La Légion française sur le front de l’Est_Extrait

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    II

    La Lgion sur le front de lEst.

    En route vers le front.

    Les premires units du Ier bataillon quittent le camp dentranement le 28 octobre,celles du IIe deux jours plus tard 1.Les convois de la Lgion partent en direction de Mos-cou, via Smolensk. La premire partie du trajet est ralise en chemin de fer, ainsi le I er

    bataillon et la compagnie dtat-major arrivent Smolensk le 1er

    novembre. Les dernierslments du rgiment narrivent dans la ville quaprs un trajet de cinq jours 2. La lon-gueur du voyage nest pas cause par la distance gographique, mais elle est due auxprcautions prises contre les embuscades de partisans :

    Le convoi roule dix lheure. Il va de petit poste en petit poste, au milieu desforts de bouleaux dans lesquelles larme allemande a taill de larges bandes, viergesde tout arbre, pour empcher les partisans de prparer leur embuscades. [...] Les hom-mes sont l, trente par wagon, se rapprochant autant quils le peuvent du pole central,ayant dvor les provisions distribues, contemplant les dbris parpills le long duremblai qui tmoignent de la frquence des sabotages, dbris qui prouvent et lutilitet linutilit des postes de surveillance, des patrouilles, de toutes les prcautions priseset mme des deux wagons chargs de sable que la locomotive pousse devant elle 3.

    Les difcults des lgionnaires commencent dj dans la ville partiellement dtruite

    par la guerre. tant donn que les autres units de diffrentes nationalits 4 ont occuples cantonnements dans la ville, la Lgion except ltat-major et la compagnie dtat-major rgimentaire logs au centre-ville, lhtel Molotov est oblige de se cantonnerdans des villages de lautre ct de Smolensk. Par consquent, les lgionnaires doiventfranchir le Dniepr et traverser la ville pendant que la nuit tombe. Ce parcours de plusdune dizaine de kilomtres ne se fait pas sans difcults dans une ville inconnue et des

    conditions climatiques inhabituelles. Le lieutenant Ourdan crit :

    Le dbarquement Smolensk fut catastrophique. La ville de Smolensk est btiesur le Dniepr ; sur lune des rives se trouve la gare, sur lautre rive est situe la ville.La 13e compagnie devait aller prendre son cantonnement dans un village situ treize

    1 Les derniers lments de lunit franaise quittent le camp le 1ernovembre. BAMA RH 53-23/49,page 77.2 BAMA N 756/201.Rapport sur la LVF, page 27. Voir aussi Larfoux Charles, Carnet de campa-

    gne dun agent de liaison. Russie hiver 1941-1942, ditions du Lore, Paris, 2008, pp. 15-16.3 amouroux Henri,La Grande Histoire des Franais sous lOccupation, tome 3,Les beaux joursdes collabos, op. cit., page 298.4 On trouve aussi dans la ville la division espagnole Azul (250e division dinfanterie allemande).VoirLefvre ric, mabire Jean,Par - 40 degrs devant Moscou, op. cit., pp. 62-64.

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    kilomtres, au-del de Smolensk. Il sagissait donc pour notre formation de traverserle Dniepr sur un pont de bateaux remplaant le pont de fer que les Russes ont dtruit

    avant lvacuation de la ville, puis de traverser toute la ville. Toute cette oprationdevait seffectuer par des routes en trs mauvais tat, le sol tant gel (tempraturemoyenne de - 15 C - 18 C), et les chevaux ntant par ferrs glace malgr mesdemandes ritres, je le rappelle.

    Le mouvement commena vers sept heures du matin. Les premiers lments de la13e compagnie arrivrent pniblement au cantonnement vers onze heures du matin. La3e section, compose de deux pices de 75 mm, avait d abandonner une de ses picesdans les rues de Smolensk, les chevaux ne pouvant pas tirer dans les conditions detemps o nous nous trouvions. Cette pice fut retrouve la nuit suivante par une pa-trouille allemande la place o elle avait t abandonne sans aucune garde. Personne

    ne sen proccupait la compagnie.Une des pices de 155 mm, ayant des attelages trop faibles et non ferrs glace,

    tomba sur le bas-ct de la route, dans la descente de la gare de Smolensk sur leDniepr. Quatre chevaux, dont deux durent tre abattus par la suite, furent gravementblesss dans cet accident et je dus renvoyer les attelages de lautre pice, une foisquelle fut parvenue au cantonnement, pour dpanner la pice reste en drive. Celle-ci ne parvint au cantonnement que le mme soir vers vingt-deux heures 1.

    Les consquences de ces vnements sont lourdes pour la compagnie qui a subi despertes inattendues dans la ville de Smolensk :

    Ds le lendemain matin, le colonel Labonne vint inspecter la 13e compagnie etprit des sanctions dont la plus grave fut de relever de son commandement le capitainecommandant la compagnie. Ces sanctions taient dautant plus intempestives que lecolonel et ltat-major du rgiment avaient t aviss plusieurs reprises, que cetteunit ntait pas encore en tat dentreprendre une campagne comme celle de Rus-sie 2.

    Le colonel Labonne 3 relve le commandant de la 13e compagnie, le capitaine MichelZgre, qui doit rentrer au camp de Deba o il retrouvera un poste de commandement, ce-lui de la compagnie dtat-major du IIIe bataillon. Mais il nest pas le seul devoir quitter

    la Lgion, le colonel renvoie plusieurs ofcier du rgiment en Pologne4

    . Cette purationest explique ofciellement par linaptitude professionnelle des personnes concernes,

    1 SHD 2 P 14.Rapport du lieutenant Ourdan, pp. 15-16 ; BAMA RH 53-23/50, page 20.2 SHD 2 P 14.Rapport du lieutenant Ourdan, page 16.3 Labonne venait tout juste de rejoindre son unit aprs une visite au grand quartier gnral alle-mand o il avait rencontr le gnral von Brauchitsch. Selon une lgende non conrme, le gnrallui aurait dit cette occasion : Si les Franais continuent se disputer entre eux, je ne pourrai lesutiliser qu dcharger des sacs de pommes de terre sur les arrires du front ! . Voir Saint-Loup,

    Les Volontaires, op. cit., page 40.4 Le commandant de la 14e compagnie, le capitaine Albert Bouyol, ainsi que le commandant de lacompagnie dtat-major rgimentaire, le capitaine Tixier, doivent eux aussi quitter la Lgion. Ilssont accompagns par les lieutenants Ourdan (auteur du rapport cit plusieurs fois), Zinani, Dubucet les aspirants Balay, Fertinel. Voir BAMA RH 53-23/50, pp. 19-23.

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    mais selon certaines sources les causes relles sont bien diffrentes. Apparemment, ungroupe dofciers aurait prpar un putsch contre Labonne an de le faire remplacer par

    un personnage plus apte commander lunit1

    . La raction du colonel, inform de cettevritable conspiration, est svre : il limine tous les ofciers mls cette affaire dou-teuse dont lidentit lui est rvle 2. Cet pisode montre bien la division et le manque dediscipline au sein de lunit. Nanmoins, ces dparts affaiblissent encore un peu plus uncorps dofciers dj chtif ses origines.

    La Lgion quitte ses cantonnements le 6 novembre (le IIe bataillon le 10 novembre)pour gagner pied le front situ plus de trois cents kilomtres 3. La 7e division bavaroise

    1 Ces ofciers auraient souhait voir le commandement con au colonel Ducrot, le commandantdu IIIebataillon, ou au chef de bataillon Planard de Villeneuve.2 Lefvre ric, mabire Jean,Par - 40 degrs devant Moscou, op. cit., pp. 69-71.3 Selon une autre rumeur non conrme, le colonel Labonne aurait dclar au commandement al-lemand : Les Franais ont lhabitude de marcher ! Ce sont des fantassins ! . Il est pourtant bien

    plus probable que le manque de moyens motoriss et les chemins impraticables entre Smolensk etMoscou aient contraint la Lgion marcher. VoirDupont Pierre Henri,Au temps des choix hro-ques, op. cit., page 104.

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    Ville. Dplacement en train.

    Fort, bois. Dplacement pied.

    Dplacement en camion.

    Itinraire des 1er et 2e bataillonsNovembre 1941

    Droitsrse

    rvs-

    AlexandrePrtot

    Kilomtres

    0 100

    Varsovie

    Varsovie

    Radom

    Brest-Litovsk

    Minsk

    Borisov Orcha

    Smolensk

    ViazmaMojaisk

    Moscou

    Djukovo

    Orel

    Koursk

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    envoie un ofcier de liaison francophone, le major Karl-Max Graf Du Moulin-Eckart,pour guider les lgionnaires jusquau front 1. Les Franais se dirigent vers Viazma, mi-

    chemin du front. Mais la progression est freine par un ennemi inattendu : la boue quirend les routes impraticables.

    Une bise menaante la balayait maintenant, remettant jour les plaques de gla-ce... Glace. Neige. Neige et glace. Tous les inconvnients de lune sans les avantagesde lautre, comme toujours en dbut dhiver. Les conducteurs navaient pas touch decrampons pour les fers de leurs btes. Les cheveux sabattaient. Les lourds chariotsglissaient, allaient au foss. Les hommes juraient, poussaient de la main ou de lpauleau cul des fourgons, pesant sur les raies, et leurs minces gants de laine sen allaienten charpie. Il fallait achever, dun coup de pistolet dans loreille, les chevaux qui gi-saient, pattes brises, sous le timon des fourragres 2.

    Lunit pitine et est oblige de laisser en arrire plusieurs chariots par manque dechevaux pour les tirer3.

    Ds la premire tape, des incidents multiples entravrent la marche du rgi-ment ; incidents dus presque toujours linsufsance dentranement des hommes et

    au mauvais tat physique des chevaux. Au cours de cette tape, vingt-sept hommespuiss furent abandonns, sans ordre et sans grad pour soccuper deux, par ordredu colonel, sur le bord de la route. Vingt-deux purent regagner Smolensk grce des voitures de larme allemande qui descendaient de Viasma [NDA : Viazma] sur

    Smolensk. De l, ils furent vacus, sans soins mdicaux, sur Paris o ils furent d-mobiliss et renvoys dans leur foyers. Quant aux cinq hommes disparus en cours deroute, leurs cadavres furent retrouvs sur la route, entre Viasma [NDA : Viazma] etSmolensk ; ils taient morts dpuisement et de froid 4.

    Il faut galement compter sur les accidents qui augmentent les pertes. La plus curieuseest la mort du sergent Delerse, un ancien combattant de la guerre dEspagne aux cts desfranquistes, qui tombe sur sa mitraillette et reoit trente-deux balles 5.

    La situation saggrave avec larrive de la neige, le 7 novembre, immdiatement sui-vie par la chute importante de la temprature. Ce changement a de graves consquences,

    car les soldats ne sont pas prpars au climat6

    . Saint-Loup constate :

    1 Lofcier, conseiller de lgation de premire classe au ministre des Affaires trangres Berlin

    avant la guerre, est dorigine franaise et parle le franais. VoirLefvre ric,mabire Jean,Par - 40degrs devant Moscou, op. cit., page 76.2Saint-Loup,Les Volontaires, op. cit., page 44.3Signal, 2 fvrier 1942, page 14.4 SHD 2 P 14.Rapport du lieutenant Ourdan, page 17.5Saint-Loup,Les Partisans, op. cit., page 24. Voir aussiamouroux Henri,La Grande Histoire des

    Franais sous lOccupation, tome 3,Les beaux jours des collabos, op. cit., page 301.6 Les volontaires franais, comme les soldats allemands, ne possdent pas duniformes dhiver. VoirLarfoux Charles, Carnet de campagne, op. cit., page 24.

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    En vingt-quatre heures, le moral des deux bataillons tomba, avec le thermom-tre, 10 C au-dessous de zro 1.

    Le problme est aggrav par le fait que les lgionnaires, dont la majorit est citadine,ne savent pas soigner les chevaux. Ainsi, les btes puises, sans ferrage glace, subis-sent de trs lourdes pertes 2 :

    part quelques paysans en rupture de ferme, des sous-ofciers de carrire com-me Serge Marco, les volontaires ne savaient pas soigner les btes. Et les chevaux neragissaient pas au cri de "Vive Doriot !". ltape du soir, ils erraient dans les villa-ges, arrachant belles dents le chaume gel des toits 3.

    Cette mconnaissance ne cessa de causer un problme permanent aux Franais pen-dant toute la priode de leur dploiement sur le front de lEst 4.

    La progression du Ier bataillon est tellement lente et puisante pour des hommes malprpars et mal quips que lunit est oblige de faire halte ds le 9 novembre, soit aprsseulement trois jours de marche. Mme ce repos forc cause des problmes aux lgion-naires cantonns dans les maisons des paysans russes : un de ces abris brle et une sectioncomplte perd son quipement dans lincendie. Des accidents similaires se renouvellent plusieurs reprises au cours de la progression de la Lgion 5. Ces vnements font penserque ltat physique et moral des lgionnaires laissaient dsirer avant mme le dbut desoprations.

    Lintendance est aussi la peine. Dans la mesure o les premiers lments du II

    e

    bataillon ont quitt Smolensk le 9 novembre et les derniers le 11, les units de la Lgionforment une immense colonne, allonge sur plusieurs dizaines de kilomtres, dont leravitaillement est impossible dans des conditions climatiques et de circulation difciles.

    cause de la malnutrition et des nuits passes dans les isbas de paysans, les lgionnairessouffrent dattaques de poux et de diarrhes 6. Les dfauts de lorganisation sont tellementimportants quune colonne du IIe bataillon, cone au chef de bataillon Jean Hugla, prendune mauvaise direction et perd de nombreux chevaux au cours dune marche nocturne.Cette faute cote cher au vieil ofcier g de soixante et un ans qui doit rdiger sur le

    champ sa lettre de dmission et rentrer en France 7.

    Aprs plus dune semaine de marche, la Lgion est harasse par les difcults clima-tiques, le manque dquipement appropri et de ravitaillement convenable. Lide mmeque le rgiment franais puisse rejoindre le front est mise en doute. La 7 e division din-fanterie bavaroise, informe de la situation par son ofcier de liaison, envoie un convoi

    constitu de cinquante-huit camions et de dix autocars le 17 novembre pour transporter

    1Saint-Loup,Les Volontaires, op. cit., page 45.2 SHD 2 P 14.Rapport du lieutenant Ourdan, page 15.3Saint-Loup,Les Volontaires, op. cit., page 44.4 BAMA RH 26-221/39.Rapport du 5 dcembre 1942, page 9.5DeLarue Jacques, Tracs et crimes sous lOccupation, op. cit., page 185. Voir aussi Lefvre ric,mabire Jean,Par - 40 degrs devant Moscou, op. cit., page 89.6 Larfoux Charles, Carnet de campagne, op. cit., pp. 25-26.7 BAMA RH 53-23/50. pp. 20-21.

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    les volontaires franais 1. Le Ier bataillon avec la compagnie dtat-major rgimentaire etles compagnies dappui arrivent Nowo-Michailowskoje, le futur poste de commande-

    ment de la Lgion, le 18 novembre. Les derniers lments du IIe

    bataillon, avec un retardimportant, narrivent que le 24 novembre. Mais la capacit des vhicules ne permet quele transport des hommes, de leurs armes et quipements personnels. Tous les vhiculeshippomobiles, avec leurs soldats, sont obligs de poursuivre leur route et narrivent qula n du mois de novembre 2 :

    Les hommes doivent, en outre, abandonner tout leur quipement et leurs affai-res personnelles. Tous ce matriel suivra plus tard, dans des camions qui passerontpeut-tre ou sur des traneaux quon rquisitionnera sans doute. Les hommes vontau combat porteurs de leur armement individuel, de quelques cartouches et de leurscouvertures... [] le Franais, plus guerrier que soldat, a cr un type de combattantinconnu dans larme allemande : le hros aux mains vides 3.

    En premire ligne.

    partir du 19 novembre 1941, la Lgion, 638e rgiment dinfanterie de la Wehrmacht,intgre ofciellement la 7e division dinfanterie. Lunit bavaroise qui participe aux op-rations depuis le premier jour de la campagne, ayant subit des pertes sensibles (plus dequatre mille morts, blesss et disparus), accueille chaleureusement les volontaires fran-ais. Le commandant de la division, le gnral von Gablenz, fournit tous les moyens

    ncessaires pour pouvoir dployer le rgiment franais le plus tt possible. Il envoie desvhicules hippomobiles et des chevaux pour remplacer ceux perdus ou retards, il donnedes moyens de transmission et organise linstruction supplmentaire des hommes descompagnies de canons dinfanterie et de chasseurs de chars par un personnel allemandpartiellement francophone 4. Les besoins sont importants car la Lgion a perdu plus dequatre cents chevaux entre Smolensk et la ligne de front 5.

    Le Ier bataillon occupe le 24 novembre des postes de combat en premire ligne 6, enface du village de Djukovo, qui se trouve seulement une soixantaine de kilomtres deMoscou, entre les 19e et 61e rgiments de la division allemande 7. Le poste de comman-

    dement rgimentaire sinstalle dans le village de Golowkowo, tandis que le PC du Ier

    1Larfoux Charles, Carnet de campagne, op. cit., page 37.2Dupont Pierre Henri,Au temps des choix hroques, op. cit., page 108. Voir aussi Lefvre ric,mabire Jean,Par - 40 degrs devant Moscou, op. cit., page 116.3Saint-Loup,Les Partisans, op. cit., page 30.4Lefvre ric, mabire Jean,Par - 40 degrs devant Moscou, op. cit., pp. 130-131, 138.5DeLarue Jacques, Tracs et crimes sous lOccupation, op. cit., page, page 1856 Les Franais relvent le Ier bataillon du 61e rgiment et le IIIebataillon du 19e rgiment. Pendantcette opration, ils rencontrent le gnral von Kluge, commandant en chef de la 4 e arme alleman-de. Rendant visite plusieurs units sur le front, il passe galement en revue la Lgion franaise.VoirLefvre ric, mabire Jean,Par - 40 degrs devant Moscou, op. cit., pp. 144-146.7 BAMA RS 3-33/3, page 12.

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    bataillon prend position Wygljadowka 1. Cette opration est facilite par le fait que lesFranais peuvent occuper les abris bien construits par les Bavarois rcemment relevs 2.

    Ltat gnral des soldats est mauvais, car les difcults subies pendant la marche les

    ont prouvs (leffort physique, le froid, les diarrhes). Leur moral est min par un ravi-

    1Larfoux Charles, Carnet de campagne, op. cit., pp. 49-50.2Lefvre ric, mabire Jean,Par - 40 degrs devant Moscou, op. cit., pp. 157-159.

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    Ville, village. PC du 1er bataillon de la LVF.

    Fort, bois. PC de compagnie.

    Route. Positions sovitiques.

    Fleuve, rivire. Positions des units franaises.

    Bassin de retenue. Positions allemandes.

    Positions du 1er bataillon de la LVF

    24 - 30 novembre 1941

    Djukovo

    Droitsrservs-

    AlexandrePrtot

    Nara

    Kilomtre0 1

    Djukovo

    Nara

    Bol

    Semenutschi

    Wygljadowka

    32e division sovitique

    de fusiliers

    113e rgiment sovitique

    d'infanterieIII/61 rgiment allemand

    d'infanterie

    I/638 rgiment allemand

    d'infanterie (LVF)

    11

    11

    11

    11

    22

    33

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    taillement dcient en premire ligne. Le harclement continu de lartillerie sovitique,

    et cela ds le premier jour, vient achever le tableau 1 :

    Nous souffrons terriblement du froid et du manque de sommeil. La nourritureest toujours insufsante, nous avons faim et soif ; des hommes font fondre de la neige

    pour se dsaltrer. Nos sacs contenant nos objets de toilette devaient nous tre portsen ligne et nous ne voyons toujours rien venir. Nous sommes sales, barbus, et les pouxcommencent nous faire souffrir malgr le froid 2.

    Les premiers jours passent sans vnement majeur, except la reddition de trois soldatssovitiques qui se sont deux-mmes prsents devant les postes franais 3. Le premieraccrochage direct a lieu le 27 novembre quand des patrouilles sovitiques lancent unereconnaissance de force contre les positions de la 1re compagnie. Laction est nalement

    repousse, mais non sans peine ; le commandant Leclercq4

    ayant mme envisag lva-cuation de la position. Ce comportement lui vaut dtre relev de son poste et remplacpar le commandant Planard de Villeneuve 5.

    Ltat-major du rgiment franais est inform que son Ier bataillon va prendre part lattaque gnrale des VIIe et XXe corps darme du 28 novembre dont lobjectif est doc-cuper les villages de Djukovo et dAsakowo, tenus par les 82e, 32e et 222e divisions defusiliers sovitiques 6. Lopration, ajourne plusieurs fois, est nalement xe au 1er d-cembre. Lattaque doit tre lance le plus tt possible parce que les conditions climatiquessont extrmement difciles. Leffectif combattant des compagnies bavaroises a beaucoup

    diminu. Ses trois rgiments comptent respectivement quatre-vingt-dix, quatre-vingt-huitet cinquante-quatre hommes ; tandis que les compagnies franaises comptent environcent lgionnaires chacune. Leffectif de la Lgion au front est de mille trois cent soixante-six hommes auxquels il faut ajouter les lments rests avec le train (approximativementcinq six cents hommes) 7. Nanmoins, leffectif initial tait de deux mille quatre centcinquante-deux hommes (cent quatre-vingt-un ofciers, deux mille deux cent soixante et

    onze sous-ofciers et hommes de troupe) 8. Si lon considre ces chiffres valables, il fautsupposer quun demi-millier dhommes manquent au tableau deffectif avant mme ledbut des oprations. Il y a deux explications possibles cette diffrence. Dune part, ilest possible que les rapports donnent uniquement les chiffres globaux, comprenant ga-

    lement les hommes rests au camp dentranement. Dautre part, ces cinq cents hommes

    1Larfoux Charles, Carnet de campagne, op. cit., pp. 49-50.2Saint-Loup,Les Partisans, op. cit., page 31.3Larfoux Charles, Carnet de campagne, op. cit., page 51.4 Rcemment promu par le colonel Labonne.5 Il nest par certain que le comportement de Leclercq soit la cause relle de son relvement, carlattaque est repousse sans perte. On peut supposer que le commandant a particip la conspi-ration dcouverte plus tt et que le colonel trouve ici le prtexte pour liminer son subordonnindisciplin. BAMA RH 53-23/50, page 21.6 forczyk Robert, Moscow 1941. Hitlers rst defeat, Osprey Publishing Ltd., Oxford, 2006,

    page 76.7Lefvre ric, mabire Jean,Par - 40 degrs devant Moscou, op. cit., pp. 184-185.8 BAMA RS 3-33/3, page 9.

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    manquants peuvent tre malades, blesss et disparus cause des difcults climatiques

    subies pendant le mois novembre. Dans ce cas-l, il apparat que la Lgion aurait perdu

    vingt pour cent de son effectif avant mme de rencontrer lennemi !En face des Franais, cest la 32e division sovitique qui occupe des positions dfen-

    sives avec ses 113e et 1310e rgiments installs au-del dun petit lac gel. Cette unitfait partie des dix-huit divisions sibriennes transportes lOuest lautomne pour par-ticiper la dfense de Moscou. La division est bien instruite et bien quipe, mais soneffectif est rduit cause des combats dfensifs livrs auparavant 1. On peut supposer quele moral des soldats nest pas vaillant, car de petits groupes de dserteurs se rendent auxFranais plusieurs reprises.

    La division bavaroise doit participer une opration offensive importante pour main-

    tenir la pression sur les lignes sovitiques et pour raliser une progression limite en oc-cupant le village de Djukovo o elle doit prendre des positions dfensives. Le Ierbataillondoit participer lattaque lance par le 61e rgiment dinfanterie sur son anc gaucheavec lappui des units divisionnaires dartillerie et antichars 2. Au sein du Ier bataillon,ce sont les 1re et 2e compagnies qui sont dsignes pour attaquer les positions sovitiquesavec lappui des sections de mitrailleuses et de mortiers, tandis que la 3e compagnie resteen rserve pour soutenir lopration en cas de ncessit 3. Le IIe bataillon nintgre pas cedispositif car il vient tout juste de sinstaller dans les villages de Nikolajewka et dAn-drejewka sans aucun moyen de transport. Ce nest que le 30 novembre que le comman-dement allemand assure la mobilit du bataillon avec le prt de cinquante-cinq chevaux

    et de vingt-deux voitures hippomobiles, provenant de la 197e division, an de remplacerceux de la Lgion qui ne sont toujours pas arrivs sur place 4.

    Une lettre de Ptain, date du 5 novembre, est crite lattention des volontaires de laLVF en rponse la lettre du colonel Labonne, adresse au Marchal le 26 octobre 5. Lemessage du colonel commence par ces phrases :

    Au moment de marcher lennemi, la Lgion franaise se tourne respectueu-sement vers son grand et vnr chef, monsieur le Marchal Ptain et lui demandede bien vouloir accueillir son salut conant. Elle le remercie du fond du cur de

    lapprobation chaleureuse quil a bien voulu lui donner de prendre part la croisadeantibolchevique si conforme aux traditions les plus chres de la France 6.

    1 Le gnral Joukov qui est responsable de la dfense de la capitale sovitique reoit des renfortsimportants pendant lautomne. Il obtient trente-deux divisions de fusiliers, dix-sept brigades defusiliers, vingt-trois units blindes, quinze divisions de cavalerie, cinq divisions de milice, unedivision aroporte et onze bataillons de ski dont une partie importante arrive directement de Si-

    brie. Ces dernires sont bien instruites et possdent un armement moderne. VoirforczykRobert,Moscow 1941, op. cit., page 67.2Lefvre ric, mabire Jean,Par - 40 degrs devant Moscou, op. cit., pp. 195-196.3 BAMA RS 3-33/3, page 12.4 Lefvre ric, mabire Jean,Par - 40 degrs devant Moscou, op. cit., pp. 217-219.5 BAMA RH 53-23/49, page 73.6JoSeph Gilbert,Fernand de Brinon, laristocrate de la collaboration, op. cit., page 346.

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    Son contenu est diffus au sein de la Lgion par le colonel Labonne juste avant latta-que an de remonter le moral des lgionnaires 1. Cest la premire fois que les volontaires

    peuvent revendiquer ouvertement leur qualit de combattants franais. Les mots du Ma-rchal sont clairs :

    Je suis heureux de savoir que vous noubliez pas que vous dtenez une part denotre honneur militaire 2.

    En consquence, les lgionnaires se prparent pour loffensive comme les dignes etlgitimes successeurs des armes impriales franaises ayant auparavant lutt en Russie.

    Lattaque du 1er dcembre.

    Lopration de la Lgion est ralise dans le cadre de loffensive gnrale de la 4e ar-me allemande qui dploie ses VIIe, XXe corps et son LVIIe corps motoris pour atteindreles objectifs dsigns par le haut commandement allemand. Le tempo de lattaque desvolontaires franais dpend directement des rsultats atteints par les units voisines. Dufait de la lenteur des progrs de celles-ci, lheure de lattaque est repousse plusieursreprises. Les Franais entrent nalement en action treize heures 3.

    Les conditions climatiques sont extrmement svres : - 41 C pendant la nuit et- 22 C au moment o lattaque est dclenche, en dbut daprs-midi 4. La premirevague dassaut est constitue par la 1re compagnie (lieutenant Jean Genest) de cent vingt-

    deux hommes y compris une section de mitrailleuses (quatre pices) et un groupe demortiers (deux mortiers).5 La 2e compagnie (lieutenant Jean Dupont) avec le mmeappui de mitrailleuses et de mortiers suit et soutient la 1re un peu plus tard. La premirevague subit de lourdes pertes sous le feu des armes automatiques sovitiques dans leszones dcouvertes et son avance est bloque 6. Saint-Loup dcrit ainsi la situation de lacompagnie :

    Des hommes sengloutissent dans les trous que la neige camoue. Ils en res-sortent givrs, dguiss en soldats pour conte de Nol. La fort qui dessine un arc decercle au-devant deux semble offrir une protection plus rapproche la compagnie

    Jeunet [NDA : pseudonyme] engage dans le sud du dispositif. Elle atteint dj deslisires alors que la premire reste engage au centre de lespace dcouvert, millemtres environ de ses positions de dpart.

    Brusquement la ligne sombre se met briller avec lclat dun croissant de lune.Mille paillettes dor se forment sous les ramures des sapins, puis sen dtachent et des

    1 nogureS Louis,Le vritable procs du Marchal Ptain, Fayard, Paris, 1955, page 357.2Le Cri du Peuple du 5 novembre 1941. Voir en n de volume le texte complet de la lettre de Ptain(annexe n5)3 BAMA N 756/201.Kristall : Kampf um die Autobahn, page 1. Voir aussi forczykRobert,Mos-cow 1941, op. cit., page 76.4 BAMA RS 3-33/3, page 12.5Lefvre ric, mabire Jean, Par - 40 degrs devant Moscou, op. cit., page 236.6 BAMA RS 3-33/3, page 12.

    La collaboration militaire franaise dans la Seconde Guerre mondiale

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