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Thème sur la Géopolitique de l’eau Pour la revue Etudes Géopolitiques publiées par l’Observatoire d’études géopolitiques La Géopolitique de l’eau au Liban Fadi Georges Comair Directeur Général des ressources hydrauliques et électriques Professeur à l’Université Notre Dame de Louaizeh

la géopolitique de l'eau au Liban - AEFE Proche-Orient · l’Organisation des Nations Unies pour la Agriculture (FAO) et la Banque Mondiale dans le contexte du projet du développement

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Thème sur la Géopolitique de l’eau Pour la revue

Etudes Géopolitiques publiées par l’Observatoire d’études géopolitiques

La Géopolitique de l’eau au Liban

Fadi Georges Comair Directeur Général

des ressources hydrauliques et électriques Professeur à l’Université Notre Dame de Louaizeh

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Introduction Au Moyen-Orient et dans les régions d’Afrique du Nord, l’eau est un élément qui relie les nations et les hommes, quelque soient leurs origines ethniques, religieuses ou même leurs sentiments personnels de l’un vis-à-vis de l’autre. Dans les années à venir, cette ressource naturelle importante pourrait devenir une cause de guerre ou de paix, de destruction ou d’apaisement, de séparation ou de réconciliation. Même si des efforts diplomatiques seront déployés et si des arrangements institutionnels seront instaurés, les besoins en eau seront toujours présents, les gens n’arrêteront pas de boire, d’irriguer leurs terres ou de développer leur industrie. Le seul choix qui reste aux nations de cette région sera de trouver une solution pour traiter le problème de cette ressource rare, d’une façon coopérative, basée sur des critères technico-économiques en matière de ressources, disponibilités, besoins actuels et futurs, et ceci dans le cadre d’une gestion intégrée et équitable. La complexité de la région ne peut tolérer des solutions simplistes, immédiates et non planifiées qui pourraient susciter des réactions imprévisibles, brutales, incontrôlables, qui pourraient par la suite, embraser toute la région du Moyen-Orient. Le pays des Cèdres et l’Eau est le titre d’une aventure qui remonte à la nuit des temps. Les contraintes climatiques et hydro politiques ont conduit les libanais à gérer leurs ressources hydrauliques et une manière rationnelle les eaux depuis le temps les plus anciens. Le paysage pourtant en témoigne et suscite une légitime admiration. Cependant la croissance démographique et les transformations sociales et économiques ont crée au 20ème siècle une situation nouvelle. Dans un environnement dégradé, l’eau est devenue au Liban une ressource rare et un facteur limitant les moyens du développement. Appuyée par une décision politique majeur de la part de S.E. le Président Emile Lahoud, la Direction des Ressources Hydrauliques et Electriques a proposé une stratégie décennale pour l’exploitation des eaux du pays dans le cadre de la gestion intégrale des ressources. Face à la nécessite d’améliorer fortement la qualité des services des établissement des eaux, la France, par l’intermédiaire de l‘Agence Française de Développement et du Ministère des Affaires Etrangères a mené des actions efficaces dont le but est orienté à l’appui à la reforme institutionnelle de ce secteur au Liban et favorise le partenariat entre le secteur public et privé (PPP).

Ces actions représentent une voie d’avenir prometteuse pour le Liban. II Les Ressources en Eau au Liban

II-1 Le relief topographique et précipitation Le Liban, avec une superficie totale de 10,452 km2 est situé à l'Est de la mer Méditerranée et s'étend sur 210 km le long de la côte et 50 km à l'intérieur: Sa frontière Nord et Est est commune avec la Syrie et sa frontière Sud est commune avec Israël. Administrativement, il est divisé en six Mohafazats ou provinces. Topographiquement, le Liban peut être divisé en quatre parties parallèles en allant de l'Ouest vers l'Est:

• une bande plate côtière et étroite le long de la mer; • la chaîne du Mont-Liban, dont le maximum atteint 3,000 mètres d'altitude. • la vallée de la Békaa avec une hauteur de 900 mètres au-dessus du niveau de la mer. • la chaîne de l'Anti-Liban qui s'élève jusqu'à 2,800 m vers l'Est.

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Le climat du Liban est typiquement méditerranéen avec de fortes précipitations de pluies en périodes hivernales (janvier à mai), secs et très arides durant les 7 mois restants de l'année. Cependant, l'influence de la mer, les particularités de la topographie, ainsi que la présence du désert Syrien au Nord, ont crée une variante de microclimat à l'intérieur du pays avec des contrastes, dans la distribution des températures et des précipitations. La température annuelle moyenne est de 20°C sur la côte (variante entre 13°C en hiver et 27°C en été), 16°C dans la vallée de la Bekaa (variante entre 5°C en hiver et 26°C en été), et moins de 10°C dans les hautes altitudes des zones montagneuses (variant entre 0°C en hiver jusqu'à 18°C en été). La précipitation annuelle moyenne est estimée aux alentours de 800 mm, variant de 600 à 900 mm le long de la côte et de 1,400 mm dans les montagnes et décroissante jusqu'à 400 mm dans les régions Est, et moins de 200 mm dans les régions Nord-Est du pays. Au-dessus de 2,000 m d'altitude, les précipitations sont essentiellement neigeuses et peuvent aider à donner de bons débits pour 2,000 sources pendant les périodes sèches. Les précipitations se produisent durant 80 à 90 jours par an, principalement entre octobre et avril. Environ 75% du volume total de l'écoulement superficiel ont lieu durant la période de 5 mois, qui s'étend de janvier à mai, 16% de juin à juillet et seulement 9% pour les cinq mois restants soit du mois d'août au mois de décembre.

II-2 Le cycle de l’eau au Liban: ressources en eau

Les Ressources en Eau du Liban, pour une année moyenne, peuvent se résumer comme suit:

Ecoulements (mm3) No. Désignation

Entrées Pertes Total

1 Précipitation annuelle totale 8,200

2 Evaporation naturelle et transpiration 4,100

3 Pertes en eaux souterraines vers les pays voisins 300

4 Pertes en eaux de surface vers les pays voisins 648

5 Sources sous marins et eaux souterraines 385

6 Total des eaux renouvelables 2,267

6.1 Eaux souterraines 567

6.2 Eaux de surfaces 2,200 Environ 1 milliard de m3 de ce volume d'écoulement provient de plus de 2,000 sources, avec un débit moyen unitaire de l0 à 15 l/sec, en dehors de l'écoulement pérenne de 17 cours d'eau qui font partie du total des 40 cours d'eau principaux qui s'écoulent dans le pays. Avec l'écoulement des eaux souterraines vers la mer et les difficultés relatives à son contrôle, ajoutées aux conditions géologiques difficiles pour pouvoir emmagasiner l'eau dans des sites de barrages, les ressources en eaux gouvernables au Liban sont certainement beaucoup plus inférieures que le chiffre global de 4,1 milliards de m3/an. Le chiffre le plus réaliste ne dépasserait pas les 2,2 milliards de m3 par an.

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Au total, il existe 40 cours d'eau principaux au Liban qui aliment les écoulements surfaciques annuels. Le graphique ci-dessous montre la répartition totale des principaux fleuves du pays.

Les écoulements des eaux souterraines dans les différents bassins du Liban sont consignes dans le graphique suivant :

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Le système hydrographique du pays présente cinq bassins principaux, nationaux et trans-frontaliers:

• Le bassin versant du fleuve El Assi (Oronte), au Nord. Il s'écoule vers la Syrie au Nord- Est du pays. • Le bassin versant du fleuve Litani à l'Est et au Sud. Le Litani atteint la mer à l'Ouest du pays. • Le bassin versant du fleuve Hasbani au Sud-Est. Le Hasbani, qui s'écoule vers Israël au Sud -Est du pays, est un affluent du fleuve Jourdain;

Tous les bassins versants des fleuves côtiers restants. Le bassin versant du fleuve El Kébir, au Nord, est partagé avec la Syrie, constituant une partie de la frontière entre les deux pays et s'écoule ensuite vers la mer; • Tous les autres petits cours d'eau éparpillés et isolés, situés entre les cours d'eaux principaux constituent des poches d'eau isolées.

Le Liban a une situation favorable en ce qui concerne les précipitations et les ressources en eau, mais les contraintes de leurs exploitations proviennent de leurs disponibilités limitées durant les sept mois secs de l'été, ainsi que la nature géologique karstique du pays.

II-3 Le Litani et son importance au développement économique national

II-3-1 Caractéristiques naturelles et données hydrauliques La Surface du bassin versant du Litani est de 2,175 km2; approximativement 20% de la surface totale du territoire libanais; Le fleuve du Litani prend sa source à Nabaa el Aalleik dans le caza de Baalbeck et se jette dans la mer Méditerranée. Les études sur le bassin du Litani ont été entreprises à partir des années 50 par l’ingénieur Ibrahim Abd Al, ainsi que par l’ancien ministre du Plan libanais, Cheikh Maurice Gemayel. Ces études ont été complétés par le groupe français du Litani, ainsi que l’Electricité de France et consolidés par l’Organisation des Nations Unies pour la Agriculture (FAO) et la Banque Mondiale dans le contexte du projet du développement agricole de sud du Liban.

Le bilan et ressources en eaux de ce fleuve sont d’environ 764 Mm3, partagé en 542 Mm3 en amont et 221 Mm3 en aval du barrage de Qaraoun pour une année moyenne de précipitation.

a) Eau Disponible dans les Réservoirs de Stockages d’Eaux de Surfaces

CAPACITE (mm3)

No. DESIGNATION CONDITION UTILISABLE TOTAL

a.1 Barrage de Qaraoun Existant 160 220

a.2 Barrage de Khardali Proposé 85 128

a.3 Barrage de Bisri Proposé 106 128

Total 351 476

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Les eaux souterraines disponibles, dont le total est d’environ 125 Mm3, sont désignés dans le tableau suivant :

No. DESIGNATION NOMBRES D’AQUIFERES CAPACITE (Mm3)

b.1 La vallée de la Bekaa 3 75

b.2 La plaine côtière du Sud 2 50

TOTAL 125

Le total des terres cultivables et irrigables prévues pour être exploitées par le projet Litani est de 58,000 ha, en plus du projet d'irrigation actuel de Qasmieh qui comprend 4,000 ha de terres irriguées. L’exploitation moyenne du projet se situe dans les régions du sud de la Bekaa, ainsi que le sud du Liban.

Pour la Bekaa, le total des surfaces des terres irriguées par le projet est d’environs de 25,000 ha. Quant au sud, le total des terres irriguées est d’environs 33,000 ha.

Le plan directeur hydro-électrique, dont la source d'énergie provient du barrage de Qaraoun (290 MGW), avec les séquences de tunnels de dérivation et des galeries pour la production de l'énergie hydro-électrique, a été complètement construit entre 1955 et 1968.

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III Les Besoins en Eaux du Liban

III-1 Population

Plusieurs démarches ont été entreprises pour estimer la population libanaise. Les différentes approches ne fournissent pas les mêmes résultats pour des raisons relatives aux différentes études statistiques, aux situations particulières liées aux dates des enquêtes, aux échantillonnages et à l'absence d'un recensement réel. L’étude officielle la plus fiable a été entreprise par le Ministère de l’Intérieur (listes électorales), ainsi que par le Ministère des Affaires Sociales avec le concours de la UNDP et UNRWA. Ces sources estiment la population actuelle d’environs 4,8 millions d’habitant, avec un taux d’accroissement annuel moyen de 2,5%. Cette population, ainsi que les réfugies sont reparties comme suit sur les différentes régions.

-Région Nord 1, 000,000 habitants. - Beyrouth et Mont Liban 2, 300,000 habitants. - Liban Sud 670,000 habitants - Bekaa 580,000 habitants

En ce qui concerne les besoins en eau potable, certaines études ponctuelles basées sur des échantillonnages ont fait l'objet d'estimation des besoins en litres par jour et par habitant. Il s'agit des études du BCEOM du bureau d'Alexander Gibb et de Lahmayer pour la ville de Beyrouth. D'autres études ont été aussi menées dans d'autres régions par différents bureaux libanais. Le Ministère de l’Energie et de l’Eau a montré dans le cadre de sa stratégie décennal le lien qui existe entre les besoins et les niveaux socio- culturels et socio- économiques du pays. A la suite de plusieurs enquêtes menées à ce sujet, la Direction Générale des Ressources Hydraulique et Electrique a considérée que les besoins par habitant et par jour est de 200 l/j/habitant.. A partir de toutes ces considérations, les besoins par habitant et par jour se répartissent comme suit :

200 l / jour/ habitant - 3.5 % de majoration pour tenir compte de gros consommateurs; d'utilisation municipale. - 70% de rendement pour les réseaux en supposant qu'ils sont réhabilités.

Cela correspond à 230 l/jour/habitant à la source. Les besoins annuels sont de 500 millions de m3 environ. Ceux qui correspondent à la période sèche c'est à dire aux mois de juin, juillet, août, septembre, octobre (JJASO) sont de l'ordre de 176 millions de m3.

- Région Nord 22% - Beyrouth et Mont Liban 46% - Région Sud 16% - Région Bekaa 16%

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La distinction entre consommation d’hiver et celle d’été est mise en évidence. Le chiffre retenu tient compte en fait des consommations d’été et peut être considère comme légèrement surestimé pour l’hiver.

Le tableau ci-dessous présente les exigences de la demande en eaux du pays dans les différents départements pour la période d’été (juillet - octobre).

Usage Domestique

(Mm3)

Usage Industriel

(Mm3)

Irrigation (Mm3)

Total (Mm3)

Nord Liban 53 13 150 216

Mont Liban 127 30 78 235

Bekaa Nord 15 4 135 154

Bekaa Centrale et Sud 17 4 153 174

Sud Liban 38 9 159 206

Total 250 60 675 985

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III-2 Besoins en eau d'irrigation Les superficies irriguées qui sont proposés par la FAO et le Ministère de l’Agriculture du Liban pour l’année 2004 sont de l'ordre de 100,000 hectares étalées dans les départements suivantes :

- Région Nord 30,000 ha - Beyrouth et Mont Liban 10,700 ha - Région Sud 21,000 ha - Région Beqaa 40,000 ha

Les besoins en eau par hectare pour ces surfaces étant dépendant des espèces culturales, des modes d’irrigations, de l'état des réseaux et du c1imat. Pour cela, la FAO a préconisé des chiffres variant entre 6,000 et 10,300 m3/ha/an en tête du réseau. Toutefois, les besoins calculés pour 2004 par le Ministère de l’Energie et de l’Eau sont d’environs 900 millions à 1 milliard m3 d’eau d’irrigation, dont 700 m3 s’étalent entre le mois de juin à octobre. Hypothèse: 8,500 m3/ ha/ an Rendement de 70 % Besoins annuels 1 094 194 773 m3 Besoins pour la période JJASO 785 870 138 m3 Les besoins en eaux d’irrigation pour 2040 sont consignés dans le tableau.

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Id. Designation 2000 2005 2010 2015 2020 2025 2030 2035 2040

A.1 Population (x106) 4.50 5.14 5.87 6.71 7.67 8.76 10.01 11.43 13.06

Unité (m3/personne/an) 110.00 112.22 114.48 116.79 119.14 121.54 123.99 126.49 129.05 Usage domestique et

industriel Total (mm3/an) 495.00 576.93 672.43 783.73 913.46 1,064.66 1,240.88 1,446.27 1,685.67

Surface (x103 Ha) 100.00 122.50 145.00 167.50 190.00 212.50 235.00 257.50 280.00

Dem

ande

s en

Eau

Agriculture Total (Mm3/an) 1,000 1,225 1,450 1,675 1,900 2,125 2,350 2,575 2,800

A.2

Grand Total (Mm3/an) 1.49500 1.80193 2.12243 2.45873 2.81346 3.18966 3.59088 4.02127 4.48567

Eau de surface 1 1.2 1.5 1.6 1.72 1.84 1.96 2.08 2.20

Eau souterraine 0.5 0.5 0.5 0.5 0.5 0.5 0.5 0.5 0.5 B

Res

sour

ce e

n ea

u (M

m3 /a

n)

Total 1.50 1.70 1.80 2.10 2.22 2.34 2.46 2.58 2.70

C Balance (Mm3/an) +0.00500 - 0.10193 - 0.12243 - 0.35873 - 0.59346 - 0.84966 - 1.13088 -1.44127 -1.78567

Le scénario pour l’an 2040 pour les besoins d’eau d’irrigation montre que le bilan total serait de 1,78 milliards m3, en considérant les : 1. Population en 2000: 4.5 millions 2. Taux de Croissance Annuel: 2.7% 3. Surface Irriguée: 100,000 Ha en 2000 & 280,000 Ha en 2040 4. Consommation d’Eau par Ha: 10,000 m3/an 5. Usage domestique et Industriel par personne/jour: 300 l/d 6. Ressources en Eau: 1.5 Mm3/an en 2000, 2.1 Mm3/an en 2015 & 2.7 Mm3/an en 2040

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III.3 Besoins de l'industrie L'industrie libanaise ne consomme pas de grands volumes d'eau. De plus, il n'existe aucune étude permettant d'estimer les besoins en eau de l'industrie. Nous adopterons un pourcentage de 30% sur l'ensemble eau potable tel que désigné par la Banque Mondiale

III-4 Le bilan global des besoins La demande totale annuelle a été estimée pour 2004 aux alentours de 1,84 milliards de m3/an. La demande totale annuelle s'élève ainsi a 1.8 milliards de m3 environ et celle correspondant à JJASO à 962 millions de m3 environ. La répartition entre régions pour la période JJASO se présente comme suit:

- Région Nord 25 % - Beyrouth et Mont Liban 19 % - Région Sud 25 % - Région Bekaa 31 %

Sur l'ensemble de la demande en période JJASO, l'eau potable et l'industrie représentent 29 % et l'irrigation 71 %. Sur l'année, la part de l'eau potable tombe a 19 % et celle de l'irrigation passe a 81 %.

Cette demande totale annuelle pour 2040 pourrait dépasser 3 milliards /m3/an IV – L’exploitation des ressources: La stratégie décennal L'objectif du plan de travail établi par le Ministère de l'Energie et de l'Eau est d'assurer le volume d'eau nécessaire pour satisfaire les besoins en eau de la population dans les secteurs suivants:

• Assurer des ressources en eaux additionnelles • Projets d'adduction en eaux potables • Projets de collecte des eaux usées • Projets d'irrigation et • Projets d'alignement et de rectification de rivières

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IV-1 Assurer des ressources en eaux additionnelles A la lumière de l'accroissement des besoins en eaux dans le secteur domestique et dans l'irrigation et avec le Bilan National des Ressources en Eau, le Liban fait face à un déficit en eau qui est ressenti de plus en plus dans les régions urbaines et rurales et spécialement dans les régions côtières où la population s'est déplacée durant la guerre. Pour les secteurs de l'industrie et de l'irrigation, les eaux disponibles à partir des sources, ne sont plus suffisantes durant les saisons sèches, en plus de l'exploitation intensive des eaux souterraines par les secteurs publics et privés. Ceci a conduit à:

• un décroissement du volume d’écoulement des sources, entravant l'utilisation de l'eau pour la consommation et pour l'irrigation;

• une diminution des eaux souterraines dans les aquifères de la Bekaa; et • une intrusion de l'eau de mer et une augmentation de la salinité dans les aquifères côtiers.

Pour cela, il est clair qu'il est nécessaire d'emmagasiner les eaux hivernales qui seront alors utilisées en période des saisons sèches. L'exécution de ces réservoirs de stockage en surface demande d'être précédé par:

• La préparation et l'établissement de cartes géologiques et hydrogéologiques détaillées, le contrôle du niveau des eaux souterraines, la protection des aquifères et sources, en plus des études sur les possibilités de stocker les eaux souterraines pour réduire l'intrusion de l'eau de mer, réduire les pertes en eau par évaporation, et en plus étudier l'alternative de la recharge artificielle des aquifères.

• Les études sur les possibilités de stockage des eaux à partir des eaux de ruissellement des fleuves du

Liban en construisant des lacs collinaires et de petits barrages. Les études qui ont déjà été préparées doivent être mises à jour et décider la construction de ces barrages et lacs là où les études de feasibilité ont été prouvées. Ces retenues sont consignées sur la carte de Liban.

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LES BARRAGES AU LIBAN

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Les Barrages Proposés

Désignation de

Site Nord Liban Mont Liban Bekaa Nord Bekaa Centrale et Sud Sud Liban Total

1- Barrages existents Qaraoun 220 220 2- Barrages proposés Noura el Tahta 70 Qarqaf 20 Bared 40 Iaal 10 El Mseilha 10 Dar Beachtar 55 Chabrouh 8 Janneh 30 Boqaata 7 Aazzounieh 4 Damour 60 Aassi 37 Younine 7 Massa 8 Ibl Es Saqi 20 Bisri 120 Khardaleh 120 120 TOTAL 205 109 52 220 260 845

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IV-2 Projets d'adduction d'eau potable Avant les années soixante, peu de régions Libanaises bénéficiaient des commodités de l'usage de l'eau potable. Durant les années soixante, le gouvernement Libanais a entrepris un plan pour créer des réseaux de distribution de l'eau potable qui assurerait l'eau à toutes les régions. Les critères suivants étaient alors adoptés à cette période;

• Besoins journaliers pour l'eau potable et l'eau domestique 100 litres par jour et par habitant • La durée de vie et les dimensions du réseau étaient calculées pour une durée de 25 années

Aujourd'hui et après 25 années, les installations des réseaux ne peuvent plus satisfaire les besoins de la population actuelle. Aussi, sur les 25 années, aucun effort majeur n'a été fait, pour réhabiliter les réseaux d'eau et les installations, pour renforcer leurs capacités, ou même, trouver des nouvelles ressources en eau pour couvrir l'accroissement de la demande en eau journalière de la population. Dans le but d'assurer une alimentation continue en eau à la population, la tendance actuelle du Gouvernement Libanais est:

• d'assurer l'eau potable pour les villages non équipés, • d'améliorer les conditions des projets d'eau potable, tant dans le domaine des ressources et de

l'infrastructure.

IV-3 Projets de collecte des eaux usées Dans ce secteur, le gouvernement a l'intention de donner la priorité pour l'exécution de projets de traitement des eaux usées dans le court et long terme pour protéger l'environnement, les eaux souterraines et les sources.

IV-4 Projets d'irrigation

En 1993, on estimait que 54.3% des terres étaient irriguées par les eaux de surface et 45.7% à partir des eaux souterraines (forages et sources). L'utilisation des eaux souterraines pour l'irrigation a augmenté les quelques dernières années, à cause du retard dans l'exécution du plan des projets gouvernementaux. Individuellement, chaque fermier fait face au manque d'eau en augmentant ses besoins en eau au moyen de forages privés qu'exploitent les eaux souterraines; ceci spécialement dans les régions côtières du Sud et dans la plaine Centrale de la Bekaa. Le secteur public de l'irrigation, qui n'a pas changé depuis 1970, est formé de projets à grandes échelles (l,000 ha) et 50 projets de moyennes et petites échelles. La plupart des projets sont anciens, mal entretenus et dans un stade avancé de détérioration. Il est estimé que la plupart des surfaces irriguées par les eaux de ruissellement ont besoin d'être réhabilités. Le secteur privé de l'irrigation continue de se développer avec une plus grande et plus dynamique extension, basé essentiellement sur les forages d'eaux.

En ce qui concerne le système d'irrigation actuel, il est essentiel de diminuer l'influence de nombreux forages qui sont creusés à proximité des sources. La réhabilitation de certains captages d'eau et des barrages de dérivation, pourrait prolonger la durée de vie de tels projets anciens.

Il faudrait se concentrer sur la mise au point de nouveaux projets d'irrigation, principalement sur les fleuves de l'Oronte et du Litani. Les études de faisabilité ont été faites par la direction générale des Ressources Hydrauliques et Electriques après l'accord, sur les quotes-parts des eaux du fleuve de l'Oronte, établi entre les Gouvernements Libanais et Syriens. En ce qui concerne le fleuve du Litani, les plans directeurs détaillés sont exposés dans la section VI, ci dessous.

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IV-5 Alignement et rectification des fleuves Le but de ces projets est de protéger les riverains et les terres qui sont situés sur certaines régions des fleuves des menaces des crues. Remarques: Ci-dessous, le Plan de Travail, établi en juin 1999, par le Ministère de l'Energie et de l'Eau, anciennement le Ministère des Ressources Hydrauliques et Electriques.

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Programme des Projets des Travaux Hydrauliques et Electriques à la Direction Générale des Equipements Besoins Financiers pour les Années 2000-2009

Repartitions des Dépenses Nombre Identification des Travaux Coût en Milliard de

L.L. 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009

1 Assurer des ressources en eau supplémentaire 1,180 21 46 77 95 125 135 156 167 169 189

2 Projets d’eau potable 200 10 10 15 20 25 25 25 25 25 20

3 Projets d’irrigation 125 4 4 10 12 12 15 17 17 17 17

4 Evacuation des eaux usées 320 7 12 12 17 27 37 47 47 57 57

5 Projets d’alignement et entretien des rivières 65 2 3 3 3 4 10 10 10 10 10

6 Equipement électrique 35 5 4 4 4 4 4 4 2 2 2

Total 1,925 49 79 121 151 197 226 259 268 280 295

Divers et non inclus 75 1 1 4 4 3 14 16 7 20 5

Total Général 2,000 50 80 125 155 200 240 275 275 300 300

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V. LES BASSINS TRANSFRONTALIERS AU LIBAN D’après les statistiques des Nations Unies il existe 263 bassins transfrontaliers dans le monde. Ces bassins couvrent 45% de la surface de la terre et affectent 40% de la population mondiale. Ces bassins comptent approximativement 80 % du total des débits enregistrés des bassins et traversent les frontières politiques de 147 nations. Le tableau ci-après montre leur répartition dans chaque continent.

Continents Nombre de bassins

Afrique 59

Asie 52

Europe 73

Amérique Latine 61

Amérique du Nord 17

Océanie 1

La position hydro géographique du Liban présent trois bassins transfrontaliers qui sont:

BASSINS

SUPERFICIE

Km2

PAYS

Le Jourdain 42,800 Le Liban, La Syrie (Le Golan), La Palestine, La Jordanie et Israël

Nahr el Kabir 1,300 Le Liban et la Syrie

L’Oronte 37,900 Le Liban, la Syrie et la Turquie

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Ces bassins relèvent du droit international public relatif à l’usage des bassins transfrontaliers et sont soumis à l’applications de plusieurs principes juridiques tels que :

Conventions Internationales Helsinki – 1996 Nations Unies – 1997

Coutumes Internationales Arrangement à l’amiable pour le règlement des conflits sur le partage des eaux.

Principes généraux de droit (reconnus par certains pays en voie de développement)

L’égalité, la non nuisance, le partage équitable, la réciprocité entre les droits et devoirs, l’obligation de régler les problèmes pacifiquement, l’application harmonieuse des lois nationaux en cas de conflit.

Décisions Judiciaires Les limites du principe de la souveraineté.

Le gouvernement libanais ayant ratifié, en mars 1999 la convention des Nations Unies sur le cours d’eaux internationaux non navigables (1997). Cette convention comprend plusieurs articles relatifs au partage équitable et raisonnable des ressources, ainsi qu’à la protection des eco-systèmes. Le tableau ci-après liste les titres des articles les plus importants:

Article 5 Utilisation et participation équitables et raisonnables.

Article 6 Facteurs pertinents pour une utilisation équitable et raisonnable.

Article 7 Obligation de ne pas causer de dommages significatifs.

Article 8 Obligation générale de coopérer.

Article 9 Echange régulier des données et des informations.

Article 10 Rapport entre les utilisations.

Article 20 Protection et préservation des écosystèmes.

Article 21 Prévention, contrôle et réduction de la pollution.

Articles 24, 25 et 26 Gestion et régulation des installations.

Article 33 Règlement des différents et Arbitrage.

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Les négociations hydro-politiques entre le Liban et la Syrie qui ont été entamé en 1948 sur l’Oronte et ont aboutit à la signature d’un accord en 1994, amendé à deux reprises en 1996 et 1998. Cet accord a été rediscuté entre les deux gouvernements en l’an 2000 à fin d’intégrer les principaux articles de la convention des Nations Unis (1997) pour que le Liban puisse exploiter sa côte part dans le développement rural de la région de la Bekaa Nord. De même pour le Nahr Al Kebir qui traite la frontière Nord entre les deux pays. Ces deux accords ont été ratifiés en mars 2003 au palais de Baabda, au Liban, par les présidents Emile Lahoud et Bachar Assad. Le tableau ci après présente les principaux articles amandés de l’accord de l’Oronte et ceux du Nahr El Kebir en comparaison avec la Convention des Nations Unie de 1997.

Convention des Nations Unies Accord de L’ORONTE Accord de

Nahr El Kabir

Article 5 & 6 : Facteurs relevant pour l’utilisation équitable et raisonnable de l’eau.

Si le débit moyen d’écoulement > 403 Mm3 → Part allouée au Liban 80 Mm3. Si le débit moyen d’écoulement < 403 Mm3 → Part allouée au Liban 20% du débit total. Projets: Barrage de dérivation : capacité 27 Mm3. Barrage de stockage : capacité 37 Mm3. 6,000 hectares périmètre d’irrigation.

Part allouée au Liban 40% du débit total. Part allouée à la Syrie 60% du débit total. Projets: Barrage de stockage commun : capacité 70 Mm3 10,000 hectares périmètre d’irrigation.

Article 33 : Règlement des différends.

Article 7 : Comité d’arbitrage conjoint.

Articles 7 & 8 : Le comité conjoint de l’eau et/ ou les Ministres des deux pays.

Article 7 : Obligation de ne pas causer de dommages significatifs.

l’Oronte est considéré d’utilité commune et son exploitation ne devrait pas causer de nuisances significatives.

Article 1: L’exploitation des eaux du fleuve ne doit pas sans causer de nuisances significatives.

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Convention des Nations Unies

Accord de L’ORONTE

Accord de Nahr El Kabir

Articles 8 & 9 : L’obligation de coopérer et d’échanger régulièrement les données et les informations.

Article 5 : Surveillance des débits d’écoulement ainsi que les forages et le pompage des sources le long du cour d’eau.

Annexe 2 - Articles 1, 4, d, e, g : Installation, entretien des instruments, mesure des données météorologique, volume et débit d’eau entrant et sortant.

Article 20, 21 & 23 : Protection et préservation des écosystèmes et la prévention, réduction et maîtrise de la pollution.

Article 6 : Le contrôle régulier de la pollution et la conservation écosystème.

Article 5 : Les Etats du cours d’eau doivent protéger et préserver l’écosystème.

Article 24, 25 & 26 : Gestion, Régulations et Installations.

Article 5 & 6 : Surveillance des répartitions des volumes d’eau et contrôle de la gestion du bassin.

Annexe 1: Méthodologie de conception et de la construction du barrage commun et des ouvrages annexes. Annexe 2: Méthodologie pour la gestion du cours d’eau et instructions pour l’exploitation et la maintenance (barrage et ouvrages annexes).

VI - HYDRO DIPLOMATIE POUR LES PAYS DU MOYEN ORIENT

VI-1 Les Bassins Transfrontaliers : Catalyseurs pour la coopération plutôt qu’une source de conflit!

Au Moyen Orient les bassins frontaliers peuvent occasionner des tensions entre les Nations voisines. Cependant une coopération en avance entre les Etats riverains peut prévenir des conflits potentiels. Cette coopération induite par les institutions internationales des Nations Unies sur place, pourrait rapprocher les Etats riverains hostiles et éviter ainsi toute sorte de conflit. Aussi la détérioration graduelle de la qualité et la gestion irrationnelle de la quantité de l’eau, affecte la crédibilité et la stabilité d’une nation et même parfois la stabilité de toute la région avoisinante. C’est pour cela la réussite d’une négociation hydro politique doit démarrer par un consensus national et un appui décisionnel des gouvernements en questions. Des objectifs clairs, ainsi qu’une vision partagée de coopération et d’esprit de compromis pourrait aboutir à des engagements clairs, pratiques et durables.

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Conclusion

Le Liban attache une grande importance à cette coopération, dédiée à l’eau. La problématique de cette ressource porte sur la possibilité de trouver une adéquation permanente et de prospective de l’offre à la demande. Les conditions de développement durable reposent sur cet équilibre, particulièrement durant la période sèche qui s'étend du mois de mai au mois de novembre. La répartition des apports montre un manque d’homogénéité dans le temps. A cela s’ajoute une

karstification assez développée, très coûteuse à étancher, qui touche 60% du sol libanais. Face a cette situation complexe, la Direction Générale des Ressources Hydrauliques et Electriques du

Ministère de l'Energie et de l'Eau, a mis au point une stratégie, planifiée sur 10 ans (2001 - 2010) qui visent:

- D’un côté à assurer des ressources supplémentaires en eau, et ceci par le stockage des eaux surfaciques dans des barrages et des lacs collinaires, et aussi par la recharge de la nappe.

- D'un autre côté, à traiter les eaux usées, et les réutiliser dans le cadre d'une gestion globale intégrée.

La réalisation de ces objectifs nous a amené à restructurer le secteur de l'eau. Cette restructuration a

entraîné la réduction à 5 grands offices en partant de 22 offices initiaux et quelques 200 commissions s'occupant du secteur l'eau. La contribution de la France dans la réforme des offices des eaux a été toujours adéquate, utile et

bénéfique et nous espérons qu’elle le sera aussi dans l’avenir.

Le Liban souhaite réitérer et réaffirmer son attachement à la France, et sa volonté de continuer son rôle moteur au sein de la francophonie, pour que la liberté, la tolérance, l’égalité qui sont les principaux fondements de la France, puissent constituer une plate-forme privilégiée pour nos échanges, nos réflexions et nos relations spécifiques.