LA CORROSION DES MÉTAUX - medias.dunod.commedias.dunod.com/document/9782100705467/Feuilletage.pdf · Ce livre, abondamment illustré d’exemples, est de ceux-là même qui incite

Embed Size (px)

Citation preview

  • LA CORROSION DES MTAUX

  • Bernard Baroux

    LA CORROSION DES MTAUXPassivit et corrosion localise

    Prfaces de Yves Brchet et de Jacques Charles

  • Dunod, Paris, 2014ISBN 978-2-10-070546-7

  • Prface de Yves BrchetMembre de lAcadmie des sciences,

    Haut commissaire lnergie atomique

    La corrosion est la mauvaise conscience du mtallurgiste, le prix payer pour ce gaz d lectrons libres qui assure la cohsion mtallique et les proprits attrac-tives des mtaux.

    Concevoir une pice revient non seulement assurer des proprits d usage, mais encore garantir une dure d utilisation. Cette dure de vie est souvent li-mite par les interactions avec l environnement chimique, d o l importance de la corrosion dans des domaines aussi varis que l automobile, l aronautique, le nuclaire, le gnie chimique ou le gnie civil. On pourrait crire un trait de cor-rosion partir des situations dans lesquels le phnomne est d une importance centrale, et Bernard Baroux, un de nos meilleurs spcialistes du domaine et un des rares qui ait une vision comparative des diffrents matriaux et une double culture industrielle et acadmique, aurait parfaitement pu faire ce choix

    Mais comme le disait Voltaire, Le secret d ennuyer est celui de tout dire, et en bon enseignant, Bernard Baroux prfre aider retrouver plutt que forcer retenir. Il a donc choisi de revenir aux mcanismes de base pour en donner une prsentation clairante et structure. C est clairement la bonne approche pour qui veut inventer, aussi bien du point de vue acadmique que du point de vue applicatif. C est aussi celle qui permet des fertilisations croises entre disciplines.

    Trop souvent les mtallurgistes et les corrosionnistes s ignorent mutuelle-ment. Les uns considrent la corrosion comme une plaie qui demande certes un remde, mais un remde que l on apporte par une protection a posteriori ou une mfiance a priori. Les autres sont persuads que l on a tout dit d un alliage quand on a donn sa composition et de sa tenue la corrosion quand on a spcifi le milieu. Et chacun campe sur ses positions. L importance indus-trielle de la question a en quelque sorte, quelque peu retard l mergence d une science des matriaux en ambiance corrosive qui traiterait conjointement de la microstructure et des mcanismes de corrosion pour dvelopper de nouveaux alliages, avec de nouvelles microstructures qui soient mieux adapts aux envi-ronnements chimiquement agressifs se surimposant aux autres contraintes de

    V

    D

    unod

    - To

    ute

    repr

    oduc

    tion

    non

    auto

    rise

    est

    un

    dlit

    .

  • fonctionnement. Tout comme dans le cas d un autre Yalta des matriaux, le frottement et l usure, la ncessit de qualifier les matriaux, a trop souvent pris le pas sur le besoin de comprendre les mcanismes . L une est indis-pensable la mise en uvre des matriaux disponibles, l autre est ncessaire pour dvelopper les matriaux innovants. On ne peut que se rjouir d avoir vu merger depuis quelques annes une communaut scientifique dynamique qui s est saisie de cette ncessit de rapprocher mtallurgie et lectrochimie et qui se reconnaitra dans cet ouvrage.

    En apportant une prsentation claire et concises des concepts de base (acidobasi-cit et ractions lectrochimiques, couche passive, bicouches lectriques, cran-tage de Debye-Huckel, etc.) s appuyant exclusivement sur la thermodynamique et la physicochimie qui sont, ou devraient tre, le socle commun de toute forma-tion dans le domaine des matriaux, Bernard Baroux fait uvre de passeur. Dcoulent tout naturellement les notions de stabilit des couches passives, les cintiques de dissolution de Butler-Volmer, les diagrammes de Pourbaix, etc. La distinction entre les aspects thermodynamiques et les aspects cintiques devient transparente, le rle du pH ou des ions Chlore, ou encore le courant de passiva-tion, cessent de relever de la magie noire pour le mtallurgiste. Inversement, le cours compact et efficace sur la mtallurgie des aciers inoxydables et la gense de leur microstructure, directement intgr dans le chapitre sur la passivit rendent moins sibyllin pour l lectrochimiste les arcanes de la mtallurgie et le rle des joints de grains et des inclusions dans la corrosion localise.

    Ce livre, abondamment illustr d exemples, est de ceux-l mme qui incite regarder en dehors des chemins battus, il plaira aux corrosionnistes qui aime-raient mieux comprendre la mtallurgie, et aux mtallurgistes qui souhaiteraient entrer en corrosion. Il plaira tous ceux pour qui il n est pas indispensable d tre inutile pour tre fondamental. Il arrive point nomm au moment o les exigences accrues des cahiers des charges, en termes de dimensionnement et de durabilit, donnent un avantage majeur ceux qui sauront concevoir des alliages innovants sur ceux qui se contenteront de reconduire les solutions prouves.

    Yves Brchet

    VI

    Prface de Yves Brchet

  • Prface de Jacques CharlesSocit APERAM, Directeur gnral en charge de linnovation,

    de la recherche et du dveloppement

    La corrosion sous toutes ses formes constitue un enjeu majeur pour nos civilisa-tions industrielles pour plusieurs raisons. Son impact conomique, prenant en compte le cot engendr par les dgradations et le remplacement des quipe-ments hors d usage, a t valu 3% du PIB. En outre, la matrise des proces-sus de dgradation des matriaux permet de rduire significativement les cots d entretien des installations. Par ailleurs, les consquences directes ou indirectes de la corrosion peuvent impacter durablement notre environnement et notre sant. Par exemple, les consquences de la rupture de composants dans les in-dustries ptrole/gaz, ou dans les installations chimiques, ont malheureusement aliment maintes reprises les rubriques dommages majeurs de notre co-systme plantaire. Plus proche de chacun, nos ustensiles de cuisson doivent tre conus pour viter des relargages d lments pouvant influer sur notre sant. Enfin, la rsistance la corrosion est devenue un impratif pour le dveloppe-ment de la plupart des technologies nouvelles.

    La protection des mtaux et alliages contre la corrosion peut se faire en suivant plusieurs approches:

    optimisation de la slection des matriaux, dans une offre de nuances tou-jours plus vaste;

    protection cathodique ou usage d anodes sacrificielles (protection galva-nique, galvanisation);

    introduction de barrires de protection: peintures, revtements organiques ou inorganiques dposs, ou plus simplement;

    passivation directe du matriau par son environnement.

    C est sur cette dernire approche que cet ouvrage met principalement l accent. Pour certaines conditions en service, certains matriaux (comme les aciers inoxy-dables) ont la facult de crer l interface mtal solution, une couche ultramince dite passivante, qui limite considrablement la dissolution ultrieure du mtal, le rendant quasi insensible la corrosion. De surcroit, dans les conditions optimales

    VII

    D

    unod

    - To

    ute

    repr

    oduc

    tion

    non

    auto

    rise

    est

    un

    dlit

    .

  • d emploi, cette couche est capable de se reconstituer en cas d endommagement sous l effet d une agression externe, par exemple de nature mcanique. On com-prend tout l intrt que reprsente la raction de passivation pour un ingnieur et la ncessit d en maitriser les mcanismes.

    Malgr son importance, l approche scientifique de ces mcanismes a cependant t trop souvent nglige par le monde industriel, la corrosion ayant bien long-temps t considre comme un mal ncessaire ou, au mieux, un art rserv quelques initis. Ce n est qu avec le dveloppement d outils d investigations performants, d analyse microscopique des mtaux et de leurs surfaces ainsi que des techniques lectrochimiques d tude du comportement des matriaux im-mergs en solution corrosive, que cette approche a t rendue possible. L tude de la tenue la corrosion des mtaux et alliages est alors passe d une approche empirique une approche scientifique, prenant en compte la comprhension fine des mcanismes, la lumire des progrs raliss dans la connaissance physico- chimique des matriaux et leur examen l chelle atomique.

    C est dans cet esprit, en conjuguant mtallurgie et lectrochimie, que l auteur a construit la majorit de sa carrire industrielle et scientifique. Le refus de l ac-ceptation de recettes, et au contraire, la volont (certains disent la rage) de la re-cherche du pourquoi et du comment le caractrisent. cette fin, il n a pas hsit dvelopper des techniques exprimentales nouvelles et tudier les synergies potentielles nes des additions combines de plusieurs lments d alliages dans les aciers inoxydables. Il a galement tudi l impact sur la tenue la corro-sion, non seulement du film passivant, mais aussi de la structure sous-jacente de l alliage (crouissage, recristallisation, joints de grains, inclusions). Sa carrire dbute comme chercheur industriel en charge de la mtallurgie, puis de la tenue la corrosion, au centre de recherches d Ugine, et se poursuit ensuite comme professeur l Institut National polytechnique de Grenoble. Ce double parcours l a conduit participer activement au dveloppement de nuances inoxydables performantes et dvelopper des thories scientifiques expliquant les mca-nismes de dgradation possibles, plus particulirement en corrosion localise, pour enfin enseigner sa comprhension de ces mcanismes aux lves ing-nieurs. C est donc une approche globale, intgrant la comprhension des routes mtallurgiques pour la production d aciers inoxydables industriels, l exprience de cas de corrosion rencontrs par les utilisateurs, l exprimentation de labora-toire et la modlisation des processus de corrosion qui caractrisent le chemine-ment professionnel de Bernard Baroux.

    Sa vivacit a toujours t reconnue dans les confrences scientifiques, dans les dbats techniques anims au sein de l entreprise ou lors des changes avec ses confrres acadmiques.

    VIII

    Prface de Jacques Charles

  • Dans cet ouvrage, il vite le pige d un catalogue de recommandations, de grilles de choix de nuances pour des applications varies, mais se concentre sur une description aussi complte que possible, plus particulirement (mais pas exclusi-vement) des mthodes lectrochimiques de dtermination de la tenue la corro-sion localise en milieu aqueux. Le lecteur ne trouvera donc pas de solution toute faite pour la slection d un matriau pour une application spcifique, mais tous les lments pour l aider dvelopper un raisonnement rigoureux et, si besoin, conduire un protocole d exprience pour valider ses choix. Ce livre contient en outre des astuces, des conseils pratiques que seul un scientifique d exprience doubl d un ingnieur peut communiquer.

    Je terminerai en disant que ce livre est bien dans le caractre de Bernard: surtout ne pas rendre la vie de son lecteur faussement facile en dclinant des vrits ou des solutions inamovibles appliquer sans rflexion, mais plutt lui propo-ser les outils appropris pour formuler ses choix tout en l aidant dcouvrir la complexit des mcanismes en jeu. Merci donc l ami qui a eu l nergie et la volont de partager son exprience avec ceux qui ont la tche parfois ingrate de slectionner des matriaux pour des applications spcifiques.

    Jacques Charles

    IX

    Prface de Jacques Charles

    D

    unod

    - To

    ute

    repr

    oduc

    tion

    non

    auto

    rise

    est

    un

    dlit

    .

  • Table des matires

    Prface de Yves Brchet V

    Prface de Jacques Charles VII

    Avertissement de lauteur XV

    Principales notations introduites XVII

    A

    La corrosion aqueuse des mtaux et alliages

    Chapitre 1 : Les phnomnes de corrosion 3

    1.1 La corrosion des mtaux 3

    1.2 Les diverses manifestations de la corrosion 4

    1.3 Exemple dun acier inoxydable 8

    1.4 Impact des phnomnes de corrosion 9

    Chapitre 2 : Proprits des mtaux 11

    2.1 Ltat mtallique 11

    2.2 Combinaison dun mtal avec loxygne 14

    2.3 Consquences pour lhistoire de la mtallurgie et paradoxe de la passivit 17

    Chapitre 3 : Proprits de leau 21

    3.1 La nature de leau 21

    3.2 Leau est une molcule polaire 22

    3.3 Acidobasicit de Bronsted 24

    3.4 Oxydorduction et stabilit de leau 25

    XI

    D

    unod

    - To

    ute

    repr

    oduc

    tion

    non

    auto

    rise

    est

    un

    dlit

    .

  • Chapitre 4 : Interactions mtal-eau 27

    4.1 Acidobasicit de Lewis 27

    4.2 Adsorption et dcomposition de leau en surface dun mtal 28

    4.3 Corrosion et passivation aqueuse 29

    4.4 Corrosion par voie chlorure et inhibition 32

    Chapitre 5 : Passivit 35

    5.1 Dveloppement dun film passif 35

    5.2 Comportement en milieux acide ou chlorur 37

    5.3 Films passifs sur aciers inoxydables 39

    Mieux comprendre pour mieux agir 43

    B

    lectrochimie de la corrosion

    Chapitre 6 : Nature lectrochimique des phnomnes de corrosion 49

    6.1 Linterface lectrifie 49

    6.2 La double couche lectrochimique 52

    6.3 Ractions dlectrode 56

    Chapitre 7 : Thermodynamique des ractions lectrochimiques 63

    7.1 Potentiels lectrochimiques 63

    7.2 Transferts lectroniques 66

    7.3 Ractions de corrosion 71

    7.4 Adsorption 76

    XII

    Corrosion des mtaux

  • Chapitre 8 : Cintique des ractions de corrosion 79

    8.1 Gnralits 79

    8.2 Loi de Butler-Volmer 86

    8.3 Dissolution anodique contrle par activation 89

    8.4 Ractions cathodiques contrles par activation 90

    8.5 Contrle diffusionnel 92

    8.6 Impdances lectrochimiques 96

    Chapitre 9 : Effets galvaniques 105

    9.1 Effet dune source de courant extrieure 105

    9.2 Couplages galvaniques 106

    9.3 Corrosion et protection galvaniques 110

    9.4 Localisation de la corrosion 114

    C

    Passivit et rupture de la passivit

    Chapitre 10 : Le phnomne de passivit 119

    10.1 Quest-ce que la passivit? 119

    10.2 La raction de passivation 127

    10.3 Rupture de la passivit 131

    Chapitre 11 : Physique des films passifs 139

    11.1 Croissance des films passifs 140

    11.2 Dfauts ponctuels 144

    11.3 Les lectrons dans le film 149

    11.4 Rpartition des charges et potentiels 160

    Chapitre 12 : Les aciers inoxydables 165

    12.1 Mtallurgie 165

    12.2 Comportement en milieux acides 175

    12.3 Comportement en milieux chlorurs 187

    12.4 Les films passifs daciers inoxydables 192XIII

    Table des matires

    D

    unod

    - To

    ute

    repr

    oduc

    tion

    non

    auto

    rise

    est

    un

    dlit

    .

  • D

    La corrosion localise

    Chapitre 13 : Les phnomnes de corrosion localise 201

    13.1 Manifestations 201

    13.2 Caractres communs aux diffrents modes de corrosion localise 202

    13.3 Classification des modes de corrosion localise 205

    13.4 Leffet des contraintes 207

    Chapitre 14 : La corrosion par piqre 213

    14.1 Phnomnologie 213

    14.2 Critres de qualit et slection des matriaux 216

    14.3 Mcanismes 220

    14.4 Comportements transitoires (cas des aciers inoxydables) 227

    14.5 Corrosion et probabilits 235

    Chapitre 15 : La corrosion caverneuse 241

    15.1 Phnomnologie 241

    15.2 Mcanismes lmentaires 245

    15.3 Mthodes dtude, prvention, comportement des matriaux 252

    15.4 Phnomnes apparents la corrosion caverneuse 258

    Chapitre 16 : Corrosion et mtallurgie 263

    16.1 Corrosion intergranulaire 263

    16.2 Effet des inclusions sur la rsistance la piqration 272

    16.3 Effet de la transformation froid 281

    Pour conclure 287

    Bibliographie 289

    Index 293

    XIV

    Corrosion des mtaux

  • Avertissement de lauteur

    Cet ouvrage reprend en partie un enseignement dispens entre 1988 et 2011 l Institut National Polytechnique de Grenoble, l cole devenue maintenant Phelma et en deuxime anne du Master Science et gnie des matriaux de cet institut. Cet enseignement avait pour objectif de prsenter les concepts ncessaires la comprhension des phnomnes de corrosion et de passivit des alliages mtalliques, en s appuyant la fois sur des travaux de recherche acad-mique et une exprience industrielle de longue dure. Il s adresse des tudiants en fin d tude ou des ingnieurs non spcialistes des questions de corrosion, mais souhaitant le devenir. Il n ambitionne pas de se positionner la pointe de la recherche, bien qu il y fasse frquemment rfrence, et reste d abord guid par un souci pdagogique, donc simplificateur. Plus prcisment il n entend sacrifier ni l aspect scientifique le plus avanc ni le questionnement de l ingnieur qui utilise et conoit les matriaux de demain.

    S adresser des ingnieurs n implique pas que l on abandonne toute proccupa-tion acadmique, bien au contraire et cet ouvrage n est pas un manuel pratique. Il cherche remonter aux sources des mcanismes de corrosion, les exemples industriels tant considrs comme un moyen pour amener le lecteur au seuil de concepts moins frquents. Ces exemples seront le plus souvent choisis dans le domaine de connaissance privilgi de l auteur, celui des aciers inoxydables. Nous rfutons l ide suivant laquelle un ouvrage devrait tre, soit principale-ment thorique, soit principalement pratique et souhaitons prsenter cte cte les approches abstraites et les exemples concrets.

    S il est maintenant bien accept que la corrosion soit un phnomne de nature lectrochimique, le praticien est le plus souvent confront des problmes rela-tifs aux matriaux qu il utilise. L lectrochimie est pour lui un moyen d tude, la durabilit du matriau tant la nature mme de sa proccupation. J avais cou-tume de dire mes tudiants qu un corrosioniste devait tre la fois lectrochi-miste et mtallurgiste. Cette convergence est rare et c est l un des objectifs de notre enseignement de la promouvoir.

    Cet ouvrage n a pas la prtention d aborder l ensemble des problmes de cor-rosion et des mthodes de protection dveloppes pour y faire face, bien que

    XV

    D

    unod

    - To

    ute

    repr

    oduc

    tion

    non

    auto

    rise

    est

    un

    dlit

    .

  • les notions ncessaires soient prsentes dans les deux premires parties: La corrosion aqueuse des mtaux et alliages et lectrochimie de la corrosion. La troisime partie, Passivit et rupture de la passivit , est consacre aux mtaux et alliages passivables, et en particulier aux aciers inoxydables, quelques rfrences tant faites en tant que besoin aux alliages d aluminium ou de Zirco-nium. La dernire partie, Corrosion localise, en est le prolongement naturel pour l ingnieur, qui doit veiller l intgrit de cette passivit, y compris (et sur-tout) en milieu corrosif. C est pourquoi, il est principalement construit partir d exemples, dont certains ont dj t publis mais d autres sont indits.

    Sur des nombreux points dont l expos sortirait du cadre que nous nous sommes fixs, nous renvoyons le lecteur la littrature scientifique et technique dispo-nible, en particulier un ouvrage collectif faisant actuellement rfrence1. Cer-tains approfondissements thoriques seront par ailleurs proposs ultrieurement sous forme d annexes consultables par Internet.

    1. Corrosion mechanisms in theory and practice, CRC Press, 2012, 3rd edition, ed. by Ph. Marcus.

    XVI

    Avertissement de lauteur

  • Principales notations introduites

    An : anion de valence n. Par exemple Cl pour un ion chlorure

    Kn+ : cation de valence n. Par exemple Na+ pour le sodium

    Mn+ : cation d un mtal de valence n. Par exemple Al3+ pour l aluminium

    M2+: cation d un mtal divalent M. Par exemple Fe3+ pour le fer divalent

    e ou e: symbole d un lectron dans le mtal

    V02+ : lacune d oxygne (charge positivement) dans un oxyde

    VMn : lacune mtallique (charge ngativement) dans un oxyde d un mtal de

    valence n

    VM2: lacune mtallique dans un oxyde d un mtal divalent

    H+ : symbole du proton. En solution aqueuse, n existe pas comme espce chimique indpendante mais est port par la molcule d eau H2O ou l ion hy-dronium H30

    +

    KW =1014 (mol/l): constante de dissociation de l eau 23C sous 1 bar

    0 = 109

    36 = constante dilectrique du vide dans le systme d unit international

    =0 . r =constante dilectrique absolue d un milieu, r tant la constante rela-tive

    1 Debye =moment d un diple form par deux charges de signes opposs gales la charge de l lectron et places 0,2 nm l une de l autre

    Charge de l lectron: q = 1,6 . 1019 Cb

    T = Temprature (en kelvin)

    kB = Constante de Boltzmann (parfois note simplement k): kB = 1,38 . 1023 J/K

    temprature ambiante (23C): T = 296K et kBT 25,5 meV

    XVII

    D

    unod

    - To

    ute

    repr

    oduc

    tion

    non

    auto

    rise

    est

    un

    dlit

    .

  • Nombre d Avogadro: N = 6,025 . 1026

    1Faraday = 1Nq 96400 Cb

    Constante des gaz parfaits R = N . kB = 8,31 J/K

    XVIII

    Principales notations introduites

  • ALA CORROSION AQUEUSE DES MTAUX ET ALLIAGES

  • 1Lhistoire du progrs technique repose en grande partie sur celle des connaissances accumules en science des matriaux, depuis les ges de la pierre jusqu la priode moderne, en passant par la dcou-verte et la mise en uvre des diffrents mtaux puis, plus tard, de leurs alliages. Leurs proprits mcaniques et leur plus ou moins grande facilit de mise en uvre, depuis le minerai jusquau pro-duit fini, sont lorigine de la plupart de nos ralisations techniques. lre industrielle, le dveloppement des industries mcaniques et des grands complexes de production leur ont fait jouer un rle es-sentiel et particulirement visible. Dans lre post-industrielle que nous vivons ils restent universellement prsents, tant dans les appa-reillages que nous utilisons quotidiennement que dans lindustrie, le transport, le secteur agroalimentaire, et mme llectronique et les nouvelles technologies.

    Les phnomnes de corrosion

    1.1 La corrosion des mtauxIl est malheureusement une proprit des mtaux qui, sans en limiter l emploi de faon rdhibitoire, demande une attention particulire: il s agit de leur plus ou moins grande rsistance la corrosion. Nous parlons ici de la corrosion en milieu aqueux, ou tout au moins humide, en mettant de ct ce que l on appelle communment oxydation chaud ou oxydation haute temprature (c est--dire une temprature suprieure la temprature d bullition de l eau). Nous nous concentrerons donc sur la corrosion aqueuse des mtaux (et de leurs alliages) telle qu elle peut tre constate dans le domaine de temprature o l eau liquide est stable, c est--dire de 0 100C pression atmosphrique standard. Nous tendrons notre intrt aux solutions aqueuses dilues plus ou moins acides, contenant en solution des cations et des anions, ainsi que des gaz dissous (tels que l oxygne) en quilibre ou non avec l atmosphre. Remarquons ce propos que, contrairement une ide reue, la corrosion atmosphrique

    A

    La c

    orro

    sion

    aq

    ueus

    e d

    es m

    tau

    x et

    alli

    ages

    3

    D

    unod

    - To

    ute

    repr

    oduc

    tion

    non

    auto

    rise

    est

    un

    dlit

    .

  • sous nos climats temprs n est pas une oxydation sche par l oxygne de l air, mme si comme on le verra plus loin l oxygne joue un rle essentiel dans le processus de corrosion, mais une corrosion aqueuse dans le mince film d eau condens la surface des mtaux.

    Nous nous intresserons non seulement aux mtaux purs, assez rares dans la vie industrielle, mais aussi leurs alliages, dont la composition est ajuste pour en optimiser les proprits d emploi, voire leur facilit d laboration et de mise en uvre. Nous nous focaliserons particulirement sur les aciers et, parmi eux, les aciers inoxydables [1] (alliages de Fer, contenant galement du Chrome en quantit notable, ainsi que divers autres lments). La prsence de Cr amliore drastiquement la rsistance la corrosion des aciers, tout en conservant leur excellent niveau de caractristiques mcaniques, faisant ainsi des aciers inoxy-dables des matriaux de choix de choix pour les milieux svres, ou simplement lorsque le critre de durabilit justifie un investissement initial supplmentaire permettant de diminuer ensuite les frais de maintenance d une installation.

    La corrosion est un phnomne irrversible qui rsulte d un principe fondamen-tal de la thermodynamique, suivant lequel un systme matriel isol tend toujours vers un tat d entropie maximale. Applique un systme temprature et pres-sion constantes, cette loi se traduit par la tendance du systme rejoindre un tat d enthalpie libre minimale. Ainsi, en prsence d eau, un atome mtallique tendra toujours se dissocier en son cation (si celui-ci peut passer en solution dans l eau environnante) et ses lectrons priphriques (si ceux-ci peuvent tre capts par un accepteur d lectron prsent dans l environnement). Chimiquement, ce pas-sage du mtal de l tat atomique l tat de cation est une oxydation1.

    1.2 Les diverses manifestations de la corrosionDans la pratique, la corrosion d un mtal peut se manifester de deux faons trs diffrentes, ou tout au moins nous pouvons la percevoir sous deux angles trs diffrents. Nous verrons ci-aprs que ces deux perceptions refltent en ralit le mme phnomne.

    La premire perception est celle que nous pouvons avoir en immergeant un chantillon de mtal dans une solution aqueuse trs agressive, par exemple de l acide sulfurique 1 mol/l ou plus. Si le rcipient est assez grand et la quantit

    1 . Par dfinition, un transfert complet d lectrons d une espce chimique une autre est appel oxydation. L espce acceptrice est dite oxydante et l espce donneuse rductrice. L oxygne tant l oxydant le plus connu, il a ensuite donn son nom tous les autres. La raction inverse est appele rduction. L ensemble des ractions d oxydation et de rduction dcrit l essentiel des phnomnes de corrosion.

    4

    Les phnomnes de corrosion

  • d acide suffisante par rapport la taille de l chantillon, nous observons qu au bout d un certain temps (quelques heures si l chantillon est petit) le mtal a disparu, ou plus exactement s est dissous dans la solution acide, qui s est simple-ment un peu obscurcie, du fait de la prsence des cations mtalliques en quantit plus ou moins importante. Cette dissolution n est pas une simple dissolution physico-chimique, comme celle d un sucre dans un verre d eau par exemple, mais une dissolution lectrochimique, qui implique une production d lec-trons. Si le mtal est divalent (ce qui est le cas du Fer et du Nickel par exemple) la raction qui s est produite s crit globalement:

    M M2+ + 2e (1.1)

    Cette raction est le rsultat de ractions lmentaires plus simples, mais la forme globale (1.1) est suffisante pour en dgager le rle essentiel. Globalement, le cation M 2+ est pass en solution dans le liquide, vraisemblablement sous forme hydrate. Chimiquement il s agit d une perte d lectrons, c est--dire une oxy-dation. Pour des raisons qui seront dtailles dans la partie B, on dit aussi qu il s agit d une dissolution anodique galement appele oxydation anodique.

    Pendant l immersion qui conduit la dissolution anodique, on observe un dga-gement continu de bulles de gaz qui viennent s chapper la surface du liquide. Ce gaz est de l hydrogne, rsultat de la recombinaison des lectrons avec les protons contenus dans l acide. Chimiquement, il s agit d une raction de rduc-tion (gain d lectrons) des protons de l acide sulfurique, que l on dsigne sous le nom de rduction cathodique. D autres lments que le proton peuvent tre rduits, par exemple le dioxygne ventuellement prsent en solution. Rac-tions anodique et cathodique se poursuivent ainsi jusqu ce que l chantillon mtallique soit entirement dissous. Cela illustre bien la nature lectrochimique du processus de corrosion, qui est constitu de deux ractions simultanes: la dissolution anodique du mtal et la rduction cathodique d un oxydant pr-sent en solution.

    La seconde perception de la corrosion, la plus courante dans la vie de tous les jours, est l apparition de rouille sur des objets mtalliques divers ayant long-temps sjourn dans l eau ou t exposs l humidit, particulirement dans des environnements agressifs, comme certains milieux industriels, le milieu marin, les routes de montagne en hiver cause de la prsence de sels de dneige-ment, etc. Si cet objet est en fer ou en alliage de fer, la rouille est principalement constitue d oxyde de fer, de couleur rougetre. La figure1.1a reprsente une lame de couteau de plonge non emmanche en acier dit inoxydable, aprs un test d immersions alternes rptes dans une solution aqueuse de chlorure

    A

    La c

    orro

    sion

    aq

    ueus

    e d

    es m

    tau

    x et

    alli

    ages

    5

    1.2 Les diverses manifestations de la corrosion

    D

    unod

    - To

    ute

    repr

    oduc

    tion

    non

    auto

    rise

    est

    un

    dlit

    .

  • de sodium. On observe la prsence de rouille en divers endroits de la lame, soit en position quelconque sur sa surface, soit plus spcifiquement sur les stries pratiques sur le tranchant pour de la lame pour faire office de scie. Cette obser-vation nous renvoie deux ralits:

    La corrosion observe hors des stries de sciage est d origine mtallurgique. L acier considr est du type Fe 12% Cr, c est--dire martensitique [1]. Pour lui confrer la duret ncessaire, on lui a fait subir un traitement de trempe suivi d un revenu dit de dtente vers 300C, dont l effet est en particulier d amliorer sa rsilience (c est--dire sa rsistance aux chocs) sans trop dimi-nuer sa duret. Si le traitement a t par erreur effectu trop haute tempra-ture (disons 550C) il provoque la prcipitation de carbures de Cr aux joints des grains, ce qui fait que le voisinage de ces joints est appauvri en Chrome et donc moins rsistant la corrosion. C est sans doute ce qui s est produit dans l exemple cit ici. On observe sur la figure1.1b le rsultat de cette moindre rsistance qui constitue sans aucun doute la source de la corrosion observe macroscopiquement, entranant l apparition de rouille au milieu de la lame. Cette observation nous montre l importance des effets mtallurgiques sur la rsistance la corrosion des mtaux et alliages: ici, la microstructure due un traitement thermique inappropri a entran une corrosion localise aux joints des grains.

    Selon toute probabilit, la corrosion observe sur les stries de sciage est due l outil en acier (dit acier outils) utilis pour produire ces stries. Tout outil, mme le plus dur, laisse des particules de son propre mtal sur la sur-face qu il usine. Comme il s agit d aciers outils et non d acier inoxydable, ces traces sont plus sensibles la corrosion que le couteau lui-mme et il aurait fallu dcaper la pice aprs usinage, ce qui n a sans doute pas t fait. Cette observation nous montre que la rsistance la corrosion ne dpend pas que des caractristiques propres de l alliage utilis, mais aussi des conditions de sa mise en uvre (ici son usinage).

    Le rle de la mise en uvre du mtal est galement illustr par la figure1.2, qui reprsente l arrire d un pot d chappement automobile, dont la ca-nule s est dtache au niveau du cordon de soudure, svrement corrod (le milieu corrosif tant trs certainement la solution aqueuse provenant de sels de dneigement en hiver). Le mtal lui-mme est constitu d acier alumin en surface, ce qui constitue apparemment une bonne solution puisqu aucune corrosion n est observe sur l ensemble du pot d chappement. En revanche, une forte corrosion, allant jusqu au percement, puis au dtachement, de la canule (le tuyau arrire) est observe l endroit de la soudure, ce qui

    6

    Les phnomnes de corrosion

  • montre que c est la mise en uvre de l acier et non le choix du matriau qui est l origine du problme rencontr.

    Figure1.1 (a) Lame de couteau en aciers inoxydable Fe12%Cr, corrode par des immersions rptes dans une solution aqueuse

    de chlorure de sodium 50g/l 70C, alternant avec des squences de schage sans rinage pralable; (b) coupe micrographique

    sur la mme lame, montrant le dchaussement d un grain mtallique (taille approximative du grain 10m)

    Figure1.2Avarie d un pot d chappement en acier alumin. Le pot par lui-mme est intact mais la canule arrire s est dtache (a)

    du fait d une forte corrosion de la soudure (b)

    A

    La c

    orro

    sion

    aq

    ueus

    e d

    es m

    tau

    x et

    alli

    ages

    7

    1.2 Les diverses manifestations de la corrosion

    D

    unod

    - To

    ute

    repr

    oduc

    tion

    non

    auto

    rise

    est

    un

    dlit

    .