négocier des choses. [...] Mais si on

206 Andrée Gendreau, « La réserve nationale, tombeau des rois ou centre de distribution? », dans Andrée Fortin (dir.), Produire la culture, produire l'identité, Québec, Les Presse de l'Université Laval, CÉFAN Culture française d'Amérique, 2000, p. 20. ; Cet extrait présente l'acquisition comme une étape irréversible. Précisons cependant que le Musée de la civilisation a adopté en 2002 une politique d'aliénation des collections. L'aliénation demeure néanmoins une mesure employée qu'exceptionnellement. À ce sujet, lire Gendreau, « La collection du Musée de la civilisation, principes et orientations », p. 55-60. 207 Le don inclut également le legs, soit le don fait par testament. 208 Dans le cas d'un dépôt, le Musée veille à la conservation de collections appartenant à d'autres organismes ou institutions. 209 Gendreau, La collection du Musée de la civilisation : principes et orientations, p. 28. 210 André Gob et Noémie Drouguet, La muséologie. Histoire, développements, enjeux actuels, 2e édition, Paris, Colin, 2006, p. 157.

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ne s'y intéresse pas, c'est un patrimoine perdu souvent. » (M.P.R.) Le mode d'acquisition peut aussi avoir des incidences sur la décision des comités responsables du développement de la collection, les membres pouvant par exemple demander au conservateur de négocier avec le vendeur si le coût d'achat est trop élevé ou de refuser un objet à cause du prix exigé. Toutefois, le mode n'affecte pas le processus de muséalisation, la démarche appliquée par le conservateur, de la sélection à la conservation, étant la même qu'il s'agisse d'un don ou d'un achat.

Les exemples d'objets contemporains proposés par les conservateurs contiennent un nombre similaire de dons et d'achats. Il faut cependant préciser que tous les achats et certains dons de particuliers ont été motivés par des projets d'exposition . D'autres dons proviennent des Amis du Musée. Pendant une vingtaine d'années, cette association a participé au développement de la collection, notamment en privilégiant « le don d'objets contemporains porteurs de traditions et de visions nouvelles . » C'est par son soutien financier que le Musée a acquis par exemple, en 1992, une sculpture de l'artiste inuit Matiusie Iyaituk213 réalisée l'année précédente ainsi qu'un ensemble de célébrant214 produit à l'Abbaye de Saint-Benoît-du-Lac datant de la fin des années 1990 et intégré aux collections en 1999215.

4.3.2. Le passage devant un comité : changement de statut

Afin de rendre l'acquisition officielle, l'objet doit être présenté à un comité qui recommande ou non son intégration à la collection. Deux comités se divisent cette tâche selon la valeur monétaire des objets à acquérir. Le comité de développement évalue les demandes d'acquisition dont la valeur totale est estimée entre 10 000$ et 100 000$216. fl se compose généralement de six ou sept membres incluant le président du Conseil

C'est alors le Service des expositions qui débourse pour l'achat de l'objet à partir des budgets d'expositions et qui le confie par la suite au Service des collections.

Richard Dubé, op. cit., p. 43. 213 Voir l'annexe 2, fiche 91-2114.

Voir l'annexe 2, fiche 1999-7. L'association des Amis du Musée a mis fin à ses activités en 2011. Pierre Asselin, « Terminer, le règne des

Amis du Musée de la civilisation », Le Soleil, 2 mars 2011. ; Isabelle Porter, « Le Musée de la civilisation de Québec échange ses "amis" pour des abonnements », Le Devoir, 3 mars 2011.

Les acquisitions excédant 100 000$ doivent être approuvées par le conseil d'administration du Musée.

Page 94: La collecte de l'objet contemporain : L'exemple du Musée de la

89

d'administration ou son délégué, le directeur général, le directeur du Service des

collections, un ou deux autres membres internes et au moins deux membres externes. Ces

derniers peuvent être des universitaires, des chercheurs, des muséologues, des ethnologues,

des collectionneurs, etc.

Les acquisitions dont la valeur est estimée à 10 000$ et moins sont évaluées par un

comité consultatif composé de membres internes et, depuis 2011, d'au moins un membre

externe. Pendant les premières années, aucun comité n'était responsable d'évaluer ces

demandes. L'acquisition de ces objets se faisait d'un commun accord entre les

conservateurs, le directeur des collections et le registraire. Cette situation explique

l'absence fréquente de fiches d'acquisition, voire même dans certains cas de dossiers

d'acquisition, pour les exemples les plus anciens de notre corpus. Aujourd'hui, le passage

devant un comité et la présentation d'un dossier s'étend à l'ensemble des objets acquis,

incluant les objets exposés qui sont par la suite transférés aux collections.

Au moment du passage devant le comité, le conservateur responsable du dossier

doit exposer ses arguments et répondre aux questions soulevées par les membres. Il doit

démontrer de quelle façon l'objet enrichit ou complète la collection existante et présenter

sa valeur sur le plan historique, ethnologique ou de la diffusion. Il s'agit d'une étape

cruciale. Un conservateur résume : « Le comité a le droit de vie ou de mort sur un objet, à

toi de défendre tes idées. » (G.T.) Après l'analyse du dossier, le comité émet une

recommandation, autorisant ou refusant l'acquisition217. Puis, le directeur général approuve

la décision du comité. Cette reconnaissance officielle de l'objet par le comité vient soutenir

l'intérêt qu'avait manifesté au départ le conservateur au moment de la sélection.

Lorsque toutes les étapes administratives sont complétées, le conservateur contacte

le propriétaire afin de l'informer de la décision du comité. Si l'offre d'acquisition est

acceptée, un transfert de propriété doit être signé, l'objet devenant propriété de l'institution.

C'est d'ailleurs à cette étape que s'effectue officiellement le changement de statut de

l'objet, passant d'objet usuel, de collection privée ou d'accessoire d'exposition à objet de

217 II arrive que l'acceptation de l'objet soit conditionnelle. Par exemple, une documentation d'appoint peut être demandée au conservateur. Dans ce cas, l'acceptation est reportée à la réunion suivante.

Page 95: La collecte de l'objet contemporain : L'exemple du Musée de la

90

musée. Or, ce statut demeure théorique. Pour que l'intégration soit complète, l'objet doit

être pris en charge par le Musée qui s'engage dès lors à assurer sa conservation à long

terme.

4.4. La conservation: prise en charge de l'objet et intégration physique à la collection

Après l'acquisition, l'objet entre dans la dernière phase du processus de collectionnement. Sa prise en charge et sa conservation sont confiées à l'équipe de techniciens et de manutentionnaires du Musée et implique peu le conservateur. L'objet est d'abord extrait de son milieu et apporté à la Réserve muséale. L'« arrachement » de son

* 918

contexte d'origine est une condition essentielle à sa muséalisation . Il subit ensuite une série de manipulations physiques qui achève son intégration à la collection. Sa conservation à long terme est dès lors assurée grâce à l'adoption de mesures de sécurité garantissant une protection contre le vol, le vandalisme, les intempéries, les incendies et les catastrophes naturelles tout en offrant un environnement contrôlé diminuant l'impact des facteurs de dégradation des objets (comme la lumière, la température, l'humidité, la pollution, la moisissure et les insectes).

4.4.1. Le transport

Dans un premier temps, l'équipe de la Réserve, sous la supervision du registraire des collections, organise le transport de l'objet. À l'occasion, le conservateur est présent lors de cette étape, surtout lorsqu'il s'agit d'acquisition particulièrement imposante, comme le souligne l'une d'entre eux : « Pour un donateur très important, je pense qu'il faut assurer une présence jusqu'à la fin. C'est une question de confiance, de reconnaissance aussi. Alors, pour les grandes donations, je me donne l'obligation d'être là le plus souvent possible. » (S.T.) C'est le conservateur qui évalue s'il doit ou non se présenter sur place.

Arrivée à la Réserve, les objets sont ensuite mis en quarantaine, c'est-à-dire qu'ils

sont isolés pendant quelques jours. Certains objets plus à risque de contenir des insectes,

218 Gob, « Le jardin des Viard ou les valeurs de la muséalisation », paragraphe 4.

Page 96: La collecte de l'objet contemporain : L'exemple du Musée de la

91

comme les textiles et ceux faits de matériaux organiques ou de fourrure, sont mis dans un

congélateur pour une période de quatorze jours à la demande de la technicienne en

muséologie. C'est elle qui évalue les risques d'infestation et demande que ce traitement soit

appliqué en cas de doute. Ensuite, les objets sont entreposés dans un espace grillagé à

l'intérieur d'un local de travail.

4.4.2. Le traitement et le catalogage

Le traitement de l'objet consiste d'abord à le retirer de l'espace de transition où il

avait été temporairement rangé et à lui attribuer un numéro d'accession (NAC). Ensuite, les

techniciens en muséologie créent la fiche informatisée de l'objet qu'ils complètent à partir

du dossier d'acquisition. À cette étape, les objets sont traités de façon individuelle, chacun

recevant un numéro et ayant une fiche. Le dossier contient déjà plusieurs informations

utiles pour l'enregistrement. Outre le nom de l'objet, sa provenance et le nom du donateur,

on peut aussi y retrouver différentes précisions sur son histoire et sur le contexte de création

ou d'utilisation. Après avoir intégré les renseignements du dossier, les techniciens

complètent la fiche. Ils rédigent une description physique de l'artefact, transcrivent les

inscriptions présentes sur la pièce et inscrivent les dimensions. Ils attribuent également une

catégorie et une sous-catégorie à l'objet selon la classification proposée par le Réseau Info-

Muse219.

À l'occasion, il arrive que les techniciens poursuivent le travail de documentation.

Par exemple, si un objet possède une étiquette, ils peuvent y retrouver le logo permettant

d'identifier le nom du fabricant, puis réaliser une courte recherche sur celui-ci. Internet

semble l'outil le plus utilisé, les compagnies présentant régulièrement sur leurs sites un

historique de leur entreprise et, à l'occasion, des indications permettant de dater les objets.

Néanmoins, cette recherche demeure sommaire. À cette étape, d'autres photographies sont

réalisées et viennent compléter la fiche informatisée.

219 « Comment documenter vos collections ? Le guide de documentation du Réseau Info-Muse », Société des Musées Québécois, Internet.

Page 97: La collecte de l'objet contemporain : L'exemple du Musée de la

92

4.4.3. La numérotation et la mise en réserve

Après l'enregistrement dans la base de données, les manutentionnaires inscrivent le NAC sur la pièce220. Cette intervention directe sur l'objet confirme dès lors son appartenance au Musée. Une étiquette contenant le NAC, le nom de l'objet, son emplacement permanent à l'intérieur de la Réserve et un code-barres permettant de le retracer rapidement est attribuée à l'objet. Lorsque cela est nécessaire, des supports

991

particuliers peuvent être réalisés afin d'assurer une conservation adéquate. Selon ses 999

matériaux, l'artefact est ensuite rangé dans la voûte appropriée . Dès lors, l'objet est entreposé à l'intérieur d'un environnement contrôlé, jusqu'à ce qu'il soit réclamé pour des projets d'expositions du Musée ou emprunté par une autre institution.

4.5. Objets anciens ou contemporains : variations et particularités de la démarche

Au terme de ce parcours, l'objet devient une composante à part entière de la collection nationale. Les différents points de contrôle qu'il franchit et les diverses manipulations réalisées par l'équipe du Musée le font passer graduellement d'objet usuel à objet de collection. Il atteint ainsi ce que plusieurs auteurs considèrent comme l'aboutissement de sa carrière : « C'est, à proprement parler, le plus haut niveau de reconnaissance puisqu'il est censé être protégé pour l'éternité dans les réserves de musées

220 Dans la pratique, le terme « naquer » est aussi employé par les techniciens du Musée pour désigner cette action de numérotation. Le terme « marquage » peut aussi être utilisé comme le suggèrent le Service de soutien aux institutions muséales et la Société des musées québécois (Élaborer une politique de gestion des collections : guide pratique. Québec, Direction du patrimoine et de la muséologie, Ministère de la Culture, des Communication et de la Condition féminine, 2008, p. 36.) 221 Chaque type d'objet nécessite un rangement approprié en réserve qui tienne compte de ses particularités (formes, dimensions, matériaux, état de conservation, etc.). Sur la mise en réserve et la conservation préventive des objets de musée, consulter notamment : Chris Caple (dir.), Preventive conservation in museums, Londres; New York, Routledge, 2011, 588 p.; Centre de conservation du Québec, « Conservation préventive », Ministère de la Culture, des Communications et de la condition féminine, Internet.; E. V. Johnson et J.C. Horgan, La mise en réserve des collections de musées, Paris, UNESCO, 1980, 59 p. (Protection du patrimoine culturel, Cahiers techniques : Musées et monuments n° 2). 22 La Réserve muséale se compose de neuf voûtes. Les animaux naturalisés, les peintures, les métaux et les

textiles sont entreposés dans des voûtes distinctes. Les objets de bois sont répartis, selon leurs dimensions, à l'intérieur de deux salles, tout comme les objets faits de matériaux composites. Une chambre froide contient également les objets particulièrement fragiles faits de matériaux organiques, de fourrure, de cuir, de caoutchouc ou de plastique. Voir Andrée Gendreau et Marie-Charlotte De Koninck (dir.), La Réserve muséale de la Capitale nationale, Québec, Multimondes, 2004, 107 p.

Page 98: La collecte de l'objet contemporain : L'exemple du Musée de la

93

où se retrouvent les objets jugés les plus précieux de la mémoire collective223. » Ce

processus d'intégration à la collection est le même pour l'ensemble des objets acquis par le

Musée, sans égard au type d'objet ou à sa date de fabrication. En effet, tous les

conservateurs soulignent que le caractère contemporain d'un objet n'entraine aucune

modification dans sa muséalisation.

SELECTION- DOCUMENTATION - ACQUISITION - CONSERVATION"

Offre' Recherche

Examen PréKminair«

Ouverture rldu dossier

d'acquis.

Refus

Rencontre avec le propriétaire

Recherche documentaire

Préparation du dossier d'acquisition

Passage devant le comité

Acquistion de l'objet

Refus

Transport

Traitement et catalogage

Numérotation

Mise en réserve

Schéma illustrant le processus d'intégration de l'objet à la collection

La durée de ce processus varie d'un objet à l'autre, s'étalant sur quelques semaines

ou sur plus d'une année, selon l'ampleur de la donation dans laquelle l'objet s'insère, la

complexité du dossier, la disponibilité des propriétaires et celle du conservateur ainsi que la

fréquence des rencontres des comités d'acquisition. L'étape de la conservation, quant à elle,

se poursuit au-delà de l'intégration et s'inscrit dans la longue durée.

Depuis l'ouverture du Musée, ce parcours traversé par l'objet a subi peu de

changement. Il semble toutefois que le sentiment d'urgence qu'accompagnait la réalisation

des premières expositions ait fait en sorte d'accélérer le processus et, par la même occasion,

de laisser moins de place à la documentation des objets, faute de temps. C'est aussi ce que

tendent à démontrer les exemples étudiés. On constate que ceux acquis à la fin des années

1980 sont moins documentés et n'ont pas toujours de dossiers d'acquisition, alors que les

1 Bergeron, « Collection ; Regard & analyse », dans Desvallées et Mairesse (dir.), op. cit., p. 63.

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94

dossiers plus récents sont uniformisés et laissent une plus grande place à la présentation des objets ainsi qu'aux contextes de création et d'utilisation. Cette étude expose donc ce raffinement de la démarche énoncé par les conservateurs.

Aux quatre étapes que traverse l'objet viennent s'ajouter, pour une fraction d'entre eux, les expositions et autres activités de diffusion. Si celles-ci s'insèrent généralement au terme du parcours habituel emprunté par l'objet muséalisé et viennent ainsi ponctuer la vie de l'objet pendant sa conservation, il arrive également que l'exposition s'immisce bien plus tôt dans le processus. Par exemple, l'objet peut être exposé avant d'être acquis. Les expositions viennent aussi, à l'occasion, bousculer les étapes en précipitant l'acquisition et l'enregistrement d'un artefact afin d'en faire rapidement un objet de collection et l'exposer aussitôt.

L'analyse des enjeux qui motivent la collecte du contemporain et du processus d'intégration de l'objet à la collection fait ressortir les particularités de sa collecte.

L'objet ancien L'objet contemporain

Définition Objet historique appartenant à un passé disparu.

(1) Objet appartenant à un passé récent (2) Objet appartenant à une réalité

toujours actuelle dont on prédit la disparition.

Statut au moment de l'acquisition Objet historique; objet signifiant

(1) Objet signifiant (2) Objet usuel qui sera signifiant plus

tard.

Rapport au temps

Hier pour demain Regard du présent sur le passé

Aujourd'hui pour demain (1) Regard du présent sur le passé récent (2) Regard du présent sur le présent

Objectif Conserver le passé; Objectif de sauvegarde : acquérir ce qui a évité la destruction.

Conserver le futur passé; Objectif de prévention : acquérir alors que l'objet, en voie de transition, est encore disponible.

Méthodes de collecte

Surtout passives, les offres dépassant la demande.

Nécessité de méthodes proactives, puisque peu offert.

Limites de la collecte

Choisir parmi le nombre limité d'objets ayant évité la destruction.

Choisir parmi le nombre illimité d'objets disponibles; Absence de recul.

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95

Une des caractéristiques de l'objet contemporain est le fait qu'il peut être en usage au moment de son acquisition ou qu'il peut être acheté à l'état neuf directement en magasin. Ainsi, l'objet récent n'a pas nécessairement connu cette phase d'abandon qui précède généralement l'entrée au musée. Alors que, dans la majorité des cas, l'objet ancien est déjà considéré comme un « sémiophore », l'objet contemporain, se situant encore souvent dans sa phase utilitaire, n'est pas toujours signifiant au moment de son acquisition, mais laisse présager qu'il le deviendra plus tard.

Dans la pratique, les particularités de la collecte du contemporain se situent principalement au moment de sa sélection. Alors que les étapes de la documentation, de l'acquisition et de la conservation sont inchangées, la sélection nécessite l'emploi de méthodes de collecte différentes, plus proactives et plus exploratoires que celles utilisées pour les objets plus anciens. En effet, à l'exception des projets d'exposition pour lesquels le conservateur peut rechercher un artefact précis, l'acquisition se fait généralement de façon passive, notamment à cause des budgets qui limitent les achats aux pièces les plus rares et qui seraient difficiles d'acquérir par donation. Or, l'objet contemporain est peu offert. Pour stimuler les acquisitions, les conservateurs avancent différentes solutions, comme la sollicitation citoyenne, la création de comité de spécialistes et l'attribution d'un budget d'acquisition spécifique à la collecte de ce type d'objet. Certains proposent également que leur horaire soit réaménagé de façon à leur permettre de consacrer du temps à la recherche d'objets contemporains à acquérir. De plus, à cause du manque de recul, le risque de sélectionner un objet qui s'avérera plus tard moins pertinent est plus important et fait émerger la nécessité d'une politique d'aliénation souple. Bien que cet élément ait été peu abordé par les conservateurs lors des entrevues, différents auteurs mentionnent cette obligation d'adopter une telle politique qui tiendrait compte des problématiques inhérentes

• 224

au contemporain

Cette étude permet de faire ressortir les différents critères sur lesquels repose la sélection des objets contemporains. On constate que lors de sa sélection et la préparation du dossier d'acquisition, les conservateurs utilisent les critères généraux proposés par

224 Laforge et Toupin, op. cit., p. 12. ; Le Ménestrel, op. cit. p. 85.

Page 101: La collecte de l'objet contemporain : L'exemple du Musée de la

96

l'institution afin d'appuyer leurs choix. Parmi ceux-ci, certains se démarquent. C'est le cas

du critère de représentativité qui ressort fortement du discours des conservateurs.

D'ailleurs, il s'agit à la fois d'un critère de sélection et d'un enjeu motivant la collecte des

objets récents. Témoins de ce renouvellement toujours plus accéléré de la culture

matérielle, plusieurs conservateurs constatent la nécessité de constituer tout de suite des

collections illustrant notre société à défaut de quoi ces objets représentatifs, de plus en plus

variés et éphémères, disparaîtront. De ce point de vue, la disparition prévisible des objets de

consommation les amène à acquérir des objets de façon préventive.

En ce sens, la représentativité apparait plutôt comme un objectif global qui n'est pas

propre à la collecte du présent. En effet, inhérente à la mission des musées de société, la

notion de représentativité prédomine lors de la constitution des collections, peu importe

l'époque à laquelle appartient l'objet concerné. Dans la pratique, les artefacts ne sont pas

catégorisés selon leur caractère ancien ou contemporain. Si le désir de représentativité

amène le Musée à collectionner des objets appartenant à des périodes de plus en plus

récentes, ce même désir est présent au moment de l'acquisition de pièces plus anciennes.

Dès lors, anciens ou contemporains sont réunis à l'intérieur de la même problématique :

comment identifier les témoins les plus pertinents? La tâche demeure ardue, puisque d'un

côté les objets disponibles sont limités et que, de l'autre, le manque de recul rend difficile

l'identification des éléments les plus représentatifs. L'analyse a démontré que, même s'ils

partagent un objectif commun, l'objet historique et l'objet contemporain se distinguent par

les méthodes de collecte qui permettent au Musée d'atteindre cet idéal ainsi que par le

rapport au temps particulier que chacun impose.

Page 102: La collecte de l'objet contemporain : L'exemple du Musée de la

97

CONCLUSION

Cette recherche visait à identifier les pratiques entourant la collecte des objets contemporains. Bien qu'il connaisse un intérêt grandissant dans les musées de société, le phénomène semble avoir jusqu'à maintenant peu attiré l'attention des chercheurs. En posant un regard ethnologique sur les pratiques de collecte du Musée de la civilisation, nous avons cherché à faire ressortir l'intérêt que manifeste celui-ci pour ce type d'objet depuis son ouverture et à rendre compte plus particulièrement de l'actuelle période de réflexion stimulée par la préparation de la politique sur le sujet. À partir des témoignages recueillis auprès des conservateurs à l'automne 2011 et des exemples d'objets contemporains proposés par ceux-ci, nous avons cerné les motifs et les limites qui accompagnent la collecte du récent tout en identifiant le parcours que traversent les artefacts afin d'atteindre le statut d'objet de musée.

La recherche documentaire a d'abord permis de retracer le contexte général dans lequel s'inscrit la création du Musée de la civilisation, ses orientations, sa mission, la formation de son équipe de conservateurs et le développement de sa collection. Ensuite, nous intéressant plus particulièrement à la collecte du récent, nous avons relevé la pluralité des définitions attribuées au contemporain dans cette institution. Au terme de cette analyse, la ligne entre objet ancien et objet récent est toujours aussi difficile à tracer. Polysémique, le contemporain peut s'étendre sur une large période couvrant une cinquantaine d'années ou renvoyer à l'immédiat. Bien que la notion d'usage ait été soulevée à différentes reprises afin de le définir, celle-ci laisse toutefois des questions sans réponse. Par exemple, est-ce qu'un objet dont la fonction utilitaire s'est modifiée avec le temps et qui est aujourd'hui utilisé à d'autres fins est contemporain? D'ailleurs, un objet n'apparait-il pas toujours contemporain aux yeux de la personne qui l'utilise? Tout objet dont l'usage a été réactualisé peut-il être qualifié de contemporain?

Alors que le terme demeure indéfini sur le plan temporel, l'analyse permet toutefois de cerner deux conceptions différentes. Dans certains cas, l'objet contemporain appartient à un passé récent. Dans d'autres cas, il s'inscrit plutôt dans le présent. Dès lors, l'objet

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98

encore en usage et dont on prédit la disparition entre au Musée alors qu'il n'est pas encore

considéré comme signifiant, mais on présume qu'il le deviendra plus tard.

La recherche préliminaire laissait présager une conception du contemporain axée en bonne partie sur l'objet quotidien. Or, ce dernier, bien que mentionné par les conservateurs, n'impose pas de dominantes dans les témoignages recueillis. Les exemples proposés renvoyaient à des objets usuels, mais aussi à des œuvres d'art, à des créations d'artisans, à des pièces de designers contemporains et à des vêtements de culte ou de cérémonie. Ainsi, l'enquête a révélé une vision beaucoup plus ouverte situant l'objet récent, qu'il soit banal ou exceptionnel, à l'intérieur d'une problématique abordant tous les types d'objets et tous les secteurs de la collection.

La collecte organisée du contemporain semble issue d'une réflexion globale sur le développement des collections et de l'identification de nouveaux enjeux incitant les institutions muséales à acquérir l'objet alors qu'il est toujours disponible sur le marché courant. Ce désir de collectionner l'aujourd'hui pour demain apparait comme l'enjeu principal qui distingue la collecte de l'objet récent, répondant à un objectif à la fois de prévention (acquérir l'objet en voie de transition alors qu'il est toujours disponible) et de mémoire (laisser une trace de notre société aux générations futures). Ainsi, le Musée souhaite assurer la constitution de collections représentatives de la société actuelle, se démontrant sensible à son environnement et affirmant son désir de saisir le temps présent.

Cet intérêt pour la collecte du présent découlerait de la combinaison de différents facteurs contextuels tels que l'élargissement de la notion de patrimoine, l'ouverture des collections muséales aux objets des sociétés actuelles et le renouvellement de plus en plus rapide des biens de consommation. Toutefois, ce désir de témoigner, par ses collections, d'une société dont la culture matérielle est continuellement renouvelée apparait comme un défi de taille qui impose aux musées un rythme de collecte accéléré. Comment suivre la cadence?

Page 104: La collecte de l'objet contemporain : L'exemple du Musée de la

99

En fait, cette perception du temps qui s'accélère apparait caractéristique de la société actuelle et a comme conséquence de déplacer la limite entre le passé et le présent.

Nous vivons chaque mois, presque chaque jour, des événements « historiques », en sorte que la frontière entre histoire et actualité devient quotidiennement floue. Les paramètres du temps comme ceux de l'espace connaissent une évolution, une révolution sans précédent. Notre modernité crée

99 S

du passé immédiat [... ] . Dans ce contexte, le musée de société pose un regard sur un passé toujours plus récent, venant chambouler son rapport à la temporalité. De la relation passé/futur qui prédomine lors de l'acquisition des objets anciens, le musée, lorsqu'il identifie les témoins de sa propre société, s'inscrit plutôt dans un rapport présent/futur. Ainsi, la collecte du contemporain renforce le rôle du Musée en tant qu'intermédiaire entre le passé, le présent et le futur.

De cet intérêt pour le contemporain découle également l'importance accrue accordée au critère de représentativité. Cette notion, au cœur de la mission du Musée, entraine la constitution de collections dont l'objectif est d'exposer la société actuelle sous toutes ses facettes. En ce sens, le caractère iconique de l'objet nous apparait comme un critère qui permettrait d'appuyer la représentativité de la collection. Toutefois, ce critère de sélection demeure relativement subjectif et les façons d'identifier ces icônes afin de constituer des ensembles jugés représentatifs sont encore à préciser.

En nous intéressant aux pratiques entourant la sélection, la documentation, l'acquisition ainsi que la prise en charge permettant la conservation à long terme des objets, nous avons fait ressortir les différentes étapes du processus de collectionnement. Le parcours emprunté par l'objet met aussi en lumière la responsabilité du conservateur au cours des différentes étapes du processus et plus particulièrement lors de la sélection. Son rôle est aussi central au moment de la documentation. En tant qu'intermédiaire entre le propriétaire qui propose son objet et le Musée, le conservateur recueille et consigne les renseignements sur les artefacts avant leur acquisition. La consignation du sens accordé par le propriétaire à son objet est un élément fondamental. Sur ce plan, la collecte du récent

25 Marc Auger, Pour une anthropologie des mondes contemporains, Paris, Flammarion, 2010, p. 26.

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100

apparait comme un atout, puisque la personne qui propose son objet contemporain au Musée est souvent celle qui l'a utilisé. Ainsi, elle est en mesure d'enrichir la documentation en y joignant son propre témoignage et en précisant le sens qu'elle lui accorde et les émotions qui s'y rattachent.226

En étudiant l'exemple du Musée de la civilisation, nous avons rendu compte de cette période précédant l'adoption de la politique. Le bilan que nous dressons ne peut être que provisoire puisque la réflexion bat son plein. Le dépôt de cette politique marquera une autre étape dans la collecte du contemporain et viendra sans doute modifier les pratiques permettant d'intégrer à la collection des témoins parmi les plus pertinents de la société d'aujourd'hui. L'analyse des pratiques de collecte a permis de cerner le contexte général entourant l'acquisition de ces objets récents. Par son intérêt pour l'objet contemporain, le Musée reflète également certaines préoccupations de la société actuelle. Qu'allons-nous transmettre? Qu'est-ce qui est représentatif de notre culture? Sous cet angle, l'institution muséale vient témoigner du rapport que la société entretient avec sa propre culture.

[L]es musées s'inscrivent aussi dans le temps et dans l'espace, et reflètent les valeurs et les courants des sociétés auxquelles ils participent. Ds évoluent et leurs réponses ne pourront qu'être temporaires en ce sens qu'ils sont condamnés à une interrogation perpétuelle et à une remise en question de leur mode opérationnel [...]22 .

Ainsi, rendre compte des pratiques de collecte du contemporain invite à poursuivre la réflexion sur le rapport entre musée, culture et société. Cette recherche soulève également des questions sur le rôle patrimonial des collections muséales. Quel regard le musée pose-t-il sur la société d'aujourd'hui et quelles images de celle-ci veut-il transmettre? Une étude comparative des politiques d'acquisition adoptées par différentes institutions permettrait également de dresser un portrait plus large de la collecte du contemporain dans les musées de société et de mettre en parallèle les différents moyens proposés pour rassembler ces témoins du présent et pour constituer ces collections à l'intention des générations futures.

226 Les conservatrices Valérie Laforge et Sylvie Toupin proposent d'ailleurs d'adopter la notion d'affect, c'est-à-dire de considérer l'émotion que fait ressurgir l'objet et qui rattache l'individu à celui-ci, comme critère potentiel lors de la sélection des objets contemporains. Laforge et Toupin, op. cit. p. 13.

27 Michel Côté, « Les enjeux liés à la transformation d'une institution muséale », dans Pierre Alain Mariaux (dir.), Les lieux de la muséologie, Bern, Berlin, P. Lang, 2007, p. 61.

Page 106: La collecte de l'objet contemporain : L'exemple du Musée de la

101

BIBLIOGRAPHIE

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I l l

ANNEXE 1 : Schéma d'entrevue

1- PRÉSENTATION DE L'INFORMATEUR/TRICE

Nom Emploi Lieu de naissance Lieu de résidence Formation et expériences de travail Année d'arrivée au Musée

2- LE TRAVAIL DE CONSERVATEUR/TRICE

• Premières expériences • Présenter le travail de conservateur; tâches principales • Présenter l'équipe de conservateurs ;

Nombre de personnes, division des tâches, secteurs de collections respectifs.

3- LES COLLECTIONS

a) Développement des collections du Musée

• Présenter les collections Constitution des collections Les différents secteurs de la collection

• Politiques d'acquisition. Contenu et utilisation Définition des politiques Axes de développement de la collection

• Changements dans les pratiques de collecte depuis l'ouverture (ou depuis son arrivée au Musée). Comparer 1988 et aujourd'hui (ressemblances/différences?)

b) L'objet quotidien

• Définition • Rôle et utilisation • Objectifs, motifs; pourquoi le collectionner?

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c) L'objet contemporain

• Définition • Rôle et utilisation • Objectifs, motifs; pourquoi le collectionner? • Comparer la situation en 1988 et aujourd'hui

Quand commence-t-on à s'y intéresser? Augmentation ou diminution d'objets contemporains collectionnés? Dans quelles sections de la collection on en retrouve?

• Difficultés et limites de sa collecte

• Le parcours de l'objet, de la maison au Musée? Les étapes d'acquisition

Sélection Documentation Acquisition Conservation Exposition

Est-ce les mêmes que pour l'objet historique? Combien de temps pour chacune de ces étapes? Changement dans le processus? Critères de sélection et d'élimination

d) Présentation d'exemples précis (objets contemporains)

• Présenter l'objet, son parcours, justifier son choix, préciser le mode d'acquisition. • Quelles sont les difficultés rencontrées?

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113

ANNEXE 2 : Fiches d'objets

Fiche de l'objet 2011-19, Musée de la civilisation

i l IL J^* J3** Numéro d'accession (nac) 2011-19 Catégorie: Objets personnels Sous-catégorie Habilement c off ure

N_m d'objet Chapeau

Nanttre d'objets 1 Nombre d'éléments: 2 Njrm des éléments Partie inférieure; Partie supérieure

Artiste OeLafontane, ©fse

Titre Les-A-

Période. 1er quart du 21e siècle Date fm production 2000

Technique de fabrication. Artisanal, Teint. Assemblé,Tissé. Cousu Matenau Pale, Plume: Plastique. Fibre; M état Teinture

Translitération inscription À (Intérieur des deux parties du chapeau, sur une etiquette Etyse / Oe Lafontaine

Description: Chapeau formé de deux parties. La partie inférieure, en paie noire tissée et cousue, se compose d'une cataiu arrondie et de deux pointes descendant sur les oreles. Chaque pointe est garnie de deux rubans de la même parle dont les extrémtés sont pourvues d'un bouton sphérlque noir et bleu et de fines plumes volettes, jaunes, orangées et rouges. La seconde partie du chapeau s'insère sur la tête, par-dessus la première, et se fixe au moyen de quatre boutons-pression noirs Blé est confectionnée à partir de bandes de paille noire tissées. He est garnie de ptts à l'avant et à rarnère. de même que de quatre boutons sphériques noirs et bleus sur les côtés. Cette seconde partie forme une pointe vers le haut dont la bordure est ornée de fines plumes violettes, jaunes, orangées et rouges

Comrentaire Ce chapeau fat partie de la coieclion Ephemera de la chapetère et sculpteur e textile Etyse De Lafontaine La coiectlon compte douze chapeaux confectionnés avec de la pale noire tissée Etyse De Lafontane a reçu son diplôme du Centre des textiles corxerrporains de Montréal en 2000 Ele a participé a de nombreuses expositions en Amérique du Nbrdet en Europe et ele a remporté plusieurs prtt, dont le prit Franc ois-Houdé, en 2001. rems par la Vile de Montréal et le Consel des métiers d'art du Quebec Pour réaliser ses créations, rartiste privilégie les plumes et le crin de cheval Be se sert également de paile, de feutre et d'ac ier

Unité de mesure linéaire: cm Hauteur 120 Largeur 56 Profondeur: 30

Culture Canadien, Québécois

28 Les fiches présentées dans cette annexe sont tirées de la base de données informatisée Musim. Seules les fiches des objets mentionnés dans le texte ont été reproduites ici. Ces exemples ne représentent qu'une partie du corpus étudié qui rassemble une quinzaine d'objets ou d'ensembles d'objets contemporains, totalisant plus de 400 artefacts.

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14

Fiche de l'objet 87-105-1, Musée de la civilisation

PnHUHHHH Numéro d'accession (rac): 87-105-1

Départ errent responsable Euro-québécois Catégorie Objets de récréation Sous-catégorie Jouet Secteur La vie sociale et les communications

Njm d'objet Poupée

Nombre d'objets 1 Nombre d'éléments: 5 Noms des éléments Poupée; Robe. Cotant Soûler

Date fin production 1983 c

Fabric ant Original Appalachian A rtw orlcs hc Technique de fabrication industriel; Petit; Moulé. Cousu; Brodé; Tissé, Bourré, Tressé Matériau. Caoutchouc. Peinture, Plastique, Papier, Fibre, Coton, Ftire synthétique. Teinture

Couleur Rouge, Blanc. Jaune, Rose. Pêche. Brun. Doré, Bleu plie, Forêt, Vert pâle

Description: Poupée "PWs Bouts de Choux* composée d'in corps rembourré en tricot de f tire synthétique et d'une tête en caoutchouc synthétique moulé Les bras et les jantes sont cousus au corps Des points lancés et des noeuds former! au bout des membres les mains et les pieds. Les cheveux en ffere synthétique brune sont implantés sur la tête et tressés. Les traits du visage sont peints La poupée est vêtue d'une couche en papier ornée de motifs "Cabbage Patch Kids". dXin cotant rose, de souiers blancs en plastique et d'une robe rose dont les manches et la ceinture sont rayés rose et blanc Cette dernière ferme au dos avec des attaches "Velcrcf et est ornée d'une applque et de broderies représentant une poupée'PIts Bouts de Choux" mscnptionârendosducou: C1978.1983.0AA . WC.

Commentaire Objet acheté et présenté dans le cadre de rexposition "Prerrier Contacf ayant teu du 2 octobre 1987 au 31 ju«etl988

unrté de mesure linéaire cm Hauteur 42 Largeur 43 Profondeur: 12

Pays d'origine Bats-unis Province tfougne: Géorgie Vie d'origine Cleveland

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115

Fiche de l'objet 92-53, Musée de la civilisation 229

Numéro d'accession (nac): 92-53

Département responsable Amérindien-hut Catégorie Structures Sous-catégorie Bâtiment Secteur: Lemobter

Nom d'objet Tente A lire nom de "objet Pi tsshl a tshu ap

Nombre d'objets: 1

Période: 20e siècle Date début production: 1990 Date fin production 1992

Matériau: Métal, Tôle, Fbre, Coton

Couleur Beige Collection Volant, André

Description: Tente de prospecteur entoile beige, de genre prospecteur, avec un cole! en métal pour laisser passer te tuyau de poêle.

Largeur: 410 Longueur 365

Culture Montagnais. A mérindien, Innu Groupe ethnolinguistique: Algonquien

Vie d'utilisation: Sept-îles; Mani-Ulenam Maiiotenam

; Èat de conservation Bon

29 Une cinquantaine d'artefacts divers auraient été acquis avec cette tente.

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Fiche de l'objet 2009-141-1, Musée de la civilisation

« . « , Numéro d'accession (nac): 2009-141-1

Catégorie Outis et équpement pour la communieation Sous-catégorie: 08Ê tralement de données

Nsm d'objet Ordinateur porta» Autre nom de robjet Ordinateur portable, Micro-ordinateur

Nombre d'Objets: 1 Njrrbre d'éléments; 2 Noms des éléments Ordinateur portatif, Adaptateur

*$> ^-Flffc

Période 4e quart du 20e siècle Date début production: 1991-10-21 po Date fin production 1992- 08- 03 an

Fabricant; Apple Computer Inc Technique de fabrication: industriel Matériau Plastique, Métal

Translitération inscrpton: Dessus, sur étiquette: DBMSEMARTa, Dessous, c : JOURNAL DE QUÉBEC/ SS206OOC596/Macintosh TM PowerBook TM 100/ Kl Apple Computer lnc /Cupertino, California/Made in USA / Famty Nurrber; Ml 506/ 7.5V - 20A/UL/ Listed/ Into Tech Bqufc /E73362/13C1 /8RB /CSA /LR83410/FCCID: BCOM1508/This devlcecomplieswlh Part 15 of the FCC Rules, /Operation is subject to the folOwihgtwocondftJons:(1) this/ device may not cause harnfu! interference, and (2) this / device must accept any interference received, including/ interference that may cause undested operation, /This product comptes w th the requirements cf EC Orective / 73/23/EEC and EN 60 950/1991 Apple Computer, Inc. Apple, the Apple logo, Macintosh and PowerBook are trademarks of Apple/ Computer mc ; Sous récran, g : Macintosh/PowerBook 100, Adaptateur, dessous 2-439-503-12/MacMonsh PowerBook/ AC Adapter/ 032489 /Apple Computer, hc. / Cupertino, Calfornia/ Assembled in Japan /Model No : M56S1 (APS-20U)/ CSA / IR60921 / Class 2/ULUSTBD 9182 B82229 Input. 035A/T 91-48389/NDENSANP.G./input AC 100-240V/ 50/60 H. 30-40VA/Output DC 7.5V /2 0A /CAUTION For indoor use onty /For use wlh computer equpment/1993 Apple Computer, he / K/ 953

Description: Ordinateur de tai le réduite, en plastique de couleur gris foncé, dont le plan horizontal est rectangulaire l est muni d'un éc ran. d'un clavier, d'une souris intégrée et d'un adaptateur Deux molettes de réglage sont placées au bas de l'écran, â drote. Les différents ports de connexion sont slués denière Le logo du f abrlquant, une pomme aux rayures rrurbcoiores. se trouve dessus

Commentaire Cet ordinateur portatif et ses accessores ont été utilisés par la journalste Denise Martel Graduée en Techniques de communication du Colège de Jonquère en 1975, madame Martel entre au Journal de Québec en 1976 comme secrétaire de rédaction En 1980. ele devient journalste et Tannée suivante, ele est promue chef de puptre Depuis 1987, elle travaile comme journaliste culurele Ele couvre surtout des spectacles, des fere et des expositors L'ordinateur

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Fiche de l'objet 2009-141-1 (suite)

a fait son entré dans la salle de rédaction du Journal de Québec, vers 1980 Cest cependant vers 1991 que le Journal de Québec met à la disposition de madame Martel r ordinateur portatif ft>w erBook 100 Comme elle est appelée à travaler à rextérieur des murs du Journal, rutilisaton d'un tel ordinateur devrait lui fournr plus d'autonomie Le Fbw erBook 100 est le premier ordinateur portatif cf Apple. I apparait après le Mac Fbrtable. mais est beaucoup moins imposant Sans bouton de mise en marche, rapparel se met en veille dès qu'on le branche, et il suffit d'appuyer sur une touche pour le lancer II possède un processeur Motorola 68HC000 â 15 667 Mhz, une mémoire vKre de 2 Mo et une mémoire morte de 256 Ko, un disque dur de 20 ou 40 Mo. Son écran monochrome de neuf pouces est à cristaux liquides À sa sortie sur le marché, cet ordtiateur était vendu au prix de 2,5005, et le lecteur de disquette externe était vendu en option, au coût de 200$ Les ventes n'ont pas été significatives avant que le prix du produit baisse è environ 1000$

Unité de mesure Inéaire cm Hauteur 52,3 Largeur: 29 Profondeur: 21,8 Ftemarques sur tes dimensons et le poids Dmensions maximales de robjet, avec l'écran ouvert â un angle de 90 degrés

Culture: Canadien; Québécois Continent Amérique du Nord Ffeys d'origine États-Unis Rovince d'origine Californie Vie d'origine: Cupertino

Fays d'utilisation: Canada FYovince cfutasation: Québec Ville d'utilisation. Québec

Remarque du conservateur: Le numéro de série est celui de fadaptateur

Mention: Musée de la civilisaton, don Journal de Québec

Éat de conservation: Bon

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Fiche de l'objet 2011-2-2, Musée de la civilisation

Numéro d'accession (nae) 2011-2-2

Catégorie Outts et equpement pour la cortmineation Sous-catégorie: OSE, trafement de données

Nbmd'objet: Écrand-sranateur

Nombre d'objets: 1

Période 4e cjuartdu 20e siècle Date fin production 1984-12

Fabricant: Commodore Business Machnes hc Technique de fabrication; Industriel Matériau Plastique; Verre; Métal. Caoutchouc

Translitération inser<pt*>n Devant, be commodore/ ROWS* Devant, b d VCEO MONTOR/ M006L 1702/ POWER/ VCEOAUD». Oevant. bg et be. TWT COLOR BRIGHT CONTRAST HPOSfTIONV HOLD VOLUME. Oerrère, he : CSA LR49733, Derrière, C g AUDIO/ COMMODORE VCEO/ LUMA CHROMA /StONALSOECT/ FRONT REAR. Denier* t : Commodore/MODEL NO 1702/AC 120V 6f>e 0 85A /WARNWG: SHOCK HAZARD- DO NOT OPEN /AVIS RISQUE DE CHOC ajSCTRIQUE - NE PAS OWRR /1 1 / MANUFACTURED AT drVAl PUNT. COMMODORE BUSINESS MACHNES NC, / 1200 Wt-SONORtVEWEST CHESTER, FA 19380/ MANUFACTURED DECEMBER 1984 / SEf»AL NO XC 1361913/UU USTEO/ 277C/ CM20311-803/ MADE IN JAPAN, Derrière, éhquette SOS SS?V ICE/ NFORMA TIQUE /tet(418) 529-7303/1 ). Derrére. e d CERTF6DT0 COMPLY WrmTHE/LlirrSFORA CLASS BCOUPUTHQI CEVICE PURSUANTTO SUBPART J/OF FART 150F FCC RULES / SEE M3TRUCTIONS F INTERFERENCE/ TO WOO RECEPTION6 SUSPECTED /FCCD ASBOY008/VICTORCOMFANY OF/JAFANLTD/MADENJAFAN

Description: Écran d'ordinateur en plastique brun et noir, muni d'un cable d'airrentaton électrique Le boulon de rrise en marche et deux prises audo et vidéo sont slués devant, en bas et à droite Toujours i ravant, en bas. un peu couvercle se déploie, donnant accès aux boutons de réglage Trois autres prises aud» et vidéo se retrouver* derrière, au centre été gauche Deux espaces, placés à gauche et à droite de l'écran, font office de poignées et permettent de transporter l'objet plus fac terrent

Commentaire: Le Corrrrodore VC- 20 a été lancé en 1980, et plus de 25 muons seront vendus entre 1980 et 1985 Modèle destiné au grand public, il sera vendu i un prix raisonnable, sot mons de 300 dotars Les ventes du produl auraient cependant dimnuées à partir de 1982. lorsque les rumeurs entourant la production et la sortie prochaine de ce qui deviendrai le Commodore 64 ont commencées à ctcUer l est surtout destne i un usage ludique et éducatif lest rrum cfun processeur MOS 6502 et possède 5 ko de mémotevfce (RAM)

Unité de mesure inéare cm Hauteur 36 Largeur 36.7

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Fiche de l'objet 2002-104, Musée de la civilisation

Numéro d'accession (r<ac) 2002-104

Catégorie: Objets personnels Sous-catégorie Habilement : chaussure

Nom d'objet Escarpin

Nombre d'objets 2

Période: Début du 21e siècle

Fabricant The Hgrest Heel

Matériau: Cut. Vinyle; Plastique, Caoutchouc; Rbre synthétique

Translitération insertion À rinténeur The rtghest Heel

Couleur Rouge

Uhtté de mesure linéaire: cm Hauteur: 19 Largeur: 7,5 Longueur: 15

Continent Amérique Paysd'origtie Bats-Unis

Remarque du conserv ateur. Objets ayant fait part» de l'exposlion Talons et tentations Référence documentate SWANN, June. The Costume A «essor tes Series Shoes. London. BT Batsford LM. 1982, LAFORGE, Valérie. Talons et tentations. Fides, Musée de la cotisation. 4e btrestre 2001 , Sant- mate. Métanie, La loi du Talon, Gazette des femmes, Bouehervile, Vol 24, No 1, mai-juin 2002

Mention Musée de la tk-isaton

S at de c onset v arbon: Ex celled

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Fiche de l'objet 91-2114, Musée de la civilisation

Miméro d'accession (nac): 91-2114

Département responsable Arnérindien-lnut Catégorie Objets de communieabon Sous-catégorie: Art orignal sculpture Secteur La vie sociale et les communications

Nom d'objet Sculpture

Nanrtore d'objets 1 Nombre d'éléments 2 Noms des éléments Bois; Pferre

Artiste yatuk, Mattwsi Sexe de l'artiste: M

Titre Stranger tithe wood Traduction du tire: Pour Fin documentaire seulement: Un étranger dans le botsL'éîiquette de la sc uipture doi seulement porter le tire d'ongne, non pas la traduction Sujet: Étranger, Bois

Période: 20e siècle Date début production: 1991-04 Date fin production; 1991-05

Matériau: Bois, Merisier. Pierre. Marbre bleu

Translitération inscription Inscrit sur la longueur de ta pierre Stranger in the wood

Hauteur: 57 Largeur 32 Profondeur; 25

Culture: Inui Groupe ettinotiigustique Eskaëoute Paysd'origtie Canada Vie d'origine: Irujrvik

Remarque du conservateur: Le tire de l'oeuvre a été inscrit au feutre noir sur la longueur de la pierre par r artiste

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Fiche de l'objet 1999-7, Musée de la civilisation

Njméro d'accession (nac): 1999-7

Département responsable Bhnohlstore Catégorie: Objets de communication Sous-catégorie Objet de cérémonie Groupe de fobjet Liturgie

Nomd'objet Ensemble de célébrant

Objets associés 1999-7-1; 1999-7-2

Période: Fin du 20e siècle Date début production 1997 Date fin production: 1999 École/style: Gothique, Monastique

Fabricant: Bessett, Dom Robert Technique de fabrication: Artisanal, Tissé; imprimé Matériau F tire. Lane, Encre

Motr Tête de lon, Tête d'homme. Tête de boeuf. Tète d'aigle Couleur, Blanc

Commentaire Atelier créé par Dom Robert Bessett vers 1956 afin de foumt l'Abbaye en vêtements relgieux L'assemblage a été fait par une couturière locale et une bénévole. Les tissus sont sot manufacturés soit tissés par des artisans régionaux Le décor est exécuté par domfîobert Bessett et fune de ses assistantes Cet atelier, dune communauté d'hommes, est le seul connu au pays qm fabrique encore des vêtements sacerdotaux

Pays d'origine: Canada Province cforigtie Québec V ie d'origine Saint-Benoît-du-Lac

V ie d'utilisation Satit-Benol-du-Lac

Référence doc umentate Thouvet. Chantai, Boucher, Jean-Jacques, FIL DE FOI OEMINS DE SOC. mprtnene Saint-Paul. Bar te Duc, France, 1996 En colaboration, THÉSAURUS DES OBJETS REUGIBJX. Édlion de patrimoine, Paris. 1999 Lemeux, Ernest, et at, L'ART REIG6UX CONTEMPORANAU CANADA. Québec, 1952,68 pages

Mention: Musée de la c v isâ t on, don de l'association Les Artts du Musée