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LA LOI DU 15 DECEMBRE 1980 SUR L’ACCES AU TERRITOIRE, LE SEJOUR, L’ETABLISSEMENT ET L’ELOIGNEMENT DES ETRANGERS (*) par André MAYER, Chargé de Cours à l’Université Libre de Bruxelles PLAN De 1830 à 1980 De 1980 à 1984 * * * I. Les situations envisagées A. L’étranger « hors-C.E.E. » 1. L’accès au territoire 2. Le court séjour (- de 3 mois) 3. Le séjour de plus de 3 mois A propos du regroupement familial 4. L’établissement B. « L’étranger C.E.E. » C. L’étranger luxembourgeois ou néerlandais D. L’étranger réfugié E. L’étranger étudiant II. Les voies de recours A. La demande en révision B. La demande de levée de la mesure de sûreté C. Le recours en annulation D. Le recours auprès du pouvoir judiciaire III. Les sanctions (*) « Est considéré comme étranger quiconque ne fournit pas la preuve qu’il possède la nationalité belge ». (Art. 1).

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LA LOI DU 15 DECEMBRE 1980 SUR L’ACCES AU TERRITOIRE,

LE SEJOUR, L’ETABLISSEMENT ET L’ELOIGNEMENT DES ETRANGERS (*)

par

André MAYER,Chargé de Cours

à l’Université Libre de Bruxelles

PLAN

De 1830 à 1980 De 1980 à 1984

*

* *

I. Les situations envisagéesA. L’étranger « hors-C.E.E. »

1. L’accès au territoire2. Le court séjour (- de 3 mois)3. Le séjour de plus de 3 mois

A propos du regroupement familial4. L’établissement

B. « L’étranger C.E.E. »C. L’étranger luxembourgeois ou néerlandaisD. L’étranger réfugiéE. L’étranger étudiant

II. Les voies de recoursA. La demande en révisionB. La demande de levée de la mesure de sûretéC. Le recours en annulationD. Le recours auprès du pouvoir judiciaire

III. Les sanctions(*) « Est considéré comme étranger quiconque ne fournit pas la preuve qu’il possède la

nationalité belge ». (Art. 1).

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— Le 22 septembre 1835 est adoptée une première loi concernant les étrangers résidant en Belgique. Elle ne contient que quelques dispositions relatives à certaines mesures de sûretés (injonction à s’éloigner de certains lieux, à habiter un lieu déterminé, ou à sortir du royaume). Cette loi valable pour une période de 3 ans a été renouvelée régulièrement jusqu’à l’adoption de la loi du 12 février 1897 concernant les étrangers, loi plus libérale que celle de 1835 et portant sur les mêmes mesures;

— Le 12 octobre 1918, le gouvernement prit un arrêté-loi relatif au séjour en Belgique des étrangers et des personnes d’origine étrangère, arrêté seulement applicable pendant la durée du temps de guerre;

— Le 15 décembre 1930 un arrêté royal réglementait pour la première fois l’entrée des étrangers qui souhaitaient être occupés en Belgique comme travailleurs salariés (cfr. aussi un A.R. n° 285 du 31 mars 1936 qui a institué le système des permis de travail actuellement régi par l’A.R. n° 30 du 20/7/1967, et un A.R. n° 62 du 16 novembre 1939 relatif au travail indépendant actuellement régi par la loi du 19/2/1965);

— Le 28 mars 1952 le législateur vota, dans la hâte, la très critiquable loi « sur la police des étrangers », qui n’eut que le triste mérite de la longévité et celui d’avoir regroupé, en un texte, le régime (seulement ébauché) de l’accès au territoire et du séjour d’une part, et, d’autre part, les (quelques) règles applicables aux étrangers résidant dans notre pays.

DE 1980 A 1984C’est donc assez récemment que le Parlement a voté la loi du 15 décembre

1980, (M.B. 31/12/80), considérée aujourd’hui comme la base du statut des étrangers. Il faut préciser qu’elle (n’)a trait (qu’)au statut administratif de l’étranger. Ses mérites sont multiples : ensemble coordonné et relativement cohérent contenant des dispositions relatives aux diverses situations envisageables (accès, séjour, établissement, éloignement; étranger C.E.E., hors-C.E.E.; étudiants, réfugiés politiques), aux garanties à respecter (motivation et notification des décisions, voies de recours administratives et judiciaires) et donc aux droits et obligations des parties concernées (l’étranger et l’administration).

Cette loi de 1980 entrée en vigueur le 1er juillet 1981 a fait l’objet d’un arrêté royal d’exécution daté du 8 octobre 1981 (M.B. 27/10/81).

Le 17 octobre 1983, soit deux ans (seulement) après que la loi de 80 et son arrêté de 81 aient pû être appliqués, un projet de loi fut déposé à l’initiative du Ministre de la Justice, M. Jean Gol, afin de redéfinir cer­tains principes contenus dans la législation de base (regroupement familial, étudiant étranger, limitations de séjour ou d’établissement dans certaines com­munes, aide sociale) 0 . Cette redéfinition s’est inspirée de préoccupations particulières, qui ont installé le problème de l’immigration au centre des débats

(2) Ceci sans compter le volet relatif au Code de la Nationalité belge.

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et de certains enjeux politiques en Belgique (comme dans certains autres Etats européens) car ni les faits ni l’effectivité des normes de 1980 et 1981 ne néces­sitaient une telle révision (3).

La disposition maîtresse de la loi modificative du 28 juin 1984 est sans conteste celle qui limite le droit d’inscription des étrangers dans certaines communes, selon une procédure dont les lacunes au point de vue du droit de la défense et de l’égalité des citoyens devant le Droit sont évidentes. Nous pensons qu’il peut être utile de reproduire ici le texte définitif de l’article 6 de la loi de 1984 (qui insère dans la loi de 1980 un article 18 bis) sans aucun commentaire (supra, note 3).

« Chapitre IV bis — Limitations du séjour ou de l’établissement d’étrangers dans certaines communes.

« Art. 18 bis. — Le Roi peut, sur proposition du Ministre de la Justice, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, interdire sous les peines prévues à l’article 75, par voie de disposition générale et pour une période déterminée, aux étrangers autres que les étrangers C.E. et assimilés au sens de l’article 40, de séjourner ou de s’établir dans certaines communes, s’il estime que l’accroissement de la population étrangère dans ces communes nuit à l’intérêt public.

« Pour faire ladite proposition, le Ministre de la Justice doit avoir recueilli à son initiative un avis conforme et motivé émanant du conseil communal intéressé statuant à la majorité des deux tiers, et l’avis motivé du gouverneur de la province.

«L’interdiction ne s’adresse pas à ceux qui, au moment où elle entre en vigueur, étaient établis dans le Royaume, ni ceux qui, au moment où elle s’applique, séjournaient dans la commune.

« Elle ne vise pas l’étranger qui est dispensé de se faire inscrire à l’administration communale en vertu de la loi ou d’un arrêté royal.

« L’interdiction ne s’applique pas non plus, s’ils vivent ou viennent vivre avec un étranger séjournant dans la commune intéressée, au conjoint de celui- ci ni à leurs enfants qui, soit n’ont pas atteint l’âge de dix-huit ans, soit sont à leur charge.

« Le bourgmestre d’une commune où l’interdiction est en vigueur peut, par dérogation au premier alinéa, permettre à l’étranger qui en fait la demande, de séjourner dans cette commune pour une période déterminée. La demande n’est recevable que si elle est motivée et que le demandeur ait le droit de séjourner en Belgique durant cette période. Si la dérogation n’est pas accordée dans les trente jours de la demande, le demandeur peut adresser, par lettre recommandée, une requête motivée au Ministre de la Justice, qui l’accorde ou la refuse ».

(3) Nous nous permettons de renvoyer le lecteur à notre analyse des nouvelles dispositions projetées « Portée du projet Gol », in Le Journal des Procès des 20 janvier et 17 février 1984, respectivement pp. 18 à 26 et 22 à 31.

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Une description des dispositions légales peut retenir trois subdivisions : les situations envisagées (I), les voies de recours (II), les sanctions (III).

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I. LES SITUATIONS ENVISAGEES

A. L’ETRANGER « HORS-C.E.E. »

1. L’accès au territoireL’accès au territoire de la Belgique est conditionné par :

— la détention :• d’un document requis en vertu d’une disposition nationale ou

internationale (fonctionnaires internationaux, personnel de navigation aérienne, frontaliers) (4) ou,

• d’un passeport valable (ou titre de voyage qui en tient lieu) revêtu, le cas échéant, d’un Visa (5). Ce visa peut être apposé par un représentant du Benelux (dans ce cas, le séjour ne pourra excéder 3 mois). Le passeport peut être individuel ou collectif (5 bis);

— L’autorisation donnée par le Ministre de la Justice (lorsque l’étranger n’est pas détenteur d’un des documents cités ci-dessus) (6) ou,

— L’autorisation donnée par les douaniers (visa de transit, laisser-passer spécial,...) (7).

Outre cette première condition, l’accès nécessite aussi :— La possession de moyens de subsistance suffisants ou la possibilité de se

les procurer par l’exercice légal d’une activité lucrative (8);— De ne pas être signalé comme indésirable sur le territoire du Benelux (9);— De ne pas être considéré comme pouvant compromettre la tranquillité

publique, l’ordre public ou la sécurité nationale (10);— De ne pas avoir été renvoyé ou expulsé de Belgique depuis moins de 10

ans(M)-

(4) Art. 2, al. 1er, 1°, L. 80; art. 8-9-10 et annexe 2, A.R. 81.(5) Art. 2, al. 1er, 2°, L. 80; art. 1er et annexe 1, A.R. 81. A supprimer de la liste dispensée de

visa : Maroc, Philippines, Sénégal et Turquie.(5 bis) Art. 3 à 7, A.R. 81.(6) Art. 2, al. 2, L. 80.(7) Art. 11 et 12, A.R. 81.(8) Art. 3, 1°, L. 80; art. 13, A.R. 81.(9) Art. 3, 2°, L. 80.(10) Art. 3, 3°, L. 80.(11) Art. 3, 4°, L. 80.

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Lors de l’entrée sur le territoire, l’étranger devra veiller à présenter au poste frontière son document de voyage. Cette présentation doit être spontanée à l’entrée (et à la sortie pour le document revêtu d’un visa) ou sur demande (à la sortie, pour le document non revêtu du visa) (12). Les autorités chargées du contrôle à la frontière apposeront sur le document un timbre à date (13).

L’étranger qui se présente à la frontière: pourra être refoulé si une des conditions imposées n’est pas remplie (l4). Cette décision devra être motivée et sera notifiée par écrit à l’intéressé (15).

2. Le court séjour (- de 3 mois)L’article 6 de la loi énonce un principe de base « Sauf dérogations — traité,

loi ou arrêté — l’étranger ne peut demeurer plus de 3 mois dans le royaume », excepté les cas où le visa prévoit une période plus courte. Cette période de 3 mois est appelée le court séjour. Ce dernier peut consister en une période continue de trois mois ou en plusieurs séjours successifs dont la durée, calculée sur une période de 6 mois, ne peut dépasser 90 jours. D’où l’importance des timbres à date apposés à l’entrée et à la sortie.

L’étranger qui séjourne 3 mois maximum (ailleurs que dans une maison d’hébergement soumise à la législation relative au contrôle des voyageurs) (16) est tenu de se faire inscrire dans les 8 jours ouvrables de l’entrée à l’administration communale du lieu du logement. L’administration est tenue de lui délivrer une déclaration d’arrivée, c’est-à-dire une attestation qui fait foi de l’inscription, ou une « attestation provisoire » valable 15 jours avant de délivrer la déclaration d’arrivée (*7).

L’étrange*- qui séjourne maximum 3 mois dans notre pays peut en être éloigné par un ordre de quitter le territoire (O.Q.T.) (ordre de reconduire pour celui âgé de moins de 18 ans) (18).

L’O.Q.T. doit reposer sur un des motifs repris dans la liste, exhaustive, de l’article 7 de la loi :— absence des documents requis pour demeurer;— séjour excédant la durée permise;— atteinte à l’ordre public ou la sécurité nationale;— indésirable en Belgique ou dans le Benelux;— vagabondage ou mendicité;— absence de moyens de subsistance suffisants et impossibilité de se les

procurer par l’exercice légal d’une activité lucrative;

(12) Art. 15 et 16, A.R. 81.(13) Art. 17, A.R. 81.(14) Art. 4, L. 80.(15) Art. 4 et 62, L. 80; art. 14, A.R. 81.(16) Art. 5, L. 80.(17) Art. 20, al. 1er et 119, A.R. 81.(18) Art. 118, A.R. 81.

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— victime d’une des maladies ou infirmités énumérées à l’annexe de la loi (19);

— exercice illégal d’une activité lucrative;— remise aux autorités belges pour être éloigné du Benelux.

Outre cette mesure d’éloignement qui peut être exécutée dans les 8 jours de sa notification (30 jours pour l’ordre de reconduire) l’étranger peut être le sujet d’une mesure de sûreté (20) :— remise à la frontière sans délai;— détention pendant le temps strictement nécessaire pour la remise à la

frontière. Cette frontière ne peut être celle des Pays-Bas ou du Luxembourg. Elle sera choisie par l’étranger, à défaut, par le Ministre de la Justice ou son délégué (2I)-

La mesure d’éloignement et la mesure de sûreté doivent être motivées et notifiées par écrit.

3. Le séjour (de plus 3 mois)Pour pouvoir séjourner dans notre pays l’étranger doit soit y être autorisé

(par le Ministre de la Justice ou son délégué) (22), soit être admis de plein droit (dans des circonstances particulières) (23).

L’autorisation doit être demandée à l’étranger, au poste diplomatique ou consulaire belge ou, exceptionnellement, en Belgique, au bourgmestre de la localité du séjour, qui transmettra la demande au Ministre de la Justice. L’autorisation de séjour provisoire (A.S.P.) est donnée pour une durée illimitée ou pour une durée limitée (en raison des circonstances particulières propres à l’intéressé ou en rapport avec la nature ou la durée des prestations à effectuer en Belgique) (24).

L’admission de plein droit vise les ressortissants de certains Etats (C.E.E., monégasques, finlandais, islandais, norvégiens, suédois, suisses, du

(19) « maladies pouvant mettre en danger la santé publique :1) maladies quarantenaires visées dans le règlement sanitaire international n° 2 du 25 mai

1951, de l ’Organisation m ondiale de la santé;2) tuberculose de l’appareil respiratoire active ou à tendance évolutive;3) syphilis;4) autres maladies infectieuses ou contagieuses pour autant qu’elles fassent dans le pays

d’accueil, l’objet de dispositions de protection à l’égard des nationaux.Maladies et infirmités pouvant mettre en danger l’ordre public ou la sécurité publique ;1) toxicomanies;2) altérations mentales grossières : états manifestes de psychose d’agitation, de psychose

délirante ou hallucinatoire et de psychose confusionnelle».(20) Art. 7 et 27, L. 80.(21) Les autorités compétentes peuvent être différentes selon les mesures concernées, voyez

l’Arrêté ministériel du 30 juin 1981 portant délégation des pouvoirs du Ministre (M.B. 1/7/1981).

(22) Art. 9, L. 80.(23) Art. 10, L. 80; art. 23, A.R. 81.(24) Art. 13, al. 1er, L. 80.

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ANDRE NAYER 731

Lichtenstein qui ne viennent pas en Belgique pour y travailler) ou des situations particulières :— l’étranger qui remplit les conditions légales autres que celles relatives à la

résidence, pour acquérir la nationalité belge par option ou pour recouvrer cette nationalité;

— la femme belge qui, par son mariage ou à la suite de l’acquisition par son mari d’une nationalité étrangère a perdu la nationalité belge;

— le regroupement familial.L’étranger admis de plein droit ne doit donc pas recevoir d’autorisation.

Toutefois, le Ministre de la Justice peut décider que l’étranger qui déclare se trouver dans l’un des cas prévus n’a pas le droit de séjourner parce qu’il ne remplit aucune des conditions prévues ou parce qu’il se trouve dans un des cas énumérés par la loi pour pouvoir être refoulé à la frontière (supra, 1.).

A propos du regroupement familial en cas de séjour (infra, en cas d’établissement), la disposition de l’article 10 de la loi de 1980 a été modifiée par celle du 28 juin 1984, dans un sens nettement plus restrictif.

Peut bénéficier du regroupement familial:

L. 80 L. 84 (art. 1er mod. l’art. 10 de la loi de 80)

— le conjoint étranger d’un étranger admis — le conjoint étranger d’un étranger admis ou autorisé à séjourner, ou autorisé à séjourner,

— qui vit avec ce dernier, ainsi que : — qui vient vivre avec lui, ainsi que :— leurs enfants qui n’ont pas atteint l’âge de — leurs enfants s’ils sont à leur charge et

— viennent vivre avec eux,— avant d’avoir atteint l’âge de 18 ans (à

moins qu’un accord international liant la Belgique ne prévoie des dispositions plus favorables).

Lorsqu’un étranger s’est vu rejoindre par son conjoint ou un de ses enfants dans le cadre d’un regroupement familial, le droit de re­joindre cet étranger dans le cadre du regrou­pement familial ne peut plus être invoqué qu’au cours de la même année civile et de l’année civile suivante.Un étranger qui séjourne en Belgique sur base du regroupement familial (exemple : le conjoint ou un des enfants) ne peut plus faire bénéficier ses proches du regroupement fami­lial.Le regroupement familial n’est pas applicable à l’étranger qui vient en Belgique en tant qu’étudiant.

Ainsi est limité le regroupement familial de base et celui dit « en cascade ». A noter que pour les étudiants, les membres de leur famille peuvent introduire

21 ans et— qui sont à leur charge et— qui vivent avec eux.

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732 LOI DU 15 DECEMBRE 1980 SUR L’ACCES AU TERRITOIRE

une demande d’autorisation de séjour de plus de trois mois et que celle-ci doit leur être accordée si l’étudiant « apporte la preuve qu’il dispose de moyens de subsistance et d’un logement suffisants pour recevoir le ou les membres de sa famille qui demandent à le rejoindre » (art. 2, L. 1984 insérant un article 10 bis dans la loi de 1980).

L’étranger qui vient séjourner en Belgique doit demander une inscription au registre des étrangers de la commune du lieu de résidence, dans les 8 jours ouvrables de l’entrée. Comme garantie, l’administration doit lui remettre un certificat d’inscription au registre des étrangers (C.I.R.E.). Si l’A.S.P. est à durée limitée, le C.I.R.E. aura la même durée. Si l’A.S.P. est à durée illimitée, le C.I.R.E. sera valable pendant 1 an, mais prorogeable d’année en année et renouvelé après trois prorogations (25).

Le porteur d’un titre de séjour valable, qui quitte le pays, dispose d’un droit de retour pendant un an (26). Ce droit à l’absence et au retour lui permet d’être remis dans la situation administrative antérieure et donc de continuer à bénéficier des garanties qui y sont attachées. Les seules conditions mises au bénéfice de ce droit au retour et à ses conséquences sont:— d’être en possession, au moment du retour, d’un titre en cours de validité;— de se présenter à l’administration communale dans les 15 jours du retour,

quelle que soit la durée de l’absence;— de se présenter à l’administration communale avant le départ et :

• d’y faire part de son intention de quitter et de revenir (si l’absence varie entre 3 mois et 1 an);

• de prouver en outre qu’il conserve en Belgique le centre de ses intérêts (si l’absence est de plus d’un an) (27).

Au moment du retour, l’autorisation de rentrer ne peut être refusée et l’étranger peut rentrer sous le seul couvert du titre de séjour et du passeport valable ou du titre de voyage en tenant lieu. Si l’absence se prolonge au-delà du terme de validité du titre, l’intéressé a la possibilité d’en obtenir la prorogation ou le renouvellement anticipé (28).

L’étranger qui séjourne en Belgique pendant plus de 3 mois ne peut en être éloigné que par un arrêté ministériel de renvoi fondé soit sur le non-respect des conditions mises au séjour, soit sur l’atteinte à l’ordre public ou la sécurité nationale (29). Un tel arrêté comporte une interdiction d’entrer dans le royaume pendant une durée de 10 ans, à moins qu’il ne soit suspendu ou rapporté (30).

L’arrêté ministériel doit être fondé exclusivement sur le comportement personnel (il ne peut être fait grief à l’étranger de l’usage conforme à la loi qu’il a fait de la liberté de manifester ses opinions ou de celle de réunion pacifique ou d’association).

(25) Art. 12 et 13, L. 80; art. 31 à 37, A.R. 81.(26) Art. 19, L. 80; art. 39, A.R. 81.(27) Art. 40, A.R. 81.(28) Art. 41 et 42, A.R. 81.(29) Art. 20, al. 1er L. 80.(30) Art. 26, L. 80.

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ANDRE NAYER 733

La notification de l’arrêté de renvoi indique le délai dans lequel l’étranger doit quitter le territoire. Ce délai ne peut être inférieur à 15 jours, sauf si des circonstances graves le requièrent (sans pour autant pouvoir être inférieur à 8 jours).

Certaines mesures de sûreté peuvent être prises à son égard. Le Ministre de la Justice peut lui enjoindre de quitter des lieux déterminés, d’en demeurer éloigné ou de résider en un lieu déterminé (31); le mettre à la disposition du gouvernement, en vue d’une remise à la frontière, dans des circonstances exceptionnellement graves (la mise à la disposition du gouvernement en vue de la remise à la frontière ne peut dépasser un mois) (32); le faire ramener à la frontière par la contrainte si l’étranger n’a pas obtempéré dans le délai imparti, avec détention à cette fin pendant le temps strictement nécessaire pour l’exécution de la mesure (33).

4. L’établissementL’autorisation d’établissement ne peut être accordée qu’à l’étranger admis

ou autorisé à séjourner plus de trois mois. L’étranger qui souhaite s’établir doit donc préalablement être détenteur d’un C.I.R.E. (supra, 3.). L’autorisation d’établissement doit être accordée :— aux personnes se trouvant dans les trois situations suivantes :• étranger qui remplit les conditions légales autres que celles relatives à la

résidence, pour acquérir la nationalité belge par option ou pour recouvrer cette nationalité;

• la femme belge de naissance qui, par son mariage ou à la suite de l’acquisition par son mari d’une nationalité étrangère a perdu la nationalité belge;

• regroupement familial (34).Dans ces trois situations, la personne concernée reçoit l’autorisation d’établissement à partir du 7me mois de son inscription au registre des étrangers;

— à celui qui justifie du séjour régulier et ininterrompu de 5 ans dans le Royaume (sauf si des raisons d’ordre public ou de sécurité nationale s’y opposent). Il n’est pas tenu compte, pour le calcul des 5 années, du séjour effectué par l’étudiant en vertu de l’article 58 ou par les membres de sa famille pendant la même période (35).

La demande d’autorisation d’établissement doit être adressée à l’administration communale de la résidence qui la transmet au Ministre de la Justice pour décision.

(31) Art. 22, L. 80.(32) Art. 25, L. 80.(33) Art. 27, L. 80.(34) Les mêmes observations peuvent être faites, en ce qui concerne le regroupement familial

en faveur des étrangers établis, que celles développées à propos du séjour de plus de 3 mois, les dispositions étant identiques (nous y renvoyons donc) (Cfr. Supra, art. 3 de la loi du 28 juin 1984 remplaçant l’article 15 originaire de la loi du 15 décembre 1980).

(35) Art. 15, L. 80.

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734 LOI DU 15 DECEMBRE 1980 SUR L’ACCES AU TERRITOIRE

Si la décision est favorable, l’étranger est autorisé à s’établir et est inscrit au registre de la population. L’administration communale devra lui délivrer la carte d’identité d’étranger (C.I.E.). Celle-ci est valable 5 ans et renouvelée tous les 5 ans, alors que la durée de validité de l’autorisation d’établissement est illimitée (36).

Dans ce cas ci également l’étranger qui quitte le pays (muni d’une C.I.E. valable) dispose d’un droit de retour pendant un an, aux mêmes conditions que celles exposées ci-dessus (supra, 3.).

L’étranger établi en Belgique ne peut en être éloigné que s’il a gravement porté atteinte à l’ordre public ou à la sécurité nationale. Son éloignement doit faire l’objet d’un arrêté royal d’expulsion. Un avis préalable doit être demandé à une « commission consultative des étrangers ». Cet arrêté doit, en outre, être délibéré en Conseil des Ministres s’il est fondé sur l’activité politique de l’étranger (37).

La notification de l’arrêté royal d’expulsion indique le délai dans lequel l’étranger doit quitter le territoire. Ce délai ne peut être inférieur à un mois, sauf circonstances exceptionnelles graves.

Les mêmes mesures de sûreté que celle pouvant frapper un étranger qui séjourne plus de 3 mois peuvent être prises à l’encontre d’un étranger établi (38).

A noter que l’arrêté d’expulsion, ainsi que les arrêtés d’assignation et d’interdiction de résidence indiquent les faits justifiant la décision à moins que des motifs intéressant la sûreté de l’Etat ne s’y opposent. Mention est faite des conclusions de la commission consultative des étrangers (39).

B. « L’ETRANGER C.E.E. »La libre circulation des personnes, proclamée parle Traité de Rome, donne

parfois à penser qu’aucune mesure particulière ne s’impose aux ressortissants d’un des dix Etats membres désireux de se rendre ou de s’installer dans un

(36) A rt. 16 et 17, L. 80; art. 30 à 33, 39 et 41, A .R . 81.(37) 20. al. 2. L. 80.(38) Art. 25, L. 80.(39) Art. 23, L. 80.La loi du 15 décembre 1980 a institué deux organes consultatifs. Un premier, le Conseil

consultatif des étrangers est chargé de donner des avis motivés et préalables « sur tous projets et propositions de lois et de décrets concernant l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers dont il est saisi par le président de l’une des deux Chambrés législatives ou de l’un des conseils culturels. » Le second, la Commission consultative des étrangers est chargée de donner des avis au Ministre de la Justice « dans les cas prévus par la présente loi ou par des dispositions particulières », par exemple, préalablement à un arrêté royal d’expulsion ou un arrêté ministériel de renvoi. La composition de ces deux organes est prévue, respectivement, aux articles 31 et 33 de la loi. Signalons, enfin, que la loi du 28 juin 1984 contient un article 12 qui dispose que « par arrêté royal délibéré en Conseil des Ministres il est institué une Commission d’études de l’immigration chargée d’examiner les problèmes posés par l’immigration, en tant qu’ils constituent un ensemble, et les solutions qui peuvent y être apportées ( . . . ) La commission présente un premier rapport dans les douze mois à dater de la publication de la présente loi ».

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pays autre que le leur (40). Rien n’est moins vrai et il suffit de relever l’article 48 du Traité pour constater déjà que la circulation n’est libre, par exemple, que si l’on répond à un emploi « effectivement offert ».

Nous retenons ci-dessous les principes qui régissent les déplacements intra­communautaires (à l’exclusion de toutes les exigences purement administratives qui les concrétisent) et qui constituent les garanties minimales dont peuvent se prévaloir les intéressés.

Est défini comme « étranger-C.E.E. », tout ressortissant d’un Etat membre qui se rend ou séjourne en Belgique et qui ;— soit exerce ou entend exercer une activité salariée ou non salariée;— soit bénéficie ou entend y bénéficier d’une prestation de service;— soit bénéficie ou entend y bénéficier du droit de demeurer (41).

Est, en outre, assimilé à l’étranger C.E.E., quelle que soit sa nationalité :— son conjoint;— ses descendants ou ceux de son conjoint. Les descendants doivent être

âgés de moins de 21 ans ou être à charge;— ses ascendants ou ceux du conjoint. Les ascendants doivent être à charge;— le conjoint des descendants et des ascendants de l’étranger C.E.E. et de

son conjoint;— les étrangers membres de la famille d’un Belge (42).

L’étranger C.E.E. ou assimilé devra répondre à des exigences administratives distinctes, selon qu’il vient en Belgique :1) pour y travailler (comme salarié ou indépendant) pour une période d’une

durée supérieure à une année ou comprise entre trois mois et un an ou encore de maximum trois mois (43);

2) Pour y être prestataire ou destinataire de service. Le Rapport au Roi précédant l’arrêté royal du 8 octobre 1981 précise ces deux notions :— « Par prestataire de service, on entend le ressortissant C.E.E. qui, tout

' en conservant son domicile dans son pays, se rend en Belgique pour yexercer une activité déterminée pendant une période déterminée. Il s’agit, en conséquence, d’activités essentiellement temporaires liées à l’exécution d’un contrat; à titre d’exemple, les monteurs qui viennent installer une machine livrée par une firme étrangère.

— Par destinataire de service, on entend viser le ressortissant C.E.E. qui, tout en conservant son domicile dans son pays, se rend en Belgique en vue d’y bénéficier d’un service. Les catégories de destinataires de service sont évidemment d’une variété infinie » (44);

(40) Notons que l’A.R. de 81 contient en ses articles 51 à 55 des dispositions transitoires applicables, jusqu’au 31 décembre 1987, aux travailleurs salariés grecs et aux membres de leur famille.

(41) Art. 40, al. 2, L. 80.(42) Art. 40, al. 3, L. 80; art. 49 et 61, A.R. 81.(43) Art. 42, al. 3, L. 80; art. 45 à 50, A.R. 81.(44) Supplément au M.B. du 27/10/81, p. 4. Art. 48 et 49, A.R. 81.

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3) Pour pouvoir y demeurer. Il s’agit ici du droit pour tout ressortissant d’un Etat membre employé sur le territoire du Royaume d’y demeurer après y avoir occupé un emploi, ou d’y revenir avant l’expiration d’un délai maximum de deux ans à dater du moment où il a cessé son activité professionnelle (45).

On notera, pour mémoire, que des normes particulières s’appliquent à l’étranger C.E.E. qui ne peut ou ne veut pas revendiquer le bénéfice des dispositions applicables aux ressortissants des Etats membres (46).

Enfin relevons que les garanties dont bénéficie l’étranger C.E.E. en cas de mesures d’éloignement et de sûreté sont plus importantes que celles en vigueur pour un étranger non ressortissant d’un Etat membre.

Ainsi, et comme exemple, retenons le refoulement à la frontière qui ne peut être motivé que pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique (à l’exclusion de toute justification d’ordre économique) ou encore qu’il faut un arrêté royal d’expulsion dès que le séjour excède un an (5 ans pour « un hors-C.E.E. ») (47).

C. L’ETRANGER LUXEMBOURGEOIS OU NEERLANDAIS (Art. 70 et 71, A.R. 81).

Les deux articles cités concernent, l’un, les motifs pouvant justifier un refoulement à la frontière et l’autre la délivrance d’une carte d’identité d’étranger à celui qui tout en séjournant en Belgique continue à exercer une activité lucrative dans un pays limitrophe.

D. L’ETRANGER REFUGIE C8)La loi de 1980 distingue diverses situations :

1. Peut êire reconnu comme réfugié, l’étranger qui réunit les conditions requises par les conventions internationales liant la Belgique (49);

2. Est considéré comme réfugié et jouit du droit d’asile (« admis à séjourner ou à s’établir ») (50) :

a) l’étranger qui possédait cette qualité avant l’entrée en vigueur de la loi du 26/6/53 portant approbation de la Convention internationale du 28/7/51 (49);

(45) Cfr. aussi le règlement 1251/70 de la Commission des C.E. du 29/6/70 relatit au droit des travailleurs de demeurer sur le territoire d’un Etat membre après y avoir occupé un emploi, et la directive n° 75/34 du 17/12/74 rendant applicable, en les transposant, les dispositions de ce règlement aux ressortissants d’ün Etat membre des C.E.E. exerçant une activité non salariée. Art. 56 à 60, A.R. 81.

(46) Art. 62 à 69, A.R. 81.(47) Art. 27, 30, 43 et 46, L. 80.(48) Le réfugié est celui qui a perdu la protection de l’Etat dont il est ou était ressortissant et

qui ne bénéficie plus de la protection d ’un autre Etat.(49) Art. 48, L. 80.Convention internationale relative au statut des réfugiés — Genève 28/7/51 — approuvée en

Belgique, par la loi du 26/6/53 (M.B. 4/10/53), concernant les personnes qui étaient devenues réfugiées par suite d’événements survenus avant le 1/1/51;Protocole relatif au statut des réfugiés — New York 31/1/67 — approuvée par la loi du 27/2/69 (M.B. 3/5/69), reconnaissant une identité de statut pour toutes les personnes répondant à la définition, quelle que soit la date des faits.

(50) Art. 49, L. 80.

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b) l’étranger auquel cette qualité a été reconnue par le Ministre des Affaires étrangères ou par l’autorité internationale à laquelle le Ministre a délégué sa compétence (le Haut Commissariat des Nations-Unies aux réfugiés —A.R. 22/2/54 — M.B. 18/4/54);

c) l’étranger qui possédait cette qualité alors qu’il se trouvait sur le territoire d’un autre Etat, partie contractante à la Convention relative au statut des réfugiés, et qui a été autorisé par le Ministre de la Justice ou son délégué, à séjourner ou à s’établir dans le royaume, à condition que sa qualité soit confirmée par le Ministre des Affaires étrangères ou le Haut Commissariat des Nations-Unies;

3. Est assimilé au réfugié, à sa demande, l’étranger qui remplit les conditions légales pour être reconnu comme réfugié et qui justifie des raisons sérieuses l’empêchant de demander cette qualité (51). Les formalités administratives seront différentes selon que l’étranger se déclare réfugié à la frontière (porteur ou non des documents requis) (52) ou en Belgique (entrée régulière ou irrégulière) (53) ou a été reconnu comme réfugié dans un autre Etat (venue volontaire ou forcée) (54). Un candidat réfugié bénéficie de certaines garanties. Ainsi, s’il a obtenu le droit d’asile (c’est-à- dire le droit de séjour ou d’établissement), il ne peut être refoulé ou éloigné du territoire, ni faire l’objet de poursuites pénales en raison de son entrée ou de son séjour irrégulier aussi longtemps que sa demande n’aura pas été déclarée non fondée. Reconnu comme réfugié il ne peut être éloigné du territoire que par un arrêté de renvoi pris après avis de laC.E.E. ou par un arrêté d’expulsion et ne peut être éloigné vers le pays qu’il a fui parce que sa vie ou sa liberté y était menacée.

Rappelons aussi qu’à défaut d’un texte, élaboré, relatif aux apatrides, l’arrêté royal de 1981 contient néanmoins une disposition qui les concerne (55). Les apatrides sont soumis, ainsi que leur famille, à la réglementation générale et jouissent d’un droit au retour identique à celui reconnu aux réfugiés (56).

E. L’ETRANGER ETUDIANT A l’instar des réfugiés, les étudiants font l’objet de dispositions

spécifiques (57). Ici également la législation distingue différentes situations.1. Celle de l'étranger ressortissant d’un pays non limitrophe de la Belgique

qui souhaite faire des études en Belgique pour une durée de plus de trois mois.

(51) 57, L. 80.(52) 72, 74 § 1", 75, al. I er, 78, 80 § 1er, A.R. 81.(53) 50, 51 et 52, L. 80; art. 73, § 1“ et § 2, 74 § 2 à 4, 75, al. 1er et 2, 79, 80 § 2, 81 et 88, A.R.

81.(54) 49, al. 2 et 55, L. 80; art. 90 à 94, A.R. 81.(55) 98, A.R. 81.(56) 85, A.R. 81.(57) 58 à 61, L. 80; art. 99 à 104, A.R. 81.

I

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2. Celle de l'étranger ressortissant d’un pays limitrophe qui vient étudier en Belgique et qui réside dans son pays où il retourne, en principe, chaque week-end.

3. Celle de l’étranger résidant habituellement dans un pays limitrophe dont il n’a pas la nationalité.

4. Celle de l’étranger qui séjournait et étudiait en Belgique au moment de l’entrée en vigueur de la loi.

Dans la première situation, une autorisation sera accordée à l’étranger qui la sollicite (auprès d’un poste diplomatique ou consulaire belge) moyennant le respect de quatre conditions :a) la production d’une attestation délivrée par un établissement

d’enseignement organisé, reconnu ou subsidié par l’Etat;b) la preuve qu’il possède des moyens de subsistance suffisants (cette preuve

peut résulter: d’un document attestant qu’il bénéficie ou bénéficiera prochainement d’une bourse ou d’un prêt pouvant couvrir ses soins de santé, ses frais de séjour, d’études et de rapatriement; ou émaner d’une personne, belge ou étrangère, disposant de ressources permanentes et s’engageant à prendre en charge les soins de santé, les frais de séjour, d’études et de rapatriement);

c) la production d’un certificat médical prouvant qu’il n’est pas atteint d’une des maladies ou infirmités énumérées à l’annexe de la loi;

d) la production d’un certificat constatant l’absence de condamnation pour crimes ou délits de droit commun, s’il est âgé de plus de 21 ans.

L’autorisation de séjour provisoire est limitée à la durée des études et l’étudiant peut être renvoyé lorsqu’il prolonge son séjour au-delà des études ou quand il exerce une activité lucrative entravant manifestement la poursuite normale de ses études ou quand il ne se présente pas aux examens sans motif valable.

La loi du 28 juin 1984 a modifié assez nettement certaine dispositions relatives aux étudiants.

La première des modifications a pour conséquence de ne plus permettre à un étranger que l’accès aux études dans l’enseignement supérieur ou à une année préparatoire à un tel enseignement.

En outre, en ce qui concerne l’éloignement d’un étudiant, le Ministre de la Justice peut non seulement délivrer un arrêté ministériel de renvoi (mesure prévue déjà dans la loi de 1980), mais aussi éventuellement un ordre de quitter le territoire.

Ce dernier devra être motivé par le fait que l’intéressé « prolonge son séjour au-delà du temps des études et n’est plus en possession d’un titre de séjour régulier ou prolonge les études de manière excessive compte tenu des résultats ( . . . ) Pour juger du caractère excessif, compte tenu des résultats, de la durée des études, le Ministre de la Justice doit recueillir l’avis des autorités de l’établissement où l’étudiant est inscrit et de l’établissement où il était inscrit l’année académique ou scolaire précédente » (58).

(58) Art. 5, L. 84, modifiant l’article 58 et remplaçant l’article 61 de la loi de 1980.

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II. LES VOIES DE RECOURSToutes les décisions administratives dont il a été question doivent être :

— motivées et— notifiées aux intéressés, au moyen d’une copie (59).

Ces décisions sont susceptibles de :— demande en révision;— demande de levée de mesure de sûreté;— recours en annulation auprès du Conseil d’Etat;— recours auprès du pouvoir judiciaire^60).A. La demande en révision (6I) s’adresse soit au Ministre de la Justice en

tant qu’autorité ayant pris la décision, soit au Ministre de la Justice en tant qu’autorité supérieure à celle ayant pris la décision. Elle consiste donc en un « recours gracieux », mais strictement organisé, sans pour autant se substituer au recours gracieux toujours utilisable. Pendant la durée de l’examen de la demande en révision, aucune mesure, d’éloignement du territoire ne peut être exécutée et aucune mesure de cette nature ne peut être prise à l’égard de l’étranger en raison des faits qui ont motivé la décision contre laquelle cette demande est introduite.

B. La demande de levée de la mesure de sûreté (62) peut être introduite lorsque le Ministre de la Justice enjoint à l’étranger de quitter certains lieux, d’en demeurer éloigné ou de résider dans un lieu déterminé. La demande pourra être introduite, pour la première fois, à l’expiration de la période de six mois qui suit l’injonction et, ensuite, de six mois en six mois. Une telle voie de recours n’est pas utilisable en cas de détention.

C. Le recours en annulation (63) auprès du Conseil d’Etat peut être introduit par l’étranger contre toute décision prise à son encontre (dans les 60 jours calendrier qui suivent le jour de la notification de la décision contestée). La demande en révision et le recours en annulation peuvent se succéder ou se cumuler. En cas de cumul, l’examen du recours en annulation sera suspendu jusqu’à ce que le Ministre de la Justice ait statué sur la demande de révision.Si le recours en annulation concerne le renvoi (arrêté ministériel) ou l’expulsion (arrêté royal) et seulement dans ces deux cas là (supra, le séjour et l’établissement), le Conseil d’Etat pourra ordonner, à la demande de l’étranger, le sursis à exécution de la décision :«... si, à l’appui de son recours, le requérant invoque des moyens qui, dans les circonstances de l’affaire, paraissent sérieux et de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée et si l’exécution immédiate

(59) Art. 62, L. 80.(60) Art. 63, L. 80.(61) 65 à 67, L. 80; art. 111 à 113, A.R. 81.(62) Art. 68, L. 80; art. 114, A.R. 81.(63) Art. 69 et 70, L. 80. Voy. aussi l’arrêté royal du 22/7/81 déterminant la procédure devant

la section d’administration du Conseil d’Etat en cas de recours contre les décisions prévues p a rlaloi du 15/12/80 (M.B. 30/7/81).

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de celle-ci risque de causer à l’étranger un préjudice grave difficilement réparable ».

D. Le recours auprès du pouvoir judiciaire (64) peut être utilisé dans tous les cas de mesure privative de liberté : détention ou mise à la disposition du gouvernement dans l’attente d’une remise à la frontière.

III. LES SANCTIONS Parmi les sanctions (65) les plus importantes, nous pouvons retenir les

suivantes :— Est puni d’un emprisonnement de 8 jours à 3 mois et/ou d’une amende de

26 à 200 francs :• l’étranger qui entre ou séjourne illégalement;• l’étranger qui se soustrait à une mesure de sûreté;• quiconque aide ou assiste sciemment un étranger soit dans les faits

qui ont préparé son entrée ou son séjour illégal(le) ou qui les ont facilités, soit dans les faits qui les ont consommés.

En cas de récidive dans les trois ans, les peines sont portées à un emprisonnement d’1 mois à 1 an et/ou à une amende de 100 à 100.000 francs.— Est puni d’un emprisonnement d’1 mois à 1 an et d’une amende de 100 à

100.000 francs, l’étranger renvoyé ou expulsé depuis moins de 10 ans qui entre ou séjourne sans autorisation spéciale du Ministre de la Justice.

— Est puni d’un emprisonnement de 6 mois à 5 ans celui qui se rend coupable de faux témoignage devant la commission consultative des étrangers.

(64) Art. 72 à 74, L. 80.(65) Art. 75 à 81, L. 80.