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N° 273 • juin-juillet 2020 SOMMAIRE pages ÉDITO – Sidération, infaillibilités et temporalités : demain est un autre jour ! 1 et 3 PENSEZ À VOUS INSCRIRE 2 LES GRANDS ENJEUX – Au sortir de la phase aiguë de l’épidémie 4 ACTUALITÉS PROFESSIONNELLES – CMPP en Nouvelle-Aquitaine : cahier des charges de l’ARS en vue d’une « évolution de l’offre » 5 à 8 COLLOQUE 25 septembre 2020, à Paris – L’intelligence artificielle : enjeux et perspectives 9-10 ON EN PARLE – Secret médical des données des Français, un risque majeur de rupture. Où sont stockées et traitées les données ? 11-12 HISTOIRE – Un si long confinement... 13-14 LA PAROLE AUX JEUNES PSYCHIATRES 14-15 COLLOQUE 20 novembre 2020, à Paris – Quel dialogue entre la phénoménologie, la psychanalyse et la psychiatrie ? 16-17 RELIRE – L’utilité de l’inutile 18-19 LIVRES EN IMPRESSIONS – Régressions 20-21 PENSER À ACQUÉRIR 21 PETITES ANNONCES 22 LES CHEMINS DE LA CONNAISSANCE – Formations, réunions et colloques 22-23 PRIX « INITIATIVE LIBÉRALE » CPNLF – Appel à candidature 2020 24 L ’épuisante lutte contre la Covid a limité la casse grâce au dévouement prodigieux et aux prises de risque des soignants hospitaliers ou libéraux de premier recours. À la sortie du laminoir de masse et de son collapsus, le déconfinement partiel, aux rétentions limitant l’exaltation libératoire, dévoile l’après-coup de la puissance de l’asservissement : symptômes erratiques, burn-out, retours de l’hystérie, mais aussi résurrections post-mélancoliques ou inerties figées dans des nécessités prudentielles contrariant la réappropriation subjective. En alternative à la reprise, l’annonce d’une réitération : tsunami économique et social d’une autre temporalité, incertitude du futur entre radeau de la méduse et fureur de reconstruction. Le pire est des plus incertain ! Autant de conséquences d’une sidération insidieuse que Marcel GAUCHET attribue (1) à la perception citoyenne de la mise en défaut de la croyance en l’infaillibilité de l’État. A fortiori lorsqu’elle implique la réputation de son système de santé au sauvetage peu assuré par la cure d’un Ségur. Sidération : son étymologie nous demande vers quels astres nous tourner. Avec quels sextants ? Controverse, nous dit-on. Car le doute est permis devant tant d’arguments enchevêtrés dans des rationalités complémentaires mais figées par la bipolarisation médiatique d’objets totalement différents. Qu’importe : du faillible à la faute : chasse aux sorcières. Dessous des cartes : la précocité des tests et les conflits d’intérêts avec l’industrie du médicament ou/et du big data jusqu’à faire vaciller l’auguste Lancet empêtré dans la falsification. En fait deux méthodes de soins précoces. D’une part, avec l’appui du Haut Conseil de santé publique dans une prudence sécuritaire à l’affut de la judiciarisation, l’EBM (2) , abstentionniste, avec son primat de la recherche statistique de la preuve par essais en double aveugle malgré leurs longs délais, l’urgence, le risque vital et l’indisponibilité de tests précoces. Ce n’est pas son heure, point de perte de chance. Bien au contraire, effets secondaires en guise d’épouvantail et décret à la compassion dangereuse, limitant le droit de prescription des libéraux (3) . Intervention régalienne contrastant avec la fédération allemande et son respect des libertés individuelles (4) . (1) 24h PUJADAS du mercredi 27/05/20. LCI. (2) Evidence-Based Medicine : médecine fondée sur des données probantes. (3) On lira avec intérêt : « Covid-19 : rapport d’étude rétrospective clinique et thérapeutique » du Collectif « Laissons les médecins prescrire » du 30/04/2020, accessible sur le net. (4) Sur les différences de traitement de la crise sanitaire : Thomas Wieder : Macron en chef, Merkel en arbitre : pourquoi la France et l’Allemagne ont abordé la crise sanitaire de façon opposée. lemonde. fr/idées/article/2020/05/29/France Allemagne deux démocraties à l’épreuve de la pandémie. François KAMMERER SIDÉRATION, INFAILLIBILITÉS ET TEMPORALITÉS : DEMAIN EST UN AUTRE JOUR ! La Lettre LA LETTRE DU SYNDICAT DES PSYCHIATRES FRANÇAIS ET DE L’ASSOCIATION FRANÇAISE DE PSYCHIATRIE de P sychiatrie F rançaise

La Lettre de F Psychiatrie LA LETTRE DU SYNDICAT DES ... · mémoire la recommandation du Cardinal de Richelieu : « on ne doit pas tout craindre mais on doit tout préparer ». AU

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20

S O M M A I R E pages

ÉDITO– Sidération, infaillibilités et temporalités :

demain est un autre jour !

1 et 3

PENSEZ À VOUS INSCRIRE 2

LES GRANDS ENJEUX– Au sortir de la phase aiguë de l’épidémie

4

ACTUALITÉS PROFESSIONNELLES– CMPP en Nouvelle-Aquitaine :

cahier des charges de l’ARS en vue d’une « évolution de l’offre »

5 à 8

COLLOQUE25 septembre 2020, à Paris– L’intelligence artificielle :

enjeux et perspectives

9-10

ON EN PARLE– Secret médical des données des Français,

un risque majeur de rupture. Où sont stockées et traitées les données ?

11-12

HISTOIRE– Un si long confinement...

13-14

LA PAROLE AUX JEUNES PSYCHIATRES 14-15

COLLOQUE20 novembre 2020, à Paris

– Quel dialogue entre la phénoménologie,

la psychanalyse et la psychiatrie ?

16-17

RELIRE– L’utilité de l’inutile

18-19

LIVRES EN IMPRESSIONS– Régressions

20-21

PENSER À ACQUÉRIR 21

PETITES ANNONCES 22

LES CHEMINS DE LA CONNAISSANCE– Formations, réunions et colloques

22-23

PRIX « INITIATIVE LIBÉRALE » CPNLF – Appel à candidature 2020

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L ’épuisante lutte contre la Covid a limité la casse grâce au dévouement prodigieux et aux prises de

risque des soignants hospitaliers ou libéraux de premier recours.

À la sortie du laminoir de masse et de son collapsus, le déconfinement partiel, aux rétentions limitant l’exaltation libératoire, dévoile l’après-coup de la puissance de l’asservissement : symptômes erratiques, burn-out, retours de l’hystérie, mais aussi résurrections post-mélancoliques ou inerties figées dans des nécessités prudentielles contrariant la réappropriation subjective. En alternative à la reprise, l’annonce d’une réitération : tsunami économique et social d’une autre temporalité, incertitude du futur entre radeau de la méduse et fureur de reconstruction. Le pire est des plus incertain !

Autant de conséquences d’une sidération insidieuse que Marcel GAUCHET attribue(1) à la perception citoyenne de la mise en défaut de la croyance en l’infaillibilité de l’État. A fortiori lorsqu’elle implique la réputation de son système de santé au sauvetage peu assuré par la cure d’un Ségur. Sidération : son étymologie nous demande vers quels astres nous tourner. Avec quels sextants ?

Controverse, nous dit-on. Car le doute est permis devant tant d’arguments enchevêtrés dans des rationalités complémentaires mais figées par la bipolarisation médiatique d’objets totalement différents. Qu’importe : du faillible à la faute : chasse aux sorcières. Dessous des cartes : la précocité des tests et les conflits d’intérêts avec l’industrie du médicament ou/et du big data jusqu’à faire vaciller l’auguste Lancet empêtré dans la falsification. En fait deux méthodes de soins précoces.

D’une part, avec l’appui du Haut Conseil de santé publique dans une prudence sécuritaire à l’affut de la judiciarisation, l’EBM(2), abstentionniste, avec son primat de la recherche statistique de la preuve par essais en double aveugle malgré leurs longs délais, l’urgence, le risque vital et l’indisponibilité de tests précoces. Ce n’est pas son heure, point de perte de chance. Bien au contraire, effets secondaires en guise d’épouvantail et décret à la compassion dangereuse, limitant le droit de prescription des libéraux(3). Intervention régalienne contrastant avec la fédération allemande et son respect des libertés individuelles(4).

(1) 24h PUJADAS du mercredi 27/05/20. LCI.(2) Evidence-Based Medicine : médecine fondée sur des données probantes. (3) On lira avec intérêt : « Covid-19 : rapport d’étude rétrospective clinique et thérapeutique »

du Collectif « Laissons les médecins prescrire » du 30/04/2020, accessible sur le net.(4) Sur les différences de traitement de la crise sanitaire : Thomas Wieder : Macron en chef, Merkel en

arbitre : pourquoi la France et l’Allemagne ont abordé la crise sanitaire de façon opposée. lemonde.fr/idées/article/2020/05/29/France Allemagne deux démocraties à l’épreuve de la pandémie.

François KAMMERER

SIDÉRATION, INFAILLIBILITÉS ET TEMPORALITÉS : DEMAIN EST UN AUTRE JOUR !

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LA LETTRE DU SYNDICAT DES PSYCHIATRES FRANÇAIS ET DE L’ASSOCIATION FRANÇAISE DE PSYCHIATRIE

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PENSEZ À VOUS INSCRIRE AUX COLLOQUES

– du 25 septembre 2020, à Paris

L’intelligence artificielle : enjeux et perspectivesInformations, pages 9 et 10

– du 20 novembre 2020, à Paris

Quel dialogue entre la phénoménologie, la psychanalyse et la psychiatrie ?

Informations, pages 16 et 17

* * *

L’Association Française de Psychiatrievous informe :

➢ qu’elle organisera, le 11 décembre 2020, à Paris un colloque :

Quels changements pour les PTSM après la Covid-19 ?

(programme dans le prochain numéro de La Lettre de Psychiatrie Française)

➢ qu’en raison de la pandémie nos Huitièmes Rencontres de Suze-la-Rousse sur :

Le corps dans tous ses états

sont reportées aux 2 et 3 juillet 2021 au même endroit

Renseignements et informations sur notre site internet : https://psychiatrie-francaise.com/

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D’autre part, dans une dynamique de l’action avec le primat du soin, les tenants de la médecine expérimentale et de sa clinique observationnelle classique : l’IHU Méditerranée(5) dirigée par Didier RAOULT et son triptyque constitué d’un diagnostic clinique, de tests précoces grâce à leur disponibilité inégalée(6) et la préscience d’une thérapeutique immédiate par prescriptions et isolement ciblés. Assuré de la légitimité de la connaissance, il a créé un effet temporel porteur (placebo pour ses opposants mais certainement médical), permettant à certains, devant l’incertitude, un pari quasi pascalien. Avec son coup d’avance et sa progression dans la légitimité de l’opinion, l’IHU a le privilège final de ses chiffres (patients traités : 0,5 % de mortalité) que ses détracteurs attribuent à l’évolution naturelle (mais qu’en serait-il alors de la France « d’en haut » ?).

À ce jour, et pour la seule pharmacologie : match nul avantage RAOULT. Un point de consensus : du dissensus naît le vrai.

Questions subsidiaires : quelle pondération, en début de contamination et dans chaque camp, entre intérêt général et intérêt particulier(7) ? Rôle viral dans la vitesse des formidables productions d’insu (inconscient compris) et de sa conquête ?

Alors qu’aucun soin ne se conçoit sans crédibilité ni intervalles de confiance, cette discorde ne peut que nous interpeller sur la place de la médecine de la personne,

(5) Institut hospitalier universitaire Méditerranée. À ce jour, 16 publications Covid consultables sur son site.

(6) Notamment obtenue (outre les donateurs de matériels de protection et l’efficacité de l’intendance) grâce à l’aide de l’ensemble marseillais des laboratoires universitaires hospitaliers et vétérinaires que l’application d’un ancien décret a empêché dans la « France d’en haut ».

(7) À propos des conflits d’intérêts et du placebo voir Bruno Falissard « Soigner le Malade ou la maladie ? », Le Monde diplomatique, juin 2014, page 28. (Il n’y est bien sûr pas question de covid.)

l’évolution de la clinique et de ses catégories au regard des procédures et des recommandations de consensus. Mais également via les limites de l’EBM et de son enseignement avec ses effets subjectifs sur les croyances des praticiens et des patients tout comme leur réification par l’utilisation incontrôlée du big data.

Si l’évidence peut nous crever les yeux, rappelons cette observation de triple cécité : ayant aveuglé le géant dans sa nuit, c’est dans l’urgence et pour sauver sa peau, masqué par les moutons et sous le pseudonyme de Personne, qu’Ulysse échappa au Cyclope. Plus sérieusement on relira avec bonheur François DAGOGNET : « Si les faux remèdes ont étés tenus pour vrais et susceptibles de recevoir un culte, on peut se demander si certains de nos principes à leur tour ne sont pas des faux ou des placebos ou seulement des demi-vrais »(8).

Mais pour l’heure et pour nous, laissons la conclusion, traumatismes compris, à George CANGUILHEM à propos de l’intuition observationnelle d’Antoine MARFAN, de l’erreur de Robert KOCH et du passage de la physiologie ignorante à la physiologie savante : « Aujourd’hui une pathologie objective procède de la physiologie, mais hier la physiologie a procédé d’une pathologie qu’il faut dire subjective, et par là imprudente certainement, mais certainement audacieuse et par là progressive. Toute pathologie est subjective au regard de demain. Est-ce seulement au regard de demain que la pathologie est subjective ? En ce sens, toute science objective par sa méthode et son objet est subjective au regard de demain, puisque, à moins de la supposer achevée, bien des vérités d’aujourd’hui deviendront les erreurs de la veille »(9).

Le 09/06/2020

(8) François Dagognet : La raison et les remèdes, PUF, 1984, page 72.(9) Georges Canguilhem : Le normal et le pathologique, Quadrige/PUF,

avril 1991, page 142.

À RETENIR DANS VOTRE AGENDA

Les Assemblées Générales de l’Association Française de Psychiatrie et

du Syndicat des Psychiatres Français sont reportées

au samedi 4 juillet 2020

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le directeur de l’École des hautes études en santé publique prend le chemin de Canossa et parle de « fossé entre soignants et équipe de direction » in le Télégramme du 7 juin 2020).

Cette période a mis en exergue la capacité des équipes de psychiatrie à se réorganiser très rapidement et efficacement dans l’intérêt des patients. Les chiffres en attestent prouvant à ceux qui en doutaient que la psychiatrie reste vivante, vive, vivace.

Dans un processus sanitaire, dans bien des hôpitaux, la décision a été prise d’accueillir un malade par chambre et, de ce fait, de disposer de moins de lits, ce qui a eu pour conséquence d’amplifier les prises en charge alternatives à l’hospitalisation et d’inventer de nouvelles pratiques qu’il nous faudra, me semble-t-il, enrichir encore.

Dans les services, le fait épidémique a généré un climat particulier, alimenté peut-être par nos inquiétudes (aussi bien de soignés que de soignants) mais la réflexion a été étayé par les principes de la psychothérapie institutionnelle qui a une fois encore montré ses grandes capacités à favoriser les échanges et la pensée.

Cette expérience humaine et professionnelle nous a aussi amenés à des questionnements éthiques, la Loi d’urgence sanitaire autorisant un certain nombre de décisions altérant la liberté d’aller et venir, plus encore que lors des deux guerres mondiales durant lesquelles le couvre-feu était limité dans le temps. Le philosophe Giorgio Agamben nous interroge à ce propos (in : https://www.quodlibet.it/david-cayley-questions-about-the-current-pandemic-from-the-point). Un autre philosophe, Charles Pépin, nous apporte à l’occasion de ce moment si particulier, une forme de réassurance en nous invitant à apprivoiser et aimer l’incertitude (« La confiance en soi », Allary, 2018).

Dans cette période extraordinaire, les humanités nous sont un soutien et m’est souvent revenue à la mémoire la recommandation du Cardinal de Richelieu : « on ne doit pas tout craindre mais on doit tout préparer ».

AU SORTIR DE LA PHASE AIGUË DE L’ÉPIDÉMIE

L E S G R A N D S E N J E U X

A u moment où nous sortons de l’épreuve aiguë de

l’épidémie, nous constatons pour beaucoup que cette période nous amène à en tirer quelques enseignements.

Voilà peu, certains annonçaient une véritable hécatombe dans les services de psychiatrie et d’aucuns allaient dans leurs sinistres prédictions jusqu’à évoquer la tragique époque de l’occupation ennemie durant la seconde guerre mondiale. Il n’en a rien été grâce aux dispositions prises et sans doute aussi au riche potentiel de la vie institutionnelle.

Un premier point m’apparaît évident : c’est au plus près du terrain qu’ont été prises les décisions qui se sont avérées efficaces. Ce moment a été l’occasion de rapprochements entre médecins, directeurs et cadres infirmiers pour des échanges pragmatiques et décisions dans l’intérêt des patients et des institutions. C’est un point important qui questionne l’organisation actuelle de l’administration des soins. Dans bien des régions en effet nous avons constaté l’inadéquation des ARS mais aussi de l’administration centrale qui les contrôle. Faites pour réduire les coûts et le nombre de lits ainsi que pour promouvoir le dogme de l’hôpital-entreprise si cher à l’École des hautes études en santé publique de Rennes, les ARS nous sont apparues inadaptées pour faire face à une crise telle que l’actuelle épidémie. Nous étions tous sidérés par ces fiches et autres recommandations qui nous arrivaient avec des semaines de retard par rapport à la réalité du processus épidémique, tous documents émanant d’une administration essoufflée dans sa tentative de rattraper sans y parvenir la réalité.

Si certains en doutaient, cette période a mis en évidence l’idéologie inadaptée de cette EHESP qui promeut une vision essentiellement comptable de la santé. Dans un rapport de janvier 2019 sur les difficultés de l’hôpital public, l’Académie de médecine a désigné « la bureaucratie normative de la clinique » qui « a fait oublier le malade et le rôle du professionnel de la santé ». L ’échec de cette orientation apparaît au grand jour au moment de cette épidémie, au point que

Jean-Yves COZIC

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– en « plateformes de services délivrant des prestations directes » pour les enfants scolarisés qui devront être davantage pris en charge par les RASED ;

– en « plateformes de ressources médico-sociales » pour les enfants dont les troubles neuro-développementaux plus sévères et persistants, donnant lieu à une compensation individuelle des conséquences du handicap.

Ils ont également vocation à être une composante des « plateformes d’orientation et de coordination dans le cadre du parcours de bilans et d’intervention précoces des TND » instaurées dans le cadre de la mise en œuvre du dernier Plan autisme. À ces tâches s’ajoute la mise à disposition de l’Éducation nationale d’actions à visée éducative, de soutien aux enseignants et de coordination « hors les murs » de l’établissement médico-social, supposant la constitution d’équipes mobiles(2) intervenant sur le lieu de scolarisation.

Si l’on considère l’absence de moyens humains mis à disposition, l’absence de consensus ou de recommandation aboutie sur les modalités de

de la mise à la disposition des jeunes et de leurs parents d’organismes spécialisés animés par un personnel particulièrement informé des troubles de l’enfance et de l’adolescence. Tel est l’objet des centres médico-psycho-pédagogiques dont l’activité est double : au dépistage des troubles assurés par les centres, comme par les dispensaires d’hygiène mentale, s’ajoute la mise en œuvre de soins et de traitements appropriés. Des centres de cette nature fonctionnent depuis plusieurs années dans maintes régions de la France et leur utilité ainsi que la spécificité de leur vocation s’affirment toujours davantage.

Elle apporte par ailleurs des précisions sur les dispositions de l’annexe XXXII, en particulier, la définition du médecin-directeur qui « s’entend du médecin chef qui participe effectivement à toute l’activité et à toutes les responsabilités techniques, et qui notamment dirige l’ensemble du personnel ».

(2) Voir la circulaire du 14 juin 2019 : Une expérimentation doit être mise en œuvre pour l’année 2019/2020.

« Les premiers éléments d’évaluation seront sollicités pour le 1er décembre 2019 et pour une deuxième vague au 1er février 2020, afin de commencer à travailler sur le cahier des charges définitif dès le début d’année 2020, pour une mise en œuvre à la rentrée 2020-2021. »

CMPP EN NOUVELLE-AQUITAINE : CAHIER DES CHARGES DE L’ARS EN VUE D’UNE « ÉVOLUTION DE L’OFFRE »

A C T U A L I T É S P R O F E S S I O N N E L L E S

L e cahier des charges relatif à « L ’évolution de l’offre des

CMPP en Nouvelle-Aquitaine » publié par l’ARS en novembre

2019 a suscité colère et inquiétude pour les patients pris en charge et leurs familles, pour les équipes pluridisciplinaires qui œuvrent dans ces structures et, plus généralement par diverses instances professionnelles concernées par la pédopsychiatrie institutionnelle.

Le Syndicat des Psychiatres Français en demande le retrait pur et simple.

Quel est le propos de ce cahier des charges ?

Sur un mode pour le moins autoritaire, le projet de l’ARS de Nouvelle-Aquitaine consiste, sous couvert d’évolution de l’offre, à modifier radicalement l’activité des CMPP en vue d’une pratique « résolument inclusive » dirigée vers le « public cible » des enfants affectés de troubles du neuro-développement au sens de la CIM-10 (TSA, TND et DYS). Les CMPP sont invités à se délester de la patientèle traditionnelle des enfants et adolescents présentant, selon les textes qui régissent ces institutions, des troubles neuro-psychiques, psycho-affectifs et des troubles du comportement(1), pour se transformer :

* Avocat au Barreau de Paris.** Secrétaire Général du SPF.(1) Cf. circulaire de financement de la sécurité sociale n° 35 bis du 16 avril

1964 qui, pour être relative aux modalités de financement des CMPP, rappelle en préambule les missions qui leur sont dévolues :

Le souci de la santé mentale de la population exige la mise en place de dispositifs propres à assurer la prophylaxie, le dépistage, le diagnostic et le traitement de certains troubles neuro-psychiques et troubles du comportement qui compromettent franchement l’adaptation de l’individu au milieu qui l’environne, ou, s’il s’agit d’un enfant, ses chances de bonne insertion dans l’entourage familial, professionnel et social. Le cas des enfants est, en effet, particulier car les difficultés, même bénignes, qu’ils rencontrent sont susceptibles en s’aggravant de provoquer à l’âge adulte des comportements véritablement délictuels ou pathologiques. En outre, l’efficacité du dépistage et du traitement dépend de sa précocité, par conséquent,

Maître Véronique GRAMOND*

David SOFFER**

Le SPF poursuit son engagement dans le dossier Nouvelle-Aquitaine. Une analyse juridique extrêmement détaillée nous autorise à demander le retrait pur et simple de ce cahier des charges [1] : il ne respecte pas le cadre réglementaire des CMPP, il ne respecte pas les indicateurs du PRS de la région Nouvelle-Aquitaine, il s’autorise très partiellement de l’enquête IGAS 2018 sur les CMPP, il est un procès d’intention aux psychiatres exerçant en CMPP. Il est un enjeu pour la profession car il est un précédent pour l’avenir des relations entre soignants et ARS.

[1] https://www.fdcmpp.fr/IMG/pdf/evolution-cmpp.nouvelle_aquitaine.pdf

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coopération avec l’Éducation nationale(3), le flou qui préside aux modalités de contractualisation des actions de coopération/coordination des « plateformes » avec les différents professionnels invités à participer à ce mouvement de transformation, il est possible d’envisager que l’injonction de l’ARS relève d’un « Y A QU’À, FAUT QU’ON » précipité et voué à l’échec.

Et puisque l’on parle d’offre, ne doit-on pas revenir à la demande ?

La demande technocratique tend – il semble difficile d’en douter – à répondre, dans une exclusive incompréhensible, aux visées du dernier Plan autisme. Les références documentaires énoncées en témoignent clairement : arrêté du 16 avril 2019 relatif au contrat type pour les professionnels de santé (non conventionné) mentionnés aux articles L. 4331-1 et L. 4332-1 du CSP et les psychologues(4), circulaire du 22 novembre 2018 relative à la « plateforme d’orientation et de coordination dans le cadre du parcours de bilans et d’interventions précoces TND »(5), jusqu’aux recommandations de bonne pratique citées, auxquelles une compliance « à 100 % » est exigée des professionnels, qui visent quasi exclusivement les troubles du neuro-développement. Enfin, la montée en puissance des CMPP, acteurs de niveau 2 dans le diagnostic précoce des troubles du spectre autistique n’est-il pas une réponse au constat de la saturation des CAMSP (structures de niveau 2) et des CRA auxquels ne doivent plus être réservés que les diagnostics complexes ?

La démarche volontariste du cahier des charges dirigée vers le diagnostic et l’orientation des enfants présentant des troubles TND dont la prise en charge effective est envisagée principalement sous l’angle de l’adaptation pédagogique en milieu ordinaire(6), néglige la demande de prise en charge en santé mentale des

(3) On note sur ce point que l’HAS a lancé en mai 2019, un travail destiné à identifier les outils de bonnes pratiques pour les professionnels – la validation des recommandations était prévue – avant la crise sanitaire – à l’horizon de décembre 2020.

(4) Ce contrat-type doit être conclu par les ARS avec des professionnels libéraux (psychomotriciens, ergothérapeutes et psychologues) pour la mise en œuvre du parcours de bilan et d’intervention précoce pour l’accompagnement des enfants présentant des troubles du neuro-développement. Les évaluations réalisées sont délivrées dans le cadre de prescriptions médicales validées par un médecin de la plateforme. Le professionnel libéral s’engage à respecter les recommandations de bonnes pratiques de la HAS et les principes généraux de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique. À noter que ces professionnels libéraux seront rémunérés par la plateforme.

(5) Cf. circulaire du ministre des Solidarités et de la Santé du 22 novembre 2018.

(6) Le CMPP doit co-élaborer avec les familles un projet global composé d’un axe rééducatif, d’un axe neuro-psychologique s’il y a lieu et d’un axe médical (santé somatique, co-morbidités, bilans neuro-pédiatriques).

enfants et adolescents de la Région Nouvelle-Aquitaine, pourtant soulignée par les productions de son ARS.

Il suffit pour s’en convaincre de revenir au projet régional de santé pour la décennie 2018-2028 qui établit le constat d’un niveau préoccupant de morts violentes par suicide, d’un niveau de consommation de substances psychoactives chez les 17-78 ans plus élevé que sur le reste de la France métropolitaine, d’un niveau d’affections psychiatriques, y compris chez les moins de 10 ans, également plus élevé.

La démographie médicale et para-médicale régionale est insatisfaisante : faible densité de médecins spécialistes, « la pédiatrie, la gynécologie et la psychiatrie sont les disciplines les plus affectées » ; la densité des orthophonistes et ergothérapeutes est également inférieure à la moyenne nationale.

Le cadre d’orientation stratégique a pour objectif de développer et adapter l’offre de santé mentale. Y sont soulignées la nécessité d’amélioration de l’accès au diagnostic et aux soins en santé mentale, celle de la prévention et du traitement des situations de crise et d’urgence, de l’organisation des conditions du maintien à domicile, de la mise en place de parcours de vie inclusif des personnes vivant avec des troubles psychiques. Le schéma régional a également l’ambition de garantir aux adolescents une prise en charge adaptée à leurs besoins.

Pour autant, aucune modification substantielle n’est prévue quant au nombre de sites d’hospitalisation ni d’établissements médico-sociaux autorisés. Ajoutons à cela que l’enquête CREAI à laquelle l’ARS se réfère indique que 5 % des emplois ne sont pas pourvus dans les CMPP de Nouvelle-Aquitaine : 3.6 ETP de pédopsychiatres et 9.4 ETP d’orthophonistes.

De ce point de vue encore, le cahier des charges paraît avoir été constitué « hors sol » et sans égard au principe fondamental de continuité des soins : que vont, en effet, devenir les prises en charge en cours au bénéfice du « public non TND », amplement majoritaire, et en particulier des adolescents, puisqu’il est demandé aux CMPP de « prioriser les plus jeunes » et que les relais extérieurs font défaut ?

Les CMPP de Nouvelle-Aquitaine, contrairement à ce que pourrait laisser penser le cahier des charges, prennent déjà en charge plus de 45 000 jeunes (dont plus de la moitié sont adressés par l’Éducation nationale), le délai moyen entre le premier rendez-vous

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a priori les enfants par troubles ou pathologie compte tenu de la nature évolutive et complexe des diagnostics en santé mentale, notamment chez les enfants et les adolescents. En effet, une répartition des publics devrait pouvoir intervenir en amont de la prise en charge, précisément afin de fluidifier les parcours et de réduire les délais d’attente. Or, l’établissement d’un diagnostic de niveau 2 nécessite plusieurs consultations médicales, ainsi que le regard d’une équipe pluridisciplinaire, soit plusieurs mois en moyenne. La répartition ne pourrait donc se faire qu’a postériori, et par réorientation, ce qui en réduirait l’intérêt. »

La mission émet la recommandation suivante : « quel que soit le scénario retenu, la mission souligne que les réorganisations de l’offre ne doivent pas aggraver les inégalités sociales et territoriales existantes et qu’elles doivent prendre en compte les risques de rupture de droits pour les populations fragilisées et éloignées de l’offre de soins. Il est indispensable au strict minimum de préserver, voire de renforcer les capacités de prises en charge ».

Tout en soulignant l’apport (non exclusif) des neurosciences dans le repérage et la prise en charge des troubles du neuro-développement, l’IGAS recommande : « les centres de soins doivent adapter leurs pratiques professionnelles aux recommandations en vigueur et proposer tout l’éventail des approches et des méthodes pluridisciplinaires à jour des dernières connaissances médicales ». De même, pour la formation des professionnels, il est question de « garantir le pluralisme des méthodes enseignées dans les formations associées ». De même, « afin de garantir le libre choix des familles, les centres doivent être en mesure de mobiliser les outils et les méthodes disponibles et reconnues, qu’elles soient d’inspiration cognitivo-comportementalistes, systémiques et rééducatives ou fondées sur l’accompagnement psychodynamique ».

Par ailleurs, en annexe 4 du rapport IGAS figurent les recommandations de bonnes pratiques professionnelles pertinentes pour les CMPP, dont un certain nombre ne sont pas mentionnées dans le cahier des charges de l’ARS Nouvelle-Aquitaine (HAS 2009 : surdité de l’enfant ; HAS 2010 : anorexie mentale ; HAS 2014 : manifestations dépressives à l’adolescence ; HAS 2015 : trouble bipolaire ; HAS 2015 : boulimie, hyperphagie ; HAS 2017 : accompagnement des enfants ayant des difficultés psychologiques perturbant gravement le processus de socialisation ; ANESM 2017 : synthèses recommandat ions de bonnes prat iques – les « comportements-problèmes » : prévention et réponses.

et le diagnostic est de 9 mois – ce qui n’est aucunement insatisfaisant au regard des ambitions gouvernementales – et connaissent un taux d’absentéisme inférieur à la moyenne nationale. Ils ont, puisque c’est ainsi et pour cela qu’ils ont été conçus, déjà opéré le « virage ambulatoire » commandé par l’ARS et ne négligent en rien l’impératif d’inclusion scolaire puisque aussi bien 93 % de leurs patients sont scolarisés en milieu ordinaire.

Ce qui amène une autre interrogation : d’où provient la défiance ouvertement marquée vis-à-vis des professionnels de santé exerçant au sein des CMPP de Nouvelle-Aquitaine ?

Les psychiatres et les autres professionnels de santé exerçant en CMPP se sont légitimement émus des injonctions techniques contenues dans le cahier des charges invitant même les gestionnaires des structures à prendre « les décisions RH qui s’imposent », sous peine de sanctions administratives et financières que justifieraient le défaut d’application de ses directives : application exclusive des classifications internationales, respect à 100 % des recommandations de bonne pratique relatives aux TND, adaptation des pratiques à l’apport des neurosciences.

Ces injonctions techniques n’ont a priori par leur place dans un document administratif destiné à « contractualiser » avec l’autorité sanitaire le fonctionnement des établissements médico-sociaux. Les gestionnaires des établissements n’ont pas à enfreindre le principe d’indépendance médicale et de responsabilité technique de la direction médicale des établissements inscrite dans l’annexe XXXII. Or, s’il ne peut naturellement être question de négliger les recommandations de bonne pratique, celles-ci sont ce qu’elles sont : des recommandations à prendre en considération et adapter à chaque cas clinique. Elles sont un outil d’exercice de la médecine à l’usage des professionnels de santé formés et non un outil de gestion des établissements de soins.

Les injonctions du cahier des charges ne s’autorisent pas du rapport de l’IGAS de 2018 dont il donne lecture hâtive, négligente des spécificités et des besoins des CMPP.

L ’on peut notamment retenir de ce rapport que l’hypothèse d’une répartition entre établissements des jeunes publics par pathologie ou type de troubles n’est pas pertinente et s’avère impraticable : « Il est difficile voire impossible d’un point de vue médical de répartir

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L ’oubli par l ’ARS Aquitaine de ces recommandations est en relation avec la définition du nouveau « public cible » et/ou procède d’une méconnaissance de l’activité des CMPP et des productions de la HAS.

Si le rapport de l’IGAS de 2018 indique que les CMPP, du fait de leur positionnement historique sur les difficultés scolaires, ont un rôle à jouer dans l’approfondissement (on ne part pas de zéro !) de l’école inclusive nécessitant un accompagnement médico-social « hors les murs », il ne prône nullement une hyper-spécialisation devant les conduire à abandonner leur patientèle traditionnelle, surtout dans le cadre d’une démographie médicale et rééducative défavorable telle que décrite par les documents régionaux.

Au contraire : « à côté de la psychiatrie infanto-juvénile [dévolue aux CMP-IJ], il est nécessaire de maintenir une offre d’accompagnement psychosocial et/ou pédagogique à même de répondre à la hausse de la demande et à l’attention croissante portée aux enjeux de santé mentale et notamment de bien-être des enfants et des adolescents ». En aucun cas l’IGAS n’évoque la piste d’une sur-spécialisation des CMPP dans le champ du handicap « TND » qui doit être pris en considération sans exclusive et non au détriment du « cœur de métier » des CMPP.

* * *

Mais les simplifications ont la peau dure et l’on craint de lire, en filigrane des directives de l’ARS de Nouvelle-Aquitaine, une croyance dans la standardisation des pratiques professionnelles venant d’elle-même en quelque sorte normaliser l’individu,

Le Comité de Rédactionde La Lettre de Psychiatrie Françaisevous souhaite de bonnes vacances

et vous donne rendez-vous fin septembre, pour le numéro 274.

réduire le handicap – comme si le relatif échec des politiques de santé publique tenait à la résistance des professionnels(7).

Quand les textes fondateurs des CMPP leur assignaient une mission de prophylaxie, dépistage, diagnostic et soin dans un but de bonne insertion familiale, sociale et professionnelle, il n’est question désormais essentiellement que de diagnostic et d’inclusion scolaire, l’enfant et sa famille passant de l’un à l’autre avec un soutien psychologique concédé si nécessaire. On en serait médusé si cette méconnaissance des nécessités d’étayage thérapeutique des enfants et de leurs familles n’était largement diffusée par les productions que l’on peut qualifier d’idéologiques du ministère de la Santé. Ainsi, la circulaire DGCS du 2 mai 2017 relative à la transformation de l’offre d’accompagnement des personnes handicapées fixe en ces termes les priorités en matière de santé mentale, au titre du parcours coordonné pour les personnes en situation de handicap psychique : « le but poursuivi, au travers des interventions mises en œuvre pour ces personnes, n’est plus la stabilisation de leurs troubles, mais la promotion de leurs capacités et leur implication dans les actions les concernant – inscrites dans la notion d’“empowerment” ou pouvoir d’agir des personnes... ».

Voilà, tout est dit : il faut vouloir !

Ce qui ramène aux questions maintes fois posées à l’occasion de la récente crise sanitaire : la Santé française est-elle malade de son administration ? Va-t-elle en mourir ?

(7) Il est possible de se référer sur ce point au projet présenté en 2016 à l’Assemblée nationale d’une résolution tendant à « rendre juridiquement contraignante pour les professionnels qui travaillent avec des enfants autistes les recommandations de la HAS de 2012 (...) et à fermement condamner et interdire les pratiques psychanalytiques sous toutes leurs formes » cité par le rapport de la Cour des Comptes de décembre 2017.

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L’ASSOCIATION FRANÇAISE DE PSYCHIATRIEPROPOSE

un colloque sur le thème

L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE : ENJEUX ET PERSPECTIVES

le vendredi 25 septembre 2020, à PARIS

FIAP – Jean Monnet – 30, rue Cabanis – 75014 PARIS

De la machine de Türing aux derniers développements des algorithmes et du « deep learning », l’IA ne cesse d’alimenter les fantasmes les plus variés. Mais quel est le pouvoir réel de l’IA face à l’esprit humain dont la puissance réside dans la coopération automatique et subconsciente entre la dimension affective et émotionnelle, la dimension symbolique et logique

que permet le langage, et une troisième dimension qui est la capacité à se forger une représentation décentrée et autonome de « soi au monde ». À un premier niveau de cette décentration, l’être humain reconnaît l’altérité (Théorie de l’esprit), à un second, plus tardif dans le développement, il acquiert la capacité d’un raisonnement sur les symboles mêmes (calcul algébrique, intentionnalité). Cette singularité de l’homme ouvre à l’infini les possibles que permet la délibération et à l’émergence d’une éthique de la responsabilité. Ainsi, malgré la course au cerveau artificiel qui vise à formaliser l’ensemble de nos processus cognitifs pour les télécharger dans un robot devenu notre avatar immortel, malgré les annonces de l’avènement du point de singularité prévu par certains à l’aune d’une génération, une IA globale, générale et autonome paraît être du domaine de l’utopie.

Par contre du classement automatique de nos photos dans des albums par les logiciels des smartphones les plus récents à la surveillance du citoyen sur la voie publique, de la reconnaissance émotionnelle au ciblage publicitaire, de la reconnaissance vocale à l’intrusion dans la vie privée, de la formation de groupe d’amis sur les réseaux sociaux à l’information dirigée en vue d’influencer les décisions, de nombreux systèmes sectoriels d’IA infiltrent notre quotidien. Du fait de leurs applications et de leurs performances croissantes, il nous paraît nécessaire d’en connaître les règles d‘élaboration et de nous interroger sur l’éthique de leur utilisation.

En quoi ces systèmes partiels d’IA, dite faible, pourraient-ils être des compagnons de notre pratique ? De l’aide au diagnostic au repérage de types de personnalité en passant par une meilleure capacité à prédire et à prescrire, ces algorithmes, encore du domaine de la recherche, offriront-ils une réelle amélioration de notre efficacité à traiter nos patients ou ne seront-ils que de nouveaux leaders d’opinion « anonymisés » et un carcan dogmatique et bureaucratique de plus ? Quant à leur efficacité possible dans le champ thérapeutique, en utilisant par exemple les fameux robots capables d’exprimer et de reconnaître des émotions, ne résonnerait-elle pas avec les fameux vers de Lamartine :

« Objets inanimés, avez-vous donc une âme Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? »

ARGUMENT

Renseignements et informations : 01 42 71 41 11 – [email protected] – www.psychiatrie-francaise.com

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9h10-9h50

13h45-14h25

9h50-10h30

14h25-15h05

10h30-11h00

15h45-16h15

15h05-15h45

11h55-12h15

17h50-18h10

17h10-17h50

11h15-11h55

16h30-17h10

PROGRAMME8h30-9h00 : ACCUEIL DES PARTICIPANTS9h00-9h10 : OUVERTURE DE LA JOURNÉE

Maurice BENSOUSSAN, Président de l’Association Française de Psychiatrie (AFP)

et du Syndicat des Psychiatres Français (SPF)

Président de séance – Jean-Louis GRIGUER – Psychiatre des Hôpitaux Secrétaire Général de l’Association Française de Psychiatrie (AFP)

Co-Président : Emanuel LOEB

Informatique et robotique, nouveaux outils de la psychopathologie de l'enfant ?David COHEN (Paris), Professeur Sorbonne Université, Chef du Service de Psychiatrie Enfant Ado, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, membre de l'Institut des Systèmes Intelligents et de Robotiques (ISIR).

IA : repenser l'éthique et la psychologie, pour un partenariat sans ambiguïtés entre l’homme et la machineSerge TISSERON (Paris), Psychiatre, docteur en psychologie, Président de l’Institut pour l’Étude des Relations Homme-Robots (IERHR).

L’intelligence artificielle : intérêt thérapeutique ou stupidité humaine ?Sylvie TORDJMAN (Rennes), Professeur en Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Chef de pôle.

Augmentation technologique des relations cliniques et thérapeutiques en psychiatrie : potentiel, limites et dangersXavier BRIFFAULT (Paris), Chercheur en sciences sociales et épistémologie de la santé mentale au CNRS (CERMES3).

Discussion avec la salle

Discussion avec la salle

Discussion avec la salle

Discussion avec la salle

L’impact des réseaux sur la structure de personnalité : l’approche de la psychiatrie socialeRachid BENNEGADI, Président de la World Association of Social Psychiatry (WASP).

« Maman, les p’tits bateaux qui vont sur l’eau ont-ils des jambes ? »Simon-Daniel KIPMAN (Paris), Psychiatre, Président d’honneur de l’Association Française de Psychiatrie.

IA : l’enjeu des codes mentauxJacqueline NADEL (Paris), Directrice de Recherche CNRS émérite, Directrice scientifique des centres médico-sociaux TEDyBEAR, Directrice de la revue scientifique Enfance.

Chatbots et robots affectifs : enjeux éthiques et perspectivesLaurence DEVILLERS (Paris), Professeur en Intelligence Artificielle au LIMSI-CNRS.

11h00-11h15

16h15-16h30

PAUSE

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12h15-13h45 : Déjeuner librePrésident de séance – Michel BOTBOL – Psychiatre

Secrétaire Général adjoint de l’Association Française de Psychiatrie (AFP)

18h10-18h25 : CLÔTURE DE LA JOURNÉE : Antoine LESUR (Paris), PsychiatrePour vous inscrire, rendez-vous sur notre site internet : www.psychiatrie-francaise.com

NOUVEAU : PAIEMENT PAR CARTE BANCAIRE

L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE : ENJEUX ET PERSPECTIVES

le vendredi 25 septembre 2020, à PARIS

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SECRET MÉDICAL DES DONNÉES DES FRANÇAIS, UN RISQUE MAJEUR DE RUPTURE. OÙ SONT STOCKÉES ET TRAITÉES LES DONNÉES ?

* Psychiatre, 117, rue de Ségur, 33000 Bordeaux, [email protected]

S ecret médical des données des Français, un risque

majeur de rupture.

Où sont stockées et traitées les données ?

Si le traitement des données issues du « StopCovid » sera effectué sur des serveurs français, nous avons découvert à l’occasion de cette recherche qu’il en va tout autrement d’un projet concernant les données détenues par la CPAM et les hôpitaux.

PRINCIPE DU « HEALTH DATA HUB » (HDH)

Le « Health Data Hub » (« HDH », ou « Entrepôt de données de santé ») est un projet dont la finalité à terme vise pour le secteur public, mais aussi privé, à l’utilisation du stock de données médicales détenu par la France.

Pour mettre en œuvre un tel projet sur le plan opérationnel, il faut disposer de données immédiatement exploitables, ici issues d’abord du SNDS (« Système national de données de santé ») ou des entrepôts de données des hôpitaux, entre autres.

D’où l’idée de créer un entrepôt de données national, permettant d’utiliser sur demande des catalogues préformatés.

Mais il suppose d’utiliser des centres de calcul permettant d’effectuer ces recherches de corrélations.

LES FAITS

Sans aucun appel d’offres, c’est la solution d’hébergement et de calcul de Microsoft qui a été choisie [1]. On s’étonnera que les serveurs de la CPAM n’aient pas été requis ou ceux d’OVH. Les services de Microsoft seraient moins onéreux et auraient la réputation d’être plus compétents.

Après les effets délétères de la dépendance aux pays asiatiques pour la fourniture de nos médicaments et masques va-t-on, créer une nouvelle dépendance ou l’aggraver pour le traitement de nos données les plus

sensibles ? Va-t-on recommencer ce fiasco désastreux et dangereux mais cette fois sur des données ultra-sensibles qui concernent la santé de tous les Fançais ?

La CNIL n’a pas eu l’occasion d’être saisie sur la pertinence du choix de Microsoft.

Cependant, elle a eu l’occasion de s’exprimer lors de sa saisine pour utiliser le HDH afin de traiter des données dans le cadre de recherches destinées à lutter spécifiquement contre la COVID-19 [2]. À l’occasion de cet avis concernant la COVID-19, la CNIL a pointé le risque juridique majeur sur la confidentialité des données de l’ensemble des Français.

Ce risque serait majoré par le recours à Microsoft pour le HDH. En effet l’hébergement et le traitement de telles données par une entité de droit américain (indépendamment donc de la localisation ou non des données sur le territoire de l’Union Européenne), du fait des lois américaines sur le sujet et de la mainmise de leurs agences de renseignement sur l’ensemble des données circulant à leur portée exposent au risque sérieux de porter atteinte à la confidentialité de ces données et au risque d’une rupture généralisée du secret médical.

Le choix du cloud de Microsoft pour l’hébergement des données du HDH s’est fait au motif que l’entreprise américaine avait été certifiée comme « hébergeur de données de santé » en France. Ce n’était pas le cas, de son concurrent OVH. Mais ce choix interroge, notamment depuis l’adoption du « Cloud Act » par le Congrès américain. Le « Cloud act » est un texte de loi qui permet aux forces de l’ordre ou aux agences de renseignement américaines d’obtenir des opérateurs de télécoms et des fournisseurs américains de Cloud computing des informations stockées sur leurs serveurs. Les prestataires de services doivent communiquer « les contenus de communications électroniques et tout enregistrement ou autre information relatifs à un client ou abonné, qui sont en leur possession ou dont ils ont la garde ou le contrôle, que ces communications, enregistrements ou autres informations soient localisés à l’intérieur ou à l’extérieur des États-Unis ».

Bernard BASTEAU

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Cela signifie qu’une agence de renseignement américaine pourrait récupérer légalement des données de santé d’un citoyen français sans son consentement [3].

Même si les données des catalogues sont réputées être « pseudonymisées » (sic) comme le rapporte la déléguée du ministère de la Santé en charge de cette création du HDH, cela signifie qu’elles ne sont pas rendues réellement anonymes. Les possibilités de réidentification existent, avec potentiellement accès à des indications sur les pathologies et traitements d’un très grand nombre de personnes identifiables.

De plus si juridiquement les hôpitaux peuvent pour l’instant choisir ou non de transmettre leurs données comme le fera la CPAM, ils risquent d’y être contraints par le biais d’une éventuelle pression financière par exemple, sur les financements ARS. Pour l’instant la direction des hôpitaux reste aux seules mains d’administratifs, la CME n’étant que consultative. Les récentes déclarations préalables à l’occasion des discussions pour la refonte du système de santé ne laissent guère d’espoir dans ce changement espéré par tous les acteurs de terrain.

LA PRESSE ET LE PARLEMENT EN PARLENT

Médiapart dans un article [4], qui n’a pas été contesté à ce jour, rapporte cet avis de la CNIL concernant la COVID-19. L ’article de Médiapart pointe également qu’à ce jour le traitement de ces données par l’intelligence artificielle peine à trouver des applications pratiques qui ne se heurtent pas à des biais majeurs de conception et de mise en œuvre [5]. De ce fait dans l’immédiat les bénéfices scientifiques attendus sont en fait totalement hypothétiques, ce qui pose la question d’une telle précipitation sans concertation de la CNIL et de l’Ordre des Médecins. En effet des questions juridiques se posent.

La sénatrice Morin-Desailly a, de son côté, interpellé le Secrétaire d’État chargé du Numérique Cedric O [6] sur cette question.

LES QUESTIONS JURIDIQUES

Les données de santé de l’intégralité des Français peuvent-elles risquer de tomber entre les mains de puissances étrangères, sous prétexte que les services offerts sont réputés techniquement plus efficaces ? Ressurgit également la question du « cloud souverain », dossier qui a été un fiasco du fait de choix de financement très discutables [7].

Comme pour les masques ou certains médicaments, la question de la souveraineté de l’État français ou du traitement à l’échelle strictement européenne, nous expose à une nouvelle dépendance [3].

CONCLUSIONS : LA QUESTION DU SECRET MÉDICAL NE DOIT-ELLE PAS PRIMER ?

Sur un tel projet qui va dans le sens des réflexions actuelles de la recherche médicale ne doit-on pas privilégier le recours aux serveurs français ou européens, ceux de la CPAM ou OVH, quitte à augmenter leurs ressources et compétences ? D’autant que la question de l’urgence immédiate de stocker sur un serveur des GAFA ces données est toute relative au regard des possibilités actuelles de l’IA en ce domaine.

Sur le sujet aussi sensible que le secret médical, dans l’esprit des derniers courriers que l’Ordre National nous a adressé, il me semble qu’au-delà de la question du développement de compétence de stockage par des clouds français ou européens, ce qui relève des compétences du ministère de l’Industrie, la question du secret médical est ici première.

Nous espérons, ce 5 juin, que l’Ordre des Médecins tout comme il le fit lors de l’information donnée sur les inquiétudes liées à la mise en place du Stop-COVID, manifestera sa préoccupation pour un risque aussi grave, qu’il saisira la CNIL et mobilisera l’ensemble du corps médical.

Sinon il nous restera à méditer à nouveau : « Le discours de la servitude volontaire » de La Boétie.

[1] https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/12/02/donnees-de-sante-la-plate-forme-de-la-discorde_6021346_ 3234.html

[2] https://www.cnil.fr/sites/default/files/atoms/files/deliberation_du_20_avril_2020_portant_avis_sur_projet_darrete_relatif_a_lorganisation_du_systeme_de_sante.pdf

[3] https://www.usine-digitale.fr/article/malgre-les-inquietudes-le-health-data-hub-est-officiellement-lance.N909364

[4] https://www.mediapart.fr/journal/france/080520/la-cnil-s-inquiete-d-un-possible-transfert-de-nos-donnees-de-sante-aux-etats-unis

[5] https://www.franceinter.fr/justice/la-justice-predictive-revolution-ou-simple-fantasme

[6] https:/ /twitter.com/C_MorinDesail ly/status/126 5928910488961026

[7] https://www.numerama.com/magazine/28423-cloudwatt-bercy-demande-un-audit-sur-un-possible-fiasco.html

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UN SI LONG CONFINEMENT...

* Psychiatre à Cholet.

S pinalonga, la longue épine, est un îlot rocheux de 8,5 ha,

distant de quelques minutes en bateau des villages d’Elounda et de Plaka, au nord-est de la Crète.

C’est l’une des places fortes les mieux défendues de la Crète. Elle a été occupée successivement par les Vénitiens jusqu’en 1715 puis par les Ottomans qui s’y installèrent jusqu’au début du xxème siècle jusqu’à ce qu’ils soient à leur tour chassés de Crète. L ’île est surmontée d’une antique forteresse bâtie par les Vénitiens en 1579 pour protéger le port d’Elounda. 1 200 habitants musulmans-crétois ont vécu dans cette île pendant deux siècles. En 1904, Spinalonga est devenue l’île des lépreux jusqu’en 1957.

Le 9 juillet 1901, le jeune parlement crétois (la Crète est alors autonome) adopte une loi qui prévoit la déportation de tous les lépreux de Crète vers l’île de Spinalonga, mesure sanitaire pour protéger les gens sains d’une maladie réputée très contagieuse et par contrecoup forcer la population musulmane à quitter l’île. Aucun aménagement n’était nécessaire, les maisons des anciens occupants seront occupées par les lépreux.

LA LÈPRE

Les premières descriptions de la maladie remontent à 600 ans av. J.-C., on la retrouve dans les civilisations

antiques en Chine, en Égypte, en Inde. Les invasions, les croisades, le commerce en ont favorisé la diffusion et l’expansion, on a longtemps pensé qu’elle avait une origine asiatique. Elle atteint son apogée au xiiième siècle. Depuis le Moyen Âge, les lépreux sont stigmatisés, isolés du reste de la population et regroupés : ils ne doivent plus avoir d’autre compagnie que celle des autres lépreux, c’est le seul mode de prophylaxie. Ils doivent se signaler par un morceau de tissu rouge sur leur vêtement et par une « cliquette ».

Il en existe 2 formes principales :

– la lèpre tuberculoïde, non contagieuse, associant atteintes de la peau et des nerfs périphériques mutilantes ;

– la lèpre lépromateuse, contagieuse, avec prédominance d’atteintes cutanées (taches achromiques, lépromes) et muqueuses.

Le mycobacterium leprae a été mis en évidence par le Norvégien Gerhardt Armauer Hansen en 1873. L ’incubation dure plusieurs années. La maladie pourrait avoir une composante zoonotique, les tatous peuvent être transmetteurs.

Le traitement préconisé par l’OMS depuis 1981 est une polychimiothérapie de trois antibiotiques. La lèpre reste un problème majeur dans 14 pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Il existerait encore 2,8 millions de lépreux dans le monde, 210 000 nouveaux cas ont été répertoriés en 2016, en grande majorité en Inde et au Brésil.

Bruno GALLET*

H I S T O I R E

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RETOUR À SPINALONGA

Entre 300 et 500 personnes ont été enfermées à Spinalonga pendant 50 ans, privées de citoyenneté et rayées des registres de naissance. La vie y est rude, les conditions sanitaires précaires. Pourtant, les habitants de Spinalonga s’organisent, recréant une vie sociale avec une école (une trentaine d’enfants y vivaient), épicerie, boulangerie, café... les habitants sont approvisionnés par les paysans ou pêcheurs de la région d’Elounda qui déposent leurs marchandises à l’entrée du tunnel des lépreux au pied de la forteresse. Les habitations ottomanes, le système d’irrigation vénitien sont rénovés, des activités culturelles (théâtre) voient le jour. En 1937, l’État grec construit un nouvel hôpital à Spinalonga. Des mariages ont lieu, des enfants naissent.

En 1957, la léproserie est fermée, les trente derniers lépreux de Spinalonga sont transférés dans un hôpital

d’Athènes. Aujourd’hui, Spinalonga est devenue un émouvant musée témoin de la vie des habitants pendant 50 ans.

Epaminondas Remoundakis, jeune étudiant en droit atteint par la lèpre, y fut interné pendant 20 ans et a écrit : « vies et morts d’un Crétois lépreux ». Maurice Born, environnementaliste et ethnologue travaillant sur l’exclusion, a découvert Spinalonga en 1960 et a traduit son livre.

Victoria Hislop, romancière britannique, a popularisé l’histoire des lépreux de Spinalonga avec « l’île des oubliés » en 2005, une série télévisée de 26 épisodes a été adaptée par une chaîne grecque(1).

(1) La série το νησι, tirée du livre de Victoria Hislop « the island » : https://en.wikipedia.org/wiki/To_Nisi et le film l’« île du silence » : το νησι της σιωπης. https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Île_du_silence.

A près plusieurs semaines de tempête, à faire face à des

situations plus inattendues de jour en jour et à puiser dans nos ressources l’habileté nécessaire pour nous adapter, l’effervescence et l’agitation des débuts retombent très doucement. Le calme revient peu à peu et nous laisse le temps de jeter un regard en arrière. Cette crise nous a bouleversés, c’est certain, par son caractère imprévu et imprévisible, par sa violence aussi parfois.

Internes et jeunes psychiatres, nous avons vécu et continuons de vivre cette situation inédite avec un regard jeune et une part d’inventivité, d’optimisme aussi sans doute, qui nous ont aidés à penser hors du cadre comme il a été nécessaire de le faire ces dernières semaines. Cette crise survient au moment particulier de notre parcours où nous sommes en plein apprentissage, et elle fera sans nul doute partie des événements déterminants de notre formation et de notre compréhension de la spécialité, de sa place, de son rôle et de son organisation. Mais avant tout, elle a renforcé notre engagement et nos aspirations, en tant que jeunes médecins et acteurs de la santé mentale.

En psychiatrie en particulier, la situation sanitaire a bousculé certains principes établis et nous a poussés à nous interroger. Elle nous a imposé non seulement de remanier et de réorganiser nos pratiques en un temps

record, mais surtout de repenser ensemble, soignants, usagers et proches, directeurs d’établissements, le sens que nous voulions donner aux soins.

Dans les services hospitaliers, les dispositions qui ont été mises en place pour lutter contre la propagation du virus – limitation voire arrêt des sorties et des visites, gestes barrières et port du masque – apparaissent parfois incohérentes aux yeux des personnes hospitalisées, et peuvent être sources d’une incompréhension ou d’une détresse supplémentaire. Les justifier, les faire appliquer, sont des enjeux qui semblent simples, mais qui constituent de vrais défis quotidiens pour nous, internes en psychiatrie et jeunes praticiens. La situation a pu donner lieu à des tensions institutionnelles, des décisions parfois critiques et le dilemme est permanent, entre le respect des droits des personnes que nous accompagnons, et la mise en place de consignes strictes mais nécessaires à la sécurité sanitaire de tous. La crise sanitaire a cela de violent qu’elle nous a exposé, de plein fouet et de façon décuplée, à ce que nous ne voulions pas : isolements « sanitaires », restriction parfois arbitraire des libertés individuelles, confinements en chambre qui limitent le temps dédié aux soins, hospitalisations prolongées par l’absence de solutions sociales d’aval, l’incertitude du retour à domicile ou le risque jugé accru de rechute dans le contexte de confinement, ruptures de soins ou accès aux soins retardés...

AJPJA-AFFEP

L A PA R O L E A U X J E U N E S P S Y C H I AT R E S

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Certains dysfonctionnements préexistants ont été mis en exergue par les circonstances de la crise. Alors, des questionnements éthiques (re)surgissent pour nous, à ce moment décisif de notre parcours où nous sommes en train de construire notre pratique, d’établir nos convictions, de décider quel médecin nous voulons être.

Toutefois, des solutions créatives et des idées nouvelles ont aussi vu le jour en ce contexte inédit. Parce qu’elle confronte la nécessité de protéger d’un risque infectieux à l’urgence de maintenir le lien social, la crise sanitaire nous a obligés à utiliser des moyens de soigner dont nous n’avions pas l’usage habituel. Elle nous a forcés à penser différemment et à faire preuve d’ingéniosité dans nos pratiques. Reste à savoir ce qui, de cette restructuration des soins et de l’accompagnement à marche forcée, appartiendra à la crise ou participera à la réflexion plus globale sur la reconstruction de la spécialité.

De notre côté, une exigence s’est imposée, comme une aspiration, comme un principe, comme une condition nécessaire à la possibilité que des transformations émergent de cette crise dans la crise : nous ne voulons plus des clivages et des dissensions. Nous voulons garder l’état d’esprit novateur, garder l’ouverture d’esprit et les capacités d’adaptation dont tous ont pu témoigner, pour continuer à réorganiser de manière durable la psychiatrie, à l’image de ce que souhaite notre génération. Une psychiatrie unie, capable de parler d’une seule voix, centrée sur l’usager et tournée vers l’ambulatoire, en connexion avec les autres acteurs de la santé mentale qui contribuent au rétablissement des personnes concernées par les troubles psychiques.

Comme nous avons pu le constater au cours de cette crise, l’enjeu ne concerne en réalité pas uniquement la psychiatrie, mais la santé mentale au sens large – celle de toutes et tous, usagers ou non du système de soins psychiatriques. On l’a lu à maintes reprises et nous l’avons constaté sur le terrain, l’épidémie de COVID-19 et le confinement imposé ont eu un impact considérable sur la santé mentale de la population générale et sur l’apparition de troubles psychiques dans certaines populations habituellement non affectées.

La situation sanitaire exceptionnelle que nous rencontrons et les enjeux qu’elle soulève nous rappellent notre conviction que la santé mentale occupe une place centrale et essentielle dans toute société. Elle est définitivement l’affaire de toutes et tous.

Et cette crise a prouvé à nouveau que, si la psychiatrie en est un acteur fort, elle n’est et ne doit pas en être le seul. Nous avons pu compter, alors que nous traversions une période particulièrement difficile pour tous, sur la mobilisation et le soutien de tous les autres protagonistes : les associations d’usagers ou de proches, les familles, les équipes de soutien et de prise en charge psychologique, les structures d’accompagnement social, les élus locaux... Ils sont des partenaires précieux et indispensables, et participent activement à la prise en soin des populations impactées par cette crise, nouvellement menacées par une crise socio-économique inédite susceptible de provoquer l’émergence de nouveaux troubles psychiques et de faire le lit d’une santé mentale globale dégradée.

Aujourd’hui, la volonté de continuer à exercer dans un milieu empreint de solidarité, capable d’entraide et de cohésion où nous agissons en complémentarité, nous anime plus encore.

Malgré les semaines douloureuses que nous avons vécues, la crise sanitaire nous a confortés dans l’idée qu’en tant que génération de psychiatres en exercice pour les trente à quarante prochaines années, nous voulons participer activement à garder le meilleur de cette épreuve, pour donner à la psychiatrie et à l’ensemble des acteurs de la santé mentale la place et les moyens qu’ils méritent.

– Pour l’AJPJA (Association des Jeunes Psychiatres et des Jeunes Addictologues) :

Déborah Sebbane, PrésidenteMarine Lardinois, Vice-PrésidenteJuliette Salles, Secrétaire GénéraleBoris Nicolle, TrésorierYoann Bazard, Responsable CommunicationBénédicte Barbotin, Responsable PartenariatsRomain Gomet, Coordination AddictologieMay Boumendjel, Coordination Nationale

– Pour l’AFFEP (Association Française Fédérative des Étudiants en Psychiatrie) :

Marine Gilsanz, PrésidenteAlexandre Carpentier, Vice-PrésidentLouis Richaud, Secrétaire GénéralRobin Jouan, TrésorierJoël Buisson, Responsable Communication et WebThomas Cantaloup, Responsable PartenariatsAxel Fortel, Coordination SyndicalePaul Capitaine, Coordination NationaleThibaut Denis, Coordination Nationale

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L’ASSOCIATION FRANÇAISE DE PSYCHIATRIE

PROPOSEun colloque sur le thème

QUEL DIALOGUE ENTRE LA PHÉNOMÉNOLOGIE, LA PSYCHANALYSE ET LA PSYCHIATRIE ?

le vendredi 20 novembre 2020, à PARIS

AQNDC – Salle de Conférence 92 bis, boulevard du Montparnasse

75014 PARIS

L’objet de ce Colloque qui s’inscrit dans le prolongement de celui organisé par l’Association Française de Psychiatrie en 2016 sur le thème de « Actualité de la phénoménologie psychiatrique » (en hommage au Professeur Arthur Tatossian) est d’interroger l’actualité du dialogue entre

phénoménologie, psychanalyse et psychiatrie dans une perspective large, permettant ainsi plusieurs approches possibles de la question.

Nous réfléchirons aux rapports complexes entre ces trois discours intéressant la psychopathologie dans leurs divergences mais aussi dans leurs complémentarités.

Cette rencontre interdisciplinaire devrait permettre de cerner les enjeux, de clarifier le statut de chacun et d’éclairer la place de ce dialogue aujourd’hui par rapport à leur propre méthodologie mais aussi plus largement par rapport à la pratique clinique actuelle sans manquer d’évoquer les perspectives ouvertes par ce dialogue.

ARGUMENT

Renseignements et informations : 01 42 71 41 11 – [email protected] – www.psychiatrie-francaise.com

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9h15 – 9h55

13h45-14h25

9h55 – 10h35

14h25-15h05

10h35-11h05

15h05-15h35

12h00-12h15

17h10-17h40

16h30 – 17h10

11h20 – 12h00

15h50 – 16h30

PROGRAMME8h30-9h00 : ACCUEIL DES PARTICIPANTS9h00-9h15 : OUVERTURE DE LA JOURNÉE

Maurice BENSOUSSAN, Président de l’Association Française de Psychiatrie (AFP)

et du Syndicat des Psychiatres Français (SPF)

Président de séance – Jean-Louis GRIGUER – Psychiatre des Hôpitaux Secrétaire Général de l’Association Française de Psychiatrie (AFP)

Phénoménologie et psychiatrie : entre épistémologie, psychopathologie et idéologieCamille ABETTAN, Chercheur associé au Centre de Recherches Interdisciplinaires en Sciences Humaines et Sociales (CRISES, EA 4424) de l’Université Paul Valery de Montpellier

Peut-on s’aimer soi-même ? Le narcissisme, entre psychanalyse et phénoménologiePhilippe CABESTAN, Président de l’École Française de Daseinsanalyse.

L’originaire et la cause. Comment ces deux notions offrent matière à dialogue entre phénoménologie, psychanalyse et psychiatrieMarie-Claude LAMBOTTE, Psychanalyste, Professeur des Universités.

De l’intérêt de la phénoménologie au cours des psychothérapies psychanalytiques de patients état-limites ou psychotiquesAlain KSENSEE, Psychiatre des Hôpitaux, Ancien Chef de Service – Full Member à l’Association Psychanalytique International (API).

Discussion avec la salle Discussion avec la salle

Discussion avec la salle

Discussion avec la salle

L’approche phénoméno-structurale de Minkowski comme jonction entre psychiatrie et phénoménologie : l’exemple du syndrome d'influenceAdrien BENSOUSSAN, Psychiatre à l’hôpital de jour de la MGEN de Toulouse.

Psychiatrie et vie quotidienne : comment être là ?Dominique PRINGUEY, Professeur émérite de Psychiatrie de l’Adulte à la Faculté de Médecine de Nice Université de la Côte d’Azur – Ancien Chef de Service de la Clinique Universitaire de Psychiatrie du CHU de Nice à l’Hôpital Pasteur – Responsable académique du Diplôme Universitaire de Phénoménologie Psychiatrique à la Faculté de Médecine de Nice – Président de la Société de Phénoménologie Clinique et de Daseinsanalyse de Nice.

À propos de deux sujets de dialogues entre phénoménologie et psychiatrie : le processus de rétablissement – les troubles du soi minimalBrice MARTIN, Psychiatre, Praticien Hospitalier – Centre Hospitalier Drôme Vivarais Valence, Docteur en sciences, Thérapeute systémicien.

11h05-11h20

15h35-15h50

PAUSE

PAUSE

12h15-13h45 : DéjeunerPrésident de séance – François KAMMERER – Psychiatre

Vice-Président de l’Association Française de Psychiatrie (AFP)

17h40-18h00 : CLÔTURE DE LA JOURNÉE : Jean-Louis GRIGUERPour vous inscrire, rendez-vous sur notre site internet : www.psychiatrie-francaise.com

NOUVEAU : PAIEMENT PAR CARTE BANCAIRE

QUEL DIALOGUE ENTRE LA PHÉNOMÉNOLOGIE, LA PSYCHANALYSE ET LA PSYCHIATRIE ?

le vendredi 20 novembre 2020, à PARIS

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L ’utile ressemble à la grenouille de la fable. Il enfle, enfle puis s’éclate

au visage. La « chétive pécore » voulait ressembler au bœuf, mais qu’avait-il de si enviable ? Sa virilité ? Que nenni ! Son volume, son seul volume ? Mais n’est-ce pas bien peu, car une vie passée à tirer la charrette et qui s’achève en pot-au-feu n’a pas de quoi nourrir les rêves. Fabriquer artificiellement l’utile en créant des besoins, convaincre que tout cela est histoire de progrès et que ce progrès vous libère, telle est la grande loi du marché. L ’inutile, l’accessoire en lui-même se vend peu. L ’amas des biens confère une sorte de pouvoir, un sentiment de toute-puissance et semble enfler dans une illusion le petit tas des jours qui restent à vivre. Mais le pouvoir est vain, il n’empêche ni de vieillir ni de mourir et il n’est pas impossible que la descendance d’Harpagon, lorgnant sur la cassette, prie que « ça » ne dure pas longtemps et que « l’ancien » ne traîne pas trop à passer l’arme à gauche ! L ’air dont s’est emplie la grenouille est comme son dernier souffle. Penser que l’avoir puisse se transformer en être est une illusion. « L ’avoir pour l’avoir » devient inutile, et alors ? Tout à coup, ce qui était inutile devient sérieux. Cet inutile, ce sont les « humanités ».

Nuccio Ordine précise d’emblée son propos : Il est artificiel d’opposer les savoirs humanistes aux savoirs scientifiques comme une vue superficielle et binaire du « ou bien ou bien » l’a trop longtemps fait. Les savoirs scientifiques étant concrets, réels, utiles et pour tout dire sérieux et les savoirs humanistes, des vues de l’esprit, une sorte de luxe se contentant de doux rêves. Opposer le domaine des sciences à celui des lettres n’a guère de sens, l’un et l’autre

nécessitent la curiosité, l’imagination, la logique. Les sciences et les humanités sont indispensables à la vie de l’esprit dont ils constituent la richesse. Entre les sciences et les humanités, il n’y a pas de faille, sinon, de quel côté situerions-nous Pascal, Descartes, Bachelard, Russell ? Par contre, un gouffre existe entre ces activités de l’esprit et les savoirs entièrement soumis à la réalisation de produits de consommation et au pouvoir de l’argent, les sciences et techniques pour lesquelles le sens de la vie humaine se réduit à fabriquer et consommer des objets. Tel est le véritable problème, le mal sournois ; comme pour l’écologie dont il est l’un des aspects, il en va de l’avenir de l’homme et du monde. Le souci de préserver une science et une pensée libre et désintéressée est ancien et Nuccio Ordine l’illustre en se référant aux pensées de Platon, Aristote, Tchouang-tseu, Pic de la Mirandole Montaigne, Bruno, Kant, Tocqueville. Le monde gouverné par l’utilitarisme absurde et monstrueux ressemble à « Coketown », cette ville dont parle Dickens dans « Les temps difficiles » : « habitée de gens également semblables les uns aux autres qui tous rentraient et sortaient aux mêmes heures, marchant du même pas sur le même trottoir pour aller faire le même travail et pour qui chaque journée était semblable à celle de la veille et à celle du lendemain ». Le gros banquier Bounderby et le pédagogue Gradgrind gouvernent la cité et pour eux, seuls importent les faits. L ’imagination et les sentiments n’ont aucune place dans l’enseignement et le pédagogue considère les élèves comme de « petits pichets assis devant lui et qui allaient si bien être remplis de faits ». Bounderby et Gradgrind ne seraient pas

L’UTILITÉ DE L’INUTILE

Jean-Claude GRULIER

R E L I R E

Auteurs : Abraham FLEXNER, Nuccio ORDINETraduction : Luc HERSANT, Patrick HERSANTÉditeur : Les Belles LettresDate de parution : janvier 2014EAN : 978-2-2514-4488-8ISBN : 978-2-2514-4488-2Pages : 80Prix : 11,00 e

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Le monde gouverné par l’utilitarisme est bien celui décrit par Eugène Ionesco : « Un pays où on ne comprend pas l’art est un pays d’esclaves ou de robots, un pays de gens malheureux, de gens qui ne rient pas ni ne sourient, un pays sans esprit ; où il n’y a pas l’humour, il n’y a pas le rire, il y a la colère et la haine. » Les arts et les lettres ont toujours été la proie des dictatures, qu’il s’agisse de les détruire ou de se les approprier. Cet inutile tellement utile redonne le sourire et la vie par la joie qu’il procure et par les liens vivants qu’il crée, car ce monde n’est pas celui de l’égoïsme mais celui du partage et de la liberté. Dans cet inutile, il n’y a rien à perdre, car l’attrait des humanités n’a jamais rendu l’homme moins compétent dans son métier. L ’auteur souligne à raison le triste déclin de l’enseignement des langues classiques et la disparition des librairies historiques comme des signes inquiétants. L ’étude des langues étrangères semble emprunter le même chemin, se rétrécir et privilégier l’anglais qui, lui-même, se réduit à un « sabir englich-business » bien loin de la langue de Dickens.

Le texte d’Abraham Flexner qui constitue la deuxième partie de l’ouvrage illustre très concrètement l’utilité du savoir inutile. Flexner s’est consacré à la réforme des études médicales aux États-Unis au début du 20ème siècle : instaurer une formation clinique concrète au lit du malade, faire que les hôpitaux ne soient plus les asiles pour pauvres et incurables qu’ils étaient, mais des lieux de soins, promouvoir l’étude de l’anatomie pathologique et de la physiologie, attestent, si il en était besoin, d’un esprit concret. Les grandes découvertes écrit Flexner ont été souvent l’œuvre de chercheurs passionnés, curieux, peu soucieux du profit que pouvait leur procurer leur découverte et peu conscients des applications pratiques qu’elles pourraient avoir. Les travaux de Faraday, Maxwell, Herz mis en

mécontents d’observer l’évolution de certaines universités américaines et canadiennes. À ces universités-entreprises, les « étudiants-clients » paient très cher leurs études ; lesquelles en retour leur vendent une formation que leur assure des « professeurs-marchands » et un diplôme lucratif. Le retour sur investissement est présenté comme garanti. « Les petits pots bien remplis » rempliront leurs propres petits pots d’espèces sonnantes et trébuchantes. L ’État en se désengageant de l’enseignement supérieur laisse une place de plus en plus grande aux intérêts privés, ce que Tocqueville prévoyait dans sa critique des démocraties marchandes.

La préparation à l’exercice d’un métier est une mission essentielle des écoles et des universités, en douter serait absurde. Par contre orienter les esprits, leur river le nez de plus en plus tôt dans le sillon tracé d’une hyper-spécialisation (les neurosciences par exemple) les prive de ce qui pourrait éveiller leur sensibilité, leur liberté et leur réflexion et les rendre attentifs à une conception moins mécanique et plus vivante du monde.

Sur l’utile et l’inutile la psychiatrie peut s’interroger. L ’utile est-il la réduction des symptômes que provoque le « dernier » psychotrope, le reste étant inutile et donc, ce qui est grave, négligé ? Ne serait-ce pas là, assimiler la psychiatrie à une sous-neurologie des comportements et la voir par le petit bout du neurone ? Ou bien plutôt, dans une rencontre humaine et une perspective holistique, tout en étant attentif au traitement médicamenteux, accorder son utilité à ce qui semble accessoire à un premier regard et qui pourtant est vital. Cette utilité est la psychothérapie au sens le plus vaste du terme, l’ergothérapie, les ateliers lecture, musique, dessin ; tous biens précieux dans la solitude de l’hospitalisation.

application par Marconi ont bouleversé le monde. L ’utile a surgi d’où on l’attendait le moins.

Défendre la littérature, l’histoire, la philosophie et les mondes artistiques, montrer qu’ils sont notre oxygène et notre bien, et non de petites choses superflues et divertissantes, est le grand mérite de ce livre. « Plaise à Dieu qu’elle vous permette de nourrir ce petit grain de folie que nous avons tous en nous, que beaucoup d’entre nous étouffent pour porter l’odieux monocle de la pédanterie livresque, et sans lequel il est bien imprudent de vivre » écrit Garcia Lorca de la poésie. Ce petit grain de folie n’a pas d’âge : « Si tu es jeune, hâte-toi de philosopher, si tu es vieux ne cesse de philosopher » écrit Sénèque à Lucilius(1). La philosophie, les lettres, l’histoire voilà nos petits grains et ce que nous vivons, ce que nous pensons comme lecteur petit ou grand dans nos rencontres avec les textes, est déjà de la philosophie. Balzac, Zola, Maupassant, Tolstoï, Tchekhov, les nouvelles et romans, Montaigne, La Fontaine, Molière par exemple nous enseignent la vie et nous-mêmes, plus sans doute que les philosophes de l’être soucieux de leur paraître. Réduire la philosophie à la seule classe de terminale et à l’exercice rébarbatif de la dissertation, que les écoliers facétieux décrivent ainsi : thèse, antithèse, foutaise ; serait lui faire injure. Le monde des arts n’est pas non plus une chasse gardée et la musique vénérable n’est pas réservée à un public huppé (redingotes et robes longues au temps jadis), le même peut-être qui a hué : Bizet, Stravinski, Debussy. Sans une ride est la musique baroque, formidablement rythmique et Bach, Jean Sébastien, les « Variations Goldberg », ça swingue !!! La musique comme la poésie se passe de toutes les afféteries et puis, comme l’écrit l’ami Jacques (Prévert) : « Quand l’art est simple, l’art est de rigueur. »

(1) Lettres de Sénèque à Lucilius, Éd. Flammarion.

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l’inconscient, tel « un rêver ». Il rappelle le pourquoi du cadre psychanalytique et s’insurge contre certains nouveaux usages qui ne permettent pas cette régression.

Quant à Bernard Golse, il traite le sujet de la régression à partir de la définition du vocabulaire de psychanalyse de Laplanche et Pontalis. Il rappelle que le mot régression dont le terme latin gressio signifie « marche » peut s’entendre comme le retour à un fonctionnement psychique antérieur,

RÉGRESSIONS

D ébut juin déjà, l’été frappe à la porte, ce printemps fut l’un

des plus étranges jamais vécus, où le confinement était à l’ordre du jour pour éviter d’attraper la Covid-19(1). Selon les personnes, leur métier, leur façon d’être au monde, cela pouvait s’entendre comme un énorme vide dans nos vies trépidantes habituelles : vide de relations sociales, vide de spectacles théâtre cinéma restaurants concerts. Ne restait alors que le possible retour sur soi, chez soi avec les multiples conseils des médias sur comment occuper un vide si anxiogène a priori. Que s’est-il passé ? On parle de récession au niveau économique, peut-on parler de régression au niveau psychique ? Cet ouvrage, dirigé par Catherine Chabert qui reprend d’un point de vue freudien une partie des nombreux destins de la régression dans la psyché humaine, grâce à la contribution d’auteurs dont nous avons souvent rapporté les écrits, est venu s’imposer comme de lui-même dans cette tribune.

Dans son introduction, Catherine Chabert rappelle les trois composantes psychanalytiques de la régression qui se présente comme un mouvement dynamique « en arrière » plutôt qu’inertie passive à savoir : la régression topique qui intervient lors de successions de système psychiques (la plus métapsychologique), la régression temporelle qui désigne le retour du moi vers des étapes dépassées (la plus familière) et la régression formelle, lorsque les modes de figuration habituels sont remplacés par des modes primitifs. Ces trois modes s’imbriquent les uns aux autres pour former la régression ancrée au corps et à la psyché qui est indispensable à la vie et à la bonne santé de tout appareil psychique. Cependant quelques-uns de ses excès vont être mis en lumière par les auteurs de cet ouvrage. Laurence Kahn qui titre son propos par « On n’a rien d’autre à faire qu’à lui laisser le temps » reprenant par là le conseil de Freud, raconte à travers une cure psychanalytique les grandeurs et décadences des mouvements de régression jusqu’à démontrer combien ces mouvements peuvent devenir thérapeutiques.

Catherine Chabert, elle, en appelle à Narcisse, à travers une jeune patiente de 16 ans, en grande souffrance malgré une apparence glacée de toute puissance. Elle va montrer comment la régression permet au moi de se libérer de l’emprise du narcissisme afin d’accéder à l’ambivalence.

Jacques André, lui, va se charger de montrer combien le dispositif de la psychanalyse cherche à faire advenir la nécessaire régression afin de permettre les émergences de

(1) Signifiant pour rappel Corona Virus Disease 2019S. Freud (1913), « Sur l’engagement du traitement », Paris, Puf, 2005.

L I V R E S E N I M P R E S S I O N S

Auteurs : sous la direction de Catherine CHABERT avec la participation de Jacques ANDRÉ, Maurice CORCOS, Bernard GOLSE, Patrick GUYOMARD, Laurence KAHN, Sylvain MISSONNIER, Alexandrine SCHNIEWINDÉditions : ÉrèsCollection : Le Carnet PsyParution : Janvier 2020EAN : 978-2-7492-6571-1Pages : 176Prix : 16,00 e

Lydia LIBERMAN-GOLDENBERG

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ou comme le retour de ces fonctionnements passés dans notre psychisme actuel : ré-gression ou re-gression. À partir de la dialectique entre ces deux mouvements, il déroule toute sa pensée avec moult références bibliographiques passionnantes qui retracent en quelques lignes l’histoire de ce concept.

Sylvain Missonier va à partir du concept de régression donner son positionnement sur cette période si particulière que Monique Bydlowski a nommé « transparence psychique » chez la femme enceinte.

À travers son titre « Création et régression » Alexandrine Schniewind va nous raconter l’histoire extraordinaire de l’architecte de la Grande Arche de la Défense, histoire que pour ma part je n’avais pas lue sous cet angle et que j’ai trouvée passionnante.

Maurice Corcos, lui, a choisi le titre balzacien « Splendeurs et Misère de l’onanisme, ou les illusions perdues de l’hypermnésie » pour évoquer les affres et tourments de l’adolescence et la place de la masturbation à ce moment de la vie. Il place le grand Rimbaud en incipit

puis de nombreux auteurs pour en narrer plutôt les misères que les splendeurs, avant de proposer comment soigner de façon psychanalytique les jeunes patients pris dans des compulsions de répétition destructrices en convoquant André Green et César et Sara Botella.

« La peur de la régression » est le titre du dernier chapitre écrit par Patrick Guyomard, et pourquoi le nier, c’est par lui que j’ai commencé la lecture de ce livre. N’oublions pas que nous étions alors en plein confinement avec quelques inquiétudes sur le monde tel qu’il devenait... Chapitre conclusif donc mais aussi très didactique pour qui ne connaîtrait rien au concept de régression. Il reprend les conceptions freudiennes avec l’opposition entre Freud et Ferenczi mais aussi lacaniennes pour finir avec Winnicott dont il se réclame : « cette régression au sens où l’entend Winnicott, activité/réactivité, conduit aux sources de la créativité, c’est-à-dire qu’elle ne conduit pas à “réactiver” mais à “activer”, à engendrer quelque chose de nouveau... ». Je souhaite à tous nos cliniciens cette créativité dans leur travail thérapeutique avec leurs patients afin de faire émerger ce quelque chose de nouveau...

Sur le site des Presses des Hautes Études en Santé Publique :

https://www.presses.ehesp.fr/ou à la Librairie Tschann

125, bd du Montparnasse – 75006 PARIS

Une toute nouvelle version, qui vient d’être livrée, de l’outil de référence pour la pratique clinique en pédopsychiatrie : la Classification Française des Troubles Mentaux de l’Enfant et de l’Adolescent.

La CFTMEA rassemble plus de 300 troubles autour de données cliniques et de critères associés. Cette 6ème édition actualise l’axe 1 (troubles de l’autisme, organisations névrotiques, troubles du développement...), ainsi que l’axe bébé 0-3 ans, entièrement revu, toujours en établissant les correspondances avec la CIM 10. Une recension en sera publiée dans la prochaine Lettre de septembre.

PENSER À ACQUÉRIR

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P E T I T E S A N N O N C E S RAPPEL

Pas de parution en juillet et en août

Les tarifs des petites annonces sont à demander par [email protected]

Les ordres doivent parvenir au secrétariat

– Pour le N° 274 : le 4 septembre 2020 au plus tard, pour une parution semaine 39.

– Pour le N° 275 : le 9 octobre 2020 au plus tard, pour une parution semaine 44.

– Pour le N° 276 : le 13 novembre 2020 au plus tard, pour une parution semaine 49.

LA FONDATION L’ÉLAN RETROUVÉ

ESPIC en Psychiatrie (30 établissements, 600 salariés)

RECHERCHEUN PÉDOPSYCHIATRE (H/F)

0,80 ETP en CDIà compter du 1er septembre 2020

pour un poste à 0,30 ETP à l’Hôpital de jour infanto-juvénile Haxo et 0,50 ETP au Centre Médico-Psychologique infanto-juvénile d’Haxo à Paris 20ème. Condit. de travail & de salaire intéressantes (CCN 51).

Contacter : Le Dr Michel MOULIN, Médecin Directeur :

[email protected]

Le Centre Élan Gilbert Raby situé à Meulan (78)

RECHERCHEDEUX MÉDECINS OU PSYCHIATRES

ADDICTOLOGUES (H/F)à temps plein (4 jours) pour compléter son équipe de psychiatrie-addictologie et de SSR-A (conduites addictives).

Contacter : Monsieur Antonio GARCIA, Directeur

[email protected](réf. 4192)

LES CHEMINS DE LA CONNAISSANCE VOUS CONDUIRONT…

Merci de vérifier que les colloques sont bien maintenus aux dates

prévues en raison de la pandémie

EN FRANCE

Juillet 2020

REPORTÉ AUX 2 ET 3 JUILLET 2021

SUZE-LA-ROUSSE, les 3 et 4 : L ’Association Française de Psychiatrie organise un colloque sur le thème « Le corps, dans tous ses états ». – Informations et inscriptions : AFP – 45, rue Boussingault – 75013 PARIS – 01 42 71 41 11 – 01 42 71 36 60 – [email protected] – www.psychiatrie-francaise.com

Septembre 2020

LILLE, du 16 au 18 : L’Association du Congrès de Psychiatrie et de Neurologie de Langue Française organise son 118ème colloque international sur le thème « Parcours de soins, de santé, de vie ». – Informations et inscriptions : CPNLF – https://cpnlf.fr

RÉUNIONS ET COLLOQUES

Paris, le 18 : La Société Française de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent et Disciplines Associées (SFPEADA) organise une Journée d’échanges sur le thème « Comment la pédopsychiatrie s’adapte en ces temps d’adversité ? Échanges sur l’impact de la Covid-19 sur nos pratiques ». – Informations et inscriptions : SFPEADA – http://sfpeada.fr/journee-du-18-septembre/

PARIS, le 25 : L ’Association Française de Psychiatrie organise un colloque sur le thème « L'intelligence artificielle : enjeux et perspectives ». – Informations et inscriptions : AFP – 45, rue Boussingault – 75013 PARIS – 01 42 71 41 11 – 01 42 71 36 60 – [email protected] – www.psychiatrie-francaise.com

Octobre 2020

PARIS, le 13 : Santé mentale organise les 6èmes rencontres soignantes en psychiatrie sur le thème « “Gère tes émotions !” : quelle implication pour quels soins ? ». – Informations et inscriptions : 01 42 77 52 77 – [email protected] – www.rencontressoignantesenpsychiatrie.fr

PARIS, les 13 et 14 : La Fédération Française de Psychiatrie (FFP) organise ses 3èmes journées de psychiatrie adultes sur le thème « Le consentement ». – Informations et inscriptions : FFP – 26, boulevard Brune – 75014 PARIS – 01 48 04 73 41 – [email protected] – www.fedepsychiatrie.fr

PARIS, les 27, 28 et 29 : Le Centre d’Enseignement de Recherche et de Traitement des Addictions de l’Hôpital (CERTA) organise le 14ème Congrès International d’Addictologie de l’Albatros sur le thème « Addictions, croisement des disciplines et confrontation des savoirs ». – Informations et inscriptions : KATANA Santé – 29, rue Camille Pelletan – 92300 LEVALLOIS-PERRET – Sophie GAUROY – 01 84 20 11 90 – [email protected] – http://www.congresalbatros.org/edito

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Novembre 2020

LA BAULE, du 4 au 7 : L’Institut Mimethys organise un congrès sur le thème « Sidération, effondrement, renaissance. De l’emprise à la résilience ». – Informations et inscriptions : Institut Mimethys – 7, quai Henri Barbusse – 44200 NANTES– 02 40 93 62 39 – [email protected]

PARIS, les 14 et 15 : Psychanalyse en Extension organise le colloque du centenaire sur le thème « Au-delà du principe de plaisir ». – Informations et inscriptions : Psychanalyse en Extension – 16, avenue de la Paix – 67000 STRASBOURG – 03 88 35 24 86 – [email protected]

AVIGNON, du 19 au 21 : L’Association pour la Recherche et l’(In)formation en Périnatalité (ARIP) organise son 14ème colloque international sur le thème « Temp(o)s et rythmes en périnatalité ». – Informations et inscriptions : ARIP – CH Montfavet – Avenue de la Pinède CS 2000107 – 84918 AVIGNON cedex 9 – http://arip.fr

PARIS, le 20 : L ’Association Française de Psychiatrie organise un colloque sur le thème « Quel dialogue entre la phénoménologie, la psychanalyse et la psychiatrie ? ». – Informations et inscriptions : AFP – 45, rue Boussingault – 75013 PARIS – 01 42 71 41 11 – 01 42 71 36 60 –

[email protected] – www.psychiatrie-francaise.com

PARIS, le 21 : Le Collège International de Psychanalyse et d’Anthropologie (CIPA) organise un séminaire thématique sur le thème « Inconscient, Art et Société ». – Informations et inscriptions : CIPA – 212, rue de Vaugirard – 75015 PARIS –

http://www.cipa-association.org

L A L E T T R E 01 42 71 41 11

La Lettre de Psychiatrie Française – 45, rue Boussingault – 75013 PARIS courriel : [email protected] – : www.psychiatrie-francaise.comÉditeur : Association Française de Psychiatrie / Syndicat des Psychiatres Français (AFP / SPF)Tirage : 1 000 ex. – Dépôt légal : juin-juillet 2020 – ISSN : 1157-5611Directeur de la publication : François KAMMERERRédacteur en chef : Jean-Yves COZICCo-Rédactrice en chef : Nicole KOECHLINComité de rédaction : Maurice BENSOUSSAN, Michel BOTBOL, Jean-Pierre CAPITAIN, Jean-Louis GRIGUER, Simon-Daniel KIPMAN, Jean-Jacques KRESS, David SOFFER, Pierre STAËLSecrétaire de rédaction et Régie publicitaire : Valérie LASSAUGE Mise en pages – Impression : Corlet Imprimeur – Condé-en-Normandie – N° 20010099

STRASBOURG, du 25 au 28 : Le Congrès Français de Psychiatrie organise sa 12ème édition sur le thème « Frontières ». – Informations et inscriptions : CARCO – 10, rue aux Ours – 75003 PARIS – 01 85 14 77 77 – www.congresfrancaispsychiatrie.org

PARIS, le 28 : Le Carnet/Psy organise un colloque sur le thème « Menaces sur les liens, Amour du lien, Amour de l’objet ». – Informations et inscriptions : Le Carnet/Psy – 8, avenue J.-B. Clément – 92100 BOULOGNE – 01 46 04 74 35 – [email protected] – www.carnetpsy.com

À L’ÉTRANGER

Octobre 2020

ISRAËL, du 18 au 25 : Copelfi organise sa XVIème Conférence sur le thème « Les Parentalités ». – Informations et renseignements :

[email protected] – www.copelfi.fr – Page FB : copelfi

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N° 273 • juin-juillet 2020

de PsychiatrieFrançaise

Le Syndicat des Psychiatres Français & l’association du Congrès de Psychiatrie et de Neurologie de LangueFrançaise (CPNLF), sous l’égide de la commission des psychiatres libéraux de l'association du CPNLF, a leplaisir de vous informer de l'appel à candidature au Prix "Initiative libérale" qui a pour objectif de promouvoir etdévelopper la richesse des pratiques libérales.Ce prix vise à récompenser dans le cadre de son activité libérale, une initiative prise par un médecin engagédans le domaine de la santé mentale : qu’il s’agisse d’une pratique habituelle, d’une expérience ou d’un projet,de nature aussi bien préventive que curative.Doté à hauteur de 1 000 euros, ce prix est assorti d’une invitation au prochain colloque international de l’association du CPNLF qui se tiendra à Lille du 16 au 18 septembre 2020.Procédure de candidature et règlement La date limite de réception des dossiers est le 25 août 2020 à minuit aux trois adresses e-mail suivantes :- Dr Maurice Bensoussan (Toulouse) : [email protected] Dr François Conraux (Saint-Dié) : [email protected] Dr Dominique Mastelli (Strasbourg) : [email protected] Pour participer, il suffit d’adresser par courrier ou par mail, sur papier à en-tête nominative, un descriptif de deuxpages maximum, d’une pratique ou d’un projet original, innovant dans le domaine de la santé mentale s’inscrivantdans le cadre d’un exercice libéral, ainsi qu’un résumé de 250 à 300 mots (2 000 signes espaces comprismaximum) en Times ou Times New Roman corps 11, non justifié, interligne continu, sans alinéa, présenté surMicrosoft Word en point doc (.doc ou docx).Organisation et obligations du lauréat L’Association du CPNLF permettra au candidat(e) sélectionné(e) de se rendre au 118e colloque internationalqui aura lieu à à Lille du 16 au 18 septembre 2020. Les frais d’inscription, de déplacement et d’hébergementseront pris en charge.Par la suite, la communication du lauréat sera présentée oralement (15 minutes) lors de la session sous l’égidede la commission des psychiatres libéraux.Une introduction et une présentation de cette session sera faite par un membre du Syndicat des PsychiatresFrançais et un membre de l'association de la commission des psychiatres libéraux de l'association du CPNLF.La remise du prix aura lieu au cours de la session et lors de la soirée de remise des récompenses des "Prix etbourses" organisée par l'association du CPNLF.

Pour toutes questions, n’hésitez pas à joindre le Dr Maurice Bensoussan ([email protected])

et/ou le Dr Dominique Mastelli ([email protected])et /ou à consulter le site de l’association : cpnlf.fr

Prix "Initiative libérale"Sous l'égide du Syndicat des Psychiatres Français & de l'association du CPNLF

Appel à candidature pour l’année 2020

Syndicat des Psychiatres Français