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1 « La femme dans le placard » de Philippe Miglioli Contact : [email protected] Pièce déposée à la SACD La femme dans le placard de Philippe Miglioli Pour demander l'autorisation à l'auteur : [email protected] Durée approximative : 90 minutes Personnages Pauline : la quarantaine, belle femme sexy, blonde, très années 50, un brin vulgaire, maitresse de Benoit Benoit : homme politique, la cinquantaine Etienne : aventurier, la trentaine, fils de Benoit Synopsis : L'action se passe de nos jours, dans le salon d’une villa cossue. Un couple se chamaille : Pauline, maitresse de Benoit, a du mal à digérer que son amant la congédie pour des raisons de bonne morale. En effet, celui-ci se présentant à des élections importantes a demandé à sa femme légitime de rentrer au foyer pour donner une image traditionnelle à son électorat. Costumes contemporains Décor : mélange de contemporain et de classique

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« La femme dans le placard » de Philippe Miglioli

Contact : [email protected]

Pièce déposée à la SACD

La femme dans le placard de Philippe Miglioli Pour demander l'autorisation à l'auteur : [email protected] Durée approximative : 90 minutes

Personnages

Pauline : la quarantaine, belle femme sexy, blonde, très années 50, un brin vulgaire,

maitresse de Benoit

Benoit : homme politique, la cinquantaine

Etienne : aventurier, la trentaine, fils de Benoit

Synopsis : L'action se passe de nos jours, dans le salon d’une villa cossue. Un couple se

chamaille : Pauline, maitresse de Benoit, a du mal à digérer que son amant la congédie pour

des raisons de bonne morale. En effet, celui-ci se présentant à des élections importantes a

demandé à sa femme légitime de rentrer au foyer pour donner une image traditionnelle à son

électorat.

Costumes contemporains

Décor : mélange de contemporain et de classique

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La femme dans le placard Philippe Miglioli

Acte 1, scène 1 - Samedi matin Pauline est assise à table et boit une tasse de thé en feuilletant négligemment un magazine

féminin. Benoit entre, costume trois pièces cravate. Il s’assied.

Benoit - Et mon café ?

Pauline, d’un air absent – Bonjour !

Benoit – Bonjour ! Où est mon café ? Je ne le vois pas sur la table.

Pauline – En effet, il n’est pas sur la table !...

Benoit – Va vite le chercher ? Tu vas me mettre en retard

Pauline – Je ne l’ai pas fait !

Benoit - Comment ça, tu ne l’as pas fait ?

Pauline – Non, je ne l’ai pas fait !

Benoit - Comment cela se fait ?

Pauline - Avec une cafetière.

Benoit - Très drôle ! Je te demande comment il se fait que tu ne m’aies pas préparé mon café.

Pauline – Puisqu’il te faut des précisions : je ne l’ai pas fait parce que je n’ai pas eu envie de

le faire !

Benoit, agacé – Et je peux savoir pourquoi tu n’en as pas eu envie, précisément ce matin?

Pauline – Un caprice, peut-être ! Je suis une femme et, tu le sais, les femmes sont versatiles !

Benoit - Ah bon ! C’est nouveau, ça !

Pauline – Que les femmes soient versatiles ? Je ne sais pas. C’est vous, les hommes, qui le

prétendez ! En ce qui me concerne, je m’engage à ne pas revenir sur ma décision et je ne te

préparerai plus ton café, ni demain, ni les jours suivants !

Benoit – Puisque c’est comme ça, je vais le préparer moi-même.

Pauline – Tu peux toujours essayer.

Benoit - Où est-il ?

Pauline - Qui ça ?

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Benoit - Le café ! où est-il ?

Elle –Là où on range le café habituellement.

Benoit - Dans la cuisine ?

Pauline - Tu chauffes !

Benoit - Dans un placard ?

Pauline - Tu brûles !

Benoit - Dans lequel ?

Pauline - Ah non ! ce serait trop facile que je te le dise !

Benoit - Cesse ce petit jeu ! où il est ?

Pauline – Bon, je vais t’aider. Dans une boîte.

Benoit - Et la boîte, elle est… ?

Pauline - Dans un placard de la cuisine.

Benoit - Ah ! Tu m’énerves ! (Il sort vers la cuisine, on l’entend ouvrir des portes de placard,

au bout d’un moment, il revient tenant une boîte en métal.) C’est celle-là ?

Pauline - Gagné !

Benoit, montrant la boîte vide – Elle est vide !

Pauline, jetant un rapide coup d’œil – En effet !

Benoit - Tu as oublié d’en acheter, c’est ça ?

Pauline - Non !

Benoit - Alors ?

Pauline - Je l’ai jeté.

Benoit - Tu as jeté le café ?

Pauline - Oui, j’ai jeté le café.

Benoit - Où ?

Pauline - Dans la poubelle !

Benoit - Dans la poubelle ? Tout le café ?

Pauline – Tu me fatigues à répéter tout ce que je dis !

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Benoit – Et toi, tu me… ! Bon ! Et maintenant ?

Pauline - Maintenant quoi ?

Benoit – On fait quoi ?

Pauline – Toi, je ne sais pas, moi, comme tu le vois, je lis. Tu savais que Nabila et Tony se

sont séparés ? C’est bête, hein : ils étaient si glamour ! Le salaud a passé un week-end à

Cannes avec Veronica ! Tiens, regarde, il y a même des photos et…

Benoit – Rien à fiche ! Pour le café… je fais comment ?

Pauline – Ben quand même, c’est de l’actualité ! Pour ton café ?... Je ne sais pas. Allez, je ne

me bile pas, tu vas bien finir par trouver une solution. (Elle se replonge dans son magazine.)

Ah ! Quelle bonne nouvelle, la princesse Margherita attend un heureux évènement ! C’est

pour le mois de juin. Ça me rassure, je commençais à me poser des questions, ils sont mariés

depuis deux ans, tu te rends compte ?

Benoit – Bon, ça va, j’ai compris ! A défaut de café, je peux avoir un thé ?

Pauline, soulevant le couvercle de la théière – J’ai tout bu !

Benoit - Tu veux bien m’en préparer un, s’il te plait ?

Pauline - Evidemment que non ! Si j’ai décidé de ne plus te faire ton café, ce n’est pas pour te

préparer du thé. Et puis, le thé – c’est toi-même qui le dis - c’est un truc de pisseuse

anorexique ! Raison de plus pour que la pisseuse anorexique ne te prépare pas de thé, ça

pourrait avoir des conséquences sur ton métabolisme.

Benoit - Tu m’agaces, je descends le boire au café !

Pauline - Eh bien, voilà ! Tu vois que tu trouves toujours une solution à tout !

Personnellement, j’avoue que je n’y aurais pas pensé. Ce que c’est que d’être un homme et

intelligent de surcroit !

Benoit - Allez, tu m’as fait marcher. Dis-moi où tu l’as caché.

Pauline - Je te l’ai dit, il est dans la poubelle. Vérifie si tu ne me crois pas.

Il sort et revient.

Benoit - Tu l’as vraiment fait ! Je n’y crois pas ! Mais qu’est-ce qui t’a pris de faire un truc

aussi stupide ?

Pauline – Je ne voulais pas être tentée de te le préparer, alors je l’ai jeté.

Benoit – Et pourquoi aujourd’hui ?... Je t’ai contrariée ?

Pauline – On peut le dire!

Benoit – Quand ?

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Pauline - Hier soir…

Benoit - Hier soir ?

Pauline - Pendant le dîner…

Benoit - Aurais-je fait une réflexion désobligeante sur ta cuisine ? Je ne me souviens pas…

Ah ! C’est parce que je n’ai pas voulu de tes flageolets ? Mais tu sais bien que ça me donne de

l’aérophagie et, dans ma position, tu dois comprendre que je ne peux pas me permettre de

risquer des flatulences en plein conseil… Ma douce ! Il ne faut pas m’en vouloir ! Promis,

comme on est samedi, ce soir, je les mangerai, tes haricots… avec plaisir, même !

Pauline - Je ne sais pas ce qui me retient de… tu sais où tu peux te les fourrer, mes

flageolets ? Souviens-toi de ce que tu m’as dit, en te tartinant du camembert ?

Benoit – Euh !... Je ne vois pas, qu’il était à point ?...

Pauline - Qu’il t’étouffe ! Tu sais très bien de quoi je veux parler

Benoit - C’est à cause de… de ma femme ?

Pauline - Ah enfin, ça te revient !

Benoit - Eh bien quoi ?

Pauline –Tu ne manques pas de culot ? Tu me balances entre la poire et le fromage… Au fait,

tu sais pourquoi on dit ‘entre la poire et le fromage’, toi ? Ce serait plus logique de dire :

‘entre le fromage et la poire’ parce que, en général on mange le fromage avant le dessert !

Remarque, il paraît que, diététiquement, il vaudrait mieux manger le dessert avant le repas…

ou les fruits, je ne sais plus très bien… tu sais toi ? Remarque, ça dépend du dessert ! Entre

une poire et une religieuse au chocolat, ce n’est pas pareil… rapport aux calories ! Remarque,

moi, si je mangeais une religieuse au chocolat avant de déjeuner, ça me couperait sûrement

l’appétit, mais je ne suis pas certaine que ce serait bon pour ma ligne… tu en penses quoi ?

Benoit – De quoi ?

Pauline - De ce que je viens de te dire.

Benoit - J’avoue que j’ai eu du mal à suivre, j’ai dû décrocher au fromage… ou à la poire.

Pauline - Remarque, ça ne m’étonne pas, tu ne m’écoutes jamais.

Benoit - La preuve que si, c’est la quatrième fois en moins d’une minute que tu me dis

‘remarque’.

Pauline - Ah ! Remar… enfin, bon, c’est normal, c’est un truc qu’on dit comme ça, sans y

penser. Pour se mettre les idées en place.

Benoit – C’est ce qu’on appelle un mot parasite !

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Pauline - Un mot parasite ?

Benoit – Oui ! Ou, si tu préfères, un mot qui n’apporte rien au contexte d’une phrase, comme

‘Eh bien’ ou ‘sans nul doute’ ou ‘je pense’ ou le très en vogue actuel : ‘tout à fait’.

Pauline - Ah bon ! dire ‘je pense’ c’est un parasite ?

Benoit - Ça dépend du contexte… mais, je crois que tu avais quelque chose d’important à me

dire à propos de ma femme.

Pauline - Moi ?

Benoit - Oui, toi !

Pauline - Tu as raison, puisque nous sommes seuls, ça ne peut être que moi… c’était un mot

parasite, ça ?

Benoit - Disons que c’était une interrogation inutile. Alors ? Tu disais donc, qu’entre la poire

et le fromage, je tai balancé, quoi ?...

Pauline – Ne fais pas l’innocent, tu le sais très bien : que tu avais demandé à ta femme de

regagner le domicile conjugal ! Après ça, tu es monté te coucher, me laissant comme une

gourde, sans un mot d’explication ! Et je devrais ne pas m’inquiéter ? J’étais tellement

abasourdie que je n’ai pas réagi. J’ai débarrassé la table pour me donner le temps de digérer

l’information, puis je suis montée te demander des explications… et toi, tu ronflais !

Benoit - C’est normal, j’étais fatigué. Ah ! Tu es bien une femme, toi…

Pauline – Tu n’as jamais eu à t’en plaindre, que je sache !

Benoit – as-tu la moindre idée du rythme infernal de mes journées tandis que tu profites

sereinement du confort que je t’offre. Cela dit, oui, c’est vrai, j’ai téléphoné à ma femme pour

lui demander de revenir et, quand je lui ai avancé mes arguments, elle a accepté.

Pauline - Eh bien elle a plus de chance que moi, si tu as pris le temps de lui expliquer, à elle.

Benoit – C’est simple et même toi, tu devrais comprendre : j’ai besoin de présenter une image

conventionnelle à mon électorat. Et quoi de plus conventionnel qu’une épouse ? C’est

purement stratégique ! Tu saisis ?

Pauline - Je saisis ! Et moi, dans tout ça ?

Benoit – Tu n’es pas ma femme !

Pauline - Eh bien, moi, j’estime qu’après toutes ces années, je pourrais faire une épouse aussi

présentable que ta légitime ! Tu pourrais divorcer et…

Benoit - Mais Pauline, toi… c’est différent : je t’aime !

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Pauline - Parlons-en ! Tu ne m’as pas touchée depuis dix-huit jours… et encore ! la dernière

fois, c’était à la missionnaire.

Benoit – Ah ! Tant que ça, tu es sûre ?

Pauline - Certaine ! Je tiens un journal, comme une vrai jeune fille ! Je me régale à décrire tes

exploits au lit ! Tiens, tu veux que je te dise : depuis un bon moment, quand tu me fais

l’amour, je m’ennuie ! Oh ! Tu ne peux pas savoir à quel point je m’ennuie ! Et toi, tu pousses

tes petits gémissements : tu sais, tes han ! han !han ! Ah ! Quel soulagement quand tu éjacules

et qu’enfin tu t’endors.

Benoit – Je… tu… tu n’aimes pas quand je te fais l’amour ?

Pauline - Non! Tu ne me fais plus l’amour, tu te soulages en moi. Tu m’utilises comme

soupape de sécurité !

Benoit – Tu y vas un peu fort, quand même !... Et tu disais que tu mets tout ça par écrit ?

Pauline – Oui, car vois-tu, dans la journée, au milieu de tout ce luxe dans lequel je me vautre

voluptueusement, je me barbe ! Alors, comme Madame de Sévigné, j’écris !

Benoit – Madame de Sévigné ! Euh !... J’espère que tu ne laisses pas trainer tes déballages !

Pauline - Et qui les lirait ? la femme de ménage ? pfft, elle, il n’y a que ses cases de ‘sudoku’

qui l’intéressent. Tu connais ça, toi le ‘sudoku’ ? J’avoue que je n’y comprends rien. Et puis,

je crois qu’elle ne lit pas le français ! Quant à ton chauffeur, il n’a jamais dépassé le hall

d’entrée !

Benoit - Enfin, tu sais bien ce que la famille de ma femme représente sur le plan politique et

financier. Tu vois ce qu’elle pèse dans la balance !

Pauline – 80 kilos, au moins ! Il y a aussi le yacht, la villa à Cannes, le chalet à Megève et cet

hôtel particulier dans lequel nous résidons parce qu’elle t’en laisse la jouissance, en

compensation de sa fugue.

Benoit – Erreur ! Cette résidence est dans ma famille depuis quatre générations ! Quoi qu’il

en soit, je ne peux pas me passer du soutien de sa famille… ni des voix des ouvriers et des

ouvrières qui travaillent dur dans leurs usines pour donner une vie décente à leur famille.

Pauline – Garde tes envolées lyriques pour tes meetings ! Personnellement, quel que soit ton

programme, je ne voterai pas pour toi ! Je te connais trop bien. En ce qui concerne la classe

ouvrière, on n’est plus au moyen-âge, les gens sont libres de leur choix de vote.

Benoit - Sans doute, mais il y a toujours la menace d’une délocalisation ! Il suffit de laisser

filtrer une information du côté de quelques syndicalistes…

Pauline - C’est dégueulasse ! Mais ça ne m’étonne pas de toi !

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Benoit - C’est de la politique, tu ne peux pas comprendre ! Quoi qu’il en soit, voilà pourquoi

j’ai besoin d’avoir ma femme à mes côtés en ce moment crucial.

Pauline - Et moi, je suis quoi ? Ta pute ? Oh pardon ! ta maîtresse. Bien sûr, à côté de ta

femme, je ne fais pas le poids… au sens propre comme au sens figuré ! Non mais tu as vu ses

photos, le mois dernier, au salon agricole ? Il n’y avait que ses diamants qui la distinguaient

des autres bovins. Avec tout son fric, elle n’a pas les moyens de se payer un régime ? Bon, on

ne va pas s’éterniser sur ses chances de remporter une médaille au concours agricole. Que

fais-tu de moi dans tout ça ?

Benoit - Eh bien, disons que, jusqu’à la fin des élections, tu devras te tenir en retrait.

Pauline - Et je la prends où, cette retraite ?

Benoit - Tu pourrais retourner chez toi !

Pauline - Tu rigoles ? Tu te doutes bien que je n’ai pas gardé mon studio.

Benoit - Ah bon ! Tu ne l’as plus ? C’est ennuyeux, ça !

Pauline - J’ai les pieds sur terre, quoi que tu penses, et je me vois mal payer un loyer pendant

trois ans pour des prunes.

Benoit - Oui, tu as raison !

Pauline - Heureuse de te l’entendre dire, ça ne t’arrive pas souvent.

Benoit - Je ne me souvenais pas que tu étais locataire… Eh bien, il va falloir en trouver un

autre.

Pauline - Attends ! Tu me fiches à la porte, ou je comprends mal ?

Benoit - Non… Enfin, pas vraiment… Cela dit, je pense qu’il serait plus correct que tu ne sois

plus là à son retour. Même si elle n’ignore pas ton existence, ce serait une situation

embarrassante.

Pauline - Plus correct ! Une situation embarrassante ! Tu te fous de moi, là ! Je te rappelle que

c’est elle qui t’a largué pour un bellâtre musclé et tu es venu te faire consoler chez moi ! Tu

pleurnichais qu’elle était partie parce qu’elle te trouvait chiant.

Lui – Pardon ! Elle disait ennuyeux !

Elle – C’est pareil ! Tu promettais que jamais tu ne lui pardonnerais, même si elle revenait te

supplier à genoux !... Puis tu as voulu que je m’installe ici. Tu prétendais que c’était pour

éviter les longs allers retours. Tu craignais surtout qu’un paparazzi te voie sortir de chez moi.

Moi je ne voulais pas, je l’aimais bien mon chez-moi et nos rendez-vous amoureux, même si

tu débarquais toujours sans prévenir pour repartir aussitôt ta petite affaire terminée. J’ai fini

par céder ! Et maintenant, tu me vires comme une malpropre. !

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Benoit - Il ne faut pas prendre les choses comme ça. Et puis, ce n’est que provisoire. Je te

promets qu’après les élections, tout rentrera dans l’ordre.

Pauline - Parce que tu t’imagines que si tu es élu, elle se retirera pour me laisser me glisser

dans ses draps à peine refroidis.

Benoit - Nous ferons chambre à part.

Pauline - Je ne sais pas pourquoi, mais là, vois-tu, ça ne me fait ni chaud ni froid. En tout cas,

permets-moi de te dire que tu n’y connais pas grand-chose aux femmes, et à la tienne en

particulier ! Si tu es élu, ça ne fait aucun doute, elle s’accrochera à toi comme un morpion à

un poil de pubis, la salope.

Benoit - Ne tombe pas dans la vulgarité, s’il te plait. Je n’aime pas ça !

Pauline - Rien à foutre de te plaire ou pas.

Benoit - Mon petit loup, allons, calme-toi !

Pauline - Il n’y a plus de petit loup qui tienne. Et son jules, à ta couguar, il est d’accord ?

Parce que j’imagine qu’elle en a un, elle qui fait les choux gras de la presse à sensation

chaque fois qu’elle change d’amant.

Benoit - Oh, lui ! Du moment qu’il continue à toucher son mois, ça ne le dérangera pas

beaucoup.

Pauline - Il touche ! Tu veux dire qu’il est payé pour coucher avec elle ?

Benoit – N’oublie pas qu’il est coach sportif. C’est pour ça qu’elle paie ses services… pour

l’entraîner.

Pauline - Tu veux dire qu’elle va continuer à s’entraîner quand elle sera ici ? Qu’il va habiter

ici aussi ?

Benoit - C’est une éventualité ! Nous n’avons pas encore réglé les détails.

Pauline - Alors là, tu vois, je suis sur le cul ! Mais alors, si elle garde son… coach, pourquoi

tu ne me garderais pas, toi aussi ?

Benoit - Ce n’est pas pareil… et puis, à quel titre ?

Pauline - Secrétaire, mais en mieux : collaboratrice… particulière !

Benoit - Tu ne sais pas te servir d’un ordinateur et tu fais trois fautes à la ligne.

Pauline - Et alors ? puisque ce ne serait pas pour taper ton courrier, je ne vois pas où est le

problème. Son coach, à elle, à voir ses rondeurs, il ne doit pas souvent lui faire courir un 100

mètres.

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Benoit - Non, ce serait trop risqué ! Je dois représenter le symbole idéalisé du père de famille,

entouré de sa femme et des ses enfants…

Pauline - Je te rappelle que tu n’as qu’un fils et qu’il a plus de 30 ans !

Benoit - C’est une image ! J’ai un électorat ultra conservateur, très catholique, et je me dois

d’assister à la messe, chaque dimanche, avec mon épouse. Tu imagines la tête des culs-bénis

si je me pointais à l’église avec toi à mon bras. Je ne peux pas laisser s’insinuer l’idée de la

débauche dans l’esprit de mes partisans.

Pauline - J’apprécie ta délicatesse. C’est agréable de se faire traiter de débauchée.

Benoit - Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire, tu le sais très bien.

Pauline – C’est pourtant ce que tu as dit ! Et ta femme, tous les mecs qu’elle se tape, c’est

quoi ? une œuvre de charité pour culturistes en détresse ? Si je comprends bien, que tu aies

une maîtresse, ça fâcherait tes électeurs, alors que les gigolos qu’entretient ta femme, ils n’en

ont rien à cirer… C’est de la morale à deux balles, ça !

Benoit - Elle s’est beaucoup assagie, et puis, ce n’est pas un gigolo puisqu’il a des diplômes.

De toute façon, rien ne presse, ils sont en croisière en Méditerranée, elle ne rentre que dans

une semaine. Ça te laisse le temps de te retourner… et de trouver un petit nid douillet où, je te

le promets, j’irai te rejoindre pour de chaudes nuits coquines.

Pauline - Une semaine, quelle magnificence ! Mais c’est largement suffisant pour se

retourner… trop même ! Mais dis-moi, sans vouloir jouer les syndicalistes tatillons : je

croyais que c’était trois mois, un préavis.

Benoit – Exact, pour les salariés en CDI.

Pauline - Si j’avais été moins conne, je le serais. Comme ça les choses seraient claires et je

pourrais même t’attaquer aux Prudhommes pour licenciement abusif et réclamer des

indemnités. Ah mais j’oubliais, excuse-moi, je ne suis pas qualifiée, moi ! Une chose est sûre,

en tout cas, tu ne pourrais pas me renvoyer pour faute professionnelle. Ose dire que je n’ai pas

une bonne amante !

Benoit - Allons ! Allons ! Je trouve regrettable que tu le prennes comme ça !

Pauline - Et comment voudrais-tu que je le prenne ? Trois ans de bons et loyaux services et

hop ! d’un coup de baguette magique, retour à la case départ, de l’hôtel particulier à la

chambre de bonne… et sans anesthésie !

Benoit - Mais enfin, ce n’est que l’affaire de quelques mois… un an, un an et demi, tout au

plus.

Pauline - De toute façon, je n’ai pas le choix, hein ?

Benoit - Vu sous un certain angle...

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Pauline - Comme ça, tu seras obligé d’apprendre à faire ton café. Je vois mal la grosse te le

préparer chaque matin.

Benoit - Il y a des domestiques pour ça.

Pauline - Ah oui, c’est vrai, la grosse a besoin d’un grand de maison ! Avec moi, une femme

de ménage suffit.

Benoit – C’est pour t’éviter les tâches dégradantes.

Pauline - Tu oublies que ma mère faisait des ménages. Tout le monde n’a pas la chance d’être

né avec une cuiller en argent dans la bouche, comme la grosse !

Benoit - Arrête de l’appeler la grosse, elle a juste quelques rondeurs ! Tu vois comme tu es, tu

prends la mouche pour un oui ou pour un non ! Je ne voulais pas insulter la mémoire de ta

pauvre mère. Je voulais simplement dire…

Pauline - Bon, arrête tes balivernes. J’espère que tu vas faire jouer tes relations pour me

dégoter un chouette appart’. Je veux au moins un F3 et pas dans un quartier pourri, s’il te

plait.

Benoit - Sois raisonnable, tu te doutes bien que je ne peux pas !

Pauline - Comment ça, tu ne peux pas ?

Benoit - Imagine que la presse d’opposition apprenne que je cherche un appartement. Que

crois-tu qu’ils vont en penser ?

Pauline - Mais je n’en ai rien à foutre de ce que pense la presse !

Benoit - Eh bien, moi si, figure-toi ! Ce que tu peux être égoïste par moment.

Pauline - Attends ! Je m’assieds, tu me donnes le vertige. Et pour le loyer ?...

Benoit - Voyons, est-ce que, raisonnablement, je peux me permettre de laisser penser que

j’entretiens ma pou… ma maîtresse.

Pauline - Tu peux dire poule, au point où j’en suis… j’espère que tu n’allais pas dire

poufiasse, tout de même ?

Benoit – J’allais dire poupée, sûrement pas poufiasse !

Pauline – Hypocrite ! Enfin ! voilà qui est clair, j’ai une semaine pour faire mes bagages et

aller m’installer, à mes frais, n’importe où du moment que je ne fais pas d’ombre à ta

carrière ! Au fait, j’ai oublié de te demander… je peux emporter mes fringues ? Celles que tu

m’as achetées au cours de ces trois merveilleuses années de bonheur extraconjugal, parce que

les autres… c’est comme le studio, je les ai fourguées au Secours Catholique et, à moins de

repartir à poil, je ne vois pas très bien…

Benoit - Mais bien sûr, voyons, pour qui me prends-tu ?

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Pauline - Pour rien… enfin, je veux dire, je ne pensais à rien de particulier.

Benoit - Cependant… la petite broche que tu portes là… c’est un bijou de famille…

J’aimerais bien, si ça ne t’ennuie pas…

Elle, dégrafant la broche – C’est la moindre des choses, je ne voudrais pas priver ta famille

d’un si joli souvenir… Je suis heureuse que tu ne m’aies pas offert la petite culotte de ton

arrière-grand-mère. Ce serait très gênant pour moi de te la rendre maintenant… vu les

circonstances.

Benoit - Je vois que tu ne perds pas ton sens de l’humour et je m’en réjouis. Te voilà plus

raisonnable.

Pauline – Permets-moi de te dire que, dans ton genre, tu es un beau salop !

Samedi début d’après-midi Pauline finit d’installer une tente igloo au milieu de la pièce. Benoit entre et se fige en

découvrant la tente.

Benoit - Qu’est ce que c’est que ça ?

Pauline - Une tente !

Benoit- Je le vois bien ! D’où tu la sors ?

Pauline - Je l’ai achetée ce matin.

Benoit – Et que fiche-t-elle dans le salon ?

Pauline – J’apprends à la monter. Comme tu peux le constater, j’ai réussi !

Benoit – Tu n’as pas essayé de planter les sardines, j’espère.

Pauline – Non, rassure-toi !

Elle finit de monter la tente et s’installe devant, en tailleur. Elle prend une soucoupe et la tend

vers lui.

Pauline - S’il vous plait, monsieur, une pièce, une petite pièce, j’ai pas mangé depuis trois

jours. Je sais pas où dormir, mon homme m’a foutue à la porte et j’ai pas droit au RMI parce

que j’ai jamais travaillé. S’il vous plait, monsieur, ayez pitié de moi. Une petite pièce pour

manger.

Benoit - Très drôle ! Ça rime à quoi ?

Pauline - Je m’exerce pour mon futur métier. Tu sais ce qui serait drôle, c’est qu’un jour la

télévision vienne m’interviewer, ça se fait beaucoup d’interviewer les SDF, surtout en hiver.

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La tête qu’ils feront les journalistes quand je leur raconterai mon histoire ! Tu crois que ça

pourrait nuire à ton image de marque ? Parce que je ne voudrais pas te faire du tort, tu sais.

Benoit - A quoi tu joues, là ? Tu essaies de me culpabiliser ? Comme si ce n’était déjà pas

assez difficile pour moi !

Pauline - Mon pauvre chéri ! Loin de moi cette idée, voyons. Allez, rassure-toi, j’ai décidé de

chercher du travail !

Benoit - Du travail ! Tu ne sais rien faire !

Pauline – A qui la faute ? Je voulais m’inscrire à un cours par correspondance pour devenir

assistante maternelle, tu n’as pas voulu payer ! Eh bien, figure-toi que depuis quelque temps,

je m’exerce à taper sur ton vieil ordinateur. Je me débrouille très bien avec ce doigt-là ! (elle

montre l’index de sa main droite) J’essaierai l’autre demain. Tu sais qu’il y a un truc qui

corrige les fautes !

Benoit - Ne t’y fie pas trop …

Pauline – Ça en a quand même trouvé 22, sur la lettre que j’ai tapée. Pas mal, hein ?

Benoit - Et tu espères décrocher un emploi de dactylo confirmée avec ça ?

Pauline – Il me faudrait des références, bien sûr. Tu me dois bien ça !

Benoit - N’importe quoi ! On en reparlera. Bon, pour ton loyer, je te donnerai un coup de

main ! Te voilà rassurée ?... Tu as dîné ?

Pauline - Oui ! Je t’en ai laissé... De la tête de veau à la ravigote ! Elle est dans le frigo. Tu

sauras la réchauffer ?

Benoit - J’ai déjeuné au restaurant. Je te remercie.

Pauline - Pas de quoi, c’est encore toi qui paies. Donc, la tête de veau, elle est toute à toi. Tu

en fais ce que tu veux !

Benoit – Tu as prévu quelque chose pour demain ?

Pauline – Moi, rien, pourquoi ? Et toi ? Tu devrais aller à la messe ? Et l’après-midi, un bon

match de foot ! Ce serait bon pour ton image de marque. Pas un petit match de deuxième

division, bien sûr ! Maintenant, il te faut du grand, du beau, du clinquant… enfin surtout un

match où il y a la télé ! Sinon, ça ne vaut pas la peine de te geler les miches !

Benoit - Ton langage ! tu me déçois !

Pauline - Eh ! Que veux-tu, moi aussi, il faut que je prépare mon futur, parce que bientôt, fini

les beaux quartiers, finis les Fauchon, Hédiard, Chanel et tutti quanti. À moi le petit épicier

arabe du coin et les soldes chez Tati. Alors je réapprends la langue du peuple, celle que

comprennent mes futurs voisins. Ça m’évitera de me faire agresser un soir par une bande de

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jeunes qui pourraient penser que j’ai du fric dans mon sac parce que je cause comme une

bourgeoise.

Benoit - Tu noircis les choses à plaisir ! Et puis, je serai toujours là, tu le sais ! Si ça te fait

plaisir, je t’apporterai des fruits confits de chez Hédiard, ceux que tu aimes tant.

Pauline - Vraiment, tu feras ça ! Des fruits confits de chez Hédiard ! Mais tu me gâtes !

Benoit - Pourquoi dis-tu ça comme ça ?

Pauline - Comme ça ?

Benoit - Avec sarcasme !

Pauline - Je ne l’ai pas fait exprès, ça m’a échappé ! Bon ! tu as des nouvelles de la grosse ?...

de ta femme, je veux dire ? Elle n’a pas changé sa date de retour ? Des fois qu’il me faille

déguerpir plus tôt que prévu.

Benoit - Tu as commencé à chercher quelque chose ?

Elle, montrant un tas de journaux – Ouais !

Benoit - Alors ?

Pauline - Cher ! Très cher ! Trop cher ! Et ils veulent tous des garanties.

Benoit - Je t’aiderai, je te l’ai dit, je donnerai des ordres à ma banque pour que le montant de

ton loyer soit versé directement sur ton compte et je t’avancerai la caution.

Pauline - Oui, tu me l’as promis, mais voilà, les proprios, eux, ce qu’il leur faut, c’est des

fiches de paie, pas des promesses !

Benoit - Bon ! Je verrai ce que je peux faire.

Benoit, avisant des papiers découpés qui jonchent le sol devant la tente – Et ça, qu’est-ce que

c’est ?

Pauline - Des vignettes !

Benoit – Et tu comptes en faire quoi ?

Pauline - Les coller.

Benoit - Tu te lances dans l’art abstrait ?

Pauline - Non, je prépare mon après toi.

Benoit - En faisant des collages ?

Pauline - Fais le malin ! Rira bien qui rira le dernier ! J’ai décroché le jackpot, mon petit

monsieur !

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Benoit - Le jackpot ? Rien que ça ! Et c’est pour ça que tu te livres à cet exercice manuel. Et il

est de combien ce jackpot ?

Pauline - 900 000 euros ! Ça t’en bouche un coin, hein ?

Benoit - 900 000 euros, tu es sûre ? Fais-moi voir ça !

Elle lui tend une feuille imprimée qu’il lit.

Benoit - D’abord tu t’es trompée, ce n’est pas 900 000 euros, mais 9 000 euros !

Pauline - Comment ça, 9 000 euros ? un 9 suivi de cinq 0, ça fait bien 900 000. Je n’ai pas été

beaucoup à l’école, mais je sais compter !

Benoit - Ce serait exact, ce que tu dis, s’il n’y avait pas la virgule !

Pauline - La virgule ! Quelle virgule ?

Benoit - Celle qui se trouve entre les trois premiers 0 et les deux derniers ! Ce qu’on peut

traduire par 9 000 euros et, virgule, zéro centime !

Pauline - Ça peut vraiment faire ça, une virgule. T’es sûr ?

Benoit - Certain !

Pauline - Ouais, bon, ben ! Même 9 000 euros, c’est bon à prendre.

Benoit - Ma pauvre Pauline, tu es bien naïve ! Tu t’imagines vraiment que tu vas les toucher

tes 9 000 euros ?

Pauline - Et pourquoi je ne les toucherais pas ?

Benoit – Tout simplement parce que ces soi-disant loteries sont des arnaques.

Pauline - Pas du tout. Tiens, regarde, c’est écrit là, en toutes lettres : « Madame Pauline

Dujardin, c’est moi, tu es d’accord ?

Benoit - Jusque là, oui !

Pauline - Vous êtes absolument déclarée gagnante des 900… euh, 9 000 euros car vous êtes la

seule détentrice du N° personnel 031.517.499 » ! Et regarde là aussi : « contrôlé par

huissier » ! et encore là : « absolument indiscutable et définitif » ! Il suffit que je réponde très

vite en collant le timbre, c’est même précisé « celui-là et pas un autre sur votre acte financier

de réclamation pour encaisser sous 48h les… 9 000 euros ! » Et toc ! Qu’est-ce que tu as à

dire à ça ?

Benoit – Et c’est tout, tu gagnes 9 000 euros, sans autre forme de procès ?

Pauline – Je peux acheter des chocolats et des biscuits, mais ce n’est pas obligé. Tiens,

regarde, c’est écrit ici : « Sans obligation d’achat » ! Mais je suis quand même tenté par les

biscuits chocolatés, goût vanille.

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Benoit – Eh bien, voilà ! Tu l’as la raison de ce courrier : te faire acheter des biscuits

chocolatés, goût vanille !

Pauline – Tu es sûr… même avec ce qu’il y a d’écrit : « sans obligation d’achat ».

Benoit – Comment crois-tu que réagissent les gens ? Ils se disent que s’ils achètent des

biscuits chocolatés, goût vanille, leurs chances de gagner seront démultipliées. Et toi, qu’en

penses-tu ?

Pauline – Mais puisque je suis absolument déclarée gagnante ! Que j’en achète ou pas, ça

change rien.

Benoit – As-tu bien tout lu ? Même ce qui est écrit tout petit ? (Il pointe du doigt le bas de la

page du formulaire.) Ça, par exemple, tu l’as lu ?

Pauline – Tu veux que je m’abime les yeux ? Pourquoi j’irais lire ça ? Si c’est écrit tout petit,

c’est que ça n’a qu’une toute petite importance !

Benoit – Allons, suis mon conseil : fous tout ça à la poubelle !

Pauline – Pourtant…

Benoit – Si tu te tenais un peu au courant, tu saurais que ces soi-disant loteries sont des

moyens détournés d’attraper des gogos dans ton genre.

Pauline – Tu es sûr ?

Benoit – Certain !

Pauline – Qu’est-ce que je risque ?

Benoit – Après tout, si tu as du temps à perdre. C’est ton problème.

Pauline - De toute façon, je n’ai pas de colle !

Benoit – J’en ai, si tu veux !

Pauline – Non ! Je te remercie, je dois apprendre à me débrouiller seule ! Et puis, tiens,

regarde, je suis ton conseil ! (Elle jette les formulaires dans la corbeille.)

Dimanche soir Pauline est assise devant sa tente et lit en prenant des notes dans un carnet posé à côté d’elle.

Benoit entre.

Benoit - Tu n’es pas encore couchée ?

Pauline - Mmm mmm !

Benoit - Tu lis ?

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Pauline - Mmm mmm !

Benoit - Qu’est-ce que tu lis ?

Elle montre la couverture du livre.

Lui, lisant – « Suicide, mode d’emploi ». Quelle drôle d’idée ! Tu veux te suicider ?

Elle, secouant vivement la tête en signe de dénégation - – Mmm mmm !

Benoit - Alors ?

Pauline - Je m’instruis !

Benoit - Ah bon ! Et ça te servira à quoi ?

Pauline - Pour le moment, je n’en sais rien, mais le jour où je saurai, tu seras le premier

informé, c’est promis.

Benoit - N’est-ce pas un peu abscons comme lecture ?

Pauline - Abscons ?...

Benoit - Oui, sombre, impénétrable…

Pauline - Ah oui ! C’est pour ça que je prends des notes !

Benoit - Je vois ! Mais tu aurais pu commencer par des choses plus, enfin moins… je ne sais

pas, moi : « La Chartreuse de Parme » ou « Le rouge et le noir » par exemple, « Nana », « Les

trois mousquetaires »… (Elle le regarde sans rien dire.) « Les malheurs de Sophie »…

Pauline – Arrête de me prendre pour une débile. Tu crois que je n’ai rien lu de tout ça, sans

doute ! Détrompe-toi. Ça, c’est autre chose, ce n’est pas de la fiction… Mais on est là à

bavarder alors que tu dois avoir faim ? J’ai fait du potage, si tu veux, je peux te le réchauffer.

Poireaux, pommes-de-terre.

Benoit - Tu es gentille, mais non ! Je vais juste grignoter un petit bout de fromage et aller me

coucher.

Pauline - Tu as tort, les laitages, c’est mauvais avant de se coucher. Alors qu’un bon potage,

ça aide à mieux dormir. J’ai lu ça dans un magazine.

Benoit - Oui, mais non, sans façon.

Pauline - Comme tu voudras. C’est dommage, je l’avais fait surtout pour toi ! Mais je

n’insiste pas ! Enfin, si tu changes d’avis, il est encore sur la gazinière. Bye-bye !

Benoit - Oui, c’est ça : bye-bye ! Et ne veille pas trop tard.

Pauline - Je finis mon chapitre et je me couche. Tu veux que je te monte une camomille ?

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Benoit - Non, merci, ça ira ! Je n’en aurai sûrement pas besoin, je suis mort de fatigue. (Il

baille.) D’ailleurs, tu vois, je baille déjà. Je suis sûr que je me serai endormi avant que tu

termines ton chapitre.

Pauline - Ah au fait ! j’allais oublier. Ta femme a téléphoné, elle n’arrivait pas à te joindre à

ton bureau, alors elle a appelé ici, à tout hasard… Enfin, c’est ce qu’elle m’a dit.

Benoit - C’est surprenant, je n’ai pratiquement pas bougé de la journée… Qu’est-ce qu’elle

voulait ?

Pauline - Rien… enfin, elle a juste dit qu’elle te rappellerait demain. Très aimable, d’ailleurs !

A mon avis, elle voulait surtout savoir si j’étais encore là ! Ah oui, elle a aussi dit qu’ils

faisaient escale à Athènes et que c’est pour ça qu’elle en profitait pour téléphoner. Ils n’ont

pas le téléphone sur son yacht ?

Benoit - Si, bien sûr, mais les liaisons en mer ne sont pas toujours faciles… Bon ! Bonne

nuit ! Ah ! Tiens, j’allais oublier, je t’ai apporté des chocolats.

Pauline – Ah ! C’est trop bête, j’ai décidé de me mettre au régime. Merci quand même !

Il pose la boite à côté de Pauline puis sort. Pauline se replonge dans sa lecture, toujours en

prenant des notes. Au bout d’un moment elle regarde la boite de chocolats et regarde à

l’intérieur.

Pauline – Ah ! Si je m’écoutais ! Allez ! Je m’écoute ! (elle plonge la main dans la boite.)

Lundi matin Pauline sort de sa tente en baillant. Elle est vêtue d’un pyjama. Elle s’étire, fait quelques

mouvements d’assouplissement. Elle sort par la porte menant au vestibule, revient peu après,

tenant un journal à la main puis ressort vers la cuisine. Entre Benoit, il est vêtu d’un pyjama

et d’une veste d’intérieur. Il regarde la tente en soupirant, sort par la porte du vestibule,

revient peu après, regarde un peu partout dans le salon, dans la tente puis repart vers sa

chambre. Pauline revient, portant une tasse de café et le journal, elle s’installe en tailleur

devant sa tente puis, tout en buvant son café, elle ouvre le journal. Son regard s’attarde sur

un article, elle rentre sous la tente, en ressort avec son sac, fouille dedans et en sort un

bulletin de loto qu’elle compare au journal. Au bout d’un moment, elle se fige, songeuse,

remet le bulletin dans son sac, le sac dans la tente. Puis elle jette le journal sur la table basse,

entre dans la tente. A cet instant, entre Etienne, il tient une serviette autour de ses reins. Il va

à un meuble, ouvre un tiroir dans lequel il fouille. De la tente on entend un grand cri. Etienne

sursaute et pousse un cri à son tour en découvrant la tente, il s’apprête à sortir

précipitamment. Pauline sort et voyant Etienne, elle crie.

Pauline – Hauts les mains !

Etienne lève les bras. La serviette pend dans sa main droite.

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Pauline – Tournez-vous lentement et gardez les mains en l’air.

Etienne – Vous êtes sûre que c’est ce que vous voulez ? (il agite la serviette.)

Pauline – Bon ! D’accord, vous pouvez baisser un bras

Etienne – Lequel ?

Pauline – Très drôle ! Attention ! au moindre geste déplacé, je fais feu. Et… euh… fermez les

yeux.

Etienne, se retournant, les yeux fermés, tenant pudiquement la serviette devant son bas-

ventre, il a une cigarette plantée dans la bouche – Pourquoi ? Vous ne voulez pas que je voie

que vous n’avez pas d’arme ?

Pauline, déconcertée – Comment vous savez ?

Etienne – Je ne sais pas… une intuition, sans doute ! (Il ouvre les yeux.) Gagné !

Pauline - Attention ! Si vous faites un pas, je crie !

Etienne – Promis, je ne bouge pas.

Pauline – Vous pouvez baisser la main !

Etienne – Laquelle ? (Ricanement de Pauline.) Bon d’accord ! Alors c’est vous qui campez

ici ? Je peux savoir pourquoi ?

Pauline – C’est à moi de poser des questions : comment êtes-vous entré, qui êtes-vous et que

faites-vous là ?

Etienne – Dans l’ordre : par la porte, avec une clé, je m’appelle Etienne et je cherche du feu,

vous n’en auriez pas ?

Pauline – Je ne fume pas… Etienne comment ?

Etienne – Etienne Duparc.

Pauline – Oh ! Mais alors vous êtes le fils de… du…

Etienne – Du proprio ! Maintenant, à mon tour de m’enquérir de votre identité et pourquoi

vous dormez dans une tente dans le salon ?

Pauline – Je suis la secrétaire particulière de monsieur votre père et, avec les élections qui

approchent, monsieur préfère m’avoir sous la main vingt-quatre heures sur vingt-quatre !

Etienne – Et c’est pour ça que vous campez dans le salon !

Pauline – Voilà !

Etienne – Alors qu’il doit y avoir une dizaine de chambres inoccupées dans la maison ! Et

c’est quoi votre petit nom ?

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Pauline – Pauline. Je suis un peu sauvage, je préfère camper ! Je me sens plus chez moi…

Etienne – Bien sûr, bien sûr ! Ça fait quand même un peu désordre, vous ne trouvez pas ?

Dites-moi, Pauline, vous faites votre cuisine sur un réchaud ? Et pour vos… ablutions ?

Pauline – Oh ! Ne soyez pas inquiet, j’ai accès à la salle de bains et à la cuisine. Dites, ça ne

vous dérangerait pas de vous habiller. Je trouve la situation un peu gênante.

Etienne – D’accord ! (il sort à reculons.)

Pauline entre sous la tente, les deux pièces de son pyjama volent à travers la pièce et en

quelques secondes, elle ressort, vêtue de pied en cap. Dans le même temps, Etienne revient,

vêtu d’un T-shirt et d’un jean délavé et râpé.

Etienne – Nous voilà plus présentables… Quoique… vous étiez délicieuse dans ce pyjama !

(Il ramasse le pantalon et la veste qu’il fait passer délicatement devant son visage en

humant.)

Pauline – Donnez-moi ça ! Pervers !

Etienne – Pardonnez-moi, j’ai quelque peu perdu les bonnes manières en Amazonie. Là-bas,

tout est un peu plus… primitif, dirons-nous.

Pauline – Ah oui, c’est vrai ! Vous étiez en Afrique !

Etienne – En Amérique du Sud, plutôt !

Pauline – Ah ! Votre père dit toujours en Afrique, mais vous savez mieux que lui, hein ? Et

alors, c’est comment ?

Etienne – Sauvage !

Pauline – Et vous faisiez quoi, là-bas ?

Etienne – Tout d’abord, des études ethnologiques… puis je suis tombé gravement malade, j’ai

été soigné par une tribu. Une fois guéri, j’étais encore très faible, je suis resté pour me

retaper… et le temps a passé, ils m’ont adopté et j’ai décidé de rester.

Pauline – Ah oui, Be… sieur m’en a vaguement parlé. Vous aviez fait transmettre un message

par l’ambassade de France, si je me souviens bien.

Etienne – Vous avez pris froid ?

Pauline – Non, pourquoi ?

Etienne – Vous avez dit « beussieur » !

Pauline – Oui, c’est vrai, je suis un peu enrubée, les nuits sont fraiches sous la tente !... Et

donc, vous voilà de retour !

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Etienne – Oui, pour quelque temps, sans doute ! Pas mal de boulot m’attend ici. Si on ne fait

rien, certaines tribus d’Amazonie sont promises à l’extinction à cause de la déforestation alors

je suis venu pour alerter l’opinion publique, récolter des fonds et essayer d’impliquer les

politiques pour qu’ils fassent pression sur le gouvernement brésilien. C’est là que je compte

un peu sur mon père. Il est toujours en politique ?

Pauline – Plus que jamais, vous voulez dire ! Vous n’avez donc pas vu les informations ces

derniers temps ?

Etienne – Vous savez, dans la forêt amazonienne !

Pauline, prenant un journal sur une table basse – Tenez, regardez !

Etienne, après avoir jeté un coup d’œil à la première page – Non ! Il se présente ! Depuis le

temps qu’il en parlait, ça devait bien arriver un jour ! C’est ma belle-mère qui doit être

contente.

Pauline – Ah ! Vous n’êtes pas le fils de… Excusez-moi, je m’égare. Ça ne me regarde pas.

Etienne – Je n’en fais pas un mystère. Mes parents ont divorcé quand j’étais gamin.

Pauline – Pour en revenir à votre belle-mère, nous ne savons pas encore ce qu’elle en pense !

Madame est en croisière sur son yacht, avec son coach sportif. Elle ne devrait pas tarder à

rentrer. Aux dernières nouvelles que nous avons eues, elle est en Grèce !

Etienne – Ça ne m’étonne pas d’elle. Mais en ce moment, avec ça (il tape le journal.) ça

m’étonne un peu.

Pauline – Disons qu’elle est partie depuis pas mal de temps, déjà… Et la candidature de votre

père est relativement récente. Ceci explique cela ! Mais soyez assuré qu’elle rapplique en

quatrième vitesse galop depuis qu’elle a appris la nouvelle. Je suis bien placée pour le savoir.

Etienne - Papa, candidat, je n’en reviens pas ! En tout cas, ça tombe bien pour ma requête…

s’il est élu !

Pauline – Oui ! Ben, pour le moment, évitez de lui parler de vos sauvages. Il a d’autres chats à

fouetter !

Etienne – Hé ! Ce ne sont pas des sauvages ! Si vous les connaissiez… mais vous avez sans

doute raison. J’attendrai un peu pour aborder le sujet.

Pauline – Ce sera plus raisonnable.

Etienne - Ça fait longtemps que vous travaillez pour mon père ? Sa dernière secrétaire était un

cerbère, courte sur pattes, qui me collait ses gros seins sur le ventre et me dardait de ses yeux

globuleux chaque fois que j’essayais de voir le paternel. Il a eu le bon goût de la virer ?

Pauline – Mademoiselle Lebouc ? Non, il l’a toujours… Disons que moi, je suis encore plus

particulière qu’elle !

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Etienne – Ah ! Je vois !

Pauline – Vous voyez quoi ?

Etienne – Jolie comme vous l’êtes, mon père doit avoir du mal à rester sage.

Pauline – Votre père voit la professionnelle en moi, pas la femme !

Etienne – Moi, à sa place… Si j’osais, j’aimerais bien qu’on aille ensemble prendre un café

quelque part (Pauline le regarde sans rien dire) … ou un thé ? (même jeu de Pauline), ou une

orange pressée ?... Ou séparément !

Pauline – Non, non, ça me va, mais je préfère les boissons plus fortes. En attendant, j’imagine

que vous n’avez rien pris ce matin. Vous voulez que je vous prépare quelque chose ?

Etienne – Vous avez raison, mais pas question que je vous laisse faire seule, je vous

accompagne.

Pauline – Vous auriez du mal à m’aider, j’ai planqué le café ! Mais venez quand même, vous

me raconterez l’Amazonie et tout ça.

Ils sortent.

Lundi matin (suite) Benoit revient. Il regarde la tente, soupire et donne un coup de pied dedans.

Benoit – Ah ! Les femmes ! Toujours à compliquer les choses ! Bon ! Il va quand même

falloir qu’elle m’enlève son bordel. Restons calme, restons calme. (Il ramasse le journal et

commence à le feuilleter en poussant des petits grognements de satisfaction ou de

désapprobation selon ce qu’il lit. Soudain, son regard s’arrête sur un article, il relève les

yeux, réfléchit un instant, relit l’article et se lève.)

Benoit – Nom de Dieu de nom de Dieu ! Putain de putain : Il va falloir la jouer fine ! (Il lève

le nez et renifle.) Ça sent le café ma parole ! Ah, la garce ! Pauline ! Pauline ! Mon sucre

d’orge ! Où te caches-tu ? (Forçant le ton) Pauline !

Pauline et Etienne reviennent, une tasse de café à la main.

Benoit – Qu’est-ce… ? qui est…

Pauline – Ah ! Monsieur Duparc, vous êtes réveillé. Vous prendrez bien une tasse de café,

monsieur avant que nous ouvrions le courrier et que vous me dictiez le vôtre !

Benoit – Que je… Qui est ce monsieur ?

Etienne – Papa ! Enfin ! c’est moi ! Ouais, je sais, j’ai un peu changé, côté pilosité surtout,

mais quand même pas à ce point !

Benoit – Etienne ! Tu n’es donc plus chez tes Zoulous ?

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Etienne – Les Awa, papa ! Les Zoulous vivent en Afrique et moi, j’étais en Amérique du

Sud !

Benoit – Zoulous, Awa, pour moi, tout ça, c’est du pareil au même ! Alors, comme ça, tu t’es

décidé à revenir à la vie civilisée ! Tu vas rester quelque temps où tu es juste venu en

touriste ?

Etienne – Ça dépend ! Disons que je risque d’être là pendant quelques semaines, voire

quelques mois. D’ailleurs, il va falloir que je te parle de...

Pauline, l’interrompant – Votre fils a des choses passionnantes à raconter sur les Indiens, sur

la faune aussi, et sur les animaux. Ça a l’air si exotique ! Ah ! Il faut que je vous dise aussi :

comme il était surpris de voir ma tente installée dans votre salon. Je lui ai expliqué que c’est à

cause de votre campagne…

Benoit – Ma campagne ? il n’est pas question d’aller y faire du camping !

Pauline – Non, votre campagne pour les élections.

Benoit – Ah ! Ma campagne !

Pauline – Voilà ! Et que vous aviez souvent besoin de moi et c’est pour ça que je me suis

installée à demeure, avec mon petit chez-moi à moi !…

Benoit – Votre petit chez-vous à vous ? Ah ! La tente ! Oui, bien sûr ! Dis moi, mon petit

Etienne, ta barbe et tes cheveux, tu comptes les garder comme ça ? Je ne sais pas si… comme

ma secrétaire te l’a dit, je suis en campagne et j’aimerais montrer de ma famille une image…

disons, conventionnelle.

Pauline – Oui, votre père a raison. Vous savez, avec femme et enfants, sur les marchés avec

les commerçants, à la messe avec les fidèles, dans les usines avec les ouvriers, dans les

vestiaires avec les footballeurs. Alors, si vous devez l’accompagner… vous n’avez pas le bon

look. Vous faites même un peu penser au Che ! Pensez à la presse.

Etienne – Croyez-moi, Pauline – vous permettez que je vous appelle Pauline ?

Pauline – Bien sûr !

Etienne – Je disais donc, croyez-moi, chère Pauline, je ne pense pas que mon père souhaite

que je l’accompagne sur le terrain. Nous n’avons pas les mêmes opinions et quelques écarts

de langage de ma part pourraient lui faire perdre pas mal d’électeurs de son bord ! Sans pour

autant lui gagner la sympathie de ceux du camp adverse !

Pauline – Ah ! Vous n’avez pas les mêmes idéaux politiques que votre papa ? Vous m’en

voyez navrée ! Votre père fait preuve d’un altruisme qui vous surprendrait ! Comme vous, il

s’intéresse aux plus démunis. Il faut le voir serrer des mains pas toujours très propres, tel

Jésus lavant les pieds de ses disciples.

Etienne – L’image n’est-elle pas un peu osée ?

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Benoit – D’où sortez-vous tout ça ?

Pauline – De mes lectures, monsieur. Il faut vous dire, Etienne –vous permettez que je vous

appelle Etienne ? (signe d’assentiment d’Etienne) – que votre père m’a toujours considérée

comme une blonde ! Il n’imagine pas tout ce que j’enregistre à son contact. Chaque jour est

pour moi une page d’encyclopédie du savoir ! On dit souvent que les hommes politiques

tyrannisent leurs employés ! Eh bien, votre père n’est pas du tout comme ça ! J’en tiens pour

exemple cette proposition qu’il m’a faite, pas plus tard qu’hier, de m’attacher au service

exclusif de sa femme.

Benoit – Mais je n’ai jamais… il faut d’abord que je vois ça avec elle.

Etienne – Pour faire quoi ?

Pauline – Votre belle-mère veut écrire ses mémoires et il m’a dit que je serais, comment dire,

sa coach littéraire !

Benoit – Oui ! Bon ! Enfin… ce n’est pas encore sûr ! Il faut l’assentiment d’Anne.

Etienne – Elle veut écrire ses mémoires ?

Pauline – Oui ! Les mémoires d’une Anne !

Etienne éclate de rire.

Benoit – Tu te trouves spirituelle ?

Pauline – Non ! Mais ça fait rire votre fils !

TEXTE NON COMPLET environ 75% (24 pages sur 32) Déclaration SACD Pour me contacter : [email protected]