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La conquête de Mr Darcy

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Dans la même collectionaux Éditions J’ai lu

LA QUÊTE DE MARY BENNETNº 10997

INSAISISSABLE MR DARCYNº 11100

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ABIGAIL REYNOLDS

La conquêtede Mr Darcy

Traduit de l’anglais (États-Unis)par Éléonore Kempler

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Titre originalTO CONQUER MR. DARCY

Paru en 2008 chez Sourcebooks Landmarksous le titre Impulse & Initiative

Éditeur originalSourcebooks Casablanca, an imprint of Sourcebooks, Inc., Illinois

© Abigail Reynolds, 2010

Pour la traduction française© Éditions J’ai lu, 2015

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Pour David, avec tout mon amour.

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Remerciements

Mes premiers mots de gratitude sont forcémentpour Jane Austen, parce qu’elle nous a offert desannées de plaisir de lecture et a créé des person-nages aussi vivants aujourd’hui qu’il y a deuxsiècles. Les amoureux d’Orgueil et Préjugés recon-naîtront les citations et les passages de l’œuvre ori-ginale disséminés dans le texte de ce roman enhommage à l’auteur, dont le talent surpassait deloin le mien.

Ce livre n’aurait jamais pu être écrit sans lesencouragements des inconditionnels de JaneAusten au sein des groupes Austen Interlude etHyacinth Gardens, qui m’ont inspirée et m’ontmaintenue sur les rails. Mon groupe de soutienpour l’écriture – Dor, Elaine, Ellen W., HeatherLynn et Sylvie – a lu les tout premiers brouillons etm’a fait part de remarques cruciales. Alison m’afourni d’inestimables renseignements historiqueset m’a éclairée sur les manières et la morale del’époque Régence. Elle Pickels m’a accordé son

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soutien technique et m’a relue à la loupe. David,Brian, Rebecca et Amanda ont tenu la maisonet supporté mes innombrables heures passéesdevant l’écran. Merci à vous tous !

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Il était près de midi en cette chaude journée dejuin lorsque le colonel Fitzwilliam descendit de lachaise de poste étouffante pour plonger dans levacarme de Londres. Comme la demeure des Darcyse trouvait non loin de là, il décida de saisir l’occa-sion de se dégourdir les jambes après le long trajetplutôt que de héler un fiacre. Il paya un jeunegarçon pour transporter ses bagages, et partit d’unbon pas.

Il espérait sincèrement que son cousin était enville. Il ne pouvait en être certain, car celui-ci s’étaitrévélé un piètre – en réalité inexistant – correspon-dant depuis leur séjour à Rosings. La dernière mis-sive de Georgiana n’avait mentionné aucun projetde voyage ; elle serait donc certainement là. Cepen-dant, il aurait préféré voir son cousin, afin d’aumoins tenter de comprendre ce qu’il avait pu direou faire pour l’offenser.

Ce dernier avait été visiblement en colère et bou-leversé au moment où ils avaient quitté le domaine,mais n’avait pas eu envie de lui faire part de ses

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angoisses. Sachant que Lady Catherine avaitconvoqué Darcy pour un entretien particulier justeavant leur départ, le colonel avait supposé que sonhumeur était imputable à cet événement, et queleur tante avait dû commettre un impair en par-lant des prétendues fiançailles du gentilhommeavec sa fille. Mais à ce jour, au bout de presquedeux mois d’un silence qui ne lui ressemblait pas, eten dépit de plusieurs lettres que Fitzwilliam luiavait adressées, il ne pouvait que conclure que l’irede son parent était dirigée contre lui. Eh bien, iln’aurait qu’à taquiner son cousin pour le faire sor-tir de son humeur maussade et découvrir ce qui luipesait.

Il frappa sèchement à la porte d’entrée et futintroduit par un domestique qui le connaissaitassez bien pour ne pas commenter son arrivée ino-pinée. On l’informa que le maître était sorti, maisque Miss Georgiana était à la maison et le recevraitdans son boudoir. Rejetant la proposition qu’on luifaisait de l’escorter, le colonel longea le couloir etentra.

— Cousin Richard ! s’exclama la jeune fille,ravie. Quelle agréable surprise ! Je vous croyaistoujours à Newcastle !

Il lui baisa la joue en guise de salut.— Navré de vous décevoir, ma chérie. Sa Sei-

gneurie a décidé que le Major Général Bradforddevait discuter avec moi de certains sujets sur-le-champ. Me voici donc, envoyé en toute hâte àLondres sans la moindre possibilité de vous préve-nir de ma venue. Pouvez-vous héberger votre pau-vre cousin vagabond pour quelques nuits pendantque je souffrirai les traits de mon supérieur ?

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Elle sourit.— Oh, Richard, bien entendu. Pour quelle autre

raison tiendrions-nous votre chambre prête àl’usage ?

Il s’inclina légèrement.— En ce cas, permettez-moi de me retirer afin de

me rendre présentable pour la compagnie d’unedame, ce que, après avoir rôti pendant deux joursdans la chaise la plus inconfortable de toutel’Angleterre, je ne suis pas, je vous le garantis.

— Évidemment. Vous me trouverez ici lorsquevous serez plus à l’aise. Et, Richard, je suis heu-reuse que vous soyez là, ajouta-t-elle d’un ton grave.Il faut que je vous parle de William.

— Il se passe donc bien quelque chose. Jem’en doutais. Tout ce que vous pourrez m’en direm’intéresse.

Dans ses quartiers, il fut soulagé d’ôter son uni-forme moite tandis que l’un des domestiques ten-tait en vain de défroisser les vêtements qu’il avaitempaquetés précipitamment à Newcastle.

— Bon, ils feront l’affaire pour aujourd’hui, luidit le militaire. Mais vous pourriez peut-être rafraî-chir le reste d’ici à demain.

On frappa à la porte alors qu’il boutonnait songilet. Philips, le majordome de longue date desDarcy, se trouvait sur le seuil. Fitzwilliam lui fitsigne d’entrer.

— Soyez le bienvenu à Londres, colonel.Philips paraissait d’une nervosité inhabituelle.— Je sais que vous venez tout juste d’arriver,

mais je me demandais si je pouvais me montrerassez audacieux pour quérir un peu de votre temps.

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— Naturellement, répondit-il d’un ton aimable.Que puis-je faire pour vous ?

— Voilà, monsieur, j’espère que vous ne me trou-verez pas trop hardi, mais dès que j’ai eu vent devotre présence, j’ai songé que peut-être… je devaisprofiter de l’occasion pour vous parler d’uneinquiétude qui m’étreint. C’est-à-dire qui étreint lepersonnel en général, mais nous ne voyons pascomment la résoudre.

— Alors je serai heureux de vous entendre, maisassurément, s’il s’agit d’un problème domestique,ne faudrait-il pas vous adresser à Darcy ?

— Oui, monsieur, tout à fait, mais, voyez-vous,notre trouble concerne Mr Darcy, monsieur. Il n’estplus lui-même, ces derniers temps.

Le colonel leva le menton pendant que le domes-tique lui nouait sa cravate. Il était fort surpris quele loyal et réticent Philips le sollicite à propos dumaître de maison, surtout pour lui faire part de sespréoccupations.

— Pas lui-même ? Qu’entendez-vous par là ?— Il paraît, comment dire, renfermé. Il passe le

plus clair de son temps seul dans son bureau, etnous, les domestiques, avons remarqué qu’il sem-blait souvent, voyons… dans le désarroi. Il sortpresque tous les soirs, même s’il ne donne pasl’impression d’attendre ce moment avec impa-tience mais, lorsque ses amis viennent le visiter, ilne les reçoit pas, pas même Mr Bingley. Mr Darcyn’a jamais été quelqu’un que l’on pourrait qualifierde disert, monsieur, mais désormais nous n’enten-dons pour ainsi dire rien de lui hormis desdemandes et des remerciements, de même que son

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valet. Et puis, il y a d’autres choses, mais je suis cer-tain que vous discernez le problème.

— Quelles autres choses, Philips ?À présent, il était très soucieux.— Eh bien, monsieur, il s’est montré sec à l’égard

de Miss Georgiana à quelques reprises. Et il a prisl’habitude de rester debout jusqu’au milieu de lanuit, parfois en lisant, mais parfois en faisant lescent pas ou en se contentant de regarder dans levide. Et, je vous demande pardon, monsieur, mais,comme vous le savez, Mr Darcy n’a jamais étéhomme à consommer de l’alcool avec excès. Maisen plusieurs occasions il a bu plus d’une bouteille àlui seul, alors que la cuisinière affirme que c’est undéfi de le pousser à manger un peu. Je n’ai nulle-ment l’intention de me plaindre, monsieur, il nenous a causé aucune difficulté, mais, enfin, noussommes inquiets. J’ignore ce qu’il dirait s’il savaitque je vous parle de lui, monsieur.

— Vous avez eu tout à fait raison d’aborder lesujet avec moi, Philips, et vous pouvez être assuréque je ne ferai part de cette discussion à personne.

— Merci, monsieur. Si je puis faire quelquechose pour vous aider, quoi que ce soit, vous n’avezqu’un mot à dire.

Il s’inclina et quitta la pièce.Le colonel s’adressa au valet :— Qu’avez-vous à dire de tout ceci ? Êtes-vous

d’accord avec Philips ?L’interpelé renifla.— Il ne vous en dit pas la moitié, monsieur, et

c’est le seul commentaire que je ferai. Je tiens à maplace ici.

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Quelques minutes plus tard, Georgiana s’échauf-fait sur le même thème :

— Il n’est plus le même depuis que vous êtes tousdeux rentrés du Kent. Il est distrait et, parfois, je lesurprends à négliger mes propos. Mais le pire, c’estlorsque je viens le voir alors qu’il ne m’attend pas,et qu’il a l’air si triste. J’ai essayé de lui parler, de luidemander si quelque chose n’allait pas, mais il merépond que tout va bien, et il est tellement évidentque ce n’est pas le cas que je ne sais pas du toutquoi dire. Je ne peux que croire que cela a à voiravec moi. C’est assez effrayant. J’ignorais vers quime tourner.

Le colonel Fitzwilliam secoua la tête.— Avez-vous la moindre idée de la cause de tout

ceci ?Elle hésita.— Je n’ai eu vent d’aucun événement qui aurait

pu induire un tel changement. Je ne peux songer àrien qui, selon moi, le mettrait dans un tel état.Rien de nouveau, j’entends, uniquement les vieuxsujets. Il n’y a pas de problème avec ses amis, enréalité il s’est montré d’une affabilité inhabituelle,même s’il ne semble guère en jouir. Et je supposeque nous n’avons pas d’ennuis financiers, car vousseriez au courant, n’est-ce pas ? La rumeur dans lescuisines veut qu’il soit question d’une femme, maislà encore je ne vois pas ce qui le perturberaitautant. (Elle s’interrompit, avant de reprendred’une voix plus douce :) Je me suis demandé si celaavait un rapport avec l’été dernier.

— Je suis bien certain qu’il n’y a aucun lien, luiaffirma-t-il d’un ton rassurant. Ne vous inquiétezpas, ma chérie ; je vais lui tirer les vers du nez d’une

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façon ou d’une autre. Nous aurons le fin mot del’histoire.

Après le dîner, ces messieurs se retirèrent dans lebureau. Darcy versa deux verres de porto. Le colo-nel Fitzwilliam le sirota d’un air appréciateur.

— Je me rappelle désormais pourquoi je viensici : votre cave.

— Ah, je détesterais savoir que c’est pour profiterde notre présence, rétorqua son cousin.

— C’est peu probable. Plusieurs personnes m’ontappris que vous étiez de piètre compagnie ces der-niers temps.

Le gentilhomme lui lança un regard suspicieux.— Je suis honoré de me savoir si populaire.Votre manière d’être m’a dévoilé toute votre arro-

gance, votre amour-propre et votre mépris pour lesautres.

Avalant une respectable quantité de porto, il dévi-sagea son cousin avec méfiance.

— Vous avez manifestement quelque chose entête, Darcy. De quoi s’agit-il ?

— Ne me dites pas que Georgiana vous a aussilancé sur le sujet. Elle a bizarrement décidé quej’étais préoccupée et refuse de lâcher le morceau.Ne lui prêtez pas attention.

— Vous n’avez jamais su mentir correctement.Maintenant, expliquez le problème à votre cousinRichard.

— Il n’y a aucun problème, Fitzwilliam ! s’emportason hôte.

— Je ne suis pas idiot, Darcy, rétorqua le coloneld’un ton aimable. Des gens se font du souci pourvous. Je suis inquiet, moi aussi. Pour l’amour du

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ciel, vous reconnaissez vous-même que cela affectevotre sœur !

Darcy, apercevant la lueur inquisitrice dans lesyeux de son cousin, se sentit comme un animalacculé. Il poussa un soupir.

— Richard, restons-en là. Certaines choses doi-vent demeurer privées.

— À certains moments, on a besoin de se tournervers ses proches. Et cessez d’avaler ce porto commesi c’était de l’eau ; il mérite d’être mieux apprécié.

Le silence seul lui répondit.— Ne laissez pas votre satanée fierté vous entra-

ver, mon cousin. La fierté précède la chute, etcætera.

Darcy éclata d’un rire dur.— Croyez-moi, c’est une leçon que j’ai bien

apprise, je vous remercie.— Vous ne pouvez me distraire si aisément.

Donc, étant votre cousin, votre ami et le tuteur deGeorgiana, je vous demande de me dire ce qui ne vapas.

— Pour l’amour de Dieu, cessez ! Si j’ai besoin deparler, je vous promets de venir vous voir.

Le colonel Fitzwilliam se leva. L’espace d’un ins-tant, Darcy crut qu’il avait remporté la partie, maisil s’aperçut ensuite que son parent s’arrêtait à côtédu guéridon. Rapportant sur le bureau la carafe deporto ainsi qu’une bouteille de vin cachetée, il luiremplit son verre.

— Si vous préférez la manière forte, nousl’emploierons, annonça-t-il avec autorité.

— Et qu’est-ce que cela signifie exactement ?— Cela signifie que j’ai l’intention de vous faire

rouler sous la table, mon cousin, et que tôt ou tard

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vous serez assez ivre pour parler. Mais c’est ungâchis de bon porto.

— Qu’est-ce qui vous fait croire que vous pouvezme soûler ?

— Je suis un soldat. C’est l’une des quelquescompétences utiles que nous acquérons dans cemétier. À présent, buvez.

Darcy, épuisé, se prit la tête entre les mains.— Richard, si je vous dis de quoi il retourne, me

laisserez-vous tranquille ?D’un ton quelque peu radouci, le militaire

répondit :— Probablement pas.Ils demeurèrent silencieux pendant quelques

minutes. Finalement, Darcy expliqua :— C’est la plus vieille histoire du monde. Je suis

tombé amoureux d’une femme et elle a refusé mesavances. Êtes-vous satisfait ?

— Elle vous a repoussé ? Darcy, je ne puis imagi-ner une seule dame qui vous éconduirait. Enfin,peut-être la duchesse de… J’ai ouï dire qu’elle pos-sède assez d’argent et de terres à elle, et n’a quefaire des jeunes et beaux messieurs. Par ailleurs,elle est assez âgée pour être votre mère.

— Très amusant, Fitzwilliam. Oui, il existe unefemme qui me rejetterait et qui l’a fait, pour la trèssimple raison qu’elle ne pouvait ni m’apprécier nime respecter.

Le colonel se rassit pour réfléchir à cette informa-tion. Se rappelant le comportement inhabituel deson cousin à Rosings, une idée lui vint à l’esprit.

— Darcy, serait-il possible que nous parlions dela charmante Miss Bennet ?

Le maître des lieux vida son verre.

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— Touché, mon ami. J’applaudis à vos capacitésde déduction, répondit-il avec une certaineamertume.

— Quant à moi, j’applaudis à vos goûts. Si seule-ment elle était riche, je lui aurais peut-être moi-même fait ma demande. Je suis néanmoins surprisqu’elle vous ait éconduit ; je l’aurais crue plus terreà terre.

De quelque manière que vos vœux m’aient étéexprimés, jamais vous n’auriez pu m’engager à lesagréer.

— Alors vous n’avez pas conscience de la gravitéde mes péchés à ses yeux.

— Je sais qu’elle vous trouvait autoritaire. Y a-t-ild’autres fautes à part cela ?

J’ai toutes les raisons possibles d’avoir mauvaiseopinion de vous.

— Il y en a tant qu’il est difficile de choisir et desavoir par où commencer. Débutons avec le faitqu’elle a été informée de mon caractère par notrecher ami George Wickham. Puis il y a ce léger pro-blème d’avoir brisé le cœur de sa sœur en détour-nant Bingley de son idée de l’épouser, et que je mesuis montré d’une condescendance et d’unegrossièreté inconcevables dans ma demande enmariage… Je crois que cela couvre les points prin-cipaux, énonça-t-il avec mélancolie. N’oublions pasque je suis par ailleurs arrogant et imbu de mapersonne.

— C’est de sa sœur que Bingley était amoureux ?— Je la croyais indifférente, et apparemment je

me trompais.Lors même que mes sentiments ne vous eussent

pas été contraires, croyez qu’aucune considération

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n’eût pu m’engager à accepter pour époux un hommequi a détruit, peut-être pour jamais, le bonheur d’unesœur que je chéris ?

— Qu’a-t-elle répondu une fois que vous lui avezexpliqué la situation ?

Darcy contempla son verre de vin.— Sur le moment, j’étais trop en colère pour me

justifier. Je lui ai écrit une lettre après coup, luiracontant la vérité sur Wickham et mes raisons deséparer Bingley de sa sœur. Si elle l’a crue, si ellen’a pas déchiré ma missive sans la lire, alors elle n’apeut-être plus aussi mauvaise opinion de moi,même si cela m’indiffère à présent.

— Quoi… êtes-vous en train de me dire que vousabandonnez si facilement ? s’enquit Fitzwilliam.

— Quel autre choix s’offre à moi ? Je lui ai dittout ce que j’avais à exprimer pour ma défense.Quant au reste, je peux essayer de m’améliorer,mais elle n’en verra jamais le résultat. Il me semblepeu probable que nos chemins se croisent de nou-veau un jour.

— Vous pourriez aller la trouver et la laisser dis-tinguer votre véritable personnalité. Votre lettre apeut-être modifié sa position, mais vous ne le sau-rez jamais à moins de faire cet effort. Ce n’est pascomme si elle pouvait vous écrire, vous rendre unevisite ou tenter d’évoluer dans votre entourage.Vous ne pouvez vous attendre à ce qu’elle appa-raisse devant votre porte un beau matin.

— Vous ne comprenez pas. Je suis tout à fait rési-gné à ne plus jamais la voir, énonça Darcy d’un tonfatigué, ses mots lui causant une douleur dévasta-trice. Elle m’a clairement fait savoir qu’elle ne

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m’appréciait pas et, franchement, je crois qu’elle araison. Je ne mérite pas son amour.

— Bon Dieu, si votre père avait pensé de la mêmefaçon que vous, vous ne seriez jamais né ! Combiende fois a-t-il demandé votre mère en mariage avantqu’elle accepte ?

— Ce n’est vraiment pas la même chose. Si elle l’aéconduit, c’est parce qu’elle était déjà promise à unautre, pas parce qu’il était le dernier homme surterre qu’elle pouvait envisager d’épouser !

— Je persiste à affirmer que votre père vousaurait enjoint de continuer à vous battre, si vousaimez tant cette femme.

Darcy se passa la main dans les cheveux.— Je ne le puis. Elle a trop de griefs contre moi.— Vous vous êtes défendu de tout ce dont

Wickham avait pu vous accuser, et l’on peut suppo-ser que Bingley et sa sœur ont une chance de trou-ver une solution désormais. Croyez-vous qu’ellesera incapable de voir ce que vous avez accompli ?le défia le colonel, de plus en plus agacé par le nom-brilisme de son cousin.

— Bingley ne sait rien de tout ceci.— Vous ne lui avez pas dit que vous vous étiez

trompé ? Pourquoi donc ?— Fitzwilliam, il serait furieux à mon encontre,

et à juste titre.— Alors vous le laissez souffrir ? s’exclama-t-il

avec une certaine incrédulité. Toutes mes excuses.Vous aviez raison tout du long, et vous devriezabandonner sur-le-champ. Il est certain que vousne la méritez pas. (Il posa son verre avec précau-tion et se leva pour sortir.) Et prenez garde avec ce

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porto ; vous n’avez pas la tête à le supporter. Bonnenuit, mon cousin.

Darcy songea avec morosité qu’il ne lui avaitmême pas appris la raison la moins honorable pourlaquelle il n’avait pas parlé à Bingley. Si ce dernierépousait Jane Bennet, lui-même serait forcé d’avoirdes contacts au moins occasionnels avec la famillede la jeune femme, et devrait un jour subir le cha-grin de voir Elizabeth en épouser un autre. Il posala tête dans ses mains, se demandant s’il était possi-ble de se sentir encore plus mal qu’en ce moment.

Le lendemain matin, Georgiana attendait avecanxiété le colonel Fitzwilliam dans la salle du petitdéjeuner, dans l’espoir d’en tirer quelque informa-tion. Lorsqu’il parut enfin, elle le laissa à peines’asseoir avant de le questionner.

— Vous a-t-il dit quelque chose ?— Je vous souhaite également le bonjour,

Georgiana. S’il vous plaît, j’ai besoin de me susten-ter avant d’aborder une discussion difficile. Et jevous déconseille de parler à votre frère ce matin. Ilaura une fichue migraine au moment où il se lèveraenfin.

— En fait, il est debout depuis longtemps et estdéjà sorti.

Son cousin la dévisagea avec surprise.— Où irait-il à une heure si matinale ?Elle haussa les épaules.— Voir Bingley, semble-t-il. Je lui ai dit que j’esti-

mais la journée trop peu avancée pour une visite decourtoisie, et il m’a rétorqué qu’il était déjà bienassez tard, quoi qu’il ait voulu dire à sept heures dumatin.

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— Voir Bingley, n’est-ce pas ? C’est une bonnechose pour lui. Il demeure peut-être un peu d’espoirpour ce garçon, après tout.

Georgiana soupira d’un air théâtral.— Allez-vous continuer à vous comporter de

façon aussi mystérieuse ?Il éclata de rire.— Je crains que oui, ma chérie. J’ai réussi à le

faire parler, mais je pense que ce que j’ai entenduest confidentiel. Vous allez devoir vous fier à votrebon vieux cousin Richard pour gérer la situationcette fois-ci, du moins dans la mesure où votre frèreme laissera l’aider.

— Je déteste que vous me traitiez comme sij’avais encore onze ans, répliqua-t-elle en fronçantles sourcils. Vous pouvez être pire que William, cequi n’est pas peu dire.

— Pire que William à quel égard ? s’enquit Darcydepuis le seuil.

Sa sœur tressaillit.— Déjà de retour ? N’était-il pas chez lui ?— Oh, il y était tout à fait. Mais ce que j’avais à

lui dire n’a pas pris longtemps, répondit-il d’un airsombre en jetant un regard en coin à son cousin.

— J’imagine que même Bingley a peu de choses àraconter si tôt dans la journée.

— Si vous le dites. N’avez-vous pas d’affaires enville aujourd’hui, Fitzwilliam ? Ou encore mieux,des affaires qui vous entraîneraient très loin d’ici ?

— William ! s’exclama Georgiana.Le colonel tapota la main de la jeune femme.— Inutile de vous faire du mouron, ma chérie.

C’est ainsi que votre frère et moi entretenons notre

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amitié, à présent que nous sommes trop vieux pouren venir aux mains.

— Parlez pour vous, mon cousin. Vu monhumeur de ce matin, vous devriez vous estimerheureux que je ne vous défie pas en duel au pistolet.

— Je vous avais dit qu’il serait grognon, n’est-cepas ? fit remarquer l’officier. Peu importe, je saisreconnaître quand il est temps de se replier. C’estl’une des autres choses que l’on nous enseigne àl’armée.

L’attention de Georgiana passa de l’un à l’autre.— Serez-vous de retour pour le dîner ?— Je m’attends à devoir manger avec le Major

Général, même si l’idée seule suffit à me faire per-dre l’appétit. Je serai de retour dans la soirée.

— Si vous vivez jusque-là, grommela le gentil-homme.

Le colonel sourit avec un air béat.— Je suis heureux de voir que vous vous sentez

mieux, Darcy.Comme il sortait, Georgiana s’adressa à son frère :— Que se passe-t-il donc ?Ce dernier lui décocha un regard oblique. La der-

nière chose dont il avait besoin, c’était d’une dis-pute avec sa sœur. Elle semblait être la seulepersonne qu’il appréciait à toujours le croire capa-ble de se racheter, maintenant que Bingley avaitrejoint le colonel Fitzwilliam et Elizabeth dans lesrangs de ceux qu’il dégoûtait.

— Reposez-moi la question lorsque vous serezplus âgée… disons, après la naissance de votre pre-mier petit-enfant.

— William, je me fais du souci pour vous, dit-elled’une voix douce.

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Il lui était trop dur de supporter sa gentillesse.— Je suis sensible à votre désarroi, mais vous

n’avez pas besoin de vous inquiéter. Si vous voulezbien m’excuser, les affaires m’appellent.

Elle l’observa lui tourner le dos et s’éloigner, sedemandant s’il la jugerait un jour assez maturepour lui faire confiance.

Contrairement à ses prévisions, le colonelFitzwilliam revint en début d’après-midi, même s’ilpouvait difficilement affirmer qu’il agissait ainsidans les intérêts de son régiment. Nonobstant cequ’il avait dit à Georgiana, il s’inquiétait de l’étatd’esprit de Darcy et voulait être disponible au casoù son cousin pâtirait de son apparente querelleavec Bingley. Par conséquent, il se retrouva à rédi-ger une lettre à ses parents, tout en jetant des coupsd’œil à la dérobée à Darcy. Il était si profondémentplongé dans un livre qu’il avait cessé d’en tournerles pages au moment où l’on annonça l’arrivée deMr Bingley.

Sans lever les yeux, le maître des lieux répondit :— Dites-lui que s’il veut un duel au pistolet à

l’aube, il devra attendre son tour après vous,Fitzwilliam.

— Pourquoi au pistolet ? Vous aurez le choix desarmes s’il vous défie, et vous pourriez nous démem-brer tous deux avec une rapière.

— Qui a dit que je souhaitais l’emporter ?rétorqua-t-il d’un ton lugubre.

— Je vous en prie, cessez, tous les deux, s’inter-posa Georgiana d’une voix tremblante. Ce n’est pasdrôle.

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Les deux hommes se tournèrent vers elle pour ladécouvrir au bord des larmes. Le colonel s’age-nouilla immédiatement à son côté.

— Georgiana, ma chérie, ce n’est qu’un jeu ! Leduel est illégal, rappelez-vous.

— Je déteste que vous vous disputiez, répondit-elle faiblement.

Darcy posa son livre.— Je vous présente mes excuses, ma chère sœur.

Je suis d’une humeur de dogue, et j’ai passé mesnerfs sur Richard mais non, nous ne nous dispu-tons pas. Vous n’avez pas à vous inquiéter. Regar-dez, nous pouvons être amis, ajouta-t-il en tendantla main à son parent.

— Il est inutile de me traiter avec condescen-dance, William ! rétorqua-t-elle avec une attitudede défi qui surprit ces messieurs.

— Mr Bingley, annonça Philips depuis le seuiltandis que le visiteur entrait avec son empresse-ment habituel, sans se soucier de la tension quirégnait dans la pièce.

— Colonel Fitzwilliam ! s’exclama-t-il, ravi, touten s’approchant pour le saluer. J’ignorais que vousétiez en ville ! Et Miss Darcy, quel plaisir devous revoir !

Il se tourna vers le maître des lieux, qui prenaitappui sur la pointe de ses pieds, et dont l’attitudemontrait qu’il s’attendait au moins à être brutalisé.

— Eh bien ? s’enquit Bingley avec enthousiasme.— Eh bien, quoi ?Le gentilhomme gardait un ton prudemment

neutre.Son ami sourit largement comme s’il venait de

poser une question idiote.

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— Venez-vous à Netherfield ou pas ?Il y eut un instant de silence tandis que Darcy

dévisageait le nouveau venu, oublieux de la brus-que attention de son cousin.

— Souhaitez-vous que je vous accompagne ?demanda-t-il avec raideur.

— Bien entendu ! répondit honnêtementBingley. Vous devez réellement venir, vous savez.

Le colonel Fitzwilliam chuchota quelque chose àl’oreille de Georgiana qui, en retour, le considéraavec surprise, mais les deux autres ne remarquè-rent pas l’échange.

— Je suppose que je pourrais venir pour un brefséjour, commença lentement Darcy, donnantl’impression qu’on lui arrachait les mots de labouche.

— Excellent, excellent !Bingley était visiblement ravi.— Puis-je vous accompagner, moi aussi ? inter-

rogea timidement Georgiana.Darcy l’observa avec stupéfaction. Il était assez

rare qu’elle s’exprime devant tout le monde, etémettre une telle requête en public était tout à faitnouveau.

— Je ne suis pas certain que ce soit une bonneidée, répondit son frère en songeant à un membreparticulier de la milice cantonnée à Meryton.

— Balivernes, opposa le colonel avec énergie.Cela lui fera un bien fou de quitter Londres pen-dant l’été. J’avais peine à croire que vous ayez prévude passer la canicule ici. C’est-à-dire, si Mr Bingleyn’y voit pas d’objection ?

— Bien sûr que non ! s’exclama le visiteur. Ilserait très plaisant que vous vous joigniez à nous.

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— Bien, euh… je veux dire : merci, chuchota-t-elle presque, ayant visiblement épuisé sa réserve decourage.

Darcy ouvrit la bouche pour parler, puis se retintsuite à une œillade significative du colonelFitzwilliam.

— Merveilleux ! s’extasia Bingley. Et si nous met-tions notre projet à exécution ?

Quinze jours après le départ du régiment deMeryton, la bonne humeur et la gaieté ordinaires,qui avaient disparu de Longbourn en même tempsque les officiers, commençaient à reparaître. Lemécontentement de Kitty et Mrs Bennet s’était éva-noui, les familles qui avaient passé l’hiver en villeétaient de retour, et les occasions d’exhiber lesbelles tenues estivales étaient nombreuses.Elizabeth se réjouissait de son excursion dans larégion du Lake District avec les Gardiner et, eût-elle pu inclure Jane à ce programme, celui-ci auraitété parfait en tous points.

Sa mère était préoccupée, son tempérament gei-gnard de nouveau agité par l’espoir né d’une nou-velle qui commençait à circuler. La gouvernante deNetherfield avait reçu l’ordre de préparer les lieuxpour l’arrivée de son maître, un jour ou deux plustard. Mrs Bennet ne tenait pas en place. Ellecontemplait sa fille aînée, puis souriait et secouaitla tête par intermittence.

Lizzy ne savait que faire de cette information.Elle se surprit pourtant à ressasser les événementssurvenus dans le Kent et à se demander quel rôleMr Darcy avait pu jouer dans le retour de son amidans le Hertfordshire. L’assurance qu’elle lui avait

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donnée quant à l’affection de Jane l’avait-ellepoussé à voir son interférence sous un jour nou-veau et à agir pour arranger les choses ? Elle avaitétudié chaque phrase de sa lettre, et ses sentimentsenvers leur rédacteur étaient parfois très diffé-rents. Dès qu’elle se remémorait le ton de son dis-cours, elle s’en indignait ; mais chaque fois qu’elleconsidérait avec quelle injustice elle l’avaitcondamné et houspillé, sa colère se tournait contreelle-même, et les espoirs déçus du gentilhommedevenaient l’objet de sa compassion. L’attache-ment qu’il éprouvait pour elle suscitait la grati-tude, et son caractère général, le respect ; mais ellene pouvait lui donner son approbation. Pas plusqu’elle ne pouvait un seul instant se repentir de sonrefus, ni éprouver le moindre désir de le revoir.Toutefois, s’il devait être le motif qui réuniraitBingley et Jane, il serait impossible de ne pasrécompenser un tel effort par une attitude plus cha-leureuse envers lui. Mais dès qu’elle se rappelaitque cette application n’aurait pas été nécessaire s’ilne s’était pas entremis, son esprit penchait davan-tage vers le ressentiment.

Il lui semblait peu probable de le recroiser unjour, sauf peut-être si Jane et Bingley devaient êtreassez heureux pour renouer leur liaison et semarier. Elle ne pouvait qu’imaginer qu’il l’éviteraitavec diligence vu comme elle s’était comportée àHunsford, et n’envisageait donc pas qu’il puisse,une fois encore, accompagner son ami à Nether-field. Elle fut donc extrêmement étonnée et inquiètelorsque Kitty leur apprit que Bingley approchait deLongbourn pour leur présenter ses hommages,accompagné de nul autre que Mr Darcy.

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À cette nouvelle, Jane avisa Elizabeth avec sur-prise et anxiété, éprouvant l’embarras qui devaitgagner sa cadette à l’idée de revoir le gentil-homme pour la première fois depuis qu’elle avaitreçu sa lettre d’explications. Les deux sœursétaient mal à l’aise. Chacune plaignait l’autre, etelle-même. Lizzy était assise, concentrée sur sonouvrage, luttant pour garder sa contenance, etcherchant une idée sur la façon de conduire cetterencontre prochaine. Elle n’osait pas lever lesyeux, jusqu’à ce qu’une curiosité inquiète lapousse à les tourner vers le visage de sa sœur, àl’instant où le domestique approchait de la porte.Jane était un peu plus pâle qu’à l’ordinaire, maisplus calme qu’elle ne s’y attendait. Lorsque cesmessieurs firent leur apparition, elle rougit ; néan-moins, elle les reçut avec une certaine aisance, etun comportement décent parfaitement dénué deressentiment ou d’une condescendance déplacée.

Elizabeth prononça aussi peu de mots que lacourtoisie l’y autorisait, et se remit à l’ouvrageavec un enthousiasme rare. Elle ne risqua qu’uncoup d’œil à Darcy, et fut très surprise de le voirengager la conversation avec sa mère, s’enquéranttrès civilement de sa santé et des récents événe-ments de Longbourn. Mrs Bennet, à la fois stupé-faite et flattée de cette attention inattendue, lereçut avec une chaleur qui embarrassa sa fille.Même si Elizabeth osait à peine relever la tête, ellesuivait avec beaucoup d’angoisse la progressiondu visiteur dans la pièce, au point de ne pas remar-quer que Bingley se rapprochait de Jane. Elle futencore plus surprise d’entendre Mr Darcy aborderavec Mary le sujet de la musique, lui indiquant que

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sa sœur avait récemment appris une pièce deMozart que la jeune Miss Bennet avait interprétéelors de son dernier séjour dans le Hertfordshire, etétablissant un agréable parallèle entre les deuxdemoiselles. Mary, suffisamment déconcertéepour être incapable de proférer une de ces plati-tudes morales appropriées à la situation, dut serésoudre à répondre sur le sujet en question, etparvint à faire une remarque intelligente surl’œuvre de Mozart.

La stupéfaction d’Elizabeth était grande ; et sanscesse, elle se répétait : Pourquoi est-il si changé ?Qu’est-ce qui a bien pu en être la cause ? Ce ne peutêtre pour moi que ses manières se sont adoucies à cepoint. Mes reproches de Hunsford ne pourraientprovoquer une telle transformation. Son cœurs’emballait car elle appréhendait de le voirs’approcher d’elle, si bien qu’elle ne sut quellemine ou quelle attitude adopter lorsqu’il s’assit àson côté et s’adressa directement à elle :

— Miss Bennet, c’est un plaisir de vous revoir,dit-il d’une voix probablement pas aussi poséequ’elle aurait pu l’être, mais toutefois avec unecivilité qu’elle ne pouvait ignorer.

Tout juste sut-elle comment répondre :— Votre retour est le bienvenu, monsieur.

J’espère que vous trouverez le Hertfordshireagréable à cette époque de l’année.

Prenant son courage à deux mains, elle se força àlever les yeux vers lui, et éprouva un léger choc encroisant son regard. Derrière l’expression aimablede son visage, elle s’aperçut qu’il était aussi ner-veux qu’elle à la perspective de ces retrouvailles, et

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résolut au moins de montrer qu’elle était à mêmede rendre courtoisie pour courtoisie.

— Oui, c’est un changement des plus délicieuxen comparaison de l’air londonien. Je dois vousavouer préférer la campagne à la ville, mais jamaisplus que pendant les chaleurs estivales.

Intérieurement, Darcy maudit son incapacité àtenir une conversation intelligente dans ces cir-constances. Il s’en était plutôt bien tiré avec lafamille de la jeune femme, mais il s’agissait decommentaires minutieusement préparés àl’avance et utilisés comme s’il suivait une trame.

— Je ne puis dire que j’ai beaucoup séjourné enville pendant l’été, mais j’aime assurément me pro-mener et contempler le paysage en cette saison,répliqua-t-elle, avant de souhaiter pouvoir effacerses paroles en prenant conscience que la référenceà ses excursions pouvait renvoyer à leurs instantspassés à Rosings.

Elle chercha désespérément un sujet de conver-sation plus neutre, et fut amusée de découvrirqu’ils discutaient déjà du plus banal de tous : letemps qu’il faisait.

Satisfait de la voir sourire, il poursuivit :— Oui, je me souviens que vous êtes une grande

marcheuse, Miss Bennet. J’imagine que l’on peuttrouver nombre de promenades agréables en été,même si chaque saison a son propre charme.

Le ridicule de leur échange tendu prenait peu àpeu le dessus, et elle rétorqua malicieusement :

— Oui, à la réflexion, je dirais, monsieur, quel’été est bel et bien l’une de mes quatre saisonspréférées.

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Il éclata d’un rire surpris qu’il s’empressa d’étouf-fer de ses doigts pressés les uns contre les autres.

— Il est toujours rafraîchissant de discuter avecune demoiselle dont les préférences sont simarquées.

Cette fois-ci, elle soutint son regard avec un netsentiment de soulagement. Elle eut l’impressionqu’ils avaient négocié un passage difficile et qu’ilsétaient capables de tenir une conversation sans sejeter d’injures ni d’accusations au visage. Elle enétait heureuse, car assurément Bingley et Jane nepourraient rien projeter si Darcy et elle se trou-vaient en conflit perpétuel. Ils demeurèrent briè-vement assis dans un silence d’abord harmonieux,mais de plus en plus gêné à mesure que lesminutes s’écoulaient. Elizabeth prit sur elle de lerompre en demandant si les sœurs de Mr Bingleyl’avaient accompagné à Netherfield.

— Je crois qu’elles ont l’intention de se joindre ànous d’ici à quelques jours, mais une personne denotre entourage désire plus particulièrement vousrencontrer. Me permettrez-vous, ou est-ce tropvous solliciter, de vous présenter ma sœur pendantnotre séjour ici ?

Elle était extrêmement surprise d’une tellerequête mais, s’il était gratifiant de savoir que leressentiment du gentilhomme ne l’avait paspoussé à mal la considérer, cela ajoutait à leurentretien un degré d’intimité que la jeune femmene se sentait pas encore prête à accepter. C’étaitune chose de demeurer suffisamment courtoisepour permettre des relations sociales nécessaires,mais une autre que d’approfondir leur connais-sance. Elle n’était pas certaine de ce qu’elle pensait

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d’un tel projet, ou de ce que cela pouvait représen-ter pour lui. Néanmoins, elle ne trouvait pas deraison de refuser cette présentation et, songeantque des contacts plus nombreux entre Longbournet Netherfield ne pourraient qu’améliorer leschances de Jane avec Bingley, elle répondit :

— Je serai ravie de faire sa connaissance, si ellele désire. J’espère que Miss Darcy apprécie sonséjour dans la région.

— Je crois que oui, même si elle n’a pas eu beau-coup de temps pour se faire une opinion. Elle nes’est guère aventurée hors du domaine, mais à pré-sent que l’on m’a informé que la milice avait levéle camp de Meryton, je me sentirai plus libre de lalaisser sortir.

Il avait noté la brève hésitation qu’avait eueLizzy avant d’accepter cette rencontre et, mêmes’il en était déçu, il se rappela avec force qu’il fau-drait prendre ce nouveau départ avec beaucoup deprudence pour garantir la moindre possibilité desuccès. Dieu savait qu’il souhaitait triompher. Ilétait parvenu à conserver une certaine réservequant à cette tentative jusqu’au moment où il étaitentré dans le salon et l’avait vue, avec ses beauxyeux baissés et ses joues rosées. Presque immédia-tement, il avait été plus perdu que jamais, et prêt àtout pour gagner son affection.

— Oui, j’ai moi aussi été heureuse du départ durégiment.

Elle se demanda s’il saisirait le sous-entendu, àsavoir qu’elle le croyait au sujet de Wickham.

— J’aimerais pouvoir dire que tous les membresde ma famille partagent cette impression.

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Elizabeth prit un instant pour observer sa sœur,plongée dans une conversation avec Bingley, dontle visage exprimait un tel ravissement et un telplaisir qu’il était évident que son cœur appartenaitplus que jamais à l’aînée des Bennet. Elle s’interro-gea sur les sentiments de son voisin à ce sujet, et sedemanda s’il soutiendrait cette fois-ci son ami ous’il chercherait, encore une fois, à saper l’union.

— Combien de temps avez-vous l’intention dedemeurer à Netherfield ? s’enquit-elle avant deprendre conscience qu’il était facile de mal inter-préter une telle question.

— Aussi longtemps que nécessaire, réponditDarcy d’un ton songeur, divulguant ses véritablespensées avant de découvrir à quel point sa répli-que l’avait dévoilé et risquait de lui attirer les fou-dres de son interlocutrice.

Maudissant une fois encore la perte de sesfacultés de réflexion lorsqu’il était confronté àElizabeth Bennet, il guetta avec angoisse sa réac-tion et lutta pour réparer les dégâts.

— C’est-à-dire, Bingley espère rester ici… pro-bablement tout l’été, mais il doit prendre un cer-tain nombre de facteurs en considération, et je n’aipas encore complètement arrêté mes plans.

L’effet de ses paroles sur elle était déroutant ;elle éprouvait un mélange étrange d’exaltation etde méfiance, se demandant s’il voulait vraimentdire ce qu’elle pensait, ou si elle avait simplementmal interprété ses propos. Il était impossibled’oublier leur dernière conversation : vous devezme permettre de vous avouer l’amour et l’admira-tion que vous m’inspirez. Elle était loin d’êtreinsensible au compliment que représentait

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l’affection d’un homme tel que lui. Envisager qu’ill’aimât suffisamment fort pour surmonter le res-sentiment qu’il devait éprouver suite à soncomportement à Hunsford ne pouvait que lui ins-pirer une certaine gratitude, si bien que sa propreréaction à ses ardeurs importait peu. Peut-êtreinterprétait-elle trop ces quelques mots simples et,ne sachant pas vraiment comment répondre, elleavisa qu’il était plus sage de faire mine d’ignorerson éventuel sous-entendu. Heureusement, unediversion appropriée lui vint à l’esprit.

— J’ai eu la bonne fortune d’être invitée àaccompagner mon oncle et ma tante de Londrespour visiter le Lake District cet été.

— Cela me semble une perspective délicieuse.La région est magnifique. Je pense qu’elle vousplaira énormément.

— L’avez-vous visitée, monsieur ?— En effet, j’ai été assez heureux pour faire le

voyage à deux reprises ; une fois, dans monenfance, puis de nouveau il y a dix ans en compa-gnie de feu mon père. Cela représente, bienentendu, un trajet beaucoup plus court depuis leDerbyshire que depuis ici, si bien que l’entrepriseétait moins ardue. Le paysage est aussi sublimequ’on le dit. Je me souviens que, lors de ma pre-mière excursion, ma mère était particulièrementéblouie par le panorama ; elle aimait passionné-ment la nature dans ses manifestations les plussauvages. J’étais encore un peu trop jeune pourm’en rendre compte alors.

— Et une fois plus âgé, qu’en avez-vous pensé ?— Lors de mon second voyage, j’étais bien plus

en mesure d’en apprécier la beauté, mais peut-être

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moins disposé à en jouir car le séjour fut difficilepour mon père. Cela ressuscitait le souvenir dubonheur qu’avait éprouvé son épouse dans cetterégion.

— Il devait en être très épris, remarqua-t-elle, tou-chée par la nature personnelle de ces réminiscences.

Quelques secondes passèrent avant que Darcyreprenne la parole.

— Oui, leur affection mutuelle était exemplaire.Comment avait-elle pu laisser leur discussion

dévier sur un sujet aussi intime ? L’angoissed’Elizabeth revint avec toute sa vigueur. Ellereporta farouchement son attention sur sonouvrage de couture, mais l’aiguille se ficha dansson doigt. Avec un cri étouffé de douleur etd’embarras, elle porta son index à ses lèvres, par-faitement inconsciente de l’effet de ce simple gestesur son interlocuteur.

— Quand votre voyage doit-il débuter ?demanda-t-il, cherchant désespérément à détour-ner son attention de la bouche de la jeune femme.

— Nous partons à la fin du mois de juin,répondit-elle, soulagée de revenir sur un terrainplus sûr.

Presque trois semaines, dans ce cas, se dit-il.Assez de temps pour commencer, si tout se passebien.

Ces messieurs se levèrent bientôt pour prendrecongé, et Mrs Bennet, soucieuse de se montrerdélibérément courtoise, les invita à dîner àLongbourn quelques jours plus tard.

— Vous me devez une visite, Mr Bingley, carlors de votre séjour l’hiver dernier, vous aviezpromis de venir souper en famille avec nous dès

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votre retour, expliqua-t-elle. Comme vous le voyez,je n’ai pas oublié ; et je vous assure que j’ai été trèsdéçue de ne pas vous voir revenir et honorer votreengagement.

Darcy eut l’air un peu stupide en entendant cetteréflexion et marmonna quelque chose au sujet deson inquiétude et du fait qu’il avait été retenu pardes affaires. Puis ils s’en allèrent, laissant leurhôtesse libre de disséquer chaque mot prononcépar Bingley pendant l’après-midi. Elle était raviede la façon dont avaient tourné les choses, et fitnombre de prédictions joyeuses sur l’avenir deleur visiteur avec Jane. Elizabeth, trop absorbéepar ses propres pensées pour venir à la rescoussede sa sœur, y prêta à peine attention jusqu’à cequ’elle entende le nom de Darcy.

— Ce que j’aimerais connaître, c’est l’identité del’être aimable et poli qui ressemblait à Mr Darcy.Qu’est-ce qui a pu causer un tel changement ?s’interrogea Kitty en rejetant la tête en arrièrepour rire.

— Il a peut-être pris conscience des errementsde son comportement passé et cherché à s’amélio-rer, répondit Mary, visiblement conquise par lefait que le gentilhomme se rappelait ses talentsmusicaux. Nous devrions toutes admirer de telsefforts dès lors qu’ils sont guidés par la raison eten faire un exemple que nous pourrions toutessuivre.

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Dès qu’elle en fut capable, Elizabeth s’esquivapour reprendre ses esprits ou, en d’autres termes,ressasser sans cesse les sujets qui l’agitaient. Elles’interrogeait sur les raisons de la venue de Darcy,d’abord encline à croire que c’était pour veiller surBingley, mais ensuite, guidée par son instinct, àestimer que cela avait plutôt un rapport avec elle.Néanmoins, comment un homme si fier pouvait-ilse résoudre à l’approcher après qu’elle s’étaitcomportée de façon si insultante ? L’évolution deses manières envers sa famille semblait suggérerqu’il avait pris ses reproches à cœur, mais elle nesouhaitait pas faire trop de suppositions.

Ses propres sentiments lui étaient moins mysté-rieux. Elle était flattée, assurément, qu’il ait appa-remment assez estimé son opinion pour tenircompte de ses remarques et modifier son attitude,mais elle n’avait jusqu’alors éprouvé aucun désirde le revoir. Toutefois, sa constance la ferait-ellechanger d’avis sur lui ? Trop de choses demeu-raient inconnues. Elle décida de ne plus y songer

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tant qu’elle ne cernerait pas mieux ses intentions,mais cette résolution se révéla difficile à tenir, carelle ne cessait de penser à lui à des momentsinopportuns.

Elle ne s’attendait pas à le croiser avant le mardisuivant, date à laquelle lui et Bingley étaientinvités à dîner chez eux, mais ne fut pas surpriselorsque, deux jours plus tard, il vint la trouver àcheval tandis qu’elle marchait dans la campagne.En l’observant qui s’approchait, constatant l’élé-gance de sa silhouette sur sa monture, elle résolut,dans l’intérêt de Jane, de le saluer avec sang-froidet courtoisie. Mais elle s’aperçut que son cœur pal-pitait au moment où il sautait à bas de son cour-sier et s’avançait vers elle.

— Mr Darcy, murmura-t-elle tandis qu’il lasaluait.

— Miss Bennet, voilà une rencontre fortuite. Jeme disais justement qu’il me fallait vous consultersur un sujet précis.

Elle sourit malicieusement.— Il est difficile de qualifier de fortuit le fait de

me croiser en promenade par une journée si enso-leillée, monsieur. C’était à prévoir, si je puis dire.

À en juger par l’expression qui passa brièvementsur le visage de son interlocuteur, sa tentative deconverser d’un ton badin avait atteint un pointsensible sans le vouloir. Elle se demanda s’il avaitvraiment cherché une occasion de la voir seule, etprit conscience que ses joues la brûlaient.

— Il semblerait que nous ayons tous les deuxune certaine propension à aimer le grand air.Puis-je me joindre à vous ?

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— Si vous souhaitez effectivement me deman-der mon avis, ce serait une sage idée, répondit-ellegravement.

Il baissa les yeux sur elle, remarquant qu’elleavait évité de formuler une opinion sur sa pré-sence, et se demanda si la politesse seule l’empê-chait de refuser sa compagnie. La sensation dedéchirement que lui causa cette pensée suffit pres-que à lui faire abandonner ses efforts, mais il serappela avec vigueur son intention de lui montrerqu’il avait changé.

— Je souhaitais vous parler de ma sœur,reprit-il avec raideur. Ainsi que je l’ai mentionné,elle est fort désireuse de faire votre connaissance,mais je répugne à l’emmener à Longbourn pour laprésenter, car je redoute qu’elle ne trouve la situa-tion trop difficile à appréhender.

Elizabeth sentit la déception enfler. Je n’auraispas dû croire qu’il changerait pour de bon, se dit-elle. Il ne souhaite pas exposer sa sœur aux défautsdes membres de ma famille ni à nos intolérablesrelations.

— En effet, Mr Darcy, je peux supposer que,comme d’autres, elle me trouvera plus attirante enl’absence des miens, rétorqua-t-elle aigrement.

Il se tourna vers elle, visiblement désorienté.— Mademoiselle, je crains que vous n’ayez mal

interprété mes paroles. J’espère que Georgianarencontrera votre famille très bientôt.

Conscient qu’il s’embrouillait gravement dans satentative de s’exprimer, et craignant d’avoir déjàperdu le terrain qu’il aurait pu gagner, il poursuivit :

— Puis-je parler en toute franchise ?

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— Vous pouvez vous montrer aussi franc qu’ilvous sied, monsieur ; je doute que ce soit pire quece que j’ai déjà entendu par le passé, répliqua-t-elle, s’échauffant de minute en minute.

Darcy se maudit silencieusement.— Miss Bennet, je ne nie pas que je mérite large-

ment vos reproches quant à ce que je vous ai autre-fois déclaré, commença-t-il avec toute l’humilitéqu’il put trouver. Mais je vous supplie d’écouter ceque je suis en train de vous dire. Ma sœur est d’unetimidité maladive. Il lui est extrêmement difficilede parler avec des gens qu’elle ne connaît pas, etest accoutumée à une vie très calme. Si je devaisl’amener à Longbourn, ou dans toute autredemeure pleine d’inconnus remuants qui n’ont paspeur d’exprimer ce qu’ils pensent, je peux vousassurer qu’il lui serait impossible de proférer lemoindre mot, et s’en irait convaincue que nul nel’apprécie. J’aimerais beaucoup qu’elle fasse votreconnaissance, mais je ne vois aucun moyen d’yparvenir, à moins de découvrir un cadre plusapaisé qui vous permettra de vous lier.

Il s’obligea à se taire, conscient que ses paroleslui échappaient avec une sorte de désespoir.

Le silence de sa compagne lui apprit qu’il avaitéchoué et que ses rêves de pardon étaient vains. Lamort dans l’âme, il dit :

— Je vous présente mes excuses, mademoiselle,pour mes propos maladroits. J’ai à l’évidence faitune erreur de jugement en abordant ce sujet. Jevous assure que je n’avais aucunement l’intentionde vous offenser, et je suis désolé de vous avoircausé le moindre désarroi. Je ne dérangerai pas

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plus longtemps votre matinée ; soyez certaine, jevous prie, que je ne vous importunerai plus.

Après l’avoir saluée avec solennité, il fit mine departir.

Elizabeth était tout à fait honteuse d’elle-même.Avoir tiré une telle conclusion était peut-êtrecompréhensible, mais ne pas laisser à ce pauvrehomme une chance de s’expliquer avant qu’ellerecommence à le malmener… N’avait-elle doncrien appris de cette humiliante expérience àHunsford ? Devrait-elle toujours mal interpréterson comportement ?

— Mr Darcy, c’est à moi de vous présenterdes excuses, car l’erreur de jugement est mienne,dit-elle doucement, les yeux rivés au sol. Je suisarrivée à une déduction injustifiée et n’aurais pasdû m’exprimer ainsi. Si vous en avez toujours ledésir, j’aimerais entendre ce que vous avez à medire.

La jeune femme ne put se résoudre à lever la têtemais, si elle l’avait fait, elle aurait vu Darcy s’arrê-ter à ces mots et une expression de soulagementenvahir son visage. Il attendit un instant de sereprendre, puis répondit :

— Cela me plairait également, mademoiselle.— Peut-être pourriez-vous me décrire dans quel

genre de cadre Miss Darcy se sentirait le plus à sonaise, reprit-elle d’une voix quelque peu étoufféetandis qu’ils se remettaient en route.

— J’espérais que vous seriez disposée à la ren-contrer à Netherfield, dit-il avec hésitation.Ensuite, une fois qu’elle vous connaîtra mieux, jeserai en mesure de l’amener à Longbourn.

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— Je serai ravie de me rendre à Netherfield,monsieur. Pourriez-vous m’indiquer un momentopportun ?

Elizabeth gardait les yeux baissés.— Miss Bennet, reprit-il avec émotion. Pour

l’instant, je préférerais vous dire à quel point jesuis navré de vous avoir bouleversée, et vousdemander si je puis faire autre chose pour apaiservotre embarras.

Elle leva la tête vers lui avec un semblant desourire.

— Votre tante, Lady Catherine, a daigné à plu-sieurs reprises me dire que je ne jouerais jamaiscorrectement du piano à moins de m’exercer plussouvent. En ce cas, je dois développer une réellevirtuosité dans l’art d’avoir honte de ce que je vousai dit, puisque j’ai eu l’occasion de beaucoup m’yappliquer.

— La différence étant, peut-être, que je tire ungrand plaisir à vous écouter jouer du piano, maisque je ne veux pas que vous vous flagelliez,d’autant que votre réaction était compréhensiblecompte tenu des propos inqualifiables que je vousai tenus par le passé. J’ai reconnu la vérité desreproches que vous m’avez exprimés en avril, et aitenté d’y remédier, mais je m’aperçois que vousn’avez aucune raison de le croire pour le moment.

Lizzy n’arrivait même pas à imaginer combiences mots avaient dû coûter à quelqu’un de si fier.

— Il y avait également beaucoup de faux dansles accusations que j’ai formulées ce jour-là, mêmesi je ne m’en suis pas rendu compte à l’époque.J’aurais dû m’excuser d’avoir cru les mensonges de

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Mr Wickham. Depuis que j’ai lu votre lettre, monmanque de discernement me rend confuse.

— Les manières de Mr Wickham peuvent êtretrès convaincantes lorsqu’il le souhaite. Si je vousavais appris ce que je savais de son passé quand jel’ai croisé à Meryton, rien de tout cela ne seraitarrivé. Mais comme j’ai estimé qu’exposer mesactes intimes au public serait déchoir, je suis seulresponsable de votre méprise.

— Monsieur, vous êtes très dur contre vous-même et semblez espérer que je n’endosse pas lamoindre culpabilité pour cette erreur de jugementque j’ai commise.

— N’ai-je donc aucune raison de m’en vouloir ?Puisque vous vous excusez de ce que vous perce-vez comme vos maladresses, ne devrais-je pasexprimer mon regret d’avoir été autant condescen-dant et aussi peu courtois ? Je n’agis pas ainsi,Miss Bennet, parce que je crois qu’il n’y a pas decause, mais parce que je ne pense pas pouvoirm’excuser autrement qu’en prouvant que j’aiperçu mes fautes.

— Nous ferions mieux de ne pas nous querellerpour savoir lequel mérite la plus grande part deblâme à propos de cette soirée, rétorqua-t-elle. Nima conduite ni la vôtre, si on les examine attenti-vement, ne sont irréprochables ; mais je dois, et leferai, assumer les erreurs que j’ai commises, endépit de vos généreuses tentatives de me disculper,monsieur.

— Mademoiselle, nous pourrions peut-êtremontrer que nous avons tous deux gagné en cour-toisie depuis ce jour-là, en consentant de repartir

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de zéro et en essayant de percevoir l’autre sansidée préconçue, dit-il gravement.

Si elle refuse, j’ignore ce que je ferai. À présent queje l’ai revue, comment puis-je accepter qu’elle ne soitjamais mienne ? s’interrogea-t-il en attendant saréponse avec appréhension.

Elizabeth ne pouvait pas ignorer la significationde sa requête, mais était incertaine de ce qu’elledevrait répondre. Elle était soulagée d’avoir effacél’ardoise en lui exprimant ses regrets, et aurait étéravie que les hostilités prennent fin, ne serait-ce quepour le bien de Jane et Bingley. Mais souhaitait-ellepermettre davantage ? Elle ne s’imaginait pas déve-lopper une tendre affection pour Mr Darcy, et ilserait cruel de faire naître de faux espoirs en lui.Néanmoins, refuser l’offre pour laquelle il avait visi-blement fait le trajet jusqu’au Hertfordshire seraitsans doute tout aussi offensant, et elle commençaità percevoir un degré de profondeur, chez lui, qu’ellen’avait pas remarqué. Levant les yeux vers lui, elleaperçut une expression crispée, signe de la tensionqu’il éprouvait, et se découvrit moins capable demépriser les sentiments du gentilhomme qu’elle nel’avait cru.

— Je serais disposée à envisager la possibilitéque nous puissions devenir amis, monsieur, maiscomme je ne souhaite pas encourager l’espéranced’un accord futur qui pourrait en découler, je sou-haiterais que vous vous demandiez une fois encoresi c’est un chemin que vous voulez suivre, finit-elle par répondre, contemplant les nuages au loin,tout en s’interrogeant sur ce qu’elle ressentirait s’ildevait effectivement faire objection.

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Au moins elle n’a pas refusé d’emblée, se dit-il.Assurément, ce doit être prometteur. Sa déclarationétait décevante quant à l’avenir imaginé, mais iln’oubliait pas qu’elle avait mis sa fierté de côtépour résoudre leur premier malentendu, quand ilaurait été bien plus facile pour elle de se conten-ter de le laisser partir. Il se demanda si, dans cetteaffaire, les actes de la jeune femme étaient plusparlants que ses propos, ou s’ils n’étaient que lamanifestation d’un sens de l’honneur qui ne luiaurait pas permis de le quitter, le sachant en proieà une idée fausse. Il ne pouvait en être certain,mais il devait se contenter d’avoir simplementl’autorisation de se trouver avec elle pour lemoment. Oui, c’était suffisant, plus que suffisant.

— Je crois que je vais courir le risque,Miss Bennet.

À ces mots, Lizzy éprouva une sorte de tensionpas totalement déplaisante. Elle n’avait pas cru qu’ilserait aussi franc quant à ses intentions. Tout autrearistocrate de sa connaissance aurait accepté d’êtreson ami, sans suggérer à cette étape qu’il désiraitdavantage. Qu’avait-il dit à Hunsford ? Toute dissi-mulation m’est odieuse. À l’évidence, elle devraits’accoutumer à plus d’honnêteté que ce dont elleavait l’habitude.

— J’ignore si vous êtes brave, téméraire ou lesdeux, Mr Darcy ! s’exclama-t-elle pour allégerl’atmosphère.

— « Qui ne tente rien n’a rien », répondit-il avecun sourire.

— « Le fou se rue là où le sage n’ose mettre lepied », monsieur, rétorqua-t-elle vivement.

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Achevé d’imprimer en Slovaquiepar NOVOPRINT SLK

le 4 mai 2015

Dépôt légal : mai 2015EAN 9782290101872

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