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Groupe de recherche interdisciplinaire en santé Secteur santé publique Faculté de médecine La mesure du coût d'opportunité des décisions publiques en santé : Étude de faisabilité Louise Rousseau André-Pierre Contandriopoulos Joanne Bélanger R03–05 Juillet 2003

La mesure du coût d'opportunité des décisions publiques en santé

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Groupe de recherche interdisciplinaire en santé Secteur santé publique Faculté de médecine

La mesure du coût d'opportunité des décisions publiques en santé : Étude de faisabilité

Louise Rousseau André-Pierre Contandriopoulos

Joanne Bélanger

R03–05

Juillet 2003

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Dépôt légal – 4e trimestre 2003 Bibliothèque nationale du Québec

ISBN 2–921954–74–5

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Juillet 2003

Ce projet a été rendu possible grâce à une subvention de la Direction de la planification stratégique, de l’évaluation et de la gestion de l’information du Ministère de la santé et des services sociaux du Québec

La mesure du coût d'opportunité des décisions publiques en santé : Étude de faisabilité

Louise Rousseau, Ph.D. 1,2

André-Pierre Contandriopoulos, Ph.D.1Joanne Bélanger, MSc.2

Département d’administration de la santé, Université de Montréal1

Régie régionale de la santé et des services sociaux de Laval2

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Table des matières

Introduction...................................................................................................................1 Problématique ..............................................................................................................3 Objectif .........................................................................................................................4 Méthodologie................................................................................................................5 État des connaissances ...............................................................................................8

Le coût d'opportunité ................................................................................................8 La prise de décision en santé...................................................................................9 L’évaluation économique..........................................................................................9

Résultats.....................................................................................................................16

Résultats des groupes de discussion.....................................................................16 Nouvelle revue de littérature : faits saillants ..............................................................30

Allocation budgétaire et priorisation .......................................................................32 Discussion ..................................................................................................................40

Le concept du coût d’opportunité ...........................................................................40 Les propositions concernant la mesure du coût d’opportunité...............................42

Conclusion..................................................................................................................59 Bibliographie...............................................................................................................61

Annexe A – Résultats des groupes de discussion concernant les thèmes de la prise de décision, de l'information et de l'évaluation ..............................................65

Annexe B – Tableau des résultats .........................................................................82

Remerciements: Nous tenons à remercier l'Association des Hôpitaux du Québec pour sa collaboration à la réalisation de cette étude.

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Introduction

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INTRODUCTION

L'avenir inquiète les cliniciens et les décideurs en santé qui se demandent comment on pourra justifier la prise en charge par le régime public de technologies ou de modes de dispensation des soins de plus en plus coûteux. L’enjeu en matière d'allocation de ressources se situe dans un cadre de rationalisation des dépenses publiques dans un contexte où l’on valorise un état imputable qui alloue les ressources de manière efficiente et transparente. Bien que l'on assiste à une prolifération d'évaluations économiques, on se rend bien compte du peu d'impact de ces études sur le processus décisionnel. Par ailleurs, l'approche économique du coût d'opportunité apparaît être un outil pertinent pour le décideur. La mesure du coût d'opportunité implique d'évaluer ce à quoi on doit renoncer lorsqu'on fait un choix. En effet, toute décision implique habituellement qu'il y ait au moins deux alternatives. Peu importe les motifs entourant le choix du décideur ou sa manière objective ou subjective de décider, on se doit donc de reconnaître que tout le monde évalue le coût d'opportunité sans nécessairement le cataloguer comme tel. On ne peut donc éluder ni le phénomène de rareté des ressources ni l'existence des coûts d'opportunité. L'approche du coût d'opportunité apparaît prometteuse car elle permet de rendre explicites les choix et de pouvoir rationnellement les apprécier. Toutefois, bien que largement discutée, cette approche n'est toujours pas opérationnalisée dans le secteur de la santé. En effet, la revue de littérature sur l'approche du coût d'opportunité telle que traitée en économie de la santé, soulève plus de questions qu'elle n'apporte de réponses concernant les aspects théoriques ou méthodologiques. Avant d'entreprendre des recherches évaluatives selon cette approche, il faut s'assurer de la faisabilité d'en opérationnaliser la mesure. La réalisation d'une analyse critique de la littérature élargie à tout le secteur des décisions publiques s'avérait donc essentielle pour isoler les pistes les plus prometteuses pour opérationnaliser la mesure du coût d'opportunité. De plus, il était crucial que les résultats d'une telle analyse critique soient confrontés au jugement d'experts, de décideurs, de cliniciens et de représentants de la population afin qu'ils se prononcent sur les enjeux théoriques, la faisabilité sur le terrain et l'impact pour la population de l'application de la méthode. L'objectif de ce projet pilote était donc, par le biais d'une analyse critique de la littérature et la tenue de groupes de discussion (focus group), d'établir comment on peut opérationnaliser la mesure du coût d'opportunité pour l'appliquer ultérieurement dans des études portant sur l'allocation des ressources en santé au Québec. Ce projet pilote était donc une étape essentielle à réaliser et il a permis de recueillir les informations nécessaires pour juger de la faisabilité d'appliquer l'approche du coût d'opportunité dans les milieux de pratique. Cette étude exploratoire a permis de confirmer l’intérêt et la pertinence de la mesure du coût d’opportunité pour les décisions d’allocations de ressources en santé. Le premier volet de cette étude qui visait une révision en profondeur de la littérature scientifique sur le coût d'opportunité, n’a pas permis de mettre en lumière une méthode universelle

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d’opérationnalisation de la mesure du coût d’opportunité. Toutefois, l’exploration de champs connexes a permis d’identifier des pistes prometteuses comme solutions techniques à la mesure de certains aspects cruciaux du coût d’opportunité. Les résultats obtenus lors des groupes de discussion ont permis d'élaborer d’une part, une approche générale s’appliquant à la prise de décision en santé et d’autre part, de formuler des indications spécifiques selon les critères de décisions considérés. De façon générale, l'approche préconisée pour le calcul du coût d'opportunité comporte deux étapes. La première, repose sur le postulat que le coût d’opportunité est révélateur des modèles implicites entourant la prise de décision et consiste à identifier conjointement avec le décideur les critères qui auront du poids dans la décision. Cet exercice facilite l'identification des alternatives pouvant être soumises à la comparaison. La deuxième étape consiste en l'analyse proprement dite. En fonction de la problématique, du contexte et des critères de décision, il s'agit de sélectionner quelques indicateurs clés permettant de rendre compte des coûts et des effets. La mesure des effets peut ainsi être élargie aux impacts sur la trajectoire de soins et la mesure des coûts peut s'élargir aux coûts indirects sur l’organisation et inclure dans certaines problématiques, la mesure des coûts intangibles. C'est cet élargissement, par rapport aux évaluations traditionnelles qui est susceptible non seulement, d'augmenter la pertinence pour le décideur, mais aussi, de dépasser l'évaluation en silo. De plus, cette approche apporte l'avantage indéniable de permettre, de façon concomitante, la pondération des critères politiques, éthiques et d'efficience économique. Le résultat attendu de cette analyse est l'identification des gagnants et des perdants en fonction des différentes alternatives étudiées, ce qui permet au décideur de mieux soupeser les implications de la décision qu'il prendra suite à l'analyse. D’un point de vue pragmatique, pour réaliser de telles analyses dans un délai raisonnable et à un coût abordable, la modélisation apparaît comme la solution technique privilégiée. Cette approche implique la mise en place d’une solide alliance dès le départ entre l'analyste et le décideur et constitue une véritable piste de solution aux problèmes techniques, méthodologiques et idéologiques soulevés par la mesure du coût d’opportunité.

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Problématique et objectifs

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PROBLÉMATIQUE

Dans un contexte général où depuis plusieurs années, on tente de contrôler les dépenses publiques de santé, on assiste à une prolifération d’études relevant de l’analyse économique. L’existence de l’évaluation économique tient au fait que les ressources sont limitées et que, conséquemment, des choix doivent être faits1. En effet, la réalité du décideur en santé est que ce dernier doit composer avec de multiples contraintes budgétaires. À l’intérieur d’un budget fermé, toute augmentation des dépenses pour le traitement d’une pathologie se traduit inévitablement par la réduction d’autres dépenses. Le décideur, conscient du fait qu’il sera de plus en plus difficile de pouvoir tout assumer dans un régime public, doit donc se doter d’outils pour optimiser ses décisions. En mettant en relation les coûts et les conséquences des interventions, l’évaluation économique se veut un outil d’aide à la décision. Il est, de ce fait, devenu courant de procéder à l’évaluation économique de nouvelles thérapies principalement par le biais des analyses coût-efficacité et coût-utilité2. Toutefois, on note le peu d’impact de ces études dans la prise de décision tant au niveau clinique qu’administratif. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce fait, dont : le processus d’allocation budgétaire, les cloisonnements budgétaires3, la complexité des méthodes employées dans certaines études et le fait que les décideurs sont souvent plus intéressés aux conséquences budgétaires d’une décision qu’au rendement marginal d’une intervention. Cependant, la prise de conscience grandissante des manifestations économiques des maladies a mis en évidence l’importance des sciences économiques, c’est pourquoi on rapporte maintenant systématiquement les coûts directs et indirects des pathologies4 dans la littérature et au niveau des agences gouvernementales, dont Santé Canada qui publie régulièrement le fardeau économique de la maladie. Les décideurs, conscients de ces coûts mais aussi soumis aux pressions exercées par le développement des connaissances et de la technologie ainsi que par le vieillissement de la population, optent de plus en plus pour des modifications en profondeur des modes de dispensation des soins et d’organisation des services5. Cela se traduit très souvent par une volonté de renforcer le rôle de la première ligne et par un accroissement des services dispensés en milieu ambulatoire soutenant, de ce fait, la réduction du recours à l’hospitalisation. Ce type de décision diffère de celles visant l’introduction de nouvelles technologies ou de nouveaux médicaments auxquelles l’évaluation économique est habituée de répondre dans le secteur de la santé. De fait, le caractère macroscopique d’une réorganisation des soins ou services engendre de nombreux impacts tant sur l’organisation du travail à l'intérieur de l'organisation, que sur les partenaires et la population. Les décisions concernant le mode de dispensation des services touchent donc à la fois les patients, les professionnels, les dirigeants, les partenaires intersectoriels et les bailleurs de fonds. Considérant la quantité de paramètres devant être examinés lors d’un processus décisionnel, on peut légitimement s’interroger sur les possibilités d’accroître la rationalité économique dans la prise de décision. Plus spécifiquement, on peut se demander quels sont les moyens

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Problématique et objectifs

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auxquels le décideur peut avoir recours pour s’assurer qu’il a fait les bons choix en matière d’allocation des ressources. Un des outils susceptible de soutenir sa décision est l’approche économique du coût d’opportunité. Défini simplement, le coût d’opportunité est le coût de renonciation à la deuxième meilleure alternative disponible. L’idée de rendre accessible et explicite au décideur le coût de ce à quoi il renonce lorsqu’il fait des choix, est susceptible de faciliter l’objectivation des critères de décision à la base de ses choix. Cet outil permet également de valider, a posteriori, la justesse d’un choix et de signaler, le cas échéant, les correctifs à entreprendre. Le calcul du coût d'opportunité repose donc sur le principe qu’il faut faire des choix et que l'option choisie doit permettre d’accéder à davantage de bénéfices que toute autre option envisageable. Or, cette notion de coût d’opportunité est demeurée au fil des ans quelque peu théorique. En effet, outre quelques définitions et exemples dans certains ouvrages présentant les fondements généraux de la théorie économique, peu d’indications sont disponibles quant aux moyens à mettre en œuvre pour mesurer le coût d’opportunité d’une décision. Les interrogations sur la question restent donc entières. Est-il possible d’adapter l’approche du coût d’opportunité à la réalité du décideur ? Jusqu’où doit-on élargir la notion de meilleure alternative ? Quels sont les défis méthodologiques ? Que peut-on dire de la méthode du coût d’opportunité dans la réorganisation des modes de dispensation des soins (et services) ? C'est autour de ces questions que la présente étude fut menée.

OBJECTIF

L’objectif principal de cette étude de faisabilité est d’établir comment on peut opérationnaliser la mesure du coût d’opportunité. Pour ce faire, une analyse critique de la littérature a été réalisée et des groupes de discussion (focus group) impliquant des gestionnaires, des cliniciens, des économistes et des représentants de la population ont été tenus. Cette première étape devant permettre d’appliquer le modèle émergent à une véritable étude portant sur la réorganisation des services de santé sur le territoire québécois.

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Méthodologie

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MÉTHODOLOGIE

Deux méthodes de collectes d’informations ont été employées pour répondre à l’objectif principal de la présente recherche soit, une revue de littérature et la tenue de groupes de discussion réunissant différents groupes d’acteurs œuvrant dans le secteur de la santé et des services sociaux. La revue littérature a couvert la période des dix dernières années. Des études économiques ayant mesuré, ou prétendu mesuré, les coûts d’opportunités ont été ciblés. Afin de récupérer un maximum d’informations entourant le concept de coût d’opportunité la recherche fut étendue à des secteurs d’activités autres que celui de la santé, notamment les secteurs du transport, du loisir, de l’environnement et de la finance. De plus, les approches comptables furent explorées, notamment celles qui se rapportent à la planification budgétaire. Une analyse approfondie de travaux théoriques portant sur la notion de coût d’opportunité a d'abord été réalisée. L'objectif était de cibler d’une part, les méthodes les plus prometteuses et d’autre part, de cerner les enjeux (théoriques et pratiques) entourant la mise en œuvre de ces méthodes. Pour faire suite aux informations et aux préoccupations recueillies lors des groupes de discussion, la recherche documentaire s’est étendue à des thèmes concernant l’allocation de ressource, l’éthique allocative, et les processus de priorisation des ressources. Différentes bases de données dont les principales sont Medline et Econolit ont été consultées et plus d'une centaine d'articles de langue anglaise et française ont été sélectionnés pour une analyse approfondie. Le recours aux groupes de discussion est particulièrement indiqué dans le cadre d'une étude exploratoire35. L'échantillonnage des participants doit être théorique. En effet, les groupes doivent être homogènes, mais les participants doivent être sélectionnés à l'intérieur du groupe de façon à faire émerger des points de vue différents34. Le critère de sélection de l’échantillon théorique à l'intérieur des groupes est d'assurer la représentativité de chaque sous-groupe. La stratégie d’échantillonnage visait donc le contraste.

Les groupes de discussion, sont une modalité d'entrevue de la recherche qualitative31. Le recours à un devis qualitatif est la méthode privilégiée pour explorer des champs qui requièrent l'approfondissement de phénomènes complexes32,33. Les groupes de discussion sont aussi une façon pratique et valide d’obtenir une rétroaction sur les résultats et de suggérer des explications additionnelles34.

Quatre groupes homogènes ont été identifiés pour la tenue des groupes de discussion. Le premier regroupait des experts en évaluation économique aptes à apprécier notamment les enjeux théoriques et techniques liés à la mesure du coût d'opportunité. Les deuxième et troisième groupes étaient respectivement constitués d'administrateurs et de cliniciens du réseau de la santé et des services sociaux. Ces catégories d’acteurs ont été ciblés, entre autres, pour leur compétence à apprécier la faisabilité d'opérationnaliser, sur le terrain, la mesure du coût d'opportunité. Le quatrième groupe était constitué de représentants de la population. Ces derniers ont été sollicités particulièrement pour leur aptitude à soupeser certains aspects

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Méthodologie

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éthiques liés à la thématique ainsi que pour leur capacité à réfléchir sur les impacts potentiels pour la population de la mise en application de la mesure du coût d'opportunité. La discussion a été générée à partir d’une lecture individuelle de deux cas inspirés de situations réelles. Le premier cas était celui de l’implantation du Centre Hospitalier Ambulatoire à Laval (CHARL). Le CHARL est un exemple d’implantation d’une nouvelle forme de services. Le résumé remis aux participants présentait de façon générique différents éléments concernant le contexte d’implantation (i.e. démographie, historique, mise en œuvre, etc,) ainsi que les services offerts par l’organisation. Le second cas abordait la problématique de la vaccination contre la méningite. Une particularité de ce cas était que les décisions dans ce type de problématique sont souvent prises en situation de crise. Le résumé présentait des informations concernant l’historique de la maladie au Québec, les raisons ayant motivé la campagne de vaccination de 2001, quelques données épidémiologiques, le coût total de l’intervention ainsi que certaines précisions concernant la population ciblée par la campagne et le déploiement de l’intervention. La présentation des cas visait plus à alimenter les discussions qu’à investiguer du détail constitutif de ces cas. La discussion avait deux grands objectifs. Le premier était, pour le cas du CHARL, de déterminer quels sont les meilleurs moyens pour évaluer, a posteriori, la pertinence d’une décision d’investissement qui a déjà été mise en œuvre. Les participants étaient invités à se placer dans la position du vérificateur général et à discuter de la pertinence de la mesure du coût d'opportunité. Le second objectif était, pour le cas de la méningite, de définir quels sont moyens pour estimer, de manière prospective, le coût d’opportunité d’un projet d’investissement généralement consenti en période de crise mais qui réapparaît de façon cyclique. Les discussions se sont déroulées à l’aide d’une grille d'entrevue issue de l'analyse critique de la littérature, comprenant un nombre restreint de questions ouvertes ayant été préalablement élaborées36. Cette grille a été construite de façon à ne pas entraver l’émergence et l’exploration d’aspects non planifiés concernant le sujet discuté. La tenue de groupes de discussion visait à valider, auprès d’acteurs potentiellement concernés par la mesure du coût d'opportunité, la pertinence et la faisabilité des pistes d'opérationnalisation de la mesure afin de compléter la littérature à cet égard. L’analyse des entrevues et des données recueillies lors des groupes de discussion a été réalisée selon la méthode de Miles et Huberman33. Selon cette approche, l’analyse est un processus itératif où il y a collecte et analyse simultanée des données. La construction de matrices est au centre de la procédure analytique puisque le traitement exhaustif des données est essentiel. Les matrices servent à ordonner et à comparer les données autant pour la formulation que la vérification d’hypothèses. Concrètement, il s’agit de l’analyse ligne par ligne de la transcription des enregistrements des échanges tenus dans les groupes de discussion et du découpage des données en segments ensuite codifiés. Les chercheurs qualitatifs utilisent un ensemble de mesures pour garantir la validité des devis. Dans notre projet, cette validité a été assurée par la prise en compte de la subjectivité et l’échantillonnage théorique lors de la constitution des groupes ainsi que par des codifications

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Méthodologie

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précises, consistantes, exhaustives des verbatims issus des groupes de discussion. Le tout a été vérifié lors de l'analyse des données, par la triangulation des données obtenues dans les différents groupes de discussion et avec les données de la littérature. Le retour aux participants suite à la rédaction d’une synthèse des discussions des groupes a également contribué à accroître la validité des informations recueillies32,33,37,38.

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité État des connaissances

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ÉTAT DES CONNAISSANCES

La revue de littérature réalisée lors de la rédaction du protocole avait permis de relever un certains nombres de données pertinentes aux objectifs de la présente étude.

LE COÛT D'OPPORTUNITÉ Le concept de coût d’opportunité est au cœur du raisonnement économique6,39. Les économistes considèrent qu’il s’agit de l’information implicite que devraient avoir tous les agents économiques pour maximiser leur bien être quand les ressources sont limitées. On peut donc légitimement se demander ce que signifie ce fameux coût d’opportunité et quelles sont les difficultés associées à sa mesure. Le coût d’opportunité est le coût de renonciation à la deuxième meilleure alternative disponible. Il consiste donc à mesurer l’écart entre la valeur correspondant à la décision prise et la valeur de la deuxième meilleure alternative possible7. Autrement dit, la mesure du coût d’opportunité implique d'évaluer ce à quoi on renonce lorsqu’on fait un choix. Contrairement aux analyses classiques de coût-efficacité (ACE), qui permettent de choisir entre deux options qui visent un même objectif, comme de choisir entre deux types de traitements anti-hypertenseurs, les analyses de coûts d’opportunité permettent de choisir entre des options ayant des objectifs différents, voir parfois très dissemblables, comme de choisir entre investir dans la recherche en santé environnementale ou acheter une nouvelle flotte d’hélicoptères, par exemple. La comparaison entre les options se fait en terme de valeur du bien-être obtenu. Le postulat que la production des biens et services obéit généralement à la loi des rendements décroissants fait en sorte qu’à partir d’un certain niveau d’investissement dans un secteur, on observe un accroissement du coût d’opportunité8. En effet, les économistes font le constat que dans toute société, il y a un nombre limité de producteurs, possédant un capital bien défini et disposant d’un temps limité pour produire des biens et services. Dans le secteur de la santé, cela se manifeste par une disponibilité limitée des ressources institutionnelles (hôpitaux, CLSC, etc.) capables de produire une somme x de services avec des ressources humaines en nombre limitées - au point où l'on parle couramment de pénurie d'effectifs - possédant des expertises spécifiques (médecins, infirmières, pharmaciens etc.). La question d'accroître la production de services en utilisant au mieux les compétences, est actuellement au cœur des préoccupations non seulement des décideurs, mais aussi du législateur, comme en font foi les récents travaux concernant la réforme du code des professions. Il existe donc des contraintes qui limitent la production de biens et services. C’est cette limite que représenterait la courbe des possibilités de production de l’économie mondiale. Lorsqu’on augmente la production d’un bien ou d’un service, on doit, conséquemment, réduire celle d’un ou de plusieurs autres biens ou services. Par exemple, si le gouvernement veut renouveler ses équipements militaires, il devra soit, réduire ses dépenses dans d’autres

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité État des connaissances

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domaines, alourdir les impôts ou encore, augmenter ses emprunts. Par la suite, l’accroissement du fardeau fiscal ou de la dette publique forcera certains à sacrifier une partie de leurs vacances ou à acheter moins de biens et de services8. Un exemple appliqué au secteur de la santé pourrait être celui de la répartition des services entre les milieux ambulatoires et hospitaliers. En effet, on sait que les ressources humaines et les plateaux technologiques requis varient selon les diverses pathologies à traiter. Si on décidait de recourir à l’hospitalisation pour le plus grand nombre de conditions existantes, à partir d’un certain point, les coûts pour assurer les services en milieu hospitalier croîtraient de façon exponentielle. À l’inverse, si on décidait de recourir au traitement en ambulatoire pour le plus grand nombre d’interventions, à partir d’un certain point, les coûts pour assurer les services en milieu ambulatoire croîtraient de façon exponentielle. Il existe donc un point où la répartition de l’offre de services entre les deux options est optimale. Le coût réel d’un programme en santé n’est donc pas le montant en dollars inscrits au budget. Il correspond plutôt aux résultats de santé qui auraient été obtenus grâce à un autre programme si les ressources en question avaient été affectées à celui-ci plutôt qu’à celui-là. C’est ce coût d’opportunité qui exprime la valeur du bien-être non obtenu, que l’évaluation économique cherche à comparer avec les bénéfices du programme exprimés en valeur du bien-être obtenu9.

LA PRISE DE DÉCISION EN SANTÉ La réalité du décideur en santé est que ce dernier doit composer avec des horizons budgétaires limités dans le temps, des budgets cloisonnés par secteurs et un plafonnement des dépenses autorisées ou ce que l'on nomme les contraintes budgétaires. Le plus souvent le décideur raisonne en ces termes: « si je veux introduire cette nouvelle intervention démontrée efficiente par les analyses coût-efficacité, où devrais-je effectuer les coupures permettant de financer les coûts supplémentaires occasionnés par cette nouvelle intervention compte tenu qu’il n’y a pas de financement additionnel disponible ». En effet, à l’intérieur d’un budget fermé, toute augmentation des coûts pour le traitement d’une pathologie doit inévitablement se traduire par des coupures budgétaires dans un autre secteur. La question qui se pose est la suivante : « Quel sera l’impact sur l’état de santé de la clientèle que je traite dans le programme x, suite à la réduction budgétaire que je m’apprête à y effectuer et qui me permettra d’augmenter le budget du programme y ». Tant et aussi longtemps que l’on peut identifier clairement des sources d’inefficience dans la façon de dispenser les services, les coupures peuvent s’avérer être relativement faciles à effectuer. Mais, il semble que ces sources d’inefficience deviennent de plus en plus rares7 dans le système de santé québécois. Il est donc devenu important d’identifier de nouveaux moyens qui permettront d’augmenter l’efficience du système de santé dans son entièreté.

L’ÉVALUATION ÉCONOMIQUE Les analyses coût-efficacité (ACE) et coût-utilité (ACU) sont parfaitement adaptées pour comparer l’efficience de programmes concurrents. Brièvement, ces analyses, qui reposent

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sur la même logique, visent à mettre en relation les coûts et les effets de deux ou plusieurs options à comparer. Dans le cas des ACE, les effets sont mesurés en unités physiques (décès évités, années de vie sauvées etc.) alors que dans les ACU, les effets sont rapportés en tenant compte de la qualité de vie, où la mesure la plus répandue est le QUALY. Ces analyses fournissent une information intéressante sur l’efficience relative de différentes interventions. Ce sont des outils importants qui permettent aux patients, aux professionnels et autres décideurs de prendre des décisions fondées, reposant sur une meilleure connaissance du « comment » les différentes options affectent un résultat de santé donnée ou la qualité de vie du patient10. Ces analyses ne fournissent généralement pas d’informations sur les conséquences budgétaires des diverses options. On comprend bien que cela nécessite des données exhaustives et comparables en terme de mesure de résultat pour toutes les options ainsi qu’un processus périodique et explicite d’allocation budgétaire au cours duquel tous les programmes sont examinés simultanément. Ces deux conditions sont rarement réunies dans le secteur de la santé. Le plus souvent les programmes sont examinés un par un ou en petit nombre et sans données exhaustives. Dans ce contexte, l’analyse coût-bénéfice (ACB) comporte un avantage en traduisant en valeur monétaire l’ensemble des résultats (d’une intervention ou d’un programme). Cela facilite grandement la comparaison entre des options ayant des résultats différents. En réalité, il est plutôt rare que les décideurs connaissent tous les coûts et bénéfices des programmes en santé et encore moins des programmes hors de leur secteur d'activité. Les fondements théoriques de la mesure du coût d'opportunité sont-ils applicables au secteur de la santé ? Depuis plusieurs années, il existe un vif débat dans la littérature concernant les fondements théoriques des analyses économiques. Certains prétendent que l'approche de la mesure du coût d'opportunité doit être cohérente avec la théorie du bien-être dont la notion de coût d'opportunité découle. Cette théorie nous ramène à l'optimum de Pareto. En bref, il s'agirait, pour que l'allocation des ressources soit optimale lors de la réorganisation de la production d'un bien ou d'un service, qu'on augmente la satisfaction d’un consommateur sans réduire la satisfaction d’un autre; que la réallocation des facteurs de production augmente les résultats de l’un des producteurs sans réduire les résultats d’un autre, que la réorganisation de la production augmente la satisfaction des consommateurs11. Par exemple, transférer une partie de la prestation des services hospitaliers en milieu ambulatoire serait optimal si on augmente la satisfaction d'au moins un patient sans réduire la satisfaction d'un autre, si on augmente la performance des services ambulatoires sans réduire la performance hospitalière et enfin, si la réorganisation de la production des services augmente la satisfaction des utilisateurs. Dès lors, on comprend la complexité d'avoir des instruments de mesure permettant d'apprécier ces critères.

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D’un point de vue économique, l’information requise pour juger d'une réallocation de ressource est d’une part, la source qui sert à financer les coûts additionnels et d’autre part, le coût d’opportunité du redéploiement de cette somme12. Cependant, on reproche souvent aux analyses économiques dans le secteur de la santé de faire abstraction du coût d'opportunité. Plusieurs raisons peuvent expliquer l’absence d’étude du coût d’opportunité dans les évaluations économiques de ce secteur d’activité, mais on peut en isoler deux principales. Premièrement, il est conceptuellement et méthodologiquement complexe de procéder à l’évaluation de ce coût. Deuxièmement, dans la très grande majorité des cas, on compare deux alternatives de manière à déterminer le meilleur moyen d’obtenir un résultat de santé donné, mais on ne discute pas de la pertinence d’intervenir sur un problème de santé par rapport à la pertinence d’utiliser les argents disponibles en fonction de toutes les autres alternatives possibles. Il en résulte beaucoup d’analyses coût-efficacité où il n’est pas rare de constater que les interventions, malgré un coût supérieur se révèlent efficientes en raison des gains d’efficacité compensant largement pour l’augmentation des coûts. Dans ce type d’analyse, il n’est pas toujours nécessaire, ni même justifié, de savoir ce que l’intervention analysée va coûter au système de soins ou à la société puisqu’on assume que la seule préoccupation du décideur est l’atteinte de l’efficience pour le résultat de santé visé dans l’analyse7. L’approche dans les ACE est que, sous la contrainte d’un budget de santé, on doit maximiser les résultats de santé13. Les ACE peuvent nous dire au mieux, à quels coûts additionnels il est possible d'avoir des résultats additionnels12. Puisque le coût d’opportunité réel ne peut être établi que par l’observation de ce à quoi on a renoncé dans un autre secteur, un seuil unique de coût par QUALY dans les analyses ACU n’aurait pas de sens et pourrait n'être qu'un moyen de faire augmenter les dépenses de santé sans contraintes. En fait, les ACE et ACU nous disent combien payer de plus pour réaliser un objectif donné, mais ne nous disent pas si cet objectif vaut la peine d’être réalisé9. Certains considèrent que les ACE et les ACU sont sans fondements théoriques car ces approches utilisent les prix et non les coûts d’opportunité13. Pour palier à ce problème, les lignes directrices recommandent que les ACE soient réalisées d’un point de vue sociétal, permettant ainsi d'attribuer aux ressources une valeur qui reflète leur coût d’opportunité13-14. Lorsqu'on utilise le point de vue sociétal, cela implique de mesurer les pertes de productivité pour mesurer le coût d’opportunité de la production à laquelle l’individu aurait pu contribuer pendant sa maladie9. Cependant, en utilisant ce point de vue, les utilisateurs des études, soit les administrateurs et les cliniciens, ne trouveraient pas les indications leur permettant d'orienter la prise de décision à leur niveau15. Les fondements philosophiques des ACB sont ancrés dans la théorie du bien-être où on considère que les valeurs légitimes proviennent des consommateurs9. On y définit la méthode du coût d’opportunité comme une forme particulière de ACB qui permet d’identifier qui paie

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les frais et qui récolte les bénéfices du changement. L’étape suivante est la traduction en unité monétaire des bénéfices identifiés 16. Toutefois cette méthode, qui implique la valorisation monétaire des effets nécessite que sa validité et sa fiabilité soit davantage examinée17. En effet, si on réfère à la théorie, tous les éléments de l'ACB ne sont pas présents dans les méthodes actuellement utilisées18. De plus, la valorisation monétaire introduit fréquemment un biais en faveur des classes favorisées et des individus qui sont moins malades. Donc, pour réaliser des ACB, il faut reconnaître qu’il y a des gagnants et des perdants. Enfin, on manque d’analyses critiques qui permettraient de distinguer aisément les bonnes des mauvaises ACB19. En effet, les lignes directrices ne présentent pas clairement comment traiter la relation entre l'équité et l'efficience. Par ailleurs, même s’il y avait pleine implantation des lignes directrices, il est peu probable qu’il y ait amélioration dans le processus d’allocation des ressources20. Le coût d’opportunité dans une ACE ou une ACU est déterminé par l'emploi de l’alternative ayant la plus faible hausse budgétaire, ce qui diffère des coûts d’opportunité dans le reste de l’économie. Par contre, l’attribution d’une valeur monétaire au temps perdu implique des problèmes d’équité entre les individus9. Ce problème est encore plus important dans les ACB. Les analyses économiques diffèrent donc selon les fondements théoriques auxquelles elles réfèrent. Le principal enjeu à ce chapitre serait que, si la mesure du bénéfice est restreinte à l’état de santé uniquement, ne faudrait-il pas restreindre les coûts mesurés ? Le coût d’opportunité serait alors opérationnalisé en terme de sacrifice de santé. La question reste donc entière, puisque le "bien" santé est différent des autres biens, est-il possible d'adapter l'approche du coût d'opportunité à cette réalité ? Jusqu'où doit-on élargir la notion de meilleure alternative? La réorganisation des services de santé en général modifie le niveau d'implication des divers partenaires intersectoriels. À l'inverse, les décisions prises dans d'autres secteurs peuvent moduler les résultats d'une réorganisation en santé. Par exemple, il y a quelques années, on a vu que la décision du gouvernement de parvenir rapidement à l’objectif du déficit zéro au Québec, a eu les conséquences que l’on connaît sur l'implantation de la réforme du système de soins. Dès lors, que fait-on des politiques macoéconomiques qui déterminent largement les différences de revenu, le chômage, la pauvreté et de tous les dommages que cela cause à la santé? Est-ce que l’économie de la santé peut aller plus loin que l’étude microéconomique des services21? Cette question, présente à l'esprit des décideurs, reste encore sans réponse dans la littérature en évaluation économique. En effet, est-il envisageable de tenir compte des éléments intersectoriels dans l'opérationnalisation d'une mesure du coût d'opportunité?

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Quels sont les défis méthodologiques? Avec les contraintes budgétaires, l’évaluation économique va continuer d’être présente et malgré les lignes directrices, il n’y a pas de véritable standard ou de méthodologie commune. En conséquence, le décideur doit connaître les défis et difficultés liés à l'utilisation de ces études22. Plusieurs aspects techniques de la mesure du coût d'opportunité sont abordés dans la littérature recueillant un degré plus ou moins élevé de consensus sur la façon de procéder pour en établir la mesure. Un des problèmes non résolu est celui de la mesure visant à tenir compte du capital et de l’équipement. Le coût d’opportunité d’un investissement, soit d’un fonds immobilisé, est généralement associé au taux d’intérêt. Comme il faut aussi tenir compte de la dépréciation, on s'entend généralement pour dire que la meilleure méthode est l’annualisation9. Également, concernant l’actualisation des coûts deux théories sont concurrentes: l’approche sociale du coût d’opportunité où le taux d’actualisation est le taux de rentabilité réel observé dans le secteur privé et l’approche du taux d’intérêt psychologique de la société, qui est la volonté de renoncer à une consommation aujourd’hui pour avoir une plus grande consommation demain, ce taux serait le taux de rentabilité des emprunts d’états à long terme. Pour trancher, certains recommandent la fixation du taux d’actualisation par une approche de consensus avec la participation du politique9. Il y a aussi certains éléments liés à l'éclaircissement des enjeux théoriques, comme la mesure du temps perdu pour la prise en compte du temps non rémunéré. La méthode du coût d’opportunité supposerait que la production domestique soit au moins aussi élevée que ce que la personne gagnerait sur le marché du travail car sinon, elle déciderait de travailler plutôt que de rester à domicile9,23,24. De façon concurrente, on peut proposer la méthode du coût de remplacement pour estimer le temps perdu, soit le coût sur le marché pour les services domestiques9. Cet enjeu de la mesure du temps perdu est important, car on a des évidences empiriques qui démontrent qu'il serait une barrière importante à l'accès, du moins pour certains services ambulatoires25. D’autres éléments suscitent également des débats autour de la faisabilité. Puisque les prix ne reflètent par toujours les coûts, on doit se demander si le prix des ressources reflète le coût d’opportunité9. Bien qu'il soit important de considérer toutes les ressources, notamment celles dont la consommation n’est pas représentée par les prix de marché, comme le travail non rémunéré et le temps libre et que le prix théorique correct soit son coût d’opportunité, l’approche pragmatique consiste cependant à utiliser le prix du marché. Même si on a admis depuis longtemps que les prix pouvaient ne pas refléter le coût d’opportunité du fait des imperfections du marché de la santé, il reste toujours difficile de savoir quand on doit ajuster les prix pour obtenir les véritables coûts d’opportunité9,26. On peut constater que les questions méthodologiques non résolues entourant la mesure du coût d'opportunité ne permettent pas d'opérationnaliser facilement cette approche dans le cadre d'une évaluation de la deuxième meilleure alternative possible. D'ailleurs, nulle part on

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ne discute du fait que l'approche du coût d'opportunité mène, fort probablement, vers l'utilisation de modèles de simulation. En effet si, par exemple, on décide de renforcer la première ligne plutôt que d'ouvrir des lits d'hôpitaux, on ne peut pas comparer directement ces deux options puisque le choix de l'une implique de renoncer à l'autre. Dans ce cas, comment évaluer si la solution choisie est la bonne ? Doit-on faire un modèle de simulation basé sur des données rétrospectives ? Doit-on mesurer les résultats obtenus dans un endroit ayant fait un choix différent ? La littérature en économie de la santé demeure muette sur ces questions. A-t-on des données empiriques? De façon générale, même si on évoque dans plusieurs études la notion de coût d'opportunité, dans la majorité des cas, on peut douter que ce dernier ait été mesuré. Par exemple, dans une étude récente, on a estimé le coût marginal d’une ambulance supplémentaire et on affirme que cela a permis d’estimer le coût d’opportunité pour chaque seconde gagnée. Cette étude permettrait aux décideurs d’être mieux placés pour déterminer le budget à consentir pour atteindre les résultats visés en terme de temps de réponse suite à un appel d'urgence27. Ici on est tout à fait dans une logique d'ACE, il ne s'agit donc pas de comparer à la meilleure autre alternative possible. Cependant dans certains rares cas, on a tenté d'opérationnaliser la notion de coût d'opportunité en proposant certains indicateurs à suivre. Par exemple, une étude a proposé un modèle conceptuel qui lie la morbidité de l’asthme au coût d’opportunité social de la maladie. Ce modèle pourrait permettre d’évaluer l’impact relatif de différentes stratégies d’intervention dans l’asthme et ainsi fournir une approche plus rationnelle pour les politiques de santé touchant l’allocation des ressources en asthme28. Cette stratégie de modélisation est intéressante et mérite d'être explorée davantage. Que peut-on dire sur le coût d'opportunité de la réorganisation des modes de dispensation des soins? De façon générale, la littérature offre quelques pistes à explorer en matière d'évaluation économique des modes de dispensation des soins. Ces pistes soulèvent le plus souvent des enjeux méthodologiques pointus sur la mesure des coûts et des effets. On souligne les difficultés d'estimer les effets du recours à l'hospitalisation où par exemple, au Québec, on pense que les indicateurs de performance actuels sont un pauvre reflet de la performance hospitalière réelle29. On souligne aussi la difficulté de mesurer adéquatement les coûts où il faudrait obtenir des coûts par patient, bien répartir les dépenses communes et tenir compte du taux d’occupation des lits9,26. Au Québec, on craint que les données manquantes ou l’omission de la prise en compte des économies d’échelle introduisent des biais importants dans les évaluations que

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l'on voudrait réaliser29. De plus, pour avoir le coût d’opportunité, il faudrait aussi le coût des bénévoles et mesurer la perte de temps libre pour le patient9. On fait aussi des mises en garde à l'effet que les décideurs doivent savoir que les incitatifs financiers complexes peuvent masquer les coûts réels des soins à domicile30. Certains laissent voir que l'évaluation doit passer par un processus négocié. Le défi important serait le focus sur les questions de politique à débattre de façon à mettre en évidence les coûts et bénéfices pertinents afin de permettre l’évaluation des changements de bien-être résultant des changements dans la dispensation des soins16. La littérature s'attarde donc à des questions particulières sans offrir une vision globale pouvant guider sur l'opérationnalisation de la mesure du coût d'opportunité. En résumé, une revue de littérature classique sur l'approche du coût d'opportunité soulève plus de questions qu'elle n'apporte de réponses. De plus, les données empiriques semblent difficiles à trouver. Avant d'entreprendre une étude selon cette approche, il faut donc s'assurer de la faisabilité d'en opérationnaliser la mesure. Ainsi, une analyse critique de la littérature s'avérait donc essentielle.

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RÉSULTATS

RÉSULTATS DES GROUPES DE DISCUSSION La discussion concernant le cas du CHARL s’est déroulée autour de deux grands thèmes que sont l’évaluation et la prise de décision avec des allers retours fréquents entre ces thèmes. Pour discuter efficacement de l'utilité de faire une analyse du coût d'opportunité, les participants ont senti le besoin de rappeler les caractéristiques générales de la prise de décision en matière d'allocation des ressources. Le cas discuté étant une intervention complexe et déjà implantée, les participants ont positionné la question du coût d'opportunité dans une discussion plus large concernant l'évaluation. Ainsi furent discutées les méthodes d'évaluations, leurs aspects techniques et les implications pour les évaluations tant en mode prospectif que rétrospectif. La discussion concernant le cas de la méningite s’est déroulée autour de trois grands thèmes que sont la prise de décision, le rôle de l'information que ce soit en terme des besoins d'information, de la circulation de l'information en général et dans les médias, et l'évaluation par le biais de la mesure du coût d'opportunité. Les participants ont décrit les caractéristiques de la prise de décision notamment la prise de décision en situation de crise, de même que la façon dont les décideurs établissent leurs priorités, particulièrement à travers leurs perceptions de l'opinion publique. Ils ont de plus abordé les questions touchant l'information et proposé des solutions visant à combler les lacunes au niveau des informations disponibles et de la diffusion d'information pertinente tant pour le décideur que pour la population. Dans les deux cas, une attention particulière a été accordée aux enjeux touchant l'évaluation économique et on a discuté plus précisément des enjeux spécifiques liés à la mesure du coût d'opportunité. Ainsi les participants, après avoir souligné un certain nombre de contraintes, ont confirmé la pertinence du coût d'opportunité pour soutenir la prise de décision et ont proposé bon nombre de solutions concrètes pour en opérationnaliser la mesure. Ce sont ces résultats qui sont présentés dans la prochaine section. Les résultats des discussions portant sur les thèmes de la prise de décision et de l'information sont disponibles à l'annexe A.

Coût d’opportunité

Contraintes L’évaluateur est limité par les conditions imposées par son mandat. De plus, souvent l’analyste confond ce qu’il perçoit comme les besoins d’information du décideur avec les besoins réels de ce décideur. Le risque pour l’évaluateur lorsqu’il identifie les avantages et les inconvénients, est de ne retenir que ceux exprimés par les groupes les plus influents. Certains obstacles émergent du fait qu'il est difficile d'obtenir à temps de l’information pour évaluer toutes les composantes d’une intervention. Il arrive aussi qu’on ne puisse pas toujours mesurer le coût d’opportunité par manque de temps. Une autre contrainte est que les études

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sont coûteuses. De plus, pour être acceptées, les études doivent être comprises et les auteurs devraient faire plus attention au niveau de complexité du langage utilisé dans ce type d'études. Il y a des limites au niveau des aspects techniques de ce calcul et au niveau de la disponibilité des données. Il y a des contraintes méthodologiques. Comparer les coûts peut être faisable mais comparer des résultats de nature différente obtenus dans des contextes, dans des lieux ou des secteurs d’activités différents est problématique. De plus, certaines composantes de l’intervention peuvent bien fonctionner et d’autres pas et il devient difficile, dans ce cas, de savoir quel jugement poser, alors qu'on n'a pas d'indicateurs permettant de le faire de façon satisfaisante. Aussi, il faut se demander comment agréger une série d’indicateurs en plus de se demander comment comparer une option à des alternatives dans d’autres secteurs. Ainsi, il y a une limite à la comparaison, et cette limite est liée à la comparabilité des conditions d'où sont tirées les données. Une limite des études économiques est liée au fait que souvent elles prédisent l’efficacité théorique sans faire le suivi de l’efficacité d’utilisation. Il y a aussi le temps requis pour voir se manifester les impacts sur la santé. Une autre difficulté consiste à prendre en compte la mesure de la satisfaction ou de l’opinion de la population en raison du fait qu’il n’existe pas de consensus sur les valeurs à privilégier. Une autre limite est liée au processus de décision où le montant de l’allocation en santé est décidé centralement et que par la suite, le décideur ne peut plus faire de l’allocation intersectorielle, il doit maximiser les bénéfices dans son secteur avec cette allocation. De plus, outre le fait que le décideur n'est pas habitué à évaluer en terme de coût d'opportunité, les méthodes de comptabilisation actuellement en place sont limitées en étant par secteur et non par cas. Il y a aussi des problèmes au niveau du calcul des coûts, à savoir comment imputer correctement la valeur des services communs. En fait, il n'y a pas d'études parfaites et cela fait en sorte que si la conclusion ne fait pas l'affaire de certaines personnes, elles vont critiquer l'étude. Mener une étude du coût d'opportunité ouvre donc le flan à la critique. Une des contraintes est liée au manque d’intérêt du décideur si les gains ne sont pas dans son secteur. D'ailleurs l’approche économique théorique de l’efficience a ses limites parce que certains objectifs politiques empêchent les décideurs de faire ce qu’ils veulent en cette matière. Il faut savoir qu'il y a, tant pour les politiciens que pour les décideurs des limites à user de la rationalité économique dans le processus décisionnel. Malgré la rigueur des évaluations, dans les situations de crise, c'est le coût d'opportunité du politicien qui est pris en compte. Par exemple, on ne verra jamais un ministre répondre à un journaliste qu'on a laissé mourir 20 personnes alors que c'était évitable et ce, même si on disait que l'intervention est susceptible de causer le décès de certaines personnes. En effet, c'est encore plus socialement inacceptable

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de mourir suite à l'absence d'intervention alors qu'il en existe une, que de mourir des suites de l'intervention car lorsqu'on intervient, on peut dire "j'ai tout fait ce qu'il est possible de faire". De plus, il faut que les décideurs acceptent de respecter leur champ de compétence en fonction de leur niveau de décision. Malheureusement le système d’imputabilité n’est pas toujours clair, ce qui réduit l’intérêt du décideur pour la gestion efficiente des ressources. Ainsi la gestion en silo rend difficile la capacité d’estimer les transferts de coûts. Ceci fait en sorte que même si on avait l’information sur le coût d’opportunité, on n’a pas vraiment d’idée comment le décideur pourrait s’en servir en raison des divers paliers de prise de décision. Lorsque la décision est prise par le politique pour des raisons politiques, il est possible qu'on ne souhaite pas trop la réalisation d’évaluations. Quand le coût d’opportunité est purement politique, cela accentue donc la difficulté de proposer des façons de le mesurer qui seraient adéquates. De plus les agendas politiques laissent rarement le temps d’estimer les coûts et les effets. Le critère économique malgré son utilité ne sera jamais le seul critère dans une prise de décision. S’ajoute à cela en situation de crise, toute la pression à agir qui s’exerce sur le décideur, où ce dernier doit décider rapidement et les choix peuvent être déchirants. L’accès à de l’information valide, prête à temps, qui permet de répondre aux besoins des décideurs demeure donc un enjeu en situations de crise. Il y a plusieurs contraintes liées au processus décisionnel lui-même et au fait que les études économiques soulèvent des questions éthiques. Même si pour des interventions non complexes comme c’est souvent le cas dans les situations de crises, où on est très bien outillé pour faire des études coût efficacité, car on a des données qui permettent de déterminer la modalité la plus efficace, on a des données sur les effets secondaires et des données précises sur les coûts, le problème est que cela soulève la question de la valeur de la vie et que là, personne ne veut se prononcer. Il demeure donc difficile, voir impossible, de fixer une norme de décès acceptable et de penser que quelqu’un puisse aller la défendre. Les études qui, directement ou indirectement accordent une valeur à la vie, sont donc susceptibles de déplaire aux décideurs. De plus, la hiérarchisation des interventions en fonction des priorités suscite des débats, en autres, parce que ce n'est pas la même clientèle qui est touchée. Dans les situations de crise, le fait que la population n'accorde pas une valeur égale à la vie dépendant de la catégorie d'individus ou des circonstances de la crise, complique l'analyse. D’autant plus, qu’on le veuille ou pas, les préférences temporelles s’appliquent et les gens, tout comme les décideurs vont favoriser une injection d’argent là où les impacts sont immédiats plutôt que dans la prévention. La rationalité scientifique des études a donc peu de chance d'être prise en compte dans les situations de crise, et l'application de décisions optimales, comme de rendre disponible

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l'intervention uniquement aux individus à risque, est souvent difficile, tout comme le transfert de fonds vers des interventions plus efficaces mais moins spectaculaires.

Pertinence Même si on aimerait bien savoir s’il est théoriquement possible de calculer combien une société doit investir pour avoir une population en santé, on ne peut avancer une réponse sur la hauteur du financement requis, ce qui justifie l'évaluation cas par cas. De façon générale, il ne faudrait pas que l’évaluation paralyse l’action, d'où la nécessité d'évaluer la pertinence d’évaluer. En fait, il ne faudrait évaluer ce qui vaut la peine de l’être en terme de coûts et il n'est pas utile d'initier des études de coût lorsque l'on sait que le critère économique n'a aucune ascendance sur la décision. Donc, même si les coûts sont élevés, il ne faut pas passer trop de temps à évaluer dans les situations de crise où la logique économique a peu de place. Par contre, quand le décideur découvre que c’est dans son budget que les argents peuvent être pris pour le financement des crises, il est porté à accorder de l’importance à la mesure du coût d’opportunité. Ainsi, lorsque la crise risque d'être récurrente, il demeure que cela vaut la peine d'évaluer car on peut tout de même établir la rentabilité des interventions. Autrement, il faut se contenter de mettre en lumière les priorités de santé publique pour voir ce qui aurait pu être fait d’autre avec le même montant dans le but de pouvoir mettre en place des mesures préventives moins coûteuses lorsqu'elles existent. Pour aider à la prise de décision "éthique", on pourrait faire des comparaisons avec des évènements de même nature et ainsi établir des critères de coûts et de besoins de la population. Lorsque le problème est dépersonnalisé, comme dans l'organisation des services, il vaut la peine, de faire des études économiques. Toutefois, il faut au moins s’assurer que le décideur a comme objectif d’investir dans une intervention qui permet d’obtenir le meilleur rapport qualité-prix. Au niveau de la pertinence, le coût d’opportunité aurait l’avantage de pouvoir rassurer le décideur en lui permettant de voir que les résultats de l’intervention mise en place compensent pour les résultats qu’on aurait pu avoir avec l’option non choisie, en plus de lui permettre lorsqu’il fait un choix d’être conscient de ce qu’il laisse tomber. Un autre avantage est que cette méthode tient compte d'abord de l'efficience plutôt que de tenir compte strictement des coûts. Il y a toujours des gens qui contestent et le coût d'opportunité apparaît être une mesure moins contestable, du moins au niveau de la prise de décision macro, où les émotions et les croyances des acteurs amèneraient moins les gens à contester les évaluations. En somme, mesurer le coût d'opportunité est pertinent pour aider à la prise de décision car cela pourrait aider à la prise en compte de la rationalité économique et ce, même dans les contextes de décisions politiques d'une part, en réduisant le poids relatif des critères politiques et d'autre part, en exigeant que le décideur soit plus systématique. De plus, la

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mesure du coût d'opportunité aiderait le décideur en réduisant sa marge d'incertitude d'autant plus que, de toute façon, il évalue intuitivement tous les jours le coût d'opportunité mais peut-être pas de la bonne façon. Le cœur de la discussion demeure de savoir comment faire pour que les argents soient attribués en fonction des priorités. Comme la méthode du coût d'opportunité est envisageable pour évaluer de nouvelles interventions, elle pourrait fournir de l’information pertinente pour aider à la prise de décision au niveau des investissements à faire. Toutefois, le calcul du coût d'opportunité doit fournir plus que des tendances car sinon, le décideur risque de continuer à se fier aux modes. Le coût d’opportunité pourrait aussi être une méthode pour déterminer ce qu’il faut développer ou laisser tomber ce qui faciliterait l’introduction d’autorisations conditionnelles à des réévaluations lors de décisions concernant de nouvelles façons de faire ou l'introduction de nouvelles technologies. La mesure du coût d'opportunité pourrait aussi servir à identifier les composantes de l’intervention à protéger en fonction des attentes des citoyens en cas de difficulté et résultat de l'évolution du contexte. En effet, lorsque les décisions sont complexes, le décideur peut être amené à se prononcer sur la nécessité de poursuivre ou d’arrêter une intervention. L'inclusion de la mesure du coût d'opportunité dans les études de suivi serait une avenue intéressante pour soutenir la prise de décision concernant la réévaluation des interventions, dans la mesure où on prend en compte l'utilisation alternative que l'on fera des infrastructures que l'on abandonneraient. En fait, si le décideur voyait clairement ce qu’il pourrait faire d'autre, le choix serait plus facile.

Méthode Les études sur le coût d’opportunité peuvent être mieux faites et plus complètes. Avant de mesurer le coût d'opportunité, il faut connaître les critères de la prise de décision et identifier les diverses options en relation avec ces critères et, les interventions devraient être évaluées à la lumière de ces critères. En effet, malgré tout ce que l’on aura documenté, il reste que les décisions seront prises en fonction des quelques critères d’importance aux yeux du décideur. Il demeure tout de même possible de donner une valeur à chacun de ces critères et de les inclure dans le calcul du coût d'opportunité. De plus, il ne faut pas oublier que lorsque la décision est rendue par un politicien, son coût d'opportunité est la perte des élections. Le décideur est maintenant habitué à la mathématique des études coût efficacité mais quand il y a des critères éthiques, politiques ou d'impacts sur d'autres secteurs comme les pertes de productivité, il n'est pas habilité à les prendre en compte ou à les apprécier. Il faudrait donc penser à ajouter dans l’équation les considérations du décideur qui sont de cet ordre, et il faut voir comment cela affecte la réponse aux besoins prioritaires des clientèles prioritaires. Les critères devraient pouvoir permettre de tenir compte des contraintes sur les choix, comme les contextes législatifs, les transferts de coûts, les mécanismes d’allocation des ressources et de rémunération, car ces éléments orientent les choix et la façon dont les intervenants vont rendre les services. Il faut aussi se rappeler que les choix de mécanismes ne sont pas neutres,

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et qu’ils peuvent être rattachés à des systèmes de valeurs ou être la conséquence de lobbies politiques. Par ailleurs, compte tenu des forces et faiblesses de chaque critère, il est souvent difficile de les hiérarchiser les uns par rapport aux autres. Il faudrait donc donner de l'information sur chaque critère considéré par le décideur si on veut l'aider. Il faudrait idéalement trouver le moyen de pondérer le critère politique avec le critère scientifique mais cela demeure difficile car ces critères peuvent orienter les décisions dans des directions opposées. Il serait souhaitable, dans les situations de décisions politiques, de se placer dans une perspective sociétale. Lorsque le critère économique a plus de poids que le critère politique, le décideur est plus enclin à demander des études et il doit s'assurer que l'appréciation du critère économique soit réalisée de manière crédible. Un bon moyen d’augmenter la crédibilité serait de confier la réalisation des études à des indépendants. De manière générale, on pourrait établir la pertinence de l'intervention à partir des meilleures interventions réalisables en fonction des objectifs visés, selon une approche normative. Ensuite, il faudrait identifier les problèmes alternatifs, comprendre le contexte, voir si les connaissances sont suffisantes pour envisager une intervention qui s’attaque aux causes des problèmes, établir des scénarios à comparer en terme d’allocations de différents types de services où on peut mettre l’argent pour résoudre ces problèmes. Même si en apparence, il n'y a pas d'options, il arrive qu'on puisse en trouver qui ont un coût d'opportunité et il faut se questionner plus qu’on ne le fait actuellement sur les alternatives possibles. Pour l’évaluation des options, il faut respecter des étapes préliminaires que l'on peut résumer de la façon suivante : d'abord s'assurer du bien-fondé de l'intervention, non seulement au niveau de l'adéquation avec le modèle théorique ou l'atteinte des résultats planifiés mais aussi, en tenant compte des contextes macros; ensuite il faut procéder à l’évaluation des processus d’implantation de l’intervention. Les méthodes de suivi des trajectoires de soins semblent prometteuses pour la mesure du coût d'opportunité car elles permettent d'apprécier l’articulation entre les soins et les partenaires, et la question non seulement des transferts de services, mais aussi des transferts de coûts entre les établissements ou vers les patients. Ces méthodes permettent aussi de se prononcer sur l'optimisation non seulement de la prise en charge clinique mais aussi sur l'optimisation en terme d'utilisation des ressources. Elles permettent donc de poser un jugement sur les enjeux de ré-allocation de ressources. On est capable de déterminer assez facilement les coûts du statu quo et ensuite il est possible de faire une étude de type coût-efficacité d’une nouvelle option en tenant compte des impacts sur les partenaires. Il faudrait toutefois, pouvoir comparer à un ensemble de situations et pas seulement avec l’option de ne rien faire, car on est plus solide si on compare à trois ou quatre options. En effet, d’avoir juste une alternative laisse planer le doute que l’on a peut-être

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comparé à la mauvaise option. En fait, il faudrait pouvoir comparer toutes les options possibles et les classer en terme de coûts les unes par rapport aux autres en incluant l'option de ne rien faire. Lorsqu'on fait face à un projet qui se dit être novateur, il faudrait se questionner sur ce qui constitue ou non une véritable innovation qui pourrait ainsi se soustraire à la comparaison. Il faut s’assurer que la nouvelle intervention est vraiment différente et qu’il ne s’agit pas tout simplement d’un dédoublement. Au niveau des données nécessaires au calcul lui-même, en l'absence de comparateur il est possible de travailler avec des proxys, que l'on obtient en mesurant les coûts dans des structures similaires et en faisant des ajustements et des projections. La population serait plus susceptible d’apprécier la comparaison d’options qui la touche de la même manière. Il faudrait tout de même mettre en parallèle les options préventives et curatives, tout comme prendre en compte les alternatives qui ne sont pas dans le même silo, car pour le patient, la notion de silo ne concerne pas la prise en charge globale de sa problématique de santé. Pour le décideur, il pourrait être pertinent d'élargir la notion d'alternative en prenant en compte les études coût-efficacité qui ont un coût par vie sauvée du même ordre de grandeur même si elles ne sont pas dans le secteur de la santé, ou de regarder ce qui est consenti à des conditions ayant des conséquences similaires lorsque les médias n’y font pas attention, ou encore de regarder de façon large les options d’investissement dans le secteur de la santé. De plus, il pourrait être intéressant de comparer les argents investis par le gouvernement dans les priorités qu’il a identifiées dans chaque secteur. Au niveau des alternatives, ces dernières pourraient bien être dans un autre secteur auquel on ne pense pas naturellement comme la recherche qui, si elle bénéficiait des sommes allouées à l’intervention, pourrait faire des découvertes susceptibles de contribuer à l'obtention de davantage de vies sauvées en plus de générer de l’activité économique. Il faut savoir qu’une intervention peut avoir plusieurs composantes dont certaines peuvent fonctionner et d’autres pas. Toutefois, en ce qui concerne les interventions complexes, il est possible d’évaluer l'intervention par morceau. Il faut aussi voir si l’intervention implique des « trade off » entre les objectifs globaux du système de soins. En fait, ce n’est pas tellement la méthode qui est d’intérêt pour aborder la question du coût d'opportunité mais de proposer quelques indicateurs qui permettent de poser un jugement. C’est seulement après avoir recueilli des données quantitatives avec les indicateurs d’impact et des données qualitatives sur l’implantation, qu'on est en mesure de se demander si on en a pour notre argent. Dans la mesure du possible, il faut utiliser les indicateurs déjà disponibles. Dans des situations impliquant des interventions complexes on peut envisager de mesurer le coût

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d’opportunité en mode rétrospectif pour identifier des coûts alternatifs, donner de l’information plus précise en raison du temps écoulé, et mieux apprécier l’impact politique sur les résultats obtenus avec les indicateurs. C’est en faisant le suivi de l’utilisation qu’on pourrait montrer que des sommes pourraient être transférées d’interventions non optimales à des interventions plus rentables et il faudrait être capable de faire le suivi des interventions comme dans le courant de l’amélioration continue de la qualité ce qu'on ne fait pas suffisamment actuellement. Les études de suivi sont aussi une source d’enseignement. Il y a aussi un intérêt à mettre en place suite à une crise des études de suivi. Il ne faudrait pas hésiter à requestionner les façons de faire. Même a posteriori d'une crise, une évaluation de suivi de type coût-efficacité serait pertinente. Il faudrait procéder selon la méthode habituelle soit d'établir d'abord s’il existe d’autres alternatives dans la prise en charge de la condition, incluant d’envisager toutes les alternatives, pour ensuite identifier la meilleure alternative pour la problématique avant de regarder son coût d’opportunité vis-à-vis d’autres problématiques.

Perspective Le coût d’opportunité peut être apprécié selon plusieurs perspectives ou points de vue comme celui de la population, du ministère, du DG, ou du clinicien. Le choix de la perspective de l’analyse est important au niveau de la mesure des coûts car des économies par exemple, pour le gouvernement n’en sont pas nécessairement pour les patients. De plus, plusieurs interventions impliquent un transfert de coût vers le patient et certains coûts ne sont généralement pas pris en compte alors que du point de vue du citoyen, ils sont susceptibles d'avoir de l'importance. Du point de vue méthode, il faut préciser le point de vue de l’étude. Il faut une perspective claire au départ qui facilite l'identification des gagnants et des perdants. Au niveau de l'évaluation des coûts, on doit donc pouvoir identifier à qui l'intervention profite, car il arrive que des interventions très coûteuses ne soient destinées qu'à une petite partie de la population. Il faut aussi voir l’impact sur les silos et la répartition du pouvoir, car transférer des services implique une perte de pouvoir et de budgets. Il faut savoir que l’appréciation que l’on fera des jeux de pouvoir ou des luttes idéologiques va varier selon le point de vue utilisé dans l’analyse. Il faut aussi regarder les impacts sur les clientèles qui perdent leurs services au profit des nouvelles clientèles. Il faut donc regarder les coûts et les impacts pour ceux qui ne sont pas les clientèles cibles de l’intervention comme par exemple, pour les aidants naturels, car cela permet de voir si l’intervention demeure la plus économique en fonction de tous les points de vue possibles et qu’il ne s’agit pas simplement d’une mesure de transfert de coût ou de responsabilités. Cependant, pour le décideur, il n’apparaît pas souhaitable de se placer uniquement du point de vue individuel du patient parce que les ressources sont limitées. Le point de vue de l’État intéresse les décideurs car ils peuvent envisager des mesures de transfert de coûts, en partant du principe que les patients s’en préoccupent peu car ils ont de l’assurance. Toutefois le point

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de vue de l’État peut être réducteur, car lors de transferts de coûts, certains ne pourront pas se payer l’intervention, ce qui va affecter son efficacité de même que son coût d’opportunité. En fait, la perspective du patient devrait être mise en lumière. Le patient accorderait de l'importance à des critères comme l'efficacité, la fiabilité, l'absence de report des procédures, l'incertitude. Par ailleurs, il y a une tendance à prendre pour acquis ce que sont les préférences du patient alors qu'elles peuvent varier selon les groupes ciblés. Mesurer les préférences avec la méthode de la propension à payer (WTP) est l'avenue généralement privilégiée par les économistes pour palier au problème de mesure des préférences de la population. A priori, il faudrait être capable d'identifier les groupes d’enjeux et de comprendre comment ils vont influencer l’intervention. Pour tenir compte des aspects politiques de la prise de décision, il faudrait examiner le coût d’opportunité du politicien lorsque la décision comporte une composante politique. Pour contrer les problèmes de prise en compte des études scientifiques lors de la prise de décision politique, il serait envisageable d'établir des consensus autour de l'évaluation en consultant différents groupes comme on le fait dans les commissions mais sur une plus petite échelle, ou encore d'inviter les groupes d'enjeux à réagir afin de « légitimer » la méthode en permettant à tous de la commenter. Une autre stratégie pour contrer la critique des évaluations serait d’identifier les éventuels opposants et de tenter de les « coopter ». Cependant toutes ces options risquent de ne pas être applicables dans la plupart des cas.

Effets

Mesure des effets

Résultats cliniques

Malgré les contraintes, il faut tenter de voir les impacts sur la santé ou sur la qualité de vie et l’impact sur la qualité des services, car même une modification des modes d’intervention est susceptible d’affecter la qualité des services. Il faut prendre en compte les contextes locaux, la mise en place de barrières financières ou d’accès qui affectent l’efficacité. Il faut aussi évaluer le niveau d’intensité requis de l’intervention pour atteindre l’efficacité souhaitable. Il faut établir le seuil d’efficacité et le seuil où l’absence de ressources compromet la réalisation de l’intervention, et faire des analyses de sensibilité en fonction par exemple, de l’évolution démographique, et des variations de contexte budgétaire. Il importerait, avant de prendre toute décision, de faire un état de situation concernant les moyens de prévention ou les interventions disponibles et d'évaluer l'efficacité et les risques associés à chacun d'eux, afin de mettre en évidence les meilleures alternatives disponibles, tout en considérant l'option de ne rien faire et tenter d'identifier le seuil de risque jugé inacceptable par la population.

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Au niveau de la mesure des effets, il faudrait tenir compte de l’écart entre l’efficacité théorique et l’efficacité d’utilisation, qui inclue également les écarts de performance entre les intervenants lors de leur graduation par rapport à leur performance après quelques années de pratique. Cette performance qui peut s’être améliorée en fonction de l’expérience ou détériorée par l’absence de mise à jour des connaissances. La mesure des effets n’est prise actuellement que presque exclusivement du point de vue médical et il faudrait y ajouter des critères psychosociaux. Il faudrait donc dans la mesure des effets, faire des sous-groupes en fonction de leurs caractéristiques sociales. L’horizon qu’on se donne pour juger de l’efficacité importe car certaines interventions nécessitent des changements de mentalité qui font en sorte que les effets vont se manifester en bloc après un certain temps uniquement quand les changements seront complétés.

Satisfaction

La mesure de la satisfaction demeure un critère important, car les sondages influencent les politiciens, mais la façon dont on la mesure actuellement comporte beaucoup de limites car, entre autres, on ne pose pas les bonnes questions. En effet, les sondages sont incomplets et on pose des questions dont on connaît les réponses à l’avance. Les sondages sont aussi vulnérables aux questions de représentativité. La satisfaction est plus difficile à prendre en compte quand l’intervention vise une large population plutôt qu’un groupe cible. Il est donc important de prendre en compte des mesures valides de la satisfaction des patients. Comme solutions, il serait envisageable de comparer la satisfaction entre les options ou de mesurer la fidélité comme un proxy de la satisfaction. Il n’en demeure pas moins qu’il importe de tenir compte de la satisfaction de ceux qui reçoivent les soins, car ce sont eux qui y consentent et aussi de la satisfaction de l’électorat car les élus y sont sensibles. La satisfaction n’est pas toujours fonction du résultat de santé et elle peut être mesurée sur les processus. Il serait intéressant d’apprécier le degré de satisfaction envers l’attitude de ceux qui ont donné les soins et de voir la satisfaction sur le degré d’accompagnement dans le système, ou encore de mesurer la perception de ce que les gens jugent prioritaire comme investissement comme par exemple, investir dans les infrastructures ou dans les services. Ainsi on pourrait demander aux gens s’ils seraient contents qu’on utilise l’argent de leurs impôts pour investir dans l’option analysée, ou encore s’ils considèrent que d’investir dans l’option analysée constitue une meilleure utilisation de leur argent par rapport à la situation antérieure.

Organisation

Il faut estimer les effets sur les effectifs. Il faudrait ajouter la mesure de la résistance au changement qui n’est pas prise en compte actuellement et qui affecte l’efficacité des interventions. Il faut donc prendre en compte les impacts sur les conditions de travail et

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établir les liens entre les incitatifs et la résistance au changement. Il y a aussi tous les effets sur les responsabilités des professionnels et les pratiques défensives qui peuvent en résulter. Il faut voir si le partage des responsabilités est clair, car cela peut compromettre l’implantation par l’émergence de luttes stériles, ou encore créer des inefficiences de par le dédoublement de l’intervention. Il faudrait voir les effets non seulement sur les déplacements de clientèle, mais aussi estimer si la population répond tel que prévu. Il faut aussi voir si on a l’impact souhaité en terme de modification des habitudes de consommation de la clientèle ciblée. De plus, il faudrait voir si les gains d’efficience que l’on fait par exemple, en transférant des clientèles vers des ressources moins lourdes rejoint vraiment la population ciblée comme pouvant bénéficier de cette intervention. Il faut apprécier la dynamique vis-à-vis l’offre de services et déterminer si l’intervention va permettre un gain de productivité pour traiter plus de cas d’une clientèle déjà desservie, ou encore s’il s’agit d’une substitution où on va desservir une nouvelle clientèle au détriment d’une ancienne clientèle.

Effets non planifiés

Il faut tenir compte des effets indésirables. Ainsi, il faudrait obtenir et diffuser à la population une information complète tant au niveau des effets positifs que négatifs. Il faut voir si les objectifs de l’intervention ne sont pas conflictuels où par exemple, un objectif d’équité d’accès peut être en conflit avec le rapport risque bénéfice. Cela signifie aussi d’identifier les externalités tant négatives que positives et les risques de poursuites sont parmi ces effets. Il faut être capable de mettre en lien une série d’indicateurs pour apprécier cela. L’effet de substitution entre les maladies pour une même personne devrait aussi être apprécié (on a évité un accident cardiaque mais on aura un cancer) même si les analyses actuelles ne tiennent pas compte de cette réalité. Parce qu’on regarde les choses en silo, on n’est pas en mesure de voir les impacts sur les autres secteurs. Il faudrait donc regarder l’impact de l’intervention sur les partenaires du réseau, ce qui implique de regarder les interrelations autour de l’impact sur la continuité des soins. Il faut aussi voir dans quelle mesure l’intervention devient un incitatif à la compétition ou à la collaboration. En fait, il faut voir si l’option retenue permet d’optimiser la prestation des services et de prévenir des complications ou des détériorations de l’état de santé.

Mesure des coûts

Pour comparer, il faut pouvoir déterminer d’où vient l’argent qui a servi à financer l’intervention, avant de penser réaliser une étude de rentabilité. Savoir d’où provient l’argent est essentiel pour déterminer les effets au niveau des interventions qui se sont vues amputées de leurs budgets ou encore, d’estimer les effets que l’on aurait pu obtenir des interventions pour lesquelles les investissements ont été retardés. En fait, c’est la seule façon de voir ce que l’on sacrifie. Il est difficile de comprendre où le gouvernement, qui dit ne pouvoir financer des programmes réguliers, trouve de l’argent pour financer les crises. Toutefois, les gestionnaires

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réalisent que lorsqu’il y a une crise, le gouvernement trouve rapidement de l’argent mais que peu de temps après leurs budgets sont coupés, que des projets sont retardés, que des listes d’attente s’allongent. Le plus souvent, le financement semble se faire par une coupure paramétrique rendant ainsi très difficile d’identifier les effets de cette coupure. On devrait être capable de mesurer les coûts des interventions dispensées selon des modalités différentes. Toutefois, on manque actuellement de données permettant de le faire adéquatement. Malgré cela, on peut compenser l'absence de données en établissant des proxys. Il faut tenir compte des options d’investissements, des options possibles en fonction des montants disponibles et des priorités, des coûts même faibles si de ne pas intervenir est perçu socialement inacceptable, des coûts de la logistique, des seuils de rentabilité, des économies d’échelles, des rendements décroissants, du rapport entre les coûts unitaires et les coûts d’infrastructure, du point de vue de chaque acteur touché par les coûts, des prix payés ailleurs, des possibilités d’étalement des coûts, des coûts communs car souvent les décideurs pensent qu’un "overhead" moins lourd permet de dégager des ressources, ou encore de se questionner sur les argents investis dans les systèmes de support, et de l'évolution des coûts car ces derniers ne sont pas statiques. Il faudrait aussi prendre en compte les coûts indirects comme le bénévolat dont la valeur n’est généralement pas prise en compte dans l’évaluation. Il faudrait inclure les coûts de transition d’une option à une autre. Il faudrait aussi tenir compte de l'évolution technologique, car il s'agit d'un facteur clé actuellement de la croissance des coûts dans le système. Il faudrait aussi tenir compte des coûts générés par les médias, d'autant plus que les médias ont aussi un rôle à jouer dans la création des modes. Il faut penser à quantifier des coûts intangibles comme la panique, la peur et la perte de confiance dans le système car cela occupe une place non négligeable dans la prise de décision. Ainsi, ces dimensions se reflètent dans la volonté de payer de la population pour une intervention et ce n’est pas lié à la probabilité du risque. Actuellement on n’apprécie pas les coûts économiques de la gestion de la peur mais qu'il faudrait les connaître. Enfin, il n’est pas suffisant pour une intervention de démontrer qu’elle génère des économies, il faut aussi apprécier ce que l’on fera de ces économies.

Mise en relation des coûts et des effets Le coût d'opportunité n'est pas un critère isolé et il doit être mis en parallèle avec le critère du jeu des acteurs impliqués dans la prise de décision, le critère de l'adéquation avec la mission et les indicateurs de résultats. Tenter d'isoler un critère que ce soit le coût ou les besoins, ne donne pas de réponse aidante pour la prise de décision. Il ne faut pas oublier que l’opportunité peut être non seulement des gains au niveau de l’efficacité des services mais aussi des gains de ressources et, que la mesure implique toujours la mise en relation des coûts et des effets.

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À court terme, on peut estimer des effets sur l’utilisation des services, sur les dépenses et sur la satisfaction. Si on augmente l’efficience en centre hospitalier en transférant des cas moins lourds en ambulatoire, les coûts marginaux vont augmenter dans l’hôpital et il faut en tenir compte. Il faudrait aussi mesurer le coût marginal d’obtention de taux de satisfaction plus élevés. Il faut mettre en relation les coûts des diverses options qui permettent d’obtenir les mêmes résultats. Il y a aussi des interventions qui ne sont pas moins chères mais qui augmentent la qualité de vie, et il faut donc se rappeler que le coût n’est pas le seul facteur qui influence le décideur. Il faut aussi voir les implications au niveau des relations de travail comme les impacts sur les conventions collectives. Actuellement on ne tient pas compte du coût pour changer les pratiques cliniques et les gestionnaires ne prévoient pas d’argent pour cela, alors que sans ce changement de pratique, on peut compromettre le résultat. Lorsque l’intervention implique des changements dans les curriculum universitaires, en plus des coûts de formation d’appoint, on va probablement devoir attendre des années avant d’avoir les économies générées par les effets bénéfiques de ces interventions. Il faut aussi voir le coût d’opportunité de ceux qui doivent modifier leurs pratiques. Au niveau de la mise en relation des coûts et des effets, il faudrait regarder les coûts et les impacts à long terme, ce qu’on ne fait pas assez actuellement. Il faudrait tenir compte de l'évolution des pratiques et de la durée de vie de l'option dans son contexte afin d'apprécier la valeur à long terme de l'investissement consenti à l'intervention. En effet, cette durée de vie de l'intervention est aussi tributaire du degré d'acceptation de l'intervention par les clientèles visées, ce que l'on pourrait apprécier a priori par une enquête et a posteriori par l'analyse des taux de rétention. Il apparaît possible de bâtir des offres de services à partir des besoins de la population et de faire des calculs permettant d'estimer par exemple, les besoins de chirurgie d'un jour, d'hystérectomie etc., pour procéder lorsqu'on a le résultat de cette analyse à l'estimation des coûts administratifs reliés à ces chirurgies, pour ensuite évaluer les meilleures modalités pour les dispenser. Le calcul du coût d'opportunité doit permettre de renseigner sur les avantages que l'on retire de la mise en place d'infrastructures, de mesures de partage de coûts, ou encore de modes de gestion centralisés ou décentralisés. En fait, le calcul à faire serait de déterminer par quoi sont compensées les dépenses supplémentaires liées aux modifications précédemment citées.

Modélisation Les méthodes de simulation ou de modélisation tant en mode prospectif que rétrospectif pour générer les données permettant d'apprécier le coût d'opportunité seraient prometteuses. Pour éclairer la décision, la modélisation est un outil intéressant, peu coûteux et accessible sur le plan technique car les données sont disponibles et cela permet de dégager les tendances. De façon générale, il faut mettre en lien les résultats de la nouvelle intervention avec les résultats que l’on aurait obtenus avec l’intervention qu’on a laissé tomber. Pour ce faire, il

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faudrait identifier tous les scénarios possibles et faire des simulations pour voir la meilleure option. Même si la modélisation peut sembler moins pertinente dans des interventions sans infrastructures, elle peut se justifier en raison du fait que la ré-allocation des ressources est plus facile dans ces conditions. Pour une nouvelle intervention, on peut tout de même modéliser à partir des éléments déjà connus de cette intervention, car il n'y a rien de totalement novateur. La marge d'erreur que provoque la modélisation est préférable à l'absence de calcul. Au niveau de la prise de décision politique, l’évaluation par la modélisation des impacts possibles serait probablement capable de bonifier les débats politiques en ajoutant de la rationalité économique. La modélisation pourrait peut-être permettre d’être proactif aux commentaires des groupes d’enjeux sur le réalisme des scénarios proposés. Il serait utile de compléter les études de simulation ou de modélisation par des études de suivi sur le terrain des projections obtenues afin de comprendre ce qui marche, ce qui ne marche pas dans le modèle et l’expliquer. Il faut toutefois faire attention aux projections, car on les fait avec notre culture actuelle. L’extrapolation peut être dangereuse si les modélisations à long terme ne s’ajustent pas à l’évolution de l’état de santé durant la période couverte. Toutefois, même si on ne peut enclencher des études prospectives en situations de crise, de façon préventive, on pourrait faire des analyses et modéliser divers scénarios comme l’étalement des coûts de l’intervention notamment pour amoindrir les impacts budgétaires. Les résultats qui émergent de la tenue des groupes de discussion sont riches. En effet, les participants ont élargi la perspective d'analyse, souligné les aspects susceptibles d'améliorer la pertinence pour la décision des analyses économiques et proposé des solutions réalistes et pragmatiques aux défis que représente la mesure du coût d'opportunité.

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Nouvelle revue de littérature : Faits saillants

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NOUVELLE REVUE DE LITTÉRATURE : FAITS SAILLANTS

L’objectif initial de ce projet pilote était, rappelons-le, de réfléchir sur un moyen de mesurer le coût d’opportunité lors de la prise de décision dans le secteur de santé et des services sociaux. Dans cette optique, la revue de littérature visait à cibler des méthodes susceptibles d’être prometteuses en vue d'une application pratique tout en permettant de connaître les enjeux relatifs à la mise en œuvre de ce type d’étude. La revue de littérature réalisée lors de dépôt du ce projet de recherche avait mis en lumière le peu d’écrits tant théoriques qu’empiriques portant sur l'opérationnalisation de la méthode économique du coût d’opportunité. En effet, bien que plusieurs études soulignent la nécessité de réaliser des études du coût d’opportunité, allégeant qu’il s’agit là de la méthode la plus pertinente pour répartir de façon efficiente les ressources disponibles, on trouve peu d'études ayant appliqué cette méthode dans la littérature. Il demeure possible, comme le souligne une publication42, qu’une des raisons expliquant ce phénomène, soit que les hypothèses théoriques ne correspondent pas suffisamment à la réalité pratique du décideur. Aussi, malgré une recherche exhaustive, qui s’est étendue au-delà du secteur de la santé, dans des secteurs d’activités tels que le tourisme, l'environnement, l’urbanisme et la finance, un nombre restreint d’articles et de monographies pertinents, dont le cœur était la conceptualisation théorique ou la mise en application pratique de la méthode du coût d’opportunité, ont pu être identifiés. Les préoccupations des études réalisées dans les secteurs autres que celui de la santé sont, par ailleurs, difficilement transférables aux préoccupations et à la complexité entourant la prestation et l’organisation des soins et services de santé. Également, ces études établissent généralement des comparaisons entre deux ou trois alternatives concernant une même problématique. Ainsi, aucune d’entre elles n’aborde la possibilité de faire des choix d’investissements entre des alternatives dissemblables, dans une perspective plus large d’allocation de ressource. Une analyse de coût d’opportunité dans le secteur des transports, par exemple, compare entre elles des stratégies optimales d’attribution de ressources pour la réponse aux accidents sur certaines autoroutes42. Une autre a tenté d’explorer l’application de la technique du coût d’opportunité dans « la résolution des problèmes découlant de conflits d’allocation de ressources naturelles au niveau gouvernemental »41. Les nouvelles publications consultées n’apportent pas ou peu d’éléments nouveaux par rapport à ce qui a déjà été dit dans la section traitant de «l’État des connaissances ». À titre illustratif, citons l'article de Palmer et Raftery39. Ces derniers soulèvent, dans un article intitulé « Opportunity cost », certains arguments entourant les enjeux de la mesure. Ainsi, partant du principe que le coût d’opportunité pourrait être estimé directement à partir des ACE ou des ACU, ces auteurs considèrent que des conclusions inappropriées ou erronées pourraient émerger du fait d’une mauvaise application du concept. La perspective avec laquelle on appréhende la problématique dans ce type d’étude détermine, en effet, largement les coûts et les effets qui y seront intégrés. Ainsi disent-ils « A societal perspective incororporates all the costs and benefits regardless of who incurs or obtains them.

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More restricted perspectives may mask the fact that costs are simply being shifted to another sector rather than being saved » 39. Toutefois, bien que cet argument soit théoriquement fondé, la perspective sociétale est peu susceptible de concrètement aider le décideur tel que souligné précédemment. Deuxièmement, les auteurs déplorent l'utilisation des coûts moyens « the incremental rather than average cost effectiveness ratio should be estimated ». Également, le choix de comparaison dans une ACE peut avoir une incidence importante sur la mesure du coût d’opportunité. La comparaison doit être faite entre toutes les options potentielles, y compris l’option de ne rien faire. Ainsi selon les auteurs « failure to select an appropriate comparator may make the intervention appear more cost effective than it should, leading to wrong estimates of the opportunity cost »39. Or, dans le secteur de la santé, l’option « ne rien faire » s’avère souvent être une option non éthiquement défendable et ce, même si les options disponibles n’ont pas un ratio de coût-efficacité qui soit concluant et ce, c'est sans compter que les comparaisons les plus pertinentes concernent le plus souvent des alternatives n'ayant pas une mesure commune de résultats. Malgré le peu d’informations recueillies concernant directement la méthode du coût d’opportunité certains principes permettant de faciliter la prise de décision ont émergé de la littérature consultée. L’un d’eux serait d’examiner la problématique d’allocation de ressources non pas à partir de variables permettant de connaître le gain de santé ou le ratio coût-efficacité, mais à partir d’un nombre limité de questions ou de critères de décisions qui permettraient, en tenant compte de différents paramètres contextuels, de déterminer la meilleure décision. Cette solution trouve aussi écho dans les commentaires des participants aux groupes de discussion. C’est ce qu’on tenté de faire Gyldmark et Alban dans un article qui tentait de dresser un modèle générique permettant de réaliser des évaluations économiques de programmes d’éradications des maladies44. Considérant, en effet, que les ACE, ACU ou ACB ne sont pas en mesure de prendre en considération bon nombre d’éléments contextuels, dont les points de vue des différents acteurs, le temps disponible pour mener de telles analyses, etc., les auteurs ont abordé la problématique à partir d’un ensemble de questions telles que : Quelles maladies peuvent être éradiquées ? Y a-t-il des stratégies alternatives ? Quels sont les coûts potentiels de l’éradication et qui est le payeur ? Quelles sont les relations entre les payeurs et les bénéficiaires ? Quelles informations sont requises pour étudier les coûts et les bénéfices ? Comment cette information peut être obtenue et quelle est la validité des données ? Quels sont les aspects d’équité dans l’éradication ? Cette méthode est intéressante entre autres, parce qu'elle offre la possibilité de définir qui sont les gagnants et qui sont les perdants lors d’un processus d’allocation de ressources. Une autre alternative à l’utilisation d’ACE serait peut-être de faire des analyses coût-conséquence (ACC). Bien que rarement employées, les ACC donnent plus de flexibilité et posent moins de problème sur le plan technique aux chercheurs que les ACE. L’ACC se définit comme une analyse « … in which costs and effets are calculated but not aggregated into QUALY or cost-effectiveness ratios »72. Ainsi, l’ACC se présente plus ou moins comme une analyse où des composantes de coûts (coûts médicaux directs, coûts indirects) et de résultats (impact sur la qualité de vie, résultats cliniques) sont présentés mais non agrégés.

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Ainsi cette approche définit et mesure l’ensemble des éléments pouvant être considérés dans une décision, mais sans en définir préalablement le poids relatif. Elle permet aux différents groupes de décideurs qui ont des perspectives, des responsabilités et des besoins différents d’avoir accès à l’information dans un format simple. Chacun peut donc utiliser cette information pour les besoins qui lui sont propres et définir le poids relatif de chaque item. La pertinence des ACC a aussi été soulignée lors de la tenue des groupes de discussion. Également, un bel exemple d’une étude locale qui démontre que les décisions se prennent plus souvent qu’autrement sur un nombre restreint de critères et pas nécessairement sur ce que recommandent les études économiques est celle de Heller, Edwards et Mc Elduff73. Dans cette étude, les auteurs ont développé une mesure d’impact sur la population basée sur une dizaine de critères incorporant des indicateurs d’impacts, des informations sur les coûts ainsi que quelques données démographiques et épidémiologiques. Évidemment un des enjeux majeurs dans un tel modèle, tout comme pour les modèles précédemment exposés, concerne l’accessibilité à des données fiables et la valides. La modélisation est également perçue comme une méthode pertinente dans le processus d’allocation et de priorisation des ressources. La modélisation est en effet utilisé dans un certain nombre d’études pour répondre à des questions d’allocation de ressources43,65. Angus et al., dans un article65 dont le but était de déterminer quels changements pourraient à la fois maximiser les résultats et optimiser l’utilisation des ressources dans le système de santé canadien, ont effectué un travail très intéressant basé sur une modélisation de données comptables. Bien que ce modèle comporte certaines lacunes, ce type d’exercice demeure intéressant. De plus, dans les groupes de discussion, l'utilisation de la modélisation comme solution technique fait consensus. L'idée de classer les alternatives de façon ordinale plutôt que cardinale a aussi été proposée42. Cette approche a l'avantage de respecter la logique théorique tout en réduisant les défis techniques posés par la mesure des effets.

ALLOCATION BUDGÉTAIRE ET PRIORISATION Pour répondre aux questionnements et aux préoccupations soulevées lors des groupes de discussion, la littérature traitant de l’allocation budgétaire et de l’éthique allocative a été investiguée. La littérature portant sur la priorisation et l’allocation budgétaire révèle que, bien que les ACE soient les analyses les plus fréquemment effectuées en économie de la santé64, elles sont rarement employées dans le processus décisionnel64,52,72. Plusieurs raisons expliquent ce phénomène dont le fait que plusieurs études sont réalisées dans un contexte particulier ce qui limite la transférabilité des résultats de l’étude à un autre contexte d’application. Il se pourrait qu’une partie de la réponse se situe aussi dans l’écart entre les intérêts théoriques des chercheurs et ceux plus pratiques des décideurs. La facilité d’utiliser l’information de la recherche pourrait également être mise en cause63. Il semblerait, par ailleurs, que certaines

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pressions locales, nationales et politiques exercées auprès des décideurs annuleraient très souvent l’impact initial de l'acquisition de données de recherche53. Paradoxalement peut-être, l’un des problèmes les plus criants pour soutenir les décideurs lors d’un processus d’allocation et de priorisation des ressources est le manque de données pertinentes et valides. Bon nombre d’études font état du manque d’informations mises à la disposition des décideurs tout particulièrement en ce qui concerne le contexte et l’utilisation locale des soins de santé. Ces données seraient, semble t-il, d’avantage réclamées que celles issues de la recherche52. La question concernant la facilité d’utiliser l’information de la recherche est également soulevée. Les évaluations économiques ne seraient pas présentées dans des formats conviviaux. Le besoin d’information varie également en fonction du décideur, de ses perspectives et responsabilités ainsi que du contexte de la décision72. Malgré tout, peu importe la quantité des données existantes, des décisions doivent être prises. Dans cette optique, d’autres stratégies que des études économiques sont couramment utilisées par les États pour orienter et délimiter les soins et services à donner à la population. Parmi ces stratégies notons, entre autres, la mise en place de liste d’attente, la mise en application de la logique « premier arrivé, premier servi », l’identification des services non requis, l’identification de paires de traitements-diagnostics (e.i. Oregon), la mise en place de directives (e. i. guidelines), la décentralisation des décisions d’allocation et d’utilisation au niveau des programmes et des unités57,58,59,61. Au Canada et au Québec un des processus couramment utilisé est l’allocation budgétaire sur des bases historiques. Cette pratique a l’effet pervers de minimiser les bénéfices potentiels pour la population puisqu’elle ne remet pas en question l’allocation initiale des ressources. Ainsi, malgré l’évolution des besoins, des technologies, des pratiques, de la démographie et malgré le fait que de nombreux travaux ont été faits sur le sujet, la base budgétaire des établissements québécois a été révisée pour la dernière fois en 1977. Sans processus de réévaluation systématique, les budgets en santé vont continuer à être alloués simplement parce qu’ils l’ont toujours été et pas nécessairement parce qu’il y a des besoins correspondants. De plus si, comme nous l’avons dit plus tôt, le politique joue un rôle déterminant dans le processus d’allocation de ressources, et il semblerait que le processus d’allocation budgétaire selon des bases historiques favorise tout particulièrement cette situation52. En Oregon, on a tenté de solutionner le problème de l’allocation de ressources en constituant avec l’aide de différents groupes d’intérêt dont des médecins, des infirmières et des représentants du public, une liste contenant plus de 700 paires (la liste est modifiée d’année en année) de traitements-diagnostiques classées et ordonnées par ordre de priorité. Cet ordonnancement devait initialement être basé sur des analyses coût efficacité, mais on y a greffé un certain nombre de valeurs et de critères: prévention, qualité de vie, années de vie sauvées, capacité fonctionnelle, coût-efficacité, compassion de la communauté, santé mentale et toxicomanie, bénéfice, impact sur la société, équité, efficience du traitement, responsabilité personnelle et choix personnel. Une récente étude a, par ailleurs, démontré que si l’Oregon a

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été le premier à tenter d’utiliser la méthode du coût-efficacité pour prioriser ses services de santé, il n’utilise plus le coût-efficacité pour rationner les soins54,55. Plus près de nous, en Alberta, on a récemment réalisé une étude51,51,56 pilote sur l’utilisation de la budgétisation des programmes et de l’analyse marginale (PBMA) pour l’établissement des priorités régionales de financement. Selon les auteurs de cette étude, le PBMA vise à aider les autorités de santé à allouer les ressources de façon à ce que l'impact sur les besoins de santé de la population locale soit maximisé tout en tenant compte des questions d’efficacité et en permettant d'identifier les gagnants (en fait « qui » reçoit les ressources). Cette méthode permet aussi de considérer les aspects d’équité. Le PBMA relie deux concepts fondamentaux de l’économie : le coût d’opportunité et l’analyse marginale « … the primary goal of priority setting is to maximize the benefits and minimize the opportunity costs of a given set of resources. This fits with the objective of planning for optimal service provision, in making the most of resources available by deploying them across programs so that the overall benefit is maximized» 51. Le PBMA comporte cinq questions fondamentales. Les deux premières concernent la budgétisation des programmes et les trois autres l’analyse marginale. Ces cinq questions sont :

1. Quel est le montant total de ressources disponibles ? 2. Comment ces ressources sont-elles utilisées (et comment ce modèle de dépense va t-il

de pair avec les activités et les objectifs) ? (la question de savoir où vont et d’où viennent les fonds),

3. Quelle est la « liste de souhaits » ou quels sont les services qui sont les principaux candidats pour recevoir des ressources additionnelles (et quels en sont les coûts et les bénéfices) ?

4. Y a-t-il des services qui pourraient offrir le même niveau d’efficacité avec moins de ressources (ainsi ces services deviendraient techniquement plus efficients, laissant des marges budgétaires pour implanter quelques items sur la « liste des souhaits »),

5. Si des améliorations d’efficience technique ne sont pas possibles, y a t-il des services qui peuvent recevoir moins de ressources parce qu'ils ont un faible niveau d'efficacité par dollar dépensé en comparaison avec des services sur la "liste de souhait" ?

La budgétisation des programmes sert de point d’appui à ce modèle, l’analyse marginale permet ensuite d’examiner comment le panier de services est susceptible d’altérer l’efficience et l’équité dans la région. Il s’agit d’un cadre pragmatique qui permet aux décideurs d’examiner les options disponibles pour la prestation de services, et d’utiliser les ressources de façon à en tirer le meilleur bénéfice56. Malgré l’intérêt de ce modèle, un problème majeur concernant sa mise en application demeure. Comment, en effet, concrètement répondre à ces questions qui demandent une quantité importante de données dont certaines existent et d’autres pas. Il est donc important de se questionner plus à fond sur la faisabilité et l’applicabilité de ce type de modèle. Un second problème soulevé par ce modèle (ainsi que dans plusieurs autres modèles ci-haut

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mentionnés) est qu’il ne prend pas en compte les préférences des utilisateurs des soins de santé et du public en général. En effet, traditionnellement plusieurs niveaux décisionnels (i.e. micro, méso, macro) - ayant souvent des perspectives et des intérêts divergents - sont mis à contribution dans le processus d’allocation et de priorisation des ressources, mais la population, elle, est rarement consultée dans ces processus décisionnels.

Intégration des préférences du public Il existe tout un débat entourant l’importance d’intégrer les préférences des utilisateurs et du public en général dans le processus de priorisation services de santé et plus généralement dans la prise de décision70. Plusieurs raisons sont évoquées pour expliquer cet appel croissant à la participation du public66. D’abord, cette participation est considérée par plusieurs comme un droit constitutif des grandes démocraties. Ensuite, l’implication du public permettrait, semble-t-il, d’augmenter la transparence dans le débat entourant la priorisation des ressources. D’autres diront que la population est la mieux placée pour définir et évaluer les dimensions de la santé et de la qualité de vie qui devraient être incluses dans les évaluations économiques en santé et que, d’autre part, l’implication du public dans le processus décisionnel aurait pour effet d’augmenter l’imputabilité des fournisseurs de soins66. Mais tous ne sont pas d’accord avec cette idée. Ainsi, certains craignent plutôt d’être confrontés à la « dictature du non informé ». Ils considèrent en effet qu’il y a un danger réel à une trop grande utilisation du jugement de la population dans ce type de décision car celle-ci est souvent informée de façon inégale. Ce type de crainte a été soulevé par les participants aux groupes de discussion, notamment dans le groupe des représentants de la population. Dans ce débat, deux aspects sont généralement abordés. Le premier aspect est un débat méthodologique entourant la définition de moyens légitimes et faciles à mettre en œuvre pour consulter les membres d’une population afin d'obtenir leurs préférences. On se questionne sur le comment obtenir les différents points de vue. La littérature fait état d'un certain nombre de techniques pouvant être utilisées pour connaître les préférences de la population dans le processus de priorisation et d’allocation de ressources. Les principales sont : jury de citoyens, études de satisfaction, scrutins, méthode du consensus (Delphi), focus groups, WTP48. Certains auteurs considèrent que les méthodes permettant d'identifier les valeurs de la communauté devraient nécessairement incorporer la notion de coût d’opportunité et refléter les préférences des individus. Parmi celles mentionnées ci-dessus, seul le WTP contiendrait ces deux propriétés selon les économistes48. Cependant, une autre technique fort prometteuse sur le plan de la méthode pour aller chercher les préférences de la population est celle du Discrete choice modeling (DCM). Selon Farrar et al., le DCM « … can be used to estimate « benefit scores» and , therefore, produce output that can be used within an economic evaluation framework to assist the process of priority setting » 48. Dans cet article, les auteurs ont exploré l’utilisation de DCM, pour obtenir le point de vue des planificateurs de soins de santé, des intervenants et des usagers pour la priorisation de l’allocation de ressources. La technique utilise un questionnaire qui permet de choisir entre des scénarios hypothétiques impliquant différents niveaux de caractéristiques qui ont été identifiées comme importantes pour la prestation d'un service de qualité. Des informations concernant les coûts sont ensuite combinées aux "scores de bénéfices" pour

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établir un ratio de type coût par unité de bénéfice pour chaque proposition. Cette technique pourrait être utilisée pour prendre en compte différents points de vue dans les exercices de priorisation et produire des résultats pouvant être intégrés dans l'évaluation économique. Certains auteurs, dont Schwappach70, considèrent malgré tout que, même si de nombreuses méthodes ont été expérimentées pour développer une formulation qui reflèterait les préférences du public, toutes sont à un stade expérimental et aucune n’est actuellement appliquée dans les études d’évaluation économique. Le deuxième débat est un débat éthique sur la place que devrait prendre les préférences du public dans la décision. Le débat s’attarde sur des questions telles que, quels critères ou dimensions devraient être intégrés dans le processus de priorisation ? Comment les point de vue différents peuvent être incorporés dans l’approche choisie de priorisation ? Comment réconcilier les préférences avec d’autres facteurs comme les données probantes ? 48, 66 Il semble que la littérature offre peu de réponses satisfaisantes à ces questions.

Critères d’allocation des ressources Un des aspects importants du débat portant sur le processus d’allocation et de priorisation des ressources concerne les critères à intégrer dans les délibérations. Il s’agit là d’un débat qui soulève plusieurs questions d’éthiques et controverses. On sait déjà que l'approche de maximisation des gains de santé se fait sans trop se soucier de la distribution de ces gains entre les individus69. Cette approche n'est toutefois pas la seule à poser problème. D’autres types de facteurs discriminatoires sont également discutés ou intégrés dans les études d’allocation et de priorisation de ressources. Les plus courants sont ceux de l’âge, du statut socio-économique, de l'histoire médicale, du style de vie, de l’espérance de vie, de la qualité de la vie après le traitement69,72,53,57. Schwappach les divisent en deux classes conceptuelles : les caractéristiques concernant les patients et les facteurs concernant les effets de l’intervention sur la santé70. Fijn et al. vont sensiblement dans le même sens. Ils ont exploré et catégorisé différents critères dans un article traitant de l’introduction des aspects éthiques dans la décision d’allocation des médicaments dans les hôpitaux57. Leur article démontre en effet que plusieurs critères de sélection de patients sont couramment utilisés dans la décision d’allocation des médicaments. On peut répartir ces critères en trois principales catégories. Le critère médical, qui englobe les données probantes d’efficacité et de sécurité qui est, selon les auteurs, les plus importantes et les moins ambiguës, les autres critères scientifiques et les critères sociaux. Les auteurs soulignent que, dans plusieurs pays, les critères sociaux (d’âge, de style de vie, de genre, d’orientation sexuelle, etc.) ont été officiellement exclus des processus décisionnels pour des raisons éthiques, mais il semble qu’ils sont encore utilisés soit inconsciemment, involontairement et même parfois tout à fait consciemment. Les discussions entourant ces facteurs discriminatoires témoignent, semble t-il, d’une variété de valeurs et de perspectives sociales70. Ces valeurs prennent souvent racines dans des principes plus fondamentaux de justice, d’équité, d’égalité, de bien commun et d’autonomie décisionnelle (droit individuel vs droit collectif) et sont souvent mises en parallèle avec des

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notions de coûts, d’efficience, d'efficacité et de sécurité48. D’autres valeurs peuvent venir s’ajouter à ces grands principes. Dans une étude réalisée récemment au Canada, Kluge et Tomasson ont entre autres, noté les valeurs suivantes : durabilité, équité dans l’emploi, équilibre entre les besoins financiers et les besoins de services, fidélité et intégrité, respect des patients, stabilité politique, niveau de couverture, etc. 70 L’équité en santé est une cible dans plusieurs pays et organismes internationaux dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS)67. La littérature présente une variété d’interprétations de ce qu’est l’équité dans le secteur de la santé. Probablement que le principe le plus connu est celui de la « distribution accordée en fonction des besoins » qui signifie « à besoin égal, traitement égal ». Culyer et Wagstaff ont quant à eux exposé quatre principes de l’égalité « with regard to their effects on distribution of health » 67 : 1- l’égalité de la dépense per capita; 2- la distribution correspondant aux besoins; 3- l’égalité de santé; 4- l’égalité d’accès. Ils ont conclu que le principe de « l'égalité de santé » était probablement le plus approprié67. En économie, une des interprétations majeures de l'équité correspond à un principe « equity as choice » pouvant être interprété de la façon suivante : « A situation is equitable if it is the outcome of individual choosing over equal choice sets. The meaning when applied to health is : if an individual ill health results from factors beyond his or her control then the situation is inequitable ; if it results from factors within his or her control then it is equitable » 67. Les tenants de l’approche de l’efficience soutiennent que la distribution équitable n’est pas une notion importante et soutiennent qu’il faut d’abord et avant tout de maximiser les gains de santé. À l’opposé, Ian Kennedy soutient que la première préoccupation de la société dans un processus l’allocation et de priorisation des ressources publiques devrait être celle de la justice. Les principes de la justice égalitaire et de respect de la vie dépassent selon lui toute autre question relative à la décision. Le fondement pour distribuer la justice est la notion d’équité vu au sens où il est équitable pour une personne ayant besoin de soins de santé d’avoir un accès aux soins pour lesquels la société est raisonnablement en moyen de payer61. Il semble - bien qu’on y fasse peu référence - que deux théories éthiques opposées soient à la base de ces différentes perspectives: l’approche déontologique et l’approche utilitariste. Les deux approches ont un vocabulaire similaire, ce qui occulte le fait qu’elles ont une logique et des implications pratiques différentes et que les valeurs à la base de ces approches peuvent s’avérer être antinomiques47.

Deux approches : Éthique déontologique – Éthique utilitariste L’approche déontologique est associée à une éthique individualiste du droit, de la vertu et du devoir. Pour les tenants de l’approche utilitariste, l’allocation des services est basée sur le principe de: « faire le mieux pour un plus grand nombre » 61,62. Cette approche est supportée par les tenants de l’efficience pour qui il est important de maximiser le bien-être et l’utilité collective. Contrairement à l’approche déontologique, la distribution n’est pas un principe important dans l’approche utilitariste67. Certains auteurs suggèrent également que traditionnellement l’éthique médicale est fondée sur la théorie de la vertu et du devoir62 alors que l’approche utilitariste serait généralement utilisée par les économistes intéressés par la maximisation des bénéfices sociaux de soins de santé62.

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Tel que mentionné précédemment, au moins trois niveaux décisionnels (micro, méso, macro) se partagent la responsabilité du processus d’allocation et de priorisation des ressources et les délimitations de chacun ne sont pas toujours clairement définies. Il n’est pas clair non plus que la perspective avec laquelle les différents niveaux décisionnels appréhendent les décisions soit uniforme. Une récente étude canadienne menée par Kluge et Tomasson a par ailleurs démontré que certaines difficultés dans la prise de décision, spécifiquement au niveau macro, sont souvent le résultat de perspectives éthiques contradictoires entre différentes catégories de décideurs. Il semblerait en effet que certains décideurs prennent d’avantage de décisions dans une perspective utilitariste alors que d’autres prennent d’avantage une perspective déontologique47. Les premiers ont ainsi tendance être influencés par des considérations d’efficacité ou de résultat, mais sont rarement préoccupés par des questions d’iniquités touchant des individus ou des groupes qui ne s’intégreraient pas dans les critères de maximisation des résultats. Cette situation génère parfois des conflits entre les groupes47. Il semble que les intérêts privés influencent également la prise de décision et suggèrent une intrusion de ce que l'on appelle « egoistic teleological ethics » dans le processus de décision47. Le fait, entre autre, que dans certains pays les médecins fonctionnent comme de petites entreprises est en effet un biais par lequel le médecin ne voit plus les soins de santé comme un droit mais comme un produit, ce qui introduirait un biais qui n’a pas sa place dans l’allocation des ressources. Par ailleurs, le système de paiement prospectif basé sur les Diagnosis Related Groupings (DRGs) incite les médecins à limiter l’accès aux traitements coûteux61. Dans cette perspective l’intérêt du patient et celui du médecin peuvent s’avérer être fort divergent.

Pondérer l’équité Bien que des chercheurs canadiens ont déjà proposé un modèle de délibération pour prendre en compte les problèmes éthiques et tenter de contrer le problème des perspectives divergentes59, il n’est pas clair d’établir comment il est possible de résoudre ce problème dans le processus d’allocation et de priorisation des ressources. Dans un article67 Lindholm, Rosen et Emmelin présentent une méthode pour pondérer l’équité et mesurer le "trade-off" entre l’efficience et l’équité. L’idée de base est de décrire une situation d’inégalité entre différents groupes sociaux et ensuite de présenter deux programmes alternatifs pour augmenter la santé et de demander à un groupe d’individus de se prononcer sur la priorité à accorder. Le premier programme est efficient mais n’élimine pas les inégalités, le second est moins efficient mais élimine les inégalités. Les conclusions de leur étude sont à l’effet que les répondants préfèrent une meilleur répartition à une plus grande efficience. Toutefois, les résultats semblent tributaires des groupes sélectionnés et de ce fait, posent les mêmes problèmes que le WTP. Ubel et al. concluent également qu’il y a nécessité de pondérer la notion d’équité dans les analyses économiques. Il semble en effet que l’équité est une notion importante même si elle n’est pas actuellement comptabilisée dans les ACE. Les ACE ont, en effet, la prétention maximiser des bénéfices par dollar dépensé, même si cela signifie de donner des services de

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santé uniquement à une partie de la population. Dans cette étude, les auteurs ont demandé à un juré composé de trois groupes différents (e.i. public en général, éthiciens médicaux, et experts en matière de prise de décision médicale) de choisir entre deux interventions. L’étude démontre qu’une majorité de répondants ont choisi en fonction des caractéristiques d’équité de l'intervention68. Mais, malgré la quantité d’efforts que l’on déploie pour essayer de faire des ajustements et d’insérer des dimensions sociales ou éthiques dans les études économiques ou les processus décisionnels, nombre de problèmes se posent quant au potentiel réel d’utilisation et d’acceptabilité de ce type de critères particulièrement auprès les planificateurs et des décideurs. Toutefois, il ressort des groupes de discussion que les décideurs tiennent compte des critères éthiques, notamment de l'équité, et qu'ils souhaitent voir un lien plus explicite s'établir entre ces critères et le critère économique. Bien que l'objectif de cette étude visait une analyse approfondie de la littérature économique sur le coût d'opportunité, les résultats décevants en matière de pistes de solutions permettant d'en opérationnaliser la mesure, nous ont conduit à élargir la revue de littérature. Les écrits en matière d'allocation de ressources, de mesure de préférences et d'éthique allocative sont venues corroborer l'intérêt des pistes de solutions identifiées par les participants aux groupes de discussion. Ainsi, les idées émises par les participants concernant l'identification préalable des critères du décideur, l'intégration des considérations relevant des exercices de planification budgétaire, la pondération de critères éthiques, le recours à la modélisation et l'utilisation d'études coût conséquence, trouvent un fondement dans la littérature scientifique. Ces pistes mériteraient donc, dans une étude ultérieure de faire l'objet d'une revue de littérature approfondie.

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Discussion

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DISCUSSION

LE CONCEPT DU COÛT D’OPPORTUNITÉ D’entrée de jeu, les résultats combinés de cette revue de littérature et des données recueillies auprès des groupes de discussions nous amènent à repositionner la discussion entourant la mesure du coût d’opportunité dans le contexte plus large de la prise de décision et plus précisément de la prise de décision visant l’allocation de ressources dans le secteur de la santé et des services sociaux. Ainsi, il convient de rappeler que l’enjeu se situe dans le cadre de la rationalisation des dépenses publiques dans un contexte où l’on valorise un état imputable qui alloue les ressources de manière efficiente et transparente. La question devient donc d’établir dans quelle mesure, le concept du coût d’opportunité est susceptible d’apporter un éclairage pertinent à l’atteinte des objectifs d’imputabilité et d’allocation efficiente et transparente des ressources. Du point de vue théorique, nous nous situons dans une optique de maximisation du bien-être qui justifie une approche visant le gain d’efficience. Cette approche a comme conséquence la défense, en quelque sorte, de l’intérêt collectif et se distingue d’autres approches économiques décrivant une logique de maximisation de l’intérêt individuel. Cette distinction est importante car tout au long des discussions avec les groupes rencontrés, nous avons constaté que la logique économique marchande de maximisation des intérêts des individus ou de maximisation des bénéfices d’une organisation particulière n’était pas assimilée par les acteurs à la logique économique mais était décrite sous le grand thème de ce qu’ils considéraient comme les intérêts politiques. Par ailleurs, les acteurs décrivent la prise de décision comme s’exerçant en contexte de rationalité limitée où l’arbitrage entre divers critères s’impose. Quatre critères émergent comme devant faire l’objet d’un arbitrage par le décideur et le poids relatif souhaitable pour chacun de ces critère varie selon le niveau de la décision. Ces critères sont le critère scientifique, le critère économique, le critère politique et le critère éthique. Au niveau de la prise de décision micro, soit lorsque l’allocation vise un individu, c’est la logique professionnelle qui domine avec une prépondérance du critère scientifique clinique qui englobe le critère de gestion des risques. Au niveau de la prise de décision méso, soit lorsque l’allocation vise les modes d’organisation, c’est la logique technocratique qui domine avec une prépondérance du critère économique dont l’application est modulée par des critères d’imputabilité et de tendances dans l’environnement. Au niveau de la prise de décision macro, soit lorsque l’allocation vise la répartition de grandes enveloppes budgétaires découlant d’exercices priorisation, c’est la logique démocratique qui domine avec une prépondérance du critère éthique qui englobe le critère que les décideurs qualifient de populationnnel. C’est aussi au niveau macro que se prennent les décisions en situations

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Discussion

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d’urgence ou de crise. Pour ce type de décisions, c’est la logique politique qui domine avec prépondérance du critère politique. On comprend bien que dans une optique d’efficience et de transparence, les décideurs craignent le manque d’information qui favorise l’émergence de logiques qui n’orientent pas la prise de décision dans l’intérêt collectif. La notion de coût d’opportinuté apparaît séduisante puisque d’une part, la compréhension du principe à la base de cette notion est simple et d’autre part, elle oblige à rendre explicite la logique qui sous-tend la prise de décision. En effet, établir explicitement le coût de ce à quoi on renonce dans un contexte de rationalisation apparaît une avenue susceptible de bonifier le processus décisionnel. Par contre, au delà de la pertinence du concept de coût d’opportunité, il demeure que la littérature est plutôt muette sur la façon d’en opérationnaliser la mesure. Cette lacune pourrait s’expliquer en partie par la recherche d’une solution technique qui permettrait d’établir une formule mathématique qui donnerait un calcul scientifiquement valide de ce qu’est le coût d’opportunité et ce, en toutes circonstances. Or, cela impliquerait que seule l’efficience économique mérite d’être prise en compte et que l’obtention de mesures d’une grande précision soit possible. Actuellement, on constate que, malgré une disponibilité de plus en grande d’évaluations économiques sur bon nombre d’interventions, ces études contribuent peu à la prise de décision. De leur côté les décideurs sont assez critiques à l’endroit de ces études surtout en terme de leur pertinence pour la prise de décision. Le principal reproche vient du fait que les évaluations économiques ne permettent pas de prendre en compte les critères d’importance de la prise de décision, comme entre autres, le critère d’équité. Parallèlement dans d’autres champs d’études, on reconnaît davantage la nécessité de prendre en compte dans l’analyse simultanément plusieurs critères. Par exemple, on est à développer dans le champ de la planification budgétaire des méthodes permettant de combiner le critère d’équité au critère économique. Il en est de même dans le champ de l’éthique allocative où l’on combine le critère d’allocation efficiente des ressources aux critères éthiques. En débordant du seul critère de la maximisation des gains de santé, plusieurs travaux tentent d’établir des mesures opérationnelles qui permettraient, entre autres, d’établir les préférences de la population avec des méthodes moins controversées que la méthode de la propension à payer (WTP) proposée dans le champ de l’économie. Malgré ces avenues prometteuses qui se dessinent dans la littérature, force est de constater que les diverses approches évoluent en silo, ce qui ne constitue qu’une solution partielle à la complexité de la prise de décision en santé. En effet, les progrès réalisés sur la mesure d’un critère particulier ne règlent pas le problème du décideur qui lui doit prendre en compte simultanément l’ensemble de ces critères. Ainsi, suite à la revue exhaustive de la littérature concernant le coût d’opportunité et l’exploration de la littérature traitant de questions connexes, il demeure que les pistes les plus prometteuses émergent des données recueillies auprès des groupes de discussion. Bien que les pistes fournies par ces acteurs trouvent écho dans la littérature, l’approche pragmatique

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Discussion

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avec laquelle les acteurs ont abordé la question du coût d’opportunité, de même que la convergence de leurs propos, font en sorte que les propositions formulées dans la présente étude découlent des recommandations émises par les groupes rencontrés. Une vision d'ensemble des résultats obtenus en fonction de chacun des groupes est présentée dans le tableau de l'annexe B.

LES PROPOSITIONS CONCERNANT LA MESURE DU COÛT D’OPPORTUNITÉ Les résultats obtenus lors des groupes de discussion permettent de mettre en lumière d’une part, une approche générale s’appliquant à la prise de décision en santé et d’autre part, des indications spécifiques selon les critères de décisions considérés. De façon générale, l'opérationnalisation de la méthode de calcul du coût d'opportunité comporte deux étapes. La première consiste à identifier conjointement avec le décideur les critères qui auront du poids dans la décision. Cette étape permet de révéler les modèles implicites de la prise de décision et facilite l'attribution d'un poids relatif à chacun des critères d'importance pour le décideur. De plus, elle permet d'identifier adéquatement la cible de la décision et conséquemment les résultats attendus. Cet exercice facilite l'identification des alternatives pouvant être soumises à la comparaison. La deuxième étape consiste en l'analyse proprement dite. En fonction de la problématique, du contexte et des critères de décision, il s'agit de sélectionner les indicateurs permettant de rendre compte des coûts et des effets. Pour documenter ces indicateurs, il faut recourir à différentes sources d'information (bases de données, littérature scientifique, résultats d'étude de besoins, d'implantation etc.) et obtenir les données manquantes principalement par le biais de la modélisation. La mise en relation des coûts et des effets se fait par les méthodes de l'évaluation économique. Le résultat attendu de cette analyse est l'identification des gagnants et des perdants selon les différentes alternatives étudiées, ce qui permet au décideur de mieux soupeser les implications de la décision qu'il prendra suite à l'analyse. Le schéma 1 illustre ces étapes.

Approche générale

Pertinence: Mesurer le coût d’opportunité comporte de nombreux avantages pour le décideur. En effet, la mesure du coût d’opportunité rend le décideur plus systématique. Elle le rend conscient de ce qu’il fait intuitivement de toute façon et de ce qu’il laisse tomber. Cette mesure augmenterait sa capacité d’allouer les ressources en fonction des priorités et faciliterait les décisions d’investissement en diminuant la marge d’incertitude du décideur et en rendant la décision moins constable, surtout si le problème est dépersonnalisé. De plus, la mesure du coût d’opportunité réassurerait le décideur sur les décisions d’allocations déjà prises et soutiendrait les décisions de réévaluation de par l’identification des enjeux de réallocation, de ce qu’il faut laisser tomber au profit de solutions plus optimales, et de ce qu’il faut protéger en cas de difficultés budgétaires liées à l’évolution des contextes.

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Discussion

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Identification dessources d’information

Modélisation

DÉCISION

OU

RÉÉVALUATION DE LA DÉCISION

Identification des indicateursde mesures

Critèreséconomiques

Critèrespolitiquespolitiques

Critèrespolitiques

Critèreséthiques

IDENTIFICATION DES CRITÈRESDE DÉCISION

Schéma 1 : Étapes de la mesure du coût d’opportunité

Révélation des modèles implicites de la prise de décision

Définition du poids relatifdes critères de décision

Resserrement de lacible de décision

Appréciation desalternatives

Identification desgagnants et des

perdants

Étape 1

Étape 2

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Discussion

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Première étape: établir un lien entre le décideur et l’analyste En raison des limites de la théorie économique, l’analyste doit considérer que l’efficience économique n’est pas le seul critère et qu’il doit établir des coûts pour une série de critères non considérés actuellement dans les études économiques. Pour y parvenir, l’analyste doit identifier et prendre contact avec le véritable preneur de décision pour la problématique étudiée afin de déterminer les critères à considérer dans son étude. Cette prise de contact est essentielle pour éviter toute confusion sur les besoins du décideur. Bien que cet élargissement des critères puisse sembler à première vue vouloir rendre plus complexe une analyse déjà difficile du seul point de vue de l’efficience économique, il importe de rappeler que pour chaque décideur seulement trois ou quatre critères auront un poids véritable au niveau de sa décision. De plus, le décideur ne souhaite pas abdiquer ses responsabilités au profit d’une formule mathématique qui calculerait de façon infaillible l’option à privilégier. En fait, le décideur souhaite obtenir une information que nous qualifierons de vraisemblable sur différents scénarios, information qui lui permettra de faire un arbitrage plus éclairé et transparent entre le poids relatif qu’il accordera à chacun des critères qu’il juge d’importance. Du point de vue technique, les praticiens de l’évaluation économique savent déjà que malgré un niveau de précision élevé de la mesure, on découvre lors des analyses de sensibilité que seulement deux ou trois éléments de conséquences ou de coûts sont susceptibles de générer suffisamment d’incertitude pour compromettre la robustesse des résultats. Il importe donc pour l’analyste d’utiliser son expertise pour identifier avec le décideur ces éléments qui nécessiteront une mesure plus fine. Ce qui est nouveau par rapport aux méthodes antérieures de l’évaluation économique, c’est d’inclure des critères qui sont susceptibles d’écarter la décision de l’efficience économique stricte, comme l’inclusion du critère d’équité. Il importe donc avant de procéder à l’analyse de bien identifier ces critères et leurs effets attendus sur l’efficience. Concrètement, il s’agit a priori de formaliser par le calcul ce que les gens anticipent comme impact et le modéliser pour voir si le poids relatifs accordé par le décideur aux différents critères est susceptible de modifier les conclusions sur la prise de décision. C’est suite à cet exercice que des indicateurs devant faire l’objet d’une documentation plus fine pourront être identifiés. De cet exercice, résulte un ordre d’appréciation des critères donnant plus de poids à ceux qui mesurent l’atteinte des objectifs planifiés, et une pondération des critères scientifiques, économiques, éthiques, politiques, d’opinion publique, d’intérêt pour le patient (efficacité, fiabilité, absence de report de procédures, incertitude, écoute et réassurance), et de contraintes sur les choix (législatifs, transferts de coûts, mécanismes d’allocation, rémunération) en fonction de la problématique et du contexte. Suite à cette pondération, il faut valider ce que le décideur veut changer, estimer la cohérence des alternatives envisagées et des plans de rechange sur les impacts prévisibles, et enfin, identifier les mesures pertinentes d’impacts sur la rencontre des besoins, sur les clientèles prioritaires et sur la communauté.

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Discussion

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Deuxième étape: l’analyse

La perspective: Au départ, il importe d’adopter une perspective claire. Un des facteurs qui suscite l’intérêt pour la mesure du coût d’opportunité et ce, parmi tous les groupes rencontrés, est que cette méthode offre une réelle possibilité d’identifier les gagnants et les perdants lors de la prise de décision. En conséquence, bien que l’analyse soit menée en fonction des critères d’importance identifiés par le décideur, l’analyse doit aussi mettre en lumière le point de vue de la population touchée par la décision, de même que celui des intervenants devant modifier leurs pratiques s’il y a lieu. En identifiant les gagnants et les perdants l’analyse fournit ainsi au décideur une information susceptible non seulement de favoriser la transparence mais aussi d’éclairer les débats éthiques. De cette façon, le caractère aléatoire de la mise en œuvre de la décision résultant des pressions des groupes d’enjeux et de la résistance au changement pourrait s’en trouver réduit.

Les alternatives soumise à la comparaison:

Pour le décideur, la comparaison avec le statu quo ou ce que l’on appelle l’option de ne rien faire demeure essentielle. Toutefois, dans un contexte de rationalité limité, le décideur est en mesure de n’envisager qu’une partie des options possibles. Par ailleurs et par soucis de transparence, le décideur souhaite pouvoir justifier les options qui seront écartées. Ainsi, l’analyste doit jouer un rôle dans l’identification des options, car il est en mesure de par son expertise d’identifier dans la littérature les données probantes concernant diverses options et de se prononcer sur la généralisation des résultats obtenus au contexte propre du décideur. Pour répondre aux besoins d’information du décideur, l’analyste peut établir si, pour la problématique de santé étudiée, on peut trouver des données permettant de déterminer quelle est la portion réellement évitable de ce problème, de même que les moyens incluant les modes d’organisation dont on dispose pour agir sur cette portion et à quels coûts. Ensuite, il peut voir les rendements relatifs de ces divers moyens dans leurs contextes et se prononcer sur la reproductibilité des résultats obtenus dans les études consultées. Dans certaines problématiques, il peut s'avérer pertinent de fournir une information plus générale sur l’importance de cette problématique de santé en soulignant les résultats obtenus pour des problématiques de même nature sur la réponse aux besoins de la population et sur les coûts. Également, l’analyste peut évaluer si les alternatives ainsi décrites sont compatibles avec les objectifs plus larges du système de santé. Cette information permet d’identifier ce qui peut être fait d’autre avec les montants à la disposition du décideur et de déterminer s’il faut investiguer l’importance réelle accordée par la population à la problématique, afin de déterminer l’équilibre souhaitable entre le critère d’opinion publique et le critère scientifique. Le décideur a aussi besoin d’une information lui permettant de contextualiser sa décision. L’analyste peut donc élargir les alternatives en informant les décideur sur les coûts par vie sauvée consentis dans d'autres secteurs que celui de la santé et sur les argents gouvernementaux investis dans les priorités de chaque secteur.

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Après la consultation de la littérature scientifique pertinente pour répertorier les options possibles, l’analyste sera en mesure de procéder à la comparaison des trois ou quatre scénarios retenus par le décideur. Cette comparaison implique la mise en relation des coûts et des effets et s’applique autant aux décisions visant l’introduction de nouvelles façons de faire que les décisions visant la réévaluation des interventions déjà implantées.

Les effets

Outre les données classiques issues de la littérature scientifique concernant la sécurité, l’efficacité et les impacts sur la qualité de vie des interventions comparées, la mesure du coût d’opportunité implique la prise en compte de ce que l'on peut appeler les effets indirects, actuellement négligés par l’évaluation économique, mais qui sont d’une grande importance pour le décideur car ils sont susceptibles de modifier grandement l’efficacité d’utilisation dans son contexte propre. En effet, pour obtenir les données scientifiques sur la valeur théorique des interventions, on a été obligé de les isoler, alors que le décideur sera confronté à une manifestation dynamique des effets lors de l’implantation dans son contexte. Par exemple, il est toujours souhaitable d’identifier les sous-groupes de la population qui peuvent bénéficier d’une intervention. Il peut s’avérer, si les données de sous-groupes n’existent que du point de vue médical, que les effets soient modulés par les caractéristiques psychosociales des éventuels bénéficiaires ou encore par leurs comportements d’observance. Il importe donc de voir s’il est souhaitable de générer de nouvelles analyses de sous-groupes pour apprécier leurs effets en relation avec la prise de décision visant à valider si la clientèle rejointe est la clientèle planifiée. De plus, les effets organisationnels ne sont pas actuellement pris en compte dans l’évaluation économique. L’exemple du virage ambulatoire est éloquent à cet effet. Les décideurs ont pu constater, suite à l’implantation de ce virage, l’importance de déterminer si un nouveau mode de dispensation des interventions mène à des gains de productivité qui se traduisent par un plus grand nombre de cas traités, ou à l’introduction de nouvelles clientèles au détriment des anciennes. De plus, il pourrait être d'intérêt d’apprécier les transferts de responsabilité notamment vers les aidants naturels, et de voir les impacts sur les infrastructures et sur l’organisation (effectifs, résistance au changement, conditions de travail, déplacement de clientèles). Comme il est difficile de modifier à court terme les modes d’organisation, il importe de pouvoir avoir une idée des effets à long terme des interventions et de leur durée de vie. Pour mettre en lumière les effets du point de vue de la population, il s'agit, dans certaines situations, de voir la valeur relative du préventif par rapport au curatif. Dans d'autres situations, il pourrait être souhaitable d'établir les effets sur la satisfaction, la réponse de la population, les modifications des habitudes de consommation. Pour la très grande majorité des problématiques il importe d'apprécier les effets hors silo, notamment sur la continuité des soins. Enfin, la prise en compte des externalités peut s'avérer intéressante, notamment les effets sur les transitions épidémiologiques où, par exemple, les gains importants que l’on réalise au niveau de la mortalité précoce, vont modifier les besoins dans le futur. Avoir une idée des tendances en cette matière serait utile. Les effets sur la population deviennent un

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intrant permettant d’apprécier la pertinence de mesurer le coût d’opportunité du politicien. Lorsqu'il est requis de mesurer ce coût, il faut voir le rôle des médias, voir les effets de la décision sur les groupes d’enjeux, et considérer l’opinion publique sur la question. De nombreux effets peuvent être reliés à une décision. Toutefois, l'analyste doit, en fonction des critères de décision et de ses analyses préliminaires, identifier le petit nombre d'effets susceptibles d'avoir un impact sur les résultats de la mesure du coût d'opportunité et nécessitant une mesure plus fine. Pour les autres effets identifiés, leurs impacts pourraient généralement être appréciés par le biais des analyses de sensibilité. La même remarque s'applique également à la mesure des coûts.

Les coûts

Tout comme pour la mesure des effets, l’évaluation économique ne prend pas en compte les coûts selon une perspective dynamique. Cependant, la réconciliation entre les besoins des décideurs et les pratiques actuelles semble réalisable par l’intégration à l’analyse économique des données obtenues dans les exercices de planification budgétaire, l’objectif de ces exercices étant d’apprécier la valeur des options possibles en fonction des montants disponibles, des priorités et de l’équité. Ainsi il est possible d'ajouter aux analyses habituelles les coûts d'investissement, le rapport entre les coûts unitaires et les coûts d’infrastructure, les coûts communs, les possibilités d’étalement des coûts, les seuils de rentabilité, les économies d’échelle, les rendements décroissants et l’évolution des coûts. L’obtention du coût par cas apparaît comme une mesure prometteuse pour comparer entre elles diverses modalités pour rendre les services. On peut, selon la nature de la problématique, considérer des coûts indirects comme le coût de l’intervention médiatique, les coûts de transition entre les options, les coûts de l’évolution technologique, les coûts de la logistique, les coûts marginaux liés aux modifications des "case mix" en raison des effets sur les mouvements de clientèle, les coûts liés aux conventions collectives des travailleurs impliqués, les coûts de changement de pratique, et calculer le coût d’opportunité de ceux qui doivent changer de pratique. L’établissement de ces coûts doit se faire à la lumière des incitatifs présents ou à venir dans le système de soins. Les transferts de coûts doivent être considérés s'ils existent. Il demeure pertinent d'identifier les coûts d'une intervention, même faibles, si de ne pas intervenir est perçu socialement inacceptable. De plus, on peut obtenir de l’information sur les prix payés ailleurs et, si l’intervention permet de dégager des ressources, il faudrait indiquer les utilisations possibles des économies ainsi générées. Enfin, il peut s'avérer utile d’apprécier les coûts intangibles (peur, panique, perte de confiance dans le système). Mesurer de tels coûts, représente actuellement un défi plus grand et des instruments de mesure restent à construire. Par ailleurs, bien que la littérature économique préconise le recours à la méthode de la propension à payer (WTP) pour refléter les préférences des individus et le coût d’opportunité, il faut réaliser que cette méthode, en plus des controverses éthiques qu’elle suscite est aussi biaisée par la prise en compte par les individus interrogés des coûts intangibles. D’autres méthodes comme celle du Discete choice

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modeling (DCM) semblent plus prometteuses pour mesurer les préférences dans une optique de priorisation. Afin de bien établir quelles seront les conséquences de la décision, il faut absolument savoir d’où vient l’argent qui sera attribué à l’intervention (argent neuf, coupures paramétriques, coupures ciblées, retard d’investissements, fonds de réserve). Après l’identification des effets et des coûts pertinents, l’analyste doit identifier les sources d’information lui permettant de documenter ces coûts et ces effets.

Le recueil des informations

Bien qu’à première vue, le recueil des données permettant de mesurer le coût d’opportunité puisse sembler une tâche impossible, la très grande majorité des personnes rencontrées ont souligné que l’acquisition des informations requises est réalisable. Le véritable défi n’est pas de trouver de l’information mais bien de rendre l’information disponible, utilisable et pertinente pour éclairer la prise de décision. Ainsi, il faudrait utiliser davantage les données existantes (épidémiologiques, bases de données, données démographiques, besoins non comblés, taux de rétention, mouvements de clientèle, habitudes de consommation, volonté de modification des habitudes, indicateurs d’accessibilité, de services consommés à l’extérieur, de performance, classiques de gestion sans oublier ceux qui mesurent l’offre comme le nombre de cas traités, de satisfaction et d’impact, établir la pertinence des listes d’attente en distinguant ce qui nécessite réellement une intervention). Par exemple, on peut, dans un premier temps, voir la valeur et la transférabilité des options en faisant des liens entre les indicateurs et on peut apprécier la durée de vie de l’option analysée en mesurant le taux d’acceptation de la clientèle que l’on obtient a priori par des enquêtes et a posteriori par l’appréciation des taux de rétention. Il importe de rappeler que le recours à des systèmes d’information sont des solutions partielles, car ils ne peuvent fournir de l’information sur la totalité des critères d’importance pour le décideur. Il faut reconnaître l’importance de l’expérience et de l’expertise propre au décideur pour cibler les sources d’information et surtout la pertinence de faire des liens entre les différentes informations recueillies à partir des sources existantes comme les systèmes d’information.

Les analyses préalables à la mesure du coût d’opportunité

La valeur des interventions étant fortement liée à leur pertinence et leur efficacité, l’analyste doit prendre en compte, en plus des études sur l’efficacité théorique des interventions, les résultats obtenus suite aux études de besoins et aux analyses d’implantation. En effet le recueil de données quantitatives et qualitatives est un pré-requis à la mesure du coût d’opportunité. C’est d’abord le critère scientifique qui permet de déterminer les meilleures alternatives pour une problématique donnée. Cependant il faut les évaluer en regard de leur bien fondé, de leur contribution à l’atteinte des objectifs, de leur lien avec les contextes macro et des enjeux

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d’implantation. Par la suite, il faut identifier les problèmes alternatifs, comprendre le contexte, établir les scénarios et estimer les impacts sur les perdants et les enjeux de réallocation. Pour la mesure du coût d’opportunité les analyses des besoins identifiés par la population doivent être prises en compte de manière à pouvoir distinguer les besoins réels des besoins perçus et les besoins des clientèles vulnérables. Cela nécessite une bonne compréhension du système de croyance des gens afin de déterminer ce qui est pertinent de documenter en terme de la valeur ajoutée des interventions sur la réponse aux besoins. Il importe, entre autres, de se rappeler que le mécontentement de la population n’est que rarement sur la qualité technique mais sur le manque d’écoute et de réassurance et en tenir compte dans l’évaluation des alternatives, et ainsi, établir l’importance relative d’une problématique émergente pour la population ciblée. Suite à l’identification des interventions retenues par le décideur comme devant faire partie des alternatives soumises à l’analyse, il peut s'avérer utile de regarder la capacité de tous les partenaires, incluant ceux de l’intersectoriel, d’y répondre (sans dédoublement). Il faut, établir les coûts du statu quo et le coût efficacité de l'option privilégiée par le décideur et de toutes les autres alternatives (dispensée selon différentes modalités) et les classer selon les ratios obtenus (en tenant compte des impacts sur les partenaires). Les alternatives doivent être appréciées en tenant compte des résultats d’analyses d’implantation multiniveaux (atteinte objectifs, déploiement tel que prévu, effets secondaires et effets sur l’articulation des soins, pertinence dans le contexte global). Si l’analyse s’effectue en mode rétrospectif, il serait pertinent de projeter les résultats attendus à partir des objectifs initiaux et d'instaurer des réévaluations continues pour faire des comparaisons permettant de se prononcer sur la généralisation des résultats, la pertinence du modèle théorique, et la décision de poursuivre ou de cesser l’intervention. Avant de suggérer d’introduire de nouvelles interventions il peut être souhaitable de considérer l'option d'optimiser les interventions déjà en place suite aux résultats des analyses d’implantation et à la mesure de la qualité des soins. Si l’évaluation est planifiée au départ, il faut identifier les effets obtenus dans les milieux où les options soumises à l’analyse sont implantées et apprécier l’influence des groupes d’enjeux sur l’obtention des effets. De plus, il importe de s’assurer qu’un lien existe entre les mesures prises avant et après l’implantation, et qu’il y a concordance au niveau des instruments de collecte de données. On peut, si requis, bâtir des offres de services en estimant les besoins et les coûts administratifs et évaluer les meilleures modalités de dispensation. Dans ces circonstances, l’analyse devrait pouvoir renseigner sur la mise en place d’infrastructures, sur les mesures de partage de coûts, sur les effets attendus du degré de décentalisation et des modes de gestion mis en place et établir par quels bénéfices sont compensées ces dépenses supplémentaires liées à la modification de l’offre de services.

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Les outils disponibles pour la mise en relation des coûts et des effets

Il faut toujours mettre en relation les coûts et les effets cliniques qu'ils soient en terme de qualité de vie ou autres. Selon la problématique, cette mise en relation peut tenir compte des résultats en terme d’adéquation avec la mission de l’organisation, d'implications sur le travail, des résultats prévisibles au niveau de la mesure des indicateurs de performance, et des impacts sur le partage de responsabilité. En somme, il faut d’abord modéliser la prise de décision à partir des critères identifiés par le décideur comme susceptibles d’avoir du poids. Par la suite, il faut identifier un nombre limité d’indicateurs existants, incluant les indicateurs normatifs, soit les indicateurs les plus significatifs du modèle et ceux qui sont les plus contestables. Il faut documenter de façon plus fine ces indicateurs pertinents pour l’évaluation et le décideur, et faire des liens entre les indicateurs pour, entre autres, traquer les effets non planifiés des options analysées ou généralement non considérés dans l'évaluation économique classique. Lorsque les indicateurs ne permettent pas de distinguer les parties qui fonctionnent d’une intervention complexe, il faut regarder l’intervention par morceaux. Il faut utiliser davantage des proxys quand les impacts ne sont pas disponibles. Lorsque les données sont manquantes, on peut donc modéliser à partir de ce qui est connu et utiliser des proxys, ce qui est beaucoup moins lourd que de recourir aux méthodes expérimentales d'estimation des effets. Les mesures actuellement utilisées de la satisfaction comportent de nombreuses lacunes (sondages incomplets, biaisés, problèmes de représentativité). Toutefois, de nombreuses solutions sont en développement comme on le voit dans la littérature scientifique. De leur côté, les groupes rencontrés ont aussi proposé des solutions originales comme de comparer les taux satisfaction entre les options analysées, de mesurer le coût marginal d’obtention de taux de satisfaction plus élevés, d’utiliser la fidélité comme proxy, d’inclure des questions concernant les attitudes des intervenants, le degré d’accompagnement dans le système et l'appréciation de l’utilisation des impôts. La gestion en silo est un problème largement documenté qui réduit le potentiel d'implantation d’interventions optimales. Il importe donc, d’établir si les options analysées impliquent des transferts de responsabilités et de coûts. Afin de contrebalancer les effets pervers de la gestion en silo, il faut mesurer les impacts sur la trajectoire de soins et pas uniquement sur l’organisation ou une partie de l’organisation. D’ailleurs, la mesure de la trajectoire de soins permet de mettre en lumière le point de vue du patient et d’identifier plus facilement les enjeux de réallocation. D’un point de vue scientifique, on aimerait bien travailler avec un comparateur dans des conditions répondant aux critères des devis expérimentaux. Cependant, cette option est dans la plupart des cas, ni réaliste sur le plan technique puisque le décideur souhaite le plus souvent, l’évaluation comparative d’alternatives n’ayant pas une mesure commune au niveau des effets, ni réalisable sur le plan budgétaire en raison de la somme considérable de données à acquérir et du temps requis pour leur obtention.

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Discussion

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C’est en partie ce qui explique le constat que les interventions les plus coûteuses ne sont pas celles qui bénéficient des meilleures analyses. Partant du principe que les décisions se prennent et doivent se prendre avec ou sans informations, il s’agit donc de produire une information assez précise (plus que des tendances) qui demeure préférable à occulter les coûts. En l’absence de comparateur, si les analyses avant après constituent un compromis acceptable pour le décideur en utilisant des indicateurs normatifs de prise en charge et des mesures répétées de satisfaction à mettre en lien avec l’analyse d’implantation, ce sont les techniques de modélisation qui semblent les plus prometteuses pour palier au manque de temps et produire de l’information utile à un coût raisonnable. Lorsqu’une alternative reçoit le qualificatif de novatrice, il faut dans un premier temps, identifier ce qu’elle comporte de réellement nouveau (s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un dédoublement) et faire des proxys de coûts obtenus avec le recueil des coûts observés dans des structures similaires que l’on ajuste et soumet à des projections. Pour faire face aux problèmes d’agrégation, résultants d’options n’ayant pas les mêmes effets, une étude coût conséquence représente la solution appropriée laissant ainsi la possibilité au décideur d’exercer son jugement. S’il s’avère impossible à l’intérieur d’une option de hiérarchiser les critères de décision, il faut donner l’information sur chacun à la manière d’une étude coût conséquence mais tout de même tenter de combiner par la simulation, les critères qui orientent la décision dans des directions opposées pour que le décideur ait une meilleure vision des arbitrages à effectuer. Enfin, il faut faire des analyses de sensibilité sur les données manquantes comme l’évolution démographique et des contextes budgétaires, les variations en fonction de l’efficacité d’utilisation, incluant les variations selon la compétence des intervenants, la transition épidémiologique, les modifications de l’état de santé, la durée de vie de l’option qui est fonction de l’évolution des pratiques cliniques et du taux d’acceptation de la clientèle. Selon l’ampleur de l’incertitude générée par la modélisation, il demeure pertinent d’envisager des études de suivi pour valider les modèles de simulation et recueillir plus de données probantes sur les effets, les coûts alternatifs, l’impact politique. En effet, les études de suivi, en plus d’être une source d’enseignement, permettent l’identification des transferts possibles entre les interventions faisant un usage non optimal des ressources et celles qui en font un usage optimal. Les études de suivi permettent aussi de requestionner les façon de faire et la pondération accordée initialement aux divers critères de la prise de décision.

La diffusion des résultats

Au-delà de la diffusion des résultats de l’analyse du coût d’opportunité au décideur, l’analyste doit envisager des modalités utiles pour informer la population. Cela pourrait impliquer de diffuser l’information sur la portion réellement évitable des maladies, de même que les moyens dont on dispose pour agir sur cette portion et à quels coûts, de diffuser la relation entre les interventions analysées, la problématique ciblée et les coûts qui lui sont

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reliés. Dans cet exercice, il faut rappeler que la décision est prise sous contrainte budgétaire, que les choix sont difficiles et qu’il est nécessaire d’évaluer. Il faut aussi informer la population sur comment un dossier émerge comme une priorité, et les motifs qui mènent à ne pas suivre les recommandations des groupes d’experts, si tel est le cas. De plus, il faut mettre en lumière comment différents critères orientent les décisions dans des directions opposées.

Les approches spécifiques:

Selon les critères priorisés par le décideur, on peut a priori identifier certaines informations ciblées par les participants aux groupes de discussion comme pertinentes pour aborder la question du coût d’opportunité, de même que certains enjeux dont l’analyste doit tenir compte. Le critère politique (ce critère prédomine au niveau de la prise de décision macro dans les décisions d’urgence et il module la prise de décision au niveau méso). Selon les participants l’information susceptible d'être pertinente selon la problématique étudiée concerne: • L’influence des groupes d’enjeux (industrie, politiciens, lobbies, population) • Le degré de pression populaire • Le rôle des leaders • Le niveau réel ou anticipé de résistance au changement • L’influence des jeux de pouvoir sur la déviation par rapport aux objectifs initiaux • L’influence des jeux politique sur la clarté des objectifs • L’identification des promesses que le politique doit tenir • L’agenda politique • Les aspects socio-politiques de la problématique Selon les participants certains enjeux doivent être pris en compte lors de la mesure du coût d’opportunité, lorsque ce critère est présent: • L’actuel manque de transparence en l’absence de débat sur les critères de prise de décision • Les limites de la théorie économique • Les limite à ajouter la rationalité économique • La mesure du coût d’opportunité du politicien • Les limites de temps imposées par l’agenda politique • Lors de la domination du critère politique, le manque d’intérêt pour l’évaluation • Le risque de cooptation par les groupes d’enjeux et l’utilisation politique des études Malgré les enjeux particuliers liés au critère politique, produire une information valide sur le coût d’opportunité demeure pertinent car cette information permet un meilleur équilibre entre les diverses rationalités, et réduit le poids du critère politique. De plus cette information est susceptible de bonifier le débat en identifiant les objectifs politiques cachés par une évaluation des écarts avec les objectifs initiaux qui permet d’apprécier l’influence des groupes de pression.

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Il n’en demeure pas moins qu’il ne faut évaluer que ce qui vaut la peine en terme de coûts et ne pas paralyser la décision surtout en situations d’urgence. Il serait donc préférable de proposer des suivis et réévaluations permettant de justifier les actions retenues a posteriori. Si le critère coût a peu de poids, l’analyste doit inclure d’autres critères comme celui des jeux de pouvoir dont la pertinence est déterminée par l’analyse du bien-fondé en regard de la mission. Au départ, de simplement mettre en lumière les priorités de santé publique et signaler ce qui aurait pu être fait d’autre, tout en déterminant les impacts sur les budgets du décideur est tout de même susceptible de renforcer l’intérêt de ce dernier pour l’évaluation. Il faut que l’analyste propose des alternatives de comparaison qui sont en fonction des objectifs politiques et il doit agir proactivement avec la modélisation qui est susceptible de favoriser la transparence des processus décisionnels. Dans ces circonstances, il faut favoriser une perspective sociétale et mesurer les impacts sur la répartition du pouvoir en appréciant les jeux de pouvoir et luttes idéologiques. L’analyste peut aussi tenter d’établir un consensus autour de l’évaluation par la consultation, une invitation à réagir ou en tentant de coopter les éventuels opposants. Le critère d’urgence (ce critère est lié aux situations de crise et aux modes de gestion qui sont de plus en plus réactifs) en urgence, il y a prépondérance du critère politique qui est modulé par le critère éthique et l’information sur l’efficience est généralement considérée comme peu pertinente. Selon les participants l’information susceptible d'être pertinente selon la problématique étudiée concerne: • Le potentiel de réaction émotive de la population • Le niveau de pression populaire • L’identification des valeurs dominantes • L’identification des attentes de la population (la nécessité d’intervenir) • Le degré d’incertitude, d’anxiété, de panique de la population • Les pressions exercées sur le politique • Le coût politique du décideur • L’influence des lobbies • Le jeu des médias (la place par rapport aux autres nouvelles, la crédibilité accordée aux

journalistes sensationnalistes, l’ampleur démesurée ou non du traitement médiatique, la création d’une panique, la pression mise sur le politique, le degré d’isolement de la problématique en laissant l'impression que rien n’est plus urgent, le niveau d’attaque vis-à-vis ceux qui soulèvent les questions éthiques)

• les décisions antérieures dont le décideur est tributaire en raison du critère éthique Selon les participants certains enjeux doivent être pris en compte lors de la mesure du coût d’opportunité, lorsque ce critère est présent: • Les décisions rapides découlant de la pression populaire et de la panique (sinon perte de

confiance de la population) • L’adoption de la perspective individuelle par la population

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Discussion

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• Les perceptions de la population (société assez riche, assez avancée) • La création d’une hiérarchie sociale (âge, statut, popularité, médiatisé, cause sympathique,

maladie nouvelle, issue fatale, médecine impuissante, préférences temporelles pour le court terme, spectaculaire) qui complique l’analyse

• L’absence d’effet des mesures préventives • Le critère de coût qui est occulté • La prépondérance du politique • Le courrant du "Politically correct" qui réduit le potentiel innovateur • L’attitude des médias Dans ces situations d’urgence ou de crises récurrentes, l’attention qui doit être portée à la diffusion de l’information est cruciale. Ainsi, s’il existe plusieurs options, éduquer la population avant les crises demeure envisageable. On peut envisager de consulter la population en dehors des crises sans toutefois lui confier les choix. On peut investir dans la gestion des médias, mais les utiliser avec prudence pour éduquer la population qui est rarement au courant des problématiques auxquelles les médias ne font pas attention. Il importe d'établir que l’argent des crises ne sera pas alloué à d’autres programmes. Il faut produire une information différente, à temps et incluant les outils permettant au décideur de l’utiliser. Cette information doit être synthétisée et sa valeur pour le décideur pointée. Pendant la crise, l’analyste doit aider le décideur à trouver l’intervention la moins chère qui calme l’anxiété et réduit le sentiment d’impuissance. Pour la diffusion de l’information, il faut tabler sur un décideur crédible, ne pas verser dans le sensationnalisme, ne pas demander à la population de choisir. Miser davantage sur les conférences de presse que sur les entrevues serait une solution. Il faut trouver le moyen de faire passer correctement l’information sur les aspects techniques en tenant compte du sentiment populaire par le biais d’une meilleure utilisation des experts. Enfin, il importe d'agir avec transparence pour éviter la méfiance de la population et l’action des journalistes sensationnalistes. Il apparaît souhaitable d'envisager a posteriori une évaluation, pour fournir l’information qui permet de justifier les actions, et de comparer à ce qui arrive quand les médias ne s’en mêlent pas. Il faut estimer les coûts générés par les médias et les coûts intangibles (panique, peur, anxiété, perte de confiance dans le système). Le critère scientifique ou clinique (ce critère prédomine dans les relations cliniciens patients, donc au niveau micro qui ne fait pas l’objet de la présente étude et dans les organismes qui introduisent les technologies, ce critère module les décisions macro de priorisation et méso au niveau de l’organisation des services): Selon les participants l’information susceptible d'être pertinente selon la problématique étudiée concerne: • Les impacts sur la santé et sur la qualité de vie • Les impact des contextes locaux sur l’efficacité et les barrières financières ou d’accès • Les seuils d’efficacité et les niveaux d’intensité requis • Le seuil de ressources requis pour l’obtention des effets

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Discussion

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• L'efficacité d’utilisation et l’efficience et pas seulement les coûts • Le niveau de compétence requis des intervenants • Les impacts sur les sous-groupes en fonction des caractéristiques médicales et

psychosociales • Les effets indésirables et les effets à long terme • Les effets de transition épidémiologique (effet de substitution des maladies) • Les indicateurs classiques de gestions (taux d’hospitalisation, de réhospitalisation, mesure

de prise en charge) • Les données probantes sur la capacité de l’intervention de s’attaquer aux causes du

problème Selon les participants l’enjeu qui doit être pris en compte lors de la mesure du coût d’opportunité, lorsque ce critère est présent, est: • De rendre les évaluations habituelles plus pertinentes et de faciliter l’introduction

d’autorisations conditionnelles. Sur le plan technique ce critère peut être abordé selon l’approche générale. Le critère de gestion des risques (ce critère prédomine au niveau des organisations dispensatrices de services et est très lié au critère clinique): Selon les participants l’information susceptible d'être pertinente selon la problématique étudiée concerne: • Les risques associés à l’intervention • Les effets indésirables par rapport à l’option de ne rien faire • Le seuil de risque acceptable pour la population • Les effets sur la responsabilité professionnelle et sur les pratiques défensives et les risques

de poursuite • L’impact de la prise en compte d’objectifs conflictuels (sécurité vs accès) Selon les participants un enjeu qui doit être pris en compte lors de la mesure du coût d’opportunité, lorsque ce critère est présent, est: • La prise en compte de nouveaux éléments d’importance pour les décideurs et les cliniciens

mais généralement non considérés dans l’évaluation économique Sur le plan technique ce critère peut être abordé selon l’approche générale. Le critère économique et logistique (ce critère prédomine dans les décisions concernant les modes d’organisation et tient compte de la dimension temporelle) il est souvent caractérisé par des décisions complexes, par étapes et il est modulé par les critères politique, de tendances et d’imputabilité. Selon les participants l’information susceptible d'être pertinente selon la problématique étudiée concerne:

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Discussion

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• La dimension temporelle (évolution démographique, des pratiques cliniques, des effectifs, des contextes politiques, des contextes budgétaires, des besoins de dédoublement de services)

• L’évolution des indicateurs et les données sur tout ce qui se mesure actuellement (ex. DMS)

• La valeur des technologies de support (systèmes d’information, solutions de rechange en cas d’échec de la technologie, contribution de la technologie à l’atteinte des objectifs)

• La valeur des mécanismes de communication • Le bien-fondé de l’intervention (conformité avec les meilleures connaissances, avec les

tendances, avec le modèle théorique) • La pertinence des objectifs de l’intervention (cohérence des objectifs de compétition, de

complémentarité ou d’intégration des structures, cohérence avec la mission véritable, avec les besoins de la communauté, avec les grands objectifs du système)

• Le niveau d’atteinte des objectifs (effets sur les indicateurs de performance fixés au départ, volonté de participation des partenaires, niveau d’implantation)

• La conformité aux normes (gestion, financières) • Les impacts sur le continuum (gains pour le patient) et sur les partenaires (continuité,

complémentarité) • La transférabilité des résultats • Les effets secondaires (ressources, partenaires, région, articulation des soins, conditions

d’obtention des effets positifs et de réduction des effets négatifs, alternatives pour contrer les effets indésirables)

• Les besoins de formation • Le type d’allocations (argent neuf ou réallocation, importance de la demande) Selon les participants certains enjeux doivent être pris en compte lors de la mesure du coût d’opportunité, lorsque ce critère est présent: • Les indicateurs qui ne permettent pas de distinguer les parties de l'intervention qui

fonctionnent • Le manque d’information (performance, services ambulatoires, coût par épisode de soins,

les informations permettant de faire des scénarios ou de comparer à ne rien faire, états financiers verticaux) et une information peu accessible et sous-utilisée

• La faible fiabilité de données et le manque de temps pour obtenir l'information • Le risque de confusion sur les besoins du décideur • L’obligation de comparer des options avec des résultats sans unités de mesure commune • Le coût des études Sur le plan technique ce critère peut être abordé selon l’approche générale. Toutefois, si le critère économique a plus de poids, confier à des indépendants apparaît comme un gage de succès. Le critère d’imputabilité (ce critère est lié à la dimension de centralisation ou de décentralisation de la prise de décision)

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Discussion

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Selon les participants l’information susceptible d'être pertinente selon la problématique étudiée concerne: • L’étendue de l’autorité du décideur • Les possibilités de transferts de coûts ou de responsabilités • Le degré de responsabilité du patient dans la manifestation du problème • Les possibilités de restreindre l’intervention et les possibilité d’identifier des sous-groupes

à risque • La variation de la valeur accordée par la population à l’intervention selon les territoires Selon les participants certains enjeux doivent être pris en compte lors de la mesure du coût d’opportunité, lorsque ce critère est présent: • La gestion en silo • La mesure de la satisfaction (sondages incomplets, biaisés, représentativité) • L’imputabilité pas claire qui réduit l’intérêt pour l’efficience, et le non respect du champ

de compétence qui favorise le critère politique Sur le plan technique ce critère peut être abordé selon l’approche générale. Le critère de tendance (ce critère est lié aux modes et tendances des organisations à copier les unes sur les autres). Selon les participants l’information susceptible d'être pertinente selon la problématique étudiée concerne: • Les modèles à la mode et les modèles prometteurs • La distinction entre une innovation clinique et organisationnelle • Le rôle des médias Selon les participants certains enjeux doivent être pris en compte lors de la mesure du coût d’opportunité, lorsque ce critère est présent: • Le rôle des médias dans la diffusion des modes • Le fait que les interventions avec les coûts importants ne bénéficient pas des meilleures

analyses (pas de mesures d’impact, que l’estimation des investissements et des mesures de processus)

Sur le plan technique ce critère peut être abordé selon l’approche générale. Le critère éthique ce critère est craint des décideurs car selon eux, il conduit systématiquement à ajouter des ressources et ils se sentent abandonnés à ce chapitre. Ce critère prédomine dans les décisions macro de priorisation. Cependant la question éthique est abordé de la même façon dans tous les secteurs et recourir aux approche décrites dans le champ de l’éthique allocative est beaucoup moins menaçant que de référer à l’éthique déontologique. Selon les participants l’information susceptible d'être pertinente selon la problématique étudiée concerne:

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Discussion

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• L’identification d’évaluations économiques qui tiennent compte du point de vue de tous les acteurs touchés par les coûts et les effets.

Selon les participants un enjeu qui doit être pris en compte lors de la mesure du coût d’opportunité, lorsque ce critère est présent, est: • Le fait que tous répugnent à donner une valeur à la vie Sur le plan technique ce critère peut être abordé selon l’approche générale. Le critère populationnel (ce critère est présent dans les décisions de priorisation où il y a prépondérance du critère éthique) ce critère est modulé par le critère économique. Selon les participants l’information susceptible d'être pertinente selon la problématique étudiée concerne: • La liste des besoins et des priorités • Les coûts relatifs des interventions/maladies (qui sont peu connus mais disponibles) • Les différences d’allocation avec ou sans l’intervention des médias • Les aspects socio-techniques des interventions analysées Selon les participants certains enjeux doivent être pris en compte lors de la mesure du coût d’opportunité, lorsque ce critère est présent: • Les critères de choix des prestataires utilisés par la population (réputation, prestige,

rémunération) en plus de moyens d’expression de son opinion actuellement limités à la pression populaire

• Le fait que de hiérarchiser suscite des débats et que le décideur répugne à prioriser des clientèles

Sur le plan technique ce critère peut être abordé selon l’approche générale. En résumé, la mesure du coût d'opportunité, même si on peut établir une approche générale doit être adaptée à la spécificité de la problématique et au contexte du décideur. Cette adaptation fera en sorte que certaines sources d'information s'avèreront être plus pertinentes que d'autres tout comme certains choix méthodologiques.

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Conclusion

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CONCLUSION

Cette étude exploratoire a permis de confirmer l’intérêt et la pertinence de la mesure du coût d’opportunité pour les décisions d’allocations de ressources en santé. Le premier volet de cette étude qui visait une révision en profondeur de la littérature scientifique sur le coût d'opportunité, n’a pas permis de mettre en lumière une méthode universelle d’opérationnalisation de la mesure du coût d’opportunité. Toutefois, l’exploration de champs connexes a permis d’identifier des pistes prometteuses comme solutions techniques à la mesure de certains aspects cruciaux du coût d’opportunité. Ainsi, la prise en compte des données de la planification budgétaire réalisées selon la méthode de la budgétisation des programmes et de l'analyse marginale (PBMA) et l’introduction de méthodes prometteuses telles le discrete choice modelling (DCM) pour prendre en compte les préférences de la population devraient mériter une attention particulière dans les études subséquentes. Même si l’on doit conclure que la découverte d’une méthode uniforme permettant un calcul technique autour d’une variable intégratrice demeure illusoire, une approche générale de la mesure du coût d’opportunité peut être proposée suite aux travaux menés dans cette étude, notamment par l’analyse des nombreuses pistes de solution avancées par les participants aux groupes de discussion lors de la deuxième phase du projet. Cette approche postule que le coût d’opportunité est révélateur des modèles implicites entourant la prise de décision et repose sur l’identification au préalable des critères susceptibles d’avoir du poids dans la décision. De ces critères découlent les indicateurs clés à documenter pour l’analyse. La mesure des effets doit porter sur la trajectoire de soins et la mesure des coûts doit s’élargir aux coûts indirects sur l’organisation et inclure dans certaines problématiques, la mesure des coûts intangibles. D’un point de vue pragmatique, pour réaliser de telles analyses dans un délai raisonnable et à un coût abordable, la modélisation apparaît comme la solution technique privilégiée. En effet, la modélisation possède la grande qualité d’articuler dans une séquence logique, facilement compréhensible, les diverses composantes de la prise de décision. De ce fait, elle permet de décrire les différentes rationalités mises en cause dans le processus décisionnel et ainsi, de mieux identifier la cible de la décision de même que son bien-fondé, de par l’inclusion des critères politique et éthique en plus des critères scientifiques et d’efficience économique. Cette approche impose cependant un changement de mentalité profond au sein de la communauté des analystes. En effet, elle implique la mise en place d’une solide alliance dès le départ entre l'analyste et le décideur. Elle exige aussi de recourir à des méthodes généralement qualifiées d’incomplètes comme le coût conséquence et de renoncer à obtenir un niveau de précision élevé. C’est l’expérience et les habilités du décideur qui d’une part, ne souhaite pas abdiquer ses responsabilités et d’autre part, compense pour la plus grande incertitude générée par ces méthodes qui, faut-il le rappeler, constituent pour le décideur une réduction importante de sa propre marge d’incertitude. Il va de soi que cette approche qui semble rejoindre l’ensemble des groupes participants à cette étude devra être éprouvée dans des études ultérieures, mais il n’en demeure pas moins qu’elle constitue une véritable piste de

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Conclusion

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solution aux problèmes techniques, méthodologiques et idéologiques soulevés par la mesure du coût d’opportunité.

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Annexes

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ANNEXE A – RÉSULTATS DES GROUPES DE DISCUSSION CONCERNANT LES THÈMES DE LA PRISE DE DÉCISION, DE L'INFORMATION ET DE L'ÉVALUATION PRISE DE DÉCISION Dynamique générale : Il existe plusieurs niveaux de prise de décision, et ils ne peuvent être appréciés de la même manière, par exemple, la décision d’un ministre, d’un DG ou d’un clinicien. Il faut distinguer d’une part les décisions individuelles comme dans la relation médecin-patient, des décisions populationnelles et il faut distinguer les situations d’urgence ou de crises des autres situations où on peut agir en prévention. De plus, la prise de décision peut être par étape. Il faut aussi savoir que celui qui annonce la décision n’est pas toujours celui qui la prend dans les faits. Selon les conditions d’exercice des choix qui sont plus ou moins délégués à des niveaux ayant de l’expertise, la qualité de ces choix en sera influencée. Même si l’information n’est pas parfaite, le décideur connaît tout de même les tendances, et il faut savoir que n’importe quelle décision se prend sur 4-5 facteurs « macros » sinon il risque d’être imparfait parce que les outils permettant d’obtenir un haut degré de précision ne sont pas là. Attendre d’avoir toute l’information pour décider n’est pas mieux car il y a un coût à l’inaction. Toutefois, plus la décision touche un grand nombre d’individus, moins le décideur peut prendre de risques de se tromper. Il faut aussi savoir qu’il y a toujours des éléments qu’on ne peut prévoir dans la prise de décision. Lorsque la décision concerne des éléments impalpables, le décideur se fait une liste personnelle d'avantages et d'inconvénients et décide sans se documenter auprès d'études. Par ailleurs, même si l'objectif du décideur est louable, le plus souvent il ne se questionne pas assez sur les moyens choisis pour atteindre cet objectif. Ainsi, lorsque le décideur propose des moyens de mise en œuvre questionnables, cela fait surgir des obstacles politiques imprévus. De manière générale, la décision se prend en contexte de rationalité limitée où les parties prenantes ne considèrent qu’une partie des options possibles. En fait, plus il y aura d’alternatives plus il sera difficile que les gens s’entendent. Le décideur peut donc être contraint de prendre une décision sub-optimale en terme de coût d'opportunité, parce que ses interlocuteurs sont des êtres humains qui ne sont pas toujours rationnels et aussi parce que, s'il anticipe de la résistance au changement, la décision qui aurait pu être optimale ne pourra pas s'actualiser. La résistance n'étant pas rationnelle, cela introduit de l'incertitude dans la prise de décision. Toutefois le décideur devrait apprécier dans le temps l'effet d'entraînement et l'évolution de l'atténuation de la résistance au changement tant auprès des professionnels que de la population. Un autre facteur d'importance serait la présence de conflit entre les critères politiques et les critères cliniques ou de gestion des risques. Il faut réaliser qu’un des objectifs de la prise de

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Annexes

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décision gouvernementale est de donner un accès équitable ce qui est susceptible de créer des effets indirects en terme de mauvaise utilisation quand ce n’est pas une utilisation non sécuritaire des interventions. Enfin, il y a aussi des considérations populationnelles et logistiques qui peuvent venir faire contrepoids aux arguments économiques.

Environnement : contexte De façon générale, le choix des alternatives est limité pour le décideur, car ce dernier ne peut envisager des alternatives qui impliquent des décisions en dehors de sa juridiction. De plus, contrairement à l’entreprise privée qui n’hésite pas à se départir de secteurs d’activités non rentables, en santé on veut tout garder et ce, même si dans les faits la demande est illimitée. Le décideur doit aussi prendre en compte les tendances. En effet, lorsque les opinions véhiculées dans l'environnement en faveur d'une option, sont "étoffées" de données solides ou perçues comme tel, le décideur doit tenir compte des modèles prometteurs, car il ne peut facilement évacuer ce type d’options sans subir de pression. Le décideur a tout de même tendance à se laisser embarquer rapidement dans les modes. Même si la valeur d'une intervention, surtout si elle est "novatrice" est peu documentée, ou que les modèles déjà en place sont récents et n’ont pas encore été évalués en terme d’impacts, il y a une tendance des organisations à copier les unes sur les autres et à adopter cette intervention. Cependant, s’il s’agit de modification de l’organisation des services, les interventions ne sont pas si novatrices qu'on le laisse entendre. La prise de décision semble de plus en plus réactive aux situations d’urgence surtout si elles sont reprises par les médias et on sent un risque de plus en plus grand que le système de soins soit géré par les crises plutôt que par les besoins et priorités identifiés dans les exercices de planification. Par ailleurs, lors des exercices de priorisation, le décideur prend souvent pour acquis qu’il va avoir de l’argent neuf alors que le plus souvent, il devra faire des réallocations pour rencontrer les objectifs des nouvelles priorités. Souvent plusieurs secteurs interviennent politiquement dans ce processus et tous les paliers et acteurs ne parlent pas le même langage et ne poursuivent pas le même objectif. Le degré de centralisation ou de décentralisation des décisions conditionne la capacité du décideur de restreindre ou pas les interventions aux individus à haut risque car la valeur accordée à une intervention peut varier selon les contextes rendant ainsi la décision plus facile si elle est décentralisée.

Décideurs : influences La dimension temporelle est importante où le décideur s'intéresse à l’évolution du contexte où l'intervention va se dérouler et il accordera probablement une attention de façon prioritaire à l'évolution démographique et des besoins de dédoublement de points de service en résultant, de même qu'aux variations de contexte budgétaire comme des compressions non planifiées.

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Annexes

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En effet, le décideur doit prendre en compte l'évolution démographique pour déterminer les besoins futurs. Le décideur devrait donc connaître sa population et être en mesure de prévoir l’évolution de ses caractéristiques, telles le vieillissement ou la composition ethnique. Il doit aussi tenir compte de l'évolution des pratiques cliniques, en tenant compte du fait que l'adoption des innovations cliniques ne se fait pas au même rythme partout. Actuellement, les choix sont très influencés par la disponibilité de la main-d'œuvre mais, le décideur doit non seulement tenir compte de l'évolution des ressources disponibles, mais aussi de l'évolution des contextes politiques et ce, non seulement dans son secteur mais aussi dans celui de ses partenaires intersectoriels comme le municipal. Le décideur est susceptible de prioriser des alternatives impliquant la substitution plutôt que l'ajout de ressources. S’il a de fortes présomptions que l'intervention constitue une substitution qui réduit les coûts, alors il aura tendance à accorder plus de poids au critère coût tout comme s'il y a une grande demande. Par contre, le décideur est peu soucieux de la prise en compte de l'impact économique des transferts de coûts vers les partenaires ou vers les patients puisque cela s'inscrit en dehors de champ d'imputabilité. D'autant plus qu'il perçoit que le patient en est aussi peu soucieux dans la mesure où il peut "refiler" la facture à un tiers payeur. En fait, la gestion en silo, empêche les décideurs de prendre en compte les impacts sur les autres secteurs. Interaction avec la population Il faut savoir que le mécontentement de la population est rarement au niveau de la qualité technique des soins ou du résultat de santé, mais qu’il est lié au fait qu’on n’a pas été à l’écoute des préoccupations ou qu’on n'a pas été capable de rassurer. Sur une base individuelle, il faudrait que le patient soit informé des impacts de l’intervention sur la durée et la qualité de vie et qu’ensuite on respecte l’arbitrage qu’il fera entre durée et qualité de vie. La population prend en compte des critères de réputation, de prestige, de rémunération pour choisir le dispensateur de service. La capacité du citoyen de contester une décision par l’expression du vote est actuellement illusoire car aux élections la personne doit se prononcer sur la performance globale. Ainsi la démocratie s’exprime par le biais de la pression populaire. Cependant, les vastes consultations posent problème, car il y a asymétrie d’information entre les différents groupes au sein de la population et cela favorise l’émergence des lobbies. De plus, si les consultations sont répétées, il y a un désintérêt de la population générale au profit de groupes d’enjeux. Il demeure qu’il n’est pas clair pour la population, comment dans un contexte de rareté de ressources un dossier émerge comme étant prioritaire pour les gouvernements par rapport à d’autres dossiers. Il est aussi difficile pour la population de comprendre que l’on puisse se détacher de ce qui est priorisé par ailleurs par les groupes d’experts comme par les membres de la Commission Clair.

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Le critère éthique Le décideur est confronté au même type de décision avec les mêmes problèmes éthiques dans tous les secteurs et pas seulement en santé. Les conséquences des mécanismes actuels de prise de décision sont l'absence de débats publics sur ces critères laissant ainsi les décideurs sur le terrain seuls avec les problèmes éthiques. Il est difficile pour le décideur de mettre sur la table les questions éthiques. De plus, ne référer qu'au seul critère éthique, crée le risque de toujours rendre disponible l'intervention. Dès qu'on arrive à mettre une valeur monétaire à la vie ou à un problème de santé, les problèmes surgissent et ce n'est pas qu'une question d'âge. Bien que de restreindre l'accès lorsqu'une intervention est destinée aux jeunes pose une difficulté supplémentaire, même lorsqu'on traite de problématiques touchant les personnes âgées, la question des coûts se pose difficilement.

Le critère politique Le processus de prise de décision n'est pas statique et une série de décisions s'opère notamment sous la pression des groupes d'enjeux et cela est susceptible de faire dévier les interventions de leurs objectifs initiaux. Ainsi la prise en compte de critères politiques plus ou moins "cachés" peut faire en sorte qu'un projet valable ne se réalise pas ou du moins, pas tel que planifié. On peut souvent avoir le sentiment que plusieurs décisions découlent du besoin du décideur de remplir des promesses politiques plutôt que d'une analyse rationnelle des besoins de la population ou du système de soins. En fait, il faut apprécier le contexte et tenir compte de l’agenda politique, car cela va influencer le degré de sensibilité du politicien aux pressions de la population. On peut aussi attribuer aux critères politiques de prise de décision le fait que les messages que l'on décode concernant les objectifs visés, comme par exemple, de favoriser la complémentarité ou de stimuler la compétition, ne sont pas clairs ou justifiés. En fait, si une option dérange, le décideur ou les intervenants touchés par la décision sont susceptibles de contester les choix d’indicateurs d’évaluation ou de résister au changement après la décision. Bien qu’il puisse sembler préférable de laisser les gens s’exprimer avant la mise en œuvre d’un projet, car si des problèmes surgissent après la mise en œuvre, c’est plus facile d’éviter la contestation, ce type de consultation n'est pas toujours présent ou efficace. Il demeure que pour contrer la prise en compte de critères de décision politique, il faudrait exiger dès le départ la transparence du processus décisionnel.

La dynamique de crise La dynamique est différente lorsque la prise de décision se situe dans un contexte de crise et que la pression populaire influence grandement le comportement du décideur. Cependant la prise de décision en temps de crise est identique dans tous les secteurs en raison de la panique. On peut éclairer la décision mais il faut savoir que les décisions se prennent de

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façon très rapide. Les mesures préventives ne marchent pas car le citoyen, le politicien et même les professionnels de la santé deviennent irrationnels. À partir du moment où la population adopte une perspective individuelle, la rationalité des études n’est plus prise en compte. Les gens ne réalisent probablement pas, que l’argent dégagé pour sauver quelques individus en cas de crise ne sera pas donné à des programmes qui pourraient sauver plus de vies. Ce n'est pas le critère coût qui prévaut et même s'il est facile d'obtenir le coût par décès évité, le décideur ne peut et ne veut pas dire qu'une vie ne vaut pas 5 millions. Réactions de la population en situation de crise Dans les situations de crises, il faut tenir compte des attentes de la population, car si la population sait que l'intervention est disponible et surtout si elle simple et non invasive, elle va s'attendre à l'avoir. On peut penser qu'il existe une perception au sein de la population qu’une société riche et aussi avancée que la nôtre, est capable d’investir les montants nécessaires pour contrer les décès évitables; que de ne pas intervenir alors qu’on peut le faire, sera perçu socialement inacceptable et ce, peu importe le coût. Les gens n’ont plus le même sens des valeurs en situations de crise. C’est comme s’il y avait une hiérarchie d’importance sociale qui ne correspond pas nécessairement aux valeurs sociales. Le politicien est sensible à cette hiérarchie même si au fond c’est sur les valeurs sociales qu’il se fait élire. En effet, malgré le fait, que les gens disent en général répugner à donner une valeur à la vie en fonction de catégories de personne, il faut savoir qu’implicitement la population accorde cette valeur en fonction de l’âge, du statut ou de « popularité de la maladie », et que cela va influencer leur jugement sur la pertinence d’offrir une intervention. Même si en terme de coût d’opportunité 20 morts c’est 20 morts, quand la population est mise au courant, alors ces vies sont davantage valorisées. Il faut aussi savoir que l’opinion publique développe des sympathies pour des causes et de ce fait elle va y accorder plus de poids. Il y a probablement un seuil en terme de risque au-dessus duquel la population juge que le risque est inacceptable. Cependant même avec des risques similaires les gens vont faire pression si la maladie est nouvelle. De plus, les gens accordent plus d’importance à une problématique s’ils ont la perception que l’issue est plus fréquemment fatale et que la médecine n’y peut pas grand chose. Enfin, les gens accordent plus de poids aux interventions à court terme dont les effets sont spectaculaires.

La situation de crises : les aspects politiques En situation de crise la décision devient le plus souvent politique. D’ailleurs dans ces situations, les montants jugés acceptables par vie sauvée varient selon les secteurs où on accepte par exemple, des montants plus élevés en environnement qu’en santé. De plus, le

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courant du « politicaly correct » fait en sorte que les politiciens n’osent pas tenter de solutions novatrices en périodes de crise. Il semble qu'il y ait un coût politique important à rendre une décision en défaveur d’intervenir. Le coût serait d'autant plus important si le décideur renversait une décision prise antérieurement, et ce même si cette décision avait été prise en d'autres contextes et circonstances. On peut aussi se questionner à savoir dans quelle mesure certains lobbies ne profitent pas des situations de crises pour en tirer des avantages. Les lobbies, et cela inclurait les politiciens eux-mêmes, peuvent intervenir auprès des médias pour leur demander de dénoncer une situation en fonction de leurs intérêts. Il n’est donc pas facile de voir jusqu’où certains lobbies contribuent à orienter la prise de décision. Décideur : influence dans les situations de crises Les décideurs, doivent composer avec la réaction émotive de la population et les pressions qu'elle exerce. Ils doivent ainsi, avant de rendre toute décision, considérer à la fois le système de valeur et les attentes immédiates de la société en tenant compte du degré d'inquiétudes et d'émotivité qui sied. Il faut donc réaliser que l’anxiété, la panique et la pression politique vont influencer la décision. Toutefois, la notion d’imputabilité joue, et s'il est impossible de relier le problème de santé à un comportement individuel, alors les gouvernements sont prêts à investir plus d'argent. Personne, qu'il soit politicien ou décideur du système de soins, ne va vouloir dire qu'il priorise une catégorie de personne. Il faut constater qu'il n’y a pas de décideur qui aime mettre une valeur à la vie et que les décideurs feront tout pour éviter d'avoir à le faire. Ainsi, lorsque les tenants de la rationalité font face aux pressions émotives de la population, il est rare qu'une décision rationnelle soit prise.

Les conséquences des crises Lorsqu’on a laissé se développer une situation de crise, il n’y a plus de choix, il faut intervenir sinon le décideur perd la confiance de la population qui ne va plus porter attention à l’information qu’il souhaite lui transmettre. Le pire serait de dire on ne peut rien faire, il faut attendre car cela devient embarrassant comme coût d'opportunité, alors que lorsqu'il y a plusieurs options, éduquer la population pourrait être envisageable. Bien qu'on puisse souvent démontrer les avantages d'allouer les ressources autrement ce n'est pas évident que ce type de calcul va aider car les gens ciblés ne vont pas l'accepter. Le décideur doit donc déterminer parmi les interventions même si elles sont inefficaces, celles qui peuvent calmer l’anxiété de la population ou réduire le sentiment d’impuissance, et qui sont les moins chères. La prise de décision en situation de crise, devient un enjeu éthique chargé d'émotivité. De plus, le critère éthique fait en sorte, que malgré le constat que l’on peut faire que les argents

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n’ont pas été dépensés de la meilleure façon du point de vue économique, le même type de décision sera pris lors d’une prochaine crise. Le décideur est tributaire des décisions prises dans le passé vis-à-vis la population même si elles ont été prises par un autre gouvernement. En effet, il apparaît aussi difficile pour un gouvernement de se dissocier des décisions prises ailleurs comme dans les autres pays industrialisés.

Décision : ce qu’il faudrait Certaines caractéristiques permettent de juger de la valeur du processus décisionnel. Ainsi, pour établir des priorités, le décideur devrait établir la liste des besoins non comblés qui constituent une menace à la santé, car s’il laisse tomber quelque chose, il faut voir où cela se situe dans la liste des priorités. Pour apprécier la décision, il faudrait voir si le décideur a considéré des alternatives et si oui, quels sont les motifs qui l’ont amené à écarter ces alternatives. Ainsi, au départ, la décision devrait reposer sur les besoins de la communauté. De plus, lorsque l’on peut identifier les clientèles à risque, le décideur devrait restreindre les interventions à ces clientèles. Il est aussi important de voir si les objectifs de l'intervention sont compatibles avec les objectifs plus larges du système de soins. Toutefois, si on cesse une intervention, il faudrait savoir ce qu'il va advenir des infrastructures qu'on avait mises en place. Pour éclairer la prise de décision, il faudrait documenter les aspects socio-techniques et socio-politiques et permettre une alliance entre scientifiques et politiciens. Il faut hiérarchiser les besoins et les priorités de santé ce qui permettrait de prioriser les investissements, car de voir aller l’argent aux crises, alors qu’il y a tant de besoins ailleurs, questionne. Il faudrait donc permettre au décideur de voir ce qu’il serait souhaitable de financer et se questionner sur l’importance réelle accordée par la population à la problématique. En fait, il faut un équilibre entre les choix dictés par l’opinion publique et les critères scientifiques. De plus, il faudrait trouver des moyens de consulter en dehors des crises. Ainsi il serait possible de rendre le processus de décision plus transparent en impliquant les bénéficiaires. Toutefois, il ne s’agit pas de confier à la consultation de la population certains choix car si la population doit être informée, les décideurs ne doivent pas se déresponsabiliser en reportant la décision sur le dos de la population. INFORMATION Lacunes: Il est clair qu’il manque de l'information utile pour la prise de décision. Souvent, les décideurs ne peuvent que présumer en fonction de la logique de l’intervention que les impacts seront positifs, mais l’information disponible ne leur permet pas de confirmer ou d’infirmer leurs présomptions. Les organisations ne disposent pas d’information adéquate pour évaluer leur propre performance, ce qui rendrait illusoire la possibilité pour les décideurs d’évaluer ce qui se fait à l’externe. De plus, dans les systèmes de mesure de la performance, il n’y a rien sur les

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services ambulatoires. On n’a pas non plus le coût par épisode de soins. Ce manque d'information fait en sorte que l'on peut émettre des doutes quant à la validité des études que l’on pourrait faire. Actuellement le décideur ne possède même pas l’information sur sa réalité et il serait donc peu probable qu’il aura l’information nécessaire pour seulement établir les scénarios que l’on souhaiterait soumettre à la simulation. L’information est tellement limitée qu’il est même difficile de cerner l’impact d’une intervention par rapport à ne rien faire. Les états financiers sont organisés de façon verticale de sorte que, même si on savait quels services il faudrait rendre, on n’est pas en mesure de savoir quel secteur est le mieux placé pour les rendre. De plus, la fiabilité de l’information actuellement disponible laisse à désirer. On doit aussi reconnaître qu’il existe certaines contraintes liées au fait, qu'il est difficile d'obtenir l'information requise pour évaluer toutes les composantes d’une intervention; que lorsqu’on travaille en rétrospective, on réalise que plusieurs données n’existent pas; qu'on peut manquer de temps pour obtenir l’information et que même si les données sont disponibles, les études semblent davantage utilisées à des fins politiques en raison de l’organisation en silo. Cependant, il demeure possible avec l'information disponible de prévoir l’évolution des indicateurs. Il existe tout de même beaucoup d’informations mais ces dernières ne sont peut-être pas facilement accessibles et de ce fait pas suffisamment utilisées, comme par exemple les données épidémiologiques. Il faut réaliser qu’on n'exploite pas assez toutes les sources d’information, notamment les banques de données pour faire des évaluations. Il ne faudrait pas que le décideur ait à chercher l’information, il faudrait qu’elle lui soit rendue disponible par le biais de ses systèmes d’information. Cependant, il faut savoir que le décideur utilise de l’information qu’il jumèle avec son expérience et qu’il peut s’avérer difficile d’intégrer la dimension expérience dans un système informatique d’aide à la décision. De plus, les décisions impliquent de plus en plus un partage des responsabilités et cela nécessite un bon système de communication et c’est une dimension dont il faut tenir compte au même titre que les besoins de formation lorsqu’on évalue la possibilité de mettre en place une nouvelle intervention. Besoins du décideur: Il faut se rappeler que les décisions se prennent avec l'information disponible, et que d'avoir plus d'informations pertinentes devrait éclairer la prise de décision. Pour faciliter le processus décisionnel, il importe d'obtenir une information juste et précise pour chacun des critères identifiés par le décideur comme ayant du poids dans la prise de décision. Ce raffinement de l'information faciliterait grandement la prise de décision rationnelle. Cependant, l'information, bien qu'utile au décideur, ne pourra pas, en toute circonstance supplanter le poids de son intuition. Il faut tout de même aller plus loin et évaluer car beaucoup de dossiers sont partis sur des perceptions, des tendances, des modes et il faut faire attention à cela. Si on a des

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informations valides, on peut rendre le processus de décision plus transparent. Le décideur devrait avoir l’information sur le coût d’opportunité car cela le responsabilise face à ses choix. De plus, malgré l’obligation d’intervenir comme en situation de crise, il faudrait être prêt, en ce sens que le décideur a déjà les données scientifiques qui permettent d’expliquer les choix qui seront faits. Le décideur n'a peut-être pas besoin d'un estimé des coûts à deux décimales près, il souhaite plutôt un ordre de grandeur mais tout de même assez précis. Même si l'estimé n'est pas parfait, au sens où les scientifiques l'entendent, cela demeure préférable à occulter complètement la dimension coût, car en l’absence d’information le décideur fait les choix qui lui apparaissent socialement acceptables et il peut se retrouver avec des surprises désagréables faute d'avoir eu une information qui l'aurait orienté vers des critères de décision plus rationnels. Lorsqu’une problématique émerge, la population et bien souvent les décideurs, ne savent pas si pour la clientèle touchée, c’est la problématique la plus grave. Ils ne savent pas non plus avec les mêmes montants quelles seraient les interventions qui auraient le plus grand impact bénéfique en terme de vies sauvées sans séquelles. De plus, souvent ils ne sont pas au fait de ce qui se passe ailleurs. Il serait aussi pertinent de regarder des conditions ayant des conséquences similaires en terme de nombre de décès et de voir les investissements qui y sont consentis lorsque les médias n’y font pas attention. Pour tout ce qui se mesure, comme les durées de séjour, le décideur a besoin d'information pour éclairer sa prise de décision. Ainsi, après avoir clarifié les indicateurs retenus pour l'évaluation il faudrait les documenter de la façon la plus précise possible. En somme, sans noyer le décideur sous l'information, il demeure clair que le décideur a besoin de davantage d'informations pertinentes comme le coût d'opportunité, que ce qui lui est disponible actuellement. Crises En situation de crise, les besoins d’information pour la prise de décision changent et le décideur se sent démuni à prévenir l’inflation du coût de la vie dans ces situations. En effet comme on ne peut pas diffuser de l’information qui fait appel à la rationalité car ce n’est pas ce que les gens veulent, beaucoup d'informations ne servent pas à la prise de décision. De plus, il faudrait que l'information soit prête à temps ce qui n'est pas facile en raison de la rapidité de la décision. Et même si elle était disponible, peu d’outils sont accessibles aux décideurs pour qu’ils puissent utiliser l’information adéquatement. Certes, il faut tout de même de l’information synthétisée pour le décideur et il faut faire ressortir la valeur relative de cette information pour lui.

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Besoin de l'analyste Malgré l'importance accordée généralement aux données quantitatives, le recueil de données tant qualitatives que quantitatives est un pré-requis à la mesure du coût d'opportunité. Il sera toujours plus facile d’obtenir l’information requise si l’évaluation est planifiée au départ, ou si on compare des interventions dans une même région et plus le temps passe plus on aura l’information nécessaire. Cependant, les exercices de simulation et de modélisation, même si on ne le fait pas beaucoup, sont envisageables pour palier au manque de données, en raison du fait que les données sont disponibles pour ces exercices. Il demeure important d'avoir des systèmes d'information adéquats pour faciliter la mesure du coût d'opportunité. Au-delà de l’influence des technologies de support sur l’atteinte des objectifs, les structures informationnelles sont nécessaires pour assurer le suivi et la continuité des interventions et il importe de voir en cas d’échec avec ces technologies, si on a mis en place des solutions de rechange dont il faut apprécier l'efficacité. Il faudrait avoir de l’information de base sur les besoins non comblés, jumelée à de l’information sur la valeur des interventions incluant les interventions non efficientes qui sont disponibles pour répondre à ces besoins et la cueillette d'information doit permettre de décider dans quelles circonstances, on peut ou non décider en faveur des interventions analysées. Il faudrait aussi être capable de faire des liens entre l’information fournie par différents indicateurs ce qu’on ne fait pas assez actuellement. Circulation de l'information en situation de crise, médias et besoins de la population De façon générale on peut faire certains constats à l'effet qu’il faut d’abord se questionner sur les mythes que l’on véhicule au sujet de la médecine toute puissante qui fait en sorte qu’on arrive plus à tolérer la mort et ce, à n’importe quel prix; qu'on ne donne que très rarement à la population toute l’information tant sur les aspects positifs que négatifs des interventions car il y a toujours des effets secondaires; que l’information sur les coûts des interventions et/ou des maladies les unes par rapport aux autres n’est peut-être pas assez connue des décideurs et de la population; et que les gens ne sont pas au courant de toutes les problématiques comparables parce que les médias ne s’y intéressent pas. Comme on sait que pour chaque problème de santé, il y a une portion de décès inévitables qui en découlent, il faudrait avoir de l’information sur ce qui est réellement évitable pour cette problématique et le diffuser, de même que les moyens dont on dispose pour agir sur cette portion là. De plus, il faudrait toujours indiquer que l’on est sous contrainte budgétaire et le diffuser largement à la population. Malheureusement on constate aussi que l’action des médias est fonction des autres nouvelles et que si la période est tranquille ils auront tendance à stimuler une crise avec un cas qui autrement aurait été un fait divers et entretenir cette situation de crise sur une longue période.

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Il arrive aussi que la population accorde de la crédibilité à certains journalistes sensationnalistes qui diffusent de l’information plus ou moins juste. Lorsque les médias donnent de la visibilité à une problématique, ils attribuent souvent une ampleur démesurée au phénomène en cours en le rendant plus spectaculaire. Ils créent ainsi une panique au sein de la population et mettent de la pression sur le politique en suivant presque en direct chaque cas, et cela devient politiquement insupportable. Ainsi la couverture médiatique isole une problématique en laissant les autres dans l’ombre donnant ainsi l’impression à la population qu’il n’y a rien de plus urgent et important que la problématique médiatisée. Ce qu'il faut faire Pour contrer les problèmes concernant les besoins d’une information différente pour la prise de décision en situation de crise et la production d'une information utilisable et utilisée par les décideurs, il faudrait voir ce qu’on pourrait faire au niveau de la gestion de la circulation de l’information, et regarder l’option d’investir dans la gestion des médias. Ainsi on pourrait envisager d’utiliser les médias pour éduquer la population. Par ailleurs, il faut tabler sur les capacités du décideur, car si ce dernier est capable de démontrer, de par son passé, qu’il est crédible, cela favorise l’acceptation par la population de l’information qu’il diffuse. Il ne faut pas jouer à faire choisir la population, il faut garder de la crédibilité et ne pas verser dans le sensationnalisme. Il faut gérer les entrevues avec les médias et recourir davantage aux conférences de presse qu’aux entrevues. De plus, il faut trouver les bonnes façons de faire passer l’information à la population, tant au niveau des aspects techniques scientifiques que des aspects qui tiennent compte du sentiment populaire. Les experts peuvent influencer l’opinion publique, il serait donc possible de mieux utiliser cette influence pour contrer les sorties médiatiques qui génèrent des paniques. Toutefois, une mise en garde s'impose vis-à-vis l’idée d’utiliser les médias pour la prévention des crises car leur but est d’être alarmistes puisque ce qui fait vendre ce sont les crises et que si on dévoilait d’autres conditions, il est possible que les médias stimulent la pression populaire, ce qui exigerait de la part du décideur la prise en charge immédiate de ces conditions au lieu de faire des choix. Il faut donc diffuser l’information avec transparence, car sinon on stimule la méfiance de la population que les journalistes sont susceptibles d’exacerber. De plus, il faut se rappeler que les médias peuvent être sans pitié pour ceux qui soulèvent les enjeux éthiques. ÉVALUATION Problèmes actuels Ce ne sont pas toujours les décisions qui impliquent les coûts les plus importants qui bénéficient des meilleures analyses. Actuellement, on mesure le coût d’investissement que

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l’on relie aux mesures de processus comme les volumes d’activités et on ne va pas jusqu’à mesurer les impacts sur la santé en raison des difficultés posées par ce type de mesure. De plus, il est difficile de quantifier la demande ou d’évaluer la pertinence des listes d’attente ou des délais d’obtention des services. Partant du principe que la demande est illimitée, le décideur a du mal à distinguer la portion de cette demande qui nécessite réellement une intervention. Puisque les modes plus que des données scientifiques solides, sont souvent à l'origine de l'adoption des innovations, on ne devrait pas laisser aller des innovations sans les comparer à ce qui existe, car il faut se questionner à savoir si on veut ou non les généraliser. La différence ne doit pas devenir une excuse et il y a du travail à faire pour éviter que l'on se retranche derrière cet argument pour éviter la comparaison. D'ailleurs le qualificatif d'innovateur devrait être mieux défini. Il faut distinguer une innovation clinique d'une innovation du mode d'organisation car dans ce dernier cas, les comparaisons demeurent possibles. La disponibilité du coût par cas mettrait fin à ce débat en rendant les interventions comparables. Par ailleurs, l'effet silo pose problème. Toutefois, une mise en garde s'impose au niveau de la critique de l’effet silo car ce dernier peut être utile pour protéger certains programmes qui autrement ne résisteraient pas aux luttes de pouvoir. Partant du principe que plus le gestionnaire est imputable d’un grand nombre de sites, plus il sera ouvert à la substitution, les décideurs devraient revoir les modes d’organisation pour contrer l’effet silo tout en protégeant les programmes vulnérables. Il faudrait aussi clairement distinguer si l'intervention analysée a comme objectif de favoriser la complémentarité ou de stimuler la concurrence entre les partenaires du réseau, puisque cela peut influer sur le développement de l’effet silo. Cela implique aussi de voir s'il y a ou non des objectifs d’intégration des structures et les implications sur les acteurs et l'utilisation des ressources qui en découlent. Il n'est pas clair non plus si les questions éthiques, comme de prioriser certaines clientèles devraient être prises en compte dans l’évaluation. Les décisions de priorisation se prennent en tenant compte de la culture et des valeurs sociales. Ici, au Québec, on n’est probablement pas prêt à aborder ces questions éthiques. Les chiffres obtenus lors de l'analyse économique ne règlent pas le problème de la valeur qu'on doit accorder à la vie, ou même à une condition grave car cela devient un problème éthique. De façon générale, il faut donc toujours rappeler à la population que les budgets sont limités, que cela rend les choix difficiles et que cela justifie l’évaluation des interventions. Analyse du bien-fondé de l’intervention Il est d’abord nécessaire de valider si on a opérationnalisé les concepts théoriques derrière l’intervention pour définir des objectifs mesurables au niveau du suivi. Par la suite, il faut avant d’entreprendre l’évaluation se demander si on doit ou non questionner la pertinence de l’objectif de l’intervention. Il faut regarder le bien-fondé des objectifs en regard de la mission

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de l’établissement qui, en bout de ligne est nécessairement l’amélioration de l’état de santé et de la qualité de vie des gens et ce, même s’il s’agit du ministère. De plus, il faudrait voir la cohérence de l’objectif de l’intervention avec la prestation de services. Ceci implique de voir l’adéquation de l’intervention avec la véritable mission de l’établissement. Il faut aussi voir s'il y a adéquation entre la mission de l'établissement et les besoins de la communauté que l'intervention vise à combler. Ce retour à la mission serait aussi une façon d’apprécier la pertinence de tenir compte des jeux de pouvoir. Pour poser un jugement, il faut peut-être respecter un ordre dans l’appréciation des critères en accordant plus de poids à ceux qui permettent de mesurer l’atteinte des objectifs planifiés de l’intervention. Il faut donc apprécier l'adéquation de l'intervention implantée avec ses objectifs initiaux et l'évaluateur, malgré les limites imposées par son mandat, doit se préoccuper de voir si l’intervention est conforme aux objectifs fixés. Il faudrait pour apprécier la pertinence des objectifs, voir quels sont les scénarios que le décideur a étudiés avant de choisir l’intervention et se demander si ces scénarios reposent sur les meilleures connaissances disponibles au moment de la prise de décision et si le décideur a pris en compte les grandes tendances dans l’environnement. Cependant, il est souvent difficile de distinguer quels sont les véritables objectifs d’une intervention en raison des aspects politiques. Il faut pouvoir isoler ce qui aurait pu faire dévier une intervention de son objectif initial comme le jeu des groupes de pression, ce qui justifierait un processus de réévaluation. Au-delà du constat que l’objectif des politiciens est d’être élu ou réélu, il faudrait lorsque l’objectif de la décision est plus « politique », que les alternatives à comparer soient en fonction de cet objectif. Les études de besoins Il faudrait regarder comment une nouvelle intervention permet de répondre aux besoins identifiés de la population. Il faudrait être cependant capable de distinguer les besoins réels des besoins perçus. Dans l'évaluation des besoins, le décideur devrait distinguer les besoins de certaines clientèles vulnérables de ceux de l'ensemble de la population. Il faut évaluer les besoins en tenant compte des données démographiques et des taux de rétention des clientèles. Cette étude devrait aussi renseigner sur les habitudes actuelles de consommation de services et la volonté de la population cible de changer ou non ces habitudes. Enfin, il faudrait voir la valeur ajoutée de l’intervention sur la réponse aux besoins en combinaison avec les impacts de l’intervention sur la capacité des partenaires du réseau ou intersectoriels de répondre à ces besoins. Analyses d’implantation Avant de proposer une nouvelle intervention, il faudrait évaluer si on a optimisé les interventions déjà en place. Il faudrait donc avoir mesuré la qualité des soins et les besoins de

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la clientèle au-delà de la satisfaction, pour voir si des modifications des interventions déjà en place ne seraient pas plus souhaitables. Il faut aussi tenir compte de la volonté de participer des partenaires du réseau à la mise en place de l’intervention. Dans cet ordre d’idée, il demeure important de tenir compte aussi des incitatifs présents dans le système, notamment ceux mis en place par le ministère. En fait, il faudrait une analyse multiniveaux d’implantation à savoir premièrement si on a atteint l’objectif; deuxièmement si l’intervention est déployée tel que prévue dans les délais prévus; troisièmement voir quels sont les effets secondaires; et quatrièmement voir si la décision demeure une bonne décision quand on la replace dans le contexte global. Au-delà de l'utilité de l'analyse d'implantation pour voir l’atteinte des objectifs, elle demeure un pré-requis essentiel à la mesure des impacts. L’évaluation des processus est une méthode importante et elle devrait inclure la mesure de la contribution des technologies de support à l'atteinte des objectifs. Il faudrait aussi voir si l'intervention analysée est conforme aux règles de bonne gestion, et si les règles de financement sont respectées. Ce type d'évaluation inclut la mesure de l’intégration et de l’articulation des soins, et permet de comprendre les effets non planifiés tant positifs que négatifs. En fait, il faut regarder si on a mis en place les conditions qui permettent d’obtenir les effets positifs et éviter les effets indésirables ou non souhaités. Il faut aussi voir comment on a trouvé des alternatives pour contrer les effets indésirables non planifiés. L'analyse d’implantation de l’intervention devrait inclure le rôle des leaders dans le processus d’implantation. Il faudrait aussi regarder si l’intervention a atteint ses objectifs dans son contexte initial avant de considérer l’implanter ailleurs. Dans cette optique, il y a un intérêt à colliger des données de comparaison issues de réévaluations, qui permettraient d'une part, de se prononcer sur la généralisation des interventions en fonction des particularités des contextes locaux et l'opportunité de reproduire la logique de l'intervention ou de créer un autre modèle, et d'autre part, d'éclairer la décision de continuer ou non l'implantation de l'intervention analysée. Méthodes Chaque décision comporte autour de l’objectif principal de nombreuses composantes autres que l’efficience. Ces dimensions ont toutes un côté mesurable mais aussi subjectif. De façon générale, le poids relatif à accorder aux critères politiques ou éthiques par rapport aux critères scientifiques varie en fonction de la problématique et du contexte et il faut en tenir compte. Malgré les contraintes liées à la situation de crise, il y a tout de même un rôle à l’évaluation. En effet, après les crises, il faut quand même a posteriori être capables d’expliquer ou de justifier les décisions prises pendant la crise, et les décideurs n’ont peut-être pas tout l’appui nécessaire pour faire cela actuellement. Le décideur peut mettre en place des mesures pour favoriser l’évaluation. Ainsi, lorsqu’un décideur décide de mettre en place une nouvelle intervention, il devrait se préoccuper de la

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mesurer et s’assurer que l’on puisse faire des liens entre les mesures prises avant la mise en place de l’intervention et les mesures que l’on met en place après pour ainsi suivre l’atteinte des objectifs et mesurer l’efficacité de la nouvelle intervention. Il lui faudrait donc s’assurer de la concordance des instruments de mesure lorsqu’on fait des comparaisons. Pour faciliter l’évaluation, il faudrait que le décideur soit imputable du suivi de la trajectoire de soins des patients, car ce qu’on peut faire et que l’on ne fait pas assez, même si c’est présent en psychiatrie ou en gériatrie, c’est de mesurer la trajectoire de soins. La mesure de la trajectoire de soins apporte une bonne information qui permettrait de compenser pour la gestion en silo. En fait, il faudrait voir comment l'intervention affecte le continuum de soins et la complémentarité entre les établissements, et se demander s'il y a de réels gains pour le patient. De plus, il faudrait regarder les effets secondaires sur les autres ressources, sur les partenaires, sur les autres régions, et sur les possibilités d'articulation entre les partenaires. Pour mesurer le degré d’atteinte des objectifs, on peut regarder le niveau d'atteinte des mesures de performance à partir des indicateurs fixés au départ. Indicateurs Pour toutes les interventions, il y a une série de critères communs comme l’accessibilité, la qualité, les coûts, que l’on peut associer aux indicateurs classiques de gestion. Au niveau des indicateurs, certains méritent d’être mesurés de façon plus fine comme ceux qui concernent l’identification des besoins, la connaissance du problème et l’atteinte des objectifs. L'utilisation de proxys, lorsqu’on ne peut apprécier directement ou assez rapidement les impacts sur l’état de santé, est envisageable. La pertinence est démontrée pour l'un ou l'autre des indicateurs suivants :

• les indicateurs d’accessibilité (listes d’attente, temps d’attente, bassin de desserte); • les indicateurs qui permettent d’établir un lien entre les décisions qui ont été prises et

les besoins de la population; (mouvements de clientèle, services consommés à l'extérieur)

• les indicateurs comme les taux de rétention qui doivent être appréciés en adéquation avec les objectifs initiaux de l’intervention;

• les indicateurs d’impacts comme les durées moyennes de séjour, les taux d’hospitalisation, les taux de ré-hospitalisation, les mesures de la prise en charge, les impacts sur l’augmentation de l’offre (nombre de cas traités) et;

• la mesure de la satisfaction ou de la fidélité comme proxy de la satisfaction. Cependant, il existe des contraintes à l'utilisation des indicateurs, que ce soit :

• l'absence d'indicateurs permettant de distinguer les composantes de l’intervention qui fonctionnent bien de celles qui ne fonctionnent pas ou;

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Annexes

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• la difficulté d'agréger une série d’indicateurs ayant chacun leur logique propre, ou la difficulté d'identifier les indicateurs les plus significatifs d'un modèle dont on voudrait tester la validité ou encore;

• la difficulté de proposer seulement quelques indicateurs qui permettent de poser un jugement sur l’intervention, ou enfin;

• la difficulté d'empêcher la contestation du choix des indicateurs par certains acteurs. Il faut distinguer l’évaluation a priori de celle d’un projet en cours. Évaluation en mode rétrospectif L’évaluation a posteriori, surtout dans une optique de coût d’opportunité, n’est pas une chose à laquelle on pourrait penser naturellement mais c’est une idée intéressante qui pose toutefois plus de défis car l’évaluation sera plus difficile. Pour faire une évaluation en mode rétrospectif, il faut connaître les objectifs initiaux des décideurs et les projections des résultats qu’ils anticipaient à moyen terme au moment de la mise en œuvre de l’intervention. On pourrait envisager des études avant après basées sur des exercices de simulation ou de modélisation qui permettraient de faire des projections par rapport au statu quo et de dégager les tendances. Toutefois il reste le problème qu’on ne peut que modéliser ce qui est fait et probablement pas ce qu’on aurait pu faire. Évaluation en mode prospectif Lorsque l’évaluation est a priori, il faut voir les besoins de la population surtout si on a la possibilité d’investir des argents neufs. Ensuite il faut identifier les options possibles, voir leurs modalités de fonctionnement et les effets qu’elles ont eus dans les milieux où elles sont implantées. Procéder de façon prospective serait moins problématique puisqu'il est toujours plus facile d’obtenir l’information requise si l’évaluation est planifiée au départ. On pourrait a priori assumer que la qualité des services n’est pas modifiée lorsqu’ils sont offerts par les mêmes professionnels et ainsi se concentrer sur l’évaluation des modalités d’organisation des services. Toutefois, en raison des enjeux politiques, on pourrait a priori, identifier les groupes d’enjeux pour voir comment ils vont influencer l’intervention. Il faut aussi comprendre le système de croyance des gens face à la santé pour pouvoir déterminer ce qu’il est pertinent de mesurer. Au niveau de ce qui est pertinent d'évaluer, il serait important de formaliser par le calcul ce que les gens anticipent intuitivement comme impacts de l'intervention. Du point de vue méthode, il faudrait donc identifier ce que le décideur voulait changer avec son intervention, les impacts prévisibles qui en découlent et ainsi apprécier la cohérence de la décision en fonction de ces éléments. De plus, il faut apprécier la valeur des plans de rechange que le décideur a planifié en cas d’échec de l’intervention. Il faut aussi que des mesures d'impact sur la communauté aient été planifiées pour voir si la décision est prise de façon équitable par les décideurs.

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Annexes

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Une solution serait de simuler différents scénarios avant la prise de décision. En effet, la modélisation serait un outil intéressant et peu coûteux. La méthode avant après, peut aussi être appliquée, par le biais de la prise en compte des résultats obtenus sur les indicateurs et de mesures répétées de la satisfaction. C’est une méthode valide à défaut de trouver un comparateur, car cette méthode permet de se servir des indicateurs de façon normative qui peuvent être mis en lien avec une analyse de l'implantation. En effet, il existe maintenant des normes sur la prise en charge des cas en terme d'utilisation des ressources, comme par exemple, la durée moyenne de séjour pour certains types de cas. Ces normes sont donc des données utilisables. Il faudrait aussi évaluer la valeur relative des interventions préventives de masse par rapport au traitement curatif des malades et de se référer aux données de recherche pour répondre à ces questions.

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Annexes

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ANNEXE B – TABLEAU DES RÉSULTATS SELON CHAQUE GROUPE DE DISCUSSION G: gestionnaires; C: cliniciens; P: population; E: économistes; X = mentionné par le groupe

G C P E Distinguer les niveaux de décision, les modalités de la prise de décision et connaître les critères de décision priorisés par le décideur (4 ou 5)

X X X

Critère politique (macro et urgence module au niveau méso) Informations requises ou à diffuser Influence des groupes d’enjeux (industrie, politiciens, lobbies) X Résistance au changement (professionnels, population) X X Pression populaire et rôle des leaders X X Impacts sur les objectifs initiaux (déviation) et clarté des objectifs X X Promesses politiques à tenir et agenda politique X X Aspects socio-politiques de la problématique X Enjeux pour la méthode du coût d’opportunité Manque de transparence et d’intérêt pour l’évaluation X X X Limite de la théorie économique et de la logique économique X X Coût d’opportunité du politicien et limites liées à l’agenda politique X X X Cooptation de l’évaluation par les groupes d’enjeux X Critères impalpables et éléments impossibles à prévoir pour lesquels le décideur n’a pas besoin d’études

X X

Solutions Produire une information valide comme le coût d’opportunité X Pertinence du coût d’opportunité: met en lumière les diverses rationalités, réduit le poids du critère politique, bonifie le débat politique en identifiant les objectifs cachés par la réévaluation de l’atteinte des objectifs initiaux, apprécie l’influence des groupes d’enjeux

X X

Évaluer lorsque de ne pas intervenir sera perçu socialement inacceptable X Ne pas paralyser la décision d’urgence mais proposer des réévaluation, n’évaluer que ce qui vaut la peine en terme de coûts

X X

Mettre en lumière les priorités et signaler ce qui aurait pu être fait d’autres, évaluer l’impact sur le budget du décideur

X X X

Évaluer le rôle des médias et leur impact sur la décision X X X X Voir les liens entre les groupes d’enjeux et le politique X Considérer l’opinion publique et voir l’importance réelle accordée par la population à la problématique

X

Créer une alliance entre le politique et le scientifique pour équilibrer le critère scientifique et d’opinion publique et hiérarchiser les besoins et priorités et voir ce qu’il est souhaitable de financer

X X X

Modéliser et faire des études de suivi pour produire des données permettant de justifier les actions a posteriori

X

Proposer des alternatives de comparaisons qui sont en fonction des objectifs X X

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Annexes

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G C P E politiques et favoriser la perspective sociétale pour ce critère Mesurer l’impact sur de la répartition du pouvoir et des luttes idéologiques favoriser la transparence par la modélisation a priori

X X

Tenter d’établir un consensus sur l’évaluation par la consultation, l’invitation à réagir ou la cooptation des opposants potentiels

X

Critère d’urgence (crises et modes de gestion de plus en plus réactifs) modulé par le critère éthique, peu de place à l’efficience

Informations requises ou à diffuser Potentiel de réaction émotive de la population et niveau de pression X Valeurs dominantes, attentes de la population (désir d’intervention) X X Degré d’incertitude, anxiété, panique de la population X Pressions politiques, coût politique, influence des lobbies X X X X Jeu des médias (autres nouvelles, crédibilité accordée aux sensationnalistes, ampleur démesurée, création de panique, mise de pression sur le politique, isolement d’une problématique en laissant l’impression que rien n’est plus urgent, discrédite ceux qui soulèvent les questions éthiques)

X X X

Enjeux pour la méthode du coût d’opportunité Pression populaire et panique qui précipitent les décisions et pas d’effet des mesures préventives

X X X

Critère de coût occulté et prépondérance du critère politique X Potentiel innovateur réduit et adoption d'une perspective individuelle par la population

X X

Opinion publique (société riche, avancée) et décideur tributaire des décisions antérieures

X X X

Création d’une hiérarchie sociale qui complique l’analyse X X X Solutions X X Éduquer la population si plusieurs options avant les crises X Trouver l’intervention la moins chère en fonction des critères de réduction de l’anxiété et du sentiment d’impuissance

X X

Consulter la population en dehors des crises sans lui laisser les choix X Tabler sur un décideur crédible X Éviter le sensationnalisme ou la prise en otage de la population (ne pas obliger la population à faire les choix)

X

Plus de conférences de presse, moins d’entrevues et investir dans la gestion prudente des médias

X X

Établir que l’argent des crises ne sera pas disponible pour d’autres programmes

X

S’attaquer au mythe de la médecine toute puissante X Information qui tient compte des aspects techniques et du sentiment populaire X Meilleure utilisation des experts et transparence pour éviter la méfiance X Produire une information différente, à temps, synthétisée dont la valeur pour le décideur est mise en évidence et évaluer ce qui arrive quand les médias ne s’en

X X

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Annexes

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G C P E mêlent pas Évaluer les coûts intangibles (peur, panique, perte de confiance, anxiété) X X X Requestionner les façons de faire avec des études de suivi de type coût-efficacité

X

Identifier les gagnants et les perdants X X X X Savoir d'où vient l’argent (coupures, retards d’investissements) X X Établir le coût d’opportunité du politique en fonction de l’agenda politique X X X X Voir les décisions prises ailleurs pour le même type de problématique X Établir la rentabilité des interventions en cas de récurrence X Modéliser l’étalement des coûts et évaluer a posteriori pour justifier les actions X X Critère scientifique clinique (niveau micro et allocation pour les technologies) module les décisions de priorisation

Informations requises ou à diffuser Impacts sur la santé, la qualité de vie et impact des contextes locaux et des barrières sur l’efficacité

X X

Seuil d’efficacité, niveau d’intensité, ressources requises X X Efficacité d’utilisation (incluant la compétence des intervenants) et efficience (pas seulement les coûts)

X X

Impacts selon les sous-groupes (médicaux, psycho-sociaux) X Effets à long terme, effets indésirables, transition épidémiologique X X X Données probantes sur l’efficacité et les indicateurs classiques de gestion X X X X Enjeux pour la méthode du coût d’opportunité Rendre les évaluations plus pertinentes et faciliter les autorisations conditionnelles

X X

Solutions Utiliser davantage les données existantes et faire des analyses d'implantation X X Établir de meilleurs liens entre les indicateurs pour voir les effets non planifiés X X Modéliser et faire des analyses de sensibilité (efficacité d’utilisation, à long terme, compétences, état de santé, durée de vie de l’option selon évolution des pratiques, taux d'acceptation de la clientèle obtenu par enquête et taux de rétention)

X X X

Utiliser des proxys si impacts non disponibles et faire des coûts conséquences si problèmes d’agrégation se posent

X X

Études de suivi pour validation des modèles de simulation X Critère de gestion des risques (très lié au critère clinique mais au niveau organisationnel)

Informations requises ou à diffuser Risques associés et effets indésirables vs ne rien faire et seuil de risque acceptable pour la population

X X X

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Annexes

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G C P E Effets sur la responsabilité professionnelle, pratiques défensives et risques de poursuite

X

Effet sur des objectifs conflictuels (accès vs sécurité vs continuité) X X Enjeux pour la méthode du coût d’opportunité Nouveaux critères non appréciés actuellement dans l'évaluation économique X X X Solutions Formaliser par le calcul les impacts anticipés et les modéliser X Instaurer des mesures de suivi sur ces effets (utiliser davantage des données existantes)

X

Critère économique (méso lié aux modes d’organisation et tient compte des dimensions temporelles et logistiques) décisions complexes souvent par étapes

Informations requises ou à diffuser Temporelles (évolution démographique, pratiques cliniques, effectifs, contextes politiques, budgétaires, besoins de services), indicateurs et leur évolution, valeur des technologies de support et de communication

X X X X

Bien fondé (théorique, contexte, mission), pertinence et atteinte des objectifs, conformité aux normes

X

Impacts sur le continuum et sur les partenaires et voir la transférabilité de l'intervention

X X X

Effets secondaires et besoins de formation X X Source de financement (neuf ou réallocation) et ampleur de la demande X X X Enjeux pour la méthode du coût d’opportunité Indicateurs qui ne permettent pas de distinguer les parties qui fonctionnent dans une intervention complexe, comparer des incomparables, coût des études, confusion sur les besoins du décideur

X X X

Manque d’information et de fiabilité des données, information peu accessible et sous-utilisée

X X X

Manque de temps pour recueillir l’information X X Solutions Identifier les indicateurs pertinents et les critères du décideur et faire plus de liens entre eux et les documenter de façon plus fine, si l'intervention est complexe, l'analyser par morceaux

X X X

Mesurer le coût d’opportunité car problème dépersonnalisé, réassure, rend plus conscient de ce qui est fait intuitivement, de ce qu’on laisse tomber, et de ce qu’il faut protéger, moins contestable. Rend la décision plus systématique et diminue la marge d’incertitude, aide à allouer selon les priorités, faciliter les décisions d’investissement, soutien la réévaluation et identifie les enjeux de réallocation

X X X X

Établir les besoins, la valeur et la transférabilité des options et faire des liens entre les indicateurs

X X

Recueil de données quantitatives (impact) et qualitatives (implantation) avant la mesure du coût d’opportunité

X

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Annexes

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G C P E Modéliser à partir de ce qui est connu, des proxy et des indicateurs normatifs (marge d’erreur préférable) pour pallier au manque de temps, d’argent, de données et compléter avec des études de suivi

X X X

En prospectif: identifier les effets dans les milieux où c'est implanté, lien entre les mesures avant après, concordance des instruments de mesure, identifier l’influence des groupes d’enjeux, formaliser par le calcul les impacts anticipés, voir leur cohérence, les solutions de rechange (si échec) et mesurer les impacts sur la communauté en incluant l’équité, la satisfaction en lien avec les données d’implantation

X X X

Établir les coûts (investissement, options selon les montants disponibles, rapport entre coûts unitaires et infrastructure, prix payés ailleurs, étalement des coûts, coûts communs, seuils de rentabilité, économies d’échelle, rendements décroissants, évolution des coûts, coûts indirects, coûts de transition, coûts de l’évolution technologique, utilisation des économies, coûts marginaux lors de modification des cases mix, coûts de gestion des conventions collectives, coûts de changement de pratique, coûts pour ceux qui doivent changer de pratique) et en l'absence de données faire des proxys

X X X

Établir les effets sur satisfaction (réponse de la population, modification des habitudes, type de clientèle rejointe), sur l’organisation (effectifs, résistance, conditions de travail, déplacement de clientèles, productivité), externalités, effets hors silo, continuité des soins, équilibre entre les objectifs)

X X X

Établir un ordre d’appréciation des critères avec plus de poids à ceux qui mesurent l’atteinte des objectifs planifiés, pondérer les divers critères de décision en fonction de la problématique et du contexte, faire une analyse d’implantation multiniveaux, instaurer des réévaluations

X X

Utiliser les indicateurs classiques de gestion en incluant ceux qui mesurent l’offre de services et la satisfaction

X X X

En rétrospectif: projeter les résultats attendus en fonction des objectifs initiaux et mesurer avec des comparaisons, des études avant après ou la modélisation en identifiant les coûts alternatifs

X

Il faut évaluer les options en fonction des critères de décision et de contraintes sur les choix (législatifs, transferts de coûts, mécanismes d’allocation et de rémunération) et voir l'impact sur les besoins et priorités. Si impossible de hiérarchiser les critères faire un coût conséquences et identifier les critères qui orientent dans des directions opposées.

X X X

L’approche normative peut être utilisée pour déterminer les meilleures options, ensuite il faut les évaluer (bien fondé, atteinte des objectifs en fonction du contexte et des enjeux d’implantation) l’impact se voit sur la mesure de la trajectoire de soins, ensuite il faut apprécier en fonction des problèmes alternatifs selon le contexte et faire des scénarios, identifier les transferts vers des options plus optimales et les enjeux de réallocation et identifier les impacts sur les perdants

X X X X

Les offres de services peuvent être bâties a priori en estimant les besoins et les coûts administratifs, ensuite on détermine les meilleures modalités de dispensation et il faut renseigner sur la valeur d’investir dans les infrastructures, le mesures de partage de coûts, les mesures de décentralisation

X

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Annexes

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G C P E Privilégier la mesure de la trajectoire de soins (effets hors silo et enjeux de réallocation)

X

Confier à des indépendants les études pour augmenter la crédibilité si le critère coût est prépondérant

X

Critère d’imputabilité (lié à la centralisation ou à la décentralisation de la prise de décision)

Informations requises ou à diffuser Étendue de l’autorité et possibilité de restreindre l’intervention et d'identifier des sous-groupes à risque

X X

Degré de responsabilité du patient et possibilités de transferts de responsabilités ou de coûts

X X X

Variation de la valeur accordée par la population à l’intervention selon les territoires

X

Enjeux pour la méthode du coût d’opportunité Gestion en silo, (responsabilité limitée), imputabilité pas claire et non respect du champ de compétence

X X X X

Mesure de la satisfaction (sondages incomplets, biaisés, non représentatifs) X X Solutions Nouvelles méthodes de mesures de la satisfaction (WTP, satisfaction comparée entre options, fidélité, coût marginal d’augmentation du taux, attitude des intervenants, degré d’accompagnement, questions sur l’utilisation des impôts) à court terme mesurer l’utilisation de services, dépenses et satisfaction

X X

Mettre en relation les coûts et les effets (incluant qualité de vie) et voir l’adéquation avec la mission et les implications sur le travail, sur la trajectoire de soins, les résultats sur les indicateurs, et mettre en relation les options qui donnent les mêmes effets et voir les impacts sur le partage des responsabilités

X X X

Critère de tendance (lié aux modes et tendances des organisations à copier les unes sur les autres)

Informations requises ou à diffuser Modèles à la mode et modèles prometteurs et rôle des médias X Distinction entre innovations cliniques et organisationnelles X X X Enjeux pour la méthode du coût d’opportunité Incitation des médias à adopter les modes, les interventions coûteuses n'ont pas les meilleures analyses

X X

Solutions Diffuser de l’information sur le coût d’opportunité et sur la relation entre les interventions et la maladie

X X X X

Produire de l’information assez précise (vraisemblable) X En l’absence de comparateur faire des proxys avec les coûts dans des structures similaires ajustés et soumis à des projections, si possible obtenir le coût pas cas

X

Mieux définir ce qui est novateur et voir s’il s’agit d’un dédoublement X X X

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Annexes

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G C P E Critère éthique (macro pour la priorisation) craint des décideurs mais abordé de façon identique dans tous les secteurs

Informations requises ou à diffuser Évaluation économique avec tous les points de vue des acteurs touchés par les coûts et les effets

X X X

Enjeux pour la méthode du coût d’opportunité Tous répugnent à donner une valeur à la vie X X X X Solutions Comparer des évènements de même nature en fonction des besoins et des coûts en incluant les coûts intangibles ne pas recourir au WTP (biaisés par les coûts intangibles)

X

Faire des analyses de sous-groupe en fonction des caractéristiques psychosociales

X

Voir si l'intervention dessert une nouvelle clientèle au détriment d’une ancienne

X X

Apprécier les transferts de responsabilité et de coûts identifier les gagnants et les perdants

X X X X

Élargir les alternatives aux coûts par vie sauvée dans les autres secteurs X Informer sur les argents gouvernementaux investis dans les priorités d’autres secteurs

X

Estimer les effets de la recherche comme alternative X Mettre en lumière les critères d’intérêt du patient (efficacité, fiabilité, absence de report, incertitude)

X

Critère populationnel (macro décisions de priorisation) prédominance du critère éthique modulé par le critère économique

Informations requises ou à diffuser Coûts relatifs des interventions/maladies (peu connus mais disponibles) liste des besoins et des priorités

X X X

Les différences d’allocation avec ou sans l’intervention des médias, aspects socio-techniques

X X

Enjeux pour la méthode du coût d’opportunité Critères de choix du prestataire par la population, moyens d’expression limités pour la population

X X

Hiéarchiser suscite des débats X Solutions Rappel des facteurs de mécontentement de la population (manque d’écoute ou de réassurance), justifier les options écartées, identifier les possibilités de restreindre aux populations à risque

X X X

Voir les impacts sur les infrastructures si des interventions sont abandonnées X Informer sur comment un dossier devient une priorité et peut s'écarter des recommandations d’experts

X

Établir l’importance relative pour la population d’une problématique X X

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Étude de faisabilité visant à rendre opérationnelle la mesure du coût d’opportunité Annexes

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G C P E émergente et ce qui peut être fait d’autre avec les mêmes montants, évaluer la compatibilité avec les objectifs du système Diffuser l’information sur la portion évitable de la maladie et sur les moyens dont on dispose et à quels coûts, documenter le coût de l’intervention médiatique

X X

Diffuser qu’on est sous contrainte budgétaire que cela implique des choix difficiles et qu'il est nécessaire d’évaluer

X

Faire des analyses de besoins qui distinguent les besoins réels des besoins perçus et ceux des clientèles vulnérables, comprendre les systèmes de croyances pour déterminer ce qu’il est pertinent de suivre

X X X

Documenter la valeur ajoutée sur la réponse aux besoins en tenant compte de la capacité de tous les partenaires incluant l’intersectoriel, utiliser les critères classiques de besoins et d’accessibilité

X X

Valider l’optimisation des interventions en place avant de suggérer de nouvelles interventions par l'analyse de la qualité des soins et la mesure de la trajectoire de soins

X X

Établir les coûts du statu quo et le coût efficacité de la nouvelle intervention en identifiant les meilleures modalités pour la dispenser, si on manque de données on peut modéliser avec des proxys, ensuite classer cette intervention en fonction des ratios de toutes les autres alternatives en tenant compte de l’impact sur les partenaires

X X X X

Identifier les coûts, même s’ils sont faibles, si ne pas intervenir sera perçu socialement inacceptable

X

Identifier les critères et incitatifs qui orientent la décision dans des directions opposées

X X

Adopter la perspective de la population cible (comparer des options qui la touche de la même manière, comparer le préventif et le curatif, les alternatives qui ne sont pas dans le même silo mais qui sont pour la même problématique)

X X X

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Adresse de correspondance Prière d'adresser toute correspondance concernant le contenu de cette publication ou autres rapports déjà publiés à : Groupe de recherche interdisciplinaire en santé Secteur santé publique Faculté de médecine Université de Montréal C.P. 6128, Succ. Centre-Ville Montréal (Québec) H3C 3J7, Canada Téléphone : (514) 343-6185 Télécopieur : (514) 343-2207 Adresse de notre site Web http://www.gris.umontreal.ca/