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Tous droits réservés © Santé mentale au Québec, 1982 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 10 juin 2020 16:37 Santé mentale au Québec La localisation des services d’urgence psychiatrique sur l’île de Montréal Localization of emergency psychiatric services in Montréal Peter M. Foggin Volume 7, numéro 1, juin 1982 URI : https://id.erudit.org/iderudit/030126ar DOI : https://doi.org/10.7202/030126ar Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Revue Santé mentale au Québec ISSN 0383-6320 (imprimé) 1708-3923 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Foggin, P. M. (1982). La localisation des services d’urgence psychiatrique sur l’île de Montréal. Santé mentale au Québec, 7 (1), 75–87. https://doi.org/10.7202/030126ar Résumé de l'article La validité du choix du facteur «géographique» comme principe d'organisation des services de soins psychiatriques d'urgence est étudiée à partir d'une analyse de la littérature scientifique d'une part et d'une analyse des données montréalaises d'autre part. Les auteurs ne s'entendant pas sur l'importance à accorder au facteur géographique de la distance entre le consommateur et les services fournis, cette recherche tente de vérifier deux hypothèses : 1) il y a une réponse structurée à l'offre des services d'urgence psychiatrique des hôpitaux de Montréal et 2) la répartition géographique des usagers qui se présentent à ces services est liée à trois variables dont la plus importante est la distance spatiale entre le patient et la ressource d'urgence la plus proche. L'étude tend à confirmer ces deux hypothèses.

La localisation des services d’urgence psychiatrique sur l ... · l'étude de Michael Dear (1977) indique le contrai-re. Cet auteur, s'inspirant largement de la concep-tualisation

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Tous droits réservés © Santé mentale au Québec, 1982 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 10 juin 2020 16:37

Santé mentale au Québec

La localisation des services d’urgence psychiatrique sur l’île deMontréalLocalization of emergency psychiatric services in MontréalPeter M. Foggin

Volume 7, numéro 1, juin 1982

URI : https://id.erudit.org/iderudit/030126arDOI : https://doi.org/10.7202/030126ar

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)Revue Santé mentale au Québec

ISSN0383-6320 (imprimé)1708-3923 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleFoggin, P. M. (1982). La localisation des services d’urgence psychiatrique surl’île de Montréal. Santé mentale au Québec, 7 (1), 75–87.https://doi.org/10.7202/030126ar

Résumé de l'articleLa validité du choix du facteur «géographique» comme principe d'organisationdes services de soins psychiatriques d'urgence est étudiée à partir d'uneanalyse de la littérature scientifique d'une part et d'une analyse des donnéesmontréalaises d'autre part. Les auteurs ne s'entendant pas sur l'importance àaccorder au facteur géographique de la distance entre le consommateur et lesservices fournis, cette recherche tente de vérifier deux hypothèses : 1) il y aune réponse structurée à l'offre des services d'urgence psychiatrique deshôpitaux de Montréal et 2) la répartition géographique des usagers qui seprésentent à ces services est liée à trois variables dont la plus importante est ladistance spatiale entre le patient et la ressource d'urgence la plus proche.L'étude tend à confirmer ces deux hypothèses.

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LA LOCALISATION DES SERVICES D'URGENCE PSYCHIATRIQUESUR L'ILE DE MONTRÉAL*

Peter M. Foggin**

JZa validité du choix du facteur «géographique» comme principe d'organisation des services de soins psychia-triques d'urgence est étudiée à partir d'une analyse de la littérature scientifique d'une part et d'une analysedes données montréalaises d'autre part. Les auteurs ne s'entendant pas sur l'importance à accorder au facteurgéographique de la distance entre le consommateur et les services fournis, cette recherche tente de vérifierdeux hypothèses : 1) il y a une réponse structurée à l'offre des services d'urgence psychiatrique des hôpitauxde Montréal et 2) la répartition géographique des usagers qui se présentent à ces services est liée à troisvariables dont la plus importante est la distance spatiale entre le patient et la ressource d'urgence la plusproche. L'étude tend à confirmer ces deux hypothèses.

Au cours des années 70, les soins psychiatriquesde la région de Montréal ont été confiés à des équi-pes de secteur dispensant leurs services à la popula-tion comprise dans des limites géographiques pré-cises (Lortie, 1968; Lazure, 1974). L'objectif visépar cette sectorisation était d'assurer «en tout tempset à n'importe quel citoyen qui en éprouve le besoin,une équipe de professionnels prête à répondre à sademande d'aide» (C.S.M.Q., 1975, p. 7). Cetteinitiative s'inscrit dans une tendance générale enAmérique du Nord vers une décentralisation géo-graphique des soins de santé mentale (Wolpert,Dear, Crawford, 1975).

Cependant, l'effet global de cette restructurationdes services a été souvent remis en question. L'arti-cle apporte une contribution au débat en exami-nant la validité du choix du facteur «géographique»comme principe d'organisation des services desoins psychiatriques. Il débute par une analyse de

la littérature scientifique portant sur l'importancede cette variable dans la répartition des problèmesde santé mentale. Cette approche est par la suiteappliquée à l'étude de la répartition des urgencespsychiatriques dans la région de Montréal, étudequi constitue le corps principal de l'article.

1. IMPORTANCEDUFACTEURGÉOGRAPHIQUE DANS LA RÉPARTITIONDES PROBLÈMES DE SANTÉ MENTALE

Dans la littérature scientifique, on remet souventen question l'utilité et l'efficacité de l'accent missur la localisation des services psychiatriques. Ainsi,l'étude de Christopher Smith (1976) montre que ladistance entre le logement du patient et le centrede traitement n'influence que très peu le taux deréadmission des patients psychiatriques. Par contre,l'étude de Michael Dear (1977) indique le contrai-re. Cet auteur, s'inspirant largement de la concep-tualisation de Schneider (1967), suggère que,d'une façon générale, la demande en services desanté mentale est influencée par trois types devariables : 1) les caractéristiques de la clientèle,2) les caractéristiques des services fournis, et enfin,3) la localisation des services.

En effet, la demande en services de santémentale ne peut, selon Dear (1977, p. 225) être

* Ce projet a été subventionné par l'Université de Mont-réal. L'auteur tient à remercier le professeur André-Pierre Contandriopoulos et Aimé Lebeau pour leurexcellente collaboration en mettant à sa disposition lesdonnées de l'enquête-sondage des urgences psychiatri-ques du Département d'administration de la santé(Université de Montréal) ainsi que les autres personnesayant travaillé à la présente recherche : Bernard Auger,Johanne Giroux, Pierre Phillie et Thu-Thuy Nguyen.

** L'auteur est professeur agrégé au Département de géo-graphie, Université de Montréal.

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mesurée de la même façon que pour d'autres«biens» pour les raisons suivantes :1. elle est involontaire et donc, imprévisible sur

le plan individuel ;2. il existe tout le problème de la reconnaissance

du «rôle» du patient par lui-même, le patientpsychiatrique ne se reconnaissant pas nécessai-rement comme tel ;

3. les consommateurs de ces services ne sont pasobligés de payer directement (c'est le cas detous les services publics) ;

4. l'état 'mental du patient peut l'empêcher d'éva-luer les services de façon objective.

5. toute la collectivité bénéficie d'une certaine fa-çon des soins dispensés aux patients, d'une partpar le simple fait qu'elle n'a pas à les traiterelle-même, d'autre part parce qu'elle profite del'amélioration de la santé de ces patients.Les auteurs ne s'entendent pas non plus sur

l'importance à accorder au facteur géographiquede la distance entre le consommateur et les servicesfournis. Dear (1977, p. 225) signale que «la signifi-cation de la variable de la localisation est partoutreconnue, mais sa portée pratique demeure souventtrès ambiguë.» Si parfois l'accessibilité aux servicesparaît exercer peu d'influence, il en est ainsi, selonMiller (1974), parce qu'il s'agit d'un «marché devendeur» où le consommateur n'a pas, ou peu, dechoix réel ; cette remarque est d'autant plus perti-nente dans un cadre où les services sont contingentéspar secteur géographique. Il paraît donc indispen-sable de situer l'étude de l'impact de la localisationdes services de santé mentale dans le cadre globaldu comportement des patients dans une régiondonnée. Pour ce faire, il est nécessaire d'adopterune approche qualifiée d'écologique1.

Fans et Dunham (1939, p. 173) ont été les pre-miers à entreprendre une étude écologique destinéeà vérifier l'existence d'un lien entre la santé men-tale et le quartier habité dans une ville. Ils se sontpenchés sur l'hypothèse de la dérive selon laquelleles patients plus âgés avaient tendance à se concen-trer plus dans la zone centrale de la ville que lespatients plus jeunes, puisque les plus vieux avaienteu supposément plus de temps pour «dériver» géo-graphiquement. Ils ont rejeté cette hypothèse surla base des expériences empiriques de leur étudesur Chicago. De plus, ils ont trouvé que les catégo-ries «jeunes» et «vieux» classés comme cas de

«schizophrénie et autres psychoses» ne différaientpas quant à leur degré de concentration dans lecentre de la cité.

Par ailleurs, Seigel, Atkisson et Cohn (1977),par des observations systématiques, ont établi unerelation directe entre la proximité des citadins ducœur de la ville et certains indices de troubles com-portementaux, cognitifs et émotifs. De même, Bo-dian, Gardner, Willis et Bahn (1963) signalent unrapport entre la répartition spatiale des «airesnaturelles» et celles des pathologies sociales etindividuelles (par exemple, taux de morbidité,mortalité infantile, suicide, crime, délinquancejuvénile, etc.). Les aires sociales pathologiquestendent à se situer dans le centre de la ville. Larecherche de Bloom (1975, p. 149-151) s'orientedans le même sens lorsqu'il constate, dans sontravail sur des données urbaines du Colorado,l'existence d'un lien important entre le niveau dedéséquilibre social et les taux d'admission despatients qui souffrent de troubles mentaux (lenombre d'urgences psychiatriques s'élevant à me-sure que le déséquilibre social d'un quartier aug-mente).

De telles études posent un certain nombre deproblèmes méthodologiques. Mentionnons ici lesplus importants. Comment définir adéquatementles variables qui peuvent être des indicateurs et des«prédicteurs» de la santé mentale? Smith (1977) asuggéré d'étendre un «filet» très large afin de mieuxappréhender le réseau complexe de facteurs in-fluant sur la santé mentale. En d'autres mots, uneapproche écologique pour l'étude de la santé men-tale permet de réunir les sphères d'influence per-sonnelle, inter-personnelle et environnementale.(Leff, et al, 1970, Hinkle, 1961).

De plus, l'aspect temporel d'une étude de santémentale représente un défi important. Il est souventnécessaire de suivre les changements comporte-mentaux à travers le temps. Comme l'a soulignéBecker (1963) dans ses études longitudinales surles toxicomanes, il faut aussi reconnaître que cer-taines influences sont importantes à un momentdonné, et d'autres influences à d'autres moments.Des patients psychiatriques ont ce que Goffman(1961) appelle des «carrières» dont chacune repré-sente une séquence identifiable de déplacementsd'une position à une autre. Les contraintes desdonnées ne nous permettent pas toujours d'en tenir

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compte dans une analyse «écologique» de la santémentale, mais il faut constamment être conscientde ce phénomème. Il y a également le problème del'échelle géographique de l'analyse (Innés, 1980,PyIe, 1979). À quelle étendue devrait-on se limiter?Même la sectorisation des soins psychiatriques nerésoud pas le problème, un patient pouvant habiterdans une localité et se faire traiter dans une autre.La fixation des limites d'un quartier ou d'un voisi-nage dans le cadre d'une étude demande une granderéflexion. Ceci s'applique autant à l'échelle globalede l'étude qu'au type de zone géographique élé-mentaire à retenir comme unité de mesure écologi-que. Dear (1977) et Fischer (1975) se préoccupentbeaucoup de ces questions.

Par ailleurs, sur le plan de l'interprétation desrésultats, il faut être conscient du risque de «rai-sonnement écologique fallacieux» qui se produitlorsque nous essayons de faire des prévisions con-cernant la santé mentale d'un individu sur la basedes données groupées par unité écologique, lescaractéristiques d'un individu ne correspondantpas nécessairement à celles du groupe dont il faitpartie. Nous pouvons également commettre un se-cond type d'erreur, le «raisonnement atomiste fal-lacieux» par lequel nous nous basons sur l'observa-tion d'un ou de quelques individus pour tirer desconclusions sur un groupe.

Clausen et Kohn (1954) ont suggéré quatreprémisses de base qu'il faut contrôler avant d'êtreraisonnablement sûr d'une inference dite «écolo-gique». Smith (1976, p. 10) les résume de la façonsuivante. Premièrement, il faut s'assurer que lesvariations spatiales de la pathologie ne coïncidentpas avec une ségrégation spatiale selon le statutsocio-économique ou d'ethnie. Ceci implique, parexemple, la «dérive» — ou l'arrivée — des gens dansune zone après le début d'une maladie. Deuxième-ment, nous devons contrôler le niveau d'inter-corrélation entre les variables «indépendantes»sélectionnées afin de dégager l'effet de certainesvariables potentiellement importantes. Ce problèmepeut être résolu par la conversion des variablesd'une étude en un nombre restreint de dimensionsindépendantes — au moyen, par exemple, de l'ana-lyse f actorielle. Troisièmement, les variables choisiesdoivent correspondre à la description juste d'unezone donnée, et doivent refléter les conditions de

vie présumées importantes dans l'explication duphénomène faisant l'objet de l'étude. Si les attri-buts choisis pour la description d'une zone ne lacaractérisent pas correctement, l'analyse «écolo-gique» peut être complètement fausse. En d'autresmots, toutes les caractéristiques influant sur laprésence ou sur l'absence des cas (d'urgence, enl'occurrence) doivent être mesurées. En somme, lesdeux dimensions les plus importantes d'une géo-graphie de la santé mentale, selon Smith (1976 :43) sont d'abord l'influence des facteurs géogra-phiques sur les mesures de santé mentale (ou, plusgénéralement, l'influence de la localisation dans laville sur le bien-être psychologique) et, deuxième-ment, l'effet de facteurs tels que la localisation, ladistance et l'accessibilité sur l'offre et la demandede services dans la communauté.

Comment les facteurs écologiques influencent-ilsle taux d'urgence psychiatrique par zone géogra-phique ? Un type d'urgence psychiatrique qui a étélargement analysé sous cet angle est celui de latoxicomanie. L'étude de Faris et Dunham (1939)dont nous avons parlé portait aussi sur la distribu-tion écologique des toxicomanes (Richman, 1977,p. 174) admis aux établissements psychiatriquesentre 1922 et 1934. Ils ont conclu que les toxico-manes de l'époque semblaient habiter des zones«mobiles» (c'est-à-dire, les zones de «transition»)de la ville où l'on serait moins porté à scruter leursactivités (Richards, et Blevens, 1977, p. 176).Bingham Dai (1937, 1970) à la même époque enest venu à des conclusions passablement sembla-bles. Il dit que les toxicomanes semblent habitersurtout des quartiers vétustés où il n'y a pasd'esprit de voisinage.

Chein (1980) a étudié un grand échantil-lon de garçons âgés de 16 à 20 ans qui avaientété classés comme toxicomanes entre 1949 et 1955(à New York). Ils ont constaté que les trois varia-bles primordiales expliquant la variance des tauxde toxicomanie étaient : le pourcentage de Noirshabitant dans une zone, le pourcentage d'unitésd'habitation de gens à faibles revenus et le pour-centage d'hommes occupant des postes de niveauinférieur. Bref, leur étude démontre que ce sontles conditions économiques défavorables qui in-fluencent le plus la présence d'un taux élevé detoxicomanie dans une zone.

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TABLEAU 1

Les variables

Caractéristiques des patients* (es)

1. Âge : 15-24 ans2. Âge : 25-34 ans3. Âge : 35-44 ans4. Âge :45 ans et plus5. Cadres/professionnels(les)6. Semi-professionnels(les)/techniciens(nes)7. Cols blancs8. Cols bleus9. Pourcentage masculin

10. Mariés(es)11. Francophones12. Anglophones13. Autres groupes ethniques14. Occupe un emploi15. Ménagères16. Chômeurs(ses) ou assisté(es) sociaux17. Première admission18. Pas la première admission19. Hospitalisation antérieure il y a moins de 9 mois20. Hospitalisation antérieure il y a 2 ans et plus21. Hospitalisation antérieure il y a plus de 9 mois et

moins de 2 ans22. Pas d'hospitalisation antérieure23. Diagnostic : psychose24. Diagnostic : dépression25. Diagnostic : intoxication volontaire26. Traitement à l'hôpital27. Perte de contact avec la réalité28. Hospitalisation antérieure totale < 1 an29. Hospitalisation antérieure totale > 1 an30. Pas la première visite d'urgence31. Hôpital psychiatrique32. Hôpital général avec département de psychiatrie

Caractéristiques socio-économiquesdu quartier**

33. Revenu moyen par famille34. Densité de population35. Enfants 0-9 ans36. Population francophone37. Population anglophone38. Autres ethnies

Caractéristiques de densité / accessibilité***

39. Densité du personnel psychiatrique40. Proximité relative des hôpitaux41. Indice d'accessibilité aux hôpitaux42. Indice d'accessibilité moyenne aux hôpi-

taux

Variable dépendante :

Indices d'urgences psychiatriques :

43. Indice d'urgences psychiatriques :Les urgences psychiatriques (de toutessortes) par zones divisées par la popula-tion totale de chaque zone.

* Au départ, une soixantaine de variables (catégories de réponse au questionnaire qui était rempli pour chaque casd'urgence) furent retenues. Une première analyse multivariée fut menée dans le but d'éliminer les variables tropredondantes. C'est ainsi que la liste fut réduite à la présente série de 32 catégories.

** Ici, l'on se réfère aux zones constituées à l'aide des codes postaux. Il est sûr que ces zones ne correspondent pasnécessairement avec les quartiers reconnus mais le besoin de caractériser les espaces résidentiels des patients (del'étude) imposait la nécessité de s'en tenir aux 50 zones cartographiques de ce travail.

*** La variable 39 fut calculée en tenant compte du personnel professionnel (en psychiatrie) hospitalier de tous leshôpitaux de l'île de Montréal. Des valeurs étaient attribuées aux zones n'ayant pas d'hôpital en fonction de leursituation géographique dans les aires d'influence des hôpitaux. Les autres indices ont été calculés en fonction de ladistance du centroïde de chaque zone postale soit à l'hôpital (ayant un département de psychiatrie) le plus proche(indice de sectorisation - variable 40),soit à l'ensemble du système hospitalier de la région (variables 41 et 42).

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2. LES URGENCES PSYCHIATRIQUES ÀMONTRÉAL - UNE ÉBAUCHE DEDESCRIPTION DE LA SITUATIONMONTRÉALAISE

a) La méthodologie employée

Nous tenterons maintenant d'appliquer l'appro-che écologique au phénomène des urgences psy-chiatriques à Montréal. Nous débuterons par unedescription de la situation montréalaise à l'aide desdonnées de l'enquête-rétrospective menée par deschercheurs du Département d'Administration de lasanté de l'Université de Montréal (Bozzini, Contan-driopoulos, Lebeau, Pineault, 1979). Cette étude aété effectuée dans vingt-deux hôpitaux du Montréalmétropolitain dont trois sont des hôpitaux psy-chiatriques (L.-H.-Lafontaine, Albert-Prévost etDouglas). Un premier échantillon de 3 775 urgencespsychiatriques a été établi rétrospectivement ensélectionnant des périodes de temps de trois à huitsemaines situées entre juillet 1975 et mai 1976. Ils'agissait d'estimer la demande annuelle pour cha-cune des institutions et pour l'ensemble des pointsde service d'urgence. Un second échantillon de2 442 dossiers a été constitué ; ils ont été dépouillésafin de répondre à certaines questions relatives à laclientèle psychiatrique et à la façon dont la deman-de de service est traitée dans ces institutions.

Dans le cadre de la présente étude, nous avonsretenu les deux hypothèses suivantes :1. il y a une réponse structurée à l'offre des servi-

ces d'urgence psychiatrique des hôpitaux deMontréal. En d'autres termes, les patients quise présentent aux urgences psychiatriques sedistribuent dans l'espace d'une façon qui n'estpas attribuable au hasard.

2. la répartition géographique des usagers qui seprésentent à ces services est liée à trois variablesimportantes : la distance spatiale entre le pa-tient et la ressource d'urgence la plus proche ;la densité globale des services d'urgence (en ter-mes du personnel qui y est affecté), et enfin, lescaractéristiques socio-économiques du patientet de son quartier.Notre étude comporte quarante-huit variables

(tableau 1). Trente-deux d'entre elles décrivent lescaractéristiques des patients, six, les caractéristiquessocio-économiques des quartiers qu'ils habitent,

quatre résument les caractéristiques de densité etd'accessibilité des hôpitaux et la dernière estun indice d'urgences psychiatriques par zonerésidentielle.

Notre première hypothèse sera vérifiée en pre-mier lieu par une analyse de la distribution spatialedes urgences psychiatriques sur une carte de l'îlede Montréal (tableau 2). Cette carte est constituéed'une cinquantaine d'unités spatiales (élaborées encombinant des zones postales) réparties sur l'île deMontréal. Par la suite, nos variables de base serontréduites par une analyse factorielle en un certainnombre de composantes principales2. Ce procédénous permettra d'établir une typologie pour mieuxvérifier notre première hypothèse. Il nous permettraégalement d'obtenir des «variables composées»,statistiquement indépendantes, qui seront utiliséespour vérifier la seconde hypothèse.

b) L'analyse de la carte des urgences psychiatri-ques (Tableau 2)

Notons d'abord sur cette carte la localisationdes hôpitaux (désignés par les lettres A à S inclusi-vement). Les zones sectorielles les plus vastes sontcelles qui entourent les trois hôpitaux à vocationpsychiatrique : Albert-Prévost, Louis-Hippolyte-Lafontaine et Douglas (A, D et K). Les autressecteurs de la «régionalisation psychiatrique» sontmoins étendus, étant donné que les départe-ments de psychiatrie compris dans leurs limitesoffrent un éventail de services plutôt restreint. Ausud du secteur Albert-Prévost, nous trouvonsles zones «Jewish General» (à l'ouest), St. Mary's(Université de Montréal), Hôtel-Dieu (Ville Mont-Royal et Outremont) et Jean-Talon (à l'est). Ausud de cette zone se situe une deuxième sériede secteurs (allant d'ouest en est) : Queen Elizabeth,Reddy Memorial, Montreal General,l'hôpital St-Lucet l'hôpital Notre-Dame. Complètement au sud,nous voyons le secteur de l'hôpital Douglas. Auxextrémités de l'île, il y a l'hôpital Lakeshore àl'ouest, et l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine àl'est, les hôpitaux Maisonneuve-Rosemont et Fleuryse situant un peu à l'ouest de ce dernier. Les sec-teurs des hôpitaux Albert-Prévost, Jean-Talon etNotre-Dame se trouvent plus au centre de l'île.

L'indice des urgences psychiatriques a été calcu-lé en divisant le nombre de cas d'urgence dans

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TABLEAU 2

80 Santé m

entale au Québec

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chacune des cinquante zones (groupements dedeux R.T. A.3) par la population de ces zones (aurecensement de 1971), ce qui nous a permis detenir compte des variations géographiques de ladensité de population. Les zones de plus forte con-centration d'urgences psychiatriques (selon leslieux de résidence des patients) se trouvent dansles secteurs des hôpitaux suivants : Albert-Prévost,Lachine, Lakeshore, Jean-Talon, Queen Elizabeth,Reddy Memorial, Montreal General, St-Luc etNotre-Dame. Il est un peu surprenant de voir unezone de faible densité d'urgence psychiatriquedans le secteur du Jewish General Hospital malgrésa situation relativement centrale. Étant donné laforte concentration de la population hébraïque deMontréal dans ce secteur, nous pourrions nous de-mander si un facteur ethnique ne peut expliquercette exception. Une analyse plus poussée des liensentre les normes culturelles et l'incidence des ur-gences psychiatriques dans cette communauté resteà faire.

Conformément à la première hypothèse évoquéeantérieurement, l'indice des urgences psychiatriquessemble aller en diminuant au fur et à mesure quenous nous éloignons du centre de l'île, de tellesorte qu'il existe de vastes zones de faible densitéd'urgences psychiatriques aux deux bouts de l'île.

c) Vers une explication de la répartition spatialedes urgences psychiatriques

Pour chercher les explications possibles à cetteconfiguration spatiale, nous avons fait l'analysed'un grand nombre de variables qui pouvaient yêtre associées.

Elles (voir le Tableau 1) sont sélectionnées se-lon quatre critères ; a) sur la base des hypothèsesà vérifier ; b) en un assez grand nombre pour bienreprésenter les éléments des hypothèses postulées ;c) en éliminant certaines variables redondantes et,d) selon la disponibilité des données. Les troissources de données sont les suivantes : l'enquête-sondage sur les urgences psychiatriques de Montréaldéjà mentionnée (Bozzini, et al, 1979), les don-nées par secteur de recensement (1971 et 1976) etenfin, des mesures de densité/accessibilité calculéesspécifiquement pour ce travail. Par ailleurs, lesdonnées n'étaient pas suffisamment nombreusespour permettre de les «spatialiser» selon les dia-

gnostics particuliers à la maladie mentale. La varia-ble dépendante a dû confondre tous les troublespsychiatriques en une même mesure, soit l'indiced'urgence psychiatrique (Tableau 2). L'analysesuivante tente d'expliquer les variations de cetindice.

d) Définition des variables indépendantes parl'analyse en composantes principales

Le but de cette démarche est, premièrement, devoir la structure et les relations existant dans lesdonnées de base et deuxièmement, de réduire lamasse d'informations à notre disposition à des di-mensions (des «variables composées») statistique-ment indépendantes les unes des autres.

De toutes les méthodes possibles, l'analyse encomposantes principales semble la mieux indiquée.Cette technique consiste à dégager des «variablescomposées» à partir de variables réelles. Une nou-velle matrice de variables artificielles est créée,lesquelles sont appelées «composantes». La pre-mière association de ces variables artificielles re-groupe le maximum d'intercorrélation entre lesvariables réelles initiales. L'intercorrélation des va-riables réelles, qui n'est pas expliquée par la pre-mière composante, est par la suite décomposée enune nouvelle variable artificielle ; il en est de mêmepour les autres résidus. L'hypothèse à la base de ceprocédé veut que chaque variable réelle soit tota-lement explicable par la variance commune àl'ensemble des variables choisies au départ. (Rum-mel, 1970; Foggin et Bissonnette, 1976).

Une analyse en composantes, menée à partir desquarante-deux variables (voir le tableau 1) poten-tiellement associées avec l'indice d'urgence psy-chiatrique, nous a donné le profil constaté autableau 3.

Nous avons défini sept composantes à l'aide dece procédé. Les quatre principales sont ici exposéespar ordre décroissant de leur contribution à l'ex-plication de la variance totale.

La première composante se caractérise par le«contraste francophone/anglophone» et elle expli-que 21,5% de la variance globale de la matrice desdonnées. Un fait intéressant à signaler est que lavariance «revenu» est associée de façon négativeà cette composante, de la même façon que la pré-sence des anglophones. Par contre, la présence des

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8282 Santé mentale au Québec

TABLEAU 3

Services d'urgence psychiatrique de Montréal

COMPOSANTES PRINCIPALES*

I II III IV

36 HOP. FR. .90 42 ACCÈS .82 20 HOSP. ANT. .61 28 HOSP. TOT. .63

11 PAT.FR. .83 41 ACCÈS .80 SÉRIEUSE 1 AN

29 HOSP. ANT. .66 35 ENFANTS .64 À 02 25-34 ANS .62

10 MARIÉS .51 4

i i I I33 REVENU -.68 34 DENSITÉ -.60 25 INTOXICATION -.52 06 TECHNICIENS - .61

12 PAT. ANC -.80 40 PROXIMITÉ - .70 VOLONTAIRE

37 POP. ANC - .83 16 CHÔMEURS -.71 01 15-24 ANS -.57

' ' L ' 19 HOSP. ANT. -.68 ' '

MOINS DE 9 MOIS

FRANCOPHONE / LOCALISATION URGENCES DE JEUNES

ANGLOPHONE FAMILIALE JEUNESSE ADULTES

(FRAREV) (LOCFAM) (JEUNES) (JEUNAD)

Variance Variance Variance Varianceexpliquée : expliquée : expliquée : expliquée :

21,5% 17,4% 12,5% 11,2%

22PASD'HOSP. .58 39 DENSITÉ .51 27 PAS DE CONTACT .51

A PERSONNEL

PSYCHIATRIQUE 05 CADRES .47

I t04 45 ANS -.58 09 % FEMMES -.42

pas de bi-polarité Variance totaleexpliquée par

PLUS ÂGÉS PERSONNEL PROFESSIONNELS les 7 composantes :(VIEUX) PSYCHIATRIQUE CADRES 81,6%

Variance Variance Variance | = bi-polaritéexpliquée : expliquée : expliquée :

7,4% 6,4% 5,2%

* Les saturations positives et négatives les plus fortes sont données pour chaque composante. Voir le tableau 1 pour lesdéfinitions détaillées de chaque variable.

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La localisation des services d'urgence psychiatrique 83

francophones y est associée de façon positive,de même que le fait d'avoir été hospitalisé anté-rieurement. Cette première analyse porte à conclureque très peu d'anglophones et peu de francophonesde niveau socio-économique moyen ou élevé fré-quentent les salles d'urgences psychiatriques.

La deuxième composante se distingue par la«localisation familiale» en raison des saturations5

positives sur les variables : «mariés», «enfants 0-9ans», et «non-accessibilité aux hôpitaux» et dessaturations négatives sur les variables : «chômeurset assistés sociaux», «densité de population» et«proximité des hôpitaux». Cette dimension repré-sente une forte composante géographique — cellede l'accessibilité physique aux services d'urgence.

La troisième composante a été nommée «urgen-ces de jeunesse» et se définit surtout par les satu-rations négatives les plus élevées, à savoir lesvariables «15 à 24 ans», «dernière hospitalisation :moins de 9 mois» et «intoxication volontaire». Lacartographie de ces composantes6 nous a indiquéque cette caractéristique globale se retrouve géo-graphiquement surtout en plein centre-est de l'îlede Montréal.

Enfin, la quatrième composante explique 11,2%de la variance. Elle se définit principalement pardes saturations positives sur les variables «classed'âge de 25 à 34 ans», «hospitalisation antérieure»et par une association négative avec la catégoriesocio-professionnelle des «semi-professionnels»(techniciens, etc.). Ceci signifie qu'il existe unedimension indépendante qui se rapporte aux mem-bres de ce groupe d'âge en particulier, et aux pre-mières expériences d'une urgence psychiatrique.Existe-t-il une catégorie de jeunes adultes quimanifeste un comportement différent et originalen matière d'urgences psychiatriques? Cette qua-trième composante de la typologie semble indiquerun tel phénomène.

Les résultats présentés ci-après sont obtenus enconsidérant les 7 composantes principales (en tantque variables indépendantes) en relation avec l'in-dice des urgences psychiatriques (pondéré par lapopulation totale de chaque zone) qui est, ensomme, la variable dépendante. Nous avons procédéà une analyse de régression multiple (Johnston,1980) et le modèle ainsi obtenu est représenté autableau 4.

e) Lien des composantes avec l'indice d'urgencepsychiatrique

Nous avons déjà vu au tableau 2 que l'indice desurgences psychiatriques est particulièrement élevédans certaines zones centrales de l'île de Montréal.Pour expliquer cette répartition spatiale, le premierdéfi à relever est celui du manque de corrélationentre l'indice des urgences psychiatriques et lacomposante prépondérante issue de notre analysefactorielle («anglophones/francophones»). Dans larépartition cartographique étudiée précédemment,cette dernière dimension du phénomène revêtaitune structure spatiale assez cohérente et ce faitsuggérait l'existence d'un lien entre la distributionspatiale des deux ethnies et la répartition globaledes urgences psychiatriques. Cependant, l'équationde la régression multiple (Tableau 4) montre uneindépendance presque totale entre ces deux varia-bles. Comme amorce de réflexion et d'interpréta-tion, il faut conclure que même si la distinctionentre anglophones et francophones s'avère être lacomposante la plus importante pour l'explicationtypologique de l'ensemble des données, elle n'in-fléchit en rien sur la répartition spatiale des lieuxde résidence des patients d'urgence psychiatrique.C'est dire que les anglophones et les francophonesse présentant aux urgences psychiatriques tendentà avoir des caractéristiques distinctes, mais que larépartition ethnique n'explique pas l'incidenceplus ou moins forte des urgences psychiatriquesd'une région à l'autre.

La deuxième composante, appelée «localisationfamiliale», se caractérise, avons-nous vu, par unecorrélation massive avec les diverses variables serapportant à l'accessibilité géographique des ser-vices d'urgence psychiatrique (Tableau 3). Elleprésente le lien le plus fort avec la variable dépen-dante. Cette composante explique, à elle seule,38% (R2) de la variation dans la répartition spatia-le des urgences. Comme il s'agit d'une relationfonctionnelle négative, nous pouvons conclure,avec une confiance relative, que plus les valeurs desobservations sur cette composante sont fortes, plusl'indice des urgences psychiatriques sera faible. Or,que signifie cette composante? La réponse à cettequestion a déjà été amorcée dans la section précé-dente. C'est un facteur qui réunit des élémentsayant trait à la densité de population, la densité

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de jeunes familles, la distance spatiale entre le pa-tient et les hôpitaux et, par conséquent, la distancepar rapport au centre (le noyau des hôpitaux) deMontréal, et la densité des urgences chez les chô-meurs et les assistés sociaux. Toutes ces variables co-varient (positivement ou négativement) avec la ré-partition spatiale globale des urgences psychiatri-ques. End'autres termes,plus il y a déjeunes famillesdans une zone et plus la distance par rapport auxhôpitaux du centre est grande,moins il y a d'urgencespsychiatriques. Inversement, plus la population estdense, plus il y a d'assistés sociaux et de chômeurs,plus il y a d'urgences psychiatriques. Des secteurspsychiatriques comprenant un hôpital à vocationpsychiatrique, seul celui d'Albert-Prévost présenteune densité d'urgence psychiatrique très élevée.

Les implications de ce constat sont les suivantes :plus le quartier est composé de jeunes familles et,plus il est éloigné du noyau central des hôpitaux,moins il y aura d'urgences psychiatriques. Cecipourrait indiquer que les gens ne se rendent pas

aux salles d'urgences lorsqu'ils peuvent choisir uneautre solution. Or, la question suivante se pose :quelles sont effectivement les solutions de rechan-ge (c'est-à-dire, en dehors des salles d'urgence psy-chiatrique) pour les jeunes familles de banlieue?Très probablement, il s'agit de cliniques privéesnon hospitalières, mais ceci reste à déterminer. Ilest également possible que l'incidence de maladiementale soit moins forte dans ces zones.

La deuxième variable indépendante qui présenteun lien très significatif avec la densité des urgencesest la Composante 5 qui signale les urgences devieillesse (tableau 3). Elle explique à elle seule,environ 21% de la variance globale des urgences(dans l'analyse de régression). Du fait que cettecomposante est statistiquement indépendante dela composante 2 («localisation familiale»), il estimpossible de supposer que l'importance de laComposante 5 se manifeste dans la régression par-ce que la deuxième et la cinquième composantevarient parallèlement dans l'espace. Mais, il semble

TABLEAU 4

Modèle de régression multiple

Y = -.5&1 LOCFAM** + .453 VIEUX** + .224PERPSY*

4- .323 FRAREV - .158 JEUNAD - .145 JEUNES

+ .921 CADRES + e

( R 2 = 65%; ** variable significative à .01 ; * variable significative à .05)

Y = la variable dépendante : l'indice des urgences psychiatriques

LOCFAM = la Composante II - localisation familiale

VIEUX = la Composante V — urgences de vieillesse

PERPSY = la Composante VI — densité du personnel psychiatrique

FRAREV = la composante I - anglophones / francophones / revenu

JEUNAD = la Composante IV - jeunes adultes

JEUNES = la Composante III - jeunesse

CADRES = la Composante VII - cadres / professionnels

e = un terme d'erreur

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La localisation des services d'urgence psychiatrique 85

plutôt raisonnable de conclure qu'il existe unerelation fonctionnelle (b =+0,453) positive et forteentre la présence des cas d'urgence de vieillesse etla répartition globale des urgences psychiatriques,c'est-à-dire que plus le nombre d'urgences de vieil-lesse est élevé dans une zone, plus l'indice globaldes urgences psychiatriques de cette zone seraélevé.

Enfin, la troisième variable indépendante signi-ficative dans l'équation fondamentale est la sixièmecomposante, soit la densité du personnel psychia-trique (tableau 3). Le rapport (quoique significatifau seuil de confiance de 0,05) est beaucoup moinsfort que dans le cas des deux variables indépendan-tes précédentes. Étant donné que les saturations decette sixième composante principale sont très fai-bles, les conclusions à en tirer doivent l'être avec

prudence. Nous pourrions dire, avec assez de certi-tude, que plus il y a de personnel hospitalier psy-chiatrique (médecins, infirmières, etc.) dans unezone donnée, plus il y aura de cas d'urgences psy-chiatriques qui iront dans les hôpitaux.

Nous pouvons simplifier ce modèle de la répar-tition spatiale des urgences psychiatriques en pre-nant la variable la plus fortement «correlée» (lasaturation la plus élevée) de chacune des troiscomposantes qui expliquent les plus forts pourcen-tages de la variation spatiale.

En appliquant un tel modèle simplifié de régres-sion, il y a de fortes chances d'obtenir des résultatspresqu'aussi convainquants que ceux obtenus àpartir d'une analyse globale d'une banque massivede données. Un test a été réalisé. En voici le résul-tat au tableau 5 :

TABLEAU 5

Équation de régression simplifiée

Symbole Variable Signif. Pourcentage destatistique Y expliqué, r̂

Y = indice des urgences psychiatriques

Xi = indice d'accessibilité moyenne 0,000 26,2%

X2 = indice de densité du personnel psychiatrique 0,001 14,6%

X3 = pourcentage masculin 0,003 12,6%

53,4%Niveau significatif global : 0,000*% explication totale (R2) = 53,4%(* c'est-à-dire, l'équation est très significative)

La première variable indépendante, Xi, est assezreprésentative de la composante 2 (localisation fa-miliale) et la deuxième, X2, de la composante 6(tableau 3). Curieusement, il n'y a pas de lien signi-ficatif entre la présence de patients plus âgés etl'indice général des urgences psychiatriques, alorsque nous pouvions l'escompter d'après l'importancede la composante 5 dans l'analyse de régressionmultiple prenant les composantes comme variables

indépendantes. De plus, il est assez surprenant devoir la force explicative relative de la variablehommes/femmes, X3, compte tenu du fait qu'ellene s'était pas révélée très importante dans l'analyseen composantes. Ce modèle simplifié jouit d'uncoefficient de régression de 53%, à peine 12 pointsde moins que les résultats obtenus à partir du mo-dèle précédent qui était, lui, beaucoup plus sophis-tiqué. Mais du point de vue de sa grande simplicité,

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cette dernière formulation risque d'être la plus uti-lisée par les personnes désirant tirer les implicationspratiques de cette étude.

CONCLUSION

Notre étude montre que la demande spatiale enservices d'urgence psychiatrique est intimementliée à certaines caractéristiques de la population, àla localisation des services psychiatriques et, enfin,à la densité de ces derniers. Par contre, d'autrescaractéristiques de la population (surtout ethniqueset socio-économiques) ne présentent presque pasde lien avec la répartition spatiale des cas d'urgencepsychiatrique. Par ailleurs, il a été impossible, àcause de la nature de nos données, de démontrerun lien entre les types d'urgences psychiatriques etla répartition spatiale de la demande (sauf pour lescas d'intoxication volontaire qu'on retrouve beau-coup plus chez les jeunes).

Sur le plan de l'analyse écologique, cette étudeconfirme certaines recherches tendant à démontrerque plus la densité de population est élevée et pluson habite à proximité du centre de la ville, plus lescas de maladie mentale sont nombreux. Par contre,le cas de Montréal présente des exceptions assezmarquées à cette règle : à Ville Saint-Laurent ladensité résidentielle est relativement peu élevée,mais l'intensité de maladie mentale (sous formed'urgences psychiatriques du moins) est très forte ;cependant, dans le cas de Verdun et Lasalle, l'in-verse se vérifie. Étant donné que dans ces deux casexceptionnels, il s'agit de secteurs psychiatriquesmajeurs (d'hôpitaux à vocation psychiatrique —Albert-Prévost et Douglas) il est nécessaire de cher-cher des hypothèses additionnelles à celle d'uneffet potentiel de la politique actuelle de sectori-sation des soins. L'autre secteur psychiatrique ma-jeur de Montréal (Louis-H.-Lafontaine) ne présentequ'une intensité moyenne d'urgences psychiatri-ques. La clientèle de l'hôpital Louis-H.-Lafontaineest sûrement affectée par sa localisation assez éloi-gnée du centre de Montréal. À toutes fins pratiques,il semble impossible dans le cadre de cette étudede démontrer l'existence d'un rapport entre lestypes de secteur psychiatrique et l'incidence desurgences psychiatriques.

Du point de vue de l'utilité de ces résultats pourdes instances décisionnelles, la première des ques-

tions à se poser est la suivante : peut-on concentrerdavantage dans l'espace géographique les servicesd'urgence psychiatrique sans pour autant mettreen danger leur qualité, leur efficacité et leur acces-sibilité générale? L'hypothèse de base derrière leregroupement géographique des services veut quedans le domaine de la santé mentale, la distancegéographique entre le patient et les centres detraitement d'urgence ne soit pas un facteur trèsimportant à considérer. Au contraire, la distancegéographique séparant le patient d'urgences psy-chiatriques du centre de traitement le plus procheest déterminante. L'implication pratique est trèsclaire : la politique de sectorisation est bien fondée ;les services d'urgence psychiatrique ne devrontpas être plus concentrés dans l'espace géographi-ques mais, bien au contraire, on devrait plutôtprôner une plus grande décentralisation du systèmedes soins d'urgence.

NOTES

1. Approche écologique :- lorsqu'on tient compte de l'environnement commeun facteur de premier ordre dans l'explication d'unphénomène.— lorsqu'on analyse un groupe de personnes dans unezone x, on postule un groupe homogène et on emploieles statistiques appropriées : on catégorise le groupecomme une moyenne et on compare ses caractéris-tiques avec celles du groupe de l'autre zone.

2. Il s'agit de l'analyse en composantes principales.3. RTA : région de tri d'acheminement ou 1 e r triplet du

code postal (voir Phisel et Charbonneau, 1977).4. La fréquence de la consultation contrôlée par la

densité de population.5. Une saturation veut dire le chiffre ou indice de corréla-

tion entre une variable de base et une composantedonnée. Plus la «saturation» s'approche de 1,0, plusla composante s'identifie en fonction de la variableen question.

6. Une technique existe pour calculer ce que l'on appelledes «notes en composantes» - une valeur attribuableà chaque zone en rapport avec chaque composante.

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SUMMARYThe validity of using a «geographic» criterion as the

organizing principle for the provision of emergencypsychiatric services is examined both from the standpointof the scientific literature on the subject and through aquantitative analysis of Montreal - based data. Giventhe lack of agreement as to the relative importance ofdistance between the consumer and the supply of services,the analysis attempts to test two hypotheses : 1) thatthere is a spatially structured response to the supplyof emergency psychiatric services provided by Montrealhospitals and 2) the geographical distribution of theusers of these services is linked to three variables ofwhich the most important is the spatial distance betweenthe patient and the closest emergency services. Thestudy tends to confirm both hypotheses.