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La Lettre de l'Académie nationale de pharmacie L' bservatoire Aujourd’hui encore le milieu marin reste relativement mal connu des chimistes. Sur environ 145 000 substances naturelles actuellement décrites, on estime à 10 % seulement celles provenant d’organismes marins. Pour- tant, la plus grande partie de la biodiversité de la vie sur la planète Terre se situe dans les océans avec 34 des 36 phyla existants représentés. Les organismes marins, vivants dans un milieu hautement compétitif produisent des métabolites secondaires uniques qui ont des rôles écologiques essentiels à l’équilibre des biotopes (compétition pour l’espace, colonisation des surfaces, défense contre la prédation, séduction pour la reproduction). En mer, plus encore que sur terre, les systèmes de communication chimique constituent un élément indispensable dans l’établissement des relations intra- et interspécifiques. Ceci est d’autant plus vrai que parmi les organismes marins plusieurs milliers d’espèces – c’est le cas notamment de la plupart des invertébrés marins – sont sessiles et dépourvues d’organe de la vision. Pour nombre de ces animaux vivant fixés sur le substrat, la fonction défensive des métabolites secondaires envers un certain nombre d’agression (prédateurs, compétiteurs, colonisateurs, radiations UV) a été clairement démontrée. Ces interactions chimiques sont à l’origine d’une exceptionnelle diversité chimique qui mobilise un nombre croissant d’équipes de recherche dans le monde et de grands groupes pharmaceutiques se penchent sur ce gisement de molécules. De par leur activité biologique in situ certaines molécules présentent, en effet, un grand intérêt dans différents domaines relevant de la chimie pour le vivant. Ainsi, l’observation étroite des écosystèmes marins et les travaux menés en écologie chimique, outre une meilleure compréhension du milieu marin, permettent une approche plus rationnelle dans la recherche de nouveaux archétypes de molécules à potentialité médicamenteuse. BERNARD BANAIGS Laboratoire de Chimie des Biomolécules et de l’Environnement, EA 4215 - Université de Perpignan NUMÉRO 5 www.acadpharm.org - 4 avenue de l’Observatoire 75270 PARIS cedex 06 Les Annales font peau neuve Les Annales Pharmaceutiques Fran- çaises, organe officiel de l’Académie, doivent jouer un rôle majeur dans la dynamique de modernisation et d’amélioration de notre communi- cation, tant interne qu’externe, développée depuis plusieurs années par les organes dirigeants de notre compagnie. Les Annales se devaient donc de répondre à cet enjeu vital pour la lisibilité et la reconnaissance de celle-ci en menant une réflexion d’autant plus urgente qu’elle s’inscrivait dans un contexte d’évolution inéluc- table des conditions de soumission et de publication des articles lié à l’intégration récente de notre éditeur traditionnel Masson dans le groupe international Else- vier. Ces modifications fondamentales dans le proces- sus éditorial, doivent notamment nous conduire à une professionnalisation accrue des modes de soumission et de traitement des manuscrits. La crédibilité de l’Académie ne pouvant qu’être fondée sur la qualité des travaux réalisés par ses membres, celle-ci doit donc être reflétée par les articles qui sont publiés dans les Annales, son organe officiel. C’est cette idée force qui guide le nouveau comité de rédac- tion, plus resserré, qui a été mis en place fin 2007. Il regroupe, autour du rédacteur en chef, cinq rédacteurs représentant les cinq sections de notre compagnie et choisis pour leur grande compétence et leur volonté d’investissement. Les efforts accomplis depuis des années, tout particuliè- rement par notre rédacteur en chef honoraire, J. Saint- Blancard, ont été notables et appréciés. Cependant, si nous voulons progresser, répondre efficacement aux inéluctables mutations du monde de la communication et de l’édition et faire de la revue de l’Académie la vitrine incontestée de ses activités scientifiques, il convient de remettre en cause, même de façon drastique, nos habitudes, modes de pensée et pratiques. Le comité de rédaction est persuadé que l’ensemble de notre compa- gnie comprendra les enjeux majeurs de modernisation des Annales et s’engagera résolument dans cette voie. ALAIN ASTIER éditorial Menace sur la biologie médicale à la française La biologie médicale française ne rentre pas dans le cadre fixé par La Commission Européenne, qui vient de mettre en demeure le gouvernement français dans le but évident d’ouvrir le « marché » de la santé aux capitaux extérieurs à la profession. On ne peut pas reprocher à la profession de biologiste de ne pas avoir évolué. Durant ces 30 dernières années, elle n’a jamais cessé de s’adapter. Au nombre de 10 700 environ, dont 76 % de pharmaciens et 24 % de méde- cins, les biologistes jouent un rôle-clé au sein des réseaux de santé, notamment en matière de prévention, de diagnostic, de suivi biologique et de pronostic de la maladie. Mais, dans le contexte européen, le système français présente des spécificités qui font sa qualité : un haut niveau de formation universitaire et hospitalier, une organisation fondée sur un exercice praticien libéral avec prise en compte par le biologiste de tous les stades de l’analyse et une biologie de proximité qui garantit au patient la sécurité et la facilité d’accès aux soins. JEAN-JACQUES GUILLOSSON actualité e nvironnement et s anté De l’écologie chimique à la pharmacochimie Biodiversité marine et médicament © A lain DIA Z Plus de 15000 nouveaux composés ont été caractérisés dans des organismes marins durant ces 30 dernières années. Certains sont commercialisés comme outils biologiques, d’autres servent de modèle pour le développement de nouveaux médicaments

La Lettre de l'Académie nationale de pharmacie · La Lettre de l'Académie nationale de pharmacie L' bservatoire Aujourd’hui encore le milieu marin reste relativement mal connu

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Page 1: La Lettre de l'Académie nationale de pharmacie · La Lettre de l'Académie nationale de pharmacie L' bservatoire Aujourd’hui encore le milieu marin reste relativement mal connu

La Lettre de l 'Académie nat ionale de pharmacie

L' bservatoire

Aujourd’hui encore le milieu marin reste relativement mal connu des chimistes. Sur environ 145 000 substances naturelles actuellement décrites, on estime à 10 % seulement celles provenant d’organismes marins. Pour-tant, la plus grande partie de la biodiversité de la vie sur la planète Terre se situe dans les océans avec 34 des 36 phyla existants représentés. Les organismes marins, vivants dans un milieu hautement compétitif produisent des métabolites secondaires uniques qui ont des rôles écologiques essentiels à l’équilibre des biotopes (compétition pour l’espace, colonisation des surfaces, défense contre la prédation, séduction pour la reproduction). En mer, plus encore que sur terre, les systèmes de communication chimique constituent un élément indispensable dans l’établissement des relations intra- et interspécifiques. Ceci est d’autant plus vrai que parmi les organismes marins plusieurs milliers d’espèces – c’est le cas notamment de la plupart des invertébrés marins – sont sessiles et dépourvues d’organe de la vision. Pour nombre de ces animaux vivant fixés sur le substrat, la fonction défensive des métabolites secondaires envers un certain nombre d’agression (prédateurs, compétiteurs, colonisateurs, radiations UV) a été clairement démontrée. Ces interactions chimiques sont à l’origine d’une exceptionnelle diversité chimique qui mobilise un nombre croissant d’équipes de recherche dans le monde et de grands groupes pharmaceutiques se penchent sur ce gisement de molécules. De par leur activité biologique in situ certaines molécules présentent, en effet, un grand intérêt dans différents domaines relevant de la chimie pour le vivant. Ainsi, l’observation étroite des écosystèmes marins et les travaux menés en écologie chimique, outre une meilleure compréhension du milieu marin, permettent une approche plus rationnelle dans la recherche de nouveaux archétypes de molécules à potentialité médicamenteuse.

BERNARD BANAIGSLaboratoire de Chimie des Biomolécules

et de l’Environnement, EA 4215 - Université de Perpignan

N U M É R O 5 w w w. a c a d p h a r m . o r g - 4 a v e n u e d e l ’O b s e r v a t o i r e7 5 2 7 0 PA R I S c e d e x 0 6

Les Annales font peau neuve

Les Annales Pharmaceutiques Fran-çaises, organe officiel de l’Académie,

doivent jouer un rôle majeur dans la dynamique de modernisation et d’amélioration de notre communi-cation, tant interne qu’externe, développée depuis plusieurs années par les organes dirigeants de notre compagnie. Les Annales se devaient donc de répondre à cet enjeu vital pour la lisibilité et la reconnaissance de celle-ci en menant une réflexion d’autant plus urgente qu’elle s’inscrivait dans un contexte d’évolution inéluc-table des conditions de soumission et de publication des articles lié à l’intégration récente de notre éditeur traditionnel Masson dans le groupe international Else-vier. Ces modifications fondamentales dans le proces-sus éditorial, doivent notamment nous conduire à une professionnalisation accrue des modes de soumission et de traitement des manuscrits. La crédibilité de l’Académie ne pouvant qu’être fondée sur la qualité des travaux réalisés par ses membres, celle-ci doit donc être reflétée par les articles qui sont publiés dans les Annales, son organe officiel. C’est cette idée force qui guide le nouveau comité de rédac-tion, plus resserré, qui a été mis en place fin 2007. Il regroupe, autour du rédacteur en chef, cinq rédacteurs représentant les cinq sections de notre compagnie et choisis pour leur grande compétence et leur volonté d’investissement. Les efforts accomplis depuis des années, tout particuliè-rement par notre rédacteur en chef honoraire, J. Saint-Blancard, ont été notables et appréciés. Cependant, si nous voulons progresser, répondre efficacement aux inéluctables mutations du monde de la communication et de l’édition et faire de la revue de l’Académie la vitrine incontestée de ses activités scientifiques, il convient de remettre en cause, même de façon drastique, nos habitudes, modes de pensée et pratiques. Le comité de rédaction est persuadé que l’ensemble de notre compa-gnie comprendra les enjeux majeurs de modernisation des Annales et s’engagera résolument dans cette voie.

ALAIN ASTIER

éditorial

Menace sur la biologie médicale à la française

La biologie médicale française ne rentre pas dans le cadre fixé par La Commission Européenne, qui vient de mettre en demeure le gouvernement français dans le but évident

d’ouvrir le « marché » de la santé aux capitaux extérieurs à la profession. On ne peut pas reprocher à la profession de biologiste de ne pas avoir évolué. Durant ces 30 dernières années, elle n’a jamais cessé de s’adapter. Au nombre de 10 700 environ, dont 76 % de pharmaciens et 24 % de méde-cins, les biologistes jouent un rôle-clé au sein des réseaux de santé, notamment en matière de prévention, de diagnostic, de suivi biologique et de pronostic de la maladie. Mais, dans le contexte européen, le système français présente des spécificités qui font sa qualité : un haut niveau de formation universitaire et hospitalier, une organisation fondée sur un exercice praticien libéral avec prise en compte par le biologiste de tous les stades de l’analyse et une biologie de proximité qui garantit au patient la sécurité et la facilité d’accès aux soins.

JEAN-JACQUES GUILLOSSON

actualité

environnement et santé

De l’écologie chimique à la pharmacochimie

Biodiversité marineet médicament

© Alain DIAZ

Plus de 15000 nouveaux composés ont été caractérisés dans des organismes marins durant ces 30 dernières années. Certains sont commercialisés comme outils biologiques, d’autres servent de modèle pour le développement de nouveaux médicaments

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Les rythmes biologiques pour quoi faire ?

Synchronisation, désynchronisation, avance et retard de phase, horloges biologiques, pacemaker, Zeitgeber sont quelques-uns des termes retrouvés maintenant fréquemment dans la littérature médicale, ce qui témoigne de l’importance prise par la chronobiologie dans la compréhension des phénomènes biologiques.

Les mammifères sont en effet caractérisés par une structure temporelle complexe de rythmes biologiques présents à tous les niveaux de leur organisation : populations, individus, organes et tissus, cellules et organites sub-cellulaires. Ces rythmes couvrent un large spectre de fréquence (infradien, circadien, ultradien) et sont l’objet d’interactions multiples et hautement complexes.

Un rythme circadien est la résultante de 2 composantes, l’une externe constituée des facteurs de l’environne-ment appelés synchroniseurs, la seconde interne, d’origine génétique. Cette composante endogène est mise en évidence dans les expériences dites hors du temps quand un organisme est soustrait aux facteurs cycliques de l’environnement : les rythmes circadiens persistent avec une période légèrement différente de 24 h car l’horloge n’est plus entraînée par les synchroniseurs de l’environnement.

Un rythme circadien est désynchronisé lorsque notre horloge biologique n’est plus en résonance avec le monde extérieur, c’est-à-dire son environnement. Cette désynchronisation se retrouve dans le travail posté, le travail de nuit, les vols transméridiens avec plus de 3 fuseaux horaires (un décalage horaire d’une heure comme dans le pas-sage à l’heure dite d’été n’a aucune influence sur la structure temporelle de l’organisme), les personnes atteintes de cécité … Lorsque la désynchronisation n’est pas liée à l’environnement, on dit qu’elle est endogène. Ce type de désynchronisation s’observe dans le vieillissement, même s’il est physiologique et normal, les troubles bipolaires, la dépression saisonnière et d’autres maladies psychiatriques, les cancers hormono-dépendants (cancers du sein, de l’ovaire, de la prostate) …

La resynchronisation de l’organisme est réalisée, selon des protocoles très précis, soit par l’exposition à la lumière forte (2 500 lux pendant 1 h le matin), soit par l’administration de mélatonine (0,5 à 5 mg selon les protocoles), très précises en fonction du trouble à traiter car la mélatonine administrée le matin retarde la phase des rythmes circadiens alors que lorsqu’elle est administrée en soirée elle avance la phase des mêmes rythmes circadiens.

Ainsi, lorsque de manière récurrente, l’actualité s’empare de l’aménagement du temps scolaire, les rythmes biologiques sont au cœur de la santé publique. Malheureusement, les chronobiologistes ne sont ni consultés ni écoutés. Malgré leurs nombreuses mises en garde et l’expertise collective menée par l’INSERM, la décision a ainsi été prise d’instituer la semaine dite de 4 jours pour les écoliers français. C’est une décision contre-produc-tive du strict point de vue de la santé de l’enfant et de son efficacité dans l’apprentissage.

YVAN TOUITOU

dossier

Drogues au volant : stupéfiant !

Une nouvelle étude française aux résultats inquiétants …Afin de savoir si la législa-tion française de 2003 qui avait instauré un délit de conduite après usage de stupéfiants avait été suivie

d’effets, nous avons réalisé une étude épidémiolo-gique regroupant 16 laboratoires et portant sur les années 2005 et 2006. Pendant cette période, l’alcool et les stupéfiants ont été recherchés dans le sang de 1 025 conducteurs âgés de moins de 30 ans et décé-dés au cours d’un accident de la voie publique. Si les prévalences observées pour les opiacés et les amphé-tamines (respectivement 2,4 et 1 %) étaient voisines de celles observées au cours des études précédentes, une augmentation de prévalence tout à fait significative était observée pour la cocaïne (2,5 % versus moins de 0,5 % en 2000 et 2001). Mais les résultats les plus déconcertants concernaient le cannabis, révélant que 35 % des conducteurs avaient fait usage de cannabis avant de prendre le volant. L’usage d’alcool arrivait en deuxième position avec 33,1 % des conducteurs. Parmi les conducteurs positifs au cannabis, ce dernier était seul présent dans le sang dans 66 % des cas, associé à d’autres stupéfiants dans 7 % des cas et à l’alcool dans 27 % des cas. Pour la première fois, une étude épidé-miologique révélait donc qu’en France, le problème des stupéfiants au volant était devenu tout aussi important que celui de l’alcool.

Les tests de dépistage salivaire seraient-ils la solution ?La salive pourrait constituer un excellent milieu d’in-vestigation pour mettre en évidence un usage récent de stupéfiants. Cependant, les tests commercialisés à ce jour, s’ils donnent des résultats acceptables avec les amphétamines, la cocaïne et les opiacés, ne sont pas fiables pour le dépistage du cannabis, avec un nombre de faux négatifs et de faux positifs inacceptable. Seuls les pays pour lesquels le cannabis n’est pas un pro-blème important peuvent y trouver un intérêt, ce qui n’est bien entendu pas le cas en France.

Agir au plus vite !Il y a aujourd’hui une nécessité impérieuse de mettre en place des actions de prévention et d’information des consommateurs sur les risques encourus tant pour eux mêmes que pour autrui. L’instauration récente de stages de sensibilisation obligatoires pour tout usager de stupéfiant pris en flagrant délit (décret n° 2007-1388 du 26 septembre 2007) constitue un grand pas en avant, en permettant de s’adresser directement aux consommateurs eux-mêmes. Quant à la prévention, les consommateurs étant de plus en plus jeunes, elle devrait commencer dès le collège, voire avant, en l’intégrant dans les programmes des Sciences de la Vie et de la Terre.

PATRICK MURA

questions d’expert

Médicaments sur internet Une réglementation est possible

Tout un chacun peut constater depuis un moment l’envahissement croissant des boites e-mails par des sollicitations répétitives, voire agressives (« spams »), propo-

sant la vente sur Internet de produits présentés comme étant des médicaments.

Mais d’où proviennent donc ces produits ? Quelle est au juste leur qualité ? Est-il bien raisonnable de laisser à n’importe qui la possibilité de les utiliser sans aucun contrôle ni conseil d’un professionnel de santé, à la seule condition de disposer d’une carte de crédit pour passer commande ?

La réalité est que ces sites non autorisés sont de localisation pour le moins incertaine, qu’ils n’offrent strictement aucune garantie quant à la qualité des produits proposés, avec un risque très élevé de contrefaçons, en particulier, sachant que le marché mondial des médicaments contrefaits représen-terait déjà 10 % du marché total.

Plutôt que de subir passivement cette situation préoccupante, il vaudrait mieux anticiper et réfléchir aux conditions dans lesquelles pourraient être légalement proposés à la vente à partir de sites Inter-net, sur le territoire français, des médicaments à prescription médicale facultative (en « vente libre » ), afin d’offrir aux patients un nouveau service de ce type dans un cadre parfaitement sécurisé.

L’autorisation de ces sites pourrait être subordonnée à l’attribution d’un label garantissant le respect d’un certain nombre de critères très stricts, concernant, notamment, leur fonctionnement, leur propriété, l’information du patient et la qualité des produits qui y sont proposés. Ces sites installés en France devraient être la propriété de pharmaciens titulaires d’officines « physiques ». La priorité serait sans doute de mettre en garde dès maintenant le public sur les graves risques potentiels encourus en cas d’achats à distance sur des sites Internet non autorisés. De grandes campagnes d’information seraient les bienvenues.

DIDIER RODDE

Ces recommandations font l’objet d’un rapport de l’Académie nationale de Pharmacie, disponible intégralement sur son site. www.acadpharm.org, (rubrique Travaux de l’Académie/Rapports d’étude.)

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Alzheimer : ne pas oublier les pharmaciens ! Dans le cadre du Plan Alzheimer, Joël MENARD a invité les pharmaciens à

se mobiliser à côté des médecins et d’autres professionnels de santé pour aider les patients et leur entourage (les « aidants »). Le projet du CESPHARM*

a été retenu au sein du groupe « Ethique et communication »

23 000 officines et 4 000 laboratoires d’analyse de biologie médicale accueillent plus de 4 millions de personnes chaque jour en France. Les pharmaciens, ainsi en contact direct et permanent avec le public, et bien répartis sur l’ensemble du territoire, sont donc effectivement les mieux placés pour participer à l’action contre l’ensemble des maladies chroniques, la maladie d’Alzheimer notamment.

Acteurs majeurs de santé publique, les pharmaciens ont, pour cette maladie plus particulièrement, l’avantage de la proximité, de l’écoute, et surtout de la véritable connaissance des patients et de leur famille. Des jeunes bébés aux adolescents et jusqu’aux seniors, ces familles savent qu’ à l’occasion d’une visite à la pharmacie ou au laboratoire, elles peuvent trouver des informations, des conseils et des sou-tiens le plus souvent gratuits.

Pour pouvoir agir efficacement, les pharmaciens doivent s’adapter aux nouvelles missions qui leur sont confiées : espace de confidentialité, aide à la personne, y compris à son domicile, orientation personnalisée vers les autres professionnels de santé, participation à des réunions collégiales avec médecins, infirmiers, kinésithérapeutes, etc., mais aussi avec les aidants médico ou psychosociaux.

Dans le cas précis de la maladie d’Alzheimer, ils doivent écouter les personnes concernées et leur famille, les rassurer, car tou-te plainte mnésique liée à l’âge n’est pas forcément annoncia-trice d’Alzheimer, les informer et les orienter vers les structures existantes de diagnostic, voire de prise en charge. Nous pensons que le pharmacien, à l’aide d’outils adaptés (guide d’entretien par exemple), a la possibilité d’aider les médecins à effectuer un diagnostic le plus précoce possible.

Le pharmacien doit enfin sou- tenir les patients et leur famille sur le plan des traitements médicamenteux, actuellement symptomatiques, mais dont l’efficacité est reconnue. Le pharmacien est évidemment le mieux placé pour alerter l’en-tourage du patient sur les effets secondaires grâce aux bases de données informatisées dont il dispose. ; l’aide à l’observance est essentielle dans la mesure où cette maladie pose de manière particulière le problème de l’adhésion des patients à leur traitement.Avec l’aide du Cespharm, les pharmaciens se sont déjà engagés dans l’éducation sanitaire et la pré-vention de nombreuses maladies majeures : diabète, cancers, ostéoporose, addictions, asthme, etc. Ils suivent de plus en plus de formations sur les principales maladies : fiches techniques et dossiers, journées de formation continue. Le « Dossier pharmaceutique », enfin, va bientôt leur permettre de mieux suivre le parcours thérapeutique de leurs patients en évitant bon nombre d’accidents d’iatrogénie médicamenteuse et de redondances coûteuses.

Il faut que les pharmaciens s’attachent en priorité à la recherche d’éléments de prévention primaire objectifs car, dans une maladie difficile à diagnostiquer et à traiter, c’est la prévention qui peut faire la différence.

Cette prévention, le médecin généraliste ne peut plus l’assumer seul à tous les niveaux. Les autorités de santé doivent donc faire largement appel aux autres professionnels de santé, les pharmaciens officinaux et biologistes en particulier, pour la prise en charge collective et coordonnée des patients atteints de la maladie d’Alzheimer et de démences apparentées, dont le nombre ne fera que s’accroître avec l’allongement de la durée de vie.

CLAUDE DREUX Président du CESPHARM*,

* « Comité d’éducation sanitaire et sociale de la pharmacie française » créé par l’Ordre national des Pharmaciens

profession pharmacien mise au point

Importation parallèle des médicaments :

la vigilance s’imposeLe principe de la libre-circulation au sein de l’Union Européenne

s’applique aux médicaments comme aux autres biens de consom-

mation s’ils sont pourvus d’une Autorisation de Mise sur le Marché dans les différents pays concer-nés. La conséquence en est un commerce parallèle lié à l’existence de prix différents d’un Etat-Membre à l’autre en raison de systèmes de protection sociale restés nationaux. Pour adapter les médicaments aux pays d’importation, des modifications du condi-tionnement sont souvent réalisées (modification du boîtage, application de nouvelles étiquettes, changement de notice…). Les interventions sur le conditionnement peuvent conduire à des transfor-mations importantes pouvant poser des problèmes de santé publique comme l’a déclaré récemment le Commissaire européen Verheugen. Par ailleurs, quelques cas de contrefaçons ayant pénétré le circuit de distribution, en particulier en Grande-Bretagne, ont été associés à des importations parallèles. Des développements nouveaux sur cette question importante sont à attendre en fonction des résultats des travaux en cours et des nouvelles informations recueillies sur les risques encourus en matière de santé publique.

YVES JUILLET

L’Académie nationale de Pharmacie recommande notamment :• La réalisation d’études indépendantes au niveau

européen pour déterminer de manière plus précise les risques des importations parallèles

• L’indication claire, en matière de reconditionnement, du type d’opérations autorisées ou proscrites

• La mise à disposition systématique d’une infor-mation au titulaire de l’AMM en plus des autorités de santé

• La définition claire de la responsabilité respective des titulaires de l’AMM et des importateurs parallèles

• La mise en place de systèmes de traçabilité et de codage au niveau européen, ainsi que d’audits réguliers des circuits de distribution incluant les importations parallèles.

Les pharmaciensen contact avec

le public ont un rôle important à jouer

dans la priseen charge decette maladie

au plan national

Retrouvez le rapport intégral : http://www.acadpharm.org/medias/direct/Position-Academie-importations-paralleles-8.11.07-VDEF.pdf

La prévention en question(s)

10 avril 2008 9h00/17h30 - École du Val-de-grâce Paris.Sous la présidence de Madame Roselyne Bachelot, Ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports.Programme disponible sur le site de l’Académie de Pharmacie.

Addictions, vaccination, dépistage de masse, zoonoses, nutrition et santé bucco-dentaire, environnement et inégalités de santé : une culture de la prévention s’impose. Mais, à quel prix et sous quelles conditions ? Les 5 académies, qui constituent le « Groupe de concertation entre Académies des sciences de la Vie et de la Santé », organisent une journée scientifique sur ce sujet qui ne doit plus être le parent pauvre de la santé.

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Directeur de la rédaction : Jean-Paul Chiron - Rédacteur en chef : Jean-Pierre Foucher - Conception et Réalisation : Nicole Priollaud. Crédit photos : DR - Création et Mise en page : Pastel Créations - Impression : Art & Caractère.ISSN 1955-8694. Dépôt légal décembre 2007-09-20 : avec le concours des laboratoires Pierre Fabre .

côté recherche

Les académiciens écrivent

• Olivier LAFONT « Echevins & apothicaires sous Louis XIV -

La vie de Matthieu-François Geoffroy, bourgeois de Paris »

Ed. Pharmathèmes

• Jacques CALLANQUIN,

Pierre FAURE, Pierre LABRUDE et coll « Les pansements des plaies.

Guide à l’usage des praticiens » Ed. Pharmathèmes

Nouveaux élus 2008

carnet

Membres titulaires Christiane GARBAYChristine CAPDEVILLE- ATKINSON

Membre associée Françoise FORETTE

DécèsPhilippe GAYRAL Abderrahim BENNIS Roger BOULU Jacqueline SIGVARD

DistinctionsPierre CORVOL Commandeur dans l’Ordre de la Légion d’Honneur

Joël MÉNARD Offi cier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur

Isabelle ADENOT et Bernard CHALCHAT Chevaliers dans l’Ordre de la Légion d’Honneur.

Christiane KONG Offi cier dans l’Ordre national du Mérite

Jean-Daniel BRION Chevalier dans l’Ordre national du Mérite

ÉlectionJean SASSARD à l’Académie nationale de médecine (Section Sciences pharmaceutiques – Division Sciences biologiques et pharmaceutiques)

Les accidents vasculaires cardiaques et cérébraux sont la première cause de mortalité dans les pays développés. Leur fréquence est en augmentation dans les pays en voie de développement. Les facteurs de risque identifiés (obésité/diabète, hypertension artérielle, hyperlipidémie, tabagisme etc.) ont pour point commun de s’accom-pagner d’un stress oxydant dans les vaisseaux. Il en résulte une modification de la balance entre les facteurs endothéliaux vasodilatateurs et vasoconstricteurs et anti- ou pro athérosclérose et thrombose, au profit des seconds. En particulier, l’oxydation de co-facteurs de la NO synthase endothéliale (NOS 3) entraîne son « décou-plage », orientant l’activité de cette enzyme vers la production d’anion superoxyde plutôt que de NO. A l’inverse, le NO inhibe l’expression et l’activité de la NAD(P)H oxydase, principal responsable du stress oxydant. Il agit ainsi comme protecteur vasculaire, s’opposant aux effets délétères des facteurs de risque.

L’hypothèse suivant laquelle la mortalité due à des accidents vasculaires coronariens ou cérébraux est diminuée par un régime riche en polyphénols alimentaires tels que ceux contenus dans le vin rouge, certains jus de raisin, le thé ou le cacao, repose sur des données épidémiologiques. Notre équipe a été l’une des premières à s’intéresser à la question. Dès 1997, nous avons rapporté qu’un extrait de vin rouge dépourvu d’alcool augmente la production de NO par l’endothélium. Ultérieurement, nous avons observé que l’ingestion de cet extrait prévient la survenue d’un stress oxydant expérimental dans les vaisseaux. Les polyphénols sont capables d’activer la production de NO dans les cellules endothéliales, même si la NOS 3 est découplée au préalable. De façon inattendue, cette activation nécessite l’intervention d’ions superoxydes. Ainsi, contrairement à une idée reçue, la protection vasculaire conférée par les polyphénols ne résulte pas essentiellement d’un effet anti-oxydant direct, mais plutôt de la mise en œuvre dans le vaisseau de mécanismes protecteurs contre le stress oxydant, de façon préventive ou curative. Les substan-ces définies capables de produire cet effet sont des flavonoides, plus particulièrement des anthyocyanines et des procyanidines. Toutefois, il existe plusieurs centaines de composés de ces classes dans le vin et d’autres aliments, parmi lesquels les substances actives et leur sort dans l’organisme humain restent à définir. Une autre approche consiste à essayer de compenser une insuffisance de NO endogène dans le vaisseau par un apport de NO exogène. L’inondation de l’organisme par des donneurs de NO non sélectifs ou à courte durée d’action n’est évidemment pas satisfaisante. Par contre, en étudiant la constitution dans les vaisseaux de formes de réserve de NO (dont on connaît la courte durée de vie à l’état de radical libre), nous avons montré l’intérêt potentiel de S-nitrosothiols comme le S-nitrosoglutathion. Ceux-ci induisent la S-nitrosation des restes thiols des protéines, dont le NO ensuite progressivement libéré exerce un effet protecteur vasculaire prolongé. Ainsi, le NO se trouve-t-il au cœur de deux stratégies différentes qui visent à renforcer la protection vasculaire de façon préventive ou curative, par des mesures diététiques indépendantes de la richesse du régime en graisses animales, ou par l’administration d’adjuvants alimentaires ou de médicaments. JEAN-CLAUDE STOCLET

Diplômé pharmacien de la Faculté de Pharmacie de Paris (1956), Jean-Claude Stoclet a d’abord étudié les mouvements de calcium dans les tissus musculaires (sujet de sa thèse d’Etat), sous la direction du Professeur Yves Cohen au CEN de Saclay. A la Faculté de Pharmacie de Strasbourg, où il a créé en 1968 le Laboratoire de Pharmacologie et Physiopathologie cellulaires, ses recherches ont porté sur la transmission des signaux dans et entre les cellules vasculaires. Il y a notamment travaillé sur

le rôle et la pharmacologie des phosphodiestérases des nucléotides cycliques et des NO synthases inductible et endothéliale. Il a présidé la Commission de Cardiologie de l’INSERM de 1995 à 1999.

Le NO au cœur des stratégies de protection vasculaire