La mesure de la pauvreté

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Idies, note de travail n°18, septembre 2011.Pour mesurer la pauvreté et évaluer la réalisation des objectifs que s’est fixés le gouvernement en matière de baisse du nombre de personnes pauvres, l’appareil statistique dispose d’une batterie importante d’indicateurs. Mais plusieurs d’entre eux sont discutés. Par Didier Gélot, secrétaire général de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale.

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QUALIT DES SOURCES

Les statistiques sur la pauvret: un sujet de controversePour mesurer la pauvret et valuer la ralisation des objectifs que sest fixs le gouvernement en matire de baisse du nombre de personnes pauvres, lappareil statistique dispose dune batterie importante dindicateurs. Mais plusieurs dentre eux sont discuts.PAR DIDIER GELOT*et sociales sont si faibles quelles sont exclues des modes de vie minimaux acceptables dans lEtat o elles vivent(2). Cette dfinition, bien que peu oprationnelle, fait nanmoins apparatre trois lments importants pour la mesure de la pauvret. Tout dabord, la dfinition de la pauvret est conventionnelle: le choix dun indicateur est un acte normatif qui rsume des choix politiques rsultant eux-mmes de reprsentations sociales et de considrations techniques. Ensuite, la pauvret est un phnomne relatif puisque dfinie en fonction des modes de vie minimaux acceptables, par essence variables dans le temps et dans lespace qui renvoie une approche en termes dingalits (de rpartition des ressources). Est considre comme pauvre une personne dont le niveau de vie est infrieur celui de la population prise dans son ensemble. Cette vision de la l l l*Didier Gelot est secrtaire gnral de lObservatoire national de la pauvret et de lexclusion sociale. Cette contribution nengage que son auteur. (1)Taux de pauvret aprs transferts sociaux. (2)Conseil des ministres europens du 19dcembre1984.

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elon les dernires donnes publies par l I n s e e, l a Fr a n c e comptait en 2008 quelque 8millions de personnes en situation de pauvret montaire, soit 13 % de la population(1). Face un phnomne dune telle ampleur, et aux consquences conomiques et sociales qui en dcoulent, le gouvernement sest fix, fin2007, un objectif de rduction dun tiers de la pauvret lhorizon2012. Mais comment mesure-t-on aujourdhui en France le nombre de pauvres, et comment peut-on valuer laction publique en matire de lutte contre la pauvret? Les indicateurs co m m u n m e nt co m m e nt s rendent-ils suffisamment compte de la ralit du phnomne tel

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quil est vcu par les personnes elles-mmes? Cest ces diffrentes questions que nous nous proposons ici de rpondre.

MESURER LA PAUVRET: UN PROBLME DE CONVENTIONLa mesure de la pauvret est tributaire des conventions retenues pour mesurer ce phnomne. Or, compte tenu de ses multiples dimensions, il nexiste pas de dfinition unique et consensuelle de la pauvret que ce soit parmi les conomistes, les sociologues ou les responsables administratifs et politiques. La seule dfinition officielle est celle retenue par lUnion europenne, qui considre comme pauvres les personnes dont les ressources matrielles, culturelles

Statistiques sur la pauvret

LANALYSE DE LA PAUVRET EST SOUVENT AXE SUR SA DIMENSION MONTAIRE, ALORS QUE LES FACTEURS DE PAUVRET SONT TRS DIVERS

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(3)Pour une prsentation plus dtaille des modes de calcul de la pauvret aux Etats-Unis, voir Travailleurs pauvres et syndicalismes: lexemple amricain, par Didier Gelot, Droit social n6, juin2010. (4)Voir www.onpes.gouv.fr

pauvret, en termes dingalits sociales, nest pas reprise par tous les pays. Ainsi, par exemple, les Etats-Unis (ou la Russie) privilgient une approche de la pauvret absolue mesure partir dun panier minimum de biens auquel doit pouvoir accder la population(3). Enfin, la pauvret est un phnomne multidimensionnel qui ne saurait se rduire labsence de privation de ressources montaires. Il convient donc, pour dfinir la pauvret, de prendre en compte lensemble des conditions de vie des mnages : logement, sant, ducation, etc. La pauvret se caractrise ds lors par un cumul de difficults de diffrentes natures. La ncessit de disposer de plusieurs indicateurs est lie la diversit des facteurs, parfois contradictoires, qui interfrent sur lvolution du taux de pauvret montaire. Cette dimension a amen lObservatoire national de la pauvret et de lexclusion sociale(Onpes) retenir une dizaine dindicateurs centraux permettant de rendre compte des principales dimensions de la pauvret(4). Traditionnellement, pour mesurer la pauvret on retient trois types dindicateurs: des indicateurs de pauvret montaire, des indicateurs de pauvret en conditions de vie, et des indicateurs de pauvret mesure par les minima sociaux (et particulirement le revenu de solidarit active, RSA). Par construction, les deux premiers types dindicateurs mesurent des volutions tendancielles et sont peu sensibles la conjoncture. Le dernier, en revanche, est plus sensible aux volutions conomiques, ainsi quaux changelll

ments dans la rglementation (sans lien direct avec lvolution des situations de pauvret). En outre, les dlais de production de ces diffrents types dindicateurs sont trs diffrents: alors que les donnes administratives sont disponibles quasiment en temps rel, les indicateurs de pauvret en conditions de vie, et plus encore les indicateurs de pauvret montaire impliquent des enqutes particulires et des dlais de production nettement plus importants (de lordre de dix-huit mois deux ans).

LE CHOIX DU BON INDICATEURMalgr cette volont de rendre compte des multiples dimensions de la pauvret, lanalyse de ce phnomne est souvent axe sur le commentaire de lvolution de la pauvret montaire, et en particulier de la pauvret montaire relative. Cet indicateur, adopt par la France comme par lUnion europenne, mesure la part des mnages qui se situent en de dun seuil quivalent (par convention) 60% du niveau de vie mdian de la population. En 2008, ce niveau, qui partage la population en deux parties gales, se situait, selon lEnqute sur les revenus fiscaux et sociaux(ERFS) ralise par lInsee, 19000euros par an (soit 1580euros mensuels). Le seuil de pauvret tait ds lors de 950euros par mois pour une personne seule (60% de 1580euros). Dautres seuils sont couramment utiliss pour mesurer la pauvret montaire. Ainsi le taux de pauvret 50% du niveau de vie mdian, qui a longtemps t privilgi par la France (ou 40% du niveau de vie mdian), permet de complter lobservation de ce phnomne. Mais le choix de lun ou lautre de ces indicateurs modifie profondment la vision que lon peut avoir de la pauvret, la fois du point de

vue du nombre de personnes touches, mais galement en termes dintensit. Ainsi, 50% du revenu mdian, le nombre de personnes en situation de pauvret est divis par deux (4millions en 2008). Mesur 40% du niveau de vie mdian, le nombre de pauvres est de nouveau divis par deux (environ 2millions). La pauvret mesure selon ces deux derniers critres est cependant nettement plus accentue. Les personnes qui vivent ces situations disposent dun revenu respectivement quivalent 790euros et environ 600euros par mois. Comme pour toutes conventions, des indicateurs diffrents refltent des situations diffrencies, sans quil soit possible de privilgier lun ou lautre de ces indicateurs. Cest bien la lecture conjointe de chacun dentre eux qui permet dobserver lvolution de la pauvret dans toutes ses dimensions. Ainsi, alors que depuis le dbut des annes2000 le taux de pauvret 60% du niveau de vie mdian est plutt stable, celui qui mesure la pauvret la plus profonde ( 40% du niveau de vie mdian) a tendance augmenter. La mesure de la pauvret en conditions de vie est apprhende partir de lenqute sur les conditions de vie des mnages (Statistiques sur les ressources et les conditions de vie, SRCV) dont le sigle europen est EU-SILC (European Union-Statistics on Income and Living Conditions). A partir de cette enqute, lInsee produit annuellement une srie dindicateurs qui recensent les contraintes budgtaires, les restrictions de consommation, les retards de paiement et les difficults de logement des mnages (environnement et quipement). Pour tre considr comme pauvre en conditions de vie, un mnage doit cumuler, selon les conventions retenues en France, au moins 8carences sur les 27indicateurs recenss. En 2009 (dernire anne disponible), l l l

12,2% des mnages taient pauvres selon ce critre.

INTRT ET LIMITES DE LINDICATEUR DE PAUVRET MONTAIRE RELATIVELindicateur de pauvret montaire relative, qui comme nous lavons indiqu occupe une place centrale dans le dbat sur la pauvret, a lavantage considrable de rendre compte des ingalits constates dans la distribution des revenus. Il traduit de fait le niveau de cohsion sociale atteint par un pays un moment donn. Cest l son atout essentiel. Plusieurs difficults dusage dun tel indicateur peuvent nanmoins tre mentionnes. Issu de lEnqute sur les revenus fiscaux et sociaux, cet indicateur rend compte des volutions structurelles des revenus. Il est donc par dfinition assez inerte et stable dans le temps, car il reflte lvolution densemble de la structure de la distribution des revenus. De ce point de vue, lindicateur de pauvret relative rend difficilement compte des volutions, quoique souvent faibles, qui peuvent intervenir en matire dingalits et donc de pauvret. Par ailleurs, certaines populations chappent encore au calcul du taux de pauvret. Il sagit des personnes qui vivent hors logement, dans des foyers ou qui nont pas de domicile (environ 2% de la population). Il a galement linconvnient de ntre disponible quenviron dix-huit mois aprs lanne de rfrence. En effet, cet indicateur est issu de lagrgation de trois sources principales: les dclarations fiscales pour ce qui concerne les revenus des mnages, les prestations attribues par les organismes sociaux tels que la Caisse nationale des allocations familiales(Cnaf ), la Caisse nationale dassurance vieillesse (Cnav) ou la Caisse centrale de la mutualit so-

CERTAINES POPULATIONS CHAPPENT ENCORE AU CALCUL DU TAUX DE PAUVRET. IL SAGIT DES PERSONNES QUI VIVENT HORS LOGEMENT

(5)Voir Pauvret, bas revenus. Apports des donnes des CAF, Dossier dtudes n107, 2008, accessible sur http://www.caf.fr/ web/WebCnaf.nsf/090ba664619 3ccc8c125684f005898f3/b44440 68da0eadb6c12574970020ef38/ $FILE/Dossier%20107%20-%20 Basrevenus.pdf (6)Voir dans le rapport de lOnpes 2009-2010 les pages41 et suivantes, accessibles sur http://www.onpes.gouv.fr/IMG/ pdf/RapportONPES_2009-2010. pdf

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ciale agricole (CCMSA), et enfin lenqute emploi qui permet de redresser lchantillon ainsi constitu. En priode de relative stabilit conomique, cette particularit, qui est un gage de robustesse des donnes, offre dj de nombreux inconvnients. Mais on admettra facilement quen priode de transformation conomique profonde, telle que celle ouverte par la crise initie en 2008, la disponibilit des donnes sur la pauvret montaire relative avec un retard aussi important nest pas sans poser question. Cest pourquoi des travaux ont t entrepris pour permettre de disposer dindicateurs dalerte, ou prcoces, permettant de disposer plus rapidement dune information sur les volutions conjoncturelles de la pauvret dont certaines peuvent annoncer des modifications plus profondes dans le niveau ou la nature de ce phnomne. On citera en particulier lindicateur de bas revenus de la Cnaf qui permet de disposer dune information plus rapide et surtout disponible un niveau gographique fin(5). Il en est de mme des travaux mens actuellement par lOnpes et la Direction des statistiques du ministre en charge des solidarits(Drees) qui ont pour objectif de construire, sur la base denqutes auprs des travailleurs sociaux, une srie dindicateurs permettant dattirer lattention sur des phnomnes mergents en matire de pauvret et dexclusion sociale(6). Sil nest pas possible desprer disposer dune information plus rapide, les dlais de traitement des dclarations fiscales (permettant de calculer le taux de pauvret montaire) ayant t dj raccourcis de manire importante, des amliorations sensibles ont en revanche t apportes par lInsee en termes de fiabilit des donnes collectes. Ainsi, jusquen 2005, les revenus sociaux non imposables

(prestations familiales, prestations logement et minima sociaux) taient en effet estims sur la base des barmes existants et imputs pour lensemble de lanne dobservation. Depuis cette date, les montants rellement perus par les mnages sont directement collects auprs des organismes eux-mmes. Cette nouvelle procdure a permis dintgrer dans lenqute des mnages situs dans le bas de la distribution des revenus qui auparavant chappaient la mesure de la pauvret. A lautre extrmit de la distribution des revenus, ont t ajouts la nouvelle enqute les revenus gnrs par diffrents produits financiers (auparavant non recenss par la source fiscale), ce qui avait pour consquence de minorer la mesure des ingalits montaires (et donc de la pauvret relative). Une troisime limite importante de cet indicateur rside dans le fait quen comparaison internationale, celui-ci peut faire apparatre des rsultats relativement contre-intuitifs. Ainsi, au seuil de 60% du revenu mdian, la pauvret apparat plus importante en France que dans des pays nettement moins dvelopps, comme la Slovaquie, la Rpublique tchque ou la Slovnie. Ce rsultat sexplique par le fait que le taux de pauvret est bas sur les carts de revenus existants au sein de chaque pays. Les pays comme la France o les ingalits de revenus sont importantes enregistrent des taux de pauvret plus levs que ceux dautres pays pourtant globalement moins riches mais pour l l l

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Statistiques sur la pauvret

lesquels les ingalits sont finalement moins fortes. Cest pourquoi il convient, pour tre plus prcis, de mesurer conjointement le taux et le seuil de pauvret. Le cas polaire de la Slovaquie et des Pays-Bas illustre bien ce phnomne. Ces deux pays enregistrent un mme

LINDICATEUR CENTRAL ADOPT PAR LE GOUVERNEMENT REND MAL COMPTE DE LA RALIT CONCRTE VCUE PAR LES PERSONNES ELLES-MMES.taux de pauvret (autrement dit un mme niveau dingalits), mais les Pays-Bas ont un seuil de pauvret prs de trois fois plus lev que celui de la Slovaquie. Dit autrement, le montant en euros qui dtermine ce seuil est trois fois plus important. Certains auteurs, du fait des imperfections de lindicateur de pauvret relative ( 60% du niveau de vie mdian retenu par la France et lUnion europenne), proposent de rejeter une mesure de la pauvret montaire fonde sur un critre relatif. Ils prnent ladoption dindicateurs alternatifs tels que celui mesurant la pauvret absolue ou celui isolant les 10% des mnages les plus pauvres(7). Dautres seraient tents de privilgier le taux de pauvret 40% du niveau de vie mdian afin de ne pas incorporer dans la mesure de la pauvret des situations sociales trs diversifies(8). Ces propositions auraient lavantage de la pdagogie et de la simplicit. Elles sont pourtant rvlatrices dune drive quil convient, me semble-t-il, de repousser. Lune comme lautre aurait pour cons-

quences de rserver le statut de pauvre la frange la plus exclue de la population et pourrait laisser penser que les autres situations ne peuvent tre assimiles des situations dexclusion. Ces propositions auraient surtout linconvnient de ne plus situer la pauvret dans un continuum dingalits quil convient dobserver. Plutt que de privilgier tel ou tel indicateur, cest plutt lintersection de la pauvret montaire et/ou en conditions de vie que lon peut chercher approcher de manire plus dynamique la ralit de la pauvret en France. Il suffit pour cela de rappeler que 5% de la population est pauvre montairement et en conditions de vie, alors que 20% des mnages sont pauvres selon lun ou lautre de ces critres.

COMMENT FAIRE BAISSER LA PAUVRETEn 2007, le gouvernement a annonc un objectif de rduction de la pauvret dun tiers en cinq ans (priode 2007-2012, avec comme anne de rfrence 2006). Afin de suivre la ralisation de cet objectif, les pouvoirs publics ont retenu un indicateur central: le taux de pauvret ancr dans le temps. Cet indicateur est calcul en partant du seuil de pauvret montaire relative ( 60% du niveau de vie mdian) fix une anne donne (en 2006, ce seuil tait de 876euros pour une personne seule) en le revalorisant chaque anne du seul taux de linflation. Lobjectif gouvernemental serait atteint si, entre 2007 et 2012, le taux de pauvret ancr dans le temps passait de 13,1% 8,7% ou, dit autrement, si en 2012 le nombre de personnes disposant dun revenu infrieur 876euros (revaloriss de linflation) avait baiss denviron 2millions. A travers cet indicateur, il sagit finalement de mesurer le nombre de personnes qui, au terme

(7)Voir ce propos les travaux de Julien Damon. (8)Voir La France compte-t-elle 8millions de pauvres?, par Louis Maurin, accessible sur http://www. idies.org/index.php?post/ La-France-compte-t-elle-huit-millionsde-pauvres

des cinq annes de poursuite de lobjectif, restent en dessous du seuil de pauvret de 2006. La loi du 1erdcembre2008 gnralisant le RSA et rformant les politiques dinsertion prvoit, dans ce cadre, la transmission annuelle dun rapport au Parlement sur les conditions de ralisation de cet objectif. A cet indicateur central sont associs dautres indicateurs secondaires, eux-mmes assortis dobjectifs chiffrs. Les limites de lindicateur central pour mesurer une ventuelle baisse de la pauvret ont largement t discutes. Ds lannonce de son adoption par le gouvernement, de nombreux acteurs associatifs, des experts du domaine et lOnpes se sont interrogs sur la capacit dun tel indicateur rendre compte de la ralit concrte vcue par les personnes elles-mmes, et sur les consquences de son volution spontane sur la vision que lon peut avoir de la pauvret. Plusieurs arguments ont t invoqus. Un tel indicateur pose dabord la question de la validit de lindice des prix communment utilis comme base pour faire voluer le seuil de pauvret ancr dans le temps. On sait en effet que cet indice qui permet de mesurer lvolution du pouvoir dachat des mnages, tel quil est construit actuellement, est largement sujet discussion. Son caractre obsolte, qui en particulier ne rend pas compte de la ralit de la consommation des mnages les plus pauvres, a souvent t soulign. En utilisant un indicateur qui sous-estime la hausse des prix, et particulirement celle des produits de consommation courante qui contribuent une part importante des dpenses contraintes des mnages, on relativise de fait la perte de pouvoir dachat des mnages les plus pauvres. Un second argument avanc par lObservatoire national de la l l l

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LOBJECTIF DE BAISSE DUN TIERS DE LA PAUVRET POURRAIT RSULTER QUASI MCANIQUEMENT DES CONDITIONS GNRALES DE LA CROISSANCE, SANS QUIL SOIT POSSIBLE DE DISTINGUER CET EFFET DE LACTION DU GOUVERNEMENT.rsulter quasi mcaniquement des conditions gnrales de la croissance, sans quil soit possible de distinguer cet effet de celui de laction spcifiquement engage par le gouvernement pour lutter contre la pauvret. Ainsi, entre 2000 et 2005, le taux de pauvret ancr dans le temps est pass de 12,5% 9,7%, soit une baisse de 22% (proche de lobjectif recherch), alors que le taux de pauvret relative na baiss que de 3%. Entre 2006 et 2008, la baisse de lindicateur central a t de 11,5%. On pourrait ds lors sinterroger, en cas datteinte de lobjectif de baisse dun tiers du taux de pauvret ancr dans le temps, sur la ralit de la baisse des situations de pauvret en France laune de ce seul indicateur. Face ce type de critiques, un tableau de bord comportant une quarantaine dindicateurs, eux-mmes assortis dobjeccentral figurant au tableau de bord gouvernemental. Rajoutons enfin que la comprhension dun tel indicateur par lopinion publique est pour le moins dlicate. Comment expliquer que la pauvret en 2012 se jugera laune de ce quelle tait en 2006? Les acteurs associatifs risquent de souligner, et cest dj le cas, le dcalage existant entre les donnes statistiques disponibles et les remontes du terrain. Lensemble des problmes qui viennent dtre voqus posent des questions de natures diffrentes. Mais, pour y rpondre, il importe que la mesure de la pauvret ne se rsume pas lobservation dun seul indicateur, aussi robuste soit-il. Cest bien en combinant les regards, et donc les indicateurs, que lon pourra approcher au plus prs la ralit dun phnomne complexe. u Didier Glot

Les Chantiers de lIdies est une publication dite par lInstitut pour le dveloppement de linformation conomique et sociale (Idies), une association but non lucratif (loi 1901), domicilie au 28, rue du Sentier, 75002 Paris. Pour nous contacter : [email protected] Pour en savoir plus : www.idies.org Directeur de la publication : Philippe Frmeaux. Rdaction : Laurent Jeanneau. Secrtariat de rdaction : Martine Dorte. Edit avec le soutien technique dAlternatives Economiques. Conception graphique : Christophe Durand (06 12 73 34 95).

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pauvret et de lexclusion sociale porte sur une ventuelle drive de la dfinition de la pauvret vers une approche absolue de ce phnomne. Le revenu mdian, qui sert dterminer le taux de pauvret montaire, varie annuellement en fonction du rythme de la croissance et de la hausse des prix. Le taux de pauvret ancr dans le temps, en figeant en quelque sorte en dbut de priode le regard que lon porte sur la pauvret, adopte une approche en termes de panier minimum de biens qui sapparente celle adopte dans les pays anglosaxons. En effet, pendant la priode de ralisation de lobjectif (20072012), le panier de biens de lensemble des mnages aura certainement volu dans un sens plus favorable, sauf accident conomique majeur, que celui des mnages les plus pauvres. Dans ces conditions, les carts entre les mnages les plus pauvres et lensemble de la population se seront accrus, sans que ces carts soient visibles par le biais de lindicateur de pauvret ancr dans le temps. Ladoption dun tel indicateur aboutit de fait dissocier la question de la pauvret de celle des ingalits. Lapproche de la pauvret en termes absolus se fixe en effet pour objectif de rpondre aux besoins minimaux des populations les plus pauvres, alors que la notion de pauvret relative implique une vision plus large de linsertion de lindividu dans lensemble de la socit au niveau de dveloppement qui est le sien une poque donne. Mais le dbat le plus vif a certainement port sur lvolution tendancielle de cet indicateur qui, parlll

construction, en priode de croissance conomique, suit naturellement une pente descendante. Le choix de lindicateur retenu se traduit par le fait que lobjectif de baisse dun tiers de la pauvret pourrait

tifs chiffrs, a t adopt. Il conviendra donc de porter une attention particulire aux volutions de ces diffrents indicateurs et de ne pas rsumer lvaluation de laction publique au seul indicateur

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