10
179 La forêt fleurit aussi... Le programme Sylvapi et les plantations mellifères par Michèle LAGACHERIE et Bernard CABANNES Le programme Sylvapi Une opération pilote Sylvapi est un programme d’essais et de réalisations de plantations forestières multifonctionnelles à caractères paysager, mellifère ou cynégétique. L’une des ambitions de ce programme est de répondre à des exigences environnementales, de respect et d’amélioration d’un paysage, de diversité et d’enrichissements floristique et faunistique. Elle est motivée tant par les préoccupations d’aménagement du terri- toire que par les prises de conscience de propriétaires. Les différents types d’aménagement proposés ont été conçus pour concrétiser ces exi- gences dès les premières années, ce qui motive d’autant plus les pro- priétaires pour assurer un entretien efficace. Le programme Sylvapi est né en 1992 d’un double constat. D’une part, en région méditerranéenne, les propriétaires privés portent de plus en plus un autre regard sur leur forêt (souhait d’un agrément pay- sager, d’une richesse floristique et faunistique, ...). D’autre part, la pro- fession apicole s’inquiète de l’appauvrissement en sources pollinifères et nectarifères de l’environnement rural et forestier. Des réalisations ont alors été testées dans la région Languedoc-Roussillon, aidées entre 1996 et 1998 par le Fonds de gestion de l’espace rural (F.G.E.R.). Plus de 50 ha de plantations ont été réalisés dans l’objectif d’occuper des terres en friche en enrichissant et agrémentant leur environnement. Alors que le F.G.E.R. a aujourd’hui disparu, la demande pour une ges- tion forestière de type Sylvapi ne cesse d’augmenter, tant de la part de particuliers que de la part de collectivités. Déjà, lors de Foresterranée’99, Bernard Cabannes et Michèle Lagacherie, nous avaient présenté les grandes lignes du programme “Sylvapi”, dans le cadre des travaux du groupe “les fonctions non marchandes de la forêt méditerranéenne”. Dans cet article, ils s’attachent plus particulièrement à nous présenter l’intérêt mellifère de certaines plantations, car ne l’oublions pas... la forêt fleurit aussi. t. XXIV, n° 2, mai 2003

La forêt fleurit aussi - ofme.orgofme.org/foretmodele-provence/doc/pdf/offre_mellifère/FORET_MED... · gences dès les premières années, ce qui motive d’autant plus les pro-

Embed Size (px)

Citation preview

179

La forêt fleurit aussi...

Le programme Sylvapi et les plantations mellifères

par Michèle LAGACHERIE et Bernard CABANNES

Le programme Sylvapi

Une opération piloteSylvapi est un programme d’essais et de réalisations de plantations

forestières multifonctionnelles à caractères paysager, mellifère oucynégétique. L’une des ambitions de ce programme est de répondre àdes exigences environnementales, de respect et d’amélioration d’unpaysage, de diversité et d’enrichissements floristique et faunistique.Elle est motivée tant par les préoccupations d’aménagement du terri-toire que par les prises de conscience de propriétaires. Les différentstypes d’aménagement proposés ont été conçus pour concrétiser ces exi-gences dès les premières années, ce qui motive d’autant plus les pro-priétaires pour assurer un entretien efficace.

Le programme Sylvapi est né en 1992 d’un double constat. D’unepart, en région méditerranéenne, les propriétaires privés portent deplus en plus un autre regard sur leur forêt (souhait d’un agrément pay-sager, d’une richesse floristique et faunistique, ...). D’autre part, la pro-fession apicole s’inquiète de l’appauvrissement en sources pollinifèreset nectarifères de l’environnement rural et forestier. Des réalisationsont alors été testées dans la région Languedoc-Roussillon, aidées entre1996 et 1998 par le Fonds de gestion de l’espace rural (F.G.E.R.). Plusde 50 ha de plantations ont été réalisés dans l’objectif d’occuper desterres en friche en enrichissant et agrémentant leur environnement.Alors que le F.G.E.R. a aujourd’hui disparu, la demande pour une ges-tion forestière de type Sylvapi ne cesse d’augmenter, tant de la part departiculiers que de la part de collectivités.

Déjà, lors de Foresterranée’99,Bernard Cabannes

et Michèle Lagacherie, nous avaient présenté les grandes

lignes du programme “Sylvapi”,dans le cadre des travaux

du groupe “les fonctions non marchandes

de la forêt méditerranéenne”. Dans cet article, ils s’attachent

plus particulièrement à nous présenter l’intérêt mellifère

de certaines plantations, car ne l’oublions pas...

la forêt fleurit aussi.

t. XXIV, n° 2, mai 2003

180

Quelques exemples d’aménagements du programme SylvapiDès 1981, le CRPF s’est intéressé aux plantations multifonctionnelles, et le programme « Sylvapi » a reçu un premier soutien financier en 1992,date d’installation des premières parcelles à vocation mellifère. A l’heure actuelle, grâce aux aides du Fonds de gestion de l’espace rural, 51 ha ontété boisés pour 54 propriétaires en 60 parcelles. Celles-ci sont réparties sur les cinq départements de la région Languedoc-Roussillon, et pourrontconstituer des références pour les projets futurs.Ces parcelles, outre leur répartition géographique et les différentes conditions écologiques représentées, répondent à de nombreux cas de mise envaleur de terrains en déprise : friches viticoles, parcelles en terrasses, remise en valeur après incendie, etc. Nous illustrons quelques exemples ci-dessous avec des photos.

Mise en valeur d’une friche viticole.

Mise en valeur d’espaces ruraux abandonnés en montagne dans les Pyrénées.A gauche : la première année. A droite : 4 ans après.

Remise en valeur après incendie d’une parcelle de pins maritimes.A gauche : en cours de travaux. A droite : 9 ans après.

Mise en valeur de parcelles en terrasses en Cévennes

t. XXIV, n° 2, mai 2003

181

Les règles d’attribution des aides de l’Etataux investissements forestiers, ne permet-tent pas en général de prendre en compte cestypes d’aménagement, en particulier pourdes raisons de surface et d’essences utilisées.Mais depuis la disparition du F.G.E.R., troispossibilités d’aide existent :

- une première circulaire 1 laisse la possibi-lité de constituer des peuplements diversifiésà but environnemental, dans la limite de20% du projet ;

- dans les zones faiblement boisées et souscertaines conditions, une seconde circulaire 2

permet d’aider à la création de bosquets ouboqueteaux au titre de la diversité biologiqueet des paysages ;

- enfin, les collectivités territoriales,notamment les Régions dans le cadre de leurmission d’aménagement du territoire, peu-vent venir en aide aux projets intéressants,sans contraintes de surface, de techniquesemployées ou d’essences.

Le potentiel mellifère forestier

Un grand nombre d’espèces d’arbres sontmellifères par leur floraison productrice denectar ou de pollen, ou par le miellat produitavec la complicité des pucerons sur lesfeuilles ou les aiguilles. Certains mielsd’arbres sont d’ailleurs fort réputés commeles miels d’acacia, de tilleul, de châtaignierou de sapin, ce dernier étant en réalité unmiellat. Les plantations forestières peuvents’intégrer dans un projet apicole pour com-pléter le calendrier de butinage d’un rucher.Elles peuvent aussi contribuer àl’enrichissement de ressources mellifèresenvironnantes, qui sont capitales pour lasurvie de nombreuses espèces végétales etanimales, et le maintien de la biodiversité.Beaucoup de feuillus à bois précieux (meri-sier, érable plane ou sycomore, tilleuls...), de

fruitiers forestiers (sorbiers et alisiers...) ontdes floraisons mellifères. Ces floraisons res-tent discrètes en sous-bois sombres, mais lesnouvelles pratiques de plantations à largeespacement et de sylviculture dynamiquefavorisent l’éclairement et le développementdes houppiers, donc la floraison des arbres.

Intérêt mellifère des arbres et des arbustes

L’intérêt mellifère d’une espèce d’arbre oud’arbuste se traduit par la production d’uneressource utilisée par les abeilles pour élabo-rer un produit qui permet d’abord à la ruchede vivre, et que peut en partie récolterl’apiculteur. Plusieurs éléments essentielsparticipent à la vie d’une ruche :

Le nectarIl est élaboré par des organes spécifiques,

les nectaires, souvent situés à la base desfleurs. Les abeilles le récoltent en l’aspirant,le stockent dans leur jabot, et le restituent àla ruche légèrement transformé. Une foisconcentré à l’intérieur de la ruche, il estrécolté par l’apiculteur et fournit le mielaprès un certain temps de maturation.

Le pollenLes grains de pollen produits par les éta-

mines des fleurs donnent une fine poussière,parfois abondante. Les abeilles le récoltentsous forme de petites pelotes qu’elles trans-portent à la ruche dans les corbeilles de leurspattes. Le pollen est primordial pour la nour-riture des jeunes abeilles et pour leur déve-loppement. Beaucoup d’espèces d’arbres ouarbustes à chatons constituent tôt en saisonune source de pollen importante qui peut for-tifier la ruche avant la pleine saison de pro-duction. Les apiculteurs peuvent aussi préle-ver une partie du pollen en le piégeant àl’entrée de la ruche.

Photo de gauche :Fleurs d’alisier blanc(Sorbus aria) butinées.

Photo de droite :Les fruits colorés du sorbier des oiseleurs(Sorbus aucuparia) persistent longtemps sur l’arbre.

1 - CirculaireDERF/SDF/C2000-3021du 18 août 20002 - CirculaireDERF/SDF/C2001-3010du 7 mai 2001

Le miellatIl est élaboré par des pucerons, des psylles

ou des cochenilles qui ex traient la sèvesucrée des feuilles ou des aiguilles pour yprélever des substances nécessaires à leurdéveloppement et rejettent le miellat. Lesabeilles le récoltent et le transforment com -me le miel. La qualité du miellat dépendbien sûr de l’espèce végétale, mais aussi del’insecte intermédiaire. Beaucoup d’espècesd’ar bres, notamment en forêt, sont source demiellat, sous réserve de la présence desinsectes intermédiaires. La grosse produc-tion correspond souvent aux montées de sèvede printemps, et des productions secondairessont possibles chez certaines espèces commele chêne en début d’été et en automne.

La propolisElle est récoltée par les abeilles sur les

écailles des bourgeons de certains arbres(peupliers, marronniers...) pour bouchertoutes les aspérités de la ruche et momifierles cadavres d’éven tuels intrus. Très impor-tante pour la santé des abeilles par ses pro-priétés fongicides et bactéricides, elle peutêtre extraite et commercialisée pour élaborerdes produits pharmaceutiques ou para-phar-maceutiques.

La bibliographie concernant le potentielmellifère des arbres et arbustes est peuabondante et rarement scientifique.Provenant souvent d’amateurs observateurs,les informations fournies sont imprécises,voire contradictoires. Elles demeurent toute-fois pour nous des hypothèses de travail qu’ilconviendra de vérifier dans les arboretumsinstallés. Certains travaux consultés fournis-sent des estimations de production poten-tielle de miel par arbre ou par hectare deplantations ; ces estimations sont souventfaites de façon théorique, en prélevant lenectar directement dans les nectaires avecde petites pipettes ; les résultats unitairessont multipliés par le nombre de fleurs par

arbre, par le nombre d’ar bres à l’ha, etc. Leschiffres obtenus sont donc une productionpotentielle, quelquefois même exprimée ennectar et non en miel (ne pas oublier quec’est un concentré). Il est très difficiled’évaluer la production réelle correspondantà une récolte possible.

De nombreux facteurs interviennent sur laproduction mellifère réelle : le potentiel mel-lifère d’une espèce dépend de sa bonne adap-tation à la station et peut fluctuer d’uneannée sur l’autre ; d’autre part, de nombreuxfacteurs déterminent les conditions d’unebonne récolte, et la production effective peutse trouver très éloignée du potentiel melli-fère de l’espèce. Toutes ces remarques expli-quent en partie les contradictions appa-rentes relevées pour certaines espèces,comme le frêne à fleurs ou les mûriers, consi-dérés comme mellifères par les uns et nonvisités par les abeilles par les autres. Il estdonc très important, pour chacune desespèces proposées, de vérifier au-delà de leurdéveloppement végétatif, la bonne expres-sion de son potentiel mellifère dans les diffé-rents milieux et son utilisation effective parles abeilles.

Il apparaît au vu des travaux consultésque de nombreuses espèces mellifèresd’arbres et arbustes sont envisageables enLanguedoc-Roussillon. Un bon nombred’entre elles sont même particulièrementintéressantes pour leur saison de productionet leur potentiel. Nous présentons dans lestableaux I et II une synthèse réalisée à par-tir de ces travaux et de nos propres observa-tions. Ces tableaux, non exhaustifs, sontencore très imparfaitement renseignés et desrelevés d’informations sont encore néces-saires.

Le choix des espècesIl n’était pas possible d’expérimenter

toutes les espèces susceptibles de se dévelop-per en Languedoc-Roussillon, mais la listeprésentée dans les tableaux offre déjà pourles diverses stations que l’on peut trouverdans la région plusieurs possibilités intéres-santes, répondant aux différents objectifsproposés ci-dessous.

Certaines espèces forestières sont déjàbien connues pour leur intérêt mellifère. Lechâtaignier, le tilleul, le robinier, le sapin,etc., produisent des miels (ou miellats) mono-floraux présents sur le marché français, lesérables et les eucalyptus sur les marchésétrangers.

182

Photo ci-contre :Nuances d’automne

apportées par la présenced’érables...

183

Les feuillus dits « précieux » pour leurvaleur du bois (merisier, érable sycomore,frêne, etc.) sont de plus en plus utilisés dansles boisements et peuvent concourir à la pro-duction mellifère, notamment dans les plan-tations à faible densité où les arbres fleuris-sent en pleine lumière.

Divers feuillus, déjà présents en forêt maissouvent peu remarqués car en sous-étage,deviennent bénéfiques pour l’apiculture si onleur donne de la lumière et de l’espace : c’estparticulièrement le cas du genre Sorbus (ali-sier torminal et alisier blanc, sorbier desoiseleurs, cormier), du genre Prunus (cerisierde Sainte-Lucie, prunier myrobolan, etc.),des tilleuls et des érables.

Certaines espèces réputées hautementmellifères sont peu ou pas connues enFrance en utilisation forestière, comme lefévier d’Amérique, le sophora, les évodias, lesphellodendrons, l’oxydendron ; elles méritentune connaissance plus approfondie et undéveloppement plus soutenu si leur acclima-tation s’avère réussie.

Le genre tilleul mériterait un travail spéci-fique pour utiliser les différentes espècespermettant un étalement des floraisons.

Le robinier (Robinia pseudoacacia), appeléà tort acacia ou encore faux-acacia dans lelangage courant, est très producteur maiscapricieux, car sa floraison précoce en saisonne correspond pas toujours aux conditionsclimatiques idéales. Il a fait l’objet d’unimportant travail de sélection génétique parles forestiers et apiculteurs hongrois sur descritères de qualité du bois, mais aussi dequantité et de qualité de nectar, ainsi que dedurée et périodes de floraison. Une grandeconfusion règne en ce moment en Franceentre les véritables clones issus de reproduc-tion végétative, et les provenances issues de

graine récoltées sur de « beaux » peuple-ments.

Les arbustes, encore peu utilisés en forêt,sont souvent très mellifères ; leur utilisationen accompagnement devient habituelle (oudu moins pourrait l’être) dans les boisementsactuels à faible densité.

Les bases d’un véritable aménagement api-sylvicole

Quelques données essentielles

L’éloignement des sources nectarifères estun élément déterminant des récoltes : l’airede butinage efficace ne dépasse pas un cerclede 1 km de rayon (soit environ 300 ha) ; au-delà, le rendement des abeilles est tropfaible.

Le vent, avec son corollaire la sécheresse,entraîne la stérilité des glandes nectarifères,fatigue les abeilles et entrave le développe-ment des arbres. Un point d’eau est égale-ment nécessaire près du rucher.

Le travail des butineuses est facilité par legroupement des fleurs ; à ce niveau-là, mêmeun arbre isolé favorise la rapidité de récoltepar rapport à des fleurs dispersées (uneabeille doit visiter de 150 à 400 fleurs pourremplir son jabot).

D’importantes ressources en pollen en find’hiver ou début de printemps sont néces-saires pour le bon développement des colo-nies d’abeilles ; il ne faut donc pas négligerles arbres comme les saules, noisetiers, etc.

Pour une utilisation effective par un api-culteur du site aménagé, il est nécessaire deprévoir des emplacements avec un accès car-rossable, abrités et assez larges pour déposerles ruches en terrain plat.

Photo de gauche :Les multiples fonctionsdu Mélia : pour le paysage (floraison et fruits), les abeilles (nectar) et… les pigeons !

Photo de droite :Quatre ans après la plantation mélangéede Cormiers (arbreobjectif) et de Cytise(grand arbuste intercalaire). Le Cytise fleurit déjà et marque le paysage.Dans 10 ans ou 15 ans, c’est le Cormier qui dominera.

184

Nom latin Nom commun J F M A M J J A S O N DAlnus incana Aulne blanc ! ••••

Corylus colurna Noisetier de Byzance ! •••• ••••

Prunus cerasifera Prunier myrobolan " •••• ••••

Arbutus andrachne Arbousier de Chypre " •••• ••••• ••••• ••••

Acer saccharinum Erable argenté ! •••••

Fraxinus ornus Frêne à fleurs ! •••• ••••

Pyrus communis Poirier commun ! ••• •••••

Prunus mahaleb Cerisier Ste-Lucie ! ••• •••••

Acer negundo Erable negundo ! ••• •••••

Acer monspelliensis Erable de Montpellier ! •• •••••

Buxus sempervirens Buis " ••• ••••• ••

Acer rubrum Erable rouge ! •• ••

Colutea arbrescens Baguenaudier " • ••••• •

Acer opalus Erable à feuille d’obier ! • ••••

Cercis siliquastrum Arbre de Judée ! •••••

Acer campestre Erable champêtre ! ••••••

Acer platanoïdes Erable plane ! ••••••

Arbutus glandulosa Arbousier glanduleux " ••••• •••••

Caragana arborescens Acacia de Sibérie " ••••

Prunus padus Cerisier à grappes ! ••

Morus alba Murier blanc ! •••• ••••

Robinia pseud. divers Acacias de Hongrie ! •••• ••••• ••

Acer pseudoplatanus Erable sycomore ! •• ••

Sorbus domestica Cormier ! •• ••• ••

Sorbus aria Alisier blanc " •• ••••

Laburnum anagyroïdes Cytise " •• ••••• ••

Gleditschia triacanthos Févier d’Amérique ! • ••••••

Sorbus torminalis Alisier torminal ! ••••••

Sorbus intermedia Sorbier intermédiaire ! ••••••

Eleagnus umbellata " •• •

Eucalyptus Eucalyptus ! •••• ••••• ••••• ••

Amorpha fruticosa Amorpha " •••• ••••

Morus nigra Murier noir ! ••• ••••• ••••

Prunus serotina Cerisier tardif ! •••

Oxydendrum arboreum Arbre-oseille ! •• ••••• •• •• •• ••

Tilia platyphyllos Tilleul à grandes feuilles ! •••

Arbutus xalapensis Arbousier du Xalap " ••••••••••••

Sorbus aucuparia Sorbier des oiseleurs ! ••••••

Laburnum alpinum Cytise des Alpes " •••• •••

Tilia cordata Tilleul des bois ! ••• •

Evodia danielli Arbre à miel ! ••• •••••

Tilia tomentosa Tilleul argenté ! • •••

Phellodendron amurense Arbre au liège de l’A. ! ••••••

Koelreuteria paniculata Savonnier ! •••• ••

Sophora japonica Sophora du Japon ! •••• ••••

Tilia henryana ! ••••••

Arbutus unedo Arbousier " •••••••••• •• ••••• ••••• •••••

Tab. I : Espèces mellifères et périodes de floraison Programme Sylvapi" arbuste ! arbre

t. XXIV, n° 2, mai 2003

185

Les étapes du diagnostic1. Définir l’objectif impérativement

avant toute plantation. On peut envisagerles cas de figure suivant :

* L’étalement des floraisons pour unrucher sédentaire. Dans ce cas, on utiliseraune palette d’espèces adaptées au terrain, enles regroupant par bouquets plutôt quemélangées pied à pied. L’étalement des flo-raisons sur plusieurs mois de l’année estfacilité sur une station fertile. Cet objectif estparticulièrement adapté aux ruchers fami-liaux ou aux apiculteurs à titre secondaire.

* La correction d’une carence saison-nière en nectar. On pourra utiliser uneseule ou plusieurs espèces, choisies en fonc-tion de leur date de floraison et de leur adap-tation à la station. Ceci nécessite évidem-ment une analyse floristique del’environnement du rucher pour faire ressor-tir les carences principales. Plusieursespèces d’arbres sont particulièrement inté-ressantes pour leur floraison estivale(sophora, évodias, savonnier), à un momentoù peu d’espèces herbacées ou arbustivesfleurissent en région méditerranéenne.

* L’apport de nourriture l’hiver, enplantant des arbres ou des arbustes fleuris-sant sur le lieu d’hivernage du rucher, pouréviter ou diminuer le nourrissage parexemple. La qualité gustative du miel pro-duit par l’espèce choisie n’a pas beaucoupd’importance dans ce cas, car la productionest utilisée pour la consommation de laruche et non pour la récolte. L’arbousier, quidonne un miel amer et peu apprécié (àl’exception des siciliens pour ses vertus sup-posées aphrodisiaques) est tout à fait adaptéà cet objectif.

* L’apport de pollen de fin d’hiver,avec des arbres comme les noisetiers ou lessaules, qui permettront un bon développe-ment du couvain.

* Un bon démarrage de début de prin-temps ; plusieurs espèces à floraison assezprécoce, comme des prunus, le poirier, cer-tains érables, les alisiers, etc., permettent depoursuivre le démarrage de fin d’hiver oudébut de printemps évoqué précédemment etconstituent un premier apport de nectar.Une récolte monoflorale sur ces espèces estrare, mais elles peuvent avoir un poids assezimportant sur les premières récoltes de mielde l’année.

* Une production de masse monoflo-rale. On utilisera alors une seule espèce (ouun seul genre), avec des variétés ou desclones à floraisons un peu décalées pour aug-menter la période de production quand celaest possible. Les chiffres de production four-nis par les auteurs, malgré quelques misesen garde pour leur utilisation, montrent qu’ilest possible d’obtenir une quantité impor-tante de miel monofloral (plus de 1 000 kgpar ha pour le robinier, le tilleul argenté,etc.). Pour être réaliste, il faut dans ce casconstituer un peuplement assez étendu (plu-sieurs hectares semblent nécessaires), etveiller à ne pas mélanger les espèces à florai-son simultanée si l’on veut un miel monoflo-ral original.

* L’augmentation des capacités melli-fères du site sans objectif bien précis, quipeut se faire avec toutes les espèces adaptéesau lieu. Cette option sera souvent choisiedans le cas de boisements multifonctionnels,où l’intérêt paysager ou cynégétique a ausside l’importance.

Photos ci-contre :Après le travail de récoltesur le frêne à fleurs, le repos bien mérité sur la feuille du même arbre.

186

Nom latin Intérêt Nectar Pollen Miellat Remarques ZB ZB ZP ZP ZM ZMmellifère sur la floraison sec fertile sec fertile sec fertile

Acer campestre xxx x x c c cAcer monspelliensis xx x x c cAcer negundo xx x x xAcer opalus xx x x x x x xAcer platanoïdes xx x x x x xAcer pseudoplatanus xx x x x x xAcer rubrum xx x x xAcer saccharinum xx x x xAlnus incana xx x x x x xAmorpha fruticosa xx x x x x x xArbutus andrachne x x x x xArbutus glandulosa x x x x xArbutus unedo x x x a x a xArbutus xalapensis x x x x xBuxus sempervirens x x x x x x x xCaragana arborescens xx x x Floraison dès 3-4 ans x x x x x xCercis siliquastrum x x x Floraison dès 5-6 ans x x x xColutea arborescens x x x Floraison dès 1 à 2 ans c cCorylus colurna x x x xEleagnus umbellata x Intérêt non précisé x x x xEucalyptus xxx x Grande variabilité selon espèces a a a aEvodia danielli xxx x Floraison dès 5-6 ans x x x xFraxinus ornus x x x Floraison dès 4-5 ans - 2 fl possibles x x x xGleditschia triacanthos xx x x x xHovenia dulcis x x Floraison tardive selon certain x xKoelreuteria paniculata xx x x x x xLaburnum alpinum x x x xLaburnum anagyroïdes x x c c c c c cMorus alba x x x x x x xMorus nigra x x x x x x x xOxydendrum arboreum xx x x Floraison dès 4-5 ans a aPhellodendron amurense xxx x x xPrunus cerasifera x x x x x x xPrunus mahaleb xx x x Floraison dès 2-3 ans x x x xPrunus padus x x x x xPrunus serotina x x Floraison très fugace a a a aPyrus communis x x x x x x x xRobinia pseud. divers xxx x x x Etalement sur 2 mois avec clones/proven. x x xSophora japonica xx x x xSorbus aria x x c cSorbus aucuparia x x xSorbus domestica x x x x x x x xSorbus intermedia x x x x x xSorbus torminalis x x x xTilia cordata xxx x x x x xTilia henryana xxx x x ? x ? xTilia platyphyllos xxx x x x c cTilia tomentosa xxx x x x x x x

Tab. II :Intérêt mellifère et zones appropriées aux espèces mellifères choisiesZB : zone basse - ZP : zone de piémont - ZM : zone de montagne - a : sol acide uniquement - c : sol calcaire uniquement Programme Sylvapi

t. XXIV, n° 2, mai 2003

187

* La création d’un « espace mellifère »constituant un arboretum, un site dedémonstration ou d’information, une imagede marque près d’un lieu de vente, etc., outout autre objectif à imaginer. Ces objectifs,encore mal répertoriés ni définis, prendrontcertainement de l’importance dans les amé-nagements futurs.

2. Analyser les potentialités mellifèresdes environs (1 km de rayon maximum) etles potentialités écologiques de la station.

L’estimation des potentialités mellifèresd’une station peut se faire par une analyseméthodique de la flore environnante, commecela a été fait par la société de botaniqueCatalane à la demande de l’U.S.A.R. (Uniondes syndicats apicoles du Roussillon), pourune partie du département des Pyrénées-Orientales. A défaut d’un tel travail existantou d’une analyse locale complexe, on secontentera d’une bonne connaissance de laflore mellifère locale ou tout simplement del’observation du rendement des ruches aucours des saisons, notamment pour unrucher sédentaire.

3. Établir la liste des espèces possiblesen fonction des analyses précédentes, etsélectionner parmi elles celles répondant àl’objectif choisi. Ce travail est facilité quandun guide ou un catalogue des stations fores-tières existe sur la région.

Remarque essentielle : les miels mono-floraux bénéficient souvent d’une renomméeou d’un label de qualité très porteur pourleur commercialisation (miel de romarin deNarbonne, miel de lavande des Alpes...) : ilfaut donc éviter de polluer leur pureté parl’introduction d’une espèce mellifère arboréeou arbustive qui fleurit en même temps.Dans ce cas-là, il faut aussi penser auxruchers voisins !

Les différentes formes d’aménagements et les principes de sylviculture favorable

La sylviculture actuelle, qui prône lesfaibles densités de plantation et des éclair-cies vigoureuses, est favorable à l’apiculturecar elle permet une bonne mise en lumièredes houppiers et le développement d’uneflore en sous-bois. Dans nos plantationsexpérimentales, nous avons choisi des espa-

cements moyens de 4 m entre les arbres.Quelquefois, un espacement de 5 m a permisd’intercaler une espèce plus petite.

Lorsque les espèces cibles du projet fores-tier ne répondent que modestement auxobjectifs paysagers ou mellifères, on peut uti-liser des espèces d’accompagnement plusadaptées. Les petits arbres ou arbustes àcroissance rapide, tels que le cerisier deSainte-Lucie, l’Amorpha, le cerisier tardif,les Eleagnus, procu-rent aux plantationsune visibilité antici-pée. Ils protègent lesessences à croissanceplus lente dans lessituations ventées, etapportent rapide-ment les contrastesesthétiques recher-chés.

Leurs floraisonsprécoces peuventamorcer l’utilisationde la parcelle par unapiculteur.

Photo ci-dessus :Dès la 4e année, le cerisier de Sainte-Luciefleurit et produit du nectar ; sa formebuissonnante favorisel’élancement de l’érablechampêtre, qui prendrale relais dans quelquesannées.

Photo ci-contre :Avant de planter,

un préalable à ne pasoublier : penser à

observer le solen profondeur.

Même si elles sont condamnées par ledéveloppement des arbres de haute taille, lesespèces arbustives ont un développementvégétatif souvent rapide, et des floraisonsqui peuvent jouer un rôle dès les premièresannées.

Une attention particulière pour leur inté-rêt mellifère doit être portée aux types deplantation suivants :

* Les haies, qui peuvent être constituéesentièrement de plantes mellifères allant dupetit arbuste au grand arbre ; à ne pasoublier pour protéger les emplacements derucher.

* Les plantations par bouquets ; beaucoupd’espèces feuillues sont réputées peu sociales(merisier, alisier torminal, etc.) mais sonttrès bien adaptées à la plantation par bou-quets allant de 0,2 à 2 ha. Le regroupementdes sujets de même espèce favorise leur repé-rage par les abeilles et ainsi l’efficacité dubutinage.

* Les plantations traditionnelles, homo-gènes sur une grande surface, ne sont pastoujours favorables à l’apiculture, notam-ment avec des conifères. On peut les rendreplus attractives en respectant quelques prin-cipes de sylviculture, avec des éclairciesfortes, en favorisant un sous-étage defeuillus, ou en effectuant quel ques travauxcomplémentaires. Des espèces hautementmellifères peuvent être associées en accom-pagnement à des espèces plus forestières :leur présence rend la parcelle productive etjustifie les entretiens compatibles avec lacroissance et la protection des arbresd’avenir forestier.

Pour les arbres présentant un intérêt pourle bois, on applique une taille forestière clas-sique (formation d’une bille) ; pour les arbresou arbustes d’accompagnement, on pourraau contraire rechercher un développementbuissonnant ou en boule qui favorise la flo-raison et l’impact paysager.

Les autres fonctions associéesaux plantations mellifères

Les espèces utilisées pour les plantationsdécrites précédemment confèrent aux peu-plements des qualités paysagères et cynégé-tiques qui peuvent être mises en valeur enutilisant la force visuelle de leur floraison(arbre de Judée, poirier, érable deMontpellier, frêne à fleurs…), de leur fructi-

fication (évodia, sorbier des oiseleurs, arbou-sier…), de leurs couleurs d’automne (érableschampêtre, rouge ou argenté, cerisier tardif,nyssa…).

Chacun, propriétaire privé agriculteur ouurbain, association ou groupement, collecti-vité, exprime différemment son attente :améliorer l’environnement des hameaux,occuper et restructurer des espaces endéprise, apporter contraste et diversité à despaysages monotones, constituer un espace àtraverser, protéger, cacher un élément défi-gurant, mettre en valeur un patrimoine, etc.Le projet doit aussi s’adapter àl’environnement du site, à son contexte socio-historique et culturel.

Le choix des espèces utilisées, qui tientcompte impérativement de leur adaptationécologique, prend également en compte leurdimension, leur forme, leurs couleurs auxdifférentes saisons, leur floraison, leurvitesse de croissance initiale, etc.

La répartition des espèces sur le terrainest importante : mélange pied à pied, groupe-ment par bouquets de dimensions et formesvariables selon l’effet recherché, dispositionen ligne pour marquer des éléments durelief, etc.

L’entretien des plantations, primordialpour la reprise et la croissance initiale desplants, joue également un rôle sur l’impactpaysager les premières années. Quandl’alimentation en eau le permet,l’implantation d’une plante couvre-sol herba-cée est intéressante.

La qualité cynégétique d’un peuplementest souvent améliorée en synergie avec lesobjectifs mellifères, elle s’exprime notam-ment par l’offre alimentaire que produit laou les espèces présentes (fruits, grai nes…),ou qu’elle induit (population d’insectesqu’elle abrite par exem ple). Les fruitiersforestiers déjà cités sont particulièrementintéressants à ce titre. La structure du peu-plement, son organisation, la taille desarbres et arbustes déterminent égalementles possibilités de gîte, d’évolution ou decache, de repères de la faune sauvage ; leschoix de gestion et d’entretien de la planta-tion sont donc très importants.

Le développement des plantations “Sylvapi” :une nécessité pour l’aménagement rural, la survie des abeilles et donc de l’humanité !

M.L., B.C.

188

A paraîtreDans un prochainarticle, nous passe-rons en revuequelques arbres àintérêts mellifère etpaysager : les érables,les sorbiers et les ali-siers... des fruitiersforestiers discrets àredécouvrir et à déve-lopper.

Bernard CABANNESMichèle LAGACHERIE

CRPF Languedoc-Roussillon

378, rue de la GaléraParc Euromédecine 1

34097 Montpelliercedex 5

Tél. 04 67 41 68 10Fax : 04 67 41 68 11

Courriel : ber-nard.cabannes

@crpf.frmichele.lagacherie

@crpf.fr

Cet article a étépublié en deux

parties dans la revue“Abeilles et fleurs”,

n°616, avril 2001 et n°617, mai 2001

Contact : UNAF Tél. 01 48 87 47 15