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Les Juifs d'Europe à partir des années 1910 Durant la Première Guerre mondiale, les Juifs combattent comme leurs concitoyens des pays auxquels ils appartiennent. Six mille Juifs meurent pour la France, douze mille pour l'Allemagne. Ils peuvent donc se considérer comme des citoyens à part entière des deux principaux pays qui se sont affrontés. En Russie : Les révolutions successives en Russie apportent aux Juifs l'égalité des droits dont ils ne jouissaient pas encore. Mais la guerre civile qui suit ces révolutions donne lieu à de multiples pogroms (actions de masse violentes contre les Juifs, en tant que minorité nationale et religieuse), plus particulièrement en Ukraine. En Grande-Bretagne : Durant les années 1938-1939, dans un programme connu sous le nom de « Kindertransport », le Royaume-Uni a admis dix mille enfants juifs non accompagnés en urgence. En septembre 1939, entre soixante-dix et quatre-vingt mille réfugiés Juifs entrent en Angleterre. La plupart s'installent au nord-ouest de Londres. En Allema gne : Un Juif, Walter Rathenau, est nommé - dans la République de Weimar - ministre de la Reconstruction en 1921 et des Affaires Etrangères en 1922. Il sera assassiné peu après. Les Juifs sont cependant accusés de la défaite allemande et, même si le parti nazi dirigé par Adolf Hitler fonde son action sur la haine des Juifs, ce n'est qu'après son arrivée au pouvoir que les premières mesures antisémites se succèdent, entraînant une dégradation de la situation des Juifs (et plus particulièrement lors de la Nuit de Cristal, le 9 novembre 1938) : boycott des magasins tenus par les Juifs, retrait de la citoyenneté des Juifs allemands, trente mille déportations en camps de concentration, cent quatre-vingt-onze synagogues brûlées, aryanisation (mise sous tutelle allemande des biens et entreprises détenus par les Juifs), spoliation, autodafés d'œuvres juives, sept mille cinq cents boutiques juives pillées et démolies, quatre-vingt-onze Juifs sauvagement assassinés. «Je vais me montrer prophète. Si la finance juive, en Europe et ailleurs, parvient une fois de plus à plonger les peuples dans une guerre mondiale, alors la conséquence n’en sera pas la bolchevisation du monde, et donc une victoire des Juifs, mais au contraire la destruction de la race juive en Europe.», déclare le chancelier allemand Adolf Hitler devant le Reichstag, le 30 janvier 1939. C’est un tournant dans la politique antijuive du nazisme. Juillet 1938, la Conférence d'Evian : Suite à l'annexion de la Tchécoslovaquie en 1938 par le IIIème Reich, la Conférence d'Evian en juillet 1938 qui réunit trente-deux pays d'Europe et les Etats-Unis, n'aboutit à aucune aide concrète pour ceux qui ne sont même pas clairement nommés, à savoir les Juifs, en dehors « des réfugiés politiques » d'Europe !! Mais la quasi-totalité d'entre eux refusent de diminuer les restrictions à l'immigration et d'accepter davantage de réfugiés. Les Etats-Unis : Si environ quatre-vingt-cinq mille réfugiés juifs (sur cent vingt mille émigrants) purent se rendre aux États-Unis entre mars 1938 et septembre 1939, le nombre de visas d'entrée accordés restait bien inférieur à la demande. À la fin de 1938, cent vingt-cinq mille personnes se présentèrent au consulat américain dans l'espoir d'obtenir l'un des vingt-sept mille visas accordés selon les lois alors en vigueur. L'année suivante, le nombre de demandeurs atteignait trois cent mille, dont la plupart virent leur requête rejetée. En effet, l'Immigration Act de 1924 (La loi sur l'immigration de 1924) a limité le nombre d'immigrants autorisés à entrer aux États-Unis par un quota d'origine nationale. Le Saint-Louis : Peu avant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement cubain donne des visas d'entrée pour neuf cent soixante- trois Juifs d'Europe qui embarquent sur le Saint-Louis dans le port de Hambourg en mai 1939. Finalement, seules quelques familles sont autorisées à débarquer à la Havane, laissant à bord neuf cent sept Juifs, ballottés de port en port mais refusés aux Etats-Unis et au Canada, avant que le bateau, commandé par l'allemand Gustav Schröder - qui sera après-guerre reconnu comme « Juste parmi les Nations » pour avoir sauvé ces Juifs - ne revienne en Europe. Neuf cents Juifs environ seront répartis en Angleterre, Pays-Bas, Belgique et France. Deux cent cinquante-quatre Juifs feront malgré tout partie des victimes de la Shoah.

La loi sur

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Les Juifs d'Europe à partir des années 1910

Durant la Première Guerre mondiale, les Juifs combattent comme leurs concitoyens des pays auxquels ils appartiennent. Six mille Juifs meurent pour la France, douze mille pour l'Allemagne. Ils peuvent donc se considérer comme des citoyens à part entière des deux principaux pays qui se sont affrontés.

En Russie :

Les révolutions successives en Russie apportent aux Juifs l'égalité des droits dont ils ne jouissaient pas encore. Mais la guerre civile qui suit ces révolutions donne lieu à de multiples pogroms (actions de masse violentes contre les

Juifs, en tant que minorité nationale et religieuse), plus particulièrement en Ukraine.

En Grande-Bretagne : Durant les années 1938-1939, dans un programme connu sous le nom de « Kindertransport », le Royaume-Uni a admis dix mille enfants juifs non accompagnés en urgence. En septembre 1939, entre soixante-dix et quatre-vingt mille réfugiés Juifs entrent en Angleterre. La plupart s'installent au nord-ouest de Londres.

En Allema gne : Un Juif, Walter Rathenau, est nommé - dans la République de Weimar - ministre de la Reconstruction en 1921 et des Affaires Etrangères en 1922. Il sera assassiné peu après. Les Juifs sont cependant accusés de la défaite allemande et, même si le parti nazi dirigé par Adolf Hitler fonde sonaction sur la haine des Juifs, ce n'est qu'après son arrivée au pouvoir que les premières mesures antisémites se succèdent, entraînant une dégradation de la situation des Juifs (et plus particulièrement lors de la Nuit de Cristal, le 9 novembre 1938) : boycott des magasins tenus par les Juifs, retrait de la citoyenneté des Juifs allemands, trentemille déportations en camps de concentration, cent quatre-vingt-onze synagogues brûlées, aryanisation (mise sous tutelle allemande des biens et entreprises détenus par les Juifs), spoliation, autodafés d'œuvres juives, sept mille cinq cents boutiques juives pillées et démolies, quatre-vingt-onze Juifs sauvagement assassinés. «Je vais me montrer prophète. Si la finance juive, en Europe et ailleurs, parvient une fois de plus à plonger les peuples dans une guerre mondiale, alors la conséquence n’en sera pas la bolchevisation du monde, et donc une victoire des Juifs, mais au contraire la destruction de la race juive en Europe.», déclare le chancelier allemand Adolf Hitler devant le Reichstag, le 30 janvier 1939. C’est un tournant dans la politique antijuive du nazisme.

Juillet 1938, la Conférence d'Evian : Suite à l'annexion de la Tchécoslovaquie en 1938 par le IIIème Reich, la Conférence d'Evian en juillet 1938 qui réunit trente-deux pays d'Europe et les Etats-Unis, n'aboutit à aucune aide concrète pour ceux qui ne sont même pas clairement nommés, à savoir les Juifs, en dehors « des réfugiés politiques » d'Europe !! Mais la quasi-totalité d'entre eux refusent de diminuer les restrictions à l'immigration et d'accepter davantage de réfugiés.

Les Etats-Unis :

Si environ quatre-vingt-cinq mille réfugiés juifs (sur cent vingt mille émigrants) purent se rendre aux États-Unis entre mars 1938 et septembre 1939, le nombre de visas d'entrée accordés restait bien inférieur à la demande. À la fin de 1938, cent vingt-cinq mille personnes se présentèrent au consulat américain dans l'espoir d'obtenir l'un des vingt-sept mille visas accordés selon les lois alors en vigueur. L'année suivante, le nombre de demandeurs atteignait trois cent mille, dont la plupart virent leur requête rejetée. En effet, l'Immigration Act de 1924 (La loi sur

l'immigration de 1924) a limité le nombre d'immigrants autorisés à entrer aux États-Unis par un quota d'origine nationale.

Le Saint-Louis : Peu avant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement cubain donne des visas d'entrée pour neuf cent soixante-trois Juifs d'Europe qui embarquent sur le Saint-Louis dans le port de Hambourg en mai 1939. Finalement, seules quelques familles sont autorisées à débarquer à la Havane, laissant à bord neuf cent sept Juifs, ballottés de port en port mais refusés aux Etats-Unis et au Canada, avant que le bateau, commandé par l'allemand Gustav Schröder - qui sera après-guerre reconnu comme « Juste parmi les Nations » pour avoir sauvé ces Juifs - ne revienne en Europe. Neuf cents Juifs environ seront répartis en Angleterre, Pays-Bas, Belgique et France. Deux cent cinquante-quatre Juifs feront malgré tout partie des victimes de la Shoah.

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Le Saint-Louis au port d'Anvers en mai 1939 Le voyage du Saint-Louis du 13 mai au 17 juin 1939

L'expulsion et la fuite de deux cent quatre-vingt mille Juifs allemands s'est faite vers plus de cent pays !!Les pays d'immigration de ces Juifs sont principalement les États-Unis (quatre-vingt-quinze mille), la Palestine - àl'époque sous protectorat britannique – (soixante mille), la Grande-Bretagne (quarante mille).

Une autre destination importante était l'Amérique du Sud - le Chili, la Bolivie et principalement les Etats de la côte Est : l'Argentine, Le Brésil et l'Uruguay -, où soixante-quinze mille émigrés ont fui, souvent comme deuxième choix après que l'immigration vers d'autres pays s'est effondrée à cause des papiers, un passage ou de l'argent manquants.

La République dominicaine et le Mexique font aussi partie des terres d'exil.

Carte de l'immigration juive au départ de l'Allemagne de 1933 à 1940(En outre, des dizaines de milliers de réfugiés juifs ont émigré vers d'autres régions

du monde).

1939 -1945 : En septembre 1939, seuls deux cent quatre-vingt-deux mille Juifs avaient quitté l'Allemagne et cent dix-sept mille l'Autriche annexée.Mais le nombre de personnes qui ont pu fuir est très faible, les autres sont prises au piège et le génocide a fait plus de six millions de victimes.

En Europe centrale et orientale, au fur et à mesure de l'occupation des troupes allemandes dans ces territoires, les Juifs sont regroupés dans des ghettos où ils sont affamés puis arrêtés et déportés ou fusillés en masse (Lublin, Varsovie) malgré une résistance héroïque du ghetto de Varsovie ou de certains camps d'extermination (Treblinka, Sobibor).

A travers toute l'Europe, des trains - simples wagons à bestiaux - acheminent des millions de Juifs, femmes, enfants, hommes vers la solution finale : les camps d'extermination. Près des deux tiers des Juifs d'Europe continentale ont disparu tout comme ceux de Salonique (en Grèce), jusqu'à plus de 90 % des populations des Juifs des pays baltes et de Pologne.

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Varian Fry : En 1940 et pendant treize mois, de son bureau marseillais, arrivé à l'origine pour un mois seulement avec deux cents noms et trois mille dollars, Varian Fry, journaliste américain et auteur du livre « la Liste noire » (publié en

France en 1999), aidera grâce à son réseau et sous couvert de son organisation officielle « le Centre de secours américain » entre deux et quatre mille Juifs et militants antinazis en les aidant à fuir l'Europe et le régime de Vichy avec des visas de sortie (Cuba, Mexique, Etats-Unis,…). Parmi ceux que Varian Fry a aidés, Marc Chagall (peintre), mais aussi des industriels, des artistes, des savants, des écrivains, des dissidents, des réfugiés antifascistes, juifs ou non, pourront avoir des faux papiers, des filières par l'Espagne et le Portugal puis vers leur pays final. Fry fut grandement aidé par Hiram Bingham IV, vice-consul américain à Marseille, qui combattit l'antisémititsme du département d'état et sa politique frileuse en matière de visas. Hiram Bingham IV n'hésita pas à délivrer des milliers de visas, vrais ou faux.Cette politique déplut au régime de Vichy et au gouvernement américain, alors neutre dans le conflit européen. L'intendant de police de Marseille, Maurice Rodellec du Porzic, obtint son départ. Après s'être fait confisquer son passeport par les autorités américaines, Varian Fry dut quitter le territoire français le 16 septembre 1941.Il n'a bénéficié d'une reconnaissance tardive par la France que peu de temps avant sa mort (1967).

Les Juifs de Shangai: A l'époque, Shanghai est sous occupation japonaise. Mais Tokyo, pourtant allié de l'Allemagne nazie, y laisse entrer les étrangers sans visa, y compris quelque vingt mille Juifs fuyant l'Europe. Ces Juifs peuvent ainsi y retrouver une diaspora juive déjà présente en Asie depuis la fin du XIXème siècle. Ces vingt mille Juifs partent d'Italie pour rejoindre Shangai en bateau, sans argent, sans logement ni nourriture à l'arrivée, mais en sécurité et aidés par la communauté juive présente sur place. A partir de 1943, sous pression allemande, les Japonais obligent les Juifs d'origine germanique à se regrouper dansun quartier populaire du nord de la ville. Mais ils ignorent la demande des nazis d'appliquer aussi "la solution finale" dans leurs zones d'occupation.Après la guerre, la quasi-totalité de la communauté juive de Shanghai quitte la ville avant l'arrivée au pouvoir du régime communiste en 1949. Beaucoup gagneront l'état d'Israël, fondé un an plus tôt.

C'est dans cet ancien quartier « ghetto » que s'est ouvert en 2007 le Musée des réfugiés juifs de Shanghai, dans une ancienne synagogue.

Peu de Juifs connaissent l'histoire de ces vingt mille Juifs sauvés de la Shoah.

« Ce pan de l'histoire sombre dans l'oubli », rappelle le rabbin Shalom Greenberg, co-directeur du Centre juif de Shanghai, précisant même que « Cette terre n'a jamais connu l'antisémitisme ».

« L'histoire dont on parlait à l'époque était celle de ceux qui n'avaient pas survécu, de leur sort terrible avec ce qui

s'était passé en Europe. L'histoire des survivants, de manière générale, n'était pas évoquée.»

En France :

Avec trois cent mille Juifs en 1939, dont deux tiers vivaient à Paris, La France comptait la plus grande communauté juive d'Europe occidentale. Elle représentait toutefois moins de 1% de la population, et seule la moitié possédait la nationalité françaiseEntre la débâcle de mai-juin 1940 et la fin de l’année 1941, quelque cinq mille hommes, femmes et enfants gagnèrent la Martinique depuis Marseille à bord de cargos. Ils échappaient ainsi à l’Europe embrasée. Certains étaient juifs, d’autres républicains espagnols ou socialistes antinazis. (« Les Bateaux de l'espoir, Vichy, les réfugiés, la

filière martiniquaise » d'Éric Jennings, paru au CNRS éditions). Plusieurs bateaux furent ainsi autorisés par Marcel Peyrouton – qui jouait le rôle de ministre de l’Intérieur – à transporter vers les Amériques des milliers « d'indésirables » amassés à Marseille dans l’espoir de fuir la guerre. Le dispositif fonctionna essentiellement de l’hiver 1940 à juin 1941. Ni le nombre de traversées ni celui des passagers n’ont pu être recensés précisément. Aux Juifs, aux antinazis, aux communistes, aux ressortissants d’Europe centrale réfugiés en France depuis 1933, aux républicains espagnols rescapés du franquisme, à tous ceux qui étaient directement visés par Vichy, s’ajoutèrent des familles qui voulaient simplement poursuivre leur vie et leurs affaires dans des conditions moins périlleuses. Les plus chanceux empruntèrent donc la route maritime qui menait directement de Marseille à la Martinique, en attendant une installation aux États-Unis, au Canada, au Mexique, à Cuba, au Brésil… Ils étaient parvenus à réunir patiemment certificats, visas, autorisations en tout genre et fonds exigés pour l’embarquement. À l’été 1942, un autre basculement se produit. Dès le 16 juin 1942, René Bousquet, secrétaire général de la police de Vichy, accepte le principe de faire arrêter par la police française dix mille Juifs de la zone non occupée. Mais ilexige que seuls les Juifs étrangers soient « déportables ». Le 3 juillet 1942, le gouvernement de Vichy entérine cet

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accord. Les listes nominatives, établies secrètement et régulièrement réactualisése, seront utilisées par l'administration française pour procéder aux arrestations de 1942, dans les deux zones, puis par la puissance allemande à partir de novembre 1943. « La rafle du billet vert » en mai 1941 par la police française amènera l'arrestation de trois mille sept cent quarante-sept Juifs dans la région parisienne, ces derniers pensant qu'il ne s'agit que d'une formalité administrative. La plupart sont déportés à Auschwitz. Trois mille cent dix-huit hommes, cinq mille neuf cent dix-neuf femmes et quatre mille cent quinze enfants de tous âges, soit treize mille cent cinquante-deux personnes seront arrêtées lors de celle « du Vel d'hiv' » les 16 et 17juillet 1942 à Paris puis envoyées à Auschwitz. Moins d'une centaine d'adultes en reviendront, et aucun enfant !!D'autres rafles en zone sud ont lieu le 26 août 1942 où six mille cinq cent quatre-vingt-quatre Juifs étrangers ou apatrides seront à leur tour arrêtés, déportés à Auschwitz et pour la plupart, immédiatement assassinés.

Les Juifs de Barcelonnette

Cinq Juifs résident à Barcelonnette dès 1941. C'est principalement dès le début de 1943 que la plupart des Juifs en résidence surveillée arrivent, après leur arrestation sur Nice pour la plupart. Ils sont jusqu'à cent soixante-quatre. Ils sont de toutes les nationalités : hongroise, tchèque, allemande, polonaise, turque, grecque, belge, roumaine, autrichienne, yougoslave, russe, néerlandaise, bulgare, portugaise, française et quelques apatrides.

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Certains ne restent que quelques jours, voire quelques semaines avant de fuir à nouveau, en France ou à l'étranger.

Venant de Dordogne, une mère, Elvire Buczynski et ses deux filles, Nicole (née en 1937) et Monique (née en

1939) rejoignent - pendant quelques jours seulement - à Barcelonnette leur mari et père, Joseph, en

résidence surveillée. La jeune mère et ses enfants, n'étant pas recensées dans la commune, restent cachées

dans la chambre d'hôtel occupée par le père de famille. Un jour, en l'absence de ce dernier, un officier

allemand se présente à leur chambre d'hôtel, leur demandant de ne pas quitter les lieux. Mais Elvire,

alsacienne, comprenant l'allemand et pressentant le danger, fait habiller ses filles le plus vite possible, fuit

Barcelonnette et repart dans un village près de Périgueux avec ses deux petites filles. Malgré la présence et

les rafles incessantes des Allemands, Elvire, Nicole et Monique y restent cachées jusqu'à la fin de la guerre,

protégées par le curé du village qui affirme aux troupes allemandes « Il n'y a pas de Juifs ici! ». Elles

retrouvent Joseph après sa déportation. (Témoignage de Nicole Kreher née Buczynski, le 3 juillet 2021).

Quelques-uns sont de nationalité britannique mais non juifs. Ils sont arrêtés à Nice puis assignés à résidence car ilsfont partie d'une nation alliée, donc susceptibles d'être des espions.

Ainsi, William Johnstone, né en Australie en 1905, catholique, jockey de profession, marié à une Bretonne à

Paris en mars 1940, fait un séjour forcé à Barcelonnette avant d'être libéré ultérieurement. Il fera en effet

une carrière internationale dans le monde hippique. Il meurt en 1964.

Carte d'identité de William JOHNSTONE

Que sont devenus les Juifs en résidence surveillée à Barcelonnette ?

Cent sont déportés sans retour dans les camps d'extermination (Auschwitz, Buchenwald, Mauthausen, Maïdanek).

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Carte des camps Auschwitz au cœur d'un réseau de déportation

Liste des Juifs de Barcelonnette morts en déportation :

Ils font quasiment tous partie du convoi n°64 du 7 décembre 1943, arrivé le 10 décembre 1943 à Auschwitz.

Moses et Dora LOPATER : autrichiens, en résidence surveillée à Barcelonnette en avril 1943, arrêtés ensemble et déportés à Drancy; Moses y décède et peu de temps après, Dora sera déportée puis gazée dès son arrivée à Auschwitz en décembre 1943.

Frieda KORNWEITZ née LINDER et sa fille Karine (7 ans) : autrichiennes, apatrides, elles vivent en résidence surveillée à Barcelonnette d'avril à septembre 1943, avec le compagnon de Frieda (enceinte), Robert HAAS, juif alsacien. Tous trois suivent les Italiens jusqu'à Borgo san Dalmazzo, en passant par Saint-Martin-Vésubie où Frieda retrouve ses deux frères et leurs familles respectives. Tous seront arrêtés à Borgo, déportés à Drancy puis Auschwitz. Les trois mères de famille et leurs enfants de dix mois à sept ans seront gazés dès leur arrivée. Robert HAAS, né le 8 février 1900, dentiste, décède le 25 juillet 1944 sous le matricule 167544. Seuls les deux frères LINDER survivent à la Shoah, s'expatrient aux Etats-Unis où ils refont leur vie. Chacun d'eux a des enfants.

La Famille KUPFER : d'origine polonaise ; les parents Jankel et Hélène, leurs enfants Salomé et Michel sont déportés à Drancy puis Auschwitz où ils sont tous exterminés.

La famille JUDKOWSKY : d'origine polonaise ; Israël, Esther et leur fils adolescent Samuel choisissent de rester à Barcelonnette, rue des Remparts, lors du départ des Italiens malgré l'arrivée des Allemands. Ils n'échapperont pas à l'arrestation, au camp de transit de Drancy et à la déportation sans retour là encore à Auschwitz en décembre 1943. Samuel, matricule 167559, décède le 23 juillet 1944.

La famille GRUNFELD : d'origine tchèque - les parents avec deux enfants en bas âge dont Tobi, leur fille, née en France en janvier 1943 - arrêtée à Barcelonnette, sera elle aussi déportée à Drancy puis à Auschwitz. La mère defamille et les deux enfants sont gazés à leur arrivée en décembre 1943. Ils habitaient rue Manuel. Maurice, le père de famille avait le matricule 167541.

La famille GOLDBERG: d'origine polonaise, est déportée à Drancy puis Auschwitz en décembre 1943 et exterminée à son arrivée.

La famille GOTTESMANN : d'origine polonaise ; Armin et ses enfants Anna et André sont déportés à Auschwitz où ils meurent à quelques jours d'intervalle.

Mayer LITTMAN et son fils Ronald (né en 1934) : polonais, arrêtés à Borgo, déportés à Drancy puis Auschwitz en décembre 1943. Gazés tous les deux à leur arrivée.

Eugène DREYFUSS, Rose DREYFUSS et sa fille Rosa : allemands, arrêtés à Barcelonnette ; Eugène est porté disparu, Rose et Rosa sont déportées à Drancy puis Auschwitz où Rosa décède. Rose survit, immigre aux Etats-unis où elle décède en 1966.

La famille BIRKENWALD : les parents Pinkhus et Sheindla, leurs filles Rachel et Sara, et leur fils Gabriel ; sont tous arrêtés à Barcelonnette entre septembre et novembre 1943 et déportés à Drancy, où les autorités ont pris possession des trois mille francs français, deux cents francs belges, et six cent dix-huit lires italiennes que portait Pinkhus dans ses affaires personnelles, ainsi qu’une chaîne montre en or. La famille est ensuite déportée à

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Auschwitz. Les parents sont assassinés d'une balle dans la tête à la descente du train, les deux sœurs sont gazées immédiatement. Leur fils aîné, Louis, présent à Barcelonnette l'été 1943, réussit à fuir en Angleterre. Gabriel, qui a dix-sept ans, est employé comme esclave dans divers chantiers que construit la Wehrmacht pour protéger les installations de production d’armes et dans l'entreprise Junkers, qui fabriquait des avions. Il est évacué par les SS le 26 janvier 1945, la veille de la libération d’Auschwitz par l’Armée rouge et, après une première marche de la mort, arrive à Buchenwald où il survit grâce à sa force de travail. Début avril 1945 il est traîné par les SS dans une seconde marche de la mort, juste avant que Buchenwald soit libéré par les militaires américains. Il survit donc à dix-huit mois d’internement, à deux convocations devant le docteur Mengele et aux Marches de la Mort, avant d’être enfin libéré par les Russes. Après la guerre, Gabriel retourne en Belgique, se marie avec une femme catholique, part vivre au Congo belge puis immigre en famille aux Etats-Unis. Il y décède le 10 mai 2015. Ses enfants vivent à Londres et en Floride.

La famille WOLF : d'origine polonaise ; Mayer, son épouse Cypra, leurs enfants Felicia et Emile sont arrêtés, déportés à Drancy puis Auschwitz. Felicia et ses parents sont exterminés.

La famille BENBASSAT : Moïse et Rebecca, bulgares, sont arrêtés et déportés à Auschwitz. On ignore le destin de leur fille Annie (née en France en 1935).

Michel ASSEO et son épouse : grecs de Salonique, sont arrêtés, déportés à Auschwitz et assassinés en décembre 1943.

M. WOHL (polonais) et sa fille Lili (née en Allemagne) : ils sont arrêtés, déportés à Auschwitz et assassinés en novembre 1943.

Myriam SALTIEL et son fils Marc : d'origine grecque, ils sont arrêtés et déportés sans retour à Auschwitz.

Moïse GLASBERG et son frère Jacob : polonais, sont arrêtés et déportés, Jacob à Auschwitz, Moïse à Mauthausen (Autriche).

Jacob KAY et son frère Chano : polonais, sont arrêtés et déportés sans retour à Auschwitz.

Aron WAINTRAUB et son frère Samuel : russes,sont arrêtés et déportés sans retour à Auschwitz. Les enfants d'Aron, Cécile et Georges, survivent à la Shoah (voir suite concernant les enfants).

La famille SAMUEL : Jacob, son épouse Flore et leurs fils Abraham et Mario (grecs) ; ils sont arrêtés et déportéssans retour à Auschwitz.

Maibach et Frymita CYGIELMAN(N) : couple germano-polonais, arrêté, déporté à Auschwitz et assassiné en décembre 1943.

Samuel GRUFT et son épouse Anna : polonais et belge ; ils sont déportés à Auschwitz et meurent entre 1943 et 1945.

Chaïm et Régina DRENGER : ils sont arrêtés, déportés à Auschwitz et assassinés en décembre 1943.

Mesdames Malka FRENKIEL, ARDITI, BENVENISTE, Léa BERAHA, Rose BRAUD (hongroise), Ada COHEN (polonaise), Selma COHN (allemande), Freidel FEIG (belge), Hana FRANKFURT (polonaise), Regina SABAH (turque), Louna MECHOULAM (grecque), Stella COHEN (grecque), Berthe PAPPO (bulgare), Klara SCHREIBER (polonaise), Rosa SIMON (hongroise), Bluna STOCKHAMER (polonaise), Frédérique TANENBAUM ou TENENBAUM (française), Marie WEIL (allemande) : elles sont toutes arrêtées, déportées à Drancy puis sans retour à Auschwitz en décembre 1943.

Messieurs Jite ROSNER (polonais), Hertz FUTERMAN (polonais), Samuel ALTSCHUELER (polonais), Michel ASSEO, Max BIRNBAUM (apatride), Szymon BLOCH, Pierre BOSCOVICH (yougoslave), Mendel CHOCHENBAUM (polonais), Henry FRANCK (allemand), Irmen HIRSCH (allemand), Oskar KNOLL (polonais), Salomon KOEN (grec), Moïse MARGRIS (turc), Julius MOHR (polonais), Israël et Elie OSSIA (polonais), Markus REINHOLD (polonais), David ROTTENBERG (roumain), Maier SABAH (turc), Izak SCHEINFELD(polonais), Doudou STRAUMTSX (grec), Siegfried WOGEL (autrichien) : arrêtés, déportés à Drancy puis sans retour à Auschwitz entre décembre 1943 et 1945.

Paul DORN (allemand) est détenu à Gurs, décède entre 1943 et 1945. Oskar HERZEL (polonais) décède au camp de Buchenwald le 23 janvier 1945.

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Borgo San Dalmazzo :

Le Mémorial de Borgo Le camp de Borgo en 1943

Les événements du 8 septembre 1943 et l'effondrement de la 4e armée italienne signifient que toute l'emprise

italienne sur les régions du sud de la France occupées par l'Italie en novembre 1942 est considérablement affaiblie.

Entre 1942 et 1943, la zone italienne, en particulier la région de Nice et des Alpes, avait offert un refuge à

plusieurs milliers de Juifs non français, qui avaient fui le sud de la France et étaient pourchassés par la féroce

persécution des nazis : ce système était appelé résidence « forcée » ou « assignée », mais il offrait aux Juifs une

sécurité générale, quoique quelque peu précaire. L'une de ces zones de résidence pour les Juifs était la ville de

Barcelonnette, qui a finalement abrité plusieurs centaines de Juifs qui ont pu survivre dans une paix relative

jusqu'à la date de l'armistice italien, mais également à Saint-Martin-Vésubie, refuge de quelques milliers de Juifs.

La vallée de la Vésubie est reliée à Cuneo par deux cols alpins, par des routes militaires qui empruntaient des

sentiers d'un tracé beaucoup plus ancien jusqu'aux collines de Finestre et de Ciriegia, à 2 400 mètres d'altitude.

Empruntant ces cols alpins, une centaine de Juifs de Barcelonnette et un millier de Juifs quittent Saint-Martin le

13 septembre en quête de sécurité, estimant que l'armistice avait fait de l'Italie un havre de paix pour eux. Des

familles entières pénétraient dans la vallée du Gesso par cette route et se déversaient dans les villes autour de

Borgo San Dalmazzo (Entraque, Valdieri). Cet exode est marqué aussi par le fait que parmi ceux qui gravissaient

les cols se trouvaient des enfants et des retraités, des gens peu aptes à voyager en montagne. Quelques familles

restées en Ubaye et les Juifs restés à Saint-Martin-Vésubie sont capturés par les nazis nouvellement arrivés et sont

immédiatement déportés.

Le 21 novembre 1943, trois cent vingt-neuf Juifs de Barcelonnette et de Saint-Martin-Vésubie arrêtés à Borgo

partent dans des wagons à bestiaux direction Nice puis Drancy, avant leur déportation par le convoi n°64 parti le 7

décembre 1943 vers Auschwitz et arrivé le 10 décembre 1943 avec mille Juifs à bord. Il n'y a eu que quarante-

deux survivants.

Et les survivants ?

Les bébés nés à Barcelonnette : 3 bébés sont nés à la maternité de Barcelonnette pendant l'été 1943. Il s'agit de Paul SUSSMANN né le 11 juillet 1943, Salomon BERNER né le 15 juillet 1943 et Raymond SZTARK né le 12 août 1943.

Acte de naissance de Paul Sussman Acte de naissance de Salomon Berner Acte de naissance de Raymond SZTARK

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A ce jour, seul Raymond SZTARK est décédé le 12 juin 1991 à la Louvière en Belgique. Les deux autres vivent soit à Marseille, soit dans la région parisienne. Paul, Salomon et Raymond ont survécu à la Shoah avec l'un de leurs parents, cachés en France ou en Italie pour Paul par des familles, qui ont pris des risques en cachant ces enfants, accompagnés ou non de leurs parents. Quatre autres enfants sont nés dans la Vallée mais il n'y a aucune trace de deux d'entre eux dans les états civils de la mairie de naissance ou du lieu de résidence de leurs parents.Franklid Michel VIDMAR naît à Barcelonnette le 13 août 1943, son père est italien, sa mère allemande. On ne sait pas ce qu'est devenue la famille. Ourson VEXELMANS est né le 6 avril 1944 (de père roumain) à Saint-Paul-sur-Ubaye. On ne sait pas ce qu'est devenue la famille.

La famille SZTARK :

Raymond SZTARK et ses parents Alter et Estera : polonais, Alter et Estera fuient la Belgique avec Jean, né

à Anvers en janvier 1937, et Hilaire, né en février 1940, pour se réfugier à Béziers. Hilaire décède en juin

1940, il est enterré au cimetière neuf de Béziers. Alter travaillera dans cette région.

Avant de fuir à nouveau, au printemps 1943, Alter et Estera confient Jean au couple Louman (dont le mari

est un ancien de la Grande Guerre et résistant lors de la Seconde Guerre mondiale). Jean restera près d'eux

jusqu'en octobre 1946.

Arrêtés à Nice, Estera - enceinte- et Alter sont envoyés en résidence surveillée à Barcelonnette et habitent

rue du Pont. Raymond naît en août 1943. En septembre 1943, Alter part avec les Italiens jusqu'à Borgo. On

ne sait pas exactement ce qui lui arrive jusqu'à la fin de la guerre, où on le retrouve, fortement affaibli, en

Belgique. Il meurt en avril 1946. Quant à Estera et Raymond, ils fuient jusqu'à Montauban ; à l'automne

1944, Raymond est confié à un pasteur protestant espagnol, Ramon Eltoro, et à son épouse, jusqu'à

l'automne 1946. Jean et Raymond rejoignent leur famille paternelle à cette date. Après avoir été adopté par

John Elian et sa famille en Belgique, Raymond se marie en 1963, divorce quelques années après et meurt en

juin 1991. Jean est envoyé dans de la famille en Israël, se marie une première fois, a des enfants, divorce ; il

se remarie avec Judith. Il meurt en 2008, sans avoir revu son frère Raymond.

Acte de naissance de Jean Fiche de l'OSE de Jean Liste des enfants placés hors du foyer familial, oùfigure Jean, placé chez les Louman

Fiche de présence de Raymond à Montauban en 1944

Fiche de l'OSE de Raymond Raymond SZTARK chez les Eltoro

Les enfants :

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En ce qui concerne les enfants de moins de dix-huit ans, huit ont été déportés et gazés avec un de leurs parents à Auschwitz après plusieurs jours passés dans des conditions effroyables, inhumaines, dans des wagons à bestiaux. Cependant douze ont survécu car, avec l'un de leurs parents ou les deux, ils ont pu fuir et être cachés. Cinq sont décédés entre 2000 et 2017. Il s'agit de :

• Jeanine SZTARK (homonyme de la famille SZTARK décrite plus haut), née en 1934 à Paris (12ème) et décédée le 15 avril 2000 à Clichy-la-Garenne (92). Aucune information supplémentaire sur elle ;

• Léon PERLEMUTER (cité ci-dessous) ; • Cécile WAINTRAUB, née en avril 1926 à Paris, a survécu ; elle s'est mariée en septembre 1966, et décède

en décembre 2007 ;• Georges WAINTRAUB, son frère né en août 1930 à Paris, a survécu ; il s'est marié en juin 1962 et décède

en mars 2001;

Actes de naissance, mariage et décès de Cécile Waintraub Actes de naissance, mariage et décès de Georges Waintraub

• Joseph ALGRANTI, né en 1937 à Brive-la-Gaillarde (19) et décédé en novembre 2010 à Saint-Denis (93). Aucune autre information sur lui.

A ce jour, sont toujours en vie : Lucien SZTARKSZTEJN, Bernard-Guy et son frère Richard BUCHALTER, et Salomon BERNER (qui vit en région parisienne, sa sœur Fanny en Israël), .

Les familles SZTARKSZTEJN et PERLEMUTER :

Lucien SZTARKSZTEJN est toujours en vie et habite la région parisienne. Son père, Armand, a été déporté de

Borgo sans retour. Sa mère Sarah, sa tante maternelle Estera PERLEMUTER, son oncle Hénoch, et son cousin Léon,

après quelque temps en résidence surveillée en Ubaye, dans le quartier de la Chaup. Léon a été scolarisé quelque

temps à l'école primaire de Barcelonnette. Ils partent en octobre-novembre 1943 avec des faux papiers fournis par le

maire de l'époque. Ils voyagent en train mais dans des voitures séparées pour éviter que la famille toute entière soit

arrêtée en cas de contrôle, et en autobus à gazogène jusqu'à Saint-Aignan (Loir-et-Cher) où ils rejoignent le reste de

la famille ; ils y vivront, toutes et tous, cachés grâce à la complicité des villageois, jusqu'à la fin de la guerre.

Dans son école de Saint-Aignan, l'instituteur n'a jamais dénoncé Léon. Il est décédé en février 2017 en région

parisienne.

Lucien avait deux ans quand il a perdu son père. (Témoignages de Lucien en juin 2021 et de Léon dans son livre auto-biographique « la Fuite »).

Déclaration de disparition d'Abraham/Armand SZTARKSZTEJN Photo de Lucien et de ses parents en 1940

Page 12: La loi sur

La famille BUCHALTER :

Bernard-Guy (trois ans) et ses parents Aron/Arthur et Bajla BUCHALTER quittent leur appartement parisien pour

Cahors (où naît Richard en 1941) puis arrivent en avril 1943 de Nice à Barcelonnette et s'installent dans un logement

meublé près du centre. Aron part avec les Italiens en septembre 1943, il ne reverra plus sa famille puisqu'il est arrêté

à Borgo, déporté à Drancy puis Auschwitz où il décède en décembre 1943. D'octobre 1943 à mars 1945, Bajla décide

de fuir Barcelonnette avec ses deux petits garçons pour aller à Clion (Indre), rue Limousine. Bajla devra travailler

pour assurer l'éducation et le quotidien de ses enfants.

Les deux garçons seront adoptés par la nation française dans les années cinquante. Bernard-Guy vit à Rome,

Richard à Tel-Aviv.

Tout comme Aron, ses parents Fela et Samuel (en fin 1942 dans le ghetto de Varsovie), son frère Wewek (décédé

après sa déportation à Buchenwald), sa sœur Franca (en 1942) disparaissent dans la Shoah.

Son petit frère Bernard/Dov, né en 1911, survit à son emprisonnement par les Russes. Il revient en France dans les

années cinquante et meurt, sans femme ni enfant, en 1990.

(Témoignage de Richard, printemps 2021).

Aron et sa mère Fela en 1911 Schmuel Buchalter et son filsAron en 1920 (Aron a 19 ans)

Carte d'identité polonaise d'AronBuchalter

Bajla et Aron à Paris en 1933

Dernière lettre d'Aron/Arthur du 10 novembre 1943 de Borgo à sa famille

Arrivée d'Aron à Drancy

La famille BERNER :

Léopold BERNER est né en Slovaquie en 1903 et fait des études de pharmacie à Prague. Il fuit en Belgique quand la

situation devient trop dangereuse en Tchécoslovaquie. Beyla Frymeta est également née en Slovaquie et fuit aussi en

Belgique où elle retrouve deux de ses sœurs. Léopold et Beyla Frymeta s'y rencontrent et se marient à Anvers en

1935.

Durant l'année 1940, ils fuient en France et s'installent près de Montpellier (au Bousquet-d'Orb) avec la grand-mère

maternelle et Fanny y naît en juillet 1941. Léopold travaille comme pharmacien mais, début février 1943, il ne rentre

pas de son travail. Son épouse, enceinte, part avec Fanny et sa mère vers Nice où elles ne restent que quelques mois.

Puis la famille fuit vers Barcelonnette où naît Salomon à l'hôpital communal le 15 juillet 1943.

Beyla Frymeta a tenu à circoncire Salomon et réussit à trouver un rabbin qui était disposé à le faire. Une voisine fut

très étonnée de voir l'enfant circoncis et quitte rapidement les lieux. La famille qui loge les BERNER lui conseille

alors de quitter les lieux tout en donnant une adresse dans une autre ville de la vallée. Beyla suit son conseil.

« Aujourd'hui on peut dire que c'est ce qui nous a sauvé la vie peut-être et je suis très reconnaissante à cette dame. »

Léopold est déporté sans retour au camp de Maïdanek par le convoi n°50.

Toute la famille paternelle - sept frères et sœurs avec leurs familles - a elle aussi été exterminée, ainsi que, côté

maternel, trois frères et sœurs avec époux/épouses et enfants. Une autre sœur, déportée elle aussi, est revenue malgré

les expériences que le docteur Mengele a faites sur elle et sur d'autres jeunes femmes de son groupe.(Témoignage de Fanny Ben Rey, née Berner, reçu le 5 juillet 2021)

B o r g o S a n D a l m a z z o l e 1 0 . 1 1 . 1 9 4 3 M e s c h e r s ! J e m e t r o u v e a c t u e l l e m e n t a v e c e n c o r e 3 8 0 p e r s o n n e s i c i d a n s c e c a m p . L av i e e s t s o u t e n a b l e m a i s p a s c e r t a i n e , j e n e s a i s p a s c e q u ’ i l a d v i e n d r a d en o u s , r e s t e r o n s n o u s i c i ? , r i e n n ’ e s t a p r e s e n t c o n n u . T ou t l e t e m p s , j e n e c e s s e p a s d e p e n s e r a n o t r e d e s t i n , a c e u x q u i e t a i e n ta v e c n o u s e t s o n t p a r t i a v e c l e u r s e n f a n t s v e r s l a S u i s s e , j e t ’ e c r i s a c e t t ea d r e s s e , j e s p e r e q u e t u t ’ y t r o u v e s . V o u s m e m a n q u e z , t o i , l e s e n f a n t s . A u c o m p t e g o u t e , le n t e m e n t a r r i v e n t i c i d e s n o u v e l l e s d e S a i n t M a r t i n J e l o g e d a n s u n e c h a m b r e a v e c K e t c h n i k I l p a r a i t q u e l a o u v o u s e t e s o n a r a s s e m b l e l e s h o m m e s d e m o i n s d e 5 5a n s , e s t- c e v r a i ? … … a v e z v o u s f r o i d ? J e v o u d r a i d e v o s n o u v e l l e s , n o u s a v i o n s p e n s e q u e l a g u e r r e n e n o u ss e p a r e r a i p a s , m a i s c o m m e t u v o i s , c a n o u s a p a s e p a r g n e O n n o u s a p r i s e t u n e s e m a i n e a p r è s n o u s s o m m e s a r r i v e i c i , u n j o u r a v a n tj ’ a i v o u l u r e t o u r n e r e n F r a n c e . J e p e u x m a i n t e n e a n t t e d o n n e r l ’ a d r e s s e d e c e l u i q u i f a i t p a s s e r c e t t e l e t t r ep a r l a f r o n t i e r e ; M o n s i e u r P e p i n o C a n d o t o , 6 3 r u e d u M a r e c h a l L y a u t e y aN i c e . E n c o r e u n f o i s j e t ’ e t r e i n e t l e s p e t i t s a m o u r s A r t h u r

A l’arrivée à DrancyReçu pour tous les avoirs24 novembre 1943

Page 13: La loi sur

Les femmes : Trente-sept femmes de la liste des Juifs de Barcelonnette ont été déportées et exterminées, la plupart avec leur(s) enfant(s).Dix-sept ont survécu à la Shoah et sont décédées entre 1945 et 2018. Six d'entre elles avaient émigré à l'étranger (Etats-Unis, Israël, Italie). Il s'agit de Rosa DREYFUSS (décédée en 1966), Léah TENEBAUM (1961 dans le New Jersey), Rose-Marie WEISS (après 1947 à New York), Nettie BLAUSTEIN (en 1973 en Californie), Esther ALGRANTI (après 1950), Beyla BERNER (en Octobre 2003 en Israël).

Tombe de Nettie et de son époux David (décédé en 1964) en Californie (Etats-Unis)

Tombe de Rosa Dreifuss aux Etats-Unis

Les hommes : Nathan ABASTADO, né en mars 1892 à Salonique (Grèce), n'a pas été déporté. Après avoir été naturalisé français en juin 1948, il meurt en novembre 1955 à Paris (8ème). Albert AELION, né en mars 1894 à Salonique (Grèce), était conseiller juridique et n'a pas été déporté. Après avoir été naturalisé français en août 1947, il meurt à Paris (9ème) après 1947. Albert ALGRANTI, né en avril 1891 en Grèce, n'a pas été déporté. Après avoir été naturalisé français en juillet 1950, il meurt après 1950 en France. Pepo AMIR, né en décembre 1909 à Salonique (Grèce), était marchand en bonneterie. Il n'a pas été déporté. Naturalisé français en mai 1949, il meurt peu après en France. Haïm ASSAËL, né en avril 1902 à Monastir (Turquie), était marchand de volailles, marié et avait trois filles. Ils vivaient à Marseille en 1940. Non déporté, il y meurt après la guerre. Salomon ASSEO, né en février 1918 à Thessalonique (Grèce), était étudiant en médecine. Il n'a pas été déporté, aété naturalisé français en mai 1948 et meurt en mars 1999 à Dreux. Louis ATLASZ, né en juin 1908 en Hongrie, était marié avant-guerre à Josephine MUR. Ils vivaient à Paris. Il estnaturalisé français en juin 1949 et meurt en octobre 1964 à Paris (12ème).Joseph BENVENISTE, né en février 1905 à Salonique (Grèce), meurt en 1963. Samuel BERLIN, né en 1925 à Anvers (Belgique), se réfugie à Naples entre 1943 et 1945. Il s'est marié après-guerre et a témoigné à l'USC Shoah Foundation (organisation dédiée à la réalisation d'entretiens audiovisuels avec des survivants et des témoins de la Shoah). Il meurt après 1996 à New York (Etats-Unis).Abraham David BLAUSTEIN et son épouse Nettie, partent s'installer aux Etats-Unis après-guerre.

Carte de résidence d'Abraham David Blaustein comme réfugié aux Etats-Unis

Naturalisation américaine de Nettie Blaustein

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Aron ESKINAZI , né en juin 1906 en Grèce, était marchand ambulant. Il n'a pas été déporté et meurt dans les Bouches-du-Rhône en avril 2001. Bernard FREIFELD, né en août 1910 aux Pays-Bas, était fourreur. Il n'a pas été déporté et meurt après-guerre en Italie. Ja(c)kob FUDEL, né en octobre 1915 en Autriche, était tailleur de profession. Il n'a pas été déporté. Après avoir émigré aux Etats-unis et été naturalisé en 1954, il meurt en avril 1991 à Sonoma (Californie, Etats-Unis).

Samuel GRUFT, né en juillet 1911 en Pologne, n'a pas été déporté. Il se marie en 1938 à Anvers et meurt après-guerre à Rome. Isidor GRUNFELD, né en septembre 1917 en Yougoslavie, tchèque d'origine, était étudiant. Il n'a pas été déportéet décède après 1945. Miron LIPKOVSKY, né en novembre 1891 en Russie, n'a pas été déporté. Il décède après-guerre dans le Gard, après avoir été naturalisé français en 1947 et s'être marié. Ernest MANHEIM, né en septembre 1900 en Autriche, n'a pas été déporté. Après avoir émigré aux Etats-unis et été naturalisé américain en 1956, il meurt en septembre 1974 à Vienne, dans sa ville natale.

Carte de résidence d'Ernest Manheim aux Etats-Unis

Haïm PAPPO, né en septembre 1923 en Bulgarie, n'a pas été déporté. Naturalisé français en 1946, il meurt en décembre 2018 à Paris (15ème). Isaac SZTARK, né en mars 1901 en Pologne, n'a pas été déporté. Il meurt en octobre 1989 à Paris (12ème). David TENENBAUM (ou TANENBAUM), né en juin 1900 en Pologne, n'a pas été déporté. Il meurt en 1966 dans l'état du New Jersey aux Etats-Unis. Abraham VILENSTEIN, né en mars 1920 en Russie, n'a pas été déporté. Il est décédé en janvier 2004 en région parisienne. Emile WOLF, né en mars 1922 en Pologne, est arrêté à Borgo comme résistant. Il survit à sa déportation, est naturalisé français en janvier 1947 et décède le 18 février 2003 dans le Nord. Salomon YAHIEL décède après 1948 à Paris. Né en mars 1903, il était commerçant en bonneterie.

Les Justes parmi les Nations

Distinction honorifique décernée depuis 1963 par Yad Vashem (Mémorial de la Shoah à Jérusalem) et destinée à honorer celles et ceux qui ont mis leur vie en danger pour sauver des Juifs et uniquement des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Pour être éligible, il ne faut pas être juif mais avoir apporté une aide dans des situations où les Juifs étaient impuissants et menacés de mort, au risque de sa propre vie et de celles de ses proches. Quelque vingt-sept mille sept cents « Justes parmi les Nations » ont été reconnus à ce jour dont six cent vingt-septen Allemagne et quatre mille quatre-vingt-dix-neuf en France (en zone libre comme en zone occupée). Des dossiers sont en cours d'instruction. Yad Vashem a aussi décerné un diplôme d'honneur aux habitants de la commune de Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire) qui ont aidé au sauvetage des Juifs durant l'occupation allemande. Soixante-huit policiers et gendarmes français ont été reconnus comme « Justes ».Dans les Basses-Alpes, vingt-deux femmes et hommes ont été reconnus comme « Justes » mais aucun dans la

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vallée ubayenne. Pourtant, aucune délation avérée n'est à déplorer.

Une inscription au Panthéon nous permet de nous souvenir de leurs gestes : « Sous la chape de haine et de nuit tombée sur la France dans les années d'occupation, des lumières, par milliers, refusèrent de s'éteindre. Nommés « Justes parmi les Nations » ou restés anonymes, des femmes et des hommes, de

toutes origines et de toutes conditions, ont sauvé des Juifs des persécutions antisémites et des camps d'extermination. Bravant les risques encourus, ils ont incarné l'honneur de la France, ses valeurs de justice, de tolérance et d'humanité. »