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LA GAZETTE • 26 AOÛT 2013 21 DOSSIER Dossier réalisé par Caroline Lefebvre et Stéphanie Stoll COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE La solidarité gagnant-gagnant EXPERTISE Complémentarité avec les ONG. Alors que de plus en plus d’Etats entreprennent de décentraliser leurs institutions, l’expérience des collec- tivités françaises suscite l’intérêt de nombreuses autorités locales. Services publics locaux, formation des agents, participation des habitants… les sujets de travail ne manquent pas. COHÉRENCE Naturellement complexe. Collectivités, Etats, associations, entreprises, organisations non gouver- nementales, partenaires étrangers… L’action internationale place les collec- tivités au cœur d’enjeux et de réseaux d’acteurs complexes qu’il est indis- pensable de solliciter et de mettre en cohérence. DÉMOCRATIE 2.0 Action extérieure. L’Etat a pris acte de la « diplomatie des territoires », empreinte de dialogue interculturel, d’élaboration partagée, de coopération Sud-Sud et de culture de l’évaluation. Une modernité qui nourrit, en retour, les politiques publiques françaises et plaide pour la démocratie. W. DUPUY / PICTURETANK

LA GAZETTE - Festival Lafi Bala...nue aux oreilles de la Banque mondiale. 6) Imaginer des solutions économes « Une politique internationale coûte ce que l’on veut y mettre, affirme

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LA GAZETTE • 26 AOÛT 2013 • 21

DOSSIERDossier réalisé par Caroline Lefebvre

et Stéphanie Stoll

COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE

La solidarité gagnant-gagnant

EXPERTISE

Complémentarité avec les ONG. Alors que de plus en plus d’Etats entre prennent de décentraliser leurs institutions, l’expérience des collec-tivités françaises suscite l’intérêt de nombreuses autorités locales. Services publics locaux, formation des agents, participation des habitants… les sujets de travail ne manquent pas.

COHÉRENCE

Naturellement complexe. Collectivités, Etats, associations, entre prises, organisations non gouver-nementales, partenaires étrangers… L’action internationale place les collec-tivités au cœur d’enjeux et de réseaux d’acteurs complexes qu’il est indis-pensable de solliciter et de mettre en cohérence .

DÉMOCRATIE 2.0

Action extérieure. L’Etat a pris acte de la « diplomatie des territoires », empreinte de dialogue interculturel, d’élaboration partagée, de coopération Sud-Sud et de culture de l’évaluation. Une modernité qui nourrit, en retour, les politiques publiques françaises et plaide pour la démocratie.

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Sept bonnes raisons de s’engager dans l’action internationale

La philanthropie ne suffit pas. « Les villes qui ont une action internationale ambitieuse s’en sortent mieux que d’autres,

assure Eric Recoura, directeur des relations internationales de Grenoble [155 600 hab., Isère]. Cela crée une dyna mique et une attractivité. »

1) Dynamiser son territoireDans les Pays de la Loire (3,57 mil-lions d’hab.), le partenariat avec l’Etat du Burundi (10,56 millions d’hab.) réu-nit, autour d’un objectif commun, une cinquantaine d’acteurs du territoire et des collectivités qui n’échangeraient pas dans d’autres circonstances. Une dyna mique qui ne masque pas les diffi-cultés de la région à impliquer d’autres collectivités .

2) Ancrer les collectivités dans la diplomatiePar leur implication au Burundi depuis février 2008, les Pays de la Loire contri-buent à la réconciliation nationale de ce pays déchiré par douze ans de guerre civile. Selon Claude Nicolet, conseiller communautaire de Dunkerque Grand Littoral (18 communes, 198 700 hab., Nord), « s’engager avec la Palestine est une prise de parti qui s’inscrit dans le processus de paix de 1993 ». « Dans nos coopé rations pour le déve-loppement économique en Afrique de l’Ouest, il y a une synergie straté-gique et opérationnelle entre le poli-tique et le terrain, expli que pour sa part Alain Yvergniaux , conseiller au cabi-net du président du conseil régional de Bretagne [3,2 millions d’hab.]. Dans une même journée, nous pouvons tra-vailler avec nos partenaires institution-nels, y compris au plus haut niveau des Etats, économiques et associatifs, et être sur le terrain avec la population. C’est passionnant et efficace. »

La coopération décentralisée, facteur de dynamisme et de rayonnement, porte ses fruits bien au-delà des territoires aidés. Les retombées sont multiples pour les collectivités engagées.

CALENDRIER

Objectifs du millénaire2015 est l’échéance pour atteindre les huit objectifs du millénaire pour le développement. L’un d’eux est l’élimina-tion de l’extrême pauvreté. Selon la Banque mondiale, le taux de personnes subsistant avec moins de 1,25 dollar par jour est tombé de 43 % en 1990 à 22 % en 2008. 2015 sera aussi l’Année européenne du développement.

les autres sur notre fonctionnement, nos territoires. » Dans l’hémi cycle des Pays de la Loire, Jean-Noël Gaultier, président de la commission « straté-gie internationale », a pris une « belle leçon de démocratie » quand la déléga-tion tuni sienne a laissé son opposition s’exprimer « avec sincérité ». La venue de ferrailleurs brésiliens à Plaine com-mune a aussi été l’occasion d’échanges sur la situation des Roms en France. S. S.

(*) Association des professionnels de l’action européenne et internationale des collectivités territoriales.

Equipe locale. Une fois qu’elle a identifié les élus et agents partenaires à l’étranger, une collectivité française peut approfondir sa collaboration en finançant, en tout ou en partie, des postes de correspondant local. Cette équipe locale, nationale ou binationale, devient l’une des clés de la réussite de la coopération, comme à Yélimané (Mali, partenariat avec Montreuil), Bujumbura (Burundi, six postes financés par les Pays de la Loire) ou Hô Chi Minh-Ville (Vietnam, deux postes financés par la région Rhône-Alpes au sein des services municipaux). Moins onéreux, le volontariat international permet un galop d’essai ou un appui à ces équipes.ONG. Riches d’une expertise et de leur ancrage local, les organisations non gouvernementales

peuvent jouer le rôle d’opérateur. C’est ainsi que la Bretagne s’est appuyée sur l’ONG suisse Helvetas pour un programme sur le coton biologique ou que Douai et Cholet œuvrent en partenariat avec SOS Sahel.Association. Certaines collectivités renforcent, moyennant subventions, des associations de solidarité internationale ou des associations d’amitié, au risque, si leur stratégie n’est pas clairement énoncée, d’être perçues comme de simples guichets.Etablissement public. Quand leur action internationale atteint une certaine maturité, des collectivités conventionnent avec des établissements publics (Agence française de développement, France Expertise internationale…).

Un engagement à géométrie variable

GLF

TÉMOIGNAGE

ABDOULAYE SENE, président et fondateur du Global local forum, ancien président du conseil régional de Fatick, au Sénégal

« S’apprécier en fonction d’une vision, sans préjugés »

« Quand ils se découvrent, les gens s’appré-cient en raison de leur vision de la coopé-ration et les préjugés n’interviennent plus. Ils trouvent chez l’autre quelque chose qui mérite le respect. Cela équilibre les rela-tions. Mais, lorsqu’une région française nous envoie un chargé de coopération ou un vice-président alors que notre président se déplace en France, c’est perçu comme un manque de considération et la France doit ajuster son attitude. Quand on regarde, dans

nos territoires ruraux, comment se passent les prises de déci sion, l’organisation des soli-darités pour développer des actions locales ou les travaux collectifs faits par les popula-tions, à travers une juste perception de l’inté-rêt géné ral, et que l’on compare ces pratiques à celles, plus formalisées, en France, on voit ce que les Français ont à réapprendre pour réhumaniser leurs relations. Si la crise per-siste ou s’aggrave, je crains un repli, alors que l’ouver ture peut appor ter des solutions. »

nements de cinq entre prises textiles régio nales. Hô Chi Minh-Ville (10,5 mil-lions d’hab., Vietnam ), la région Rhône-Alpes (6 millions d’hab.) ainsi que Lyon et le Grand Lyon (58 communes, 1,28 million d’hab.) cofinan cent un centre de prospective et d’études urbai-nes, le Paddi. « Des entre prises fran-çaises traduisent nos publications en oppor tunités de marché », observe Fanny Quertamp-Nguyen , codirectrice du Paddi avec une fonctionnaire viet-namienne. « Pourquoi tant d’experts y inter viennent bénévolement ? interroge l’un d’entre eux, fonctionnaire d’Etat, Jean-Charles Castel. Pour connaître le meilleur réseau d’expertise en dévelop-pement urbain en Asie du Sud-Est. »

5) Développer des politiques innovantes« L’expérience des pays moins avan-cés questionne nos pratiques et nos stratégies d’action publique », assure

3) Promouvoir ses valeurs« Au-delà des actions concrètes, la coopération porte les valeurs de la démo cratie, expose Charles Josselin, ministre délégué chargé de la Coopé-ration entre 1997 et 2002. L’important est de parler et, progressivement, on rapproche les pratiques. » La durée et le succès de deux projets sur l’égalité des genres ont permis aux Pays de la Loire de susciter l’intérêt du gouverne-ment burundais pour des sujets aussi délicats que la planification des nais-sances ou la santé des parturientes .

4) Consolider son économie et ses réseauxInterpellée par Kofi Yamgnane sur le poten tiel économique africain, la région Bretagne a noué, en 2008, une convention avec l’Union économique et moné taire ouest-africaine , portant sur la production de coton biologique. Ce programme sécurise les approvision-

cés par l’Agence française de dévelop-pement, recou rir à la coopération Sud-Sud ou engager des équipes locales.

7) Prendre des leçons de démocratie« Il faut avoir l’intelligence de travailler en donnant et en recevant », estime Eric Recoura . « Avant de donner des leçons de démocratie, on doit regarder chez soi et engager l’oppo sition dans la coo-pération décentralisée, ajoute Pierrick Hamon, secrétaire général du Global lo-cal forum. Il faut entendre ce que disent

Elise Garcia, membre de l’Arricod (*). Les projets concernant l’eau en Afrique alimentent la réflexion sur les modes de gestion des services ou la partici-pation des habitants. Plaine commune (9 communes, 403 800 hab. Seine-Saint-Denis) s’inspire de l’expé rience des ferrailleurs brésiliens, champions du recyclage de l’aluminium. « Nos experts français pressentent que les Vietnamiens pourraient être experts sur le changement climatique ou la ges-tion des inondations », indique Fanny Quertamp-Nguyen. Les échanges tech-niques sont au cœur du travail du Paddi, qui propose « des pistes pour élaborer des recommandations, mises en œuvre par les Vietnamiens ». L’effi-cacité de la méthode est même parve-nue aux oreilles de la Banque mondiale.

6) Imaginer des solutions économes« Une politique internationale coûte ce que l’on veut y mettre, affirme Julie Gardé , chef du pôle “coopération, diplo matie et solidarité” de la région Pays de la Loire. Former des élus coûte moins cher que de financer des équipements. » La transmission d’un savoir-faire sert de levier vers l’auto-nomie dans la conduite de projet. Les collectivités peuvent aussi guider leurs partenaires du Sud pour bénéficier de programmes gouvernementaux finan-

F. C

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Même délicats, certains sujets tels que la planification des naissances ou la santé des parturientes peuvent faire l’objet d’un partenariat Sud-Nord.

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Trois partenariats en actes au Burkina FasoLes programmes qui fonctionnent sont ceux qui reconnaissent la collectivité soutenue comme l’acteur principal du développement de son territoire.

Dans les villages, on l’ap-pelle « Ko Naaba », « le chef de l’eau » en langue mooré. Un titre éloquent, aux portes

du Sahel. Cyrille Ilboudo est respon-sable du service de l’eau à Pabré, com-mune de 28 000 habitants composée de 21 villages, à 20 km au Nord de la capi-tale du Burkina Faso, Ouagadougou. Il a été recruté en 2010 grâce à la ville de Limoges (139 200 hab., Haute-Vienne), partenaire de Pabré depuis 1999, qui a aidé à définir son poste et l’a financé de façon dégressive les trois premières années. Après avoir construit digue et écoles, et foré un puits, Limoges a décidé en 2009 de concentrer son appui sur la structuration des services de la commune, née en 2006 du processus de décentralisation, avec quatre agents

et quarante-deux élus municipaux. La ville française intervient sans opéra-teur, indique Florence Lagier, char-gée de mission au service des rela-tions internationales : « C’est beaucoup plus formateur pour Pabré que si une ONG ou un bureau d’études faisait les choses à sa place. »

Créer des associations d’usagersUne priorité s’impose : la mise en place d’un service pour gérer le réseau d’eau potable, installé en 2011 par des par-tenaires luxembourgeois. A Limoges, les techniciens de la direction de l’eau s’impliquent, accueillent Cyrille Ilboudo en stage, donnent des conseils techniques, aident à créer les associa-tions d’usagers de l’eau et à sensibiliser les habitants sur l’entretien des points

d’eau, l’hygiène… Manuel Rodriguez , qui se rend deux fois par an à Pabré et répond chaque semaine aux demandes de son collègue, dit appren dre beau-coup, lui aussi, « sur les panneaux solai-res qui alimentent les châteaux d’eau de Pabré ». Cette commune rura le, l’une des rares du pays à disposer d’un ser-vice de l’eau fonctionnel, sert d’exemple à ses voisines et songe à mettre ses compétences au service d’une mairie dépourvue de soutien étranger.Si le Burkina Faso est le champion de la coopération décentralisée fran-çaise, les 110 programmes recensés se concentrent autour de la capitale et des grands axes. Il n’est pas rare que plu-sieurs acteurs français interviennent sur le même territoire… sans concer-tation. Une carence à laquelle ambi-

tionne de remédier l’agence régionale de déve loppement (ARD) des Hauts-Bassins, créée en 2009 par cette région de 1,78 million d’habitants, située dans le Sud du pays, et celle de Rhône-Alpes (6,23 millions d’hab.). Cet établisse-ment public, qui offre un appui ins-titutionnel au conseil régional et aux 33 communes du territoire, toutes adhé rentes, espère fédé rer les collec-tivités françaises présentes. Chaque adhé rent dispose d’un droit de tirage pour finan cer ses investissements. « Nous ne jugeons pas l’oppor tunité des projets », précise Alain Bostal, coordon-nateur de la région Rhône-Alpes dans les Hauts-Bassins.

« Acteur de son développement »Les pratiques évoluent peu à peu, observe Mamadou Sembene, directeur de la Maison de la coopération décen-tralisée, à Ouagadougou : « On s’éloigne du jumelage à l’ancienne. Il y a davan-tage d’écoute, même si subsiste une tentation du Nord de prendre les déci-sions. Le jour où un maire burkinabé réussira à dire “non” à un partenaire étranger, on aura gagné ! » Dès les débuts de leur coopération, en 1989, Chambéry (57 300 hab., Savoie)

a tenu à laisser la ville de Ouahigouya (125 000 hab.) définir ses priorités. « Il faut sortir du paternalisme, reconnaître la collectivité burkinabée comme le légi time acteur de son développe-ment », estime Samuel Caillault, res-ponsable du service des relations inter-nationales. Pour plus de souplesse, l’animation du programme repose sur deux associations, l’une à Cham-béry (*), l’autre à Ouahigouya, « char-gée de faciliter les relations, d’accom-pagner et de pousser les projets », selon son coordonnateur, Issiaka Sawadogo.

jamais allée à l’école, y compris parmi les pré-sidents de commission. Ils ne peuvent pas lire les textes. C’est compliqué. Lors des sessions, je dois donc tout expliquer, traduire en langue mooré, préparer le procès-verbal… Le maire est très puissant. Globalement, les élus votent ce qu’il leur dit de voter. »

C. L

EFEB

VRE

« Je me suis rendu deux fois à Limoges, en 2008 et 2010. Traitement des déchets, des eaux usées, monnaie d’échange local, journal municipal… Les expériences que j’ai pu obser-ver dans la ville ou les petites communes alentour m’ont donné des idées, mais elles ne sont pas toutes à notre portée. J’ai été surpris par le déroulement de la session bud-gétaire du conseil municipal : tout est déjà préparé en commissions, il y a très peu de discussions au cours de la séance. Evidem-ment, notre contexte est très différent : seuls huit élus municipaux sur quarante-deux ont au moins un niveau collège (dont trois ont fait des études supérieures). La majorité n’est

« La moitié des élus municipaux n’est pas allée à l’école »

Anatole Désiré Doamba, maire de la ville de Pabré

« Le programme de coopération décentrali-sée donne une place importante à la culture. Outre le renforcement du fonds documen-taire, les échanges entre les bibliothécaires de nos deux villes ont été à l’origine de nouveaux projets comme l’informatisation du catalogue de la bibliothèque municipale, la création d’un espace “enfants”, des contes ou des confé-rences. Nous essayons d’adapter ces idées à nos moyens. De manière plus géné rale, le festival Lafi Bala, à Chambéry , favo rise les échanges artistiques, grâce aux résidences, et contribue à faire connaître notre culture et nos artistes. Certains, comme la troupe de percussions Badema , qui n’étaient jamais sortis du Burkina avant Lafi Bala, tour-

« Deux festivals jumeaux pour un partage culturel »

nent désormais un peu partout en Europe . Nous avons souhaité lancer, en novem bre, le pendant de Lafi Bala à Ouahigouya , Zoodo ( Amitié), avec l’idée d’alterner les deux festi-vals un an sur deux, mais il a eu lieu a minima, les Français ayant dû annuler leur voyage en raison de la crise au Mali. »

C. L

EFEB

VRE

Abdou Dramane Ouédraogo, chef du service « culture et sports » de la ville de Ouahigouya

« L’agence régionale de développement finance des projets d’appui institutionnel (formations d’agents et d’élus locaux, aide à l’élabora-tion de plans communaux de déve loppement, études…), à la condition que plusieurs collecti-vités adhérentes en fassent conjointement la demande. Les trente-trois communes ont ainsi bénéficié de formations de base (archivage, passation des marchés, rôle des élus…) qu’elles peuvent ensuite approfondir. Dans le même souci de mutualisation et de cohé rence entre les actions de coopération, nous sommes en pourparlers avec plusieurs collectivités fran-çaises intervenant dans la région pour leur proposer de se servir de l’ARD comme d’un relais, à l’instar du conseil général de la Haute-

« Un espace de dialogue et de mutualisation »

Vienne, qui nous a confié le volet de renfor-cement des compétences de son programme avec la commune de Bama. Tous les parte-naires gagneraient à intégrer cet espace de dialogue, afin de partager leurs expé riences, d’éviter de faire les mêmes erreurs ou de mener des actions redondantes. »

C. L

EFEB

VRE

Alassane Ouattara, directeur de l’agence régionale de développement des Hauts-Bassins

L’appui à la commune s’est traduit par des formations, le financement dégres-sif de dix postes d’agent, dont six de cadre, la structuration des services de l’eau et de l’état civil, des échanges entre agents ou élus… « Grâce au recru-tement d’animateurs et à l’instauration d’un système d’inscription au sein des maternités, le nombre d’enfants décla-rés à la naissance a nettement aug-menté », illustre Hamidou Ouédraogo, ex-premier adjoint.Mais Chambéry soutient également des associations et petites entreprises, encourage les connexions directes entre associations locales, la coopé-ration hospitalière, les initiatives des jeunes… Autant de relations qui s’in-carnent tous les deux ans dans le fes-tival Lafi Bala, dédié au Burkina. La huitième édition, qui a eu lieu fin juin, a accueilli une soixantaine de Burki-nabés, artistes, artisans, élus, asso-ciatifs… Trois jours de concerts, confé-rences et animations, un forum sur l’eau : « Une belle vitrine pour populari-ser la coopération décentralisée et s’ou-vrir à d’autres réalités », selon Samuel Caillault. Et un impact économique cer-tain pour la ville savoyarde. C. L.

(*) www.chambery-ouahigouya.com

DécentralisationLes premières élec-tions municipales au Burkina Faso ont eu lieu en 1995 dans 33 communes urbaines. Le pays compte aujourd’hui deux types de col-lectivités : les com-munes (49 urbaines et, depuis 2006, 302 rurales), aux-quelles ont été transférées quatre compétences (eau et assainissement, santé, enseignement primaire, culture et sports) et les régions.

Quand le Sud soutient le SudLe Centre international de formation des acteurs locaux (Cifal), à Ouagadougou, est issu d’une initiative du Grand Lyon, la mutualisation de missions d’assistance entre ses partenaires africains (Ouagadougou, Porto Novo, Bamako et Antananarivo). Objectif, selon Philippe Di Loreto, responsable de la coopération décentralisée : « Permettre à ces capitales, confrontées à une croissance urbaine exponentielle, d’échanger des expériences réussies en matière de transports, de propreté, de planification… » Grâce à de nouveaux soutiens financiers, le Cifal touche désormais toute l’Afrique subsaharienne. Le principe reste le même : les solutions aux problèmes des villes du Sud se trouvent moins dans les collectivités du Nord que chez leurs homologues du Sud.

110programmes de coopération décen tralisée réel-lement actifs sont recen sés par l’am-bassade de France au Burkina, faisant de ce pays la des-tination privilégiée des collectivités loca les françaises en Afrique.

Pabré et Limoges (Haute-Vienne) Ouahigouya et Chambéry (Savoie) Régions des Hauts-Bassins et Rhône-Alpes

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COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE : la solidarité gagnant-gagnant

« L’Etat, les collectivités et l’AFD forment une équipe »Pascal Canfin, ministre chargé du Développement, soumettra au début 2014 un projet de loi d’orientation et de programmation au Parlement.

Comment assurer la cohérence de 10 000 actions de coopéra-

tion décentralisée ?Plusieurs mécanismes existent, à l’exemple des réseaux régionaux multi acteurs, qui assurent aussi la visi bilité de l’action. Neuf étaient finan cés par l’Etat en 2012, treize en 2013 et je souhaite une généralisation. Il y a aussi des dispositifs de concer-tation : la Commission natio nale de la coopération décentralisée, que nous avons renforcée, et le futur Conseil national du développement et de la solidarité internationale, qui réunira collectivités, ONG, entreprises, syn-dicats, élus locaux et parlementaires. En outre, un travail de sensibilisation sera fait lors de la conférence des ambassadeurs, fin août. L’Etat, les collectivités et l’Agence française de développement (AFD) forment une équipe de France qui mobi-lise l’argent des contri-buables et qui, dans le respect du principe de libre admi-nistration, doit être la plus efficace et la plus cohé rente possible. Enfin, Cités unies France mutua lise les infor-mations, mais ne peut assurer la cohé-rence des actions sur le terrain .

Suivrez-vous les recommanda-tions des rapports « Laignel » et « Peyronnet » (*) en vue d’aug-menter les ressources financières de la coopération décentralisée ?Dans le projet de loi de finances pour 2013, nous les avons stabilisées. Vu le contexte budgétaire, il s’agit d’un effort conséquent. Le soutien de l’Etat passe par un fonds d’appel à projets doté de 9 millions d’euros. Nous travaillons aussi avec l’AFD à un dispositif com-plémentaire concernant essentielle-ment les grandes agglomérations ou les régions. Par ailleurs, au Mali, nous

avons obtenu l’accord du gouverne-ment pour qu’une partie des 3,2 mil-liards d’euros levés à Bruxelles en mai soit direc tement fléchée vers les collectivités maliennes. On gagne en efficacité, cela renforce la décentra-lisation et les acteurs locaux, donc la stabilité politique. Cela est vrai au Mali, mais le propos peut être élargi .

Où en est la loi d’orientation sur le développement ?Ce texte, qui devrait être examiné au début de l’année 2014, sera le pre-mier de la Ve République sur le déve-loppement. Il énoncera les grands

principes et objectifs de l’aide française. Si c’est nécessaire, je sou-haite renforcer la sécu-rité juri dique des actions internationales des col-lectivités. Il est hors de question que l’une d’elles puisse être battue en justice par un groupe politique qui conteste-rait son intérêt à agir. Les collectivités du Nord

et du Sud sont d’importants vecteurs de soli darité internationale. D’ailleurs, quand un conseil régional travaille avec une ville du Sud sur son plan cli-mat, il le fait avec ses outils et contri-bue à lutter contre le changement climatique, qui est l’une de ses poli-tiques. Et les élus locaux sont sou-vent plus en pointe que les gouverne-ments sur cette question, puisqu’ils en gèrent les conséquences concrètes. C’est pourquoi j’ai missionné Michel Delebarre et Ronan Dantec pour faire des propositions, d’ici à septembre, en vue de mieux associer les collectivités françaises et celles du Sud aux négo-ciations de la Conférence sur le climat, à Paris, en décembre 2015.

Propos recueillis par S. S.

(*) « L’action internationale des collectivités territoriales », janvier 2013 ; « La solidarité internationale à l’échelle des territoires », novembre 2012.

Pascal Canfin, ministre délégué chargé du Développement.

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Pour aller plus loin

À LIREIdées reçuesLes agents des collectivités réunis dans l’Arricod tordent le cou aux préjugés conduisant à confondre « jumelages-choucroute » et action internationale des collectivités territoriales.« L’action internationale des collectivités territoriales », Arricod, éd. Le Cavalier bleu, coll. « Idées reçues », octobre 2012. Site internet : www.arricod.fr

SUR LE WEBLes guides du F3ELe réseau associatif F3E, qui regroupe les acteurs publics et privés de la coopération et de la solidarité internationale, les accompagne dans les études et les évaluations des programmes. Ses guides métho-dologiques sont disponibles en téléchargement. Site internet : http://f3e.asso.fr

Les entretiens du Global local forumAvocat du dialogue des territoires – euro péen, Nord-Sud ou Sud-Sud –, le Global local forum alimente la réflexion sur les politiques de coopération et de développement . Site internet : www.global-local-forum.com

Cités unies FranceIncontournable, l’association Cités unies France fédère les collectivités territoriales françaises enga-gées dans la coopération internationale. Site internet : www.cites-unies-france.org

POUR COMPLÉTER VOTRE INFORMATION…• Exit la coopération décentralisée, dites « action

extérieure des collectivités »www.lagazette.fr/151913

• Plaidoyer de Michel Delebarre pour la coopération décentraliséewww.lagazette.fr/122008

• Les collectivités françaises appuient la démocratie nigériennewww.lagazette.fr/77405