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La Mésopotamie, creuset de l’humanité
par
Raphaël Weyland, M.A.
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Située au carrefour des nœuds de communication entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique, la
plaine de la Mésopotamie a vu naître et se développer certaines des plus anciennes
civilisations du monde. Si elle ne fut que l’un des lieux privilégiés de la révolution
néolithique et de son passage à l’agriculture et à la sédentarité, sa position géographique
facilita la transmission de sa culture, de ses mœurs et de ses mythes à des régions
entières. Après que le travail de plusieurs générations d’êtres humains ait contribué à une
hausse de la démographie et à la mise en place des premières cités et des premières
structures monarchiques, le manque de matières premières poussa en effet ses habitants à
aller chercher toujours plus loin les métaux et les pierres précieuses nécessaires à une vie
toujours plus complexe. Des montagnes du Zagros ou du Caucase furent extraits le cuivre
et l’albâtre pour les premiers objets façonnés à la gloire des premiers rois des hommes.
Pour les emporter toujours plus loin, roue et charrette furent, sinon inventées, au moins
perfectionnées à Uruk, dans la région de Sumer, au IVe millénaire. Pour garder une trace
des commandes, des travaux à réaliser et des rations à distribuer, un système d’écriture
complexe se mit en place.
Rapidement, les soldats suivirent les marchands et de grands conquérants, comme Sargon
d’Akkad (-2334? - -2279?), se taillèrent des empires s’étendant à toute la région baignée
par l’Euphrate et le Tigre. Ces rois justifièrent leur pouvoir par une relation privilégiée
avec des divinités diverses qui furent incorporées à un panthéon instable, au sein duquel
le père des dieux évolua avec les générations pour épouser la gloire et le déclin des
différentes grandes villes de la région : Uruk, Babylone, Assur, etc.
La richesse et le raffinement de ces cités attirèrent les convoitises et la plaine
mésopotamienne et ses fières cités furent soumises à plusieurs reprises par des voisins
venus des plaines d’Arabie comme des montagnes d’Iran. Malgré le passage des empires
et l’arrivée de peuples, d’idées et de techniques nouvelles, les scribes et les bureaucrates
mésopotamiens, cramponnés à leurs institutions ancestrales, parvinrent à maintenir une
certaine continuité culturelle : au Ier siècle de notre ère, après des siècles de domination
iranienne et grecque, les prêtres du temple de l’Ezida à Babylone poursuivaient ainsi
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chaque matin la notation de leurs observations astronomiques et terrestres, selon un rituel
plus que millénaire. Mais ils se faisaient ainsi les gardiens d’une culture dont ils étaient
les seuls acteurs. Au IIe siècle de notre ère, les grandes ziggourats n’étaient plus que des
ruines balayées par le vent et peu à peu recouvertes par le sable.
Pourtant, l’idée de Babylone survécut à Babylone elle-même. Le souvenir de ces
ziggourats inspira ainsi le récit de la tour de Babel et celui des grands rois babyloniens, la
propagande de Saddam Hussein. Des mythes chrétiens du jardin d’Éden ou du Déluge au
découpage de la semaine en sept journées, du brassage des premières bières aux
premières catastrophes environnementales causées par l’Homme, la Mésopotamie
continue à accompagner nos vies et à résonner dans nos mentalités collectives.
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La terre des deux fleuves
La relation entre l’être humain et son environnement est symbiotique. Seuls quelques
rares emplacements ont pu accommoder le développement de civilisations urbaines et
prospères, échappant suffisamment longtemps aux préoccupations de survie pour se
tourner vers les étoiles, la transmission des connaissances par l’invention d’un système
d’écriture complexe ou la quête de ressources de luxe par le commerce à longue distance.
La proximité de l’eau, la facilité de sa subjugation à des fins d’irrigation et la présence
d’arbustes permettant un passage progressif entre élevage nomadique et agriculture
permanente sont des éléments essentiels à la mise en place de la révolution néolithique.
C’est donc à sa géographie et à son environnement que la Mésopotamie dut d’abriter
l’une des premières civilisations humaines.
Il faut cependant se garder de tout déterminisme : des environnements géographiques
semblables ont donné naissance à des civilisations différentes. L’interaction entre
l’Humain et son environnement joue en effet un rôle majeur dans le développement
sociétal et économique des installations humaines et ce que les fleuves ont donné, ils
peuvent le reprendre.
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Sumer et Uruk: la naissance des villes et de l’écriture
Les plus anciennes traces de peuplement en Basse Mésopotamie remontent à la seconde
moitié du VIIe millénaire av. J.-C. Sur une longue période s’étendant jusqu’au IVe
millénaire av. J.-C., des communautés d’agriculteurs pratiquant des échanges limités mais
à longue distance apparaissent. Elles semblent être dirigées par des chefs organisant les
activités politiques et économiques dans la crainte de dieux nombreux et parfois
dangereux. C’est dans cette région et dans ce contexte que vont apparaître plusieurs des
caractéristiques déterminantes de la culture mésopotamienne; caractéristiques qui
survivront tout en évoluant pendant près de 35 siècles. Les premières cités-États, les
premiers rois, les premiers dieux, les premiers bâtiments de prestige, la roue et l’écriture
cunéiforme apparaissent tous à cette époque, celle de Sumer.
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Sargon d’Akkad et le premier empire humain
À la fin du IIIe millénaire se constitue,
à partir d’une ville du nord de la Basse-
Mésopotamie, et donc extérieurement
au monde sumérien originel un empire
qui s’étendra sur toute la Mésopotamie
avant de déborder vers la Syrie et
l’Iran. C’est l’empire d’Akkad, dont le
fondateur fut Sargon. Premier empire
mésopotamien, sa création et son
maintien exigent la mise en place de
diverses pratiques devenues depuis
habituelles : mise en scène du pouvoir
royal divinisé, bureaucratisation royale,
et apparition d’un art officiel
véhiculant ces idées. En unifiant des
régions aux liens jusque-là ténus, les
rois d’Akkad diffusèrent leur culture et
leurs pratiques sur de vastes territoires,
contribuant à imposer une certaine
unité à la région et pavant la voie pour
leurs successeurs, les rois d’Ur, de
Babylone et d’Assur.
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La Babylone d’Hammourabi
Venus de la région s’étendant entre l’Euphrate et la Méditerranée, les Amorrites sont un
groupe de peuples sémites s’établissant en Mésopotamie au tournant du IIe millénaire en
intégrant l’espace culturel suméro-akkadien. Dans la période troublée qui suit la chute
des empires d’Akkad et d’Ur, une cité-État jusque-là mineure commence sous leur
domination une ascension fulgurante : Babylone devient petit à petit la ville la plus
importante de la région. Sous deux dynasties, les Amorrites et les Kassites, la ville se
développe militairement et politiquement, imposant petit à petit son dieu principal,
Marduk, en lieu et place du vieil Enlil sumérien. Des réseaux commerciaux très étendus
se mettent en place, voyant les lapis-lazuli afghans s’échanger contre l’or égyptien ou les
chevaux hittites, finançant les activités scientifiques et littéraires des scribes du palais et
des grands sanctuaires du royaume. C’est ainsi de cette période que proviennent deux des
trésors les plus célèbres de la Mésopotamie : le code d’Hammourabi et l’épopée de
Gilgamesh.
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La Mésopotamie et ses voisins
Foyer important de civilisation, la Mésopotamie n’en est pas moins environnée d’États et
de peuples divers avec lesquels elle entretient des liens commerciaux, culturels et
militaires. Les échanges limités des époques sumériennes et akkadiennes se
complexifient au cours du IIe millénaire pour atteindre un tel degré de sophistication que
certains historiens ont pu parler de première « mondialisation ». Les ambassadeurs des
rois suivent les marchands et une intense correspondance entre Hittites, Égyptiens,
Assyriens et Babyloniens a été retrouvée, attestant de liens puissants entre les différentes
puissances du Bronze récent.
Des événements encore mal connus (changements climatiques, catastrophe naturelle,
irruption des « Peuples de la Mer ») chamboulèrent cependant cette organisation et
l’interconnectivité qui avait caractérisé la période contribua peut-être à l’effondrement
plus ou moins contemporain de ces puissants royaumes. Au milieu des décombres,
certaines habitudes et influences se conservèrent malgré tout. Il est ainsi possible que
l’origine de certains des thèmes de la mythologie et des épopées grecques (y compris
l’Iliade et l’Odyssée, par exemple) proviennent de Babylone et d’Uruk.
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La montée de l’Assyrie
Assur, petite cité excentrée de Haute-Mésopotamie, devint dans la première moitié du Ier
millénaire la capitale d’un énorme empire s’étendant de l’Iran à l’Égypte. Ses rois
légitimèrent leur pouvoir par leurs prouesses militaires et leurs victoires tout en intégrant
les éléments de protection divines de la tradition suméro-akkadienne. Pour maintenir leur
emprise sur des territoires très divers, ils mirent en place une politique de déportations de
peuples entiers, cherchèrent à imposer un certain syncrétisme religieux et surtout
adoptèrent l’araméen dans l’administration, langue commune à plusieurs parties de leur
empire. Malgré un bref renouveau babylonien (626-539), célèbre pour ses démêlés avec
les Juifs, le modèle assyrien de rois militaires dominant des empires s’étendant à tout le
Moyen-Orient et s’appuyant davantage sur la région tiretaine que sur l’Euphrate s’imposa
pour près de 1500 ans.
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La domination étrangère et la fin de la culture
mésopotamienne?
Lorsque Cyrus le Grand s’empara de Babylone en 539, il mit fin à l’empire néo-
babylonien et réduisit la région à l’état de province d’un empire beaucoup plus vaste.
Quelques siècles plus tard, Babylone et Uruk n’étaient plus que des ruines ensevelies par
le sable et l’usage du cunéiforme se raréfiait jusqu’au point d’extinction. La fin de
l’indépendance politique semble avoir apportée avec elle la fin d’une culture millénaire.
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Pourtant, la rupture ne fut pas aussi nette qu’il n’y paraît. Babylone demeura capitale de
l’empire achéménide pendant toute son histoire et ses sanctuaires reçurent de nombreux
privilèges économiques et juridiques de la part des empires suivants. Les villes qui petit à
petit lui ravirent sa place prépondérante, Séleucie-sur-le-Tigre et Persépolis par exemple,
restèrent quant à elles marquées par l’influence culturelle et urbanistique
mésopotamienne. La Mésopotamie conserva la place de plaque-tournante du commerce
et des mouvements culturels, accueillant les cultures grecque ou iranienne tout en leur
insufflant des éléments de sa propre tradition.
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À qui appartient la culture? Archéologie, pillage et destruction
de la culture mésopotamienne
La destruction délibérée d’artéfacts et de monuments de l’époque mésopotamienne par
les troupes de l’organisation de l’État islamique ont provoqué réprobation et horreur dans
les médias occidentaux. Ceux-ci oublient cependant un peu vite qu’une base américano-
polonaise fut installée en plein cœur de la vieille ville de Babylone en 2003,
endommageant lourdement les murs et la voie processionnelle.
Au-delà des critiques et de l’émotion suscitée par ces saccages récents, c’est la question
plus large de la préservation de cette culture, de son utilisation et de sa place dans le
développement de la région et du monde qui se pose. En ramenant à Berlin, Londres ou
Paris les souvenirs matériels du passé mésopotamien, va-t-il été sauvegardé? Confisqué?
Amputé? Est-il possible d’apporter à cette question une réponse définitive et tranchée?
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Cartes, frise et tableaux
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Frise chronologique
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Les dieux mésopotamiens
An /Anu
Dieu du ciel, de la végétation et de la
pluie. Père d’Enlil et d’Enki, il dirige le
panthéon divin à l’époque sumérienne.
Avec le déclin d’Uruk, qui abrite son
principal sanctuaire, il est supplanté par
Enlil et devient une simple métaphore
pour désigner le ciel.
Ninhursag
Déesse nourricière et maîtresse des
collines (et des rivières qui en
descendent), elle perd de son importance à
mesure qu’Ishtar en acquiert et devient la
femme d’Enki, puis la mère de Marduk.
Enlil /Ilu
Frère d’Enki. Dans un premier temps
divinité du vent, il acquiert la place de Roi
des dieux et de maître des royaumes
terrestres aux IIIe et IIe millénaires. Son
temple principal se trouve dans la ville de
Nippur.
Enki /Ela
Frère d’Enlil. Il règne, dans une position
subalterne à celui-ci, sur les abîmes et les
eaux souterraines. Dieu de la sagesse et de
la technique, il intervient fréquemment
dans la vie humaine. Le centre de son
culte était Eridu.
Inanna /Ishtar
Principale déesse mésopotamienne. Elle
est à la fois déesse de la guerre et de
l’amour et possède en tout une nature
exaltée. Provenant certainement d’une
réunion de déesses diverses et conservant
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des pouvoirs différents selon les régions,
elle a fortement inspiré des déesses
comme Astarté à Ugarit et Aphrodite dans
le monde grec.
Nana / Sîn
Fils d’Enlil, père de Shamash et d’Ishtar,
Sîn est le dieu lunaire. Son principal
temple se trouvait à Ur.
Utu / Shamash
Fils de Sîn, il est le dieu solaire du
panthéon mésopotamien. Parcourant la
Terre, il transperce le mensonge et connaît
les vérités cachées qu’il révèle par sa
lumière. Il est donc aussi le dieu de la
justice et c’est sous son patronage
qu’Hammourabi placera son célèbre code
de lois. Ses principaux temples se
trouvaient à Sippar et à Larsa.
Ereshkigal
Déesse des Enfers dans lesquels elle a été
emmenée contre son gré, elle y règne sur
les démons et sur les morts. Elle sera
confondue avec Ishtar après le IIIe
millénaire. Son principal temple se
trouvait à Kutha
Ningirsu / Ninurta
Fils d’Enlil, dieu de la chasse et de la
guerre, il combat les monstres qui
peuplent déserts et montagnes et leur
arrache leurs attributs qu’il offre à son
père. Populaire jusqu’à l’époque
assyrienne, il sera plus tard associé à
Marduk.
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Marduk/Bel-Marduk/Baal-Marduk
Principal dieu babylonien, auquel le
temple de l’Esagil est consacré. Divinité
agraire mineure, il prend de l’importance
avec la montée de Babylone au IIe
millénaire et finira par supplanter Enlil
comme divinité principale du panthéon
mésopotamien.
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Le système d’irrigation
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L’empire akkadien (-2350 - -2200)
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La Mésopotamie au IIe millénaire av. J.-C.
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Le Moyen-Orient au XIIIe siècle av. J.-C.
30
L’empire assyrien (Xe-VIIe av. J.-C.)
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La Mésopotamie sous domination achéménide et séleucide
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Bibliographie
ANDRÉ-SALVINI B., Babylone, PUF, 2009.
BOTTÉRO J., Mésopotamie : l’écriture, la raison et les dieux, Gallimard, 1997.
BORDREUIL P, F. BRIQUEL-CHATONNET et MICHEL C., Les débuts de l’histoire :
Le Proche-Orient, de l’invention de l’écriture à la naissance du monothéisme, Éditions
de la Martinière, 2008.
CLINE E., 1177 av. J.-C. : le jour où la civilisation s’est effondrée, La Découverte, 2015.
DIAMOND J., L’effondrement : comment les sociétés décident de leur disparition ou de
leur survie, Gallimard, 2006.
GLASSNER J.-J., La Mésopotamie, Les Belles Lettres, 2005.
JOANNÈS F., Dictionnaire de la civilisation mésopotamienne, Robert Laffont, 2001.
KRAMER S.N., L’histoire commence à Sumer, Flammarion, 1994.
THOMAS A., La Mésopotamie au Louvre, Éditions Musée du Louvre, 2016.