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Document il Ili 1111111111E il il 0000005402168 (4. - b'.,. 'J «o'..» m ' 's,q RØ2 fpN oSc11ÀX LA GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-862'. I. Sinaoc n l3JŒarç. - LE SIÈGE D' « OSCELLUS ». Avec l'été de l'année 8562 s'ouvrit la période la plus désas- treuse qu'eussent encore subie les habitants du bassin de la Seine. Durant six longues années, il leur fallut endurer l'occupation scandinave sans que le souverain, paralysé par la révolte de ses sujets, fût capable de les délivrer, en dépit d'efforts obstinés. Le 48 juillet, Sidroc reparaissait à l'embouchure de la Seine, Sa flotte 1. Fragment d'un ouvrage sur les invasions scandinaves en France entrepris il y a plusieurs années. Le très bon livre de M. Walther voget (Die Normait- ten und des franliische Reich bis :ur Grlindung der Normandie, 799-911, Heidelberg, 1006, in-8') rendra sans doute l'achèvement du nôtre inutile. Nous en détachons un long épisode où il nous parait que M. Vogel n'a pas apporté toute ta lumière désirable. 2. Tous les érudits qui ont parlé de cette invasion l'ont placée en 855 ainsi Wenck (Des (s-anlasche Reich nach 1cm Vertrag von Verlan, p. 261), Chrono. 1er (Gesek. d. ostfrank. Reiches, t. I, p. 423), Steenstrup (Normanncrne, t. li, P . 164), Keary (The Vikings in Wesi Europa, p. 286), Giry (Sur la date de deux diplômes de l'église de Nantes et de l'alliance de Charles le Chauve avec Érlspod dans tes Annales de Bretagne., t. XIII, p. 492 et 493, n, I), Lait (les Normands dans 111€ descelle, p. 10) [enfin Vogel (op. cil,, p. 150)]. Ils se réfèrent tous, en effet, au Chronlcon Fontanellense (voy. t'. suiv., note 4), qui met cet événement eu 855. Mais comment s'expliquer alors que Prudence, si attentif aux invasions normandes, n'en souffle mot à cette année et signale, au contraire, une invasion de la Seine mediante augusto s en 856? Tentera-t-on de concilier les deux sources eu acceptant la date de 856 pour l'arrivée de t)jœrn, mais en tenant toujours pour 855 en ce qui touche Sidroc? Cette hypothèse n'expliquerait pas davantage le silence des Annales BerUniani en 855 et elle se heurterait au témoignage formel du Chronicon Ponta neUense, qui uiiet trente-trois jours d'intervalle entre l'arrivée de Sidroc (t8 juillet) et celle de Iljœrn (19 août), ce qui est exact. En réalité, il faut sacri- fier tune de ces deux années, et il est bien évident que le Chronicon Fonlanet-

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il Ili 1111111111E il il0000005402168

(4.-b'.,.'J «o'..»m''s,q RØ2

fpN oSc11ÀX

LA GRANDE INVASION NORMANDE

DE 856-862'.

I.

Sinaoc n l3JŒarç. - LE SIÈGE D' « OSCELLUS ».

Avec l'été de l'année 8562 s'ouvrit la période la plus désas-treuse qu'eussent encore subie les habitants du bassin de la Seine.Durant six longues années, il leur fallut endurer l'occupationscandinave sans que le souverain, paralysé par la révolte de sessujets, fût capable de les délivrer, en dépit d'efforts obstinés. Le48 juillet, Sidroc reparaissait à l'embouchure de la Seine, Sa flotte

1. Fragment d'un ouvrage sur les invasions scandinaves en France entreprisil y a plusieurs années. Le très bon livre de M. Walther voget (Die Normait-ten und des franliische Reich bis :ur Grlindung der Normandie, 799-911,Heidelberg, 1006, in-8') rendra sans doute l'achèvement du nôtre inutile. Nousen détachons un long épisode où il nous parait que M. Vogel n'a pas apportétoute ta lumière désirable.

2. Tous les érudits qui ont parlé de cette invasion l'ont placée en 855 ainsiWenck (Des (s-anlasche Reich nach 1cm Vertrag von Verlan, p. 261), Chrono.1er (Gesek. d. ostfrank. Reiches, t. I, p. 423), Steenstrup (Normanncrne, t. li,P . 164), Keary (The Vikings in Wesi Europa, p. 286), Giry (Sur la date dedeux diplômes de l'église de Nantes et de l'alliance de Charles le Chauveavec Érlspod dans tes Annales de Bretagne., t. XIII, p. 492 et 493, n, I),Lait (les Normands dans 111€ descelle, p. 10) [enfin Vogel (op. cil,, p. 150)].Ils se réfèrent tous, en effet, au Chronlcon Fontanellense (voy. t'. suiv.,note 4), qui met cet événement eu 855. Mais comment s'expliquer alors quePrudence, si attentif aux invasions normandes, n'en souffle mot à cette annéeet signale, au contraire, une invasion de la Seine mediante augusto s en856? Tentera-t-on de concilier les deux sources eu acceptant la date de 856pour l'arrivée de t)jœrn, mais en tenant toujours pour 855 en ce qui toucheSidroc? Cette hypothèse n'expliquerait pas davantage le silence des AnnalesBerUniani en 855 et elle se heurterait au témoignage formel du ChroniconPonta neUense, qui uiiet trente-trois jours d'intervalle entre l'arrivée de Sidroc(t8 juillet) et celle de Iljœrn (19 août), ce qui est exact. En réalité, il faut sacri-fier tune de ces deux années, et il est bien évident que le Chronicon Fonlanet-

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LA GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-862.

remontait le fleuve jusqu'à Pitres', où elle s'attardait, attendantdes renforts. Ceux-ci apparurent le 19 août c'était une nou-velle flotte commandée par un viking nommé Bjœrn. Une foisréunies, les deux bandes abandonnèrent leurs vaisseaux à Pitreset s'enhardirent à tenter, pour la première fois en cette région!,des expéditions à terre- Laissant de côté la rive droite, pour unmotif dont nous allons parler, elles se mirent à ravager le platpays entre la Seine et la Loire'.

Au moment où les Normands reparaissaient sur la Seine, aucoeur du royaume, Charles le Chauve était aux prises avec lespires difficultés. La révolte gagnait non seulement les Aquitains,

lense, qui commet des erreurs constantes sur les dates d'année, ne saurait êtrepréféré à l'autorité de Prudence. Enfin, une dernière observation me parattdécisive. Le 10 février 856, Charles le Chauve conclut avec Êrispoé un traitéde pair et d'alliance. Voy. Giry, art- cit. La localité où le roi et le princedes Bretons se rencontrèrent est sur la basse Seine, à Veteres domus, que j'aiidentifié avec Louviers. Voy. le Moyen-Age, 1904, p. 469. Il est bienévident que si le viking Sidroc était arrivé dans la Seine en juillet 855,comme il occupa Pitres, à quelques kilomètres de Louviers, et le coursinférieur et moyen du fleuve jusqu'en 861, il eût été impossible à Charles leChauve de franchir la Seine et d'aller s'entretenir à Louviers avec Érispoéen février 856. Un traité en ce lieu ne peut se comprendre que si le bassinde la Seine est Libre d'ennemis, par suite si l'arrivée de Sidroc se place enjuillet 856. L'étude de la campagne du Perche (voy. plus loin, P. 10, note 1)amène à la même conclusion.

1. Eure, arr. de Louviers, cant. 4e Pont-de-l'Arche. Cf. notre mémoire, lePont de Pitres, dans le Moyen-Age, 1905, p' I et suiv.

2. En 845, 852-853, ils s'étaient peu écartés de leur flotte.3. Jamais expression ne fut plus juste qu'appliquée à cette contrée. C'est une

immense plaine presque sans ondulation. Voy. Vidai de la Blache, Tableau deta géographie de ta trente, p. 144, 173 (Histoire de trente, de Lavisse, L. 1).La voie romaine de Saint-Sever (en face Rouen, sur la rive gauebc)'à Orléans,par Évreux et Chartres, offrait aux envahisseurs l'accès le plus commode pourpiller ces riches campagnes. Cf. plus loin, P. 13, note 3.

4. Ann. Bert., an. 856, p. 46 e Iterum pyraïae Danorum alU, medianteauguste, Sequanam ingrediuntur et, vastatis direptisque ex utraque fluroinisparte eivitatibus, etiam procul posilis monasteriis atque villis, Incum qui die!-[or p assa Givaldi Sequanae contiguum stalionique munitissimum deligunt, obiiemem quieti transigunt. » Nous reviendrons un peu plus loin sur FosseGivaldi; le mot alti, au début de la phrase, est amené par le récit qui pré-cède de la prise d'Orléans par les Normands de la Loire le 18 avril. - Chro-nicon Fontanetlense Anno Dccc LV, indictinne UT, ipso die xv kalend.augusti, maxima classis Danorum fluvium Sequanae oceupat, dune item Sydroc,et osque Pistis castrum, quod clin, Petremamulum (sic) vocabatur, ventrecontendunt. Deinde post dies ±xxuT, id est xiv kalendas septembris, BaronNortmannus court valida classe ingressus est. Deinde, junctis viribus, osque

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LA OIUNI)E INVASION NORMANDE DE 856-862.

mais les Neustriens et jusqu'aux Francs'. De Quierzy, le 7 juil-let, le roi avait adressé cri ambassade aux mécontents ses meil-leurs serviteurs, Alard (fils d'Unroch), Raoul, frère de sa mère,les comtes Ricouin, Augier et Bérenger, pour tenter de lesramener à son parti et les détourner d'appeler Louis le Germa-nique'. Charles décidait de tenir à Verberie pour le 19 juilletsuivant une réunion de fidèles d'élite, chargée de préparer unprogramme de réformes à soumettre au plaid général que le sou-verain convoquait è Verberie pour le 26 du même moisi.

Cette poignée de fidèles à peine réunie apprit une nouvelle bienplus effrayante encore, l'arrivée de Sidroc (18 juillet). Pourcomble d'infortune, les mécontents ayant refusé de prendre partau plaid, celui-ci n'avait pu avoir lieu et, .par suite s , Charles leChauve n'avait pas d'armée, et cela au moment où l'arrivée de13jœrn (19 août) achevait de rendre la situation tout à fait cri-tique. Néanmoins, dès le mois d'août, avec le peu d'hommesfidèles dont il disposait, Charles s'était dirigé vers la Seine pourobserver l'ennemi, et c'était tout ce qu'il pouvait faire pour l'ins-tant. A Bézu 5 , où il se tenait, il interceptait la voie romaine de

Particum saltum, etc. • (lut, de Fr., L. Vil, p. 43). Sur le séjour des piratesà Pitres, cf. le début do synode de 862 tenu en cette même localité « inlocum qui Pistis dicitur ubi, exigentibus peccalis nostris, atiquandin sedes fuitNortmannorum . (Cepitutaria, éd. Krause, L. Il, p. 303). Sur les objets scan-dinaves trouvés à Pitres, cf. les ouvrages cités dans notre mémoire, le Pontde Pitres (dans le MoenAge, 1905, p. 2, note I).

t. D'ciromler, Geseh. des Ostfrankischen Rejettes, t. I, p. 413 et suiv.;gin. Bourgeois, le Capitulaire de Kierzv-sur-Oise, p. 225 et suiv.

2. Capitularia, éd. Krause, L. li, p. 279, n. 262; Anti. Bert., p. 46.3. Ctzpitularia, éd. Krausc, t. Il, p. 281, n' 262.— Dès le 12 juillet, le roi

avait descendu toise, de Quierzy à Verberie, où un diplôme nous le montreratifiant un échange entre l'abbé (le Saint-Denis et chancelier, Louis, et lefidèle loba (Hist. de Fr., t. VIII, p. 532-533; Tardif, Cartons des rois,n' 165, à la date absurde de 854). ce dernier sera envoyé en ambassade par leroi le mois suivant.

4. Le piacilunt generale est, en effet, la suite des champs de mars et demai. Les personnages qui s'y rendent ne sont plus, il est vrai, tous leshommes libres, mais seulement d'habitude les fonctionnaires, tes vassauxroyaux, tes hommes assez riches pour supporter ta dépense du voyage. Mais,connue ce sont aussi [es seuls personnages en état de tenir campagne à cheval,ils constituent à peu près tonte L'armée royale, depuis la disparition de linfan.tcrie au cours du viii- siècle. Sur les plaids généraux, voy. Waitz, DeniselzeVer[a.ssungsgesehlchte, t. III, p. 560-601.

5. Les historiens et les éditeurs des capitulaires ne se sont pas aperçus quele palais de .Rasiu, d'où Charles députe Habrand et Belon (voy. p suiv.), n'est

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LÀ GRANDE INVASION NORMANDE bE 856-862.

Rouen à Paris par Radepont, Petremantula et Pontoise' C'estce mouvement en avant de Charles qui explique et que les Nor-mands ne soient pas remontés aussitôt en amont de Pitres et qu'ilsse soient rejetés sur la Neustrie, laissant de côté la Francia".

La situation du roi n'en était pas moins fort grave. Deux nou-veaux envoyés, ilabrand et Belon', furent adressés aux rebellespour les supplier de venir au plaid général fixé tout prés deBèzu, à Neaufies 4 , pour le 10r septembre s . Le résultat fut encoreune fois négatif.

point Baizieux, dans la Somme (arr. d'Arnicas, cant. de Corbie), mais Bézti-Saint-)loi (Sure, arr. des Andelys, cant. de Gisors). Sur Bézu et la régionboisée environnante, jadis aux Mérovingiens, voy. Julien Havel, oeuvres, t. I,p. 269-270. - On montrera ailleurs que le Consilium optima(uni, donné àCharles au palais de Bonneuil en Parisis (Krause, t. li, p. 454), est du moisd'août de 855 et non de 856.

I. Celle Toute conservera son importance stratégique aux siècles suivaiilsCharles le Simple y conclura avec Rollon un traité A l'endroit où elle franchitlEpte, à Saint-Clair. Louis VI s'y fera battre à Bremule par le duc de Nor-mandie, Henri; Louis VII et Philippe-Auguste la disputeront à Ilenri il et àRichard Coeur-de-Lion. - Gisors, à quelques kilomètres de fléau (vol. noteprécédente) et de Neaufles (voy. note 4), sera, pendant plusieurs siècles, le bou-levard du duché de Normandie contre les c Français o. Sur Petremantuta,cf. le Moyen-Age, 1905, P. 24, note S.

2. Voy. page 6.s. cf., sur Betnn, p. 7, note 3.4. Neaufles-Saint-Martin (Eure, arr. des Andelys, cent. de Gisors), sur

l'Epte, à trois kilomètres air de Bézu-Saint-Éloi, dans le Vexin nâr-inand (diocèse de Rouen). - Jeufosse, su" la Seine, où les barbares remon-tèrent pendant l'hiver 856-857 (voy. P. li), est un peu en amont du con-fluent de ce fleuve avec l'Epte, à trente kilomètres â vol d'oiseau nu sudde Neauties. - On peut estimer qu'à Neaufles ou à Bézu, Charles le Chauveétait (en suivant la voie romaine, puis en descendant l'Andelle de Badepout àPitres) à cinquante kilomètres de l'ennemi. C'était trop près, vu le peu deinonde dont il disposait, mais les forêts et surtout les falaises abruptes quibordent la rive droite de la Seine lui constituaient un abri sérieux.

5. Qapttutaria, éd. Krause, t. II, p. 283, n' 263. - Le souci de l'invasionétrangère les troubles intérieurs n'empêchaient point le roi de s'intéresser auxquestions de théologie, surtout air de la prédestination et du librearbitre, qui passionnait alors les esprits. Il remit à Hincmar les actes du con-cile de Valence, tenu l'année précédente, et le pria de lui faire connaître sonsentiment en utilisant ses décisions synodales et d'autres écrits. Dans la pré-face de son second traité sur la prédestination, Hincmar rappelle ces circons-tances : ( Haec cadrai namque capitula, sicut facile rerninisci potestis, antetriennium nobis in villa liothomagensis episcopii quee Nelpha dicitur, quandoin excubtis contra Normannorum infestatiuneni degebarnus, sub titulo quasiin valentina synodo ennscripta fuerinl, anno inearnationis dorninicae octingen-

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LA GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-862.

Dans un nouveau message, porté par Alard, Ricouin, Raoulet Bérenger, le roi, aux abois, renouvelle non seulement toutes lespromesses faites à l'autocratie laïque, mais il supplie les grands,« les pairs' », d' « avoir pitié de l'Église cruellement persécutéepar les païens 2

Dans le courant de septembre, Charles réussit enfin à se récon-cilier avec les Aquitains qui acceptèrent même de remettre sonjeune fils à leur têt&. Charles put alors reprendre l'offensivecontre les dévastateurs de la Neustrie. L'édit, transmis parHincmar, archevêque de Reims 4 , Ermenfroi, évêque de Beauvais,les comtes-abbés Alard, Raoul, Ricouin, Bérenger, - qui fixaitle plaid, c'est-à-dire, vu les circonstances, le lieu de rassemble-ment de l'armée, à Chartres, pour le 10 octobre 5 , fut enfin obéi.

L'accord entre le roi et les mécontents avait dû se faireavant la fin de septembre

s . Il était temps. Les deux chefs Nor-mands, Sidroc et Bjœrn, étaient en effet occupés à ravager lePerche. Chartres était le lieu de concentration indiqué pour lesFrancs. Charles alla à la rencontre des pirates avec l'est et leurinfligea un échec sérieux. Les Normands durent regagner leurs

tesirno quioquagesimo quinto, sua Lothario imperalore, dedistis, ut ad illa quaenabis viderentur catholice ex ortbodoxoruin magisterio respooderemus, cureallis quorumeunque scriptis quae bine ad vestram notitiam pervdnere D (Migre,

Poiret. lai., t. CXXV. col. 67; cette préface est reproduite par Flodoard. flirt.

ecel. Rem . , I. III, e. 16, dans Ilion. Genn,, Script., t. XIII, p. 506). —Ce traitén été rédigé après juin 859, avant le 1" septembre, puisque ce fut au cours delindiciion septième (s imper etapso mense jouie per indictionem septirnam,anno incarnationin dominicae octingentesimo quinquagesirno nom) »), donc enjuillet-août 859. Le séjour de Charles et d'uincmar à Neaufles remontant à troisans (ente triennium), se place donc bien en juillet-aoùt 856.

1. Sur cette expression, voy. Ém. Bourgeois, le Capitulaire de A9ersy-sur-Olse, p. 226; Fustel de Coulanges, Transformation de ta royauté... carolin-gienne, p - 648 et suiv.

2. Capitularia, éd. Eranse, t. Il, p. 284, n' 264.3. Ann. Ban., p, 46 « Et Aquitani, spreto Pippino, Karlum pueruni (ilium

Karli regis, queue sales pepulerant, recipinnt et in Aquitaniam reilueunt. » Ladate sera établie ailleurs.

4. Hincmar faisait partie des rares fidèles qui avaient répondu à la convoca-tion de juillet, et, depuis la Ou de ce mois, il n'avait pas quitté le roi. Voy.p. précéd., noie 5.

5. Capltularia, éd. g rouse, t. Il, p. 285, n' 265.6. En effet, liinemar, encore à tÇea,]llcs le l septembre (voy. p . précéd.), prit

part à la mission envoyée g ad Franeos et Aquitanos qui ab eo (Enroto) desci-verant s, et il était de retour de voyage, à verberie, le 1" octohre (voy. p. soir.,note 2).

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10LA GRANDE INVASION NORTÂNDE og 8FiO-867.

navires 1 . Entre temps, le roi avait célébré le mariage de sa filleJudith avec Etheiwulf, roi de Wessex, qui traversait la France,revenant d'un pèlerinage à Rome. La cérémonie avait eu lieuà Verberie, le 10r octobre, quelques jours avant la campagne duPerches.

I. Ohronicon Fonlaiiettense « fleinde partis-viribus (Sydroc et Berna)asque Particum saltum plurimam stragem ac depopnlationern fecerunt. Quo inJaco Carolus rex eh; cuti. exercitu Occurrent maxima eoS strage pereussit »(mxl. de Fr., L VII, p. 43). Les auteurs qui ont placé l'arrivée de Sidroc et deBjœrn en 855 (cf. P. 5, note 2) &o nt rien compris valu tel lem ent au capitulaire quifixe à Chartres le plaid général pour le 10 octobre 856. Ainsi, Dûminler (t. I,p. 416) croit que l'unique résultat de cette réunion avait été ta conclusion deta paix entre Charles et ses vassaux. Cette-ci est nécessairement un peuantérieure, car le roi n'eût pu rassemblerrassembler ses sujets à deux pas de J'en-aurai s'ils avaient été encore en état de révolte. La date de ce capitulaires'accorde parfaitement avec le récit du Cltronieon Foutanellense, qui obligeà mettre les incursions des Normands dans le Perche à t'aulomne. En 855,au contraire, une campagne de Charles dans cotte région se comprendmoins bien. Il est à t3onneuil, en Parisis, jusqu'à la fin d'août (J. Havel,Œuvres, t. I, p. 179, 185); on le voit ]e 25 septembre, au Quesne, dans laForli, de Compiègne (litaI. de Fr.,. t. VIII, P. 544); il est probable qu'il accom-pagne ensuite son jeune fils Charles, que les Aquitains couronnent vers mi-oc-tobre à Limoges (Ann. Bert., P. 45-46). - Il n'y a à tenir aucun compte del'opinion de Potin de ta Mairie (Revue de Roue», 1848, p. 38), qui identifie le

Saltus Perticus avec Percbay (Seine-et-Oise, arr. de Pontoise).2. dan. Bert., p. 47 e Edilvulf tex occidentalium Anglorum noms rediens,

Judith, filiam Rani rugis, recase julio despnnsalam, blondis octobribus invermeria palatio in matrimonium accipit, et eam lngmaro, Durocorlori Remo-min episcopo, benedicente, imposito capiti ejus diademato, reginae nomineinsignit, quod sibi suaeqne genti eatenus fuerat insuetum palratoque regiisapparatibus uti'imque atque muneribus matrimouio, cure Brittaniam, regnisui ditionem, navigio repetit. o Cf. Coronatio ludithae (Krause, t. Il, p. 425-426); la Chronique saxonne, éd. Earte et Plutntner, t. Il, p. 81; Asser, litereb. geaI. Âeifredt, éd. Stevenson, p. 222-924. - Judith avait au plus treizeans, en admettant qu'elle fût lainée des enfants de Chartes te Chauve et d'Er-,nentrude, mariés le 13 décembre 849 ( Nilbard, I. IV, e. O, et surtout lesdiplômes, dans Hist. de F)'., t. VIII, p. 579, 582). Mais, en 770, Charlemagne.avait bien épousé Ilildegarde, une enfant de douze ans, qui lui donna un fils "ersjuillet '771. Vny. J. Bovet, Œuvres, t. J, P. 145.147. Un diplôme en faveur del'abbé de Corbie atteste la présence à verberie de Chartes et de la reine Ermen-trude le 3 octobre. Voy. L. Levi]lain, Examen critique des chartes de l'abbayede Corbie (Paris, 1902, in-8'), p. 777, n' 30. Pour être rendu à Chartres sixjours après tout au plus, le roi a dû faire diligence et couper au plus court,soit en passant par Paris, soit en descendant l'Oise jusqu'à la Seine et en pre-nant à travers le Pincerais. Dans l'un ou l'autre cas, il est sûr que la flottescandinave n'avait pas encore remonté de Pitres à Jeulisse (Seine-et-Oise, arr.

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1^7LA GRANDE INVASION NOnMÂND} DE 856-8412. 11

On a supposé' que la politique n'était pas étrangère à l'uniondu vieux roi saxon avec une enfant de douze ans et que la craintedes Scandinaves et des projets d'alliance contre ces piratesavaient joué leur rôle dans cette affaire. La chose n'est pasinvraisemblable. Quoi qu'il en soit, cette année si agitée pour laroyauté semblait se terminer d'une façon relativement heureuseet même honorable.

En réalité, cette victoire n'eut point de résultats. Charles,n'ayant pas de flotte, était hors d'état d'extirper le mal en détrui-sant la station navale des pirates. Aussi, quand l'ost des Francsse fut dispersée, quand le roi eut franchi la Seine pour aller passerl'hiver dans la vallée de l'Oise, les pirates quittèrent Pitres etremontèrent tranquillement le fleuve. Ils s'installèrent pour passerla mauvaise saison dans une grande île appelée Oscellus, en facededeufosse t . Là, ils étaient inexpugnables. Ils profitèrent aussitôtde leur avantage. Dès le 28 décembre de cette même année 856,ils arrivaient à Paris et le brûlaient. Quelques mois après, ilsreparaissent et livrent aux flammes la basilique de l'abbaye deSainte-Geneviève 5 et les églises de la région parisienne. La cathé-

dc Mantes, oint. de premières) en octobre 856, car le roi eût été obligé degagner le lieu de concentration de t'est en taisant un long détour.

t. Ainsi R. Green, Conquest of England, t. I, P. 92.

2. Ansi. Bert. (voy. plus haut, P. 6, note 4). Sur l'ue d'Oscellns, cf plusbas, p. 25, note 5.

3. Ann. Bort., p. 47 857. Pyratœ Danoruin v baierai. januar. LoticiamParisiorurn invadnnt atque incendie tradunt. L'année commençant à Noël, le28 décembre 856 appartient pour Prudence an début de l'année 857.

4. Steenstrup (t. il, p. 165), Otimmler (t. I, p. 423-424) n'admettent qu'uneprise de Paris, celle du 28 décembre 556, et pensent que Prudence (voir. p. suiv.note t) a répété plus loin le inclue renseignement. 0e n'est pas inadmis-sible en effet, mais, comme Aimuin (voy. p. 22, note I) nous apprend que lesNormands établis à Oscellus en 857 sont venus à plusieurs reprises à Paris(. Parisius saepe dom prorsus placehat navali eloursu veniebant .), il vautmieux, ce me semble, s'en tenir strictement au texte des Annales Berttnianiet admettre que Pais et les environs ont été encore visités par les pirates nucours de 837.5.Les moines ou clercs de Sainte-Geneviève s'enfuirent dans leur domaine

de Mari_s4acu,n (Marizy-Sainte . Oeneviève, Aisne, arr. de Château-Thierry,cant. de Neuilly-Saint-Front). - Mracula sanctas Genovefae, e. I? Subseconds igitur persecutione Normannorum contra Parisiacam vittam venien-tium, deducta est [lesta virgo ad Marisiacam villam, guam Helmegaldusvir nobilissimus dudum dederat Vol, instrumenta chartarum beatis apostolis

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12LÀ IIRÂNDE INVASION FÇOIIMÀNDE Du 856-862.draie, dédiée alors à Saint-Étienne, elles grandes abbayesde Saint-Germain-des-Prés et de Saint-Denis n'échappèrentà l'incendie qu'en versant aux barbares des sommes consi-dérabIes.

Petro et Paulo atque beatae virgini Genovefae ml memorandum singulis annisanniversarluin r (Acta Sanet. Bolland., janvier, t. I, p. 149; Saint-Yves, Viede sainte Geneviève (Paris, 1846, p. cxxiii). L'auteur, certainement un contem-porain, pourrait bien être te coutre Martin, qui se met en scène deux reprises(cap. 2 et 5). Voy. encore René Giard, Élude sur l'histoire de l'abbaye deSainte-Geneviève dé Paris, p. 40 (extrait des Mémoires de la Société de l'his-toire de Paris, L. XXX, 1903, p. 80). Il ne restait sans doute personne sur la« montagne D de ce nom qui pût négocier avec les païens, ce qui explique queceux-ci incendièrent la basilique. Bien longtemps après, à ta fin du mi- siècle,les traces de l'incendie étaient encore apparentes, et Ion voyait des débrisde mosaïques qui avaient servi à décorer la vieille église carolingienne.Vers 1189, Étienne de Tournai, abbé de Sainte-Geneviève, rappelle à Absalon,archevêque de Lund, â Waldemar, évêque de Schleswig, à Kant VI, roi deDanemark, les méfaits de leurs ancêtres et tes exhorte à les réparer en l'ai-dant de leurs deniers à reconstruire une belle église « Patres vestri aucun-dom carnein... loca sarcla incendie et ruina ad sotum osque dejecerunt; interalias, etc. Voy.. Lettres d'Étienne de Tournai, éd. Desilve, p. 212, 214, 220.notion de Saint-Quentin mentionne en passant ta dévastation de l'égliseSainLe-Geneviève (De rnoribus..., éd. J. fair, p. 131).

1. Ann. Sert., p. 48 t Dani Sequanae insistentes cuncta litière vastant,Lutetiamque Parisiorum adgressi, hasilicain beau PetriPetri et sanctus Genovefaeincendunl, et celeras connus, praeter domum sancti Stepbani et ecclesiain sanctiWincenlii atque Germani praeterque 1clesiarn sanr.ti Dyonisii, pro quitus tan-tuinmodo ne incenderentnr inuIts solidoruin somma sotuta est. s En dépit dece texte formel, plusieurs érudits, entre autres Cocheris, dans son édition del'Histoire du diocèse de Paris de l'abbé .Lebeuf (t. 11, P. 91), M. Victor Mortel,dans son Étude historique et archéologique sur la cathédrale et le palaisépiscopat de Paris du Vi' au XII' siècle (l'avis, 1888, in-8', p. 16-17),M. Édouard Favre, Eudes, comte de Paris et roi de Fronce (p. 22-23), repre-nant une idée de. dom Toussai nl-Duplessis (dans le Mercure de France de juil-let et août 1756, p. 124 et 104), soutiennent que la t Cité o de Paris, enferméedans l'île, n'a jamais été prise par les Normands. L'église Saint-Étienne pour-rait être Saint-Étienne-des-Grês, sur la Monlagne-Sainle-Ceneviève. Mais ilest fort invraisemblable que Prudence ait songé à mentionner cette insignifiantepetite église qui n'avait pas plus d'importance que vingt autres dans et horsla Cité, et, en outre, le mot domus ne peut s'entendre que de l'église cathédrale.En allemand, dom s encore ce sens aujourdhui. Enfin, il est avéré que, jus-qu'au ix- siècle, la cathédrale tic Paris a été sous l'invocation de la Vierge etde saint Étienne (voy. Mortel, op. cil., p. 3 et suiv.). Ce dernier seul estnommé dans la charte de Vademir de l'an 685 (Tardif, Cartons des rois,n 25b1s, p- 687) et au livre Il, vers 310, du poème d'Abbon sur le siège deParis, rédigé tout à ta fin du ix' siècle. La « doutas sancti Stepbani D de 857est dette pour nous la cathédrale. li suit de là que [1011 seulement les abbayes

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LA GRANDE INVASION NOM ÂNDE DE 856-862.13

Vers la même date, ils recommençaient leurs incursions dans laBeauce et, cette fois plus heureux, s'emparaient de la cité

Chartres. L'évêque Frobaud, pressé par les païens,voulut franchir l'Eure à la nage et se noya; un grand nombrede clercs périrent dans le désastre (i2 juin) 2. La cité d'Évreuxfut également ravagées.

Rien ne résistait aux envahisseurs. Pendant de long mois,ils purent à leur aise piller, brûler et massacrer. De temps à autre,ils remontaient jusqu'à Paris, menaçant de tout incendier si onne leur payait rançon 1.

L'impression causéepar la seconde prise deParis, « populosacivi.

et agglomérations suburbaines, mais la cité elle-même ont été la proie desbarbares. C'est la conclusion qui ressort, au surplus, d'un passage d'un diplômede Chartes le Chauve, en date du 12 mai 871, donnant l'église de Saint-Éloi àl'lglise de Paris ... atque Ob utrarumque ecclesiarum otins e pagants deva-staiarum invicem emetiorationem, etc. p (Hist. de Fr., t. VIII, p. 635; Lasleyrie,Carttzl. gên. de Paris, L. I, p. 57. - Sur la seconde prise de Paris, cf. ileudegier,Vita sancU parents, e. 123 Post banc ingloriam hujus regni et improperiurnaliorum regnorum [la prise de Paris de 8451 venit décimas (sic) sonos, qui iteru,ncrudeliorein atque majorera multitudinem classium, regente cas gubernaculoNortmannorum, dédit Sequanae, inittente casdem, mare. Hi vero, velut parcacfuriaeque insatiabiles ac aviditate crudeti isnmites, ah egressu maris omnern pul-chritudinem regionum illarum quas Bovins Sequana hinc et inde vetut paradi-511m Dei irrigabat, gtadio impatienti voraverunt ac voraci llamniae conclu tra'diderunt, quousque concluderent in saevitione civitatem Pansu. Civitates veroquaedam turribus tirmae non potuerunt episcoj77Tffi1tiorum servare vitam D

(Mabillon, Acta sanct. ord. S. Rened., 5mo. n, p. 624).1. Cette épithète (p2putosa civ lias) lui est décernée par le récit de la 7ans-

iation de saint Liboire "dkrMans 4 Paderborn en 836, au ebap. six (éd. dansAnalecta ,Bolland,, t. XXIi, 1903, p, 164). Chartres occupait cependant un faibleespace, mais, depuis le ni' siècle, les villes étaient réduites à un castnur. fortifié.

2. Un article spécial sera consacré à la prise de Chartres de 857.3. Erment.ier, Transi. sancti Fdl g bertl, lib. Il, prcef. ... Capitur Carno-

tis, Itbroicas populantur atque Bajocas. u La prise de Chartres est de 857;celle de Bayeux de 858 (voy. plus loin, p. 33, n. 3); celle d'Évreux se place enl'une ou l'autre de ces deux années. Comme la voie romaine relie Chartres etÉvreux et permet de se transporter rapidement de l'une à l'autre de ces deuxcités, on peut admettre que leur capture par les pirates doit avoir été presquesimultanée.

4. Aimoin, Mfrac. sancti Germant, lib. ii, e. 10 s Nortmanni vero apudeundcm locum qui dieitur Oscellus in quadam Sequanae insula residentes,Parisius saepe dum prorsus placebat nanti excursu veniebant. Jkedimebanturergo omnia in circuitu vicina monasteria ne iltorum saevitia impositis ignibuscremarentur. Studebantque praeterea vicissim equis, etc. »

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44LA GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-862.

tas' » et l'impuissance de la royauté furent plus profondes encorequ'en 845. Les pirates n'étaient alors demeurés que quelques jourssur le fleuve. Onze ans plus tard, leur occupation se prolongeaitau delà de toute prévision et on ne voyait même point commentet quand on pourrait la faire cesser. Nulle part la douleur et lahonte ne trouvent d'accents plus pénétrants que chez PaschaseRadbert, l'ancien abbé de Corbie, lequel travaillait au moment del'invasion à son commentaire sur les lamentations de Jérémie.Voici Je commentaire, - de circonstance, - qu'il donne en sonlivre IV (lettre Lamed), du passage non crediderunt regesterrae et universi habitatores orbis quod ingredereturhostis et inimicus portas Iherusalem

« Oui, à la lettre, cette cité fut fortifiée par le secours de Dieuet protégée par la garnison des anges tant qu'elle conserva la loiet la justice, tant qu'elle eut les vertus pour richesse; et aucunroi, aucun être humain, n'eût pu croire que l'ennemi extérieurou intérieur y pénétrerait, car le Seigneur avait affermi les barresdes portes de la Cité et lui avait assigné la paix pour frontière.Mais lorsque ceux que défendaient les bienfaits de Dieu sedétournèrent de lui, la garde divine les abandonna et ils devinrentla proie de l'ennemi. Il en va de même de notre église, selon l'in-terprétation mystique; elle est, pour ainsi dire, déchirée en toussens par les ennemis, Qui eût jamais cru, qui eût jamais imaginéen nos contrées qu'en si peu de temps on serait accablé desmalheurs que nous tous avons contemplés, pleurés, déplorés etgrandement redoutés? Et aujourd'hui même nous ne redoutonspas moins que des pirates, assemblage de diverses bandes,atteignent le territoire de Paris et brûlent de tous côtés ]eséglises de Christ voisines des rives de la Seine. Qui eût jamaiscru, je vous •prie, qu'un ramassis de brigands oserait de•semblables entreprises? Qui eût pu penser qu'un royaume

I. Cf. p. précéd., note I; Aimoin, Miracula sancli Gennanl Paris., lib. I, cap. i.Ililduin, dans ses Areopagit., se représente Paris déjà sous Domitien, « nt sedesrégla... constipata poputis, referta commerciis ac varus «ommeatibus unda mmi.nis circumferente. cf. plus loin les lamentations d'Adrevald sur la ruine deParis. Sur l'importance de Paris dès le haut moyen âge, voy. Bonamy,Recherches sur la célébrité de la ville de Paris avant les ravages des Nor-mands, dans Mémoires de l'Académie des Inscriptions, anc. série, t. XV(1738. 1740), p. 656.691 [et M. Poete, lEnfance de Paris. Paris, 19081.

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LA GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-862.15

si glorieux, si fortifié, si étendu, si peuplé, si vigoureux, seraithumilié, souillé de l'ordure de pareilles gens? Qui eût pu croireque des êtres si vils oseraient, je ne dis pas lever d'énormestributs, faire du butin, emmener des chrétiens en captivité, maissimplement aborder en nos contrées? - Non, je ne pense pasque, - il y a peu d'années encore, - aucun roi de la terre eûtimaginé, aucun habitant de notre globe eût consenti à ouïr quel'étranger entrerait dans notre Paris. Aussi me convient-il moinsde commenter Jérémie que de pleurer et de inc lamenter, car,comme le verset suivant le fait connaître, cos malheurs multiplesont pour cause les péchés du peuple, l'iniquité des pasteurs et desgrands. C'est qu'en effet depuis longtemps et ouvertement, pourainsi dire, les jugements des justes sont tenus pour rien, le sangverse son propre sang; tous en sont souillés et partout ils promènenttromperies et fourberies. C'est pourquoi ces versets réclamentplutôt pleurs et lamentations que l'interprétation d'une dialec-tique éloquente. La recherche de la triple signification' est inutilealors que la disgrâce et la ruine publique est unique. Aussi ladouleur du coeur doit-elle se traduire, comme je fais, par des criset des gémissements, afin que, de concert avec le prophète, nouspuissions déplorer nos mauvaises actions: Dieu brandit son glaive,il en menace nos cous et la hache est au pied de l'arbre, carnotre esprit est rebelle au bien. Telle est la raison pour laquellesévit le glaive des barbares, glaive sorti du fourreau du Seigneur.Voilà pourquoi, misérables que nous sommes, nous vivonsimpuissants, en butte aux atrocités des païens, aux guerres decruels concitoyens, aux brigandages des ravisseurs, aux séduc-tions, aux fraudes, et pourtant chaque jour nous nous enflammonspour de plus grands crimes. Il semble que ce soit à nous quepense le prophète quand sa voix fait entendre les plaintes quevoici, etc. 2 . »

i. sur la triple interprétation de l'histoire sainte, voy. Émue Male, l'Artreligieux du X111 siècle en France, p. 178-189. Il nous est impossible derendre le détestable jeu de mots de l'auteur.

2. Rxpositio in ta,nentationes Ieremiae, lib. IV, littera Lamed verumsecundum litteram, quandiu haec civilas vallata fuit auxilio Dei et munitapraesidio angelorum, quanta fuit in ea judicium et juslitia, quando virtutumreplebatur bonis, nultus regum vol Jiabitator orbis eredere paierai, quod ingre-deretur hosiis aut inimicus in rare, quia conforLaverat Dominos seras porta-rom ejus et posuerat finem ejus parera. Oum notera !psi aversi sont ah encujus benef,cio muniebantur, recessit ah eis moue Dei praesidium et facti saut

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LÀ GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-862.

Pendant toute l'année 857, Charles ne donne point signe de vie.La réconciliation avec les Aquitains et les Francs opérée enseptembre 856 n'avait pas duré. Dès le début de l'année suivante,

inter hastes praeda; sicuti nostra flanc ecclesia, juxta mysticos sensus, hincjade ah hostibns diripitur, ut ita loquar. Quis unquam crederel, vel guisunquam cogitare potuisset in nostris partibus, quant, transcurso tempore, cannesaccidisse conspexirnus, doluimus ac deflevimus et raide pertimuimus? Unde etidiauc hodie non minus pertimescimus ut piralae, diversis adnaodum collecti exfamiliis, Parisiorum attingerent fines ecclesiasque Christi bine mdc igue cre-marent eirca littus. Quis unquani, quacso, crederet quod latrones promiscuaegentis unquani Latin auderent? Vol guis aestimare potuisset quod tain gioriosunrégnant Lamque munitum et latissimum, tain populosum et firrnissimum,talium hominum humiliari vel foedari sordibus deberet? Et non dieu hi quodcensmn plurimum asportare et praedas diripere vol captivas transdncere, vernalguis credere posset quod ta in vilissimi nostros adire fines auderent? Fateorenim ut ne aestimo (sic) non longe retro quod nulles ex regibus terme ista cogi-tiret, neque ulius babitator uostri orbis audire potuisset qnod ParisitlTn nostruinhostis intrareL. Propterea hoc in loco et si non est quod expdnam, est tamenquod défleurît et plangam, quoniam, ut sequens versus insinuait, propter lier-rata populi haec mania contigerunt et propter iniquitates sacerdoLum et pria-cipum, hinc jade tanta crebescunt mata; quia perverterunt longe jarû clin inmedio nostrum, ut un dican,, judicia juslorum et sanguis sanguinern tetigit,quo cuneti polluti juin sui concis repieverunt dolis et fraudihus. Unité hi ver-sus lamentis potins sont exponendi et fletibus guam unis senLentiarum eloquiisretexendi; neque tripiicitas sensunin requirenda eum unes sit omnium nostrumcasus et ruina. ldcirco doter cordis in talibus ulutatibus et gemstibus est requi-rendus, ut cuit propheta nostra quae gessiinus mata deflere possiinus, quoniamvibrai Dei gladius et pendet in cervicibus nostris; jam securis ml radiées arbo-mm posila est, quia infructuosa est mens nostra. Ergo desaevit gtadius Barbe-revoir, evagivatus ex vagira flomini; et nos miseri torpentes vivimus intertain immania Barbarorum main, inter tant crudeliam civium belle, inter diri-pientium praedas, inter seditiones et fraudes, soit quotldie ad majora exarde-scimus sceterum mata . Propter quod quasi de noble vox plangentis prophetacsequitur erraverunt cocci in plateis polluii sang-aine; cum que Ingredi non.passent tenueruzt tacinias ruas. Voy. fliaxini.t bibllotheca patruin, éd. deLyon, 1677, in-foi., t. XIV, p. 817, coI. 1, et Migne, Patrot. lot., t. CXX,col. 1220. - Pascbase Radbert, mort à Corbie te 26 avril d'une année incon-nue, vers 860-865 (le cap. i de l'assemblée de Pitres de juin 862 me semble dein plume de Paschase), n dd rédiger ce passage au milieu de la grande invasion856-862, avant même le départ des Normands. L'allusion à la guerre civile (856-850) indique, contre Bonamy (Mdra. de t'Acad. des inscr., nec. série, t. XV,p. 641) et contre L. Traube (Poetae lat. cciii Carol., t. III, p. 39, note 8), quela prise de Paris n'est pas celle de 845, mais bien de 856.857, comme l'abien vu Mabillon (Acta saswloru,n, suce. iv, part. I, P. 128).

Voy. encore le récit de l'évêque de Meaux, ileudegier, à la [in de sa FilaFaronl.s (plus haut, p. 12, note I, à la fin), où il compare le bassin de la Seineau paradis. Comme il considère (au chap. 118) Loup de Ferrières comme vivant,Beudegier n dû écrire son récit à la fin de 862 ou au Pl us tard en 863.

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la mauvaise volonté des vassaux paralysait le roi, qui, à l'as-semblée de Quierzy du 14 février, venait de prendre desmesures pour ramener un peu d'ordre. Vaines tentatives. Dèsle début de 857, les Aquitains sont en pleine révolte; ils chassentCharles le Jeune et rappellent Pepin qui s'empare de Poitiersavec l'aide des Normands'. A la fin de l'année, nombre de grandsde l'aristocratie franque faisaient cause commune avec les Aqui-tains et prêtaient la main à leurs pilleries'. Louis ]e Germaniquesoutenait secrètement les rebelles et il y avait tout à craindre de sapart'. Enfin la santé de Charles parait avoir été ébranlée,.

t. Capitularia, éd. Krause, t. Il, p. 285, n' 266. Au chapitre ], le roi parledes brigandages qui désolent te royaume, t partiel occasions superinruentiumpaganorum, partim niobilitate quorumdam fidelium nostrorum in regno nostro.,Cf. PAuocuuo missi cujusdam Divioneusis, Ibid., p. 291. n' 267.

2. Anu. Bert., p. 47.3. Ânn. Bert,, p. 48 i Quidam procerum Karoti régis, Aquitanis social],

mullas praedas pluraque incommoda perpétrant. .4. Calinelle, la Diplomatie carolingienne, p. 34 et suiv. Aussi, dans les pre-

miers mois de 857, Charles doit se préoccuper de déjouer les intrigues de sesfrères, et il resserre son alliance avec Lothaire II A Saint-Quentin le P' mars(Krause, L. il, p. 293, n' 268).

5. Adnuntiatlo de Chartes à Saint-Quentin (note précédente) u Post obi-Loin illius {Lothaire 1", 28-29 septembre 8551, ex parte pro mea, sieurSauditifs, in/irmuate, ci parte pro paganorum superventione et pro aiiM occa-sionibus quae in regno nostro accidernot, osque modo non fuit oportunus locusut ego et iste meus carissimus nepns insimul parabolare potuissenaus. o it estremarquable que, à part un diplôme pour L'abbaye de Corbie, du 28 septembre(Bis(. de Fr., t. Vtll, p. 550-551; Léon Levillain, Étude sur.,, l'abbaye de Cor-bie, p. 280.282), on ne possède, passé te P' mars, aucun acte de Charles pourl'année 857, car le diplôme pour Marmoutier du 17 novembre dont parle Mabille(Pancarte noire, n' LVII, p. 95) n'existe pas en réalité, comme le montrera tapublication des Diplomate entreprise par l'institut. Le 8 février, Charlesaccorde deux diplômes pour l'abbaye de Montierender à Quierzy (Hist. de Fr.,t. Vil!, p. 529 et 530; sur la date, Parisot, le Royaume de Lorraine sousles carolingiens, p. 45, note 1; le 14 février, il promulgue un édit (note I)à Quiery; le 15, il donne deux diplômes à l'église Saint-Just de Narbonne(Hist. de Fr., t. VIII, p. 532, 547, 548 [le deuxième est faux] Rist. duLanguedoc, t. II, p. 305, n' 149) à Qarierzy; l'acte du 28 septembre pourCorbie est également daté de Quierzy. Enfin, en 858, du 14 janvier an 21 mars(RusÉ., de F,'., t. VIII, p. 551, et • Capitutarla, t. II, p. 295), on te voitencore à Quierzy. Ne semble-t-il pas que le rot n'ait pas quitté (sauf pourun court voyage à Saint-Quentin, non loin de là) cette localité pendant plusd'un an? Ce fait, extraordinaire polir qui connaît les habitudes ou, pourmieux dire, la nécessité des déplacements pour Charles le Chauve, ne peuts'expliquer, semble-t-il, que par une longue maladie qui le retint â Quierzy.

1908 ' 2

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48Là cB.àNn: iNYÀS101 NORMANDE DE 856-862.

En 857, il est vrai, Sidroc quitta le bassin de la Seine, soitqu'il ne trouvât plus rien h piller, soit que son humeur aventu-reuse l'entrainât ailleurs, soit enfin que Charles eût acheté saretraite à la suite de négociations inconnues 1 Les populationsne gagnèrent rien au départ de Sidroc. Tout donne lieu de croire,en effet, qu'une nouvelle bande fit son apparition dans la Seine,car l'année 858 est signalée par une recrudescence de dévastationsauxquelles Bjœrn, réduit à ses seules forces, eût difficilement pusuffire. Au début de l'année, à l'embouchure de la Seine, le monas-tère de Saint .Wandrille, qui jusqu'alors avait pu se racheter, futpris et brûlé, le 9janvier 858. Les moines s'enfuirent à travers lepays de Caux, au delà de ]a Somme, à )3loville, puis à Quento-wicl . Une bande s'avança dans l'été sur l'Amiénois, mais elle futbattue par l'abbé de Corbie, Eudes, et les chevaliers de sa suites.De l'autre cbté de la baie de la Seine, Bayeux fut pris etl'évêque Baufroy subit le même sort que son collègue de Chartresl'année précédente (été de 858).

I. Chronicon Fontanellense « Sequenti anno Sydroc egreditur de fluvio.Borne in quadam insola [c.-à-d. Oscellus] castrum sedilicat obi a carolo regenavali obsidioneobsessus est anno J) CCCLX (sic), seil factione Ludovici fratriset quorundam seditiosorum ah eo repellitur » (IJisi. de Fr., t. Vil, p. 43). 11n'y n point lieu d'ajouter foi â l'assertion de l'auteur de la Vite sancti Con-wotonis, qui prétend, au I. III, e. 9, que Sidroc, de retour dans la seine, futtué par Charles le chauve avec ses compagnons Et recessit ab ris, Sequa-nam fluvium pctens, ibique a lCaroln, Francorum rege, 00m populo suo interfec-tus est». [Voy. nos Mélanges d'histoire bretonne, p. Il et 67 (cils. des Annalesde Bretagne, t. XXII).] Il est possible que notre personnage mit passé en Angle-terre. En 871, un d Sidroc cornes senex p fut tué à Ashtown par le roi de Wessex,Alfred, en compagnie d'un Sidroc junior , du roi Baegsceeg et de troisautres « comtes ., Cabora, Froena et Harold. Voy. la Chronique saxonne,éd. Larle et Plummer, t. 1, p. 70-71, et Asser, Dé ge.stis .4elfredi, éd. Steven-son, p. 30-3!.

2. Une étude consacrée à l'histoire de l'abbaye de Saint-Wandrille, rédigéedepuis longtemps, paraîtra sous peu, espérons-nous. Nous y renvoyons pour lajustification de la date de 858 et l'identification de Bladulfi-villa avec Blé-ville.

3. Nous adoptons l'interprétation que donne M. Levillain (Étude sur leslettres de Loup de Ferrières, P . 152-155) des lettres 11-112 de Loup de Fer-riéres. La lettre tU a dû âtre écrite en juillet-août 858, ce qui nous oblige devoir dans les Normands qui s'en prennent à l'Amiénois, où est Corbie, nonpas les Normands de la Somme, lesquels n'apparaissent qu'au printemps de 859(voy. plus loin, p. 49), 'nais ceux de la Seine. A remarquer, d'ailleurs, quel'attaque contre Beauvais et Noyon en 859 est encore le fait de ces derniers(vo y. plus loin, P. 33).

4. An,,. Bel., an. 859, p. 52 « Qui (osai) etiam ante duos menses Errnen-

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LÀ GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-862,40

Cependant Bjœrn, demeuré seul après le départ de Sidroc,avait transformé en forteresse l'île d'Oscellus 1 . Delà ses hommes,qui s'étaient exercés à l'équitation', s'élançaient dans toutes lesdirections pour faire des razzias. La plus belle opération de cegenre fut tentée au printemps. Les Normands savaient quelconcours de monde attirait dans les basiliques renommées la fêtede Pâques. Deux bandes à cheval partirent de Jeufosse le ven-dredi saint de 858. L'une prit par la rive droite, l'autre par larive gauche de la Seine; elles chevauchaient en dissimulant leursmouvements. Le but de la double expédition était de tomber àl'improviste sur les chrétiens réunis pour célébrer la fêtede Pâques(3 avril) dans les deux grands monastères de la région parisienne,Saint-Denis et Saint-Germain-des-Prés, d'enlever les abbés etde les mettre à rançon. Le coup réussit parfaitement à Saint-Denis. L'abbé Louis fut surpris et fait prisonnier.

C'était un très grand personnage; petit-fils de Charlemagnepar sa mère, il remplissait les fonctions d'archichancelier et tenaitle premier , rang à la cour, depuis la mort (vers 855) de l'archi-chapelain Evrouin 3 . Sa rançon coûta des sommes énormes; les éta-blissements ecclésiastiques versèrent 688 livres d'or, 3,250 livres

fridum Belvagorum -in quadam villa interfeceraut, sed et anno praeterito liait-fridum Baiocnssium episcopum necaverant. a Aucun nécrologe n'a, que Vonsache, donné la date de mort de Baufroy; mais celle-ci est antérieure à l'au-tomne de 858, car, dans sa tentative pour s'emparer de la France occidentale,Louis le Germanique, tors de son séjour à Troyes, en novembre, gratifia del'évêché de Bayeux le diacre Tortoldus, vassal infidèle de Charles le Chauve etparent de l'archevêque de Sens Caneton. Vo y . Ann. Bert., p. 51; Synodusapud Saponartas habita, C. 4 (Krause, L. II, p. 447-448); Libellas proclama-tionis advenus Wenilonani, e. 13 (Ibid., p ' 452-453). Baufroy périt peut-êtrenoyé, car necare avait aussi ce sens dans la langue vulgaire qui se reflète sou-vent dans les Annales Bertiniani. Notons cependant que le Dessin ne dut pas•être occupé longtemps par les pirates, car on voit, le 6décembre 860, Charlesdonner an fidèle Augis des biens sur l'orne: Infra comitatum l3aiocacensenisuper Quviuin Olnae (Hist. de Et., t. VIII, p- 563; Tardif, Cartons des rois,n' 176, p- III)

t, Voy. P. 18, note 1.2. Voy. P. 13, note 4.3. Sa mère était Rotrude, fille de Charlemagne (morte le 6 jute 810), son

père, le comte manceau Rorgon. Sur cette famille, voy. Kalckstein, Retint ijerTapfere, p. 136-11it, 165. L'archicbaneelier devait son nom à l'affection (le samère pour sou frère, le futur empereur, alors roi d'Aquitaine. Remarquons àce -propos que Louis, Charles, Carlo,nan, Lothaire, Pepir& sont dos nomsroyaux réservés uniquement aux membres, légitimes ou non, de la famillecarolingienne.

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LA dRÂNDE INVASION NORMANDE DE 856-862.d'argent, et, comme cela ne suffit pas, le roi leva un impôt spécialsur les évêques, abbés, comtes et vassaux royaux. Josselin, abbéde Glanfeuil, demi-frère de Louis', partagea son sort; il futracheté par l'église de Reims, dont il avait été clerc2.

t. Josselin était né de l'union de Ilorgoa et de Bliebilde. Voy. t'ouvrage deKalckstein cité à la note précédente.

2. Ana. Bert., p. 49 4 Pars altera eorundem pyratorum Ludovicurn abba-tom monasterii Sancti Dyonisii cure fratre ipsius Gauzieno capiunt eisqueredemptionis suae gravissirnam multam imponunt. Ob quam multi thesauro-rom ecclesiarum Dei ex regno Rani, ipso jubente, exhausti sont. Scd bisminime sufllcientibus, ah eodetn rege et omnibus episcopis, abbatibus, comiti-bus, ceterisque vins potentibus moita ad suppletionem praedictae surnmae ocr-latim conlaLa sont. - Heudegier, Vila saneti Parents, e. 124 Clariormtque potentior princeps insignis de nomme Ludovicus, poster ecclesiae sanctiDyonysii, quae capot extollit super cetûras ecclesias terrarum potentia dignita-tis, et principatum omni honore sapientiae oc religionis, irnpotens fuit aheorumn captivatiooe se observare. Cujus redemptione ponderibus inestimabilibusauri et argenti ablata est ornais gloria et ornatus nique decor ah universisecclesiis regni atque ipsa erres Borna se spoliatam eue decore aliquo modosentit (sic?) (Mabillon, Acta sanctorum, 5mo, u, p. 625). - Dans le ms. 789 dela bibliothèque de Reims, exemplaire du ix' siècle de I'lnstitutto canontcoruntAquiegranensis de 816 (publ. par Werminghoff dans Mon. Gerrn., Concilia,t. 11, 1904, p. 308421), on trouve à la fin, au fol. 106 r, la note suivante, déjàsignalée par Mabillon (Annates Benedictini, I. XXXV, n' 33) « Datura est inredernptione Uludovici abbatis n parte saocti Dionysii de aura libr. 000CCCLXXXVIII, de argenta lib. UI mil. CCL, excepte vassall. et illorum femin. etparentes Hier. s Voy. Henri Loriquet, Manuscrits de Rejins, L. II, p. 123-174(Carat. gndrat des mss. des bibi. publiques de France, t. XXXIX; 1904,in-8'). On a compris que l'abbaye de Saint-Denis avait, à cite seule, versé688 livres d'or et 3,250 livres d'argent. Cela me parait attribuer à ce monastèredes ressources invraisemblables. En effet, en 866, le rachat de ta Franciaentière coûte 4,000 ]ivres d'argent, 5,000 en 876 (Ann. But., p. 81 et 135), ettout le pays entre la Meuse et la Seine, pour le moins, y contribue. En 858, taseule abbaye de Saint-Denis aurait donné des sommes aussi considérables pourle moins pour le rachat de son abbé. Bien (lue cette abbaye fOl, avec Saint-Martin,sous Charles le Chauve, et même avant lui, la première du royaume, (t capot cite[-lit super ceteras ecclesias terrarum poientia dignitatis, J dit l'évêque Heudegiervers 862, voy. plus haut), je juge la chose inadmissible. Je propose de lire o adparlera sancti Dionysit s et d'identifier les 688 livres d'or et les 3,250 livres d'ar-gent avec des nombreux trésors des églises de Dieu du royaume de Chartes, dontelles furent dépouillées sur l'ordre de celui-ci s, selon Prudence. Quant auxmots t excepte vassall. et illorum femin. et parentes iller. o, c'est-à-dire € noncompris la contribution des vassaux, de leurs femmes et de leurs parents s,j'incline à les rapprocher du passage où Prudence nous dit que cette sommene suffit pas et qu'il fallut taxer évêques, abbés, comtes et autres hommespuissants. Voy. encore page 22, note I, pour le témoignage d'Aimoin au sujet

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LÀ GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-862.21

À Saint-Germain-des-Prés les brigands échouèrent. Plusavisés que leurs confrères de Saint-Denis, qui ne se décidèrent àquitter le monastère avec ses reliques qu'en septembre 859 1 , lesmoines de Saint-Germain s'étaient retirés, au moins dès la fin de857, d'abord à Combs-]a-Ville, sur l'Yères 2 , puis à Esmans, surl'Yonne. C'est là que se tenait l'abbé Hilduin 111 et la majeurepartie de la « congregatio », avec les corps saints, le trésor,les archives et la bibliothèque du monastère, fine restait à Saint-

de l'abbé Louis et la date de son enlèvement. - En ce qui concerne .Jos-selin, nous possédons encore un témoignage postérieur de vingt ans. Hincmar,quand il le vit se détacher des descendants de Charles, lui rappela ses bien-faits passés « Ut reminisoatur quia Iternensis ecclesia eutn regeneraverit inChristo tonsumqoe in elericum sois religione uutriverit et docuerit, de captionepaganorum redemerit, ad grades ecclesiasticos osque ad diaconatum provexe'rit, plurimorum monasteriorum per concessionem regain abbatem constituent.Cette lettre nous est conservée par une anal yse de Flodoard dans Rist. eccles.Eernensis, I. III, o. 24 (éd. Lejeune, t. Il, p. 319 éd. Wailz, dans Mon. Cern,,,Script., L. XIII, p. 536). Sur la date, voy. Schrrs, .Qinkmar, p. 556-555,n' 483, et P. 585, n 158.

t. An,,. Bert., p. 52 s Ossa beatorum tnartyrum Dionysii, Rustiei et Eleu-therii nietu eorundem Danorum in paguni Mauripensem in villam sui jansNovientem devecta sont atque xi kalendas octobris in loculis diligenter con-locale. Ce Nogent en Morvois, propriété de l'abbaye de Saint-Denis, estNogent-sur-Seine, oh-l. d'arr. du dép. de l'Aube.— Le départ tardif des moinesde Saint-Denis s'explique par la sécurité relative dont jouissait l'abbaye parsuite des rachats de 857 et 858.

2. De même qu'en 845. Combs-la-Ville, Seine-et-Marne, arr. de Melun, cant.de Brie-Comte-Robert.

3. Aimoin, Miracuta sancti Germant Parlsiensis, I, Il, o. 5-9, lI (Mabillon,Acta sanctorum, suc. 'u, part. li, P. 114). Esmans, Seine-et-Marne, arr. deFontainebleau, cent. de Montereau. La retraite (le Combe a Esmans est certai-nement antérieure à septembre-octobre 858, car c'est là que les moines Usnardet Odilard, envoyés à Cordoue par l'abbé liilduin II vers 857, rapportèrent lescorps des sahils Georges, Aurèle et Nathalie, an moment même où les troupesde Louis le Germanique dévastaient le plat pays. Voy. Aimoin, Transtatio.55. Ceorgtt, AnreUi et Rathatiae, I. Il, e. 5 (Mabillon, Acta sanctorum,suc. iv, part. Il, p. 53); Min. Bert., p. SI. - On peut supposer que la fuitede Saint-Germain-des-Prés à Combs-la-Ville se place â la fin de 856, ou plu-tôt après l'été de 857, quand le monastère dut se racheter (voy. p. 12, note 1).Le recul de Comhs-la-Ville à Esmans ne saurait, en tous cas, être antérieur àcette date. C'est de Combs ou d'Esmans que les moines Usuard et Odilarddurent être envoyés en .Espague par Ililduin II. 0f. note suivante. Pour latroisième fuite, d'Esmans à Nogent-l'Artaud, voy. plus loin, p. 46-67.

4. Sur ce personnage, voy. te Moyen-Age, année 1903, p. 257-259, et 1904,P- 339-342.

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22LÀ CRÀNDE flIVASION NORMANDE DE 856-862.

Germain qu'une vingtaine de moines avec le personnel néces-saire pour desservir l'église et les bâtiments claustraux. Avertisde l'arrivée de brigands, le dimanche dés l'aurore, ces moines serefusèrent à y croire; aussi furent-ils surpris au moment où ilscélébraient l'office. Ils eurent heureusement le temps de se mettreà l'abri dans des cachettes et jusque dans les puits (crptS). LesNormands ne trouvèrent à enlever que de? jiF6ions. Ils sevengèrent en tuant quelques serfs de l'abbaye et en mettant lefeu au cellier, puis ils se retirèrent déçus. Les moines sortirentalors de leurs trous et, aidés des habitants de la Cité qui accou-rurent à leur aide, ils purent venir à bout du feu qui épargna,cette fois encore, la basilique'.

1. Aimoin, Mirac. sanef I Germant Paris., I. Il, e. 10: • Nortmanni vero apudeundem locaun qui dicitur Osceltus, in quadam Sequanae insola, residenbes,Parisius saepe, dure placebat, nanti exeursu veniebant: Redimebanturergo olnnia in cireuitu vicina monasteria ne illorum saevitia impositis ignibuseremarentur. Studebantque praeterea vicissim equis, quatenus aliquos not,ilirnngratia peduniae capere passent. Unde veluti ex mibissimi viri donnai Illuduwiciabbatis redemtione non inodieum et ineomparabile adquirebant bon negotium.Et quotieseumque tale quid agere disposuissent, dissimulabant se ,nultis diebusante nulbatenus quoquain ire, ne oui iblorum furtivus innotesceret advenbus.l'roinde decreverant mutua silentique consideratione Parisius, sire ad nostrumaliquando percurrere boum, omnesque ibidem tub inalefida securitate rom -marantes insperate decipere. Restituant siquidem in codera - monasterio quiipsum custodirent fratres fore viginti. Quibus matutinale, orto jam erepusculo,Pasobalis sacrosanetac festivitabis officirun cebebrantibus, adsunt Normanni qui,Parasceves die, equis adseensis, tIen nrripuerant veniendi. Quos quidein nostro-rom equites, paullisper praevenie.ntes, •eorum ois qiiamvis sera malignuin non.haveront adventum. luis autrn lion eredentibus, sed magis laudibus divinisinsistentibus, pagaui sine mora insequentes veneruni, cunctosque ut erant iner.clesia circumeinlere psaltenles. Tunc, qund magnum fuit declinandi subsidium, clausis in eonum oculis ecclesiae portis, mares sese in quaequelatibulavel puteos immergentes abseonderunt; quo non ex iiiuibiiÇnisi unum equoidentem, tanti praiiÏs su ragantibus mentis, interficerent. Raque fugientes

ante conspectum ipsorum ibant, nec aliter inquam verissime nisi ut quidamillorum ante enudatos etiarn gladios, cure esset dies, inlaesi transirent. Quibusita augelica administratione salvatis, interfectis praenuntiis atque allis in cirdui-tu et in media monasterii ex familia plurimis, omnia, veluti spurcissimi mm-sores, quacquc in eccbesia vel extra invenerant dinipientes, com proventusexsultatione, cellario fratum igne supposito, reversi surit. Tune universide quatibuscumque quibus se abdiderant egressi babebris, concurrente etiambine iode populo civitatis, subverterunt, tanbum spiritus saneti gratin, ignisardorem, jam ad cureta consumenda spatia alliera petentem. Neque, quodpostes nostnis iterato contigit delictis, locus lune feu illus crernatus disperiit(Mabillon, Acta sanctorum, suce. iii, part. II, p. t 14-t 15).

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LÀ GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-86123

Au commencement de l'été de 858, le roi sortit enfin de soninaction. Dans une assemblée tenue à Quierzy-sur---Oise le21 mars, provoquée sans doute par la défection des Neustriens etdes Bretons, un certain nombre d'évêques, d'abbés et de grandslaïques avaient renouvelé à Charles leur serment de fidélité, enéchange, il est vrai, de promesses faites par le souverain.

11 est singulier que depuis trois siècles les critiques n'aient pas aperçu lacorrélation qui existe entre l'enlèvement de Louis de Saint-Denis et la tenta-tive sur Saint-Germain-des-Prés. Tous [même le dernier en date, W. Voge],op. cil., p. 1821 ont placé cette dernière en 861, sous prétexte que les AnnalesBertiniani rapportent t'incendie de Saint-Germain en cette année € Danimensi januario Luteciam Parisiorum et ecclesiam sancti Wineenlii martyris etSaneti Germani confessons incendie tradunt s (p. 54). Mais, tout en adoptantlii date de 861 pour tannée, ils ont généralement voulu corriger la date demois en se référant à Aimoin, qui place le désastre à Pâques dans le cha-pitre x que l'on vient de reproduire, et aussi dans les vers du chapitre xiii. -Ce faisant, les critiques ont commis une double et grave méprise: I ils n'ontpas fait attention que, puisque Saint-Germain périt incendié en 861, selon Pru-dence, et que, selon Aimoin, ce malheur se produisit un certain temps (postea)après la tentative manquée des Danois racontée au chapitre x, colle-ci estnécessairement antérieure; 2 ce qui caL plus fort encore et vraiment comique,c'est qu'on riait pas remarqué qu'en 861 Pâques tombe le 6 avril et que cejour est précisément celui de la mort du prétendu narrateur de la tentativemanquée des Danois, Prudence lui-môme! Conclusion : les événements rap-portés air x du livre II d'Aimoin sont à coup sûr antérieurs à 861.Ils ne sauraient être de 859 ou de 860, car, après l'échec du roi au siège d'os-cellas (en juillet-septembre 858) CL pendant la guerre entre Charles et Louis(voy. plus loin, p. 27), les Normands étaient rnaltres absolus du cours de laSeine et n'avaient mémo plus besoin de chercher à dissimuler leurs mouve-ments. Tout marche à souhait en 858. La date de Pâques (3 avril) fournie parAimoin pour l'attaque contre Saint-Germain s'accorde avec la place occupéepar le récit de l'enlèvement d& Louis dans tes Annales Bertiniani. Celui-ci estcontemporain de la soumission de Rjœrn qui va trouver Charles le Chauve àVerberie. Or, le séjour du roi en cette localité se place entre la fin tic marset joie 858 (voy. plus loin, p- 24-25). Au reste, la plus simple prudence obligeaitles pirates à opérer simultanément leur coup de main sur Saint-Denis et surSaint-Germain le succès était à ce prix, car une attaque prématurée sur l'unedes deux abbayes eût mis l'autre sur ses gardes. Un certain flottement dansla narration dAimoin est sans doute cause des méprises successives qui sesont produites au sujet de cette 'double attaque du l'-S avril 858, dont onpeut, à mon avis, restituer.tcès clairement le but et les péripéties.

I. Capitularia, M. lCrause, t. il, p 205, n' 269; Libelles.,. adversus Wen.i-louent, e. 5 (Ibid., p. 451). Les noms des grands qui prêtèrent serment setrouvaient, dans un seul manuscrit, consulté par Sirinond. On no relève quequatre évêques, un abbé, douze laïques. il est difficile de croire que cette listesoit complète. Cf. p. 26, note 3.

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LÀ 6ItÀtDE INVASION NORMANDE DE 856-862.

Celui-ci crut néanmoins sa situation fortifiée et il se mit à des-cendre le cours de l'Oise dans l'intention d'aller assiéger les Nor-mands de Jeufosse. Arrivé à Verberie, il vit arriver à lui un deschefs scandinaves, 13jœrn, qui lui fit hommage et lui prêta ser-ment de fidélité', vers la fin de mars ou le commencementd'avril 2 . Charles, sans se laisser amuser par ce premiersuccès, continua ses préparatifs et, au début de mai, engageaou poursuivit avec son neveu, le roi Lothaire, des négociationspour obtenir sa coopération à l'entreprise. La capture deLouis, abbé de Saint-Deni, la tentative sur Saint-Germain,dont nous venons de parler, ne purent que le fortifier dans sondessein. Éventuellement, le roi pensait certainement, après avoirtriomphé dès Normands, à marcher contre les rebelles de Neus-trie4 Vers juins, Charles, descendant toujours la vallée de l'Oise,

I. Ann. Bert., p. 49 « Berno dux partis pyratarum Sequanse insistentiumad Karluin regem in Vermeria palatin venit, ejusque se manibus dedens ftdeli-tate,n statim jurat. Pars altera eorundem pyrataruin Ludovicurn, abbateinmonasterii sancti Dyonisii, etc. » Au contraire, scion le Chronicen Fontanel-lense, l'assiégé d'Oscellus, c'est Bjœrn t Sequenti anno (I. e. 857) Sydrocegreditur de lluvio. Berno in quadam insola castrurn aedi6eat, obi a Carolorege navali obsidione obsessus est sono D CCC LIX (Sie), sed faclione Ludovicifratris et quorundam sediliosorura ab eu repeltilur. Faudrait-il en conclureque Bjcern rompit ses engagements aussitôt après les avoir prêtés et retournas'enfermer dans l'île? Pas nécessairement l'auteur du Chronieoa Fontanel-lense a écrit après 872, de mémoire ou d'après des notes mal classées. Sachronologie est constamment en défaut. Il a pu commettre ici un anachro-nisme. On peut concilier les deux textes en acceptant l'assertion de Prudence, -mats en accordant au Ohronicon Fontanellense que la forteresse de l'île d'Os-cel]us avait été, construite par Bjcern. - La prétendue identité du Bjœrnde 856-858 avec te Bjœrn Jernside des sagas islandaises sera plus tard l'objetd'une discussion particulière. -

2. Du récit de Prudence, il ressort que la soumission de Bjœrn s'est pro-duite à peu près au moment où une bande de Normands enlevait Louis; abbéde Saint-Denis. Or, nous avons vu plus haut (p. t9) que ce dernier événe-ment eut lieu te 3 avril.

3. L'année précédente à Saint-Quentin, le 1" mars, Charles et Lothaire Ilavaient renouvelé leurs précédentes alliances (Krause, t. Il, p. 793). Cf. Calmette,la Diplomatie carolingienne, p. 34. Eu 858, Lothaire avait négligé dose rendrele 9 mai à Coblence, où il devait se rencontrer avec Louis le Germanique. Ilavait conclu avec Charles u,, traite que l'annaliste officiel de Louis, Rodolphe,feint de croire dirigé contre son maître (Annales F'uldenscs, p. 48-49). lIl'était, en réalité, contre les Normands. M. Calmette (p' 35) ne parait pas s'enlitre rendu compte.

4. Cf. p. 26, note 3.5. cf. page suiv., notes 3 et 4, et p. 26, note 3.

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LA GRANDE INVASION NORMANDE DE 850-862.25

était h Bernes'. C'est là qu'un certain nombre de grands etd'évêques, dont Ganelon, archevêque de Sens, qui n'avaient pointparu à l'assemblée de Quierzy, vinrent rejoindre le roi et appo-sèrent leur souscription au chirographe, à la charte de fidélité2.A Bernes se tint vraiment le plaid général qui précédait l'entréeen campagne. On profita aussi de la circonstance pour réglerquelques affaires ecclésiastiques, dont l'une intéressait un suf-fragant de Ganelon, l'évêque de Nevers Hermand.

Dans les derniers jours dejuin 4 , les préparatifs étaient achevés.Charles, à la tète de l'ost et de la flottille la plus considérablequ'on eût encore vue, descendait l'Oise, puis la Seine, et arrivaitdevant l'île d'OsceUus, oit les Normands s'étaient retanchès, le

I. LibeUus... adversus IVenitonenr, C. 4 Oui scripto Wenilo apud Rater-nain villam propria manu subseripsit aient in praesenl.i videre potestis i (Copi-tukzria, M. Krause, t. II, p. 451). Calmette (p. 48, note 10) a montré, contreKrause, que l'assemblée de Baierna est de peu antérieure au siège d'Oscellos,mais il a eu tort d'accepter l'identification (lite donne Krause de Iiaierna avecil Brienne-le-Château • (Aube, arr. de Bar-sur-Aube). li serait incompréhensible,en effet, que Charles, qui était sur l'Oise, â Verberie, en mars-avril, et n'avaitplus qu'à se laisser aller au lit de l'eau pour joindre l'ennemi, eût été fairedans l'est, en champagne, ce crochet incompréhensible. Pour cette même rai-son, il faut repousser « l3azarnei » (Yonne, arr. d'Auxerre, cent. de Vermen-ton), proposé par L. Leviilain (Loup de Ferrières, p' 155, note I). Les deuxidentifications sont, d'ailleurs, phonétiquement aussi inadmissibles l'une quel'autre. Géographiquement et phonétiquement, il faut opiner pour a Bernes(Seine-et-Oise, arr. de Pontoise, cant, de l'Isle-Adam), située sur la rivièreentre Pontoise et Creil. Sur les formes anciennes de ce nom (Bagerna, Eaiei'na,Baerna, etc.), voy. Hippolyte cocheris, Diclioxnaire des anciens: noms dudépartement dc Seine-et-. Oise (Versailles, 1874, in-8'), p. 29.

2. cf. p. 23, note t.3. Lettre 130 de Loup de Ferrières, M. Levillain a montré qu'elle était un

acte synodal adressé S Nicolas P' au nom de Ganelon et de ses suffragantsréunis' dans o,' convcntn,ç, qui n'est autre que l'assemblée de Bernes. Lesévêques demandent nu pape l'autorisation de déposer Hermand, atteint detroublés mentaux. Nicolas P' n été consacré en 858, le 24 avril, sept joursaprès la mort de Benoit Il!. Ce n'est guère avant la fin, tout au plus le milieude mai, que l'avènement de Nicolas P' put être connu dans le nord de la Gaule,ce qui appuie pour l'assemblée de Bernes la date de juin. Il est également faitallusion à un conven.tus, sans doute identique à l'assemblée (le Bernes, dansles lettres 73, 74, 75 de Loup de Ferrières. Voy. Levillaiu, p. Il8-119 et 155.

4. Charles arrive devant Oscellus le 1" juillet (p. suiv., note 1). En suivant,le cours de toise et de la Seine, la distance entre Bernes et Joutasse peut êtreévaluée à environ 120 kilomètres. cinq à six jours suffisaient largement pourle voyage.

5. Sur cette il; qu'on peut identifier avec la « Grande île s entre Jeufosse et

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26LÀ GRANDE INVASIOn NORMANDE DE 856-862.

l e ' juillet'. En août, Lothaire apparut avec son armée. MaisFrancs de l'est et Francs de l'ouest se valaient cette fois, commeprécédemment', il fallut se contenter de bloquer les pirates.Charles demeura douze semaines devant Jeufosse. Cependant, lesnouvelles qui lui parvenaient étaient graves au plus haut point.Au début du siège, ou plutôt avant s, son fils aîné, Louis le Bègue,avait été contraint d'abandonner précipitamment soitroyaume du Maine 4 , devant la révolte des grands de Neustrie quiallaient jusqu'à s'allier aux Bretons. Louis avait dû passer ]aSeine et se réfugier auprès de son père. La situation de l'Aqui-taine n'était guère plus satisfaisante. Sans doute, Pepin II étaitvenu en juillet trouver son oncle à Jeufosse, mais ce n'était pointpour lui apporter des secours, mais pour obtenir de partagerl'Aquitaine avec le second fils du roi, Charles l'Enfant. La suitedes événements allait, d'ailleurs, montrer que la soumission

i3onnières, voy. le mémoire et la carte de M. Jules Lair, les Normands donsl'Ue 6-'Oscelle, Pontoise, 1897, in-8- extrait des Mémoires de la Société lais-brique et archéologique de Pontoise et du Vexin-, t. XX, p. 0-40). Cf. notremémoire sur Oscelins dans. les Mélanges d'Arbois de Jubainvi lie, p. 169-185.

1. Le siège fut levé le 23 septembre selon Prudence (voy. plus bas, p. 28,noie 3); il dura douze semaines selon fleudegier de Meaux (ibid.). Il a donccommencé le P' juillet.

2. En 852-853.3. Prudence (voy. note 5) rapporte le fait après le récit de l'enlèvement de

Louis, abbé de Saint-Denis, qui est du 3 avril, nous lavons dit (p. 19) avantle récit de l'entrevue de Lothaire H et de Charles de Provence, qui 'se placevraisemblablement en mars-avril (Parisot, le Royaume de Lorraine, p. 120,note 3), avant la mention d'une inondation, survenue à Liège au mois de mai.La fuite de Louis le Bègue semblerait donc se placer vers avril. Malheureuse-ment, la suite chronologique de Prudence n'est rien moins que certaine dansl'intérieur de chaque e annale s. Dans son Libellus... adversvs lvenilonem,Charles le Chauve déclare avoir passé avec ses fidèles, évêques et laïques uncbirographe, I eum seditiones in regno nostro per hommes inres'erentes eoepe-runt crebescere, . » et pour agir contre les rebelles (Krause, t. Il, p. 451).Ce ehirographe, ce sont les serments de Quierzy du 21 mars (voy. p. 23,note 1). La rébellion à cette date n'était autre que celle des Neustriens et desBretons. Elle est donc antérieure au 21 mars et du début de l'année. Enfin, lafuite (le Louis auprès de son père au delà de la Seine achève de montrer qu'elleest antérieure au siège d'Oscellus.

4. Gonstitué,en sa faveur en 856. t5. Ant. Re,-t., p. 49 Comites vero Karli regis coin Brittonibus juncti,

deficientes s Karlo, filium ejus Ludoicum ejusqiie sequaces a partibus Ceno-mannicis deterritum, Sequanam transire atque ad patrem refugere comnpellunt. oSur la date, voy. note 3.

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LA GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-862. 21

de Pepin n'était qu'une feinte'. En outre, symptôme très alar-mant, au lendemain de l'assemblée de Bernes, au lieu d'accom-pagner le roi à Jeufosse, des personnages considérables s'étaientdérobés. C'étaient Alard, fils d'Unroch, abbé laïque de Saint-Bertin, et Eudes, comte de Troyes, tous deux jusqu'alors favorisdu roi'. Tandis que Ganelon, archevêque de Sens, prétextant lamaladie, obtenait de rentrer à Sens, où il préparait sa trahison,les comtes galopaient vers la Germanie 3 . En juillet, ils rejoi-gnaient Louis le Germanique à Francfort et n'avaient pas grandpeine à le persuader de délivrer le royaume de l'ouest de la« tyrannie » de Charles. Ayant rassemblé ses hommes à Worms,Louis se mit en route à la mi-août et, passant pat l'Alsace,pénétra dans les états de Charles'. La 1er septembre il était àPontion, non loin de la frontière de la Carotingia et de laLot haringia. Puis, passant par Châlons-sur-Marne, Queudes etSens, il alla en Orléanais recevoir le serment de fidélité de sespartisans neustriens, aquitains et bretons. L'archevêque Gane-lon guidait pour ainsi dire l'envahisseur et en obtenait toutessortes de faveurs5.

L'orage qui grondait depuis cinq ans venait donc d'éclater.Charles et Lothaire n'en furent point d'abord très émus et,

t. Ou plutôt qu'elle était inefficace, car ce fut plus «un an après que Pepindéserta le parti de Charles (Ann. Bert., p. 52). Les Aquitains qui appelèrentLouis le Germanique et lui prêtèrent serinent en Orléanais (note 5) apparte-naient donc à un tiers parti, éloigné à la fois de Pepin et de Charles.

2. Sur Alard, voy. Calmette, op. cil., p. 43 et suiv., sur Eudes, voy. R. Mer-let, les Comtes de Chartres, p. 42 et suit - n 856. Alard était encore aunombre des fidèles envoyés en ambassade aux rebelles (voy. plus haut, p. 7et 9) et, le 21 mars 858, Eudes était du nombre de ceux qui avaient souscritle chirograpbe et juré fidélité à Charles (voy. p. 23, note 1). Tous deux appar-tiennent à la Francia et à la Bourgogne septentrionale. La révolte avait doncdepuis le printemps gagné du terrain auparavant elle ne comprenait que lesNeustriens et les Bretons.

3. Libellas... adversus fleniton.em, C. 5 Deinde cura contra pagenses adinsulam loci qui Oscellus dicitur cura fidelibus nostris in terreno ac naviglo,sicut scitis, perrexi, quidam a nohis deficientes fuga lapsi sunt Wenilo surent,se pro infirmitate sua illuc ire non passe dicens, ad sedeni sunna revenus est(Krause, t. Il, P. 451). Ganelon n'a donc point été plus loin pie Bernes(cf. p!17, note t), tout au plus est-il descendu jusqu'à Pontoise, d'où la voieromaine (par Paris et Melun) le ramenait à Sens.

4. Annales Fntden.ses, p. 49-50.5. Ann. Sert., p. 50.

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28LA GRANDE INVASION NOflMÂNDE DE 856-862.

qùoique malades', s'acharnèrent trois semaines encore au sièged'Oscellus. Il était dans le caractère de Charles de poursuivreun plan jusqu'au bout en dépit de toutes les circonstances quipouvaient se jeter à la traverse 2 . Avant de lâcher prise, il vouluttenter d'enlever d'assaut la forteresse des pirates. Lui-même pritpart à l'affaire en personne. Mais la trahison était partout. Quandle roi fut débarqué dans l'île, les « fidèles », demeurés sur les,rives de la Seine, se débandèrent et l'on coupa les cordages quipermettaient de ramener à la rive le vaisseau qui portait le sou-verain. Charles faillit périr et n'échappa que par miracle. Il com-prit que toute insistance était vaine. Le 23 septembre, le siègeétait levé, et la flottille restait comme trophée aux mains despirates 3.

1. Libeitvs... adversns lVcnito,ren, e. 5 f e Dum autem in procintu eninfirmi degeremus, frater mater Illudovieus, sicut scilis, cula manu hostili etseditiosis hominibus ex regno sue regnum nostrum inrupit e (Krause, t. II,p . 451). - Inflrrnus veut dire ,,,etad.e dans la langue du moyen âge.

2. M. Parisot (p. 122) déclare ne rien eomrendre à la conduite de Charles;cela tient sans doute à ce qu'il n'a pas pénétré le caractère du roi et qu'il naccepté l'interprétation traditionnelle qu'on en donne.

3. Nous rassemblons ici les textes sur ce siège d'Oscctttts. P Prudence,A,en. Bert., p. 50 « Karlus rex insulam Sequanae vocabulo Oscellum, Danosin en commorantes obsessurus, mense jolie adgreditur ; obi ad rom Karldspuer, lilius ejus, ah Aquitania pervenit. Cure quo Pippinum jam laicumvenientem suscepit et ci 45omitatus ac monasteria in Aquitania tribuit. Lotha-nus etiam rex ad eandeni insulani mense auguste properat, avunculo adjuto-niurn conlaturus. Ubi osque none kalend, octobris abscjue profectu obsidionisdemorantes, tandem ad propria remeant. Interiin cornues ex regno Karli regisLudoicum, Oermanoruin regem, quem per y . annos invitaverant, adducunt,etc. » 2 Chrorticon Fontanetlense (voy. plus haut, p. 24, note I), à la datefausse de 850. 3' Les Annales Fttdenses (p. 50) placent la lutte de Charlescontre les Normands sur la Loire « Karlus... pugnans contra Nordmannossuper Ligotera lluvium. e 4' Ilildeganius, l'ita sancti Faronis, cap. 125 « intantum enim vero ira Dei cencilata exarsit contra populuin ut nulla rationequinque muni lernporum scircnt lasse ces superari. Gircunsepti sont nainquen Garolo navigio nkirabili ac nunquam in nostris regnis simili vise, per revo-Intionem duodecim septinanarun, corn loto regni PP1O in quadam insolaSequanae, adjuncto etiam altero regno sihi Canotas, nepotis sui videlicetLotharii. Nec !un de fecerunt a potentia suarufli viriulfi quain coeperant:soit invalidum duorum regnoruin populum cure regibus ah insola dirafatigatione dimissum, captis omnibus navibus quibus obsidebantur, orna delu-clone pudcnttssicna regni gentis Francoruin, et retinet meula eos s'ietores e(Mabillon, Acta sanctorum, sac. u, 1h 624). 5' Charles dit un mot de sa flottedans son LibeUvs... adversns Wenilonern, c. 5 « in lerrene ne ,iavigio...perrexi »(cf. p. précéd., note 3). 6' C'est très probablement du navire qu'il devait

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LA GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-862.29

Lothaire retourna en son royaume et tâcha d'obtenir le par-don de Louis le Germanique. Charles gagna la seule province quilui fût restée à peu près fidèle, la Bourgogne. Par une manoeuvretéméraire, il passa derrière son frère aîné en prenant par Chélonset alla camper à Brienne'. Nous n'avons pas à raconter comment,

expédier pour le siège d'Oseellus que parle à plusieurs reprises Loup de Fer-rières dans les lettres 75 et itt. M. Levillain (p. 118-119 et 152-153) date lalettre III de billet-août et la lettre 75 du commencement de l'année 858, datesd'autant plus admissibles qu'il n'a pas songé au siège d'Oscellus, qui confirmeses supputations chronologiques. 7' Aimoin, Transtatio $5. Georgii, Aureiii etNet échec ex viDe Corduba Parisios, 1. iI, cap. 5 Â cujus (Soit. Bovonis),domo sanetornin eductis corporibus, evenit, dieni post quartum ut Hludowici,]Sejnvariorum regis, exercitu in vain intrarent atque illam per aliquot dies ibi-dem cnmmorantes inhumane vastarent. Ergo, licet inerito bac spe frustratus, adhoc idem illudowicus, a quibusdam procerilins invitatus exierat, qualinus fratrissui domni Caroli, contra Darios navali tune classe in Sequana decertantis, regnumusurpans invaderet; sed et victoriam, pro dolor!, veluti juin manibus sus-ceptam, hujusmodi infelicissirna visus est distulisse tyrannide. Nain, rage insa-lutato, cure in navi relicto, omnes ci subdole adhaerentes diseedunt et,praecisis ejusdem ravis tumbas, ne rex quolibet auxiliaretur praesidio, ad eun-dein illudowicuin, eum sibi regein faeientes, aeeedunt; quod eis dignam in con-tumeliani eessit. Ber ergo divinitus libérales, station parvo quem fides sibiretinuerat exercitu collecte, fratrem a rogna nobililer expulit, etc. o (Mabillon,Acta sanctorum, smc. iv, part. Il, p. 53). On ne saisit pas pour quelle raisonWenek (p. 292, note 3)trouve à ce récit quelque chose de « fabuleux o; Dhimm-1er (t. I, p. 431, note 2) a fait observer qu'il trouve, au contraire, sa confirma-tion dans le texte suivant. 8' Auto. Bert., p. 48 « Ipso [sono quando ipsoKarolns intravit in insulain Sequanac dictam Oseellnm, ubi magnum sustinuitpericulom, aient a mollis tune fuit cognituin et quando noter suus illudowi-eus super ilium venit cure hosl.ili appnratu, scd, largiente misericordiaDei, coin honore noir dominicae nativitatis festo, recta et interdinMogontiac validus et creberrimus terme motus eflicitur. n Que le passage que"nus avons mis entre crochets constitue une interpolation, la chose était évi-dente, avant même que la découverte par M. Poupardin d'une copie d'unmanuscrit, ancien où manque ce passage vint mettre la chose hors de toutecontestation (voy. Bibi, de L'École des chartes, t. LXVI, 1905, p. 399). Mais,si le récit de l'assaut donné à l'île d'Osceilus est une glosse passée dans le textedu manuscrit de Saint-Orner des Annales BerLinicnu, c'est, à coup sùr, une glossefort ancienne, écrite en marge d'un manuscrit du ix' siècle très peu d'annéesaprès les événements, peut-être dès l'année suivante. 9' enfin un passage de laNotitia de 'villa Noviliaco, due à Hincmar « Deiude Landrada, user flonati[comte de Melun], scd et filii cornai, pergente Garolo rege ad obsidendos Nor.mannes qui in insola quae Oseellus dicitur residebant, coin alus defecerunt;quorum honores et proprietates a Francis auferri et in fiscum redigi judicataesunt» (Hist. de Fr., t. VII, p. 215, et Mon. G'erm., Script., t. XVi,, p' 1167).

t. Après sa pointe en Orléanais, Louis était retourné à Queudes (Marne, arr.dÊpernay, cant. de Sézanue). Voy. Auto. Bert., p. 50. Charles, parti de Jeu-.

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30u GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-862.

après des négociations inutiles, il dut, se voyant abandonné dessiens, s'enfuir dans la Haute-Bourgogne (12 novembre), d'où ilrevint deux mois plus tard pour pousser hors de son royaume leGermanique (15 janvier 859)1.

La malencontreuse invasion de Louis n'avait eu pour résultatque de permettre le triomphe des païens. La conduite du roi desFrancs orientaux fut sévèrement jugée par l'opinion publique'.Il est piquant de voir que les révoltés invoquèrent comme griefcontre le roi qu'ils trahissaient les déprédations des Normands 3,

au moment même où la plus grande expédition qu'il eût dirigéecontre eux était commencée. Il est plus piquant encore de voirque ce prétexte ait été repris par des érudits modernes'.

fosse, n'a pu prendre par la rive gauche de la seine, sachant que la Neustrieétait révoltée et que son frère tenait l'Orléanais. Il a certainement remonté parPontoise jusqu'à Creil, où il a rattrapé la voie romaine Senlis . Soissons-Reims-Châlons. De cette dernière ville à Brienne, il s'est trouvé dans uneposition dangereuse, pIncé entre l'armée de Louis à droite et la frontière loliin-ringienne à gauche.

I. Voy. Dhimmler, t. I, p. 43t-440; Calmette, la Diplomatie carolingienne,p. 50-60.

2. Non seulement par les sujets de Charles, tels quAimoin (voy. p. précéd.,en note), l'interpolateur des Annales Bertiniani (Ibid.), Ileric d'Auxerre,Mi roc. saneti Germas j Autissiodorensis, I. li, cap. 8 (Rist. de fit., t. VII,p. 355-356), les évêques francs dirigés par Hincmar, l'agent le pins actif de larestauration de Charles le Chauve (voy. Calmette, op, cit., P. 55 et suiv.), maispar les évêques lotharingiens qui prirent part au synode de Metz de mai-juin559 (Krause, t.. il. p. 441), et par Reinon (éd. Krause, p. 90), qui qualifiede c crime » (facinns) l'invasion de Louis le Germanique. - Ce qui rendaitsurtout repréhensible la conduite de ce dernier, c'est que Charles combattaitles païens et même, selon Aimoin, avait la victoire en main (vicIo'iam jourprae manibus susceptain). C'est sur ce point qu'insistera plus lard Jean VIIIdans son réquisitoire de 876 contre Louis le Germanique adressé aux évêquesallemands c'est le diable qui a poussé Louis à attaquer son frère, alorsque celui-ci défendait la sainte Église en combattant les païens « Fideles ejus(Karen) frequenlissime rel,ellare suasit, in procinctu contra Northmnannos proecolesiae Dei liberatione pugnanti et inimicos crucis Christi usque ad ultimamdeditionem satagenti, senioris vestri utrimque animum a4 invasionem relictiimperii suscitavit (diabolus) 1 (Mausi, Concilia; t. XVII, coI. 227; Migne,Patrol. lut., t. CXXVI, col. 669).

3. Annales Fnldenses, P. 49-50.4. 3e songe, entre autres, à M. René Merlet qui, pour excuser Eudes de

Chartres, écrit (p. 42 CL 43) e Bientôt de nouveaux brigandages des Normandsle décidèrent A se jeter ouvertement dans la sédition, dont il devint l'un deschefs. Au mois dejuin 858, les pirates fondirent sur Chartres et mirent la villeà feu et à sang l'évêque Frotbold et un grand nombre de Chartrains furentmassacrés sans pitié. Quant à Eudes, retenu sans doute dans son comté

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LÀ GRAMME INVÀSION NORMANDE DE 856-862.31Même après l'expulsion de Louis le Germanique, Charles resta

longtemps réduit à l'impuissance. Dix-huit mois furent employésà négocier la paix avec son frère et son neveu 1 . Il.fallut obtenirdes évêques la condamnation de Ganelon e , restaurer la « légiti-mité », enfin ramener, les rebelles h de meilleurs sentiments.Jusqu'à la paix de Coblence de juin 860, Charles, loin de son-ger à expulser les Normands, n'eut d'autre but que de sauver sacouronne. Avec quelles forces eût-il pu réussir, au surplus, àaccabler les païens? La Neustrie et l'Aquitaine étaient en feu, plu-sieurs des grands de la Francie étaient réfugiés en Allemagne. Leroi ne pouvait disposer que d'une partie des forces de la Francieet du lambeau de « Bourgogne » que lui avait laissé le traité de'V'erdun. Même s'il eût été tranquille du côté de l'est, c'eût étéinsuffisant.

Pendant ce long espace de temps, les Normands, excités par ledésastre des Francs sous Oscellus, purent se répandre dans toutle bassin de la Seine et se livrer impunément à tous les excès. Leroi était incapable de leur résister sur la rive droite. La rivegauche, c'est-à-dire la Neustrie, était sans défenseur, car lesrebelles, Robert le Fort et les Manceaux, alliés aux Bretons, ne

de Troyes, il ne put empêcher ce désastre, mais tout son mécontentement setourna contre le roi, qui laissait s'accomplir de semblables horreurs. » Ainsi,c'est la prise d'une ville qui ne lui appartenait pas qui a jeté :Eudes dans lesbras de Louis le Germanique, en admettant même que ce désastre soit de 858,ce qui n'est nullement sûr, nous le montrerons ailleurs. Le même érudita tenté aussi d'excuser la révolte de Robert Je Fort par des arguments dumême genre. La vérité est que Hervé, Rorig et. autres Manceaux ont voulu ven-ger leur parent Joubert, décapité par ordre de Charles en 852. Robert le Fort apris les armes parce qu'il ne pouvait supporter la présence en Neustrie de Louisle Bègue, son ennemi. Quant aux Francs Alard et Eudes, ils étaient jaloux dela faveur des Guelfes, oncles du roi. Voy. J. Calmette, op. cil., p. 42-52.

I. Voy. les détails des négociations dans Calmette, la Diplomatie carolin-gienne, p. 55-68.

2. Elle fut demandée au concile de Savonnières, près de Toul, qui se tint le14 juin 859. Voy. les actes de ce concile dans Mansi, L xv, p 529; - Krause,C. li, p. 447, et le Libelltjs... adversus Weniloncm, rédigé, au nom de Charlesle Chauve, par Hincmar (Ibid., p. 450). Ce concile ne décida rien, et Charles,qui savait la quasi impunité dont jouissaient les membres de l'épiscopat, surSlotit les métropolitains, préféra s'arranger avec Caneton, c abaque audientiaepiscoporum i, vers le mois de décembre de la même année (Ana. lien,,P. 52 et 5)• L'archevêque de Tours, Érard, s'était entremis en faveur de sonconfrère de Sens (Mans!, Concilia, t. xv, p. 541).

3. Capilulanie, éd. Krause, t, Ti, p. 152-158, n' 242; ,4nn.. Sert., p. 54. -Cf. Calmette, op. ciL, p. 65-68.

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32LÀ GRANDE INVASION NORMANDE ne 856-862.

se souciaient nullement de protéger le pays'. Les malheureusespopulations de la Neustrie tentèrent un coup de désespoir. Ellesformèrent une ligue défensive contre les païens et, tout d'abord,résistèrent vaillamment aux Danois de la Seine. Mais, habituéesà obéir au roi ou à l'aristocratie locale, elles n'avaient aucunepratique de la liberté et aucune cohésion. Les Danois, qui for-maient une armée de métier, rompue à la discipline, eurent faci-lement raison de ce troupeau et l'exterminèrent (décembre 858-janvier 859)2.

I. Vov. les plaintes du concile de Savonnières dans minai, t. XV, p. 534-537. - Sur Robert, ses partisans et ses alliés pendant celle période, voy.Kalciçstein, Robert de, Tapfere, p. 65 et 146-152.

2. Âne. Bel., p. 51: « 859. Dani Ioca ultra Scaldem populantur. Vulgus pro-miseuum inter Sequanain et Ligerirn inter se conjurons adversus Danos inSeqùana consistentes fortiter resistit; sed plia incaute sumpta est eorum con-juratio a potentioribus nostris facile inLerticiuntur. s - Ce passage n donné lieuA une interprétation bien singulière. On en a tiré la conclusion que les paysans(le vuigus pronziscuum) d'entre Seine et Loire avaient été écrasés, non Parles Danois, 'nais par l'aristocratie laïque, effrayée de voir le menu peuple s'ar-mer et prendre l'initiative d'une résistance, fût-ce contre l'ennemi, cette vue,absurde parce qu'elle reporte au IV siècle des préoccupations qui ne commets-rêvent â se manifester qu'à la fin du xi', se trouve chez un grand nombre d'au-teurs de France et d'Allemagne, non seulement chez des vulgarisateurs ou desfantaisistes (Gfr'drer, t. t, p. 281 et suiv.; cf. les critiques de Wenck, p' 468),mais chez des érudits de marque, comme D'Ûmmler (2' éd., t. i, P. 447),Steenstrup (t- Il, p. 169), llartwig, Gilden'wescn (dans Forschunqen, t, I,

p. 133, 138, 140), Krause (Citron. Nortrnan.norum, p. 254, note 5), Kalcl'stein

(Robert der Top (en, p. 03) [Vogel, Die No,'mannea, 166-167]. - Il n'estpourtant pas difficile de voir que nostris doit être corrigé en Gzostri. L'abla-

tif pluriel potentiori&us n entrainé chez le scribe, ou même l'auteur, lad-jonction d'une s. Nous avons affaire à une faute par attraction, cas bien

connu des philologues. Les Annales Bertiniani nous en offrent un peu plusloin un autre exemple (année 863, p' 62) t Karolus rex.,, Liutardum Papiaeepiscopum... et Nantharium comitem de parte Illotharii nepotis sui accipitpro pace petentibus » Il faut naturellement petentes, mais sous l'influence de

l'ablatif pro puce, l'auteur a changé inconsciemment l'accusatif pluriel (peteis'

tes) en ablatif pluriel (petentibus). La faute est de même nature que la précé-dente, et plus grossière. Au surplus, avec nostris, la phrase est d'une incorrec-tion grammaticale qui la rend incompréhensible. En effet, les paysans auraientété tués par r les nôtres plus puissants s, c'est-à-dire par les seigneursparmi lesquels se compte l'auteur, puisqu'il dit g les nôtres »l Mais poten-for n'apparait nulle part comme l'équivalent de senior; on trouve, ûl'époque mérovingienne surtout, vir potens; il eût fallu, en ce cas, vins poten-

tibus le comparatif potentio»'es sans l'appui d'un substantif, et dans le sensqu'on veut lui donner, est de tous points inadmissible. En réalité, par nosiriprudence entend les chrétiens, par opposition aux Danois païens. C'est cé que

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LÀ GItAI1DE INVASION NORMANDE 0E 856-862.83

Sur la rive droite, les Danois de la Seine s'avancèrent plus loinqu'ils n'étaient encore allés. D'abord, ils renouvelèrent sur Beau.vais le coup dé 851 1 . On ne sait si la ville fut capturée s

, maisl'évêque Ermenfroi, revenant du concile de Savonnières prèsToul, fut surpris dans un village et mis à mort (25 juin 859).Deux mois plus tard, les Danois surprenaient Noyon dans uneattaque de nuit; la cité fut dévastée, l'évêque Immon, ses clercs,les chevaliers urbains furent emmenés prisonniers et massacrésen routes.

prouve un passage de l'a'nnée 851, où il raconte (p. 41) l'incendie de la ville ,leBeauvais par les Danois et la défaite (le ces derniers à leur retour « Quaincensa, cure redirent, a nos(ris inlercepti et aliqua ex parle prolligati surit(Dani). il leçon nos!ti me parait donc s'imposer sans réserve. - Je n'aller'çois et me félicite que M. Jules Lair (les Normands dans l'île d'Osceiius) aitCompris déjà « Ils périrent sous des forces supérieures, » mais il ne corrigepas le texte, seul moyen pourtant de justifier sa traduction, celle-ci n'est l'asd'ailleurs très exacte, ( forces supérieures » implique une supériorité numé-rique que les Normands ne possédaient pas. S'ils étaient supérieurs auxvilains, c'était par l'armement et la science militaire.

1. Anst. Ber!., p. 41.2. Une lettre d'llincmar fut adressée â Charles le chauve o de inilitaris ici

disposit.ione pro solvenda Ilelvacensis urbis obsidione n (Flodoard, liés!, ceci.Rein!., I. IV, C. 18). - Malheureusement, on ne peut dater cette lettre, dont ilne reste qu'une insignifiante analyse. Schrbrs (p. 565, note 25) hésite entreles années 851 et 859. J'inclinerais vers cette dernière, parce que la prise [leBeauvais de 851 fut le résultat d'un coup de surprise, et aussi parce que l'in-tervention ,I'flincmar se comprend mieux en 859 Ermenfroi ayant disparu,il se croit, en qualité de métropolitain, tenu de veiller au salut d'une des églisessuffragantes de Retins.

3. Ana. Ber!,, 1' 52Hi (Dani) veto qui in Sequana morantur Novioniumcïvitate,n recul adgressi, l,nmonem episcopuin eu nt allis nohitibus, tant cleri-Lis quam laids, capiunt, vastataque civitate, sertira abducunt nique in itinereiTherliciunt. Qui etiam ante duos menses Erinenfridum Belvagorum filvilla interfieerant, sert et anno praeterito Baltfridurn Baiocassium episcopiimnecaverant. » ce passage a été fortement critiqué depuis le xvii' siècle. Mnbilloj,(Annales Benedielini, L. III, p. 75), puis dom Bouquet (lits!, deL. vii,p. 75, note d) ont fait remarquer que les souscriptions de ces deux évêquesfigurent au bas des actes du concile du Tuse y, près Toul, du 22 octobre 860.Mais le texte du ms. de Laon d'après lequel Sirmond (Canait. cailiee, t, III,P . 163) a fait son édition, reproduite depuis lors, est certainement défectueux.On y trouve, en effet, 'à la fin, le nom d'Abhon, évêque d'Auxerre, alors rtLe lenain Chrétien, son successeur, se lit, et très justement, au début. Abbon,qui prit part aux synodes de Mclx et (le Savonnières des 28 mai et 14 juin 859(Capjiniaria, éd. Krause. t. Il, p. 442 et 450), mourut un 3 décembre (Gestapontif. 4vtLçsiodor., dans Duru, Bib!. Mit, de l' yonne, t. I, p. 351);comice chrétien, son successeur, figure au nombre des négociateurs du traite

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34LA OBÂNOE INVASION nORMANDE ias 856-862.

Ces épisodes furent la répétition tragique des attaques surSaint-. Denis et Saint-Germain-des-Prés de l'année précé-

de Coblence du 1"-7 juin 860 (Krause, t. Il, p. t54, note 11), Âbbon mourutcertainement 3e 3 décembre 859. Son nom dans les actes de Tusey est donc lerésultat dune méprise. Et il en est de même de ceux d'Inunon et d'Erjnenfroi.Je dois tuétue ajouter que la liste d'évêques du ms, de Laon, fort longue (ellecomprend cinquante-sept noms), me semble avoir été établie d'une manièrefantaisiste et suspecte. Un diplôme synodal du même concile en faveur del'abbaye de Saint-Martin de Tours est signé seulement de trente et un nomsd'évêques, parmi lesquels on compte Chrétien d'Auxerre et Baineaumne, évêquede Noyon-Tournai les noms d'Abbon, d'Ernsenfroi, d'lmmon n'y paraissent pas.Voy. Labbe, fihisceit. curiosa. p. 464; llardouin, Concilia, t. V, p. 511, 538.Les souscriptions de ce ms. de Laon ont été falsifiées à dessein par }lincmnarde Laon. Dans son Libelius exposlulationis wiversunt Hi,icmarum Landu-nense,n episcopnur, e. 18 (Aligne, t. CXXVI, (ol, 590), Hincmar de Reims faitobserver que son neveu lui a adressé le 18 août 870 une scltednia, soi-disantémanée du synode de Tusey, (lui renfermait des particularités singulières, tellesque des noms d'évêques qui n'assistèrent point à ce concile, et les signaturestl'Abbon d'Auxerre et d'linn,on de Noyon écrites au-dessous de celles de leurssuccesseurs, Chrétien et Raineaurne, enfin la signature d'Hincrnar de l4ei,nslui-même, qui assista au concile, mais ne signa pas la prétendue sehedula. - Ausurplus, Prudence rapporte que Baufroy, évêque de Bayeux, périt, victime desmêmes pirates, l'année (lui précéda la mort des évêques de Noyon et de Beau-vais; or, nous avons vu que le siège de Bayeux était vacant, en effet, au moinsdès l'automne de 859 (plus liant, p' 18, note 4). lI faut donc adopter pour ta mortd'iranien et d'Ennenfroi l'année 859 et rejeter 860, à plus forte raison 861 proposéepar M. Labande (uist. de Beauvais, p. 7), et 862 avancée par M. Lair (dans sonédition de Durion de Saint-Quentin, p' 321). Mais en quel mois (le 859 périrentces évMues? Prudence parle de la mnrt d'Im,non en même temps qu'il racontel'invasion de \Veland dans la Somme, laquelle, nous le verrons plus loin (p' 38,note 3), se place à la fin d'août ou en septembre. Mais, à elle seule, cette coïnci-dence ne suffit pas. Nous avons dit, en effet, à plus d'une reprise que Prudencene s'astreinl, pas toujours à une suite chronologique régulière dans l'intérieurde chaque année. Une remarque semblerait trancher la question. Les noms desdeux évêques figurent dans les actes du concile de Savonnières du là juin 859,non seulement parmi les signataires (Krause, t. Il, p. 450), mais dans l'adressede la lettre synodale à Ganelon (A. Duchesne, Script., t. lJ, p. 'm37; Sirmond,I.. III, p. 145). Les évêques auraient donc péri après le 14 juin. Précisément,un obituaire de la cathédrale de Beauvais, conservé aujourd'hui dans une col-lection particulière, celle de M. de Troussures, en Beauvaisis, 'nais consultépar plusieurs érudits du xviii' siècle, les Sainte-Marthe (Gellia ch,'t'çt., t. IX,p. 698), Danse, DurcI et Bucquet (Labande, o ),. cil,, p' 7, note 7), G. ]fermant,HLÇt. eecMs. et civile de Beauvais (Bibi, ont,, lus. fr . 8579, p' 311), etc., metau 25 juin le vu liai. julti n) la date de mort de l'évêque Ermenfroi. Un ancienobituaire rémois, dont André Duchesne a fait des 'ixtraits (Bibi. nat,, colI.Duchesne, t. LXXIV, fol. 28), porte au 20 juillet Ermenfredus Belvacensisepiscopus, ce qui est sans doute moins exact. Quoi qu'il en soit, Immunde Noyon ayant été tué deux mois plus tard, son obit se placerait vers la fin

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LÀ GRAfDE INVASION NORMANDE DE 856-862.35

dente , . Ces coups de mains prouvent sans doute plutôt l'audacedes Normands de la Seine que leur nombre, et le massacre des

d'août. Tout concorderait. Malheureusement, lobit dimmon, donné au xi- sièclePar notion, porte o Emmo Noviomacensis episcopus, cern suis diaconibus,iv ka]. mou, lieu, proh doter, est pereinptus ornnisque gens desolata ad navesducta est captiva » (éd. Lair, p. 131). Ainsi, pour Dudon, linnaon est mort un28 avril et il a péri en compagnie de ses diacres (tel Frobaud de Chartres deuxans auparavant), et la population e été entrainée captive vers les vaisseaux despirates, tous renseignements qui concordent avec ceux de Prudence. Le témoi-gnage de Dudon tire une importance toute particulière di, fait que l'auteur étau,doyen (tu chapitre de Saint-Quentin. Cette collégiale, non seulernenl, ressortissaitdu diocèse de Noyon, maïs iltait considérée comme le second siège de l'évêché.Le doyen Dudon o toute sa vie célébré l'office d'lmmon que l'église vermandi-sienne considérait comme martyr (voy. Abel Lefrauc, Huai. de Noyon, p. 15,note I). C'est avec l'incendie de l'abbaye de Saint-Denis (cf. p. suiv., note I) lepremier événement historique qu'il rapporte. On pourrait tenter de concilier leschoses en disant que Prudence s'est embrouillé la mort d'immun (28 avril) e eulieu deux mois averti et non après celle d'Errnenfroi (25 juin), Mais, outre (lue 10nne peut admettre que les Normands de la Seine aient d'abord dirigé leur expé-dition contre Noyon, beaucoup plus éloigné' que Beauvais de leur base d'opéra-tien, la mention d'iranien au concile de Savonnières du 14 juin S'oppose à cettetentative de conciliation. II faut se résigner à avouer qu'on ne comprend pas ladate que donne Codon, et malheureusement aucun obituaire noyonnais ne peut,que je sache, nous tirer d'embarras. Au xv,,,' siècle, Cl. SentIe qui, dans sesNouvelles Archives de l'église de Noyon, conteste qu'lmnion ait jamais étél'objet d'un culte, fait observer que son noie ne se rencontre dans aucunmartyrologe ou calendrier (obituaire) des églises de Noyon, de Tournai ouautres (Bibi. ont., ms. fr. 12030, p ' 76) - Selon Dudon, la collégiale deSaint-Quentin et les abbayes de Saint-.Eloi do Noyon et de Satnt'Médard deSoissons auraient été incendiées, ainsi que Saint-Denis et Sainte-Geneviève deParis, à l'époque qui vit la mort d'lmmon. Le renseignement sur Saint-Denis'étant suspect (voy. p. suiv., note I), les deux autres le semblent également..Ence -qui -concerne -Saint-Quentin et. Saint-àlédard, il est. même certain que lespirates ne se sont pasSjufclàiïC'iiiTSalnTe.Geneviève,c'est en 857 qu'flï' périt dans les tlam'ôy plus haut, p. II). - Adrevaldparle br]èvem'èntde"la-"pTi"nrBauva1s (celle-de 852 sans doute) et de cellede Noyon o Quid proinde Bellovacus, quid Woviomagum et ipsae quondam Gal'liaruni praestantissimae orbes, nonne et ipsae irruptionibtis Nortmannicis atquehostuli gladio conciderel » (Miracl'es de saint ftenoit, éd. de Certain, p. 73). -Ermentier ne parle que de Beauvais « Parisiorum perinde, BeIveensiumarque Melduorum eapinnt civitates » (Translatio sancti. Piliberti, lib. Il,pratL). - Le cap. s du capitulaire de Pitres de juin 861 (Krause, L II, p' 305)fait allusion à la captivité et au massacre de nobles personnages, dont desévêques. II s'agit d'Erinenfroi, d'lmrnon, de Baufroy, de Frobaud, Les deuxpremières victimes portaient le même nom, car Im.'rno est l'hypocoristique d'J'r-minfridus. Voy. Stark, Die Kosenaonen, dans Sitzvngsberic/ste de l'Académiede Vienne, t. LII, p. 280.-

t. Voy. plus haut, p- 19-22.

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LA GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-862.

prisonniers dont on pouvait tirer une riche rançon indique que lesassaillants craignirent d'être surpris par les Francs pendant qu'ilsrevenaient sur la Seine. Néanmoins, les moines de Saint-Denisqui, chose étrange, avaient continué à demeurer dans leurabbaye', finirent par prendre peur et se réfugièrent sur un deleurs domaines, à Nogent- .sur-Seine en Morvois 2 , emportant lescorps de leurs saints patrons, Denis, Rustique et Éleuthère(21 septembre 859).

II.

LES NORMANDS DE LA SOMME. - WEIJAND.

Pendant que les bassins de la Loire et de la Seine étaient misà feu et à sang par les Danois, la contrée située entre la Sommeet l'Escaut, bien que plus exposée, semble-t-il, aux attaquesdes pirates, avait en réalité fort peu souffert de leurs incur-sions. C'est que, depuis le règne de Louis le Pieux, la Frise,plus proche de leur pays, était l'objet des convoitises des Scandi-naves..

1. La chose ne peut s'expliquer qu'en admettant que, en rachetant l'abbé Louisen 838 (voy. plus liant, p. 19-20), les moines avaient stipuléque les piratesn'inquiéteraient plus leur monastère. Dudon (p. 13t) semble faire l'incendie deSaint-Denis contemporain de la mort d'iranien « Agonotbetae Christi Dionysii ,nonasteriuin, Vulcano superante, est favillatnni. Emino Noviomacensisepiscopus, etc. o C'est certainement une erreur. Saint-Denis ne fut pas incen-dié avant le siège (le Paris de 885-886, si même il le fut alors, ce dont il n'y a pasde preuve. Voy. Millier, Histoire de l'abbaye de Saint-Denis, p. 99. Si l'ai,-baye la plus célèbre du royaume avec Saint-Martin-de-Tours eut été incen-diée en 839 ou dans l'année suivante, Prudence, qui mentionne la ruine deSaint-Germain-des-Prés en 861, n'eût pas manqué d'en parler.

2. Le pegus ftfa,n-ipensi.s se'retrouve dans le doyenné de Pont-sur-Seine(Aube, arr. de Nogent-sur-Seine). voy. Langton, Atlas, p. III.

2. Anti. Bert., p. 52 « Ossa beatorum mart yruin Dyoiiisii, Rustici et Eleti-therii, metu corundem (Sequanensium) flamiorum, in pagum Mauri1,ensem, invillana soi juris, Novientem, dcvecta sont, atque xi kalendas octobris in locimlisdiligenter onnlocata. » L'exil menaqant de durer longtemps, Charles le ChauveaO'eeta spécialement aux moines comme lieu de refuge le domaine de Marnayen Morvois (Aube, arr. et eant. de Nogent-sur-Seine) pour y bâtir une abbaye.Voy. Rist. de Fr., t. Vit], p. 558, et Tardif, n' Iii. L'acte est faussement datédu SI août 859 il faut entendre 860, en donnant la préférence à l'an durègne sur t'indiction. - La donation de Marnay fut confirmée par lin dipl6mesynodal des pères du concile de Pitres le 25 juin 862 (voy. Tardif, n' 179). Les,moines y sont dits « diutorna Nortmannorurn meursione vexatos ». Marnay,

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LÀ GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-862.37

11 était impossible, néanmoins, que cette région demeurât absolu-nient indemne. En 842, Quentowic, à l'embouchure de la Gauche',avait été dévasté par une flotte dont le but était d'ailleurs l'Angle-terre 2 . En 845, Ragnar, revenant de Paris, avait pillé les côtesde la Manche; mais il n'avait fait que passer, et l'alerte avaitété de courte durée s . En 850 un groupe détaché de l'armée de Roric,qui envahissait la Frise par le Wahal, avait pillé la Flandre, leMempisc, le Ternois et peut-être le Boulonnais 4 . L'année sui-vante, une armée, commandée sans doute par le même Roric,remonta l'Escaut jusqu'à Gand et brûla le monastère de Saint-I3avon. Elle ne poussa pas plus haut et se rembarqua pour allerdévaster la Seine s . 11e même, à l'automne de 852, Godfried,fils d'Harold, quittant la Frise, dévasta « les pays voisins del'Escaut ». Le 2juillet 852, les moines de Saint-Vaast d'Arraséprouvèrent une alerte, mais onze mois après ils rentraientpleinement rassurés'; et le pays demeura tranquille jusqu'à lafin de 858, au point que les moines de Saint-Wandrille fuyantles Normands de la Seine vinrent se réfugier d'abord à Bloville,entre l'Authie et la Canche, puis à Quentowic et à Boulogne.

locus refugil, s figure dans le lot des religieux dans te grand diplôme de par-tage des biens de Saint-Denis entre l'abbé et les moines en date du ID sep-tembre 862 (114x5, de F,'., t. VIII, p. 577; Tardif, n' 186), diplôme confirméaussitôt par le concile de Soissons (Tardif, n' 187). Le roi, qui avait un atta-chement tout particulier A l'abbaye de Saint-Denis, ta dédommagea pendantcelte période calamiteuse eu lui prodiguant les diplômes, n vu ses grandsbesoins en présence des ravages desennemis du nom chrétien. Voy. J14st. de Fi'.,t. VIII, p. 561, 565, 567, 568, 571, 582, 589; Tardif, n" 173, 174, 175, 177, 180,181, 182, 183, 184, 191, 192, 196.

I. Sur Quenlowie, voy. Louis Cousin, Nouveaux éclaircissements sur Sein-placement de Quentonuic dans les Mémoires de la Société dunkerquoise, t. xiv(1862 .64), p. 430-509.

2. Nitliard, I. IV, e. 3; Ann. Bert., p. 28; Cliron. saxonne, éd. Plummer,L II, p. 76; Annales de Saint-Néot dans l'éd. d'Àsser par Stevenson, p. 131.Cf. Dûrnmter, I. II, p. ID?, noie?.

3. Voy. Ànn. Bers., p. 33. On montrera ailleurs que l'hypothèse de L. Levil.lain (Lettres de Loup de Ferrières, p. 8592), qui fait détruire, en 845, par lesNormands la celle de Saint-Josse, près de Quentowic, est tout à fait inadmis-sible.

4. Voy. Ann. Bers., p. 38; Chronicon Fontanellense dans Rist. de F,'., t. VII,P. 42.

5. Voy. Ann. Bers., p. 42.6. Voy. Ana. Bert., p. 4?; Clzronicon Fontaneltense, ibid., p. 43.7. Voy. filtrat. S. Vedasti dans filon. Cerna., Script., t. XV, p. 400.8. Voy. l'article (à paraltre) sur la Destruction de Saint- Wandrllle.

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38 LA GRANDE INVASION NOEMANDE D g 856-862.

Mais, en 859, la situation changea. Au début de l'année, unebande ravagea le « pays au delà de l'Escaut », c'est-à-dire leBrabant', et, quelques mois plus tard, le Betuwe, entre les deuxbranches du Rhin, était mis à feu et à sang, sans doute par lamême bande 2 . Les sujets de Lothaire ne furent bientôt plus lesseuls à souffrir de ces agressions. Vers la fin de l'été ou l'au-tomne', une armée, commandée par Weland, débarqua, cettefois, à l'embouchure de la Somme, qui ne les avait point encorevus. Le monastère de Saint-Valery fut pillé et brûlé; les moinesde Saint-Riquier s'enfuirent épouvantés à .Podervais, peut-êtredu côté d'Encre'; mais les pirates les serraient de près, car ilss'avançèrent jusqu'à Amiens en dévastant tout sur leur passage,s'emparèrent de la cité et l'incendièrent. Au même moment, les

I. Ànn. Sert., p. SI s 859. Dont lacs ultra Semblera populantur. ,Par rap-port à Prudence, évêque de Troyes, t'outre-Escaut ne peut être, semble-t-il,que la rive droite, le Brabant.

2. Voy. ci-dessous, note 5.S. Prudeade rapporte le débarquement des Normands après la mention de

phénomènes célestes arrivés en août, septembre et octobre, avant te récit dela translation des reliques de saint Denis à Nogent-sur-Seine le 21 septembre859. On pourrait donc dater de septembre-octobre l'arrivée de Weland. Mais Une faut pas se lasser de répéter que, dans la partie des Annales Berlinlan,rédigée par Prudence, l'annaliste ne s'astreint pas à l'intérieur de chaque annéeà un ordre chronologique rigoureux. Parfois oui, mais aussi parfois non- Icicependant on ne risquerait pas de se tromper trop, car nous avons un certaincontrôle grâce nul Miracles de saint Riquier. Ils signalent l'arrivée des Nor-rnands l'an (le l'incarnation 859, 8' indiction. La 8 indiction commence en859 le t" septembre l'invasion de Weland serait donc postérieure au 31 août.Toutefois, tes erreurs dans le calcul de lindicLion sont si fréquentes que jen'oserais m'appuyer sur une base aussi fragile. Mais le même texte rapporteque les moines sont demeurés eu exil environ six mois (u cura fera perageret bistrinos solaris girus menses in istius saevissime miseriae tempore s) avant qu'unevision les avertit de retourner à Saint-Riquier, la nuit du dimanche de la Sep-tuagésime, c'est-à-dire le 10 février 860. Leur fuite et, par suite, l'arrivée deWeland à l'embouchure de la Somme, se place vers la fin d'août ou le débutde septembre 859. L'éditeur des filon. Gerin. date en marge la fuite des moines

rires, novembr. s; il aura lu par mégarde u trinos ... menses p au lieu de « bistrinos... menses ».

4. Encre, aujourd'hui Albert (Somme, arr. de Péronne), appartenait à l'ab-baye. Le mystérieux Podervais est peut-être Saint-Gervais, près de cette loca-lité, où les moines se réfugièrent lors dune autre alerte, voy. Miracula sa,wtlElclwrU, I. Il, o. I? (Mabillon, Acta, saec. u, p- 225).

5. Ann. Bert., p' 52 ' flani noviter adveuientes monasterium Sancti \Vala-net et Samarobrivain, Ambianorum civitatein, aliaque cireumquaqule loca rapi-nis et incendiis vastant. Mil qunqoe eoru,n insolera Reni Patavum similifurore invadnnt. 1h vero qui in Sequana morantur Noviomuin civitatem noctu

t.

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LÀ GRANDE I NVASION NORMANDE uu 856-862.39etc. i - Miracula sancti Richarh, I. il, e. I Anno incarnaiionis domini-cas D CGC Lix, indictjone vit,, depopulata est dira clades non rninimam Fran-ciao pattera. Nain mare critempore, quarnvis suriquibusdam assidue ohscurissignilieationihus ![toit minime cessat exerces-e, nudum suum suis attendit vici-nis affectum. Es enim tctnpestate atuinnos proprios quoi; sui labo nutrierat fol-lis, veluL parturiendo evomuiL.. Nam tempore supradicto dira Danoruan marinslaie maris arquora coutexit sois de navibus, adeo ut fers silvestre putareturmaris Sursuin porrectis quorum popularitate monasteria destructa, eivit,itesdissipalae, villas radicilus corruerunt et, quod nequios est, irisa hominum necminus popuiarivau quamn servientium Dco roultitudo turpibus iraditur canibus.Et irisas partim trucidant, partira praodac dirigunt suarum naviumn, jiarumetiam trucibus necant ilamnmis. Qua pestilentia contigit absolvi et monasteriumSancti Richarii. Nam monachi qui ibi theoricae subtile arripuerunt iter, dis-persi sont velut oves praosentia torvi lupi qui hue illucque diffugiendo diver-sas suarumn viarum calamitates perpessi suint. M novissime alepti sont haN-tationis Iocum in territorio cujusdam Deo devotae feminae henefieio nomineEngitradao optinende vocabulum Podervais, ibique, supradictac feininae largi-tione, non pouces duxere dies. Et nom fers perageret bis trines solaris girusincuses in istius saevissime miseriae ternpore, recordatus est Dominos per inter-cessionean sui rnililis sacrum in magna angustia positorum servorum. Nain qua-dam oncle dominica, qua lune a fidelibus septuagesimos colebatur, istius inodideclaratem est. Erat quaedamn anus in supradicia villa, quae elemosinis acte.dictas feminan pascebalur, quae taiem se retulit visionemn vitEsse. Cura enimse, ait, silenti dedisset quiet, oncle, eadeni astitit ci quidam veneranda cani-tie semiez, vestibos indotus candidis velut aix, ferens in manibus aureumbaculum. Queue clam ipso pulsando imaterrogavit obi Centulenses monachi fuis-sent. At illa qalamvis per visuin, ut Postes retulit, timehat aliquem speculato-rein Danorum fuisse et omnino se nogavit serre. Coi ille seconda vice t Notit timere, ait, sert indien milsi obi sont.Et lita responditConfiteor me

none minime seire illortam conventum oh malignorum tirnorem Danorom quos« bac illacque discorrenilo fugiunt, sed lumen quain saepissime bac sohti suaits ad moenia mens dominae convenire eujius elemosinis alor. » Coi ille subjun-gendo s Vade, ait, et die servis mois nulle timerel Ego protegain et caste-' diam nec amplius patieanini isto tempore malorum insidias Danorom et bd« mci defensor exiiti ab omnibus ingruentibus pressons. Nam ex 00 ternpore,ir quo vos illine existis, ego remansi et custodivi ah omnibus adversis. Vasque

cita revertemini ad prisiinurn vestrom loeu,n, Illa autem retulit quibus-dam fratribus rem Lelicem visionem. Quac coin ad aures plurimorosn perve-nisset, repleti sont inenarrabili jocunditate, gratiarum Deo laudes efférentes,qui suorum semper servoruni in aogostia positorum recordari dignatus est persancti sui intercessionem. Qnam visionem rei eiitus probavit. Nam postes necadeo saevit mnalitia Danorum, nec fratres Centulenses parme corom dirersasmansionum sedes mnutaverunt, sed, parvo temnpore transacin, eue se mari dede-ront discedentes. O quam clemens existit beatus Richarius ergs. 8005, qui dumadversa patiuntur, adesse ois dignatur benignus consolatori Cujus int.ercessi^nihus claustra sut mnonasterii eostodita sont, servi soi famulalus protecti, cmi-nus insidiae Danorosn fugalae... » (Aton. Cerna. Script., t. XV, «r, p. 917-918).L'abbé IJénoeque (histoire de l'abbaye et de la ville de Saint-Riquier, t. I,p. 244) met le dimanche de la Septuagésime de 860 te 22 janvier, ce qui estune erreur il faut lire tO février.

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AOLÀ GIUNDE INVASION NORMANDE DE 856-862.

Normands de la Seine, comme on vient de le voir', poussaientleurs incursions jusqu'à Beauvais et même jusqu'à Noyon.C'était toute la Francia entre la Seine, la Manche, l'Escaut quiétait menacée. Et, pas plus que les Normands de la Seine, ceuxde la Somme ne songeaient à rembarquer. Us passèrent l'hiveren France, sans doute dans une île de la Somme?.

La situation de Charles le Chauve eût été singulièrement cri-tique si les pirates de la Seine et ceux. de ]a Somme se fussententendus. Le roi, abandonné par ses vassaux, n'avait à sa dispo-sition que des contingents insuffisants et les bonnes relationsn'étaient pas rétablies entre lui et Louis le Germanique, bien qu'ily eût eu une entrevue entre les deux frères dans une île du, Rhinsituée entre Andernach et Coblence3.

Pendant que les Danoisde la Somme selivraient à leurs dévas-tations, le roi était par monts et par vaux. Nous le voyons sur laLoire en septembre, peut-être pour ramener à son parti quelquesgrands de Neustrie 4 , en octobre dans )'est pour se rencontrer àBâle avec son frère s . Ces voyages occupèrent Charles le Chauveaprès la tenueduconcile de Savonnières en juin et l'entrevue d'An-

I. Voy. p. 33.2. À vrai (lire, ceci est une hypothèse, et Depping (p. 155 et 509) a tort d'en

parler comme d'une chose sûre en renvoyant aux Ann. Ber!., qui n'en disentrien.

3. Si le concile auquel Charles porta sa plainte contre Ganelon se tenait à Savon-nières, près de Toul, le roi habitait une autre localité près de Tout, Tusey,où nous le voyons délivrer des diplômes les 14 et 17 juin (Rist. de Fi'., L. VIII,p. 553, 555). D'autres actes (Ibid., p. 556, 557-558; Hist. de Languedoc. t. II,,p reuves, p. 308, 311) te montrent à Atligny les 20 et 30 juin, actes dont tadate se rapporte à coup sûr à 859. quoique M. Parisot (p. 132, note 5) paraisseen douter un peu. II en faut conclure, avec M. Calmette (p, 68), qu'au lieu dese rendre directement de Toul sur le Rhin, chartes est rentré dans ses États,ou il e [ait un court séjour. c'est seulement en juillet que put avoir lieu l'en-trevue, inutile, d'Andernaeh.

4. Deux diplômes en faveur de Saint-Germain d'Auxerre sont datés de Meung-sur-Loire, Il septembre. Voy. dans Hist. de Fr., t. Vttt, p. 559, et Quantin,Carte(. de l'Yoftne, t. I, p. 70,72.— Un autre, inédit, pour Saint-Mesmin, cer-tainement refait, est daté d'Orléans, 13 septembre.

5. Les trois rois Charles, Louis, Lothaire II devaient se rencontrer à IltIe le25 octobre (Min. Bert., p- 52). Lotus fut fidèle au rendez-vous, mais Charles,apprenant que Lothaire "e pourrait être présent, rebroussa chemin (Ibid.). IIest certain cependant que Charles s'avança assez loin, car, le t3 octobre, on levoit à Tusey, près de Tout, où il donne un diplôme à l'église d'Autun (lits!, deF,',, I. VIIi, p. 560).

.5.J

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LA GRANDE INVASION NORMANDE 0E 856-862.41

dernach de juillet'. Ce fut seulement h la fin de l'hiver, qui ruttrès rigoureux et qui, sans doute, suspendit les opérations mili-taires', que le roi put songer à prendre un parti vis-à-vis despirates. Toujours sans armée, il eut recours à la diplomatie et pio-fiLa desjalousies et des haines qui existaient entre les vikings. Luiaussi voulut faire de l'ordre avec le désordre. Les Danois de laSomme lui ayant offert d'expulser ou d'exterminer leurs congé-nères de la Seine s'il leur versait 3,000 livres d'argent au poids,le roi accepta 3 . Il fit, vers février 860 4 , dresser l'inventaire desbiens et ressources de la Francia 5 . Mais, soit que la popula-tion résistât, soit que le pays fût trop épuisé, le tribut ne put êtreperçu au printemps. Weland et ses bandes se montrèrent debonne composition. Ils acceptèrent un délai, prirent des otages,et passèrent en Angleterre au mois d'avril6.

I. Charles était de retour en Franco au plus tard vers le début d'août. On levoit Je I? à Quierzy-sur-Oise donner deux diplômes à l'église de ChAtons. Voy.Ccflut, de l'église de Chdlons, pubi. p. Pélicier, p. 13 et 16. - Le diplômedonné à Compiègne le 31 août 859, selon Tardif (n' lit), est, en réalité, de860. voy. plus haut, p. 36, note 3.

2. Ana. Bert., p. 53 t 860. lliems diutina et continuis nivibus ac gala dira,a mense videlicet novembri usque ad aprilem.

3. Selon Prudence, l'initiative vint des Danois. Mais, comme l'annalisteblâme ce traité, il est possible qu'il essaye d'en attribuer la responsabilité auxenvahisseurs et à dégager le roi.

4. Il y eut certainement un armistice avant le printemps. L'auteur desMiracles de saint INquiet attribue à une influence surnaturelle le retour desmoines en leur abbaye dès février et le fait qu'ils n'y sont point inquiétés parles païens, lesquels t parvo tempore transacto son se mari dederunt disceden-tes . Serait-ce faire preuve d'un ralionnalisme exagéré que d'attribuer cetteaccalmie aux négociations du roi avec Weland? - Il faut remarquer, en outre,qu'à leur retour les moines trouvèrent les bâtiments intacts et leurs serfstranquilles. Saint Riquier en personne avait veillé à tout, et peut-être aussil'abbé-laïque du monastère, Raoul, oncle du roi et. alors tout-puissant à la cour.

5. An,,. Bert., p . 53 1 « Karlus roi inani Danorum in Somna consistentiumpollicitatione pellectus, exactionem de thesauris ecclesiarum et omnibus man-sis au negociatoribus etia,n paupertinis, ita ut etiam damas eorum et omniautensilia adpreciarcntur et inde statulus census exigeretur, fieri juhet. Namidem Dani prosniserant ut si ais [ria mitia librarurn argentï pnndere examinatotribueret, se adversns cos Danos qui in Sequana versabantur ituros casqueinde mit expulsuros mit interfecturos. o

6. Ibid. Dani in Somaa consistentes, rem ois non daretur supradietuscensus, receptis obsidibus, ad Anglossaxones navigant. A quibus prolligatiatque repulsi, alias partes petunt. • (Miracula sancti fficharit, I. li, c. 1;cf. p. 38, note 5). Le passage de Prudence vient après la mention de deux phé-nomènes célestes arrivés les 4 et 6 avril, avant Je récit de l'entrevue de Coblence

t

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42LA GRANDE INVASION NORMANDE DE 86-862.

Charles, après le départ de la flotte de 'Weland, n'eut rien deplus pressé que de courir à Coblence se rencontrer avec son frèreet son neveu (leT_7 juin'). Au moment même où les troisrois renouvelaient les pactes de 'Verdun, de YiXtz, de Meers-sen, une nouvelle bande de pirates 'dévastait le royaume deCharles.

Elle débarqua vers le milieu ou la fin de mai, cette fois sur lamer du Nord, à l'embouchure de 1'Yser 9 . Ce qui tentait sa con-voitise, c'était surtout Saint-Bertin, la plus riche abbaye du nordde la Francia, et sa soeur jumelle Saint-Orner. Ils marchèrentdroit sur le double monastère de .Sithiu en cheminant de nuit etsans se livrer à leurs excès habituels de peur de trahir leurapproche

s. Leur dessein était de surprendre les religieux occupés

aux préparatifs de la Pentecôte. Les pirates arrivèrent la veillede la grande fête religieuse, le 1 juin 860. En dépit de leursprécautions, les moines avaient été avertis et s'étaient enfuis, àl'exception de quatre d'entre eux qui préférèrent demeurer etsubir le martyre. Ces malheureux furent, en effet, torturés parles Danois, et un seul survécut aux mauvais traitements 5 . L'ha-

du P' mai. On peut admettre que Prudence suit ici tordre chronologique, carsa narration du traité de Charles avec les Normands est coupée en deux parcette mention des phénomènes célestes. Ajoutons que ta rigueur de l'hiver 859-860, qui dura jusqu'en avril précisément (voy. p. précéd., note 2), dut empê-cher tes Normands de rembarquer avant l'arrivée du printemps.

1. Voy. Calmette, la Diplomatie carolingienne, p. 65.2. Un golfe, comblé depuis par les alluvions de l'Yser, creusait la côte, si

bien que Saint-Orner et Saint'liertin étaient tout près de la mer. Voy. Deijar-dm5, Géographie de la Gaule romaine, L. I, p. 392, et .Lon-non, Atlas, pl. IIGante romaine. Nieuport (Belgique, Flandre occidentale) représente à peu prèsl'emplacement où débarquèrent les Danois.

3. Le texte (voy. note 6) porte « Incendiis quoque ac caedibus iltius ergoindulgentes ut ad farnosissimum leeum ... forUm properarent. Il est évidentqu'il faut remplacer indulgentes par abstinentes, ou bien croire que l'auteur aemployé le premier de ces mots saris connnttre sa vraie signification.

4. On a vu pins haut (p. 19) qu'en 858 tes pirates de ta Seine étaient partisd'Oseellns le vendredi saint pour surprendre les monastères de Saint-Dents etSaint-Germain le matin de Pâques. En 860, ta Pentecôte tombe le 2 juin. - La• deuxième heure s correspond à 7 ou à 10 heures do matin, selon que• nones j est midi ou 3 heures de l'après-midi, usage qui variait selon lesrégions.

5. M. Giry (Histoire de ta ville de Saint-Orner, p' 15) suppose qu'ils s'étaientréfugiés sur la hauteur où était Saint-Orner, l'en doute fort. Saint-Orner, quine frit fortifié que trente ans plus tard, n'offrait aucune sécurité tes 'naines sesauvèrent, on ne sait où, mais beaucoup plus loin.

6. Miracula sentIt .Bertini, I. il, cap. 1... TeSporibus divas me,noriae

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7)

LÀ OIIANDE JNVASIO NORMANDE DE 856-862. /.3

giographe raconte un trait4'e moeurs qui frappa les Francs. LesDanois, ayant entassé sots l'autel de Saint-Bertin les richessesqu'ils avaient ravies, se$N'kiitèF5Fhors de l'église en se bous-culant. Un certain nombre s'était caché dans l'édifice : ils sejetèrent sur l'argent. Les chefs, qui étaient sortis les premiers,en furent informés. Ils convoquèrent à son de trompe, dansl'espace qui séparait les deux monastères', ceux de leurs compa-gnons qui n'avaient point quitté l'église. Les voleurs, traduitsdevant ce tribunal improvisé, furent reconnus coupables, con-damnés à la peine des « sacrilèges » (sic) et pendus en face de laporte méridionale de Saint_l3ertin2.

Les Danois, après avoir pillé Saint-Orner et Saint-Bertin,

Karoli, fui illodovici, prius regis postes iinperalnris, com saeva tirannidispaganorum emergeret, famosa Rumina Sequanae ac Ligeris advolans et per tatanePÇiustriam grassando ferro igneque non tantum circumjaceotes terminus verumetiam Armoricae magnam partem consurneret ... anno incarnationis DominiChristi o ccc LX, immodica ilerato coadunata navium plurima [j. û. caterva],lier notu,n repetentes ac toto nisu alto mari velivolantes, spumanhin certatimsulcabant freta pertinaciquc corso applicucrunt in finibus Menapum sinom quivocatur Iserae portos; et ibi prosilientes nulloque a publicano pervio diverten-tes, incendiis quoque ac caedibos j Uins cr50 indulgentes, ut ail farnosissimuinIocum pausationis Christi confessoru,n Audomari alque Bertini tordra prope-rarent, aviditate thesauros ecclesiarum Intenter subripiendi ac spe servos Dciimprovise inibi eornprchendendi, brevibus noctiom meatihus, scilicet sabbatoebdomadis Pentecostes, hors seconda pervenerunt ad locum quo tendehant.Sed provisione jugiter in se confidcntiuin totantis Dei, nullos ex fratrïbus hirepererunt .. praeter quatuor qui dea'ovcTnnt se, si Deo placuisset, ibi marti-rio poilus nUe vitam finire quam desolationi soi loci supervivere, quod quisex parte aliter Deus fieri disposuit subsequenti eventu patuit. Nomina autemillorum qui se taliter devoverunt liner, sont \\oradus et Winedbaldus, sucer-dotes, Gerwaldus et Regeuhardus, diaconi, » etc. (Mon. Germ., Script., t. XV, ',p. 509).— A propos du mot liez-tUe, Dom Bouquet (Hist. de Fr., t. VII, p. 381,note C) fait la remarque suivanle t Anno enim 845 Nordinanni Sithiensernonasterio.n diripueranl. Il est essentiel de faire observer que cette premièrevisite des Normands à Saint-Bertin cri 845 est chimérique, comme nous J'établi-rons ailleurs. Le mot «craie est une allusion aux dévastations de la Seine, dela Loire, etc. (de 843 et 845), dont l'hagiographe dit quelques mots au début duchapitre.

I. Saint-Bertin était dans le creux, Saint-Orner sur une éminence. Voy. Giry,op- cit., p. 5.

2. Miracuhz sancti Bertini, I. il, c. 2 t Nec etiam reor silendum roi even-tom, divine judiclo mentis l,eati Bertini in ipsa egressionis bora peractuin.Donaria enim immodica conjicientes argenti super altare aecelesiae requici ejuscu,nulaverunt et [pecuniam] uni ex jamdiclis fratnibus, ne ah aliquibus rapere-ton, servanda,n delegaveruet. Illis vero euneatim globatimque dire praepro-perd certantibus, restilerunt lateuter quidam illonum, teme,'e pecuniam invo-

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44LA GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-862.

ravagèrent le Ternois'. ils prirent sans doute' soit lacité épiscopale de Térouane, qui n'était qu'à trois lieues ausud de ces abbayes, mais on ne sait s'ils l'incendièrent ? . Puis onn'entend plus parler d'eux. Ils s'étaient rembarqués avec leurbutin. La prise de Sit/iiu et de Térouane en juin 860 avait eu

lantes. Quoti cuite primoribus innotuisset jam egressis, subsistentes insonuerunttuais, in interstitiel monasteriorum subsistantes et coadunantes se sibi,quoad[usque] roi saut requisiti et inventi corainque deducti ; eisque convictis etjudicio sacrilegorum condempnatis, suspeusi sont in australi parte juxt.a introi-loin porLae monaslerii , (Mon. Ge,'nz., Script;, L. xv, i, p. 510).

I. ,4nn. Befl., p. 54 r t 861. Duni mense januario Luleciam Parisiorum etecelesiam saneti Wiucentii martyris CL sancti Germani confessons incendie ira-dont; negotiatores quoque per Sequanatn navigio surinera versus fugientesinsecunïur et capiunl. Mii quo que Danorum pyratae Tarvanensem paguniadeunt et devastant. • On n'a pas eu de peine à reconnaître que cette der-nière phrase concernait le inéine événement que celui raconté par les Miraclesde saint Bertin, mais on s'est singulièrement mépris sur la date qu'il convientde lui donner. On a voulu, en combinant les deux textes, placer la prise deSaint-Berlin la veille de la Pentecôte de 861. Des érudits éminents, tels Diimm-lei (t. II, p. 26-27), ilolder-Egger (dans filon. Genn., Script., L . XV, t, P . 509,note I) (et aussi W. Voel, Die Norrnannen, p. 181, note 11, sont tombésdans cette erreur, c'est oublier r t' que le texte des Miracles de saint.l'iiquier porte l'année 860; 2' que Folcuin, qui dans ses Ces fa abbatunsSithlenslum a utilisé non seulement les Miracuia sancti !Ucharii, mais lesAnnales Sithienses, aujourd'hui perdues, met l'arrivée des Danois l'an 2 del'abbatial de lingues, lequel fut nommé le 26 mars 859 (éd. Beni. Guérard,p. 107, et mieux dans Mon. Germ .. Script., t. XIV, p. 619)1 l'événementest donc antérieur au 25 mars 861; 3 . surtout que Prudence étant mort lejour de Pdques, C avril 861, n'a pu faire allusion à tan fait qui seserait produit la veille de la Pejatecôte de cette mIme année, Nous avonssignalé plus haut (p. 23, en note) une erreur exactement semblable amenée parle même oubli. Forcément, l'ehtrée des Danois à Sitlziu est de la veille de laPentecôte 860. Par suite, la dévastation de la cité voisine de Térouane seplaée quelques jours après, c'est-à-dire en juin. - Mais pourquoi Prudence enparle-t-il en janvier suivant? La raison que j'en vois est celle-ci Prudence aoublié sous l'année 860 l'incursion des Danois en Ternois, laquelle, nous l'avonsdit, ne fut pas un fait très important. Il s'en est souvenu quand il a inscrit,sous la dictée des événements, la prise de Paris et l'incendie de Saint-Germain-des-Prés. L'association des idées lui a remis en mémoire tin exploit d'autresDanois (e clii quoque Danorum o), et il l'a mis à la suite sans plus se soucierd'un anachronisme qui, à ses yeux, était évidemment de mince importance.Peut-être, cependant., aurait-il intercalé la chose à son rang, bien que cettepréoccupation de stricte chronologie, répétons-le, lui fût étrangère, mais il futsurpris par la mort, comme on vient de le voir, le 6 avril de cette année 861.

2. Dans les Min. Bert. (p. 55), dans la partie de Jannée 861, rédigée parHincmar, on trouve cette phrase rDani qui quittera Morinum civitatemincenderanl de Anglis revertentes duce Welando, etc. »

Dit a concluI- que Térouane (Morinuna civitas) avait 'été incendiée; 2' que les dévasta-

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LA GuÀiU)E INVÂSTOÏÇ NORMANDE DE 850-802. 45

le caractère d'un audacieux coup de main de brigands, commel'enlèvement de l'abbé de Saint-Denis et la tentative sur Saint-Germain en avril 5581, mais elle ne présentait pas un caractèreaussi dangereux 2 que l'installation à demeure des Normands dela Seine.

leurs appartenaient à l'année de Weland, et, comme Prudence nous Pavaitmontrée cinglant vers l'Angleterre vers avril 860, que cette bande était retournéesur la côte franque dans l'été de 861, puis était ensuite repartie en Grande-Bretagne. Voy. Dïimmler, t. II, p. 26, note 2. L'une et Vautre de ces déduc-tions me paraissent fragiles. Hincmar, avant de prendre la plume, a commencépar lire tannée 860 et le début de 861, qui forment la fin de l'oeuvre de soitprédécesseur. Il y est question (sous 860) des Normands de la Somme quipassent en Angleterre et de la dévastation du pagus de Térouane (sous 861).Hincmar n rapproché les deux é%éaernenl.s et, pour ne pas répéter les mêmesmots, remplace a Tarvanensem paguin adenut et devastant » par l'expression,qu'il croyait équivalente, • Marinant civitatem incenderant. » En réalité, sitepays de Téruuane et son chef-lieu furent dévastés, il oc semble pas que lacité ait été incendiée. Un miracle, qui s'y produisit le 15 août 862 selon lemême Hincmar (Ana. Bert., p. 59), implique que la cathédrale est toujoursdebout t Sur ces entrefaites, il se produisit un miracle dans la cité desMarins. Le serf d'un habitant de cette ville se mettant en devoir de repasser,Je matin de l'Assomption (le Notre-Dame, le vêtement de lin appelé vulgaire-ment chemise pour qu'il fût prêt lorsque son mattre se rendrait à lamesse; ayant appuyé le fer, dés qu'il voulut repasser le vêtement, il y vit dusang, et, à mesure qu'il repassait, le sang sortait si bien que la chemise setrduva lotit entière teinte d'un sang ruisselant. Durcirai, vénérable évêque dela cité, se fit apporter le vêtement et le conserva dans la cathédrale en témoi-gnage. E!., comme cette fêle n'était point célébrée par les habitants de soit

il ordonna qu'elle if,t chômée par bus avec l'honneur qui lui était dû.La ,, chemise » du haut moyen âge n'est pas du linge : c'est un vêtement dedessus, une sorte de blouse de cérémonie, comme la chemise des moujiksrusses de nos jours.

I. Voy. plus haut, P. 19 et 21.2. L'évêque de Térouane, Humfroi, eu fut cependant très effrayé et

demanda à Nicolas t" la permission de se retirer demis un monastère, permis-sion que le pape s'empressa de lui refuser. On n'a conservé de la lettre quedeux fragments, cités dans le Décret de Gratien (O. VII, qu. 1, e. 47 et 50,C. 5): 1' t Huinfredo episcopo Tilorinensi per Galdagariuin presbyLcrum respon-det nom sciscitet utrum canon a Normnnnnis de episcopio de1ellatur, deboutde cetero in monasterio conversari, etc.: s 2 0 « Clericum qui pagination occide-rit non oportet ad gradum majorent provebi, qui torero debet eliam adquisito;homicida rameest. Ridieulum est et inconveniens clericum arias soslollere etail licha procedere s (Jalfé, 2' éd., t. I, n' 2688, à la date approximative de$61). cette lettre se place entre 856, avènement d'Humfroi, et 807, 13 novembre,mort de Nicolas I". Elle semble bien provoquée par l'invasion de mai-juin 860,qui aurait affolé llumnfroi. li ne tarda pas A se rassurer (cf. p. 44, note 2). Il est cer-tain que l'abbaye de Sithiu souffrit peu dudu coup de main de 860. [,'hagiographe

A

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446 LÀ GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-862./

En janvier 861, ceux-ci recommencèrent leurs (exploits. Ilss'emparèrent de Paris et de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés et les livrèrent aux flammes. Leur attaque, en une saisonoù ils demeuraient d'ordinaire en leur repaire, fut si imprévueque les marchands de l'eau 1 se laissèrent surprendre; poursuivisen amont de Paris, ils tombèrent aux mains des pirates 2 . Melun,démantelé, fut pris et brûlé 3 . Les moines de Saint-Germain-des-

(I. Il, C. 2) raconte que les prisonniers faits par les Danois s'échappèrent aus-sitôt ou furent relâchéss Merito quoque palronorum loci [se. Rertini etAudomari] dignum adnunicrari quod eodern tesnpore captivati lit reversisaut gaudentes universi et laet'i. i Quant aux bâtiments, ils n'eurent pas àsouffrir de la présence des barbares. M. Giry s'est tout à fait mépris en disant(op. cil., p. 15) que l'église de Saint-Bertin fut saccagée et détruite. II n'en futrien. Il est bien vrai que tes moines, aussitôt. rentrés, se mettent A réparerleurs bâtiments; mais l'auteur des Miracles nous explique (cap. 3) que ce futdans un but de pénitence. Si on procéda A la couverture en plomb de ta toituredes églises, ce ne fut point qu'elles eussent été détruites, mais parce que lestoits tombaient de vétusté (tecta vetustate consnmpta et demolita). On cons-

truit un clocher ((enlie) d'une hauteur tl merveilleuse ., mais par goût d'etn-beltissement, car celui qu'on jette à bas était neuf; seulement, il é tait bâti à

la vieille mode (antiquo more erat factum). Ces travaux impliquent, non seu-lement que l'abbaye ne fut pas atteinte sérieusement dans sa fortune par Vin-cillent de 860, mais que, dans les années qui suivirent., la région fut tranquilleet qu'on ne redouta point les pirates.

L Les marchands de l'eau fuyaient sans doute vers leur entrepôt de lahante Seine, établi à Chappes, à vingt kilomètres en amont de Troyes. Voy.A. Giry, dans Études dédiées à Gabriel Monod, p. 119; E. Picards, tes ilfar-Stands de l'eau, P. 24 (Bibi, de l'École des hautes études, fasc, 134). Chappesest peut-être le port du Troiésin, où Pepin et Charlemagne exemptent des droitsde péage et de navigation les moines de Saint-Germain-des-Prés, c négociantes n.Voy. Tardif, Cartons des rois, n' SI.

2. Voy. plus haut, P. 44, note I.3. La lettre t25 de Loup de Ferrières (éd. Dnmmlcr, P. 105), adressée en

862, un peu avant la moisson, à Foucry, évêque de Troyes, successeur dePrudence (donc après le 6 avril 86t), renferme la phrase suivante s Nain coinad quanmtain insulam Sequanan pagani crudelissimi pyratae applieuissent, quaealla est soli oppido, ais allia recens exusto et eorum viciniam nobis,etc. o k la fin de SOt, Weland s'établit à Melun pour y passer l'hiver (4n.

f" .Bert., p. 56). Il était en paix avec les Francs, et d'ailleurs il eût été absurdeà lui de brûler le lieu où il comptait habiter plusieurs mois. Les alti, qui, àcette date, avaient récemment brûlé Melun, sont tes Normands de la Seine

p ennemis de Wetand. Leur méfait se place vraisemblablement eu janvier 861,alors qu'ils poursuivaient les marchands de l'eau en amont de Paris et queWeland était encore outre-mer. Il est probable aussi que l'incendie des

'4 archives de l'abbaye des Fossés dans ta boucle de la Marne, incendie dont parleun diplôme de Chartes de 861 (Tardif, u" 193 et 194), doit être imputé à ces

LD

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LÀ GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-862.47Près, réfugiés à Esmans' depuis 857, s'enfuirent épouvantés àNogent-l'Artaud, sur la Marne 2 , et l'abbé de Ferrières, le célèbreLoup, craignit que le Gâtinais fût la proie des barbares; il obtintdes moines de Saint-Germain d'Auxerre, à l'automne de 861, lapermission de cacher les , ornements de son église dans leurabbayes.

Charles ne convoqua point l'ost contre les pirates de la Seine.Il se borna à descendre la vallée de l'Oise, peut-être pour obser-ver les Normands de la Seine, et députa outre-mer des envoyés

mêmes Normands, car, dans l'hiver de 86E-862, l'abbaye fut occupée parle filsde Weland, conjointement avec des habitants de Melon (A un. Bert., p. 56). SurMelon, cf. Aimoin (note 2) et ileudegier « Termines prions devastationis »(p. 57, note I). Les remparts romains de ce casieltum étaient en ruines.A l'automne de 858, Ganelon, archevêque de Sens, avait obtenu de Louis leGermanique la permission d'y prendre des matériaux « Wenilo obtinuit utde anuro castelli Meleduni, quod jus regiae est potestatis, poires baberet lice».tiam prendere. » ces matériaux paraissent , avoir été destinés à l'abbaye deSainte-Colombe de Sens, que l 'archevêque venait d'obtenir de l'usurpateur.Voy. Libellas proclamationis adversnj Wenilonem, cap. 16 et 11 (Capitularia,éd. Krause, I. 11, P. 452).

I. Cf. plus haut, p. 21.2. Aimoin, Ahiracuta sancti Gernzani, I. Il, cap. 11 t Contigerat orge ter-

noie paganorum ultra Parisius juin et castelli Milidonis terminos excurrentium,sanctissimum corpus ah Àcmanto, quo nuper delatum abieral, illoc [Novigentumvillain super Matronain llovium] transferri. o - Nogent-l'Artand, Aisne, arr.de Château-Thierry, cant. de charly. Non loin de là, à vingt kilomètres aunord-ouest, se trouvait Marizy, refuge d'autres religieux de la région pari-sienne, ceux de Sainte-Geneviève. Voy. plus haut, p. Il, note 5. ils avaient uninstant séjourné dans le prieuré gerrnanien de Nogent. voy. 3firacula b. Ceno-vefae, cap. 25.

3. Epislola 116, éd. Dûmmier, p. 99. Le séjour de Loup à Auxerre a coïn-cidé avec celui do Charles le Chauve. Il se place c'a septembre SOI. Voy. Giry,dans Études didices à Gabriel Monod, P. 118-119, et Levillain, op. cit.,p. 153-159. Je ne crois pas exact cependant de dire, avec ce dernier que (Loupet les moines qui l'accompagnaient ont trouvé asile dans le monastère deSaint-Germain s. Les moines de Fermières n'étaient pas eu fuite et leur abbén'était à Auxerre, que parce quo Charles l'y avait appelé pour le charger d'uneimportante mission, sans doute dans le rnynonae de Bourgogne, dont il proje-tait la conquête. Le seul service do monastère auxerrois fut de cacher te [ré-sec de l'abbaye gâtinaise. Loup y comptait des relations en qualité de frèred'.Herbaud et d'Abbon, successivement abbés du monastère et évêquesd'Auxerre, l'un de 828 à 857, l'autre de 857 â 859. Voy. Levillain, dans Bibi.de I'Éc. des chartes, t. LXIV, 1903, p. 265.

4. Le 6 mars, il est à Ver, près de Senlis (Bise, rie Fr., t. VIII, P. 565; Tar-dif, n' 179); les 13 et 29 avril à Senlis (Ibid., p. 566). Un diplôme, qui le mon-

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AS LÀ GRANDE INVASION NOItMA?(DE au 856-862.

à \Veland pour le presser de revenir et, suivant ses engagements,d'expulser les Danois de la Seine'.

trerait à Saint-Denis le 23 avril (Tardif, n' 178), est suspect.. A la fin de l'an-née précédente, Charles se tenait dans l'est ou ]e voit à Portion le 19 novembre

(Bibi, de i'Êc. des chartes, 1904, P. 373), à Attigny le 6 décembre (111sf. de

F,'., t. VIII, p. 564; Tardif, n' 176). On peut donc admettre que les menacesdes Normands t'ont ramené dans le bassin de l'Oise au début de 861.

1. J'estime, en effe t, qu'il faut rapporter au début de 861 le chapitre xv' du

livre II des Miracles de saint .Riquier, où il est question de l'ambassade

d'Ansleic, Danois converti en grande faveur auprès de Øhar]ei le Chauve.L'hagiographe rapporte que ce personnage conduisait au roi s legationempraedictorum Minorant [ceux de la Somme, 859-8601 quart Liactenus vis marinain Anglorum sedibus detinel, pro suis negotiis doanni regis orabundos clenien-tia,n duceret ac deinde cum cohgruis responsis redirent... s (Mabillon, Acta,

suce. u, p. 226; Mon. Gernt,, Script.... XY,u, p. 918). L'hagiographe attribuel'initiative de l'ambassade aux Danois retenus en Angleterre par la violence dola mer, et il représente les pirates dans une attitude ftférenle, presque sup-pliante, qui est invraisemblable. Ansleic, « contubernalis palatil doinni Caroliregis s, ayant été chercher l'ambassade des Danois, il est clair que l'ini-tiative des négociations vient du roi franc. L'auteur des fihiracula ne date

malheureusement pas ce chapitre xvi ni la plupart des autres. Il est vrai qu'unchapitre précédent (chapitre vu) raconte un fait du 27 octobre 864, mais rienabsolument n'implique (lue ces chapitres se suivent d'après un ordre chronolo-gique. Les relations de Charles avec les Danois d'Angleterre sont incornprèllen-sibles après 861. Depuis 862, ces bandes sont, en effet, passées sur la Sommecomme nous le verrons, et, d'ailleurs, il n'y a plus de Danois en Angleterre de860-861 à 865. En 865-866, des négociations amicales avec les Danois d'Angle-terre sont inutiles, puisqu'ils font une nouvelle et désastreuse invasion dans lebassin de la Seine. - L'hagiographe raconte un trait qu'il iniporte de rele-ver il confirme la crainte superstitieuse qu'inspiraient les monastères auxpirates, crainte dont on peut voir un exemple typique en 845 R propos deSainL_GermaiIldes-Prés. L'ambassade danoise, sous la conduite d'Ansleic,passa à son retour par l'abbaye de Saint-tiiquier (sans doute pour aller sein-barqucr à Quenlowic). lin des païens, entrant dans l'église, y fit preuve depeu de révérence. A peine en mer, il est sais' d'une faiblesse générale desmembres et, de retour au camp de sescompagnons, semble prêt 'R rendrel'âme. Ses proches consultent les sorts (sortilcga iMagine vcstigantcs) ils

révèlent que ta maladie provient de l'offense commise dans l'église de Saint-Riquier. Le malade fait alors le voeu suivant il ordonna d'étirer quatre filsd'argent et nu IiI d'or, chacun de sa grandeur, et de les adresser à la basiliquede Saint_liiquier comme signe de sa dévotion, et. aussi (le placer un cierge surchaque autel « Jnssilque fondera quatuor lita urgentes et unum aureum suaestaturae altitudinis partita, disponens eu mittere pro suac devotionis benefieiobasilicae bondi Ricl,arii unicuiquc etiam arae candelam cure singulis nitruraisstatuens iinpnuere ) (Mabillon, Acte Souci., suce. ii, p. 227). lI recouvra natu-

rellement la santé. Ce miracle à été reproduit par Hariulf, Citron, Ceutul., éd.

Y. Loi, p. 135.

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LA GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-862.49

M.

RETOURDE WELAND. - SA LUTTE CONTRE LES NORMANDS

DE LA SEINE. - FIN DE L'INVASION.

Les Normands de Weland reparurent en France b la fin duprintemps de 86,après une absence d'environ un an 2 , mais cettefois à l'embouchure de la Seine. Leur flotte comptait plus dedeux cents voiles. Aussi exigèrent-ils pour assiéger les Normandsde la Seine une somme plus Considérable que celle qu'ils avaientprécédemment demandée il fallut leur doùner 5,000 livres d'ar-gent (au lieu de 3,000) et leur fournir, en outre, du bétail et dublé en quantité. Moyennant quoi ils remontèrent le fleuve jusqu'àJeufosse et se mirent eu demeure de bloquer leurs compatriotes.

I. Prudence portait donc un jugement téméraire en écrivant (Axai. lin-t.,p. 53) 1 Karolus mx maxi Danorum in Somma consistentium potUdllationepellectus .. La promesse des Normands n'était pas Vaine parce que leur intérêtleur commandait de revenir s'enrichir, dune manière ou d'une autre, dans leroyaume de Charles. Leur séjour en Angleterre avait été peu heureux. La Chro-nique saxonne (éd. Plumtner, p. 65, anno 860, et Asser, Ces fa Ael/redi,éd. Stevenson, p. 17) confirment l'assertion de Prudence (voy. plus haut, p. 4f,note 6) qu'ils furent battus par les Angle Saxons. ils s'attaquèrent à Winchester,la capitale du grand royaume de Wessex, 'nais furent vaincus par les aldermenOgric et AthelwuJf à la tête des hommes du Hamshire et du Oerksbire. Pru-dence ajoute que les Danois, 9 repoussés, gagnent d'autres régions. Ces autresrégions étaient, en tout cas, situées également dans les lies brilanniques. lime-mer nous les montre (voy. note 3) « ah Anglis revertenles a. Peut-être lesDanois allèrent-ils passer l'hiver 860-861 vers l'embouchure de la Tamise,dans les lies de Thanet ou de Slieppey, où ils avaient déjà hiverné en 853et 855.

2. Leur retour est postérieur à la mort de Prudence, qui l'ignore, donc au6 avril. Hincmar, qui, à l'encontre de son prédécesseur, rapporte sous cbaqtieannale tes événements, le plus souvent dans l'ordre même où il en e connais-sance, parle du retour de Weland après le récit de la brouille de Louis le Car-manique avec le duc Ernest (6 avril) et de la fuite dAlard, Uton et lierengerauprés de Charles le Chauve, événements qui sont du milieu ou de la lind'avril 561 (Annales Futdensis, p. 55). Le retour de Weland peut donc se pla-cer vers 'fiai.

3. Hincmar, Ànn. Bert, an. 861, p. 55 s Dani qui pridein Morinorum civi-tatoua incenderant de Anglis revertenles, duce Weiando, cu,n ducentis et coemplies navibus per Sequanam ascendunt et casteltuin in insola quae Oscellusdicitur n Normnnnis construct ion et eosdemn Normannos obsident, Ad quorumobsidentjunj videlicet locariu,n quinque railla libras argenti cum animaiiuin

1908 L

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50LÀ GBÂNDE INVASION NOBMÀtNDE DE 856-862.

Charles paraît avoir été tellement sûr du concours de Weland'qu'il n'envoya même pas l'ost des Francs prendre part au sièged'Oscellus. Il se borna à faire lever le tribut à payer à WelancP.

La révolte du duc des Bretons, Salomon, préoccupait vivementle roi. En mai ou juin s , profitant du blocus que son allié païen éta-blissait autour de l'île d'Oscellus, Charles se hasarda à traverser laSeine, que les pirates infestaient quelques semaines auparavant,et il alla conférer à Meung, sur la Loire, avec Robert le Fort.Les deux Alard, le fils d'Unruoch et l'oncle de la reine Ermen-trude,venaient de rentrer en grâce , , ainsi que le comte Eudes de

Troyes 1 . Seul des révoltés de 858, Robert restait à l'écart; sasituation devenait d'autant plus dangereuse que les ManceauxGeoffroi et Gonfroi s'étaient ralliés au roi. De son côté, Charles

atqnc a000nae summa non mollira de régna son ne depraedaretllr exigi Karaju s praeeepit D. - Ileudegier, Vite Faronis, cap. 126 (voy. plus loin, p. 52,

note 2).4, Weland et ses compagnons ont joué en cette occasion absolument le

même rôle que tes Suisses et les lansquenets des xv-xvi' siècles. Ileudegier,qui a horreur de ce recours aux païens parce que sa ville épiscopale, liteaux,souffrit des déprédations des Danois de Weland, dit (lue ceux-Ci ont Clé vain-queurs au nom du roi Charles. Vo)'. p. 57, note 2.

2. La perception du tribut donna lieu à des difficultés. Les lansquenets duix' siècle, comme leurs successeurs (lu Xvi' siècle, menacèrent de piller le payssi on ne les payait pas (cf. note précédente ne depraedoretur). Le paiementcausa une perturbation monétaire. Un grand nombre de gens, francs, colons etserfs, rejetaient les deniers en circulation comme de mauvais aloi : les comtes

et missi déployèrent une rigueur exagérée (lue Charles dut réprimer par un éditrendu à Quierzy en juillet. Il y est question du conjeciufll que le roi a été obligéde prendre et ad naviuln coropositioflem et in Nortmannoruin causa proregni, sicut res conjacet, salvarnento D. Le roi proteste qu'il ne cherche pasun profit illégitime, mais l'intérêt public ( Ut otnnes cognoseant quia nonquestum inbonestum sed publicam régal utilitatem quaerimus. s Je ne sais siles mots navium compositionem » font allusion à la construction de la "citequi assiégea oscellus en 858 (voy. p. 25) ou ,bien s'il fallut fournir en BOtà Weland, non seulement des vivres et de l'argent, mais un supplément de

navires.3. Entre le, 9avril, époque à laquelle Charles est à Sentis (voy. p. 47, noie 4), et

le 4" juillet, où il est à Compiègne, l'itinéraire dt» roi est inconnu. A coup sûr,le voyage vers la Loire est antérieur à juillet, car, A partir de cette époque, leroi habita les vallées de toise et de la Seine et ne les quitta que pour faireune expédition en Bourgogne. L'entrevue de Meung se place donc en mai oujuin, plutôt en juin.

4. Calmette, op. ait., P. 76-80.5. E. Merlet, les Comtes de Chartres dans les mémoires de la Société archéo-

logique d'Eure-et-Loir, t. XII, 1897, p. 48.

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LA GRANDE INVASION NORIIANDE DE 856-862.51

avait besoin des services du comte contre les Bretons. On s'en-tendit aisément. Robert fit sa soumission et reçut en échange unmarquisat en Neustrie. La réconciliation semble avoir étéparachevée au plaid général de Compiègne, où Robert accom-pagna le roi vers la fin de juin'.

Charles remonta ensuite à Quirzy, où nous le voyons en juil-let et où jl rend un édit sur la circulation des monnaies 3 . Puis,au commencement d'août, il revient vers Paris; il est le 2 août àl'abbaye de Chelles.

Pendant ce temps, Weland poursuivait inutilement le blocusde l'île d'Oscellus. Il paraît certain que les assiégés avaient barréla Seine en aval de l'île et que les compagnons de Weland étantincapables de rompre l'obstacle, les premiers se ravitaillaient enamont. Pour en finir, Weland eut recours à une] manoeuvre à lafois hardie et habile. L'île d'Oscellus est située en amont du co -fluent de l'Epte et de là Scie, à Givern ; or, ans la ernière par-tie de son cours, 1 Epte coule parallèlement à la Seine de telle sorteque quelques kilomètres seulement séparent les deux cours d'eau.Entre Gasny, sur l'Epte, et la Roche-Guyon, il n'existe mêmequ'une distance de trois kilomètres à peine. Weland fit remonterl'Epte par une partie de son armée avec soixante de ses navires.Vers Gasny, les barques furent hissées à force de bras sur le dosd'âne séparant l'Epte de la Seine et ensuite remises à flot sur ce

t. Anti. Ber!., P. 55 t Et Sequanam traosiens, Meidunum super Ligerimadit, Rodbertum cum pi-acitis honoribus recipit. Qua occasione Guntfridns etCozfriduus, quorum consilio garnies praefatum Rodbortum Teceperat, curecomplicibus geutititia mobilitate et moula consueLudine n Karoto ad Saloum-Dent. Brittonum rincera, déficient. .

2. tleginon, p. 79 o Anno dominione incarnationis D ccc LXI. Carolus pis-citera iii Oonipendio ibique cura optimatum consilio Bodberto comitiducalum inter Ligerim et Sequanam adversum BriLL.ones commendavit. » Régi-non, qui, par extraordinaire, donne une date exacte, se borne sans doute à copierune annale contemporaine. Le plaid général de Compiègne doit se placer finjuin. Un jugement de la cour montre le roi en cette localité le 1' juillet (Ris!.de Et., t. Viii, p. 567; Tardif, n' 180). Charles se dirigea ensuite sur Quierzy,où il était dès le 7juillet (Tardif, n 181). Un diplôme pour l'église de Paris,qui le montrerait encore à Compiègne le 14 juillet (Bis!. de Er., t. VIII, p. 568),invoqué par Kalckstemn (Rober! der Tap/ere, p. 70) et Steenstrup (t. 11, p. 171,note 2), est un faux.

3. CapUul., éd. Krause, t. II, p. 30!; Tardif, n 181 et 182.4. Tardif, n 183. ce dêplacement vers l'ouest est sans doute en rapport avec

le siège dOseellus. Peut-être y eut-il, vers août, une entrevue vers Paris entreCharles et Weland.

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52LA GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-862.

dernier fleuve. A la Roche-Guyon, les soixante navires se trou-vèrent à moins de deux lieues de l'île d'Oscelius (la grande île enface Bonnières) et en aval, Il suffit de les laisser descendre au filde l'eau pour opérer la jonction et enserrer les assiégés dans unedouble étreinte'.

Cette fois, tout espoir de forcer le blocus et de se ravitail-ler était enlevé à ces derniers. Ils résistèrent encore cepen-dant, mais, quand ils furent parvenus aux dernières limites del'épuisement, ils furent bien obligés de traiter. Ils payèrent6,000 livres d'or et d'argent à leurs congénères pour avoir la viesauve.

Selon ses conventions avec le roi, Weland, après avoir réduitles Normands de la Seine, devait non seulement les forcer à quit-ter le royaume, mais lui-même et ses compagnons étaient tenusde rembarquer. Le viking commença par tenir sa parole. Assié-gés et assiégeants descendirent la Seine jusqu'à son embouchure,mais ils ne firent point voile 2 . L'annaliste donne comme raisonqu'ils en furent empêchés par l'imminence de l'hiver. On sait, eneffet, que les Normands n'étaient point des navigateurs, et leurs

1. On trouvera ces opérations parfaitement expliquées dans la brochurej de M. Jules Lair, déjà citée, sur 111e dOscellus, aux P. 15-18. cf. i

cartes en face des p. 2 et 6. ce travail annule les études antérieures de Bonamyet de l'abbé Lebeuf. En démontrant que te /luvhzm Telles (voy. note suivante)est l'Epte, M. .Lair rend le récit d'Bincmar parfaitement clair. L'évêque lieu-degier (voy. noie suivante) n'a pas décrit cette opération; il y fait allusion

I seulement en parlant de la « ruse subtile p (astutia (ieulissftna) des assiégeants.

2. Ann. Bert., P. 55-56 i Interea Danorum pars suera coin sexagtnta navi-bus per Sequanalfi in liuvium relIas ascendunt indequc ad obsidentes castellumperveniunt et eorurn societate junguntur. Obsessi autein famis media et mise-riae ornais squaiorc cotopulsi, sa milia libres inter aurum et argentum obsi-dentibus donant eisque sociantur, et sic per Seqnanan usquc ad mare descen-dant. Quos iinminens hiemps ingredi mare prohibait, etc. s - Ileudegier,Vitij Faronis, cap. 126 « Posthaec itaque ad hoc nefandissimum hujus regnimajora, vannait iterum mare ampliorein ftortmannorum multitudinem, quainraids extimuit prier multitudo Nortmannoru!n. Priores vero n seqoentibusNortrnannis obsessi, uomine regis Caroli sont devicti, statutis tarnen donis gra-vissimis suri et argenli ex regno immensaque adhibita ail trace pro obsidioneprions rnultitudinis victus abiindantia. Sicque tandem aliquando obsessions(liLitissima nelandi a nefandioribus visi sont superari astutia acutissima. Ita'que quoque est ab illis actum et fide vana illorum acceptum est promissuin udiscedendo utraeque partes juin, ultra nescirent (mmm nostrorum introitum.Quos cum mare recepturos speraret, !Ili infidelitatis itinere Ilexo terminusprions devastationis, adaucti oumero, proetercurrunt. Saltum marque Brie-gium, etc. o

C

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LÀ GRAND E INVASION NORMÀNDE DE 856-862.53navires n'étaient pas, au surplus, capbles de tenir la mer parles gros temps. Aussi les vikings redoutaient-ils la mauvaise sai-son et ]a passaient à terre.

Sans doute, aussi, ces bandes, sur lesquelles l'autorité d'unchef était temporaire, voulurent expérimenter si un prolonge-ment de séjour ne pourrait leur valoir un supplément de profil.Quoi qu'il en soit, elles décidèrent de remonter la Seine et depasser l'hiver sur le fleuve. Néanmoins, les Normands ne res-tèrent pas réunis en une seule masse : ils se divisèrent en petitsgroupes, dont chacun s'installa dans un port du fleuve. Lesanciens compagnons de Sidroc et de Bjœrn campèrent entre Pariset l'embouchure de la Seine. Weland, moins redoutable, occupala portion du fleuve entre Paris et Melun. Comme cette dernièrelocalité avait été incendiée l'année précédente, Weland campadans une île voisine'. Son fils occupa la boucle de la Marne etlogea à l'abbaye des Fossés, sans doute pour surveiller la con-duite des païens en ce saint lieu; un certain nombre d'habitantsde Melon logea avec lui 2.

On peut donc penser que ces dispositions furent prises de con-cert avec le roi ou avec son représentant, Alard. Appelé par desmécontents, Charles méditait, en effet, la conquête du royaume deBourgogne-Provence, que dirigeait nominalement son neveu,Charles, atteint d'épilepsie. Ce projet absurde, qui lui eût valul'hostilité de Louis le Germanique, de l'empereur Louis II, deLothaire II, Charles y tenait beaucoup 3 . La Bourgogne entièreet la Provence lui avaient été un instant concédées et reprisespar son père, Louis le Pieux, et, en plus d'une circonstance,

I. Cf. plus haut, P. 46, note 3.2. Ana. Bert., p. 56 z ( Quos imininens biemps ingredi mare prohibait;

unde se per singulos portos ah ipso loco usque Parisius secuHdoni suas soda-litates dividuel. Welandos autem per Sequanam osque ml castrom Milidu-nom coin suis ascendil. Castellani vero nom Welandi fille Fossal.ismonasterio occupant. s M. Jules Lair (les Normands dans l'île d'Oscellns,p. 18) s donné une singulière interprétation de ce passage s Les châtelains,ainsi appelait-on les ex-occupants d'Oscelle, â Saint-Maur-des-Fossés, sous laconduite do fils de Weland. » En réalité, les casteuoni sont les habitants doncastrant on ca.çtellum (on donne ce nom depuis le Bas Empire aux villes forti-fiées qui ne sont pas siège d'évêchés telles que Dijon, Melon, etc.), comme lescives sont les habitants d'une civllas.

3. Cf. Poupardin, le Royaume de Provence, p. 2931; Calmette, op. cd.,p. 77.

4. A Air en février 831 (le soi-disant partage de Crémieu de 835) roy. Capit.,éd. Krause, t. II, p. 20-24; à Worms en mai 839 z voy. Diiromler, t. I, p. 132.

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54LA GRANDE INVASION NoRMANDE 0E 856-862.

Charles avait trouvé en Bourgogne des ressources qui lui fai-saient défaut ailleurs'. On peut croire qu'il caressa l'illu-sion de posséder sinon la Provence, du moins la Bourgogne,dont le traité de Verdun ne lui avait laissé qu'un lambeau.Néanmoins, par précaution, pendant la période de l'expédi-tion, qui dura de fin septembre 2 à décembre, Charles fit sur-veiller les Normands par son fils Louis, qu'il plaça sous ladirection de l'oncle de la reine, Alard. C'est à cet ancien favoride Louis le Pieux que Charles avait dû de ne pas être détrônépar Lothaire à la mort de l'empereur-. En 843, on ne sait pourquelle raison, Alard avait quitté le service de Charles pour celuide Lothaire; ihais on a vu qu'à la fin d'avril de cette mêmeannée 861 Alard était revenu auprès de Charles, qui l'avaitcomblé de « bénéfices ». Ce fut sans doute lui qui, en l'absencedu roi, prit avec Weland les dispositions d'hivernage dont il vientd'être questions.

En revenant de sa malheureuse expédition de Bourgogne,Charles se vit en proie à mille difficultés. A Pontion (Marne), oùil célébra la Noël, il vit arriver les ambassadeurs de Louis leGermanique et de Lothaire, qui lui reprochèrent sa conduite.Quelques jours après, parvenu à Soissons, il apprenait que safille, .Judith, veuve des rois de Wessex, Ethelwulf et Ethelbald

I. Ainsi en 841 et en 858.2. Le roi, se dirigeant sur le royaume de Bourgogne, était à Auxerre le

14 septembre (Ànn. Bert., p. 56; BIS?, de Fr., I. viii, p. 569). Il s'avança

au delà de Mâcon (Ibid., P. 56); on le voit à Verzé (arr. et cant. de Mâcon) le

11 octobre (Quantin, CarIai. de l' yonne, t. I, P. 75), à Scanne le 4 décembre(lits?, de Et., L. VIII, p. 570; Ragut, Caflul, de Mâcon, p. 83). Puis, vers le15-20 décembre, Charles est de retour à Pontion (Marne), où il célèbre la Nodi

(Ana. Bert., p. 56).3. Sur le. rôle prééminent dAlard de 840 à 843, il suffit de renvoyer à Nitbard.

4. Voy. plus haut, P. 50.5. Les péripéties du siège d'Oscel lus ne peuvent être exactement datées il

parait difficile qu'il fût terminé avant l'ex1,édition de Charles contre te royaumede Bourgogne-Provence; en effet, le roi partit au milieu de septembre (voy.plus haut, note 2), et Ilinernar rapporte que ce fut l'approche de titi-

ver qui empêcha les Danois, assiégeants et assiégés, de prendre la mer. Ladescente de la Seine par Weland et, par suite, la reddition d'Oscetlus qui pré.céda immédiatement doivent sans doute se placer vers octobre-novembre. Acette date, Charles s'était enfoncé au delà de Mâcon dans te Lyonnais. Lesmesures que les Francs durent prendre quand Weland remonta la Seine doiventdonc être attribuées à Mord. Rappelons que, selon Heudegier, te siège fut trèslong, obsessio diutissima u (cf. plus haut, p' 52, note 2).

6. Poupardin, toc. cit.,' Calmette , toc, ci?.

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LA GRANDE INVASION NORMANDE 0E 856-862.55

s ' était fait enlever pal' le comte Baudouin et s'était réfugiée auprèsde Lothaire', Quant à Louis le Bègue, au lieu de songer à tenirla place de son père, il avait favorisé l'enlèvement de sa soeur,et, s'étant laissé circonvenir par les Manceaux Gonfroi et Geof-froi, qui venaient de faire défection et de s'allier aux Bretons, ils'était enfui de nuit et réfugié auprès des rebelles'.

Le roi, exaspéré, commença parfaire condamner sa fille aînéeet Baudouin par un concile et enleva ses honneurs à Louis3,puis il se rendit h Senlis et y convoqua l'ost. Craignant que lesNormands ne pussent résister à la tentation d'aller piller, Charlesvoulait faire garder les rives de 1? Seine, de l'Oise et de la Marnepar les « eschiéres » 4 des Francs.

Cette appréhension n'était que trop fondée. Les Danois ne segênaient pas pour dévaster la Brie s . Ils se vantaient de gagneret de piller Chappes, entrepôt des marchands parisiens sur lahaute Seine s . Loup de Ferrières craignit que le Gâtinais exci-tât également leurs convoitises et se préoccupa de chercher unlieu de refuge pour ses moines et lui-même'. Enfin, dans les der-

I. Ana. Eo-t., P. 5657; Calmette, p 77.2. ces personnages, qui avaient ménagé la réconciliation entre le roi et,

Robert le Fort (voy. plus haut, p. 50), s'étaient retournés contre le roi aussi-tôt après (Ann. Bot., p. 55 et 57).

3. Dont l'abbaye de Saint-Martin de Tours, que le roi donna à Hubert, clercmarié, frère de la reine de Lotharingie, Thiherge, momentanément brouilléavec Son beau-frère Lothaire Il. Voy. Anti. Bert., p. 57. Cf. Poupardin, op.ci/., P. 49, 51.

4. Sur ce mot, cf. A. Thomas, Nouveana, essais de philologie française(Paris, 1905, in-12), p. 131.

5. • Saltum narnque llriegiuni arripiunt eumque a suis possessoribus gladiecrnenti igneque calcnti spoliant, • dit Fleudegier, peut-être avec exagération(cf. p. 57, note I).

6. Loup de Ferrières, ép. 125 s Vastatis longe lateqùe celeberriinis lods,etiarn sedcm negot.iatorum Cappas se petituros jactabant. m Cf. plus haut,p. 46, note I.

7. Loup s'était d'abord adressé à l'archevêque de Besançon, Arduicus, qui luiavait fait de belles promesses, qu'il ne tint évidemment pas (et,. 20). Pendantque Loup demeurait anxieux et malade û Ferrières, l'évêque de Troyes, Fou-Gry, le successeur de Prudence, vint lui faire visite, 'le réconforta et lui ofiritspontanément son domaine il'Aix-en-Othe s Nam cum ad quandam insulamSequanae pagani crudelissirni pyratae applieuissent, quine sita est euh Mette-dont oppido ah alUs recens exusto, et ennui» viciniam nobis, ut erat, periculosis-sinlam, aisi Dei miseratio subveniret, duceremus, ace in monasterio consistereaudebamus nec quo inigrare Jossernus, depressi aerumna tantac calainitatisinveniebamus. Inter haoc coin 'ne graviter cegrolantem visitatuin venissetis acnos ingenti exterritos inetu oflendissetis, illico absqute otlo delitierattonis tac-

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56 LÀ GitÂN» INVASION NOItIIArDE DE 856-862.

niers jours de janvier 862, le roi, étant à Senlis, où il attendaitla réunion de l'ost, fut informé qu'un parti détaché des Nor-mands campés au monastère des Fossés avait remonté la Marnesur de petites barques et gagnait la cité de Meaux. L'ost n'étaitpas encore assemblée. Charles partit néanmoins avec quelquesgardes de corps. Ne pouvant atteindre l'ennemi, qui avait ruinéles ponts et fait main basse sur toutes les barques, le roi s'avisad'un expédient. En aval de Meaux, à la hauteur de l'île de Tril-bardou', la Marne était traversée par un pont que les piratesavaient endommagé. Charles le fit réparer et fortifier et, en mêmetemps, posta des forces sur les deux rives du fleuve. Les dépré-dateurs, qui revenaient du sac de Meaux, se trouvèrent ainsi arrê-tés et enveloppés. Ils firent leur soumission; relâchant les captifset livrant dix otages, ils promirent de regagner la mer au jourfixé, ainsi que les autres Normands; ils s'engagèrent mêmeservir dans l'armée du roi si leurs compagnons violaient leurspromesses en refusant de reprendre la mer. Charles leur laissaalors le passage libre et ils purent retourner aux Fossés (31 jan-vier_1er février 862).

no nostroun exhonerastis pudorem et, pi'acvenientes nostrara supplicationein,obtulistis praediuin Aqueuse, ilominationis vestrac praecipuum, in quo tutumatitiam ternporis vitareinus, tenendae nostrae professionis oportuniLate anapeSos destituti (ep. 125, DiimmIer, p. 405). cf. Levillain, p. 168.

L Trajectus Bardulfi est Triihardou, Seine-et-Marne, arr. de Meaux, oant.de Claye. cf. note suiv. in fine.

2. Ansi. Bert, p. 57: a Indique Sitvaneetuni perrexit. Uhi, dom immorare-lur expectans ut ail eum populus conveniret, quatenus aciebus dispositis exutrisque suis ripis singulae aquae, Isara scilicet, Matrona et Sequana, eusto-direntur, ne Normanni in praedam ire valerent, nuneitlm aeccpit quia Dannru,oelecti de bis qui in Fnssatis resederant cura parvis navibus Meldensium dvi-tatem adirent. Ipse autem tom ois quos sedum habuit 1110 pergere rnaturavit;et, quoniam pontihus a Norrnannis destructis et navibus occupatis, cas adirenon tinterai, uecessario usas consitio, ponteru ad insotam secus Trejectom reÇu-ciL et Normannis descendendi aditum interciLidit ; serras nihitominus ex otraqueripa Matronae ad cuslodiam députai. Qua de ce Normanni valde constricti,obsides clodos cl Karolo missos ea conditione douant ut crimes captivos quos,espérant poslquam Matronam intraverant, sine mura aliqua redderent, et mltom alus Normannis, constituto die placili, s Sequane recedentes mare peLaient.,uni si uni cura eis redire non venant, uns tom exereitu Karoli reiractantesire belle adpeterent. Sicque, datis dcccii, obsidihus, sont ad sucs redire per-missi. ii - La date est fournie par un diplôme confirmant un échange deterres en Vexin entre Josselin, notaire du roi et abbé de Jumièges, et un cer-tain Carnier (Hist. de Fr., L Viii, p. 571 .572; Tardif, n 185). il porte la datesuivante : « Data pridie kalendas febroari, indictinue X, anno XXII, regnante

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La prise et l'incendie de Meaux avaient été le fait d'unebande isolée'. W&and n'y avait pas participé. Loin de là, ilsongeait à abandonner son existence aventureuse et h entrer

Karolo gloriosissimo rege. Actum ail Insolas super Matronac in expéditionshostili. » Cette localité est lsles-lès-Vïlleny, en Seine-et-Marne, arr. de Meaux,cnn!. de Cla ye, proche de Trilbardou, dont Charles lit réparer le pont. Un jourou deux séparent le diplôme de celle opération et, par suite, (le la capture desNormands.

1. Ileudegier a peut-être exagéré l'importance de cet événement sous l'em-pire (l'une préoccupation bien légitime, - il était évêque de Meaux et il aécrit, en outre, sous le coup de l'émotion. - Ses derniers chapitres ont étérédigés, en effet, antérieurement à la mort de Loup de Ferrières (cf. cap. 118),(100e avant la fin de 862 ou 863 (Levillain, op. ait., p. 7 et 171), peut-êtremême avant que les Danois eussent repris la mer (fin mars 862). car il nesouille mot de leur départ. Cap. 127-130 t Quas dum mare recepturos spera-ret, illi, infidelitatis itinere Ilexo, terminas prions devaslationis, adaucli animera,practercurunt (voy. p- 46, note 3). Sallum naffique Briegiuin arripiunt runiquea suis possessoribus gladio cruebli igneque calenli spoliant, était ultiinurn banccivitatem Meldis navigio improvisa accelerant. Prima autem parte noctis cernoccupant et sorte igni desolatorio ar.eendere destinant; Ilammae quoque ejusincommode lucentes vertunt onctem quasi in diem, ignotasque rias circuni-quaque penetrant. Dames etiam gementiumn atque diversas semitas urbis miser-rime sanguine humano maculant, ecclesiasque ohm venerandas amui spureitiafaodant. Pulsat ad hart clamor confuses caelum, terra atque aer gemitibuspraegnantium atque lactantiuni eoneutinntur, anreaque sidéra tamaris ejusvoracibus subtrabuntur. n Le monastère voisin, Saint-Faron , fut épargné.(Teudegier voit là un miracle :les chevaux, en dépit des efforts de leurs écuyers,retenus par une force divine, sont empêchés de pénétrer dans l'intérieur del'église, - passage curieux en ce qu'il monireraiLqueJes.Normands arrivèrentàMcauxà iiïl7Cais eW contradiction avec Hincmar, et lleudcgier lui-même, qui les rtT5trent remontant la Marne sur de petites barques. Néanmoins,un certain jour (sic), grandement irrités contre les chrétiens, les inéeréantgmirent le leu aux E habitacula circa hune locum posita quise forensihus stu-dus patebant », c'est-à-dire, probablement A des étaux de marchands. Lesllïmmes se bornèrent à lécher les quatre côtés de l'église, niais sans l'endom-mager et sans même la salir de fumée (dans Mabillon, Acta sanct. ord. sancUBened., saec. ii, p. 625). - La petite abbaye de Saint-Saintin (sancins San-ctinus) à Meaux souffrit du passage des Normands ( Sicnt andi y i, idem becsneglectus extitit ac demuni in radina urbe (Meldensi) Nortmnanni fuerant etqunedam incendia concrernaverant, quaedam vero praedantes diripuerant,nescio si ipsi qoaterniuncuhi (de vila Sancti Sanetini) vel sortant exemnplaria ineadem urbe valsant reperini o (lettre d'Ilincmar à Charles le Chauve en 876,De auctorltate Vitae sancti Vlan ysii ab Anastaslo translater, (tans Migne,i'atrot. Fat., t. CXXVI, col. 153),— Erinentier, dans la préface de son livre Ildes Miracula sancti Filiberti, écrite vers 863, dit « ... Melduoruon captant

. civitates uecnon Melidunensiuni dévastant castellum(éd. Poupardin, p. 61).Il ne suit., d'ailleurs, aucun ordre chronologique rigoureux dans l'énumération

*des méfaits des Normands.

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58 LÀ GRANDE ti'IflSION NORMANDE DE 856-862.

dans les cadres de la société franque. Vers la fin de février, suivi

d'un certain nombre de compatriotes, il alla trouver le roi et luiprêta hommage. Puis, pour prouver la sincérité de ses serments,il revint vers les siens et les décida à évacuer le cours moyen de

la Seine. Toute la flotte descendit le fleuve jusqu'à Jumièges'. Ce

fut 1h que les Danois réparèrent leurs vaisseaux et attendirentl'arrivée du printemps. A la fin de mars, ils prirent la mer; etcette grande flotte se dispersa dans plusieurs directions'. Quelques

semaines après, Weland, sa femme et ses fils allaient rejoindre leroi et recevaient le baptême'. Sa carrière ne devait pas être delongue durée. A la fin de l'année suivante, inculpé de trahisonpar deux de ses compatriotes, comme lui convertis, il se battait

en duel avec un de ses accusateurs, « selon la coutume de cette

race, » et était tué par lui4.

1. Les bâtiments de l'abbaye furent probablement saccagés, mais sa fortuneterritoriale n'eut pas grandement à souffrir. Nous avons vu que san abbé, Jos-selin, échangeait des terres en Vexin au moment même de l'attaque contre

Meaux. Voy. p' 50, note 2.2. Ann. Bert., p. 57: e Et post viginli circiter dies, ipse Welandus ad Karo-

lum veniens illi se commendavit et sacramenta eum eis quos seeum habuitstatua praebuit. Indeque ad naves regressus, cure nanorum navigio asquead Gemeticumn, ubi illorum rares statueront rericere et vernale nequinocliumexspectare, descendit.. Befectis navibus, Dani mare petentes, per Pluies classesse dividunt et Prout coique visuni est diversa velificant. n - Aimoin, Mirat.

sancti Cermani, I. Il, cap. 13 « Nortmannis j aco amieo Paris foedere regno

eductis... s3. Ana. Bert., p. 58 s Welandus coin uxore et huis ad Karolum venu etet

ehristianus cum suis ellicitur. s Cette conversion est antérieure assez sensible-ment à l'assemblée de Pitres (t" juin) elle peut se rlacer vers la fin d'avril.Rien n'autorise à croire, comme semble le faire M. Lait (Oscetlus, p. 18), que

Weland s'embarqua, alla à l'embnnehore de la Loire et revint seulement alorstrouver le roi. Weland n certainement conduit la flotte danoise jusqu'à la mer,mais il ne s'est pas embarqué, puisqu'il voulait prendre pied en France. Quandses compatriotes eurent fait voile, il rejoignit Charles. Le roi s'était rendu surles bords de la Loire on le voit à Tours les 23 et 26 avril (pancarte noirede Saint-Merlin, n" XIV et XL1I), à courbouzon (Loir-et-Cher, air, de tilois,cant. de Mer) le 10 mai (Ibid., n' LXXII!), A Meung-sur-Loire (Min. Bert.,p. 58).

4. .Ann. Bert., p. 66Duo quoque Norimanni qui nuper coinehristianitatem Job, et lune dieet,atur et post claruit, postulantes, de navibusexieront, super eum inlidelitatem miseront. Quorum tiens, tecundum gentis suacmOrem, cure negante, armis caraco rege contendens, ilium in certa,nineinterfecit. » nu contexte, il résulte que le duel eut lieu en décembre 863 sousNevers. Rien ne prouve, naturellement, la culpabilité de Weland. Il est simigulier que le duel paraisse insolite aux Francs. Pour en finir avec Weland, disons

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LA GRANDE INVASION NORMANDE DE 856-862.59

Charles le Chauve, au prix d'incroyables efforts, usant tan-tôt des armes, tantôt de la diplomatie, en dépit de la trahison etde la lâcheté de ses sujets, de l'hostilité de ses parents de Germa-nie, avait réussi à délivrer les bassins de la Seine et de la Somme,entreprise qui, à la fin de 858 et au cours de 859, paraissaitdésespérée.

Ces régions avaient été néanmoins trop éprouvées pour que laconfiance pût renaître aussitôt'. Les moines des environs deParis ne reprirent que lentement le chemin du retour. Les pre-miers furent les Genovèfains. Ils revinrent dès l'année 8622, enprenant par la vallée de 1'Ourcq et la Marne 3 . Les Gernianiens

que rien n'autorise la supposition de Depping (p. 209) qui voit en lui le Nor-tonnons dont il est question dans la correspondance d'Hincmar de Laonavec son oncle. Ce dernier nom est un nain

I. L'abbaye de Ferrières semble rassurée une des premières; il est vraiqu'elle fut beaucoup moins menacée. Loup de Ferrières décline, vers tété de862, t'offre du domaine d'Aix-en-Othe que lui avait faite l'évêque de Troyes(cf. p. 55, note 7) Quoniasn exuherans Dei noslri clementia, tegens indul-gentia innumeras mazimasque culpas nostras, minas praedonuni ... subvertitan cas a nobis, quod utinam ab omnibus ct.ristianis facial, avertit nec bac viceavulsi u nostro eoenobio cogemur peregrinari » (ep. 125, éd. Bntnmler, p. 105).Dans les lettres II? et 123, écrites au printemps de cette même année à sonami Ahsbold, abbé de Priim, en Lotharingie, Loup se réjouit que les cheminssoient rouverts entre cette abbaye et ses possessions de Bretagne et que taroute passe près de Ferrières, ce qui lui permettra d'avoir des nouvelles de sesamis (cf. Dûnimier, p. 100 et 403, et Leviltain, dans Bibi, de lÊc. des chartes,1903, p. 279). Le jtus court chemin était, en effet, la voie romaine qui passaitpar Trèves, Metz, Chêlons, Troyes et Sens. De là, pour gagner Orléans, puisla Loire et la Bretagne, la voie passait â Dordives, sur le Loing, à moins dedeux lieues au nord de Ferrières. Loup croyait donc le bassin moyen de laSeine délivré et sûr â la date de ces lettres.

2. Les fihirocula b. Cenouefae, c. 32, fixent le retour cinq ans après la fuitedes moines, laquelle est, nous t'avons vu (p. II), de 857 £ Igitur beatissima vii-goGenovefa per quinque annorum curricula transit extra propriam sedum, popu-lantibus Norinannis omnem regionem Sequanae adjacentem , (éd. Saintyves,p. cxxvi). Les moines Germaniens semblent avoir voulu faire coïncider leursretours avec une des fêtes de leur saint patron. Si les Gémmnvéfains ont fait demême, ils se seront arrangés pour rentrer le jour de la translation de labienheureuse, c'est-à-dire le 28 octobre 862.

3. Partis (le Marizy (cf. plus haut, p. li, note 5), ils prirent par Mareuil-stir-Ourcq (Oise, arr. de Senlis. cant. de Betz). Lizy-sur-Ourcq (Seine-et-Marne,arr. de Meaux, ch.-t. le cent.), Trajeclus, c'est-à-dire soit Tritbardou (cf. plushaut, P. 56, note 1), soit Trilport (Seine-et-Marne, arr. et cant. de Meaux),Rosny-sous-Bois (Seine, arr. de sceaux, cent.. de Vincennes). Voy. fthiracula b.Genovefae, cap. 32-37 (éd. Saintyves, p. cxxvi); cf. Ponton d'Amécourt, les t'ies

À.

A

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60 Id GRA?q flF, INVASION NORMANDE DE 856-862.

demeurèrent encore à Nogent-1'Artaud jusque dans l'été de l'an-née suivante. Le corps du saint, placé sur une barque, descenditle cours de la Marne, puis la Seine jusqu'au confluent de laBièvre, comme dix-sept ans auparavant'. Les chanoines del'église cathédrale y étaient rassemblés et célébrèrent par unemesse le retour des cendres de l'antique évêque de Paris. Lesreligieux 2 de Sainte-Geneviève étaient également présents; ilsvoulurent porter sur leurs épaules le précieux corps qui faisaitla gloire de l'abbaye voisine, leur compagne d'infortune. LesGermaniens leur succédèrent dans ce pieux devoir et entonnèrentune hymne nouvellement composée pour la circonstance. Aumoment où ils l'achevaient, ils se trouvaient à la hauteur de laCité, dont ils apercevaient sur l'autre rive les maisons en partieruinées et brûlées. Cette vue leur arracha des sanglots qui semêlaient à leurs chants et leur suggéra une réminiscence bibliquesur la « désolation de la ville remplie de richesses, reine desnations assise dans la tristesse ». Ce qui ajoutait à leur chagrin,c'est qu'aucun miracle n'avait encore signalé leur retour; il s'enproduisit enfin au moment où ils atteignaient le « pré ». Le19 juillet 863, vers midi, épuisés par la fatigue et un soleil brû-lant, mais remplis d'allégresse, nos moines franchissaient la portede l'abbaye qu'ils avaient dû fuir six ans auparavant'.

de saints traitées au point de vue de la géographie historique (dans filent. dela Soc. française de numismatique et d'archéologie, année 1870); B. Giard,Étude sur l'histoire de l'abbaye de Sainte-Geneviève, dans filéni, de la Soc.de l'histoire de Paris, t. XXX, 4903, p. 40.

1. Le 25 juillet 846. Voy. le chap. 27 de la Trarislatio S. Germant Pari-siensis publiée dans les Analecta Bollandtana, t. 11, 1883, p. 69-98.

2. Aimoin (I. li, cap. 13) les dit clerici, ce qui tranche, semble-t-il, la questien, encore laissée pendante par R. Giard (toc. cil., p. 4547), de savoir s'ilsétaient moines ou simples clercs.

3. Passage à ajouter à ceux qui montrent l'importance de Paris dans lehaut-moyenâge. Il Prouve en outre que les Danois étaient bel et bien entrésdans Paris eu 856•857,quoi qu'on ait dit. cf. plus haut, p. 12, note I, et p. 14,noie 1.

4. Aimoin, Mlrac. Sancti Gerntani, I. Il, c. 13 r ldeo ad id quocl ardetanimas transeuntesfejus reversionem mente hilari exponere festinernus. Fra-tres igitur qui illic aderani [in Novigento v illal, sanctissima ejus corporismembra eustodientes, uns coin ipso loci ruinas sellera invisere festinantesegressi, Norhnannis jam:arnico pacis foedere regno eductis, fier reversionis laetisuscipiunt, fuitqoe eis in revertentin navalis congraus apparatus. Unde Mater-mie Iluvium pariterque Sequanam enavigantes, -venerunt cura Biberis ac Sequa-nae confluentia portum facientes, eductumque sacratissiinum corpus n navi

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LA GRANDE IrvAstoN NORMANDE nE 856-862.61

On ignore la date précise du retour des Dionysiens. Ilsparaissent être revenus de bonne heure'.

Sur la Somme, la frayeur persista plus longtemps. Les moinesde Saint-Riquier eurent une nouvelle alerte vers Pâques d'uneannée qui doit être sans doute 862 et s'enfuirent encore près

excepi mus i lie d moiti Il tri sel us et ordinis ibidem congregati, ut nhirare-tur vil clericos ad coin toltendum accetlere passe. Nam ex sui quondam epis-copii domo canonici piimi nU pontiticï adsistentes, exceptionis peregere remis.

'flerium, hujus antiphonne congruam jubilantes melodiam o guam vene,'andus* es, egregie Gennane confesser... Factaque genicu]atione ac oratione dominica

et laissa pro universis solemniter dicta, ex monasteri6 sancti Petri necnonet beatan &enovefae virginis religiose accedentes clerici, condom sequentesordineni coeperunt, sarcla .humeris suscepto corpore, banc psallere aritiphonaindicentes iste est Germanus pontifex nsaxhnus... Deinde nos, uti decebat, ser-vulos corruentes, salutationis novum habentes hymnum verenter adfui,nus,surgentesque n solo quo dignissiina ejus reverentia prostrati jacueramus, postorationcin et collectam, juin contractas feminae ac caecis daubas col-lb sanitatis benelicio, quo onaquoque videlicet exceptio proprio decorareturmiraculo, ita concrepantes intuliinus Ave praesut benediate, une nunc plis-sime, O Germane venerande, pater et cxi nUe, etc. - Quo ad finem osque itacompleto, fuimus jani, tiret ex adverse, pralinai partial admise necoon etperinultum dissipatoe civitati, cujus demolita facies nos omises in doloremadducens, colnpetenter exegit psallere aspice, Domine, quia [acta est deso-tata cluaas plena divitiis, sentait in trisutta domina genttum, non est quiconsoletur cana ,tisi tu Deus noster. Multi namque cimentes, flores ver, cer-nebantur plorantes. Sicquc processimus in pratuin osque quod sub ipso estmonasterio. Eramus vero moerentes qnod postea quam propriain intraverarnustetiurem nuits, ut antea, ostensas noveramus virtules, sed ecce subito ex tantapopuli multitudine, unus procurrens accessit; habebat enim causa poenitentiaetèrri circulum in bracehio, ut sillet tien, arctissime obvolutum, jainque tempesincreverat ex quo iJIi casa propriam occidenti outrera hujusmodi Poona noces-sera[... . - Cap. 15 e Pervenirnus ergo psallentes, nimia lassitudine ne sousardore fatigati, bora quasi sexta ad monasterïi januam. Amies autein circuitresurgeritis Chrisli octingentesimus sexagesimus tertius; dies vero inensisquarto deciino kalendas coinputabatur augustas... à (Y&abilton, Acta Sana.ont, S. Retient., saeo. su, part. Ii, p. 116; Migne, Patrot. lot., t. CXXVI,col. 10461049).

I. Ce retour est antérieur au grand diplôme de partage des domaines dumonastère entre l 'abbé et les moines, le 19 septembre 862 (JiisI. de Fr., t. VIII,p . 577; Tardif, n' 186, et aussi 185 et 188). Chose surprenante au premierabord, à In date (lu 21 juillet 861, le roi concède à Modales qui combattaitavec zèle le combat du Seigneur dans te monastère (" ad deprecationem reli-giosi ne dilceti nobis monachi Deodati nomine, in monasterio Sancti Dionysiisociorumque ejus Deo sedulo militantis, ipso inspirante ») des (erres en Beau-vaisis dont le revenu servira à )'entretien du luminaire qui restait en souf-france par suite des ravages des païens (Hist. de Fr., t. VIII, p. 568-569). Ii enerssort que Dendrites, et quelques autres aussi, habitent le monastère et cela

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62LA GRANDE INVASION NORMANDE DE 850-862.

d'Encre'. Ce fut seulement en 864, le 29 octobre, qu'ils osèrentretirer le chef de saint Riquier de la châsse de bois où ils l'enfer-maient pour pouvoir fuir plus rapidement en cas de danger; ilsmirent alors cette précieuse relique dans une châsse d'argentornée d'or et de pierres précieuses'. A cette date, ils étaient enfinrassurés. Plus heureux que les Sequaniens, ils eurent quinzeans de tranquillité.

Ferdinand LOT.

à une époque ois les pirates n'ont pas quitté la Seine (il est vrai qu'ils sontI4assiégés par Wetand). On en doit conclure que, sinon tout le personnel, '(Iumoins une partie, était de retour de Nogent.srnSeine (cf. p. 36), 1 supposermême que Deodatus eùtjamais quitté l'abbaye.de Saint-Denis. Charles avait unedévotion toute particplière pour, saipt,Denis, son a patron s, et il est à resuar-quer que cette abbaye n'a jarnais,été brûlée. On doit supposer que te roi l'aurapréservée de la destruction, à force d'argent donné aux pirates (cf. plus haut,

p. 21, note 1, et p. 36, note 1). —L'acte de partage du .19 septembre 862, véri-table constitution du monastère, a dû être provoqué par le retour des moinesémigrés en }dorvois et la nécessité de les mettre à l'abri de tracasseries pos-sibles de la part des. abbés.

I. Mirac. sondA Richarii, t. Il, cap. t?. Il s'agit «un miracle qui se produi-sit en cette localité d'Encre à Pâques d'une année inconnue, ce ne peut être860, puisque, dès février, les moines de Saint-Riquier avaient quitté Saint-Gervais, près d'Encre, pour regagner Cen(ulnm. Cf. p. 38, note 3, et P. 41,note 4. En 867, Pâques tombe le 19 avril. Or, lit flotte do ta Seine quifit voile fin mars se, dispersa dans plusieurs directions. Voy. P. 58, note 2. Ilest certain que plus d'un groupe regagna la mer du Nord et passa en vue descôtes du . Ponthieu . :. le là sans doute t'alerte, non justifiée, tics moines deSaint-Riquier.' .

2. Ibid., I. Il, cap. 7. « Anno incarnationis domini nostri Jesu Christinoce LXIV, mense oetobri, die sexta kalendarum novesnbrium translatum esta fratribus glnriosum capot saneti Richarii de capsa tignea in qua conditumhabebatur projeter Normannorum imminentes pressuras in ai'genteam atiro gens-misque redimitam » .(Mabillon, Acta Sanct. ont. lienS.., suce. lie p. 224). lIfaut certainement corriger ( die Iv kal. nov. s, car la fête de saint. Riquiertombe le 20 et non le 27 octobre, et, en outre, en 864, le 29 octobre est undimanche, ce qui tic put qu'augmenter la foule des gens pieux, et par suite leursdons. Je dois faire remarquer cependant qu'Hariulf, dans son Chron. Cartnl.,I. III, cap. tt (éd. F. Lot, p. 120), donne comme date de jour vs kalend.nov. s». il ajoute (les renseignements sur le moine Odulfus, qui fabriqua lachâsse.