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LA CONDITION HUMAINE INDIVIDU ET SOCIÉTÉ Bimestriel 201 Septembre/ Octobre 1 992

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LA CONDITION HUMAINE

INDIVIDU ET SOCIÉTÉ

Bimestriel N° 201 Septembre/ Octobre 1 992

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Désormais on célèbrera chaque année, le 11 février, la « Journée mon­diale du malade ». Le Pape Jean-Paul II a instauré cette Journée par une Lettre autographe adressée au Cardinal Fiorenzo Ange/ini, Président du Conseil pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé, datée du 13 mai 1992. En voici une traduction :

Au vénérable Frère Cardinal Fiorenzo Ange/ini

1. Accueillant favorablement la requête qu'il a adressée, en tant que Président du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé, et au titre d'interprète de /'attente de tant de Conférences Épiscopales et d'Organismes catholiques nationaux et internationaux, je désire porter à sa connaissance que j'ai décidé d'instituer la « Journée Mondiale du Malade » dont la célébration est fixée au 11 février de chaque année, en la mémoire liturgique de Notre-Dame de Lourdes. J'estime, en effet, très opportun, d'étendre à toute la Communauté ecclésiale, une initiative, déjà mise en actes dans cer­tains Pays et dans certaines régions, et qui a donné des fruits très appréciables au plan pastoral.

2. L'Église qui, à la suite du Christ, au long des siècles, a toujours ressenti cette exigence du service des malades et des souffrants comme partie intégrante de sa mission (Dolentium hominum, 1) est consciente que « dans laccueil aimant et généreux de toute vie humaine, surtout faible et souffrante, elle est en train de vivre, aujourd'hui, un temps fondamental de sa mission» (Christifideles laici, 38). Par ailleurs, elle ne cesse d'insister sur le caractère salvifique de l'offrande de la souf­france laquelle, vécue en communion avec le Christ, appartient à lessence même de la rédemption (Redemptoris missio, 78).

La célébration annuelle de la « Journée Mondiale du Malade » a donc pour objectif propre, de sensibiliser le Peuple de Dieu, et par conséquent, les multiples institutions catholiques de santé et la société civile elle-même, à la nécessité d'assurer aux malades l'assistance dans les meilleures conditions; d'aider le malade à valoriser sa souffrance, au plan humain et surtout surnaturel ; d'impliquer de manière particulière les diocèses, les communautés chrétiennes, les Familles religieuses, dans la pastorale de la santé; de favoriser l'engagement toujours plus apprécié du bénévolat; de rappeler l'importance de la formation spirituelle et morale des personnels de santé, et enfin de faire mieux comprendre l'importance de l'assistance religieuse des malades de la part des prêtres diocésains et réguliers, ainsi que de tous ceux qui vivent et amurent auprès de celui qui souffre.

3. Comme lors de la publication, en date du 11 février, l'an 1984, de la Lettre Apostolique « Salvi/ici doloris » sur le sens chrétien de la souffrance humaine, et l'année suivante, lors de l'institution de ce Conseil Pontifical pour la Pastorale des Services de la Santé, je retiens très significatif la reprise de cette même date pour établir la célébration de la « Journée Mondiale du Malade ». En effet, « Ensemble, avec Marie, Mère du Christ, qui se tenait près de la croix, nous nous arrêtons auprès de toutes les croix de l'homme d'aujourd'hui» (Salvifici doloris, 31). Et Lourdes, sanctuaire marial des plus chers au peuple chrétien, est lieu, et en même temps, symbole d'espérance et de grâce, sous le signe de l'acceptation et de l'of­frande de la souffrance sa/vifique.

Je Vous prie, donc, de vouloir faire connaître aux responsables de la pastorale de la santé, au sein des Conférences Épiscopales, ainsi qu'aux Organismes nationaux et internationaux engagés dans le vaste domaine de la santé, l'institution de cette « Journée Mondiale du Malade », afin que, en harmonie avec les exigences et les circonstances locales, sa célé­bration soit préparée très soigneusement avec le concours du Peuple de Dieu tout entier : Prêtres, Religieux, Religieuses et fidèles laïcs.

Dans ce but, il revient à ce Dicastère de mettre ne amure toutes les initiatives voulues en vue de sa promotion et de son animation, afin que la « Journée Mondiale du Malade » soit un temps fort de prière, de partage, d'offrande de la souf­france pour le bien de l'Église et un appel à tous, à reconnaître dans les traits du frère malade, la Sainte Face du Christ, qui par sa souffrance, sa mort et sa résurrection a opéré le salut de l'humanité.

4. Tout en souhaitant /'entière collaboration de la part de tous, en vue de la réussite et du développement de cette « Journée », j'en confie l'efficacité surnaturelle à la médiation maternelle de Marie « Sa/us Infirmorum » et à l'intercession des Saints Jean de Dieu et Camille de Le/lis, patrons des lieux de soins et des Personnels de Santé. Que ces Saints étendent toujours davantage les fruits de cet apostolat de la charité dont notre monde contemporain a grand besoin.

Que ces vœux trouvent leur sceau dans la Bénédiction de Dieu, que je Vous accorde de tout cœur, à vous-même, Monsieur le Cardinal, et à tous ceux qui vous secondent dans cette Ukhe si noble du service des malades. •

Du Vatican, 13 mai 1992

Jean-Paul II

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WJ:mlDJECDJlllII 8 IDJ:m J1~ WCDWWJ:m Revue du Centre Catholique des Médecins França'is

BIMESTRIEL

RÉDACTEUR EN CHEF

pr Claude LAROCHE

CONSEIL DE RÉDACTION

MM. les Docteurs ABIVEN (Paris). BARJHOUX (Chambéry), BLIN (Paris), BOISSEAU (Bordeaux). BOST (Paris),

BnEGEON {A:;g.:.rs), CHARBONNEAU (Paris),

DEROCHE (Joué-les-Tours), GAYET (Dijon), GERARDIN (Brive),

Mme le or GONT ARD (Paris), MM. les ors LIEFOOGHE (Lille),

MALBOS (Le Mans). MASSON (Bar-sur-Aube),

RÉMY (Garches), SOLIGNAC (Perpignan)

COMITÉ DE RÉDACTION

M. BOST - M. BOUREL J.M. BOUVIER - P. CHARBONNEAU

P. CHARDEAU - F. GOUST M.J. IMBAULT-HUART - J.M. JAMES

P. LAMBERT - J.M. MORETII H. MOUROT

ADMINISTRATION RÉDACTION

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Centre Catholique des Médecins Français

5, avenue de !'Observatoire 75006 Paris

Tél. : 46.34.59.15 Fax: 43.54.10.07

ABONNEMENTS

Un an: 300 F Étranger : 320 F

Le numéro franco : 60 F C.C.P. : C.C.M.F. 5635-34 T Paris

N° 201 - SEPTEMBRE-OCTOBRE 1992

SOMMAIRE • Liminaire

par le Père Pierre Lambert op.

• La vie après la mort selon lAncien Testament par le Père Jacques Trublet sj ......................... .

• Les mères porteuses par le pr Clément Launay ............................. .

• Notes de lecture .................................... .

• Wee~-en.~ spi_rit!-lel du C.C.M.F. Bulletin d mscnpt1on .................................. .

• La responsabilité médicale et donc le pouvoir médical dans la société par le pr André Gouazé ............................... .

• Point de mire

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par le pr Jean Gagnepain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24

• Sur les responsabilités et la responsabilité des médecins par le pr Raymond Villey . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27

• Communiqués . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

• Vie des mouvements médico-sociaux chrétiens . . . . . . 31

• Nouvelles des régions................................ 32

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LIMINAIRE

par le Père Pierre LAMBERT op., aumônier du C.C.M.F.

QUI SUIS-JE ?

Cette question de l'identité humaine a été souvent traitée en opposant l'homme aux autres vivants. Peu nous importe, ici, que l'homme soit ou ne soit pas le seul parmi les êtres animés à se poser cette question.

L'existence d'une conscience de soi peut se trouver ailleurs que chez l'homme. Depuis qu'il a pu nous transmettre le contenu de ses pensées, l'homme nous apparaît en recherche de lui-même, de bien des manières. Nous vous proposons ici une réflexion, un peu condensée, sur cette démarche de l'homme en quête de son identité.

En Occident, jusqu'au xvne siècle Gusqu'au «je pense, donc je suis») la recherche a été essentiellement d'ordre théologique. C'est à partir de l'acte créateur de Dieu (qu'il se nomme Enlil, Amon, Zeus ou Adonaï Elohim) que l'homme a cherché à découvrir qui il est. L'acte créateur est certes formulé de façons très diverses: l'homme peut être constitué à partir de dieux égorgés ou à partir de salive divine (Mésopotamie) ou bien créé à partir de terre pénétrée du souffie divin (Hébreux) ou encore apparaître dans le même mouvement de création qui est à l'origine des dieux et des animaux (Égypte et Grèce). Du fait même que l'homme reçoit son existence d'un dieu créateur, son identité se constitue en dépendance de la réalité divine. Rappelons-nous (pour les plus anciens) la formulation du Catéchisme:« Pourquoi Dieu a-t-il créé l'homme? - Dieu a créé l'homme pour le connaître, l'aimer, le servir et mériter ainsi le bonheur éternel du Ciel.» Le« qui suis-je?» y est totalement et exclusivement défini par la référence à Dieu. Hors de Dieu l'homme n'est rien.

Il est important, à ce moment de notre réflexion, de remarquer comment la connaissance et l'amour de Dieu ont suscité la doctrine de l'âme immortelle.

Très tôt l'homme a pris conscience qu'il lui était possible d'entrer en relation avec 1' Absolu, avec ce qui est de façon permanente, au-delà du transitoire de son univers.

Chez certaines populations, en particulier chez les Hébreux, ce lien avec Dieu s'insère dans la vie terrestre actuelle, c'est Dieu qui par son Souffle (son Esprit) vient animer l'homme et y est ainsi présent: c'est par la matière constitutive de l'homme, sa chair, que celui-ci est capable d'une communication avec Dieu.

2 MÉDECINE DE L'HOMME N° 201

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Chez d'autres peuples, que ce soit en Mésopotamie, en Égypte ou en Grèce, ce lien avec Dieu n'est possible que parce qu'il y a chez l'homme une partie de lui-même qui, comme l'être divin, échappe à la contingence de la matière: cette partie de l'homme, les grecs l'ont appelée psyché, les égyptiens le ka, les latins l'anima. C'est par les activités qui lui sont propres, l'intel­ligence et la volonté, et seulement par elles, que l'âme humaine devient capable de connaître et d'aimer Dieu.

Pour les philosophes grecs, la psyché est au-delà du monde matériel et préexiste au corps où elle se trouve emprisonnée (le sôma - le corps - devient un sêma - un tombeau). Pour les penseurs chrétiens l'âme est créée directement par Dieu. Mais dans tous les cas cette âme échappe à la corruption de la chair et, de ce fait, est considérée comme immortelle. L'effort de saint Thomas d'Aquin, à la suite d'Aristote, en vue d'unir de façon structurelle le corps, la matière brute, et l'âme, ce qui vient donner forme à cette matière, maintient cependant le statut existentiel différent de l'un et de l'autre quant à la corruption: le corps est mortel et cor­ruptible, l'âme ne l'est pas.

C'est ainsi que l'âme immortelle est devenue la composante spécifique et presque exclusive de l'identité humaine. À la question «Qui suis-je?» tous les occidentaux ont répondu, jusqu'à Descartes, «Je suis une âme immortelle». La réponse proposée par Descartes constitue une révolution. Bien que Dieu soit toujours présent au niveau de l'agir humain, l'identité de la personne ne se définit plus dans ce qui rend l'homme capable de ren­contrer Dieu, mais dans ce qui rend l'homme capable de connaître, indépendamment de l'objet de cette connaissance. L'homme se trouve alors défini par son activité la plus dégagée de la matière : la pensée. Peu importe que cette pensée soit, ou ne soit pas, tournée vers Dieu.

Le réalisme de la pensée hébraïque, limitant la rencontre avec Dieu à l'homme vivant dans sa chair, s'est trouvé confronté au cours des siècles avec la question du devenir de l'homme post-mortem. Divers chemins de la pensée religieuse juive ont permis de dégager pro­gressivement la possible participation du croyant à la vie divine, comme nous le fait découvrir le Père Jacques Trublet.

Toutes les autres recherches publiées dans ce numéro prennent comme fondement de leur démarche l'observation de l'être humain tel que la pensée nous permet de le découvrir et tel que nous le structurons par nous-mêmes. Il n'est plus possible, de nos jours, de partir de Die~.~ pour définir l'homme. Mais une question demeure. L'homme que nous apprenons à connaître, jusque dans son inconscient, est marqué de multiples façons par la finitude (limites du temps, de l'existence des autres, impossibilité d'assumer une identité qui ne soit pas marquée par la différence ... ). Par quelle voie allons-nous pouvoir dégager la personne de ses multiples condi­tionnements pour lui reconnaître une dimension qui aille au-delà de toute finitude ?

Est-il possible, avec Pascal, de trouver ce qui constitue le dépassement de l'homme par rapport au monde matériel dans la seule pensée ? Il y a, avec saint Anselme, un chemin tou­jours ouvert: c'est dans la mesure même où l'homme est capable de percevoir une réalité qui dépasse le contingent et le fini de l'univers physique, quel que soit cet absolu ainsi perçu, c'est dans cette même mesure que la condition humaine dépasse ce qui est contingent et fini. •

Le numéro 203 de janvier-février 1993 traitera des fondements de la personne et complètera la réflexion commencée dans le présent numéro.

MÉDECINE DE L'HOMME N° 201 3

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LA VIE APRÈS LA MORT SELON L'ANCIEN TESTAMENT

par le Père Jacques TRUBLET s.j. (*)

Dans la liturgie du mercredi des Cendres, on nous rappelle notre destin mortel par cette formule : Sou­viens-toi, ô homme que tu es poussière et que tu retourneras en poussière 1 Le Jour de Pâques, en pro­clamant que le Christ est ressuscité, nous confessons que nos propres corps participeront un jour, eux aussi, à la métamorphose de son corps glorieux. Ces deux propositions constituent la matrice de l'anthropologie chrétienne.

A tous, la mort semble inéluctable, même si on occulte le plus souvent sa réalité. En revanche, bien peu de gens, y compris de nombreux chrétiens, - si 1· on en croit de récents sondages - admettent une vie après la mort. Cet état de fait mérite réflexion et analyse.

Retracer la genèse et l'histoire de ces deux idées dans lAncien Testa ment pourra nous aider à découvrir d'une part, que les affirmations ne sont pas nées en même temps et d'autre part, que les Juifs opposèrent toujours quelque résistance à postuler une vie après la mort. Cette croyance, en effet, mit des siècles avant de s'imposer à la foi israélite et de prendre place dans la Bible. Ce n'est que vers la moitié du deuxième siècle avant le Christ que cette idée fit son entrée da,ns la Bible. Le fait est d'autant plus surprenant que les Egyp­tiens ou les Mésopotamiens avaient développé, sur la vie après la mort, des conceptions très élaborées qu'Israël ne pouvait pas totalement ignorer.

Nous aimerions retracer à gros traits, cette histoire complexe et mouvementée. Complexe, parce que, sur cette question, l'Ancien Testa ment ne tient pas un langage uniforme et les représentations obéissent à des schèmes de pensée impossibles à harmoniser. Mouve­mentée, parce que l'insertion de ces données dans la Bible ne s'est pas faite sans heurt ni sans modifier la pensée traditionnelle.

Dans ce premier article, nous allons passer en revue les diverses conceptions sur la vie après la mort telles que lAncien Testament nous les rapporte, réservant pour un prochain article l'analyse des facteurs qui ont pu entraver ou favoriser le développement de cette foi.

• (•) Professeur d' Ancien Testament au Centre Sèvres-Paris.

MÉDECINE DE L'HOMME N° 201

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I. - Les dijférentes représentations de la vie après la mort

Ce qui frappe dès l'abord, c'est la variété des vues sur le sujet. En effet, nous nous imaginons bien à tort que tout se ramène à la résurrection. La simple lecture des textes nous révèle au contraire une pluralité de conceptions qu'on ne peut ni mettre sur le même plan ni ramener à une seule d'entre elles. Par souci de commo­dité et pour aider le lecteur à explorer ce maquis, nous les avons regroupées en quatre séries apparentées.

A. Première série : Absence de croyance en une vie après la mort : la mémoire et le nom

Commençons par ce qui semble à première vue très éloigné de notre sujet. Pendant des siècles, les Hébreux ont vécu avec l'idée que toute la destinée humaine se jouait dans l'histoire et que la mort mettait un terme absolu à l'existence individuelle. En effet, à l'inverse de certaines traditions grecques, la révélation biblique considère qu'avec la mort, il ne subsiste rien de l'être humain. C'est dans l'anthropologie biblique qu'il faut rechercher le fondement de cette croyance. En effet, la Bible ne pense pas l'homme comme composé d'un corps et d'une âme, mais comme un tout unifié et indissociable ( 1 ). Dans cette perspective, la mort phy­sique signifie en même temps la mort spirituelle. Mais on ne peut consentir à disparaître tout à fait. Aussi, lêtre humain cherche par tous les moyens à conjuguer l'oubli. C'est pour pallier à cette difficulté que les Juifs ont surinvesti l'enfant. L'enfant, soit dans le nom qu'il porte soit par la mémoire, représente l'ancêtre défunt, le rend présent pour les générations futures. Les enfants deviennent ainsi une manière de rester sur la scène de l'histoire. Plus ils sont nombreux, plus l'an­cêtre se rend présent et survit dans le temps. C'est donc dans ce contexte qu'il faut comprendre l'insis­tance sur le désir d'avoir beaucoup d'enfants et le caractère dramatique de la stérilité. Ce thème affleure sans cesse dans la Bible et il est superflu de donner un grand nombre de références. Mais on oublie trop souvent que ce désir d'enfant est aussi perçu comme qualitatif : non pas de nombreux enfants, mais de bons enfants. Vers l'an 200, Ben Sira, qui ne dit rien sur la vie après la mort, nous donne un écho tout à fait inté­ressant à ce sujet :

Sir 16, 1-4 Ne désire pas une nombreuse descendance mau­vaise, et ne mets pas ta joie dans des fils impies. S'ils ne possèdent pas la crainte de Dieu Ne compte pas pour eux sur une longue vie et n'aie pas confiance dans leur destin, car mieux vaut un seul que mille et mourir sans enfants qu'avoir des fils impies.

Pendant de longs siècles, ce fut pour Israël, la seule alternative à la mort et lon risque de commettre un

( 1) Sur ce point, on pourra se reporter à notre article : « Le corps humain dans la Bible» paru dans Médecine de l'homme n° 190, novembre-décembre 1990, p. 16 à 19.

MÉDECINE DE L'HOMME N° 201

grave contre-sens sur la signification de la fécondité dans la Bible, si on ne la replace pas dans ce contexte.

B. Deuxième série : La vie après la mort se situe dans un lieu souterrain ou céleste

Il importe d'apporter un léger correctif à ce que nous venons de dire. En effet, si les Hébreux ne conçoivent pas un lieu de transmigration des âmes ou des corps des défunts, ils accordent une certaine importance à l'endroit où le corps repose.

B. 1. Premier type de représentation : un lieu souterrain : le shéol.

A la suite des Mésopotamiens, ils adopteront la notion de shéol, qui signifie à proprement parler le monde qui est sous la terre. C'est le lieu où vont les corps des défunts et qui, loin d'être un lieu de délices ou de rêves comme dans l'Hadès grec, s'apparente davantage aux entrepôts frigorifiques de nos morgues. C'est un pur endroit de stockage où l'on réunit les os du défunt à ceux de ses pères. Le traduire comme on fait souvent par enfer, au singulier ou au pluriel, ne peut qu'introduire une confusion sur ce sujet car les deux notions ne se recoupent pas. Mais les Hébreux ont quelque peu varié sur le shéol et lon sent percer der­rière les données au moins deux conceptions :

- Tantôt, dans les couches les plus anciennes, le shéol est présenté comme l'espace d'une vie réduite à sa plus simple expression, matérialisée par la présence du corps ou de ce qu'il en reste. Quelques récits épars dans la Bible évoquent cet état de survie.

Dans le Premier Livre de Samuel (1 S 28, 8-20), on nous dit que Saül, en mal de décision, pratique la nécro­mancie avec Samuel et, dans ce texte, on nous rap­porte que le défunt monte du lieu où il gisait et apparaît en manteau de prophète, mais seule la sorcière d'En Dor peut le voir. Indication précieuse qui atteste que le corps du prophète a subi quelques déperditions qui le rendent inaccessible aux sens du commun des mortels.

On peut également ranger dans cette catégorie, les textes qui racontent la réanimation de cadavres ou le réveil de défunts comme en pratiquent Elie ou Elisée dans le Premier Livre des Rois ( 1 R 17, 17-24 et 2R 4, 31-37).11 s'agit d'anciennes traditions, où le merveilleux ne manque pas (2R 13, 21). Ces récits attestent la puis­sance des hommes de Dieu et accréditent leur parole, mais ils symbolisent également les combats de Dieu avec les forces du mal ou avec les autres dieux.

Commentons brièvement ces deux ensembles : En 1R 17-19 on oppose YHWH, le Dieu d'Israël à

Baal, la divinité cananéenne qui dispense la pluie et assure ainsi le renouvellement de la vie. Dans la gué­rison du fils de la Veuve de Sarepta se profile le même combat. Tout au long de ces récits, on veut montrer que YHWH vaut bien Baal pour donner à Israël - et même aux non Israélites-, la santé, la pluie, le blé et le moOt et même la vie par-delà la mort.

Datis le deuxième extrait (2R 4, 31-37), on pré­sente Elisée comme le héros d'une histoire merveil­leuse. Quelques traits archaïques se dessinent dans la trame de la narration. On met en scène un prophète qui pratique à l'évidence quelques sortilèges efficaces avec son « bouche-à-bouche » pour réchauffer le corps de

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La vie après la mort selon l'Ancien Testament

l'enfant (v.34) et assurer ainsi le retour de la respiration attesté par le septuple éternuement (v.35). Mais en tout cela, il ne s'agit que de réanimation de cadavres promis à une seconde mort et non d'une véritable victoire sur la mort, arrachant les miraculés à la mort et signant de ce fait un anéantissement définitif de la mort par Dieu. Ces légendes mettent bien en relief que le shéol n ·est pas totalement un lieu de néant, à la différence du shéol babylonien qui se nomme précisément le « Pays-sans­retour ».

- Tantôt le shéol est le lieu de la mort absolue, comme en témoignent quelques psaumes qui répètent inlassablement que plus personne ne loue Dieu dans le Shéol et que si Dieu veut intervenir dans la vie des psal­mistes, il vaut mieux qu'il le fasse avant leur mort:

«Feras-tu un miracle pour les morts ? Les ombres se lèveront-elles pour te célébrer? Dans la tombe, peut-on dire ta fidélité, et dans le lieu de la perdition dire ta loyauté ? Ton miracle se fera-t-il connai'tre dans les Ténèbres, et ta justice au pays de l'oubli?

Ps 88,11-13 (cf Ps 6,6; 30,10; 115,17)

Mais quelle que soit la conception on doit recon­naître que le shéol ne réserve pas à ses locataires des perspectives très réjouissantes.

B. 2. Le deuxième type de représentation : un lieu en haut: le ciel

Mais tout le monde n'est pas destiné au shéol et certains bénéficient d'un lieu plus noble: ils vont au ciel, là où Dieu est supposé résider. Mais pour y accéder, il faut soit une assomption soit une ascension, c'est­à-dire un arrachement passif ou actif à lattraction de la terre. Dans lAncien Testament, quelques auteurs d'époques diverses mentionnent cela pour des êtres tout à fait exceptionnels.

Le cas d'Hénoch

Gn 5,24 nous conte l'histoire de l'enlèvement d'Hénoch. Bien que la rédaction des aventures de ce mystérieux personnage soit tardive, les traditions sous­jacentes sont certainement très anciennes, car elles s'apparentent fortement aux récits mésopotamiens qui décrivent le même genre de scène. En effet, la mytho­logie mésopotamienne évoque à plusieurs reprises comment des hommes accédèrent à la compagnie des Dieux. Dans l'un d'eux, on nous raconte que le roi de

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Sippar Enmedouranki fut admis pour un temps dans l'Assemblée des dieux (2). Dans l'épopée Assyrienne de Gilgamesh, on nous rapporte comment les dieux prirent et installèrent à la bouche des fleuves, Outa­naphistim, le Noé mésopotamien auprès de qui le roi Gilgamesh était venu demander le secret de l'immorta­lité (3).

Sur Hénoch, nous savons peu de choses par la Bible, mais Gn 5,24 contient trois informations sur les­quelles la tradition postérieure brodera. On notera d'abord l'âge du personnage: 365 ans. Cela établit un lien entre ce héros antédiluvien et le cycle solaire. Puis, à deux reprises, on déclare qu'Hénoch marcha avec Dieu : cette mention vise à établir un lien entre le destin extraordinaire du Patriarche et sa piété. Enfin, Hénoch jouit d'un privilège unique en son genre: il échappe à la mort et participe de manière tout à fait singulière à l'in­timité divine. Pour exprimer ce fait inouï, Gn 5, 24 utilise le verbe« prendre» qu'on peut traduire en français par enlever au sens d'une assomption.

Le cas d'Élie

La deuxième mention d'un tel phénomène se r~n­contre dans le Livre des Rois (2 R 2, 11) où l'on voit Elie montant au ciel sur un char de feu. Si quelques traits le rapprochent du texte précédent, un certain nombre de différences l'en séparent.

Tout d'abord, on notera le comportement des p,er­sonnages : Hénoch vécut dans l'amitié de Dieu et Elie nous est présenté comme l'authentique témoin de YHWH prêt à affronter l'adversité pour son Dieu. L'achèvement de leur parcours apparaît ainsi comme la suite logique de leur choix sur la terre. Jamais ils ne se séparèrent de Dieu, en conséquence de quoi Dieu ne peut se séparer d'eux dans l'éternité.

Le témoignage des psaumes

Prenant sans doute appui sur les données précé­dentes, quelques psalmistes demandent à Dieu de leur accorder un destin semblable à celui des hommes illustres. c· est ainsi qu'on peut interpréter certains pas­sages. Les Ps. 49 et 73 méritent d'être analysés sous cet angle, mais je pense qu'il vaut mieux ne pas être trop précis sur leur datation.

Psaume 49

Ce psaume, sans doute marqué par le courant sapiential, lui emprunte les thèmes de sa réflexion. Le premier d'entre eux - la futilité de la mondanité - se résume dans le refrain ( 13 ,21). Nous ne sommes pas très loin de Qohelet, mais à une différence près, c'est le psalmiste qui croit en la possibilité d'une victoire sur la mort:

Elohim rachètera ma vie et de l'empire du Shéol, il me prendra.

(2) On trouvera le texte en entier en français dans l'ouvrage : Les Religions du Proche Orient Asiatique. Textes babyloniens, ougari­tiques, présentés et traduits par René Labat, André Caquot, Maurice Sznycer et Maurice Vieyra, Paris. Librairie A. Fayard et éditions Denoël 1970, p. 274-276.

(3) Même ouvrage qu'à la note précédente. L'épopée de Gil­gamesh comprenait douze tablettes ou douze chants de quelque trois cents vers chacune. C'est à la fois une histoire cosmique comme le déluge et un drame humain comme le livre de Job. cf. Gilgamesh X.

MÉDECINE DE L'HOMME N° 201

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Ce v.16 est sans doute l'un des sommets de l'es­pérance de I' AT, car lauteur entend échapper au shéol pour accéder à un autre monde.

Mais en filigrane un second thème vient renforcer le premier : il existe une corrélation entre le compor­tement juste ou injuste et le destin heureux ou mal­heureux qui suit la mort et la richesse n'est d'aucun secours pour acquérir l'éternité, car celle-ci ne s'achète pas. Aussi, les méchants descendent au shéol sans en remonter tandis que le juste peut compter sur Dieu pour larracher aux griffes du shéol. Le Seigneur paiera lui­même la rançon nécessaire car la propitiation est pos­sible.

Ce psaume représente un pas important dans I' éla­boration de la foi en une vie après la mort. Mais c'est moins les problèmes de la mort ou le lieu où vont les morts qui préoccupent !'Israélite, que la certitude que rien ne pourra jamais le séparer du Dieu vivant. Ce serait dépasser la pensée de ces versets que d'y lire l'espé­rance d'une résurrection. En revanche, on peut en résumer le contenu en disant que la vie du juste ne peut s'achever qu'en Dieu lui-même. Et par-là nous rejoi­gnons les récits précédemment évoqués.

Psaume 73 Les déclarations du psaume Ps 73 sont moins

nettes et témoignent d'une plus grande angoisse. «Ce grand psaume est le récit d'une recherche amère et désespérée, qui a été récompensée au-delà de toute attente. li rappelle les questions qui ont tourmenté Job et Jérémie ; mais à la fin elles ne semblent plus rester sans réponse, et le psalmiste peut faire une confession et faire part d'une découverte suprême (4).

L'expérience lui a enseigné que les méchants sem­blent triompher en cette vie et cette découverte l'a pro­fondément affecté dans sa foi. Mais au terme d'un che­minement douloureux, il a acquis la certitude que les méchants sont voués à une destruction brutale, subite, complète (v.18), alors que l'homme de YHWH demeurera à jamais auprès de son Dieu (v.23s). li exprime son espérance dans l'ardente conviction que Dieu le guide et l'assure à jamais de sa présence : au ciel comme sur la terre, YHWH est tout son bien (v.25s.).

On pourrait résumer le contenu de ces différents textes en retenant deux choses :

Ces textes insistent fortement sur le fondement de l'espérance dont témoignent leurs auteurs et que l'on peut résumer de la manière suivante : même la mort ne saurait entraver l'intimité avec Dieu ; inaugurée sur cette terre, elle trouve un prolongement ou un accomplis­sement total dans l'éternité divine.

En second lieu, ils nous fournissent quelques bribes sur la manière dont on conçoit le passage de ce mon­de-ci à l'autre monde. Puisque Dieu est censé habiter le ciel, il faut aller le rejoindre en cet endroit. Gar­dons-nous d'assimiler purement et simplement l'as­somption au ciel avec la résurrection. En effet, ces deux schèmes de pensée s'opposent au moins sur deux points essentiels : d'une part, le modèle ascensionnel marque une véritable rupture par rapport à la vie ter­restre, alors que le modèle résurrectionnel implique une

(4) O. Kidner, Les Psaumes, volume 2: Les Psaumes 73 à 150, Paris 1984, p. 3.

MÉDECINE DE L'HOMME N° 201

certaine continuité entre les deux modes d'existence et d'autre part, l'enlèvement implique le passage direct de cette vie à une autre vie, sans passer par la mort. Affir­mations qu'il faut se garder d'oublier quand on aborde les données du Nouveau Testa ment concernant la résurrection de Jésus ou son ascension au ciel.

C. Troisième série : La vie après la mort comme transformation de notre être tout entier

Abordons maintenant les textes où l'espérance du peuple prend la forme d'une restauration après la mort. Avec ce modèle, on renonce à la question de savoir où vont les morts ou ceux qui sortent vivants de cette vie pour décrire la transformation que suppose ce passage d'un monde à l'autre. Cette conception revêtira diverses figures qui ont toutes en commun d'affirmer la puissance de Dieu sur les forces de mort.

C. 1. la figure de /'exaltation

Le poème assez énigmatique d'lsaie 52, 13 -53-12, qui appartient au ive Chant du Serviteur et qu'on peut dater de la fin de l'exil, affirme que l'élu de Dieu connaîtra une vie au-delà du tombeau et une victoire sur la mort. Tout le problème est d'identifier cet élu de Dieu : personnage individuel ou collectif ? Mais quelle que soit son identité, son destin annonce la réhabili­tation du peuple tout entier et la réalisation du dessein de Dieu à travers lui.

Par son serviteur, Dieu justifie la multitude.

Il n'est jamais question d'un retour à la vie, mais on répète de diverses façons que son abaissement sera suivi d'une exaltation. Là encore ne projetons pas sur ce texte les interprétations chrétiennes qu'on a pu en donner. Le texte parle de rétablissement ou d'exal­tation, ce qui n'est pas tout à fait la même chose qu'un retour à la vie et encore moins qu'une résurrection.,

C.2. La figure de la restauration Osée, dès le se siècle, reprend une tradition bien

ancrée pour réaffirmer que la restauration du peuple est une manifestation de la transcendance salutaire de Dieu (Os 6).

Certes Osée utilise le mot« se lever» qui s'emploie en d'autres contextes pour désigner la résurrection, mais on commettrait sOrement un anachronisme si l'on voyait cette idée dans ce texte. Chez Osée, la « résur­rection » en question, vise le peuple tout entier qui connaîtra un événement politique ou militaire qui le «relèvera». Alors que dans le Nouveau Testament, il s'agit d'un destin qui affecte le corps d'un individu et qui lui promet une vie sur laquelle la mort n'a plus aucun pouvoir, tel que nous pouvons le lire en 1 Co 15. Ces versets d'Osée ne sont d'ailleurs pas cités dans le Nouveau Testa ment et il faudra attendre les écrits de Tertullien qui le mentionnent pour la première fois à propos de la résurrection du Christ dans un écrit polé­mique au début du me siècle. Aussi, malgré l'allusion des trois jours et son emploi dans la liturgie du Vendredi Saint, gardons-bien de lire ce texte comme un témoin direct de la résurrection des morts.

C. 3. La figure de la revivification

Notre seul témoin de cette représentation est la vision des ossements desséchés en Ezéchiel 37, 1-14.

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La vie après la mort selon lAncien Testament

Située dans le contexte de la chute de Jérusalem en 587, cette prophétie annonce le relèvement du peuple après l'exil. Par-delà la symbolique forte qui habite cette fresque grandiose, on .ne peut guère s'empêcher d'y voir une conception dichotomique de l'homme, fait d'esprit et de corporéité, qui ne recoupe cependant pas un certain dualisme grec, pensant le composé humain en terme d'âme et de corps. Le contexte indique clai­rement qu'il ne s'agit pas d'un destin individuel, mais d'un avenir collectif: la «grande, l'immense armée» (v. 10) vise tout Israël et dont le fondement est à chercher dans les liens spécifiques qui unissent YHWH et Israël.

On a voulu assimiler ce texte à une annonce directe de la résurrection des morts. La tradition juive par exemple, en fait une parabole évoquant par anticiP,ation le sort des Maccabées et nombre de Pères de l'Eglise tels Justin, Irénée ou Tertullien, l'ont interprétée comme une promesse de résurrection personnelle. Mais de telles gloses dépassent manifestement le sens littéral de la prophétie d'Ezéchiel.

C.4. la figure de la résurrection

c· est évidemment ce schème qui vient sponta­nément à lesprit, lorsque dans la tradition biblique ou chrétienne, on évoque le sort des trépassés parce que cette représentation connut dans le Nouveau Tes­tament les développements que lon sait. Mais, au niveau de l'Ancien Testament, ce thème n'apparaît ·qu'en trois passages: ls 26, 19; Dn12, 1-3 et 2M 7. Or, ces trois textes appartiennent à des couches récentes de la Bible. Le premier ne remonte pas en deçà de l'exil et les deux autres sont à situer aux environs de l'an 160. C'est volontairement que nous éliminons Jb 19 ,25-26 qui ne traite pas de ce sujet, du moins dans sa version hébraïque. Sans nier les ressemblances entre ces trois textes, nous allons nous intéresser surtout à leurs différences.

Isaïe 26 ou l'impossible résurrection

Ce passage parle bien de résurrection, mais pour en affirmer l'impossibilité. Voici le texte d'ls 26, 14.19:

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Les morts ne revivront pas, les ombres ne se relè­veront pas I De fait, tu as sévi, tu les as exterminés, tu as fait dis­parartre tout souvenir d'eux. Que revivent tes morts, Que tes cadavres se relèvent I

Réveillez-vous et poussez des acclamations, habitants de la poussière I Car ta rosée est une rosée lumineuse et la terre accouchera des ombres.

A l'intérieur du Premier Isaïe, ce chapitre forme un ensemble à part qui ne remonte surement pas en deçà de l'exil. L'unité littéraire à laquelle il appartient s'étend du v. 7 au v .21 dont le genre littéraire est une lamen­tation individuelle ou collective exprimant lespoir de se voir épargner des calamités et de revivre à jamais.

Sur notre sujet, ce texte contient trois éléments. La résurrection ne concerne pas tout le monde. Le verset 19 ne parle pas de tous les morts, mais uniquement de ceux que YHWH reconnaît pour siens. Les verbes employés correspondent à ceux que l'on retrouvera dans les textes traitant de la résurrection : « revivre » ou « se lever ». L'enveloppe symbolique du texte fait allusion à des phénomènes agraires comme la ·rosée. Certains exégètes y ont vu un indice de dépendance à l'endroit des croyances de Canaan. A Ugarit en effet, la rosée est fille de Baal, le dieu de l'orage. Il suffira de relire le prophète Osée pour mesurer l'influence de la mythologie cananéenne sur le culte israélite 1 Dans la Bible, la rosée joue un rôle déterminant sur la fécondité du sol: Gn 27,28; Dt 33, 13.28; 1R 17, 1; Ag 1, 10s et par voie de conséquence sur l'existence du peuple. Ce qui explique ici la présence de ce thème en contexte de vie après la mort.

Daniel 12 ou /'annonce d'une résurrection individuelle

Pour certains auteurs, ce serait le seul texte de l'Ancien Testament à annoncer la résurrection indivi­duelle. Ce jugement est peut-être trop abrupt, mais en tout cas, c'est le passage le plus clair sur la question. On pense pouvoir le dater de la terrible persécution d' Antiochus Epiphane vers l'année 167.

Ce passage évoque clairement la résurrection des corps, mais affirme deux types de résurrection: l'une pour les bons, voués à la vie éternelle, l'autre pour les méchants, condamnés à la damnation éternelle. Qui sont les justes selon Daniel ? Ce sont ceux qui ont souffert ou qui sont morts pour leur foi (On 12,2-3). On n'insistera jamais assez pour dire que la mentalité hébraïque pense en terme de résurrection des corps et que ce schème de pensée n'a rien à voir avec l'immor­talité de l'âme ou la survie spirituelle telle qu'on la trouve chez certains auteurs grecs. Ce n'est pas qu'une manière de parler, c'est toute une conception de la mort et de la survie qui s'y trouve impliquée. Les Hébreux prennent en compte la totalité de la personne humaine alors que les Grecs réservent la survie à une partie seulement de l'être humain.

Le Deuxième Uvre des Maccabées ou la résurrection comme récompense du martyre

Le Deuxième Livre des Maccabées, rédigé aux alen­tours des années 160, s'inscrit dans le même courant que Daniel et développe les mêmes idées, mais il insiste davantage sur le lien entre la résurrection et le martyre, puisque à trois reprises, il revient sur ce thème. La première fois en 2 M 7 ,9. 11, dans la réponse que fait le deuxième frère au moment de mourir :

Tu nous exclus de cette vie présente, mais le Roi du monde nous ressuscitera pour une vie éternelle, nous qui mourons pour ses lois.

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C'est du ciel que je tiens ces membres, c'est de lui que j'espère les recouvrer un jour.

La seconde mention est mise dans la bouche du plus jeune et de la mère qui disent en 2 M 9, 13 :

Mieux vaut mourir de la main des hommes en tenant de Dieu l'espoir d'être ressuscité par Lui, car pour toi, il n'y aura pas de résurrection à la vie.

Au v. 23, la mère renchérit : Le créateur du monde qui a opéré la naissance de l'homme et qui préside à l'origine de toute chose, vous rendra dans sa miséricorde et l'esprit et la vie. et de lier ce destin à la promesse faite à Moïse : Le Seigneur Dieu nous regarde et surement, il a com­passion de nous, comme Moïse l'a déclaré dans son cantique qui témoigne à la face de tous, en disant: il aura compassion de ses serviteurs.

La troisième référence (2M 12,43-45) est encore plus explicite. Puisque certains martyrs d'Israël ont connu la mort dans un état de transgression légale, Judas décide d'envoyer à Jérusalem une offrande afin qu'on fasse pour eux un sacrifice expiatoire. Ce que commente ainsi André Lacoque :

«C'est la première affirmation littéraire d'une conception qui parait acquise pour tout un courant théologique : la rétribution intervient après la mort et les vivants peuvent encore intercéder pour les défunts afin d'obtenir le pardon de leurs fautes. Cette rétri­bution est identifiée à la résurrection ; le terme «anas­tasis » en grec, comme 'qOm ' en hébreu, évoque l'image concrète de se redresser, de se relever d'entre les morts. Selon l'anthropologie de l'époque, fondée sur /'unité profonde des êtres vivants, la résurrection s'identifie à une totale reprise de vie» (5).

Nous noterons enfin que cette référence demeure un passage .. clé dans l'élaboration de ce qui deviendra au Moyen Age la théologie du purgatoire.

En conclusion de cette série, nous pouvons dire que nous avons dans ces trois textes la substance de la doctrine vétéro-testamentaire concernant la résur­rection dont nous pouvons résumer l'évolution de la façon suivante :

Dans les deux premiers, ls 26, 19 et Dn 12,2-3, la résurrection implique la foi en toute puissance divine, y compris sur le shéol. Elle témoigne aussi de sa justice ; Dieu ne saurait tolérer que ses témoins les plus fidèles et leurs odieux adversaires finissent par se retrouver pêle-mêle dans le lieu de rendez-vous de tous les vivants (Jb 30, 23).

Dans le troisième, ce trait semble absent, mais la résurrection se présente comme une solution au pro­blème posé par la théodicée. Pour ne pas être injuste, Dieu se doit de récompenser ceux qui donnent leur vie en son nom. Cette conception de I' Au-delà rejaillit sur la signification de la mort elle-même et oblige les auteurs à distinguer trois formes de mort : celle qui met un terme normal à la vie biologique, celle qui est liée au péché et qui en est le châtiment, et celle où quelqu'un donne sa vie pour Dieu dans la fidélité à sa loi. En un sens la mort­oblation est un phénomène historiquement nouveau.

(5) A. Lacoque, Daniel et son temps. Recherches sur le Mouvement Apocalyptique Juif au IP siècle avant Jésus-Christ. Genève 1983, p. 205-213.

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D. Quatrième série : La vie après la mort comme participation à la subs­tance divine

Le Livre de la Sagesse de Salomon, qui peut remonter à lan cinquante avant Jésus-Christ, mérite un traitement à part, car il introduit, pour parler de I' exis­tence post-mortem, deux nouveaux concepts qu'on ne retrouve pas ailleurs dans la Bible : l'immortalité et l'in­corruptibilité.

Commençons par rassembler les passages qui en parlent explicitement : Sg 1, 13-14

Dieu n'a pas fait la mort... Il a tout créé pour l'être; les créatures du monde sont salutaires, en elles il n'est aucun poison de mort, et 1'Hades ne règne pas sur la terre. Dans toute cette séquence, le mot mort vise avant

tout la mort spirituelle, mais on ne peut pas totalement éliminer la référence à la mort naturelle.

Une bouche mensongère donne la mort à l'âme ... Ne courez pas après la mort par les égarements de votre vie. Si, comme le croient un bon nombre de commenta­

teurs, la mort s'entend au sens métaphorique, en quel sens faut-il interpréter la notion d'immortalité ? Immor­talité spirituelle ou corporelle ? Le texte lui-même nous oriente dans notre choix. Un peu plus loin en effet, il lie l'immortalité à léternité de Dieu qui a mis dans sa création l'incorruptibilité : Sg 2,23

Oui, Dieu a créé l'homme (dans l'idée de) pour /'incor­ruptibilité, il en a fait une image de sa propre éternité. Comme dans les textes précédents, ces affima-

tions se détachent sur un contexte où le bonheur éternel est lié au martyre et sanctionne la fidélité des justes. Les méchants ou les persécuteurs, à la diffé­rence de Daniel, semblent être voués pour toujours à la mort, comme lattestent les deux passages suivants :

Sg 3, 1-3 Les âmes des justes sont dans la main de Dieu ... Aux yeux des hommes ils ont paru mourir, ... mais ils sont dans la paix.

Sg 5, 15 Les justes vivent pour toujours, leur récompense est auprès du Seigneur et le Très-Haut a souci d'eux. Que retenir de cette quatrième série ? Tout d'abord, que, sur un certain nombre de points,

le message concorde avec celui du modèle précédent. Les cinq premiers chapitres ne laissent subsister aucun doute sur ce point, car ils développent une probléma­tique qui les rapproche de Daniel ou des Maccabées. Le juste en effet y est exalté, encouragé à souffrir pour sa foi et assuré de triompher sur les méchants et sur la mort. Nous demeurons sur le même terrain et c'est la reprise du thème de la victoire de Dieu sur le mal.

Mais, en revanche, par d'autres aspects de sa pensée, il n'est pas facile de rattacher notre auteur à l'un des modèles précédents ou même au modèle grec, car l'auteur n'en dit pas assez sur les modalités de l'existence post-mortem. En effet, on ne voit pas très bien s'il se rattache à la conception grecque de l'immor­talité de l'âme ou s'il se situe dans la problématique

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La vie après la mort selon lAncien Testament

juive de la transformation des corps. Pour ceux qui ont quelque peu fréquenté la Bible, ils n'auront pas de peine

·à voir l'enjeu de la question. Mais quels sont les argu­ments qui peuvent jouer en faveur de l'une ou de l'autre interprétation ?

Pour certains auteurs, on peut détecter dans le Livre de la Sagesse une intrusion de la pensée grecque dans la pensée hébraïque. Et ils présentent trois élé­ments comme déterminants sur cette option. Le livre de la Sagesse est sans doute né à Alexandrie, l'une des villes lumière de la philosophie grecque. Ajoutons à cela que dans certains versets, il n'est question que de l'âme et si l'auteur s'était référé au concept de résur­rection, il eOt évité ce mot. Enfin, sur ce point, le témoi­gnage de Flavius Josèphe mérite quelque attention, car il nous dit, dans la Guerre des Juifs en 2, 154, que les Esséniens tenaient la doctrine de l'immortalité de l'âme:

Chez eux en effet, règne solidement cette croyance que si les corps sont corruptibles et que leur matière ne demeure pas, les lmes demeurent toujours, immortel/es qu'elles sont: émanant de l'éther le plus subtil, comme arrivées vers le bas· par une sorte de charme naturel, elle s'unissent aux corps qui les emprisonnent. Mais lorsqu'elles sont débarrassées

des entraves de la chair, comme libérées d'une longue servitude, alors toutes joyeuses, elles sont portées dans les hauteurs. D'accord en cela avec les fils de la Grèce, ils déclarent que le séjour réservé aux bons est au-delà de l'océan. D'autres exégètes, au contraire, choisissent la

seconde hypothèse et interprètent Sagesse en réfé­rence au modèle juif. Quatre arguments servent le plus souvent à la démonstration: à cette époque et ce, à partir de 150 avant le Christ, la résurrection des corps est bien attestée. Nombre de textes qui traitent de ce sujet ne sont pas toujours très explicites sur le statut du corps. S'il s'agissait de l'immortalité de l'âme, nous aurions, comme à l'accoutumée, quelques spéculations sur ce sujet; or notre texte reste très discret. Enfin, et c'est l'élément qui emporte ma conviction, les thèses que développent ce livre sont résolument juives et non grecques. A ces arguments externes, on peut joindre des arguments internes montrant que des concepts uti­lisés par notre auteur le sont dans un sens résolument juif : celui d'immortalité (3,4 ; 4, 1, 1.8. 13.17 et 15,3) est lié à l'espérance, celui d'incorruptibilité est plus rare (2,23 et 6, 19) ; dans le premier emploi (2,23), il est lié à l'acte créateur et dans le second (6, 19); il est un don de l'observance de la Loi. Enfin est-ce utile d'ajouter que tout cela n'est qu'un commentaire de Gn 2,7.

Voilà présentées, aussi objectivement que pos­sible, les différentes réponses que lAncien Testament donne à notre question initiale. Elles sont sans doute plus variées que ne l'imaginait au premier abord notre lecteur. C'est justement ce pluralisme qu'il nous faut prendre en compte dans notre lecture. Chaque hypo­thèse proposée représente une tentative pour imaginer ce qui est au-delà de notre expérience sensible et donc sans vérification. La richesse même de la documen­tation porte témoignage de la variété des opinions émises sur ce sujet difficile.

Dans notre prochain article, nous aborderons les facteurs qui retardèrent ou favorisèrent l'entrée de ces conceptions dans le corpus biblique. •

Conseil pontifical pour la pastorale des services de santé

VIIe Conférence internationale ROME - Cité du Vatican - 19-20 et 21novembre1992

«VOS MEMBRES SONT LE CORPS DU CHRIST »

, , , LES PERSONNES HANDICAPEES DANS LA SOCIETE

n y a, aujourd1hui, dam le monde, cinq cents milliom de per1onnes avec un handièap. Depuis toujours l1Église est présente dans cette tache privilégi.ée où elle apporte 1a contribution pour en rayer dans toute la

memre du po1rible lei cawe1 et lei coméquence1 d1une situation ri doulourewe pour une grande partie de la communauté humaine. Pour partici.per à la Conjërence aucun droit d1inscription n 1elt requû; toute participation 1pontanée iera de1tinée à la

réalûation dei flm de la Conflrence elle-même, entre autre à l1envoi de iecouri dam lei Payi les plw démunû. On a aecèi à la Salle dei Audiencei «Paul VI», au Vatican, par la Plat:e du Saint-Office. Rfaut être muni du badge per­

ionnel, retiré a.uprèi 4u Secrharia.t du Comeil Pontifical, mr préientation d 1une pièce d1identité. Veuillez 411oir l'amabilité de confirmer sa.ni tarder v9tre participation au trava.u de la Conjerence, pour le 25 octobre dernière limite, à l1a.dre11e miva.nte:

CONSEIL PONTmCAL POUR LA PASTORALE DES SERVICES DE LA SANTÉ 00120 CITÉ DU VATICAN

10

Ou: Via della Conciliazione, 8 - 00198 ROMA Tél.: (06) 698 881 SS; 698 847 20; 698 847 99; Fax: (06) 698 881 89; Télex: 2081 SANITPC VA

MÉDECINE DE L'HOMME N° 201

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LES MÈRES PORTEUSES

par le pr Clément LAUNAY(*)

MÉDECINE DE L'HOMME N° 201

1. L'HISTOIRE DES MÈRES PORTEUSES

La Cour de cassation vient dans son audience publique du 31 mai 1991 de mettre un terme à l'incer­titude juridique qui existait en France au sujet de ce que lon appelle les « mères porteuses », ou, moins concrè­tement, les « mères de substitution », pratique qui défrayait la chronique depuis une quinzaine d'années. C'est, rappelons-le, le fait pour un couple stérile qui désire intensément avoir un enfant et ne peut en avoir, ni naturellement ni par aucun procédé thérapeutique, de recourir à une femme qui accepte de concevoh' un enfant en étant inséminée artificiellement avec le sperme du mari, et au terme de cette grossesse de donner l'enfant au couple demandeur. Le mari et la femme se déclarent alors ses parents. Cela en réalité moyennant finances. On peut même imaginer que pour éviter l'utilisation d'un ovule de la «mère porteuse» celle-ci soit inséminée à la suite d'une fécondation in vitro par un embryon issu des spermatozoïdes du père et d'un ovule de la mère. L'enfant serait ainsi l'enfant du couple, l'utérus de la «mère porteuse» étant en quelque sorte loué pour le temps de la grossesse. A la naissance le bébé est aussitôt emmené par le couple, étant reconnu par le père et par la suite adopté par le couple.

Initialement les femmes qui avaient recours à une «mère porteuse» étaient en général atteintes d'ano­malie utérine (utérus infantile ou malformé ou hystérec­tomie).

En fait il y a eu de tous temps des « mères por­teuses». On rappelle souvent à cet égard les textes de la Bible concernant Abraham et Sarah. Celle-ci n'ayant pas d'enfant, et ayant dépassé l'âge d'en avoir, conduit Agar sa servante auprès d'Abraham, qui devient ainsi père d'un enfant: Ismaël.

Deux générations plus tard, Rachel, la femme de Jacob, étant stérile, donne par deux fois sa servante Bilha à son époux ; « Quelle enfante sur mes genoux », dit-elle voulant dire ainsi que c'est pour lui donner l'enfant que Bilha est enceinte.

Cette pratique était vraisemblablement plus faci­lement admissible à une époque où le groupe familial, rassemblé sous la tente, tenait peu compte des notions rigoureuses actuelles de la filiation.

(9) Membre de l'Académie Nationale de Médecine.

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Les mères porteuses

Il n'en va pas de même aujourd'hui, où l'état civil de chacun est strictement établi dès sa naissance et ne peut être en aucune façon modifié. Exception faite cependant de l'adoption, qui va donner à l'enfant une nouvelle filiation, celle-ci se substituant à la filiation d'origine. Il y a là un fait particulier: l'enfant qu'on adopte est sans famille, l'adoption lui en donne une et le sauve ainsi de l'abandon.

La situation est toute différente dans le cas d'une entente avec une « mère porteuse », qui décide dès le début de la grossesse de ne pas garder l'enfant et de le transmettre aussitôt comme un simple objet au couple demandeur.

Le débat actuel au sujet des « mères porteuses » est né au U.S.A. en 1978. Après la mise en pratique de l'insémination artificielle, puis de la fécondation in vitro, qui offraient la possibilité de procréer aux femmes souf­frant d'une atteinte tubaire, il restait à trouver une solution pour celles dont l'utérus était inapte à la pro­création. Pour celles-là il n'y avait pas d'autres possibi­lités que le recours à un utérus normal, c'est-à-dire le concours d'une femme normalement constituée; et il était souhaitable qu'un enfant fOt déjà né de cette femme pour que la très grande probabilité d'une gros­sesse fOt établie.

C'est dans ces conditions que le docteur Richard Levin à Louisville dans le Kentucky aux U.S.A. fonde une association « Surrogate Parenting Association » pour réunir les femmes désireuses d'offrir leur aide aux couples stériles. Le docteur Levin décidait lui-même des conditions nécessaires (âge, morphologie, milieu de vie). Il fallait éviter que des personnes de niveau écono­miquement faible ne fussent manifestement attirées par l'argent. Car il y avait aussi un contrat privé impliquant qu'au terme de cette grossesse la «mère porteuse» donnerait aussitôt le bébé au couple demandeur.

Peu après ijuin 1978), une affaire judiciaire du même ordre a lieu en Angleterre : la justice doit examiner les conditions d'un contrat passé entre un couple obsédé par le besoin d'un enfant et une jeune femme prostituée qui acceptait de« le dépanner», moyennant finances. La jeune femme est inséminée avec le sperme du mari et sa grossesse se déroule normalement, jusqu'au dernier mois; à ce moment elle se prend d'un intérêt vite croissant pour le bébé qu'elle porte et finalement veut garder le garçon qu'elle met au monde. On plaide et le bébé est finalement confié à la «mère porteuse».

D'où la, création d'une association (il en existait déjà une aux Etats-Unis) rassemblant les « mères por-

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teuses » acceptées comme telles à la suite d'un ques­tionnaire, et d'une sorte de mise en ordre de leur groupe.

En France, c'est un peu plus tard en 1983 que se constitue à Marseille sous légide du docteur Sacha Geller la première association française de « mères por­teuses » ; elles sortent de la clandestinité et le médecin qui les soutient s'efforce de ne pas être désavoué par le Ministère de la Santé. Sans réponse de celui-ci, il poursuit son mouvement et en 1984 un premier enfant naît dans ces conditions et moyennant une somme importante.

, C'est dans ces conditions que le Comité National d'Ethique est interrogé. L'avis qu'il donne est très clai­rement formulé, non seulement il est négatif, mais il est plus que cela, il va au fond des choses et donne les vraies raisons de son rejet.

Effectivement le statut des « mères porteuses » est contraire à la loi, en ce sens qu'il s'agit réellement de la cession d'un enfant, ce qui est illégal; il en va de même du contrat établi entre les deux parties. La loi sur l'adoption exige aussi qu'on laisse un délai de trois mois à la mère avant toute adoption, elle n'admet pas un départ immédiat. Et l'intermédiaire, médical ou non, de l'opération pourrait être jugé coupable. Ces consta­tations juridiques ne sont pas l'essentiel. Ce qui est évident, ce qui rend odieux aux yeux du public un tel comportement, c'est cette chosification de la gros­sesse, la mère n'étant pas la mère, ayant seulement un utérus à louer moyennant argent. Ne parlons pas des échanges qui, suivant certains, ont déjà lieu dans le cours de la grossesse entre la mère et son bébé; nous n'en savons rien.

Mais est-il loisible à cette mère de se refuser à ima­giner son bébé tel qu'il sera après la naissance et au-delà ? Le caractère artificiel de cette situation est ce qui choque. Et c'est juste, car que penser de l'avenir? Et ce nouvel enfant ne va-t-il pas courir des risques liés à sa naissance de deux mères ?

D'autres risques immédiats peuvent aussi se pro­duire et se sont déjà produits, mettant en évidence la fragilité de ce mode de grossesse : les deux parties peuvent changer d'avis, la mère porteuse vouloir garder son bébé, les parents se montrer progressivement en désaccord ; le bébé peut naître malformé : il est arrivé qu'un enfant naisse microcéphale, et personne n'en voulait ; une naissance gémellaire peut se produire que l'on n'attendait pas et dans un cas récent, par un heureux hasard, les deux mères ont pris chacune un des deux jumeaux. Mais le principal est ce que deviendra le nouvel enfant né de deux mères à la fois et auquel il faudra bien donner quelques explications à ce sujet. Nous verrons cela plus loin.

La décision du Conseil d'Éthique, suivie quelques mois plus tard d'une décision identique du Conseil de l'Ordre, firent taire les journalistes et détournèrent l'in­térêt du public.

Mais inévitablement le processus engagé se pour­suivit clandestinement. En 1990 la Cour d' Appel de Paris vient apporter un démenti à une opinion générale quasi unanime, en légitimant l'adoption de deux enfants nés de mères porteuses ; elle arguait de ce faux argument qu'il était légitime de donner son accord à cette manière d'abandon semblable à celle qui était

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habituelle en cas d'adoption. Ce faisant les juges vou­laient ignorer ce qui avait été dit et écrit avant eux : une décision dès le premier jour de la grossesse de laisser emmener ailleurs l'enfant qui va naître n'est pas un véri­table abandon et l'enfant qui naît n'est pas comparable au bébé de trois mois qui est proposé à l'adoption.

Cet arrêt de la Cour d' Appel relance le débat, cette Cour étant la même qui avait quelques années plus tôt dissous les trois associations françaises de « mères porteuses» (Paris, Marseille, Strasbourg). D'où la saisie de la Cour de cassation par le Parquet.

Celle-ci, rappelant un arrêt antérieur, reconnaît le caractère illicite de la «maternité pour autrui». Rap­pelant les articles d,u Code civil et se référant aussi à l'avis du Comité d'Ethique, elle déclare qu'une femme n'a pas le droit de concevoir et de porter un enfant pour l'abandonner à sa naissance. L'adoption demandée à ce moment n'est que «l'ultime phase d'un processus d'ensemble destiné à permettre au couple demandeur l'accueil à son foyer d'un enfant conçu en exécution d'un contrat tendant à l'abandon à sa naissance ce qui porte atteinte au principe de l'indisponibilité du corps humain ». Autrement dit on ne peut pas se servir de l'utérus comme d'un objet disponible et utilisable. La Cour de cassation en arrive ainsi à corroborer lopinion publique concernant le caractère inadmissible d'une telle conception.

2. LE SENTIMENT D'IDENTITÉ DE L'ENFANT

Cette intervention récente de la Cour d'appel montre cependant qu'il existe toujours, malgré la sup­pression des associations, des demandes et des réponses clandestines de « mères porteuses » ; elles témoignent d'un courant de pensée qui s'attache au présent: c'est le besoin et le désir véhément d'un enfant dans l'immédiat qui est en jeu. Alors qu'une réflexion sur les risques d'avenir de l'enfant ainsi né liés aux circonstances très particulières de sa gestation sont pour la majorité des personnes concernées un obstacle absolu.

Effectivement si les premières années de lenfant né d'une« mère porteuse» se déroulent le plus souvent normalement, sa croissance va contraindre les parents à prendre d'importantes décisions au sujet de son infor­mation.

Peut-on en effet ne rien lui dire et imaginer qu'il ignorera toujours qu'une deuxième mère autre que celle qu'il connaît l'a mis au monde? Cette question a fait l'objet dans le cadre de l'adoption de maints débats auxquels je me suis trouvé moi-même autrefois associé. Il existe depuis longtemps à ce sujet un consensus général : il est impossible et nocif de chercher à dissimuler la vérité. Trop de personnes dans la famille et autour de la famille sont au courant de sa naissance et savent que la mère n'était pas enceinte avant la venue de l'enfant à son foyer, qu'il y a surgi un jour sans la préparation d'une gestation. Un doute existe presque toujours dans l'esprit de lenfant, doute que confirment des faits anodins tels qu'une photo­graphie inattendue, un récit ambigu, autant d'indices

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sans importance pour la plupart des personnes, mais révélateurs pour l'enfant qui a en tête le soupçon d'une naissance anormale.

Peut-on enfin laisser l'intimité familiale se déve­lopper avec cette dissimulation permanente qui va sus­citer chez les parents une anxiété sans cesse renou­velée ? Une éducation saine et libre est-elle possible dans de telles conditions ?

Ce sont des considérations de cet ordre qui ont, il y a plusieurs dizaines d'années, convaincu les adoptants de la nécessité d'informer très tôt leur enfant adopté. Celui-ci est ainsi élevé en qualité d'adopté. La multipli­cation des adoptions, l'acceptation de plus en plus habituelle de cette coutume ont facilité cette infor­mation.

Doit-il en être de même en ce qui concerne l'adoption qui fait suite à une grossesse de « mères por­teuses » ? Peut-on modifier la réalité pour la rendre acceptable ? De quelle manière ? Il suffit de soulever le problème pour faire comprendre le danger de tronquer ainsi la vérité.

Comment et quand peut naître chez l'enfant l'incer­titude concernant sa naissance ? Il est difficile de le savoir mais l'expérience acquise auprès des enfants adoptés montre bien que c'est le plus souvent à la pré­adolescence ou à l'adolescence que l'enfant, pendant la période où sa sexualité s'éveille, en vient à se demander: qui suis-je? Comment s'est faite ma famille ? Le fait est quasi banal : on peut rappeler à ce sujet ce que Freud a appelé le « roman familial » qui est la création dans l'imaginaire de l'enfant d'une ascen­dance idéale, rêverie consciente dans laquelle le jeune se complaît, comme par jeu, pendant une courte période de sa vie. C'est effectivement la question de sa propre identité qui est en cause.

Dans les foyers habituels cette question n'a pas lieu de persister, elle disparaît peu à peu dans l'oubli. Il en va tout autrement dans certains cas d'adoption (surtout quand celle-ci s'est produite quand l'enfant avait un certain âge), a fortiori quand celle-ci a eu lieu à la suite d'une mère porteuse.

On doit à cet égard rappeler les notions habituel­lement admises en ce qui concerne le sentiment d'identité, celui-ci étant la suite de ce que les psychana­lystes appellent processus d'identification. Identifi­cation qu'il faut comprendre non pas comme un modèle que l'enfant aurait devant lui et qu'il devrait reproduire, mais comme une présence et une force en lui qui laide à prendre sa place parmi les siens. Cela commence dès les premières semaines de vie, dans les premières rela­tions que te bébé a avec sa mère, dès le début de ce dialogue gestuel et vocal qui se poursuit pendant la pre­mière année. Avec l'apparition du langage, et le père se manifestant en tant que père, le dialogue se développe et les liens qui se forment entre l'enfant et chacun de ses deux parents évoluent pour aboutir, après cinq ans, à une manière d'être qui va amener le garçon à s'iden­tifier à son père et la fille à sa mère. C'est en cela que l'acquisition de sa propre identité, de la personne que l'on est et du nom que l'on porte, etc ... est fonction de cette progressive identification aux parents.

Pour l'enfant qui vient d'une mère porteuse il ne devrait pas y avoir de difficultés dans le cours de sa petite enfance, c'est plus vraisemblablement plus tard à léveil de la puberté que pourraient apparaître les diffi-

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cuités (telles que: fugue prolongée, recherche vaine de la « vraie mère », rejet du milieu familial, trouble délin­quant) que l'on connaît dans certains cas d'adoption. Mais si l'enfant est un adopté il y a généralement une issue favorable, et, à travers parfois plusieurs années d'incompréhension mutuelle un retour au dialogue et à l'entente. On voit mal comment en cas d'enfant né de «mères porteuses», les événements pourraient prendre une tournure aussi favorable.

La solution « mères porteuses » aux problèmes dont ils souffrent est non seulement un acte mercantile qui déforme les lois naturelles, mais elle comporte des risques graves pour l'enfant à venir et des dangers qui devraient suffire à la faire écarter. •

N.D.R.L.: Le langage courant ne fait pas de distinction entre deux situations pourtant différentes.

N'allons pas plus loin, mais il me paraît utile de mettre en garde les couples en mal d'enfant qui se refu­seraient, devant l'intensité de leur désir d'enfant, à envisager toutes les données de ce qu'on leur propose.

la mère de substitution est la femme qui est inséminée avec le sperme d'un homme dont l'épouse est stérile. Après la nais­sance, elle abandonne un enfant qui, biologiquement, est le sien. la mère porteuse reçoit un embryon conçu in vitro. Elle le « porte » 9 mois, puis, après la naissance, elle abandonne un enfant qui, génétiquement, lui est totalement étranger.

NOTES DE LECTURE

QUELQUES OUVRAGES RÉCENTS SUR LE CERVEAU

John ECCLES. - Évolution du cerveau et création de la conscience. Fayard, 1992, 360 pages, 160 F. Roger VIGOUROUX. - La fabrique du Beau. Éd. Odile Jacob, 1992, 380 pages, 160F. Michel JouveT. - Le sommeil et le rêve. Éd. Odile Jacob, 1992, 224 pages, 140 F. ~rançois DAGOGNET. Le cerveau citadelle. Edité par les Laboratoires Delagrange, 204 pages, 84 F. Monique S1CARD. - Le cerveau dans tout ses états. Presses du C.N.R.S., 1991, 240 pages, 130 F.

Si, de tout temps, médecins, physiolo­gistes, psychologues se sont attachés à l'étude du cerveau, depuis quelques années cet organe suscite des travaux de plus en plus approfondis, grâce, en partie, aux nouveaux appareils d'investi­gation. Cette année, chaque mois nous apporte un ouvrage remarquable qui s'ef­force d'aborder le cerveau sous un aspect particulier. Sir J. Eccles étudie les modifications structurales du cerveau au cours de l'évo­lution des espèces : Quelles structures nouvelles ont permis la bipédie, le langage, l'apprentissage, la conscience.

La perspective de R. Vigouroux est quelque peu différente. Il recherche les structures neuronales et leur localisation qui permettent l'art, sa création et sa réception. Certaines lésions anatomi­quement repérées dans le cerveau pré­cisent le rôle de cet outil mystérieux. Michel Jouvet a consacré plus de 30 ans de sa vie à létude des mécanismes et de

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la conscience onirique. Entre la veille et le sommeil, il a découvert un troisième état de fonctionnement du cerveau, le sommeil paradoxal. Quelle est la fonction du rêve 1 Encore une manière d'aborder la physiologie du cerveau. Anatomie, neurobiologie, neurochirurgie, psychiatrie, pharmacologie, toutes ces disciplines peuvent converger pour étudier le cerveau. Le livre de M. Sicard rassemble des interviews de huit médecins, chercheurs dans ces divers domaines. On étudie tour à tour l'acte cognitif, l'inconscient, l'anxiété, le désir, le plaisir, la vision.

Pour clore cette brève revue, citons le petit livre de F. Dagognet, très riche, œuvre d'un médecin, biochimiste, his­torien des sciences et philosophe. Encore plus nettement que les ouvrages précé­dents, le « cerveau citadelle » rejette le dualisme matière-esprit, autant le maté­rialisme que le pur spiritualisme. Le cerveau n'est pas une machine actionnée par un esprit. «Bien que matériel, il n'en déborde pas moins la matérialité ». Avec ces cinq ouvrages, nous sommes loin des positions purement matérialistes de «l'Homme neuronal» de J.P. Changeux (Fayard, 1983). La même année paraissait, également chez Fayard, « le cerveau-machine » de Marc Jean­nerod. On y trouvera une étude historique très documentée de la « physiologie de la volonté». •

Jean-Marie MORETTI

BIOLOGICAL NATURE AND DIGNITY OF THE HUMAN PERSON

Il s'agit d'un volume rassemblant les principaux thèmes présentés au XVll8

Congrès Mondial de la Fédération Inter­nationale des Associations Médicales Catholiques (F.l.A.M.C.) qui s'est tenu à Bonn du 14 au 18 septembre 1990.

Parfaitement clair, ce volume - écrit en anglais - s'ouvre par les messages limi­naires des Cardinaux Casaroli, Angelini et Meisner ; par les adresses des Docteurs Heinemann, ministre du Travail, de la Santé et des Affaires sociales, Daniel, maire de Bonn et Brandenburg, prési­dente de I' Association médicale catho­lique allemande.

Neuf exposés successifs forment la trame de louvrage : - Dignité humaine et ses facteurs biolo­

giques (E. Schockenhoff)

- Diagnostic prénatal : aspects éthiques et juridiques (A. Bompiani)

- Insémination extra-corporelle (Wuermeling)

- Expérimentation sur embryon humain (J.M. Mc Lean)

- Comportement spécifique de l'homme (A.W. von Eiff)

- Bases biologiques de la sexualité et ses déviations (J.P. Luton)

- Manipulation de l'identité humaine (R.A. O'Connel!)

- Suicide et euthanasie (J. Barreto)

- Prolongation artificielle de la vie (K. Meng)

- Mort et mort cérébrale (C.J. Vas)

Ce volume peut être commandé par chèque au pr or w. OSSWALD I Rua do Passeio Alegre 822, 2-T, 4 1 OO Porto (Portugal) (au prix de 15 US dollars). •

• MÉDECINE DE L'HOMME N° 201

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WEEK-END SPIRITUEL

«LE CORPS Présence de l'ESPRIT »

Animateur : Père Pierre Lambert op.

7-8 NOVEMBRE 1992

ABBAYE de LA BUSSIÈRE en Côte-d'Or

Il y a deux ans, nous nous sommes retrouvés à l'Abbaye de Saint-Benoît-sur­Loire pour un week-end spirituel sur la Prière. Nous vous proposons cette année de nous retrouver près de Dijon au centre de rencontres de l'Abbaye de La Bus­sière pour un temps de prière et de réflexion sur l'esprit humain tel qu'il se mani­feste dans notre corps.

L'identité de la personne ne peut se réduire à de la matière, si merveilleu­sement organisée soit-elle comme dans nos chromosomes. La personne est ouverture sur l'infini, elle est pensée.

L'hôtellerie de La Bussière ne peut accueillir que 40 personnes en chambre double et 30 personnes en chambre individuelle. Ces chambres seront attribuées au fur et à mesure des réservations que nous recevons.

Nous vous demandons de joindre à votre bulletin de réservation la somme de cent francs par personne (frais d'organisation). Les frais d'hôtellerie (220 francs en chambre individuelle, 200 francs par personne en chambre double, et pour ceux qui ne logent pas sur place 65 francs par repas) seront réglés sur place.

Dès réception du bulletin ci-dessous, nous vous adresserons la confirmation de votre réservation et les informa­tions complémentaires.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- X

Week-end spirituel des 7 et 8 novembre 1992 à La Bussière (près de Dijon) Nom _________________ _

Prénom~-----------------

Adresse-------------------------------------~

Tél. professionnel -------------- Tél. personnel-------------~

participera au week-end spirituel organisé par le C.C.M.F. demande que lui soit réservé un logement et les trois repas pour: 1 personne - 2 personnes (rayer la mention inutile) prendra seulement le repas du samedi soir - du dimanche midi (rayer la mention inutile).

Ci-joint ma participation aux frais = 100 francs par personne par chèque bancaire ou C.C.P. à l'ordre du C.C.M.F.

Date: Signature:

Ce bulletin est à renvoyer dès que possible (au plus tard avant le 10 octobre 1992) au secrétariat du C.C.M.F. 5, avenue de l'Observatoire, 75006 PARIS (l'après-midi au 46.34.59.15).

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LA RESPONSABILITÉ MÉDICALE ET DONC LE POUVOIR MÉDICAL DANS LA SOCIÉTÉ

par le Professeur André GOUAZÉ (*)

MÉDECINE DE L'HOMME N° 201

Si le code de déontologie est essentiellement consacré au service de l'individu, il tient à rappeler d'emblée au médecin qu'il est aussi au service de la col­lectivité, qu'il a le devoir de participer aux actions de santé publique, qu'il s'agisse de mesures collectives relevant de l'initiative des autorités sanitaires (articles 2 et 3 du code de déontologie médicale). Je pense notamment aux vaccinations, au dépistage, à l'édu­cation pour la santé, la protection civile ou la bonne application des lois sociales, bref à la prévention.

Nul ne peut nier aujourd'hui que la médecine fran­çaise soit parmi les premières, mais il s'agit de la médecine curative et de la qualité de son exercice. Il doit s'agir maintenant aussi de la médecine préventive.

Si le vieillissement des populations par exemple est, en soi, un fait positif, il ne le sera tout à fait que s'il s'agit d'un vieillissement en bonne santé. Or le culte de la seule médecine curative fait survivre plus longtemps des individus malades, prolonge par exemple les can­céreux, fait survivre aussi des individus en état de demi­santé car ils ont été malades et si leur problème de santé a été stabilisé, il n'a pas été résolu.

On parle aussi beaucoup d'égalité devant la santé mais, et Rodolfo Saracci l'a excellement dit, c'est actuellement d'égalité d'accès aux soins de la médecine curative que lon parle.

La prévention enfin est apte à aider de façon signifi­cative au règlement du problème du coOt de la santé car elle diminue l'impact de la maladie. Il est évident en effet que la médecine curative va devenir de plus en plus coOteuse avec les progrès de la science et de la technique, ce qui projette dans un cercle vicieux dou­loureux.

Il devient donc indispensable et urgent de favoriser la prévention non seulement au plan des actions concrètes, de terrain, mais encore au plan de la recherche en prévention qui peut faire des pas de géant grâce aux extraordinaires progrès de la biologie et nous pensons singulièrement à la biologie moléculaire, à la génétique, à l'immunologie... Nous pensons au dépistage précoce et à la prévention de maladies héré­ditaires graves, comme les myopathies mais aussi de maladies malheureusement plus banales comme cer­tains cancers. Nous pensons aussi, au diagnostic pré­natal notamment des malformations mais surtout aux

(•) Doyen de la Faculté de Médecine de Tours. Université Fran­çois-Rabelais.

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La responsabilité et le pouvoir médical

progrès de la génétique qui est en passe d'offrir la pos­sibilité de définir, pour chaque individu, les prédisposi­tions à développer telle ou telle maladie. Nous sommes là dans le domaine très porteur d'espoir de la médecine prédictive, cette médecine qui veut évaluer la vulnéra­bilité d'un individu à la maladie, qui veut la prédire en vue d'une prévention personnalisée basée sur le conseil au plan des comportements.

Mais je pense peut-être avant tout à des domaines malheureusement plus ordinaires, la prévention contre le tabac et lalcool. Nous pensons à tout ce qui touche à la nutrition en terminant sur une simple réflexion à laquelle nous voulons une haute signification : « si l'on nourrit des rats en sous-alimentation mais sans malnu­trition, leur vie passe de 1 OO à 180 semaines 1 ».

Mais la prévention paraît aussi apte à aider à résoudre le difficile problème de légalité devant la santé car elle supprime, et elle seule croyons-nous, l'inégalité fondamentale entre la personne malade et la personne en bonne santé. Nous savons maintenant en effet qu'une relation étroite existe dans tous les pays entre le milieu socio-économique et le niveau de santé. Rodolfo Saracci cite, à ce propos-là, des chiffres saisis­sants.

Notre médecine a d'abord été essentiellement cli­nique. Cette clinique s'inscrit dans la grande tradition médicale française, une tradition de compétence et d'humanisme. C'était le début du siècle. Sans doute notre médecine a-t-elle alors tardé par rapport à <f autres, au monde anglo-saxon et singulièrement aux Etats-Unis, à maîtriser la technologie naissante et déjà en pleine évolution, à la mettre au service d'une recherche peu préparée à un tel bouleversement. Sans doute aussi, faut-il voir dans cette éclipse qui fit que notre médecine se chercha jusqu'aux années 50, l'em­preinte de la gloire incontestée de notre clinique et de la pesanteur de ses traditions et de ses structures. La cli­nique fut valorisante car toute auprès du malade et toute d'humanisme. Elle le reste aujourd'hui, car elle est maintenant, de plus, portée par une biologie de haut niveau. La biologie et la recherche sont devenues valori­santes grâce à leur essor porté par la technologie et à leur nouvelle qualité. La médecine collective, de santé publique, le devient aujourd'hui.

Quelques-unes de nos disciplines cliniques ont, par la biologie et la recherche, fait des progrès considé­rables au plan de leur dimension scientifique et tech­nique, mais sans oublier leur dimension collective qui est, autant que la précédente, attachée aujourd'hui à leur image. Je pense tout particulièrement aux disci-

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plines touchant à la Santé de la mère et de l'enfant (pédiatrie, obstétrique, génétique, néonatalogie), qui ont su profiter pleinement de l'essor technologique, mais en l'appliquant aussi à la collectivité à partir essen­tiellement de la prévention et du dépistage précoce, en s'appuyant sur la méthode épidémiologique et statis­tique et sur la nouvelle pharmacologie.

D'autres disciplines ont chez nous réussi au plan collectif avec les mêmes méthodes et en utilisant les mêmes moyens dans certains secteurs. Nous pensons aux disciplines qui ont en charge les maladies dites transmissibles. Nous pensons à la pneumo-phtisiologie et à la turberculose presque éradiquée maintenant, grâce à une chimiothérapie spécifique et à la prévention par le B.C.G. Nous pensons aux maladies sexuellement transmissibles d'hier, la syphilis notamment, aux maladies parasitaires. Nous pensons, bien sOr, à la car­diologie dont l'avance au plan collectif est considé­rable ... La médecine du travail a réussi aussi grâce à un dépistage précoce et une prévention draconienne, aussi bien des maladies que des traumatismes. La médecine du sport est en train de réussir ...

Mais l'aura de ces réussites est restée attachée aux disciplines cliniques elles-mêmes, la pédiatrie, la gyné­co-obstétrique, la pneumo-phtisiologie, la cardiologie ... et aux pédiatres, aux gynéco-obstétriciens, aux pneu­mologues, cardiologues ... qui ont conduit cette lutte, et cela n'a, au bout du compte, rien de paradoxal. Une dis­cipline de santé publique, de santé collective n'a peut­être pas tout à fait encore chez nous réussi à faire la synthèse de tous ces progrès et à les prendre en charge. Mais est-ce souhaitable? Compte tenu des caractères profonds de notre collectivité, de son génie socio-culturel propre, compte tenu aussi de l'évolution de notre Médecine, nous n'en sommes pas sOrs.

Les Pays en développement, d'Afrique notam­ment, ont suivi d'autres chemins qui leur ont été tracés par leur propre environnement, par les caractéristiques profondes de leurs collectivités et les lourdes contraintes imposées par leurs économies. Ils ont su élargir le concept de médecine à celui de santé.

Alfred Quénum, alors Directeur Régional de l'O.M.S. pour lAfrique, un jour de Novembre 1982, disait aux jeunes médecins de la troisième promotion du Centre Universitaire des Sciences de la Santé de Libreville: «l'expérience a largement montré que nous avons raison de ne pas vouloir, au nom de la modernité, adopter sans adapter à notre environnement spéci­fique, un enseignement médical qui ne tienne pas compte de nos réalités complexes. Cette philosophie d'action sanitaire continuera de nous guider dans nos efforts pour atteindre l'objectif de la santé pour tous en l'an 2000».

Le concept que nous avons aujourd'hui de la médecine doit être élargi jusqu'au concept de santé, mais avec souplesse et adaptation de tous les instants en fonction des spécificités de notre environnement. Adaptons notre enseignement universitaire aux objectifs de la stratégie de la santé pour tous et notre discours médical à ce nouveau concept. Sachons penser davantage équipe de santé.

La santé, comme cela a été dit à Alma Ata, est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en labsence de maladie ou d'infirmité. Ce concept englobe de multiples interve-

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nants et notre communauté médicale a sans doute craint que sa science et sa technique ne se diluent dans des tâches quotidiennes d'hygiène et de prévention communautaires très lourdes et qui, à son sens, relèvent des personnels de santé plus que des médecins eux-mêmes. Sans doute aussi la multiplicité des intervenants a-t-elle fait naître elle-même une inquiétude ? Quoi qu'il en soit, les médecins doivent savoir qu'ils doivent garder une place privilégiée car il est évident aujourd'hui qu'il ne peut y avoir d'équipe de santé de qualité sans médecin de haut niveau. De plus, ignorer le concept de santé conduit à opposer soins pri­maires, secondaires et tertiaires, alors qu'il faut les intégrer. Cette mission revient à l'Université, car elle seule peut et doit intervenir à ces trois niveaux.

Il faut enfin intégrer la santé dans le débat politique et public, mais il reste cependant bien entendu que les médecins doivent exercer toute leur responsabilité y compris dans le domaine de lévaluation « coût-effi­cacité ».

Universitaires et administrateurs de la santé doivent travailler ensemble et à ce propos-là, il n'est plus possible sans doute que l'Université médicale ait des liens exclusifs avec !'Hôpital. Le modèle de Faculté de Médecine ne peut sans doute plus être unique alors que les facultés doivent devenir médico-sociales en fonction des spécificités de leurs propres collectivités.

La communauté médicale doit comprendre que son pouvoir, celui que nous lui voulons car il est nécessaire à l'homme et à la collectivité, n'atteindra sa pleine dimension que si elle sait intégrer pleinement la dimension collective de la médecine. Nous sommes persuadés que cette dimension doit s'épanouir et devenir valorisante si la communauté médicale sait pénétrer davantage le tissu social en s'appuyant sur des concepts pratiques, clairs et cohérents. L'une des premières choses qu'elle doit prendre en charge est sans doute l'information médicale de la collectivité, l'éducation pour la santé dont la direction, qui lui revient si elle se veut de qualité, lui a sans doute échappé.

On peut penser qu'actuellement, l'éducation pour la santé est faite, pour une bonne part, par les médias qui constituent sans doute un remarquable véhicule vers tous les âges. Mais chacun sait que les médias sont soumis à deux impératifs, l'actualité et dans l'actualité, l'information première, l'information qui frappe, voire le sensationnel. Chacun sait que l'information réfléchie, empreinte de sagesse, de prudence, voire de réserve, l'information répétitive traitant des sujets de la vie de tous les jours répond mal aux règles qui sont imposées aux médias. Toute nouvelle technique, tout nouvel examen complémentaire, tout nouveau médicament, surtout s'ils concernent une maladie qui hante alors l'imaginaire collectif comme par exemple le cancer, sont prises en main par les médias, disséquées, pré­sentées sous leur aspect le plus spectaculaire, alors que les risques encourus par le patient et le coOt, pour la santé notamment, sont pratiquement passés sous silence. Le médecin doit s'investir dans l'éducation pour la santé. Il doit d'abord être sensibilisé au cours de sa formation initiale à la communication, à faire passer un message auprès des groupes, à la relation praticien­patient.

C'est, ai-je dit, une information prudente et sage que le médecin doit faire passer, une information

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concrète, de terrain, proche de la vie de tous les jours, répétitive, une motivation d'abord aux simples règles d'hygiène de vie puis aux mesures simples de pré­vention à observer, règles et mesures propres à chaque individu, à chaque groupe concerné, qu'il s'agisse de la famille, de l'école, de l'usine, de la maison de retraite ...

Il faut partout davantage de médecine 1 C'est vrai, je voudrais à la médecine de santé publique une dimension plus universelle.

Le Docteur Knock de Jules Romains voulait lui aussi partout davantage de médecine, mais pour des raisons tout autres et d'une autre manière.

Sur un autre registre, Pierre Vernant reprenant le thème des « Mortico/es » de Léon Daudet, a écrit en 1982 une remarquable satire de la médecine collective, celle que nous ne voulons pas non plus. Dans « Les Médecins débarquent», il raconte avec beaucoup d'humour aussi, l'histoire de deux petits pays voisins, la Sélénie du Nord et la Sélénie du Sud. La Sélénie du Nord vit sous un régime totalitaire dont le grand dessein poli­tique, le bonheur par la santé, ressortit à une idéologie médico-sociale où l'individu est au service de la santé de la nation. En vingt ans, grâce au gouvernement des médecins, elle est devenue la première nation médicale du monde. Les mesures d'hygiène, de prévention, de dépistage des anomalies de la santé sont strictement codifiées. S'y soumettre, individuellement et collecti­vement, est obligatoire. Les malades «intéressants» sont dirigés sur les hôpitaux de recherche (et d' expéri­mentation), les incurables sur 1'« Hôpital du Grand Repos » où ils reçoivent une préparation psychologique à la mort et les derniers conseils. La sélection par l'eu­génisme vise à faire une nation de surdoués, et lon trouve dans l'Unité de Recherche sur les manipulations génétiques de très jeunes musiciens, mathématiciens, informaticiens .. prodiges et un jour, les bataillons sani­taires de Sélénie du Nord franchissent le fleuve et débarquent au Sud avec leur idéal médical et ses réali­sations. Ils veulent, avec une sollicitude très appuyée en faire bénéficier leurs frères du Sud, malgré leur inconsé­quence et leur ignorance 1 Et l'on voit apparaître au Sud, les collaborateurs, les héros de la Santé Publique, les maquis et les résitants ...

Jules Romains et Pierre Vernant ont voulu des divertissements satiriques sur la médecine et les médecins. Mais Jules Romains n'a pas tout inventé et il a rencontré quelque part un Docteur Knock ou quel­qu'un qui pourrait le devenir. Pierre Vernant n'a pas tout inventé et il a rencontré quelque part un Pays qui aurait pu devenir la Sélénie du Nord ...

En fait, dans les pays industrialisés aujourd'hui, le risque de voir naître une politique d'orientation eugé­nique est réel avec l'avancée du génie génétique. La génothérapie visant à corriger les déficiences d'origine héréditaire par transfert de gènes ne peut être le transfert de gènes sur les cellules germinales comme cela a été pratiqué chez l'animal de laboratoire puis chez les ovins et porcins, mais peut être le transfert de gènes dans les cellules somatiques d'un malade, au cours d'une implantation médullaire par exemple. Si l'on évoque aussi la procréation assistée, le diagnostic anté­natal et le génie génétique notamment, l'on peut concevoir la tentation de leugénisme qui frappe à notre porte et Pierre Vernant a voulu atttirer l'attention de la société sur ce danger. Le MURS (Mouvement Universel

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La responsabilité et le pouvoir médical

pour la Responsabilité Scientifique) vient d'affirmer fort à propos que la connaissance et le progrès ne peuvent être contrôlés, ce qui doit l'être par contre, c'est leur utilisation et nous souscrivons aussi pleinement.

Par contre, Ivan Illich n'a pas écrit une satire et son livre n'est pas un divertissement. Il a écrit une critique amère et violente, une véritable diatribe, mais il ne s'est pas rendu compte que tout ce qui est outré devient peu crédible. Pour lui, la santé de l'individu souffre de ce que la médicalisation produit une société morbide, une « iatrogénèse sociale» qui n'est autre que l'effet para­doxal non désiré mais dommageable de l'impact social de la médecine, une dysharmonie grave entre l'individu situé dans son groupe et le milieu social et physique qui tend à être organisé sans lui et contre lui, avec perte d'autonomie dans l'action et dans le contrôle du milieu. Pour lui, l'étiquetage iatrogène des différents âges de la vie est banalisé, lorsque la vie n'est plus qu'une suite de périodes qui exigent, chacune, une forme particulière de consommation thérapeutique. La spécialisation médicale soumet le public en lorganisant en catégories de patients. La femme enceinte ou accouchant, ou allaitant, ou encore entrant en ménopause, la puberté, le sexe, la dépression, l'épuisement, l'alcoolisme, l'obésité, l'homosexualité, l'âge scolaire, la vieillesse, l'agonie, la mort, sont autant de conditions médicali­sables et permettent de classer les individus en caté­gories de patients car il n'est plus nécessaire que les gens soient malades pour devenir patients 1

Ivan Illich avait deux autres voies, le divertissement satirique, (on comprend qu'il l'ait récusé), ou la démonstration du danger couru par la médecine, du chemin dangereux qu'elle emprunte et cette voie l'aurait rendu plus crédible. Il faut partout davantage de médecine, mais ce n'est pas dans le sens de Knock ou des Séléniens du Nord, ou dans le sens qu'lvan Illich récusait.

Il faut partout davantage d'esprit médical fait de compétence, d'humanisme et d'éthique, esprit médical porté par une diaspora médicale au service de l'homme et de la société, et cet esprit, c'est la formation médicale qui l'apporte. Je souscris pleinement à l'esprit d'une diaspora médicale, car je crois profondément au pouvoir des dias­poras messagères des valeurs d'un groupe.

Je suis très favorable à l'esprit d'une diaspora médicale pénétrant le tissu social, d'une diaspora qui investit la cité et apporte à la médecine dite de Santé Publique, à la médecine collective une autre dimension plus universelle.

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Nous avons ici une grande ambition et c'est la mise en place à côté des seuls troisièmes cycles autres, diversifiés, à options, offrant aux étudiants ayant validé le deuxième cycle de médecine, une autre formation diplomante complémentaire mais pleine et entière, ouvrant sur une « carrière médicale non praticienne » dans laquelle ils pourront apporter leur compétence, leur capacité de raisonnement et de décision en situation d'incertitude spécifique au médecin, leur humanisme cet« esprit médical» et l'éthique de la pro­fession que leur aura donné leur formation première. Le profil de ces carrières qui devraient pouvoir être offertes aux médecins souhaitant s'orienter diffé­remment au bout de quelques années d'exercice, est spécifique et pour la plupart d'entre elles, il n'existe donc pas aujourd'hui et reste à définir.

Nous pensons à la documentation médicale et de santé, à la communication sous toutes ses formes, à la presse, l'édition, le journalisme médicaux. Nous pensons aux carrières d'administration, de gestion et d'évaluation de tout ce qui touche à la santé, aux car­rières de l'environnement et de l'urbanisme et, bien sOr à l'industrie pharmaceutique, chimique, agroalimentaire et de matériel médical et aux carrières juridiques qui avec le développement fulgurant de certaines disci­plines (et nous ne citons que la gynécologie-obsté­trique, la génétique, l'immunologie ... ) devient une disci­pline majeure requérant des compétences très spécifiques.

Notre médecine doit s'ouvrir encore sans que le médecin perde alors sa marque première mais nous ne sommes pas inquiets car la formation médicale est une école qui façonne profondément au plan des valeurs morales et humaines. Notre médecine doit s'ouvrir encore sans, aussi, que le médecin perde aux yeux de ses confrères et de la communauté médicale son image de marque. Confrères et communauté médicale doivent comprendre tout ce que cela peut apporter à la société, peut apporter à eux-mêmes et à leur pouvoir, dans le sens le plus noble du terme bien sOr.

Au plan anthropologique et sociologique, le pouvoir n'est autre que l'ensemble des rapports de force et des processus de hiérarchisation qui s'éta­blissent entre les groupes, à travers toute la structure socio-économique et rendent les hommes dépendants les uns des autres. Ainsi, il n'y a pas de société sans pouvoir (J.C. Guyot). Le pouvoir a de tout temps été sacralisé par les groupes. Les traditions, les rites, les robes des hommes de loi, les liturgies religieuses pro­cèdent de cette sacralisation, les traditions médicales, le serment d'Hippocrate, les robes universitaires médi­cales ... en procèdent aussi.

La révolution scientifique et technologique a fait surgir d'autres valeurs et amplifié le pouvoir des groupes qui les détiennent et donc amplifié le pouvoir des médecins.

Les groupes, chacun à son niveau, celui de l'impor­tance de son pouvoir, ont un rôle de contrôle de la société. Jadis, la société était contrôlée par le clergé, les instituteurs, les juristes et les médecins et il n'est que de relire, pour en prendre conscience, Marcel Pagnol et ses remarquables peintures de la société du temps d'alors, mettant en scène le curé, l'instituteur, lavocat et le médecin de ses villages. Ces groupes jouaient le rôle de stabilisateurs des collectivités mais

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pour jouer ce rôle utilement, et c'était l'intérêt de tous, la société devait assurer léquilibre de chacun de ces groupes et elle l'assurait.

Aujourd'hui la médecine et les médecins ont pris dans ce rôle de contrôle social une part qui revenait jadis à d'autres ministères, à d'autres professions.« La médicalisation de la vieillesse est un exemple des risques auxquels la spécialisation médicale soumet le public en l'organisant en catégories de patients. Tous les âges sont médicalisés, tout comme le sexe, le quo­tient intellectuel ou la couleur de la peau» (1. Illich).

C'est vrai, la profession médicale a réagi devant le progrès scientifique et technique de ces dernières décennies notamment par la spécialisation. La nais­sance et la reproduction, la vieillesse, l'agonie et la mort, la sexualité, l'anxiété, l'obésité, l'alcoolisme, la drogue, l'âge scolaire et l'éducation des enfants ... sont maintenant médicalisés. Ainsi le médecin a supplanté dans nombre de secteurs le prêtre, le magistrat, l'insti­tuteur ... et la profession médicale joue aujourd'hui un rôle majeur de contrôle social et ce rôle de contrôle, de régulateur, de stabilisateur des collectivités ne peut être assumé que par une profession elle-même parfaitement équilibrée et unie. La société et ceux qui la gouvernent doivent prendre conscience de cette donnée majeure. Aujourd'hui une profession médicale forte est l'un des plus sûrs garants de léquilibre de la société 1 Elle doit être l'un des conseils écoutés de la société.

Il n'est d'ailleurs aussi que de relire la déclaration d'Alain Girard (rapportée par Jean-Claude Guyot) lors d'un colloque international de sociologie médicale.« La seule révolution qu'ait connue l'humanité, résumé ou symbole de toutes les autres, s'est produite il y a fort peu de temps. On a rompu le xvme siècle; c'était hier, lorsque la mort a reculé ... Des fléaux ont disparu, des maladies physiques ont été vaincues, la survie de l'espèce n'est plus menacée à chaque instant. Dès lors, les hommes peuvent s'adonner à la recherche du bonheur et se livrer au difficile exercice de la liberté per­sonnelle dans le loisir, si j'ose dire, d'écouter les pulsa­tions de leur angoisse devant la vie, de goûter les délices et les tourments de leur adaptation au monde ambiant».

La médicalisation des problèmes sociaux, « cette prise en charge par la médecine de domaines impor­tants de la vie quotidienne qui autrefois ne létaient pas» et revenaient à «d'autres institutions comme la justice, l'église, l'école ... », constitue l'enjeu de ce «pouvoir sociétal » (J.-C. Guyot) du médecin.

Ivan Illich prend comme exemple la vieillesse mais sa démonstration outrancière ne vous convainc pas car elle avance par arguments pervertis ou faux. Je crois dans ce domaine, au pouvoir social du médecin mais non à l'analyse que veut en donner Ivan Illich. La médi­calisation, sinon de la personne âgée, celle de la vieil­lesse, sinon celle du troisième âge, celle du quatrième âge, l'accompagnement des vieillards, l'accompa­gnement des mourants, la promotion des soins pal­liatifs et la médicalisation de lagonie et de la mort font que le médecin et le « pouvoir médical » ont supplanté la famille et son pouvoir, ont ici supplanté le prêtre et le « pouvoir religieux » dans leur rôle de contrôle social. Le nombre des personnes mourant à l'hôpital est passé en deux décennies de 30 à 70 %. Cela est, à notre sens, une conséquence inévitable des progrès de la science médicale.

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Cela n'est sans doute pas sans danger et pour Ivan Illich, lattachement et lallégeance croissante à la théra­peutique, affectent aussi l'état d'esprit collectif d'une population car elle « remplace la confiance dans la force d'adaptation biologique et de récupération, le sentiment de responsabilité avec une régression du pouvoir d'adaptation de l'être conscient» donc ce qu'il appelle « iatrogénèse structurelle ». Mais il met aussi en avant, nous l'avons vu, une « iatrogénèse sociale», divorce entre l'individu et son groupe d'une part, le milieu social d'évolution organisé en dehors d'eux d'autre part et donc un contrôle et une correction permanente des actions de l'individu et du groupe avec perte de lauto­nomie de l'un et de l'autre 1

C'est vrai, les « iatrogénèses structurelle et sociale», même si l'on n'est pas disposé à suivre Ivan Illich et nous ne le sommes bien sûr pas, restent des données que nous devons garder toujours à l'esprit car elles constituent un danger permanent si l'on n'y prend garde.

« Le corps médical joue un rôle bien précis dans le maintien de lordre social existant et c'est sans doute le groupe qui réagit le plus vivement contre ce qu'il considère comme une déviance» (J. Carpentier). Il est vrai que la profession a pris par exemple en charge la question sexuelle qui intervient sûrement dans I' équi­libre de l'individu et de la collectivité. Il est encore vrai qu'elle contrôle aujourd'hui une bonne part du dossier de la scolarité, des inadaptations scolaires des enfants. L'environnement des enfants ainsi inadaptés est aujour­d'hui médicalisé, est devenu médico-psychologique, et le médecin s'est ici substitué à l'instituteur. Il va encore se substituer à lui et au professeur de sciences natu­relles pour ce qui est de l'éducation pour la santé.

Pierre Ladrière cité par Jean-Claude Guyot rap­porte, quant à lui, un excellent exemple de substitution du pouvoir médical au pouvoir juridique, lors de la mise en place de la législation de la libéralisation de l'avor­tement par laquelle le législateur a voulu« s'appuyer sur le pouvoir médical pour légitimer idéologiquement un nouveau contrôle de l'État sur les mœurs (J.-C. Guyot). Lorsque le législateur veut mettre un terme à l'ampleur des avortements clandestins, ampleur perçue comme fléau social, la solution recherchée consiste à substituer des mesures de médicalisation à des dispositions exclusivement répressives. Techniquement ce transfert de responsabilité est rendu possible par la maîtrise acquise en ce domaine par la médecine ; idéologi­quement, ce transfert est fondé sur une substitution des convictions religieuses par les connaissances scientifiques. Finalement, lenjeu de cette législation, c'est la considération du médecin dans sa fonction de légitimation. Dans toutes les discussions qui se sont développées au sein de la commission chargée de pré­parer le projet de loi, pour tout ce qui est appelé désir de la femme, angoisse de la femme, réaction de la femme à la grossesse qui vient de se manifester, en fait le médecin est reconnu comme le seul interprétant authentique».

La législation pour l'interruption volontaire de gros­sesse révèle « l'importance du besoin de régulation du nombre des naissances... Ce besoin est la connais­sance du changement du mode de vie ressenti même à l'échelon rural, dû à l'ouverture du monde professionnel aux femmes et à la prise de conscience pour elles de se

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La responsabilité et le pouvoir médical

réaliser ainsi en dehors du milieu familial, tout-en parti­cipant à l'entretien du foyer» (H. Maitreau).

L'on imagine les commentaires qui peuvent être avancés sur ce dossier (et Jean-Claude Guyot ne s'en prive pas comme Ivan lllitch ne s'en serait pas privé s'il avait pu en traiter) notamment sur la réserve du médecin devant la loi, sa non neutralité dans l'appli­cation avec l'implication de ses valeurs personnelles et donc la confiscation de la liberté de la femme.

Les médecins ne sont que des hommes, mais des hommes de vocation, des hommes de ministère, voire des hommes de simple profession mais d'une pro­fession possédant une éthique millénaire. Nous l'avons déjà dit, nous n'avons que faire des marginaux et nous ne pouvons accepter que l'on nous les jette à la figure. Il en existe partout, dans toutes les professions et de quel droit reprocherait-on à la profession médicale, les siens.

Et pour ce qui concerne la mise en place de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse, comment aurait-on pu exiger du jour au lendemain des médecins, dont la vocation millénaire est de protéger la vie, qu'ils ne s'interrogent, qu'ils effacent leurs états d'âme pour se précipiter dans l'application d'une loi qui leur paraissait contraire à leurs valeurs. D'ailleurs, que je sache, les choses ont mOri et les hommes aussi. Et si de nombreuses affaires ont surgi d'emblée, aujourd'hui il n'y a plus d'affaires et les médecins qui participent à l'application de la loi y participent chacun avec son éthique personnelle mais en l'inscrivant dans l'éthique de la loi. Peut-on reprocher à un homme, à un médecin, d'appliquer la loi avec sa sensibilité personnelle dès lors qu'il reste dans le cadre et dans l'esprit de la loi 7 Mais j'arrête là mes exemples 1

Force nous est de constater que dans une société industrialisée comme la nôtre, la médecine et les médecins en pénètrent tous les jours de nouveaux sec­teurs. Il faut partout davantage de médecine mais dans le meilleur sens du terme et j'entends par là davantage d'esprit médical, cet esprit que les médecins acquièrent tout au long de leur formation, fait de compétence et d'humanisme, cette philosophie qui met les valeurs de l'homme au-dessus de toutes les autres valeurs.

Il est évident que la profession médicale doit réfléchir aujourd'hui sur son exercice et sur son insertion dans la société. Certains médecins auront ten­dance à refuser l'évolution, d'autres à l'accepter, la domestiquer, voire la dominer. J'ai confiance et je suis

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sQr qu'une solution intermédiaire d'équilibre prévaudra entre ces deux solutions extrêmes. Une réflexion lucide et sage, conduite par tous les partenaires concernés, conduira à une action réfléchie et bénéfique pour la société ... et les médecins. Il paraît essentiel que cela ne soit pas remis à demain 1

Mais il est aussi essentiel de comprendre que la médecine collective ne peut se satisfaire de sa seule dimension scientifique et technique propre et nous avons aimé la réflexion de Paul Milliez « . . . La médecine collective ne trouve sa tendresse que si on la vit comme une médecine personnelle ... », et il souhaite que ses tâches soient confiées au maximum à des médecins qui ont exercé une bonne médecine de soins. « ... J'ai acquis la conviction que, quelque cœur que l'on y mette, l'exercice - sous sa forme forcément imperson­nelle - de la médecine sociale, de la médecine du travail ou des tâches administratives ne fait pas acquérir, et fait même perdre la sensibilité que l'on parvient à affirmer dans la médecine individuelle. Pour cela je sou­haite que les tâches de médecine collective soient confiées au maximum à des médecins à temps partiel et pas seulement, en dehors des mères de famille, à ceux d'entre nous qui, après une bonne médecine de soins, ont besoin d'une vie moins épuisante ... ».

L'évolution de la société et de la médecine a, sans aucun doute, donné aussi plus de force à la déontologie et à léthique médicale qui doivent marquer leur place dès le début du cursus, avant les stages hospitaliers. Elle a aussi fait surgir des valeurs nouvelles, auxquelles la collectivité est désormais attentive.

Je pense singulièrement aux soins palliatifs, à l'acharnement thérapeutique et à l'euthanasie ... mais je pense aussi à l'accompagnement des mourants, à celui des personnes âgées, à la maltraitance ... Elle a trans­formé les données de la prévention et donc de l'édu­cation pour la santé. Il n'est plus possible qu'un médecin n'ait pas aujourd'hui une solide formation phi­losophique culturelle et aussi pratique dans chacun de ces domaines. L'Université médicale s'y emploie. •

BIBLIOGRAPHIE

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GouAZE (A.). - Une certaine idée du pouvoir médical. Expansion Scientifique Française, Paris 1991 .

GuvoT (J.C.). - Quelle médecine pour quelle société 7 Toulouse, Ed. Privat, 1982.

ILLICH (1.). - Némésis Médical. L'expropriation de la Santé. Paris, Ed. du Seuil, 1975.

MILLIEZ (P.). - Ce que je crois. Paris, Grasset, 1986. MURS. - La médecine prédictive. Cahiers du mouvement uni­

versel de la responsabilité scientifique. 1985-1986, n° 4. SARACCI (R.). - Pour en finir avec l'inégalité face à la santé. Le

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POINT DE MIRE m

par le Professeur Jean GAGNEPAIN (*)

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Ou' on le veuille ou non, même si l'hospitalier ne prend plus, nous dit-on, son patient pour objet, le médecin a professionnellement pouvoir sur l'homme. C'est à tort qu'en face de lexécutif et du législatif dont la séparation fut instaurée par la Révolution, Montes­quieu évoquait le seul judiciaire. Il conviendrait plutôt d'appeler modulaire un pouvoir incluant, en fait, par dilation, suspension ou restriction d'autonomie de la Personne ces trois aspects de la curatelle qui depuis 68 - est-ce un hasard? - sont tour à tour mis en question et qu'on nomme respectivement didactique, thérapeu­tique et pénal. Pour ne traiter ici que du second des trois, disons d'emblée que la psychologie du soignant ou du soigné n'est pour rien dans la prise en compte exhaustive dans une relation ressortissant, selon moi, par « médiation » interposée, à une autre biologie que celle, essentiellement vétérinaire, à laquelle l'héritage de l'anatomie, les progrès récents de la technique et l'inertie de l'Université ont amené les fils d'Hippocrate à plus ou moins se résigner.

J'entends bien que les facultés tenues pour supé­rieures chez l'homme - qu'il s'agisse comme jadis, de « bosses » ou de localisations ou plus probablement de neurotransmission - ne sont pas, elles non plus, sans conditionnement cortical; que I'« esprit» reste un pis­aller, qu'il n'est pas de médecin de l'âme et que les jours de la psychiatrie - fOt-elle analytique - sont comptés. Il n'en est pas moins vrai qu'en dépit des cognitivistes nos performances sont sans commune mesure avec celles du chimpanzé; que, pour se frag­menter comme chez lui gnosiquement, praxiquement, bouliquement, somatiquement en autant de modalités dont l'acculturation fait langage, art, droit ou société, la raison, cependant, nous sépare qui, grâce à l'imma­nence et à l'interaxialité, nous fait structuralement émerger, en même temps qu'au Signe, à l'Outil, à la Norme, plus spécialement à la Personne (2), censée, en loccurrence, alimenter notre propos.

La «bioéthique» n'est moralement qu'un palliatif, au même titre que le préservatif pour l'amour à la chaîne et, pour l'emploi, le R.M.I. Avant de parler naïvement, en effet, des Droits de l'Homme, de la Femme et de ou à !'Enfant, encore doit-on s'entendre sur ce qu'on appelle un homme et c'est - sans que la chose nuise, bien sOr, à la physiologie - d'abord affaire de socio-

(9) Professeur J. Gagnepain, U.F.R. Sciences du langage. Université Rennes 2.

(1) Faut-il rappeler au lecteur que« mire», en ancien français, équi­valait aussi à votre « médecin » ?

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logie. Il faut, à cette fin, construire avant tout le modèle de la façon dont, à la différence du singe et du dauphin qui sont précisément partout singe ou dauphin, notre semblable - tout comme il le fait logiquement de sa représentation, techniquement de son activité, éthi­quement de ses pulsions - analyse ethniquement son appartenance à l'espèce au point de se donner, non plus génétiquement, mais historiquement, des fron­tières qu'il lui appartient politiquement de négocier. Bref, l'homme n'est jamais l'homme; il n'est d'uni­versel que pour le singulier et c'est une erreur de confondre le collectif avec la Société.

On conçoit que les manipulations dites actuel­lement génétiques soient en fait des manifestations his­toriques ; que le fils ne soit pas le petit, ni le père néces­sairement le géniteur; que l'École d' Alfort soit, tout compte fait, plus concernée que la Faculté dans les pro­blèmes d'eugénisme ou de commercialisation des embryons. A-t-on jamais pensé que le traitement des vaches folles relevât de la psychothérapie ? Mais il y a plus ; et le moins regrettable n'est pas qu'en occupant le devant de la scène, ces manipulations aient pu prati­quement contribuer à faire désormais prendre pour argent comptant le détachement freudien de l'Eros et de la procréation, comme si leur acculturation n'était pas mutuellement solidaire à l'instar, dans le cas du Signe, de celle du sens et du son. Ainsi l'avortement -voire la contraception - n'est-il pas, en son fond, affaire d'hygiène, de maîtrise du corps ni de remboursement des «ayants droit». Mais outre qu'on ne saurait substituer la gratuité de la prestation à celle, morale, du renoncement volontaire à la satisfaction, il est humai­nement contradictoire de prétendre « bêtement » aimer sans conséquence et soutenir à la fois qu'avoir, comme il sied, un enfant n'est pas le mettre bas.

• • •

Il faut dire que sans avoir une idée plus précise du corps, réduit médicalemént au cadavre par la dis­section, il était difficile de traiter avec pertinence aussi bien de sexualité que de génitalité. Ce n'est pas pour rien que Rabelais daubait déjà les morticoles. C'est à peine si, de nos jours, les neurologues, sous le nom d'image du corps ou mieux de schéma corporel, com­mencent à s'intéresser au soma par quoi l'animal, on le sait, se distingue du végétal et auquel curieusement les psychologues semblent avoir jusqu'ici prêté plus d'at­tention. Il n'en reste pas moins que la médecine dans son ensemble est dorénavant une médecine des pièces détachées et qu'en ville, notamment, un bilan de santé nous contraint peu ou prou à faire le tour complet des services ou des quartiers. On s'explique, dOt-on scienti-

(2) Voir pour tous ces concepts, J. Gagnepain, « Du vouloir dire» Tomes 1 et Il Livre et Communication, Paris 1990 et 1991; ainsi que la revue M.A.G.E. (Mémoires d'archéologie générale) de Paris IV. N° 1.

Peut-être suffira+il, d'ailleurs, pour apprécier à sa valeur exacte le statut médiationniste de la Personne, d'en situer la dialectique dans le schéma suivant :

Fonctions Modalités Facultés animales rationnelles humaines

Plan 1 Gnosie Langage-logique-Signe Pensée Plan Il Praxie Art-technique-Outil Travail Plan Ill Somasie Société-ethnique-Personne Histoire Plan IV Bou lie Droit-ethnique-Norme Liberté

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fiquement le déplorer, le succès, dans ces conditions, de doctrines plus holistiques et volontiers qualifiées d'orientales qui témoignent à leur façon de loblitération d'une Gestalt dont l'importance immunitaire fonde seule, par ailleurs, la différence d'une pathologie de la non défense et d'une pathologie plus rigoureusement pastorienne de l'agression.

Or si la limite, en somme, de ce que nous appel­lerons désormais le sujet n'est pas clairement posée, il n'est pas surprenant non plus que les fonctions tou­chant organiquement en lui la conservation de la vie du specimen soient mises ou presque sur le même plan que celle qui pourvoit globalement à la reproduction indéfinie du type dans le cadre d'une espèce qui n'est pas comme chez LINNE simple commodité descriptive, mais bien double articulation sexuelle et génitale dont labstraction de la Personne fait respectivement le pair et le père ou, pour parler comme les ethnologues, à la fois parage et lignage, en un mot rapport ontologique à l'autre, relation proprement déontologique à autrui. Les Romains savaient bien que proies, en aucun cas, n'était familia qui seule était censée former le citoyen ; et l'on ne pourrait trouver de peuple au monde qui, négligeant - sauf période, d'ailleurs simultanée, de crise - l'in­ceste et la délégation, confondît le mariage avec I' ac­couplement ou le métier avec l'emploi. C'est une pure illusion de nos démocraties - démentie au demeurant, par la nouvelle marginalité des immigrés, des chômeurs et même des adolescents - que de s'imaginer, quitte à inventer l~s moyens d'y remédier cas par cas, qu'il pOt exister d'Etat sans parias 1

Parce qu'enfin la Personne n'a, de fait, ni le temps ni le lieu du sujet; qu'elle le précède, d'une part, dans le désir du père et lui survit partout dans les obsèques ou, comme on dit, le « culte » des morts ; qu'elle peut, d'autre part, sans résider être domiciliée et qu'il y a des abonnés absents, on comprend non seulement qu'il soit redondant, vu qu'elle est par définition déplaçable, de parler de « personne déplacée », mais également que l'architecte, le couturier ou le restaurateur, logeant, vêtant, nourrissant moins de la vie que de l'histoire, soient tenus de prendre en compte, au-delà de la niche, de la housse ou du snack, le confort et la mode ainsi que la gastronomie. Comment dès lors être surpris que par conversion le croyant - qui fait sur d'autres plans prière de son verbe, miracle de son efficience et grâce de sa liberté - soit mystiquement porté à faire hommage à Dieu de ce qui renaît en lui à chaque anni­versaire et persiste dans le cénotaphe? Rendre l'âme, du même coup, devient un autopléonasme puisque n'a d'âme, en définitive, que celui qui personnellement à chaque instant la rend.

Il est d'autant plus curieux d'entendre les églises, et notamment le Vatican, prôner le respect de la nature et par conséquent de la vie, comme si l'homme n'était pas d'abord celui dont la raison a pour essence de la transformer. Faute de quoi, d'ailleurs, le Pape lui-même devrait marcher nu-pieds 1 Or c'est principalement de culture qu'il s'agit. Et qu'on n'aille pas, pour autant, par ignorance des sciences de l'homme, renvoyer comme devant le tout à la philosophie. Car les troubles sont bien réels, à défaut d'être réductibles à la simple phy­siologie. Si les névroses et les psychopathies, pour dépendantes qu'elles soient des méthodes d'édu­cation, témoignent pathologiquement à leur façon de !'autolyse ou de la fusion de la Norme, les psychoses et

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Point de mire

les perversions sont là pour attester d'une manière ou de l'autre - dût-on pour l'instant se contenter de fonder plus ou moins le diagnostic sur le délire ou la fabulation - l'évidence d'une nosographie de la Personne dont, en revanche, d'autres souffrent de ne point avoir la clef qu'on nomme non sans humour des« autistes», alors que chez eux justement !'autos n'a pu se constituer.

• • S'il n'est, certes, comme nous le suggérions, pas

plus que de langage, de société véritablement animale ; s'il est même politiquement des régimes pour res­treindre au maximum la reconnaissance de la Personne au prix, romain, de la« clientèle» ou de l'adoption géné­ralisée ; s'il est, enfin, coutumier dans un monde surdé­veloppé d'avancer l'âge de la retraite et de retarder celui de la majorité, on ne saurait nier qu'il y eût notoi­rement deux cas où le sujet n'est Personne que parce qu'inscrit dans l'histoire de l'autre, je veux parler ici de l'enfance et de la sénilité. Je n'ignore pas que certains imputeraient d'emblée cette Personne au fœtus et qu'on s'est, semble-t-il, longtemps préoccupé de déter­miner la date de l'infusion de l'âme après la conception. Autant, bien évidemment, disserter sur le sexe des anges et Anne Sylvestre a raison 1 Non seulement l'im­pubère, pour commencer par lui, est infans, iners et invitus, mais encore et surtout ignobilis (3) en ce sens qu'il n'a, baptisé ou non, que le nom qu'on lui donne, jusqu'à ce qu'à son tour il devienne notre égal en attei­gnant ce qu'on tient précisément pour l'âge ingrat. Il va de soi que le traiter en Personne avant qu'il n'y soit parvenu est la meilleure façon de l'empêcher jamais d'y prétendre et de renforcer le nombre de ces « enfants­bulles » qui se prennent pour des adultes au plus grand dam de la cité.

Encore s'agit-il là d'enfants jugés grosso modo normaux. Mais l'on sait qu'actuellement la diminution progressive de la mortalité infantile ayant pour résultat de faire vivre à peu près tous les corps, on voit, pour ainsi dire, se multiplier les sujets sans Personne et, partant, les établissements chargés de gérer au mieux les handicaps, voire de les récupérer. Et comme l'infor­mation désormais précède le plus souvent la naissance, on peut légitimement se demander s'il convient pour le moins de laisser advenir ce qui virtuellement n'est point homme, sinon - tout dépendant alors des possibilités

(3) Entendons par là que l'enfant, en même temps qu'il ne parle pas, qu'il ne manipule pas, qu'il ne décide pas, essentiellement ne « compte » pas.

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d'accueil et l'Église, de ce point de vue, gagnerait à s'inspirer de Vincent de Paul dans sa lutte contre l'avor­tement - celui qui, conçu en quelque sorte « sans pré­méditation», risque de n'être fils de personne et d'obérer la collectivité. Je pense, évidemment, à ces enfants du viol, de la prime adolescence ou de l'extrême pauvreté qui mettent moins en cause la culpa­bilité que la quasi complète irresponsabilité de géniteurs inaptes à inscrire leur éventuelle progéniture dans une histoire à laquelle ils n'ont pas eux-mêmes accédé. On conçoit que la question ne comporte pas de réponse absolue mais varie ethniquement avec les civilisations.

Il n'est pas non plus sans intérêt de noter à quel point le respect témoigné au presbus, à l'Ancien, moins en raison de son expérience que de son immortalité, par les sociétés dites traditionnelles a contribué à occulter chez la plupart ce crépuscule des vieux qu'on nommait autrefois gâtisme et qui - dût-on, pour l'exprimer, invoquer désormais Korsakov ou Alzheimer - ne semble être, selon l'expression populaire qu'une enfance à rebours, dans la mesure où la dégénérescence de la Per­sonne anticipe, cette fois, largement celle de !'Outil, de la Norme ou du Signe. J'entends bien que s'il est de vieux enfants, il y a de plus en plus de jeunes centenaires. Qu'on ne s'y trompe pas cependant 1 La vieillesse, comme disait De Gaulle, est quand même un naufrage, quitte à multiplier à son endroit les litotes et parler sans rire d'automne ou d'Hespérides, de troisième âge, voire de vie montante, en termes de layette ou de plants de salade. Bref tout paraît bien montrer, à commencer par l'intitulé même de la gériatrie, qu'il s'agit moins, dans l'esprit de nos contemporains, d'une dignité que d'une maladie 1 Et cela d'autant plus qu'on dispose actuel­lement des moyens, en multipliant au détriment de la Sécurité sociale les contrôles préventifs et les interven­tions, d'entretenir presque indéfiniment des légumes comme de prévenir les fausses couches, autrement dit d'assurer la perdurance du sujet. Faut-il s'étonner, à une époque où la mutation de la famille, le travail des femmes, la baisse du niveau de vie des foyers contrai­gnent à la multiplication des« mouroirs», qu'un médecin devenu moins thérapeute que légiste se trouve, dans la pratique, de plus en plus souvent confronté à la double interrogation des soins dits palliatifs ou de leuthanasie ?

Si l'on ajoute, enfin, qu'aujourd'hui le légiste en question peut chirurgicalement se doubler aussi d'un Frankenstein; qu'à défaut des prêts d'utérus qui se ramènent après tout à une sorte de prostitution, les greffes et les dons d'organes ne sont pas loin d'être scientifiquement l'équivalent de ce qu'était pour les can­nibales magiquement l'anthropophagie, on voit mieux jusqu'où peut aller l'ampleur d'une dissociation aussi fondamentale que celle sur laquelle ici a porté notre réflexion et qui fait du sujet, chez l'homme, moins le centre exclusif d'intérêt qu'il était pour des naturalistes que l'occasion qu'il nous offre, par l'investissement, voire la conversion, culturels de la Personne de naître abstraitement à une autre réalité 1 Et comme il serait stupide de refaire, en la circonstance, un autre procès de Galilée, je pense que ce n'est ni au moraliste, ni surtout au théologien qu'il revient, au seuil d'une nouvelle Renaissance, d'inaugurer de ce point de vue le savoir de notre temps, mais derechef au médecin, à condition qu'il cesse d'être mire et comprenne que l'analyse est dialec­tiquement le terme de l'anatomie. •

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SUR LES RESPONSABILITÉS ET LA RESPONSABILITÉ DES MÉDECINS

par le Professeur Raymond VILLEY (*)

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1. - LE MÉDECIN ET SES PATIENTS

Envers chacun de ses patients le médecin a les mêmes devoirs : assurer les soins les meilleurs, soigner tous les malades de la même manière quelle que soit leur condition, quel que soit le coefficient de sympathie entre médecin et malade : la qualité des soins ne doit pas dépendre de l'humeur du médecin ou de ses senti­ments. «Comme s'il s'agissait de l'être qui vous est le plus cher» (J. Hamburger).

Le médecin est au service de ses malades (la médecine est un service). Pour cela, on lui recon­naissait quelques privilèges, ceux-ci sont à l'heure actuelle en voie de disparition.

On ne saurait imposer au médecin une obligation de résultat, la médecine n'est pas condamnée à guérir toutes les maladies. Mais il a une obligation de moyens, il faut qu'il mette en œuvre ce qui est néces­saire.

On attend de lui qu'il soit compétent, attentif, et (autant qu'il est possible) disponible: trois notions d'une importance capitale.

La compétence est irremplaçable, mais il est bien difficile de la définir et il est illusoire de vouloir dresser un catalogue de toutes les connaissances utiles. On voudrait que cette compétence soit «totale», sans la moindre lacune, mais cela n'est pas possible. Le géné­raliste devrait théoriquement tout savoir, et même avoir une expérience de toutes les situations. Le spé­cialiste doit être au courant de toutes les acquisitions récentes dans sa spécialité, et ces acquisitions pro­gressent à une cadence accélérée.

Il faudra que tous les médecins, tous les jours de leur carrière, travaillent à compléter leurs connais­sances et à assimiler les nouveautés utiles. C'est dire l'importance de la formation médicale continue, l'impor­tance d'un effort quotidien de lecture et d'archivage des renseignements utiles. La mémoire ne suffit plus, il faut classer les dossiers que lon veut conserver pour les consulter si besoin, faire un répertoire de toutes les références contenant les réponses aux questions que l'on pourrait avoir à se poser.

(•) Président honoraire du Conseil de l'Ordre.

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Les responsabilités et la responsabilité

L'informatique peut évidemment venir en aide, mais il serait imprudent, aujourd'hui encore, de s'en remettre, les yeux fermés, aux propositions de la machine.

Ce serait une erreur de croire qu'un médecin puisse savoir «tout». Au moins le praticien doit-il être prudent, et savoir demander un avis.

Le médecin est responsable de ce qu'il fait et de ce qu'il ne fait pas. Le corps médical tient beaucoup à cette responsabilité personnelle - et c'est tout à son honneur.

Il n'est pas seulement responsable d'un geste tech­nique qu'il sait faire et qu'il accomplit : il est respon­sable d'un malade. On ne soigne pas un organe, mais un être humain. Le médecin a besoin d'écouter son malade et de le comprendre. Pour cela, la compétence technique ne suffit pas, il faut certaines qualités humaines.

• • •

Le malade est libre d'accepter ou de refuser les soins proposés. De son côté le médecin agit dans sa pleine indépendance professionnelle, notion capitale.

L'indépendance professionnelle du médecin est sous-entendue dans le « contrat de soins » (contrat tacite qui lie malade et médecin). Le médecin intervient dans le seul intérêt de la santé de son malade, il est sourd à toutes les influences extérieures (familles, employeurs, administrations) qui voudraient peser sur ses décisions.

Cette indépendance du médecin est un droit du malade: le malade a le droit quand il s'adresse à un médecin de trouver dans ce médecin quelqu'un qui va l'écouter, le secourir, sans autre préoccupation que celle de lui apporter les secours que la médecine peut faire pour lui.

Le médecin ne peut accepter que cette indépen­dance soit limitée par des liens de subordination. Avant de signer un contrat qui concerne son exercice profes­sionnel, le médecin a l'obligation de vérifier que son indépendance professionnelle y est garantie.

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Le médecin ne doit pas se considérer comme l'exécutant de ce qu'on lui demande. Il n'est passim­plement responsable d'un geste, d'une technique, il est responsable d'un malade.

Le médecin du travail, le médecin-conseil de la Sécurité sociale, le médecin de dispensaire, sont aussi médecins au plein sens du terme.

Le médecin hospitalier ne doit pas être considéré comme un «médecin de l'administration», mais comme le médecin personnel de chacun des malades qui lui sont confiés.

• • •

Il est inévitable que le médecin se trouve quel­quefois devant des cas de conscience, c'est même chose fréquente.

Pour ne donner qu'un exemple, voici une femme sur le point d'accoucher. Le gynécologue-accoucheur estime nécessaire qu'une césarienne soit pratiquée, la femme s'y refuse. La patiente est libre de donner ou de refuser son consentement. Mais sa vie peut être en jeu, et plus encore celle de son enfant. On ne peut passer outre à son refus, mais il faut patiemment s'efforcer d'obtenir son accord.

• • •

On peut dire que les principes du Code de Déonto­logie Médicale sont l'expression ou le témoin d'une civilisation : civilisation dans laquelle l'individu compte, la vie humaine est respectée, ainsi que la personne humaine.

C'est pourquoi une grève des médecins (si elle était effective) n'est pas défendable.

Il. - LES MÉDECINS ET LA COLLECTIVITÉ

Un médecin a d'autre part des devoirs envers la collectivité. Il est agent sanitaire, instrument de la santé publique.

Il ne peut refuser sans motif sérieux de prêter son concours aux actions sanitaires décidées par les pou­voirs publics :

Hygiène et Prévention Application des lois sociales 9rganisation des secours d'urgence Education sanitaire etc ...

Et il ne lui est plus possible de nos jours de rester indifférent aux préoccupations qu'entraîne le coût de la santé.

L'optique ici n'est plus la même que dans la médecine de l'individu. Il n'y a pas incompatibilité entre laction sanitaire et la déontologie de la médecine de soins, mais il peut y avoir des conflits entre l'intérêt de la collectivité et celui du patient.

Le médecin qui contribue à l'action sanitaire et qui par ailleurs soigne des malades auxquels il doit respect (secret professionnel), compréhension et dévouement, examinera dans le détail ce dont on le charge. On ne peut lui demander, par exemple, pour les besoins d'une statistique, de tromper ses malades ou de les trahir.

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Car nous ne pouvons pas enfourcher l'idée for­mulée par les médecins nazis à Nüremberg : « Les obli­gations morales du médecin cèdent le pas à l'intérêt général.»

Les campagnes de vaccinations protègent la collec­tivité mais comportent pour certains sujets un risque d'accidents. Il revient au médecin même s'il est fonc­tionnaire de discerner les contre-indications et d'agir en conséquence.

Quand les médecins se préoccupent de l'économie de la santé, et permettent ainsi un meilleur emploi des budgets sociaux, cela ne doit pas être dommageable aux malades qu'ils soignent.

Les progrès de la médecine retirent beaucoup de renseignements féconds des études épidémiolo­giques auxquelles les médecins-traitants peuvent être invités à collaborer. Ici encore, le souci de chaque patient ne peut être perdu de vue. L'inclusion dans un «protocole» ne peut pas être automatique. Il faut que le médecin s'assure que l'expérience ne porte aucun pré­judice au malade, et que ce dernier soit informé ..

Ill. - LA RESPONSABILITÉ MÉDICALE DEVANT LES TRIBUNAUX

Les principes auxquels se réfèrent les tribunaux dans les procès en responsabilité ont été traditionnel­lement d'une grande sagesse:

On ne peut exiger du médecin une obligation de résultat, mais seulement une obligation de moyens : a-t-il fait ce qui convenait ?

Il faut pour imputer à un médecin la responsabilité d'un accident thérapeutique que ce médecin ait commis une faute lourde.

On ne se permettait pas autrefois d'exiger d'un médecin qu'il sache tout et que jamais il ne se trompe. Et 1· on savait que 1· erreur de diagnostic ou lerreur de pronostic ne sont pas forcément la conséquence d'une faute.

Mais la jurisprudence montre actuellement une ten­dance à s· écarter de ces principes, elle devient plus exi­geante envers les médecins.

Certaines décisions récentes de justice laissent sup­poser qu'on appliquerait aux médecins une obligation de résultat : votre malade a fait un accident thérapeu­tique, ou bien il n'a pas guéri: donc vous êtes coupable 1

D'autres décisions montrent par leur rédaction que l'expert ou le juge n'ont pas tenu compte de la chrono­logie des faits. Cette erreur est compréhensible quand plusieurs années se sont écoulées entre les faits et le jugement. Que penser d'une expertise médicale ou d'une décision de justice qui font reproche au médecin de ne pas avoir pris la précaution de vérifier le diag­nostic en demandant un scanner, quand à la date des faits il n'y avait pas encore de scanner en France ?

La jurisprudence évolue, et les médecins doivent le savoir.

C'est d'une part que la médecine peut beaucoup plus qu'autrefois. On fait miroiter ou lon suppose qu· elle est toute puissante, on souligne que la mécon­naissance d'une thérapeutique moderne peut avoir d'immenses conséquences. Il est normal que lon demande aux médecins beaucoup plus que jadis.

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D'autre part, on souhaite évidemment pour tous ceux qui gardent des séquelles d'un accident thérapeu­tique une indemnisation : il est plus commode pour cela d'avoir un coupable. Il faut donc désigner un cou­pable et lon utilise souvent la notion de « perte de chances» qui élargit la notion de «dommage».

Cette évolution de la jurisprudence conduit les pra­ticiens à se protéger en imposant aux patients des examens multiples et des ordonnances démesurées, qui donnent l'impression que « tout a été fait ».

Les conditions d'un jugement équitable ne sont pas parfaitement réunies, car après coup, point n'est besoin d'être sorcier pour voir ce que lon aurait dû faire 111 faudrait (c'est difficile) se replacer par la pensée au moment des faits, pour apprécier exactement si une faute a été commise et peut être reprochée au médecin.

La notion de «faute lourde» avait du bon.

Le médecin n'est bien entendu pas à l'abri de l'erreur. Et l'analyse des causes de l'erreur est très utile: on en tire au moins une leçon. Mais elle n'implique pas forcément la culpabilité.

c· est ainsi que l'on peut comprendre l'idée de res­ponsabilité sans culpabilité, qui a fait couler beaucoup d'encre.

IV. - ILLUSION SUR LA MÉDECINE

Trop de gens ne peuvent comprendre ce qu'est la médecine. Enthousiasmés par ses progrès ils en arrivent à croire que toute la médecine raisonne mathé­matiquement, en courbes et en équations. Ils imaginent même qu'une législation très précise pourrait guider le médecin dans toutes les circonstances qu'il rencontre, et lui indiquer la conduite la meilleure.

Mais cela est encore, en grande partie, de l'utopie.

La médecine moderne exige la rigueur dans la col­lecte des symptômes, dans le raisonnement qui mène à la décision, dans l'accomplissement des gestes chirur­gicaux. Outre la rigueur scientifique absolue, il existe une rigueur clinique qui s'impose au médecin.

Mais chaque malade présente des particularités qui peuvent être trompeuses et brouillent plus ou moins les cartes. La phrase d~ Cabanis (xvme siècle) est encore pleine de vérité : « A chaque cas nouveau on croirait que ce sont des faits nouveaux. »

Malgré tous les progrès des sciences et malgré les efforts déployés de nos jours pour arriver au « diagnostic automatique » et pour régler les protocoles opératoires, l'hésitation et lerreur nous guettent à tout moment, on s'en aperçoit après coup. Il n'est pas possible de tout codifier. Croire que le médecin n'a qu'à appliquer des règles infaillibles ne correspond pas à la réalité.

Sans doute le médecin - dont on croit qu'il sait tout - ne peut-il se contenter d' « avoir voulu bien faire». Les bonnes intentions ne suffisent pas à l'ab­soudre. Mais s'il doit être conscient de sa responsa­bilité (et cela n'est pas toujours facile), il n'est pas juste de lui faire grief de tout ce qui apparaît a posteriori comme une erreur. •

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COMMUNIQUÉS LE MONDE A MA PORTE

session nationale sur des enjeux de société organisée par

le CERAS et le Secrétariat Général de !'Épiscopat.

Le dimension internationale influence les évolutions locales ; les réalités locales, de leur côté, contribuent à modeler les données internationales. Comment se manifestent ces interactions ? Quels en sont les enjeux ? Voyons-nous émerger de nouvelles façons de nous rapporter au monde ? Cette session invite à explorer l'articulation de l'international et du local, à en proposer une lecture politique, économique et cultu­relle, à chercher enfin à voir comment gérer les interdépendances et développer les soli­darités. Chevilly-Larue (94) du 19 au 28 janvier 1993 Pour tout renseignement, s'adresser à: CERAS-SESSION, 14, rue d' Assas, 75006 Paris. Tél. : (1) 44.39.48.30. •

• Le Centre Sèvres

Département Éthique biomt§dica/e

PROGRAMME 1992-1993

P. VERSPIEijEN, F.-X. DUMORTIER, l. de VAU­CELLES et coll. Dignité humaine - perte de dignité Colloque (7 h} Samedi 17 octobre de 9 h 15 à 18 h

On fait aujourd'hui grand usage des termes «dignité» et« perte de dignité», au point de légitimer par eux des choix éthiques radica­lement opposés. Pour aider à sortir de cette confusion du langage, le colloque s'atta­chera à retrouver le sens de lexpression «dignité humaine» telle qu'elle apparaît dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, et à proposer une réflexion per­mettant de penser la dignité de tout humain. Celui-ci est parfois atteint de graves déficits. Quelle forme de dignité est alors, pour lui, perdue ? Et quelle autre, inaliénable ?

• P. VERSPIEREN Interventions biomédicales dans la pro­création humaine. Aspects éthiques Cours (12 h) - Jeudi de 20 h à 22 h du 12 novembre au 17 décembre

Plusieurs études sont parues depuis quelques temps donnant des informations sur les Procréations Médicalement Assis­tées (P.M.A.) et interrogent cette pratique. Il est ainsi devenu possible de prendre appui sur lexpérience acquise depuis plus de dix ans pour mener une réflexion éthique quelque peu renouvelée. Le cours abordera les questions posées par les P.M.A. (et autres traitements de la stérilité), et par le diagnostic anténatal. Place sera faite à l'étude des différentes positions éthiques et des sources de leurs divergences.

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Renseignements et inscriptions : Centre Sèvres, 35, rue de Sèvres, 75006 Paris. Tél.: (1) 45.44.56.42 l'après-midi •

• Centre de Bio-Éthique de Lyon Université Catholique 25, rue du Plat 69288 Lyon Cedex 02

Année 1992-1993

PARCOURS EN BIOÉTHIQUE

Mercredi 18 h à 20 h Octobre : 21 , 28 Novembre : 4, 25 Décembre: 9, 16 Janvier 6, 13, 20, 27 Février 3, 10, 17 Mars 10, 17.

Responsable :

Catherine PERROTIN, Directrice du Centre de Bio-Éthique

Dans le contexte d'une société en pleine évolution, les progrès de la biologie et de la médecine marquent chaque jour de nou­velles avancées. Devant cette extension des possibilités d'in­tervention sur le corps humain et face aux enjeux que cela représente, la bioéthique tente de préciser les conditions nécessaires à lexercice de ces nouvelles responsabi­lités. Nous aborderons les principales questions soulevées par les procréations médica­lement assistées, le diagnostic anténatal, l'expérimentation, les greffes d'organes ... et les différentes attitudes face à la fin de la vie. Nous bénéficierons des compétences com­plémentaires de médecins, philosophes et théologiens. Ce cours s'adresse aux étudiants du Dépar­tement de Formation Humaine et aux audi­teurs libres, professionnels intéressés (dans la limite des places disponibles).

Coat: 650 F.

SESSIONS

Organisa1ion conjointe du Centre de Bio-Ethique et de l'Institut

des Sciences de la famille

LES PROCRÉATIONS MÉDICALEMENT ASSISTÉES

Lundi 1er et mardi 2 février 1993 de 9 h à 17 h 45

Bernadette BARTHELET : Juriste Catherine PERROTIN : Philosophe Michel DEMAISON : Théologien moraliste

Au cours de cette session nous ferons le point sur lévolution des techniques de pro­créations médicalement assistées : insémi­nation artificielle, fécondation in vitro et leurs conséquences possibles, manipulations génétiques, recherches sur lembryon, diag­nostic préimplantatoire. Nous aborderons les questions juridiques et éthiques posées par ces pratiques. Nous examinerons également divers docu­ments : textes législatifs, avis du Comité Consultatif National d'Ethique, recomman­dations du Conseil de l'Europe, prises de position religieuses.

Tarif individuel : 420 F. Formation permanente : 1 500 F.

DROIT ET ÉTHIQUE FACE A LA MORT

Samedi 3 avril 1993 de 9 h à 17 h

Pascale BOUCAUD : Juriste Catherine PERROTIN : Philosophe Michel DEMAISON : Théologien moraliste

LA MORT ...

Occultée, annoncée, préparée, impromptue ... Le plus souvent, la mort est cette réalité à laquelle on ne veut pas penser . L'évolution de la médicine en est venue à redéfinir les critères de la mort et à préciser les interventions possibles sur le corps vivant ou déjà mort. Jusqu'où aller dans cette démarche? Une première interrogation sur les Droits de la personne mourante et sur les droits du défunt nous conduira à une réflexion plus approfondie sur le recours au prélèvement d'organes en vue d'une transplantation. Médecin et juriste, philosophe et théologien animeront cette session.

Tarif individuel: 100 F. Formation permanente : 200 F.

- Renseignements et inscriptions secrétariat: 19, rue du Plat - 1er étage Tél. : 72.32.50.22

- Sur rendez-vous: Catherine PERROTIN Directrice du Centre de Bio-Éthique Bureau : 21, rue du Plat - 28 étage Tél. : 72.32.50.28

Liste des annonceurs

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LA LIGUE e . . . . . . . . . . . . . IV

MÉDECINE DE L'HOMME N° 201

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VIE DES MOUVEMENTS MÉDICO-SOCIAUX CHRÉTIENS

qu'est-ce donc qui fait vivre les gens ... et nous-mêmes 7 Qu'est-ce qui fait naître et qui fait mourir avec espérance, comme le demande Pierre Baudin dans léditorial 7 La croyance.

par le 0' Pierre CHARBONNEAU Dans cette revue de « Présences et Pers­pectives en santé mentale», il était normal que soit étudiée tout d'abord la conviction. L'auteur Joël Allaz nous livre, à partir d'exemples concrets, quelques points de repère pour situer les notions de conviction, de délire, de doute et de foi.

LAENNEC - N° 34 - Mars 1992 -L'enfant et la violence, une souffrance méconnue

Voici un numéro très important, car il met bien en évidence que la souffrance chez l'enfant est souvent méconnue, ce qui est très préjudiciable tant à lenfant qu· aux parents. Marceline Gabel, assistante sociale, nous expo~e tout d'abord ce qu'il faut entendre par la maltraitance et les causes qui la font apparaître. Une politique de prise en charge s'est peu à peu mise en place parce que lopinion publique notamment a été sensi­bilisée au problème. Tout ceci est récent puisque c'est au cours des dernières années que des textes ont été publiés sur cette question : la convention relative aux Droits de lenfant, adoptée sous forme de résolution par l'Assemblée générale des Nations unies le 20 septembre 1989. En France, auparavant, une circulaire du 9 juillet 1989 traitait de laccueil de lenfant à l'hôpital ; puis une campagne en 1988 a été faite sur le thème : la prévention des abus sexuels à l'égard des enfants, comment en parler 7 Enfin une loi « relative à la prévention des mauvais traitements à légard des mineurs et à la protection de l'enfance» a été publiée le 10-07-1989. Elle figure dans ce numéro de Laennec. Après cet article préliminaire, le or Girodet définit le rôle que peut remplir

l'institution hospitalière dans la protection de l'enfant violenté. Un autre médecin, Annie Gauvain-Pignard met à jour les diffi­cultés et peut-être les réticences de l'adulte soignant à reconnaître la douleur des enfants telle que ceux-ci la lui expriment. Un psychologue clinicien, Claude de la Genardière, et un psychana­lyste, Denis Vasse, orientent des réflexions sur les pulsions susceptibles de se traduire en comportements violents dans les gestes de soin et sur les racines profondes de la violence dans les rapports enfant-adulte. Et puis, nous avons un témoignage, celui d'une mère dont la fille a subi une greffe cœur-poumon, nécessitée par le traitement de la mucoviscidose. Ainsi que le souligne B. Matray, ce numéro n'aura peut-être apporté qu'un éclairage partiel sur le problème très com­plexe de l'enfant pris dans la violence, mais il contribue néanmoins à changer nos regards sur cette question. •

• SOUFFLES - N° 125 - Avril 1992

La croyance. Aborder ce sujet, c'est aborder l'un des points les plus importants de la vie. Car

Puis Claude Bertrand, psychiatre au C.H.S. de Saint-Égrève, nous expose les deux faces du doute : celle de Descartes, le doute cartésien, et celle de Lacan.

Il n'était pas possible de traiter de la croyance sans aborder la pastorale en psychiatrie. C'est ce que fait d'une manière très concrète l'aumônier du C.H.S. de Lyon, Yves Gouget.

Mais les croyances qui se sont rigidifiées peuvent donc bloquer les capacités d'auto-transformation que tout système humain possède. C'est ce qu'expose Marie-Martine Gex dans un article intitulé «L'anorexie, double message à destina­taires multiples».

Pouvait-on enfin aborder les problèmes de la croyance sans analyser un courant !!_Pirituel aussi important que le « Nouvel Age»?

Après la présentation de livres, ce numéro se termine par le récit d'une expérience du C.H.S. Charles-Perrens de Bordeaux, intitulé« le bistrot», qui met en évidence une profonde croyance à l'hu­manité.

OFFICE CHRÉTIEN DES PERSONNES HANDICAPÉES CONFÉRENCES-RENCONTRES

Mercredi 14 octobre 1992

Mercredi 4 novembre 1992

Mercredi 9 décembre 1992

LIEU DES CONFÉRENCES Centre Chaillot-Galliera 28, avenue George-V, 76008 Paris !Métro : Alma·Marceau ou George-VI. Entrée : 30 F !Étudiants : 20 FI

MÉDECINE DE L'HOMME N° 201

Marie-Hélène MA THIEU Secrétaire Générale de 1'0.C.H. - Co-fondatrice de Foi et Lumière

Les « bien-aimés » de Dieu

Xavier et Brigitte LE PICHON Lui, géophysicien; elle, pianiste Parents de cinq enfants - Communauté de l'Arche

Et si j'invitais Lazare à ma table 1 Bernard DUBOIS Pédiatre, Correspondant du C.C.M.F. - Père de quatre enfants dont l'une handicapée adoptée - Communauté des Béatitudes

«Venez à moi, vous tous qui peinez» (Matthieu 11.2a)

RENSEIGNEMENTS ET RÉSERVATIONS A l'O.C.H .• 90 avenue de Suffren. 75015 Paris· Tél.: 47.34.33.00 Les conférences débutent à 20 h 30 précises et se terminent vers 22 h. Une messe à 19 h rassemble ceux qui le souhaitent. Elle est suivie d'un diner pour lequel chacun appone son sandwich !boissons sur placel.

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NOUVELLES DES RÉGIONS

Dimanche 4 octobre 1992 à l'occasion de la fête de Saint-Côme et Saint-Damien et par fidélité avec une ancienne tradition de pèlerinage

RENCONTRE à LUZARCHES des médecins, pharmaciens, et professions de santé

(Val-d'Oise, à 9 km au sud de Chantilly) Salle Polyvalente, place de l'Europe

9 h 30 : Accueil

10 h REGARDS CHRÉTIENS SUR LE CORPS par le Père Michel Legrain, spiritain, professeur à l'Institut Catholique

12 h Repas en commun (inscription préalable indispensable)

14 h Carrefours :

• Corps naissant • Corps florissant • Corps vieillissant • Corps handicapé • Corps ressuscité

15 h 15: Table ronde

16 h 30 : Messe, à l'Église Saint-Côme et Saint-Damien de Luzarches présidée par Mgr Thierry Jordan, évêque de Pontoise

Pour tout renseignement, contacter :

- le Père René Quéniart, curé de Luzarches. Tél. : (1) 34. 71.00.08 .

Directeur de la Publication or Claude LAROCHE

34, rue de Bassano, Paris-88 • • ISSN 0543-2243

Commission Paritaire N° 54216

IMPRIMERIE 0 ALENÇONNAISE Rue Édouard-Belin, 61002 Alençon

Dépôt légal : 38 trimestre 1992 - N° d'ordre : 23229

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Forme et présentation : Granulés : Boite de 1 kg et boîte de 500 g - avec dosene ( 10 g ) - Composition : pour 10 g : Oxyde de magnésium : O. 10 g -Sulfa te de magnésium : 0.50 g - Kaolin : 2 g - Gomme stercul1a : 6 g - Excipient : saccharose. gomme arabique. talc. vanilline. cire blanche. 10 g de gra­nulés contiennent 109 mg de cation Mg++ - Propriétés : Kaolin : adsorbant des gaz. des toxines et des sécrétions d1gest1ves - Gomme stercuha : muc1-lag1neux. régulateur du transit - Oxyde de Mag·nés1um · ant1-ac1de. 10 g de granulés neutralisent 5 mEq d'ion H+ Sulfate de Magnésium . apport magnésien - Indications : Traitement symptomatique des colopathies non organiques - Contre- indications : AffflCtlons sténosantes du tube digestif Insuffisance rénale sévère organique - Précaution : interaction : les propriétés absorbantes du Kaolin pouvant interférer avec les délais et/ou les taux d'absorpuon d' une autre substance. 11 est recommandé d'administrer tout autre médicament à distance du Karayal - Mode d'emploi et posologie : 3 à 5 dosettes par 1our à avaler sans croquer avec un verre d'eau au début des repas. Coût du traitement 1ournal1er (boîte de 1 kg) 2.40 à 4.00 F - (boîte de 500 g) : 1.07 à 1. 79 F - A.M.M . (boîte de 1 kg) 322 4 73 4 commerc1allsé en 1982 - (boîte de 500 g) 322 4 72 8 commercialisé en 1985 - Prix : 1 kg 80.00 F - 500 g 35.80 F Remboursé Sécurité Sociale à 70 % - Coll

Laboratoires JACQUES LOGEAIS - 92130 Issy-les-Moulineaux - Tél. (1) 46.45.21 .99 JL LOG EAIS

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