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Document generated on 09/13/2018 5:53 a.m. Cinémas La femme et le type : le stéréotype comme vecteur narratif dans le cinéma des attractions Pierre Chemartin and Nicolas Dulac Femmes et cinéma muet : nouvelles problématiques, nouvelles méthodologies Volume 16, Number 1, Fall 2005 URI: id.erudit.org/iderudit/013054ar DOI: 10.7202/013054ar See table of contents Publisher(s) Cinémas ISSN 1181-6945 (print) 1705-6500 (digital) Explore this journal Cite this article Chemartin, P. & Dulac, N. (2005). La femme et le type : le stéréotype comme vecteur narratif dans le cinéma des attractions. Cinémas, 16(1), 139–161. doi:10.7202/013054ar Article abstract Early cinema routinely made use of stereotypes. In particular, the representation of women depended upon this tradition, with female figures regularly coded as recognizable types. Even though these stereotypes attest to a certain patriarchal vision within the new institution, they also employ common knowledge in the service of a minimal and cognitively induced narrativity. Highly monstrative, stereotypes also function as narrative vectors or “short cuts.” For this very reason they took on an important role in the development of the “cinema of attractions,” which occurred within the scope of many institutions of popular entertainment. This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. [https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/] This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. www.erudit.org Tous droits réservés © Cinémas, 2006

La femme et le type : le stéréotype comme vecteur … · cela le simple résultat de «contraintes» techniques, comme le ... narratives du cinéma des premiers temps, le concept

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Cinémas

La femme et le type : le stéréotype comme vecteurnarratif dans le cinéma des attractions

Pierre Chemartin and Nicolas Dulac

Femmes et cinéma muet : nouvellesproblématiques, nouvelles méthodologiesVolume 16, Number 1, Fall 2005

URI: id.erudit.org/iderudit/013054arDOI: 10.7202/013054ar

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Publisher(s)

Cinémas

ISSN 1181-6945 (print)

1705-6500 (digital)

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Cite this article

Chemartin, P. & Dulac, N. (2005). La femme et le type : lestéréotype comme vecteur narratif dans le cinéma desattractions. Cinémas, 16(1), 139–161. doi:10.7202/013054ar

Article abstract

Early cinema routinely made use of stereotypes. In particular,the representation of women depended upon this tradition,with female figures regularly coded as recognizable types.Even though these stereotypes attest to a certain patriarchalvision within the new institution, they also employ commonknowledge in the service of a minimal and cognitively inducednarrativity. Highly monstrative, stereotypes also function asnarrative vectors or “short cuts.” For this very reason they tookon an important role in the development of the “cinema ofattractions,” which occurred within the scope of manyinstitutions of popular entertainment.

This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (includingreproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online.[https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/]

This article is disseminated and preserved by Érudit.

Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal,Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promoteand disseminate research. www.erudit.org

Tous droits réservés © Cinémas, 2006

La femme et le type : le stéréotypecomme vecteur narratif

dans le cinéma des attractions

Pierre Chemartin et Nicolas Dulac

RÉSUMÉLe cinéma des premiers temps avait largement recoursaux stéréotypes, comme en témoigne l’abondance, ausein des vues animées, de figures féminines figées etsimplistes. Plutôt que de l’appréhender seulementcomme reflet d’une subjectivité, ainsi que le proposel’approche féministe traditionnelle, le stéréotype méri-terait également d’être abordé en termes d’efficacité,dans la mesure où il permet d’utiliser un savoir com-mun au service d’une narrativité minimale. Foncière-ment monstratifs, les stéréotypes n’en agissent pasmoins à la façon de « vecteurs narratifs ». En cela, ilsconstituent l’une des matières premières du régime desattractions, inscrivant par-là même les vues animéesdans la tradition des institutions de divertissementpopulaire.

ABSTRACTEarly cinema routinely made use of stereotypes. In par-ticular, the representation of women depended uponthis tradition, with female figures regularly coded asrecognizable types. Even though these stereotypes attestto a certain patriarchal vision within the new institu-tion, they also employ common knowledge in the ser-vice of a minimal and cognitively induced narrativity.Highly monstrative, stereotypes also function as narra-tive vectors or “short cuts.” For this very reason theytook on an important role in the development of the“cinema of attractions,” which occurred within thescope of many institutions of popular entertainment.

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Dans un catalogue Pathé de 1901, on peut lire, sous larubrique « Scènes comiques », la description suivante : « Le vieuxbeau, qui se croit en train de dîner avec une demi-mondaine, seréveille dans les bras de son épouse. » Certains auront reconnu lavue de Ferdinand Zecca, Rêve et réalité, remake pratiquementidentique du film Let Me Dream Again, réalisé par G. A. Smithl’année précédente. Ce synopsis, aussi concis soit-il, ne sauraitdécrire plus efficacement la vue. En fait, cette phrase ne décritpas tant l’action du film qu’elle n’évoque à notre esprit unecertaine « conjoncture » matrimoniale. Les personnages étantprésentés à l’aide d’expressions génériques — le « vieux beau », la« demi-mondaine », l’« épouse » —, ne sommes-nous pas amenésà en inférer, presque instinctivement, une situation de couplemille fois réactualisée ? On imagine bien la scène : un couplevieillissant, le désir qui s’émousse, un mari aux prises avec ledémon de midi, qui rêve d’aventures et de liberté. Par ailleurs,sans même avoir vu le film, on se représente facilement lespersonnages : un homme d’un certain âge, richement vêtu, hardidans ses manières, et une jeune femme aux mœurs légères,aguichante à souhait. Puisqu’il s’agit d’une scène comique, il vade soi que l’épouse devra contraster avec la courtisane : on se lafigurera bien évidemment laide, réfrigérante et vilainementhabillée.

Destinés aux « exhibiteurs » et rédigés à des fins promo-tionnelles, les résumés contenus dans les catalogues sont censéstraduire en peu de mots le contenu des vues. Cette descriptionde Rêve et réalité ne déroge pas à la règle. Elle évoque, parailleurs, un procédé récurrent dans le cinéma des débuts, enl’occurrence une utilisation presque instinctive de figureshautement stéréotypées en guise de personnages. Un échantillonlimité de vues animées produites avant 1910 suffit à montrerque les « cinématographistes » de l’époque accordaient peud’importance à l’élaboration psychologique et à l’approfon-dissement des traits de personnalité, et qu’ils préféraient mettreen scène des personnages « prédéfinis », aisément identifiables.On peut voir dans cette caractéristique du cinéma des premierstemps le corollaire de ce que Noël Burch (1990, p. 190) appellel’« absence de persona classique », un trait fondamental du

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cinéma dit « primitif », qui découlerait principalement du jeumuet des acteurs et de l’éloignement de la caméra. Contraints àla simple extériorité, à « l’écriture de gestes », les personnagesseraient ainsi vidés de leur « présence humaine » et devraient parconséquent mettre une croix sur toute velléité d’appro-fondissement psychologique. S’il est indéniable que le cinémades premiers temps a une manière souvent fort simplificatrice dedépeindre ses personnages, il ne faudrait pourtant pas voir encela le simple résultat de « contraintes » techniques, comme lelaisse croire Burch. Au-delà des limitations du dispositif, ilsemble que le recours quasi systématique aux figures stéréo-typales réponde avant tout à un souci d’efficacité, méthode quifait par ailleurs écho à certaines stratégies déployées par lesdifférentes institutions de divertissement au sein desquelles aémergé le cinéma 1.

L’approche cognitiviste du stéréotype et la théorie féministeÀ plusieurs égards, la représentation de la femme apparaît

comme un terrain d’investigation propice afin d’approfondir lanotion de stéréotype dans le cinéma des premiers temps. Unsimple coup d’œil aux catalogues de vente des diverses compa-gnies de l’époque suggère d’emblée la présence massive, dans lesvues animées, de figures féminines stéréotypées. S’il s’avère fortpertinent pour l’étude des dimensions iconographiques etnarratives du cinéma des premiers temps, le concept de stéréo-type est toutefois encore l’objet de nombreux débats, quirendent d’autant plus délicate son application théorique.

Cela n’a pourtant pas empêché l’étude du stéréotype deconnaître, depuis les années 1930, un essor important dans denombreuses disciplines, comme la psychanalyse, la sociologie etles études littéraires 2. On doit entre autres cet essor théorique aujournaliste Walter Lippman qui, en 1922, allait jeter sans lesavoir les bases de l’approche cognitiviste du stéréotype avec unouvrage intitulé Public Opinion. Dans le premier chapitre de sonétude, « The World Outside and Pictures in Our Heads »,Lippman (1997, p. 3-20) qualifiait les stéréotypes, précisément,d’« images dans nos têtes », expression promise à un bel avenir etqui allait devenir le point de départ d’une foule de réflexions sur

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le sujet (voir Ashmore et Del Boca 1981, p. 2). Contrairementaux tenants des approches socioculturelles ou psychodynamiques(voir Ashmore et Del Boca 1981), les cognitivistes n’envisagentplus le stéréotype de façon nécessairement péjorative, commeétant simplificateur ou figé (Amossy 1991, p. 50). Le recours auxstéréotypes relèverait plutôt d’une structure cognitivefondamentale, nous permettant de saisir l’information complexevenant de notre environnement et de la simplifier, afin dedonner un sens au monde qui nous entoure. Ainsi, le stéréotypene différerait pas des nombreuses constructions mentalesfaçonnées par la collectivité et auxquelles a recours tout individu.En procédant par catégorisation, inférence, anticipation, unetelle opération cognitive apparaît dès lors comme efficace etfonctionnelle. La façon dont ces schèmes cognitifs modèlent noscomportements peut bien évidemment donner lieu à la forma-tion de préjugés socialement nocifs. Il n’en demeure pas moins,cependant, qu’avant d’être des outils de simplification idéo-logique ou morale, les stéréotypes permettent d’établir un savoircommun au sein d’une même population, comme en témoigneleur utilisation récurrente dans la plupart des productionsculturelles propres à un lieu et à une époque.

La prise de conscience du stéréotype, que Ruth Amossy (1991,p. 21-48) situe dans la deuxième moitié du XIXe siècle, coïncided’ailleurs avec l’émergence d’une culture médiatique de masse, àlaquelle participera sous peu le cinéma. Plusieurs manifestationsde la culture populaire, telles que le vaudeville, la presse àsensation et le comic strip, misaient déjà, à cette époque, sur uneutilisation récurrente de stéréotypes de tout acabit (liés à l’âge, àla profession, à la nationalité, au statut social, etc.), cherchantainsi à maximiser leur portée et à faciliter leur interprétation. Lanouveauté du cinéma, son insertion immédiate dans la sphèrepopulaire ainsi que les limites imposées par son dispositif vontl’amener, au tournant du XXe siècle, à faire usage, tout aussispontanément, de figures stéréotypales. Tout individu qui se voitreprésenté dans les premières vues animées — que ce soit unefemme, un homme, un étranger, etc. — sera presque toujoursl’objet d’une catégorisation, d’une schématisation ostensible, quipeut parfois décontenancer le spectateur d’aujourd’hui.

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Cette simplification outrée des personnages, qui caractériseune bonne part du cinéma muet, a, conséquemment, ouvert lavoie à des considérations d’ordre historique, socioculturel oupsychanalytique. Naturellement, les premières théories fémi-nistes se sont rapidement penchées sur cette dimensionstéréotypale du cinéma, comme en témoignent les ouvragesprécurseurs de Molly Haskell (1987) et de Marjorie Rosen(1973). Leurs travaux respectifs cherchaient à montrer com-ment, dès l’époque du muet, le cinéma a fétichisé et objectivé lafemme en lui attribuant des rôles prédéfinis, en la dépeignant enfonction de types figés tels que la mère dévouée, la femme fatale,la pucelle ingénue, etc. En se penchant d’abord sur la représen-tation de la femme au sein du texte filmique, la théorie fémi-niste qui a pris forme dans les années 1970 levait le voile sur uncinéma modelé en fonction de rôles sexuels hautement typés, etrévélait du même coup ses structures idéologiques profondes.Cette approche, qui se situe au croisement de la théorie dudispositif, de la sémiologie et de la psychanalyse, montrait enquoi le cinéma, surtout celui issu des studios hollywoodiens,était façonné par un regard résolument masculin, un regard« fétichisant », où la femme, contrainte à la passivité, étaitdépeinte en tant qu’objet sexuel. Le cinéma des premiers tempss’est également présenté comme un objet propice à l’étude deces procédés fondamentaux qui seront sous peu en usage dans lecinéma classique. Lucy Fisher, par exemple, passait au criblepsychanalytique les films de Georges Méliès et les films à trucsen général, pour dégager l’« hostilité rampante à l’égard du sujetféminin » qui traverse les productions des premiers temps, maisaussi le cinéma en général (Fisher 1979).

Au courant des années 1980, cette vision a progressivementfait place à de nouvelles approches, davantage ancrées dans laréalité socioculturelle et l’espace de consommation du film.S’éloignant du principe premier voulant que les films proposentun regard résolument patriarcal et phallocentrique (vision dontfont notamment état les travaux de Laura Mulvey 3), ce nouveauregard féministe sur le cinéma ne se portait pas tant sur le texteque sur la relation du texte en question avec l’institution et lecontexte culturel qui lui donnaient forme. Les recherches

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d’Annette Kuhn et, plus tard, de Miriam Hansen, AnneFriedberg, Giuliana Bruno ou Lauren Rabinovitz, par exemple,ne s’inscrivent plus dans un cadre politique ou idéologiqueprédéfini, mais cherchent à examiner la place qu’occupaientvéritablement les femmes en tant que spectatrices dans l’espaced’exhibition, et à dégager la façon dont les films étaientinterprétés par celles-ci 4. La théorie du dispositif et la psycha-nalyse, qui ont inspiré les premières études féministes, faisaientétat d’un sujet-spectateur théorique unitaire, nécessairementmasculin, à la fois modelé par le texte et porteur des mêmesidéologies que ce dernier. Or, ce lien entre la sphère de produc-tion et la sphère de consommation est plus complexe qu’il n’yparaît. Patrice Petro (1994, p. 12-13) fait pertinemmentremarquer que les écrits de Haskell et Rosen, pour lesquels lefilm reflète forcément une certaine image sociale de la femme,établissent de manière téléologique un rapport simplificateurentre texte et contexte. De nombreuses recherches portant sur lespectatorat féminin au temps du muet ont par ailleurs abondédans ce sens, et ont démontré que l’on peut difficilement appré-hender les modes de consommation filmique à l’aune d’unecollectivité sociale rigide et uniforme, que la sphère specta-torielle est à la fois complexe, mouvante et hétérogène.Catherine Russell (2002), qui s’interroge dans un article récentsur la nature plurielle du spectatorat, remet en doute l’existencemême, au sein des sites de consommation du film, de cetteposture spectatorielle transcendante préconisée par le cinémaclassique 5.

La perspective développée ici, qui s’inspire, du moins dans sesprémisses, de l’approche cognitiviste, se présente comme uncompromis entre une analyse textuelle et une analyse specta-torielle. En effet, il s’agit de voir en quoi le stéréotype, autantdans sa dimension visuelle que dans son potentiel narratif,sollicite un savoir collectif et propose, dans le cinéma des pre-miers temps, une clé d’interprétation préalable et cognitivementsignifiante, une zone d’inférence sous-jacente à l’acte deconsommation filmique nonobstant l’hétérogénéité de la sphèrespectatorielle. Le stéréotype fait donc appel à un bagagesocioculturel partagé par la très grande majorité des spectateurs

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et agit en tant que fondement interprétatif. En effet, commedans notre propre rapport au monde, l’utilisation récurrente destéréotypes dans les vues animées semble répondre à un soucid’efficacité qui, au cinéma, se manifestera aussi bien sur le planmonstratif que narratif. Puisqu’elle permet de comprendre lafonction du stéréotype en termes de rendement, autant chezl’individu que dans le groupe dont il fait partie, l’approchecognitive s’avère particulièrement appropriée, et ce, malgré sesévidentes limites. Bien qu’il ne s’agisse pas ici de s’engager dansune véritable étude « cognitiviste », les prémisses de cetteapproche peuvent servir de point de départ, dans la mesure oùnous cherchons à comprendre en quoi les stéréotypes ont puagir comme catalyseurs, comme « ferments actifs » dans lecinéma des premiers temps.

Trois cas de figure : la vierge, la mère, la putainD’emblée, il semble que, dans les premières vues animées, la

figure féminine coïncide avec une certaine « mystique féminine »(Friedan 1963), en l’occurrence cette tripartition classique de lafemme : la vierge, la mère et la putain. Bien évidemment,ces stéréotypes agissent en quelque sorte comme des méta-catégories, qui peuvent se présenter de diverses façons, donnerlieu à de multiples variantes. La vierge apparaîtra sous les alluresd’une belle jeune fille, douce, émotive et souvent offensée par lesavances d’un homme un peu trop insistant, comme dans cesnombreuses vues animées où une servante doit résister auxpropositions cavalières du maître de maison. Pensons à la vueThe Washerwoman’s Troubles, produite par Edison en 1897, danslaquelle une domestique est harcelée par un homme et finit parlui lancer un seau d’eau à la figure. De plus, la vierge est souventreprésentée de manière à exalter l’innocence et la naïveté. C’estle cas de ces scènes où une ingénue s’affaire à quelque besognequotidienne, faisant, par exemple, sa toilette matinale ou desexercices physiques, comme dans la vue The Pajama Girl, pro-duite par la Biograph en 1903. D’une certaine façon, les nom-breux tableaux vivants utilisent également cette figure de puretéet d’innocence 6. Lorsqu’elle est plus âgée, la vierge prend desallures de « vieille fille ». Dépourvue de ses attraits d’antan, elle

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est plutôt dépeinte comme une idiote et sera constamment lacible de facéties mesquines ou victime de quelque catastropheprovoquée par sa maladresse. Dans A Joke on the Old Maid(Biograph, 1901), une vieille domestique s’aperçoit que la lettred’amour qu’elle vient de lire n’est en fait qu’un canular, ce qui lafait grimacer de manière grotesque.

La figure de la mère fournit également matière à de nom-breux stéréotypes. La mère, mais aussi l’épouse, sera tantôtdépendante et soumise, tantôt laborieuse et dévouée, protectriceet maternelle, agressive et possessive. La mère est souventreprésentée comme une personne qui accepte passivement sonsort, malgré les conflits matrimoniaux, la violence conjugale, lapauvreté. Dans le film Buy Your Own Cherries (Paul’sAnimatograph, 1904), par exemple, l’épouse est maltraitée parson mari alcoolique et s’agrippe désespérément à lui pour l’em-pêcher de retourner à la taverne. La mère protectrice, quant àelle, veille à préserver la vertu de sa fille et au respect des bonnesmanières, comme dans La fille mal et bien gardée (Gaumont,1901) ou The Gay Shoe Clerk (Edison, 1903), ou défend sonjeune enfant contre une menace quelconque, comme dans TheKidnapper (Biograph, 1903). Enfin, on ne dénombre pas lesvues où l’épouse administre une violente raclée à son mari à lasuite d’une infidélité ou d’un excès d’alcool, reproduisant ainsile stéréotype de la femme opprimante et autoritaire. Un exempleparmi tant d’autres : Appointment by Telephone (Edison, 1902),où la femme surprend son mari au restaurant en compagnie desa maîtresse et surgit dans la salle à manger pour le rosserbrutalement. Bien qu’elle ne soit pas toujours aussi agressive,l’épouse s’avère généralement agaçante et querelleuse, au granddésagrément du mari. Ce dernier pourra éventuellement la fairetaire en l’enfermant, par exemple, dans un lit pliant, commec’est le cas dans Shut Up ! (Biograph, 1902).

Si l’épouse est souvent trompée, elle commet aussi son lotd’infidélités. Généralement, dès que la sexualité de la femmeentre en jeu, la putain prend le pas sur les deux autres figures.En effet, dans le cinéma des premiers temps, la sexualités’exprime rarement au sein du mariage. Le désir féminin,puisqu’il ne se manifeste qu’en dehors de cette institution sacrée,

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est par conséquent associé au libertinage, à la dépravation et auvice, position que seule la putain est à même d’assumer. Auxcôtés de la vierge et de la mère, donc, la figure de la putaincontraste par son aspect éminemment sexué : elle véhicule desstéréotypes tels ceux de la femme aguicheuse, volage, séductrice.Elle aura souvent recours à des ruses fort inventives pour mieuxberner son mari, comme dans Ménage à trois (Pathé, 1902) ouCourage de mari (Pathé, 1903). Dans ce dernier film, l’épousecache habilement son amant sous la peau d’ours qui orne le solde la chambre à coucher (Bousquet et Redi 1988, p. 91). Saruse, par ailleurs, lui donne souvent l’avantage sur l’hommeenclin à ses penchants libidineux. Dans The Price of a Kiss(Biograph, 1902), par exemple, une coiffeuse se laisse embrasserpar son client, après qu’un écriteau ait révélé qu’il en coûte undollar de plus pour un tel service. Elle peut également devenir« mangeuse d’hommes » et est alors dépeinte comme étant nar-quoise, cruelle et insensible. Elle peut aussi conduire l’homme àsa perte, au risque d’être elle-même victime de ses vices ; pen-sons, par exemple, à The Unfaithful Wife (Biograph, 1903), oùune femme adultère ridiculise son mari avant d’être abattue parce dernier, pris d’un excès de folie.

Comparée à la mère, la putain est représentée comme étantaimable et bienveillante. Sa sexualité assumée, par opposition àla sexualité réprimée de la mère-épouse, devient synonyme deplaisir, de frivolité et d’insouciance. L’exemple de Let Me DreamAgain est, à cet égard, assez révélateur. Cette vue est orchestréede manière à accentuer l’opposition qui distingue la figure de lamère et celle de la putain. Dans le rêve du protagoniste, d’abord,plusieurs aspects servent à affirmer le caractère avenant etdésinvolte attribué à la figure de la putain : son costume on nepeut plus excentrique la situe d’emblée dans un espace irréel,presque fantasmatique, ce que souligne par ailleurs l’absence dedécor en arrière-plan (figure 1). Son masque ajoute à son côtémystérieux et aguichant, masque que du reste elle enlève commepour signifier une possible invitation d’ordre sexuel. L’alcool etla cigarette viennent ajouter à l’ambiance festive de débauche.Tout dans ce rêve renvoie au désir, à la complicité et aux épan-chements lubriques. C’est au moment où l’homme se réveille

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aux côtés de sa femme que la figure de la putain prend son senset que, réciproquement, la figure de la mère prend, elle aussi, unsens précis (figure 2). En effet, l’accoutrement de l’épouse et sesmimiques exagérées servent à accentuer son aspect repoussant etindésirable. L’opposition des deux figures suscite alors uneréactualisation des stéréotypes qui rend plus patent le contrasteentre rêve et réalité, renforçant ainsi l’efficacité du gag.

On constate que cette utilisation du stéréotype, aussi réduc-trice soit-elle, peut s’avérer efficace dans un mode de repré-sentation naissant. La tripartition de la figure féminine, qui meten lumière ce procédé de stéréotypage adopté par le cinéma desdébuts, participe d’une stratégie d’envergure qu’il ne faudraitpas réduire à quelque manifestation de la psyché masculineprofonde. Cette stratégie s’inscrit dans une certaine mouvancequi apparaît dans différentes institutions de divertissementpopulaire, institutions qui ne valorisaient pas tant l’originalitédu récit et son caractère édifiant — préconisés par les « belles-lettres » ou le théâtre naturaliste, par exemple — que la dimen-sion spectaculaire, la simple variation de situations bienconnues, faisant partie du folklore ou des croyances populaires.D’ailleurs, les situations décrites ci-dessus ne sont en rienexclusives au cinéma, mais se retrouvent également dans leroman-feuilleton, le vaudeville, le comic strip, etc. L’usage dustéréotype est d’autant plus patent dans le cinéma naissant quecelui-ci ne dispose pas encore d’un mode de production éprouvéou de stratégies de mise en récit qui lui soient propres. Lestéréotype au cinéma, c’est en quelque sorte une stratégie parlaquelle le spectaculaire « induit » le narratif, où le plaisir

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Figures 1 et 2. Let Me Dream Again (G.A. Smith, 1900)

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instantané et l’ébahissement priment sur l’identification et lacontemplation.

Le stéréotype dans la cinématographie-attractionComme l’avançait Burch (1990), le recours aux stéréotypes

tient, en partie, aux limitations imposées par le dispositif.Quoique ces « contraintes » n’aient pas été nécessairementperçues comme telles par les « cinématographistes » de l’époque— mais plutôt comme faisant partie d’un ensemble de procé-dures inhérentes au médium —, les stratégies de mise en imagedéployées dans les vues animées servent souvent à contourner,de diverses façons, les limites du dispositif (la courte durée desbandes, l’absence de son synchrone, la mobilité restreinte dupoint de vue, etc.). La concentration de l’action en une unitéspatiotemporelle restreinte, le recours au bonimenteur, l’adap-tation d’œuvres littéraires bien connues font, on le sait, partieintégrante de ce genre de stratégies, visant à assurer une bonnecompréhension des vues par le spectateur.

L’emploi de stéréotypes, à cet égard, ne ferait-il pas partie dece même ensemble de procédés ? En facilitant à la fois laproduction et l’interprétation des vues, le stéréotype, au fond,peut être perçu comme un condensé de sens, un « prêt-à-porterde l’esprit » (Amossy 1991, p. 9), un objet au sein duquels’amasse une charge sémantique qui dépasse largement la seulereprésentation. En effet, le « voir » qu’implique la fonctionmonstrative du cinéma est implicitement lié à un « savoir » pré-déterminé et collectivement partagé. Les stéréotypes permettentainsi d’utiliser un savoir commun au service d’une narrativitéminimale, narrativité qui, du reste, n’est pas entièrementcontenue dans la matière même du film, mais déduite par lespectateur. Condensée, ramassée sur elle-même, cette narrativitédécoule en effet d’une série d’idées embryonnaires et de conjec-tures, lesquelles sont suggérées par le truchement d’imageshautement stéréotypées. Dès lors, ces stéréotypes sont réactua-lisés en fonction de « jalons » et de « schèmes » cognitifs cultu-rellement marqués, renforçant par-là même la teneur narrativede la vue. Autrement dit, chaque stéréotype visuel, chaque casde figure pour ainsi dire, ouvre un « champ de possibilités » dans

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lequel le spectateur puise pour doner un sens au récit. Ainsi enest-il de Let me Dream Again, où la narration, bien queminimale — elle tient davantage de la saynète ou du gag que durécit proprement dit —, s’ouvre à une narration de secondniveau, qui surplombe en quelque sorte la dimensionmonstrative de la vue. Les stéréotypes, qui d’ailleurs s’appliquentégalement à la figure masculine, à la figure de l’étranger ou àcelle de l’enfant, par exemple, agissent ici comme de véritables« vecteurs narratifs », sortes de raccourcis sémantiques facilitantl’acte de lecture en condensant le récit autour d’entités aisémentidentifiables. Linda Williams, en se penchant sur les procédés dedifférenciation sexuelle à l’œuvre dans les chronophotographiesde Muybridge, y voyait déjà un procédé similaire. Dans lesplaques chronophotographiques de Muybridge, la façon dont lecorps de la femme est « mis en scène » et l’action dans laquelleelle est engagée font en sorte que celle-ci est fictionnaliséed’emblée, sa seule représentation provoquant « a diegetic surplusof meaning » (Williams, citée dans Balides 1998, p. 66).

À cet égard, il semble que le stéréotype ait un statut particu-lier dans le cinéma des premiers temps, dans la mesure où iltémoigne d’une certaine perméabilité entre les deux « modes depratiques filmiques » (Gaudreault et Gunning 1989, p. 57) apriori distincts que sont l’attraction et la narration. En premierlieu, le personnage qui véhicule les stéréotypes a une fortecharge attractionnelle, puisqu’il a d’abord valeur en lui-même,par sa seule monstration. Effectivement, le stéréotype est por-teur d’attributs ostensibles, directement perceptibles sur l’écran.L’attitude des personnages dans Let Me Dream Again, leursmimiques exagérées, leur habillement et leurs gestes sont tout àfait représentatifs d’un tel régime de « confrontation exhibi-tionniste » (Gunning 1986, p. 66). Aussi réducteurs soient-ils,ces indices contribuent fortement à accentuer, à grossir les traitsde ces figures (de ces types, devrions-nous dire) que sont cellesdu « vieux beau », de la « demi-mondaine » et de l’« épouse ». Ilsconstituent, en quelque sorte, la matière première de la vue entant que gag, et c’est par eux que s’expriment les stéréotypes. Lesexpressions du visage, tout comme les gestes, sont censés pola-riser l’attention sur des éléments significatifs de comportements

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prétendument masculins et féminins. Parce qu’allusifs, ceséléments iconographiques se réduisent fréquemment à quelquesactions ou réactions fortement typées : le monsieur « cajole », ladame de ses rêves « minaude » ; une fois éveillé, le même mon-sieur « grimace » et « se montre grincheux », l’épouse « indignée »le « gronde » et le « réprimande ». Ces motifs n’ont de valeur quedans leur simplicité, peut-être même leur grossièreté. Leurfonction est de renvoyer, chez tout un chacun, à du déjà connu,et leur caractère fondamentalement attractionnel situe le proposdans une perspective atemporelle visant à donner une impres-sion d’universalité.

En effet, les figures stéréotypales, puisqu’elles procèdenttoujours d’une simplification, se présentent de manière à êtreimmédiatement intelligibles, en misant beaucoup sur la schéma-tisation, le caricatural ou le spectaculaire. La figure stéréotypalerespecte donc la temporalité propre à l’attraction qui, selonGunning (1996, p. 77), s’apparente à un « éclat de présence », àune « explosion soudaine » : elle ne connaît que le « tempsprésent ». De par leur charge attractionnelle, les figures stéréo-typales véhiculées dans les vues animées ne supposent pas,d’emblée, une appréhension critique ou interprétative. La con-frontation dont il est question dans le régime des attractions tientdavantage du choc, de l’émerveillement et de la surprise. Celapourrait laisser croire que le spectateur reste passif devant ce qu’ilvoit, que son rapport au film se limite à une stupéfactionimproductive. C’est oublier que le cinéma des attractions, ouplutôt la « cinématographie-attraction 7 », fonctionne sur la based’une coopération spectatorielle qui ne dépend pas d’unevéritable mise en récit au sein de la vue, mais plutôt d’un savoirintertextuel apriorique. Comme l’a démontré Janet Staiger(1992, p. 101-123), les vues animées mettaient fréquemment enscène des événements de l’actualité récente ou des récits popu-laires bien connus, dont l’interprétation s’appuyait sur le savoirpréalable du spectateur. Le stéréotype, en tant qu’agent dedifférenciation sociale, se présente lui aussi, et à plus forte raisonencore, comme faisant partie du savoir collectif préalable au seinde la sphère spectatorielle. En effet, bien que la cinématographie-attraction fonctionne avant tout sur une base essentiellement

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monstrative, certaines figures stéréotypales activent néanmoinsun processus cognitif chez le spectateur, qui l’amène, première-ment, à reconnaître certains signes qui sous-tendent ce stéréotypeet, ensuite, à leur inférer un sens à partir de connaissancespréalablement acquises. C’est la capacité du stéréotype à opérerce « glissement cognitif » de l’image vers un champ de possibles,du strictement visuel au potentiellement narratif, qui en fait unvéritable vecteur de narration.

Puiser à même les stéréotypes qui circulent dans une sociétédonnée permet donc d’activer un processus de narrativisationchez le spectateur, même si la vue ne cherche pas à créer ceteffet. Certes, le stéréotype n’entre pas nécessairement dans lecadre d’une stratégie narrative, mais, en tant que figurespectaculaire et condensé sémantique, en tant que « voir » et« savoir », donc, le stéréotype joue à la fois sur les deux tableauxde l’attraction et de la narration. Dans Let Me Dream Again,deux « volets » suffisent à créer l’effet comique, effet qui reposenon seulement sur un contraste visuel, mais aussi sur uneopposition cognitivement induite entre les deux figures fémi-nines. En fait, ce ne sont pas tant les différences physiques entreles deux femmes ou les grimaces de dégoût des deux épouxéveillés qui provoquent le rire, que cette association cognitivequi conduit le spectateur à inférer toute une situation conjugaleà partir de ce qu’il perçoit comme des stéréotypes : un vieuxcouple, un homme lassé de sa femme, une femme que son marirépugne, un ménage qui s’effrite et dans lequel la passion s’estvisiblement épuisée. Autant de situations qui renvoient à desstéréotypes à partir desquels s’ouvre un monde de possibles,dans lequel le spectateur est libre d’aller puiser.

Le stéréotype, dans le cinéma des premiers temps, a donc unefonction particulière. Alors que, dans le cadre de nos rapportssociaux, le stéréotype a pour but de simplifier l’Autre, autrementdit de réaliser une réduction, dans les premières vues animées, ila plutôt pour fonction de produire une amplification. Dans lavie de tous les jours, quand l’individu a recours aux stéréotypeset à la catégorisation, il simplifie un environnement qu’il lui estimpossible d’appréhender dans toute sa complexité. Par contre,dans les vues animées, le fabricant a recours aux stéréotypes afin

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de rendre avec efficacité un environnement qu’il lui est impos-sible de dépeindre dans toute sa complexité. Bien qu’il consistelui aussi en une figure simplifiée, en une condensation de sens,le stéréotype que véhicule le cinéma des premiers temps solliciteun travail cognitif d’un ordre différent. Le spectateur aura pourtâche de « décondenser » le sens que les figures, à l’écran, s’atta-chent à réduire ; il devra « amplifier » lui-même le sens contenudans la matière filmique. Cet exercice fonctionne, pourl’essentiel, sur la base d’un travail de reconnaissance, travail quipermet d’associer une image à quelque vague reflet de la sociétédans laquelle le spectateur évolue. Ainsi, le spectateur peutreconnaître dans un type un caractère à ce point familier qu’ill’identifiera à une figure bien connue de lui, peut-être même àquelqu’un de son entourage. Ces types, très largement exploitésdans les différentes institutions de divertissement populaire,circulent toujours dans l’environnement social du spectateur.Parce qu’ils renvoient à son univers quotidien et contribuentgrandement, par là même, à l’impressionner, les stéréotypescontenus dans les vues animées ont à la fois valeur de repères etde centres d’intérêt. Le régime des attractions monstrativessuppose, nous l’avons dit, une certaine adhésion cognitive duspectateur, adhésion qui s’appuie sur un rapport de connivenceentre fabricants et consommateurs de vues, au centre duquel setrouve la reconnaissance mutuelle de certaines figures conven-tionnelles et de certains schémas stéréotypaux.

Réversibilité et subversion des stéréotypesL’utilisation du stéréotype dans la cinématographie-attraction

soulève, en dernière analyse, des questions d’ordre idéologique.On peut se demander, notamment, si ces stéréotypes (aussi biendans la société qu’à l’écran) sont révélateurs de la répression etde l’objectivation de la femme. Les théoriciennes féministes sesont déjà largement interrogées sur ces structures latentes d’op-pression et sur leur signification historique et culturelle. Ilsemble toutefois que ce phénomène mérite aussi d’être analyséde façon plus pragmatique, notamment à l’aide de l’approchecognitiviste qui, sans nier les apports de la première vague dethéories féministes, n’en jette pas moins un éclairage nouveau

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sur la question. À cet égard, le stéréotype s’est presque toujoursprésenté comme une notion de nature philosophique, idéo-logique ou psychanalytique, et rarement comme un agentsociocognitif. Dans son ouvrage The Woman at the Keyhole,Judith Mayne (1990, p. 159) étudie la manière dont le « moded’adresse » du cinéma des premiers temps est modelé par unecertaine dynamique des rôles sexuels et montre en quoi cecinéma fait état de conceptions variées et opposées de l’altéritéféminine. Or, cette multitude d’« autres » ne ferait-elle pasréférence à autant de stéréotypes qui circulaient dans la sociétéde l’époque ? L’Autre peut être appréhendée non seulement à lalumière de quelque processus d’objectivation, mais égalementcomme une catégorie sociale, déformée certes, mais non moinssignifiante. Le stéréotype qui, par définition, ne s’applique qu’àl’Autre, pourrait ainsi être perçu comme un dispositif permet-tant à la collectivité de définir l’altérité, comme un outil qui,sans être dépourvu de toute signification idéologique, agit enpremier lieu comme moyen d’interprétation et de différen-ciation sociale. Il faut, à tout le moins, être prudent lorsquevient le temps d’aborder le système de représentation du cinémades premiers temps : avant de le considérer comme véhiculeidéologique, ce qu’il est au demeurant, il faut, semble-t-il,l’aborder en tant que dispositif représentationnel efficace.

Faut-il rappeler que la « guerre » aux stéréotypes, aux clichés etaux idées reçues était déjà bien entamée au moment del’émergence du cinéma. Alors que le roman historique et réalistedu début du XIXe siècle laissait une grande place aux personnagesstéréotypés, certains voyant même dans cette pratique quelquevertu littéraire, la seconde moitié du XIXe siècle marque le débutd’une « hantise » à l’égard du stéréotype, comme le démontreRuth Amossy (1991, p. 65-73). À une époque d’explosionmédiatique, qui voit prospérer le roman-feuilleton et la presse àsensation — époque qui correspond à l’industrialisation de lalittérature —, l’élite bien pensante s’est dressée contre l’emprisede cette culture populaire et a refusé de s’y soumettre. Lecinéma, en adoptant des stéréotypes largement exploités dans lalittérature grand public, mais aussi dans la presse, le vaudeville,le théâtre forain, s’engageait résolument dans les sillons de cette

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même culture populaire, au sein de laquelle l’usage des stéréo-types était pleinement assumé.

Avant qu’il ne s’institutionnalise, avant qu’il ne devienne unmédia autonome, le cinéma devait nécessairement compter surune base interprétative commune à la grande majorité desspectateurs. Ainsi, les premiers « cinématographistes » n’inven-taient ni ne faisaient la promotion de ces stéréotypes, mais lesactualisaient, les exploitaient pour ainsi dire, par l’entremise dudispositif cinématographique. Déjà, ils pouvaient s’adonner à unjeu avec ces mêmes stéréotypes : les subvertir, les modifier, lesconfronter, en inverser les termes. D’une certaine façon, on peutavancer qu’à la manière du roman-feuilleton ou du vaudeville, lecinéma des premiers temps est subversif dans l’utilisationpleinement assumée qu’il fait des stéréotypes. Le stéréotypeprend ici valeur d’icône, il est réduit à sa dimension mons-trative. L’individualité, au fond, n’a pas sa place au sein durégime des attractions, elle ne peut qu’être inférée à partir d’unmodèle. À maints égards, le stéréotype endosse la même fonc-tion que les masques de la commedia dell’arte, en ce qu’ilpermet une identification rapide des personnages et de leurscaractéristiques fondamentales.

Dans Let Me Dream Again, tout n’est que mascarade et jeu — auxquels le masque de la demi-mondaine fait d’ailleursdirectement référence —, tout n’est que comique élucubrationautour d’un même prétexte narratif. Aux mimiques et auxgestes, déjà fort éloquents, s’ajoutent les décors, réduits à unecollection d’objets épars (une table et des verres évoquent iciquelque vague débit de boissons ; là, des oreillers, des draps, desbonnets de nuit évoquent une chambre à coucher) resserrantl’intrigue autour de lieux très facilement identifiables. Lasimplicité et l’efficacité de ces éléments visuels contribuent, aufinal, à refermer le propos sur lui-même, à masquer, précisé-ment, tout effet de discours proprement idéologique. Il estpermis, par là même, de ne voir dans cette farce qu’une simplemascarade, c’est-à-dire un étalage ostensible de clichés, dontl’aspect comique repose, précisément, sur le fait que le jeu descomédiens souligne exagérément l’aspect artificiel de leurperformance. Les deux femmes, en effet, forcent sans ambages le

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trait des catégorisations sexuelles. L’une joue à la « demi-mondaine », l’autre joue à l’« épouse », de manière d’autant plusfrappante que l’on cherche à insister sur la distinction entre« rêve » et « réalité ». La vue, en tant que gag, prend son sensautour de ce contraste et dans le comportement fortementstéréotypé des deux figures féminines, de même, faut-il ajouter,que dans les réactions tout aussi stéréotypées et prévisibles del’homme à l’égard des deux femmes.

Le cinéma des attractions, de ce fait, semble résister à touteforme de discours idéologique. Au fond, les vues animéesseraient essentiellement tautologiques et rarement démons-tratives, ce qui vient désamorcer la dimension péjorative associéeau stéréotype. En analysant la représentation de l’étranger dansles vues réalisées par W. K. L. Dickson pour le kinétoscope (vuesqui, à plusieurs égards, représentent le « degré zéro » de lacinématographie-attraction), Charles Musser (1997, p. 43)défendait une thèse similaire :

[The Kinetoscope films] offered a cosmopolitan visionthat admittedly embraced stereotyping but generallyavoided demeaning depictions […]. Like the vaudevillestage […], these films articulated a vision of Americanidentity which was polyglot, self-confident and, withinlimits, fluid.

On peut tirer des conclusions semblables en ce qui concernela représentation de la femme dans le cinéma des attractions engénéral. Bien que les vues animées dépeignent à larges traits desstéréotypes associés à la femme, ces derniers sont rarementnarrativisés de manière à cristalliser une image dégradante etfigée du rôle de la femme. La diversité et l’élasticité des stéréo-types offrent, une fois à l’écran, un panorama on ne peut plushétéroclite de la société, un patchwork culturel et identitaire qui,à défaut d’être très « sophistiqué », témoigne d’une volonté den’épargner personne dans la caricature. En effet, tout commedans le vaudeville, rares sont ceux qui ne se voient pas dépeintsde manière outrancière dans les premières vues animées — quine se voient pas réduits à l’état de simples types. Du reste,l’image qui nous est donnée de l’homme dans les premières vuesanimées n’est guère plus « reluisante » que celle de la femme,

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celui-ci étant fréquemment représenté comme un rustre, unalcoolique, un coureur de jupons, etc. Dans Rêve et réalité, le« vieux beau » subit le même traitement simplificateur que lesdeux femmes et fait bien triste figure une fois paré de sonbonnet, grimaçant de manière ridicule.

D’ailleurs, ce jeu sur les stéréotypes auquel s’adonne abon-damment le cinéma des attractions est tout à fait manifeste dansle remake du film de Smith, Rêve et réalité, dont il a été questionau tout début de cet article. Au premier coup d’œil, les deuxvues paraissent assez semblables (figures 3 et 4). Dans le film deZecca, cependant, l’épouse est visiblement interprétée par unhomme, ce qui n’ajoute en rien à ses charmes. Mais il y a autrechose : la vieille dame ne s’offusque aucunement des élans detendresse de son mari, élans du reste tout à fait accidentelspuisque celui-ci rêve qu’il étreint une belle jeune femme. Laréalité, par contraste, le surprend autant que nous, spectateurs.Repoussante, aux prises avec un mari visiblement lassé d’elle,l’épouse n’en a pas moins perdu ses ardeurs, contrairement àl’épouse de Let Me Dream Again. Le stéréotype de la femmevictorienne « collet monté » voudrait en effet qu’une épouse decet âge ne s’adonne plus à ce genre d’activité conjugale. Le faitque ce soit un homme qui interprète l’épouse opère unrenversement qui fait appel à la complicité du spectateur etaccentue l’effet du gag.

La vue Artistic Creation (Paul’s Animatograph, 1901) opèreaussi ce renversement du stéréotype. Cette vue est similaire àplusieurs films à trucs mettant en scène un prestidigitateur qui« fabrique » de toutes pièces une femme, comme c’est le cas dans

La femme et le type : le stéréotype comme vecteur narratif dans le cinéma des attractions 157Figures 3 et 4. Rêve et réalité (Ferdinand Zecca, Pathé, 1901), droits réservés

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Reincarnation (Biograph, 1902). Dans la vue de Paul, leprestidigitateur dessine une à une les différentes parties du corpsde la femme avant d’animer celle-ci. Une fois son œuvreterminée et la femme bien vivante, le magicien dessine alors — rien de plus naturel ! — un bébé, qui prend vie à son tour.Or, contrairement à ce que voudrait le stéréotype de la mèreaimante et dévouée, la femme repousse le bambin et s’enfuit,laissant le magicien seul avec l’enfant, qu’il tend, désabusé, endirection de la caméra. Paul, la même année, va encore une foiss’amuser à renverser ce stéréotype dans la vue An Over IncubatedBaby, dans laquelle une femme complètement exaspérée par saprogéniture demande les services d’un scientifique afin qu’ilfasse grandir de manière accélérée le jeune enfant dans unincubateur géant.

On voit combien le stéréotype, par de légères variations, peutfacilement être subverti afin de provoquer un effet comique dedifférents ordres. Ce faisant, les stéréotypes consacrés donnentlieu à une foule de variations, qui dénaturent considérablementles figures originales et désamorcent en partie la dimensionpéjorative qu’on leur accorde traditionnellement. À tel point,d’ailleurs, qu’on se demande si le terme « stéréotype », dont lepréfixe stéréo signifie « solide », est toujours approprié.

En effet, les stéréotypes ne sont pas si figés qu’ils en ont l’airdans les premières années du cinéma. Cette particularité ne doitpas être négligée lorsque vient le temps d’étudier la repré-sentation de la femme dans un média encore instable, qui puiseà même les ressources d’institutions de divertissement qui noussont relativement méconnues. De par la fonction particulièrequi lui est attribuée, à la fois sur le plan monstratif et narratif, lestéréotype se voit accordée une place centrale dans le système deproduction et de consommation des vues animées. Avecl’institutionnalisation progressive du cinéma et l’émergence decodes de représentation spécifiques, les stéréotypes ayant trait àla femme se sont figés. À plusieurs égards, le cinéma des pre-miers temps paraît, comparativement, assez subversif, dans lamesure où celui-ci se permettait, en un temps où les conven-tions cinématographiques n’étaient pas encore établies, de remo-deler constamment les stéréotypes, de les subvertir en quelque

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sorte. Si les vues animées ont parfois projeté des images de lafemme moins heureuses que d’autres, voire déplorables, il n’enreste pas moins que c’est durant cette période que le recours auxstéréotypes semble le plus assumé, et par le fait même, le plusriche en variations de toutes sortes.

Comme Gustave Flaubert le suggérait en 1880 dans Bouvard etPécuchet, la seule façon de se défaire des stéréotypes est peut-êtrede les étaler au grand jour, d’en faire une matière première, quitteà les pousser jusqu’à l’absurde, pour mieux en rire. C’est un peuce que le premier cinéma s’évertuait spontanément à faire, un peumalgré lui peut-être, par souci d’efficacité sans doute.

Université de Montréal

NOTES1. À cet égard, Molly Haskell (1987, p. 47) affirme : « To the extent that it prefers

surfaces to essences and types to individuals, all of cinema is allegorical. » Or, ilsemble que le « typage » qui, pour Molly Haskell, caractérise le cinéma dans sonensemble, fonctionne différemment et réponde à d’autres exigences dans le cinémades débuts qu’il ne le fait dans le cinéma classique plus tardif.2. Les études consacrées aux stéréotypes, depuis les années 1950, sont nombreuses,

surtout dans le domaine des sciences sociales. Ce phénomène ne se cantonne pas à lapsychologie cognitive : certains penseurs, tels Theodor Adorno, Gordon Allport ouErving Goffman se sont également penchés sur le problème. Voir, à cet effet, l’étudede Ruth Amossy et Anne Herschberg Pierrot (1997), qui fait le point sur les diversesapproches du stéréotype en sciences sociales, dans les études littéraires et enlinguistique. Citons, par ailleurs, l’article de Melinda Szaloky, paru récemment dansCinémas, qui aborde les figures féminines et les stéréotypes à la lumière de lacognition sociale (Szaloky 2002).3. Voir entre autres son important essai « Visual Pleasure and Narrative Cinema »,

paru en 1975 et reproduit dans Mulvey 1989 (p. 14-26).4. Voir, entre autres, Kuhn 1982, Hansen 1991, Friedberg 1993, Bruno 1993 et

Rabinovitz 1998.5 « […] this unitary (male) subject [of classical film] may not even have existed

outside the theoretical discourses of mass media and psychoanalytic semiotics »(Russell, 2002, p. 559).6. Encore faut-il signaler que ces « tableaux vivants » sont porteurs d’une certaine

ambiguïté. Chez Pathé, par exemple, les « naissances de Vénus » et autres « visionsartistiques » sont profondément teintées d’érotisme et manifestement destinées à unpublic masculin. Ces vues sont par ailleurs classées sous la rubrique « vues grivoisesd’un caractère piquant » (Bousquet et Redi 1988, p. 56).7. Le terme « cinématographie-attraction » a été récemment proposé par André

Gaudreault. Selon lui, cette expression témoigne avec plus de justesse du mode depratique filmique des tout premiers temps du cinéma que l’expression consacrée« cinéma des attractions ». Voir Gaudreault 2004.

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