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Actualités — Brèves de Douleurs 329 Les auteurs de cet article engagent les soignants exerc ¸ant en néonatalogie à garder ces dix commandements en mémoire dès qu’ils prennent en charge un nouveau-né prématuré et son entourage. Références [1] Walden M, Carrier C. The ten commandments of pain assessment and management in preterm neonates. Crit Care Nurs Clin North Am 2009;21:235—52. Florentin Clère Consultation pluridisciplinaire de la douleur et équipe mobile de soins palliatifs, centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000 Châteauroux, France Adresse e-mail : [email protected] doi:10.1016/j.douler.2009.09.017 Douleur aiguë au cours de l’éruption du zona : quelle antalgie ? Acute pain during herpes zoster infection: What analgesia? La douleur postzostérienne (DPZ), évoluant plus de trois mois après un zona, a fait l’objet de nombreuses publica- tions. Il s’agit d’un modèle utilisé dans la grande majorité des essais cliniques qui ont contribué à la rédaction de recommandations pour la prise en charge pharmacologique des douleurs neuropathiques. Mais la DPZ ne concerne qu’une minorité des patients qui développent un zona : plus fréquente est la douleur aiguë qui accompagne l’éruption. Paradoxalement, aucune étude de bonne qualité métho- dologique n’a été publiée dans ce contexte de douleur aiguë. L’essai randomisé piloté par Robert Dworkin et al. [1] vient remédier à cette situation : c’est l’oxycodone et la gabapentine qui y sont comparés au placebo. Au total 87 patients, présentant un zona depuis en moyenne trois jours, ont été recrutés et répartis en trois groupes, l’âge moyen de cette population était de 66ans. Tous présen- taient des douleurs d’intensité supérieure à trois sur une échelle numérique allant de zéro à dix. Les 29 patients du groupe « oxycodone » ont bénéficié d’une titration rapide, sur huit jours, d’oxycodone à libération prolongée, avec une dose cible maximale de 60 mg toutes les 12 heures. Huit patients (27,6 %) ont interrompu leur traitement du fait de ses effets secondaires classiques, il s’agissait d’une consti- pation pour quatre d’entre eux. Vingt et un patients ont poursuivi leur traitement pendant les 28 jours de l’essai, dont 11 (52 %) aux doses maximales prévues. En termes d’efficacité, l’oxycodone réduisait l’intensité douloureuse de fac ¸on significative en comparaison au placebo pendant les 14 premiers jours de traitement. À j14, 79 % des patients étaient soulagés de plus de 30 %, 45 % de plus de 50 % (contre respectivement 45 % et 24 % pour le placebo). Au-delà de 14 jours, la diminution de l’intensité douloureuse concer- nait tous les groupes, y compris celui traité par le placebo, ce qui témoigne de l’évolution spontanément favorable de la douleur après deux semaines d’évolution chez la majo- rité des patients. Les 29 patients du groupe « gabapentine » ont également bénéficié d’une titration rapide sur huit jours, avec un dosage maximal de 1800 mg par 24 heures. Quatre patients (17,2 %) ont interrompu leur traitement du fait de ses effets secondaires. Si 75 % des patients restants ont pu atteindre le dosage maximal, la gabapen- tine n’a pas démontré d’efficacité supérieure au placebo pendant toute la durée de l’essai. Ces résultats peuvent apparaître étonnants compte tenu de l’efficacité démon- trée de la gabapentine dans un contexte de DPZ : la dose maximale autorisée (1800 mg/j) était cependant inférieure aux 3600 mg/j qui peuvent être atteints. Au total, cet essai est le premier à démontrer l’intérêt d’une titration rapide par oxycodone orale à libération prolongée pour la prise en charge de la douleur des deux premières semaines du zona. Références [1] Dworkin RH, Barbano RL, Tyring SK, Betts RF, McDermott MP, Pennella-Vaughan J, et al. A randomized, placebo-controlled trial of oxycodone and of gabapentin for acute pain in herpes zoster. Pain 2009;142:209—17. Florentin Clère Consultation pluridisciplinaire de la douleur et équipe mobile de soins palliatifs, centre hospitalier, 216, avenue de Verdun, 36000 Châteauroux, France Adresse e-mail : [email protected] doi:10.1016/j.douler.2009.09.018 La douleur neuropathique est-elle sensible aux AINS ? Is neuropathic pain sensitive to NSAID? « Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ne sont pas effi- caces dans un contexte de douleur neuropathique » : cette affirmation est tellement répandue que les AINS sont exclus des recommandations internationales sur la prise en charge pharmacologique des douleurs neuropathiques. Une telle certitude est-elle réellement fondée ? C’est à cette question que souhaite répondre une courte mise au point (topi- cal review) publiée [1] dans Pain. Tout d’abord le constat est clair : 34 à 43 % des patients qui présentent des dou- leurs neuropathiques utilisent des AINS. Pourquoi un tel écart entre la réalité du terrain et les guidelines ? Pre- mière hypothèse : certains de ces patients présentent, en plus de leurs douleurs neuropathiques, d’autres patholo- giques douloureuses, notamment rhumatismales et utilisent les AINS réellement à visée anti-inflammatoire. Mais cela n’est pas le cas le plus fréquent. Deuxième hypothèse : ces patients présentent des douleurs faibles ou modérées, qui pourraient bénéficier d’une approche non médicamenteuse. L’AINS jouerait alors un rôle de placebo, poursuivi faute de mieux et sans réel efficacité, comme tout autre traite- ment non spécifique. Enfin, dernière hypothèse : les AINS sont efficaces pour prendre en charge la douleur neuropa- thique mais cela n’a pas encore été démontré. Plusieurs

La douleur neuropathique est-elle sensible aux AINS ?

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Actualités — Brèves de Douleurs

Les auteurs de cet article engagent les soignantsexercant en néonatalogie à garder ces dix commandementsen mémoire dès qu’ils prennent en charge un nouveau-néprématuré et son entourage.

Références

[1] Walden M, Carrier C. The ten commandments of pain assessmentand management in preterm neonates. Crit Care Nurs Clin NorthAm 2009;21:235—52.

Florentin ClèreConsultation pluridisciplinaire de la douleur et

équipe mobile de soins palliatifs,centre hospitalier, 216, avenue de Verdun,

36000 Châteauroux, France

Adresse e-mail : [email protected]

doi:10.1016/j.douler.2009.09.017

Douleur aiguë au cours de l’éruption duzona : quelle antalgie ?

Acute pain during herpes zoster infection: Whatanalgesia?

La douleur postzostérienne (DPZ), évoluant plus de troismois après un zona, a fait l’objet de nombreuses publica-tions. Il s’agit d’un modèle utilisé dans la grande majoritédes essais cliniques qui ont contribué à la rédaction derecommandations pour la prise en charge pharmacologiquedes douleurs neuropathiques. Mais la DPZ ne concernequ’une minorité des patients qui développent un zona : plusfréquente est la douleur aiguë qui accompagne l’éruption.Paradoxalement, aucune étude de bonne qualité métho-dologique n’a été publiée dans ce contexte de douleuraiguë. L’essai randomisé piloté par Robert Dworkin et al.[1] vient remédier à cette situation : c’est l’oxycodone etla gabapentine qui y sont comparés au placebo. Au total87 patients, présentant un zona depuis en moyenne troisjours, ont été recrutés et répartis en trois groupes, l’âgemoyen de cette population était de 66 ans. Tous présen-taient des douleurs d’intensité supérieure à trois sur uneéchelle numérique allant de zéro à dix. Les 29 patients dugroupe « oxycodone » ont bénéficié d’une titration rapide,sur huit jours, d’oxycodone à libération prolongée, avecune dose cible maximale de 60 mg toutes les 12 heures. Huitpatients (27,6 %) ont interrompu leur traitement du fait deses effets secondaires classiques, il s’agissait d’une consti-pation pour quatre d’entre eux. Vingt et un patients ontpoursuivi leur traitement pendant les 28 jours de l’essai,dont 11 (52 %) aux doses maximales prévues. En termesd’efficacité, l’oxycodone réduisait l’intensité douloureusede facon significative en comparaison au placebo pendantles 14 premiers jours de traitement. À j14, 79 % des patientsétaient soulagés de plus de 30 %, 45 % de plus de 50 % (contre

respectivement 45 % et 24 % pour le placebo). Au-delà de14 jours, la diminution de l’intensité douloureuse concer-nait tous les groupes, y compris celui traité par le placebo,ce qui témoigne de l’évolution spontanément favorable dela douleur après deux semaines d’évolution chez la majo-

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ité des patients. Les 29 patients du groupe « gabapentine »nt également bénéficié d’une titration rapide sur huitours, avec un dosage maximal de 1800 mg par 24 heures.uatre patients (17,2 %) ont interrompu leur traitementu fait de ses effets secondaires. Si 75 % des patientsestants ont pu atteindre le dosage maximal, la gabapen-ine n’a pas démontré d’efficacité supérieure au placeboendant toute la durée de l’essai. Ces résultats peuventpparaître étonnants compte tenu de l’efficacité démon-rée de la gabapentine dans un contexte de DPZ : la doseaximale autorisée (1800 mg/j) était cependant inférieure

ux 3600 mg/j qui peuvent être atteints. Au total, cet essaist le premier à démontrer l’intérêt d’une titration rapidear oxycodone orale à libération prolongée pour la prisen charge de la douleur des deux premières semaines duona.

éférences

1] Dworkin RH, Barbano RL, Tyring SK, Betts RF, McDermott MP,Pennella-Vaughan J, et al. A randomized, placebo-controlledtrial of oxycodone and of gabapentin for acute pain in herpeszoster. Pain 2009;142:209—17.

Florentin ClèreConsultation pluridisciplinaire de la douleur et

équipe mobile de soins palliatifs,centre hospitalier, 216, avenue de Verdun,

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Adresse e-mail : [email protected]

oi:10.1016/j.douler.2009.09.018

a douleur neuropathique est-elleensible aux AINS ?

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Les anti-inflammatoires non stéroïdiens ne sont pas effi-aces dans un contexte de douleur neuropathique » : cetteffirmation est tellement répandue que les AINS sont excluses recommandations internationales sur la prise en chargeharmacologique des douleurs neuropathiques. Une telleertitude est-elle réellement fondée ? C’est à cette questionue souhaite répondre une courte mise au point (topi-al review) publiée [1] dans Pain. Tout d’abord le constatst clair : 34 à 43 % des patients qui présentent des dou-eurs neuropathiques utilisent des AINS. Pourquoi un telcart entre la réalité du terrain et les guidelines ? Pre-ière hypothèse : certains de ces patients présentent, enlus de leurs douleurs neuropathiques, d’autres patholo-iques douloureuses, notamment rhumatismales et utilisentes AINS réellement à visée anti-inflammatoire. Mais cela’est pas le cas le plus fréquent. Deuxième hypothèse : cesatients présentent des douleurs faibles ou modérées, quiourraient bénéficier d’une approche non médicamenteuse.

’AINS jouerait alors un rôle de placebo, poursuivi fautee mieux et sans réel efficacité, comme tout autre traite-ent non spécifique. Enfin, dernière hypothèse : les AINS

ont efficaces pour prendre en charge la douleur neuropa-hique mais cela n’a pas encore été démontré. Plusieurs

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rguments pourraient aller dans ce sens. Les études réa-isées chez l’animal démontrent une réduction par les AINSe la sensibilisation du système nerveux dans des modèleslassiques de douleur neuropathique. . . aiguë. Une foisransposées chez l’homme, ces études donnent des résultatsontradictoires, laissant penser que les AINS pourraient pré-enir le développement de la douleur neuropathique, sansour autant être capables de la soulager une fois installée.es AINS pourraient ainsi être utiles dans un contexte deouleur neuropathique d’installation récente. Pour autante ne sont que des hypothèses. Les auteurs de cette miseu point insistent sur le fait que les opioïdes ont long-emps été considérés comme inefficaces pour prendre en

harge la douleur neuropathique. Ce n’est qu’après la publi-ation d’essais cliniques de bonne qualité méthodologiqueu’ils ont fait leur apparition dans les recommandations deonne pratique. Pourrait-il en être de même pour les AINS ?es données actuelles de la littérature sont insuffisantes d

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our le savoir, seule la réalisation d’essais randomisés enouble insu contre placebo permettrait d’en avoir le cœuret. . .

éférences

1] Vo T, Rice ASC, Dworkin RH. Non-steroidal anti-inflammatorydrugs for neuropathic pain: how do we explain continued wides-pread use? Pain 2009;143:169—70.

Florentin ClèreConsultation pluridisciplinaire de la douleur et

équipe mobile de soins palliatifs,centre hospitalier, 216, avenue de Verdun,

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