73
Université de Montpellier I CENTRE DE DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE (UMR 5815 CNRS Dynamiques du Droit) MASTER II DROIT PRIVE ECONOMIQUE La ‘Common Law’ et le droit de tradition civiliste en tant qu’adaptations en faveur du marché Par Klaas TAMPERE Directeur de recherche : Cathie Pinat, Doctorante à la Faculté de droit et de Sciences Politiques de Montpellier Année universitaire : 2012 - 2013

La ‘Common Law’ et le droit de tradition civiliste en tant ... · CENTRE DE DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE ... région et que les différences qui ont pu apparaître entre

Embed Size (px)

Citation preview

Université de Montpellier I

CENTRE DE DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE

(UMR 5815 CNRS Dynamiques du Droit)

MASTER II DROIT PRIVE ECONOMIQUE

La ‘Common Law’ et le droit de tradition civiliste en tant

qu’adaptations en faveur du marché

Par Klaas TAMPERE

Directeur de recherche :

Cathie Pinat,

Doctorante à la Faculté de droit et de Sciences Politiques de Montpellier

Année universitaire : 2012 - 2013

2

« L'Homme est de toutes les espèces, celle où l'individu met le

plus de temps à se construire : quinze ans pour achever une

construction du cerveau et qui restera tout la vie l'objet de

réaménagements permanents »

Jean-Didier Vincent dans Le Monde de l'Education

3

Remerciements

Les mots qui vont suivre sont destinés à ceux qui m’ont permis cette année de

me construire davantage et de découvrir de nouveaux horizons.

Tout d'abord, je tiens à remercier Monsieur Daniel Mainguy, Professeur à la

Faculté de droit de Montpellier et directeur du Master II Droit Privé Economique, ainsi

que Monsieur Malo Depincé, Maître de conférence à la Faculté de droit de Montpellier

et directeur du Master II Consommation et Concurrence pour m'avoir accepté dans ce

Master II mais aussi pour m'avoir autorisé à étudier un sujet qui m’a permis

d'appréhender une nouvelle vision du droit.

Je tiens également à remercier chaleureusement Madame Cathie PINAT,

Doctorante à la Faculté de droit de Montpellier, pour m'avoir assisté tout au long du

processus, parfois laborieux, d'élaboration de ce mémoire, pour m'avoir prodigué

jusqu'aux derniers instants de précieux conseils, et avoir tenté de me préparer au mieux

pour ma soutenance.

Ces remerciements sont aussi pour moi l'occasion de remercier l'équipe

doctorale dans son ensemble pour le travail quotidien qu'ils accomplissent pour nous

mettre dans les meilleures dispositions de réussite.

Finalement, je terminerai en remerciant l'ensemble de la promotion 2012/2013

du Master II, mais aussi tous ceux dont le nom n'apparaît pas ici mais qui m’ont aidé

d'une manière ou d'une autre.

4

Sommaire

Introduction

Partie I : Les conclusions obtenues par les auteurs 6

Chapitre 1 : La distinction majeure : l’interprétation de la loi 6

Chapitre 2 : La confrontation des hypothèses avec la réalité historique 10

Chapitre 3 : La comparaison impossible de l’efficacité et de la performance 12

Partie II : La ‘Common Law’ et le droit de tradition civiliste en tant

qu’adaptations en faveur du marché 14

Chapitre 1 : Introduction 14

Chapitre 2 : Le choix des pouvoirs de réglementation 18

Chapitre 3 : Analyse historique 35

Chapitre 4 : Une critique des explications alternatives 52

Chapitre 5 : Les observations finales 66

Conclusion générale 68

5

Introduction

1 - Benito Arrunada est un professeur d'Université né en 1959 qui tout au long

de sa carrière a tenté de trouver l'intersection qui existe entre les manières d'organiser, le

droit et l'économie. C'est un auteur appartenant à la catégorie des « NIE » (New

Institutional Economics) qui estiment que la performance économique d'un pays est liée

à la performance de ces institutions (institutions comprises dans leur sens large, le droit

par exemple est une des institutions les plus importantes et constitue pour cette raison

un des sujets les plus étudiés). Le document étudié a été co-écrit avec Veneta Andanova,

professeur à l'université américaine de Bulgarie, et aborde justement cette question du

droit comme institution et de ces liens avec l'économie. Il a été publié dans le

« Washington University Journal of Law & Policy ».

2 - Le point de départ de la démonstration consiste à supposer sur le

développement économique d'un pays dépend principalement de son environnement

juridique. Partant de là, il s'agit de démontrer que l'affirmation selon laquelle la

Common Law est supérieure au droit de tradition civiliste lorsque l'on compare les

performances économiques de ces deux systèmes est fausse. En effet, pour les auteurs,

une comparaison exclusivement fondée sur la performance économique n'est pas la

bonne méthode. Chacun des deux systèmes juridiques étudiés a une efficacité

économique qui s'explique par la conjonction de nombreux facteurs, comme le choix de

structures politiques différentes et influencés par des préférences sociales

incomparables, dont l'étude permet d'expliquer les choix législatifs de chacun des

systèmes. Pour confirmer cette vision, il suffit de constater que, malgré ces nombreuses

enquêtes et recherches qui concluent à la supériorité du système de « Common Law »

pour favoriser l'économie de marché, les économies en transitions ou émergentes font

généralement le choix de créer une base juridique selon le droit de tradition civiliste.

6

3 - C'est ce qui leur permet d'affirmer que les deux systèmes légaux ont été tout

au long de leur existence qu'un moyen pour améliorer l’efficacité économique d'une

région et que les différences qui ont pu apparaître entre les deux ne sont que le fruit des

circonstances et de l'environnement dans lequel le système légal a été instauré.

4 - Cette étude historique doit permettre de déterminer ce qui a conduit à

l'équilibre actuel entre la volonté de conserver un compromis institutionnel et le besoin

d’adapter les deux systèmes aux tendances actuelles.

Partie I : Les conclusions obtenues par les auteurs

5 - Les auteurs ont étudié point par point les différents facteurs qui pourraient

expliquer les divergences qui existent entre les deux systèmes (Chapitre 1). Par la suite

ils confrontent les résultats obtenus avec la réalité historique (Chapitre 2). Pour faire une

étude complète, il était aussi nécessaire de comparer les résultats obtenus avec ceux

obtenus par les études comparatives de performance (Chapitre 3). Le but sera de retracer

les conclusions des auteurs tout en y apportant un regard critique.

Chapitre 1 : La distinction majeure : l’interprétation de la loi

6 - Dans une première partie, les auteurs listent les différences qui existent entre

la Common Law et le droit de tradition civiliste. Ils arrivent à la conclusion que la

distinction majeure réside au niveau de l'interprétation de la loi. En effet, la Common

Law a attribué ce pouvoir aux juges alors que dans la tradition de droit civiliste ce

pouvoir a été confié au pouvoir législatif. C'est cette différence qu’utilisent la majorité

des auteurs pour affirmer que la Common Law est supérieure au droit de tradition

civiliste. Le but de cette étude était de dépasser cette croyance et de tenter de démontrer

qu'au final les deux systèmes juridiques ont œuvré pour atteindre un but qu’ils ont en

commun.

7

7 - Ce but commun est de s’adapter le mieux possible aux exigences de

l’économie de marché. Cette adaptation s'est fait de manière différente dans les deux

systèmes, dans la Common Law elle était évolutif et le pouvoir a pu être laissé entre les

mains des juges alors que dans les pays de droit de tradition civiliste il a fallut une

intervention brutale pour pouvoir imposer un changement.

8 - Pour valider cet hypothèse, il faut étudier le processus d’élaboration des

règles dan sa totalité. Il en ressort que le point le plus sensible dans tout le processus est

l’interprétation de la loi. En effet, la Common Law a une approche plus décentralisée de

l’élaboration des règles avec une approche ascendante. C'est-à-dire que les règles

naissent au niveau local et si elle s'avère juste et bonne alors elle va forcément finir par

s'imposer sur tout le territoire national. Dans les pays de droit de tradition civiliste

l’approche est dite centralisée. Et donc par contradiction avec la Common Law, les

règles ne sont pas créée par un tribunal car dans les pays de droit de tradition civiliste on

estime que les juges ne sont la que pour appliquer la loi créée par le pouvoir législatif1.

9 - La vision classique des deux systèmes légales ne correspondent pas à la

réalité du terrain. Il est ainsi possible de reprendre l’exemple de l’adoption du « New

Deal » aux Etats-Unis qui démontre que dans les pays de Common Law les juges ne

sont pas à l’abri d’une intervention étatique. Dans les pays de droit de tradition civiliste

c’est également vrai qu’il est apparu très vite qu’il est impossible d’interdire les juges

d’avoir une quelconque interprétation de la loi.

10 - Les auteurs ont donc pour continuer dans cette voie souhaiter étudier les

facteurs qui pourraient influencer cette interprétation.

1 Montesquieu disait que les juges n’étaient que la bouche de la loi.

8

Section 1 : Les facteurs qui n’influencent pas l’interprétation de la loi

11 - Tout d'abord il y l'intérêt personnel qui pourrait conduire les juges ou les

législateurs à mettre en place des normes qui n'ont aucun intérêt public et gênerait le

bon fonctionnement d'une économie de marché.

12 - Si au niveau législatif la recherche d'un profit est quasiment impossible car

la base légale dans n’importe quel système juridique est composée d’usages et de

doctrines établies. L’interrogation subsistait par contre au niveau judiciaire. Or, les

auteurs considèrent que la recherche de profit n’existe pas au niveau judiciaire tout

simplement parce que le profit n’est possible que lorsque le juge est ignorant dans un

certain domaine spécifique et donc en quelque sorte une victime. Le facteur de l’intérêt

personnel n’a donc aucune influence sur l’interprétation de la loi.

13 - Ensuite il y a l'information judiciaire produite par les différentes instances

qui est aussi considérée comme non déterminant. En effet, dans la « Common Law »

l'information répond plus aux besoins locaux et est en perpétuelle amélioration grâce à

la concurrence qui existe entre les différents tribunaux. Dans le droit de tradition

civiliste l'information ne peut être influencée pour deux raisons. D’abord parce que la

base légale est constituée de coutumes, de jurisprudence, de doctrines. D’autre part

parce que le pouvoir législatif met en place des lois qui sont neutres et évitent au

maximum les externalités.

14 - Le troisième facteur possible serait le raisonnement partial des juges sauf

que le facteur a pu être abandonné pour la simple et bonne raison que les deux systèmes

en souffrent. Et pour faire face à ce problème chaque système a son propre système de

défense pour minimaliser l’effet de ce facteur. Il est ainsi intéressant de voir les efforts

produits par les pays de Common Law limiter l'effet du « hindsight bias ». Le

« hindsight bias » est le fait pour un juge de tenir compte que du déséquilibre qu'il

constate et non de s'intéresser aux évènements qui ont produit le déséquilibre).

9

15 - Finalement les auteurs ont voulu étudier l'impact de notre instinct ancestral

et notre éducation sur le raisonnement juridique. De nos instincts ancestral plusieurs

concepts survivent toujours tel que celui d'équité, d'égalité et selon les auteurs ils

accompagnent le raisonnement des juges d’aujourd'hui.

L'autre point c'est que l'évolution en douceur de la Common Law a permis une

éducation en douceur des juges alors que les juges de droit de tradition civiliste ont été

soumit à un brusque changement et ont donc mis beaucoup plus longtemps à

comprendre le fonctionnement de l'économie de marché. Le résultat est que ces derniers

ont prit des décisions contraire à l'intérêt du marché et c'est une des raisons qui font que

c’est le pouvoir législatif s'est vu attribuer le pouvoir d'élaboration des règles.

Section 2 : La mise en place d’un système juridique en faveur d’un marché

16 - Après avoir étudié les facteurs qui auraient pu influencer le compromis

institutionnel, les auteurs ont souhaité déterminé comment il était possible créer des

institutions pour un marché économique viable dans les économies de transitions et

émergentes. Pour cela ils étudient plusieurs options.

17 - La première est de laisser les institutions se mettre en place par elles-mêmes

comme dans la « Common Law ». La deuxième hypothèse est d'autoriser une

intervention pour la création de ces institutions.

18 - Les auteurs ont considéré qu'il n'y avait pas une différence ou du moins pas

une différence assez conséquente sur ce point qui permettait de privilégier l'un ou l'autre

des systèmes juridiques. En effet, le système de la « Common Law » a l'avantage de

permettre aux juges de comprendre le marché et de favoriser une liberté contractuelle.

Dans le droit de tradition civiliste, vu que l'intervention a été plus brutale le législateur a

été dans l’obligation d’intervenir afin de protéger cette liberté contractuelle.

10

19 - L'idée des auteurs est que les économies nouvelles et émergentes adoptent

en majorité le même système légal que dans les pays de droit de tradition civiliste parce

qu'ils se trouvent dans la même situation que les pays de droit de tradition civiliste ont

connue au 19ième siècle.

20 - Si en principe cet idée est logique, les auteurs ont peut-être sous-estimé le

fait que ces économies émergentes et en développement agissent de la sorte simplement

par manque de temps. En effet, ils démontrent eux-mêmes que le système de « Common

Law » a été façonné de manière évolutive pendant plusieurs siècle et ces économies ne

peuvent se permettre d'attendre aussi longtemps pour atteindre une certaine efficacité et

performance économique. Il faudrait pour asseoir leur affirmation, étudier ces

économies par la suite pour voir quel raisonnement juridique ils choisissent vraiment

une fois que la base légale a été mise en place.

Chapitre 2 : La confrontation des hypothèses avec la réalité

historique

21 - Les auteurs ont par la suite voulu confronter leurs idées avec la réalité du

terrain en étudiant l'évolution de chaque système.

22 - Au départ l'évolution du système judiciaire dans les pays de Common Law

s'est produite grâce au combat entre le parlement et la « couronne » que le parlement a

remporté. La raison principale est que la famille royale était dépendante financièrement

et a donc consenti petit à petit la majorité de ses pouvoirs. Pour le parlement le premier

but a été de restreindre le droit qu’avait la « Couronne » d'intervenir dans les propriétés

privées. Le succès de cette prise de pouvoir et évolution du système a été obtenu grâce à

la collaboration des juges qui sont élus parmi les avocats. Choisir les juges parmi les

avocats favorise la mise en place d'un véritable marché économique car ils ont évolué

avec le système lui-même. Il existe néanmoins une exception à cette idée d’évolution

douce du système : l’intervention abrupte lors de la révolution industrielle.

11

23 - Au continent l'évolution est différente car les rois étaient indépendants

financièrement d'une part et d'autre part les juges étaient nommés après avoir eu une

formation basée sur le droit romain et canonique. Ceci explique les problèmes

rencontrés pour instaurer une certaine forme de capitalisme. C'est pour cette raison

qu'une intervention brusque était nécessaire. Cette intervention brusque a été l’occasion,

à travers l’adoption des codes notamment, pour les pays de droit de tradition civiliste de

mettre un place une version moderne de ce système juridique et l'instauration des

principes fondamentaux. Le but était de protéger la liberté contractuelle des parties et

d'éviter une intervention des juges qui auraient pu annuler la mise en place du marché

économique. Pour cela les législateurs ont considéré que les codes et les lois doivent

obligatoirement être respecté par les juges et que les hautes juridictions sont les seuls

habilités pour interpréter la loi. De plus, la fonction de juge a été modifiée car ils sont

devenus des fonctionnaires dont l'évolution de carrière dépend soit de leur ancienneté

ou soit de nominations par le gouvernement dans des juridictions supérieures. Il est à

noter que les auteurs n'ont pas développé l'idée que le changement brusque peut parfois

être accompagné de révolutions ou guerres.

24 - Par exemple, en France, le changement du système est une conséquence de

la révolution française. Si les révolutionnaires ont décidé de modifier le système et de

retirer le pouvoir d'interprétation au juges c'est parce que ces juges avaient abusé de leur

pouvoir avant la Révolution Française. Surtout, ils étaient encore trop liés au roi et les

révolutionnaires craignaient que les juges auraient tout fait pour s'opposer aux réformes

pour favoriser le retour du roi.

25 - Mais aujourd'hui les deux systèmes sont peut-être de nouveau à un tournant

de leur histoire car d’après les auteurs il y a des tentatives pour mettre en place des

règles qui vont à l'encontre du marché économique. Il existe deux raisons pour

expliquer ces tendances : les deux guerres mondiales poussent chaque système a se

sécuriser davantage afin de pouvoir contrôler le marché. D'autre part les élites politiques

n’existent plus car ils ont été détruits. Ces deux évènements ont conduit à une

modification de normes qui peuvent être contraire à la liberté contractuelle.

12

26 - Dans la Common Law il n’y a pas exemple le cas du « New Deal » adopté

dans les années 1930 et qui réduit la liberté contractuelle personnelle dans plusieurs

domaines. La Cour suprême des Etats-Unis a approuvé le « New Deal » (qui est selon

les auteurs anticonstitutionnels) ce qui a induit la réduction de son pouvoir de contrôle

de la constitutionnalité. Finalement c'est l'interprétation judiciaire qui a aussi évolué et

qui maintenant restreint à son tour la liberté contractuelle.

27 - Dans le droit de tradition civiliste c'est les politiques qui à partir des années

1930 ont poussé l'Etat à intervenir dans des activités privées. Cela peut s’expliquer par

le fait que les parlementaires sont des représentants d'intérêts privés. L'intervention a été

plus simple dans ces pays de tradition civiliste car le système mis en place octroyait déjà

ce pouvoir d’intervention au législateur. Ces différents changements font qu'aujourd'hui

les tribunaux ont repris un peu de pouvoir d'interprétation de la loi.

Chapitre 3 : La comparaison impossible de l’efficacité et de la

performance

28 - D'abord ils font une étude de l'efficacité de la Common Law. Cet idée a été

proposée pour la première fois par Posner qui considère que la structure de la Common

Law fait que les juges recherchent inconsciemment l'efficacité. Le problème est que

cette proposition est indémontrable. Pour Paul Rubin les règles inefficaces sont en

quelque sorte des sous-règles. Le problème encore une fois est que la procédure

judiciaire ne prévoit jamais les règles qu'auraient prévues les parties opposées avant que

le litige voit le jour. L'autre raison qui peut expliquer l’imperfection de la Common Law

est que la création du droit est évolutif et n’est qu’un ensemble de solutions déjà

existantes. Posner admet ainsi que « l'élaboration de loi par le pouvoir législatif est

susceptible d'être plus efficace que l'élaboration de lois par le pouvoir judicaire ». Mais

la comparaison en l'espèce n'est pas possible car l'étude ne concerne que la cohérence

interne de la Common Law. Les deux systèmes rencontrent le même problème de base :

leur efficacité dépend de la promulgation de coutumes efficaces.

13

29 - L’avantage du droit de tradition civiliste est que d'une part les modifications

radicales sont possibles et qu’en plus elles s’appliquent de manière standardisée. Ceci

évite la mise en place de règles économiques inefficaces. L'argument majeur à

l’encontre de ce système est de dire que dans certain cas le droit de tradition civiliste

favorise les victimes plus que l'économie (question de l'indemnisation en cas de

responsabilité sans faute) sauf que la Common Law a elle aussi adopté des mesures

extrêmes d'un point de vue économique.

30 - Sur le plan de la performance les différentes études montrent la plupart du

temps une meilleure performance de la Common Law par rapport au droit de tradition

civiliste, or pour comparer il faut prendre en compte des facteurs objectifs et

quantifiables. Les auteurs démontrent par exemple que les études prennent en compte

qu'une certaine dimension d'un facteur sans étudier le facteur dans son environnement.

L'autre point important déjà soulevé est que la comparaison devrait être faite non entre

l'option choisie par un système et celle de l'autre système mais comparer l'option qui a

été choisie à l'option qui n'a pas été choisie par un système juridique. Cela serait très

complexe à étudier car il faudrait étudier chaque réforme et voir les alternatives. Les

auteurs prennent l'exemple de la comparaison qui pourrait être faite entre le système

légal français actuel avec celui qui aurait pu exister si la France avait choisit le système

de la Common Law, or une telle étude ne tiendrait pas compte de l'histoire de la France

et son environnement.

14

Partie II – La ‘Common Law’ et le droit de tradition civiliste

en tant qu’adaptations en faveur du marché

Chapitre 1 : Introduction

31 - Contrairement à certains points de vue naïfs libéraux, le bon fonctionnement

d'une économie de marché exige que la liberté contractuelle soit protégée de manière

efficace, une protection qui peut être réalisée de différentes manières. La conception

majeure concerne la création de règles discrétionnaires que le pouvoir en place, qu'il

s'agisse d'un souverain ou d'un parlement, délègue aux tribunaux. Quand il prend cette

décision, le concepteur devrait tenir compte des avantages de spécialisation et coûts de

transaction qui interviennent avec plus ou moins d'élaboration de règles spécialisées.

Des facteurs influençant ce compromis expliquent les différentes solutions adoptées

dans les deux grandes traditions juridiques de l'Occident. La tradition de « Common

Law » a évolué en gardant plus de pouvoirs d'élaboration de règles dans le judiciaire, et

donc a été caractérisée par des règles non spécialisées. Le droit de tradition civiliste, au

contraire, a été délibérément transformé pendant le 19ème siècle, en réservant un plus

grand pouvoir d'élaboration de règles à la branche législative et donc réduire le pouvoir

discrétionnaire dont avaient joui les juges pendant l'Ancien Régime, pouvoir

discrétionnaire qui la plupart du temps a été conservé dans la « Common Law ».

32 - En insistant sur cette différence, certaines études récentes affirment que les

systèmes juridiques de « Common Law » fournissent des solutions de qualité supérieure

par rapport à celles développées par le droit de tradition civiliste, dans laquelle les juges

ont moins de pouvoir de création de règles2.

2 Comparer, toutefois, l'étude historique des choix organisationnels des affaires en France et dans le États-

Unis pendant l'ère de l'industrialisation. Pendant le 19ème siècle l'environnement contractuel a donné aux

entreprises en France un éventail plus large de choix organisationnels et une plus grande capacité

d'adaptation des formes d'organisation basique pour répondre à leurs besoins. Naomi R. Lamoreaux et

Jean-Laurent Rosenthal, Legal Regime and Contractual Flexibility: A Comparison of Business’s

organizational Choices in France and the United States during the Era of Industrialization, 7 AM. LAW

& ECON. REV. 28 (2005).

15

33 - Cet article critique ces revendications en élaborant et en examinant une

hypothèse alternative, qui stipule qu’à la fois la « Common Law » et le droit de tradition

civiliste ont soutenu la transition vers l'économie de marché pour s'adapter à ces

circonstances. En particulier, le pouvoir discrétionnaire, vu ici comme caractéristique

principale de distinction entre les deux systèmes juridiques, est introduite dans des

juridictions de droit de tradition civiliste pour protéger, plutôt que de limiter, la liberté

contractuelle contre une réaction judiciaire potentielle. Une telle protection n'était pas

nécessaire dans les pays de « Common Law », où les relations de marché libre

jouissaient d'un terrain judiciaire plus sûr essentiellement en raison de son évolution

graduel relative, leur dépendance à l'égard des praticiens tels que les juges, et le

développement institutionnel antérieur de la théorie des poids et contrepoids qui

soutenaient les droits de propriété privée.

34 - De ce point de vue de l'adaptation, nous voyons qu'une bonne partie de la

discussion porte sur l'efficacité de deux traditions juridiques que se concentrent sur des

questions pertinentes mais relativement mineures. Ce problème a été aggravé dans des

études comparatives par les difficultés de comparaisons empiriques à distinguer les

causalités des corrélations, et le fait que les performances ne sont observées que pour les

choix qui ont été faits de manière effective, alors que la comparaison serait pertinente si

elle était faite entre l'option choisie et de ses alternatives jamais observées3. Des

analyses comparatives telles que celles-ci donnent des bases instables pour des

recommandations politiques.

3 Voir George L. Priest, The Common Law Process and the Selection of Efficient Rules, 6 J. LEGAL

STUD. 65 (1977); Paul H. Rubin, Judge-Made Law, in 5 ENCYCLOPEDIA OF LAW AND

ECONOMICS 543 (Boudewijn Bouckaert &Gerrit de Geest eds., 2000); Paul H. Rubin, Why is Common

Law Efficient?, 6. J. LEGAL STUD. 51 (1977). Voir aussi Robert Cooter & Lewis Kornhauser, Can

Litigation Improve the Law Without the Help of Judges?, 9 J. LEGAL STUD. 139 (1980); Avery Katz,

Judicial Decisionmaking and litigation Expenditures, 8 INT’L REV. L. & ECON. 127 (1988); Peter

Terrebonne, A Strictly EvolutionaryModel of Common Law, 10 J. LEGAL STUD. 397 (1981).

16

35 - Ceci peut expliquer le paradoxe récurrent qui, même si ces comparaisons

empiriques soutiennent l'affirmation selon laquelle la « Common Law » est supérieure

au droit de tradition civiliste pour le développement de marchés financiers4 et la

croissance économique,5 tant les économies de transitions et émergentes optent pour des

lois statutaires pour créer la base juridique de ces marchés. Ce choix suit le modèle de

réglementation des économies développés, qui pendant des décennies a été fondée sur

des lois.

36 - Notre discussion, pour cela, élargit l'argument de Rubin6 que tant le droit de

tradition civiliste et la « Common Law » ont facilité la liberté du contrat et étaient

efficace durant le 19ème siècle, et sont devenus interventionnistes dans le 20e siècle en

raison de causes communes. Sans prétendre quoi que ce soit à propos de l'efficacité,

cependant, nous expliquons pourquoi les solutions de « Common Law » et de droit de

tradition civiliste étaient bien adaptées à leurs circonstances particulières, et souligner

l'action et les racines cognitives des changements vécus par les deux systèmes dans le

20ème siècle. Cela donne une nouvelle perspective sur les questions normatives dans ce

domaine, ce qui suggère que la valeur des systèmes juridiques dépend non seulement de

leur traits spécifiques, mais aussi sur la bonne adéquation avec leur environnement.

Notre objectif ici est d'identifier les circonstances locales qui ont défini l'équilibre entre

le compromis institutionnel et les forces qui sont en train de façonner les tendances

actuelles. Des travaux supplémentaires sont nécessaires, cependant, pour développer et

tester la supposition selon laquelle le problème des économies de transitions et

émergentes ressemble plus au défi de créer des institutions de marché dans l'Europe du

19ème siècle plutôt que leur lointaine émergence évolutive dans les pays de « Common

Law ».

4voir, par exemple, Rafael La Porta et al., Law and Finance, 112 J. POL. ECON. 1113, 1148 (1998).

5 Paul Mahoney, The Common Law and Economic Growth: Hayek Might Be Right, 30 J. LEGAL

STUD. 503 (2001).

6 Paul H. Rubin, Common Law and Statute Law, 11 J. LEGAL STUD. 205 (1982).

17

37 - Le reste de l'article est organisé comme suit. Dans la chapitre II, nous

analysons les avantages de la spécialisation et les coûts du pouvoir judiciaire, et puis

nous indiquons notre hypothèse concernant les racines cognitives des structures et de

l'évolution de la « Common Law » et du droit de tradition civiliste. Nous soutenons que

les pays de « Common Law » présentent plus de pouvoirs discrétionnaires parce que,

compte tenu de leur évolution plus progressive éloignée de l'Ancien Régime, les juges

n'ont pas menacé le développement d'un marché économique moderne.Les réformateurs

dans le domaine du droit de tradition civiliste, au contraire, ont limité le pouvoir

discrétionnaire dont jouissaient auparavant les juges et ont mit l'élaboration de règles

davantage entre les mains du pouvoir judiciaire dans le but d'abriter les relations de libre

marché, et en particulier la liberté contractuelle, d'une éventuelle réaction judiciaire.

Les deux politiques, qui consistent à promulguer des codes et réduire le pouvoir

discrétionnaire des juges, partageaient le même objectif: celui de protéger la liberté

contractuelle et promouvoir les relations de marché et la prospérité économique dans

des zones qui souffraient auparavant de règles impératives et de la régulation judiciaire

des contrats privés.

38 - Nous examinons ensuite la cohérence de notre argumentation en

réexaminant les preuves historiques pertinentes, dans le chapitre 3, et les explications

alternatives fournies dans des récentes comparatives de performance des systèmes

juridiques au chapitre 4. En particulier, le chapitre 3 analyse les preuves historiques sur

l’évolution des deux traditions juridiques, en insistant sur les détails institutionnels qui

contribuent à leur divergence progressive, qui apparemment a culminé à la fin du 19 e et

au début du 20 e siècle. Nous comparons ensuite, dans le chapitre 4, notre argument à

ceux produites dans les débats récents sur la comparaison de l'efficacité et de la

performance de la « Common Law » et le droit de tradition civiliste. Nous soutenons

que les revendications à la fois théoriques et empiriques sur la supériorité de la

« Common Law » restent à prouver. Les systèmes juridiques ne fonctionnent pas dans le

vide, mais plutôt leurs performances dépendent des conditions environnementales.

18

39 - Le chapitre 5 contient nos conclusions, offrant des opinions sur les

politiques viables, tout en reconnaissant l'idée que les systèmes juridiques doivent

intégrer leur environnement, en examinant les implications politiques, et soulignant

l'importance des circonstances locales dans la conception des institutions.

Chapitre 2 : Le Choix Des Pouvoirs De Réglementation

40 - La croissance économique dépend du marché de change, ce qui nécessite un

environnement juridique susceptible d'accroître la capacité des parties à définir des

termes d'échange pour l'amélioration de la richesse et de les renforcer. Deux éléments

clés de cet environnement juridique sont des règles et des tribunaux. Les règles, donnés

par les coutumes, les décisions judiciaires antérieures, et les statuts, donnent aux parties

les termes dans les contrats par défaut, et aussi prédéterminent les termes de l'échange

pour éviter les externalités. Les tribunaux comblent les vides dans le contrat et dans

l'ensemble de règles reçues, définissent les termes de l'échange dans des circonstances

imprévues ; fournissent l'exécution en dernier recours aux ententes contractuelles et ; à

des degrés divers dans les différents systèmes juridiques systèmes, créent et de

modifient les règles.

Section 1 : Le compromis du pouvoir discrétionnaire

41 - Pour nos besoins, les règles peuvent être faites par une autorité centrale,

comme le corps législatif ou par les tribunaux. L'élaboration de règles par les tribunaux

est plus décentralisée quand chaque tribunal à la liberté de choisir la loi pour sa

juridiction. Inversement, l'élaboration de règles judiciaires est plus centralisée lorsque

les tribunaux de première instance doivent décider en se basant sur la jurisprudence

produite exclusivement par une juridiction supérieure.

19

42 - Ces deux dimensions du pouvoir discrétionnaire, l'autorité de

réglementation dont jouit le système judiciaire ou le pouvoir législatif et la

décentralisation des pouvoirs judiciaires, sont pas corrélés7

ou positivement corrélés, ce

qui nous permet de traiter le pouvoir discrétionnaire en tant que seul variable de

conception. De ce point de vue, la principale différence entre les systèmes juridiques

s'articule autour du degré d'élaboration des règles dont jouissent les tribunaux.

43 - Le modèle idéalisé de la « Common Law », comme il a finalement émergé

au 19ème siècle, est caractérisé par une plus grande latitude des tribunaux parce que le

droit statutaire joue un rôle mineur et chaque tribunal est relativement libre pour créer

de nouvelles lois, même en respectant le « precedent ». La « Common Law », développé

en Angleterre puis imposés dans les anciennes colonies britanniques, crée des règles

juridiques dans un environnement relativement décentralisée et avec une approche

ascendante. Des initiatives pour lancer de nouvelles règles commencent au niveau local

quand une affaire est jugée par un juge qui crée une nouvelle règle, qui reste local

jusqu'à ce que d'autres juges l'utilisent dans leurs décisions. Les règles réussies peuvent

éventuellement être acceptée par tous les tribunaux de l'État. Les règles doivent pour

cela résulter de l'interaction entre les demandeurs, des défendeurs, des avocats, des

juges, et des jurés, comme les tribunaux sont relativement libres de décider de chaque

cas en le distinguant, le réconciliant avec, ou en le désapprouvant par rapport à une

affaire antérieure.

44 - En revanche, le modèle de droit de tradition civiliste, comme cristallisé plus

ou moins dans le même temps, donne la priorité à l'élaboration de règles par le pouvoir

législatif. Les tribunaux sont chargés de faire respecter la loi reçue, et les tribunaux de

niveau inférieur doivent se conformer à la jurisprudence créée par les tribunaux

supérieurs, même pour combler les lacunes dans les règles et contrats.

7 Voir Daniel Klerman & Paul Mahoney, legal origin?, Univ. de S. Cal. Ctr. en droit, Econ. & Org.,

document de recherche n ° C07-5 (2007), disponible à http://ssrn.com/abstract=968706 (faisant valoir que

la centralisation de la justice dans les XIIe et XIIIe siècles a été plus forte en France qu'en Angleterre

tandis que le pouvoir de décision des juges anglais et français a été similaire à l'époque).

20

45 - Le droit de tradition civiliste est plus centralisé, vu que le point de départ de

la plupart des nouvelles règles est une législation qui s'applique à l'ensemble du

territoire national, et pas seulement à la juridiction d'un tribunal. Cette tradition

juridique est fondée sur le droit romain, et elle est dominante en Europe continentale, le

Japon, la Turquie et les anciennes colonies de la France, l'Italie, le Portugal et l'Espagne.

En droit de tradition civiliste, les juges sont tenus d'appliquer les règles, définies à la

fois par les lois et la jurisprudence établie. Les juges remplissent aussi les lacunes dans

les contrats et les règles d'une manière semblable aux juges de « Common Law » mais

avec une plus grande centralisation, comme la jurisprudence explicite est seulement

produite par les décisions répétées et concordantes de certains tribunaux supérieurs.

Cette différence dans la portée de la capacité d'élaboration de règles du juge de droit de

tradition civiliste n'est pas affectée substantiellement par le fait que même les modèles

idéaux de droit de tradition civiliste et de « Common Law » du 19e siècle partagent de

nombreuses autres fonctionnalités. Par exemple, dans les deux paradigmes, les

tribunaux forment une hiérarchie et les cours supérieures peuvent annuler les décisions

de tribunaux inférieurs. Toute affaire peut laisser une place substantielle à

l'interprétation, mise en évidence par le fait que les tribunaux américains d'appel se

réfèrent largement à la juge de première instance et les faits trouvé par le jury8. La

présence de ces caractéristiques communes ne devrait pas, cependant, occulter

l'existence d'une différence fondamentale dans l'étendue de l'élaboration de règles

discrétionnaires par les juges.

46 - De plus, le droit de tradition civiliste et la « Common Law » diffèrent dans

d'autres domaines, telle que la nature du procès, le recours à des jurys, et la justification

de décisions judiciaire9. Dans le « Common Law », le litige est dirigé par les avocats

des parties tandis que les juges restent des arbitres neutres qui s'assurent que les parties

vont suivre les règles de procédure et de preuve. L'idée derrière ce processus

contradictoire est que la vérité va apparaître dans le différend entre les deux parties.

8 RICHARD A. POSNER, ECONOMIC ANALYSIS OF LAW 584–86 (5th ed. 1998).

9 Voir, par exemple, Richard E. Wagner, Common Law, Statute Law, and Economic Efficiency, dans THE

NEW PALGRAVE DICTIONARY OF ECONOMICS AND THE LAW 313 (Peter Newman ed., 1998).

21

47 - En droit de tradition civiliste, cependant, les juges prennent un rôle plus

actif, inquisitoire et les parties doivent souvent répondre à des questions judiciaires, sur

la base que les juges ont un intérêt direct dans la révélation de la vérité dans les litiges

privés. Le droit de tradition civiliste et la « Common Law » diffèrent également dans

leur dépendance à l'égard des jurys, avec le droit de tradition civiliste qui a limité

l’usage des jurys, une caractéristique qui est due à un pouvoir discrétionnaire moins

important et le rôle inquisitoire du juge. Enfin, la loi faite par le juge dans les pays de

« Commun Law » est justifiée par le recours à des « precedents », les normes sociales,

ou la rationalité. Les décisions judiciaires en pays de droit de tradition civiliste se

fondent plus sur la signification du code, alors que la jurisprudence et la rationalité

jouent des rôles secondaires. Cette différence affecte également la façon dont les

avocats sont formés. La « Common Law » est appris en analysant la jurisprudence, alors

que le droit de tradition civiliste est enseigné en étudiant le code et les commentaires sur

ce dernier.

48 - Toutes sortes de systèmes d'élaboration de règles sont susceptibles

d'échouer dans la réalisation de l'intérêt public parce qu'ils poursuivent des intérêts

privés ou, même lorsqu'ils sont à la poursuite du bien public, ils ne parviennent pas à

déterminer quelles sont les règles qui sont le plus appropriés pour y parvenir,

déclenchant souvent la recherche de profits par les parties à des contrats privés. Nous

allons affirmer que dans le développement du système juridique occidental, les

connaissances de départs sont le principal déterminant du degré optimal de création de

règle juridique. Dans notre cadre, les différences de coûts et d'avantages liés à l'intérêt

personnel et le manque d'information exigent une ignorance dont il faut être conscient.

§1 : L’intérêt personnel

49 - Avec l'intérêt personnel, il est évident que les législateurs souffrent des

problèmes de pouvoirs et d'actions collectives, qui peuvent être pallié mais pas

complètement évités par la compétition politique et la théorie des poids et contrepoids

institutionnel.

22

50 - Par conséquent, un grand nombre de règles impératives qui gouvernent

aujourd'hui les relations contractuelles privés sont accusés d'améliorer ni la rationalité

des individus ni d'éviter les externalités mais simplement de redistribuer la richesse10

.

L'élaboration de règles décentralisée par le pouvoir judiciaire est gênée de manière

similaire, dans tous les cas, par les intérêts privés de tous les participants dans le

processus de litiges, les juges inclut,11

qui se montrent également comme des agents

égoïstes, parfois de manière évidente ce qui conduit à la corruption et la congestion des

tribunaux.

51 - Nous supposons que la recherche de profit dans l'élaboration de règles

législatives ne change pas avec le degré de discrétion judiciaire. Cette hypothèse est

essentiellement fondée sur le fait que le corps législatif conserve les pleins pouvoirs,

quel que soit le pouvoir d'élaboration de règles discrétionnaires accordé aux tribunaux.

Par conséquent, même lorsque les tribunaux ont initialement un pouvoir discrétionnaire

absolu, le corps législatif peut adopter des lois qui finissent par les contraindre. Cela est

vrai historiquement, le corps législatif de « Common Law » a toujours eu le pouvoir de

changer les règles de droit commun, tandis que même les plus hautes juridictions étaient

contraint par les « precedents »12

. Un exemple clair est l'acceptation finale du « New

Deal » par la Cour suprême américaine. Nous ne sommes certainement pas en train

d'argumenter que l'élaboration de règles ne comporte aucun frais de transaction, mais

plutôt que ces coûts de transaction ne sont pas le facteur déterminant pour le choix entre

les niveaux de pouvoir discrétionnaire caractérisant les modèles idéales de « Common

Law » et de droit de tradition civiliste du 19ème siècle. Ces coûts de transaction ne

peuvent être déterminants en raison de la variabilité dans la recherche de profit

potentielle dans les domaines juridiques, et de pouvoir législatif.

10

Voir, par exemple, Gary S. Becker, A Theory of Competition Among Pressure Groups for Political

Influence, 97 Q.J. ECON. 371 (1983); James Buchanan, Rent Seeking and Profit Seeking, in TOWARD A

THEORY OF THE RENT-SEEKING SOCIETY 3 (James Buchanan et al. ed., 1980); Sam Peltzman,

Towards a More General Theory of Regulation, 19 J.L. & ECON. 211 (1979); George J. Stigler, The

Theory of Economic Regulation, 2 BELL J. ECON. &MGMT. SCI. 3 (1971); Gordon Tullock, The

Welfare Costs of Tariffs, Monopolies, and Theft, 5 W. ECON. J. 224 (1967). 11

Pour une description des fonctions objectives des juges voir Jonathan R. Macey, Judicial Preferences,

Public Choice, and the Rules of Procedure, 23 J. LEGAL STUD. 627 (1994). 12

Henry Manne, The Judiciary and Free Markets, 21 HARV. J.L. & PUB. POL’Y 11, 20 (1997).

23

52 - De même, l'ampleur de la recherche de profit judiciaire ne devrait pas être

substantiellement modifiée par le degré d'élaboration de règles discrétionnaires dont

jouissent les juges, qui n'ont pas besoin d'être des règles de production pour devenir

corrompus ou indolent. En plus, les domaines du droit (propriété, contrats,

responsabilité civile) et la prévalence de règles par défaut basé sur les usages et les

doctrines établies, qui représentent l'essentiel de la législation du 19e siècle13

, n'offraient

pas beaucoup de potentiel pour la recherche de profit sur le plan législatif. Au contraire,

ces champs peuvent être plus rentables pour la recherche de profit au niveau judiciaire,

en plaidant des contrats spécifiques, mais cela ne se produit que si les tribunaux

souffrent des biais cognitifs qui pourraient être utilisés par les parties. Par conséquent, il

résulte plus d'une justification cognitive plutôt que d'un intérêt personnel.

§2 : L'information

53 - En ce qui concerne l'information, l'attribution du pouvoir d'élaboration de

règles entre les législateurs et tribunaux pose aussi le problème typique de la

décentralisation quant à la disponibilité et les incitations à produire l'information

pertinente et les coûts de transfert de l'information lorsque les décisions ne sont pas

prises dans les endroits ou de telles informations sont disponibles14

. Dans notre cas, si

un nombre suffisant de juges sont disponibles, l'élaboration de règles judiciaire

décentralisées est généralement considérée comme répondant plus aux circonstances

locales et changeantes du marché en raison de sa portée géographique limitée, sa

proximité avec les acteurs du marché, et son processus relativement rapide. En plus, en

présence de tribunaux locaux avec des compétences qui se chevauchent, l'élaboration de

règles décentralisée est motivée par la concurrence vers une amélioration constante15

.

13

Bruce L. Benson, The Spontaneous Evolution of Commercial Law, 55 S. ECON. J. 644 (1989). 14

Masahiko Aoki, Horizontal vs. Vertical Information Structure of the Firm, 76 AM. ECON. REV. 971

(1986); Michael C. Jensen & William H. Meckling, Specific and General Knowledge, and Organizational

Structure, 8 J. APPLIED CORP. FIN. 4 (1995); Raaj Kumar Sah & Joseph E. Stiglitz, Committees,

Hierarchies and Polyarchies, 98 ECON. J. 451 (1988). 15

Todd Zywicki, The Rise and Fall of Efficiency in the Common Law: A Supply-Side Analysis, 97 NW. U.

L. REV. 1551, 1575.

24

54 - En revanche, l'élaboration de règles centralisées et les lois statutaires

souffrent de pressions de concurrence similaires, en particulier à court terme (même si

la mobilité internationale des ressources est en train de réduire cette différence), mais

bénéficient d'un avantage par rapport à l'élaboration de règles décentralisé en codifiant

des règles par défaut dispersés dans la coutume, la jurisprudence, et doctrine, ainsi que

dans l'élaboration de normes pour de nouveaux types de contrats16

. L'élaboration de

règles centralisée peut également être supérieure en adoptant des règles obligatoires qui

permettent d'améliorer la rationalité individuelle et d'éviter les externalités négatives,

qui ne peuvent être traités dans un processus décentralisé d'émergence de la règle. Une

règle obligatoire, en revanche, a le potentiel pour forcer la coordination, à intérioriser

les effets de réseau, et donc surmonter la conduite vers une efficacité locale, plutôt que

global, qui caractérise l'élaboration de règles décentralisées17

.

55 - Comme dans beaucoup de décisions décentralisées dans toutes sortes

d'organisations, ces facteurs opposés sont difficile réunir en un critère unique. Dans

tous les cas, on peut affirmer que la plus grande étendue des marchés après la révolution

industrielle, surtout après l'avènement des technologies de transport, a appelé à des

solutions plus centralisées.

16

Il faut comparer ceci avec Schwartz, qui suggère que le rôle de l'Etat devrait être minimal parce que le

coût de création de règles est trop élevé quand les parties sont hétérogènes comme elles le sont

aujourd'hui et les standards trop imprécis pour être d'une grande valeur. De plus, l'information

asymétrique qui empêche les contrats privé ne peut être évitée par l'Etat en faisant avec la loi ce que les

parties ne font pas dans le contrat. Alan Schwartz, The Default Rule Paradigm and the Limits of Contract

Law, 3 S. CAL. INTERDISC. L.J. 389 (1994); Alan Schwartz, Incomplete Contracts, in 2 THE NEW

PALGRAVE DICTIONARY OF ECONOMICS AND LAW 277 (Peter Newman ed., 1998). Cela peut

aussi expliquer les résultats expérimentaux comme ceux décrites par Korobkin. Russell B. Korobkin,

Behavioral Economics, Contract Formation, and Contract Law, in BEHAVIORAL LAW AND

ECONOMICS 116 (Cass Sunstein ed., 2000). La vision de Schwartz traite avec des limitations sérieuses

d'élaboration de règles mais sous-estime probablement le coût privé et social de contracter en l'absence de

règles et de normes par défaut, ainsi que minimiser le rôle des règles en réduisant l'impact d'informations

asymétriques. Voir Ian Ayres & Robert Gertner, Filling Gaps in Incomplete Contracts: An Economic

Theory of Default Rules, 99 YALE L.J. 87 (1989); Charles J. Goetz & Robert Scott, The Limits of

Expanded Choice: An Analysis of the Interactions Between Express and Implied Contract Terms, 73 CAL.

L. REV. 261 (1985). Voir aussi James J. Choi, Optimal Defaults, 93 AM. ECON. REV. 180 (2003)

(fournit un bref compte rendu et des références sur le pouvoir d'options par défaut). 17

Sophie Harnay, Was Napoleon a Benevolent Dictator? An Economic Justification for Codification, 14

EUR. J.L. & ECON. 237 (2002).

25

56 - Nous sommes également enclins, cependant, à jeter la disponibilité et la

production d'information comme un facteur décisif pour expliquer les différences

observées dans le pouvoir d'élaboration de règles allouées aux tribunaux par la

« Common Law » et le droit de tradition civiliste18

. La raison est que des marchés plus

grands peuvent demander une plus grande coordination des règles, mais cela peut être

réalisé en renforçant le caractère contraignant des « precedents », comme la

« Common Law » l’a fait pendant le 19 ème siècle.

§3 : Le raisonnement partial

57 - Les différences de connaissances pourraient avoir joué un rôle plus

important qu'à la fois l'intérêt personnel et l'information. Suite à la littérature croissante

sur des décisions partiales et heuristiques,19

beaucoup d'attention a été accordée dans ce

domaine aux préjugés partiaux dont les juges peuvent souffrir au moment de décider des

cas. Guthrie, Rachlinski, et Wistrich démontrent de manière empirique, au moyen d'un

questionnaire auquel ont répondu 167 juges fédéraux dans les États-Unis, que ces juges

se trompent souvent en s'appuyant sur de faux points de départ pour construire des

inférences ("effet d'ancrage"), par une surestimation à la fois de la prévisibilité « ex

ante » d'événements après qu'ils se soient produits(«hindsight bias») et dans leur propre

capacité à prendre des décisions correctes («overconfidence»)20

.

18

Comparez cela avec Glaeser et Shleifer qui soutiennent que l'adoption du système de jury en Angleterre

et de la procédure juridique romano-canonique en France dans les XIIe et XIIIe siècles ont déterminée la

divergence entre les systèmes juridiques des deux pays. Edward L. Glaeser et Andrei Shleifer, Legal

Origins, 117 Q.J. ECON. 1193 (2002). Klerman et Mahoney soutiennent que l'adoption de procédures

judiciaires différentes a été dictée par le besoin d'informations de hautes qualités étant donné que le

nombre de juges en Angleterre et la France différait considérablement au cours de la période. Klerman &

Mahoney, voir la note 6 précité. 19

Voir en général Thomas Gilovich ET AL, HEURISTICS AND BIASES: THE PSYCHOLOGY OF

INTUITIVE JUDGMENT (2002); CHOICES, VALUES AND FRAMES (Daniel Kahneman et Amos

Tversky eds.,2000);BEHAVIORAL LAW AND ECONOMICS, note 15 précité; Russell B. Korobkin &

Thomas S. Ulen, Law and Behavorial Science : Removing the Rationality Assumption from Law and

Economics, 88 CAL. L. REV. 1051 (2000), Vernon L. Smith, Constructivist and Ecological Rationality in

Economics, 93 AM. ECON. REV. 465 (2003). 20

Chris Guthrie et al., Inside the Judicial Mind, 86 CORNELL L. REV. 777 (2001).

26

58 - Des juges ont également traité des gains et des pertes équivalentes de

manière différente (et sont devenus la proie des «framing effects») et ignoré des

informations statistiques de fond pertinentes en faveur d'informations personnelles

impertinentes (une conduite dite «representativeness bias »)21

. Les résultats

expérimentaux sont difficiles à interpréter de façon concluante, cependant. Par exemple,

dans leurs réponses apparemment partiales les juges peuvent très bien envisager la

réplique prétendument hors propos fournies par les expérimentateurs (comme un

mouvement des défendeurs pour licenciement lors de l'essai pour les « effets

d'ancrage ») dans le cadre de leurs expériences antérieures de la cour, ce qui pourrait

nier la pertinence présumée d'un tel mouvement22

.

59 - Le plus intéressant de ces préjugés est lié au « hindsight bias », à savoir la

tendance à attacher plus d'importance aux événements qui se sont produits qu'à ceux qui

ne se sont pas produit23

. Sa présence dans le système juridique et les stratégies utilisées

pour le gérer ont surtout été étudiée dans l'étroite cadre des arrêts de rejets,24

mais le

« hindsight bias » peut avoir des effets beaucoup plus larges lorsque le système

juridique permet aux juges de considérer l'équilibre des indemnités entre les parties,

comme il l'a fait pendant l'Ancien Régime sous l'influence du droit canonique. Dans ce

cas, les juges ont tendance à donner beaucoup trop de poids aux déséquilibres apparents

«ex post » sans tenir compte du fait que ces déséquilibres sont souvent que le résultat

d'événements aléatoires qui auraient pu conduire à des résultats différents dans lesquels

l'équilibre net des indemnités aurait été différente. Par conséquent, les préjugés

motivaient les parties à consacrer les ressources pour utiliser le préjugé en leur faveur

mais aussi pour les éviter, de sorte que les contrats ont souvent été structurés de manière

à éviter ce type d'opportunisme. La présence de « hindsight bias » peut donc encourager

une politique limitant la liberté des juges d'évaluer l'équilibre des indemnités entre les

parties.

21

Idem 22

Idem 23

Les éléments de « handsight bias », un phénomène d'abord décrit par Fischhoff, ont été accumulés au

cours du temps. Baruch Fischhoff, Hindsight ≠ Foresight: The Effect of Outcome Knowledge on

Judgment Under Uncertainty, 1 J. EXPERIMENTAL PSYCHOL.: HUM. PERCEPTION &

PERFORMANCE 288 (1975); cf. Jay J. Christensen-Szalanski & Cynthia F. Willham, The Hindsight

Bias: A Meta-Analysis, 48 ORGANIZATIONAL BEHAV. & HUM. DECISION PROCESSES 147

(1991). 24

Voir Jeffrey J. Rachlinski, A Positive Psychological Theory of Judging in Hindsight, 65 U. CHI. L.REV.

571, 588-90 (1998).

27

60 - La plupart de ces arrêts de rejets peuvent être contenues en réduisant le

pouvoir discrétionnaire. Par exemple, Rachlinski explique l'ensemble des contraintes

imposées par le système légal pour réduire l'effet du « hindsight bias » dans les

décisions des tribunaux25

. Ces contraintes comprennent la mise en conformité avec les

normes comme preuve de diligence raisonnable dans les cas de négligence ; l'utilisation

de preuves secondaires considérées comme non évidentes dans les affaires de brevets;

l'exigence de plus de preuves que des blessures comme preuve de négligence; la

suppression de preuves sur l'adoption ultérieure de mesures correctives, ce qui ne ferait

qu'aggraver le « handsight bias » ; et l'adoption d'une règle d'absence de responsabilité

pour certaines situations, comme la règle du jugement d'affaires dans les lois

d'entreprises26

.

61 - Ces biais, cependant, ne peuvent pas expliquer les voies différentes suivies

par la « Common Law » et le droit de tradition civiliste, parce que les deux systèmes

judiciaires souffrent de ces préjugés dans une mesure similaire. Dans tous les cas, une

plus grande dépendance à l'égard des jurys populaires entraînerait moins de pouvoir

discrétionnaire dans la « Common Law », ce qui est à l'opposé du motif historique.

§4 : La rationalité écologique et l'absurdité des Marchés

62 - En plus, il y a des raisons de penser que l'absence de décisions de ce genre

n’est sans doute pas le plus important des bias cognitives pour l'allocation optimale du

pouvoir d'élaboration de règles. En particulier, les tribunaux peuvent être

systématiquement partial et envisager une évolution, concept dépassé de la justice.

Tenant compte de cela, une explication plus détaillée de ces deux types d'échecs peuvent

être donnée en termes de rationalité « écologique », qui est limitée non pas tant parce

qu'il est sujet à des contraintes mais parce qu'elle est adaptée à certains environnements:

en premier lieu, à notre ancêtre commun et, d'autre part, avec des conséquences plus

malléables, à notre environnement d'apprentissage27

.

25

Voir idem à 602-25. 26

Pour une analyse plus large, voir Guthrie et al., précité à la note 19, à 821-28. 27

Voir GERD GIGERENZER ET AL., SIMPLE HEURISTICS THAT MAKE US SMART (1999);

Herbert Simon, Rational Choice and the Structure of Environments, 63 PSYCHOL. REV. 129 (1956);

28

63 - Par conséquent, même les créateurs de règles bénévoles peuvent

systématiquement légiférer contre l'efficacité parce que leurs instincts les prédisposent à

des solutions qui étaient adaptées dans notre passé évolutif mais ne sont plus adapté à

notre environnement actuel.

64 - En particulier, étant donné que les relations de marché sont, dans l'échelle

de temps évolutionniste, très nouveau, ils ont tendance à être systématiquement

méconnues par les juges mal cultivées, ce qui conduit à une justice erronée. Des

recherches dans la psychologie évolutionniste soutiennent l'idée intrigante que ces

défaillances peuvent répondre à des traits instinctifs humains qui sont appliqués en

dehors du contexte28

.

John Tooby & Leda Cosmides, The Psychological Foundations of Culture, in THE ADAPTED MIND:

EVOLUTIONARY PSYCHOLOGY AND THE GENERATION OF CULTURE 19 (Jerome H. Barkow et

al. eds., 1992). De ce point de vue, l'importance des préjugés documentés par la psychologie et économie

expérimentale a été mises en doute parce que les expériences peuvent échouer à faire face a ceux qui

décident avec des situations pertinentes, en trop simplifiant la structure informationnelle des problèmes

réels. Voir Gigerenzer ET AL, précité;. Leda

Cosmides & John Tooby, Are Humans Good Intuitive Statisticians After All? Rethinking Some

Conclusions from the Literature on Judgment Under Uncertainty, 58 COGNITION 1 (1996); Jonathan J.

Koehler, The Base Rate Fallacy Reconsidered: Descriptive Normative, and Methodological Challenges,

19 BEHAV. & BRAIN SCI. 1 (1996). L'utilité de la psychologie évolutionniste a également été critiqué

par Korobkin Rachlinski, et Ulen, la principale préoccupation étant son incapacité à produire des

prévisions univoques. Voir Russell B. Korobkin, A Multi-Disciplinary Approach to Legal Scholarship:

Economics, Behavioral Economics, and Evolutionary Psychology, 41 JURIMETRICS J. 319, 323–27

(2001); Jeffrey J. Rachlinski, Is Evolutionary Analysis of Law Science or Storytelling?, 41

JURIMETRICS J. 365–70 (2001); Thomas S. Ulen, Evolution, Human Behavior, and Law: A Response to

Owen Jones’s Dunwody Lecture, 53 FLA. L. REV. 931, 938–40 (2001). Pour une défense de la

psychologie évolutionniste, voir Owen D. Jones, Evolutionary Analysis in Law: Some Objections

Considered , 67 BROOK. L. REV. 207 (2001), et, pour une vision intégrative très demandé qui défend la

combinaison du choix rationnel et la psychologie évolutionniste avec des analyses empiriques dans une

entreprise multi-disciplinaire, voir Korobkin, précité. 28

Voir ALLAN PAGE FISKE, STRUCTURES OF SOCIAL LIFE: THE FOUR ELEMENTARY FORMS

OF HUMAN RELATIONS (1991); Cosmides & Tooby, Cognitive Adaptations, précité a la note 26, à

163. Ces recherches fournissent une terre plus commune, et plus solide, aux arguments novateurs et

contraires de Polanyi, sur les limites des relations typiques du marché et la résistance des sociétés à sa

domination, et, surtout, ceux de Hayek, sur les règles opposées de « ordre étendu de coopération à travers

les marchés» et l'ordre plus intime et plus personnel. L'argument évolutionniste permet d'expliquer à la

fois les difficultés de «dissociation» de l'économie, en termes de Polanyi, et la tendance à appliquer des

règles personnelles à l'ordre du marché, dans les termes de Hayek. Voir en général KARL POLANYI,

THE GREAT TRANSFORMATION (1944); FRIEDRICH A. HAYEK, THE ROAD TO SERFDOM

(1944); FRIEDRICH A. HAYEK, THE CONSTITUTION OF LIBERTY (1960); FRIEDRICH A.

HAYEK, LAW, LEGISLATION, AND LIBERTY: A NEW STATEMENT OF THE LIBERAL

PRINCIPLES OF JUSTICE AND POLITICAL ECONOMY (1976); FRIEDRICH A. HAYEK, THE

FATAL CONCEIT: THE ERRORS OF SOCIALISM (1988). Le danger que les penchants collectivistes

primitifs des êtres humains pèsent sur le marché a également été souligné par Smith dans la perspective

de l'économie expérimentale. Voir Smith, précité note 18. Pour une interprétation du rôle des institutions

en tant que solution à la mauvaise adaptation humaine, voir Benito Arruñada, Human Nature and

Institutions, in NEW INSTITUTIONAL ECONOMICS: A GUIDEBOOK (Eric Brousseau & Jean-Michel

29

65 - La propension judiciaire à la justice redistributive et vers la rémunération

équilibrée va de pair avec le rôle prédominant que le partage, l'autorité, et la réciprocité

ont sans doute joué dans la plupart des interactions humaines au cours de notre

ancestrale «environnement d'adaptation évolutive»29

. L'ignorance apparente que certains

juges montrent pour l'effet de leurs décisions sur le commerce après semble également

adaptée à l'environnement ancestral dans lequel le commerce était seulement fait sur la

base de la réciprocité et la plupart des interactions ont eu lieu entre les familles et les

contacts personnels. Cela provoque probablement un préjugé en faveur des personnes

identifiables et à l'encontre des parties anonymes,30

un préjugé qui est également

susceptible de conduire à endommager les décisions judiciaires. De tels préjugés sont

plus graves quand un élément d'abstraction est présent dans la transaction parce que

l'esprit humain, contrairement à sa compréhension plus intuitive de l'échange réel de

biens physiques, présente une résistance intuitive pour saisir la valeur ajoutée par des

prestataires dans des opérations abstraites. Principalement, il s'agit notamment de ceux

qui impliquent des services incorporels et des échanges inter-temporelles, comme

l'utilisation du capital et le paiement des intérêts; les services insaisissables, comme la

médiation et l'arbitrage; et les services fournis par le capital humain qui a été créé à

travers des investissements antérieurs et donc maintenant invisibles, comme les services

professionnels. Ce n'est pas par hasard que, historiquement toutes ces opérations

abstraites ont été parmi les premiers à être restreintes ou interdites. Plus récemment,

l'appréhension du pouvoir judiciaire envers les contrats d'adhésion peut être attribuée à

la même cause. Les traitements différents que les tribunaux donnent à ces contrats et

aux produits physiques, même si les deux sont des conceptions complexes produites par

des entreprises compétitives, peuvent être attribués à cette tendance humaine. Comme

Manne l'a fait remarquer, les juges sont prêts à annuler une clause parce que l'acheteur

ne la comprend pas mais ils ne cessent pas pour autant l'achat d'une voiture parce que

l'acheteur ne comprend pas son architecture31

.

Glachant eds.). 29

FISKE, précité à la note 27; Cosmides & Tooby, précité à la note 26. 30

L'idée de favoriser les gens que nous connaissons est renforcée par les résultats que les gens confrontés

à des jeux de coopération coopèrent plus quand ils sont autorisés à communiquer que quand ils jouent

contre des adversaires anonymes. Robyn M. Dawes et al., Behavior, Communication and Assumptions

about Other People’s Behavior in a Commons Dilemma Situation, 35 J. PERSONALITY & SOC.

PSYCHOL. 1 (1977); Mark R.

Isaac et al., Public Goods Provision in an Experimental Environment, 26 J. PUB. ECON. 51 (1985);

30

66 - Cet argument correspond bien à certaines tendances dans des décisions de

justice. Une conséquence commune de l'instinct sont des décisions, considérée comme

étant "juste" pour un cas individuel, qui favorisent la partie la plus faible à un contrat

mais, par conséquent, nuisent à toutes les parties faibles de contrats futurs, qui vont finir

par payer un prix plus élevé ou seront incapable de contracter. Si, par exemple, une

décision dans une affaire d'insolvabilité prend en considération la pauvreté du débiteur,

cela peut résoudre un problème individuel, mais, dans la mesure où cela empêche les

créanciers de collecter leurs dettes, cela empêche tous les prêts qui pourraient être

soumis aux mêmes décisions à l'avenir. En conséquence, la décision nuit aussi aux

débiteurs potentiels anonymes du même type que celui du bénéficiaire du jugement, qui

sont privés de l'accès au crédit ou devront payer des intérêts supplémentaires. Dans le

même ordre d'idée, la substitution de la doctrine "employement-at-will" pour la doctrine

du "unjust dismissal" dans plusieurs États américains a été reconnu comme étant

coupable d'avoir préjudicié les nouveaux travailleurs de ces États, provoquant, entre

d'autres conséquences, une augmentation significative de travailleurs temporaires32

.

L'argument est également applicable aux préjugés des tribunaux contre l'exercice de

droits de décisions quasi judiciaires par les parties, même lorsque les parties elles-

mêmes ont explicitement contractées ex ante ces droits quasi-judiciaire. Un tel

arrangement est souvent efficace lorsque l'une des parties a le plus d'informations et

d'avantages à la réalisation d'une tâche aussi judiciaire en raison de sa position centrale

et réputation33

.

Mark R. Isaac & James M. Walker, Communication and Free Riding Behavior: The Voluntary

Contribution Mechanism, 26 ECON. INQUIRY 585 (1988); Kathleen Valley et al., How Communication

Improves Efficiency in Bargaining Games, 38 GAMES & BEHAV. ECON. 127 (2002). C'est le cas même

pour les interactions uniques mais surtout quand les opportunités de communication sont en

augmentation.Elinor Ostrom et al., Covenants with and Without a Sword: Self-Governance Is Possible, 86

AM POL. SCI. REV. 404 (1992). En plus de ce préjugé, probablement enraciné dans les mécanismes

mentaux qui ont évolué pour faciliter la coopération, il a été démontré que les êtres humains souffrent

d'importantes difficultés si ils font plus que quelques cycles d'inférences mentales dans des paramètres

expérimentaux, difficultés qui pourraient entraver l'évaluation complète de ces décisions affectant les

transactions de marché, étant donné que les marchés agissent par l'intermédiaire de longues séries d'effets

qui se chevauchent. Colin F. Camerer et al.,Models of Thinking, Learning, and Teaching in Games, 93

AM. ECON. REV. 192 (2003); Rosemarie Nagel, Unraveling in Guessing Games: An Experimental

Study, 85 AM. ECON. REV. 1313 (1995). 31

Manne, précité à la note 11, a 34. 32

David Autor, Outsourcing at Will: The Contribution of Unjust Dismissal Doctrine to the Growth of

Employment Outsourcing, 21 J. LAB. ECON. 1 (2003); Thomas J. Miles, Common Law Exceptions to

Employment at Will and U.S. Labor Markets, 16 J.L. ECON. & ORG. 74 (2000). 33

Cela explique pourquoi les constructeurs automobiles ont des droits cédés dans la relation avec leurs

concessionnaires pour définir leurs obligations, évaluer leurs performances, ainsi que, le cas échéant,

31

67 - Cette activité quasi judiciaire, indispensable quand on contrôle un réseau de

producteurs, est miné dans les tribunaux lorsque les juges interprètent l'objet d'un litige

comme découlant du plus grand pouvoir de négociation de la part de la plus grande

partie et non à partir de l'exercice des fonctions judiciaires "ex post" qui ont été attribués

contractuellement "ex ante" par les parties. De telles asymétries contractuelles "ex post"

tendent à être perçus par les juges dans des pays différents comme injustes et pour cela

ils ont tendance à les corriger, donc ils restreignent inefficacement les pouvoirs quasi-

judiciaires, que le contrat privé attribue lui-même à l'une des parties, et conduisent les

parties à introduire des clauses contractuelles supplémentaires avec le but d'éviter une

intervention judiciaire34

.

68 - En somme, lorsque ils sont insuffisamment cultivées sur le marché,35

les

juges continuent de condamner comme s'ils vivaient dans une économie de non-marché

où les transactions sont relativement uniques, précises et des événements réciproques,

dans lesquelles aucun élément de crédit est impliqué36

. Les législateurs souffrent-ils

aussi de ces préjugés anti commerciales dans la même mesure?

punir ou les récompenser. Benito Arruñada et al., Contractual Allocation of Decision Rights and

Incentives: The Case of Automobile Distribution, 17J.L. ECON. & ORG. 257 (2001). De nombreux

fournisseurs réalisent des fonctions quasi judiciaires similaires à l'égard de leurs détaillants. 34

Scott E. Masten & Edward A. Snyder, United States Versus United Shoe Machinery Corporation: On

the Merits, 36 J.L. & ECON. 33 (1993). Les juges peuvent également s'opposer à l'exercice de la fonction

quasi-judiciaire par une partie pour protéger son propre pouvoir et donc d'éliminer la concurrence. 35

Deux remarques s'imposent. Tout d'abord, la «culturalisation» à laquelle nous nous référons est lié à

une compréhension de comment fonctionne le marché et n'a pas nécessairement une connexion avec une

plus grande formation. Deuxièmement, les juges sont influencés par des facteurs culturels, tels que

l'éducation et la religion, mais ces influences culturelles fonctionnent toujours sur une base biologique,

qui est limitée par l'environnement ancestral, la seule évolution pertinente d'environnement, par

opposition aux environnements actuels et historiques. Voir THE ADAPTED MIND, précité à la note 26.

Pour une introduction et des références mises à jour, Voir aussi STEVEN PINKER, HOW THE MIND

WORKS (1997); Leda Cosmides & John Tooby, Better than Rational: Evolutionary Psychology and the

Invisible Hand, 84 AM. ECON. REV. 327 (1994). 36

Notre accentuation sur les préjugés judiciaires complète des applications récentes de la psychologie

évolutionniste à la théorie du droit, dont la plupart se concentrent sur la façon dont la loi interagit avec les

esprits évolués, compris comme des acteurs juridiques tels que des citoyens, des détenteurs de

responsabilités, des partenaires contractuels, ou des criminels. Voir, Par exemple, Owen D. Jones, Law

and Biology: Toward an Integrated Model of Human Behavior, 8 J. CONTEMP. LEGAL ISSUES 167

(1997); Voir aussi Owen D. Jones, Evolutionary Analysis in Law: Some Objections Considered, 67

BROOK. L. REV.207, 209 (2001).

32

69 - Pour certaines questions, telles que celles relatives à l'identification des

individus, il est clair qu'ils ne le sont pas, parce que le législateur crée des lois

généralement en des termes plus abstraits et pour des parties anonymes, sans égard aux

cas spécifiques (du moins en droit privé), alors que les juges ont un contact personnel

avec les parties. Cependant, cet avantage supposé aurait une incidence sur tous les

systèmes juridiques de façon égale et ne peut donc expliquer l'écart dans le pouvoir

discrétionnaire entre la "Common Law" et le droit de tradition civiliste.

70 - En outre, pour la plupart des questions, les corps législatifs sont tout à fait

disposés à suivre les politiques de redistribution, abrogeant les contrats si nécessaire,

comme cela s'est souvent produit dans l'histoire de contrat de dettes37

. En général,

l'existence d'un écart cognitif en faveur du corps législatif dépend de la structure du

système politique. Nous maintenons que les législateurs n'ont pas souffert d'un même

préjugé anti-marché dans l'Europe continentale durant le 19ème siècle. En conséquence,

un fossé cognitif s'est ouvert entre les corps législatifs et les juges, parce que le système

politique a laissé le gouvernement dans les mains d'élites intellectuelles qui avaient une

expérience du marché et pouvait aussi envisager les opportunités de profit engendrés par

le changement économique. Le pouvoir judiciaire du vieux continent, cependant, était

encore doté d'une sorte de noblesse soulevée et ancrée dans l'Ancien Régime. Cela est

très visible dans la fonction des parlements qui, à l'époque, étaient considérés comme

les inventeurs de la solution vraie et rationnelle – la loi. Le but était que la loi devait

perdurer et être universellement appliquée. En contraste, les parlements ont évolué au

20ème siècle en tant que balances ou champs de bataille qui ont atteint l'équilibre entre

des intérêts privés et ont produits de simples «règles» selon la volonté momentanée du

consensus en vigueur, sans prétention de permanence et souvent en violation de la

liberté et de l'égalité comme les deux concepts étaient auparavant comprit38

.

37

Par exemple, considérons le moratoire de forclusion sur les fermes adoptée aux États-Unis dans les

années 1930, confirmée par la Cour suprême en 1934. Lee J. Alston, Farm Foreclosure Moratorium

Legislation: A Lesson from the Past, 74 AM. ECON. REV. 445 (1984). 38

Ce processus a été décrit, si ce n'est pas expliqué, par Schmitt. CARL SCHMITT, LEGALIDAD Y

LEGITIMIDAD [LEGALITY AND LEGITIMACY] (1971) (Espagne). Il est maintenant souvent perçu

comme une exagération de la démocratie au détriment de la liberté. Voir, par exemple,FAREED

ZAKARIA, THE FUTURE OF FREEDOM: ILLIBERAL DEMOCRACY AT HOME AND ABROAD

(2003). En particulier, voir aussi comment, en Angleterre avant la 'Reform Act"de 1832, la loi était

quelque chose à «déduire», et pas à créé. RICHARD PIPES, PROPERTY AND FREEDOM 127 (1999).

33

Section 2 : Hypothèse: L'orientation du système juridique occidental en

faveur du Marché

71 - L'ensemble des hypothèses derrière notre analyse des coûts et des avantages

du pouvoir judiciaire discrétionnaire dans l'élaboration de règles, notamment

l'insignifiance de l'intérêt personnel, sont équivalentes à l'hypothèse d'un législateur

bienveillant qui veut créer une économie de marché. Ce point de vue est pertinent pour

les discussions actuelles sur comment développer des institutions soutenant le marché

dans des économies de transitions et développement. Historiquement, les institutions de

marché ont été créées d'une manière plus spontanée dans les sociétés de "Common

Law". Dans les sociétés de droit de tradition civiliste du 19ème siècle, cependant, elles

étaient soumise à un plus grande degré d'intervention par les bâtisseurs de l'État libéral,

et pouvait donc être considérée comme des variables de décision. En analysant le droit

de tradition civiliste, nous pouvons alors personnaliser ces bâtisseurs de l'État qui ont

voulu créer une économie de marché, alors que dans la "Common Law" il nous faut

assumer un planificateur social fictionnel. Cependant, la différence n'est pas

substantielle.

72 - Une autre hypothèse avancée est que les prédispositions envers l'ordre du

marché peuvent se développer différemment entre les législateurs et juges39

. Par

conséquent, ce législateur bienveillant allouera l'élaboration de règles discrétionnaire au

pouvoir judiciaire en tenant compte des circonstances propres dans chaque pays. En

particulier, les législateurs qui créent des institutions de marché peuvent limiter

l'élaboration de règles judiciaire pour éviter l'opposition des juges à la liberté du contrat

et de marché de change en soumettant obligatoirement le juge à la loi et garantissant

ainsi le caractère exécutoire des contrats privés. De ce point de vue, les deux systèmes

juridiques occidentaux pourraient donc être considérés comme des adaptations à des

conditions particulières qui permettent le développement d'institutions efficaces

soutenant le marché dans différents circonstances historiques.

39

Voir Benito Arruñada & Veneta Andonova, Market Institutions and Judicial Rule-making, in

HANDBOOK OF NEW INSTITUTIONAL ECONOMICS 229 (Claude Menard & Mary Shirley eds.,

2005).

34

73 - En particulier, les relations de marché modernes ont été introduites plus tôt

en Angleterre, parce que beaucoup de contraintes féodales ont été abrogés plus tôt et la

révolution industrielle a également eu lieu plus tôt. Ces changements ont également eu

lieu plus lentement, sans de tels changements drastiques dans les droits de propriété

comme sur le Continent. Ce processus d'évolution rampant, avec un respect généralisé

pour la propriété privée, a donné du temps aux juges et au public d'être cultivées dans

une tradition intellectuelle plus propice au libre marché. Dans la majorité de l'Europe

continentale, cependant, la plupart des contraintes que l'Ancien Régime avait imposées

sur le commerce et la circulation de la terre et des gens ont été supprimées plus tard et

plus brutalement,40

et allaient souvent de pair avec une redistribution de la propriété. La

plupart des juges étaient alors toujours le produit intellectuel de l'Ancien Régime, en

plus d'une partie de l'ancienne élite dirigeante. Leur manque de compréhension du

marché et leur manque de respect des droits de propriété expliquent pourquoi les

défenseurs de la liberté contractuelle, chargés de concevoir les institutions des marchés

continentales, ont opté pour contraindre le pouvoir judiciaire discrétionnaire41

. Dans

cette perspective, nous expliquons les restrictions imposées aux juges dans la tradition

de droit civiliste de soumettre leurs décisions aux termes contractuelles (explicites ou

tacites par l'acceptation de la loi législative par défaut et de la jurisprudence) comme un

contrôle institutionnel destiné à protéger une création artificielle, les contrats de marché,

de nos instincts ancestrales collectivistes, réciproques, et de redistribution42

.

40

La prédominance de l'agriculture dans les économies de ces siècles doit être gardé à l'esprit lorsqu'on

considère que les relations de marché pour le commerce des marchandises a été bien établi dans certaines

zones du Continent, sans doute mieux qu'en Angleterre, comme en témoigne l'histoire des villes italiennes

durant le moyen âge, la Ligue hanséatique ou les foires de Champagne, pour ne citer que quelques

exemples. Cela vaut, en particulier, au moment de déterminer l'importance du droit commercial. Le défi

pour ceux qui créent les institutions du marché moderne est de développer des institutions non seulement

pour le commerce, mais surtout pour les transactions entre des non-marchand. 41

Il est possible que le pouvoir discrétionnaire était, dans une certaine mesure, déjà limitée dans la

tradition du droit romain depuis le 12ème siècle, mais cela ne nie pas que l'évolution ultérieure réduit le

pouvoir discrétionnaire des juges et joue une fonction de relance du marché. 42

Comparez cela avec La Porta et al. qui voit le droit de tradition civiliste comme une tentative pour faire

augmenter le pouvoir de l'Etat. Rafael La Porta et al., The Quality of Government, 15 J.L. ECON. &

ORG. 222 (1999).

35

Chapitre 3 : Analyse historique

74 - Nous allons maintenant examiner plus en détail l'évolution des deux

traditions juridiques, pour corroborer que les arguments ci-dessus sont compatibles avec

leur histoire. Nous allons d'abord confirmer que les contrôles et équilibres

institutionnels, et la formation judiciaire ont façonné la tendance commune vers des

relations basés sur les marchés en Angleterre et sur le Continent de façons très

différentes. Deuxièmement, nous allons concevoir la convergence des traditions

juridiques occidentales pendant le 20ème siècle comme une restauration de modèles

sociales instinctives, rendues possibles par la démocratisation du système politique, qui

a supprimé l'avantage cognitif des parlements et des dirigeants politiques.

Section 1 : L'évolution de la "Common Law" et de son système judiciaire

75 - Le début de ce qui allait devenir le système de la "Common Law" anglaise

remonte au 12ème siècle, quand Henri II (1154-1189) a mit en place un pouvoir

judiciaire royal et engagé des collectivités locales à participer à l'administration de la

justice. La poursuite du développement de la "Common Law" anglaise a été marquée

par la lutte politique et l'équilibre qui en résulte entre la "Couronne" et le Parlement. Le

Parlement anglais a été l'un des rares à avoir survécu depuis le moyen-âge, augmentant

de manière constante son contrôle sur la "Couronne"43

. Le résultat a été un transfert

glissant du pouvoir de la "Couronne" vers le Parlement, finalement atteint pendant la

"Glorious Revolution", qui a limité davantage le droit de taxer de la "Couronne" et donc

de porter atteinte aux droits de propriété privée, mais c'était juste un seul pas de plus

dans un processus relativement continue44

. Le Parlement anglais, composées de

commerçants et de propriétaires terriens, a ensuite utilisé ses pouvoirs accrus pour

déclencher une série de réformes orientés sur le marché fondées sur le principe de non-

ingérence dans les propriétés privés45

.

43

DOUGLASS C. NORTH & ROBERT P. THOMAS, THE RISE OF THE WESTERN WORLD: A

NEW ECONOMIC HISTORY (1973); PIPES, précité à la note 37. 44

Douglass C. North & Barry R. Weingast, Constitutions and Commitment: The Evolution of Institutions

Governing Public Choice in Seventeenth-Century England, 49 J.L. & ECON. 803 (1989). 45

DOUGLASS C. NORTH, STRUCTURE & CHANGE IN ECONOMIC HISTORY (1981); North &

36

76 - Le succès des réformes a été garanti quand les tribunaux de "Common Law"

et le pouvoir judiciaire anglais ont partagé la vision du Parlement sur les droits de

propriété et sa compréhension des mécanismes du marché. La nomination des juges

anglais dépendait dans une plus grande mesure qu'ailleurs en Europe de la pratique

professionnelle, vu que les juges anglais étaient choisis parmi les avocats46

. Ainsi, ils

avaient vu le monde du point de vue des parties qu'ils avaient représentées et étaient

donc plus familier et éduqués sur les subtilités de la naissante économie de marché47

. La

compréhension par les juges anglais des fondamentaux de l'économie de marché a

également bénéficié des contrôles précoces imposés sur les autorités royales, vu que ces

contrôles limitait la capacité de la "Couronne" de vendre de nouveaux offices

publiques,48

faisant de la magistrature un investissement sécurisé et en convertissant les

juges de "Common Law" d'auparavant en des défenseurs de droits de propriété privée.

En conséquence, la transformation de l'économie féodale stimulée par le Parlement a eu

comme allié de première heure le pouvoir judiciaire anglais qui, en faisant des

changements progressifs dans de vieilles coutumes, a contribué à l'évolution de la

"Common Law" envers l'ordre de marché nouveau.

77 - L'expansion des opportunités de marché due à la révolution industrielle a

exigée plus de changements substantielles sur le plan des règles à la fois développées et

uniformes. La "Common Law" satisfait ces demandes au cours du 19e siècle,

notamment à travers la mise en place de nombreuses solutions de droit romain et le

renforcement de la doctrine du précédent contraignant, par laquelle les tribunaux sont

réticents à interférer avec les principes établis dans des décisions antérieures (stare

decisis).

Weingast, précité à la note 43. Ce point de vue a été critiqué par des historiens qui font remarquer que en

dépit de leur nature absolutiste, le Continent - en particulier la France- avait aussi des marchés bien

développés.PHILIP T.HOFFMANN, GILLES POSTEL-VINAY & JEAN-LAURENT ROSENTHAL,

PRICELESS MARKETS: THE POLITICAL ECONOMY OF CREDIT IN PARIS, 1660–1870 (2001).

Même si les chercheurs contestent l'impact réel du Parlement anglais sur le développement d'une

économie fondée sur le marché, ils ne remettent pas en question le contrôle plus tôt et plus en profondur

exercé par celui-ci. STEPHEN R. EPSTEIN, THE RISE OF STATES AND MARKETS IN EUROPE,

1300–1750 (2000). Bruce G. Carruthers, Politics, Popery, and Property: A Comment on North and

Weingast, 50 J.ECON. HIST. 693 (1990); Gregory Clark, The Political Foundations of Modern Economic

Growth: England, 1540–1800, 26 J. INTERDISC. HIST. 563 (1996). 46

DANIEL DUMAN, THE JUDICIAL BENCH IN ENGLAND 1727–1875: THE RESHAPING OF A

PROFESSIONAL ELITE 29 (1982). 47

KEITH ABBOTT & NORMAN PENDLEBURY, BUSINESS LAW (1933); DUMAN, note 45 précité. 48

KOENDRAAD W. SWART, SALE OF OFFICES IN THE SEVENTEENTH CENTURY 45–67 (1980).

37

78 - Malgré ces changements, cependant, le développement de "Common Law"

vers des institutions plus en faveur du marché était appelé a évoluer et ses tribunaux ont

conservé un degré élevé de pouvoir discrétionnaire, à la fois en Angleterre et aux U.S.49

Et cela pour deux raisons. Tout d'abord, l'introduction du droit romain a eu lieu

principalement au niveau des concepts parce que les tentatives de codification n'ont pas

réussies, sans doute parce qu'ils étaient moins indispensable que dans la Continent50

. En

outre, les avocats de "Common Law" ne se sont pas contentés d'emprunter des idées des

juristes continentaux, mais ils ont développé et adapté ces idées à leur propre façon51

.

En outre, le développement juridique de la "Common Law", qui a soutenu le

développement économique énorme du 19ème siècle, était resté presque exclusivement

le travail des tribunaux, avec peu d'initiatives législatives52

. Deuxièmement, le

renforcement de la doctrine du précédent contraignant n'a pas détourné la "Common

Law" de son chemin d'évolution, vu que les précédents pouvaient encore être renversés

avec une relative facilité en distinguant le cas en espèce de celle du precedent53

.

49

Voir DANIEL KLERMAN & PAUL MAHONEY, The Value of Judicial Independence: Evidence from

18th Century England, 7 AMERICAN LAW AND ECONOMICS REVIEW 1 (2005) pour le

développement de la "Common Law" sous les juges anglais. Pour le développement de la "Common

Law" sous les juges américains, voir Zywicki, précité à la note 14.

50 Cette divergence dans la réussite de la codification est conforme à l'argument selon laquelle la

codification continentale a été motivée par la nécessité de contraindre les juges, plus que de systématiser

la loi, qui était probablement non systématisée de manière équivalente en Angleterre et sur le continent. 51

BRIAN SIMPSON, ENGLISH COMMON LAW, 3 THE NEW PALGRAVE DICTIONARY OF

ECONOMICS AND THE LAW, 57–70 (Peter Newman ed., 1998). 52

Cela ne signifie pas, cependant, que l'Angleterre n'avait pas besoin d'interventions législatives visant à

mettre en place des institutions renforçant le marché qui ont été entravés par un système judiciaire

conservateur. Voir, par exemple, l'échec récurrent du pouvoir judiciaire anglais à tenir compte des

principes de fonctionnement de bases de la loi des sociétés jusqu'à ce qu'il y soit contraint par la loi, RON

HARRIS, INDUSTRIALIZING ENGLISH LAW: ENTREPRENEURSHIP AND BUSINESS

ORGANIZATION 230–86, 1720–1844, (2000). Comme a dit Harris, «le virage vers la législation n'était

pas unique au droit des sociétés. Les jours de Mansfield et Blackstone étaient terminées, et l'échelle

limitée des réformes qui pouvaient être obtenus par le biais de la "Common Law" devenait plus évidente

quand Bentham et le mouvement pour la réforme de la loi du début du XIXe siècle l'ont démontrée. La

législation provinciale était en train d'être déterminée et le Parlement devenait la cible des réformateurs en

matière de droit pénal, la procédure, et d'autres domaines. " Idem à 249. 53

La demande pour davantage de précédents contraignants pendant le 19ème siècle est compréhensible

en raison de la plus grande portée géographique du marché, déclenchée par de meilleures technologies de

transport (canaux, chemins de fer, bateaux à vapeur), ce qui nécessitait une adoption plus rapide des

normes juridiques uniformes dans une zone plus large.

38

79 - En collaboration avec le droit d'appel, la doctrine était, cependant, important

pour assurer la cohérence et l'égalité à travers des marchés plus en plus grands54

.

80 - La "Common Law" américaine, dans la mesure où elle était indépendante

du droit anglais, montre des similitudes remarquables. Jusqu'au 20ème siècle, les Etats-

Unis avaient un dispositif similaire au système anglais des tribunaux en concurrences,

avec des tribunaux d'états et fédéraux55

. La concurrence des tribunaux, cependant,

n'était pas si intense et les juges n'étaient pas payés sur une base d'honoraires56

.

Beaucoup de juges, toutefois, ont été élus et cela a probablement servi comme

mécanisme d'incitation à la substitution en l'absence d'une redevance pour le service57

.

Les juges américains de "Common Law" jouissaient également d'un grand pouvoir

discrétionnaire qui a été légèrement réduite au 19ème siècle par l'adoption de la doctrine

du précédent contraignant, d'abord pour la procédure et plus tard pour des règles de

fond58

.

Section 2 : La Loi au Continent

81 - L'histoire du droit dans ce qui constitue maintenant les juridictions de droit

de tradition civiliste ressemblait à l'origine à la loi anglaise. L'évolution du droit de

tradition civiliste, cependant, a été influencée par un équilibre relativement différent des

pouvoirs parmi les principaux acteurs politiques, vu que les parlements en Europe

Continentale, à quelques exceptions près, ont rapidement perdu leur capacité à imposer

des contrôles sur la "Couronne"59

. La plupart des monarchies sont devenues

financièrement indépendantes et une partie considérable de leurs revenus ne provenait

dorénavant plus des taxes pour lesquelles il fallait l'aval des parlementaires60

.

54

Manne, précité à la note 11, à 13-19 55

Zywicki, précité à la note 14. 56

Idem 57

Idem 58

Idem 59

NORTH & THOMAS, précité à la note 42; PIPES, précité à la note 37. 60

Idem

39

82 - En conséquence, les rois absolutistes du Continent jouissaient d'un pouvoir

incontrôlé et pouvaient interférer avec une relative facilité dans les droits de propriété

privée, et ainsi compromettait le développement de relations de marché basé sur la

propriété privée sécurisée61

.

83 - Ces limitations institutionnelles ont été renforcées par le fait que les juges

du continent étaient nommés sans avoir pratiqué auparavant62

. En plus, leur formation

était basée sur des études universitaires de la "ius commune", un système doctrinal

développé principalement par des chercheurs compétents en droit romain et canonique,

et seulement secondairement affectés par les lois et l'élaboration judiciaire de règles63

. Il

a été affirmé que tant le manque de pratique et les influences doctrinales ont rendu les

juges Continentaux plus résistant au mécanisme capitaliste d'accumulation de la

richesse et a empêcher leur compréhension des transactions de marché64

. Les relations

de marché, avec leur risque considérable d'exposition et la recherche de profits, n'ont

guère été comprit par un pouvoir judiciaire dont les honoraires et la situation

découlaient la plupart du temps de choix sans risque65

. Le respect du pouvoir judiciaire

pour les droits de propriété ont probablement aussi souffert parce que les magistraux ont

souvent été expropriés par les rois qui étaient libres de vendre de nouveaux offices

judiciaires66

. Ainsi, le pouvoir judiciaire sur le continent n'a pas graduellement érodé les

contraintes de l'Ancien Régime.

84 - En raison de ces deux contraintes institutionnelles et de la formation

judiciaire, les juges du droit de tradition civiliste ont finis par constituer un obstacle à

l'établissement de nouvelles relations de marchés. Les réformateurs libéraux ne

pouvaient pas avoir décidé de maintenir une plus grande autorité d'élaboration de règles

judiciaire pendant qu'ils changeaient la méthode de sélection judiciaire parce que les

juristes ont été formés dans la même tradition juridique dogmatique.

61

Idem 62

WILLIAM DOYLE, VENALITY: THE SALE OF OFFICES IN EIGHTEENTH-CENTURY FRANCE

(1996). 63

Idem 64

ARRUÑADA & ANDONOVA, précité à la note 38. 65

George Taylor, Noncapitalist Wealth and the Origins of the French Revolution, 72 AM. HIST. REV.

469 (1967). 66

DOYLE, précité note 61; SWART, précité à la note 47.

40

85 - Un brusque changement à la fois de la loi et de l'administration de la justice

était donc nécessaire.

Section 3 : La création du droit de tradition civiliste moderne.

86 - Le nouvel ordre juridique a été principalement mis en œuvre de manière

descendante, même si elle était essentiellement une initiative libérale (c'est-à-dire une

amélioration du marché libre). Les législateurs qui ont créé les Codes civiles et

commerciales du 19e siècle ont cherché à réglementer les externalités et la

systématisation des coutumes et de la jurisprudence principalement à travers des règles

par défaut. Ils n'ont pas promulgué des règles obligatoires sauf si elles étaient

nécessaires pour établir les principes fondamentaux politiques et économiques de

liberté, d'égalité et de propriété, qui souvent dévalorisaient les doctrines juridiques

interventionnistes67

. Leur dépendance à l'égard de la jurisprudence a conduit à la

codification de solides règles par défaut sans empêcher les partis d'adapter le contrat

librement à leurs circonstances en y inscrivant des clauses spécifiques. En plus, la

codification a bénéficié de la convergence substantielle des critères doctrinaux qui

étaient déjà très influent dans les décisions des tribunaux en raison du régime dominant

de la responsabilité personnelle judiciaire. En conséquence, la loi codifiée du 19 e siècle

a été principalement la distillation du droit coutumier, et les codes représentaient une

combinaison de coutumes locales, de lois locales et de la loi romaine subsidiaire68

.

87 - En plus, la plupart des règles impératives adoptées à l'époque avaient une

fonction précise dans la mise en place de l'économie de marché.

67

R.C. VAN CAENEGEM, AN HISTORIAL INTRODUCTION TO PRIVATE LAW (D.E.L. Johnston

trans., 2003). 68

Boudewijn Sirks, Roman Law, in 3 THE NEW PALGRAVE DICTIONARY OF ECONOMICS AND

THE LAW 356 (Peter Newman ed., 1998). En particulier, les codificateurs du droit commercial, du Code

Savary en 1673 au Code de commerce uniforme de 1970, se sont fortement appuyés sur la "Lex

Mercatoria", développé par les tribunaux de commerce. Bruce L. Benson, Evolution of Commercial Law,

in 2 THE NEW PALGRAVE DICTIONARY OF ECONOMICS AND THE LAW 88 (Peter Newman ed.,

1998).

41

88 - Probablement la plus importante de ces dispositions impératives est une

conséquence directe des principes politiques de liberté et d'égalité, qui ont des corrélats

contractuels en termes de liberté contractuelle obligatoire et d'égalité obligatoire entre

toutes les parties contractuelles69

. Mais c'est également applicable à l'accentuation des

réformes libérales en évitant de futurs héritages des biens et en facilitant l'émergence

d'un véritable marché pour les terres70

. Le droit de la propriété constitue un autre cas

intéressant dans son traitement des externalités dues à l'Ancien Régime par la

prolifération des droits de propriété et la mise en application en tant que droits "in rem"

et ce même s'ils restaient cachés à la troisième partie. Au cours du 19ième siècle, la

réforme de la législation foncière et la création de registres fonciers a conduit à une

politique plus stricte dite de "numerus clausus" dans la plupart des pays européens, qui

est, le système judiciaire qui a commencé à appliquer seulement un nombre limité de

droits "in rem", exécutant le reste comme de simples droits personnels (par exemple,

contractuels). En parallèle, la publicité a été de plus en plus exigée pour produire des

droits exécutoires "in rem". Bien que ces deux contraintes semblent diminuer la liberté

des parties à produire des droits "in rem", ils sont en fait indispensables pour faire

certaines d'entre elles possibles en réduisant les coûts de transaction pour l'acquisition

de terrains et de rendre possible l'utilisation de la terre comme garantie pour un crédit,

ce qui était précisément le but déclarée des réformes dans ce domaine71

.

89 - Par ailleurs, sur le plan opérationnel, le droit de tradition civiliste a lié le

juge à la loi. Cela a souvent seulement été considéré comme un outil pour faire

appliquer le droit étatique, mais l'effet principal des règles par défauts était de protéger

la liberté contractuelle en s'assurant que le juge était contraint par la volonté des parties.

69

Par exemple, la loi antérieure accordait souvent une valeur probante plus élevé à la parole des

employeurs que de celles des employés. 70

Notez qu'au 17e siècle, la "Common Law" avait déjà développé la "Rule Against Perpetuities", ce qui a

permis un tribunal de déclarer nulle des intérêts futurs ou reportés sur des biens qui pourraient être

dévolus en dehors d'un délai de perpétuité certaine. Le but de cette règle est d'empêcher que la terre soit

attachée et d'encourager les marchés libres. 71

Benito Arruñada, Property Enforcement as Organized Consent, 19 J.L. ECON. & ORG. 401, 403–06

(2003).

42

90 - En conséquence, la loi protégeait l'ordre juridique privé créé librement par

les parties, alors que dans un système avec un pouvoir judiciaire discrétionnaire plus

grand cet ordre juridique privée aurait été en danger72

. Cette peur a conduit les efforts

des législateurs du 19e siècle à purger plusieurs règles dogmatiques de la loi reçue,

souvent ancrés dans le droit canonique, qui étaient contraires à la liberté contractuelle73

.

Un éminent exemple est la libéralisation des opérations de crédit, qui étaient encore

soumit à d'importantes contraintes, y compris l'interdiction de l'intérêt et de la saisie74

.

De même, ils ont souvent interdit au juge de réduire le montant d'une clause pénale

établie contractuellement pour punir le débiteur de ne pas avoir remboursé un prêt75

. La

plupart des codes ont aussi dérogés à des règles qui permettaient aux tribunaux de

mépriser des clauses contractuelles «inégales» sur la base d'arguments scolaire du

«juste prix », tels que la doctrine de la «lésion»76

.

72

Nous ignorons les solutions juridiques d'ordre privé, car nous pensons qu'ils souffrent de difficultés

intrinsèques pour devenir l'ordre juridique d'une économie capitaliste moderne. Les raisons en sont,

d'abord, parce que l’exécution par les particuliers dépend de l'appartenance au groupe limite ainsi son

efficacité au commerce intra-branche, souvent avec un caractère personnel, d'autre part, parce qu'ils ne

sont efficaces que lorsque les juges étatiques s'abstiennent d'agir en tant que cour d'appel et qu'ils restent

toujours menacés par cette possibilité (sinon, l'application par les particuliers est uniquement basée sur

des sanctions sociales informelles, ce qui augmente son caractère personnel) et, troisièmement, parce que

dans la majorité de l'Europe, des solutions privées ont été appliqués dans des zones relativement mineures

de l'économie - principalement les tribunaux de commerces, où ils régnaient en apparence sans appel.

Benson, précité à la note 12, à 650. Voir aussi la note précité 39. Pour une discussion approfondie des

solutions privées ignorées, voir en général ROBERT C. ELLICKSON,ORDER WITHOUT LAW: HOW

NEIGHBORS SETTLE DISPUTES (1991); Lisa Bernstein, Opting Out of the Legal System: Extralegal

Contractual Relations in the diamond Industry, 21 J. LEGAL STUD. 115 (1992); Lisa Bernstein,

Merchant Law in a Merchant Court: Rethinking the Code’s Search for Imminent Business Norms, 144 U.

PA. L. REV. 1765 (1996); Lisa Bernstein, Private Commercial Law in the Cotton Industry:Creating

Cooperation Through Rules, Norms, and Institutions, 99 MICH. L. REV. 1724 (2001); Avner Greif et al.,

Coordination, Commitment and Enforcement: The Case of the Merchant Guild, 102 J. POL.ECON. 745

(1994); Paul R. Milgrom et al., The Role of Institutions in the Revival of Trade: The Law Merchant,

Private Judges, and the Champagne Fairs, 2 ECON. & POL. 1 (1990); Steven Shavell, Alternative

Dispute Resolution: An Economic Analysis, 24 J. LEGAL STUD. 1 (1995). 73

Jusqu'au XVIIIe siècle, par exemple, les lois françaises contre l'usure avait pour effet de nier les crédits

à court terme qui sont indispensables pour le commerce, l'industrie et les services bancaires. Emprunteurs

et débiteurs ont dû user des recours substantiels pour contourner l'interdiction, ce qui a entravé le

développement du marché financier. Taylor, note 64 précité, à 480. Naturellement, un des principaux

objectifs du Code Napoléonien était de permettre aux parties contractantes d'agir en leur nom propre, en

les protégeant de tout le monde, y compris des juges, qui pouvaient modifier les termes de leur accord.

UGO MATTEI, COMPARATIVE LAW AND ECONOMICS 186–87 (1997).

74

Idem 75

Didier Danet, Does the Civil Code Matter?, 14 EUR. J.L. & ECON. 215, 218 (2002). 76

Attribuer la doctrine de la lésion au «droit de tradition civiliste», sans avertir de son élimination ou

réduction par les codificateurs du XIXe siècle, comme c'est fait dans ROBERT COOTER & THOMAS

ULEN, LAW AND ECONOMICS 191,253 (2d éd. 1997), illustre bien les ambiguïtés qui compliquent les

comparaisons entre les systèmes juridiques.

43

91 - Plus important, est la portée de la "cause" en tant que élément essentiel de

tout contrat exécutoire qui a été considérablement réduite (en inversant la charge de la

preuve, par exemple), et a même totalement disparu dans la transaction «abstraite» du

Code civil allemand (*Bürgerliches Gesetzbuch abrégé en BGB*), ainsi que, plus

généralement, dans les lois de crédits hypothécaires et lettres de change77

.Cette

restructuration de la notion de la cause a limité considérablement la possibilité de

restreindre la liberté contractuelle avec des principes moraux que l'interprétation

canoniste du concept romain original avait auparavant permit.

92 - Naturellement, les législateurs ont aussi essayé d'abriter la réforme juridique

de toute réaction potentielle, y compris la possibilité que les juges exercent leur pouvoir

discrétionnaire pour décider des cas sur la base de principes abstraits et contre les

nouvelles règles,78

et ainsi rendre la réforme inefficace et entraver le développement vers

l'économie de marché79

. Les législateurs, pour cela, ont subordonné le pouvoir judiciaire

à la loi et à la jurisprudence et ont restructuré la carrière professionnelle des juges80

.

Pour une analyse détaillée, voir JUAN MANUEL ABRIL CAMPOY, LA RESCISIÓN DEL CONTRATO

POR LÉSION: ENFOQUE DOCTRINAL Y JURISPRUDENCIAL [THE RECISSION OF

CONTRACTS FOR BREACH: A DOCTRINAL AND JURISPRUDENTIAL FOCUS] (2003) (Espagne). 77

Sur le principe d'abstraction ou de Abstraktionsprinzip qui est caractéristique de la loi de propriété

allemande, voir, par exemple, Jürgen Kohler, The Law of Rights in Rem, in INTRODUCTION TO

GERMAN LAW 231 (W. F. Ebke & M. W. Finkin eds., 1996). 78

Les législateurs ont suivie la théorie de Montesquieu selon laquelle les juges doivent simplement être

«les bouches de la loi »(L'ESPRIT DES LOIS, 1748). Les politologues ont réunis des preuves

considérables sur la façon dont les visions politiques affectent les peines prononcées. Voir, par exemple,

C. K. Rowland & Bridget Jeffery Todd, Where You Stand Depends on Who Sits: Platform Promises and

Judicial Gatekeeping in the Federal District Courts, 53 J. POL. 175 (1991); Carol Ann Traut & Craig F.

Emmert, Expanding the Integrated Model of Judicial Decision Making: The California Justices and

Capital Punishment, 60 J. POL. 1166 (1998); and Mark A. Cohen, The Motives of Judges: Empirical

Evidence from Antitrust Sentencing, 12 INT’L. REV. L. & ECON. 13 (1992). 79

Par exemple, Hayek, parmi beaucoup d'autres, souligne que la méfiance des révolutionnaires envers les

juges et le désir de contrôler le pouvoir discrétionnaire ont conduit à la fois à la création de codes, et à des

procédures juridiques plus formalisées. FRIEDRICH A. HAYEK, THE CONSTITUTION OF LIBERTY

(1960). Ceci est confirmé par les récentes preuves empiriques montrant que les pays de droit de tradition

civiliste régulent le processus judiciaire plus lourdement que des pays de "Common Law". Simeon

Djankov et al., Courts, 118 Q.J. ECON. 453 (2003). 80

D'une manière générale, les juges des pays de droit de tradition civiliste sont nommés juste après l'école

de droit et suivent une carrière de fonction publique, avec des promotions décidées sur la base du mérite

et/ou de l'ancienneté; alors que dans les pays de "Common Law" ce sont les avocats expérimentés qui

sont le plus souvent nommés pour la magistrature. Voir Richard A. Posner, What Do Judges and Justices

Maximize? (The Same Thing Everybody Else Does), 3 SUPREME COURT ECON. REV. 1 (1994); et

Richard A. Posner, Judicial Behavior and Performance: An Economic Approach, 32 FLA. L. REV. 1259

(2005). Voir Mark Ramseyer & Eric B. Rasmusen, Judicial Independence in a Civil Law Regime: The

Evidence from Japan, 13 J.L. ECON. & ORG. 259 (1997) pour une analyse empirique des avantages

judiciaires d'un système de carrière typique du droit de tradition civiliste.

44

93 - Par conséquent, non seulement les codes et les lois étaient une priorité en

tant que source de droit, mais la production de précédents contraignants a été allouée à

la juridiction supérieure d'appel, qui a été conçu, du moins au départ, plus comme un

organe de contrôle des tribunaux que comme un vrai tribunal propre81

. Sa fonction était

de superviser les interprétations juridiques données par les juridictions inférieures,

garantissant l'uniformité, rendre des sentences prévisibles, et améliorer la sécurité

juridique82

. En outre, aucun tribunal n'avait le pouvoir de remettre en question la

constitutionnalité de la législation83

. Dans le modèle français, même le contrôle de la

légalité de l'action gouvernementale a été confié à un organisme quasi-gouvernemental,

le Conseil d'État84

.

94 - En parallèle, la pratique de l'achat des offices judiciaires a été abolie et les

juges étaient convertis en des fonctionnaires civils85

. Ils ont commencé leur carrière

judiciaire jeune et inexpérimentée, en passant des examens spécifiques après l'école de

droit86

. Même aujourd'hui leurs promotions et leurs salaires augmentent avec

l'ancienneté et parfois avec des nominations gouvernementales discrétionnaires dans les

tribunaux supérieurs et les autres charges publiques87

.

81

Par exemple, «la préparation des projets de loi n'était pas la seule tâche du Conseil d'État dans le

domaine législatif. L'institution a également joué un rôle dans l'interprétation de la loi à travers des actes

qui avaient un impact général. Cette fonction de l'interprétation des lois a accentué et a renforcé le rôle

joué par le Conseil d'État dans l'établissement de la loi. Le premier règlement du Conseil d'État, en date

du 5 nivôse an VIII (26 Décembre 1799), prévoyant dans son article 11 pour le Conseil d'État "de

développer la substance des lois, lorsque des questions qui ont été posées aux consuls y renvoient". Les

déclarations faites par le Conseil dans le contexte de ce travail consultatif étaient connues comme des

Avis du Conseil d'État (avis du Conseil d'Etat). Après le Consulat, la Cour de cassation a reconnu ces

opinions comme ayant la même autonomie, au sein des tribunaux, comme une loi en elle-même.

Cependant ils n'ont pas tous été publiés, car Napoléon ne donnait pas toujours son approbation et

seulement cette approbation pouvait donner à ces avis du Conseil d'État force la loi. "(Fondation

Napoléon, documents de travail imprimées du Conseil d'Etat [1800-1814],

http://www.napoleonica.org/us/ce/ce_mission.html [dernière visite le 2 mai 2008]). 82

Idem 83

Prenez par exemple le Code civil suisse de 1907. Son premier article établit clairement que si aucune

règle n’existe le juge doit décider selon la volonté hypothétique du législateur. Schweizerisches

Zivilgesetzbuch [ZGB], Code civil Suisse [Cc], Codice civile swizzero [Cc][Civil Code] Dec. 10,

1907,SR 210, RS 210, art. 1 (Switz.) 84

"Ainsi, en dépit des dispositions constitutionnelles et la séparation, qui était en principe absolu, entre un

organe consultatif et un organe ayant le pouvoir d'adopter une loi, la pratique du Consulat et de l'Empire

montre que le rôle consultatif du Conseil d'Etat a été étendue en pratique à un rôle législatif qui va au-delà

du corps législatif ». (Fondation Napoléon, précité à la note 80). 85

Précité à la note 79. 86

Idem 87

Idem Pour un cas d'ingérence gouvernementale voir, par exemple, Mark Ramseyer & Eric B.

Rasmusen, Why Are Japanese Judges So Conservative in Politically Charged Cases? 95 AM. POLIT.

45

95 - Cela signifiait que les juges pouvaient perdre d'importants profits s'ils

s'opposaient au gouvernement ou, pire encore, étaient expulsés de leurs positions88

. La

conformité était limitée davantage dans certains pays en modifiant leur responsabilité,

rendant les juges personnellement responsable s'ils décidaient contrairement à la loi et la

jurisprudence formellement établi, et pas à l'opinion doctrinale dominante comme

auparavant89

.

96 - En résumé, notre explication de pourquoi les réformateurs en faveur du

marché dans les pays de droit de tradition civiliste ont réduit le pouvoir discrétionnaire

du judiciaire réside dans le fait que, dans ces pays, la transition vers l'économie de

marché était relativement plus révolutionnaire et a généralement pas été soutenu par les

juges de l'Ancien Régime90

. Le changement institutionnel en Angleterre a suivi un

processus relativement lisse, et évolutif, qui a commencé beaucoup plus tôt et s'est

développé sur une période de temps considérable, ce qui a donné le temps et l'occasion

pour pouvoir judiciaire d'être cultivées dans l'ordre du marché91

. En revanche, les

autorités judiciaires dans l'Europe Continentale ont été structurées avec un plus grand

contrôle centralisé en vue de la réalisation et de l'exécution d'un changement

intentionnel, pour lequel les juges étaient ma préparé en général92

.

SC.REV. 331 (2001), qui montrent que les juges japonais qui acquittent sur la base d'une interprétation

législative ou constitutionnelle, souvent dans des cas politiquement sensibles, ont de moins bonnes

carrières suite à l'acquittement. 88

Idem 89

Voir par exemple, Ley de enjuiciamiento civil of 1881 (1881 Act of Civil Procedure), art. 903-17. 90

ANTONIO GAMBARO,WESTERN LEGAL TRADITION, in 3 THE NEW PALGRAVE

DICTIONARY OF ECONOMICS AND THE LAW 686–91 (Peter Newman ed., 1998). 91

Voir la note 51 précité. 92

Le caractère évolutif contre le caractère révolutionnaire de la transition n'a pas été le seul accident

historique ayant une influence dans la capacité d'adaptation des systèmes juridiques. L'innovation en

matière de technologie physique après que la "Common Law" a été enracinée peut aussi avoir réduit

l'avantage comparatif du pouvoir discrétionnaire. La conjecture est que dans les juridictions de "Common

Law", l'économie de marché a été établie avant l'émergence de marchés nationaux, qui pour la plupart ont

attendu jusqu'au développement des chemins de fer. La plupart des codifications en Europe ont eu lieu

lorsque, grâce à l'impact des chemins de fer, il était déjà clair que

46

Section 4 : Les tendances anti-marchés actuelles dans le système juridique

occidental

97 - À la fois la "Common Law" et le droit de tradition civiliste ont connu des

transformations importantes au cours du 20e siècle, telles que des juridictions

appartenant aux différentes traditions juridiques montrent maintenant des similitudes

remarquables dans des domaines dans lesquelles elles sont souvent censées différer. Des

convergences considérables ont également eu lieu dans des domaines où la législation

est plus récente, comme la protection des consommateurs ou la régulation financière93

.

Ces changements ont été interprétés comme des conséquences d'un changement social

général d'un ordre économique et social plus individualiste à un nouveau type de

collectivisme94

. Ce changement est conforme à notre argument car il s'agit de répondre à

une demande instinctive pour plus de sécurité quand le système politique voulait en

fournir plus. Voyons pourquoi.

98 - Tout d'abord, du point de vue de la psychologie évolutionniste, le niveau

élevé d'insécurité et, essentiellement, les risques exogènes générés par les deux guerres

mondiales et de la Grande Dépression, ont activé la demande pour des solutions de

« partage », introduisant toutes sortes de mécanismes de protection sociale et créant des

systèmes d'économies mixtes qui ont caractérisé les sociétés occidentales depuis la

seconde partie du 20ième siècle95

.

ces marchés deviendraient beaucoup plus grands. Naturellement, les corps législatifs s'efforcent de fournir

des normes juridiques unifiées pour l'ensemble du marché national, vu que la création de règles locales a

moins de sens après le développement des marchés nationaux. 93

Voir Gambaro, précité à la note 89, à 686, sur le caractère plus révolutionnaire des

changements dans le droit de tradition civiliste et sur la synchronicité entre la "Common

Law" et le droit de tradition civiliste dans la seconde moitié du 20ème siècle sur les

questions des droits des femmes, la protection de l'environnement, le droit de la

consommation et des sociétés. 94

HAROLD J. BERMAN, LAW AND REVOLUTION: THE FORMATION OF THE WESTERN

LEGALTRADITION 34 (1983); JOHN HENRY MERRYMAN, THE CIVIL LAW TRADITION: AN

INTRODUCTION TO THE LEGAL SYSTEMS OF WESTERN EUROPE AND LATIN AMERICA 14

(2d ed. 1985). Voir aussi Alston, précité à la note 36 et la section textuelle sur "La rationalité écologique

et l'absurdité de marchés» ci-dessus. 95

The Roosevelt Week, TIME 11 Juillet 1932. «à travers la nation les hommes et des femmes, oubliée par

la philosophie politique du gouvernement, se tournent ici vers nous pour obtenir des conseils et pour plus

de possibilités équitables de participer à la distribution de la richesse nationale. . . Je m'engage à un

nouvel accord pour le peuple américain. C'est plus qu'une campagne politique. C'est un appel aux armes.

».

47

99 - Même si les antécédents de l'Etat-providence datent de la quatrième partie

du 19ème siècle, on pourrait dire qu'ils n'ont pas atteint une part importante du PIB

jusqu'à être bien au 20e siècle. Le poids de l'Etat dans l'économie diffère aussi

sensiblement à travers les pays, mais ces différences entre pays semblent beaucoup plus

petites que les différences historiques qui existaient entre le présent et le 19ème siècle.

L'anthropologie évolutionniste nous dit que les êtres humains ancestraux se sont

appuyés sur des structures de partage social pour faire face aux risques exogènes96

.

Naturellement, les deux guerres mondiales et la Grande Dépression ont pu avoir

déclenché une réaction contre le libre fonctionnement du marché et la mise en place de

toutes sortes de contrôles d'Etat et d'assurance sociale, et cette hypothèse trouve un

certain soutien dans les événements parallèles qui ont eu lieu presque simultanément

dans les pays de droit de tradition civiliste et de "Common Law", vu que les règles

interventionnistes ont depuis sensiblement restreint la liberté contractuelle dans les deux

systèmes97

.

100 - Deuxièmement, les changements dans la structure du système politique à

la fin du 19e siècle et le début du 20e siècle, comme l'introduction du suffrage universel

et le développement des lobbies - des grandes entreprises aux syndicats, ont déplacés la

plupart des pays en dehors d'un modèle élitiste de démocratie, ce qui introduit des

préjugés cognitifs dans les institutions d'élaboration de règles, ce que les élites

dirigeantes précédentes avaient appris à supprimer.

96

Voir Elizabeth Cashdan, Egalitarianism Among Hunters and Gatherers, 82 AM. ANTHROPOLOGIST

116 (1980); Elizabeth Cashdan, Hunters and Gatherers: Economic Behavior in Bands, in ECONOMIC

ANTHROPOLOGY 21 (Stuart Plattner ed. 1989); Cosmides & Tooby, précité à la note 27; Hillard

Kaplan & Kim Hill, Food Sharing Among Ache Foragers: Tests of Explanatory Hypotheses, 26

CURRENT ANTHROPOLOGY 223 (1985); Hillard Kaplan et al., Risk, Foraging, and Food Sharing

Among the Ache, in RISK AND UNCERTAINTY IN TRIBAL AND PEASANT ECONOMICS 107

(Elizabeth A. Cashdan ed., 1990). 97

Ceci ne signifie pas que la solution du 20ème siècle, caractérisée par une liberté réstreinte et de la

redistribution imposée, est mal adapté. Au contraire, ces économies ont réussi en termes de taux de

croissance soutenus et de stabilité sociale. Par ailleurs, certains travaux expérimentaux soutiennent

l'affirmation que la stabilité des interactions compétitives entre les êtres humains exige un certain degré

de redistribution.

48

101 - Quel que soit le sens de la causalité, le fossé cognitif entre les législateurs

et les juges concernant la lutte contre les préjugés anti-marché était de nature à diminuer

considérablement voire de disparaître en conséquence des changements dans le système

politique qui a transformé les dirigeants politiques en agents politiques98

. Les systèmes

politiques sont devenus, par conséquence, disposés à fournir des solutions de «partage»,

même si elles sont contraires à la liberté contractuelle, l'ordre du marché, et à la

prospérité économique sur le long terme.

§1 : Les modifications dans la "Common Law"

102 - Nous soutenons que ces processus sont à l'origine des changements dans la

structure de la "Common Law" américaine, qui a été considérablement modifiée par des

décisions à la fois des législateurs et des juges.

103 - Au niveau législatif, le «New Deal» des années 1930 a marqué un tournant

radical. Le corps législatif s'est éloigné des principes de liberté contractuelle, a introduit

une régulation large et une supervision administrative de nombreuses activités

économiques privées qui affectaient les droits contractuelles et de propriétés, et a

développé un corpus considérable de droit administratif99

. Cela a apporté une extension

de la législation obligatoire dans des domaines de droit qui existaient à peine avant,

comme les relations de travail, les titres, les logements publics, la sécurité sociale, et la

protection environnementale100

.

104 - Le "New Deal" a également été un moment déterminant pour la Cour

suprême des États-Unis, dont la volonté a été déformée pour approuver la

constitutionnalité de l'ensemble du "New Deal".

98

Pour un compte rendu qui prend en compte l'influence potentielle des évolutions inadaptées dans le

marché législatif, voir PAUL H. RUBIN, DARWINIAN POLITICS: THE EVOLUTIONARY ORIGIN

OF FREEDOM ch. 7 (2002); Paul H. Rubin, How Humans Make Political Decisions, 41 JURIMETRICS

J. 337 (2001); Paul H. Rubin, The State of Nature and the Evolution of Political Preferences, 3 AM. L. &

ECON. REV. 50 (2001). 99

GUIDO CALABRESI, A COMMON LAW FOR THE AGE OF STATUTES (1982); Edward L. Glaeser

& Andrei Shleifer, The Rise of the Regulatory State, 41 J. ECON. LITERATURE 401 (2003); Manne,

précité note 11; Cass R. Sunstein, Interpreting the Regulatory State, 103 HARV. L. REV. 405, 462 (1989). 100

Berman, précité à la note 93, à 34.

49

105 - Des éléments essentiels de la Constitution ont été réinterprétés, réduisant la

liberté contractuelle des personnes dans de nombreux domaines, des relations de travail

à l'émission de titres financiers. Par conséquent, la Cour Suprême a perdu de son

autorité en tant que gardien de la Constitution ainsi que beaucoup de sa capacité à

outrepasser l'interprétation des règlements émis par des agences gouvernementales. Les

tribunaux ont réussi à imposer des restrictions procédurales sur les agences

administratives mais ont été empêchés d'atteindre des résultats substantiels101

. Même si

la Cour Suprême a toujours réinterprété des dispositions constitutionnelles dans le

contexte de la société contemporaine, le changement majeur apporté par le "New Deal"

reste le passage à un contrat social plus redistributif conçu au milieu de la Grande

Dépression. Même si les chercheurs ne s'entendent pas sur l'ampleur de ces ruptures

avec la jurisprudence constitutionnelle traditionnelle,102

le fait est que dans le cas

"United States v. Carolene Products Co."103

La Cour Suprême a placé le droit des

propriétaires dans une catégorie subalterne qui donne droit à un moindre degré de

protection. Ce résultat ressemble plus à un changement considérable doctrinal qu'à une

simple adaptation à des circonstances particulières.

106 - En plus, l'interprétation judiciaire, qui pendant des siècles avait été

favorable à la liberté contractuelle, a commencé à la restreindre104

. Cela s'est produit,

par exemple, en ce qui concerne la responsabilité en matière de produit aux États-Unis

après les cas « MacPherson v. Buick Motor Co. » de 1916, et « Henningsen v.

Bloomfield Motors, Inc. » de 1960105

et l'application de la soi-disant «responsabilité

d'entreprise», rendant les manufacturiers absolument responsable pour tous les accidents

résultant de l'utilisation de leurs produits106

. Cette pratique encourage la négligence des

consommateurs107

.

101

Manne, précité à la note 11, à 24. 102

BARRY CUSHMAN, RETHINKING THE NEW DEAL COURT: THE STRUCTURE OF A

CONSTITUTIONAL REVOLUTION (1998). 103

303 U.S. 144 (1938). 104

Pour un résumé de l'évolution parallèle dans la doctrine juridique et dans la formation avec

l'effondrement du modèle austinien, très respectueux de la jurisprudence, et son remplacement par le

réalisme juridique dans la première partie du XXe siècle, voir Manne, précité note 11, à 20-29. 105

Benson, précité à la note 67, à 92. 106

George L. Priest, The Invention of Enterprise Liability: A Critical History of the Intellectual

Foundations of Modern Tort Law, 14 J. LEGAL STUD. 461 (1985).105. 107

Voir Manne, précité à la note 11, à 35 (mentionnant la «création d'un édifice de« garanties implicites »

et «l'adoption de la responsabilité sans faute dans les années 1960»).

50

107 - Avec des arguments douteuses similaires de pouvoir de marché, d'inégalité

et d'injustice depuis le cas Williams v. Walker-Thomas Furniture Co. de 1965, certains

tribunaux américains ont également appliquer la doctrine de la «lésion», refusant

d'appliquer des clauses qui offensent la conscience des tribunaux et venant, dans

l'interprétation de la doctrine dans le sens le plus large, étonnamment proche de

l'utilisation de versions brutes des arguments scolaires de droit canonique.

Quelque chose de semblable se passe dans le droit du travail avec la tendance des

tribunaux de "Common Law" à exiger des employeurs de montrer "just cause" lors de la

résiliation d'un contrat qui inclut la clause par défaut de la résolution à volonté108

.

§2 : Les modifications dans le droit de tradition civiliste

108 - Le droit de tradition civiliste a connu des changements similaires, avec

seulement des différences mineures dans le calendrier et dans l'intensité. Dans le

domaine législatif, des modifications ont abondé depuis les années 1920,109

lorsque le

corporatisme avec divers programmes politiques mais avec une saveur anti-marché

commune ont prit le pouvoir dans plusieurs pays européens. En conséquence, les

interventions publiques ont augmenté dans toutes sortes d'activités privées. Les

parlements ont été transformés de découvreurs de la loi permanente en des

représentations d'intérêts privés hétérogènes110

. Ils ont promulgués de nombreuses

règles transitoires et obligatoires dans de nouvelles législations, dans des domaines

similaires à celles légiférés dans le "New Deal", c'est un processus qui a été renforcé

après la seconde guerre mondiale avec l'extension des états providences. L'intervention

législative obligatoire d'anciens droits codifiés, comme des contrats et de la propriété, a

été initialement limité mais a explosé dans les années 1960 et 1970. L'augmentation de

l'activité législative a transformé ce qui était autrefois considéré comme un tout

cohérent en une masse de règles "ad hoc" et souvent contradictoires111

.

108

Max Schanzenbach, Exception to Employment at Will: Raising Firing Costs or Enforcing Life-Cycle

Contracts?, 5 AM. L. & ECON. REV. 470 (2003). 109

La deuxième vague de la codification, qui a commencé avec le XXe siècle, est souvent considéré

comme beaucoup moins favorable au marché que la première vague - par exemple dans le traitement de la

lésion. ABRIL CAMPOY, précité à la note 75. 110

SCHMITT, précité à la note 37. 111

BERMAN, précité a la note 93, à 35-38.

51

109 - On pourrait faire valoir que des changements contre la liberté contractuelle

dans les pays de droit de tradition civiliste ont été faits plus facilement parce que ces

pays sont entrés dans le 20ème siècle avec des assemblées législatives plus puissantes,

pas restreintes par la capacité d'élaboration de règles par le pouvoir judiciaire de

"Common Law". La comparaison des résultats finaux en Europe et aux États-Unis

semblent confirmer cette interprétation, parce que l'interventionnisme a davantage

augmenté en Europe. Le cas britannique, cependant, jette un doute en illustrant que,

premièrement, la "Common Law" n'est pas à l'abri d'une lourde socialisation et,

deuxièmement, qu'un fort pouvoir législatif peut être le bon outil pour redynamiser le

marché, plus que le pouvoir judiciaire relativement discret mais simpliste qui a

contribué à écarter la liberté contractuelle dans les pays de "Common Law" par le biais

de l'activisme judiciaire.

110 - Dans de nombreuses juridictions de droit de tradition civiliste, les

changements dans la position des juges ont augmenté leur pouvoir d'élaboration de

règles. Premièrement, le contrôle sur les juges de droit de tradition civiliste a été

assoupli et ils jouissent actuellement de plus de liberté. Certaines des contraintes encore

présents au 19ème siècle, comme la responsabilité personnelle, ont également été

levées. En outre, l'encombrement judiciaire les libère partiellement du contrôle implicite

des appels, qui sont devenus beaucoup plus coûteux en raison des délais qui ont

augmenté avec l'opportunité croissante du coût du temps. Enfin, le changement qui a été

mentionné précédemment dans la nature du Parlement a explicitement renforcé la

position des juges, en particulier lorsque les constitutions sauvegardent les droits

positifs de certains groupes (les fonctionnaires, les églises, les syndicats, etc.),

restreignant le pouvoir législative discrétionnaire112

. Ceci est évident dans les tribunaux

constitutionnels, qui ont été conçus pour contrôler le corps législatif, et dont les

pouvoirs ont été renforcés après la seconde guerre mondiale113

.

112

SCHMITT, précité à la note 37. 113

Pour une théorie sur le rôle de la cour constitutionnelle dans le contrôle de la législation qui pourrait

réduire la protection des droits par l'Etat, voir ROBERT ALEXIS, TEORÍA DE LOS DERECHOS

FUNDAMENTALES[THEORY OF FUNDAMENTAL RIGHTS] (1993) (Espagne).

52

111 - Mais les tribunaux de niveaux inférieurs jouissent désormais eux aussi

d'un plus grand pouvoir discrétionnaire dans certaines juridictions, vu qu'elles peuvent

maintenant entamer des procédures à la cour constitutionnelle en remettant en cause la

constitutionnalité de la législation. De même, au sein de l'Union Européenne, les

juridictions inférieures peuvent engager une procédure similaire à la Cour Européenne

de Justice quand ils croient que la législation nationale est en contradiction avec le droit

de l'UE. Si notre raisonnement cognitif sur l'échec judiciaire est correct, ce plus grand

pouvoir discrétionnaire des tribunaux de droit de tradition civiliste sera probablement

utilisé pour restreindre la liberté contractuelle, à moins que les juges parviennent à une

meilleure compréhension des mécanismes du marché.

Chapitre 4 : Une critique des explications alternatives

112 - Notre interprétation du droit de tradition civiliste du 19ème siècle comme

une introduction adaptative descendante des institutions soutenant le marché de change

a des conséquences importantes pour les arguments développé dans les débats sur

l'efficacité et la performance de la "Common Law" par rapport au droit de tradition

civiliste. Le premier de ces débats a commencé quand une partie de l'école "droit et

économie" américaine a plaidé en faveur de l'efficacité des solutions utilisées par la

"Common Law" du 19ème siècle. Plus tard, la quête d'explications institutionnelles des

différences dans la performance économique a conduit à des comparaisons quantitatives

de multiples indicateurs de performance à travers les systèmes juridiques. Alors même

que ces deux explications impliquent des arguments évolutionnistes et historiques, ils

diffèrent d'une façon importante de nos hypothèses parce qu'ils ne considèrent pas la

possibilité d'adaptation aux conditions historiques locales comme la principale force

derrière la divergence des systèmes juridiques. En outre, ces explications alternatives ne

parviennent pas à prouver la supériorité universelle des conditions de la "Common

Law" que beaucoup d'entre eux préconisent de manière plus ou moins explicite. Par

conséquent, leurs explications peuvent conduire à une mauvaise politique quand ils

négligent les circonstances locales qui pourraient fortement limiter la faisabilité de toute

réforme juridique.

53

Section 1 : Le débat sur l'efficacité

§1 : L'efficacité de la "Common Law"

113 - L'efficacité de la "Common Law" a d'abord été signalée par Posner, basée

sur la métaphore que la création décentralisée de la "Common Law" imitait la façon

dont le marché fonctionnait, conduisant les juges à inconsciemment poursuivre une

norme d'efficacité114

. Cette hypothèse a été utilisée avec succès pour expliquer de

nombreuses règles de "Common Law", comme ceux concernant la négligence, la faute

de la victime, la responsabilité sans faute, la restitution, et la source accessoire, pour

n'en nommer que quelques uns115

. Par exemple, Landes et Posner illustrent l'argument

en examinant l'application de la théorie de la "Hand Formula", un type d'analyse spécial

des coûts et des avantages appliquée dans le domaine des délits, et concluent que les

juges vont réellement, même si ce n'est pas nécessairement consciemment, utilisent

cette méthode pour évaluer la responsabilité, et donc de prendre des décisions qui

rehaussent l'efficience116

.Ce type d'argument a été critiqué, cependant, pour son manque

de vérifiabilité. En particulier, il n'existe aucune preuve que les juges effectuent

consciemment ce calcul. En outre, l'information nécessaire pour appliquer la règle n'est

pas facilement disponible. En plus, même si il est montré qu'une règle de la "Common

Law" est efficace, il ne s'ensuit pas que c'est le système de "Common Law" qui a

produit une telle efficacité, car beaucoup de ces règles qui étaient développé dans des

systemes juridiques antérieurs117

sont également appliqués dans des juridictions de droit

de tradition civiliste118

ou, lorsqu'elles différent, les différences sont fonctionnels et

s'intègrent bien dans les autres caractéristiques de systemes juridiques119

.L'hypothèse

d'efficacité a également été évaluée dans des modèles plus détaillés du processus

judiciaire.

114

Posner, précité à la note 7. 115

Posner, précité à la note 7. 116

WILLIAM M. LANDES & RICHARD A. POSNER, THE ECONOMIC STRUCTURE OF TORT

LAW (1987). 117

Brian Simpson, English Common Law, in 2 THE NEW PALGRAVE DICTIONARY OF

ECONOMICS AND THE LAW, précité à la note 15, à 57. 118

Michael Faure, Tort Liability in France: An Introductory Economic Analysis, in 6 THE ECONOMICS

OF LEGAL RELATIONSHIPS SERIES 169 (Bruno Deffains & Thierry Kirat eds. 2001). 119

Rubin, précité à la note 5.

54

114 - En adaptant l'argument fondateur d’Harold Demsetz sur les droits de

propriété,120

Paul Rubin a fait valoir que les règles inefficaces ont tendance à être

considérées comme un sous-produit imprévu d'un contentieux entre des parties

égocentriques qui partagent un intérêt commun pour changer la règle121

. Pour englober

les cas dans lesquels les parties ne partagent pas un intérêt commun, l'argument a été

étendu pour modéliser la "Common Law" comme un processus évolutif122

. Le

contentieux, cependant, est souvent incapable de produire les mêmes règles juridiques

que celles que les parties auraient introduites s'ils s'étaient expressément entendu "ex

ante" sur la question contestée "ex post", parce que le contentieux ne regroupe pas tous

les intérêts des parties et peut pour cela donc aspirer à atteindre seulement une efficacité

locale, et non globale123

. Prenant en compte cette critique et en étendant l'argument,

Rubin a fait valoir que les mécanismes enracinés, quoique différents, ont conduit à la

fois la "Common Law" et le droit de tradition civiliste à l'efficacité. Il a affirmé que ce

chemin vers l'efficacité a duré une bonne partie du 19e siècle et que la sensibilité aux

lobbies qui caractérise l'évolution ultérieure des institutions d'élaboration de règles a

corrompue à la fois la "Common Law" et le droit de tradition civiliste124

. Cette idée a

été explorée davantage par Crew et Twight,125

Bailey et Rubin,126

et Osborne,127

entre

autres. Cependant, c'est un mystère de savoir quelles sont les raisons pour lesquelles les

deux siècles diffèrent si radicalement en terme d'extension de la recherche de profit,

quelque chose que nous avons supposé peut avoir été une réaction contre des risques

exogènes128

.

120

Harold Demsetz, Towards a Theory of Property Rights, 57 AM. ECON. REV. 347 (1967). 121

Paul H. Rubin, Why is the Common Law Efficient?, 6 J. LEGAL STUD. 51 (1977). 122

Katz, précité à la note 2; Priest, précité à la note 2; Terrebonne, précité à la note 2. 123

Richard E. Wagner, Common Law, Statute Law and Economic Efficiency, in 1 THE NEW PALGRAVE

DICTIONARY OF ECONOMICS AND THE LAW 313 (Peter Newman ed., 1998). 124

Rubin, précité à la note 5. 125

Michael Crew & Charlotte Twight, On the Efficiency of Law: A Public Choice Perspective, 66 PUB.

CHOICE 15 (1990). 126

Martin Bailey & Paul H. Rubin, A Positive Theory of Legal Change, 14 INT’L REV. L. & ECON.467

(1994). 127

Evan Osborne, What’s Yours Is Mine: Rent-Seeking and the Common Law, 111 PUB. CHOICE

399(2002). 128

Pour un examen approfondi de la littérature sur l'efficacité du droit prétorien, voir Paul H.

Rubin,Judge-Made Law, in 5 ENCYCLOPEDIA OF LAW AND ECONOMICS, précité à la note 2, à

543.

55

115 - Par ailleurs, la "Common Law" compris comme un droit crée par les juges

peut être imparfaite pour des raisons plus profondes. Sa nature est rétrospective et donc

impropre pour la création de règles totalement nouvelles ou pour faire de rapides

changements juridiques. Comme avec n'importe quel concept réalisé dans un processus

évolutif, il souffre de la dépendance à route toute tracée parce que les innovations sont

introduites non pas en les concevant à partir de zéro mais en les bricolant avec une

solution reçu. Pour paraphraser Tooby et Cosmides, la "Common Law" évolue ensuite

"Comme le navire proverbiale qui est toujours en mer. Le navire ne peut jamais aller en

cale sèche pour une grande refonte ; n'importe toutes les améliorations qui sont

apportées ils doivent être mis en œuvre planche par planche, de sorte que le navire ne

coule pas."129

Le droit statutaire, en revanche, est produit dans un processus de manière

plus ciblé même si, pas nécessairement supérieure, bénéficiant de la planification et de

la prospective, et est moins limité par l'ordre juridique antérieur. Il souffre de la

recherche de profit mais, comme nous l'avons vu plus haut, la gravité de ce problème de

recherche de profit varie considérablement et le processus évolutionniste dans la

"Common Law" n’est pas du tout libre de leurs propres versions de celle-ci, comme

dans le cas des juges politiquement motivés, qui mettent en œuvre leur propre version

de la moralité130

. Même Richard Posner reconnaît que "l'élaboration de la loi par le

pouvoir législatif est susceptible d'être plus efficace que l'élaboration de lois par le

pouvoir judiciaire" parce que les procédures judiciaires des cas ne parviennent souvent

pas à soulever les questions pertinentes pour l'initiation d'une reforme légale131

. Comme

l'a soutenu Wagner, la "Common Law" peut probablement passer le test de l'efficacité

locale, mais est vouée à l'échec à l'épreuve de l'efficacité globale132

.

116 - Enfin, l'affirmation selon laquelle la jurisprudence est plus efficace que la

loi statutaire reste à prouver car la majorité de la discussion a été sur la cohérence

interne de la "Common Law" et non sur ses avantages par rapport au droit de tradition

civiliste.

129

Cosmides & Tooby, précité à la note 26, à 60. 130

ROBERT H. BORK, THE TEMPTING OF AMERICA (1990). 131

Posner, précité à la note 7, à 569 132

Wagner, précité à la note 122, à 315.

56

117 - La cohérence interne, cependant, n'est pas exclusive à la "Common Law",

car beaucoup de règles dans le droit de tradition civiliste semblent aussi refléter ou

conduire à l'efficacité133

. Robert Cooter, par exemple, suggère que l'efficacité de la

"Common Law" dépend de la promulgation de coutumes efficaces par les juges134

. C'est

autant une caractéristique de la "Common Law" qu'elle l'est du droit de tradition

civiliste. Selon cet argument, les juges rendent la "Common Law" efficaces quand ils

trouvent du droit coutumier et l'élèvent au niveau de loi. Cependant, le choix des

normes sociales est également souvent effectué dans le processus de codification. Par

exemple, le code des Etats-Unis le plus abouti, le Code commercial uniforme, a été

construit en identifiant et en systématisant les meilleures pratiques d'affaires, et la

plupart du reste de la "Common Law" en matière de contrats a également été codifiées

dans le "Restatement of Contrats" publiés par l' « American Law Institute » et dans les

lois des États modifiant le « Statute of frauds »135

. Cet argument nous amène au débat

sur l'efficacité de la loi statutaire.

§2 : L’efficacité du droit de tradition civiliste

118 - Les travaux affirmant l'efficacité économique de la "Common Law"

suggèrent souvent, plus ou moins implicitement, que le droit statutaire n'atteint pas le

même degré d'efficacité. Toutefois, le droit de tradition civiliste s'efforce de tendre

également vers l'efficacité à travers ses sources de règles, ses lois et son activité

judiciaire136

.

119 - La législation peut produire des règles supérieures parce que la

centralisation favorise la standardisation et l'innovation. L'organisation industrielle

montre que les marchés ne fournissent pas toujours les normes universelles et ne

garantissent pas pleinement que la norme survivante soit la meilleure.

133

Faure, précité à la note 117, à 179; Harnay, précité à la note 16. 134

Robert Cooter, Structural Adjudication and the New Law Merchant: A Model of Decentralized Law, 14

INT’L REV. L. & ECON. 215 (1994). 135

COOTER & ULEN, précité à la note 75, à 205, 378. 136

Dans une enquête auprès des membres de l' « American Law and Economics Association », il a été

constaté que quatre-vingts quatre pour cent des répondants croyaient que la "Common Law" est

généralement efficace et que quarante deux pour cent pensaient qu'elle est plus efficace que le droit de

tradition civiliste. Moorhouse et al., Economics and the Law: Where is There Consensus?, 43 AM.

ECONOMIST 81 (1999).

57

120 - Une solution possible est un accord industriel ou un autre type de

mécanisme de coordination garantissant la compatibilité de tous les éléments du réseau.

Par analogie, Harnay voit les codes juridiques comme les normes au sein d'un réseau

social, fournissant une coordination juridique pour l'adoption d'externalités137

. Le droit

codifié peut alors éviter l'émergence de règles juridiques inefficaces dans le processus

d'un contentieux décentralisée qui caractérise les systèmes de "Common Law".

L'argument a été utilisé pour expliquer la codification en tant que effort conscient de

systématiser et d'organiser des textes et coutumes antérieurs138

. Le droit de tradition

civiliste est également pensé pour avoir certains avantages, de manière prospective

d'être plus innovante que la "Common Law". Il est fondé sur des règles juridiques, qui

peuvent être plus faciles à créer que des normes sociales139

. Bien que cet argument pose

de toute évidence la question de savoir où et quand cette créativité est souhaitable, cela

indique également que le droit de tradition civiliste à le potentiel d'être flexible alors

qu'il est souvent perçu comme rigide.

121 - La notion selon laquelle le droit de tradition civiliste se préoccupe

davantage de la distribution que de l'efficacité a également été opposée en soulignant

l'importance des principes du droit de tradition civiliste qui reposent sur une logique

d'efficacité économique140

. Par exemple, même si la responsabilité délictuelle française

n'utilise pas un test de "Learned Hand" pour évaluer la qualité des soins, cela n'exclut

pas l'utilisation de l'analyse coûts-avantages.En outre, il est douteux que la pratique

judiciaire s'écarte de l'efficacité économique et favorise plus la redistribution dans le

droit de tradition civiliste que dans la "Common Law". Par exemple, il a été avancé que

le droit de tradition civiliste tend à appliquer la responsabilité sans faute lorsque cette

application est plus compatible avec l'indemnisation des victimes qu'avec l'efficacité

économique, reflétant peut-être des priorités sociales différentes141

.

137

Harnay, précité à la note 16. 138

Voir, par exemple, Jean-Michel Josselin & Alain Marciano, The Making of the French Civil Code: An

Economic Interpretation, 14 EUR. J.L. & ECON. 193 (2002). 139

Nuno Garoupa, An Economic Analysis of Criminal Systems in Civil Law Countries, in 6 THE

ECONOMICS OF LEGAL RELATIONSHIPS SERIES 199 (Bruno Deffains & Thierry Kirat eds. 2001). 140

Faure, précité à la note 117. 141

Idem

58

122 - Toutefois, la portée de la responsabilité sans faute a probablement aussi été

prise dans la "Common Law" à des extrêmes inefficaces142

.

123 - La capacité des juges de droit de tradition civiliste à modifier et à adapter

les règles juridiques inefficaces est également supérieure à ce que l'on pourrait imaginer

parce que les juges conservent une certaine capacité normative143

. Il a souvent été

observé que, lorsque l'efficacité d'une règle codifiée est mise en doute, les tribunaux de

droit de tradition civiliste finissent par la contourner, le plus souvent en étirant

l'interprétation de normes flexibles tels que «la bonne foi» ,«raisonnablement »,«

équitablement », et ainsi de suite. Cela s'est produit, par exemple, dans des domaines

aussi divers que l'empiétement, la possession apparente, et des exigences contractuelles

formelles. Par exemple, selon le Code civil espagnol, des constructions qui s'empiètent

devraient être démolies si les deux propriétaires voisins ne parviennent pas à un accord,

qui serait inefficace en cas d'empiétements mineurs de bonne foi; par conséquent, la

jurisprudence est venue renforcer la règle de la responsabilité144

. Il est également

fréquent pour les lois sur l'enregistrement des terres de refuser le statut e bien (qui est,

réel ou "in rem") pour une simple possession. Cependant, la jurisprudence interprète

souvent des exigences de bonne foi de manière expansive, considérant la possession

ostensible comme preuve de la mauvaise foi de la part d'une tierce partie qui va acquérir

la propriété d'un propriétaire enregistré qui n'a pas la possession145

. Comme un dernier

exemple, l'exigence du Code civil français d'une forme d'écrit pour les dettes dans le

domaine des contrats d'affaires a rapidement été abrogée par les juges146

.

142

Priest, précité à la note 105. 143

Theodor Viehweg von Beck (TOPIK UND JURISPRUDENZ 1953) soutient que les juges de droit de

tradition civiliste ont la liberté d'interpréter la loi. 144

Cándido Paz-Ares, Principio de eficiencia y derecho privado [Principle of Efficiency and Private

Rights], in 3 ESTUDIOS EN HOMENAJE A M. BROSETA PONT [STUDIES IN HOMAGE TO M.

BROSETA PONT] 2843, 2860–65 (1995) (Espagne). 145

La vocation du pouvoir judiciaire à transformer des règles de propriété "cristal" en des règles de

responsabilité "boueuses", a été analysé à l'origine dans la "Common Law" par Rose. Carol M. Rose,

Crystals and Mud in Property Law, 40 STAN. L. REV. 577 (1988). Mais elle est également présent dans

le droit de tradition civiliste. Voir en général Arruñada, précité à la note 70. 146

Danet, précité à la note 74. Même si ce renversement de lois par le pouvoir judiciaires de lois a un

impact considérable, nous n'arguons pas que cela met au même niveau les juges de droit de tradition

civilste et leurs homologues de la "Common Law". En outre, une telle annulation n'est pas toujours

efficace, comme en témoigne le traitement judiciaire des droits de possession.

59

124 - Il semble donc clair que l'efficacité et les déviations ne sont pas exclusivement un

trait de la "Common Law" ou du droit de tradition civiliste147

, mais sont des réponses à

des causes plus profondes. Ugo Mattei suggère, par exemple, que les changements dans

le rôle à la fois des tribunaux de "Common Law" et de droit de tradition civilistes ont

abouti à la substitution de l'organisation sociale par le contrat pour ce qu'il décrit comme

le «gouvernement par les juges»148

. Le résultat de ce changement et les risques encourus

montre des similitudes remarquables entre les traditions juridiques. Dans des pays de

droit de tradition civiliste, les jurisprudences ont rapidement réintroduit des vues

moralistes en interprétant, plus ou moins librement, l'«intention» initiale du législateur.

Dans un exemple récent, les décisions des tribunaux concernant des cas de licenciement

de travailleurs en Italie ont été exposées pour avoir été influencé par les conditions du

marché de travail local. La probabilité d'une décision en faveur du travailleur augmente

avec le taux de chômage dans la juridiction du tribunal, ce qui est cohérent avec une

plus grande considération de l'«équité» dans de telles décisions149

. Cependant, des

événements similaires ont lieu dans la plupart des domaines de la "Common Law".

Même les juges fédéraux américains ont été sévèrement critiqués pour avoir imposé

leurs propres points de vue et ignoré les contraintes constitutionnelles et législatives par

lesquelles ils sont censés être tenus150

.

Section 2 : La discussion comparative de performance

125 - Le débat sur l'efficacité des systèmes juridiques, confinés pendant des décennies

au droit et à l'économie, a récemment atteint un public plus large, quand certaines

hypothèses connexes ont commencé à être testées empiriquement par Simeon Djankov,

Rafael La Porta, Florencio Lopez-de-Silanes, Paul Mahoney, Andrei Shleifer et Robert

Vishny151

.

147

Rubin, précité à la note 5. 148

MATTEI, précité à la note 73. 149

Andrea Ichino et al., Are Judges Biased by Law Market Conditions?, 47 EUR. ECON. REV. 913

(2003). 150

BORK, précité à la note 129. 151

Simeon Djankov et al., The Regulation of Entry, 117 Q.J. ECON. 1 (2002); Djankov et al. précité à la

note 77; Rafael La Porta et al., Legal Determinants of External Finance, 52 J. FIN. 1131 (1997); La Porta

et al., précité à la note 3; La Porta et al., précité note 41; Mahoney, précité à la note 4.

60

126 - Ces travaux classifient un échantillon de pays en fonction de l'origine

historique de leur système juridique comme étant de la "Common Law" ou du droit de

tradition civiliste. Ces études ont examiné le droit civil français, allemand et scandinave,

et les origines dans les anciens pays communistes; et puis en utilisant la régression

statistique, ont testé le pouvoir explicatif de ces «Legal Origins» variables sur divers

indicateurs de performance institutionnelle et économique des pays, allant de la

propriété de titres à la croissance économique.

127 - Les premières études ont exploré l'importance que ce critère de

classification avait sur le développement des marchés financiers et des dispersion de

propriété des compagnies152

. Un ensemble de cinq indices de protection des

investisseurs et des actionnaires a été élaboré après avoir inspecté le code de commerce

et la réglementation des faillites dans chaque pays. Ceux-ci étaient supposés refléter le

degré de protection juridique que la loi accordait aux investisseurs minoritaires. Une

corrélation positive statistiquement significative a été trouvée entre la protection des

actionnaires et des investisseurs, d'une part, et la tradition de "Common Law", d'autre

part. L'analyse a ensuite été étendu dans des série de travaux qui montraient des

corrélations significatives entre l'appartenance à un système juridique particulier et le

niveau modéré de réglementation, la protection des droits de propriété, l'efficacité du

gouvernement, le niveau de liberté politique, la croissance économique et

l'indépendance judiciaire153

. La ligne directrice dans toutes ces œuvres est que la

tradition du droit de tradition civiliste et, en particulier, sa version française, montre

toujours des performances pires que la tradition de "Common Law"154

. Cet axe de

recherche est précieuse car il s'agit d'un effort pionnier dans la quantification des

différences de performance entre les institutions juridiques qui soutiennent les

économies modernes, et ceci motive davantage de discussions et lui permet de procéder

de manière plus systématique, même si certains diront déformée. Cependant, il souffre

des faiblesses considérables liées aux difficultés de mesure, les préjugés des sélections,

et la causalité contestable.

152

Rafael La Porta et al., Legal Determinants of External Finance, 52 J. FIN. 1131 (1997); La Porta et al.,

précité à la note 3. 153

Rafael La Porta et al., The Economic Consequences of Legal Origins, Nat’l Bureau of Econ. Research,

Working Paper No. 13608 (2007). 154

Idem

61

128 - Tout d'abord, la mesure est seulement aussi précieuse que sa précision, et

les institutions de mesure sont liées à des difficultés méthodologiques. Ainsi, la plupart

des résultats sont basés sur des indices qui ne tiennent compte que de quelques-unes des

nombreuses dimensions pertinentes, comme l'indice des droits des actionnaires de La

Porta et al., qui n'établit pas de distinction entre le caractère obligatoire ou par défaut

des règles, une omission majeure si ils doivent être correctement compris155

. En plus, ils

mesurent les droits des actionnaires dans des dimensions qui ne reflètent pas

nécessairement le degré réel de protection. Par exemple, leur indice considère le fait que

les actionnaires allemands ne peuvent pas voter par correspondance comme une lacune

du droit des sociétés allemand, sans tenir compte du fait que la plupart des actionnaires

allemands envoient leurs instructions par courrier à leurs banques et que les banques

votent156

. En fait, si, comme démontré par Spamann, le “Antidirector Rights Index”de

La Porta et al.157

est systématiquement classé, il n'y a pas de différences entre les

pratiques des pays de "Commun Law" et de tradition civiliste158

. De plus, il est soutenu

que des problèmes sévères d'endogénéités sont présents dans des œuvres ultérieures, à

commencer par Djankov et al., où de nouvelles définitions variables sont utilisées pour

le « Anti-director Rights Index »159

. Le problème est encore pire, cependant, parce qu'il

manque une mesure globale de la performance institutionnelle qui distingue les

conditions et les résultats institutionnels, et prend en compte les interactions entre un

certain nombre d'institutions, ce qui détermine ce que nous définissons comme une

juridiction actuelle de la "Common Law" ou de droit de tradition civiliste160

.

155

La Porta et al., précité à la note 3. 156

Mark J. Roe, Corporate Law’s Limits, 31 J. LEGAL STUD. 233 (2002). 157

La Porta et al., précité à la note 3. 158

Holger Spamann, On the Insignificance and/or Endogeneity of La Porta et al.’s ‘Anti-Director Rights

Index’ Under Consistent Coding, Harvard John M. Olin Ctr. for Law, Econ., and Bus. Fellows’ Discussion

Paper Series, Discussion Paper No. 7 (Mars 2006). 159

Simeon Djankov et al., The Law and Economics of Self-Dealing, Nat’l Bureau of Econ. Research,

Working Paper No. 11883 (2005) disponible sur

http://post.economics.harvard.edu/faculty/shleifer/papers/selfdeal.nov.pdf. 160

Quelques pas vers une analyse plus détaillée ont déjà été pris mais leurs résultats ne sont pas libres des

préjugés que nous décrivons ici. Voir, par exemple, Daron Acemoglu et Johnson Simeon

Johnson,Unbundling Institutions, 113 J. POL. ECON. 949 (2005) (montrant une relation statistique entre

la croissance et la protection des droits de propriété contre l'expropriation d'État mais pas entre la

croissance et la qualité des établissements contractants, une variable que d'autres œuvres relient à l'origine

légale); Daron Acemoglu et al., Reversal of Fortune: Geography and Institutions in the Making of the

Modern World Income Distribution, 117 Q.J. ECON.1231–32 (2002) (défendant l'importance primordiale

des conditions locales pour le développement d'institutions fortes de droits de propriété); Thorsten Beck

et al., Law and Finance: Why Does Legal Origin Matter?, 31 J. COMP. ECON. 653, 655 (2003) (qui

défend l'importance de la capacité d'adaptation du système judiciaire aux conditions économiques en

62

129 - Deuxièmement, même si les performances étaient parfaitement mesurées,

leurs comparaisons souffrent d'un problème intrinsèque d'auto-sélection parce que les

niveaux de performance réels observés résultent de ces choix qui ont été effectivement

prises dans le passé, et nous manquons d'informations sur leurs alternatives (la

«différence de base» dans la taxonomie fourni par Przeworski)161

. Si nous reconnaissons

que pas tous les systèmes juridiques performent bien dans tous les contextes, la

comparaison pertinente est entre la performance de l'option choisie et de ses

alternatives, mais ces performances alternatives sont par définition jamais observées.

Par exemple, même si quelqu'un démontre que la performance économique des États-

Unis est meilleure que celle de la France parce que la France dispose d'un système de

droit de tradition civiliste, cela ne prouverait pas que c'était une erreur pour les français

de modeler leur système juridique sous l'Ancien Régime dans le sens de ce qui est

maintenant connu sous le nom de droit de tradition civiliste. Pour montrer qu'une telle

décision était une erreur, quelqu'un devrait comparer la performance réelle de la France

avec la performance de la France aurait eu sous la "Common Law". Ce problème

pourrait être résolu si l'on pouvait observer des cas dans lesquels des pays choisiraient

leur système juridique au hasard, et certaines recherches s'appuient sur les réclamations

mal justifiées en ce sens162

.

130 - Plus généralement, avancer des arguments de causalité est particulièrement

dangereux en l'absence de théorie sur la fonction spécifique de l'établissement en cours

d'analyse.

perpétuels mouvements). 161

Adam Przeworski, Institutions Matter?, 39 GOV’T & OPPOSITION 527, 537 (2004). 162

En particulier, La Porta et al. affirment que leurs études ne souffrent pas d'endogénéité car, dans la

plupart des cas, la véritable origine du système juridique est imposée par la conquête. La Porta et al,

précité à la note 3, à 1126.; La Porta et al., précité à la note 41, à 264-65. Ceci est incertain, cependant,

parce que ce n'est pas applicable à tous les pouvoirs colonisatrices ou à de nombreuses anciennes

colonies, qui ont souvent adopté leurs codes longtemps après l'indépendance - dans le cas des anciennes

colonies espagnoles, plusieurs décennies plus tard (et, soit dit en passant, faisant le choix d'un mélange

déroutant des institutions juridiques espagnols et des institutions politiques américaines). En plus, même

lorsque on introduit de nouvelles institutions juridiques, il y avait un choix de système et le choix était

souvent de retarder l'application aux colonies, implicitement optant pour maintenir temporairement

l'ancien système, ce qui a fourni un plus grand pouvoir discrétionnaire. En outre, une variante de ce

problème d'auto-sélection est que, les variables d'origines légales ne tiennent pas compte des institutions

juridiques autochtones. Daniel Berkowitz et al., Economic Development, Legality and the Transplant

Effect, 47 EUR. ECON. REV. 165 (2003). La puisance antérieure des institutions autochtones, qui a rendu

l'introduction du droit occidental inutile, plus coûteuse, et moins efficace, a aussi souvent été négligé en

tant que facteur explicatif. Voir Acemoglu et al., précité à la note 159 (En ce qui concerne l'effet

potentiellement négatif des institutions pré-coloniale dans la croissance économique à long terme).

63

131 - Par exemple, conclure à partir d'une corrélation que la concentration de la

propriété est due à la protection juridique prétendument faible des droits des

investisseurs peut sembler intuitivement correct mais est sans fondement. En particulier,

quand on traite avec des institutions d'une complexité considérable telles que les

systèmes juridiques, il pourrait ne pas être possible de tenir tous les autres variables

stables. Comme le démontre Roe, un mélange complexe de conditions économiques,

sociales et politiques affecte et est affecté par des frais de représentation managériaux et

détermine le degré de dispersion de la propriété163

. Quelque chose de semblable se passe

avec une omission récurrente dans cette littérature: le droit de tradition civiliste est plus

fondé sur l'application des lois et un contrôle d'accès ex ante alors que la "Common

Law" repose davantage sur le contrôle juridictionnel ex post des transactions qui sont

plus libres ex ante. Compte tenu de sa dépendance à l'égard du contrôle ex ante, le droit

de tradition civiliste tend à exiger plus de procédures obligatoires pour la plupart des

contrats. Par conséquent, la comparaison de la complexité et du coût des transactions

entre les deux systèmes juridiques font l'objet d'un grave doute. De même, la

méthodologie de l'initiative «Doing Business» calcule uniquement les étapes

obligatoires et nécessaires pour constituer une société, au lieu de calculer les étapes

standard, en supposant que les fondateurs d'une société entreprennent toutes les

démarches nécessaires par eux-mêmes, sans aucun frais, sauf s'il est obligatoire d'avoir

recours à une partie externe164

. L'évaluation des institutions nationales est donc déformé

en faveur de ces pays avec un minimum d'interventions obligatoires: sans doute, ceux

qui reposent sur un contrôle juridique ex post, pour lesquelles les supposés "Doing

Entreprise" entrepreneurs obtiennent de l'aide juridique gratuite. En plus, l'effet possible

des interventions "ex ante" dans la réduction des coûts juridique "ex post" est ignoré165

.

132 - De la même manière, les systèmes juridiques sont intégrés dans un réseau

complexe de structures politiques et de préférences sociales qui ne peuvent être étudiés

isolément.

163

Roe, précité à la note 155, à 265–69. 164

Simeon Djankov et al., The Regulation of Entry, 117 Q.J. ECON. 1, 2 (2002); WORLD BANK,

DOING BUSINESS IN 2004: UNDERSTANDING REGULATION 105, 106–07 (2004). 165

BENITO ARRUÑADA, LA FORMALIZACIÓN DE LA EMPRESA [THE FORMALIZATION OF

ENTERPRISE] (attendu en 2008) (Espagne).

64

133 - Apparemment La Porta et al. les étudie indépendamment quand ils

prennent comme un symptôme de l'inefficacité de la procédure juridique leurs constats

que les tribunaux des pays de droit de tradition civiliste sont plus lents à statuer sur une

affaire d'expulsion d'un locataire ou de recouvrement d'un chèque sans provision. Les

inefficacités suggérées, cependant, sont difficiles à justifier sans considération des

facteurs tels que l'incidence de ces événements, les mécanismes d'exécutions

complémentaires qui sont à l'œuvre, et les coûts encourus dans chaque système pour un

niveau de qualité comparable.

134 - Dans cette littérature, la performance économique supérieure de pays de

"Common Law" a été attribué non seulement à la protection légale des droits de

propriété mais aussi à l'indépendance supérieure de l'autorité judiciaire dont sont

supposer jouir les juges de la "Common Law"166

. Toutefois, les avantages d'une plus

grande indépendance judiciaire et, par conséquent, la relation déduite avec la

performance économique ont été gravement remis en question dans une période où des

juges politiquement motivés mettent en œuvre leur notion de l'équité et de la morale

dans un cadre institutionnel dans lequel ils ne sont pas responsables, dans une large

mesure, devant personne167

.

135 - Dernièrement, la causalité est également mise en doute lorsque des

performances supérieures sont attribuées à la "Common Law" dans des domaines

juridiques qui sont partout fondées sur le droit statutaire. Cela se produit non seulement

dans le droit des sociétés, mais aussi dans le droit réglementaire et le droit administratif,

ainsi qu'avec certains indicateurs spécifiques, comme le temps d'expulsion. Avec cet état

d'esprit, il n'est pas surprenant que ces variables d'origine juridiques «expliquent» aussi

des phénomènes tels que succès sportifs,168

montrant une fois de plus que la corrélation

n'implique pas de causalité.

166

Rafael La Porta et al., Judicial Checks and Balances, 112 J. POL. ECON. 445, 464 (2004). 167

BORK, précité à la note 129, à 4–5. 168

West constate que le classement FIFA des équipes nationales de football correspond de manière

statistiquement significative avec les origines juridiques d'un pays. Mark West, Legal Determinants of

World Cup Success (Univ. of Mich. Law Sch., Working Paper No. 02-009, 2002).

65

Section 3 : Le besoin de d’avantages de détails

136 - Plus généralement, les débats à la fois sur l'efficacité et la performance qui

opposent le droit de tradition civiliste et la "Common Law" ont été formulées à un haut

niveau d'abstraction. Cela peut conduire à une focalisation sur des catégories ambigües

et d'atteindre des conclusions erronées. Cette abstraction a lieu à la fois verticalement et

horizontalement.

137 - Verticalement, parce que les différents étiquettes "droit de tradition

civiliste" sont définies par pays et, sont par conséquent, appliquée à des phénomènes

connexes mais distincts et historiquement variables, comme la loi statutaire, codifié, et

systématique contre la jurisprudence, les règles obligatoires contre les règles par défaut,

la dépendance judiciaire contre le pouvoir judiciaire discrétionnaire, et mêmes les règles

rigides par rapport aux règles souples de la procédure judiciaire. Ces dimensions sont

plus considérées comme des variables dans la conception institutionnelle. Tous les

systèmes juridiques les utilisent comme ingrédients mais les mélangent dans des

proportions différentes et les gèrent différemment à travers l'histoire. La comparaison

entre les systèmes devrait viser à tenir compte du poids de chaque ingrédient, et de leur

interdépendance. Ce faisant, ainsi l'analyse devrait idéalement intégrer les déterminants

institutionnelles qui se trouvent au-delà du système juridique et sont fréquemment

trouvés dans la nature du processus politique,169

comme des facteurs économiques

pertinentes plus larges dans des domaines spécifiques du droit, tels que la propriété, le

nombre prévu de transactions, le risque d'opportunisme politique et la cohérence

réglementaire170

.

138 - Quelque chose de semblable se passe horizontalement, comme les

systèmes juridiques adoptent souvent des structures se rapportant à des traditions

étrangères. Ceci est aussi clair dans le domaine du droit de propriété, dans lequel les

traditions juridiques n'expliquent pas l'adoption des institutions les plus pertinents.

169

Jürgen G. Backhaus, Efficient Statute Law, in 2 THE NEW PALGRAVE DICTIONARY OF

ECONOMICS AND THE LAW, précité à la note 15, à 24; Wagner, précité à la note 122, à 313; Richard

E. Wagner, Crafting Social Rules: Common Law vs. Statute Law, Once Again, 3 CONST. POL. ECON.

381 (1992). 170

Arruñada, précité à la note 70.

66

139 - Par exemple, jusqu'à récemment, l'Angleterre avait un système de

transactions privées s'apparentant à celui des Romains, mais a changé au siècle dernier

pour le système d'enregistrement allemand, qui est le même qu'en Australie et dans la

majeure partie du Canada. La plupart des États-Unis, cependant, a introduit un système

de publicité par l'enregistrement ce qui est typiquement français171

. De même, le

"numerus clausus" de la propriété, des droits "in rem" sont maintenant presque dénués

de relations avec la rupture de la "Common Law" par rapport au droit de tradition

civiliste. Il reste à être documenté dans quelle mesure ce croisement institutionnel se

produit également dans d'autres domaines du droit.

Chapitre 5 : Les observations finales

140 - Il est temps maintenant de présenter quelques considérations politiques,

qui visent à être pertinente pour le problème non résolu de comment construire les

institutions du marché dans les économies en transition et en développement.

141 - Dans les sections précédentes nous soutenons que l'évolution à la fois de la

"Common Law" et du droit de transition civiliste dans le 19 siècle a joué un rôle dans la

protection de la liberté contractuelle et le développement des économies de marché.

En outre, nous expliquons les différents degrés de pouvoir discrétionnaire conférés aux

tribunaux dans les deux systèmes comme des adaptations optimales à des circonstances

particulières, partiellement dû à la disponibilité des juges favorables au marché en

Angleterre et leur absence sur le continent. De cette façon, un plus grand pouvoir

discrétionnaire dans les tribunaux classiques de "Common Law" s'impose davantage

comme une exception historique et sûrement unique plutôt qu'une solution

reproductible.

142 - Cela jette un doute supplémentaire sur les interprétations normatives de

certains résultats sur l'efficacité et la performance des systèmes juridiques, qui,

affirmant la supériorité de la « Common Law », recommandent apparemment de

l'appliquer. Nous avons esquissé ci-dessus pourquoi une telle supériorité peut être

remise en question et est susceptible de dépendre de facteurs environnementaux.

171

Idem

67

143 - Mais, plus clairement, même si la supériorité de la "Common Law" aurait

été démontrée maintenant, les conséquences normatives d'une telle supériorité

pourraient être insignifiantes. À la fois la "Common Law" et le de tradition civiliste

étaient probablement bien adaptés à leur circonstances d'origines. Ceux qui ont créé les

institutions du marché en Europe Continentale n'ont pas choisi de restreindre le pouvoir

discrétionnaire pour contrôler le marché mais pour le protéger.

144 - En accord avec cette interprétation contingente, notre analyse ne conseille

pas un système en particulier pour des économies en transition et en développement

mais conseille plutôt que le développement institutionnel et la recherche universitaire

doivent viser à identifier les circonstances contextuelles qui affectent les coûts et les

avantages des différentes solutions. Les problèmes de ces économies peuvent, dans

certains cas, être plus semblables à ceux rencontrés sur le Continent à la fin de l'Ancien

Régime que ceux dont était touché l'Angleterre plus ou moins à la même période. Si

c'est le cas, retreindre le pouvoir judiciaire discrétionnaire, peut maintenant être

nécessaire dans les économies en développement pour garantir la liberté contractuelle.

145 - En plus de la nécessité d'adaptation, notre analyse suggère que la création

d'institutions favorable au marché dans les économies en transition et en développement

bénéficierait de l'examen de la présence ou l'absence d'un fossé cognitif semblable à

celui allégué entre les législateurs et les juges européens dans le 19ème siècle.

L'absence de juges qui comprennent le marché peut être, sans prendre des risques,

supposée dans de nombreux pays en transition et en développement. L'existence d'élites

ayant une idée claire du marché ne varie probablement pas considérablement entre les

pays. Toutefois, le rôle de ces élites dans le gouvernement diffère selon la nature du

système politique. Ces élites peuvent être autorisés à conduire la transition (comme dans

certains cas en Asie) ou, au contraire, ils peuvent être contournée par les gouvernements

agissant comme de simples agents politiques d'électeurs mal informés (comme, par

exemple, dans une grande partie de l'Amérique latine).

68

146 - Finalement, si nous avons raison de considérer les deux systèmes

juridiques comme des adaptations aux circonstances locales, notre analyse souligne le

risque que les débats sur l'efficacité relative et la performance de la "Common Law" et

du droit de tradition civiliste peuvent être stériles et même avoir un effet pervers.

Stérile, parce que la comparaison n'a pas lieu d'être entre des alternatives viables.

Pervers parce que, en mettant l'accent sur les différences entre le droit de tradition

civiliste et la "Common Law", cette littérature peut détourner l'attention d'un problème

beaucoup plus important - ce qui semble être une dégradation en douceur des

fondamentaux favorables au marché des deux branches du système juridique occidental

ou, de manière plus optimiste, une sorte d'équilibre entre l'efficacité des marchés

rationnels et nos instincts de redistribution.

69

Conclusion

147 - En conclusion il faut soulever plusieurs points. Tout d'abord, il faut

féliciter les auteurs car ils ont dépassé l'obstacle majeur qui existe depuis toujours dans

le droit : celui d'étudier le droit sous un angle économique. En effet, c'est dans les pays

de « Common Law » (en particulier aux Etats-Unis) que ce mode de réflexion est né, ce

qui explique qu'il existe de nombreuses études venant d'auteurs de ces pays sur la

question de savoir à quel point l'économie peut influencer le droit. Ils comparent le

système existant dans leurs pays avec le système existant dans les pays de droit de

tradition civiliste et ils concluent la majorité du temps à une supériorité du système de

« Common Law ». Les auteurs, issus de pays de droit de tradition civiliste apportent

donc une nouvelle vision dans ces comparaisons.

148 - De plus, ils n'ont pas seulement étudié les performances économiques mais

ont également privilégié l'idée qu'il fallait étudier les deux systèmes dans leur ensemble.

Même si cette démarche est louable ils n’ont pas finalisé leur démarche.

149 - Il semble que leur étude ressemble plus à un résumé des solutions déjà

proposées et de ce point de vue la démarche est très louable. Elle remet en quelque sorte

la discussion sur la comparaison des deux systèmes sur de bons rails et peut être une

bonne base afin de vraiment étudier et déterminer le meilleur système. En effet, l'étude

n'apporte aucune solution concrète qui permettrait de déterminer le meilleur système de

manière objective et les auteurs admettent eux-mêmes qu'il faudrait continuer l'étude en

regardant de plus prés non pas les choix qui ont été fait mais les choix qui n'ont pas fait.

70

150 - Mais il faut se demander si une telle étude aurait son intérêt car finalement

il est démontré que les deux systèmes diffèrent seulement parce qu'ils ont été confrontés

à des circonstances historiques différentes mais que l'un et l'autre fonctionnement bien

donc l'intérêt de les opposer est limité. Il pourrait être plus intéressant comme le

soulignent les auteurs d’étudier qui mettent actuellement l’économie de marché en

danger dans les deux systèmes.

71

Bibliographie

I – Ouvrages généraux, textes

- B. Arrunada et Veneta Andanova, “Common Law and Civil Law as Pro-Market

Adaptations”, Washington University Journal of Law & Policy, 26, 2008, 81-130.

- J.-F. Gaudreault-Desbiens, « LA CRITIQUE ÉCONOMISTE DE LA TRADITION

ROMANO- GERMANIQUE », Revue Trimestrielle de Droit Civil, No. 4, pp. 683-704,

2010

II – Dictionnaires

- Bénédicte Fauvargue-Cosson, Dictionnaire juridique français anglais, Dalloz, 2004

72

Table des matières

Sommaire 4

Introduction 5

Partie I : Les conclusions obtenues par les auteurs 6

Chapitre 1 : La distinction majeure : l’interprétation de la loi 6

Section 1 : Les facteurs qui n’influencent pas l’interprétation de la loi 8

Section 2 : La mise en place d’un système juridique en faveur d’un marché 9

Chapitre 2 : La confrontation des hypothèses avec la réalité historique 10

Chapitre 3 : La comparaison impossible de l’efficacité et de la performance 12

Partie II : La ‘Common Law’ et le droit de tradition civiliste en tant

qu’adaptations en faveur du marché 14

Chapitre 1 : Introduction 14

Chapitre 2 : Le choix des pouvoirs de réglementation 18

Section 1 : Le compromis des pouvoirs discrétionnaires 18

§1 : L’intérêt personnel 21

§2 : L’infraction 23

§3 : Le raisonnement partial 25

§4 : La rationalité écologique et l’absurdité des marchés 27

Section 2 : Hypothèse : l’orientation du système juridique occidental en faveur du

marché 33

73

Chapitre 3 : Analyse historique 35

Section 1 : L’évolution de la Common Law et de son système judiciaire 35

Section 2 : La loi au Continent 38

Section 3 : La création du droit de tradition civiliste moderne 40

Section 4 : Les tendances anti-marchés actuelles dans le système juridique occidentale

46

§1 : La modification dans la Common Law 48

§2 : La modification dans le droit de tradition civiliste 50

Chapitre 4 : Une critique des explications alternatives 52

Section 1 : Le débat sur l’efficacité 53

§1 : L’efficacité de la « Common Law » 53

§2 : L’efficacité du droit de tradition civiliste 56

Section 2 : La discussion comparative de performance 59

Section 3 : Le besoin de d’avantages de détails 65

Chapitre 5 : les observations finales 66

Conclusion 69

Bibliographie 71

I – Ouvrages généraux, textes 71

II – Dictionnaires 71

Table des matières 72