32
N° 009 - Avril 2013 LA CÔTE D’IVOIRE N’EST PAS QU’ABIDJAN A quand la renaissance du pays profond ? Togo Projet Corridor Abidjan - Lagos Le nouveau visage d’Aného Bénin Cap sur l’Avenir

LA CÔTE D’IVOIRE N’EST PAS QU’ABIDJAN A quand la ...business.abidjan.net/bm/pdf/Magazine-Banque-mondiale-LEspoir-9.pdf · Faso T, ogo, Bénin) Directeur de la Publication Publisher

Embed Size (px)

Citation preview

N° 0

09 -

Avril

201

3

LA CÔTE D’IVOIRE N’EST PAS QU’ABIDJAN

A quand la renaissance dupays profond ?

TogoProjet Corridor Abidjan - Lagos

Le nouveau visage d’Aného BéninCap sur l’Avenir

2

01 BP 1850Abidjan 01, Côte d’IvoireTel : (225) 22 40 04 00Fax : (225) 22 40 04 [email protected] du Bureau Régional de la Banque mondiale (Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Togo, Bénin)

Directeur de la PublicationPublisherMadani M. Tall

Rédacteur en ChefEditor in chiefEmmanuel Noubissie Ngankam

Rédacteur en Chef adjointEditorTaleb Ould Sid’Ahmed

RelectureEditingMarie France Anet

Comité EditorialEditorial BoardMadani M. TallLorenzo BertoliniTaleb Ould Sid’AhmedMarie France AnetSaidou DiopEmmanuel Noubissie Ngankam

CollaborationSylvie NÉNONENELionel F YaroNadiath A Dende

Graphisme et ImpressionDesign and PrintingIMPRISUD Abidjan

SOMMAIREDossier

4

30

20

28

TOGO

ZOOM SUR

INSIDE THE BANK

BANK IN ACTION

Maître Brigitte Mensah,un combat pour la vie

La parole est àEmmanuel Rouamba

La Côte d'Ivoire n'est pas qu'Abidjan :

A quand la renaissance du pays profond ?

Aného, ou l’effet «Projet Corridor»

BENINCap sur l'avenir

a

le

c

u e r

s

t

a

-

t

n

Par / By MADANI M. TALLÉ D I T O R I A L

.

3L’espoir The World Bank Magazine Abidjan / N° 009

Comme si l’on arrivait à la fin d’un cycle, la Banque mondialea engagé au cours de cette année 2013, un processus devantaboutir à la reformulation de ses orientations stratégiques dansles quatre pays dont nous avons la charge à savoir la Côte d’Ivoire, leBurkina Faso, le Togo et le Bénin. Il s’est agi ou il s’agira d’opérer deschoix gouvernés par trois contraintes majeures que sont (i) les prioritésdéfinies par les pays eux mêmes dans leurs propres stratégies de développement ; (ii) les ressources financières de la Banque mondialeforcément limitées, et (iii) les avantages comparatifs et compétitifs decette institution qui malgré sa position de leader en matière d’aide publique au Développement, ne peut pas et ne sait pas tout faire.

Si chacune de ces contraintes est scrupuleusement passée au criblepar nos équipes techniques, force est de relever que la première, peutêtre plus que les deux autres, pèse d’un poids particulièrement déterminant dans l’élaboration et la mise en œuvre des stratégies de laBanque mondiale. D’où l’importance pour chaque pays ou plus exactement pour les dirigeants de chaque pays, d’avoir une vision clairede ce dont ils rêvent pour leurs peuples. Qu’il s’agisse de DSRP (Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté), de Plan de Développement ou de tout autre document, peu importe la dénomination,pourvu qu’il soit un instrument stratégique d’orientation, de politiquede développement économique et social, et ne serve pas uniquementd’alibi pour satisfaire aux exigences de quelle que institution financière que ce soit.

A la Banque mondiale, nous en sommes plus que convaincus, nousen avons fait une religion : Le partenariat est le meilleur gage de notreréussite et le premier des partenaires, c’est le gouvernement du paysà qui nous apportons notre assistance multiforme sous forme de financement ou d’assistance technique.

Il y a quelques mois, nous l’avons rappelé avec insistance au BurkinaFaso et au Bénin lors de l’élaboration des nouvelles stratégies de laBanque mondiale pour ces pays ; dans les tous prochains mois, nousreprendrons le même exercice en Côte d’Ivoire et au Togo, et noschoix stratégiques seront guidés par les mêmes principes, notammentles priorités définies par les gouvernements, les contraintes de ressources financières, les avantages comparatifs de la Banque mondiale,et la complémentarité avec les contributions multiformes des autrespartenaires au développement.

L’heure des choix stratégiques

As if we were coming to the end of a cycle, the World Bankhas initiated this year a process should lead to the reformula-

tion of its strategic directions in the four countries we are covering,namely Côte d'Ivoire, Burkina Faso, Togo and Benin. The aim hasbeen or will be for each country to make choices based on threemajor constraints, i.e. (i) the priorities outlined by the countriesthemselves in their own development strategies; (ii) the necessarilylimited financial resources of the World Bank; and (iii) the com-parative and competitive advantages of this institution, which, des-pite its leadership in official development assistance, cannot doand does not know how to do everything.

While each of these constraints is carefully analyzed by our tech-nical teams, it is noted that the former, maybe more than the othertwo, is particularly crucial for the development and implementa-tion of the World Bank’s strategies. Therefore it is important foreach country, or more specifically the leaders of each country, tohave a clear vision of the dream they have for their people. Nomatter how you call it, whether it is a Poverty Reduction StrategyPaper (PRSP), a Development Plan or any other document, as longas it is strategic, social and economic development policy instru-ment, and it does not serve as a means to meet the requirementsof any financial institution.

At the World Bank, we are absolutely convinced of this and wehave made this a religion: Partnership is the best guarantee of oursuccess and first partner is the government of the country receivingour multifaceted assistance, i.e. funding or technical assistance.

A few months ago, we stressed this many times in Burkina Fasoand in Benin when we were developing the World Bank’s newstrategies for these countries. In the next few months, we will dothe same exercise in Côte d’Ivoire and in Togo; and our strategicchoices will be guided by the same principles, which include thepriorities set by governments; the financial constraints; the com-parative advantages of the World Bank; and the complementaritywith the multifaceted contributions of other development partners.

The Time For Strategic Choices

The World Bank Magazine Abidjan / N° 0094 L’espoir

DOSSIER

Au lendemain de son accession à lasouveraineté nationale en 1960, la

quasi totalité de la population ivoiriennevivait en zone rurale dans les villages etavait pour activité principale l’agriculture.Le Gouvernement ivoirien, sous laconduite du Président Félix HouphouëtBoigny qui était lui même un fermier etancien syndicaliste, avait alors pris résolument la décision de faire de l’agriculturele moteur de la croissance et du développement économique. Par conséquent levillage est devenu le point de départ du«miracle ivoirien» et les ressources générées par l’agriculture couplée avec l’exploitation du bois ont été la principale

source de financement de l’urbanisationen Côte d’Ivoire.L’agriculture a connu une croissance soutenue d’environ 7 % et a contribué régulièrement au PIB pour des valeurs oscillantentre 37 et 40 % depuis les années 60jusqu’au milieu des années 80. Cette période était caractérisée par une fortehausse des prix agricoles et des prix auxproducteurs, largement en dessous desprix mondiaux, ce qui a permis au gouvernement d’engranger des ressources internes considérables et d’être solvablesauprès des partenaires au développement,qui lui ont ouvert leur financement avecbeaucoup de facilité.

Toutes ces ressources ont permis de financer les infrastructures urbaines encore visibles aujourd’hui, notamment les routes,le réseau électrique, les écoles et centresde santé principalement à Abidjan et Yamoussoukro, mais également des programmes de développement agricolesd’envergure qui eux aussi ont eu un impact considérable sur la croissance desvilles secondaires. Les trois phases clés dela stratégie de développement agricole dela Côte d’Ivoire décrites ci dessous ont euchacune leur impact direct sur le développement d’un certain nombre de villes.Phase 1 : La poursuite et l’intensificationdu développement du binôme café cacao,

Comment le village aconstruit la ville ?

Par Abdoulaye Touré

La Côte d’Ivoire profonde ou l’urgence d’une croissance inclusive

Bafimé, village situé à 5 km de Korhogo où les populations pratiquent la culture du coton depuis la nuit des temps.

5L’espoir The World Bank Magazine Abidjan / N° 009

DOSSIER

hérité de la période coloniale, qui occupela majorité des petits producteurs est àl’origine de la croissance urbaine de nombreuses villes de l’Est, du Centre et del’Ouest du pays, notamment Abengourou,Aboisso, Daloa, Gagnoa, Duékoué, Manetc…Phase 2 : cette période est caractérisée parles programmes de diversification del’agriculture engagés par le Gouvernementdans les années 60, avec la mise en placedes agro industries de palmier à huile et ledéveloppement des filières ananas et banane dans le sud du pays, qui ont entrainéla création de villes nouvelles telles queEhania et la croissance de villes secondaires comme Aboisso, Bonoua, et Tiassalé pour ne citer que ces localités.Enfin la phase 3, qui culmine avec la politique de réduction des disparités régionales entreprises par le Gouvernementdans les années 70, avec le développement des agro industries de canne à sucreainsi que les filières coton, anacarde, to

mate, riz dans le Nord de la Côte d’Ivoirea eu un impact considérable sur l’urbanisation et la croissance de villes telles queKorhogo, Boundiali, Ferkessédougou, Marabadiassa et Borotou

Quand la CAISTAB faisait rêver

Il faut noter que le budget spécial d’investissement et d’équipement (BSIE) issu desressources de la CAISTAB a été la sourceprincipale de financement d’un grandnombre d’infrastructures urbaines à Yamoussoukro et Abidjan. En outre, le BSIEa été utilisé pour financer les fêtes d’indépendance tournantes qui ont été l’occasion pour propulser l’urbanisation de villestelles que Dimbokro, Katiola, Odienné,Séguéla, Bondoukou, etc.Enfin, l’un des impacts les plus importantsdes villages sur le développement urbainest la transformation de la petite bourgadede San Pedro qui est devenue une grandemétropole du pays et un port africain de

référence, grâce à l’exportation du café cacao, du bois et d’autres produits agricoles.En conclusion, c’est le travail, l’effort et lessacrifices des petits producteurs issus desmilliers de villages disséminés sur l’ensemble du pays qui a permis de générerdes ressources importantes qui ont été directement investies pour le développement urbain ou servi comme base pour lacroissance des villes principales et la majorité des villes secondaires en Côted’Ivoire.C’est donc, à tout seigneur tout honneurqu’il faut avoir l’honnêteté de reconnaitreque c’est bien le village qui a créé des ressources et permis de mobiliser les ressources d’autres partenaires pourconstruire la ville en Côte d’Ivoire.

La Côte d’Ivoire profonde ou l’urgence d’une croissance inclusive

Chants et danses en pays Sénoufo

The World Bank Magazine Abidjan / N° 0096 L’espoir

DOSSIER

Adeux ans de l’échéance 2015fixée par les Nations Unies pourla réalisation des Objectifs du Mil

lénaire pour le Développement (OMD),pour lesquels la Côte d’Ivoire s’est engagée lors du Sommet du Millénaire en 2000à New York, il est important de regarderdans le rétroviseur afin d’apprécier l’impact des crises successives de ces quinzedernières années sur le monde. Après uneforte croissance économique enregistréede 1995 à 1998 (+5,6 % en moyenne), laCôte d’Ivoire est entrée dans une périoded instabilité politique et de déclin économique à partir de la fin des années 90, culminant avec la crise post électorale d’avril2011.

Situation du monde ruralUn des faits marquants de ces 15 dernièresannées est la montée du niveau de pauvreté et son corollaire, l’aggravation desinégalités parmi la population ivoirienne.Pourtant, les différents gouvernementsivoiriens qui se sont succédés ont inscrit la

lutte contre la pauvreté comme axe prioritaire de leurs programmes économiqueset sociaux. Ainsi, dès 1997, les autoritésivoiriennes s’étaient dotées d un Programme National de Lutte contre la Pauvreté (PNLP) qui préconise, entre autresmesures, l’augmentation des investissements publics dans le milieu rural et lerenforcement des capacités. Cette mesuretraduisait le constat qu’en Côte d’Ivoire, lapauvreté est avant tout un phénomènerural. Selon les enquêtes sur le niveau devie des ménages réalisées en 1998, 2002et 2008, la tendance à la paupérisationdes populations est beaucoup plus manifeste en milieu rural. En effet, Avec un ratiode pauvreté au niveau national qui estpassé de 33,6 % en 1998 à 48,9 % en2008, soit une progression de près de 15points en une décennie, le ratio de pauvreté en milieu rural est passé de 41,8 %en 1998 à 62,5 % en 2008, soit une hausse de plusde 20 points, alors que la hausse n’est quede 6 points en milieu urbain sur la même

période. Ainsi, l’indice d’écart de la pauvreté est plus important en milieu ruralqu’en milieu urbain entre 1998 (13,9 %contre 5,9 %) et 2002 (17,1 % contre 7,3%), témoignant qu’il faut au moins deuxfois plus d’efforts pour sortir le milieu ruralde la pauvreté que le milieu urbain.L’une des explications provient du fait queles groupes socio économiques les plusdurablement frappés par la pauvreté sontdans le secteur agricole et qu’ils résidentprincipalement en milieu rural. En ce quiconcerne le café cacao, la crise n’a pas favorisé l’achèvement des réformes entamées avec la libéralisation du secteur en1997 1998 et n’a donc pas permis auxproducteurs de bénéficier de revenussubstantielsConcernant le coton, la crise sociopolitique a perturbé l’approvisionnement enintrants, pesant sur les rendements. La production de coton graine qui avait atteint400 000 tonnes en 2000 a plongé en2003/2004 à 180 000 tonnes et en2007/2008 à 115 000 tonnes.L’accès aux services sociaux de base s’estdétérioré, comme c’est le cas à titred’exemple pour l’accès à l’eau potableentre 2000 et 2006. En effet, alors que 82% de la population avait accès à unesource d’eau salubre améliorée (dont 74% en milieu rural), cette proportion esttombée à 76 % en 2006 (dont 65 % en milieu rural).Idem pour le taux d’alphabétisation des15 24 ans qui est passé de 47,33 % en1993 à 40,83 % en 2002 en milieu rural,contrastant avec le milieu urbain où cet indicateur est passé de 70,67 % en 1993 à 73,2 % en 2002.Par ailleurs, il faut noter que si d’une ma

En millieu rural, la question du transport reste un frein majeur au développement

Le monde rural et le lourd tribut de plus de 15 ans de crise.

Par Yao Alexis Haccandy

La Côte d’Ivoire profonde ou l’urgence d’une croissance inclusive

7L’espoir The World Bank Magazine Abidjan / N° 009

DOSSIER

nière générale, la pauvreté s’est accruedans toutes les régions de la Côte d’Ivoire,elle a très fortement progressé dans les régions touchées directement par la crise(zones de combat et zones d’accueil despopulations déplacées). Ainsi, dans les régions du Nord, l’incidence de la pauvretéest passée de 40,3 % en 2002 à 77,3 % en2008, devenant par ailleurs la zone la pluspauvre du pays.

S agissant des cultures de rente, rien quepour l’année 2003, les récoltes et les campagnes de commercialisation ont été perturbées par la guerre, les populations ayantlaissé à l abandon certaines plantations. Ladésertion des zones de combat par lesagriculteurs a également perturbé les circuits d achat et contraint au départ unepartie importante de la main d œuvre salariée. Le manque à gagner enregistré auniveau des productions des différentes filières (Café Cacao, Coton, Sucre, Anacarde, Banane, Cultures vivrières, Palmierà huile) était estimé à 240 Milliards deFCFA. Dans tous les cas de figure, les opérateurséconomiques du secteur agricole comptent parmi les plus pauvres en Côted’Ivoire, alors que l’agriculture est le poumon de l’économie ivoirienne. Le combledu paradoxe !

Effondrement du secteur agricole malgréun potentiel importantL’impact de la crise sociopolitique sur lesperformances agricoles a été catastrophique. Ce secteur a connu durant la décennie écoulée une importantedépression. En effet, de 4,7 % sur la période 1997 99, la croissance du PIB agricole est montée en moyenne à 8 % sur lapériode 2000 04 et est tombée à 1,9 %sur la période 2004 08. Elle a été enmoyenne de 0,18 % de 2006 à 2008. Cette situation de crise a fortement affecténon seulement le revenu agricole maiségalement l’organisation du secteur, alorsqu’il était confronté à différentes mutations (libéralisation des filières, mondialisation des économies) qui nécessitaientd’importantes transformations pour rendreles filières agricoles compétitives. D’autantplus que les investissements publics dansle secteur ont été fortement réduits, notamment du fait de la faible capacité demobilisation des ressources des partenaires au développement. De 1999 à2007, les dépenses d’investissement public réalisées sur le financement nationaldu secteur agricole se sont situées enmoyenne à 8,5 milliards de FCFA par an.Le volume du financement des partenairesau développement s’élève en moyenne à24,9 milliards de FCFA par an sur la période 1999 2007.

En outre, les infrastructures rurales de pro

duction et de transport qui avaient soutenule développement des filières pendant lapériode de croissance, ont subi des dégradations voir des destructions faute d’entretien. En effet, avec la crise, lesinvestissements ont été orientés vers desprogrammes d’urgence non structurants. Pratiquement aucun investissement publicn’a été réalisé pour satisfaire les besoinsdes populations rurales dans les domainesde la santé, l’éducation, l’alimentation eneau potable et en énergie électrique et lesvoies de communication de 2002 à 2007.Les investissements privés ont été limitésau strict minimum, à l’exception notabledu secteur des télécommunications et del’exploitation des hydrocarbures qui ontété des moteurs de croissance au coursdes dix dernières années.La crise a eu de lourdes incidences sur lesrevenus des populations, en favorisant lahausse des prix et incidemment, la réduction du pouvoir d’achat. En effet, les enquêtes réalisées avant la crisepost électorale de 2010 ont montré que67,6 % de la population ont vu diminuerleurs revenus contre 6,5 % qui déclarentenregistrer une augmentation. Pour le reste(25,9 %), le revenu n’a pas évolué. A cettechute généralisée des revenus, s’ajoutentles dommages de guerre, comme lespertes d’actifs de production.La crise agricole est devenue la crise dumonde rural car la baisse des revenus agricoles se traduit immédiatement par unenette dégradation des conditions de vie.De plus, le conflit a entraîné d’importantsmouvements de population, notammentdes ruraux poussés par l’insécurité vers lesvilles. Ce qui a très sévèrement entamé lacohésion sociale et les systèmes de solidarités traditionnels.L’enjeu aujourd’hui, c’est de relancer ledéveloppement agricole accompagné del’amélioration des conditions de vie dansles zones rurales. Selon le Plan Nationalde Développement (PND 2012 2015),l’agriculture demeure l’un des moteurs dela croissance et de la réduction de la pauvreté. Cet engagement pour l’agriculturedevrait se traduire par une amélioration dela gouvernance du secteur afin d’impulserun réel développement du monde rural.

La Côte d’Ivoire profonde ou l’urgence d’une croissance inclusive

Les villes de l’intérieur souffrent d’un grand déficit en infrastructures de base

The World Bank Magazine Abidjan / N° 0098 L’espoir

DOSSIER

Une discussion intéressante surl’aide au développement et lerôle de l’agriculture et de la pay-

sannerie dans le processus de développe-ment s’est engagée, suite à la propositiondu Pr. Collier , qui suggère, pour régler leproblème de la crise alimentaire mondiale,d’aller vers de grandes entreprises agricolescommerciales, et remplacer la paysannerieet les petites exploitations familiales , dansles pays en « faillite ».Cette prise de position radicale a trouvé descontradicteurs de poids à travers les co-di-recteurs du Rapport sur le Développement

2008 intitulé «l’Agriculture pour le Déve-loppement» qui invoque trois bonnes rai-sons, auxquelles la majorité des praticiensdu développement adhèrent, de croire audéveloppement agricole par la paysanne-rie. Première raison : la paysannerie est uneforme efficiente d’exploitation agricolequand l’opportunité lui est donnée de ledémontrer. La révolution verte en Inde estsouvent donnée en exemple, mais aussi, etmoins cité, le succès de la production demanioc, et même du coton et du cacao (ehoui !) en Afrique de l’Ouest. Deuxième rai-son : accélérer la productivité de la paysan-

nerie permet un double gain consistant enl’augmentation de la production agricoled’une part, et d’autre part en la réductionde la pauvreté. Le cas de la Chine sur la pé-riode 1991-2001 est souvent cité commeillustration du reste, en opposition à l’op-tion prise par le Brésil d’impulser le déve-loppement agricole par la promotion desgrandes exploitations et entreprises agri-coles, qui a certes permis d’accroître laproductivité dans les mêmes proportionsque la Chine, mais avec une augmentationde la pauvreté sur la même période. Troi-sième raison : si la question de la produc-

Comment redonner à lapaysannerie la juste

valeur de sa contribution à l'essor national ?

Leur poids électoral serait-il la raison principale qui justifie l’intérêt que portent les pouvoirs publics à la paysannerie ? Une autre raison,insuffisamment connue bien que très documentée, soutient que la paysannerie constitue une institution crédible à bien des égards pouramortir les chocs économiques que des entreprises agricoles, au sens moderniste du terme, pourraient difficilement supporter. Du reste,Il n’est pas surprenant de constater que beaucoup de tentatives de « modernisation » de l’exploitation familiale en Afrique et d’autres ré-gions du monde, aient jusqu’ici donné si peu de bons résultats.

Discussions avec des producte urs de coton à Bafimé, Nord de la Côte d’Ivoire

______________________________I Lire en particulier le livre « The bottom billion, Oxford Univeristy Press » et les articles y relatifsII Article paru dans « Future Agricultures », Nov/Decembre 2008.III Lire en particulier le livre « The bottom billion, Oxford Univeristy Press » et les articles y relatifsIV Article paru dans « Future Agricultures », Nov/Decembre 2008.

Par El hadj Adama Touré

La Côte d’Ivoire profonde ou l’urgence d’une croissance inclusive

9L’espoir The World Bank Magazine Abidjan / N° 009

DOSSIERLa Côte d’Ivoire profonde ou l’urgence d’une croissance inclusive

tion alimentaire est importante, disposer de revenus pour les pau-vres l’est tout autant pour pouvoir y accéder. La majorité des pau-vres du monde vivent encore en milieu rural, avec peud’alternatives pour absorber leur force de travail en dehors des ac-tivités agricoles. Mais, le plus important à retenir dans cette dis-cussion, c’est que les deux systèmes sont loin d’être exclusifs et,que dans bien des situations, ils sont contraints à la complémen-tarité. Le développement des cultures de rente, et l’intégrationcroissante des productions alimentaires de base (manioc, maïs)dans les chaînes agro-alimentaires en Côte d’Ivoire l’illustrent par-faitement.

Repenser la notion de paysannerie

Nul ne peut, en effet, nier la politique visionnaire du père de laNation ivoirienne, Félix Houphouët-Boigny qui a permis dans unpremier temps le développement fulgurant des cultures indus-trielles, notamment le palmier et l’hévéa sur la base de largesconcessions gérées au départ par l’Etat, avant de passer sous pilo-tage du secteur privé durant la période d’Ajustement Structurel.Comme il serait tout aussi difficile de contester l’efficacité de lapaysannerie ivoirienne à nourrir aussi bien le pays qu’une bonnepartie de ses voisins, à hisser la Côte d’Ivoire au sommet mondialdes pays exportateurs de cacao, de noix de cajou, et d’en faire undes tout premiers leaders en Afrique dans la production et l’expor-tation de coton, d’huile de palme et de fruits tropicaux. Mieux, sil’on prend appui sur de récents travaux de recherche le confirmant,la notion de paysannerie a fondamentalement changé ces der-nières années, passant d’une vision étriquée du paysan confinédans un rôle agraire autour de la petite exploitation familiale, àune fonction bien plus étendue. Cette notion doit intégrer son rap-port au foncier rural et au terroir villageois, à l’histoire et à sa com-munauté. La prise en compte de ces éléments permet de forgerl’identité paysanne dans le sens humaniste du terme, loin de lasimple subsistance alimentaire. De ce fait, elle confère à la maind’œuvre familiale toutes ses lettres de noblesse.Sans nul doute, il faut reconnaître que la paysannerie a joué sapartition dans le développement de la Côte d’Ivoire. Elle disposeencore de nombreux atouts peu exploités qui peuvent assurer auxvilles ivoiriennes non seulement la nourriture dont ses habitantsont besoin, mais aussi l’amorce d’une industrialisation gage deréussite pour le projet d’émergence aux horizons 2020. Pour at-teindre cet objectif, les politiques publiques devront assurer aumoins trois choses pour le monde paysan : 1. l’équité dans le par-tage des bénéfices le long des chaînes de valeur agricoles, tout enlaissant les acteurs du marché opérer pleinement, mais en corri-geant autant que nécessaire les imperfections ; 2. l’accroissement de leur productivité en facilitant l’accès auxtechnologies appropriées, aux services de conseils et au finance-ment, en préservant le capital de ressources naturelles ; et 3. L’amélioration des conditions de vie des ruraux en accélérantles programmes d’accès aux services sociaux de base (sécurité,eau potable, santé, éducation, transport et communication). Enfin,dernier élément transversal, donner l’opportunité aux paysans, ou

plus largement aux «ruraux» d’influer sur les décisions affectantleur cadre de vie et de travail.

Pour que de telles politiques publiques portent leur fruit, il va fal-loir passer par la structuration des paysans pour une meilleure in-tégration à l’économie (les coopératives en sont une forme), la dé-centralisation de l’aménagement du territoire, et le renforcementdes interprofessions qui constituent une alternative équilibrée entrele marché et l’Etat.

La réforme café-cacao

Depuis l'adoption du document de stratégie de la réforme café-cacao en Novembre 2011 par le gouvernement ivoirien, des élé-ments clés de l’accord ont été mis en œuvre avec succès, condui-sant au point d'achèvement de l’initiative PPTE en Juin 2012.Les principales mesures concernaient : 1. Le plafonnement de lafiscalité et de la parafiscalité sur le cacao à un maximum 22% duprix CAF ; 2. La mise en place d'un cadre institutionnel efficientpour la régulation et la gestion du sous-secteur, avec des procé-dures opérationnelles et une gestion fiduciaire transparentes ; 3.Veiller à ce qu’il y ait un partage plus équitable des prix interna-tionaux le long de la chaîne de valeur , avec au moins un prix re-présentant au minimum 60% du prix CAF garanti aux producteursde café et de cacao dès la campagne 2012-2013.A cela, il faut ajouter les mesures relatives à l'organisation de lacommercialisation interne et au contrôle de qualité des fèves, etla mise en place du Programme de ventes anticipées à la moyenne(PVAM), qui constituent des éléments essentiels du dispositif decommercialisation devant contribuer à garantir le prix minimumaux producteurs. Au-delà du point d’achèvement, d'autres défis non moins impor-tants sont portés par la réforme, à savoir notamment :(i) la restructuration des producteurs de cacao et de leurs coopé-ratives , avec en toile de fond, la mise en place d’une interprofes-sion forte et assise sur des organisations de producteurs crédiblesqui puissent assurer une bonne gouvernance de la filière dans lelong terme, (ii) la mise en place d’une plateforme de Partenariat Public- Privé(PPP) en vue de créer un cadre de concertation avec le secteurprivé sur les questions liées à la durabilité de la filière café-cacao,(iii) redéfinir et mettre en œuvre le programme Quantité Qualitéet Croissance (2QC), dans le cadre d'un partenariat public-privépour s'attaquer aux problèmes liés à la productivité et la durabilitédu cacao, reconnaissant l'importante croissance rapide de la tra-çabilité sociale et environnementale dans l'industrie du cacao, etle rôle crucial que les acteurs privés - exportateurs de cacao et lesclients - peuvent jouer à cet égard. La qualité du dialogue - qui doit être continu- entre les différents

acteurs de la filière, la capacité du gouvernement et du nouveauConseil du Café Cacao à rendre compte et communiquer sur lesprogrès dans la mise en œuvre du plan d'actions de la réforme etles impacts qui en ont résulté, seront certainement les meilleursgaranties du succès de la réforme, et faciliteront les inévitablesajustements inhérents à des réformes d'une telle ampleur.

The World Bank Magazine Abidjan / N° 00910 L’espoir

DOSSIER

Ason accession à l’indépendanceen 1960, la Côte d’Ivoire a optépour un régime foncier reposant

notamment sur le principe de l’accessionà la propriété foncière par la voie de l’immatriculation et le droit sur une terre nonimmatriculée appartient à l’Etat. Cependant, l’on note, avec des pratiques foncières coutumières vivaces tolérées parl’Etat, la coexistence du droit foncier moderne et du droit foncier coutumier.Face à la demande sans cesse croissantede terres rurales pour satisfaire principale

ment les besoins d’urbanisation et d’agriculture, dans un contexte foncier nationalambivalent, l’on a assisté à une prolifération des transactions foncières illégalessources de conflits fonciers.

Pour assurer un traitement judicieux et durable des questions foncières rurales, leGouvernement a décidé en 1989 de mettre en œuvre une opération pilote de PlanFoncier Rural. Les enseignements tirés de cette opérationnationale, exécutée de 1990 à 2002, ont

permis au Ministère de l’Agriculture d’élaborer la loi n° 98 750 du 23 décembre1998 relative au domaine foncier rural,votée à l’unanimité des Députés le 18 décembre 1998 suite à une mission parlementaire nationale d’information etd’explication, promulguée le 23 décembre1998 et publiée le 14 janvier 1999 auJournal Officiel de la République de Côted’Ivoire.

Aujourd’hui, la législation foncière ruraleivoirienne comprenant la loi n° 98 750 du23 décembre 1998 amendée en son article 26 par la loi n° 2004 412 du 14 août2004 et les textes d’application (03 décretset 15 arrêtés) est en attente de mise enœuvre.

ENJEUX DE L'APPLICATION DE LA LOIDE 1998 SUR LE FONCIER RURAL

Les enjeux de l’application de la loi foncière rurale sont nombreux, notamment :

1. la délimitation des territoires des villages ;2. la délimitation des parcelles foncières

rurales individuelles ou collectives envue de la délivrance de certificats fonciers ;

3. la création et le fonctionnement desorganes de gestion foncière rurale,

Enjeux du développement rural

en Côte d'Ivoire :

Contribution à la réflexionsur la place du foncier

Les forêts classées, un patrimoine à préserver

Dr. KONAN Kouadio 1

La Côte d’Ivoire profonde ou l’urgence d’une croissance inclusive

Note de la rédaction : Le contenu de cette contribution ne reflète pas nécessairement la position de la Banque mondiale____________________________________________________________________

1 - Ingénieur de l’Ecole Nationale des Sciences Géographiques de Paris (1978), France, Docteur de l’Observatoire de Paris, France (1987),Ingénieur Général du Bureau National d’Etudes Techniques et de Développement (BNETD, 2001) et aujourd’hui Directeur des Grands Projets et de la Mobilisation des Ressources du District d’Abidjan.

11L’espoir The World Bank Magazine Abidjan / N° 009

DOSSIER

4. la valorisation du capital foncier ruralet la création d’un marché foncier rural ;

5. l’utilisation des terres rurales commel’un des tout premiers leviers de lalutte contre la pauvreté en milieu rural ;

6. la mise en place de l’observatoire dufoncier rural.

a. Délimitation des territoires des villages

En Côte d’Ivoire, le village constitue l’entité administrative de base du territoire national. La délimitation du territoire dechacun des 11.000 villages du pays permettra de déterminer les ressorts territoriaux de toutes les circonscriptionsadministratives de niveaux supérieurs, àsavoir : la sous préfecture, le département,la région et le district.

La délimitation du territoire d’un villagemobilise trois groupes d’acteurs : l’Administration publique, l’Opérateur techniqueagréé et les communautés villageoisescomprenant le village à délimiter et les villages limitrophes, à travers leurs ComitésVillageois de Gestion Foncière Rurale(CVGFR), leurs chefs et notables traditionnels, leurs élus locaux et cadres. Ainsi,l’implication des communautés villageoises est primordiale pour la conduite àbonne fin de l’opération.

Il ne reste qu’à souhaiter la concrétisationde l’engagement du Gouvernement avecle nécessaire soutien et accompagnementdes bailleurs de fonds.

b. Délimitation des parcelles foncièresrurales en vue de la délivrance de certifi-cats fonciers

Le certificat foncier est le premier document officiel d’appropriation de terres rurales. La délimitation des parcelles foncières rurales individuelles ou collectivesà l’intérieur du territoire d’un village envue de la délivrance du certificat foncierconstitue l’ultime phase de la transformation des droits coutumiers en droits depropriété garantis par l’Etat.

Elle mobilise aussi les trois groupes d’acteurs susmentionnés. Ici, la communautévillageoise est représentée par le demandeur de certificats fonciers, les propriétaires des parcelles voisines aux parcellesà délimiter, le CVGFR concerné, voire desnotables.

La procédure proprement dite de délivrance du certificat foncier est conduite auniveau local par le Comité de GestionFoncière Rurale (CGFR : niveau sous préfectoral). Après validation du dossier d’enquête foncière rurale par le CGFR, lecertificat foncier est signé par le Préfet duDépartement concerné.

c. Création et fonctionnement des organes de gestion foncière rurale

En application de la loi foncière rurale, lestrois organes de gestion du domaine foncier rural ci après ont été institués par dé

cret : la Commission Foncière Rurale(CFR), le CGFR et le CVGFR. Les CVGFRet les CGFR ne sont que très partiellementmis en place dans l’ensemble du pays.Ceux qui l’ont été connaissent des difficultés de fonctionnement, ne disposant d’aucune ressource financière allouée parl’Etat pour le financement de leurs activités.

Pour permettre à ces organes d’accomplirpleinement leurs missions, (i) leur mise enplace et leur fonctionnement doivent êtreréglementés, (ii) ils doivent être dotés parl’Etat de ressources financières assortiesd’un mode de gestion simplifié, (iii) leursmembres doivent avoir des profils et desconnaissances requis pour la fonctionavec des supports didactiques pratiques etadaptés.

d. Valorisation du capital foncier rural etcréation d’un marché foncier rural national

Dans la plupart des pays d’Afrique, lesterres rurales ne sont pas immatriculées.Les détenteurs de droits fonciers coutumiers ne disposent pas de titres de propriété officiels. En conséquence, la terrerurale constitue du patrimoine qui ne génère généralement pas du revenu. Faute de propriété formelle, le foncier

rural en Afrique constitue en général ducapital mort . Avec la mise en applicationde la loi foncière rurale, au terme des enquêtes officielles sanctionnées par la délivrance de certificats fonciers, le capitalfoncier rural national est valorisé à traversl’émergence d’un marché foncier rural national où se rencontrent de façon transparente et maîtrisée les offres et lesdemandes d’achat, de location et d’exploitation de terres rurales.

e. Terre rurale et lutte contre la pauvretéen milieu rural

En Côte d’Ivoire, les terres rurales constituent, l’un des biens les mieux partagés auniveau des populations rurales. En effet,dans tous les villages de notre pays, toutesles familles originelles possèdent des lopins de terre, voire plusieurs hectares deterres rurales.

Maintenir la concertation et le dialogue pour éviter les dérives

La Côte d’Ivoire profonde ou l’urgence d’une croissance inclusive

The World Bank Magazine Abidjan / N° 00912 L’espoir

DOSSIER

Cependant, en dépit d’importantes superficies de terres ruralespossédées, une majorité des populations rurales africaines vitdans la pauvreté, dans l’extrême pauvreté.

La loi relative au domaine foncier rural et ses textes d’application,

transforment (i) les détenteurs de droits coutumiers en propriétaires fonciers ayant un capital durable, (ii) les occupants desterres coutumières en locataires dont les droits d’occupation sontprotégés, (iii) les groupements informels d’ayant droits détenantdes droits coutumiers collectifs en entités dotées de la personnalité juridique en vue de gérer leurs biens fonciers ;

garantissent (i) l’application des coutumes pour effectuer lesconstats, (ii) l’identification et la résolution des conflits fonciers,(iii) l’implication des populations et des autorités coutumièresdans la gestion foncière rurale à travers les Comités sous préfectoraux et villageois de gestion foncière rurale, (iv) l’instaurationd’un marché foncier rural dès la création d’un Certificat Foncierqui est cessible et morcelable.

Ainsi, en tant qu’une richesse et une source de richesse permettant d’améliorer les conditions de vie des communautés rurales,les terres rurales en Côte d’Ivoire constituent aujourd’hui l’un destout premiers leviers de la lutte contre la pauvreté en milieu rural.

f. Mise en place de l’observatoire du foncier rural

L’observatoire du foncier rural est prévu par l’Etat doit être misen place sans délai afin qu’il soit opérationnel bien avant le lancement des programmes nationaux de délimitation des territoiresdes villages et des parcelles foncières rurales.

QU'EST CE QUI FAIT PROBLEME DANS L'APPLICATIOND'UNE LOI DITE POURTANT CONSENSUELLE ?

Ce qui fait problème dans l’application de la loi foncière ruralece n’est ni le contenu de cette loi et des textes d’application, nil’implication insuffisante des communautés rurales dans sa miseen œuvre, mais plutôt les conditions sociopolitiques jugées néfastes pour engager une telle entreprise nationale, délicate et delongue haleine.

Les résultats techniques tangibles obtenus par le BNETD, dansdes conditions difficiles, lors de la première opération test de délimitation des terroirs villageois dans le Sud du pays (juillet 2004 août 2006), sur financement de la Banque Mondiale, montrent

que l’opération est techniquement à notre portée et que les communautés rurales ayant une implication décisive dans la conduiteà bonne fin des travaux devront être davantage sensibilisées etformées à jouer pleinement leur rôle.

Il convient cependant de souligner que la loi foncière rurale n’estpas un texte parfait dans toutes ses dispositions. Certaines d’entreelles doivent être précisées et complétées, de nouvelles introduites, mais cela doit être conduit avec tact et sur la base des expériences de terrain à l’échelle nationale.

Ainsi, le projet de décret portant définition de la procédure dedélimitation des territoires des villages, en cours de finalisationau Ministère de l’Agriculture, a été élaboré à partir des résultatsdes opérations de délimitation des terroirs des villages, financéespar la Banque Mondiale et l’Union Européenne.

La Côte d’Ivoire profonde ou l’urgence d’une croissance inclusive

Les litiges fonciers sont particulièrement fréquents dans l’Ouest Ivoirien

Comment sortir de ce qui semble être uneimpasse ? La réponse à cette interrogationconstitue une conclusion indiquée à cettepetite contribution à la réflexion sur laplace du foncier dans le développementrural en Côte d’Ivoire. L’applicabilité de la loi foncière ruralen’étant pas en cause, à bien y réfléchir,n’est ce pas la Côte d’Ivoire toute entièrequi est dans l’impasse ?

N’est ce pas la Côte d’Ivoire toute entière,otage de ses hommespolitiques, malmenée, martyrisée et sai

gnée, qui est dans l’impasse ? N’est cepas la Côte d’Ivoire toute entière, meurtriepar deux décennies de lutte sans mercique se livrent ses hommes politiques pourla conquête et la consolidation du pouvoir d’Etat, qui est dans l’impasse ?

La voie de la paix est le chemin à emprunter, maintenant et toujours. La paix véritable qui se nourrit devérité et de pardon.

En ce qui concerne le foncier, avec d’unepart, un fort et constantengagement de l’Etat et le soutien finan

cier des bailleurs de fonds et, d’autre part,une contribution sincère de la classe politique nationale et une implication agissante des communautés rurales et de lasociété civile, l’application de la loi foncière rurale participera au retour et à laconsolidation de la paix en Côte d’Ivoire.Ainsi, l’application effective de la loi foncière rurale concrétisera le droit natureldans toutes sociétés humaines de posséder de la terre et de la transférer librement.

COMMENT SORTIR DE CE QUI SEMBLE ETRE UNE IMPASSE ?

__________________________________________________

I Le mystère du capital, Hernando de SOTO, Nouveaux Horizons, Paris, juin 2002, page5.

13L’espoir The World Bank Magazine Abidjan / N° 009

DOSSIER

La seule fois où j’ai quitté mon village,

c’était avant l’indépendance.

Quelqu’un était venu nous alerter à

propos d’une attaque des colons sur Abidjan.

Armés de bâton, nous nous y étions rendus,

mais ce n’était que des rumeurs. C’était la

belle époque et j’aimais rester auprès de mon

père que j’étais appelé à remplacer un jour à

la tête de la concession.

Notre village ne connaissait pas la culture du

Coton quand j’étais né. Je me souviens que

c’est dans un autre village appelé Fonovogo

(Sous-préfecture de Korhogo) que nous

avions découvert cette culture. Je pense que

c’est l’ex- CFDT (Compagnie française pour

le développement des fibres textiles) qui

achetait ce coton. Nous avions un brave pay-

san, aujourd’hui disparu, qui n’en voulait ab-

solument pas. Il s’appelait Klokaka. Lui

estimait qu’avec le sorgo, le maïs, l’igname

et le riz, on pouvait vivre décemment. Quand

nous avons introduit la culture du Coton dans

nos champs, on ne payait pas les intrants et

les blancs nous payaient si bien notre pro-

duction, du moins on ne savait pas la valeur

du cash, mais on vivait bien. En guise d’hos-

pitalité, nous leur offrions des pintades, mais

eux n’en voulaient pas, estimant que nous

étions trop généreux. Je me suis retrouvé un

jour avec la somme de 50, 000 F CFA et mes

mains commençaient à trembler. C’était trop

d’argent pour moi. Avec 200 kg de Coton, les

besoins de la famille étaient réglés. Avoir un

bœuf à l’époque était synonyme de prestige

social. Avec le bœuf, on pouvait se passer

progressivement de la daba, mais aussi ne

pas perdre la face durant les cérémonies de

mariage, baptêmes, funérailles, etc. Ça vous

donnait un « grand nom ».

Nous n’étions pas si bien organisés pour pen-

ser à construire des écoles ou hôpitaux. La

moto était le seul luxe pour nous. Les rares

enfants scolarisés dans ce village ont vite

abandonné leurs études. Nous avions besoin

d’eux à nos côtés pour la relève.

La production à grande échelle du Coton a

perturbé la vie du village après le départ des

blancs. Sofigué, un de nos paysans, était le

premier à posséder autant de bœufs pour en

faire une sorte d’industrie. Au départ, nous

étions organisés en GVC( Groupement à Vo-

cation Coopératives). Nous avions comme in-

terface la CIDT (Compagnie Ivoirienne pour

le Développement des Textiles) qui a intro-

duit la vente d’intrants, au milieu des années

70. Les déboires ont commencé par là et ça

continue encore, avec des coûts de plus en

plus prohibitifs. Or nous avons besoin de cet

engrais pour le Coton. Aujourd’hui, ce sont

nos enfants qui s’occupent de tout cela. Les

choses n’ont jamais été aussi dures, avec un

cycle d’endettement qui n’en finit pas. Il y a

eu tellement de palabres avec ce Coton qu’au-

jourd’hui, nous nous sommes retirés, laissant

aux jeunes le soin de trouver l’issue qui leur

permettra de mieux vivre. Ils n’ont plus que

2 Associations de producteurs, mais « On ne

gagne plus avec le Coton » comme avant.

Avec les changements climatiques, les rende-

ments ont aussi considérablement baissé.

Dès le mois d’Octobre, les bas-fonds tarissent

et le riz n’a même le temps de respirer qu’il

est asséché. Nous avons une seule pompe à

eau pour environ 3000 habitants. La plupart

des jeunes du village ont émigré vers les

zones forestières, à la recherche d’un avenir

meilleur. Là-bas aussi, la guerre et les conflits

fonciers les ont repoussés.

I Le département de Korhogo fait partie de la Région des Savanes, frontalière du Mali et du Burkina Faso. Korhogo se situe à 600 km d’Abidjan.

Paroles de l’intérieurSORO Gbamblélé, cultivateur de Coton, Bafimé (Département de Korhogo )

« Les oubliés de l’Or blanc »

La Côte d’Ivoiren’est pas qu’Abidjan :

Soro Gbamblelé avec un de ses enfants

Entretiens réalisés par Taleb Ould Sid’Ahmed

The World Bank Magazine Abidjan / N° 00914 L’espoir

DOSSIER

Korhogo est une ville économiquement para-

lysée, c’est le moins qu’on puisse dire. Il

existe certes des commerçants dans cette

ville, mais nous sommes dans une région (Le Poro)

dont 80% des habitants sont paysans. Nous sommes

ici au cœur même du pays Senoufo qui produit essen-

tiellement le Coton, mais les retombées de cette cul-

ture n’ont jamais pu développer la zone. Non

seulement, la filière coton est désorganisée, avec 25

faitières, mais il y a aussi la question des intrants (en-

grais et pesticides surtout) dont l’acquisition est de-

venue particulièrement ardue. Il est vrai que depuis

2 ans, l’Etat subventionne à hauteur de 7 Milliards F

CFA les intrants, mais c’est insuffisant. Même la

Banque mondiale et l’UE ont produit un rapport qui

chiffre à près de 45 milliards F CFA les pertes de pro-

fits des sociétés cotonnières, essentiellement dues aux

impayés des intrants. Alors, voyez-vous, le cycle

d’endettement des paysans ne date pas d’aujourd’hui,

bien au contraire il a commencé depuis la CIDT,

Ivoire coton, LCCI, etc. Au-delà des subventions, ef-

ficaces il faut le reconnaitre, l’Etat doit permettre aux

producteurs que nous sommes d’avoir facilement

accès aux intrants. Quand un paysan est obligé de

s’endetter auprès d’un producteur pour avoir son in-

trant, vous comprenez pourquoi nous insistons auprès

des pouvoirs publics sur l’assouplissement des condi-

tions d’acquisition des intrants. Les réformes en cours

sont salutaires, mais un des leviers sur lequel les pou-

voirs publics doivent s’appuyer, c’est le secteur ban-

caire qui devra nous faire confiance pour l’acquisition

rapide et facile des intrants. Pour un hectare de

Coton, il faut en moyenne 4 sacs d’intrant type NPK

dont le prix varie entre 20 et 25 milles F CFA l’unité.

Mais le paysan est souvent obligé de partager cet en-

grais entre son champs de coton et le maraîcher de

son épouse, d’où les risques qu’il ne puisse même pas

récolter de quoi rembourser ses dettes. Vous me de-

mandez pourquoi continuer à faire du coton si c’est

pour s’endetter. Je vous repose la question : Quelle

solution leur proposez-vous ? Nos parents ont fait ce

que nous appelons ici « La Basse-Côte», en allant tra-

vailler ailleurs, chez les producteurs du café-cacao,

au Centre et à l’Ouest du pays. Mais ils sont tous re-

venus bredouilles. Honnêtement, il faut admettre que

depuis 2 à 3 ans, les choses ont changé. L’année der-

nière par exemple, nous avons vendu le kg bord

champs à 265 F CFA, le meilleur prix en Afrique de

l’Ouest. Cette année 2013, le même prix a été recon-

duit par l’interprofession qui a aussi obtenu que l’Etat

subventionne les intrants à hauteur de 25%. Logique-

ment et selon nos calculs, si la question des intrants

est définitivement réglée, que les producteurs s’orga-

nisent pour se fondre en une seule entité comme in-

terlocutrice avec l’Etat, la filière se porterait de mieux

en mieux, pour le plus grand bonheur du paysan.

L’autre défi, c’est l’industrialisation pour absorber

une masse critique de chômeurs. Figurez-vous que

dans tout le Nord, il n’existe aucune usine de trans-

formation du coton. Absurde ! Allez juste non loin

d’ici, à Bougouni au Mali et vous verrez comment on

a réussi à transformer localement la filière mangue.

Allez au Burkina Faso et vous verrez ce qu’on en a

fait avec le coton.

Diallo Abdoulaye, Président de l’Union inter-régionale des produits agricoles tropicaux de Côte d’Ivoire, Korhogo

En 2002, mon époux a perdu son emploi du

fait de la crise militaro-politique qui sévissait

dans le pays. Il fallait nourrir la famille et

c’est là que j’ai eu l’idée de casser des pierres pour

ensuite les vendre aux personnes souhaitant

construire leurs maisons. Au début, j’étais installée

en ville, avec mes enfants pour faire ce travail. Puis,

une à une, d’autres femmes ont commencé à me re-

joindre. Notre groupe ayant pris de l’importance,

nous avons décidé d’ériger notre QG juste au pied

de la montagne du Poro. Il y a parmi nous beaucoup

de veuves et leurs enfants. Mais aussi des femmes

célibataires. Nous avions un gros client, la mine

d’or de Tongon exploitée par la compagnie Rand-

gold, qui nous achetait une bonne partie de nos

pierres. En ce moment, notre clientèle est essentiel-

lement constituée de particuliers et des maçons qui

travaillent sur des chantiers. Comme toute structure,

nous nous sommes organisées en petites equipes

pour bien mener le travail. Les rémunérations vont

de 6000 F CFA pour les taches les plus dures à en-

viron 1000 F pour le reste. Le prix du chargement

d’une benne est d’environ 30,000 F CFA. C’est un

travail physique qui n’est pas facile, mais nous

n’avons pas le choix.

Mme Konaté Soungoura, Présidente des Concasseuses, Korhogo, région du Poro

La Côte d’Ivoire profonde ou l’urgence d’une croissance inclusive

15L’espoir The World Bank Magazine Abidjan / N° 009

DOSSIER

Une ville à la recherche de son passé glorieux.

BOUAKÉ

Le retour de Bouaké, sur la scène natio-

nale se fait lentement mais sûrement.

D’autant plus que les populations ar-

rivent maintenant à se déplacer sans trop de

mal, ce qui n’était pas le cas il y a un peu plus

d’une décennie. Il faut aussi que les activités

économiques, qui tournaient au ralenti, sont

entrain de retrouver leur cadence normale. En

revanche, et c’est le cas de le souligner, l’ar-

gent ne circule pas et la vie est trop chère.

L’autre fait inquiétant, c’est le poids du chô-

mage. Les effets de la crise et l’isolement

qu’a connu cette région du Centre sont parti-

culièrement visibles.

La totalité des entreprises de Bouaké qui fai-

saient jadis la fierté de la capitale de la région

de Gbêkê, sont toujours fermées. Et cette si-

tuation qui perdure est un handicap majeur

pour la jeunesse qui est livrée à elle-même. A

côté de cela, il existe aussi un problème de

cohésion sociale qui divise les populations de

la ville de Bouaké.

Le front social a besoin d’une réelle attention

de la part des autorités. Je suggère de com-

mencer par créer des activités génératrices de

revenus (AGR) pour les femmes. Parce qu’à

cause de la crise, la plupart des femmes sont

devenues des chefs de famille. Ensuite, il faut

des emplois pour éviter la spirale de la vio-

lence qui gagne les jeunes, désœuvrés et li-

vres à eux-mêmes. Je pense que la relance du

secteur agricole et la redynamisation du tissu

économique pourrait aider à juguler tous ces

problèmes.

DOUMBIA SOUMAILA, Coordinateur général de la plate-forme de la Société civile pour lapaix et la démocratie en Côte d’Ivoire.

« Il faut créer des emplois à Bouaké »

Autrefois, la ville de Bouaké était prospère à cause de son marché florissant, de son carnaval, de sa piscine, et de son festival de théâtrescolaire et universitaire qui se déroulait au centre culturel Jacques Aka. De par son importance et sa place dans le pays, la ville attirait etfascinait. Le marché de gros de Bouaké, jadis plaque tournante de l'activité économique, est aujourd’hui à l’agonie. Dans la ville, lesrues poussiéreuses sont prises d’assaut dès les premières heures par des hordes de jeunes sans emplois. Certains veulent bien se consolerde voir ressuscités le carnaval et le festival de vacance scolaire et universitaire qui constituaient une véritable attraction pour la ville deBouaké. Plus d’une décennie de crise politique ont porté un frein au développement de la ville qui voit le retour de l’administration avecun œil circonspect. « Il faut une bonne dose de psychologie sociale et politique doublée d’une patience » pour que les attributs de la Ré-publique y soient à nouveau acceptés et respectés dit un haut cadre de la région.

La Côte d’Ivoire profonde ou l’urgence d’une croissance inclusive

The World Bank Magazine Abidjan / N° 00916 L’espoir

DOSSIER

« Rapprocher les communautés del’Administration »

Bouaké, par le passé a connu une période dif-

ficile, à cause de la crise militaro-politique du

19 septembre 2002 qui a profondément per-

turbé le fonctionnement normal de l’adminis-

tration. Cette crise a aussi désorganisé tous

les secteurs d’activité. Et je dirai qu’elle a

même renforcé les barrières de méfiance

entre d’une part, les communautés et d’autre

part, entre les communautés et l’administra-

tion. Il y a un réel défi à relever à ce niveau.

La situation actuelle ressemble à un patient

qui se remet d’une perfusion. Le retour à la

normalité s’effectue de façon progressive. Le

rôle de l’Administration territoriale est capital

dans cette phase de renaissance et de recons-

truction. C’est dans ce contexte que le Préfet

de région, Préfet du département de Bouaké

a décidé d’initier des activités allant dans le

sens de l’amélioration des rapports entre les

autorités préfectorales et les populations de

sa circonscription administrative.

Cette ville, je viens de le dire, a été défigurée

par une décennie de crise. La rébellion qui a

séparé la Côte d’Ivoire en deux a fait que le

nord du pays n’a pas connu beaucoup d’in-

vestissements. C’est pourquoi, je profite de

vos colonnes pour dire que Bouaké est vrai-

ment de retour sur la scène nationale après

plus de 10 ans d’isolement. Donc, les inves-

tisseurs ne doivent plus hésiter, ils doivent

venir à Bouaké, car cette ville offre des op-

portunités incroyables pour faire de bonnes

affaires.

Les populations de Bouaké ont accueilli le

retour de l’administration avec beaucoup de

joie. Cependant, la partition du pays a fait

perdre aux populations locales le reflexe du

commandement. A titre d’exemple les enfants

qui, avant l’éclatement de la crise avaient

5ans, ont aujourd’hui 17 ans. Ils n’ont au-

cune notion de l’autorité et ne savent pas

l’importance d’un préfet, encore moins d’un

sous-préfet. Donc, c’est progressivement que

les populations des ex-zones du Centre et du

Nord du pays vont renouer avec l’adminis-

tration.

Je suis un peu nostalgique de notre adminis-

tration avant la partition du pays. C’était une

administration digne de ce nom, dotée de tous

les moyens pour faire appliquer l’autorité de

l’Etat et le bon fonctionnement des services

administratifs. Figurez-vous qu’au moment

où je vous parle, nous ne disposons pas de vé-

hicules de commandement. Or cela fait partie

de nos attributs. Dans pareille situation, l’au-

torité préfectorale pour ses déplacements est

obligée d’emprunter les mêmes véhicules de

transports que ses administrés. Dans ces

conditions, le commandement prend un

coup. Il est vrai que nous sommes au-

jourd’hui dans un processus de normalisa-

tion, mais il faut qu’on arrive à faire un

certain relèvement, qu’on renforce les capa-

cités de l’administration et éviter d’envoyer

les administrateurs civils dans des localités

où il n’y a pratiquement rien à faire.

Notre zone d’action s’étend sur les 3 ré-

gions de l’Ouest (Tonkpi, avec 5 départe-

ments) ; le Guemon (5 départements ) et

le Cavally (3 départements). Rien que

pour le Tonkpi, la population était estimée

en 2011 à un peu plus d’ 1 million d’habi-

tants. Nous sommes en train de travailler

sur l’annuaire statistiques 2012 et je puis

vous conformer le délitement de l’ensem-

ble des indicateurs socio-économiques au

niveau de ces 12 départements. Prenons le

cas de l’éducation. A titre d’exemple, au

niveau de l’enseignement primaire dans le

Tonkpi, il n’existe que 3600 classes pour

749 écoles. Sur les 124 000 élèves recen-

sés dans le primaire, à peine 2000 inscrits

au préscolaire, ce qui pose un réel pro-

blème pour les enfants âgés de 3 à 5 ans.

Le ratio des cantines scolaires est lui aussi

très faible : 206 cantines pour 43000 ra-

tionnaires. Le secteur de la santé est dans

une situation désastreuse : 1 médecin pour

32000 patients. 1 chirurgien pour 20457

patients. Seules 16 sages-femmes doivent

s’occuper de toute la région.

Les violences sociales, en particulier

sexuelles et domestiques, sont monnaie

courante ici. Danané rafle tristement la

mise, avec 66% des violences signalées en

2011. Phénomène inquiétant, les gros-

sesses non désirées, surtout chez les

jeunes filles. Une jeunesse livrée à elle-

même, aucune infrastructure de sport et

loisir. Les démobilisés de la guerre ajou-

tent à la gravité de la situation des jeunes

d’une façon globale. L’Etat a déjà fait des

efforts, mais ce n’est pas suffisant. A notre

avis, il va falloir très vite agir sur 3 do-

maines prioritaires : (i) Les infrastructures

scolaires et sanitaires ; (ii) Le désenclave-

ment des zones rurales, en mettant l’ac-

cent sur le transport; (III) la question du

foncier, notamment les forêts classées

menacées de disparition.

La Côte d’Ivoire profonde ou l’urgence d’une croissance inclusive

DJANDET LORNG, Sous-Préfet de BROBO, région du GBÉKÉ

Jacques BLEU, Directeur régional de l'Institut national de statistiques (INS), MAN (TONKPI)

17L’espoir The World Bank Magazine - Abidjan / N° 009

.

DOSSIERDOSSIER

C'est mon oncle qui m'a donné l'en-

vie de m'adonner à la culture du

cacao. Il était planteur à Guiglo

dans les années 80. Il a gagné beaucoup

d'argent et a construit une grande maison.

J'ai eu envie de faire comme lui. En 1987,

j'ai obtenu des parcelles de terre pour faire

ma plantation à Duékoué précisément à

Dahoua. J'ai commencé à vendre le fruit

de mon travail en 1992. Je me rappelle

qu'à cette époque le kg du cacao coûtait

300 F CFA, ce qui aujourd'hui paraît très

peu. Mais Dieu merci, le coût de la vie

était à l'époque bien meilleure qu’au-

jourd’hui

J'ai pu scolariser mon fils, construire une

maison et faire face aux difficultés des pa-

rents restés au village. Les bons moments

pour moi se situent au début de l'année

2001. Le prix du cacao était passé à 1.200

FCFA le kg. J'étais fier d'être planteur et

je n'enviais pas les fonctionnaires. La crise

de 2002 nous a vraiment fait mal : elle a

tout bouleversé dans la région. Elle est in-

tervenue au moment où le planteur était

fier de son travail et gagnait bien sa vie.

Plantations saccagées, maison brulées,

paysans de débandade. Nous avons payé

un lourd tribut à cette crise.

Aujourd’hui, on peut dire que le cacao «

nourrit son homme ». On a eu un prix ga-

ranti qui est de 725 F CFA le kg. Même si

la situation sécuritaire s'est nettement

améliorée, il y a encore des militaires qui

sont sur tous les axes secondaires, les

pistes, pour racketter les planteurs. Pour

aller au champ il faut payer, pour rentrer

au campement il faut à nouveau payer. On

ne fait plus que payer, à chaque passage.

Nous faisons face aussi à un autre pro-

blème : la maladie du Swollen Shot, qui

tue les plantations. On n'a pas trouvé de

solution adéquate pour y faire face à part

abattre les pieds atteints par cette maladie.

Autre problème, la plupart des vergers ont

vieilli. Le hic, c’est qu’il n'y a plus de

nouvelles terres cultivables.

J’avais 29 ans quand j’ai pris les armes en

2002, lors de l’éclatement du conflit ivoi-

rien. J’étais agent de reboisement à la SO-

DEFOR. J’avais été sensible au discours

sur l’injustice et j’ai accepté de me battre,

pendant une décennie. En juin 2009, j’ai

fait partie des premiers démobilisés dans

le cadre du PNRC (Programme National

de Réinsertion et de Réhabilitation Com-

munautaire). Nous étions au nombre de

6737 au cours de cette première vague. Le

deal reposait sur une formule simple : On

dépose les armes contre la promesse d’une

prime de 500 mille F CFA et une insertion

à travers des micro-projets. Pour tout vous

dire, c’est cette promesse qui est restée

gravée dans la mémoire de toux ceux que

l’on appelle Ex-combattants. La crise

post-électorale de 2011 a davantage com-

pliqué la situation des démobilisés dont le

nombre échappe désormais à toute comp-

tabilité crédible. Combien sommes-nous ?

Nul ne le sait avec précision. La

confiance, c’est l’autre épine dans nos

pieds car nous avons tout le mal pour ras-

surer les jeunes de sortir de leur clandesti-

nité si en retour, on ne leur offre pas la

garantie de pouvoir vivre en paix et en sé-

curité.

Il me semble que la question du DDR (Dé-

mobilisation Désarmement et Réinsertion)

souffre de graves dysfonctionnements que

la nouvelle ADDR (l'Autorité pour le Dés-

armement, la Démobilisation et la Réinté-

gration) devra s’atteler à résoudre, en toute

transparence. Au nombre de ceux-ci, le

mode de reprofilage car d’après le constat

que nous faisons sur le terrain, 80% des

ex-combattants préfèrent le métier des

armes en l’absence d’opportunités qui

puissent leur garantir un emploi digne et

stable. Les programmes de réinsertion

communautaire mis en place ne sont pas

cohérents et son limités dans le temps.

L’approche THIMO (Travaux à haute in-

tensité de Main d’œuvre) n’a pas été clai-

rement expliquée au départ. On a fait

comprendre aux jeunes que l’argent ga-

gnée pendant les 6 mois étaient « juste

pour se demerder » en attendant une inser-

tion plus pérenne. L’autre crainte, c’est le

retour du politique dans l’arène, avec tou-

jours cette tentation que les jeunes se re-

trouvent dans les mailles des magouilles

politiciennes. Je crois qu’il faut saisir l’oc-

casion offerte par la sortir de crise pour ré-

gler définitivement ce problème de DDR.

Kouagbé Zéoua Lucien, planteur de Cacao à Dahoua, sous-préfecture de Duékoué.

Zoh Namory Cherif, Porte-parole régional des ex-combattants, Man, région du Tonkpi

Kouagbé zéoua Lucien

Zoh Namory Cherif en chemise pagne

La Côte d’Ivoire profonde ou l’urgence d’une croissance inclusive

The World Bank Magazine Abidjan / N° 00918 L’espoir

DOSSIER

Au niveau mondial, l’agriculture etles ressources naturelles fontcertes partie du problème mais

surtout de la solution pour éradiquer lapauvreté, assurer la sécurité alimentaire etéviter que la température moyenne mondiale n’augmente de 4°C d’ici la fin du siècle en cours. Ces enjeux planétaires, laCôte d’Ivoire les connaît fort bien et subitchaque jour les conséquences d’une mauvaise gestion des ressources naturelles etdes litiges et conflits fonciers et halieutiques. Les contributions à ce Dossier duMagazine l’Espoir portent à croire que laCôte d’Ivoire a les moyens de relever lesdéfis d’une croissance inclusive et durabledu point de vue environnement. Mais lemessage est que, sans un meilleur et plussubstantiel investissement dans l’agriculture et les ressources naturelles, la pauvreté ne pourrait être éliminée et que lesIvoiriens subiraient de plein fouet les

conséquences d’un réchauffement climatique non maitrisé, même s’ils n’en sontles premiers responsables.Il y a aujourd’hui 870 millions de personnes ayant faim dans le monde. Il y ena presque autant ayant un revenu demoins de (selon les estimations de 2005)1.25$EU par jour. ¾ de ces pauvres viventdans les zones rurales, et la plupart d’entreeux dépendent des ressources naturelles etde l’agriculture pour leur survie. Le capitalnaturel dont ils ont besoin pour survivre sedégrade ou manque de sécurisation. Cespauvres sont aussi extrêmement vulnérables aux changements climatiques. Maisnous sommes aujourd’hui aussi dans uncontexte où le monde a de plus en plusbesoin de denrées alimentaires. Un accroissement de la population de 2 3 milliards, un changement des régimesalimentaires et l’utilisation des produitsagricoles à des fins autres que pour servir

d’alimentation nécessiteront que la production agricole mondiale croisse d’aumoins 60 pourcent d’ici 2050. Nous aurons besoin d’au moins 2 milliards additionnels de céréales, 200 millions detonnes de viandes, 130 millions de tonnesd’oléagineux, en plus des besoins en fruitset légumes.A cet accroissement des besoins se couplel’urgence de stopper l’épuisement des ressources naturelles. Le constat est gravedans ce domaine : 30 pourcent des stocksde poissons sont soit surexploités ou épuisés ; 40 pourcent des récifs coralliens sontperdus depuis 1980 ; 250 000 km2 de lasurface des océans sont considéréscomme zones mortes, la taille de laGrande Bretagne ; 52 millions d’hectaresde forêts ont été perdus entre 2000 et2010 ; 28 pourcent de la population mondiale vit dans des conditions où l’eau potable est rare, un taux pouvant atteindre 50pourcent d’ici 2100 si ce n’est plus tôt ;exception faite de quelques régions enAfrique et en Amérique du Sud, la limitedes terres arables non encore exploitéesdans le monde a été atteinte ; selon laFAO, 25 pourcent des terres agricoles sontaujourd’hui en état de dégradation avancée et 8 pourcent modérément dégradée.Le changement climatique ne fera qu’accentuer ces tendances lourdes mentionnées plus haut, si des mesures ne sont pasprises aujourd’hui, avant demain. Toutcomme les images satellite montrant lafonte de la calotte glaciaire au Groenlandl’été dernier, un nouveau rapport alarmant(élaboré pour la Banque mondiale) indique qu’il est désormais plus qu’urgent

Le défi des changementsclimatiques sur le monde

rural ivoirien.

MAN, capitale du TONKPI

La Côte d’Ivoire profonde ou l’urgence d’une croissance inclusive

Et pour conclure…. !

Par Nabil Chaherli

19L’espoir The World Bank Magazine Abidjan / N° 009

DOSSIER

Les changements climatiques affectent en premier lieu les paysans

La Côte d’Ivoire profonde ou l’urgence d’une croissance inclusive

de limiter les risques grandissants du réchauffement climatique. Turn Down theHeat: Why a 4°C Warmer World Must beAvoided prédit que la températuremoyenne mondiale risque fort d’augmenter de 4°C d’ici la fin du siècle et nousalerte sur les conséquences de ce scénario: vagues de chaleur extrême, baisse desstocks mondiaux de denrées alimentaires,perte d’écosystèmes et de biodiversité, élévation dangereuse du niveau des mers. Enoutre, le rapport souligne que les effets délétères du réchauffement du climat frappent plus durement nombre de régions lesplus pauvres de la planète et risquent desaper les efforts et les objectifs mondiauxde développement.Mais une tendance fort préoccupante pourun pays comme la Côte d’Ivoire est labaisse des rendements agricoles. Une augmentation des températures de 4°C pourrait faire reculer les rendements agricoles,générant des inquiétudes quant à la sécurité alimentaire de demain. Des expériences sur le terrain ont montréqu’au delà d’un certain seuil, les cultures

sont extrêmement sensibles aux températures. Selon une étude citée dans le rapport ci dessus, d’après les calculs avec les«degrés jours de croissance», chaque journée où la température atteint 30°C réduitles rendements de 1 % pour une culturepluviale en l’absence de sécheresse.De plus, si le réchauffement climatiquemondial approche ou dépasse les 2°C,cela risque de déclencher des éléments debasculement non linéaires : par exemple,la fonte de la calotte glacière de l’Antarctique occidental, qui donnerait lieu à uneélévation plus rapide du niveau des mers,ou le dépérissement de la forêt amazonienne, qui affecterait énormément lesécosystèmes, les fleuves, l’agriculture, laproduction énergétique et les moyens desubsistance. Les conclusions du rapport dela Banque mondiale sont sans appel : ilfaut impérativement faire baisser la température pour éviter que le scénario des «4degrés» de plus ne se réalise. Et nous n’yparviendrons qu’en mettant en place desactions internationales rapides et coopératives au niveau global et que chaque pays,

dans sa sous zone, prennent des mesuresdrastiques. Mais ces actions à prendre nedoivent nécessairement pas rentrer encontradiction ou opposition directe avecles préoccupations de court et moyenterme en matière de développement, etsurtout un désir de faire bénéficier les populations rurales des fruits de la croissancegénérée par l’exploitation des ressourcesnaturelles. Pour la Côte d’Ivoire, arriver àune croissance durable et inclusive requiert un passage obligé non seulementpar une agriculture «climatiquement intelligente» qui puisse représenter une triplevictoire pour l’agriculture, le climat et lasécurité alimentaire, mais aussi par le règlement des conflits opposant les autochtones, les allogènes, les éleveurs, lescultivateurs, les pêcheurs, les agro industriels sur les questions des ressources naturelles au sein même du village qui avaitsi bien contribué à construire la ville. Lesmenaces sont réelles, les solutions et lesopportunités doivent l’être aussi.

The World Bank Magazine Abidjan / N° 00920 L’espoir

IN ACTION

Togo

Aného, ou l’effet «Projet Corridor»

Patrice Ayivi, Président de la Délégation Spéciale d’Aného : « Le Projet Corridor est entrain de changer le visage de la Ville d’Aného ! »

Aného est la principale ville bénéficiaire duProjet Corridor en termes d’infrastructures.En tant que Maire de la Ville, dites-nous ce quise passe concrètement.

Patrice Ayivi : Aného es effec ivemen bénéficiaire du Proje Corridor ac uel, mais jedois vous dire que nous avons égalemen é ébénéficiaires du ou premier Proje Corridor,qui nous a beaucoup sou enus dans la lu econ re le VIH/SIDA. Dans le cadre de l’acuel Proje Corridor, plusieurs chan iers oné é ouver s e son ac uellemen en coursd’achèvemen .

D’abord, il y a la route. A la fin des ravaux,la ville va ê re o alemen raversée par unerou e en double voie qui par de l’en rée de

la ville jusqu’à la fron ière avec le Bénin,avec un éclairage public ou au long de lavoie. A l’in érieur de la ville, la pe i e bre elle(«voie d’Adjido») qui qui e le pon e rejoinle carrefour de Messan Kondji es aussi enièremen bi umée e sera égalemen éclai

rée. Dans ce e par ie de la ville, les quar iersAmado é, Yésuvi o e Zongo qui subissaiendes inonda ions à chaque saison des pluiesson main enan assainies e les habi an sson rès con en s ; ou un réseau de caniveaux y a é é cons rui pour gérer les inonda ions.

Au niveau du Pon d’Aného, un second ponten construction es presque achevé. Ce ouvrage va résoudre beaucoup de problèmespuisque, avec l’ancien pon , une simplepanne d’un gros camion pouvai paralyserou e la voie, chose qui sera résolue avec le

dédoublemen du pon . . Au niveau de lafron ière, il y a la gare routière de Sanvee-Condji qui a é é en ièremen rénovée pourme re à l’aise les usagers e assurer unemeilleure ren abili é. Elle a é é pavée, assainie avec des oile es, munie de guéri e e dehangars pour que les passagers en ransipuissen se reposer.

Le Magasin d’Ecor [douanes] qui occupaiune grande place a é é démoli pour ê re recons rui plus loin, sur un si e plus adap é.Sur l’ancien si e, c’es une pla e forme com

merciale qui es en cons ruc ion pour queou es les femmes revendeuses qui encombren l’emprise de la voie e celles qui venden le pain en couran après les véhiculesau niveau de la fron ière puissen y ê re réins allées. Ce e pla e forme nous permed’évi er l’encombremen e le danger quecouraien ces femmes. Avan ces infras rucures, nous enregis rions beaucoup d’acci

den s ; des véhicules super chargés serenversaien sur d’au res véhicules ou desbou iques. La pla e forme es donc salu aire.

L’au re grand problème don nous souffrionsdans le emps es celui du s a ionnemen desgros por eurs le long de la voie au niveau dela fron ière, ce qui comprome ai énormémen la fluidi é du rafic à ce niveau, causanparfois de rès sérieux encombremen s.Grâce au Proje Corridor, un vaste parkinges main enan cons rui à l’en rée de la villee peu accueillir jusqu’à 200 camions. Desinfras ruc ures connexes, elles que des oile es, son égalemen cons rui es à ce endroi pour les usagers.

Vous semblez très enthousiaste en parlant deces réalisations. Est-ce le même sentiment ducôté de la population quand on sait que parmielle, certains citoyens ont dû perdre leurs mai-sons. Comment avez-vous réglé la situation deces personnes ?

Patrice Ayivi : Sans réfléchir, je vous dis que

Le Maire d’Aneho

Par Sylvie Nénonene

Frontalière avec le Bénin, Aného est une ville togolaise abritant une population de 25.000 habitants. Cette ville qui connaît un trafic im-portant est bénéficiaire du Projet de Facilitation du Commerce et du Transport le long du Corridor Abidjan-Lagos, financé par la Banquemondiale, communément appelé «Projet Corridor». Lors des «Journées Portes Ouvertes sur la Banque mondiale» au Togo les 10 et 11janvier 2013, le Maire de la Ville d’Aného, Patrice Ayivi, s’est exprimé sur les réalisations du Projet Corridor et leurs impacts sur Anéhoet ses habitants.

21L’espoir The World Bank Magazine Abidjan / N° 009

IN ACTION

le vole social a é é rès bien respec é, e leproje nous a associés de bou en bou . Jecrois qu’il n’y a pas long emps, cela ne sefaisai pas dans no re pays. Nous saluonsce e approche de la Banque mondiale e duGouvernemen ogolais, qui veu que, quandil y a de nouvelles infras ruc ures à ins aller,les popula ions ouchées ne soien pas léséese puissen ê re réins allées e dédommagées. C’es vrai que le proje a causé des désagrémen s aux popula ions riveraines le longdes voies. La Banque mondiale a exigé quele proje règle ous ces problèmes avan queles ravaux ne démarren . E , à ce i re, laMairie d’Aného a é é associée à la Direc ionGénérale des Travaux Publics pour gérer ensemble ce vole social. Ainsi, les commerçan s, cou urières e ar isans qui avaienleurs bou iques e a eliers le long de la voieon é é iden ifiés e dédommagés.Pour les maisons qui on é é démolies dansle cadre du Proje , une cellule de crise a é écréée pour conduire des discussions avec lesvic imes qui on donné leur avis sur le plande reloca ion présen é par la Direc ion Générale des Travaux Publics. La Mairie a proposé rois si es, laissan aux popula ions lechoix por é sur l’ac uel si e où elles son relogées. Ce si e es à peine à 1 km de l’anciensi e, oujours en ville. Ce qui es égalemenimpor an , c’es que le proje a vraimen misles gens dans de bonnes condi ions. Parceque, en re le si e ini ial e l’ac uel si e, je

peux dire que c’es le jour e la nui . Desgens on qui é une chambre pour se re rouver avec une chambre/salon e errasse. LaBanque a exigé que ces maisons soien équipées en eau po able e en élec rici é, alorsque cer aines d’en re elles n’avaien aucunde ces services vi aux.

C’est donc le soulagement pour tout lemonde ?

Patrice Ayivi : Oui ! Mais nous avons encoredes doléances, sur ou pour nous aider à clôurer le parking e à y cons ruire des bureauxpour la douane, la police, la mairie, e leges ionnaire du parking. E sur ou , à la demande de la Mairie, nous avons sollici é unbureau pour la sensibilisa ion e la lu econ re le Vih Sida, parce qu’un parking esun espace de propaga ion du Sida.

Est-ce que vous ressentez déjà les impactsdu Projet ? Si oui, sous quelles formes ?

Patrice Ayivi : Comme vous le savez, Anéhoes une ville ouris ique. Tou es ces infras ruc ures son en rain de changer o alemen le visage de la ville ! Ceux qui ne sonplus venus à Aného depuis deux ans pourraien penser qu’ils son en rain de raverserune au re ville. Déjà, nous avons remarquéun réel engouemen des na ifs qui on commencé à s’in éresser beaucoup plus à leur

ville e à s’y ins aller. C’es déjà le boom del’immobilier, avec une augmen a ion desprix d’acquisi ion des errains à Aného subiemen devenue une a rac ion pour de nombreuses personnes. En un an, les prix sonpassés du simple au double, en re 2 e 3 millions F CFA aujourd’hui con re 1 ou 1,5 million FCFA auparavan . Ceci nous réjouibeaucoup, car une ville grandi par le nombre de cons ruc ions e d’habi an s qui s’yins allen . L’au re aspec , c’es qu’Aného serapproche un peu plus de Lomé. Avec l’améliora ion de la rou e sur le Corridor, la duréedu raje en re les deux villes s’es rédui ed’environ 30 à 35 minu es. Aného va ainsidevenir une ville de loisirs e une ville résiden ielle, car nous offrons calme e villégiaure, loin d’un environnemen déjà pollué es ressan ailleurs.

Il nous fau main enan irer profi des infras ruc ures financées par la Banque mondialee créer d’au res infras ruc ures d’accueil.Déjà, nous sommes con ac és par des opéra eurs économiques dans le domaine del’hô ellerie e grande surface qui souhai eninves ir dans no re zone. Aného va servir derelai en re Lomé e Co onou. Aného va sor irde l’ombre. La con ribu ion du Proje Corridor au développemen de la ville es doncconsidérable !

The World Bank Magazine Abidjan / N° 00922 L’espoir

IN ACTION

Le nouveau cadre de Par enaria S ra égique (CPS) pour le Benin s’inspire del’évalua ion de la précéden e s ra égie

d’assis ance (CAS). Au erme des consul aions en mars 2012, le CPS a é é conçu auour : d’un axe fonda eur (i) «gouvernance ecapaci é du sec eur public» afin de promouvoir une meilleure gouvernance e améliorerles pres a ions du sec eur public; e deux aures axes (ii) «Croissance, compé i ivi é e

emplois», pour promouvoir la croissance ecréer des emplois ; e (iii) «accès aux servicessociaux de base e inclusion sociale», pouraccroî re e améliorer l’accès aux services debase. Ce e nouvelle orien a ion devrai perme re d’appuyer les effor s du gouvernemenbéninois face aux grands défis qui on é éiden ifiés au cours des consul a ions avec lesuniversi aires, le sec eur privé, la socié é civile, les religieux, les médias, les cen ralessyndicales, les parlemen aires, les par enairesechniques e financiers, e le gouvernemen .En lame de fonds, le Bénin souffre d’un défici chronique de capi al social, c’es à dired’un manque de confiance en re ous les aceurs de la socié é. En ermes économiques,cela se radui par des coû s de ransac ionssouven si élevés que les ransac ions ne sefon pas, réduisan de ce fai l’ac ivi é économique globale du pays. Ce manque de s ra

égie de coopéra ion en re les ac eurs économiques, cumulé avec une économie insuffisammen compé i ive, engendre uneéconomie peu diversifiée reposan sur la monocul ure du co on e le commerce de ransi . Sur le cour erme, les grands défis sonles infras ruc ures de base (rou es, réseauferré, énergie, élécommunica ions, e c.),l’environnemen des affaires défavorable (fiscali é, jus ice, corrup ion e gouvernance,e c.), e la capaci é limi ée d’absorp ion del’aide publique au développemen .

Tirer les leçons du passéLes leçons de la mise en œuvre du CAS2009 2012 perme en à la Banque mondialee aux au res par enaires echniques e financiers (PTF) du Bénin d’ê re plus efficacesdans la concep ion e la mise en œuvre deleur s ra égie d’aide au développemen . Surle plan poli ique, il apparaî que pendan ladécennie précéden e, les confli s poli iquese sociaux on miné l’ac ion du gouvernemen qui n’a pas su engendrer le consensusau niveau des réformes s ruc urelles difficiles(en par iculier la réforme de la Fonc ion Publique). De ce fai , la bonne compréhensionde l’économie poli ique e des dynamiquesin ernes de prise de décision e de créa ionde consensus es nécessaire dans la concepion de réformes ins i u ionnelles qui affecen la gouvernance. Au suje des

mécanismes de financemen du développemen , les par ies prenan es consul ées on recommandé que la Banque mondiale u iliseun mix e d’opéra ions d’appuis budgé airese d’inves issemen . Au suje des finances publiques, en dépi de l’appui echnique desau res bailleurs, le plan d’ac ion de l’améliora ion de la ges ion des finances publiques

aurai connu plus de succès dans sa mise enœuvre si une assis ance echnique avai é émise à disposi ion pour aider le gouvernemen à concevoir e me re en œuvre la marice de réformes.

Le Bénin dispose d’une posi ion s ra égiquequi lui confère un avan age compara if vis àvis des au res pays de la sous région. Ce eposi ion s ra égique découle (i) de sa proximi é avec le Nigeria, le plus grand marché del’Afrique Sub Saharienne avec une populaion de plus de 160 millions d’habi an s (30% de classe moyenne) ; (ii) du fai que c’esle corridor le plus cour pour accéder à lamer pour les économies de l’hin erland (Burkina Faso, Niger) ; e (iii) de ses erres fer ilesqui pourraien po en iellemen alimen erl’ensemble de la sous région. Mais le pays aaussi des faiblesses auxquelles il va falloir rapidemen s’a aquer : les infras ruc ures obèren la produc ivi é des en reprises (7,5 % deper es de produc ion liées aux con rain es del’offre élec rique) ; une for e dépendance àl’expor a ion du co on (30 % du PIB) ; un poen iel agricole insuffisammen exploi é, avecdes aux d’irriga ion de erres cul ivablesd’environ 0,5 %. Quan au clima des affaires, il n’es guère reluisan : 175 sur 183en 2012, gagnan un seul poin en 2013.

Dans quelques mois, avant la fin de l’année fiscale en cours, le Conseil d’Administration de la Banque mondialedevra examiner et approuver une nouvelle stratégie de partenariat pays avec le Bénin pour les cinq prochaines années(2013-2017), cohérente avec la dernière Stratégie de Croissance pour la Réduction de la Pauvreté (SCRP-3) du gou-vernement béninois et la nouvelle stratégie de la Banque mondiale pour l’Afrique. Entre mars et juillet 2012, laBanque mondiale a organisé de larges consultations avec les acteurs sociaux, politiques et économiques du pays.

Bénin

Cap sur l’avenir

Le Port de Cotonou

Par : Amadou Ibrahim, OlivierFremond et Nadiath A. Dende

23L’espoir The World Bank Magazine Abidjan / N° 009

IN ACTION

Des efforts substantiels ont été enregistrés au cours de la décennie2000 2010 pour accroître quan

titativement l’offre d’enseignement supérieur. Les effectifs de l’enseignementsupérieur ont été multipliés par quatrependant cette période, passant de 15 676

étudiants à 60 232. Ainsi, le nombre d’étudiants pour 100 000 habitants est passé de213 en 2002 à 383 en 2011. Ce progrèsdemeure inégalitaire, les filles représentantmoins du tiers des effectifs en 2011(32,6%). Cette augmentation des effectifs n’estpas allée de pair avec une amélioration de

la qualité, en raison de l’insuffisance desbudgets affectés à l’acquisition des intrantspédagogiques et surtout d’une insuffisancequantitative d’enseignants qualifiés dansles différentes disciplines.Les coûts unitaires par étudiant estimés à504 961 F CFA sont légèrement inférieurs

L’accès à l’enseignement supérieur burkinabè se caractérise par un paradoxe : il accueille à la fois trop et insuf-fisamment d’étudiants. Le décalage est en effet manifeste entre les capacités d’accueil, tant au niveau des infra-structures, des ressources humaines que financières, et les flux d’étudiants, bien que le nombre d’étudiants pour100 000 habitants reste quasi dérisoire en comparaison à ce qui est observé dans des pays de niveau de dévelop-pement économique comparable sur d’autres continents. L’autre dimension de ce paradoxe est l’inadéquationde l’offre de formations par rapport aux besoins des secteurs de l’économie en ressources humaines, avec commeconséquence le chômage des diplômés pendant que subsistent des demandes de compétences non satisfaites.

Burkina Faso

Le drame de l’école francophone :le cas du Burkina Faso

Des Etudiants en phase avec les NTIC à l’université de Bobodioulasso

Par Adama Ouedraogo

The World Bank Magazine Abidjan / N° 00924 L’espoir

IN ACTION

à la moyenne africaine1 . Quatre universités publiques constituent l’essentiel del’offre d’enseignement supérieur (les Universités de Ouagadougou, Ouaga 2, Koudougou et l’Université Polytechnique deBobo). Elles sont marquées par la faiblessede leurs capacités d’accueil. A titred’exemples, l’Université de Ouagadougouenregistre plus de 40 000 étudiants pourune capacité de 20 000 étudiants, tandisque celle de Koudougou prévue pour recevoir 3 500 étudiants en accueille plusde 9 000. Le gouvernement a créé récemment des pôles universitaires régionaux àFada N’gourma, Ouagadougou et Dédougou pour décongestionner les universitéspubliques.

L’enseignement supérieur privé, qui représente aujourd’hui 21 % des effectifs totauxd’étudiants a connu un développement significatif ces dernières années, pour répondre en partie aux besoins des famillesdésireuses d’avoir un enseignement régulier eu égard aux perturbations récurrentesde l’enseignement supérieur public. Cependant l’enseignement supérieur privésouffre des mêmes problèmes de qualitéque l’enseignement supérieur public.

La répartition des étudiants par filière faitapparaître une forte prédominance des filières dites littéraires (près de 54 % desétudiants) au détriment de filières scientifiques (13,6 %) et surtout productives : lesfilières industrielles accueillent ainsi 0,8 %des étudiants et l’agriculture à peine 1 %2. Cette répartition n’est pas étrangère aufait que 21,3 % des diplômés de l’enseignement supérieur soient au chômage(QUIBB 2007/enquête annuelle sur lesconditions de vie des ménages). Elle traduit le fait que depuis son implantation,l’enseignement supérieur n’a pas fondamentalement changé pour s’adapter auxbesoins évolutifs de développement socioéconomique du pays.

Sortir des sentiers battus

Les formations universitaires se réfèrenttoujours principalement au contexte quiprévalait aux lendemains de l’Indépendance (années 1960 1970), lorsqu’ils’agissait de constituer une administrationpublique nationale, alors que ces débouchés dans les fonctions publiques n’existent plus.

L’adaptation de l’enseignement supérieurau contexte actuel de développement économique devrait être soutenue par des réformes structurelles tant au niveau de lagouvernance du système que dans ses méthodes et ses contenus. Cela passerait pardes solutions innovantes pour améliorer lapertinence et la qualité tout en apportantdes réponses structurelles au taux d’échecélevé dans l’enseignement supérieur.Confrontés à des problèmes similaires,certains pays ont expérimenté avec succèsdes formules dont pourrait s inspirer leBurkina. Les Community Colleges (collèges communautaires) aux États Unis etau Canada et les Polytechnics en Angleterre et en Australie pourraient être considérées à cet effet. Par leur ancrage directdans les problématiques concrètes de développement de l’environnement de leurimplantation, ils permettent de réduire ledéséquilibre entre les filières scientifiqueset littéraires et d’améliorer l efficacité interne et externe du système de formation.L’accent devrait être mis sur le développement de filières professionnalisantes,comme cela se fait dans les IUT, en opposition au fait que la majorité des étudiantss’inscrivent dans des filières généraleslongues sans perspectives professionnellesapparentes dans le court et moyen terme.Cette professionnalisation pourrait incluredes formations modulaires de techniciensdans un certain nombre de secteurs considérés comme porteurs de croissance. Pourêtre efficace, la conception et la mise enœuvre de telles réformes devraient inclureun travail en amont au niveau de l’enseignement secondaire, surtout le secondcycle, du fait de ses liens structurels avecl’enseignement supérieur.

1 Selon le RESEN (2010), en comparaison à ce qui est observé dans les autres pays de niveau similaire, les coûts unitaires de formation à l’enseignement supérieur représentent 215,2% du PIB/ par tête, soit légèrement inférieurs à la moyenne de 224,1% du PIB/ tête d’habitants des pays retenus pour la comparaison.

2 P. J. Kamano et al: Les défis du système éducatif burkinabè en appui à la croissance économique, Rapport d’Etat du Système Educatif (RESEN), Banque mondiale, 2010.

En Afrique, l’excellence est un pari pour tous les établissements d’enseignement supérieur

25L’espoir The World Bank Magazine Abidjan / N° 009

.

IN ACTION

La crise post électorale qui a connu son épilogue en avril2011 a eu pour entre autres conséquences, l’approfondissement des ornières de la déstructuration sociale en Côte

d’Ivoire et la fragilisation de l’autorité publique dont certains desattributs notamment infrastructurels ont été endommagés voiredétruits. Cette situation a interpellé le PAPC qui depuis 2008 étaità pied d’œuvre en vue d’accompagner le processus de sortie decrise tel que contenu dans l’Accord Politique de Ouagadougou(APO). Ce nouveau contexte a inspiré le lancement, il y a environneuf mois, de deux (2) opérations d’envergure dont l’une dénommée «Projet d’Urgence pour la Réintégration des Personnes Déplacées Internes (PUR PDI)» est une réponse communautaire,spécifique et ciblée, destinée à une partie de l’Ouest de la Côted’Ivoire. La seconde opération est une réponse aux besoins desadministrations publiques consistant à réhabiliter ou construire19 préfectures identifiées par le Ministère de l’Intérieur commeétant de l’ordre de ses priorités.

Neuf mois après le démarrage de ces deux opérations, quellesen sont les réalisations ?

Défis n°1 : Jeter les bases de la cohésion sociale par le rappro-chement communautaire Comment briser le mur de la méfiance entre les communautésqui s’estiment à la fois victimes et bourreaux les unes des autres.Voilà le principal défi qu’a relevé le PAPC dans le processus demise en œuvre du PUR PDI. Ce sont ainsi 5 Comités de Développement Communautaire inclusif, 5 «petits gouvernements»selon les mots des bénéficiaires, qui conduisent dans la concertation et la transparence des projets d’intérêts communautaires,à Niambly, Toa zéo, Délobly, Duékoué Carrefour et Diahouin.Témoin de ce renouveau, à Delobli, un ex combattant a été élucomme président du comité de développement et à Niambly,une personne déplacée interne, non ex combattant est présidentdu comité comprenant des ex combattants.

Défis n 2 : Prévenir la crise en agissant sur lesindicateurs so-ciaux dont la disparité fait le lit à la contestation

Il s’agit ici d’apporter une réponse intégrée qui puisse contribuer

Par Sophie Kouadio

Cohésion Sociale, enjeu majeur de la sortie de crise en Côte d’Ivoire :

Le PAPC innove

Les femmes constituent un vecteur de cohésion sociale incontournable

The World Bank Magazine Abidjan / N° 00926 L’espoir

IN ACTION

à renforcer la cohésion sociale. Le pland’actions comporte ainsi trois piliers :• l’accès aux ressources économiques,

• l’accès à l’habitat et aux services sociaux de base ; et

• l’accès aux services publics.

Quelques exemples pour illustrer les pre-miers résultats sur le terrain ?

Assurer un revenu aux retournés par l’activité agricole en ouvrant les yeux sur laquestion foncière

Alors que, dans sa stratégie de cohésionsociale, le PAPC envisageait de faciliter ladélivrance d’au moins 250 certificats fonciers, près de 500 requêtes ont été formulées. En lien avec les services du Ministèrede l’Agriculture et le Bureau Nationald’Etude Technique et de Développement(BNETD), le processus est amorcé.

Assurer un revenu aux groupes défavori-sés pour faciliter leur réintégration

Dix groupements économiques déstructurés pendant la crise sont retenus dans les

filières de l’élevage, de la production et dela commercialisation des cultures vivrières. 150 millions de CFA soit 15 millions par groupements seront injectés dansl’économie locale d’ici mai 2013.

Restaurer la dignité des individus en res-taurant leur habitat

Sur une prévision initiale de 1000 bénéficiaires pour les habitations, la demanderéelle est finalement de plus 3000. Plus que 30 ou 45 jours pour intégrer lesmaisons, mais au delà de restituer leur dignité à ces chefs de ménages, hommesfemmes et enfants, le processus quiconduit aux chantiers de constructions deshabitats individuels offre un espace debrassage et d’expression communautairequi le dispute aux grandes assemblées démocratiques.

A Niambly par exemple, la liste de 200«heureux» bénéficiaires toutes composantes socio ethniques du village confondues, est le fruit d’un ciblage conduit etapprouvé par la communauté sur les 700demandes enregistrées. Fait majeur, cette

liste n’a souffert d’aucune contestation àl’issue du processus de sélection.

La démarche de sélection transparente,participative et admise par tous y est certainement pour beaucoup. Pour lesjeunes, au terme des travaux, il y a le renforcement des compétences et le financement de leurs projets d’entreprisesindividuelles ou collectives de travaux publics. Il y a également la fierté d’avoircontribué à l’apaisement social favorableà la réalisation de leur projet.

Créer les conditions d’un accès équitableaux infrastructures de base

Un accès équitable des populations auxservices sociaux de base devrait a prioricréer ainsi un climat propice au vivre ensemble. Mais suffit il de réhabiliter ouconstruire une école dans un contextepost conflit pour apporter la paix sociale ?Autrement dit, comment favoriser le vivreensemble en s’appuyant sur les chantiersde construction ou de réhabilitation desinfrastructures communautaire ?

27L’espoir The World Bank Magazine Abidjan / N° 009

.

IN ACTION

Le remède à succès est sans nul doutel’approche du développement conduit parles communautés que le PAPC a revisité àl’occasion du PUR PDI et dont les acquisvisibles restent le formidable élan communautaire qui imprime la conduite des activités. Guéré, Malinké ou Baoulé ; homme,femme ou jeune, se sentent tous propriétaires du centre de santé et de l’école.D’où viendra t il que «les autochtones»envisagent d’empêcher les autres «ces allogènes», «allochtones», «nos bourreaux»,de s’abreuver à la pompe du village implantée sur la terre de «nos ancêtres» ?

Faciliter ou améliorer l’accès aux servicespublics

L’un des enseignements que le PAPC tirede sa présence sur le territoire ivoirien depuis plus de quatre ans c’est que la faiblecapacité des démembrements de l’Etat àaccompagner efficacement la mise enœuvre des projets et, ce, en dépit de leurvolonté est un facteur limitant pour le succès.

C’est pourquoi la réponse publique prenddeux formes : le renforcement des capacités des services publics et la restaurationde l’autorité de l’Etat.

Le PAPC a notamment agit sur deux entitéspour faciliter la mise en œuvre du PURPDI. En équipant par exemple les agentsdu Ministère de l’Agriculture (commis

saires enquêteurs, CGFR) en matériel roulant et informatique dans le cadre du processus de délimitation des parcelles dansles 5 villages du PUR PDI et des villagesavoisinants ou en facilitant l’enregistrement des enfants à l’état civil, le PAPC meten lumière la nécessité d’agir sur deuxcauses du conflit ivoirien à savoir la question foncière et le problème de l’identification.

Rendre présent l’Etat pour rassurer les po-pulations affectées par le conflitQuestion essentielle : quelle articulationentre la cohésion sociale et la Restaurationde l’autorité de l’état ?L’une des conséquences de la crise sociopolitique est l’incapacité de l administration publique à assurer ses missions parceque l’Etat est apparu vulnérable et donc incapable de garantir aux citoyens l’autoritépublique qui concourt à la cohésion sociale et à la paix, gages de la réconciliation et de la concorde nationale.C est fort de ce constat que le PAPC a accédé à la sollicitation du Ministère de l’Intérieur en vue de doter un certain nombred’unités administratives d’infrastructuresdevant abriter les services des préfectures.

C’est le sens de la construction des 19 préfectures dont les travaux sont en cours àBloléquin, Gueyo, Kouibly, Zouan Hounien, Zoukougbeu, Ouangolodougou, Attiégouakro, Doropo, Kouto, Kounahiri,M’batto, Sikensi, Kani, Didiévi, Séguéla,Bouaké, Gagnoa, Tiendiékro et bientôt Ra

viart.

Le résultat de cette opération est non seulement le redéploiement de l’administration, la restauration de l’autorité de l’Etat,mais également la formation de 1000jeunes aux métiers du bâtiment à traversles chantiers écoles. A l’issue des travaux,ces jeunes (maçons, plombiers, carreleurs,charpentiers etc.) auront acquis un savoirfaire leur permettant de s’insérer dans letissu social et économique.

Ces deux opérations à fort impact sur lacohésion sociale prennent encrage dans lePlan National de Développement 20122015 notamment au titre du volet relatifd’une part «à la paix, la sécurité et à la cohésion sociale» et d’autre part sur les aspects liées à la «Gouvernanceadministrative et territoriale».

Les leçons apprises :

Leçon n° 1 : Le traitement de la cohésionsociale ne peut et ne doit être envisagéque dans une approche holistique c’estdire suffisamment globale pour prendre encompte les dimensions sociales, matérielles, physiologiques, psychologiques etculturelles des membres de la communauté.

Leçon n° 2 : Le renforcement de la cohésion sociale à base communautaire exigeune forte responsabilisation des bénéficiaires à la base. Les communautés doivent s’approprier toutes les initiativesprises en leur faveur et en maitriser lescontours.

Leçon n° 3 : Le renforcement de la cohésion sociale s’accommode mal du délitement de l’Etat, garant de l’autoritépublique, de la loi et de l’ordre.

Leçon n° 4 : Un projet axé sur la cohésionsociale doit induire nécessairement desbénéfices pour les individus et pour legroupe.

Les travaux à haute intensité de main d’oeuvre contribuent à résoudre l’épineuse question du chômage des jeunes

The World Bank Magazine - Abidjan / N° 00928 L’espoir

-

Maître Brigitte Mensah,Epse Roger GOURIAun combat pour la vie

On la donnait pour définitivement «finie» lorsqu’elle avait sombré dans deux comas successifs, pendant 2 ans de maladie, des suites

d’une méningite cérébro-spinale. Puis un jour, une voix de l’intérieur lui intima l’ordre de se réveiller et marcher

à nouveau. Pour la vie, elle perdra la vue, mais pas le combat pour la vie. Zoom sur une non voyante

pas comme les autres.

2004. ’année où tout a bascu é dans avie de cette jeune femme é ancée ausourire ravageur, qui avait e ythme dans

a peau au point qu’une amie de sa mère uiprédisait une carrière de danseuse. «J’étaisférue de Rumba, notamment de Kanda BongoMan et je rempo tais tous es trophées sur espodiums, à Koumassi» se souvient e e dans ungrand éc at de rires. «Je n’avais jamais connude signes avant coureurs que je risquais de perdre a vue. J’avais une santé fragi e certes, maisrien de si a armant qui m’eut a ertée sur a gravité des faits». Les faits justement, c’est au retour d’un voyage en 2004 dans a sous régionque Brigitte Mensah va es vivre, de a façon ap us terrib e qui soit, mais aussi a p us digne.Par trois fois, e e avait été admise dans un Hôpita d’Abidjan. Trois fois et toujours es mêmesrésu tats, tous inexacts ! «Les médecinsn’avaient rien vu venir, disant tout et econtraire. Vous inquiétez pas, c’est juste unefièvre, de a typhoïde ou un début de pa udismeme disait on » Une rengaine en Côte d’ivoireoù tout est mis sur e compte du Pa u dit e e,toujours avec ce sourire qui ne a quitte jamais.Lorsqu’enfin on découvre a réa ité, i était troptard, hé as, pour ce e qui était promue à un sibe avenir d’avocate. Depuis ce jour, Maitre Brigitte Mensah, inscrite au barreau d’Abidjan, saitqu’une nouve e page de sa vie a ait commencer. C’est e combat de sa vie.Les Médecins français sont forme s sur e diagnostic : eur patiente a trop ongtemps trainécette ma adie que es dégâts sur ses nerfs optiques se sont révé és irréversib es. Que quesmois auparavant, avant de prendre ’avion pourParis, tous es pronostics a donnaient pourmorte. La ma adie avait te ement affecté soncorps qu’e e ne pouvait bouger un seu membre. A a recherche d’un u time signe que Brigitte soit au moins capab e de prendre ’avion,es médecins se ruent à son chevet orsqu’e esort du coma et ui posent a question : Que eannée est on ? 1700 répond Brigitte, devant sesproches à a fois hi ares et tristes. Brigitte a ece veau sérieusement endommagé et ne peutdonc supporter d’a er en haute a titude. On uiaffecte un Kinésithérapeute qui tente de ui apprendre a force de dompter e ma . «I m’arrivait des jours entiers où je m’enfermais etrefusais de voir es gens. Désemparé, mon Médecin traitant ne savait pas quoi faire. Je ui doisbeaucoup, car i m’a appris e combat pour asurvie. Je suis passée par tous es types d’han

dicap, pas seu ement a déficience visue e. ementa , e sourd muet, etc. Je peux en rire aujourd’hui, mais ce n’était pas une tasse de thé». RésurrectionMirac e ou pas, que que chose a ait bou everser e p an de thérapie que es médecinsavaient prévu pour Brigitte, si bien que e nombre de séances de rééducation fut très significativement réduit. Même si ’irréversibi ité desa ma adie est confirmée p us tard par des aboratoires américains, e e apprend assez rapidement à se dép acer dans e monde desnon voyants. D’où ui vient cette force ? Unmystère qu’e e dit ja ousement garder pour’instant. Une chose est sûre : c’est dans cette

c inique des soins intensifs que ’a iance entreso itude et foi fut sce ée. E e n’en dira pas p us,e voi e sera un jour evé.

De retour à Abidjan, e e demande tout de suiteà reprendre son travai d’Avocate à a cour.P eurer sur son so t ? Tendre a main ? Pas question de courber ’échine devant ’adversité.Même e Bâtonnier de ’Ordre des Avocats estsurpris par sa détermination. « Maitre, ui dit i ,Avocat c’est beaucoup de ectures, beaucoupde documents et a vue est très importante pourfaire ce travai . Etes vous sûre de pouvoir y arriver ?». Devant son insistance, e e prend partà un procès auque une de ses affaires était inscrite. Brigitte retrouve sa toge pour défendreune affaire correctionne e. L’audience jubi e,Maître Mensah est p us que jamais prête à dép acer des montagnes. Ses parents et ses amis, qui ’ont toujours soutenue dans cette épreuve, auraient souhaitéqu’e e profite du souff e que Dieu ui a aissépour se reposer. Brigitte rép ique qu’e e doitaider es autres quand e e même doit faire faceà a phase a p us critique de son existence. Enfant, son père, un ex officier de ’armée française ayant se vi en A gérie, ui disait toujoursde viser p us haut. « I me donnait de ’argentchaque fois que j’avais de très bonnes notes à’éco e ». Au ycée Sainte Marie de Cocody à

Abidjan, e e était connue sous e sobriquet deJean Luc et jouait e rô e d’un Homme dans unepièce théâtra e inspirée par Une si ongue ettrede ’écrivain sénéga ais, Mariama Bâ, diffuséesur a té évision ivoirienne. De ’accrochageaux branches en passant par e foot, Brigitteétait attirée par tout ce qui renvoyait aux sportsmascu ins, comme pour montrer à ses amies età a société qu’i n’y avait aucun territoire rése vé uniquement aux hommes. Apres avoir vaincu es comas à répétition et esongues nuits de déprime, Maître Mensah a prisson bâton de pè erin et traque désormais touteses injustices que a société fait subir aux per

sonnes handicapées. E e fait une immersiondans e mi ieu associatif pour mieux appréhender a prob ématique. «Un mi ieu désorganisé,en proie à de vives dissensions. Je comprendsà présent pourquoi rien a changé» dép ore te e, critiquant a enteur dans ’app ication dea oi d orientation n° 98 594 du 10 novembre

1998 en faveur des personnes handicapées .

Combative, e e met sur pied e MouvementIvoirien des Citoyens Handicapés (MICH). E esera aussi a seu e candidate handicapée issued’un pays en déve oppements à être retenue pare ju y d’attribution de a bourse Fu bright du

gouvernement américain qui ui ouvre espo tes de ’American Co ege of Law, à Washington où e e passe 18 mois. Là bas, e e commence déjà à préparer sa stratégie de p aidoyer,y compris en direction de Madani M. Ta , Directeur des Operations de a Banque mondia epour a Côte d’Ivoire, qui a recevra en Août2012 pour ’assurer de tout son soutien.L’amour est-il dans les yeux ?Brigitte raconte cette be e anecdote qui ui estarrivée avec un homme, au détour d’une rencontre fortuite, sous un so ei de p omb. «Mavoiture était tombée en panne au niveau d’ungrand carrefour abidjanais. A ors que monchauffeur tentait de a réparer, je m’étais miseà ’ombre. Un homme descend de sa voiture,s’approche de moi et me dit : Bonjour ! On seconnait, non ? Pas vraiment, ui ai je répondu.L’homme insiste : mais si, vous n’avez cessé deme fixer de vos yeux depuis tout à ’heure.J’éc ate de rires et ui réponds : mais non, mesyeux sont comme ça, i s fixent e vide, mais jene peux rien voir, je suis non voyante. Stupeur.L’homme n’en revenait pas». Femme épanouie, Brigitte est mariée à un autrenon voyant, e premier bache ier non voyant,insta é en France qui exerce dans a coopération décentra isée spécifique aux personneshandicapées (Handi coopération). E e avait euun enfant avant son handicap et rêvait d’avoirune grande fami e. C’est désormais chose faitecar e Cie ui a ouvert encore sa grâce.

1 Cette loi accorde aux handicapés les mêmes droits à l'éducation, à la formation, à l'emploi et aux loisirs que toute personne valide. Le dernier recensement général de la po-pulation, qui date de 1998, avait estimé à 800 mille personnes vivant avec un handicap. Leur nombre a depuis triplé, comptant pour environ 3 millions, soit 15% de la populationivoirienne selon des estimations publiées par l’OMS en 2011.

Me Mensah à l’American college of law

Son handicape n’a jamais été un frein à son épanouissement personnel

The World Bank Magazine Abidjan / N° 00930 L’espoir

Au Bureau de la Banque mondiale à Ouagadougou, on l’asurnommé Directeur. Ce surnom, il le doit à son calmeolympien, son assurance, en toute circonstance. Emma

nuel Rouamba, c’est une histoire de 25 ans à la Représentation dela Banque mondiale à Ouagadougou où il a connu 7 Représentants Résidents, appelés ResRep à l’époque. La zen attitude, c’estson credo, lui qui dès l’instant où il prend les commandes de sonvéhicule n’a qu’un objectif : accomplir sa mission, sans tamboursni trompettes. Son entrée à la Banque, un 17 février 1988, il s’en souvientcomme si c’était hier. Employé dans une «Agence touristique» àOuaga, il avait pu sillonner toute la sous région au volant de saLand Rover, jusqu’au jour où il eut vent du recrutement d’unchauffeur à la Banque. Emmanuel passe le test de sélection hautla main, mais doit sa véritable consécration à l’occasion de la visiteau Burkina de Barber Conable, 7ème Président de la Banque mondiale. Le voyage dans les confins du Burkina avec Conable dont ilparle avec beaucoup de nostalgie lui laisse un souvenir impérissable.Quand on lui demande ce qui l’a marqué le plus tout au long desa carrière, Emmanuel parle sans hésiter d’une mission dans leRanch de Nazinga au Sud du Burkina, où son 4X4 s’est retrouvéau milieu d’un troupeau d’éléphants. Il a suffi d’une demi heurepour faire annuler en pleine savane la mission, les occupants duvéhicule au maximum de sa climatisation ayant transpiré à grossesgouttes. Après le départ des éléphants, les TTls (chefs de projet)donnent l’ordre de rebrousser chemin vers Ouagadougou. Emmanuel en parle avec beaucoup d’humour et ajoute pour ceux quin’auraient pas compris, que nous sommes tous vulnérables aumême titre dans certaines situations. De l’humour, il en a à revendre. Demandez lui ce qu’il regrette aujourd’hui à la Banque, et ilvous répondra sans hésiter : le temps où les heures supplémentaires étaient payées dès le retour de mission ou en fin de journée,et les frais médicaux remboursés rubis sur ongle sur présentationdes justificatifs. Hélas, il avoue que la Banque a beaucoup évoluéentre temps… ……….. Sacré Emmanuel !

Laparoleest à… Emmanuel Rouamba«Directeur ne panique jamais, même au milieu d’un troupeau d’éléphants !»

Les femmes du bureau de la Banque mondiale

solidaires contre la marginalisation de leurs

soeurs Africaines.

Dorcas Adjo Lasme-Adou vient de re-joindre le bureau d’Abidjan en qualitéde chargée des Ressources Humainespour la Côte d’Ivoire, Benin, BurkinaFaso, Togo, Cameroun, Centre Afrique,Gabon et la Guinee Equatoriale.Mama Mia, tu vas courir beaucoupdeh, Dorcas ! Bienvenue à bord !

Veronique Kessler vient de rejoindrele bureau d'Abidjan, dans un arrange-ment de "telecommuting" avec saVice-présidence, Corporate Financeand Risk Management (CFR). Vero-nique va séjourner parmi nous pen-dant les deux prochaines années, touten continuant à travailler pour le CreditRisk Department (CFRCR), où elle est Principal Economist& Credit Risk head. Akwaba Vero !

Fête du 8 Mars :

Le Directeur des opérations de la

Banque mondiale, Madani M Tall, au

cours du déjeuner offert en l’honneur

des femmes du bureau d’Abidjan

New Staff

31L’espoir The World Bank Magazine Abidjan / N° 009

La nouvelle de sa promotion au postede Représentant Résident de la Banquemondiale en Algérie est venue rappe

ler à ceux qui doutent encore, de se ressaisir: l’acharnement au travail finit toujours parpayer. Chargé Principal des Operations aubureau de la Banque mondiale à Abidjan depuis septembre 2009, Emmanuel NoubissiéNgankam est un homme à multiples casquettes, tantôt Economiste, historien, politologue, anthropologue, journaliste ousimplement grand spécialiste de l’automobile. Sa force, le non conformisme intellectuel.Un goût prononcé pour la libre pensée.Manu pour les intimes, «le Chevalier de laPlume», pour ceux qui aiment les belles lettres, pur jus du Bamiléké camerounais réfractaire au dictat de la pensée unique. Il ena dérouté plus d’un lorsqu’il estime que penser développement, c’est aussi sortir du carcan dogmatique et de la lourdeurbureaucratique qui empêchent de libérertoutes les énergies dont regorgent les institutions de développement comme la Banquemondiale. Economiste de formation, il acommencé un riche parcours professionneldans le secteur privé (CFAO puis Unilever).Mais comme tous les anticonformistes, il nese satisfait pas des positions acquises. A la faveur des changements démocratiques et sociaux des années 90 dans son pays natal leCameroun, il se révèle à l’opinion comme

un débateur hors pair et féru de la plume. Lejournalisme devient pour lui une passion.Mais il ne l’exerce qu’en dilettante et explored’autres cieux : repart en entreprise, s’installecomme consultant et rentre à la Banquemondiale en 2001 pour s’occuper du suivide la mise en œuvre du fameux projet d’exploitation pétrolière et de pipeline Tchad Cameroun. C’est la rencontre avec un certain…Madani M. Tall alors Représentant de laBanque mondiale au Cameroun. Les deuxhommes s’apprécient ; c’est la grande complicité dans le travail. Manu a déjà la fibred’un Artiste, jouissant d’une parfaite aisancedans le traitement de divers sujets. L’écoute,son point fort. Matinal, il est le premier à ouvrir les bureaux de la Banque mondiale tousles matins à 7h et ne s’accorde que très rarement des moments de répit. Dans son bureau, plane une ambiance de sérénité dansle comportement et de concentration dans laréflexion. Pour autant, il n’a pas les relentsde l’intello «Has been» coincé et guindé.Son ouverture d’esprit est aussi doubléed’une rigueur sans faille, jusqu’au plus petitdétail. Les mots et leur sens ainsi que lafaçon dont ils sont ajustés lui importent toutautant que la probité. Il a une haine viscéralede l’hypocrisie et ne se gêne pas pour dire sapart de vérité. Il n’est pas adepte des chuchotements dans les couloirs, il est droit dans sesbottes, peut être trop au goût de certains. Manu, c’est aussi un cœur sensible, une

oreille attentive aux blessures et injusticesque subissent les plus faibles. C’est dans cetesprit qu’il a fait du Père Cyprien Ahouré dela mission catholique de Duékoué son héros.L’engagement du prêtre aux côtés des victimes des horreurs de la crise post électoraledans l’Ouest de la Côte d’Ivoire a scellé unlien de profonde amitié entre les deuxhommes.Discret, mais pas effacé, il aime partager. «EnAfrique dit il, il n’y a pas un geste plus significatif que celui d’inviter quelqu’un à partager votre repas». Le sens de la famille, la foi,le respect des anciens, autant de valeurs qu’iltente de défendre face à l’ubiquité du villageplanétaire. En bon «grand frère», il n’est jamais loin pour soutenir, sans rien attendre enretour.Maillon essentiel de la chaîne au sein de laDirection des Opérations de la Banque mondiale pour les quatre pays que sont la Côted’Ivoire, le Burkina Faso, le Togo et le Bénin,Manu a été pendant près de 4 ans, le principal pilier du Directeur des Opérations. Fidélité et loyauté sont sa marque de fabrique.Son sens élevé de la responsabilité ainsi quesa maîtrise de la communication ont aidédans le dialogue avec les autorités et les acteurs clés du développement. Ses interventions, écrites et orales, sont toujoursempreintes d’une grande finesse d’esprit quiatteste de sa vaste culture. Homme d’engagement, il n’a jamais reniéses convictions, proche de ceux qui ont dumal à sortir de la pénombre. En décembre2010, alors qu’il est décidé que tout le personnel de la Banque mondiale doit être évacué à Dakar du fait de la crisepost électorale, Manu résiste et ne veut partir: «c’est en ce moment que les ivoiriens ontbesoin de nous, nous devons rester à leurscôtés, la lutte pour le développement ne sefait pas sur les belles plages de Honolulu…»dit il. Oui c’est un anticonformiste, maisaussi le plus ivoirien des camerounaiscomme il aime à le dire. Mais d’autres défisl’attendent à Alger, sur les bords de la Méditerranée. Des défis pour lesquels il est bienpréparé.Salut THE ARTIST !!!

Manu, THE ARTIST, s’en va

En compagnie de petits écoliers de Bogouine dans l’ouest de la Côte d’Ivoire.

par Taleb Ould Sid’Ahmed

Côte d’Ivoire

Land of Promise