La désinformation en France au XXIème siècle.docx

Embed Size (px)

Citation preview

[Texte]

Prface

La ralisation de ce mmoire est motive par sa principale aspiration: lvaluation finale de la part du lecteur. Cependant, cest avant tout loccasion de runir de trop peu nombreux crits sur ce sujet pourtant dimportance premire quest la dsinformation dans nos mdias franais. Quelques auteurs comme Vladimir Volkoff ont fait de ltude de la dsinformation leur spcialit, dautres abordent timidement le sujet dans leurs ouvrages traitant en premier lieu des mdias en gnral, mais les crits restent trs marginaux. Je constate galement que ces productions commencent prendre de lge: la majorit de celles-ci se situent dans la priode concluant le XXme sicle, savoir de 1980 2000. Il nexiste quasiment aucun crits concernant la dsinformation depuis, alors que le XXIme sicle est dj bien entam et que la guerre de linformation na jamais eu de dynamique aussi importante dans lhistoire.

Aprs avoir rassembl ces diverses observations, il ma sembl vident qutudier lunivers des mdias et la dsinformation que je qualifie de moderne ne devait pas se contenter de simplement rintroduire les prcdents crits dj trs complets sur le sujet. En effet, dans loptique de prolonger le travail de ces auteurs, jai choisi dtudier ce sujet sur une priode o peu dauteurs semblent stre aventurs pour linstant, du moins pas en France: le dbut du XXIme sicle.

Je pense que ce sujet sera lun des plus importants au XXIme, lune des cls dun vritable changement dans les valeurs morales et politiques. La situation actuelle des mdias en France nous donne seulement deux choix: rsister ce bombardement dinformations et rester alerte et vigilent face la dsinformation ou bien nous laisser entrainer dans ce torrent, confortablement guid vers lapathie de lesprit et les consquences qui en dcoulent.

Introduction

L'usage du mot [dsinformation] n'est plus aujourd'hui qu'un passe-partout vulgaire, un rflexe aussi automatique que le mouvement de la main qui carte lorsque l'on ne veut pas entendre. [...] Par un ironique retour des choses, le terme qui dsignait une mthode de fabrication du rel semble dsormais n'tre plus utilis que pour le fuir [footnoteRef:1] [1: WEILL-RAYNAL, Guillaume. Une haine imaginaire: contre-enqute sur le nouvel antismitisme, Paris, Editions Armand Colin, 2005, 235 p. (Intervention)]

Guillaume Weill-Raynal

Nayons pas la mmoire courte.Les dbuts de lhumanit ont t suivis de trs prs par les dbuts de linformation, ds lors que lHomme a t en mesure dchanger avec ses congnres, naquirent les premiers changes dinformations. Cette communication rend possible la totalit des interactions humaines et cest grce cette observation quon en mesure immdiatement limportance. Cest un lment de la vie quotidienne prcieux et trs volatile, que nous maitrisons de plus en plus difficilement. Elle a connu de profondes mutations ces derniers sicles, alors que lcriture dominait ce domaine depuis des millnaires, linvention de limprimerie en 1439 et quelques sicles plus tard, des premiers journaux, vint bouleverser la jusqualors raret de linformation. Lindustrialisation de la presse crite qui suivit confirma cette nouvelle tendance; nimporte qui pouvait prsent avoir accs aux nouvelles du jour quand il le souhaitait. Cette pope du journal sous forme papier va nanmoins connatre trois traumas qui savrent trs rcents sur lchelle de lhistoire: la cration de la radiodiffusion et plus tard, de la tlvision et de linternet.

Ces quatre outils de communications se rejoignent sous la dsignation gnrale de mdias, terme issu de langlais mass-mdia qui par nature, oriente dj notre raisonnement. Le mdia de masse est effectivement dfinit comme tant apte via une diffusion grande chelle communiquer rapidement, avec un public vaste et/ou htrogne, localis sur un espace gographique plutt tendu. [footnoteRef:2] Cette identification nous amne naturellement lobservation suivante: linformation est devenue massive, le rapport entre les nombre doutils de communications et la quantit dinformations relles est absolument ingal. Ds lors, une premire question se pose: Cette rcente envole de la capacit des mdias informer le peuple est-elle possible sans dommage collatraux? On sait quune simple information, un bouche oreille par exemple, peut dj prsenter des signes dinexactitudes, car elle est par essence trs fragile et en proie des modifications lors de la transmission, un peu limage dun signal lectrique qui perd de son intensit en tant transport via un fil de cuivre. On peut imaginer quune information, amene parcourir le monde grce la tlvision ou linternet, a de grandes chances den subir les outrages du voyage. [2: Dfinition selon Wikipdiasur la page Mdia.]

Cest ainsi quun premier terme en appelle automatiquement un second et que nous introduisons la dsinformation. Il sagit de partir du postulat que la possible dviance de linformation de son objectif premier peut amener le destinataire tre au contraire dsinform. Cette notion est complexe et implique une rigueur particulire dans sa dfinition, car comme laffirme Guillaume Weill-Raynal, il sagit aujourdhui plus dun passe-partout vulgaire quun terme clair et dfinit. Dans loptique de comprendre lessence de la dsinformation, nous rappellerons dans un premier temps sa composante premire: le pouvoir des mdias. A laide de cette premire analyse, nous pourrons tablir une dfinition complte de la dsinformation, qui servira de rfrence pour la suite de la rdaction.

Ce concept est capital dans le monde actuel, il est une des cls pour mieux le comprendre, et le nombre dcrits relativement faible le concernant laisse penser que on ne veut pas que le peuple comprenne son rel fonctionnement. Cela na pas vocation travers lidentification de la dsinformation dorganiser un procs des mdias, ils ne sont que des outils, la vrit est ailleurs[footnoteRef:3]. On ne peut blmer la scie, initialement fabrique pour couper du bois, davoir bless quelquun. Il semble clair que loutil nest rien sans la personne qui le manipule, et cest sur cette observation que sera base lessentiel de notre rflexion par la suite: nous nous attellerons analyser les phnomnes de dsinformations en France le phnomne tant similaire ailleurs dans le monde- depuis le dbut du XXIme sicle et en identifier les procds et consquences. [3: Formule de Serge Halimi dans Les nouveaux chiens de garde]

A travers les analyses de divers vnements les plus importants- ayant jonch le paysage politico-conomique et social franais en douze annes de XXIme sicle, nous chercherons rpondre la problmatique suivante:Le pouvoir des mdias et son influence grandissante est-il dangereux, est-il devenu le nouveau cancer de la nation?

Afin dtablir une critique rigoureuse et la plus complte possible, ces diffrents vnements seront prsents de manire chronologique, nous aurons ainsi 1. Comprendre le pouvoir des mdias, 2. Lidentification de la dsinformation, 3. Une entre dans le XXIme sicle endeuille, 4. LEre Sarkozy, apoge du dclin mdiatique et enfin 5. Les enjeux de la lutte contre la dsinformation ainsi que la conclusion.

1. Comprendre le pouvoir des mdias

Il y a six pouvoirs qui commandent le monde, les excutifs, les lgislatifs, les judiciaires, le technologique, le financier et le mdiatique, les cinq premiers, des lois les encadrent, ils rpondent des juges, il y a des contre-pouvoirs, le systme mdiatique n'a pas de contre-pouvoir et ses dbordements sont sans limite, a cre des disfonctionnements de la socit, je crois qu'on va dans le mur [...] c'est terrifiant de vous [les journalistes] voir dtruire presque tout ce que vous touchez.[footnoteRef:4] [4: ROCARD, Michel. Michel Rocard dans En Apart sur Canal Plus. Vido. Youtube, 17 octobre 2006.Disponible sur internet: http://www.youtube.com/watch?v=pTMW7YAIoI4]

Michel Rocard

Si peu dcrits concernent la dsinformation, ce nest pas le cas de ceux concernant les mdias. Quand on lit ces ouvrages, on reste cependant sur notre faim, on nous explique comment fonctionnent les mdias, par quel biais, ils sont dcortiqus de A Z, mais lanalyse sarrte l. Seul Serge Halimi a cherch orienter le lecteur sur une possible caste comprenant politiques et mdias qui chercheraient verrouiller linformation pour servir ses intrts, mais il y a dj prs de 20 ans. Comprendre le pouvoir des mdias est une ncessit, certes, mais il ne sagit que dune premire tape, quil faut cependant traverser: Il faut procder de manire logique, nous avons expliqu que le terme mdias tel que nous lentendons englobe la radiodiffusion, la tlvision et linternet. Ds lors, il sagit de se demander par quels biais linformation est-elle transmise via ces supports, la radiodiffusion comme la tlvision comportent des chainesde transmission, et linternet lui des sites web. Il est donc lgitime de ses demander qui contrle ces chaines et ces sites web, qui nous fournissent linformation au quotidien.

Ce paragraphe savre essentiel dans la comprhension globale: tous les mdias appartiennent avant tout leurs actionnaires, cela commenait tre vrai dans les annes 90, mais cela na cess dvoluer depuis. Il faut comprendre ici que les mdias nont ainsi rien dindpendants, leur ligne ditoriale est surveille voir dicte par leurs actionnaires. Dis-moi pour qui tu travailles et je te dirai qui tu es. On se doit dcarter dentr cette lgende du mdia indpendant tel que Christine Ockrent veut nous le faire croire encore aujourdhui et tablir dsormais quaucun mdia mainstream ne peut se prvaloir dune indpendance totale, du pouvoir politique, mais aussi du pouvoir de largent. Lexpression est lche: si Serge Halimi crivait un nouveau livre aujourdhui concernant les mdias, il mentionnerait peut-tre ce troisime rseau, le pouvoir de largent. Nous reviendrons sur les connivences entre pouvoir des mdias, des politiques et de largent plus tard, dans la mesure o une simple remarque sur lexistence de ce nouveau paramtre suffit pour comprendre ce chapitre.

Les mdias rpondent donc un nouveau matre, comme le disait Pierre Bourdieu, comment allez critiquer celui qui vous emploie? Cest videmment trs peu recommand. Le principal pouvoir des mdias rside ici: la plupart des gens ne savent pas quils sont au service dun pouvoir bien plus puissant, nous sommes inconscients de cela lorsque nous coutons le journal de TF1 ou le flash info de RTL2, et pourtant cela est capital, ce travail de rflexion devrait tre fait chaque fois que lon entend une information. Mme les esprits les plus vigilants vont avoir des difficults, et ceci cause de la surinformation: trop dinformation tue linformation. Aujourdhui, le franais standard est bombard dinformations, constamment, quil essaye tant bien que mal dassimiler et de transformer en savoir; mais ceci est une tche difficile, il ne peroit finalement plus quun bruit confus quil ne peut plus mettre en forme, ne pouvant plus accder linformation correctement.

Le pouvoir des mdias rside galement dans le fait quon ne nous impose pas de les regarder, on peut trs bien se couper de toute information, et ne plus la subir. Ce nest malheureusement pas aussi simple que a, qui aujourdhui peut se permettre de vivre dconnect des mdias? Avec les consquences que cela engendre? Ceux qui essayent pourront tmoigner quil y a bel et bien un prix payer que la plupart des gens ne pourraient pas honorer: une incroyable solitude. Se dconnecter des informations revient tre exclu de la plupart des conversations quotidiennes, et lorsque vous tes tudiant ou professionnel directement concern par ce qui ressort de linformation, lviter nest pas trs recommand, le systme est fait pour quon soit oblig de le ctoyer, mais sans que ce soit lui qui nous limpose.

Par la suite, les mdias disposent de plusieurs outils pour orienter discrtement linformation, le plus efficace selon moi reste la technique de lagenda, tel quelle est dcrite par Franois-Bernard Huyghe. Les mdias ont la main mise sur lorganisation du spectacle, cest--dire quils ont le choix des invits et du sujet, ils ont ainsi la possibilit dtablir ce qui est une actualit et ce qui ne lest pas. Pierre Bourdieu la galement remarqu, expliquant cette nouvelle maladie des mdias faire la course au buzz mais aussi des vrais-faux dbats. Encore une fois, nous aurons diverses occasions de revenir sur ces notions plus tard. Il faut comprendre ici quen ayant le contrle sur ce qui est important ou non au quotidien, les mdias ont un pouvoir de formatage de la ralit, pouvant ainsi relguer des sujets au second plan alors que ceci sont peut-tre plus important pour les gens qui regardent. Il y a donc une volont de montrer au public ce quil doit penser, il est orient sans sen rendre compte.

Le rel pouvoir des mdias se distingue alors mieux, il sagit de capter lattention du spectateur tout prix, puis de lorienter dans un sens prcis, en fonction du temps. Celui qui contrle les mdias possde donc un pouvoir incroyable sur les personnes qui les regardent. On peut penser quinternet sen sort mieux que ses plus vieux concurrents, mais on remarque aujourdhui par exemple que les requtes que vous envoyez Google fournissent des rsultats eux aussi trs orients. Il devient donc trs difficile, mme sur internet, dchapper ce pouvoir, et la dclaration de Patrick Le Lay en 2004[footnoteRef:5] Pour quun message publicitaire soit peru, il faut que le cerveau du tlspectateur soit disponible. Nos missions ont pour vocation de le rendre disponible: cest--dire de le divertir, de le dtendre pour le prparer entre deux messages. Ce que nous vendons Coca-Cola, cest du temps de cerveau disponible, est un symbole fort de cette volont doccuper et orienter la personne. [5: http://www.acrimed.org/article1688.html]

La capacit crer le rel rvle un autre pouvoir des mdias, le pouvoir dinfluence. Effectivement, les messages propags par les mdias ont une incroyable capacit influencer, ceci nest cependant pas un hasard, cest une vritable stratgie qui demande prcision et coordination. Grard Chaliand dit ce propos[footnoteRef:6] que les politique dinfluence sont de lordre des stratgies indirectes. A une poque o celles des actions directes sont de plus en plus rares et brides pour les tats industriels dmocratiques,elles constituent des vecteurs subtils, plus ou moins feutrs, pour conforter des positions conomiques, politiques ou culturelles. Il est important de noter ici que le champ daction des mdias est colossal, leur influence couvre les domaines conomiques, comme politiques ou culturels, preuve sil en fallait une de limportance premire que le sujet des mdias au sein de la nation revt surtout de nos jours. [6: http://www.diploweb.com/france/postface.htm]

Le pouvoir des mdias passe aussi et surtout par sa logistique, depuis le dbut du XXIme sicle, la technologie na cess dvoluer, toujours plus vite, passons ici la classique nouvelle mondialisation des changes dinformations, nous sommes dj dans une nouvelle re, celle de la domination informationnelle. Le rapport de force pouvait tre quilibr jusquau milieu du sicle dernier, aujourdhui, ce nest plus du tout le cas. Franois-Bernard Huyghe parle des nouvelles technologies qui nous dominent dj lheure actuelle: le faire-savoir, comprenant les mga-archives numriques et les rseaux informatiques, on peut penser ici aux rseaux Facebook et les fichages gigantesques raliss dans des serveurs qui le sont tout autant. Le faire-percevoir, avec les instruments de surveillance, on peut par exemple savoir tout moment o vous vous trouvez grce aux localisations GPS de portable. Le faire-faire, le fait que la plupart des systmes aujourdhui soient automatiss et puissent enregistrer des donnes, on sait ainsi exactement o vous trouver si vous payez par carte bancaire une station dessence par exemple. Le faire-croire, avec les tlvanglistes ou la politique-spectacle, cela se passe de commentaire, les tlachats et autre promesses lectorales ont tendance ne plus nous permettre de croire aussi facilement ce quon entend quavant.

On ne peut sempcher ce stade de rappeler luvre danticipation dAldous Huxley crite en peine quatre mois en 1931 Le meilleur des mondes , o lauteur nous laissait entendre que trs bientt, le monde ne nous laisserait comme choix un totalitarisme militaire bien visible, ou une entit nationale o rgne chaos social du fait de la progression technologique. Il semble clair que le progrs technologique dont bnficie et abuse les mdias, eux qui font de linformation mme quand il ny en a pas, ne favorise en rien le dveloppement de la culture dans le bon sens par exemple.

Il est intressant de noter quen crivant ce mmoire, et simplement ce premier chapitre cens dcrire les modes opratoires des mdias, on ait limpression dtre un altermondialiste farouche, vrifiant par la fentre quaucun agent ne vienne surveiller ce quon peut bien crire (sic). Ce tmoignage fait sourire, mais nest-il pas un fait intressant? Dans le sens o le quatrime pouvoir gnrerait un certain climat? Les mdias se placent en amis du peuple, censs tre leur alli le plus efficace dans la lutte contre ceux qui les oppressent, alors pourquoi a-t-on le sentiment dtre intimid? Ce pouvoir dintimidation peut entrainer une certaine fascination, cest aussi comme cela que les mdias assoient leur lgitimit. La plupart des gens rvent de passer la tlvision, pour leur gloire personnelle, se mettre dos les mdias est donc peu recommand pour arriver ce but. Ceci est directement li au systme cr de toute pice par les mdias: la socit de limage. Effectivement, de manire un peu primaire, on pourrait se demander en quoi apparaitre la tlvision est un motif de satisfaction intrieure, le moteur biologique de ltre humain ntant priori pas de se voir travers un cran, ce fantasme a t fabriqu de toute pice par des dcennies dinfluence de la tlvision.

On sait que la tlvision nous trompe, mais on continue de la regarder, son pouvoir nest donc plus dmontrer, cela relve cette fois dun formatage cognitif que des expriences comme celles de Stanley Milgram ont parfaitement su dmontrer. Il avait en effet ralis une exprience dans les annes 60 o les personnes taient invites endosser le rle dun enseignant qui devait envoyer un choc lectrique un apprenant qui se trompait dans lapprentissage dune liste de mots. Cette exprience permettra de constater que sil existe un contexte prcis, la prsence dune autorit juge crdible, alors la majorit des cobayes nhsiteront pas aller jusquau bout. Aller jusquau bout tant dans notre cas de croire linformation dans sa totalit. Cest une exprience de laboratoire dont on ne peut pas vraiment faire une gnralit, mais cela pourrait tre une premire bauche dexplication concernant le paradoxe que nous avons relev grce au sondage.

Les mdias sont en ralit comme la plupart des secteurs dactivits et sont soumis aux pressions de la concurrence, des fournisseurs et du march. Leur financement est trs dpendant de ltat, ainsi certains mdias nhsitent pas aller le chercher ailleurs pour prendre un avantage sur les autres. Effectivement, la concurrence sest accrue ces dernires annes entre les diffrents mdias, ne serait-ce quavec le dveloppement rapide de lInternet, mais aussi des nouveaux journaux, pour certains gratuits, et bien sr une offre toujours plus importante de chaines de tlvision grce aux progrs techniques raliss dans la tltransmission en gnral. Laudience et les bnfices en sont videmment les premires victimes, ce qui peut expliquer le choix de ces diffrents mdias de chercher un financement extrieur ltat. Faire de laudience est donc une question de survie pour eux, et choisir dtre financ de manire extrieure suppose forcment un asservissement ces fournisseurs extrieurs.

Enfin, le livre de Neil Postman Se distraire en mourir est prsent comme un classique de ltude de limpact des mdias sur la socit, qui refuse la thse de la manipulation et se contente dexpliquer que les mdias agissent plus sur la forme pour divertir que sur le contenu pour manipuler. Ce frileux postulat est probablement ce qui a fait de cet ouvrage un classique puisquil ne reprsente aucun danger comprendre ici: aucune chance dveil intellectuel du lecteur suite sa lecture pour les mdias bien quil voque une ralit vidente.

Nous allons voir que la manipulation de la part des mdias travers la dsinformation na rien dun hasard ou dune incomptence, mais que celle-ci est organise, nest pas nouvelle, et fait lobjet dun silence pesant chez beaucoup dintellectuels.

2. Lidentification de la dsinformation

Tout journal devrait publier en premire page, juste sous son titre, son tour de table. On saurait ainsi qui il appartient et pour qui il travaille: groupe Lagardre, LOral, VivendiA part Le Monde dil y a trente ans et Marianne aujourdhui, un organe de presse nappartient ni ses rdacteurs ni ses lecteurs, mais la pub et ses actionnaires (groupe dintrts agissant sur lopinion publique).Ironie tartufesque, quand on pense que ces journaux et journalistes, censs tre les garants de la dmocratie et les critiques de ses drives, obissent une organisation rigoureusement antidmocratique (fonctionnement de haut en bas): le proprio nomme un rdacteur en chef qui recrute une quipe, constitue sa base dune majorit de pigistes sans statut, qui font ce quon leur dit de faire. Ainsi, tout petit journal, cr au dpart par un groupe de rdacteurs actionnaires qui plat et qui vend pour son indpendance desprit, sil veut crotre, est oblig daller chercher des capitaux et se vendre progressivement qui les dtient.Ainsi lhistoire de la russite dun journal indpendant et critique ( lgard du capital) est-elle inluctablement lhistoire dune trahison.[footnoteRef:7] [7: Dans Abcdaire de la btise ambiante, la rubrique sur les mdias.]

Alain Soral

Dans ce chapitre, nous allons identifier la dsinformation, cest--dire la dfinir de la manire la plus complte possible, nous lillustrerons dexemples dans les prochains chapitres une fois que nous aurons bien cern comment elle fonctionne. Vladimir Volkoff est probablement lauteur le plus important quand il sagit de ltude de la dsinformation, son ouvrage Petite histoire de la dsinformation est aujourdhui une perle rare trs difficile trouver. Il nous apprend alors que le mot dezinformatsiya apparat en premier lieu en russe aprs la seconde guerre mondiale, dsignant des pratiques exclusivement capitalistes visant lasservissement des masses populaires. Le terme passera langlais disinformation en 1972 o il dsignera une fuite dlibre dinformations trompeuses. Cest seulement en 1974 que le mot est adapt en France, o le Larousse le dfinira comme Lignorance o le public est tenu dun problme dextrme gravit (cf. la folie nuclaire). Cela signifie galement de pas suffisamment clairer lopinion sur des questions importantes. Comme le fait remarquer lauteur, il sagit dj dune certaine dsinformation puisque le terme lui-mme dans le dictionnaire oriente celui qui lutilise. Il fut impossible de trouver la dfinition du mot dans une encyclopdie Larousse de 1978, malheureusement. Le Grand Robert donnera lui la dfinition suivante Utilisation des techniques de linformation, notamment de linformation de masse, pour induire en erreur, cas ou travestir les faits.. Lauteur retient dans un premier temps malgr la justesse des prcdentes dfinitions : Technique permettant de fournir des tiers des informations gnrales errones les conduisant commettre des actes collectifs ou diffuser des jugements souhaits par les dsinformateurs.. Le sens du mot dsinformation est donc assez large, mais se rapproche essentiellement de trois concepts que sont la propagande, la publicit et lintoxication.

Linformation suppose trois paramtres: linformateur, le moyen de communication et bien sr linform, la dsinformation selon Vladimir Volkoff en compte autant. Elle ncessiterait une manipulation de lopinion publique, sinon a serait de lintoxication. Des moyens dtourns, sinon ce serait de la propagande. Des fins politiques, internes ou externes, sinon ce serait de la publicit. Ainsi lauteur nous propose une nouvelle dfinition, qui nous servira de base pour la suite du mmoire:

La dsinformation est une manipulation de lopinion publique, des fins politiques, avec une information traite par des moyens dtourns.

A partir de l, on peut lgitimement se demander comment la dsinformation est possible en France, pays des droits de lhomme et de la dmocratie. Le livre et le documentaire de Serge Halimi les nouveaux chiens de garde semblent tre les cls pour rpondre cette question. Lidentification de la dsinformation passe effectivement par ce qui la rend possible, nous avions dgag deux premiers paramtres dans le chapitre prcdent, linfluence du pouvoir politique et de largent. Les journalistes sont en effet pris entre deux feux, leur proximit avec le pouvoir politique, leurs rapports parfoisincestueux avec ce dernier. Serge Halimi dit ce propos que La France, aprs tout, est un pays o lide de faire interroger le prsident de la Rpublique par deux journalistes galement femmes de ministres na pas paru extravagante alors quoutre-rhin par exemple, ce genre de pratique est lourdement critique. De lautre ct, on retrouve le pouvoir de largent travers les propritaires de journaux et autres actionnaires, qui sont en plus de cela, trs peu nombreux se partager le gteau. Vladimir Volkoff nous rappelle ce propos que de 1946 1995, le nombre de quotidien franais est pass de deux centre trois soixante-sept et que par exemple, via sa filiale CEP Communication, premier diteur franais, Havas contrle: Linformatique, le Courrier international, lEntreprise, lExpansion, lExpress, la France Agricole, Gault & Millau, La Gazette des communes, Lire, Maison franaise, Le Moniteur du BTP, lOrdinateur individuel, Le Point, La Vie Franaise, lUsine Nouvelle, Windows Plus, et aussi Belfond, Bordas, Armand Colin, Dalloz, Dunod, Gauthier-Villars, Harrap, Robert Laffont, Larousse, Masson, Nathan, Perrin, Plon, Pocket, Presses de la Cit, Retz, Le Robert, Solar, Julliard, 10x18.. On comprend ainsi bien quand Serge Halimi nous dit Guerre du Golfe, trait de Maastricht, accords du GATT: sur tous ces sujets qui exigeaient une vraie confrontation des points de vue et qui engageaient lavenir du pays, la quasi-totalit des quotidiens, des hebdomadaires, des radios, des tlvisions ont, chaque fois, battu le mme tambour avec les mmes arguments. Marcel Trillat et Yannick Letranchant dans Le Monde confirme cette vision: Notre public devra se contenter, le plus souvent, de pense prt--porter, dimages dramatiques, de la langue de bois des ttes daffiche de la politique et de lconomie. tout comme Patrick Poivre-Darvor qui avoue tre l pour donner une image lisse du monde.

Lillusion de lindpendance des mdias entraine donc un appauvrissement de linformation, on sait galement que RTL ne compte que quatre correspondants permanents lextrieur de lEurope. Dont zro en Afrique, zro en Asie et zro en Amrique latine.. Ceci entraine notamment un problme de circulation circulaire de linformation tel que le dcrit Pierre Bourdieu dans Vers la tlvision, les principaux journaux se contentent par exemple de reprendre des dpches de lAgence Franaise de Presse, sans aller vrifier leurs dires sur place. Cela peut mener de graves cas de dsinformations comme nous le verrons plus tard. Halimi dnonce aussi et surtout les chiens de garde, ceux que Rgis Debray appelait les quarante mdiocrates qui ont pouvoir de vie ou de mort sur quarante mille auteurs, lauteur qui travaille depuis quasiment vingt ans pour le monde diplomatique nous dit quils seraient au nombre de trente: On ne peut pas parler longtemps du journalisme franais sans citer le nom du trust denviron trente associs qui se partagent les jetons de prsence de son conseil dadministration, qui survivent toutes les alternances politiques et industrielles. Ce nest pas que leur personnalit ou leur talent soient irremplaables. Trente autres personnes feraient en effet tout aussi bien laffaire. Mais, pour comprendre, sinon larchitecture dun systme, au moins le fonctionnement du milieu, il faut aussi connatre ces trente. Ces complicits, ajoutant aux contraintes prcdemment voques celle de leurs connivences font gostement peser sur toute une profession, ses princes et ses soutiers. Un millier dides uniformes et de dchiffreurs identiques. Journalistes intellectuels, ils sont une petite trentaine, invitables volubiles [] Ils se rencontrent, ils se frquentent, ils sapprcient, ils sentre-glosent, ils sont daccord sur presque tout.

Si Serge Halimi refuse de leur faire un procs en 1994, travers son documentaire de 2012, il nhsitera pas nous rappeler que certains comme Jacques Attali ou Bernard Henry-Lvy ont un temps dantenne encore bien suprieur leurs homologues chiens de garde, parfois dix fois plus grand. Il est donc temps de marquer une pause en savourant une chanson crite par lauteur compositeur Renaud, en lhonneur de B.H.L, entart sept reprises en France et en Belgique[footnoteRef:8]: [8: http://www.youtube.com/watch?v=F36OXrrO3Fc]

Bernard-Henri Lvy sera victime de sept entartages en Belgique et en France et prendra trs mal sa tarte la crme reue en 1985, flanquant par terre Nol Godin dit Le Gloupier, pour lui intimer ensuite : Lve-toi vite, ou je t'crase la gueule coups de talon ! . La scne, filme, a t largement diffuse, notamment par Coluche et Pierre Desproges.

Victime dattentats ptissiers, ah! Quest-ce quil nous a fait marrer, Le philosophe des beaux quartiers, la chemise blanche en dcollet! La suffisance est son mtier, mais putain cquon a rigol! Quand il a voulu Srvolter! Avec ses petits poings crisps, lentart!

Dix fois, vingt fois, fut humili, par de la simple crme fouette, Et espre sen relever, jai peur que ce soit mal barr! Lentarteur nous a bien veng, de ce Jean-Paul Sartre dvalu, Qui vient nous pondre la tl, ses vieux discours bien culs, lentart!

Lidole de Saint-Germain-des-Prs, bien quil crive avec ses pieds, A la prtention insense, de nous dire ce quil faut penser, Au flore, aux deux magots, plant devant une coup millsime, Il refait le monde, persuad, davoir un rle y jouer, lentart...

Il sest essay au cin, la France entire, a rigol,Lorsque les salles nont pas t, au milieu du film, dsertes, En Bosnie il a bien tent, djouer les hros, les Hemingway, Reporter de guerre embusqu, lentartage oui, pas les mortiers, lentart!

La mre Beauvoir pour fiance, caurait bien plu lentart, Mais il semble quil se soit maqu, vec une petite bien mieux roule, Poupe Barbie, bien allume, mais non jai pas dit djante, Malgr ses chveux peroxyds, lest plus sympa que son simplet, lentart

Jveux des entarteurs par milliers, jvais moi-mme apprendre le mtier,Yen bientt qui vont trinquer, cest pas les cibles qui vont manquer! Oublions ce pauvre B.H.V, la suffisamment drouill, ya dautres pdants A soccuper, que cpauvre garon trop bien coiff, et surtout!Longue vie, Le Gloupier!

Un dernier exemple de Serge Halimi vient assener le coup de grce lorsquil dit que Alain Duhamel interviendra au moins sept fois sur les ondes nationales entre le samedi 7 janvier 1995 22h30 et le mardi 10 janvier. Le samedi soir, il participe longuement lmission littraire de France 3. Le dimanche matin, 8h40, sur Europe 1, il se livre son face--face hebdomadaire avec Serge July. A midi, il interroge Nicolas Sarkozy lHeure de vrit (France 2). Lundi 7h25, il ditorialise sur Europe 1 avant de diriger, 19h, le club de la presse qui reoit Robert Hue. Sitt cette mission termine, 20h, il se prcipite dans les studios de France 2 pour, ds 10h03 interroger Jacques Chirac. Le mardi 19h, il est linvit de Guillaume Durand sur LCI. Quelques heures plus tt, sa chronique quotidienne dEurope 1 avait pour thme Jacques Chirac omniprsent. Lomniprsent, ne serait-ce pas plutt M. Duhamel?

Lauteur conclue en constatant quil y a des mdias de plus en plus prsents, des journalistes de plus en plus dociles, une information de plus en plus mdiocre.

Pierre Jourde, crivain et collaborateur de Serge Halimi au journal Le Monde prend lexemple des Inrockuptibles, o il constate que la presse est cadenasse: comment rellement informer lorsque la ligne ditoriale a t rachet par des banques? Cest le cas de nombreux mdias, aux mains des banques voir mme des marchands darmes, comment se rebeller contre ces institutions lorsquelles nous possdent? Lauteur est clair: cest impossible et prtendre le contraire est une tartufferie. Il sen prend galement la radio publique quil juge vide, donnant des actualits qui font tout sauf informer rellement, tout ceci enrob dans un style journalistique de plus en plus simpliste, avec toujours le mme vocabulaire qui apparat, sans pourtant autant vouloir dire quoique ce soit.

Comme le rappelle galement Pierre Bourdieu, les chaines de tlvision, cest avant tout les actionnaires qui sont derrire, observons ainsi qui se cache derrire quatre des grands mdias franais[footnoteRef:9]: [9: Informations concernant les divers actionnaires et propritaires disponibles en intgralit sur les pages Wikipdia du Monde, du Figaro, de Libration et de TF1.]

Le Monde

Le quotidien le plus connu de France et dont la lecture est conseille dans la plupart des universits est un exemple trs intressant. Il appartient au groupe La Vie-Le Monde qui a notamment pour actionnaire hauteur de 17% le groupe Lagardre. Il serait facile de critiquer ceci en affirmant que Nicolas Sarkozy a publiquement reconnu quil considrait Arnaud Lagardre comme un frre, ainsi nous nous contenterons ici de relever les actionnaires du groupe Lagardre. Plus de 50% des actions sont en effet dtenues par des investisseurs institutionnels trangers contre seulement 15% par des investisseurs institutionnels franais, on retrouve galement le Qatar Investment Authority hauteur de 13%. Tout ceci porte rflexion, surtout quand on apprend galement que le groupe Lagardre est aussi un actionnaire qui co-contrle la socit EADS avec une participation de plus de 7.5%, la socit EADS (European Aeronautic Defence and Space company) tant un groupe industriel du secteur de lindustrie aronautique et spatiale civile et militaire. Est-il rellement malsain dimaginer que ces grands groupes nont pas intrts porter des messages de paix travers les journaux quils possdent?

Le Figaro

Prsent comme un journal de Droite, Le Figaro a pour propritaire la Socpresse, un nom doux pour dsigner un groupe de presse franais entirement contrl par lindustriel Serge Dassault, lui-mme chef dentreprise dans lindustrie de larmement et galement snateur et ancien Maire, un homme qui trouve quand mme le temps dtre le 96me homme le plus riche du monde. Le groupe Dassault est ainsi un acteur majeur dans laronautique civile et fortement prsent dans le secteur militaire. La seconde passion de ces compagnies serait-elle la lecture de quotidiens? Quelle crdibilit donner au Figaro quand on sait cela?

Libration

Fond entre autre par Jean-Paul Sartre, le quotidien Libration est aujourdhui aux mains dun certain Edouard de Rothschild. Encore une fois, le rapprochement avec Nicolas Sarkozy serait facile, on constatera simplement l encore quil sagit dun des associs-grants de Rothschild & Cie, banque daffaire prive. Linformation organise par les industries darmements et les banques daffaires, quoi de plus normal.

TF1

La chaine la plus regarde de France, appartenant au groupe TF1, a pour actionnaire hauteur de 43.1% un groupe industriel connu sous le nom de Bouygues, lui-mme actionnaire 31% dune socit anonyme: Alstom. Alstom est spcialise dans la construction dinfrastructure pour les nergies thermiques (nuclaire, gaz, charbon), les nergies renouvelables (hydrolectricit, olien, solaire et gothermie), ainsi que les solutions de transmission dlectricit. On nest plus vraiment surpris, les grands groupes gnrant des milliards que ce soit en armements, en finance ou en nergies en tout genre, ont tous une attirance inexplicable pour les mdias.

Julian Assange, crateur du site controvers Wikileaks, explique ce sujet dans un documentaire diffus sur Arte et intitul Wikileaks: la guerre contre le secret que Quand des mdias jouissent d'une position dominante depuis un certain temps ils dveloppent des relations troites avec d'autres groupes puissants, c'est une volution invitable parce que ces groupes veulent s'attirer leur faveur et ils passent des accords avec les dirigeants des mdias, ceux-ci renoncent alors critiquer ces organisations et en retour ils font partie du rseau des lites conomiques.

A moins de se complaire dans sa servitude comme Aldous Huxley dans Le meilleur des mondes et Georges Orwell dans 1984 lavaient pressenti, on ne peut rester de marbre face cette situation, tout cela nest pas anodin. Afin de reprer dans un premier temps puis danalyser dans un second temps au mieux des cas de dsinformation, il convient dtablir une liste des techniques employes pour dsinformer. Pour cela, nous nous servirons des premires observations ralises par les auteurs prcits:

1. La diversion par la censure invisible

Pierre Bourdieu parle de censure invisible dans son ouvrage Sur la tlvision, il explique ainsi qu la tlvision, les sujets sont imposs, tout comme les conditions de communication ou la limite de temps de parole. Ceci permet daboutir un certain conformisme politique, un moyen comme un autre, mais plus discret, de limiter les opposants au discours de masse. Ds lors il est facile dimaginer quen omettant volontairement de parler de certains sujets, on puisse aisment faire diversion quand on prsente les actualits: qui pourrait en effet imaginer que la femme de lex prsident est implique dans une affaire de blanchiment dargent si personne dans la presse de le relate? Personne. On peut galement relguer linformation en second plan si elle a dj clat en plein jour, derrire une autre bien moins importante mais qui dchainera les passions. Sur le long terme, il y a donc une vritable intention de divertir le tlspectateur pour le tenir loign de toute information et culture qui pourrait le faire rflchir et lamener mcaniquement mieux apprhender le rel.

2. Faire appel lmotionnel

La tlvision nest pas un modle de rationalit, on parlait de diversion linstant et Pierre Bourdieu nous apprend que celle-ci est souvent ralise grce ce quil nomme la violence symbolique. Il sagit en effet dassener lauditeur des faits divers qui appellent lmotionnel permettant au diffuseur de faire diversion dun sujet bien plus important. Cette technique a un second avantage, elle permet den appeler non pas la rflexion de la personne, mais son inconscient, ainsi tout dbat se verra fauss du fait quil ny aura plus de place pour un change calme et raisonn, mais seulement un dchainement de passion une nouvelle fois.

3. La dralisation de linformation

Daprs Pierre Jourde, les mdias provoquent une dralisation, cest--dire que lcart se creuse entre la ralit et linformation que lon nous donne. La rapidit et le spectaculaire ont pris le dessus sur linformation de fond. Pierre Bourdieu parle mme de cration de ralit, il indique notamment que la recherche du sensationnel, appel le principe de slection, nest pas seulement un moyen de faire vendre le plus darticles possibles, mais quil sagit bien dun outil de manipulation des fins politiques, dont les mdias usent et abusent longueur de temps. Il poursuit ainsi, cette dramatisation passe aussi par les mots, il faut des mots extraordinaires pour pater le bourgeois et le peuple.

La poursuite absolue du scoop entraine donc les mdias transformer le rel pour que la banalit devienne extraordinaire. Pour cela, tout est permis et le langage courant en est la premire victime, puisque les mdias nhsitent pas employer des termes rcurrents mais pourtant faux pour dsigner certains faits; les experts souvent invits par les mdias sont aussi pour la plupart de fervents adeptes dun langage trs approximatif, que 95% de lauditoire ne peut pas comprendre.

4. Linfantilisation de lauditeur

Dans un souci de maintien du public dans lignorance et la btise, les mdias ont tendance sadresser leurs auditeurs comme des enfants. Dans Lenfer est ici, Pierre Jourde fait un parallle entre la tlvision et lenfer en expliquant que Le Malin est malin, comme on sait. Il a compris quil ne pourrait triompher quen donnant ceux quil trompe toutes les apparences de la joie et du plaisir. Il estime que ltat valide travers des chaines de tlvision comme TF1 lindustrialisation de la connerie, capable de rveiller luniversel dsir de stupidit qui sommeille mme au fond de lintellectuel le plus litiste.

La tlvision fait lapologie de la btise, et ce, ds le plus jeune ge. Son perptuel spectacle se fait passer pour la ralit, formate les gens qui la regardent, elle les damne perdre leur humanit, leur me, nous finissons par croire que le monde rel est ce que nous montre la tlvision, cest la culture quon assassine, et on en rit. Le public pense ainsi que le bien rside dans le fait dtre idiot et vulgaire, le ramenant ses plus jeunes annes: il rgresse intellectuellement.

5. La circulation circulaire de linformation

Le titre est emprunt une nouvelle fois Pierre Bourdieu, qui explique travers cette expression que tous les journaux se ressemblent mais que la diffrence rside seulement au niveau de lesthtique ou du montage de linformation, ce qui cre un formidable effet de clture, un enfermement mental. De plus, la majorit des informations relayes par la presse sont tires des organes internationaux comme lAgence Franaise de Presse, o est la relle information l-dedans? Sait-on seulement comment travaille lAFP? Cette uniformisation de linformation sajoute la contrainte de laudimat, lurgence du scoop et la prolifration de vrais-faux dbats qui entachent le paysage audiovisuel franais depuis des annes.

6. La soumission librement consentie une autorit illgitime

On ne peut ne pas mentionner ici lexprience de Stanley Milgram, son exprience a effectivement aider montrer que la plupart des personnes estiment que linformation est sre du moment que cest une personne la tlvision qui la diffuse.

Aprs avoir dfini et compris ce que voulait dire et impliquait la dsinformation et lavoir formalis sous six techniques clairement identifies, nous sommes en mesure de la reprer et de lanalyser dans un cadre dfini: la France depuis le dbut du XXIme sicle.

3. Une entre dans le XXIme sicle endeuille1999-2005

Par nature, la tlvision est simplificatrice: lantenne, pour viter les tunnels, il faut faire vite et court. Or la ralit est toujours complexe, tisse de mille nuances impossibles exposer devant la camra. Rducteur, le regard tlvisuel assure la victoire du fugace sur le permanent, de la sensation sur la rflexion, du sentiment sur la raison. Au village plantaire, les motions sont mondiales, et obligatoires.[footnoteRef:10] [10: Citation tire de son livre Le terrorisme intellectuel]

Jean Svillia

A la fin du sicle dernier, les temptes de fin dcembre 1999 en Europe laissaient prsager un XXIme sicle au moins aussi difficile que le prcdent. La mme anne, le 24 mars 1999, a lieu lincendie du tunnel du Mont Blanc, ce violent incendie a caus la mort de 39 personnes et entrainait la fermeture du tunnel pour environ trois ans. Limpact mdiatique fut trs fort lpoque, il sagissait dun drame national, juste titre, et la presse enchainait les directs pour ne rien rater de ce fait divers. Dix annes plus tard, tte repose, Pierre Jourde revient sur les conditions dans lesquelles les mdias ont ralis leurs reportages pour rapporter la situation aux franais. Alors quil sentretient avec des gens dont les parents avaient pri dans lincendie, il apprend que ce que les tmoins avaient dire nintressait en rien les journalistes qui les interrogeaient. Ils avaient dj leur ide de ce quil fallait crire l-dessus et de ce que leurs lecteurs voulaient. Cest donc cette ide quils entendaient faire passer de toute faon. Les tmoins ntaient quun prtexte, une espce de garantie dontologique: on les a entendus. On ne va pas, en plus, les couter. Les journalistes demandaient des larmes, de lmotion, pas des ides ou des faits. Ce nest pas la vrit quils taient alls chercher, mais le spectacle, et la confirmation de leurs prjugs.

Voici un premier cas de dsinformation grossier, qui rentre dans les techniques que nous avons pralablement repres. Lauteur se pose ds lors une question lgitime: et de combien daffaires, de mouvements sociaux, de livres, naurons-nous quune image fausse, compltement dnatur par la tyrannie du spectaculaire, du prjug ou du clich?. La rponse est videmment inquitante: beaucoup, beaucoup trop.

Alors quen Europe, on se converti doucement mais srement la monnaie unique europenne, les tlvisions du monde vont soudain saligner dans lespace-temps comme jamais elles ne lavaient fait auparavant: les attentats du 11 septembre 2001 bouleversent le monde occidental. Pour la premire fois de son histoire, les Etats-Unis sont attaques sur leur propre territoire. Ce jour-l, deux avions viennent scraser directement dans le World Trade Center New York, et un troisime sur le Pentagone. Le bilan humain officiel est de 2977 morts et 6291 blesss, jamais un attentat naura autant marqu les esprits en ce dbut de XXIme sicle que celui-ci, et pour cause. Il marquera le dbut de la guerre en Afghanistan contre le terrorisme, et impliquera galement lalliance du nord et diverses autres nations occidentales. Plus tard, cest la guerre en Iraq qui sera conduite, avec cette fois-ci pour motifs que le pays dvelopperait des armes de destructions massives.

Loin de nous lide de nous adonner des thses ngationnistes, alors que beaucoup parlent dattentats sous faux drapeaux organiss par les services secrets amricains pour lgitimer les attaques de lIraq et de lAfghanistan. Il convient cependant de sattarder sur ces vnements du fait de leur impact mdiatique et surtout historique: quand un vnement retransmis en direct sur toutes les tlvisions mondiales peut aboutir la lgitimation de guerres.

Dans un article du Monde Diplomatique intitul Armes dintoxication massive rdig en juillet 2003[footnoteRef:11] par le journaliste Ignacio Ramonet, ancien directeur de ce dernier, on apprend beaucoup sur les approximations du gouvernement amricain qui a pourtant dcid de partir en guerre sur ses soi-disant certitudes. Nous sommes donc trois mois aprs la victoire des forces amricaines et lauteur nous explique que les renseignements fournis par larme amricaine concernant les armes de destruction massive censes avoir t en cours de dveloppement en Iraq sont falsifis. Effectivement, malgr labattage mdiatique sans prcdent en occident pour dsigner lIraq comme lennemi numro un, le diable en personne, il se trouve quaucune preuve concrte na t amen ladministration Bush, pire que cela, il semble que le prsident de lpoque, Georges W. Bush, savait bien avant quil nexistait aucune arme de destruction massive l-bas. Il cite la reprsente dmocrate de Californie lpoque, Mme Jane Harman qui parle de la plus grande manuvre dintoxication de tous les temps. Ces manipulations nont pas laiss le peuple amricain de marbre, en fait, bien que cela ne fut pas ou peu rapport par les mdias franais, de nombreux groupes ont t form pour dnoncer les manipulations. Ignacio Ramonet nous informe par exemple quun groupe anonyme danciens experts de la CIA et du dpartement dtat a affirm le 29 mai 2003 dans un mmorandum pour le prsident Bush que par le pass, des renseignements avaient dj t fausss pour des raisons politiques, mais jamais de faon aussi systmatique pour tromper nos reprsentants lus afin dautoriser une guerre. Lhistoire se rpte, mais elle prend une tournure trs inquitante. Mme Colin Powell lpoque refusait de lire ce quon lui demandait de prsenter la presse, et ne la fait que pour garder son poste en exigeant que le directeur de la CIA valide ses propos en se tenant derrire lui, bien en vue. Il semble que les plus gros mensonges passent mieux lorsque toute la fine quipe des services pas si secrets se tient autour du politique, afin de valider ses propos. Stanley Milgram en aurait probablement rit. [11: http://www.monde-diplomatique.fr/2003/07/RAMONET/10193]

La suite de larticle ne va pas non plus dans le sens de ladministration Bush, on apprend notamment que dans un entretien publi le 30 mai 2003, le secrtaire adjoint de la dfense de lpoque, Paul Wolfowitz, a avou que la prsence darmes de destruction massives ne fut quun prtexte pour raliser une guerre prventive contre lIraq adopt pour des raisons bureaucratiques, Nous nous sommes entendus sur un point, a-t-il prcis, les armes de destruction massive, parce que ctait le seul argument sur lequel tout le monde pouvait tomber daccord. Nous reviendrons sur ce terme gnrique de Guerre prventive plus tard, qui connait un grand succs en ce dbut de XXIme sicle. Le prsident des Etats-Unis na donc pas hsit mentir pour contourner lOrganisation des Nations Unis, il sagit dun vritable Casus Belli. Il sagit en effet dvnements violents, fortuits ou provoqus, ou monts de toutes pices pour crer une raction, dans ce cas-l, une guerre. Personne ne semble raliser lampleur et les dangers que ce type dopration reprsente, quoi servent nos reprsentants nationaux, europens et mondiaux si un simple Casus Belli suffit faire entrer plusieurs pays en guerre? Le rle des mdias est ici capital.

En choisissant de valider les dires de ltat sans rechercher la vrit sur ces affaires, ils commettent une erreur grave. Le contre-pouvoir ne fonctionne pas, et cela se paye en vies humaines, que ce serait-il pass si les mdias avaient immdiatement pos un doute sur tout cela? Le peuple naurait-il pas rflchi deux fois avant daller en guerre? Bien sr que si. Les mdias ont donc un rle bien plus important quon ne limagine et leur indpendance ne devrait mme pas tre discutable. Les dclarations rptition dAnthony Blair, premier ministre anglais, tout comme de Colin Powell, on fait le tour du monde, sans jamais tre remises en cause une seule seconde. Les mdias ont jou un vritable rle dorganes de propagande, et il intressant de noter quaucun na pris ses responsabilits et na tent doffrir une alternative la pense ambiante. Les intellectuels franais se sont tous aligns, dbattant dans le vide sur un sujet dont ils ne connaissaient pas la moiti des paramtres. Faut-il les blmer? Oui. Bien que la moindre personne qui osait mettre un son de cloche diffrent tait immdiatement considre comme un paria, cela ne justifie pas de sagenouiller devant une vrit falsifie de A Z. Il faut tout de mme souligner que les ventes de journaux nont jamais t aussi prolifiques qu cette priode-l, le climat de peur instaur partout dans le monde a effectivement gnr beaucoup dargent.

Ce nest ni le premier, ni le dernier mensonge dtat auquel nous serons confronts mais Paul Krugman, professeur dconomie amricain, parle bien du pire scandale de lhistoire politique des Etats-Unis, pire que le Watergate, pire que lIrangate. Le prsident Bush, son gouvernement ainsi que les chiens de garde mdiatiques, ont russi tromper les citoyens du monde et les faire collaborer ce qui restera dans lhistoire comme un chec cuisant, cotant la vie dau moins 162000 irakiens, et plusieurs milliers de soldats amricains, entre autre. Comment peut-on penser que simplement parce que le visage gouvernemental a chang, les manuvres employes ont chang galement? Les mdias internationaux continuent de pitiner la vrit, et cela ne semble gner absolument personne.

Pendant ce temps-l, en France, nous apprenons dbut 2005 une bien triste nouvelle, daprs la chaine de tlvision France 2, il semblerait que des jeunes au Japon atteint par le mal de vivre jouant massivement des jeux vido, se donnent rendez-vous par internet pour organiser des suicides collectifs en avalant des poches de silicone. Bien que le procd puisse paratre trange, cela doit tre vrai puisque cest France 2 qui le dit. Le reportage de la chaine nous emmne donc dans une salle de jeux vido Tokyo pour mieux nous illustrer son sujet. Le reportage nous indique que les jeunes se suicideraient cause du retard annonc dans la sortie dun jeu vido trs attendu: 147 jeunes collgiens seraient donc passs lacte suite cela. Il sen suit un rquisitoire contre lunivers du jeu vido en gnral rappelant ses dangers lorsquon y est trop expos.

Cela reste cependant trs tonnant, effectivement, il semble que seul France 2 ait relay cette information, en France comme au Japon. La journaliste darrt sur images, Maya Neskovic a men lenqute[footnoteRef:12]. Elle interroge dans un premier temps le journaliste de France 2 ayant ralis le reportage qui lui rpond quil ne se souvient plus trs bien o il a vu linformation. Aprs quelques recherches, elle dcouvre finalement que cette information a t trouv dans un article de Libration datant de novembre 2004 o il est effectivement crit que En fvrier 2003, lannonce du report du jeu vido de combat Dead or Alive a traumatis les otaku (fadas de jeux vido). Furieux, 147 dentre eux, collgiens ou lycens, se sont suicids en gobant des poches de silicone.. Aprs de nouvelles investigations de la journaliste qui cherche savoir o le chroniqueur de Libration a eu linformation, il semble que ce dernier ne soit pas capable de se rappeler o il a lu tout ceci. La journaliste reoit finalement un appel dun grant franais de site dactualits sur les jeux vido qui lui explique que cette information tait en fait tonne puisquelle avait t prise sur son site o il stait amus imaginer ce qui arriverait si le jeu avait t encore t retard. En dautres termes: il sagissait dune blague qui a t prise au srieux par le journaliste de Libration puis par les journalistes de France 2. Ceci peut prter sourire mais il sagit ici dune nouvelle manipulation, qui ne sarrte pas l. Effectivement, le reportage de France 2 comprend une interview dun joueur japonais traduite telle quelle: Jaime bien les jeux de combat ou de tirs au fusil, parce que lobjectif est clair, a me dcontracte et a menlve le stress quotidien.. Il semblerait pourtant que la traduction ne soit pas bonne et que la personne en question parle simplement daimer samliorer en jouant. Aprs avoir demand au journaliste de France 2 pourquoi la traduction ntait pas bonne, ce dernier ne saura pas vraiment rpondre. [12: http://www.youtube.com/watch?v=gze15ryMCxQ]

En rsum, une chaine de tlvision du service public franais base une information au journal tlvis de 20h sur cinq lignes dun journal franais datant il y a dj plus de quatre mois, cinq lignes qui ont pour sources un web site indpendant qui en plus de cela, navait pas divulgu une information mais une blague. Srieusement? On le rpte une nouvelle fois, combien de cas de dsinformation se produisent chaque jour sans que personne ne sen aperoive?

Nous citions plus tt dans le mmoire un monument de la chanson franaise en la personne de Renaud, il nest pas impossible de faire un nouvel interlude en lisant ces quelques paroles de divers rappeurs engags de la scne franaise qui sont pleines de senssur le sujet que nous abordons actuellement:

Orelsan (Le chant des sirnes, 2011 Suicide social Extrait)

Adieu les journalistes qui font dire ce qu'ils veulent aux images!Vendraient leur propre mre pour couler quelques tirages!

Daz Ini (Pige de freestyle #1, 2012 Rap & Mdias Extrait)

Jai appris quil fallait se mfier des vrits certifies, ceux qui les mettent sont-ils toujours honntes? Dur de vrifier, du tube cathodique la presse crite, quand limpartialit seffrite, faire le tri devient une gymnastique!

On pourra reprocher cet interlude son caractre trs peu sociologique mais force est de constater que ces paroles sont lourdes de sens, elles rsument dailleurs trs bien ce que nous avons constat jusqu prsent.Nous ne sommes cependant pas au bout de nos surprises, dans une mission de M6 intitule Zone Interdite en 2005[footnoteRef:13], le chef dentreprise Thierry Breton, qui a notamment t ministre de lconomie pendant la prsidence de Jacques Chirac et actuel prsident directeur gnral de la compagnie de paiements scuriss Atos, est surprit dans un discours assez spcial avec Jean-Pierre Raffarin, alors premier ministre. Le voici retranscrit: Ils ont essay de me dire que tout tait catastrophique. Jai dit: les gars moi jai une autre formule, on va dire plein de trucs positifs et plus il y aura de trucs positifs plus on pourra dire que le reste est difficile et quil faut faire des conomies. Il est intressant quun ministre de lconomie nous offre sur un plateau une technique de manipulation des masses mais il nest pas le seul faire pareils commentaires ce niveau de responsabilit nous le verrons plus tard. [13: Information repre dans lAnne du Zapping 2005, il semble que la vido de la squence avec Thierry Breton ne soit pas disponible sur Internet, trangement.]

Lanne 2005 a dcidment tait riche en vnements puisque plus tt, le 29 octobre 2004, le trait tablissant une Constitution pour lEurope (ou Trait de Rome II) avait t sign par tous les chefs dtat et de gouvernement de lUnion Europenne. Ce trait aurait d rentrer en vigueur le 1er Novembre 2006 mais voil, pour ce faire il aurait fallu que le oui lemporte au rfrendum national, notamment en France. Ce ne fut donc pas le cas et le non la emport hauteur de 54.87% contre donc 45.13%. Les rsultats de ce rfrendum nous importent peu, ce qui est intressant cependant, cest la manire dont cet vnement a t trait dans les mdias. Tout tait prsent, les ditions spciales intitules Rfrendum 2005, tous les intellectuels de droite comme de gauche taient mobiliss, les dbats fuss sur toutes les chaines de tlvision, tout comme la radio. Mais trs vite, on remarque que le dbat est trs orient, il semble que la prche du oui lemporte trs nettement sur celle du non la tlvision. Henri Maler[footnoteRef:14], matre de confrences en science politique lUniversit Paris VIII et galement fondateur dAction Critique Mdias (ACRIMED), dcrypte cette situation trange o les mdias marchent main dans la main avec les politiques afin de faire passer le projet de Trait europen par tous les moyens: [14: http://www.youtube.com/watch?v=5X2MgZXQtG4 et http://www.youtube.com/watch?v=QqeXNsfQHkw ]

Il y a un vrai problme qui est que, sous couvert de libert dexpression de chacun des ditorialistes pris un un, on se trouve dans une situation qui fait que la quasi-totalit des mdias dominants ont fait campagne pour le oui, voil, cest aussi simple que cela.. Les chiffres viennent confirmer les dires de monsieur Maler puisquon apprend grce une nouvelle fois Arrt sur images que parmi la plupart des journaux tlviss, le non a t reprsent hauteur de 33% contre 67% pour le oui. Malgr tout le travail ralis par la classe politico-mdiatique pour faire passer le oui, cest le non qui lemportera. Alors quon aurait pu simplement constater que le peuple puisse tre rfractaire de plus en plus une Europe qui sloigne de leurs soucis quotidiens et qui ne rpond pas leurs attentes, les mdias nous prsentent ce rsultat comme une catastrophe nationale, et cherchent mme faire culpabiliser le peuple. Sur France 2 on entend alors sur un ton trs grave Ce soir on peut le dire, cest probablement la rplique la plus violente que lon pouvait imaginer du sisme politique survenu le 21 avril 2002.. La volont de la chaine de comparer ce choix des franais avec laccession au second tour de Jean-Marie Le Pen aux lections de 2002 est somme toute assez malsaine: lorsquon coute cela on peut avoir limpression si on a vot pour le non davoir fait une erreur, une btise et que cela va nous coter cher. Est-ce l le climat que les mdias cherchent installer? Pour nous punir davoir fait notre devoir de citoyen et suivit nos convictions? Tout cela nest pas digne dun bon travail journalistique.

Les approximations sont la technique de dsinformation la plus utilise, parfois involontairement par les mdias. Pendant cette campagne, elles ont t nombreuses, on peut entendre dans le journal tlvis de France 3: Pour les allemands, lEurope est une vidence, alors Berlin, comme dans le reste du pays, le non franais a surpris, voir choqu, les franais sont accuss dgosme et certains voudraient bien que lAllemagne se trouve un autre partenaire.. Aprs avoir entendu cela, on imagine dj une dchirure profonde entre nos deux patries et la fin de lEurope, et pourquoi pas mme le retour des annes sombres de lhistoire. Pourtant en quoi le fait de rejeter un trait europen signifie que la France abandonne le projet europen? Mieux encore, comment peut-on dire que les allemands sont tous choqus de la dcision franaise, ny a-t-il pas dopposition en Allemagne? Davis qui divergent sur la question? Si, probablement. Mais personne nen parle, nous navons les chos que des dirigeants qui sont eux, favorables au oui. Il y a donc de la part de France 3 encore une envie de faire culpabiliser le peuple franais, comme sil avait commis une faute qui pourrait lui coter ses partenariats conomiques avec son voisin germanique.

De plus, une technique encore trs rependue de nos jours consistait considrer systmatiquement quune personne favorable au non tait nationaliste, donc dextrme droite, et damalgame en amalgame: nazi. Une nouvelle fois on peut sourire quand ces manipulations grossires mais qui parfume pourtant de manire rgulire le paysage audiovisuel franais. A la tlvision, les raccourcis taient de mise dans les dbats et aprs quelques minutes de visionnement, un schma apparaissait clairement, si on votait non ce trait, alors on prenait le risque de voir revenir le nazisme en Europe. Les chiens de garde comme Philippe Val ou Christine Ockrent se faisaient alors un plaisir de se placer en dfenseur de la dmocratie et en rempart contre lextrme droite nausabonde, mme si cela impliquait de marcher sur les convictions de plus de la moiti de la population, ce qui a dailleurs probablement contribu ce que le trait ne puisse tre ratifi.

On retrouve beaucoup dautres mdiapproximations, le 10 juillet 2004, on apprenait grce lAFP que des personnes avaient agress une femme enceinte et lui avaient dessin des croix gammes sur le ventre dans le RER D de Sarcelles. La majorit des mdias avaient saisi linformation sans mme la vrifier, comme souvent lorsquil sagit dinformation provenant de lAFP, alors quil sagissait en fait dun mensonge de la part de la jeune femme. Elle avouait en effet quelques jours plus tard avoir mont cette scne de toute pice pour viter davoir donner de largent un de ses amis. Lindignation nationale et la tourmente du retour dun antismitisme sauvage auront eu une nouvelle fois raison de la vrit.[footnoteRef:15] Cette fascination quasiment morbide des mdias pour les faits divers comme celui-ci est relativement inquitante. Ils font effectivement appel la cruaut et au voyeurisme pour tre certain dtre regards, une agression de femme enceinte sur fond dantismitisme est donc en quelques sortes un Jackpot o les consquences sont une audience importante mais galement une faon de montrer du doigt les partis nationalistes comme pour menacer lauditeur qui pensait se tourner vers lextrme droite: tu es sr que cest ce que tu veux?. [15: http://www.sangonet.com/FichPtsdevuesuite/emoi-affabul-antisemRER.html]

Les mdias de par leur langage simplifi et leurs amalgames ont une fcheuse tendance crer des climats angoissants, o tout le monde va se mfier de tout le monde. Un climat conomique difficile associ une gronde sociale grandissante est ainsi propice des dbordements et il ne faudra pas attendre longtemps pour que cela se produise. Nous sommes prsent le 27 octobre 2005 et deux adolescents meurent dans un transformateur lectrique aprs sy tre rfugis pour chapper la police. Ceci a pour consquence de crer des reprsailles dans certains quartiers et on peut ainsi voir rapidement les mdias semparer du phnomne: des images de voitures brles, de jeunes avec des cagoules qui caillassent les forces de lordre, font le tour de lhexagone. Ce qui ntait lorigine quun mouvement de colre isol est soudainement transform en drame national: si on regardait la tlvision cette semaine-l, on tait persuad que la France senflammait de toute part. Et cest ce qui a fini par arriver, les meutes de 2005 sont nes de la course au sensationnalisme organise par les mdias. Comme pour le tunnel de Mont Blanc, il ntait pas question de revenir la rdaction sans image et sans scoop, certains journalistes nhsitaient pas mettre en scne des jeunes de banlieue et prendre des photos sous langle parfait qui laissait suggrer que le quartier entier sombrait dans le chaos.

Il ne faut pas ici nier quil y avait de vritables revendications lies linscurit, ou aux problmes conomiques, mais il est vident que le rle des mdias une nouvelle fois a t de mettre de lhuile sur le feu. Comme nous lavions fait remarquer plus tt, tout fait divers est bon prendre pour crer une bonne diversion dun sujet plus important. Il suffit dailleurs de constater que ds que lintrt port par les mdias pour les banlieues sest estomp, les violences le furent aussi. Cependant les banlieues elles sont toujours prsentes, toujours avec les mmes difficults et le problme na pas t rgl. Tout ceci a une nouvelle fois permis les amalgames, entre dlinquants et musulmans notamment, ce qui a dailleurs donn le ton pour la suite comme nous le verrons dans la partie suivante.

Ainsi lentre dans le XXIme sicle fut bien moins joyeuse que prvu, du moins, la tlvision. Cela nous donn une ide peu prs correcte de ce quallait tre la France des mdias aprs 2005, alors que Nicolas Sarkozy sapprter prendre le pouvoir pour succder Jacques Chirac.

4. LEre Sarkozy, apoge du dclin mdiatique2006-2012

Le travail du journaliste consiste dtruire la vrit, mentir sans rserve, pervertir les faits, avilir, ramper aux pieds de Mammon et vendre son pays et sa race pour gagner son pain quotidien ou ce qui revient au mme, son salaire. Vous le savez comme je le sais, alors qui peut parler de presse indpendante? Nous sommesles pantins et les vassaux des hommes riches qui se cachent derrire la scne. Ils tirent les ficelles et nous dansons. Notre temps, nos talents, nos disponibilits et nos vies sont la proprit de ces hommes. Nous sommes des prostitues intellectuelles.[footnoteRef:16] [16: Paroles prononces en 1914 par John Swinton, rdacteur en chef du New York Times, dans son discours dadieu ses collgues.]

John Swinton

Il serait malhonnte faire un rapprochement entre le fait que les franais sont les champions de la consommation dantidpresseurs et la qualit de plus en plus mdiocres des mdias qui les informent. Il nest en revanche pas excessif daffirmer que la qualit de linformation ne sest pas amliore depuis la prise de pouvoir de Nicolas Sarkozy. Elle a mme rgresse, il semble vident que sur la priode de son mandat prsidentiel, jamais sous Vme Rpublique la presse naura t si dpendante du pouvoir politico-industriel.

Un reportage de la Tlvision Suisse Romande (TSR)[footnoteRef:17] a t censur en France car il traitait de lpope mdiatique trs critiquable de lex prsident franais. On comprend trs vite aprs visionnement pourquoi la presse est si cadenasse en France. Dans un premier temps, lquipe suisse souhaite suivre Nicolas Sarkozy dans son dplacement officiel Aix-En-Provence et sadresse au service de presse de llyse qui va multiplier les contraintes administratives, premires difficults pour les journalistes faire leur travail. Il faut savoir que les journalistes ne peuvent approcher du prsident qu bonne distance, ils sont parqus dans des lieux bien prcis et ne sont autoriss qu un certains nombres dactions, cest donc un journalisme trs encadr et donc limit, une photo prise lors dun de ses dplacements en Camargue rsume trs bien la situation ce moment-l: [17: http://www.bu2z.com/video/reportage-sarkozy-censure.html]

Lors d'un dplacement en Camargue, le 20 avril 2007. (AFP PHOTO/DOMINIQUE FAGET)

La situation des journalistes larrire du tracteur rappelle un peu les convois organiss par les armes sur les sols sensibles, o tout est encadr de A Z pour tre certain de ne faire face aucun imprvu. Il ne sagit pas seulement de matriser linformation mais aussi les possibles dbordements populaires, ainsi on ne verra aucune manifestation la tlvision lors des grands meetings souvent raliss lextrieur. Les primtres sont contrls sur plusieurs kilomtres et aucun drapage nest possible, laissant imaginer au tlspectateur que le prsident na rencontr aucune opposition l o il sest rendu. Le concept de censure invisible de Pierre Bourdieu prend ici tout son sens. Seuls les journalistes accrdits peuvent accder la zone o se trouve le meeting, bien quils doivent pour cela franchir plusieurs tapes dun parcours quadrill. Christophe Deroubaix, journaliste Lhumanit avoue quil est comme tous les autres incapable de faire autre chose que de suivre le parcours qui lui ait indiqu. Ainsi le public est totalement acquis Nicolas Sarkozy qui partira sous les applaudissements de plus de 200 journalistes qui ne pourront pourtant poser aucune question.

Nicolas Sarkozy a t un hyper-prsident, trs prsent dans les mdias o il faisait la une quasiment dun hebdomadaire sur deux, ses relations avec le monde des mdias sont donc une fois de plus trs entretenues. Selon le baromtre de linstitut national de laudiovisuel franais, Nicolas Sarkozy bat tous les records dantenne, depuis son lection, lex prsident tait trois fois plus prsent sur les chaines de tlvision que ses prdcesseurs. Il se servait des mdias comme pour jouer un rle, la comdie, et ces derniers staient transforms en simples ralisateurs people dnus de tout sens critique. Il est trs intressant de noter que lorsque lancien chef de ltat sest spar de son ex-conjointe, Ccilia Sarkozy, tout Paris avait vent de linformation mais seul le journal suisse Le Matin la divulgu car les mdias franais taient terroriss lide dtre le journal qui allait se mettre dos Nicolas Sarkozy. Il semble que ce fut juste titre tant donn que les services de police ont t charg de retrouver linformateur ayant divulgu linformation autour de lui. Actuellement, ce correspondant travaille toujours sous pseudonyme. Est-ce l rellement la libert de la presse franaise?Nicolas Sarkozy entour de nombreux journalistes de plusieurs journaux, dans une ambiance trs dtendue.

Plus tard, Paris Match diffusera les premires images de Ccilia Sarkozy avec son nouveau compagnon. Alain Genestar, alors directeur du magazine, ne pense pas se mettre en situation dlicate avec ces publications, mais cela est bien optimiste. Paris Match appartient effectivement au groupe Hachette FilipacchiMdias dont la socit mre est le groupe Lagardre. Lamiti trs forte liant Arnaud Lagardre et Nicolas Sarkozy comme nous lavons vu plus tt aura raison du directeur de Paris Match qui sera licenci. Bien que ni par le prsident, cette affaire sonnera comme un coup dalerte pour les autres personnes voluant dans la profession: personne nest labri dun licenciement sil ne reste pas dans le droit chemin. La peur envahit donc les locaux des agences de presse, on apprend galement que le prsident directeur gnral de Radio France ne sera pas renouvel malgr ses excellents rsultats du fait quune chronique de trois minutes le matin dun certain Stphane Guillon est dfavorable au prsident de la Rpublique. Imaginer que mme le plus insignifiant des humoristes peut tre cart des ondes sous prtexte quil critique Nicolas Sarkozy est tout de mme assez alarmant.

Comme si cela ne suffisait pas, il est expliqu quil possde les pleins pouvoirs pour dsigner les futurs patrons des chaines publiques. Placer quelquun la tte des chaines publiques suppose ainsi que la personne en question est du mme coup redevable, ce qui peut mener de lautocensure par la suite. Noel Mamre rajoute son sujet que ds les annes 80, dans la ville de Neuilly, il a cr une association, qui sappelait Neuilly Communication, et quand on regarde quels taient les membres de cette association, ce sont les mmes qui aujourdhui ont les cls de lensemble de laudiovisuel priv. Ce quil faut savoir, cest que ce sont les mmes qui sont aussi propritaires de grands entreprises, qui ont des relations trs troites avec ltat, quil sagisse de Lagardre, qui est aussi un marchand darmes, de Bouygues, qui aujourdhui est prsent dans le nuclaire, tout cela est donc assez inquitant, quant au pluralisme, quant au conflit dintrts et donc quant la dmocratie.

Un off sur France 3 montrera mme Nicolas Sarkozy snervant hors-antenne contre un technicien sur le plateau qui ne lui a pas dit bonjour, il dit: Quand on est invit, on a le droit que les gens vous disent bonjour quand mme. Ou alors on n'est pas sur le service public. On est chez les manifestants, c'est autre chose. C'est incroyable et grave. a va changer l, a va changer... Les derniers mots suggrent lourdement que le technicien en question ne gardera pas sa place longtemps au sein de France 3.

Ainsi comment stonner lorsquon apprend par le secrtaire gnral de Reporters sans frontire, Jean-Franois Juillard, que la France dtient le triste record en Europe du nombre de perquisition dans les rdactions et du nombre de journalistes mis en examen ou placer en garde vue. La France fait moins bien aujourdhui les pays comme la Pologne, la Bulgarie ou la Roumanie.

La situation stagne en 2011/2012[footnoteRef:18] puisque la France est seulement 38me derrire des pays comme le Niger, la Slovnie ou encore la Lituanie. [18: http://fr.rsf.org/press-freedom-index-2011-2012,1043.html]

Cet apoge du dclin mdiatique ne peut pas tre sans consquences. Si pour Thomas Enders, prsident excutif dAirbus, lEurope ne mne pas assez de rformes en ce qui concerne le march du travail, alors que cest le moment dagit selon lui car Il ny a rien de pire que de gcher une bonne crise[footnoteRef:19]; il reste cependant que la crise est propice toutes les dsinformations possibles et imaginables. Laffaire Charlie Hebdo[footnoteRef:20] est probablement la plus reprsentative de ce qui nous attend dans un futur proche. Il est dj difficile de se souvenir ce dont il sagit, tant la couverture mdiatique a t forte et soudaine, pour finalement sestomper la vitesse de la lumire. Nous sommes dans la nuit du 1er au 2 novembre 2011 et les locaux de lhebdomadaire sont ravags par un incendie aux cocktails Molotov. Plus tt dans la semaine, le magazine stait lui-mme renomm Charia Hebdo en apposant sur sa couverture une caricature du prophte Mahomet disant 100 coups de fouet, si vous ntes pas morts de rire. Ceci tait videmment un pied de nez grossier au monde musulman dont la religion naccepte pas que son prophte soit reprsent de quelque faon que ce soit. Alors quaucune information ntait disponible quant aux responsables de lincendie, la presse sest empresse de semparer de laffaire. Trs vite plusieurs amalgames ont mergs dans la presse, on a commenc attribuer ceci des extrmistes religieux musulmans, qui auraient ragi violemment aux publications de Charlie Hebdo. On parle alors dattentat contre une nouvelle fois la libert dexpression, la classe politique soutient le journal son tour. Mais alors que les passions commencent se dchainer autour du fait divers et que tous les esprits ont les mots Islamiste intgriste et attentat en tte, laffaire est soudainement touffe, jamais un seul mdia noffrira de suite cet affaire mais les dgts sont l. [19: Dclaration au forum conomique mondial de Davos.] [20: http://www.leparisien.fr/paris-75/paris-les-locaux-de-charlie-hebdo-incendies-02-11-2011-1698048.php]

Un autre cas de dsinformation grossier est survenu, cette fois en ce dbut danne 2012. Alors que Mahmoud Ahmadinejad et Hugo Chavez, respectivement prsident de lIran et du Venezuela se rencontraient dans le pays de ce dernier, le discours officiel dHugo Chavez est un appel lamour et la fraternit des peuples tout comme celui du prsident iranien. Pourtant, la dpche de lAgence franaise de presse[footnoteRef:21] au sujet de cette rencontre sera tout autre: sur trente minutes de discours, 59 secondes seront retenues et traduites ainsi: Ahmadinejad et moi, depuis le perron du palais prsidentiel, viserons Washington avec des canons et des missiles, parce que nous allons attaquer Washington.. Voici le discours original[footnoteRef:22]: [21: http://www.youtube.com/watch?v=hCxTICJT2AM&feature=fvwrel] [22: http://www.dailymotion.com/video/xnlbr4_chavez-et-ahmadinejad-declaration-d-amour-aux-peuples-du-monde_news]

Les porte-paroles de limprialisme disent, les mdias de limprialisme disent, et leurs laquais dans ces pays le rptent comme des perroquets, que lIran est au Venezuela, que Ahmadinejad est Caracas, car en ce moment mme, 14h30 de laprs-midi, nous allons, lui et moi, pratiquement depuis le sol du palais prsidentiel, ajuster nos tirs en direction de Washington, et que vont sortir de l des grands canons, et des missiles, car nous allons attaquer Washington, cest pratiquement ce quils disent. Ou que la colline o sont les journalistes juste l, va soi-disant souvrir et quune grande bombe atomique va sortir. Cest pratiquement a quils disent, cela nous fait rire, mais cela nous met en alerte galement.

LAFP, qui fournit la plupart des informations que nous recevons au quotidien dans les grands mdias franais, est capable de la pire des manipulations, pouvant entrainer de graves consquences. Linformation a notamment t reprise par Libration qui la finalement retir plus tard du fait de plainte de nombreux internautes ayant vu la supercherie. a sera galement au tour du Nouvel Observateur de se laisser piger par la suite:Capture dcran de la vido sur la chaine du journal Le nouvel observateur avec un titre laissant entendre des menaces de guerre de la part des deux dirigeants

Ds lors que de tels mensonges sont possibles, on peut lgitimement se demander si ce que nous rapportent les mdias sur les conflits actuels, quil sagisse du conflit isralo-palestinien, ou encore la Cte DIvoire rcemment, la Libye ou mme la Syrie, est bien la ralit? Comment savoir si ces conflits ne sont pas orchestrs de la mme manire que ce que nous venons de voir des fins politiques? Tout ceci nous prouve quil faut tre extrmement prudent avec linformation, et la manipuler comme un ouvrier manipulerait des substances dangereuses, dans les deux cas, pour le bien de la personne.

Enfin, on parle beaucoup du manque de crdibilit des sondages, surtout en priode lectorale, ainsi il est un peu dloyal de rechercher des inexactitudes dans les diffrents mdias lorsquil sagit de sondages publis. Cependant, dans certains cas, cela vaut quand mme le dtour. Nous sommes le 16 fvrier 2012, en pleine campagne lectorale, le Front National monte en puissance alors que Nicolas Sarkozy semble tre en chute libre. Qu cela ne tienne! Le Monde.fr va venir nous apprendre avec sa une que Sarkozy creuse lcart avec Marine Le Pen. Voici donc larticle original:

Capture dcran ralise le 16 fvrier 2012 sur le site du Monde.

A premire vue, un superbe article rdig par un expert saisit pour loccasion, monsieur Pascal Perrineau, directeur du centre de recherches politiques de Science po, hors, si on est un amateur de statistiques ou simplement de sources vrifiables, on ne peut sempcher de regarder do proviennent ce soudain revirement de situation politique. Il est probablement impossible de le voir mais sous le graphique sont cites les diverses sources permettant de raliser larticle. Ainsi on peut lire: Entretiens qualitatifs raliss par tlphone entre le 7 et le 9 fvrier auprs dune dizaine de personnes. Vraiment? Une dizaine de personnes? De qui se moque-t-on? Les sondages sont dj trs peu crdibles du fait quils sont gnralement raliss sur des gens choisis bien spcifiquement et rarement plus nombreux quun bon millier cens reprsenter la population entire franaise, mais alors une dizaine de personnes?

Le journal va faire sa une avec cette information toute la journe, probablement 75% des personnes ne liront que le titre et les 25 autres pourcents ne feront que regarder le dtail sans se proccuper des sources. Nest-ce pas ici une nouvelle manipulation honte? Dautant plus que larticle par la suite est une suite dapproximations, une sorte de lgende bon march ajoute au graphique pour faire crdible aux yeux des lecteurs. Il est intressant de noter quaujourdhui, larticle[footnoteRef:23] prsente une version coupe de ce graphique, o les sources napparaissent mme plus. Cest vrai, pourquoi se fatiguer mentir? Tout le monde croit aux sondages de toute faon tant quil y a un expert pour signer en bas de la feuille. [23: http://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2012/article/2012/02/16/intentions-de-vote-nicolas-sarkozy-creuse-l-ecart-avec-la-candidate-du-fn_1644346_1471069.html]

5. Les enjeux de la lutte contre la dsinformation

Ceux qui sont experts dans lart de la guerre soumettent larme ennemie sans combat. Ils prennent les villes sans donner lassaut et renversent un tat sans oprations prolonges.

Sun Tzu

Lampleur de la dsinformation est si importante quon ne peut rester de marbre face aux consquences que celle-ci peut entrainer. Avant de parler des enjeux dune lutte contre la dsinformation, il convient de faire un tat des lieux en France, quelle est la situation de la tlvision et quels rapports entretiennent les personnes avec elle? Effectivement, si personne ne regarde la tlvision, par dfinition la dsinformation deviendra plus difficile subir. Des enqutes menes par lInstitut National de la Statistique et des Etudes Economiques ont t ralis et vont permettre de raliser cet tat des lieux.

Arrtons-nous dans un premier temps sur le pourcentage de personnes regardant la tlvision en fonction de de leur catgorie socioprofessionnelle[footnoteRef:24]: [24: http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATSOS05439]

Statistiques de 2009 par CSP (en %)

Il convient dabord de noter que depuis 1999, quand linternet a fait ses premiers pas, il ny a pas eu rellement dabandon du mdia tlvision, les personne continuent de regarder, quils aient une connexion internet ou non, cela nimplique que de faibles variations daprs les statistiques. Dune constatation gnrale, on voit donc que 87% des personnes tudies regardent en effet la tlvision, contre 13% qui ne la regardent pas ou peu. Il sagit donc dune victoire crasante pour elle, puisque bien plus des trois quarts de la population sont concerns. Par la suite, on peut aisment noter que les retraits sont les plus gros consommateurs de tlvision, suivis par ouvriers, les employs, les agriculteurs et les inactifs. Les professions intermdiaires, les artisans, commerants, chefs dentreprise ainsi que les cadres et professions intellectuelles suprieures viennent abaisser les moyennes en regardant en moyenne moins la tlvision. On peut donc tablir un schma assez simple: plus la personne est active, moins elle ressent le besoin dallumer sa tlvision. Ce constat est accentu lorsquon observe plus prcisment le nombre dheures passes devant la tlvision. Dans tous les cas, nous retiendrons quune infime minorit nallume jamais sa tlvision, on peut donc affirmer sans problme que le mdia reste trs populaire en France.

Statistiques 2009 par ge (en %)

On retrouve le mme schma avec ce tableau, avec les personnes de 60 ans ou plus qui dominent le classement, et les 16-24 ans qui le ferment. Il est regrettable de ne pas avoir de donnes concernant les enfants de moins de 16 ans puisque le conditionnement travers la tlvision est plus quimportant pendant le jeune ge. On peut galement noter que 14% des personnes tudies affirment regarder la tlvision plus de quatre heures par jour, ce qui relativement lev, dautant plus que 43% pensent la regarder de deux quatre heures par jour.

Il sagissait avec ces donnes de montrer que malgr linvention de linternet et son succs international, la France reste un pays trs attach ses mdias conventionnels, ceci peut sexpliquer par la peur de trouver des informations errones sur linternet quand on connait la difficult modrer tout ce qui est mis en ligne au quotidien. Malgr tous les doutes quon peut apporter lorsquon lit un sondage, celui-ci ralis du 6 au 9 janvier 2012 auprs de 1.005 personnes ges de plus de 18 ans semble reflter la ralit que lon peut constater au quotidien[footnoteRef:25]: [25: http://www.lexpress.fr/actualite/media-people/media/les-journalistes-sont-ils-independants_1073038.html]

A la question croyez-vous que les journalistes sont indpendants des partis politiques et du pouvoir?, 59% rpondent non contre 28% de oui. Les rsultats sont similaires pour la question croyez-vous que les journalistes rsistent aux pressions de largent?. Pourtant 74% affirment suivre avec grand intrt les informations donnes par les mdias, quil sagisse de la presse, la radio, la tlvision ou internet. La radio est dailleurs le mdia qui inspire le plus confiance, avant la presse crite et la tlvision. LInternet est en dernire position. Environ la moiti des personnes ont confiance en la vracit des faits rapports par les mdias. Le paradoxe se situe un peu plus loin, si les personnes ont moins confiance en la tlvision, cest dabord grce elle quils se tiennent informs, hauteur de 56% contre seulement 19% pour la radio, quand la presse crite et linternet nobtiennent que 12%. Cest ce paradoxe qui est intressant, malgr la prudence dont semblent faire preuve les personnes interroges, elles se retrouvent tout de mme regarder la tlvision. Nous pouvons observer les audiences ralises par les plus grandes chaines de tlvision franaise les soirs des deux tours des lections prsidentielles de 2012[footnoteRef:26]: [26: http://tv.sfr.fr/hitview/] Capture dcran montrant le partage daudience entre les grandes chaines nationales franaises lors du premier tour des lections prsidentielles de 2012 le 22 avril 2012 20 heures.

Capture dcran montrant le partage daudience entre les grandes chaines nationales franaises lors du second tour des lections prsidentielles de 2012 le 6 mai 2012 20 heures.

Un constat rapide nous permet de voir que la chaine priv TF1 devance le service public dans les deux cas. Ce dernier est cependant bien reprsent galement.

Cette situation o les personnes sont conscientes que la moiti de ce quelles entendent sapparente du vent mais quelles lcoutent quand mme est trs intressante en elle-mme. Elle rappelle un peu lemploy de bureau qui aprs une longue journe allume machinalement sa tlvision pour faire un bruit de fond et finit par passer sa soire sur son canap couter vaillamment ce quelle peut bien lui proposer pour le divertir. Ainsi, il ny a plus de doute possible, aprs avoir ralis cet tat des lieux, on peut affirmer que les mdias ont la cte, et que la situation nest pas prte de changer.

Cependant nous avons vu que la dsinformation tait massive et ne laissait quasiment aucune place la vraie information. La vraie information est dailleurs quelque chose dextrmement volatile, effectivement, ds quil existe un intermdiaire entre la personne et linformation, cette dernire commence dj seffriter, se transformer, et perdre sa valeur. Les consquences de cette massification des mdias, allies leur mondialisation, ne peuvent pas tre minimes, quels sont les enjeux la lutte contre la dsinformation?

Il faut imaginer la relation triangulaire que forment linformateur, le moyen de communication et linform comme une mtaphore reprsentant une entreprise o une personne dpose un coli destin une autre personne sur un tapis roulant cens lui transmettre aprs un circuit bien dfini:

Partons du principe que la personne A, linformateur, envoie le coli qui est linformation, le moyen de communication est le tapis roulant, et la personne B est la personne cense tre informe.Si le tapis roulant fonctionne mal, on prend le risque davoir un coli qui peut sabimer, mettre trop longtemps arriver, voir mme ne pas arriver du tout. Les consquences seront donc plurielles pour la personne B, qui ne pourra peut-tre pas apprhender la situation de la manire dont il le souhaitait, puisque les paramtres ont chang. Cette mtaphore peut prter sourire mais elle retranscrit trs bien les consquences dune machine mdiatique casse, qui dlivre des informations approximatives, qui censure et qui offre mme parfois des faits invents. Effectivement, la personne cense tre inform va devoir se dbrouiller avec ce quelle a reu, et ceci va peut-tre modifier le comportement quelle aurait eu initialement. Ceci rpond du domaine de la thorie logique mais les faits sont beaucoup plus parlants.

Une information errone est en vrit ce quil y a de plus dangereux beaucoup de niveaux, effectivement: comment bien agir dans le rel sur nimporte quel sujet, quil soit politique, conomique, social, lorsquon volue avec des donnes qui sont fausses? Les mathmaticiens peuvent le confirmer, rsoudre un problme lorsquil manque la moiti des donnes dans lnonc, savre compltement impossible. Les consquences peuvent tre minimes comme elles peuvent tre trs grandes, nous parlions tout lheure de la manipulation de lAFP concernant le discours du prsident vnzulien transform en dclaration de guerre: les mdias peuvent inciter crer des tensions entre les nations sur le long terme, pouvant menes ce que la population redoute le plus: une guerre. Il ne semble pas que cela soit ngligeable.

Sans parler de dclanchements de guerre, des informations approxim