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European Scientific Journal November 2017 edition Vol.13, No.31 ISSN: 1857 7881 (Print) e - ISSN 1857- 7431 418 La Finance durable et l’ISR au service d’une économie pérenne et responsable : Quelle dynamique au MAROC ? Meryem Chiadmi, (Enseignante-chercheure) Faculté des Sciences Juridiques, Économiques et Sociales-Souissi. Université Mohamed V de Rabat Maroc Doi: 10.19044/esj.2017.v13n31p418 URL:http://dx.doi.org/10.19044/esj.2017.v13n31p418 Abstract This paper focuses on sustainable finance and its most dominant form, socially responsible investment (SRI). Favored by the emergence of sustainable development, SRI consists in integrating into the investment decision process the respect of extra-financial criteria and reflects a developed practice of corporate social responsibility (CSR). The implementation of investment strategies based on sustainable financing approaches has increased in recent years. Our objective is to highlight the situation of this form of sustainable finance in Morocco and to answer the following question: "Morocco which has inscribed its investment strategies and its growth policy in logic of sustainable development that it put in place to attract investors (companies or savers) concerned societal and environmental issues?" The study of the Moroccan context, with emphasis on the commitment of the different actors, allowed us to draw up an inventory of the dynamics of this finance and to conclude that Morocco has a head start in its region and is moving more and more towards green financing but we are still far from the development rates achieved in the world. Its SRI market is still embryonic and represents a niche to exploit. Obstacles still hinder the transition to a sustainable and responsible economy and it is appropriate for all actors (State, private or public institutions, civil society and individuals) to deploy even more efforts to meet the requirements of a changing world. Keywords: Sustainable finance, sustainable development, socially responsible investment, Corporate Social Responsibility. Résumé Ce papier s’intéresse principalement à la finance durable et à sa forme la plus dominante, l’investissement socialement responsable (ISR).

La Finance durable et l’ISR au service d’une économie pérenne et … · 2020. 8. 14. · La finance durable est une finance respectueuse de lİenvironnement, dİinclusion, basée

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    418

    La Finance durable et l’ISR au service d’une

    économie pérenne et responsable : Quelle dynamique

    au MAROC ?

    Meryem Chiadmi, (Enseignante-chercheure) Faculté des Sciences Juridiques, Économiques et Sociales-Souissi.

    Université Mohamed V de Rabat –Maroc

    Doi: 10.19044/esj.2017.v13n31p418 URL:http://dx.doi.org/10.19044/esj.2017.v13n31p418

    Abstract

    This paper focuses on sustainable finance and its most dominant

    form, socially responsible investment (SRI). Favored by the emergence of

    sustainable development, SRI consists in integrating into the investment

    decision process the respect of extra-financial criteria and reflects a

    developed practice of corporate social responsibility (CSR).

    The implementation of investment strategies based on sustainable financing

    approaches has increased in recent years. Our objective is to highlight the

    situation of this form of sustainable finance in Morocco and to answer the

    following question: "Morocco which has inscribed its investment strategies

    and its growth policy in logic of sustainable development that it put in place

    to attract investors (companies or savers) concerned societal and

    environmental issues?"

    The study of the Moroccan context, with emphasis on the commitment of the

    different actors, allowed us to draw up an inventory of the dynamics of this

    finance and to conclude that Morocco has a head start in its region and is

    moving more and more towards green financing but we are still far from the

    development rates achieved in the world. Its SRI market is still embryonic

    and represents a niche to exploit. Obstacles still hinder the transition to a

    sustainable and responsible economy and it is appropriate for all actors

    (State, private or public institutions, civil society and individuals) to deploy

    even more efforts to meet the requirements of a changing world.

    Keywords: Sustainable finance, sustainable development, socially

    responsible investment, Corporate Social Responsibility.

    Résumé

    Ce papier s’intéresse principalement à la finance durable et à sa

    forme la plus dominante, l’investissement socialement responsable (ISR).

    http://dx.doi.org/10.19044/esj.2017.v13n31p418

  • European Scientific Journal November 2017 edition Vol.13, No.31 ISSN: 1857 – 7881 (Print) e - ISSN 1857- 7431

    419

    Favorisé par l’émergence du développement durable, l’ISR consiste à

    intégrer dans le processus de décision d’investissements le respect des

    critères extra financiers et traduit une pratique développée de la

    responsabilité sociale des entreprises (RSE).

    La mise en place de stratégies d’investissement basées sur des approches de

    financement durable s’étant multipliée ces dernières années. Notre objectif

    est de mettre en exergue la situation de cette forme de finance durable au

    Maroc et de répondre à la question suivante : « le Maroc qui a inscrit ses

    stratégies d’investissement et sa politique de croissance dans une logique de

    développement durable qu’a-t-il mis en place pour attirer des investisseurs

    (entreprises ou épargnants) soucieux des enjeux sociétaux et

    environnementaux ? »

    l’étude du contexte marocain , en mettant l’accent sur l’engagement des

    différents acteurs, nous a permis de dresser un état des lieux de la dynamique

    de cette finance et de conclure que le Maroc a une longueur d’avance dans

    sa région et se dirige, de plus en plus vers des financements verts mais on est

    encore loin des taux de développement réalisés dans le monde. Son

    marché des ISR reste encore embryonnaire et représente une niche à

    exploiter. Des obstacles freinent encore la transition vers une économie

    durable et responsable et il convient à tous les acteurs (Etat, Institutions

    Privés ou publics, société civile et Particuliers) de déployer encore plus

    d’efforts pour répondre aux exigences d’un monde en mutation.

    Mots clés : Finance durable, développement durable, investissement

    socialement responsable, responsabilité sociale des entreprises.

    Introduction

    La crise financière de 2008 a permis l’émergence d’une nouvelle

    forme de finance plus éthique et plus morale.

    Cette finance propose de nouvelles modalités de

    fonctionnement reposant en amont, sur des valeurs et des principes autres

    que ceux du profit à court terme et en aval, sur des besoins provenant

    d'entrepreneurs individuels et/ou collectifs qui intègrent, dans leur processus

    de décisions, des critères d’ordre sociaux, éthiques et environnementaux .

    Ce papier s’intéresse principalement à la finance durable et à sa

    forme la plus dominante, l’investissement socialement responsable (ISR).

    Favorisé par l’émergence du développement durable, l’ISR consiste à

    intégrer dans le processus de la décision d’investissement, le respect des

    critères extra financiers et traduit une pratique développée de la

    responsabilité sociale des entreprises (RSE).

    La mise en place de stratégies d’investissement basées sur des

    approches de financement durable s’étant multipliée ces dernières années.

  • European Scientific Journal November 2017 edition Vol.13, No.31 ISSN: 1857 – 7881 (Print) e - ISSN 1857- 7431

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    Notre objectif est de mettre en exergue la situation de cette forme de finance

    durable au Maroc et de répondre à la question suivante : « le Maroc qui a

    inscrit ses stratégies d’investissement et sa politique de croissance dans une

    logique de développement durable qu’a-t-il mis en place pour attirer des

    investisseurs (entreprises ou épargnants) soucieux des enjeux sociétaux et

    environnementaux ? »

    Pour y répondre, nous allons tout d’abord, voir pourquoi la finance a

    intégré le concept de développement durable dans ses calculs de rentabilité,

    porter un éclairage sur sa composante financière l’ISR et identifier ses

    principales stratégies et leur importance dans le monde. Ensuite, à travers

    l’étude du contexte marocain, en mettant l’accent sur l’engagement des

    différents acteurs, nous allons dresser un état des lieux de la dynamique de

    cette finance au Maroc et identifier les facteurs favorisant son essor et les

    obstacles retardant la mutation vers une économie durable et responsable.

    La finance durable : l’exigence d’un développement économique

    responsable

    La Finance et le développement durable : quelle relation ?

    Actuellement, il est prouvé que le développement industriel est la

    cause principale du taux d’accroissement des gaz à effet de serre (GES) et

    donc du réchauffement climatique de la terre (voir tableau 1). Selon une

    étude de Stern (2006), les estimations de perte du PIB mondial dans

    l’hypothèse de ne pas réagir est de 5 à 20%, soit entre 3500 et 15 000

    milliards de dollars. Tableau 1 : les secteurs et les pays émetteurs de GES.

    Les énergies fossiles et l’industrie ont représenté 78% des émissions entre 1970 et

    2010.

    Les secteurs les plus émetteurs de GES sont :

    la production d’énergie (35%),

    l’agriculture et la forêt (24%),

    l’industrie (21%),

    les transports (14%),

    le bâtiment (6%).

    Les principaux pays émetteurs sont :

    la Chine (environ 24%),

    les États-Unis, (15,5%),

    l’Union européenne (11%),

    l’Inde (6,5%),

    la Russie (5%).

    Source : site officiel de la COP21 (2015) « les principaux chiffres du réchauffement

    climatique » in http://www.cop21.gouv.fr/les-principaux-chiffres-du-rechauffement-

    climatique/ (consulté en janvier 2017)

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    Au regard des niveaux des émissions actuels, l’effort à fournir de la

    part de tous les pays est important et exige des investissements de plusieurs

    centaines de milliards de dollars par d’ici 2030.

    Depuis le sommet de la terre, plus d’une centaine d’Etats du monde

    se sont mis d’accord sur la description du concept du développement durable

    comme étant un processus d’évolution permettant de répondre aux besoins

    du présent sans compromettre ceux du futur. Cette conférence a aboutit à la

    création de la COP (Conference Of the Parties), qui, lors de sa 21ème session

    à Paris (2015), a permis de conclure un accord historique visant à contenir le

    réchauffement climatique « bien en dessous de 2°C par rapport aux niveaux

    préindustriels ». Il est donc, un impératif de préserver la vie des générations

    futures par la revue des politiques environnementales et des stratégies

    d’investissements en particulier dans le domaine de l’énergie et de

    l’industrie.

    La question du développement durable s’introduit donc,

    progressivement dans le domaine de la finance qui est contrainte

    actuellement à ne plus s’intéresser juste au volet rentabilité mais à prendre en

    considération les défis écologiques et sociaux et à y trouver une solution

    surtout après les échecs de la dernière crise qu’a connu le secteur.

    La prise en compte d’une approche finance durable axée sur des

    critères environnementaux, sociétaux et de gouvernance (ESG) s’impose

    dans tout processus de décision d’investissement et pourrait avoir à terme un

    impact non négligeable sur la stabilité financière et la croissance.

    Dans ce contexte, des entreprises ont commencé à agir en

    conséquence et ont mis de façon volontaire des stratégies et des actions de

    réduction des émissions de GES. Selon le centre de recherche de Novethic

    (2015), 960 investisseurs se sont engagés pour des actifs s’élevant à plus de

    30 Milliards (Mds) d’euros. A cet égard, quatre grandes familles de

    stratégies ont été adoptées (voir tableau 2) : le désinvestissement d’énergies

    fossiles, l’engagement actionnarial envers les entreprises les plus

    productrices d’émissions de gaz à effet de serre, les financements verts, la

    mesure de l’empreinte carbone puis la décarbonation des portefeuilles

    (Novethic, 2014).

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    Tableau 2 : Actions des investisseurs en faveur de la réduction du GES

    STRATEGIES MOBILISATION

    DES

    INVESTISSEURS

    ACTIFS

    EN Mds

    Euros

    Désinvestissements d’énergies fossiles : vente d’actifs

    issus des énergies fossiles

    486 3711

    Engagement actionnarial : exercer une influence

    interne ou externe pour changer les pratiques d’une

    entreprise

    366 14700

    Financements verts : investissements verts, énergies

    renouvelables, green bonds,

    364 20 400

    Empreinte carbone : mesure des émissions CO2 de son

    portefeuille

    132 9445

    Décarbonation des portefeuilles : réduction des

    émissions de son portefeuille en sélectionnant les

    meilleures entreprises et/ou en réduisant

    l’investissement dans les plus mauvaises.

    34 3324

    Source : Tableau réalisé par nous même sur la base des données Novethic (2015).

    Plusieurs intermédiaires financiers (banque, assurance, institution

    publique, fonds de pension, etc.) se sont impliqués à intégrer la préservation

    de l’environnement aux raisonnements financiers et à adopter des outils

    économiques de développement durable afin de réaliser à long terme la

    durabilité du système économique.

    L’ISR : une forme répandue de financement du développement durable

    La finance durable est une finance respectueuse de l’environnement,

    d’inclusion, basée sur des comportements individuels ou collectifs conscients

    de leur responsabilité envers la société et de l’impact des externalités

    négatives de leurs activités sur la vie humaine et sur la préservation de

    l’avenir des générations futures.

    L’investissement socialement responsable, composante financière du

    concept de développement durable, est considéré actuellement comme un

    axe de développement attractif ayant l’éthique et le respect des critères extra

    financiers comme éléments constitutifs de ses produits financiers. Il s’agit

    en fait, pour l’investisseur de sélectionner ses placements non pas

    uniquement sur la base des seuls critères de la rentabilité mais il faut en sus

    prendre en considération des préoccupations extra financières reposant sur

    les trois dimensions : environnementale, sociétale et de gouvernance

    (Schneider-Maunoury, 2007).

    Renneboog et al, (2008) affirment que « L’ISR applique, à la

    différence des investissements de type conventionnel, un jeu de filtres

    d’investissement pour sélectionner ou exclure des actifs basés sur des critères

    écologiques, sociaux, de gouvernance d’entreprise ou encore éthiques, et

    s’engage également dans la communauté locale et dans l’activisme

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    actionnarial »( p1723).Cette définition met l’accent sur le lien existant entre

    l’ISR et le développement durable et relève l’influence exercée par l’ISR sur

    le comportement des acteurs.

    Cependant, ce concept reste dans son approche relativement large et

    un terme complexe qui réfère à une série de produits aussi variés les uns que

    les autres en l’absence d’une normalisation internationale ou de définition

    commune.

    Nous allons retenir dans notre travail que l’ISR est un « placement

    qui vise à concilier performance économique et impact social et

    environnemental en finançant les entreprises et les entités publiques qui

    contribuent au développement durable quel que soit leur secteur d’activité.

    En influençant la gouvernance et le comportement des acteurs, l’ISR favorise

    une économie responsable » (Code de transparence AFG-FIR, 2010).

    Cette nouvelle définition souligne bien que la finance du

    développement durable relève bien de l’ISR. Il s’agit d’investir sur les

    marchés financiers en achetant des actions ou des obligations en tenant

    compte des trois dimensions ESG en sus des critères financiers usuels et va

    au delà : l’ISR, en intégrant le dialogue avec les émetteurs, peut modifier le

    comportement des différentes « parties prenantes » concernées par ledit

    investissement (Pérez, 2002) et par conséquent, favoriser le développement

    d’une économie responsable.

    Pour sélectionner les projets, différentes stratégies basées sur des

    approches multiples peuvent être utilisées par l’investisseur, les plus

    couramment utilisées sont les critères de sélection ESG pour choisir les

    meilleurs pratiques en termes de développement durable des émetteurs

    (entreprises, Etats et/ou collectivités publiques), en s’appuyant sur diverses

    sources d’informations externes (agences de notation extra-financière) et

    internes (des rencontres avec les émetteurs par une équipe dédiée) dans le but

    de sélectionner le « best in class » (la sélection des émetteurs les mieux

    notés) ou le « best effort » ( la sélection des émetteurs présentant un potentiel

    et une volonté d’amélioration de leurs pratiques ESG).

    L’investisseur peut aussi, exercer la stratégie du filtrage pour exclure

    (filtrage négatif ) les entreprises en violation des conventions internationales

    ou coupables de certaines pratiques ou tirant une part de leur chiffre

    d’affaires d’activités controversées ou au contraire, privilégier (filtrage

    positif ) des secteurs d’activités en raison de leur implication pionnière dans

    le développement durable (énergies renouvelables, transports propres,

    utilisation durable de l’eau, sécurité de la production, etc.)

    Dans le cas d’une approche thématique, le gérant du portefeuille peut

    choisir des entreprises actives sur des thématiques liées au développement

    durable (énergie renouvelable et efficacité énergétique, traitement de l’eau et

    gestion des déchets, santé pour tous, vieillissement de la population, etc.).

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    L’approche thématique peut concerner l’ensemble d’un fonds ou se limiter à

    une poche de l’actif total.

    L’engagement actionnarial peut aussi amener un investisseur, à

    entamer le dialogue avec un émetteur sur certains enjeux ESG en vue de le

    pousser à améliorer ses pratiques commerciales durables et à préserver les

    intérêts des actionnaires ou à décider de se désinvestir d’une entreprise qui

    aurait refusé d’améliorer ses pratiques.

    Signalons à la fin, que l’investisseur peut choisir une de ces stratégies

    comme il peut combiner entre plusieurs d’entre elles et donc, un même fonds

    peut répondre à plusieurs objectifs.

    La mise en œuvre des stratégies ISR dans le monde

    L’utilisation des stratégies d’investissement basées sur des approches

    de financement durable s’est multipliée ces dernières années. Comme le

    témoigne le tableau 3 ci-dessous, le volume des investissements dans le

    monde en 2014, a dépassé les 40 Milliards de dollars avec une nette

    progression pour toutes les stratégies entre 2012 et 2014 et une nette

    évolution des investissements thématiques due essentiellement à une forte

    sensibilisation aux climats et à l’environnement (préparation en 2014 de la

    cop 21(Paris,2015)) Tableau 3: Évolution des stratégies appliquées en matière de finance durable au niveau

    mondial, en milliard d’USD selon internationale Sustainable Investment Alliance

    2012 2014 Croissance

    Filtrage normatif 3038 5534 82%

    Filtrage négatif 8280 14390 74%

    Filtrage « best in class » 999 992 -1%

    Intégration 5935 12835 117%

    Investissements thématiques 70 166 136%

    Investissement à impact 86 109 26%

    Engagement actionnarial 4589 7045 54%

    Source : cité dans Krüger (2016, p. 67)

    L’Europe constitue la région du monde la plus active en matière

    d’investissement responsable mais ce dernier représente aussi, des parts

    importantes de marché (17 à 31%) aussi bien en Australie, aux Etats unis et

    au Canada (Ethical performance, 2015).

    On peut relever une grande diversité dans l’utilisation des stratégies selon

    les pays. Cependant, la stratégie d'investissement durable la plus

    couramment utilisée dans le monde est le dépistage négatif / exclusif, qui a

    affecté un actif de 14,4 trillions de dollars américains, suivi par l’intégration

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    systématique12 des facteurs ESG dans la gestion financière qui représente

    12.9 trillions de dollars américains en termes d’actifs.

    Selon Novethic (2016), la tendance mondiale est confirmée. L’exclusion

    reste la stratégie la plus courante (10 150 Mds euros en 2015 avec une

    croissance de +48% depuis 2013) suivie de l’intégration ESG surtout non

    systématique (l’ESG systématique ne concerne que 2646 Mds euros)

    L’impact investing (social and green obligations, selon Eurosif) a

    connu une croissance record de 385% entre 2013 et 2015 portant ainsi les

    encours à près de 100 Mds euros à fin 2015 (contre 20Mds d’euros en 2013).

    Les Pays-Bas et la Suisse sont les fers de lance dans ce domaine suivis par le

    Royaume-Uni, la France, l’Italie, l’Allemagne et la Suède.

    Notons ce pendant, que l’ISR relève plutôt des investisseurs

    institutionnels (assureurs, banques, caisses de retraite, etc.), qui détiennent

    plus des 2/3 des encours ISR en 2015(Poirier, 2013). Ce qui dénote soit

    d’une certaine ignorance des particuliers de l’existence de ces fonds ; soit

    d’une certaine méfiance de la véracité dans le respect des actifs à

    l’environnement et aux préoccupations sociales. Ce qui a poussé des pays

    comme la France par exemple, a lancé depuis Janvier 2016 des Labels ISR

    soutenus par les pouvoirs publics permettant aux investisseurs d’avoir la

    certitude que les placements de leurs épargnes se font dans des entreprises

    aux pratiques responsables. Depuis, neuf sociétés de gestion ont obtenu le

    Label pour 58 fonds représentant 10 milliards d'euros d'encours.

    En Afrique, Le montant des actifs de l’ISR se situerait aux alentours de

    228,7 milliards de dollars avec une part de près de 95% détenue par

    l’Afrique du Sud. Les stratégies les plus utilisées en Afrique portent sur la

    sélection ESG et l’approche exclusive (CDVM, 2013).

    Cependant, au niveau des approches, il faut noter qu’il n’y a pas une

    uniformité dans les pratiques de stratégies ISR, ni dans leur dénominations

    aussi bien par les différents gestionnaires d’actifs qui peuvent dresser une

    grille d’indicateurs selon l’objectif recherché pour appréhender les

    critères ESG d’un émetteur (sécurité au travail, respect des conventions

    internationales, conséquence de ses activités sur la société, etc.) que par les

    agences de notation extra financières qui fixent des listes de stratégies

    différentes selon le type d’analyses sociales ou environnementales menées

    dans différents pays.

    Ce tour d’horizon nous a permis de prendre conscience de l’importance

    des ISR dans le monde. Il nous reste de mettre en relief la situation de cette

    forme de financement au Maroc en mettant l’éclairage sur l’engagement des

    12 Dans une analyse intégrée de l’aspect financier et la durabilité, on peut distinguer deux

    degrés d’intégration : une intégration systématique où l’analyse ESG est intégrée au

    processus de gestion et une intégration non systématique où l’analyse ESG est mise à

    disposition sans une procédure normalisée.

  • European Scientific Journal November 2017 edition Vol.13, No.31 ISSN: 1857 – 7881 (Print) e - ISSN 1857- 7431

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    différents intervenants et sur les différentes actions mises en place afin

    d’inscrire les stratégies d’investissement dans la logique du développement

    durable.

    L’investissement socialement responsable au Maroc : Etat des lieux

    Un engagement étatique favorable

    Conformément à ses engagements au niveau international dans le

    cadre des sommets de la Terre (Rio de Janeiro, 1992) et de Johannesburg

    (2002), le Maroc a lancé plusieurs stratégies sectorielles volontaristes

    d’envergure intégrant la dimension environnementale, dans des domaines

    clés de l’économie nationale.

    En 2005, lors la 2ème conférence de la mise à niveau

    environnementale, le Roi du Maroc affirmait avec solennité « … que le

    développement humain et la sauvegarde de l’environnement doivent être les

    critères cardinaux tant des investissements que de nos politiques

    économiques et de nos stratégies de croissance» (Message royal, 2005).

    Pour confirmer ses engagements en faveur du développement

    durable, le Maroc a adopté la Charte Nationale de l’Environnement et du

    Développement Durable (loi cadre n°99-12, 2014) qui devrait s’étaler

    jusqu'en 2030, et qui du fait du caractère transversal du développement

    durable, va prendre en compte toutes les stratégies sectorielles initiées

    notamment la Stratégie nationale de l’eau, la stratégie d’énergie, le plan

    Maroc vert, l’Initiative Nationale pour le développement humain ou le pacte

    national sur l’émergence industrielle.

    Cette loi précise que le développement durable est une valeur

    fondamentale qui doit être partagée par toutes les composantes de la société

    et qu’outre l’engagement de l’Etat, les entreprises privées doivent

    intégrer la prise en compte de l’environnement et du développement

    durable dans leurs chaines de production, impliquer leurs parties prenantes

    dans le processus du respect de l’environnement, évaluer l’impact de leurs

    activités sur l’environnement et adopter une communication transparente sur

    leur gestion environnementale.

    Pour réussir ses ambitions en matière d’investissement responsable,

    le Maroc a aussi mis en œuvre une série de réformes politiques,

    institutionnels, juridiques et socio-économiques pour mettre à niveau les

    services publics et améliorer les conditions d’accueil de l’investissement. On

    peut citer sans être exhaustif la réforme du code du travail, les progrès

    reconnus en matière de respect des droits de l’homme avec la création d’un

    conseil consultatif des droits de l’Homme, puis de l’instance Equité et

    Réconciliation, la stratégie de lutte contre la corruption, l’Initiative Nationale

    pour le Développement Humain. Autant de réformes qui se sont reflétées

    dans le flux d’investissements étrangers directs qui ont connu un essor

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    important au cours des quinze dernières années, passant d’une moyenne

    annuelle de 20,9 milliards de dirhams entre 2000 et 2007 à 32,6 milliards sur

    la période 2008-2015 (Rapport économique et financier, 2017).

    Le Maroc n’a pas cessé donc, de se développer sur le plan des

    infrastructures, de mise à niveau de ses instances et de mise en place de

    grand projet en faveur du développement durable à l’instar du projet « Noor

    » (la plus grande station d’énergie solaire au monde lancée en 2015) et de

    l’organisation de la COP 22 (Novembre 2016) qui témoignent de

    l’engagement ferme du Maroc pour contribuer à l’effort mondial de lutte

    contre les changements climatiques mais force est de constater que des

    dysfonctionnements freinent toujours la transition vers une économie durable

    du fait, d’un manque de coordination entre les différents acteurs

    institutionnels ou de l’absence de mise en œuvre dans les propres institutions

    de l’Etat de la démarche développement durable (achats publics durables,

    éco-responsabilité de l’État, etc.).

    Beaucoup d’efforts restent aussi à faire dans l’application des lois, vu

    le contexte des affaires marocains caractérisé par d’abord le non respect des

    réglementations en vigueur notamment en matière de droit du travail

    (salariés non déclarés, distribution des salaires inférieurs au SMIG,

    discrimination du genre, travail des enfants..), d’évasion et de fraude fiscale,

    de respect des normes environnementales sans parler du poids du secteur

    informel dans l’économie marocaine qui rend encore plus difficile

    l’instauration d’une économie socialement responsable conforme aux normes

    internationales à forte degré d’exigence.

    Un engagement RSE

    En 2005 lors des « Intégrales de l’investissement », les autorités

    marocaines ont clairement exprimé leur adhésion aux valeurs de la RSE.

    Depuis, on observe une véritable prise de conscience des entreprises (que ça

    soit des entreprises filiales des entreprises multinationales ou des entreprises

    marocaines grandes ou PME et de différents secteurs d’activités) d’une part,

    de l’impact positif de la RSE sur la gestion de leur entité et

    sur sa performance globale et d’autre part, du rôle qu’elles peuvent jouer

    dans la maîtrise de l’impact de leurs externalités sur leur milieu

    d’implantation. Nous observons également de plus en plus de

    recherches, d’articles de presse, d’évènements et d’ouvrages sur la RSE

    qui dénotent un intérêt croissant de la communauté scientifique pour cette

    déclinaison du développement durable dans l’entreprise.

    Avec l’organisation de la COP22 à Marrakech, la RSE est devenue

    plus que jamais d’actualité puisqu’il a été question d’un engagement mondial

    sur des thèmes relatifs à la gestion rationnelle des ressources, à la

    valorisation des déchets et à la préservation de l’environnement.

  • European Scientific Journal November 2017 edition Vol.13, No.31 ISSN: 1857 – 7881 (Print) e - ISSN 1857- 7431

    428

    Pour afficher leur responsabilité sociale, des entreprises ont adhéré au

    programme du pacte mondial dont l’objectif est la promotion du

    développement durable et de la RSE. En Novembre 2014, on comptait 22

    organisations marocaines adhérentes au pacte Mondial, dont 13 entreprises, 4

    ONG et 5 organisations patronales, ouvrières ou professionnelles inscrites au

    pacte mondial dont la confédération Générale des Entreprises du Maroc

    (CGEM). Cette dernière s’est engagée par le lancement en 2007 d’un label

    RSE qui distingue les entreprises pour leur engagement en faveur de la RSE

    et la promotion du développement durable dans leurs activités économiques

    et leurs relations sociales.

    Plusieurs partenaires se sont associés à la CGEM tel que Maroc PME

    à travers le programme « Moussanada Transverse » visant à financer à

    hauteur de 60% le financement du coût de l’audit d’évaluation effectué pour

    l’obtention du Label ou encore l’Administration des Douanes et Impôts

    indirects, la CNSS, le Crédit Agricole du Maroc, le Groupe Banques

    Populaires, la Banque Marocaine pour le Commerce et l’Industrie et la

    Direction Générale des Impôts… pour promouvoir la culture RSE au sein

    des entreprises en offrant aux entreprises labellisées des avantages et des

    traitements préférentiels.

    Notons cependant , que tous ces efforts n’ont pas encore donné leur

    fruit escompté si l’on sait que durant dix années de l’ instauration du Label,

    moins d’une centaine d’entreprises ont été labellisées dont la grande majorité

    est cotée à la Bourse de Casablanca, et/ou filiales d’entreprises étrangères

    alors que Plus de 11.000 entreprises sont potentiellement «labellisables», si

    on écarte toutes les autres entreprises ne remplissant pas les conditions

    nécessaires pour le Label du fait de leur agissement ( non respect du code de

    travail, fraude fiscale,etc.). Plusieurs obstacles peuvent expliquer ce retard,

    citons principalement, le manque de compréhension du sens même du

    concept : on est plus sur une approche philanthropique de la RSE qu’une

    approche stratégique intégrée (Rapport de la Sustainable square

    Consultancy,2013), la sous qualification du personnel, le manque

    d’information et de ressources financières (Maknassi, 2009) et le manque de

    responsabilité sociale des organisations(RSO)(administrations, collectivités

    locales, universités, syndicats, organismes financiers, etc.) qui doivent

    donner l’exemple de leur propre responsabilité pour ensuite permettre aux

    entreprises d’assurer la leur (Sekkat,2016)13

    13 Said SEKKAT : Président de la Commission RSE & Label de la CGEM.

  • European Scientific Journal November 2017 edition Vol.13, No.31 ISSN: 1857 – 7881 (Print) e - ISSN 1857- 7431

    429

    Un secteur financier engagé et mobilisé pour soutenir la transition

    En tant que source de financement et investisseurs, Le secteur

    financier a une grande responsabilité dans les conséquences sociales et

    environnementales des activités des différentes entités économiques. Il

    relève donc, de son métier l’intégration des préoccupations de

    développement durable. Toutes les composantes du secteur financier ont un

    rôle à jouer en offrant des instruments et produits de financement durables ou

    « verts » pour des projets moins nocifs pour l’environnement ou des

    projets favorisant l’atténuation de l’empreinte carbone de l’économie

    nationale .

    Conscients des enjeux du développement durable, le secteur

    financier marocain a tracé une feuille de route pour coordonner et unifier la

    vision de toutes ses composantes face à l’intégration des enjeux

    environnementaux et sociaux dans leurs procédures et modes de

    fonctionnement internes et partant, réussir le défi d’une économie durable et

    sobre en carbone.

    Cette feuille de route qui, tenant compte des meilleures pratiques à

    l’international, s’articule autour de cinq axes majeurs :

    L’extension de la gouvernance fondée sur les risques aux risques socio

    environnementaux Secteur bancaire Secteur des assurances Marché des capitaux

    -Intégrer les facteurs de

    durabilité dans les systèmes de

    notation interne des banques

    - Identifier le risque carbone

    compris dans le portefeuille

    d’actifs et en évaluer les impacts

    -Placer 6 milliards de dirhams

    de l’actif sous gestion dans

    des « actifs verts », dans un

    horizon de 5 ans

    - Réduire l’impact écologique

    de l’activité propre du secteur.

    -Emetteurs faisant APE : intégrer

    la dimension durable dans le

    modèle de

    gouvernance et procéder à une

    communication y dédiée.

    -Sociétés de gestion d’actifs :

    évaluer l’empreinte carbone des

    fonds gérés

    Source : Feuille de route pour l’alignement du secteur financier marocain sur le

    développement durable, Novembre 2016

    Le développement d’instruments et de produits financiers durables ; Secteur bancaire Secteur des assurances Marché des capitaux

    Adopter une définition commune des projets/actifs/instruments verts

    -Mobiliser les ressources vertes

    (fonds internationaux, émission

    de green bonds...)

    -Développer des produits

    d’épargne verts et des offres de

    financement dédiés

    -Mettre en place, au besoin, un

    mécanisme de refinancement

    des prêts à destination de projets

    éligibles

    - Développer des produits

    d’épargne verts : objectif 500

    MDHS / an

    - Elargir l’offre de la

    couverture des risques

    climatiques

    - Développer des solutions

    d’assurances des risques

    environnementaux

    -Créer des véhicules

    d’investissement

    spécialisés pour mobiliser

    l’épargne à destination

    des investissements

    durables

    • Favoriser l’émission de

    Green Bonds

    Source : Feuille de route pour l’alignement du secteur financier marocain sur le

    développement durable, Novembre 2016

  • European Scientific Journal November 2017 edition Vol.13, No.31 ISSN: 1857 – 7881 (Print) e - ISSN 1857- 7431

    430

    La promotion de l’inclusion financière en tant que vecteur du

    développement durable : Pour une efficacité économique et une équité

    sociale, le système financier doit permettre à une large population d’accéder

    à moindre coût à toute une gamme de produits et de services financiers utiles

    et adaptés à ses besoins.

    Le renforcement des capacités des parties prenantes dans le

    domaine, apparait comme une nécessité pour assoir une véritable finance

    durable.

    La transparence et la discipline de marché : La transition vers une

    économie respectueuse sur le plan social et environnemental doit

    s’accompagner d’un effort de transparence et de communication afin de

    permettre aux investisseurs de mieux comprendre les risques de demain et de

    prendre les décisions adéquates pour une transition vers une économie bas

    carbone.

    Suite à cette feuille de route, la Bourse de Casablanca et l’Autorité

    marocaine du marché des capitaux (AMMC) avec la contribution de la

    CGEM et du Conseil économique, social et environnemental (CESE) ont

    présenté en 2017 un guide14 pour promouvoir la culture de la responsabilité

    sociale des entreprises au niveau des sociétés faisant appel public à l’épargne

    au Maroc, et de préparer ces dernières aux futures obligations de Reporting

    ESG qu’il est prévu de mettre en place (en 2018). Le guide recommande aux

    entreprises de :

    - adopter un référentiel reconnu en matière de Reporting ESG, - adopter le principe de matérialité comme base de définition des

    éléments à communiquer,

    - être transparent sur la méthodologie de collecte et de traitement de l’information, ou encore assurer la comparabilité des indicateurs

    communiqués.

    Et ceci, dans le cadre d’une approche graduelle de la communication

    RSE proposant aux entreprises de commencer les premières années par des

    rapports sur leurs domaines les plus maîtrisés et à force de l’amélioration de

    leur courbe d'apprentissage, d’élargir leur capacité de publication. Les

    obligations de publication seront assorties d’une approche dite de «

    s’exécuter ou s’expliquer » (Comply or Explain). Ainsi, l’émetteur qui ne

    publierait pas un ou plusieurs éléments spécifiés devra fournir des

    explications suffisantes et valides. L’AMMC compte aussi adopter

    l’approche du « name and shame » pour les entreprises qui ne se conforment

    pas aux obligations.

    14 Guide sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises et le reporting ESG : Document soumis à consultation-Mai-Juin 2017

  • European Scientific Journal November 2017 edition Vol.13, No.31 ISSN: 1857 – 7881 (Print) e - ISSN 1857- 7431

    431

    l’AMMC engagé dans le développement de la finance climatique a aussi

    élaboré, avec le concours de IFC un membre du Groupe de la Banque

    mondiale, un guide sur les Green Bonds adressé aussi bien aux émetteurs

    qu’aux investisseurs dont la finalité est d’informer sur ces nouveaux

    instruments financiers et de présenter leur contexte mondial ainsi que les

    modalités pratiques de leur implémentation afin de favoriser le

    développement de ce nouveau segment sur le marché des capitaux marocain .

    Dans le secteur des assurances, jusqu’en Mai 2017, seules deux

    entreprises ATLANTA et WAFA ASSURANCE ont procédé dans le cadre

    d’une démarche volontaire à une évaluation externe de leur stratégie

    managériale au regard des neufs axes de la charte RSE et ont reçu le Label

    RSE de la CGEM. Nous estimons que les actions des entreprises du secteur

    en matière de RSE sont encore timides et beaucoup reste à faire pour sortir

    de cet état embryonnaire.

    Au niveau du secteur bancaire, toutes les banques réclament leurs

    engagements en matière de responsabilité sociale ; soit en interne à travers

    des publicités sur leur site, soit à travers des initiatives prises dans le cadre

    du GPBM (Groupement Professionnel des Banques du Maroc) mais suite à

    notre consultation des différents rapports et sites des différentes banques,

    nous avons constaté que seules sept banques ont publié des rapports ayant

    attrait aux performances sociales, ont plusieurs publications sur le web

    concernant leur respect du développement durable et ont des

    communications, sur leur propre site, de leur rapport social et

    environnemental . A ce titre aussi, il faut remarquer qu’en absence de loi

    imposant la communication de la performance RSE des banques, nous avons

    relevé une hétérogénéité dans la rédaction des différents rapports dans le

    sens où chaque banque a une méthodologie de présentation différente avec

    même des appellations différentes : du rapport annuel d’activité incluant

    seulement une partie sur le volet social et environnemental au rapport de la

    RSE ne faisant pas allusion à toutes les parties prenantes jusqu’au rapport

    plus ou moins détaillé de la performance sociale et environnementale de

    l’institution. Cette remarque a été confirmée par le travail de Baddih et al.

    (2016). D’ailleurs, selon le rapport 2016 établit par les Leaders du Reporting

    RSE, seules la BMCE Bank of Africa et Attijari Wafa Bank font un

    reporting respectivement dans les normes GRI (Global Reporting Initiative)

    et (GRI-G4) et la BMCI et la Banque Populaire avec des rapports ne

    souscrivant pas aux lignes directrices GRI. De même, dans le classement des

    Trophées «Top Performers RSE 2017» de l’agence internationale Vigéo

    leader du rating des performances et des risques de responsabilité sociale,

    seules trois banques BMCE Bank, et BMCI (déjà Top Performers dans des

    éditions précédentes) et Attijariwafa Bank (nouvelle dans le palmarès)

  • European Scientific Journal November 2017 edition Vol.13, No.31 ISSN: 1857 – 7881 (Print) e - ISSN 1857- 7431

    432

    figurent dans la liste des 15 entreprises top performers avec des domaines de

    performances différents d’une banque à l’autre : Tableau 4 : Domaines de performances des trois banques classées Top Performers

    RSE 2017 au Maroc

    Attijariwafa

    Bank

    BMCE Bank BMCI

    Pour ses

    performances

    sur les critères

    Information

    clients et Non-

    discrimination

    Pour ses performances sur les

    critères Information clients /

    Respect des droits humains

    fondamentaux et prévention des

    atteintes à ces droits / Non-

    discrimination / Définition de la

    stratégie environnementale / Offre

    de produits et de services verts /

    Maîtrise des consommations

    d’énergie et réduction des

    émissions polluantes /

    Contributions de l’entreprise à des

    causes d’intérêt général / Promotion

    des choix individuels de carrière et

    de l’employabilité

    Pour ses performances sur les

    critères Information clients /

    Orientation respnsable des

    contrats / Respect des droits

    humains fondamentaux et

    prévention des atteintes à ces

    droits / Non-discrimination /

    Offre de produits et de services

    verts / Prise en compte de

    l’impact sociétal des produits /

    services développés par

    l’entreprise / Contributions de

    l’entreprise à des causes

    d’intérêt général / Equilibre des

    pouvoirs et efficacité du CA /

    Audit et mécanismes de

    contrôle / Promotion des choix

    individuels de carrière et de

    l’employabilité

    Source :Raport Vigéo eiris (2017) in http://www.vigeo-eiris.com/fr/vigeo-eiris-designe-15-

    topperformers-rse-2017maroc/(consulté septembre 2017)

    Cela dénote différentes longueurs d’avance au sein même d’une

    petite communauté d’institutions, de la banque fortement engagée à la

    banque œuvrant pour le développement des actions sociales et

    environnementales en faveur de la communauté. Ce qui confirme ce qui a

    était dit ci -dessus à propos de la RSE dans les entreprises des autres

    secteurs, on est plutôt dans le cadre d’un engagement développement

    durable et d’une philosophie philanthropique dans la mesure où les banques

    se réclament toutes engagées dans la RSE une fois, elles mettent en œuvre

    des actions en faveur de la communauté et du développement local.

    Notons enfin que la banque centrale a donné depuis janvier 2017, son

    agrément pour l’exercice de l’activité bancaire participative qui interdit les

    investissements dans des secteurs considérés comme illicites (l’alcool, les

    paris sportifs, le tabac et la pornographie, etc.) mais l’écosystème de la

    finance participative marocain n’est pas encore complet. Les banques ne

    peuvent pas encore proposer des produits d'assurance (Takaful et Sukuk)

    sans lesquels les contrats de financement participatifs ne peuvent être

  • European Scientific Journal November 2017 edition Vol.13, No.31 ISSN: 1857 – 7881 (Print) e - ISSN 1857- 7431

    433

    opérationnels, il s’agit donc seulement d’un exercice partiel de l’activité

    bancaire (l'ouverture de comptes bancaires, l’octroi de crédits immobiliers et

    automobile) et il est encore tôt de juger les stratégies de filtrage négatif de

    cette finance au Maroc.

    Une attractivité croissante des ISR au Maroc

    A la veille de l’organisation de la COP 22, les autorités

    réglementaires et prudentielles ainsi que le GPBM ont choisi d’inclure le

    green banking dans leurs priorités et se sont engagés à mettre à la disposition

    de la clientèle des lignes de financement liées à l’efficacité énergétique, des

    lignes prévisionnelles de gestion de l’eau et de la valorisation des matières

    résiduelles ainsi que d’émettre de façon éminente des obligations

    environnementales «Green Bonds».

    Ainsi, a vu le jour, la première émission d’obligation verte sur le

    marché marocain réalisée par Masen (l’agence marocaine de l’énergie solaire

    devenu énergie durable en 2016) qui porte sur un montant de 1.150 millions

    de dirhams garantie par l’État et certifiée par la Climate Bond Initiative. Les

    investisseurs souscrivant à l’opération ne sont autres que : Al Barid Bank,

    Attijariwafa bank, la Caisse marocaine des retraites et la Société centrale de

    la réassurance. Elle va financer trois projets photovoltaïques dans le pays,

    dont un à Ouarzazate. Suivi, d’une émission de la BMCE Bank de 500

    millions de dirhams (50 millions d’euros) bénéficiant d’une analyse de Vigeo

    sur ses qualités sociales et environnementales. Cette émission est réservée

    aux investisseurs qualifiés de droit marocain, à savoir les Organismes de

    placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), les compagnies

    financières, les établissements de crédit, les compagnies d’assurance et de

    réassurance, la Caisse de dépôt et de gestion et les organismes de pension et

    de retraite et servira à financer des projets liés à la production de l’énergie

    renouvelable ou à l’amélioration de l’efficacité énergétique.

    Depuis, Les initiatives sont en multiplication croissante, on peut citer

    à titre d’exemples en 2017, l’IFC et Proparco(filiale de l'Agence Française

    de Développement (AFD)) investissent respectivement 100 et 35 millions

    d'euros dans la première émission d'obligations vertes en euros de la Banque

    Centrale Populaire (BCP) pour promouvoir des projets durables et

    respectueux de l'environnement au Maroc. Ces obligations permettront à la

    BCP de refinancer sur le long terme certains projets d'énergie renouvelable.

    La Caisse de dépôt et de gestion (CDG) qui a œuvré pour la décarbonation

    de ses portefeuilles, a lancé un réseau d’investisseurs africains pour une

    Afrique zéro carbone et un plan d’efficacité énergétique dans le bâtiment et

    l’éclairage publics. L’implication et l’engagement des institutions et des

    entreprises marocaines à pratiquer de l’ISR : l’Agence pour la promotion et

    le développement des provinces du Nord, l’Office national des pêches,

  • European Scientific Journal November 2017 edition Vol.13, No.31 ISSN: 1857 – 7881 (Print) e - ISSN 1857- 7431

    434

    l’Office chérifien des phosphates, le crédit agricole du Maroc, l’Association

    des cimentiers du Maroc (ACM), la Lydec et la Masen, dans le solaire,

    l’éolien, l’hydraulique et la biomasse avec un objectif pour 2020 d’atteindre

    un mix énergétique national de 42% et de 52% en 2030.

    Pour soutenir et financer la transition vers une économie plus durable,

    on a assisté depuis la COP22 à une mobilisation forte du secteur financier

    dans son ensemble et à un développement de plus en plus croissant des

    stratégies ISR reposant plus ou moins sur un filtrage positif/thématique mais

    on peut dire que nous ne disposons pas d’assez de recul pour juger de

    l’efficacité de l’attractivité du secteur financier marocain pour les ISR et le

    marché financier vert marocain reste encore à son étape initiale.

    Pour plus d’attractivité, le secteur financier doit d’une part,

    s’homogénéiser en termes de son implication dans le développement durable

    et de son intégration de la RSE pour que tous les efforts prévus par la feuille

    de route aboutissent et d’autre part, doit instaurer le respect de RSO comme

    critère impératif d’attribution de crédit et de financement des projets.

    La pratique RSE ne doit plus rester limitée comme c’est le cas

    aujourd’hui, à de grandes entreprises productives ou à des filiales de

    multinationales avec des degrés d’implication variant d’une entité à l’autre et

    avec une absence, tout au moins jusqu’à date de rédaction de cette article,

    d’une obligation de publication des rapports sur la gestion des risques

    sociaux et environnementaux.

    l'État doit être aussi exemplaire en matière de RSO en veillant au non

    discrimination lors du recrutement, à l’amélioration de la performance

    énergétique de ses bâtiments, à la responsabilisation de ses achats ou encore

    au choix de ses prestataires responsables15.

    Conclusion

    La prise de conscience, de plus en plus croissante, de la société

    mondiale de sa responsabilité envers les générations futures a contribué au

    développement croissant de la finance durable et à sa forme la plus

    répandue, l’investissement socialement responsable.

    Cette mobilisation très importante dans le monde des fonds d’épargne

    des particuliers et des institutionnels vers des projets d’investissements

    tenant compte dans leurs processus de décisions des critères extra financiers,

    pourra jouer un rôle dans l’encouragement des entreprises à tenir compte de

    plus en plus des normes ESG et à améliorer leurs pratiques

    environnementales et sociales.

    15 Recommandations du CESE

  • European Scientific Journal November 2017 edition Vol.13, No.31 ISSN: 1857 – 7881 (Print) e - ISSN 1857- 7431

    435

    Ceci étant dit, il faut toutefois souligner que plusieurs freins

    ralentissent encore le développement dans le monde des ISR comme réponse

    du secteur financier aux attentes des générations futures à savoir, et entre

    autres, une certaine méconnaissance des produits financiers par les

    individus, un manque d’éducation financière de ceux-ci ainsi que le manque

    de crédibilité et de transparence de l’offre de produits ISR disponible sur le

    marché (Defossez, 2016).

    Le Maroc de son côté, s’est approprié avec anticipation cette

    problématique dans la région, beaucoup de chemin a été parcouru en terme

    de textes (lois, chartes, conventions internationales, codes de bonne

    conduite..) sur la RSE et de multiples actions ont été engagées en faveur du

    développement durable. Ce qui permettra de renforcer son attractivité en tant

    que pays stable socialement et proche géographiquement pour drainer

    davantage d’investissements étrangers responsables.

    Le Maroc se met donc, de plus en plus au vert mais on est encore loin

    des taux de développement réalisés dans le monde. Son marché des ISR

    reste encore embryonnaire et représente une niche à exploiter, il convient

    alors, à tous les acteurs (Etat, Institutions Privés ou publics, société civile et

    Particuliers) de déployer encore plus d’efforts pour répondre aux exigences

    d’un monde en mutation.

    On peut attribuer ce retard à plusieurs facteurs : D’abord, les

    entreprises marocaines ne se sont pas tous mis à la responsabilité sociale,

    ensuite, l’épargne des particuliers n’est pas sensibilisée ni par les banques

    privées, ni par les sites des grandes sociétés qui réclament pratiquer la RSE

    et reste par conséquent, écarter des souscriptions aux green bonds qui

    demeurent jusqu’à présent réserver aux investisseurs institutionnels et enfin,

    les placements financiers étrangers ont besoin des Labels soutenus par les

    pouvoirs publics pour plus de confiance du respect des projets

    d’investissement aux préoccupations sociales et environnementales sans

    oublier, une certaine incertitude quant à la performance des fonds ISR par

    rapport aux fonds traditionnels.

    A ce titre, plusieurs études ont été menées pour comparer dans le

    temps la rentabilité des ISR et des fonds traditionnels ainsi que le lien de

    causalité entre l’effet de la mise en place de critères extra-financiers dans les

    processus d’investissement et la performance financière. Il en ressort

    aujourd’hui un manque de consensus évident sur le lien entre le fait

    d’investir de manière socialement responsable et la rentabilité financière que

    cela procure mais au moins, en choisissant d’investir socialement

    responsable, on contribue au filtrage et à l’exclusion des actifs menaçant

    notre vie et la vie des générations futures.

    Ce qui est certain et mesurable, c’est que les ISR ont un plus, qui

    réside dont l’impact environnemental et social.

  • European Scientific Journal November 2017 edition Vol.13, No.31 ISSN: 1857 – 7881 (Print) e - ISSN 1857- 7431

    436

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    stratégique ? Revue d’étude en management et finance

    d’organisation, n° de juin.

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