la crise financière_BDF

Embed Size (px)

Citation preview

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    1/115

    LACRISEFINANCIRE

    2910002

    FVRIER 2009

    N 2

    Documentset dbats

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    2/115

    Aucune reprsentation ou reproduction, mme partielle, autre que celles prvues

    larticle L. 122-5. 2e et 3e a) du code de la proprit intellectuelle ne peut tre faite

    de la prsente publication sans lautorisation expresse de la Banque de France ou, le cas chant,

    sans le respect des modalits prvues larticle L. 122-10 dudit code.

    Banque de France 2009

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    3/115

    SOMMAIRE

    BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009

    ditorial

    CHRONOLOGIE

    CHAPITRE 1 CRISE FINANCIRE : MCANISMES ET DYNAMIQUES

    9 Une crise en trois temps

    15 Les mcanismes financiers lorigine de la crise

    22 La nature de la crise

    24

    La notation au cur du fonctionnement des marchs

    CHAPITRE 2INNOVATION, PRODUITS STRUCTURSET STABILIT FINANCIRE

    26 La technique de la titrisation

    28 Le rle de la dsintermdiation

    29 Les produits structurs : un terrain dlection pour linnovation financire

    CHAPITRE 3 la liquidit et laction des banques centrales

    34 Vue densemble sur la liquidit

    38 Quest-il arriv la liquidit ? Le point de vue dun banquier central

    42 Laction des banques centrales

    CHAPITRE 4la solvabilit des banqueset les politiques publiques

    48 Le sisme Lehman Brothers

    51 Consolidation dans le secteur bancaire :

    un nouveau paysage parmi les plus grandes capitalisations boursires ?

    53 Linternationalisation de la crise

    54 Les politiques publiques dans la crise

    56 La rponse internationale la crise financire : le choix de la convergence

    CHAPITRE 5 ASPECTS MACROCONOMIQUES DE LA CRISE

    60 Limpact macroconomique des crises bancaires

    63 Les plans de relance conomique

    70 Quelles sont les possibilits de financement

    qui soffrent aux socits non financires ?

    73 Dflation ou dsinflation ?

    5

    9

    26

    34

    48

    60

    1

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    4/115

    SOMMAIRE

    BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009

    Chapitre 6 Premires leons

    77 Une nouvelle rgulation pour une nouvelle finance

    79 Les perspectives de la rgulation financire

    80 Implications de la crise financire en matire de rglementation

    89 Rflexions dun banquier central sur certains enjeux de politique comptable

    92 Rle et responsabilit des rgles comptables dans la crise

    99 Rgles prudentielles : une adaptation ncessaire

    104 Infrastructures des marchs de drivs de crdit

    glossaire

    Encadrs

    13 Que sont lesmonolines? 20 Leet de levier 29 Caractristiques descollateralised debt obligations(CDO) 33 Les drivs de crdit : caractristiques descredit default swaps(CDS) 46 Les mesures non conventionnelles de la Fed 50 Les banques amricaines dans la crise 55 Le systme bancaire ranais 82 Le Forum de Stabilit fnancire 84 Linterdiction des ventes dcouvert 86 Les Accords de Ble 2102 Faut-il rglementer les hedge funds ?104 Une chambre de compensation pour les drivs de crdit

    77

    107

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    5/115

    DITORIAL

    BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009 1

    Le systme financier mondial traverse une crise profonde depuis le milieu de lt 2007.

    Cette crise, circonscrite initialement au march immobilier amricain, a progressivementaffect lensemble du systme financier mondial.

    Face cet vnement et aux questions quil suscite, il est apparu ncessaire la Banque

    de France de partager avec le grand public sa comprhension des faits et des enjeux. Cest lobjetde ceDocuments et dbats qui rassemble des lments danalyse, non ncessairement exhaustifsni dfinitifs, produits par les services de la Banque de France. Cette dmarche sinscrit pleinementdans la responsabilit de la banque centrale daider tout un chacun analyser les faits et formerson propre jugement.

    La nature de la crise

    Cette crise est dabord apparue comme une crise de liquidit. Les premiers symptmes se sontmanifests par des tensions sur la liquidit . Au mois daot 2007, des perturbations svres sontapparues sur le march interbancaire. Plus dun an aprs, ces tensions sont toujours prsentes surles marchs montaires. Dautres segments des marchs financiers sont affects : en tmoignentle niveau toujours lev des primes de signature, le raccourcissement des horizons dendettement,ainsi que le rtrcissement, voire larrt de lactivit de certains marchs.

    Cette crise est aussi apparue comme une crise de la titrisation. La titrisation est une techniqueefficace et ancienne, qui permet de refinancer aisment des prts accords par une institutionfinancire. Depuis dix ans, toutefois, son utilisation sest singulirement intensifie et complexifie.

    Elle a ainsi servi financer trs court terme des produits complexes et structurs difficilementcessibles lorsque le march est mal orient et dont la valeur est trs incertaine, car le plus souventdtermine par des modles mathmatiques. De tels montages sont intrinsquement fragiles.

    Cette fragilit a t doublement dissimule par labondance de liquidit et laction de certains

    intermdiaires de marchs, en particulier les agences de notation et certains organismes dassurance(les assureurs monolines). Avec les premiers dfauts sur les crdits subprime, les garanties de qualitdu risque fournies par les notes des agences et de couverture du risque tires des engagementsdes assureurs se sont effondres. Les dgradations de notes par les agences se sont succdes

    en cascade, avec une rapidit et, surtout, une brutalit que rien ne laissait anticiper. Le capitaldes assureurs monolines tait trs insuffisant pour leur permettre de faire face aux engagementsquils avaient contracts. Loin dtre rparti dans lensemble du systme, le risque de crdit

    tait en fait concentr entre les mains de certaines institutions, notamment les grandes banques

    dinvestissement.

    Leffondrement des formes les plus dangereuses de titrisation a rvl que linnovation financirede ces dernires annes a servi en fait, non pas mieux grer et rpartir le risque, mais accrotrele volume de crdit par unit de fonds propres, ce que nous appelons dans notre jargon, leffet delevier. La hausse du levier sest manifeste partout : dans lexpansion du bilan des banques ; dansla multiplication des entits hors bilan qui fonctionnent, pour la plupart, sans fonds propres ;enfin, dans lutilisation des fonds propres limits des assureurs monolinespour garantir un volumeimportant de produits structurs.

    La faillite de la banque dinvestissement Lehman Brothers le 15 septembre 2008 a marqu un

    tournant dcisif dans la crise. Ce sisme sest traduit par une aggravation nette de la crise deconfiance dans le systme financier. La faillite a provoqu une paralysie accrue des marchs

    interbancaires, les banques craignant plus encore dtre exposes au risque quune contrepartie

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    6/115

    DITORIAL

    2 BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009

    fasse dfaut. La faillite a aussi dstabilis dautres marchs de court terme, singulirement le marchamricain des billets de trsorerie, march essentiel pour le financement des entreprises amricainespuisquil contribue pour une part considrable aux besoins de financement de ces dernires.

    La faillite a enfin prcipit la dgradation de la situation financire, puis le sauvetage exceptionnel dela plus grande compagnie dassurance amricaine, AIG. Trs rapidement dimportantes institutionsfinancires europennes se sont retrouves en grande difficult. Lincertitude ainsi cre a fait natrele risque dun effet de dominos , affectant lune aprs lautre les institutions financires.

    Le rle des banques centrales

    Face la crise, les banques centrales ont un rle dterminant pour soutenir le systme financier.Elles sont en effet le prteur en dernier ressort lorsque les autres sources de financement se sonttaries.

    Nous avons assist une remarquable convergence des cadres oprationnels et des modalits

    dintervention des banques centrales autour de quatre directions principales pour traiter la crisede liquidit. Elles ont allong les maturits auxquelles elles prtent aux banques : de quelquessemaines initialement, ces maturits ont t portes quelques mois. Elles ont largi la gamme desgaranties quelles demandent, cest--dire des titres apports par les banques pour garantir les prtsde la banque centrale. Elles ont aussi largi la liste des tablissements susceptibles de bnficierde leur prt, avec une volution particulirement notable aux tats-Unis. Enfin, elles ont encorerenforc leur coordination : outre les communiqus communs destins rassurer les marchssur la fourniture de liquidit tant que sen ferait sentir le besoin, cette coopration comprend

    galement la signature daccords de swap entre banques centrales. Ces accords permettent parexemple une banque de la zone euro qui aurait besoin de dollars pour poursuivre ses activitsde les emprunter lEurosystme.

    Un changement important dorientation dans les politiques publiques

    Lorsquil est apparu ncessaire de complter les actions des banques centrales qui ont ragi dsaot 2007 pour faire face aux problmes de liquidit observs sur les marchs interbancaires, lacommunaut internationale a fait front commun afin dassurer la cohrence des mesures nationalesdans le traitement de la crise. cet gard, le plan daction annonc par les membres du G 7 a marqu unetape importante au cours de laquelle des principes clairs ont t arrts et dclins au niveau national.

    Les pays de lUnion europenne se sont organiss grce notamment au rle dterminant de laprsidence franaise. Depuis la dclaration de Paris du 12 octobre dernier, les Europens disposentdun plan daction solide et cohrent. Il est dores et dj entr en application selon trois grandsaxes. Dune part, les autorits soutiennent le refinancement des banques en leur offrant des

    garanties titre onreux, afin quelles puissent elles-mmes financer correctement lconomie.Dautre part, des rformes trs significatives des rgles comptables ont eu lieu. Lune vise adapterleur cadre sur la base des meilleures pratiques actuelles : elle permet aux banques de transfrer desinstruments jusque-l comptabiliss en valeur de march vers des portefeuilles o ils le seront aucot historique amorti, ce qui assure une plus grande stabilit. Lautre assouplit le mode de calculde la juste valeur pour les actifs valoriss en valeur de march, et pour lesquels il ny a plus demarch : ceci garantit que la valorisation de ces produits soit adapte aux circonstances de march

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    7/115

    DITORIAL

    BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009 3

    qui prvalent depuis plusieurs mois. Enfin, les tats ont confirm leur soutien la recapitalisationdes banques, dcision essentielle puisque la rglementation prudentielle tablit un lien fort entrele montant de capital et la capacit des banques octroyer des crdits (ratio de solvabilit).

    Pour la France, le gouvernement et le Parlement ont trs rapidement dclin ces principeseuropens. La loi a cr la Socit de refinancement de lconomie franaise destine garantirle refinancement des banques pour des maturits moyennes (jusqu 5 ans). Cette socit, quiagit sous ltroit contrle de ltat et de la Banque de France, dispose dune capacit de crdit de320 milliards deuros. La garantie est accorde titre onreux, afin que les banques qui la sollicitentassument un cot correspondant des conditions normales de march. Dores et dj des travauxsont en cours au niveau de la place de Paris pour prparer la mise en uvre des nouvelles rglescomptables adoptes au niveau international. La loi donne aussi une socit dtenue par ltat lapossibilit de souscrire des titres subordonns ou des actions de prfrence mis par les banques.Ce dernier dispositif a permis lensemble des banques franaises daccrotre leurs fonds propres.

    Les perspectives macroconomiques

    court terme, les perspectives conomiques sont peu favorables. Tous les indicateurs illustrentune baisse gnrale de la confiance, tant chez les consommateurs que les investisseurs.Cette baisse nest pas propre la France ; elle se manifeste mme beaucoup plus fortement cheznos partenaires et aux tats-Unis. Les indicateurs, toutefois, nous renseignent seulement surlavenir proche. Au-del dun ou deux trimestres, la prvision sappuie davantage sur lanalyse, larflexion, le jugement. Dans les circonstances actuelles, cest particulirement difficile.

    Il est tentant, pour comprendre la situation et dcrypter lavenir, de tirer des leons du pass parsimple analogie. De fait, sancre depuis quelques temps lide selon laquelle, sur la foi du pass,toute crise bancaire a ncessairement des consquences profondes et durables. Les tenantsoptimistes de cette proposition prdisent une crise la sudoise , plutt courte. Les tenantspessimistes renvoient la dcennie perdue qua traverse le Japon la suite des krachs boursieret immobilier.

    Non seulement la situation conomique, aujourdhui, est profondment singulire, mais aussielle est gre trs diffremment des crises passes. La raction de politique conomique a t,dans tous les pays, particulirement vigoureuse et rapide. Toutes les banques de la zone eurodisposent dsormais dun accs illimit, et taux fixe, au financement court terme en euros

    comme en dollars. Par ailleurs, il existe dans tous les pays des systmes de garantie permettantaux banques dassurer leur financement de moyen terme et, donc, le maintien de leur activit decrdit. En outre, dans de nombreux pays, les systmes bancaires ont t fortement recapitaliss.Enfin, les instruments de politique macroconomique restent disponibles et pourraient tre utilisssi lactivit venait reculer durablement. Les plans de soutien des gouvernements sinscriventpleinement dans cette logique.

    De plus, nous assistons au renversement du choc des prix de lnergie et des matires premiresqui a fortement pnalis la croissance de lconomie au cours du premier semestre de 2008.Les prix sont dsormais en baisse. Si cette tendance se confirme, ou simplement se stabilise, onpeut anticiper un ralentissement progressif, mais marqu, de linflation. Ceci devrait spontanmentprocurer aux mnages un pouvoir dachat supplmentaire.

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    8/115

    DITORIAL

    4 BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009

    Les perspectives de la rgulation financire

    La crise a mis en vidence la ncessit de repenser les fondements de la rgulation des systmesfinanciers. Elle a raviv les discussions sur larchitecture de leur supervision. Sous limpulsion duprsident de la Rpublique, les Europens plaident pour la fondation dun nouveau Bretton Woods ,cest--dire un nouvel ordre financier international que le G 20, regroupant les grands pays

    industrialiss et les grands pays mergents a repris son compte le 15 novembre 2008.

    Il apparat donc ncessaire de repenser les fondements de la rglementation financire.

    Il faut le faire sans prcipitation, mais galement sans tabou. Une meilleure rgulation apparatncessaire dans plusieurs domaines, qui vont des agences de notation, la gestion des risques,

    en passant par lorganisation des marchs ou encore la question des rmunrations. En outre, parnature, les systmes financiers qui oprent dans le cadre dune conomie de march dveloppesont soumis des forces cycliques. Lenjeu pour les autorits est dvaluer dans quelle mesure,les dispositifs de rgulation financire renforcent ces dynamiques. Autrement dit, la rglementationfinancire dcide dans une perspective microconomique (cest--dire visant les institutions prisesindividuellement) produit-elle des effets qui affectent lensemble du systme financier ? Cest avecde telles questions lesprit que des travaux sont en cours pour examiner la porte des normesprudentielles. Cest aussi sur cette base que des ajustements des rgles comptables sont ncessaires.

    Il faut faire en sorte que la rglementation parvienne limiter les risques dinstabilit non

    seulement dune institution mais aussi du systme financier dans son ensemble afin de prvenirles consquences ngatives pour lconomie relle. Cette dmarche consiste adopter une politiquedite macroprudentielle. Sa mise en application est complexe et nous nen sommes pour le moment

    quau stade des rflexions. Celles-ci portent notamment sur les outils et les conditions de recours ces outils dune telle politique. Il apparat dores et dj clairement que les banques centralesont un rle tout fait prpondrant jouer dans cette surveillance macroprudentielle .

    En matire de supervision, cette crise a dmontr les avantages vidents dune organisation o lesuperviseur bancaire est proche de la banque centrale. Cest une conclusion dsormais partagepar tous les banquiers centraux, quel que soit lenvironnement rglementaire dans lequel ils

    oprent. Une connaissance intime du secteur bancaire et des diverses institutions financires

    est extrmement utile pour agir et dcider dans des priodes de turbulences sur les marchs

    montaires et de crdit. Les banques centrales ont eu, depuis le dbut de la crise, juger presqueinstantanment de lopportunit dinjecter des liquidits sous diffrentes formes et pour diverseschances. tre en mesure dvaluer la situation des participants de march et la ralit de leur

    besoin est alors particulirement prcieux. Plus gnralement, il est crucial en temps de crisede distinguer entre les problmes de liquidit et les problmes de solvabilit. Cest alors un atoutconsidrable davoir en main toutes les informations.

    Au cours des derniers mois, lorganisation institutionnelle qui prvaut dans notre pays a fait lapreuve de son efficacit. aucun moment elle na t dficiente ni na empch dobtenir lesinformations adquates pour prendre les dcisions qui simposaient. Elle a permis de traiter

    toutes les situations. Sur larchitecture mme de la supervision, il semble galement clair que lesdispositifs simples, robustes et pragmatiques ont fait la preuve de leur efficacit par rapport desschmas plus sophistiqus et complexes.

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    9/115

    CHRONOLOGIE

    BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009 5

    2007Juillet Bear Stearns annonce la faillite de deux hedge fundsspcialiss dans les drivs de crdit.

    31 juillet La banque publique allemande KfW apporte son soutien financier IKB pour 8,1 milliards deuros.

    1er aot Le ministre des Finances allemand annonce un plan de sauvetage de 3,5 milliards deuros pourviter la faillite dIKB.

    7 aot BNP Paribas gle la valorisation de ses fonds.

    9 aot LEurosystme propose des liquidits en quantit illimite au jour le jour.

    17 aot Le Systme fdral de rserve amricain (Fed) tend la maturit maximale de sa facilit dempruntpermanente de 1 jour 30 jours.

    23 aot et 12 septembre La BCE lance une opration supplmentaire de refinancement en euros 3 mois (oprationsrenouveles par la suite tout au long de 2007 et 2008).

    14 septembreLannonce par la Banque dAngleterre de loctroi dun prt durgence, garanti par ltat, lacinquimebanque anglaise, Northern Rock, dclenche une panique sur les dpts bancaires decette banque.

    18 septembre La Fed abaisse son taux directeur de 0,50 %, 4,75 %.

    1er octobre UBS, premire banque suisse, annonce des dprciations dactifs pour 2,4 milliards deuros.

    24 octobre Merrill Lynch annonce des dprciations dactifs pour 8,4 milliards de dollars.

    31 octobre La Fed abaisse son taux directeur de 0,25 %, 4,5 %.

    11 dcembre La Fed abaisse son taux directeur de 0,25 %, 4,25 %.12 dcembre Actions coordonnes de la Fed, de la BCE, de la Banque du Canada, de la Banque dAngleterre et de

    la Banque nationale suisse afin de rpondre aux besoins de financement court terme en dollars.Naissance du dispositif dinjection de dollars terme : les TAF (term auction facilities) 28 jours.

    200815 janvier Citigroup publie des pertes record (9,83 milliards de dollars au quatrime trimestre 2007). Le groupe

    annonce, en outre, des dprciations dactifs pour 18,1 milliards de dollars.

    22 janvier La Fed abaisse son taux directeur de 0,75 %, 3,5 % lors dun comit FOMC (Federal Open MarketCommittee) extraordinaire.

    24 janvier La Socit gnrale dvoile la fraude commise par lun de ses traders, Jrme Kerviel. Les pertesassocies se montent 4,9 milliards deuros.

    30 janvier La Fed abaisse son taux directeur de 0,50 %, 3 %.

    15 fvrier UBS a perdu 12,4 milliards de francs suisses au quatrime trimestre 2007.

    17 fvrier Le gouvernement britannique nationalise Northern Rock.

    11 mars La Fed lance une nouvelle facilit : la term securities lending facility. Cette facilit de 1 mois permetaux banques dinvestissement demprunter des titres dtat en change de titres de qualit de crditinfrieur (titres dagences, mortgage-backed securities MBS).

    16 mars La Fed tend la maturit maximale de sa facilit demprunt permanente de 30 jours 90 jours.Elle introduit une nouvelle facilit, la primary dealer credit facility, qui permet un refinancementdes banques dinvestissement au jour le jour, contre des garanties largies.

    18 mars La Fed abaisse son taux directeur de 0,75 %, 2,25 %.

    24 mars Bear Stearns est repris par JP Morgan sous lgide de la Fed qui prte 30 milliards de dollarsau repreneur.

    28 mars La BCE introduit un refinancement en euros 6 mois.

    .../...

    Les principales tapes du droulement de la crise et de laction des autorits publiques de juillet 2007 dcembre 2008

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    10/115

    CHRONOLOGIE

    6 BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009

    2008 (suite)1er avril UBS annonce un doublement de ses dprciations qui slvent cette date 37,4 milliards de dollars.

    30 avril La Fed abaisse son taux directeur de 0,25 %, 2 %.

    Juin- aot Dgradation de la note de trois grandes banques daffaires amricaines (Lehman Brothers,Merrill Lynch et Morgan Stanley) et de deux assureurs monoline(MBIA et Ambac).

    7 septembre Le Trsor amricain met les agences de crdit hypothcaire Freddie Mac et Fannie Mae sous tutelleet sengage leur apporter, au besoin, 200 milliards de dollars de capital.

    15 septembre Lehman Brothers dpose son bilan.Bank of America annonce le rachat de Merrill Lynch.

    16 septembre La Fed et le gouvernement amricain nationalisent de factolassureur AIG, menac de faillite,en lui apportant une aide de 85 milliards de dollars en change de 79,9 % de son capital.

    18 septembre La banque britannique Lloyds TSB rachte sa concurrente HBOS menace de faillite.La BCE, la Fed, la Banque dAngleterre, la Banque du Japon, la Banque nationale suisse et la Banquedu Canada ouvrent une nouvelle facilit conjointe en dollars. Il sagit dune TAF au jour le jour quisera renouvele jusquau 15 octobre.

    19 septembre Le prsident George W. Bush annonce un plan de sauvetage des banques amricaines(Plan Paulson).La Fed lance une nouvelle facilit qui vise soutenir le march des fonds montaires.

    25 septembre Le prsident Nicolas Sarkozy appelle un nouvel ordre financier international.Les dpts de Washington Mutual, en faillite, sont repris par JP Morgan.

    26 septembre Le cours de bourse de Fortis seffondre en raison de doutes sur sa solvabilit. Fortis est renflou le29 septembre par les tats belge, nerlandais et luxembourgeois. BNP Paribas en prend le contrleen Belgique et au Luxembourg pour 14,5 milliards deuros.

    29 septembre La Chambre des Reprsentants amricaine rejette le plan Paulson.

    Ltat allemand et un consortium de banques apportent une garantie de crdit de 35 milliards deuros Hypo Real Estate, quatrime banque du pays.Les banques Bradford & Bingley (au Royaume-Uni) et Glitnir (en Islande) sont nationalises.

    30 septembre Le gouvernement irlandais apporte une garantie gnrale de 2 ans aux six grandes banques du pays.Les tats belge, franais et luxembourgeois assurent le sauvetage de Dexia en souscrivant uneaugmentation de capital de 6,4 milliards deuros.

    3 octobre La liste des contreparties ligibles aux oprations de rglage fin de lEurosystme est largie.Le plan Paulson est adopt par la Chambre des reprsentants.

    5 octobre Le gouvernement allemand lance un nouveau plan de sauvetage pour Hypo Real Estate.

    7 octobre La Fed annonce le lancement dune nouvelle facilit : la commercial paper funding facility. Par cettefacilit, le Systme fdral de rserve acquiert directement des billets de trsorerie 3 mois.

    8 octobre Baisse des taux concerte par plusieurs banques centrales (Fed, BCE, Banque dAngleterre,de Sude, du Canada et de Suisse) de 0,50 %. Le taux directeur de la zone euro est abaiss 3,75 %,

    le taux directeur amricain 1,50 %.La BCE revoit les modalits techniques dadjudication ; elle annonce que les appels doffres seferont taux fixe et que 100 % des demandes sont honores jusquen janvier 2009 et elle rtrcit lecorridor constitu par les taux des facilits permanentes.Les ministres des Finances de lUE dcident de relever la garantie des dpts de 20 000 euros 50 000 euros dans un premier temps. Ils prvoient que le 31 dcembre 2010 au plus tard, le niveaude garantie pour lensemble des dpts dun mme dposant sera fix 100 000 euros.

    10 octobre Le G 7 adopte un plan daction international qui vise assurer la viabilit du systme financier, viterla faillite des institutions financires importantes, garantir laccs la liquidit, recapitaliser lesinstitutions financires publiques, restaurer la confiance des pargnants par des garanties publiquessur les dpts et soutenir le march des financements hypothcaires en lanant des travaux derflexion sur les thmes de la valorisation, la transparence et les rgles comptables.

    12 octobre linitiative du prsident Nicolas Sarkozy, adoption Paris du plan anti-crise europen autourde laction des tats selon plusieurs axes (protger les pargnants, assurer le financement de

    lconomie et viter la faillite dinstitutions financires systmiques).

    .../...

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    11/115

    CHRONOLOGIE

    BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009 7

    2008 (suite)13 octobre Le gouvernement franais annonce son Plan pour assurer le financement de lconomie

    et restaurer la confiance .Les TAF de la BCE sont dsormais adjuges sans limite de montant et taux fixe. La mesure estgalement mise en uvre par la Banque dAngleterre et la Banque nationale suisse. Les lignes deswapsoctroyes par la Fed ces banques centrales sont ds lors illimites.

    15 octobre La BCE largit son systme de garantie (titres de dette ngociables en devises, certificats de dpts,dette subordonne bnficiant dune garantie, prts syndiqus sous droit anglais) et revoit labaisse la notation minimale pour lligibilit des titres BBB- contre A- auparavant.La Banque nationale suisse et la BCE annoncent des mesures conjointes pour accrotre les liquiditsen francs suisses.

    16 octobre La BCE conclut un accord avec la Banque nationale de Hongrie qui permet cette dernire

    demprunter jusqu 5 milliards deuros pour soutenir ses oprations.Les autorits suisses annoncent un plan de sauvetage dUBS, qui allie recapitalisation par ltat( hauteur de 5 milliards de dollars) et cration par la Banque nationale suisse dune structure dedfaisance des actifs toxiques.

    17 octobre Christine Lagarde, ministre de lconomie, de lIndustrie et de lEmploi, installe le conseildadministration de la Socit de financement de lconomie franaise (SFEF).

    20 octobre Le gouvernement franais annonce quil est prt souscrire pour un montant de 10,5 milliards deuros des missions de titres subordonns mis par les six principaux groupes bancaires franais : BanquesPopulaires, BNP Paribas, Caisses dpargne, Crdit agricole, Crdit mutuel et Socit gnrale.

    23 octobre Le prsident Nicolas Sarkozy annonce la tenue de la runion du G 20, ainsi que la mise dispositionde 26 milliards deuros de prts pour assurer le financement des PME franaises et la nominationde Ren Ricol au poste de mdiateur national du crdit.

    27 octobre La BCE et la Banque nationale du Danemark mettent en place un accord de swapde devises pourun montant de 12 milliards deuros.

    28 et 29 octobre Octroi par la Fed de nouvelles lignes de swaps quatre banques centrales de pays mergents(Mexique, Brsil, Core du Sud et Singapour).La Fed baisse son taux directeur de 0,50 %, 1 %.Le FMI annonce une facilit de prt court terme pour les pays en voie de dveloppement.

    31 octobre La Banque du Japon baisse son principal taux directeur de 0,2 %, le ramenant 0,3 %.

    4 novembre La SFEF annonce une premire mission obligataire sur les marchs, mission bnficiant dunegarantie autonome dune maturit de 3 ans.

    6 novembre La BCE baisse son taux directeur de 0,50 %, 3,25 %.La Banque dAngleterre baisse son taux directeur de 1,50 %, le ramenant 3 %.

    9 novembre Les autorits chinoises annoncent un plan de soutien de 4 000 milliards de yuans (environ470 milliards deuros).

    15 novembre Le G 20 publie un communiqu dans lequel il confirme lintention de ses membres (y compris doncles grands pays mergents) dagir rapidement afin de rpondre au ralentissement conomiquemondial et fixe une feuille de route afin de tirer les leons de la crise financire.

    20 novembre Le prsident Nicolas Sarkozy annonce la cration du Fonds stratgique dinvestissement (FSI),destin renforcer les fonds propres et stabiliser le capital des entreprises franaises.

    23 novembre Le prsident lu Barack Obama annonce un plan de relance amricain quil sengage mettre enuvre ds son investiture le 20 janvier. Le plan pourrait approcher les 1 000 milliards de dollars.Le gouvernement amricain garantit 306 milliards de dollars de dettes de Citigroup et injecte20 milliards de dollars dans son capital.

    2 dcembre Un plan de relance europen de 200 milliards deuros (1,5 % du PIB) est approuv par les chefsdtats europens.

    4 dcembre Le prsident Nicolas Sarkozy annonce un plan de relance de lconomie franaise de 26 milliardsdeuros.La BCE abaisse son taux directeur de 0,75 %, 2,50 %.La Banque dAngleterre baisse son taux directeur de 1 %, 2 %.

    10 dcembre Le Congrs et la Maison Blanche concluent un accord de principe sur un plan de sauvetage des

    constructeurs automobiles, qui se chiffre 13,4 milliards de dollars.

    .../...

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    12/115

    CHRONOLOGIE

    8 BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009

    2008

    11 dcembreUne fraude estime 50 milliards de dollars, monte par le fonds dinvestissement de Bernard Madoff,est mise jour. LAutorit des Marchs financiers (AMF) estime environ 500 millions deuroslexposition des OPCVM franais ayant investi dans des OPCVM de droit irlandais et luxembourgeoistouchs par la fraude Madoff.

    16 dcembre La Fed baisse son taux directeur de 0,75 % 1 %, le ramenant dans une marge de fluctuation allantde 0 0,25 %.

    19 dcembre La Banque du Japon baisse son taux directeur de 0,20 %, le ramenant 0,10 %.

    Cette courbe reflte la dfiance des marchs financiers lgard du secteur bancaire. Il sagit, en effet, delvolution des cours de CDS credit default swaps , instrument qui estime la prime de risque sur le dfautdu secteur bancaire et reprsente le prix que coterait une assurance contre la dfaillance de ce secteur.

    Il est construit en utilisant la moyenne arithmtique simple des primes de CDS (cf. chapitre 2, encadrdcrivant cet instrument financier) sur un panel dentits de rfrence du secteur bancaire : Bear Stearns,Citigroup, Goldman Sachs, JP Morgan, Lehman Brothers, Merrill Lynch, Morgan Stanley, ABN Amro,BNP Paribas, Socit gnrale, Deutsche Bank, HSBC, RBS, UBS.

    La crise vue par les marchs(en points de base)

    Aot2007

    Octobre Dcembre Avril JuinFvrier2008

    0

    50

    100

    150

    200

    250

    300

    350

    Moyenne des primes de CDS de banques

    BNP Paribas gle

    la valorisationde ses fonds

    07/08/2007

    Socit gnrale :

    Affaire Kerviel

    24/01/2008

    Faillite de Lehman Brothers

    Rachat de Merrill Lynch

    15/09/2008

    Intervention concerte

    des banques centrales

    12/12/2007

    UBS : Dmission du PDG

    01/04/2008

    Bear Stearns rachete

    par JP Morgan

    24/03/2008

    Merrill Lynch :

    dprciations dactifs

    8,4 milliards de dollars24/10/2007

    La BCE propose

    des liquidits illimites

    09/08/2007

    Pertes recordde Citigroup15/01/2008

    Baisse intermeeting

    des taux de la Fed

    0,75 %

    22/01/2008

    Plan amricain de sauvetage

    19/09/2008

    Baisse concerte des taux

    08/10/2008

    Dclaration

    Eurogroupe

    12/10/2008

    Runion du G 20

    15-16/11/2008

    Aot Octobre Dcembre

    Source : Banque de France, Direction de la Stabilit financire

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    13/115

    CHAPITRE 1 CRISEFINANCIRE : MCANISMESETDYNAMIQUES

    BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009 9

    Comment en est-on arriv l ?La crise financire puis conomique qui sest dveloppe depuis lt 2007 sest jusqu prsentdroule en trois temps : les marchs, les banques et lconomie relle.

    On est en effet pass dun problme de march (les subprime) une crise financire(le march des refinancements court terme) puis une crise bancaire, laquelle a, son tour, desrpercussions macroconomiques.

    Dans ce contexte, la probabilit dun ajustement prolong et difficile du systme financier aaugment. Les forces de ralentissement conomique se sont intensifies 1.

    On peut lgitimement sinterroger sur les raisons pour lesquelles une crise sur un segment demarch spcifique (le secteur des prts immobiliers risque aux tats-Unis) a suscit une tellecontagion. Pourquoi et comment cette situation a-t-elle dgnr en crise financire mondiale ?

    1| LEDCLENCHEMENTDELACRISE : TENTATIVEDEXPLICATIONS

    1|1 Sous-valuation du risque

    Cest un facteur sous-jacent crucial, sans lequel les enchanements dcrits dans la suite nauraientpas pu se mettre en place. Dans un environnement de faible taux dintrt, les investisseursont cherch accrotre leurs rendements en investissant sur des produits rmunrateurs, maisaussi risqus. Du fait dun environnement conomique extrmement favorable (inflation faible,croissance forte, solidit financire des entreprises), les investisseurs ont sous-estim les risquesattachs ces produits. Cette sous-valuation du risque par les marchs financiers, visible dansdes primes de risques historiquement faibles sur presque tous les marchs, avait t releve

    plusieurs reprises, notamment dans laRevue de la Stabilit financire de la Banque de France 2.

    1|2 Un systme bancaire aux frontires mal dfinies

    Aux tats-Unis, les prts subprime ont t octroys par des courtiers qui ntaient pas des banques,et donc ntaient pas soumis une supervision de la mme qualit que les banques.

    Source : Banque de France, Direction de la Stabilit financire, document de travail, janvier 2008

    1 Depuis la rdaction de ce document, ce risque sest matrialis. Cf. chapitre 6

    2 Cf. Les risques sont-ils correctement valus par les marchs financiers ? , Chronique de la Revue de la Stabilit financire, n 9, dcembre 2006

    Une crise en trois temps

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    14/115

    CHAPITRE 1 CRISEFINANCIRE : MCANISMESETDYNAMIQUES

    10 BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009

    Certains vhicules financiers spcifiques dits conduits ou SIV (structured investmentvehicles) jouaient un rle similaire celui desbanques, en empruntant trs court terme et enfinanant des produits structurs long termetrs rmunrateurs, ralisant ainsi, quand toutva bien, des bnfices importants. Cependant, ilsntaient pas soumis aux mmes exigences rglementaires que les banques et se sont retrouvsdans limpossibilit de se refinancer et donc de poursuivre leur activit quand la liquidit sestassche sur les marchs.

    1|3 Linnovation financire et la globalisation

    Les annes prcdant la crise ont t marques par la cration et le dveloppement de produitsfinanciers dits structurs consistant construire des instruments financiers partir de diffrentslments sous-jacents , dont ces crdits immobiliers subprime. La crise sur ces crdits immobiliersspcifiques sest tendue certains produits structurs dans la mesure o ils entraient dans

    leur composition, puis lensemble des produits structurs parce quil y avait un doute sur lacomposition relle de ces derniers.

    Paralllement, ces produits ont connu une large diffusion dans le secteur financier par lemcanisme de la titrisation 3.

    Les marchsAcclrateur

    Agencesde notation

    Tension sur lesproduits structurs

    Tension sur lesfonds montaires

    Tension sur lesconduits (SIV, ABCP1))

    Hausse du taux de dfaut sur les prts subprimeBaisse des prix de limmobilier aux tats-Unis

    1) Asset-backed commercial paper

    VALORISATION LIQUIDIT

    2| LACCLRATIONDELACRISEETLERLEDESAGENCESDENOTATIONS

    Le principe mme des produits structurs en fait des produits dune complexit difficile comprendrepour un investisseur normal. Donc, afin den faciliter la vente, ces produits bnficient dune notation,donne par des agences spcialises, tels Moodys, Standard& Poors ou Fitch Ratings. La crise surle secteur des subprime dont certains entraient dans la composition de ces produits, a provoquune dgradation de leur note et, naturellement, un mouvement de dfiance des investisseurs.

    3 Cf. chapitre 2

    Exemple de bilan dun SIV

    Actif Passif

    Produits

    structurs

    Commercial papergaranti

    par des lignes de liquidit bancaire

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    15/115

    CHAPITRE 1 CRISEFINANCIRE : MCANISMESETDYNAMIQUES

    BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009 11

    Ce facteur explique le passage dun phnomne de march la crise bancaire dans la mesure ola baisse de la valeur (notation) des produits structurs a provoqu pour les vhicules (SIV) quiles portaient leur bilan des difficults de financement sous forme de papier commercial. Cesmmes vhicules ont alors utilis et donc tir les lignes de liquidit bancaire qui leur avaient toctroyes par les banques.

    3| DESCANAUXDEPROPAGATIONSPCIFIQUES :LALIQUIDITETLESRGLESDEVALORISATION

    Ces deux canaux sentretiennent mutuellement. Lepassage dune crise de march (les subprime) unecrise financire (le march des ABCP) et une crise

    bancaire est dabord li la problmatique de liquidit.

    LiquiditLe tirage des lignes de liquidit octroyes par le systme bancaire ses clients sest accompagn,dans bien des cas, dun phnomne de rintermdiation par les banques des encours concerns.Ce phnomne a eu un impact sur les banques par le canal du bilan. En effet, beaucoupdtablissements financiers ont t amens rintgrer des oprations dans leur bilan, soit enraison de liens financiers (lignes de liquidit), soit pour viter la matrialisation dun risque derputation. Ce canal du bilan se manifeste donc de deux manires :

    rintgration dencours ou reconsolidation de vhicules types SIV ; impossibilit de titriser de nouveaux actifs.

    Les banques Canal du bilan :rintermdiation

    Canal du comptede rsultat

    Lconomie relleRestriction du crdit Pressions sur limmobilier

    Effets de richesse ngatifs

    VALORISATION LIQUIDIT

    PRESSION SUR LE CAPITAL DES BANQUES

    Monolines

    Pertesen valeurde march

    Menaces dedgradation

    DprciationsRetour dactifs

    hors bilanAjustementde valeur

    Blocage dactifsen cours de syndication

    ValorisationCes produits financiers prcits tant enregistrs comptablement leur valeur de march, toute

    dgradation de leur notation a provoqu une diminution de leur valeur. De fait, les investisseurs se sontretirs du march et nont plus souhait acheter ces produits. Cette disparition de la liquidit a, son

    tour, entretenu une diminution de leur valeur et lenclenchement dun cercle vicieux. Ce phnomne,largement auto-entretenu a eu un impact considrable sur les tablissements financiers par le canaldu compte de rsultat. Ces tensions sur les rsultats psent ensuite sur les fonds propres.

    ValorisationLiquidit

    Des canaux de propagation

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    16/115

    CHAPITRE 1 CRISEFINANCIRE : MCANISMESETDYNAMIQUES

    12 BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009

    Ces canaux de propagation (liquidit, valorisation) ont constitu une pression forte sur les fondspropres des banques et font craindre le passage une crise de lconomie relle, via la restrictiondu crdit. En effet, les ratios de solvabilit qui simposent aux tablissements financiers, que cesoit Ble 1 ou Ble 2, mettent en relation directe leurs fonds propres et leur capacit octroyerdes crdits et donc financer lconomie.

    Une crise en trois temps : marchs, banques, conomie relle

    Hausse du taux de dfaut sur les prts subprimeBaisse des prix de limmobilier aux tats-Unis

    Lconomie relleRestriction du crdit Pressions sur limmobilier

    Effets de richesse ngatifs

    Acclrateurs

    Agencesde notation

    Monolines

    Pertesen valeur

    de march

    Menaces dedgradation PRESSION SUR LE CAPITAL DES BANQUES

    Canal du bilan :rintermdiation

    Canal du comptede rsultat

    Dprciations Retour dactifshors bilan

    Ajustementde valeur

    Blocage dactifsen cours de syndication

    Les banques

    Les marchs

    Tension sur lesproduits structurs

    Tension sur lesfonds montaires

    Tension sur lesconduits (SIV, ABCP)

    VALORISATION LIQUIDIT

    Canaux de contagion

    Source : Banque de France, Direction de la Stabilit financire

    La diffusion grande chelle de cette crise, fait quaujourdhui on se trouve sans doute face unecrise de systme . Cette crise a donc dsormais trois dimensions : une crise financire, une

    crise de lconomie relle et une crise de systme. Cette dernire dimension justifie le retourdu politique quant lanalyse des solutions possibles et son traitement. Les sommes engagesne peuvent en effet ltre quau niveau des tats.

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    17/115

    CHAPITRE 1 CRISEFINANCIRE : MCANISMESETDYNAMIQUES

    BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009 13

    Que sont les monolines?

    Les compagnies dassurance ditesmonolineseffectuent de lassurance-crdit sur des obligationsmises par des collectivits locales essentiellement amricaines ou sur des tranches de produitsstructurs. galement appelesfinancial guaranty insurers, leur appellation demonoline vient du faitquelles ne sont actives que sur un seul type dassurance. tant majoritairement notes elles-mmes AAA,lesmonolines permettentaux titres assursdobtenirunrating AAA.

    Lesmonolines couvrentdeux typesde titres :

    Les obligations mises par des collectivits locales oumunicipal bonds (environ 1 300 milliards dedollars de titres assurs fin 2007) :lassureur garantit typiquement la continuit des paiements (principalet intrts) en cas de dfaut de lmetteur. La garantie de lamonoline (contre paiement dune prime) permet

    de toucher une base dinvestisseurs bien plus large, incluant par exemple les fonds de pension ou autresfonds qui ne peuvent investir que dans des titres nots AAA.

    Les produits structurs, incluant lesasset-backed securities (ABS) et lescollateralised debt obligations 1 (CDO)

    (800 1 000 milliards de dollars assurs fin 2007) : il sagit de lactivit qui a enregistr la plus fortecroissance au cours des dernires annes (sur la seule anne 2006, les monolines ont octroy pour250 milliards de protection sur les produits structurs). Lamonolinenintervient quen cas de dfaut sur lactifsous-jacent, mais en principe ne couvre pas les per tes lies une dprciation en valeur de march.

    Lindustrie desmonolinesa t trs profitableau cours desannes prcdant la crise :en effet,le secteur dans son ensemble prsente un ratio(indemnisations + dpenses) / primes reuesgalapproximativement 30 %, contre des ratios suprieurs 80 % dans lindustrie de lassurance.

    .../...1) Voir chapitre 2

    Une crise financire en trois dimensions

    CRISE FINANCIRE

    Liquidit

    Pressionssur le financement

    de lconomie

    CRISE DE SYSTME

    Rle des banques centrales

    Intervention des tats

    Capital

    Rationnementdu crdit

    Diminutionde linvestissement

    des entreprises

    Dinimutiondu pouvoir dachatdans les conomies

    fondes sur lendettement

    Baisse de la demande de crdit

    CRISE RELLE

    tablissements financiers

    Source : Banque de France, Direction de la Stabilit financire

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    18/115

    CHAPITRE 1 CRISEFINANCIRE : MCANISMESETDYNAMIQUES

    14 BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009

    Ce secteur prsente une structure oligopolistiquepuisque cinq acteurs (MBIA, Ambac, FSA, FGICet CFIG) assurent 2/3 des encours.

    La problmatique principale desmonolines est lie leur besoin de conserver leur notation AAA .Aux tats-Unis, elles sont galement assujetties des normes de fonds propres et ces dernierssontrelativement faibles(les capitaux agrgs taient de 22 milliards de dollars fin 2006).

    Une diminution de la notation desmonolines se traduit par une dgradation automatique des obligationsassures vers lerating initial de lmetteur. Cette dgradation peut dclencher son tour un mouvementde ventes de la part des investisseurs encadrs par des contraintes derating (fonds de pension). Ce canalde contagion a jou un rle significatif dans la crise dessubprime, entranant des cycles de dgradationspour les produits structurs.

    Les mcanismes de contagion

    Ventes forcesdacteurs encadrs

    par des contraintes

    de rating(type fonds

    de pension)

    Enclenchement

    dun cycle baissier

    de prix dactifs

    Remise en cause

    des oprations

    de couverture misesen place auprs de monolines

    accroissant les besoins

    de capital bancaire,

    ou gnrant

    des ventes forces

    Contagion

    aux banques

    Dgradation de la notationdes municipal bonds

    assurs par les monolines

    Cycle de dgradation

    sur les tranchesles mieux notes

    des produits structursassurs par les monolines

    Ncessit de

    recapitaliser les monolines

    Dgradation

    de la notation

    des monolines

    Pertes comptables

    lies la dprciation

    MTM de la couvertureoctroye par CDS

    Pertes directes

    provenant dexpositions

    aux subprime

    (via des RMBS 1)

    et CDO dABS)

    1) Residential mortgage-backed securities

    Source : Banque de France, Direction de la Stabilit financire, document de travail, 2008

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    19/115

    CHAPITRE 1 CRISEFINANCIRE : MCANISMESETDYNAMIQUES

    BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009 15

    [...]

    1| TENDANCESRCENTESSURLESMARCHSDECAPITAUXETLIQUIDIT

    1|1 Dsintermdiation, libralisation et drglementation financiresainsi que titrisation

    La dsintermdiation, la drglementation et la libralisation financires ainsi que la titrisationsont probablement les volutions les plus marquantes observes sur les marchs de capitaux aucours de la dernire dcennie. Elles ont non seulement profondment modifi le paysage financiermais galement le contour de la liquidit.

    Dsormais, le systme bancaire nest plus le seul offrir du crdit et de la liquidit. ct de laliquidit traditionnelle, que lon mesure par les agrgats montaires ou de crdit, se dveloppe uneseconde composante qui dpend des montants que les intermdiaires financiers non bancairesdsirent schanger 1. Ces deux composantes ont eu tendance voluer en parallle et, dans une

    certaine mesure, se sont renforces mutuellement au cours de ces dernires annes. En effet, laforte croissance de la masse montaire et du crdit a t considre comme un dterminant-cldes conditions de financement bon march sur les marchs de capitaux. Cette finance facile a,dun autre ct, exacerb la tentation des investisseurs de prendre davantage de risques et davoir pluslargement recours lendettement, alimentant ainsi lexpansion du crdit et de la monnaie.

    Llimination de certaines barrires structurelles entre banque dinvestissement et banque de

    dpts a galement favoris la fluidit du crdit, des initiateurs de prts aux metteurs de titresde dette. Il en est galement rsult une concurrence accrue au sein du secteur financier et unestimulation de linnovation financire.

    Enfin, la titrisation a non seulement permis aux banques de rendre liquides les actifs financiers, maiselle leur a galement offert de nouvelles opportunits, de loctroi de crdits, leur reconditionnementpuis leur cession sous forme de titres. Au cours des dernires annes, la titrisation a gagnpratiquement toutes les catgories de crances.

    1|2 ont contribu lmergence dun nouveau modle de financementqualifi dinitiation puis distribution du crdit

    Ces diffrentes tendances ont donn naissance un nouveau modle de transfert des risques,par lequel les banques, aprs avoir accord des prts, cdent le risque de crdit sous-jacent unensemble dinvestisseurs par le biais dinstruments ddis.

    Source : Extrait de Dbats conomiques, n 4, propos des turbulences financires , Banque de France, fvrier 2008. Le texte intgral peut treconsult ladresse suivante : www.banque-france.fr/fr/publication/telechar/debats/turbulences_finan.pdf1 Cf. Cournde (B.), Ahrend (R.) et Price (R.) (2008) : Have long-term financial trends changed the transmission of monetary policy?,

    OCDE Economics Department Working Papers

    Les mcanismes financiers lorigine de la crise

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    20/115

    CHAPITRE 1 CRISEFINANCIRE : MCANISMESETDYNAMIQUES

    16 BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009

    Auparavant, les tablissements bancaires taient les principaux initiateurs des prts. Ils les conservaient leur bilan et les suivaient jusqu chance. La titrisation leur a donn la possibilit de ne plus faireapparatre le risque de crdit leur bilan mais de le transfrer dautres investisseurs. Les tapes quiprsident loctroi dun prt, tel quun prt hypothcaire, sont devenues trs complexes2.

    Elles sont gnralement divises en plusieurs activits distinctes, chacune pouvant tre exerceau sein dinstitutions ou dorganismes diffrents. Par exemple, le processus complet de productiondun prt hypothcaire fait appel des acteurs aussi varis que lemprunteur, linitiateur(i.e. la banque), larrangeur, qui regroupe les prts sous forme de produits structurs, lagence denotation, qui dlivre une note ces derniers, le prteur relais, qui assure transitoirement le servicedu prt, le gestionnaire dactif et lorganisme de recouvrement du prt hypothcaire. Le risque

    de crdit est ainsi plus largement dissmin au sein du systme financier. Il est finalement cd un grand nombre dinvestisseurs qui sont thoriquement non seulement mieux arms pour lesupporter mais encore plus disposs le faire. Dans ce contexte, les fonds propres des banquespeuvent tre utiliss de manire plus efficace, permettant, toutes choses gales par ailleurs, unaccroissement de loffre de crdit.

    La substitution progressive des titres aux prts au sein de lactif des banques a renforc la sensibilitdes bilans bancaires aux techniques de valorisation. De fait, la valorisation dinstruments structurscomplexes est un vritable dfi. En raison des normes comptables internationales en vigueur (IFRS),les titres doivent tre valoriss leur juste valeur (fair value), cest--dire en valeur de march(mark-to-market) ou ventuellement en fonction dun modle (mark-to-model). Or, la plupartdes produits structurs ne faisant pas lobjet dchanges sur les marchs secondaires, ils nont

    formellement pas de prix de march. Pour les valuer, les socits financires font gnralementappel une combinaison de modles de valorisation du risque de crdit, dans lesquels intervientnotamment la notation externe, et de prix de produits drivs eux-mmes peu liquides.

    2| QUELLESSONTLESPRINCIPALESLIMITESDUNTELMODLEDEFINANCEMENT ?

    2|1 La prsence dimperfections sur le march du crdit

    Dans ce modle de financement, les metteurs de prts peuvent tre moins incits sassurerde leur viabilit dans la mesure o ils prvoient de transfrer le risque de crdit dautresinvestisseurs. Ce problme dala moral est encore plus profond lorsque les prts sont octroys

    par des organismes non rglements. ltape suivante, les acqureurs des prts, qui envisagent deles restructurer sous forme dinstruments de crdit complexes, sont peu enclins vrifier la qualitdes actifs quils ont acquis. Ils savent en effet que les acheteurs finaux se fient essentiellement la notation attribue lactif sous-jacent. Les asymtries dinformation altrent donc chaque tapedu processus. Elles constituent en outre une puissante source de contagion. De surcrot, un telsystme ne peut fonctionner que si chaque intervenant de march impliqu dans ce processus aen permanence accs la liquidit.

    2 Cf. par exemple Ashcraft (A. B.) et Scheuermann (T.) (2007) : Understanding the securitization of subprime mortgage credit, Mimeo,Banque de Rserve fdrale de New York, dcembre

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    21/115

    CHAPITRE 1 CRISEFINANCIRE : MCANISMESETDYNAMIQUES

    BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009 17

    2|2 La valorisation

    De par leur nature, les produits structurs sont peu liquides. Ils sont constitus pour sadapterparfaitement aux caractristiques et au profil de risque requis par leur acqureur. Ces proprits

    limitent leur aptitude tre revendus dautres investisseurs dont les prfrences ou les besoinspeuvent tre diffrents. Cela fait apparatre un phnomne de circularit : la valorisation la justevaleur doit seffectuer sur la base dun prix de march, en application des normes comptablesinternationales ; les oprateurs ne peuvent correctement valoriser un actif que sil existe une

    liquidit suffisante sur le march ; et, pour finir, la liquidit dpend de la valorisation.

    Dans ce processus, les agences de notation sont investies dune mission essentielle qui consiste

    runir et contrler linformation concernant les emprunteurs. Ces informations sont crucialespour valuer le risque et le rendement des diffrents actifs et donc pour faciliter le processus deformation des prix. En outre, sur les marchs titriss, le systme de notation permet tous lesintervenants davoir accs des informations simples, claires et concises sur le risque de crdit liaux diffrentes classes et catgories dinstruments financiers. La notation est devenue une partieintgrante de la conception et de lingnierie financire de ces produits. Les agences de notationdterminent la taille des tranches et les niveaux de subordination des crances. Elles fournissentles mthodes et les modles dvaluation des risques ainsi que leur corrlation. Elles imposentgalement les conditions que les vhicules de titrisation doivent ncessairement remplir en vue depouvoir mettre des titres. En permettant la comparabilit des produits structurs avec une largegamme dactifs, elles assurent leur ngociabilit ou, pour le formuler autrement, leur liquidit.

    Cependant, ce processus comporte deux faiblesses importantes : premirement, les agences denotation se considrent comme uniquement responsables de lvaluation du risque de crdit.Leurs notations ne comprennent donc pas le risque de liquidit alors que les investisseurs sontpersuads du contraire.

    Deuximement, le modle utilis pour noter les produits structurs est identique, en termesde prsentation, celui qui est utilis pour les produits obligataires traditionnels. Or, pour lesinvestisseurs, une notation AAA est traditionnellement associe un investissement stable. Enoutre, il semble qutant donn le faible rendement de ces produits, les investisseurs sont moinsincits analyser de faon exhaustive la nature et la sensibilit de ces notations. Ce comportementnest sans doute pas totalement appropri vis--vis des produits structurs dont les notations ontfait preuve dune norme volatilit, comme on a pu le constater rcemment.

    2|3 Les incertitudes relatives la valorisation des actifs, au degr dexpositionau risque en gnral et au risque de contrepartie en particulier

    La diversit et la complexit des techniques de valorisation peuvent aboutir une variationconsidrable des estimations en juste valeur entre les institutions. Par consquent, un certainnombre dtablissements financiers nont pas une ide claire des performances long termedes prts sous-jacents. Par ailleurs, la dilution des risques ainsi que la complexit des produitsstructurs occultent la localisation relle des risques. Dans ces conditions, la dtrioration de lavaleur de certains actifs, comme cela a t observ pour les actifs lis aux subprime, notammentles titres adosss des crances hypothcaires, peut entraner une augmentation de lincertitude

    relative la valeur intrinsque de nombreuses autres catgories dactifs financiers, quils soientin fine exposs ou non au march immobilier des subprime. Cette situation contraste fortement

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    22/115

    CHAPITRE 1 CRISEFINANCIRE : MCANISMESETDYNAMIQUES

    18 BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009

    avec le modle standard de lintermdiation bancaire o les valorisations dactifs et de crdit sontlies aux fondamentaux et effectues au cot historique. Dans le contexte du modle de titrisation,

    les problmes de valorisation peuvent se traduire par des pnuries de capital en raison de lacomptabilisation en juste valeur . En effet, les fluctuations de prix des actifs sont immdiatementrpercutes dans le bilan des banques.

    2|4 La relative inadquation du capital au risque dans le nouveau modle

    de titrisation

    Les nouvelles entits, comme les conduits et les SIV 3, effectuaient, jusqu une date rcente, destransformations dchances grande chelle sans aucun capital pour absorber les chocs. Toutefois,la plupart dentre eux taient dots de lignes de crdit bancaires ou dautres garanties des banquesqui les sponsorisent. Ces lignes de crdit se substituent aux fonds propres qui auraient autrementt exigs de ces entits pour pouvoir mettre des billets de trsorerie bnficiant de la note AAA.La titrisation ne protge pas compltement les banques du risque de crdit sur les actifs transfrs.Tout dabord, les initiateurs de crdits sont gnralement exposs aux premires dfaillances surles prts quils vendent. Lors des priodes de crise, cette exposition rduit leurs bnfices et doncleurs fonds propres. Ensuite, des montants importants dinstruments adosss des prts ont tacquis par le biais de conduits ou de SIV, qui bnficient dimportantes lignes de crdit de la partdes banques qui les ont mis en place, prcisment pour faire face aux risques de liquidit. Commenous lavons observ cet t, quand les conduits mobilisent leurs lignes de crdit, les bilans des

    banques peuvent considrablement augmenter en priode de crise, diminuant le montant descapitaux excdentaires disponibles pour financer de nouveaux prts.

    3| CONSQUENCESETDFISRELEVERPOURLESRGULATEURS

    3|1 Dun choc de liquidit

    La combinaison de ces quatre sources de fragilit a t lorigine dun brusque changement dergime, qui nous a fait passer dune priode de liquidit abondante une situation de pnurieapparente. Un tel changement de rgime sexplique de diffrentes faons : premirement, par unaccroissement de lincertitude 4. En raison de la complexit des instruments structurs et de leur

    prolifration rapide, les intervenants de march manquent de rfrences historiques pour valueret mesurer le comportement de ces instruments financiers lors de priodes de crise. Le fait queles notations AAA soient apparues moins stables que ce qui tait normalement attendu pour cetteclasse dactifs, avec des exemples de rvision la baisse des notations de plusieurs niveaux en unejourne, a conduit les investisseurs mettre en doute la valorisation de tous les types de crdits(pas seulement hypothcaires). En consquence, lincertitude 5 peut avoir conduit les intervenantsde march prendre des dcisions fondes sur les scnarios les plus dfavorables. Bien quece comportement soit rationnel pour prendre des dcisions robustes, lagrgation de dcisionsindividuelles rationnelles peut avoir conduit un rsultat macroconomique sous-optimal : lesintervenants de march disposant de liquidit ont prfr rester en dehors du march. Certains ont

    3 Cf. lencadr sur leffet de levier4 Cf. par exemple Caballero (R. J.) et Krishnamurthy (A.) (2008) : Les chaises musicales : un commentaire sur la crise du crdit , Revue de la

    Stabilit financire de la Banque de France, n 11, fvrier5 Il sagit de lincertitude au sens de F. Knight, cest--dire lincertitude relative la vritable distribution sous-jacente des risques.

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    23/115

    CHAPITRE 1 CRISEFINANCIRE : MCANISMESETDYNAMIQUES

    BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009 19

    cess deffectuer des transactions, estimant que le risque de contrepartie stait considrablementrenforc ; dautres ont prfr thsauriser de la liquidit dans un contexte dincertitude accrue lgard de leurs propres besoins futurs de liquidit et leur degr dexposition relle aux risques.

    Deuximement, la dsintermdiation sest traduite par un renforcement de la concurrence entre les intermdiaires financiers, notamment entre les banques et les non-banques. Les banquesconservent toutefois un rle important dans lacheminement de la liquidit vers les secteurs oelle est le plus ncessaire. Elles ont notamment accs la monnaie de banque centrale. Cela peutleur permettre de thsauriser la liquidit injecte par les banques centrales et, dans certains cas,dexercer un rationnement ou des pressions sur la liquidit vis--vis de leurs principaux concurrents,notamment ceux qui nont pas accs la liquidit centrale. En outre, les banques ont intrt, dans

    un contexte dasymtrie dinformation, tenir compte de leur environnement concurrentiel dansleurs choix stratgiques de couverture. Dans un tel contexte 6, les institutions financires peuventtre incites effectuer des arbitrages en matire de gestion du risque. Ces arbitrages peuvent lesamener avoir une position dattente vis--vis de leurs concurrents disposant de rserves limitesde liquidit. Dans la mesure o les stratgies de couverture ne sont pas parfaitement observables,le mcanisme cre un phnomne de slection adverse. Dans une telle situation, un faible choc deliquidit peut entraner une dtrioration de la qualit de lensemble des institutions financiresqui sont dpourvues de liquidit, incitant par ailleurs les dtenteurs de liquidit ne pas sendessaisir. Un tel comportement suscite des interrogations sur les rles et les outils respectifs desbanques centrales, des banques et des autres institutions financires sagissant de la cration etdu maintien de marchs profonds et liquides.

    3|2 une pnurie de capital ?

    Depuis le dbut des turbulences financires, les banques ont d faire face des pressions croissantessur leur bilan. lactif de ce bilan, la titrisation ou la syndication des actifs a laiss les banquesavec des volumes importants de prts qui taient sur le point dtre cds lorsque la crise a clat.La moindre capacit des marchs absorber des actifs titriss a rduit brutalement la facult desbanques transfrer les actifs et les risques hors de leur bilan. Dans le mme temps, des actifs quiavaient t prcdemment transfrs hors du bilan ont d tre rintgrs en raison des risquesde crdit, de liquidit ou de rputation. En effet, les banques sont vulnrables aux allgations

    selon lesquelles elles nont pas contrl les emprunteurs de manire approprie ou correctementaverti les investisseurs des risques lis aux produits quelles avaient titriss. La gestion du risquede rputation a jou un rle primordial dans la dcision des banques de soutenir les conduits

    quelles avaient parrains ou de prendre part leur restructuration, et cela mme en labsence detoute obligation juridique. Sagissant du passif du bilan des banques, les effets de la valorisation ontaffect les rserves en capital au travers des pertes subies sur les encours. Paralllement, le cotde financement des banques sest accru et les conditions de leve de nouveaux capitaux se sontresserres. Du ct des fonds propres, la forte baisse de la capitalisation boursire des banques aaugment le cot du capital. Des signes de pnurie de capitaux se sont galement manifests horsdu secteur bancaire. Les assureurs demprunts monoline, qui sont des contreparties importantesdes banques et qui leur vendent des protections de crdits sur les tranches senioret super seniordes RMBS (residential mortgage-backed securities) et des CDO (collateralised debt obligations), ontgalement subi des pertes leves en valeur de march.

    [...]

    6 Cf. par exemple Adam (T.), Dasgupta (S.) et Titman (S.) (2008) :Financial constraints, competition and hedging, Journal of Finance

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    24/115

    CHAPITRE 1 CRISEFINANCIRE : MCANISMESETDYNAMIQUES

    20 BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009

    Leffet de levier

    1| Dfinition du levier

    Le levier mesure le degr dendettement dun mnage, dune entreprise ou une institution financire, en vuede lacquisition dun bien ou dun actif. On distingue :

    lelevier de bilancalcul partir des positions de bilan, en faisant le rapport Actif/Capital ;

    lelevier hors bilancalcul partir des positions hors bilan de produits structurs.

    2| Les caractristiques du levier

    Le levier nest pas constant dans le temps. Si lactif prend de la valeur, la part dendettement de linstitutiondiminuera et par consquent le levier dendettement baissera.

    Le levier peut tre considr comme une lasticit, dans le sens o il va amplifier les rendements (positifsou ngatifs) de lexposition aux actifs sensibles tels que les produits structurs.

    Le levier de bilan des banques europennes a eu tendance augmenter fortement au cours des derniresannes, pour atteindre un niveau de 30 en 2007, suprieur celui des banques amricaines.

    Cet cart masque en ralit le recours massif des banques amricaines soit la titrisation, soit la croissance

    de crdits comptabiliss en hors bilan.

    Levier de bilan et levier hors bilanau niveau macroconomique(par rapport au PIB)

    Levier de bilan exprim en multiple du capital

    Levier hors bilan amricainLevier de bilan amricain

    1999 2001 2003 2005 20071997

    0,0

    0,5

    1,0

    1,5

    2,0

    2,5

    3,0

    3,5

    2002 2004 2006 20082000

    10

    15

    20

    25

    30

    35

    40

    Banques d'investissement amricaines

    Banques amricainesBanques europennes

    Banques britanniques

    Sources : Systme fdral de rserve, SIFMA Source : Bloomberg ; calculs : Banque de France, Direction

    de la Stabilit financire

    .../...

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    25/115

    CHAPITRE 1 CRISEFINANCIRE : MCANISMESETDYNAMIQUES

    BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009 21

    3| Le levier dune banque

    De la mme manire quun mnage, les banques pratiquent le levier dendettement. la diffrence desmnages (qui ont une attitude passive), ce levier est gr de manire active. Cependant, les banques grentle levier diffremment en fonction de leurs activits :

    les banques commerciales ont un objectif fixe de levier dendettement. Quand lactif du bilan augmente,la banque augmente sa dette pour maintenir son levier. Inversement quand lactif du bilan baisse,la banque va vendre son actif et diminuersa dette pour maintenir le levier constant.

    Les banques dinvestissement ajustent

    activement leur bilan en raction desvariations de prix et de risques, de manire ce que le levier soit important en priode decroissance et faible en priode de rcession.Le levier des banques dinvestissement estpro-cyclique.

    Divers facteurs contribuent la croissancede la taille du bilan des banques en priodedaugmentation du prix des actifs : ainsi,lincitation prter est plus forte quand la valeur

    des garanties augmente. De mme la valeurdes fonds propres saccrot mcaniquementquand le prix des actifs monte.

    Source : Banque de France, Direction de la Stabilit financire, document de travail, 2008

    Amplification par les prix des variations de bilans

    Bilans

    plus solides Augmentationdes bilans

    Levier cible

    Augmentation du prix des actifs

    Bilans

    plus fragiles Diminutiondes bilans

    Levier cible

    Reculdu prix des actifs

    Source : Adrian (T.) et Shin (H. S.) (2008), Revue de la Stabilitfinancire de la Banque de France, n 11, fvrier

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    26/115

    CHAPITRE 1 CRISEFINANCIRE : MCANISMESETDYNAMIQUES

    22 BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009

    [...]

    Cette crise nous est dabord apparue comme une crise de liquidit. On peut en dater le dbutau mois daot 2007 quand des perturbations svres sont apparues sur le march interbancaire. Plusdun an aprs, ces tensions sont toujours prsentes sur les marchs montaires. En tmoignent, leniveau trs anormal des spreads, le raccourcissement des maturits, ainsi que le rtrcissement, voirela disparition de certains segments du march. Par contagion, ces tensions affectent galement les socitsnon financires et le financement de lconomie.

    Cette crise nous est aussi apparue comme une crise de la titrisation. Vous le savez, la titrisationest une technique ancienne et en ralit trs efficace et utile. La nouveaut dans cette crise est que dansla priode qui la prcde, la titrisation a t utilise dans des structures financires trs instables,qui finanaient court terme des produits complexes et structurs trs peu liquides et la valeur trsincertaine. Linstabilit de telles structures tait largement masque. Labondance de la liquidit permettait

    en effet de refinancer mme les crances de qualit mdiocre ou de valeur incertaine. En outre, unenotation favorable et une garantie assurantielle permettaient de rehausser artificiellement la qualitde ces crances. La monte des dfauts, dabord sur les crdits subprime, dclencha une raction enchane dont les consquences continuent de se faire sentir aujourdhui. Les diverses protections mises enplace se sont rvles inefficaces. La liquidit sest vapore beaucoup plus vite quelle ntait apparue.Les dgradations de notes par les agences se sont succdes en cascade, avec une rapidit et, surtout, unebrutalit sans commune mesure avec la qualit prsume des actifs en question.

    Leffondrement de la titrisation structure a mis en lumire deux ralits fondamentales.La premire est que, loin dtre mieux gr et dtre rparti dans lensemble du systme, le risque decrdit tait implicitement ou explicitement concentr entre les mains de certaines institutions, au premierrang desquelles les grandes banques dinvestissement. Do la succession de dprciations, imposes

    par les rgles comptables en vigueur, ces dprciations nourrissant des doutes sur la solvabilit des

    institutions, des restrictions sur la liquidit et de nouvelles baisses de prix dactifs. La seconde ralit estque linnovation financire a aliment une hausse considrable de leffet de levier dans tout le systmefinancier. Les signes en sont nombreux. Les bilans bancaires se sont gonfls. Les vhicules hors bilansans vrais fonds propres se sont dmultiplis. Les assureurs monolines (cf. encadr) ont accord desvolumes de garanties pour les produits structurs bien au-del de ce que leur capital permettait. Leffetde levier, vous le savez, fonctionne de faon symtrique. Il amplifie les gains comme les pertes. Les gainsexcessifs prirent la forme dun boom immobilier aux tats-Unis. Pour ce qui est des pertes excessives, nousles subissons aujourdhui. Le processus de rduction de leffet de levier luvre depuis plusieurs moisimplique que, pour les intermdiaires financiers incapables de lever des fonds propres, laccumulationde dprciations et de pertes dtruit leur capital au point de les conduire la faillite.

    La nature de la crise

    Extrait du discours deChristian Noyer, gouverneur de la Banque de France Reflexions sur la crise , Tokyo, 17 novembre 2008

    Le texte intgral peut tre consult ladresse suivante :

    www.banque-france.fr/fr/instit/telechar/discours/2008/disc20081117.pdf

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    27/115

    CHAPITRE 1 CRISEFINANCIRE : MCANISMESETDYNAMIQUES

    BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009 23

    Dans ce contexte, quen est-il des banques franaises ? Bien sr, elles ne sont pas labri dela crise. Des expositions directes ou indirectes aux produits structurs les ont forces constater desdprciations dactifs, parfois substantielles. Lvaporation de la liquidit et la paralysie de certainsmarchs les frappent. Et elles subissent comme les autres la hausse des cots de refinancement. Celadit, nos banques sont solides et robustes. Il faut en effet garder lesprit les faits suivants. Premirement,les fonds propres des banques franaises sont levs, bien au-del des minima imposs par la rgulation

    prudentielle et du niveau de leurs concurrents europens. Deuximement, nos banques dans lensemblecontinuent faire des bnfices et, ce propos, nous veillons ce que ces rsultats soient tablis sanscomplaisance. Troisimement, nos banques ont des sources rgulires de revenus. Ce sont des banquesuniverselles et, partant, moins vulnrables aux conditions des marchs financiers. Leur base solideet rcurrente de profits futurs est un atout vital dans les circonstances prsentes. Enfin, nos banques

    restent trs manuvrantes et prtes tenir leur rle dans la restructuration ventuelle du secteurfinancier international. Au total, nos banques tirent aujourdhui les fruits des efforts de productivitet dinnovation accomplis depuis deux dcennies .

    [...]

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    28/115

    CHAPITRE 1 CRISEFINANCIRE : MCANISMESETDYNAMIQUES

    24 BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009

    Les agences de notation sont sur la sellette. Comme lors de la crise asiatique de 1997, la crisefinancire actuelle a dclench de nombreuses critiques leur encontre, notamment de lapart dinvestisseurs dus de la trs mdiocre performance de certains actifs financiers quidisposaient pourtant des meilleures notations. Les autorits publiques se penchent sur leur rle ;

    lOrganisation internationale des commissions de valeurs (OICV) devrait valuer, dici mai prochain,la conduite des agences de notation sur les subprime1 amricains ; le G 7 a demand au Forum deStabilit financire 2 de faire des propositions pour renforcer les principaux systmes financiers ;les modalits dintervention des agences de notation seront naturellement intgres dans les analysesquil prsentera en avril.

    Dans cette perspective, il est utile de rappeler le rle essentiel des agences avant de souligner lesmalentendus qui entourent leurs notations et desquisser quelques pistes damlioration.

    Une des fonctions essentielles des marchs est de traiter en continu toute linformation disponiblepour permettre de dgager un prix aux divers actifs financiers. Or, tous les agents conomiquesnont pas la mme capacit danalyse du flot dinformation disponible. Les banques peuvent

    sappuyer sur la connaissance rapproche quelles ont de leur clientle pour bien mesurer lesrisques quelles prennent en leur accordant des prts. En revanche, les investisseurs sur lesmarchs nont gnralement pas la capacit effectuer une analyse dtaille et actualise durisque de crdit et sont dautant moins enclins engager les frais importants de traitement desinformations ncessaires la mesure de ce risque que des professionnels, en loccurrence lesagences de notation, sont censs sen charger et assurer ainsi lefficience du march.

    La notation des agences permet en effet aux investisseurs de disposer collectivement duneinformation simple, lisible et synthtique sur le risque de dfaillance dun metteur. La notationaccompagne donc le dveloppement de grands marchs liquides, profonds et internationaux.Elle est une condition et un support du bon fonctionnement de ces marchs comme la montr lessordu march de la titrisation. Avec le dveloppement des produits structurs, la notation fait mmepartie intgrante de leur conception. Les agences fournissent aux banques qui crent ces produits

    structurs leurs mthodes et leurs modles pour valuer le risque de dfaillance et elles imposentles autres caractristiques auxquelles doivent satisfaire les vhicules de titrisation pour pouvoirmettre des titres bnficiant des meilleures notations. De simples intermdiaires les agences denotation sont ainsi devenues des quasi-rgulateurs de la titrisation et des produits structurs alorsmme quelles pouvaient tre sujettes des conflits dintrt entre les metteurs, leurs clients, quisupportent le cot de cette notation, et les investisseurs, utilisateurs des notations.

    Source : ditorial du Bulletin de la Banque de France, n 168, dcembre 2007. Ce document est galement disponible ladresse suivante :www.banque-france.fr/fr/publications/telechar/bulletin/168edito.pdf1 Les subprime sont des crdits immobiliers aux emprunteurs amricains les plus risqus. Ce sont principalement les crdits taux variable qui,

    distribus de faon laxiste ces dernires annes, occasionnent aujourdhui des pertes trs suprieures aux estimations initiales.2 Le Forum de Stabilit financire a t cr par les pays du G 7 en 1999 et runit deux fois par an les ministres des Finances, les banques centrales, les

    contrleurs du secteur financier et les institutions financires internationales pour examiner les risques qui psent sur la stabilit financire mondiale.

    La notation au cur du fonctionnement

    des marchs

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    29/115

    CHAPITRE 1 CRISEFINANCIRE : MCANISMESETDYNAMIQUES

    BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009 25

    On doit constater que la notation de ces produits structurs a t lorigine dun immensemalentendu entre certains investisseurs et les agences. En rvisant brutalement lt dernierleurs notes et leurs mthodologies sur les produits structurs relatifs aux subprime, les agencesont en effet rvl deux aspects de leurs travaux qui avaient t mal pris en compte parcertains investisseurs.

    Dabord, leur notation ne porte que sur le risque de dfaillance et nintgre pas dautres risquescomme le risque de march ou dilliquidit. Or, ces autres risques sont apparus dterminants danslvolution rcente des prix des produits structurs. Certes, on peut estimer que les investisseursauraient d connatre la vraie nature de la notation ; mais lexprience a montr que pour la plupartdes investisseurs la notation AAA dun produit tait suffisante et quil ny avait pas dincitation

    analyser plus en dtail la nature dune telle notation.

    Ensuite, le fait de retenir une mme chelle de notation pour ces produits structurs et pourles produits obligataires classiques savrait trompeuse car la nature des produits et des risquestait bien diffrente. Les produits structurs ont du fait de leur construction mme une volatilitbien suprieure celle des obligations comme la montr lvolution des cours ces derniers mois.Une chelle de notation diffrente aurait aid les investisseurs comprendre la diffrence desrisques attachs aux produits issus de la titrisation.

    Face ce premier constat, il faut viter de se prcipiter dans ladoption dune rglementation de lactivitde notation. Lutilit dune telle rglementation doit tre analyse de faon approfondie et avec recul.Dans limmdiat, il faut privilgier les amliorations possibles. Trois pistes peuvent tre esquisses :

    une plus grande transparence des mthodes de notation et du rle des agences dans le processusde titrisation pourrait permettre de lever des malentendus entre agences et investisseurs ;

    une diffrenciation des chelles de notation entre produits obligataires et produits structurs

    pourrait permettre de mieux prendre en compte la spcificit de ces derniers par les investisseurs.Une autre possibilit serait dajouter la notation de crdit une mesure de sa volatilit en priodede stress de march ou de liquidit ;

    la mesure la plus ambitieuse, car les travaux ce sujet sont encore balbutiants, serait de mettreen place une notation spcifique du risque de liquidit. Il faut finalement souhaiter que lesagences de notation sachent proposer elles-mmes les mesures propres restaurer la confiancedes investisseurs. Faute dune autorgulation suffisante, les autorits, notamment en Europe,

    seraient conduites considrer lopportunit dune alternative rglementaire .

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    30/115

    CHAPITRE 2 INNOVATION, PRODUITSSTRUCTURSETSTABILITFINANCIRE

    26 BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009

    La technique de la titrisation

    La technique de la titrisation se caractrise par la combinaison de trois mcanismes :

    La titrisation sest applique une gamme toujours plus largie dactifs, pourvu que ceux-cipuissent gnrer une squence de revenus suffisamment prvisibles pendant une priode donne.Llargissement du spectre dactifs sous-jacents a t li pour un bonne part des facteurs doffre.Le resserrement rapide et prononc des spreads de crdit partir de la fin 2002 a progressivementrduit le gisement dactifs offrant suffisamment de rendement pour tre titriss de manire

    rentable, contraignant les arrangeurs recourir des sous-jacents plus spcifiques offrant unsurcrot de rendement du fait de leur complexit, de leur moindre liquidit ou de leur faiblequalit. Cest ainsi que des actifs de plus en plus risqus ont t inclus dans les montages detitrisation, alors que ce march tait traditionnellement rput pour sa scurit car il sappuyaitsur du collatral de premire qualit (notamment prts immobiliers de bonne qualit tout aulong des annes quatre-vingt-dix. Certains facteurs de demande ont cependant aussi jou un rle,certaines institutions, notamment des compagnies dassurances, fonds de pension, petites banquesmais aussi des entreprises et mme quelques tats, cherchant dynamiser leurs rendements et diversifier leurs portefeuilles dinvestissement, limage des grandes banques.

    Le pooling: lassemblage par une institution financire dun portefeuille compos de crances

    bancaires et/ou dinstruments financiers ngociables (obligations, autres titres de crances)et/ou de drivs de crdit. Ce portefeuille provient soit de lactivit doctroi de crdit de labanque, soit de lachat par la banque de ces actifs sur les marchs financiers.

    Ladconnexion entre le risque de crdit du portefeuille et celui de la banque initiatricedu montagevia le recours un vhicule ad hoc (un special purpose vehicle SPV) mettant destitres et portant les actifs sous-jacents.

    Le dcoupage en tranches de lmission de titres, selon une hirarchie prcise quant auxdroits des diffrentes tranches mises sur les revenus tirs des actifs ou des drivs de crditsous-jacents. Les tranches senior, mezzanine, equity bnficient ainsi dun rang de prioritdcroissant sur les revenus des actifs et prsentent symtriquement des niveaux de risque

    (et donc de rendement) croissants. La tranche equity est la premire absorber des pertesdans lventualit dun ou plusieurs dfauts au sein du portefeuille. Si les pertes excdent lemontant de cette tranche, cest au tour de la tranche mezzanine dtre affecte. Enfin, ce nestque si les dfauts se rvlent nombreux et importants, que la tranche seniorsera affecteet subira des pertes.

    Source : Banque de France, Direction de la Stabilit financire, document de travail, 2008

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    31/115

    CHAPITRE 2 INNOVATION, PRODUITSSTRUCTURSETSTABILITFINANCIRE

    BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009 27

    Ainsi, deux tiers des prts subprime octroys aux tats-Unis ont t titriss. Seul un tiers restedans le bilan des banques. Leur titrisation comporte souvent plusieurs tages (cf. diagramme) :les prts sont dabord assembls dans des RMBS (residential mortgage-backed securities) ou des

    ABS (asset-backed securities). Certaines tranches de RMBS sont ensuite assembles dans desCDO (collateralised debt obligations, cf. encadr) ; enfin, un conduit , vhicule se finanant parlmission de titres court terme via des ABCP (asset-backed commercial paper) , achte sontour des tranches de CDO et de RMBS.

    En bout de course, des investisseurs (fonds mutuels dont OPCVM montaires, compagniesdassurance) achtent ces produits structurs. Ils les achtent dautant plus volontiers quils sontbien nots par les agences de notation et quils procurent un rendement attractif par rapport aux

    titres dentreprises de mme notation.

    Par le biais des mcanismes de titrisation, les expositions risques se trouvent largement dispersesauprs de nombreux investisseurs, et dans plusieurs zones gographiques. Mme des investisseursperus comme prsentant une aversion au risque (OPCVM montaires dynamiques en Francepar exemple) peuvent en dtenir titre de diversification ou damlioration du rendement.

    Prteur spcialis subprime Prt subprime

    RMBSABS

    CDO

    ConduitABCP

    OPCVM

    Compagnies dassurance

    Hedge funds

    Titrisation de niveau 1

    Titrisation de niveau 2

    Achat

    Investisseurs

    Agencesde notation

    Note

    Titrisation de niveau 3

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    32/115

    CHAPITRE 2 INNOVATION, PRODUITSSTRUCTURSETSTABILITFINANCIRE

    28 BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009

    Le rle de la dsintermdiation

    Les turbulences constates depuis le mois daot 2007 sur les marchs mondiaux constituent,pour de nombreuses innovations financires et en particulier pour le monde de la financestructure, le premier vritable test. Ce test prsente des dfis dautant plus complexesquil sapplique un environnement financier qui a connu de profondes mutations au coursde la dernire dcennie, avec une acclration de la mondialisation des marchs financiers,leur drglementation et la libralisation des flux de capitaux. Ces mutations ont conduit une

    modification fondamentale et peut-tre irrversible de lintermdiation financire : dsormais,le systme bancaire nest plus le seul offrir du crdit lconomie puisque la titrisation aouvert les marchs de crdit aux investisseurs non bancaires.

    Paralllement cet essor des investisseurs non bancaires, le rle des banques sest aussisignificativement modifi. La titrisation a non seulement permis aux banques daccrotre

    leurs sources de refinancement, en rendant liquides les actifs illiquides dtenus leur bilanmais aussi de transfrer le risque li ses actifs. Les banques sont ainsi devenues, au-del de

    loctroi de crdits, des intermdiaires tirant un pourcentage croissant de leurs revenus de laconstitution de portefeuille de crances destins tre cds sous forme de titres des investisseurssur les marchs financiers.

    Cependant, ces changements ne sont pas alls sans heurts. La dsintermdiation sest accompagnede trois volutions qui, combines, ont conduit aux problmes structurels que la crise des subprimea mis en lumire. Dabord, linnovation financire a amen la cration de produits toujoursplus complexes, alors mme que lhistorique de donnes pour valuer le risque de ces nouveauxproduits tait inexistant ou trop limit. Ensuite, cette dsintermdiation ne sest pas accompagnedun niveau de transparence suffisant dans le systme financier pour rduire les fortes asymtriesdinformation. Enfin, les incitations de chacun des acteurs se sont avres insuffisamment alignes,favorisant une dilution des responsabilits au dtriment des investisseurs.

    [...]

    Source : Extrait de la Revue dconomie financire, n 92, 2008. Le document intgral peut tre consult ladresse suivante : www.aef.asso.fr/parution.jesp?prm=48016

  • 8/14/2019 la crise financire_BDF

    33/115

    CHAPITRE 2 INNOVATION, PRODUITSSTRUCTURSETSTABILITFINANCIRE

    BANQUEDE FRANCE DOCUMENTSETDBATS N 2 FVRIER 2009 29

    [...]

    1| UNECOMPLEXITCROISSANTEDESPRODUITSETDESSTRUCTURES

    Les collateralised debt obligations (CDO) correspondent la titrisation dactifs moins standardscar plus htrognes que les actifs traditionnellement titriss (prts hypothcaires ou cartes decrdit). En particulier, des CDO ont t conus sur des actifs soit moins liquides, limage desprts octroys dans le cadre doprations de rachat avec effet de levier leveraged buy