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La crise immobilière américaine Les responsabilités – Ses conséquences et ses enseignements Un million de foyers modestes ont vu leurs rêves se changer en cauchemar, un million de foyers ruinés par la perte de leur logement, victimes de gens sans scrupules. Soit environ deux millions et demi d’individus confrontés brutalement à une grave situation financière, suivie immanquablement de drames familiaux : séparation, divorce, éclatement de la famille, et dans tous les cas deux millions et demi d’individus exposés à des troubles d’ordre psychosomatique plus ou moins graves. On recherche bien sûr les responsabilités. Mais, braves gens, ne croyez pas que l’on recherche les responsables de tous ces malheurs ! Non, on cherche à connaître les responsables des pertes financières engendrées par la faillite des établissements prêteurs que doivent à présent supporter les banques, les fonds d’investissement ou de placement, et autres dans cette aventure. On est prêt à s’étriper et à accuser son voisin pour échapper à la responsabilité des dégâts causés au capital dans les milieux bancaires et financiers. Et chacun des protagonistes de se renvoyer la balle. On va même jusqu’à impliquer les agences de notation qui n’y auraient vu que du feu ! Le sort, le malheur et la souffrance de 2 millions 500 mille individus n’intéressent personne. Tout le monde s’en fout ! Mais, les pertes en capital, c’est autrement plus important ! Et pourtant, la crise immobilière aux Etats-Unis était largement prévisible. Voici pourquoi. Pour relancer la croissance économique en 2001, la Fed a abaissé son taux directeur dans des proportions considérables : de 6% à 1,75% sur l’année. On sait depuis longtemps qu’au-dessous d’un certain seuil, la baisse des taux directeurs a pour première conséquence de

La Crise Immobilière Américaine

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La Crise Immobilière Américaine

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La crise immobilire amricaine

La crise immobilire amricaineLes responsabilits Ses consquences et ses enseignementsUn million de foyers modestes ont vu leurs rves se changer en cauchemar, un million de foyers ruins par la perte de leur logement, victimes de gens sans scrupules. Soit environ deux millions et demi dindividus confronts brutalement une grave situation financire, suivie immanquablement de drames familiaux: sparation, divorce, clatement de la famille, et dans tous les cas deux millions et demi dindividus exposs des troubles dordre psychosomatique plus ou moins graves.On recherche bien sr les responsabilits. Mais, braves gens, ne croyez pas que lon recherche les responsables de tous ces malheurs! Non, on cherche connatre les responsables des pertes financires engendres par la faillite des tablissements prteurs que doivent prsent supporter les banques, les fonds dinvestissement ou de placement, et autres dans cette aventure.On est prt striper et accuser son voisin pour chapper la responsabilit des dgts causs au capital dans les milieux bancaires et financiers. Et chacun des protagonistes de se renvoyer la balle. On va mme jusqu impliquer les agences de notation qui ny auraient vu que du feu!Le sort, le malheur et la souffrance de 2 millions 500 mille individus nintressent personne. Tout le monde sen fout! Mais, les pertes en capital, cest autrement plus important!Et pourtant, la crise immobilire aux Etats-Unis tait largement prvisible. Voici pourquoi.Pour relancer la croissance conomique en 2001, la Fed a abaiss son taux directeur dans des proportions considrables: de 6% 1,75% sur lanne.On sait depuis longtemps quau-dessous dun certain seuil, la baisse des taux directeurs a pour premire consquence de relancer le secteur de limmobilier. Le rsultat ne sest pas fait attendre, et cest ainsi que la construction a servi de locomotive la croissance conomique amricaine qui est aussitt reparti la hausse.Pendant deux ans et demi (de dbut 2002 juin 2004), le taux directeur de la Fed sest stabilis, sabaissant mme 1% de juin 2003 juin 2004.Cest alors que des tablissements de crdit, dpourvus de scrupules et assoiffs de gains faciles, se sont abattus sur les mnages les plus modestes en leur faisant signer des contrats de prt hypothcaire taux variable, bas au dbut mais pouvant atteindre 18% sur 3 ans (EuroNews - 17 aot 2007); contrats dits "subprime" ( primes sous-jacentes! en franais) souscrits des conditions plus qu'abusives sinon dlictueuses.Les mnages nauraient videmment pas d signer ces contrats auxquels ils ne comprenaient rien. Ils ne voyaient que la concrtisation de leurs rves de logement. En revanche, ceux qui les faisaient signer savaient trs bien quel danger ils exposaient leurs clients, en raison de la hausse prvisible des taux dintrt, source de hauts profits futurs. Le qualificatif de "subprime" attribu ces contrats est la preuve irrfutable de leur cynisme, comptant bien faire jouer la garantie hypothcaire le moment venu.Ce quils navaient pas prvu, cest lampleur et la rapidit du dsastre. Ce quils navaient pas prvu, cest quils seraient lorigine de lclatement de la bulle immobilire par les ventes massives de biens, ventes destines rentrer dans leurs fonds.Cependant, ces tablissements de crdit ne sont pas les vrais responsables du mal quils ont caus. Ils n'en n'ont t que le bras charg de l'excution !En remontant la filire, on trouve les fonds de placement plus ou moins spculatifs, les filiales de grandes banques (non seulement amricaines mais aussi europennes et autres, mondialisation oblige). Ce sont donc les banques qui ont aliment en monnaie toute la chane du crdit et leur responsabilit dans cette affaire est crasante. D'autant plus quelles ont procd des oprations financires de titrisation des crances hypothcaires qu'elles dtenaient directement ou indirectement sur les emprunteurs ; oprations destines percevoir des commissions supplmentaires trs juteuses.Elles devaient s'attendre, terme plus ou moins proche, une remonte des taux directeurs de la Fed et elles ne pouvaient pas ignorer les consquences des conditions draconiennes imposes aux emprunteurs. Pousses par une sorte de cupidit aveugle, elles ont sous-estim les risques encourus et nont en dfinitive que ce quelles mritent.Mais, il semble bien que la plus lourde des responsabilits incombe l'autorit suprme: la Fed, responsable de la politique et de la rglementation du crdit dans le pays. Cest bien sa politique qui a favoris lessor du crdit la proprit. Et, cest bien elle qui a failli son devoir de rglementation dans la rpression des abus, car il sagit bien dabus caractriss en lespce (emprunts taux variables sans limitation d'aucune sorte).Craignant peut-tre davoir cr une bulle immobilire spculative prte clater, moins quil ne sagisse dune vaine reprise de la lutte contre linflation,elle a procd la remonte spectaculaire de ses taux directeurs en 17 tapes successives de 25 points de base (0,25%) chacune sur deux ans, pour atteindre 5,25% en juin 2006 (sans changement jusqu aujourdhui: aot 2007). Ce qui correspond une hausse considrable de 425%. Il n'en fallait mme pas autant pour ruiner les emprunteurs.Elle est donc lorigine du dsastre humain et financier par sa politique des taux directeurs et par sa passivit devant des conditions doctroi de crdits la limite de lescroquerie, quelle aurait d interdire.Enfin, il faut aussi compter avec un phnomne dont lampleur est mconnue car on en parle peu, cest celui de la toute-puissance grandissante des fonds dinvestissements caractre plus ou moins spculatifs qui semparent progressivement des plus grandes entreprises de la plante, banques y comprises.Si les pressions quils exercent, peuvent tre lorigine des dbordements observs dans ce drame, ils nen sont pas les responsables. Ils ne sont responsables que du climat quils ont install: faire du fric tout prix!Alors, quelle est la moralit de cette sordide affaire aux effets dvastateurs ?Si lon suit les commentateurs, la souffrance du capital est plus forte que celle des hommes!jean bayardaot 200713 12 2007Ce matin, on peut lire dans la presse que plusieurs banques centrales (BCE, Fed, Suisse, Canada, Angleterre) vont injecter plusieurs dizaines de milliards de dollars dans le but de "soulager les pressions exerces sur les marchs du crdit court terme". Plus loin le commentaire d'un stratge chez Aurel Leven estimant que les banques centrales "ont apport une vritable bouffe d'oxygne puisqu'elles vont faciliter le refinancement d'un plus grand nombre de titres, dont justement certains titres hypothcaires qui ne trouvent plus de contrepartie, compte tenu de la dfiance qu'ils inspiraient".Voici la lecture que lon devrait faire des informations ci-dessus : les banques centrales vont injecter plusieurs dizaines de milliards de dollars pour porter secours quelques grandes banques en difficult en acceptant de leur prendre en pension les titres "pourris" dont personne ne veut plus, ce qui est dj proprement scandaleux !Dans leur prcipitation, elles semblent avoir oubli le ratio Cooke quelles ont elles-mmes dict, dont les termes pour la France sont repris ci-aprs:Les tablissements de crdit sont tenus de respecter en permanence un ratio de solvabilit, rapport entre le montant de leurs fonds propres et celui de lensemble des risques quils encourent du fait de leurs oprations, au moins gal 8%. (Rglement n 91-05 du 15 fvrier 1991, dernire modification n2000-09 du 8 dcembre 2000).03 01 2008Le bilan de la Fed au 2 janvier 2008 fait apparatre (par rapport au 05 12 2007) une augmentation des avances de liquidits destination du secteur bancaire denviron 10 milliards de dollars contre garantie et de 40 milliards sous une nouvelle rubrique comptable intitule "Term Auction Credit", vraisemblablement sans garantie (titres pourris?).S'il en est bien ainsi, comme tout porte le croire,cela revient transfrer sur la banque centrale les dprciations de titres dtenues par les grandes banques amricaines, au mpris de toutes les rgles de prudence.Pour en arriver l, cest--dire pour accepter que les banques restent en permanence en contravention avec le ratio Cooke, grce des avances de liquiditsinjustifies, on est en droit de supposer que les autorits montaires ont t prises de panique devant les risques systmiques qu'elles ne matrisent absolument pas, si elles les ont jamais matriss ! A moins quil ne sagisse de mettre les plus grandes banques amricaines labri de prises de participation de fonds trangers dits souverains, comme ce fut le cas notamment pour lUnion des Banques Suisses.29 01 2008Depuis quelques jours sur les ondes, les journalistes diffusent une version tendancieuse de la crise des "subprime" cherchant culpabiliser les victimes afin dattnuer la responsabilit des autorits montaires, des banques et autres organismes de crdit dans cette affaire. Ainsi, les emprunteurs amricains auraient acquis leur logement dans le but de raliser une plus-value sur un march en hausse continue, sans autre commentaire! Une fois de plus les journalistes sassoient sans aucun scrupule sur les rgles de dontologie de leur profession!Il ne faudrait tout de mme pas oublier que les victimes, ces pauvres gens, ont achet leur habitation crdit pour se loger. Et, si elles ont perdu leur bien cest parce que les majorations dintrts ont rendu les mensualits insupportables. Ce sont donc bien les conditions du crdit qui sont lorigine du drame et les responsables ceux qui ont profit des circonstances pour imposer et autoriser ces conditions.12 et 13 03 2008Le feuilleton se poursuit et fort heureusement les vraies informations commencent filtrer au grand jour, mme si cest au compte-gouttes.Ainsi, peut-on lire dans la presse que la Banque centrale amricaine tente par tous les moyens dinciter les banques se prter entre elles. Le moyen annonc serait dapporter jusqu 200 milliards de dollars de titres du Trsor amricain (de la bonne monnaie) un nombre limit de banques, en contrepartie de titres totalement illiquides aujourdhui (la mauvaise monnaie).On comprend mieux prsent ce qui sest pass.Dabord, la Fed na jamais apport les liquidits supplmentaires annonces grands renforts de trompe par les mdias. Elle na fait que procder un simple change de titres du Trsor contre des titres "pourris", dont personne ne veut plus (par personne, il faut entendre les banques excdentaires la compensation). Echange hauteur de 40, puis 50 et enfin jusqu aujourdhui de 60 milliards de dollars, sans apport de liquidits.Il est bon de rappeler qu la sortie de la compensation, les positions excdentaires dun ensemble de banques sont gales aux positions dficitaires de lautre ensemble, ce qui amne tout naturellement les unes prter aux autres contre garantie videmment. Toute cette mcanique bien huil a t grippe avec la crise des "subprime", nombre de titres remis en garantie devenant douteux puisque dprcis par la baisse de valeur des garanties hypothcaires sur lesquelles ils sappuyaient.La banque centrale a donc d intervenir trs rapidement pour soutenir les banques en difficult puisque leurs concurrentes ne voulaient plus leur prter. On aurait pu alors penser que l'Institut dmission avait fourni, comme les mdias lont claironn, des liquidits ou de largent frais contre des titres pourris, ce qui est dj trs difficile admettre. On sait maintenant quil nen a rien t.Il ny donc pas eu dapport dargent frais puisquil ny a eu quchange de titres, comme cela peut se vrifier au bilan de la Fed du 13 mars 2008. Ds lors, les banques dficitaires ont pu emprunter leurs confrres excdentaires contre les garanties habituelles.En dfinitive, la Fed a pris en pension des valeurs dprcies en attendant peut-tre que les actionnaires des banques concernes injectent de largent frais (bien frais cette fois) pour reconstituer leurs fonds propres. Il se peut aussi que la banque centrale se trouve terme dans lobligation dabsorber les tablissements en difficult avec leurs pertes. On parle dj de nationaliser les pertes!Pour que lInstitut dmission amricain ait pris le risque dentacher son bilan et son image de la sorte, il faut que la situation soit particulirement grave. Comment peut-il encore se porter garant de la monnaie amricaine, aprs cette sinistre affaire? A moins que cela aussi n'ait plus aucune signification !09 04 2008La situation ne samliore pas!Si lon examine lactif du bilan de la Fed, on constate une baisse de 220 milliards de dollars de titres U.S. Treasury entre le 5 dcembre 2007 (779,7 mds$) et le 9 avril 2008 (560,1 mds$), soit prs du quart de la valeur son bilan, ce qui nest pas rien!Cette baisse sexplique par lchange de bons du Trsor:- dune part, hauteur de 100 milliards de dollars contre des titres pourris, inscrits la rubrique "Term Auction Credit"- et dautre part, de 120 milliards de dollars contre des titres que lon peut qualifier de suspects, puisquils ont t refuss par les prteurs, inscrits la rubrique "repurchase agreements".Les banques en droute financire ont ainsi pu emprunter la sortie de la compensation aux banques prteuses.A lheure actuelle, on ne sait toujours pas comment les autorits montaires ont lintention dassainir la situation.21 08 2008A cette date, la baisse des titres U.S. Treasury depuis le 5 dcembre 2007 atteint 300 mds $. La rubrique "Term Auction Credit" est passe 150 mds $, tandis que "repurchase agreements" s'tablit 100,8 mds $.La situation n'a donc fait qu'empirer. 23 10 2008Au bilan de la Fed ce jour, le poste "Term Auction Credit" s'lve 263 mds $, et les prts consentis aux banques de dpts atteignent 408 mds $ contre 48.6 mds $ au 31 12 2007.

ConsquencesA l'heure o sont crites ces lignes, fin octobre 2008, la plante est souleve par un vritable maelstrm montaire et financier, avec la confirmation aveuglante d'une rcession que depuis plusieurs mois on ne voulait pas appeler par son nom. On ne tardera plus d'ailleurs se rendre compte que ce n'est plus de rcession qu'il s'agit, mais de dpression.Ceux qui ont lu attentivement les pages prcdentes, ont pu retenir qu'en vertu d'une loi macroconomique universelle : l'pargne ralentit l'allure de marche de toute activit nationale tandis que le crdit l'acclre, d'une manire purement mcanique. Seule la rgulation montaire permettra de redresser une situation qui s'annonce catastrophique.La panne du crdit, comme tant la suite inluctable de la crise du systme bancaire, va avoir pour consquence une dpression brutale des conomies nationales.A commencer par les USA, videmment, puisque chez eux plus qu'ailleurs le moteur en est le crdit. Une pargne rpute faible bien sr, mais augmente de l'pargne force par le remboursement des emprunts, en l'absence du recours au crdit, va prcipiter la spirale rcessionniste jusqu' la dpression. Toutefois, le redressement de l'conomie amricaine sera aussi rapide que se rtablira le recours au crdit et que la balance des changes extrieurs se redressera.Il n'en sera pas de mme des autres conomies, en raison prcisment de la part plus importante de l'pargne dans l'activit de production, frappes de plein fouet par la panne du crdit. La crise devrait donc tre plus longue et durable.Quant au Japon, rappelons qu'il ne s'est jamais vraiment remis de la rcession qui a affect son conomie en 1992, suivie d'une dflation des prix dont il merge peine. Ce pays a le taux d'pargne le plus lev au monde ; il n'est donc pas tonnant qu'il ait tant de difficult s'en remettre. Il est donc assez facile de prvoir que la crise du crdit dans ce pays touchera plus profondment et plus longtemps son conomie que partout ailleurs.EnseignementsCette affaire nous apporte un certain nombre d'lments qui viennent notamment tayer ce qui est avanc dans les pages consacres "La monnaie, source de vie conomique" :a) la monnaie change entre banques sur le march interbancaire n'est pas de la monnaie centrale comme le pouvoir montaire s'emploie le faire croire,b) la banque centrale sert uniquement de chambre d'enregistrement la sortie de la compensation, puisque les positions des banques qu'elle les oblige inscrire sur ses livres sont soldes par des rglements interbancaires indpendamment d'elle ; s'il en avait t autrement, elle n'aurait pas eu prter des titres du Trsor contre des titres pourris, mais aurait avanc des liquidits en monnaie centrale en change de ces titres,c) mais de plus, le pouvoir montaire n'a pas voulu mettre sur le march de la monnaie centrale dj surabondante, ce qui aurait eu pour effet de donner gratuitement aux banques prteuses les moyens financiers d'acheter bon compte les banques dfaillantes ! il n'est pas du tout sr que les banques centrales europennes ait bien compris l'tendue de cette mesure dont les effets tiennent au systme,d) le verrou le plus important, celui qui devait corriger tout dbordement de la part des banques, c'est--dire le ratio de solvabilit, a saut la figure du pouvoir montaire qui l'a dict ; le terme de "en permanence" utilis pour l'application de ce ratio montre quel point les autorits montaires s'inquitaient dj de la porte de la rglementation bancaire au moment de l'instaurer.Si l'on ne veut pas que pareille aventure se renouvelle, il faut revoir en profondeur les paramtres de ce ratio, et notamment veiller ce que les risques pris par les banques, et plus particulirement les banques d'affaires, pour leurs activits propres ne puissent excder 2 3 fois leurs fonds propres contre 12,5 fois, aujourd'hui toutes activits confondues.