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José Moselli

LA CORDE D’ACIER

1921

bibliothèque numérique romandeebooks-bnr.com

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I

DANS une agglomération aussi gigantesqueque celle de Paris et de sa banlieue, les crimessont forcément nombreux : assassinats, atten-tats de toutes sortes, vols, cambriolages, dis-paritions, sont choses courantes. Ils ont leurplace marquée dans les journaux, sous le titregénéral de Faits divers.

Pendant les vacances parlementaires, oulorsque les événements internationaux ne« donnent » pas, les journalistes à court de co-pie sortent un fait divers et le détaillent. Ungros titre, large de deux colonnes, signale àl’attention du lecteur le terrible attentat de larue X…, ou le crime affreux de l’avenue Z…

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Et les moindres circonstances de l’assassinatou du meurtre sont minutieusement relatées. Ilfaut bien remplir le journal !

Et si, le lendemain, quelque scandale ouautre survient, le « grand » crime de la veilleest de nouveau relégué à sa place, dans lesfaits divers. En quelques lignes, l’on apprendau lecteur que l’enquête suit son cours. Et, aus-si bien, le lecteur, habitué et sceptique, porteson intérêt sur d’autres événements.

Était-ce parce que le fait se produisit un di-manche et que, ce jour-là, tribunaux, Chambreet Sénat aussi bien que conseil municipal chô-mant, les journalistes ont peine à remplir lescolonnes de leurs feuilles ? Ou bien fut-ce àcause de la notoriété de la victime ? Toujoursest-il que les journaux annoncèrent au publicpar un énorme titre sur trois colonnes la mysté-rieuse (expression consacrée) disparition du cé-lèbre avocat Milcent.

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Une disparition, n’est-ce pas ? est toujoursmystérieuse. L’on ne disparaît jamais au grandjour, devant tout le monde ! Mais il faut bien ledire, la disparition de Me Milcent justifiait véri-tablement son qualificatif de mystérieuse.

L’avocat Jacques Milcent habitait à Mont-morency, près d’Enghien, une somptueuse villaqu’entourait un parc immense. Car JacquesMilcent était ce qu’on est convenu d’appeler un« prince » du barreau. Avocat d’affaires, il avaitplaidé dans presque toutes les grandes causescommerciales des dernières années. Grâce àson talent, à sa facilité d’élocution, à sa sciencedes affaires, des compagnies d’assurancesavaient gagné des procès douteux, dont l’enjeuse montait à des millions.

Jacques Milcent avait comme clients desbanquiers, de grandes sociétés financières. Etses honoraires, on le comprend, étaient consi-dérables.

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Or, ce dimanche-là, Jacques Milcent, aprèsson déjeuner, s’était promené avec quelquesamis dans le parc de sa villa. Deux banquiersrichissimes, un ancien président du Conseil desministres, avaient passé l’après-midi avec lui.Ils l’avaient quitté un peu avant 6 heures.

À 6 heures, l’avocat Pierre Ferger, un dessecrétaires de Jacques Milcent, l’avait rejoint.Les deux hommes étaient restés jusqu’à7 heures dans le cabinet de travail de JacquesMilcent. Puis Pierre Ferger avait quitté son pa-tron et était reparti pour Paris.

À 7 heures et demie, Milcent avait dînéseul, après avoir ordonné à son chauffeur depréparer la limousine, pour le conduire à Paris.

Or, c’était en vain que le chauffeur de l’avo-cat, ayant fait avancer l’auto devant le perronde la villa, avait attendu son maître. JacquesMilcent n’avait pas paru.

Le chauffeur, après une heure d’attente,avait appelé le valet de chambre, lequel était

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allé aux nouvelles. Mais ce dernier avait inuti-lement frappé à la porte de la chambre à cou-cher de l’avocat. Il n’avait pas reçu de réponse.Il était entré. Il avait fouillé la chambre, le ca-binet de toilette, la salle de bains. Personne. Ilavait visité la villa entière, depuis la cave jus-qu’aux combles ; pas trace de Jacques Milcent.

Le parc avait été battu dans tous les sens,sans résultat. Les gardiens, installés dans unepetite construction, contre la grille principale,n’avaient vu entrer ni sortir personne.

Les domestiques de Me Milcent avaient at-tendu, pensant que leur maître, pris de quelquefantaisie, avait voulu sortir sans être vu. Maisle valet de chambre de l’avocat, ayant machi-nalement examiné les meubles du cabinet detravail de son maître, avait constaté que lesclés des deux secrétaires et celles du grandcartonnier étaient dans leurs serrures.

Le valet de chambre, sachant queMe Milcent était un homme méfiant, qui ne

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laissait jamais ses clés en place, avait eu l’idéed’ouvrir les meubles et avait constaté que le car-tonnier contenant les dossiers des affaires en coursétait vide !…

Il avait alors pensé à un crime et avait pré-venu la police par téléphone.

C’était tout ce qu’on savait pour le moment.Mais le fait était assez étrange par lui-même !

Et la disparition du célèbre avocat et deses dossiers devait causer d’autant plus d’émo-tion, du moins dans le monde des affaires, que

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Jacques Milcent avait été mêlé, et l’était en-core, à de nombreux procès… De toute évi-dence, l’avocat avait dû être enlevé en mêmetemps que ses dossiers, et assassiné, peut-être.

Malgré cela, sa disparition aurait été viteoubliée du grand public – l’on oublie vite, àParis ! – si, deux jours plus tard, les journauxn’eussent annoncé un fait semblable.

Cette fois, il s’agissait du banquier SéraphinBernardeau, président du Conseil d’adminis-tration du Syndicat sidérurgique européen, uneaffaire au capital de plusieurs centaines de mil-lions.

Séraphin Bernardeau habitait un petit hôtelà Passy, dans la rue Mozart.

Le mercredi matin, Fortuné, son premiervalet de chambre, qui venait, comme chaquejour, pour éveiller son maître, avait trouvé dé-fait le lit du banquier. Défait et vide. Vide aussila chambre, ainsi que le cabinet de toilette. Etvide également le meuble de Boule placé dans

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le cabinet de travail du financier. Ce meublede Boule renfermait un très moderne coffre-fort où Séraphin Bernardeau plaçait certainesde ses valeurs, les autres se trouvant dans lescaves blindées du Syndicat sidérurgique.

Or, le valet de chambre, en cherchant sonmaître dans le cabinet de travail, avait vu lecoffre grand ouvert, béant, et nettoyé commesi l’on s’était servi d’un aspirateur par le vide !Les rayons d’acier étaient nus. Pas un brin depapier n’avait été laissé. Du travail proprementfait !

Et le concierge de l’hôtel n’avait rien en-tendu… Dans l’avenue Mozart, nul ne s’étaitaperçu de rien. Les agents de faction n’avaientrien constaté d’anormal. Ils étaient occupés,d’ailleurs, à se garer de la pluie. Car, cette nuit-là, un véritable déluge s’était abattu sur Paris.

Quoi qu’il en fût, on ne retrouva pas le ban-quier. Et l’on dut immédiatement conclure à un

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crime, car les affaires du financier étaient trèsprospères et il ne pouvait s’agir d’une fugue.

Cette fois, l’émotion fut immense. L’on rap-pela la toute récente disparition de l’avocatMilcent. Et, comme toujours (il faut bien direquelque chose !) les journaux daubèrent sur lapolice…

La pauvre police n’était pas au bout de sessoucis. Car le lendemain même de la dispari-tion de Séraphin Bernardeau, le grand fabri-cant d’automobiles Henri Gordier disparut deson hôtel donnant sur le parc Monceau.

Le matin, en revenant d’un voyage chez sesparents, Mme Gordier chercha en vain son ma-ri. Surprise de ce qu’il ne fût pas encore le-vé, bien qu’il fût plus de 9 heures, elle pénétradans sa chambre à coucher. Et elle vit le lit dé-fait et vide.

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Ce fut pour ainsi dire la répétition de lascène qui s’était passée chez Séraphin Bernar-deau : Henri Gordier avait disparu, ses papiers

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et ses valeurs avaient été fouillés et enlevés. Etles journaux, à ce propos, apprirent au publicque le butin des voleurs, en plus des papiersde valeur, se montait à plus de deux millionschez Séraphin Bernardeau, et à huit cent millefrancs environ, en titres, billets de banque etbijoux, chez le constructeur d’automobiles.

Un malheur ne vient jamais seul. Et lesjoueurs de roulette ont remarqué que les

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chances vont par séries. Pourquoi ? ils ne lesavent pas… Les disparitions, elles aussi, netardèrent pas à constituer une série… Le soirmême de la disparition d’Henri Gordier, deuxautres personnes furent encore les victimesdes insaisissables bandits.

La première, M. Ludovic Fesquard, chef debureau au ministère de la Marine, sortit de sonbureau, rue Royale, à 6 heures précises du soir.Et sa femme l’attendit en vain dans leur petitpavillon d’Asnières. Elle devait l’attendre tou-jours.

La seconde victime fut le journaliste LouisHencocq. Il rentra chez lui vers minuit, aprèsavoir assisté à un banquet officiel dans ungrand hôtel voisin de l’Opéra.

Le concierge de l’immeuble du boulevardRochechouart, où il habitait, l’entendit crierson nom en pénétrant dans la maison, ainsique le veut l’usage à Paris. Il entendit LouisHencocq monter lentement et en soufflant les

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marches de l’escalier, car M. Hencocq étaitd’une corpulence plutôt au-dessus de lamoyenne.

Et ce fut tout. Le lendemain matin, lafemme de ménage chargée d’entretenir l’ap-partement du polémiste le trouva vide etconstata que les tiroirs d’un cartonnier avaientété fouillés. Une des fenêtres, celle de lachambre, était ouverte. Ce furent là tous les in-dices que la police, prévenue, parvint à décou-vrir. C’était peu. Le mystère déjà était grand. Ils’épaissit encore lorsque parvint à Paris un ra-diotélégramme, expédié par le paquebot fran-çais Alsace, allant de Buenos-Ayres à Bor-deaux, qui annonçait que l’on venait de décou-vrir à bord le cadavre mutilé de M. Fesquard, lechef de bureau du ministère de la Marine dis-paru quatre jours auparavant !

Or l’Alsace avait quitté son dernier port d’es-cale, Pernambuco, il y avait plus de cinq jours !

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Des radiotélégrammes furent échangésentre le ministère de la Marine, la préfecturede police de Paris et le commandant de l’Al-sace, pour prier ce dernier de fournir des expli-cations détaillées et de s’assurer qu’il ne s’étaitpas trompé.

Le rapport du commandant du paquebotparvint immédiatement, toujours par radioté-légramme. Le voici, tel que les journaux dulendemain le publièrent.

« Tout d’abord, il est absolument certain quec’est bien de M. Fesquard qu’il s’agit. J’ai été soncamarade de collège à Brest – c’est le capitainede l’Alsace qui parle – et l’ai encore vu il y amoins de trois mois à Paris. Je ne peux donc metromper. M. Fesquard avait deux grains de beautésur la joue droite et le petit doigt de la maingauche mutilé à la hauteur de la phalangette. Etle cadavre que nous avons trouvé porte égalementdeux grains de beauté sur la joue droite et a le pe-

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tit doigt gauche raccourci. Donc, pas d’erreur pos-sible.

« Maintenant, comment le cadavre est-il par-venu à bord, c’est ce qu’il est impossible de sa-voir…

« Et le plus simple est de relater sa décou-verte telle qu’elle a été faite.

« Hier matin, à 4 heures, alors que le paquebotse trouvait à une centaine de milles au nord desîles du Cap Vert, le mousse Préjean, (François),qui avait été envoyé allonger les manches (tuyaux)de toile devant servir au lavage du pont, rejoignitle maître d’équipage, en proie à une grande ter-reur, et lui annonça que, sur la tente du pont supé-rieur, à l’extrême-arrière du navire, il avait vu lecadavre d’un homme !

« Le maître d’équipage Scornec, accompagnéde plusieurs matelots, se précipita vers l’arrièredu navire et, effectivement, aperçut, étendu surla double tente de toile, le corps inanimé d’unhomme nu. Absolument nu.

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« Il fit descendre le cadavre sur le pont etconstata, à la clarté des lampes électriques, queses deux chevilles étaient attachées ensemble àl’aide d’un mince câble d’acier dont l’extrémitésemblait avoir été rompue violemment.

« Le maître d’équipage prévint immédiatementl’officier de quart – le second capitaine, en l’es-pèce – qui, à son tour, me fit informer de la lu-gubre trouvaille.

« Je m’habillai aussitôt et, ayant gagné la ta-misaille où le cadavre avait été déposé, j’eus la

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stupeur et la douleur de reconnaître en lui monvieil ami Fesquard, chef de bureau au ministère dela Marine.

« Je fis prévenir le médecin du bord qui exa-mina le cadavre et déclara que la mort remontaitsûrement à plusieurs jours. Ce praticien, ayantfait transporter le corps à l’infirmerie du bord, enfit l’autopsie sur ma demande et arriva à cetteconclusion que M. Fesquard avait succombé àl’asphyxie.

« De plus, il découvrit, un peu au-dessous ducœur et sur chacun des quatre membres, des tracesde piqûres hypodermiques, produites par l’aiguilled’une seringue de Pravaz. Comme, par suite de lachaleur, l’Alsace se trouvant sous le tropique, lecorps menaçait de se décomposer, je le fis immer-ger avec le cérémonial habituel. Le docteur Merca-din déposera son rapport à l’arrivée à Bordeaux.

« Pour l’instant, la rapide enquête à laquelle jeme suis livré, à l’aide de mes officiers, ne m’a rienappris pouvant me faire comprendre comment le

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corps de M. Fesquard est arrivé à bord. Nul, niparmi l’équipage, ni parmi les passagers, ne l’a ja-mais vu. Et il est bien certain qu’aucun bâtimentn’a pu l’amener à bord. L’Alsace file ses dix-huitnœuds, c’est dire qu’un accostage est impossible.Nous n’avons, d’ailleurs, rencontré que deux voi-liers depuis notre départ de Pernambuco.

« Et j’ajoute qu’étant donnée l’amitié qui nouslie, M. Fesquard, s’il s’était embarqué à bord, se-rait immédiatement venu me serrer la main.

« J’ai conservé le fragment de fil d’acier qui en-serrait les chevilles de mon malheureux ami. Je leremettrai à la justice à l’arrivée. Je ne sais riend’autre. »

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II

IL n’est pas besoin de décrire les sentimentsque suscita un peu partout la publication durapport du commandant de l’Alsace. Le plus ré-pandu de ces sentiments fut l’incrédulité. Bienque le commandant du paquebot fût évidem-ment de bonne foi, bien des gens pensèrentqu’il était victime d’une coïncidence. Car, sigrande que fût la ressemblance du cadavretrouvé sur l’Alsace avec M. Fesquard, une im-possibilité matérielle empêchait que ce fût lechef de bureau du ministère de la Marine.

Tout d’abord, l’Alsace avait quitté Pernam-buco depuis cinq jours et se trouvait à plus de sixjours de navigation du plus proche port français.

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Or, lorsque le corps de M. Fesquard avait étédécouvert, il y avait exactement trois jours etdemi que le chef de bureau avait été vu pour ladernière fois au ministère. Il ne pouvait doncse trouver à bord du paquebot. Comment l’eût-il rejoint, d’ailleurs, sans attirer l’attention dessept cents ou huit cents personnes transpor-tées par l’Alsace ?

Non. De toute évidence, le commandant del’Alsace avait été victime d’une coïncidence. Lecorps découvert par le mousse avait été sansdoute introduit à bord par quelque passager,au cours d’une escale, dans une malle. Et le cri-minel, au moment où il tentait de précipiter lecadavre à la mer, avait dû être dérangé. Il avaitfui, abandonnant le corps…

Des télégrammes furent envoyés à Bor-deaux, ordonnant à la police locale d’examinerminutieusement tous les bagages des passa-gers avant le débarquement.

Et l’on attendit.

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Mais la série des surprises commencée parla disparition de l’avocat Milcent n’était pasclose !

Le lendemain même de la réception du rap-port télégraphique du capitaine de l’Alsace, unedépêche parvint à Paris, venant de Tripoli deBarbarie, et annonçant qu’un cadavre nu, couvertde blessures, avait été trouvé par des Arabes àl’ouest de la ville, non loin des murs du cimetièreindigène. Bien que les chiens errants, qui sontnombreux à Tripoli, eussent déjà entamé lecorps, l’on avait pu constater que les chevillesdu cadavre avaient été entravées ensemble àl’aide d’un fil d’acier. Et c’était même cette der-nière circonstance qui avait induit les autoritésitaliennes – qui, comme tout le monde, étaientau courant de la mystérieuse affaire de l’Al-sace – à faire part de leur découverte à la jus-tice française.

Mais à qui appartenait le cadavre ? Un ins-pecteur de la Sûreté fut immédiatement en-voyé à Tripoli avec le signalement minutieux

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et les photographies des disparus, à savoir lebanquier Bernardeau, le journaliste Hencocq,l’avocat Milcent et l’usinier Henri Gordier.

Et, une fois de plus, les conjectures purentse donner libre cours. Car, pour se rendre àTripoli, une seule voie existe : la voie de mer.Et, de Paris à Tripoli, six jours au moins sontnécessaires. Or, il y avait à peine six jours queles disparus n’avaient plus été vus. Et l’autoritéitalienne de Tripoli affirmait que le cadavre,lorsqu’il avait été découvert, devait se trouverdans le fossé du cimetière depuis trois ou quatrejours… Le mystère s’accrut.

Il s’accrut d’autant plus qu’à quelquesheures d’intervalle arrivèrent des dépêchesd’Hammerfest (Norvège) et d’Alep (Turquied’Asie), annonçant que des cadavres nusavaient été trouvés, les chevilles reliées par uncâble d’acier.

Le corps découvert à Alep était celui d’unhomme d’une forte corpulence, âgé d’un peu

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plus de quarante ans. L’enquête qui suivit prou-va que c’était celui du journaliste Hencocq.

Quant au cadavre recueilli par des pêcheursà Hammerfest, dans les falaises du grand fjordqui borde la ville au nord, c’était celui d’HenriGordier. Sa malheureuse veuve le reconnutgrâce à un anneau d’or que ses assassins luiavaient laissé.

Ainsi, les corps des disparus parisiensétaient tous retrouvés, sauf celui de l’avocatMilcent. Et tous retrouvés à des distances tellesqu’ils ne pouvaient matériellement les avoir fran-chies depuis leur disparition.

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Mais, cette fois, il fallait se rendre à l’évi-dence, si invraisemblable qu’elle parût. Il nepouvait plus s’agir de simples coïncidences !

Alors, à l’incrédulité succéda une sorted’admiration pour la puissance des criminels,une admiration mêlée de terreur. Qui pouvait,maintenant, se sentir en sûreté ?

Les mystérieux bandits enlevaient leurs vic-times et – par quels moyens ? – les transpor-taient à d’immenses distances où le hasardseul permettait de les retrouver.

Mais impossible de découvrir aucune piste.À Tripoli, aussi bien qu’à Alep, qu’à Hammer-fest, la police locale, malgré tous ses efforts, nedevait rien découvrir. Le seul indice laissé parles redoutables forbans, c’était le fragment decâble d’acier qui entravait les chevilles de leursvictimes.

Il était constitué par une mince cordelette,grosse à peine comme le petit doigt, ce câble,et se terminait par un solide nœud coulant,

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composé d’une épissure habilement faite. Sonautre extrémité paraissait toujours avoir été ar-rachée et s’être rompue sous l’effet d’une trac-tion violente.

Mais, tel qu’il était, le câble n’avait riende particulier. Il était d’un modèle régulier. Sasection fut minutieusement examinée et ne ré-véla rien, si ce n’est que, pour le fragmentayant maintenu les chevilles du corps trouvé àHammerfest (celui d’Henri Gordier), les fils demétal portaient des traces produites apparemmentpar des étincelles. L’acier montrait des tachesd’oxydation, évidemment causées par une trèshaute température.

Mais ce fut là le seul détail recueilli par lajustice. Car tous les cadavres, à l’exception decelui découvert à bord de l’Alsace, étaient dansun état de décomposition trop avancée pourque l’autopsie eût pu en être faite.

Les suppositions allèrent leur train… Etquinze jours s’étaient passés depuis la décou-

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verte du premier cadavre, les journaux com-mençaient à parler d’autre chose et le publicà oublier l’affaire, lorsque le corps de l’avocatJacques Milcent – le cinquième et dernier dis-paru – fut retrouvé. Pas très loin, celui-là : dansles Alpes.

Une petite troupe d’alpinistes, partie deBrides-les-Bains pour excursionner dans lemassif de la Vanoise, cheminait le long descontreforts du mont de la Grande-Casse,lorsque le guide Charpier, qui précédait de

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quelques mètres le reste de la société, s’arrêtanet en laissant échapper une exclamation destupeur et d’horreur. Ses compagnons accou-rurent et aperçurent un bras nu qui sortait de laneige. On déblaya fébrilement, et le corps toutentier d’un homme fut ainsi mis à jour. Il étaitentièrement nu et avait les chevilles réunies parune cordelette d’acier longue d’environ soixantecentimètres.

Le crâne de l’inconnu était complètementécrasé.

Des exclamations retentirent. Car chacunconnaissait l’affaire des cadavres errants (telleétait la dénomination par laquelle les journauxdésignaient maintenant les disparus). Et cha-cun savait que, sur les cinq victimes des ban-dits inconnus, seul l’avocat Milcent n’avait pasencore été retrouvé.

— C’est Me Milcent ! firent dix voix, en-semble.

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— Regardez ! s’écria le guide en brandis-sant un fragment d’une matière translucide,que le soleil faisait étinceler.

Tout le monde s’approcha.

L’objet que le guide tenait en main ressem-blait assez à du verre. Sa forme était celled’une partie de cylindre. Deux trous, soigneu-sement alésés, et qui avaient dû servir à visserdes écrous, y étaient percés.

— On dirait un morceau de bocal ! fit undes excursionnistes.

— Il serait rudement épais ! objecta unautre.

— Et ce n’est certainement pas du verre !assura un troisième.

— Ni du celluloïd !

— Et en voilà encore, s’écria un cinquième,lequel tendit vers ses compagnons un autrefragment de la bizarre matière, une sorte dedisque, lisse d’un côté et strié de l’autre de

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raies infiniment petites, comme le serait unelime. Les bords en étaient rongés et des cra-quelures le zébraient en tous sens…

Il fut examiné par tout le monde, mais sansque personne pût émettre une suppositionplausible sur sa provenance. Et d’autres éclatsde la même matière furent également trouvésdans un rayon d’une centaine de mètres autourdu cadavre.

D’un commun accord, les excursionnistesdécidèrent de regagner immédiatementBrides-les-Bains. À l’aide de branches de sapin,un rudimentaire brancard fut confectionné. Lecadavre mutilé de celui que tout le monde de-vinait être Me Milcent y fut étendu, recouvertd’un plaid prêté par un des membres de la pe-tite troupe. Et l’on se remit en route…

Quelques heures plus tard, les excursion-nistes faisaient leur entrée à Brides et infor-maient immédiatement le maire de leur trou-vaille.

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Un télégramme fut envoyé à Paris. Et lefrère de Jacques Milcent, qui arriva dans lanuit, reconnut sans hésiter le mort : c’était bienle célèbre avocat !

La corde d’acier qui lui avait lié les chevillesfut envoyée à Paris en même temps que lesfragments de l’étrange matière trouvée autourdu cadavre.

De savants chimistes furent commis pourexaminer ces débris. Ils furent d’accord pouraffirmer que ce n’était pas du verre. Et l’und’eux, Charles Flaxan, après une minutieuseanalyse, déclara, à la stupéfaction générale,qu’il s’agissait d’un métal dérivé de l’alumi-nium et dont les molécules avaient la propriétéd’être traversées par la lumière.

Quel métal ? C’est ce que le chimiste ne putpréciser. Un métal alcalin, assura-t-il, et, vrai-semblablement, n’existant pas à l’état naturel.En tout cas, quel qu’il fût, le métal en ques-tion, non seulement possédait une dureté su-

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périeure à celle de l’acier, mais encore un poidsatomique inférieur à celui de l’aluminium. Etavec cela, perméable aux rayons lumineux etextraordinairement résistant à la chaleur.

Les explications de Charles Flaxan, contrô-lées par ses collègues, furent reconnuesexactes. Mais cela ne donna pas la clé du mys-tère.

Sous la poussée de l’opinion publique vio-lemment émue, les plus fins policiers furentmis en campagne. Mais personne n’avait en-tendu parler du mystérieux métal. Nul, ni par-mi les chimistes, ni parmi les maîtres de forges,n’en connaissait l’existence. L’on chercha dansles papiers de feu Henri Gordier, le fabricantd’autos, dans l’espoir de découvrir quelquechose se rapportant au bizarre métal. L’on netrouva rien.

À mesure que le temps passait, cependant,l’émotion causée par les cinq disparitions etpar la découverte étrange des cinq cadavres

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se calmait peu à peu. Et d’autres affaires sen-sationnelles commençaient à détourner l’atten-tion du public, lorsqu’un fait nouveau, aussiextraordinaire que les premiers, vint rappelerau monde que les redoutables et mystérieuxbandits n’avaient pas désarmé.

Un matin, M. Serrachet, gardien de nuitdans une usine de Chatou, se dirigeait, commechaque jour, vers son domicile situé à Car-rières-Saint-Denis ; 6 heures à peine venaientde sonner.

M. Serrachet, une cigarette à la bouche, hâ-tait le pas en pensant à son déjeuner qui l’at-tendait, lorsqu’il s’arrêta net en entendant, toutprès de lui, une voix rauque qui hurlait desmots sans suite.

M. Serrachet regarda autour de lui. La voixlui parut venir des fourrés de roseaux qui, à cetendroit, vis-à-vis de l’île de Chatou, bordaientla Seine.

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Il écouta, croyant avoir affaire à quelqueivrogne. Mais le son de la voix lui parutétrange. Il fouilla les roseaux et découvrit,étendu parmi les herbes aquatiques, un hommenu, aux chevilles retenues par un long câbled’acier dont l’extrémité trempait dans l’eau dufleuve.

Les pieds et les jambes de l’inconnu por-taient des traces de profondes brûlures. Etl’homme, une expression de terreur effroyablelui tordant la face, clamait des phrases incohé-rentes.

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À la vue de M. Serrachet, il tenta de se re-dresser, ce qui permit au gardien de nuit deconstater que le malheureux avait une pro-fonde blessure à la tête.

L’homme, cependant, étendit les bras enavant et hurla :

— Arrière ! Arrière ! Oh ! La machine !… Lamachine ! Et la mouche ! La mouche ! Pas lamouche ! Aaaaah ! Aaaah ! Arrière !…

M. Serrachet comprit qu’il avait un fou de-vant lui.

Des yeux, il examina les roseaux environ-nants, dans l’espoir d’y découvrir quelquesfragments du bizarre métal trouvé auprès ducadavre de M. Milcent. (Comme tout le mondeM. Serrachet avait lu les journaux !) Il ne trou-va rien.

Par quelques paroles prononcées d’unevoix douce, il s’efforça de calmer le malheu-reux dément.

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Une carriole de maraîcher passait sur laroute. M. Serrachet la héla, et, aidé de sonconducteur, parvint à soulever le blessé qu’ilinstalla dans le véhicule.

L’inconnu fut amené au commissariat depolice de Carrières-Saint-Denis. Un médecin,aussitôt prévenu, déclara qu’il avait le crânefracturé, et, le mieux qu’il put, le pansa.

La préfecture de police parisienne, avertieaussitôt, envoya immédiatement un de ses ins-pecteurs pour identifier le malheureux fou.

Ce fut chose facile ! Le policier, à peine enprésence du mystérieux individu, le reconnutpour un de ses camarades, l’inspecteur DenisBourfin, dit Coco-bel-Œil, chargé de l’enquêtesur les extraordinaires disparitions.

Or, Denis Bourfin était venu, la veille ausoir, faire son rapport à ses chefs, à la préfec-

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Et on le retrouvait fou, nu, ligoté, blessé,dans les roseaux de la Seine !

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ture, et avait même affirmé qu’il suivait unepiste intéressante !

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III

SI, à en croire les grincheux, la police nes’était pas, jusqu’alors, suffisamment « re-muée », elle le fit. Son honneur, si l’on peutdire, était maintenant engagé dans l’affaire.Denis Bourfin était un des siens !

Le malheureux, d’ailleurs, était en dangerde mort. Une fièvre cérébrale, consécutive auchoc qui avait déterminé la fracture de soncrâne, le brûlait.

Couché dans son lit d’hôpital, il était bienincapable de fournir le moindre renseigne-ment. Parmi ses divagations, ces deux mots re-venaient : la machine ! la mouche ! Et c’était làtout ce qu’on pouvait obtenir de lui. Il ne pou-

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vait pas plus faire avancer l’enquête que s’il eûtété mort, comme les autres victimes des extra-ordinaires bandits. Et les médecins qui le soi-gnaient désespéraient même de le sauver.

Mais ils avaient fait une constatation : c’estque, comme M. Fesquard, comme l’avocatMilcent, Denis Bourfin avait été piqué à la poi-trine et aux quatre membres à l’aide d’une se-ringue de Pravaz. Mais que contenait-elle ?Quel était le liquide qui avait été injecté dansle corps du malheureux inspecteur ? À cela,pas de réponse. Une seule chose était certaine,c’était que la fracture du crâne dont était at-teint Denis Bourfin provenait d’un choc. D’unchoc contre quoi ?… Nul ne pouvait savoir.

Des limiers furent lancés sur diversespistes, à la vérité au hasard, aucun indice nepouvant orienter les recherches plutôt dans unsens que dans l’autre. Impossible même de dis-cerner les mobiles des assassins, car l’on pou-vait bien leur donner ce nom. C’étaient desvoleurs, certes, mais il ne fallait pas oublier

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qu’ils avaient fait main basse non seulementsur des valeurs, mais aussi sur des dossiers– chez l’avocat Milcent et chez le banquier Ber-nardeau – et aussi sur des formules chimiqueset mécaniques chez le constructeur d’automo-biles Gordier. Quant à deviner ce qu’ils avaientdérobé à Henri Fesquard – un modeste fonc-tionnaire – et à Hencocq – un journaliste assezinfluent, mais pauvre – inutile d’y songer.

Ainsi, le champ des recherches était-il illi-mité.

Le hasard, que l’on n’a pas pour rien sur-nommé le dieu des policiers, devait cependantleur venir en aide, une fois de plus. Et de la fa-çon la plus imprévue !

Un des inspecteurs chargés de l’enquête,Henri Fougeray, se trouvait un soir dans l’ave-nue de la Grande-Armée, lorsqu’en voulant tra-verser la chaussée, il faillit être écrasé par unepetite automobile qui filait à toute vitesse.

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L’homme qui était au volant fit décrire unebrusque embardée au véhicule pour éviter lepiéton. Ce qui lança l’auto contre un refuge.Bien que le conducteur eût immédiatementfreiné, la voiture n’en alla pas moins heurter lecandélabre érigé au centre de l’îlot de pierre.

Henri Fougeray entendit un Damn’d(1) ! fu-rieux en même temps qu’un craquement debois. Il se précipita. L’auto était indemne, saufquelques bosselures au radiateur. Mais une pe-tite caissette, placée dans la capote de la voi-ture, avait été projetée sur le sol et s’était éven-trée contre l’angle du trottoir, laissant échap-

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per une partie de son contenu : des objets enverre.

L’homme qui était assis à côté du chauffeurbondit sur la chaussée, et, en quelques se-condes, eut ramassé les objets échappés de lacaisse. Il jeta le tout dans la voiture et reprit saplace sur la banquette.

L’auto, immédiatement, s’éloigna en qua-trième vitesse.

Henri Fougeray s’était arrêté.

— Voilà des gens pressés ! pensa-t-il. Mais,après tout, il n’y a rien à leur dire !… Ils te-naient leur droite et ont corné ! C’était à moid’être moins distrait ! Ce que c’est que d’êtrepréoccupé !

Machinalement, l’inspecteur regarda lecandélabre contre lequel était allée buter l’au-to. Il était intact, à peine quelques égratignuresdu vernis.

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— Tiens ! ils ont laissé un « bout » deverre ! fit une voix derrière Fougeray.

Il se retourna et vit un petit pâtissier quiexaminait avec curiosité une rondelle brillantequ’il venait de ramasser.

Fougeray eut un violent tressaillement.

— Fais voir ! ordonna-t-il à l’adolescent qui,simplement, lui tendit l’objet.

C’était un écrou. Un écrou en verre. Non pasen verre, mais en une matière translucide, légè-rement opaline. Un écrou fait avec le métal donton avait trouvé des débris autour du cadavre deJacques Milcent.

— Nom d’un tonnerre ! exclama le policieren brandissant l’écrou, ce sont EUX !

— De quoi ? fit le petit pâtissier, étonné parl’émotion de Fougeray.

— Rien !… Tiens, voilà pour toi. Je garde lemachin ! fit l’inspecteur en tendant une pièce

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de monnaie au jeune garçon qui n’en demandapas plus et s’éloigna, tout heureux de l’aubaine.

Sourcils froncés, Fougeray regarda dans ladirection de la voiture. Elle était déjà loin. Maisle policier réussit à la reconnaître grâce à sacouleur grise.

Un taxi passait :

— Cent francs si vous réussissez à suivrel’auto grise, là-bas ! cria Fougeray au chauffeuraccouru à son appel.

L’homme hocha la tête, eut une brève hési-tation et maugréa :

— On va essayer !

Le taxi, aussitôt, fila. C’était l’heure du dî-ner. L’avenue de la Grande-Armée n’était pastrop encombrée. Fougeray constata avec satis-faction que son taxi roulait à bonne vitesse.Penché hors de la portière, il essaya, sans yparvenir, d’apercevoir l’auto qu’il poursuivait.

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Les yeux brouillés par la poussière, il dutse rasseoir, et, tandis que le taxi bondissait surla chaussée macadamisée, essaya de mettre del’ordre dans ses impressions.

— Voyons !… l’homme au volant a juré enanglais… ou en américain !… En tout cas, cen’est pas un Français !… Il avait des lunettes…oui… et était rasé !… Avec cela, un cache-poussière gris !… Et l’autre était brun, mous-tache noire et des mains sales… j’ai bien vules mains sales ! Et des taches de graisse à sonpantalon… Ce doit être un mécanicien !… Ouun ingénieur !…

« Et l’auto ?… Radiateur à nid d’abeilles, et,avec cela, légèrement défoncé !… J’aurais dûvoir le numéro !… Mais comment me serais-jedouté ?…

Henri Fougeray interrompit ses réflexionspour se pencher de nouveau en dehors de lavoiture. Le taxi, qui, entre temps, avait franchi

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les fortifications, roulait maintenant dans l’ave-nue de Neuilly.

— Et mon auto ? cria Fougeray au chauf-feur. Vous la voyez ?

— Non… Mais je viens de la voir passer surle pont de Neuilly. Et elle a pris l’avenue de laDéfense ! Mais nous finirons par la rattraper,bourgeois ! Il y a de l’encombrement, par ici !

— Faites tout ce que vous pourrez pour ce-la ! répéta l’inspecteur qui se rencogna dansl’angle du capitonnage.

— Si je peux les rattraper, maugréa-t-il entâtant le pistolet automatique qui ne le quittaitjamais, le plus dur sera fait !

C’était un garçon déterminé que Henri Fou-geray. Ancien sous-officier de zouaves, il unis-sait un calme inébranlable à une énorme forcemusculaire. Les malfaiteurs parisiens en sa-vaient quelque chose !…

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Comme le taxi, toujours à toute vitesse,franchissait le pont de Neuilly, Fougeray, quis’était légèrement penché en dehors pour voirce qui se passait, constata que son véhicule ra-lentissait :

— Eh bien ? grommela-t-il à l’adresse duchauffeur.

— Impossible d’aller plus vite, monsieur !expliqua l’homme en montrant les voitures quiencombraient le pont. Je démolirais quelquechose !

— Et « mon » auto ? Où est-elle ?

— Elle vient de filer du côté de Puteaux, surla gauche ! Mais nous l’aurons !… Et…

— Nous n’aurons rien du tout ! coupa Fou-geray en haussant les épaules.

Il bondit hors de la voiture, tendit un billetde cinquante francs au chauffeur ahuri, et, augrand galop, s’élança vers la boutique d’un

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marchand de cycles établi à quelques mètresde là :

— Avez-vous une moto ? Rapide ? Servicede la police, et voici mille francs de garantie,mais hâtez-vous ! cria-t-il au marchand qui setenait sur le seuil du magasin.

Et, en même temps qu’il parlait, il branditun billet de mille francs ainsi que sa carted’identité.

… Moins de deux minutes plus tard, Fou-geray, installé sur une moto, filait à soixante à

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l’heure sur la route de Nanterre. Au loin, de-vant lui, dans un nuage de poussière, l’autogrise se rapprochait peu à peu.

Le policier, bientôt, en fut assez près pourla reconnaître. C’était bien elle, et, dans la ca-pote, il apercevait même la caisse éventrée. Ilralentit.

Derrière l’auto, il traversa Nanterre et Rueil.Puis les mystérieux individus, tirant sur leurgauche, filèrent vers Suresnes qu’ils dépas-sèrent. Ils traversèrent successivement Saint-Cloud, Sèvres et Meudon, et s’engagèrent surla route de Chaville.

La nuit, entre temps, était venue. Fougerayvit soudain l’auto s’arrêter devant la grilled’une petite villa de briques que surmontaitune terrasse à l’italienne.

Le jardin qui l’entourait paraissait assezvaste. Et la plus proche construction s’en trou-vait à plus de cinq cents mètres.

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— Un endroit isolé et admirablement choi-si ! pensa le policier qui avait arrêté sa moto etsauté à terre.

Il vit l’un des inconnus ouvrir la grille pourdonner passage au véhicule. Puis la porte defer fut refermée et une des fenêtres de la villas’illumina.

Fougeray, assis sur la pente du fossé bor-dant la route, resta quelques instants à réflé-chir. Devait-il revenir sur ses pas et aller cher-cher du renfort ? Ou bien valait-il mieux qu’ilcontinuât, seul son enquête, ce qui auraitl’avantage de lui éviter une erreur toujourspossible et aussi de lui réserver tout l’honneurdu succès ?

Il se résolut pour la seconde de ces alterna-tives.

Ayant dissimulé la motocyclette dans unépais fourré de ronces qui croissait non loin dufossé, il se dirigea vers la villa.

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Autour de lui c’étaient le silence et les té-nèbres. Mais, comme il n’était plus qu’à unecinquantaine de mètres de la maisonnette, ilentendit un grincement métallique. Malgrél’obscurité, il vit la grille s’ouvrir et donner pas-sage à un homme de haute stature. Ce dernier,ayant tiré le battant sur lui, s’éloigna dans la di-rection opposée à celle par où arrivait le poli-cier. En quelques secondes, il eut disparu dansles ténèbres ambiantes.

Henri Fougeray, qui s’était immobilisé, seremit en marche. Il atteignit la muraille debriques entourant le jardin de la villa. La clartédes étoiles lui permit d’épeler mentalement cesmots creusés en lettres dorées dans une plaquede marbre fixée à un des montants de la grille :

VILLA DES SOUVENIRS.

Il eut à peine fini de lire qu’un aboiementrauque retentit dans le silence de la nuit. Un

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grincement de gravier, un cliquetis de chaînesuivirent, cependant que, d’entre les massifs debuis bordant les allées, un énorme bouledoguejaillissait comme un bolide.

Fougeray, instinctivement, recula. Le chien,dressé contre la grille, aboya plus furieusementque jamais.

Par prudence, le détective s’éloigna. Et,ayant tourné la tête, il put voir, à travers lagrille, une lumière apparaître dans le jardin.Il fila sans bruit le long de la muraille et, enquelques instants, fut de nouveau auprès de samotocyclette.

Il attendit. Plus un bruit. Les aboiements duchien avaient cessé.

Presque aussitôt, le crépitement du moteurd’une auto retentit. Fougeray tourna la tête,juste pour voir l’automobile qu’il avait précé-demment suivie apparaître hors de la grille dela villa des Souvenirs. Elle passa devant lui àtoute vitesse.

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Il la laissa prendre quelque avance, et, en-fourchant sa moto, fila à sa poursuite.

Cette fois, l’auto se dirigea vers Paris par leplus court chemin.

— Henri Fougeray la suivit sans peine et lavit s’arrêter devant un magasin de l’avenue dela Grande-Armée, au-dessus duquel il lut :

GARAGE DES DEUX AMÉRIQUESVente et achat de toutes marques d’automobiles.

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L’homme qui pilotait le véhicule sauta sur letrottoir. À la clarté d’un réverbère tout proche,Fougeray put constater que c’était le même in-dividu rasé qu’il avait vu précédemment au vo-lant.

Le crépitement du moteur de l’auto devaitavoir été entendu de l’intérieur du garage, carle tablier de fer défendant la devanture de l’éta-blissement se releva aussitôt.

L’homme revint sur ses pas et s’assit denouveau au volant de l’auto qu’il fit rentreravec lenteur à l’intérieur du magasin. Le tablierde fer fut rabaissé presque immédiatement.

Fougeray, posté sur le trottoir opposé augarage, attendit quelques minutes, puis, s’étantassuré que personne ne ressortait, ce qui sem-blait prouver que le conducteur de l’auto étaitun des propriétaires ou employés du garage,s’éloigna en pensant que la piste était bonne.

— Je vais d’abord voir ce qui se passe dansle garage ! pensa-t-il. Après, on examinera la

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villa !… Voilà qui va me valoir une belle gratifi-cation !… Mais gare à ne pas être arrangé commece pauvre Coco-Bel-Œil !

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IV

HENRI Fougeray était ambitieux. Il étaitprudent aussi. Mais, cette fois, son ambitionl’emporta sur sa prudence. Car si cette dernièrel’incita à aller faire son rapport sur sa décou-verte et à se faire aider, l’ambition lui soufflaque son triomphe serait plus complet et sa ré-compense plus grande s’il parvenait, avant deprévenir quiconque, à démêler seul tous les filsdu mystère. Et ainsi ne risquerait-il pas qu’uncollègue malin et sans scrupules lui soufflât lebénéfice de ses efforts. (Déjà Fougeray ne sesouvenait plus du grand rôle joué par le ha-sard dans sa découverte ! Il s’en attribuait toutle mérite.)

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Sa résolution prise, il regagna le petit ap-partement qu’il occupait non loin de la placedes Ternes, et, ayant garé la motocyclette dansla cour de l’immeuble, procéda à un camou-flage soigné de sa personne.

Il remplaça son complet de drap par unecotte bleue de mécanicien, se coiffa d’une cas-quette usée, changea complètement l’expres-sion de son visage au moyen de quelques traitsde crayon, et, s’étant muni d’un pistolet au-tomatique, d’une petite lampe électrique por-tative et d’un attirail complet de cambrioleur,pinces, fausses clés, crochets et rossignols, sedirigea vers l’avenue de la Grande-Armée.

Tout en marchant, il réfléchissait qu’il eûtmieux valu, sans doute, attendre au lendemainafin d’étudier à loisir les lieux, mais, d’autrepart, plus vite l’« affaire » serait amorcée,mieux cela vaudrait.

Le Garage des Deux Amériques était situé àla base d’une maison de briques à deux étages,

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contiguë elle-même à une bâtisse en construc-tion. Circonstance qui devait grandement faci-liter les projets de Fougeray.

Ce fut un jeu pour lui de se glisser à traversla palissade de bois entourant le chantier.Avançant sans bruit à travers les tas de maté-riaux, il atteignit la muraille qui devait être mi-toyenne aux deux maisons. C’était derrière quese trouvait le garage.

L’oreille collée à la paroi de briques, Fouge-ray écouta. Il n’entendit rien, soit que la mu-raille fût trop épaisse pour laisser passer aucunbruit, soit qu’en effet le garage fût désert.

À une dizaine de mètres en arrière de lachaussée, une petite fenêtre garnie d’une grilleen croix était percée dans la muraille et devaitdonner à l’intérieur du garage.

Fougeray, s’aidant d’une échelle laissée parles maçons, l’atteignit et essaya de voir à tra-vers la vitre dont elle était munie. Il ne vit queles ténèbres.

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Il eut une dernière hésitation, puis redes-cendit de son échelle et se dirigea vers la mu-raille occupant le fond du terrain où allait s’éle-ver la maison en construction. En quelques se-condes, il l’eut escaladée et se trouva dans lapetite cour de l’immeuble abritant le Garagedes Deux Amériques.

À sa droite, il distingua la porte de derrièredu garage. Il écouta encore, n’entendit rien, et,à l’aide de ses fausses clés, eut rapidement ou-vert le battant. Il le referma sur lui.

Il pressa alors le bouton de sa lampe élec-trique et vit qu’il se trouvait dans une petitepièce encombrée de caisses et de caissettes detoutes sortes. Sur une table, Fougeray, avec unfrémissement de joie, aperçut un écrou en ma-tière translucide, semblable à celui ramassé parle petit pâtissier.

Ainsi, il ne s’était pas trompé ! Jusqu’alors,il avait conservé un faible doute, n’osant croireà sa chance. Maintenant, il était rassuré.

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Face à la porte par laquelle il avait pénétrédans la pièce, il vit une autre ouverture paroù filtrait une faible lueur. Il s’y engagea et futdans le garage.

Une ampoule électrique, suspendue par sonfil au plafond, éclairait doucement le magasin.

Fougeray regarda autour de lui. Le garagen’était pas très garni : il contenait juste deuxautos : la grise, celle que le policier avait sui-vie, et une autre, plus grande, mais dont uneroue manquait et dont la carrosserie était dansun état de vétusté complet.

« Celle-là est ici pour garnir ! » pensa Fou-geray.

Des outils traînaient sur le sol, parmid’épaisses flaques d’huile. Dans un angle, plu-sieurs enveloppes de pneumatiques, éraillées,crevées, fendues, étaient empilées. Des af-fiches de grandes marques d’autos étaient ac-crochées le long des murailles lépreuses.

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Le Garage des Deux Amériques, vraiment, nepayait pas de mine !

D’un coup d’œil, Fougeray vit qu’il n’avaitrien à glaner d’intéressant de ce côté.

Mais, tout près de lui, un escalier tournant,qu’il n’avait pas vu tout d’abord, attira son at-tention. Il aboutissait à une sorte de boîte cu-bique, de 2 m 50 de côté, aménagée dans lahauteur du magasin et soutenue, d’un côté parla muraille, et, de l’autre, par deux colonnes defonte.

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L’on y accédait par une trappe aménagéedans le plancher, juste au-dessus de l’escalierde fer.

Fougeray recula de quelques pas et exami-na du regard l’étrange réduit. Il put voir qu’unede ses faces était percée d’une petite fenêtre àtravers laquelle il lui sembla distinguer la lueurd’une lampe.

« Ce doit être leur chambre à coucher ! »pensa-t-il.

Audacieusement, il gravit sans bruit lesmarches de fer et, arrivé sous la trappe, quiétait rabattue, crut entendre un ronflement. Ilredescendit et regagna la petite pièce qu’ilavait traversée avant d’entrer dans le garage.

Il en referma la porte sur lui, et le plusdoucement qu’il put, entreprit d’ouvrir une descaisses. Il y parvint sans difficulté et mit à dé-couvert des écrous, des bielles, des cylindresformant évidemment les parties d’un moteur etfaites avec la même matière translucide trou-

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vée aux alentours du cadavre de JacquesMilcent.

« Décidément leur compte est bon, à mesgentilshommes garagistes ! » pensa Fougerayen frémissant de joie.

Une seconde réflexion modéra son enthou-siasme !

Rien ne prouvait, somme toute, que lesdeux hommes fussent les assassins de JacquesMilcent et des autres disparus !… Il se pouvaitqu’ils ne fussent pas les seuls détenteurs del’étrange matière !

S’il en était ainsi, non seulement il n’y avaitrien de fait, mais encore l’arrestation manquéedes deux garagistes n’aboutirait qu’à donnerl’éveil aux criminels. Et lui, Fougeray, récolte-rait un blâme !…

Non ! Il fallait continuer les recherches jus-qu’à obtention d’une preuve indéniable de laculpabilité des propriétaires de l’auto grise…s’ils étaient coupables.

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Fougeray résolut de s’introduire dans la vil-la de Chaville, persuadé que, là, il trouverait lemot de l’énigme.

Toujours sans bruit, il se mit en devoir deremettre en place le couvercle de la caisse qu’ilavait ouverte, non sans avoir empoché un bou-lon, comme pièce à conviction.

Il avait presque terminé sa besogne lors-qu’il eut la sensation obscure, mais nette, qu’ilétait observé.

Il se retourna et pâlit.

Un homme était derrière lui, un revolverbraqué sur sa nuque, et le regardait ironique-ment.

Fougeray, saisi, reconnut le chauffeur del’auto grise.

— Continuez ! Continuez ! fit l’inconnuavec un fort accent anglais. Je vois, monsieur,que vous êtes un homme consciencieux, et jeme permets de vous en féliciter !…

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— Ne me faites pas de mal ! dit Fougeray enprenant un accent canaille. J’venais pour bar-boter quelque chose et j’ai rien trouvé !… J’allaism’défiler quand qu’vous êtes venu !

L’inconnu lui lança un coup d’œil sarcas-tique :

— Nous allons voir cela ! dit-il. Ho ! Basilio,mon ami ! Arrive et fouille un peu les pochesde ce gentleman !

Un second individu apparut. Celui-là mêmeque Fougeray, quelques heures auparavant,avait vu ramasser la caisse tombée de l’auto.

Il était revêtu d’un pyjama de satinetterouge qui lui donnait, dans la pénombre de lapetite pièce, un aspect diabolique.

Sans un mot, il explora les poches du po-licier et, en plus des instruments de cambrio-lage, y découvrit le browning et les deux bou-lons.

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— Vous vouliez conserver des souvenirs,hé ? fit l’homme au revolver. Très drôle !

« Eh bien, mon garçon, il est mauvais d’êtretrop curieux. Mais il est excellent de l’être mo-dérément. Ce qui est notre cas. Nous allonsdonc vous prier de satisfaire la nôtre, de curio-sité, et de nous dire qui vous êtes… si vous nevoulez pas subir un sort malencontreux… trèsmalencontreux !…

— Comme Bourfin, n’est-ce pas ? ne put s’em-pêcher de dire le policier, étourdiment.

— Yes, comme Bourfin. Il paraît que vous leconnaissez, hé ? Très bien !…

— Monsieur nous a vus, ce soir, je veuxdire hier soir, lorsque nous sommes allés là-bas ! s’écria le second individu. Je le recon-nais ! C’est lui que tu as manqué d’écraser,Dawes !

— Damn’d’ ! Mais oui ! C’est son visage !…grommela Dawes. Eh ! mon garçon ! Tu vas

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tout de suite nous dire comment et pourquoi tut’es introduit ici, tu entends, sinon…

— Voyons, Dawes ! intervint l’homme aupyjama rouge.

— Au diable, Basilio ! Je te l’ai dit, tu n’esqu’une poule mouillée ! Tu ne comprends pasqu’il est de la police et qu’il va nous perdre, sinous n’y mettons pas ordre ?

— Tu entends, l’homme ? Ton nom ? D’oùviens-tu ? Comment as-tu fait pour nous dé-couvrir ? Parle, by hell, ou bien, tu t’en irascomme les autres !…

— Voyons, Dawes ! En admettant qu’il soitde la police, qu’importe ? S’il avait une certi-tude, nous serions déjà arrêtés, et tu sais bienque nous n’avons rien à nous reprocher !… Il n’ya qu’à l’enfermer pendant quelque temps, jus-qu’à ce que nous ayons fait ce que nous avons àfaire… Ce ne sera pas long !…

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— Si je t’écoute, oui ! Mais tu connais monopinion ! Je veux faire ce dernier coup, que ce-la te plaise ou non !

— Mais tu vois bien que nous sommesépiés !… Cela fait le deuxième !…

— Je m’en moque ! Rien ne peut m’empê-cher d’en finir avec l’autre !… Et j’ai…

— Je te tuerai plutôt, entends-tu, Dawes !gronda l’homme au pyjama avec une intona-tion qui fit frémir son interlocuteur.

Dawes parut se calmer :

— C’est bien ! dit-il. Je ferai comme tu vou-dras ! Mais rappelle-toi, Basilio, que c’est notreprincipale vengeance que nous abandonnons !Et je ne parle pas des centaines de mille francsque…

— Nous sommes assez riches ! Et je te dé-dommagerais sur ma part, Dawes !… Il fautque je te quitte ! J’ai ta promesse que tu n’en-treprendras rien contre celui que tu sais ?

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— Tu l’as ! assura Dawes sans conviction.

— Merci ! Quant au prisonnier, laisse-le enpaix. Enferme-le simplement dans la cachetted’en bas. Dans quarante-huit heures, nous lerelâcherons et il fera ce qu’il voudra !

— Mais oui ! grommela Dawes, en haussantles épaules. En attendant, sois assez bon pourme le ligoter avant de t’en aller, tandis que jele tiens en respect !

Basilio, sans mot dire, alla prendre unmince câble de fer dans le garage.

Fougeray frissonna en constatant que cecâble était semblable à celui que l’on avait trouvéautour des chevilles des disparus…

En un clin d’œil, Basilio eut entravé solide-ment pieds et poings du prisonnier. Puis il dis-parut dans le garage.

Dawes, qui avait remis son revolver dans sapoche, alluma une courte pipe de bois et, en si-lence, se mit à fumer. Dix minutes ne s’étaient

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pas écoulées qu’un élégant gentleman enve-loppé d’une pelisse, des souliers vernis auxpieds, un chapeau haut-de-forme le coiffant,apparut dans la petite pièce. C’était Basilio.

Il échangea quelques mots à voix basseavec Dawes et sortit par la porte de la cour.

— À nous deux, maintenant ! grommelaDawes, dès qu’il fut seul avec le policier. Je nesuis pas un imbécile comme mon associé, moi !Et il va bien falloir que tu te confesses, mongarçon, si tu ne veux pas m’obliger à des extré-mités fâcheuses pour toi ! Tu entends ?

— Je n’ai rien à dire, sinon qu’il vaut mieuxpour vous me laisser en liberté, si vous nevoulez pas… commença Fougeray d’une voixferme. Car il ne comprenait que trop l’inutilitéde feindre davantage.

Dawes l’interrompit en haussant lesépaules.

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— Tu veux faire l’imbécile, mon garçon ?Comme tu voudras !… Nous allons voir cela !

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Il disparut dans le garage d’où il revint avecun grossier sac de jute.

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Le bandit devait être doué d’une force mus-culaire peu commune, car, sans effort appa-rent, il souleva Fougeray et l’introduisit dans lesac dont il attacha l’orifice sur lui.

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Fougeray se sentit soulever, emporter. Puis,brusquement il fut précipité sur un plancherqui craqua sous son poids.

Au-dessus de sa tête, il entendit un bruitsourd, puis plus rien.

Aux vagues lueurs qu’il avait entrevues àtravers l’épaisse étoffe du sac succéda l’obscu-rité complète. Et, peu après, Fougeray ressentit

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une lourdeur à la tête, une difficulté croissanteà respirer. Il se contorsionna, et, sous lui, detous côtés, à ses pieds, à sa tête, au-dessus delui, se sentit environné par une paroi de bois. Ilétait enfermé dans une caisse.

Un ronflement tout proche ébranla violem-ment sa prison et le fit tressaillir. Une secousseprojeta sa tête contre les planches qui l’entou-raient. Il sentit qu’il était entraîné.

Il comprit tout : Dawes l’avait tout simple-ment placé dans un coffre dissimulé sans doutesous la banquette de l’auto grise. Et mainte-nant, il l’emmenait, pour mieux le tenir à samerci.

Mais où ? Où ? Mais à la villa de Chaville,sûrement !

Fougeray, haletant, sentit qu’on manœu-vrait l’auto. Le véhicule avança doucement, re-cula, avança encore, stoppa. Puis, brusque-ment, il démarra et fila à toute allure.

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V

HENRI Fougeray ne s’était pas trompé, ainsiqu’il devait s’en rendre compte par la suite.

Après un pas de temps qu’il évalua à plu-sieurs heures, mais qui, en réalité, n’excédapoint quarante minutes, l’auto s’arrêta.

Fougeray, haletant, la sueur coulant dechaque pore de sa peau, la langue et la gorgesèches et brûlantes, vit soudain s’ouvrir la par-tie supérieure du coffre où il avait été enfermé.

À travers la toile du sac qui l’enserrait, unebouffée d’air frais parvint à ses poumons : ilrespira. Tout aussitôt, il se sentit saisir bruta-

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lement, soulever et rejeter en arrière. Dawesl’avait placé sur son épaule.

Il comprit que le mystérieux individu tra-versait le jardin en entendant des crissementsde sable et de gravier.

Dawes, car c’était lui, s’arrêta, le tempsd’ouvrir une porte, et, après quelques pas, gra-vit un escalier. Dix-neuf marches, exactement.Fougeray les compta. Il entendit l’homme qui

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le portait ouvrir plusieurs portes, et fut enfindéposé sans douceur sur un plancher.

Le sac qui l’enveloppait fut ouvert. EtDawes, ironique, le sortit du linceul de jute.

De ses yeux que la lumière faisait clignoter,Fougeray vit qu’il se trouvait dans une vastepièce dont les deux fenêtres étaient dissimu-lées par d’épais rideaux. Contre la muraille unsingulier objet était posé. C’était une sorte decylindre, long d’un peu moins d’un mètre etdont le diamètre atteignait environ trente cen-timètres. À sa base, un tuyau s’enroulait autourd’une spire hélicoïdale percée de trous enforme d’entonnoirs. Et la spire se terminait parun anneau auquel était attaché un long câbled’acier, semblable à celui qui ligotait le policier.

Mais les détails de l’étrange engin étaientdifficiles à saisir, car la machine tout entière,cylindre, tuyau, spires, était faite avec la ma-tière transparente dont on avait trouvé des dé-bris autour du cadavre de Jacques Milcent.

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Non loin de l’engin, une étagère de verreétait fixée au mur et supportait plusieurs fla-cons de cristal coloré, qui voisinaient avec uneboîte de fer-blanc.

Et c’était là, avec une table et deux chaisespaillées, tout l’ameublement de la pièce. Unegrosse ampoule électrique, suspendue au pla-fond, répandait une clarté crue ; le silence étaitcomplet.

Dawes, qui était revêtu d’un imperméabled’étoffe noire, s’en débarrassa en le jetant né-gligemment sur le plancher.

— Maintenant, mon garçon, tu es entière-ment à ma merci ! maugréa-t-il en se penchantvers Fougeray. Et je ne vais pas finasser avectoi !… Nous…

Le bandit s’interrompit pour prendre labouteille de cognac posée sur la table et se ver-ser un verre à bordeaux plein d’alcool. Il le but,fit claquer sa langue, et poursuivit :

— Non, je ne finasserai pas !…

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« C’est bien nous qui avons enlevé et en-voyé au diable les canailles qui ont été retrou-vées aux quatre coins du monde. Et c’est nousqui nous sommes débarrassés de ce chien depolicier, ton acolyte, qui était venu mettre lenez dans nos affaires. Nous l’avons raté, j’ai sucela, mais il n’en vaut guère mieux.

« Écoute-moi avec attention. Ou tu répon-dras d’une manière satisfaisante à mes ques-tions, et, dans ce cas, tu resteras trois ouquatre jours ici, le temps de nous mettre en sû-reté, ou bien tu te tairas.

« En ce cas, l’on te retrouvera, ou l’on nete retrouvera pas, dans quelque coin d’Europe,d’Afrique ou d’ailleurs, avec une corde aux che-villes. Comme les autres. Donc, tu… »

Dawes s’interrompit et tressaillit violem-ment. Pendant quelques secondes, Fougeray levit qui écoutait, l’œil fixe, toute son attentionconcentrée dans ses oreilles.

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— C’est lui ! maugréa-t-il en anglais, langueque le policier comprenait. Hell !

Il se dressa, et, précipitamment, souleva leprisonnier qu’il alla porter dans un placard fai-sant face aux fenêtres :

— Nous reprendrons cela tout à l’heure !siffla-t-il. C’est mon idiot d’associé !…

La porte fut refermée sur Fougeray qui setrouva dans l’obscurité. Presque aussitôt, il en-tendit un bruit de pas et ces mots, prononcéspar Dawes :

— Qu’est-ce que tu viens faire ici, Basilio ?

— Et toi, pourquoi y es-tu ? Je venais dé-truire notre dernière machine, afin que tu n’aiespas la tentation de t’en servir !

— Je m’en servirai ou ne m’en servirai pas,cela me regarde ! gronda Dawes. En tout cas,tu n’y toucheras pas !

Un court silence suivit. Fougeray, qui avaitdistingué un rai de lumière non loin de lui, se

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tordit dans ses liens et parvint à approcher sonœil de la lueur. Elle filtrait le long de l’arêteverticale de la porte du placard servant de pri-son au policier.

Fougeray, frémissant, distingua les deuxhommes debout, qui s’affrontaient dans une at-titude de défi et de menace. Basilio était revêtude sa pelisse. Il avait gardé sur la tête son cha-peau haut-de-forme et serrait ses poings gan-tés. Dawes, blême, les deux mains dans lespoches de son veston, une lueur féroce dansson œil bleu, guettait son associé.

— Écoute, Dawes, dit enfin Basilio d’unevoix serrée, tu sais que c’est grâce à moi quenous avons réussi à atteindre notre but, à nousvenger et à devenir riches. Nos ennemis sonttous morts…

— … À l’exception de ce chien de Guerald !Je…

— Tu sais que j’aime sa fille, que noussommes fiancés, que je t’ai offert un dédomma-

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gement… Voyons, Dawes, je ne puis laisser as-sassiner mon beau-père !

— Il ne l’est pas encore ! Et c’est moi qui mechargerai de la chose ! Tu n’as rien à y voir !Guerald m’a volé mon procédé de colorationdu verre… un procédé que l’on cherchait de-puis des siècles !… Il doit payer ! Toi, voyage,et reviens dans huit jours… Tout sera fini !

« Et, par surcroît, tu hériteras de ce voleur !Et ta conscience si délicate… ah ! ah ! n’aurarien à te reprocher !

— Si, car je saurai ! Et, puisque je peuxt’empêcher de commettre ce crime, je…

— Commettre ce crime ? Hé ? Ah ! ah ! ah !ah ! Et les autres ? Ce que tu appelais encore ily a huit jours des exécutions !… Dommage pourBernardeau, pour Milcent, pour Hencocq, Fes-quard et Gordier, qu’ils n’aient pas eu de fillesà marier, hé ? Et que nous ne nous trouvionspas en Turquie ! Tu les aurais toutes épousées,sans doute… mais elles n’auraient pas voulu

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de toi, car tu serais resté gueux, hé ? Si nousn’avions pas procédé à ce que tu appelais desexécutions et que tu nommes maintenant uncrime, tu serais toujours dans la misère… etmoi aussi !

« Laissons cela !… Guerald est un voleur etun faussaire : il doit mourir ! Voilà !

— Dawes ! gronda Basilio, avançant d’unpas.

— Quoi ? gouailla Dawes, provocant.

— Je ne supporterai pas…

— Tu supporteras ! Nous nous sommes as-sociés pour faire cela ! Si tu es devenu amou-reux comme un idiot, ce n’est pas de ma faute !Il fallait attendre quelques semaines de plus,et, aussi bien, Guerald aurait pu être notre pre-mier gibier ! Assez là-dessus !…

« C’est grâce aux renseignements que tu asrecueillis en fréquentant sa maison que je vaisréussir ! Dans quarante-huit heures, Guerald

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voguera comme les autres, et tu pourras allerconsoler la charmante Denise et lui demanderà combien se monte son héritage ! Je ne te de-manderai pas un cent…

— Dawes ! Tais-toi ! Je ne sais ce qui me re-tient de…

— Ne te gêne pas ! Les lâches et les imbé-ciles, je les méprise !… Va voir ta douce fille devoleur… Un beau parti, ma foi, et qui te…

— Ah ! misérable !

Tremblant, la gorge sèche, le sang battantses tempes, Fougeray vit Basilio se ruer surson « associé » et s’écrouler instantanément enpoussant un cri rauque : Dawes lui avait traî-treusement plongé dans la poitrine le couteauqu’il dissimulait dans sa poche.

— Je crois que tu partiras avant ton beau-père ! ricana-t-il en se penchant sur le corps desa victime.

Mais Basilio, d’un sursaut, se redressa.

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Prompt comme la foudre, il arracha le cou-teau planté entre ses côtes et, d’un revers fu-rieux, en trancha la gorge de son ennemi.

L’artère carotide sectionnée net, Dawess’affaissa parmi des flots de sang.

Pendant quelques instants, ses râles et ceuxde Basilio se répondirent dans le silence.

Fougeray avait tout vu, tout entendu.

D’un sursaut, il se mit debout, et, appelantà lui toutes ses forces, enfonça d’un furieuxcoup d’épaules la porte du placard. Son élan fut

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si violent qu’il alla s’étaler au dehors, dans lapièce.

— Vous… vous étiez là ? souffla Basilio,dressé sur son séant, les yeux hagards.

— Oui !… Je vais vous panser !… Mais ilfaut me délier ! Attendez ! Ne bougez pas ! Jevais m’approcher de vous !

Rampant sur le plancher, Fougeray eut ra-pidement rejoint Basilio contre qui il se plaça.

Le blessé, dont la pelisse était déjà touteraidie par le sang l’imbibant, sembla trouverde nouvelles forces pour débarrasser le policierdes liens d’acier qui l’entravaient.

Libéré, Fougeray s’agenouilla auprès de Ba-silo :

— Je vais vous panser… répéta-t-il. Où…

— Non. C’est inutile ! J’en ai pour quelquesminutes à peine. Il n’y a rien à faire !… Écou-tez-moi plutôt ! Et puissé-je avoir le temps

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de… tout vous dire !… Écoutez-moi !… Vousêtes de la police, n’est-ce pas ?

— Oui. Inspecteur Henri Fougeray ! fit so-brement le détective.

— Écoutez-moi… Je me nomme BasilioLarga !… J’étais… je suis ingénieur mécani-cien.

C’est moi qui ai inventé l’appareil que vousvoyez là !…

Et Basilio Larga, d’un geste las, désigna lebizarre cylindre qu’avait remarqué Fougeray.

— C’est une turbine aspiratrice, mue parl’électricité de l’air… Elle développe, sous unfaible volume, une énergie de plus de400 HP… Elle aspire l’air par un conduit situé àsa partie supérieure et, grâce à la réaction ain-si produite, peut s’élever à plusieurs milliers demètres dans l’atmosphère et enlever un poidsconsidérable. C’est une véritable fusée méca-nique. Nous…

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— Ah ! je comprends ! ne put s’empêcherd’interrompre Fougeray. Vous… vous attachiezles corps de vos victimes à votre appareil etles lanciez ainsi dans l’espace !… Mais, si votreturbine est faite d’un métal transparent, com-ment n’a-t-on pas vu les cadavres ?

— Nous… Nous enlevions nos ennemis,nous les assommions et, une fois qu’ils étaientinsensibles, nous leur injections dans lesveines un liquide inventé par mon… parCharles Dawes… qui est un chimiste extra-ordinaire… Ce liquide a pour effet de rendreles tissus cellulaires, quels qu’ils soient, per-méables aux rayons lumineux ! Et cela pendantplusieurs jours !… Vous comprenez ?

— Très bien ! assura Fougeray, haletant, carla voix de Basilio Larga devenait de plus enplus faible.

— Oui… reprit-il, en haletant, nous noussommes connus à Paris, dans un asile de nuit,

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moi et Dawes… Nous avions tous deux à nousplaindre des hommes !

« Lui, le banquier Bernardeau l’avait faitjouer à la Bourse et avait réussi, par des ma-nœuvres légales mais malhonnêtes, à lui volersa fortune entière, et l’avocat Milcent, auquelil s’était adressé pour se faire rendre justice,avait soi-disant égaré ses dossiers, mais, enréalité, les avait remis à Bernardeau… Et moi,qui avais déposé mes modèles de turbines àoxygène au ministère de la Marine, à Paris,j’avais eu la déception de les voir copiés parle fabricant d’automobiles Henri Gordier à quiM. Fesquard, par l’entremise du journalisteHencocq, les avait communiqués !… Vouscomprenez ?

« Moi et Dawes, nous avions été volés, du-pés, ruinés, et sans pouvoir rien faire !

« Nous unîmes nos efforts. Nos économi-sâmes quelque argent et je pus mettre au point

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mes inventions de la turbine aérienne et demon métal invisible !…

« Dawes, lui, inventa son sérum rendant lescellules perméables à la lumière…

« Et nous enlevâmes nos ennemis… nousleur prîmes leur argent, leurs dossiers. Nous lestransportâmes ici, ligotés et bâillonnés. Nousleur injectâmes le sérum inventé par Daweset nous les attachâmes, nus, par une corded’acier, à ma turbine aérienne qui les emportadans l’espace au gré des vents…

« À chaque turbine était fixée une bombe dedynamite munie d’un mouvement d’horlogeriequi devait, après un laps de temps donné, écla-ter et détruire les appareils, ce qui devait avoirpour résultat de précipiter les cadavres sur lesol. Il en fut ainsi… Vous le savez !…

« Votre collègue Bourfin eut le même sort ;mais, lui, nous négligeâmes de le tuer… Ouplutôt, ce fut moi qui reculai devant cet assas-

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sinat… Il ne m’avait rien fait, cet homme. Ilavait seulement accompli son devoir…

« Je le lançai dans l’atmosphère évanouiseulement… et il eut la chance de tomber dansles roseaux de la Seine… mais fou.

— Mais, pourquoi vous êtes-vous battuavec votre… associé ? demanda Fougeray, sieffaré qu’il en oubliait l’état de son interlocu-teur.

— Parce que nous devions nous venger dudernier de nos… spoliateurs… de M. Guerald,fabricant de vitraux, qui avait volé… oui… vo-lé… à Dawes, son procédé de coloration duverre… un procédé unique qui a fait la fortuneet la renommée de Guerald…

« Seulement, moi, qui m’étais fait présenterau verrier pour préparer son enlèvement, jem’épris de sa fille… Elle m’aima. Nous devionsnous marier… et c’est pourquoi je suppliaiDawes d’épargner Guerald… Il refusa… nous

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nous battîmes… Oui !… et il est mort, et je vaismourir moi-même…

« Voulez-vous me passer cette fiole… deverre… qui est dans… le placard ?… Ellecontient un cordial… car j’ai encore des révéla-tions à vous faire !… Sur la planche, à gauche !

— Mais oui !

Et Fougeray s’élança vers le placard où ilprit un petit flacon de verre opaque, bouchépar une capsule de cuivre.

— Voulez-vous que je vous l’ouvre ? de-manda-t-il au blessé.

— Non ! refusa Larga, d’une voix faible.Donnez !

Il saisit la fiole et, se redressant, l’œil lui-sant, la projeta, d’un suprême effort, sur laturbine aérienne accotée contre la muraille, àquelques pas de lui.

Une explosion sourde et violente retentit,cependant que, de toutes parts, des débris de

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plâtre et de tuiles jaillissaient. Le flacon étaitrempli de nitro-glycérine.

… Atteint à la tête par un éclat de brique,Henri Fougeray fut retrouvé évanoui, dans lesdécombres de la villa. Basilio Larga était mort.Et, des merveilleuses inventions, il ne restaitrien. L’explosion avait pulvérisé la turbine aé-rienne aussi bien que les flacons contenant les

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Et lorsque Fougeray, revenu à lui, – il n’étaitque légèrement blessé, – fit connaître les révé-lations de Basilio Larga, ni le public, ni les sa-vants, ne le crurent. On traita son récit de ro-man.

Et, encore maintenant, il n’existe pas desolution officielle au mystère des cinq dispa-ritions. Fougeray n’a reçu ni gratification, niavancement…

Le vrai peut quelquefois n’être pas vraisem-blable.

FIN.

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Rien…

sérums rendant les corps perméables à la lu-mière…

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Ce livre numérique

a été édité par la

bibliothèque numérique romande

https://ebooks-bnr.com/

en mars 2019.

— Élaboration :

Ont participé à l’élaboration de ce livre nu-mérique : B. L., Isabelle, Yves B., Françoise.

— Sources :

Ce livre numérique est réalisé principale-ment d’après : José Moselli, La Corde d’Acier,in Sciences et Voyages, n° 107 à 110, Paris, So-ciété parisienne d’édition, du 15 septembre au

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6 octobre 1921. D’autres éditions ont pu êtreconsultées en vue de l’établissement du pré-sent texte. La photo de première page, CocoSteel Cable damaged, a été prise par ErnestoGenis en avril 1999. La maquette est de LauraBarr-Wells.

— Dispositions :

Ce livre numérique – basé sur un texte librede droit – est à votre disposition. Vous pouvezl’utiliser librement, sans le modifier, mais vousne pouvez en utiliser la partie d’édition spéci-fique (notes de la BNR, présentation éditeur,photos et maquettes, etc.) à des fins commer-ciales et professionnelles sans l’autorisation dela Bibliothèque numérique romande. Mercid’en indiquer la source en cas de reproduction.Tout lien vers notre site est bienvenu…

— Qualité :

Nous sommes des bénévoles, passionnésde littérature. Nous faisons de notre mieuxmais cette édition peut toutefois être entachée

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d’erreurs et l’intégrité parfaite du texte par rap-port à l’original n’est pas garantie. Nos moyenssont limités et votre aide nous est indispen-sable ! Aidez-nous à réaliser ces livres et àles faire connaître…

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1 Au diable !

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Table des matières

IIIIIIIVVCe livre numérique