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17 F O N T E S N ° 7 8 S E P T E M B R E 2 0 1 0 AILLEURS La « Companhia de Artefactos de Metais » UNE FONDERIE PIONNIÈRE À PORTO (1837-1852) J. Francisco Ferreira Queiroz* Dans l’histoire de cette entreprise, nous avons choisi de privilégier la partie tournée vers la fonte d’ornement, puisque cette fonderie s’est dotée d’un catalogue, certes modeste - mais pas plus que celui de Calla à Paris - au service de l’équipement urbain d’une ville alors en grand développement. Nous jetterons un regard attentif sur les liens entre son fondateur Francisco Inácio Pereira Rubião, l’un des pionniers dans cette industrie au Portugal, et l’activité étrangère, parisienne notamment. u Portugal, jusqu’au XIXe siècle, la fonte du métal était, avant tout, un métier « réservé » qui demandait une autorisation, un privi- lège royal, car fortement lié à l’armement. Puis, le développement urbain, à Porto comme dans toutes les villes européennes, se traduit par une progression très forte de la demande de fer. La fonte de fer, par ses qualités, devient de plus en plus utilisée pour les ponts, les grandes struc- tures architectoniques mais aussi – et première – dans le mobilier urbain. La fin des années trente marque un tournant au Portugal : une industrie moderne de la fonte apparaît. Cette émergence n’est pas sans rapport avec le rôle d’une classe dirigeante libérale qui avait été exilée à Londres ou à Paris et qui avait pu voir l’importance de la « révolution » industrielle. Francisco Inácio Pereira Rubião est né en 1787. Il fait des études de médecine à l’université de Coimbra. Dans les soubresauts de la guerre civile portugaise entre Michel 1er de Portugal (Miguel, au pouvoir de 1826 à 1834) et les partisans de Marie II qui reprend le pouvoir après 1834, il s’exile à Paris où il s’intéresse à des travaux sur la distillation des spiritueux, ce qui est assez naturel pour un citoyen de Porto. De retour dans sa ville, il est un libéral assumé avec des relations à Porto, A (*) Version trés abrégée de l’étude de J. Francisco Ferreira Queiroz, «A Companhia de Artefactos de Metais, estabelecida no Porto (1837-1852) : para o estudo monográfico de uma fundição pioneira », Arqueologia industrial, 4ª série, vol. I, número 1-2, Famalicão, 2005 ; 57 pages.

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A I L L E U R S

La « Companhia de Artefactos de Metais »

UNE FONDERIE PIONNIÈREÀ PORTO (1837-1852)

J. Francisco Ferreira Queiroz*

Dans l’histoire de cette entreprise, nous avons choisi de privilégier la partie tournée vers la fonte d’ornement, puisque cette fonderie s’est dotée d’un catalogue, certes modeste - mais pas plus que celui de Calla à Paris - au service de l’équipement urbain d’une ville alors en grand développement. Nous jetterons un regard attentif sur les liens entre son fondateur Francisco Inácio Pereira Rubião, l’un des pionniers dans cette industrie au Portugal, et l’activité étrangère, parisienne notamment.

u Portugal, jusqu’au XIXe siècle, la fonte du métal était, avant tout, un métier « réservé » qui demandait une autorisation, un privi-

lège royal, car fortement lié à l’armement. Puis, le développement urbain, à Porto comme dans toutes les villes européennes, se traduit par une progression très forte de la demande de fer. La fonte de fer, par ses qualités, devient de plus en plus utilisée pour les ponts, les grandes struc-tures architectoniques mais aussi – et première – dans le mobilier urbain. La fin des années trente marque un tournant au Portugal : une industrie moderne de la fonte apparaît. Cette émergence n’est pas sans rapport avec le rôle d’une classe dirigeante libérale qui avait été exilée à Londres ou à Paris et qui avait pu voir l’importance de la « révolution » industrielle.

Francisco Inácio Pereira Rubião est né en 1787. Il fait des études de médecine à l’université de Coimbra. Dans les soubresauts de la guerre civile portugaise entre Michel 1er de Portugal (Miguel, au pouvoir de 1826 à 1834) et les partisans de Marie II qui reprend le pouvoir après 1834, il s’exile à Paris où il s’intéresse à des travaux sur la distillation des spiritueux, ce qui est assez naturel pour un citoyen de Porto. De retour dans sa ville, il est un libéral assumé avec des relations à Porto,

A

(*) Version trés abrégée de l’étude de J. Francisco Ferreira Queiroz, «A Companhia de

Artefactos de Metais, estabelecida no Porto (1837-1852) : para o estudo monográfico de uma fundição pioneira », Arqueologia

industrial, 4ª série, vol. I, número 1-2, Famalicão, 2005 ; 57 pages.

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comme à Vila Real, dans la région du Douro en général et jusqu’à Paris.

Les premières actions commerciales connues sont en 1836 pour le compte du conseil municipal de Porto une commande à M. Pichenot1, « Fabrique de  Poêles  de  faïence,  Rue  des  Trois-Bornes,  n° 5, au  coin  de  la  rue  Pierre-Levée,  près  du  canal  et du  Boulevard  du  Temple » deux poêles qui sont expédiés à Porto via Le Havre. Ce sont, vraisem-blablement, les deux premières pièces modernes, avec des parties en fer fondu, qui arrivent à Porto.

On trouve Francisco Inácio Pereira Rubião dans divers projets de compagnies industrielles qui n’aboutissent pas. En 1837, notre personnage apparaît à Porto dans une « oficina  de  serralha-ria », de serrurerie ou métallerie, dirions-nous : « Rue de Bonjardim n°379L » où l’annonce évoque la production d’alambics ou de tout système de distillation, comme de foyers pour les cuisines. On ne connaît pas la date de création, mais elle doit se situer entre la commande de 1836 et l’an-nonce de 1837. Une annonce du 30 novembre 1837 rappelle qu’on peut acheter rue du Rosaire, au numéro 66, des poêles de cheminées avec grilles de laiton et accessoires… Les activités de production de machines à distiller vont de pair avec les appareils de chauffage. Notre médecin, et aussi commerçant, s’intéresse à la formule des sociétés anonymes, noue des contacts, entre dans des affaires (textile) créées par des amis. Il est sur plusieurs fronts.

En 1839, sur l’atelier de serrurerie et machi-nerie, est créée la « Companhia de Artefactos de Metais ». La même année, on trouve la pre-mière mention de « ferro  coado » (fer non battu) comme principale gamme de production. Il entre dans les attributions des directeurs d’ «  acheter des  machines,  instruments,  ustensiles,  modèles, gravures,  documents,  etc.  qui  sont  nécessaires pour  monter  l’établissement  ou  améliorer  ses  pro-ductions ». Ces mêmes dirigeants sont invités à « prendre contact avec les pays étrangers, les diri-geants,  les  agents,  précieux  pour  améliorer  notre industrie, instruire nos ressortissants qui peuvent les remplacer. »

Ainsi, le 27 décembre 1839, un des directeurs est en contact avec Antoine Salesse, maître serrurier français, pour qu’il collabore avec l’entreprise por-tugaise ; un contrat de collaboration est passé entre les parties. Cette pratique de « veille » peut avoir été matérialisée aussi par un possible voyage de

1/ Créée en 1833, la manufacture Pichenot puis Loebnitz (successeur de la veuve Pichenot) possédait des ateliers de conception de poêles et de plaques. Loebnitz participera avec  Théodore  Deck,  Boulanger  de  Choisy-le-Roi  et Parvillée  à  la  décoration  de  l’Exposition  Universelle  de 1878  à  Paris,  ainsi  que  celle  de  1889.  Les  d’Huart de  Longwy  utilisèrent  entre  1876  et  1880  ses  grandes plaques en terre réfractaire. Elle ferma vers 1920.

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Francisco Rubião en France pour visiter l’exposition de produits de l’industrie française de 1839 : lors de cette manifestation, les productions de fonte proposées par Calla, Ducel, André, Muel sont visibles et remarquées. En 1840, l’entreprise s’expose à Lisbonne (Exposição da Indústria Nacional) avec des articles en fer fondu qui sont aussi remarqués pour leur perfection et solidité. La fonderie a fait le pari de la technologie et de la gamme de produits français et peut, en 1840, distribuer un profit raison-nable à ses actionnaires. L’usine s’équipe d’une machine à vapeur de 6 CV (d’origine française) au tournant de la décennie. Il s’agit de lutter contre une concurrence qui se développe, car il y a déjà deux autres nouvelles fonderies à Porto (dont une - Bicalho - de technologie surtout anglaise, est également équipée d’un moteur à vapeur). Outre la puissance de la vapeur, la réponse aux imitateurs passe par un élargissement de la gamme des produits.

Fonte d’ornement…Pour la Companhia de Artefactos de Metais on

ne connaît pas de trace inscrite dans le métal, de marque qui ait survécu au temps. Les seuls moyens d’identification passent par la comparaison avec les planches de catalogues. Quelques papiers commerciaux font état de commandes : par exemple quatre petites pyramides de fonte pour le cimetière de Lapa. Comme à Paris, la monumentalisation des cimetières portugais commence en même temps que se crée la fonderie. La tradition du fer forgé (produit par les serruriers locaux) a été forte à

Porto, plus qu’à Lisbonne, ville plus ouverte aux influences étrangères. Mais à partir de 1840, la fonte s’installe : elle est acceptée dans les esprits, au côté du fer forgé qu’elle supplante peu à peu, au côté du bronze qu’elle ne remplace pas dans les commandes prestigieuses, mais qu’elle concurrence néanmoins.

La Companhia de Artefactos de Metais est inté-ressante à au moins deux titres : d’abord son entrée précoce dans la production de fonte d’ornement : on est peu d’années seulement après les créations de Calla et Ducel. André a créé son entreprise deux ans auparavant ! On ne peut donc pas parler de retard technologique, mais plutôt de simultanéité. Ensuite, l’édition d’un catalogue, démarche encore

Planche 1

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Ci-dessus : grille de la tombe de Gaspar da Cunha LIma, un des premiers directeurs et ingénieurs de la Fonderie de Massarelos

Ci-dessous : Cimetière de Lapa : vue générale et agrandissements de Mausolée de Domingos Ribeiro dos Santos : fonte de la

Companhia de Artefactos de Metais

Fontes anciennes à Porto...

L’hôtel de ville de Porto (disparu) et ses deux bancs (modèle de la planche 4, n°16) certainement produits par la Companhia de Artefactos de Metais, en 1844 (voir page 23)

Grille néo-gothique dans un manoir (palacete) de Gaia, certainement fabriquée par la Companhia de Artefactos de Metais (voir le catalogue planche 2, ci-contre)

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peu courante alors, qui témoigne d’une volonté commerciale affir-mée de Francisco Rubião. Calla a édité son catalogue peu de temps avant : sa seconde édition nous donne une date connue : 1841. Pour l’historien, les planches sont des indications précieuses, à la fois sur la gamme de produits qui sont sélectionnés, sur les ten-dances et les goûts.

Feuilletons cet album, modeste comme ils le sont tous2 : 9 planches, 160 objets. La fonderie fait appel à une dessinatrice, Rafaela Amatucci, qui va signer par ailleurs des illustrations pour le journal O  Industrial  Portuense (1845-1846).

La planche 1 est dédiée aux grilles, balustres, décors pour les cimetières : ce choix n’est pas anodin. Nous sommes à l’époque où s’aménagent les grands cime-tières de Porto : Lapa, Prado do Repouso. L’inspiration est nette-ment Renaissance, ce qui est alors courant en Europe. On peut aussi faire des rapprochements avec des décors présentés (plus tard) par le Val d’Osne ; amphore, vase au drapé funèbre. Dans ce cas, c’est l’air du temps, les motifs classiques ou académiques qui sont traduits dans la fonte.

La planche 2 fait moins appel à l’inspiration funéraire avec des grilles balustres, décors poly-valents qui peuvent être utilisés aussi bien dans un « palacete » que dans une « capela sepulcral »,

un caveau. La planche 3 présente des balustres et des frises ; ce sont des décors faits pour être répétés et former des compositions larges et amples. La planche 4 est plus variée : on y trouve un produit utilitaire, une pompe sur roue qui rappelle la pre-mière activité de l’entreprise, plus orientée vers la production, notamment agricole ou vinicole. Des mascarons, des sièges, des fontes funéraires encore (flambeau renversé, sablier, couronnes…) Le banc (n° 16) présente plus qu’une similitude avec le

2/  Calla  annonce  dans  son  tarif  de  1841  (le  seul document connu à ce jour) 12 planches : il laisse entendre une suite dont rien ne dit qu’elle a été réalisée.

Planche 2

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même du catalogue du Val d’Osne (planche 431) : est-ce une influence ? Une copie ? Peut-être plus pro-saïquement la copie par tout le monde d’un modèle qui aurait été proposé dans une fonderie anglaise par James Yates (Effingham Works) à Rotherham3.

La planche 5 propose encore des éléments funéraires, notamment un entourage de tombe (n° 23). Les vases peuvent avoir des fonctions du même genre, mais être plus décoratifs, comme les balustres, décors variés. Des éléments pour

le bâtiment : entourage de mar-quise, arrêts de volets (18 et 19), décrottoirs (11), heurtoir pour porte (n° 5).

Les planches 6, 7 et 8 sont dédiées à la cuisine, au chauf-fage et aux arts ménages (pompe d’évier, fers à repasser, porte-para-pluies, décrottoir…) Les aspects esthétiques ne sont pas prédomi-nants sauf pour le décor des che-minées.

La planche 9, par son style, semble différente : elle juxtapose des fers à repasser, des casse-roles, des chaudrons, un mortier, des heurtoirs de porte (7 et 10) et des lettres (le M. aurait pu être un échantillon d’un alphabet non représenté).

N’oublions pas que, par ailleurs, nous avons les tarifs qui nous don-nent les prix en 1842 et en 1843.

Au final, dans ce catalogue, la fonte funéraire prend une large part, en référence à des marchés nouveaux que visait précisément la compagnie. La fonte utilitaire, domestique, est le second bloc d’articles : cuisine, chauffage, bâtiment. La fonte d’ornement au sens strict n’y a pas encore de part : il est vrai qu’elle dépend de commandes publiques, municipales généralement, ou de grandes fortunes faites dans le négoce, l’industrie. Mais dans cette période, il est encore tôt pour que le Portugal se mette à la fonte d’art. En France ou en Angleterre, elle émerge… Les absences témoignent, en creux, de la société locale : la pierre est majoritaire dans le décor urbain : les fontaines n’auront donc que des mas-carons ; il y a moins de balcons ou de grilles dans

Planche 3

3/ Himmelheber, Georg, Cast iron furniture and all other forms  of  iron  furniture.  London :  Philip  Wilson,  1996, plate 83.

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La planche 4 (à gauche) présente un banc que l’on retrouve (ci-dessus) dans la production de Barbezat : ce banc a été vendu 1 800 livres à une vente aux enchères en mai 2009. La parenté est flagrante ; mais avant de soupçonner que l’un a copié l’autre, on peut aussi consta-ter que tout le monde a copié un modèle anglais (Effingham Works) à Rotherham.

Planche 4, 5 et 6

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Planches 7, 8 et 9

A droite, document commercial avec l’en-ête de la société et le paraphe de

Francesco Rubião

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les maisons ; la ville n’a pas encore été touchée par l’urbanisme « moderne » : le mobilier urbain si abondant dans les catalogues anglais et français ne peut donc y figurer.

Si l’on se réfère à un texte d’une annonce de 1842 « grille pour balcons, fenêtres, jardins, grilles pour  sépultures,  bancs,  chaises  et  vases  pour  jar-dins,  jardinières d’intérieur,  lettres pour panneaux, enseignes  et  inscriptions,  numéros  pour  portes et  magasins,  statues  et  articles  de  fantaisie,  mar-teaux de porte  (nouveaux modèles),  paratonnerre, machines  pour  percer,  et  autres  en  plus… », on peut voir que certaines propositions ne figurent pas dans le catalogue qui s’adresse à une clientèle privée, aisée.

La comparaison avec les influences étrangères est capitale : nous avons vu que le fondateur de la Compagnie et son entourage ont eu des liens étroits avec la France qu’ils ont fréquentée ; ils connaissent les productions. Le mandat donné au directeur est expressément de s’informer, de copier pour progresser. Les catalogues connus du Val d’Osne

sont plus tardifs que celui de Francisco Rubião4. C’est donc par d’autres moyens que les styles circulent. Faut-il parler de copie ? Peut-être, mais à cette époque, elle n’avait rien de répréhensible (on pouvait copier le fonds du Louvre)5. Mais nous pourrions peut-être plutôt parler de l’air du temps, des motifs, des modes qui circulent, venant de l’Antiquité, de la Renaissance,

de Versailles… ou des fonderies anglaises…

Francisco Rubião meurt à l’âge de 59 ans en 1846. Après avoir tenté de poursuivre l’activité du fondateur, les actionnaires, constatant que les affaires vont de moins en moins bien, décident de liquider la Compagnie en 1849. Elle avait été por-tée par un homme, inventeur et innovateur, curieux de technique, de modernité ; sa disparition a été fatale. La fonderie, à Porto, a continué avec d’autres entreprises dont la Fonderie de Massarelos qui a fait de la pièce industrielle comme de la fonderie artistique, se distinguant parmi les meilleures du Portugal. L’histoire de la Companhia de Artefactos de Metais nous montre que le développement de l’industrie n’était pas réservé aux pays d’Europe du Nord et que, dans la chronologie, sa place est remarquable. Elle montre aussi le rôle des hommes : Francisco Rubião aurait pu être un André, un Durenne portugais. Elle rappelle enfin le rôle fonda-mental de la circulation des idées que le fondateur avait, dès 1839, mis en tête de ses exigences.

J. Francisco Ferreira Queiroz

L’auteur remercie J. M. Lopes Cordeiro, qui a attiré notre attention sur l’existence du catalogue de la Companhia de Artefactos de Metais. Adaptation et traduction du portu-gais de Dominique Perchet. Toutes les illustrations sont de l’auteur, sauf l’illustration de la page 23 issue du Web.Retrouvez ces documents sur notre site Web.

4/ Il est possible que Barbezat & Cie ait déjà publié les prémices  d’un  premier  catalogue  présentant  quelques objets  qui  seront  intégrés  dans  les  éditions  postérieures des albums de la fonderie du Val d’Osne.5/  Dans  le  numéro  de  Fontes  76,  Silvia  Barradas a  évoqué  dans  l’exemple  de  la  place  du  Rossio  à Lisbonne ce rapport ambigu entre les fondeurs étrangers (français) et locaux ; tout le monde connaît les réalisations parisiennes.  Mais,  dans  ce  dossier,  nous  sommes plusieurs décennies après.