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Christoph Schiller LA MONTAGNE MOUVEMENT l’aventure de la physique vol . i chute , flux et chaleur www.motionmountain.net

La Montagne Mouvement - Chute, flux et chaleur - volume 1

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Le premier volume du livre gratuit de physique: une introduction à la mécanique classique, simple et surprenante en chauqe page, avec peu de mathématiques, et un grand nombre d'images et d'animations en couleurs.

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Christoph Schiller

LA

MONTAGNE MOUVEMENT , .

www.motionmountain.net

Christoph Schiller

L M

M

LAventure de la Physique Volume I

Chute, Flux et Chaleur

Traduit de langlais par Benot CLENET

e

dition, disponible gratuitement sur

www.motionmountain.net

Editio vicesima tertia. Proprietas scriptoris Christophori Schiller secundo anno Olympiadis vicesimae nonae. Omnia proprietatis iura reservantur et vindicantur. Imitatio prohibita sine auctoris permissione. Non licet pecuniam expetere pro aliquo, quod partem horum verborum continet ; liber pro omnibus semper gratuitus erat et manet.

Vingt-troisime dition. Copyright Christoph Schiller, deuxime anne de la e Olympiade.

Ce chier pdf est distribu sous licence Creative Commons Paternit-Pas d Utilisation Commerciale-Pas de Modi cation . Allemagne dont le texte peut tre consult en intgralit sur la page creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/ . /de/deed.fr, avec la restriction supplmentaire que toute reproduction, distribution et utilisation, partielle ou totale, dans n importe quel produit ou service, qu il soit commercial ou non, nest pas autorise sans le consentement crit du dtenteur du droit d auteur. Toute personne est libre de consulter, enregistrer et imprimer ce chier pdf pour son usage personnel, et de le di user par des moyens lectroniques, mais uniquement sous sa forme originale et de manire entirement gratuite.

Britta, Esther et Justus Aaron

Die Menschen strken, die Sachen klren.

PR FAC E

La Montagne Mouvement LAventure de la Physique

Ce livre sadresse toute personne curieuse de la nature et du mouvement. La curiosit portant sur la manire dont se meuvent les gens, les animaux, les choses, les images et l espace nous entrane dans de multiples aventures. Ce volume prsente les meilleures d entre elles dans le domaine du mouvement familier. Lobservation du mouvement de tous les jours nous permet de dduire six propositions fondamentales : le mouvement quotidien est continu, conserv, relatif, rversible, invariant par r exion, et... fainant. Oui, la nature est vraiment paresseuse : dans chacun de ses mouvements, elle minimise le changement. Ce texte explore comment ces rsultats sont dduits et comment ils saccommodent de toutes les observations qui semblent les contredire. La majorit des points de dpart de la physique moderne, dont la structure est indique sur la Figure , est constitue des rsultats issus du mouvement quotidien. Le prsent volume le premier d une collection qui en compte six propose un tour d horizon de la physique ; il rsulte d une triple aspiration que jai poursuivie depuis : prsenter le mouvement d une manire simple, moderne et vivante. A n d tre simple, le texte se focalise sur les concepts, tout en donnant aux mathmatiques le niveau minimum ncessaire. La priorit est donne la comprhension des concepts de la physique plutt qu l utilisation des formules dans les calculs. Tout ce texte est la porte d un tudiant qui accde au premier niveau universitaire. A n d tre moderne, ce texte est enrichi par les nombreux joyaux aussi bien thoriques qu empiriques qui parsment la littrature scienti que. A n d tre vivant, ce texte tente de surprendre le lecteur autant que possible. Lire un livre de physique gnrale, ce devrait tre comme assister un spectacle de magie. Nous observons, nous nous tonnons, nous nen croyons pas nos yeux, nous r chissons, et nalement nous comprenons le truc. Lorsque nous observons la nature, nous faisons souvent cette mme exprience. C est pourquoi chaque page propose au moins une surprise ou une provocation qui mettra la sagacit du lecteur l preuve. Un grand nombre de d s intressants sont proposs. La devise de ce texte, die Menschen strken, die Sachen klren, une phrase clbre sur la pdagogie due Hartmut von Hentig, se traduit ainsi : Forti er les hommes, clari er les choses . Clari er les choses ncessite du courage, puisque changer les habitudes de pense engendre la peur, souvent masque par la colre. Mais en surpassant nos peurs* Dabord mouvoir, ensuite enseigner . Dans les langues modernes, ce type mentionn de mouvement (celui du cur) est souvent appel motivation : ces deux termes sont issus de la mme racine latine.

Primum movere, deinde docere*. Antiquit

Traduit de langlais par Benot Clnet disponible gratuitement sur www.motionmountain.net Copyright Christoph Schiller Novembre 1997Mai 2010

PHYSIQUE : Dcrire le mouvement laide de laction.

Description unifie du mouvement Aventures : comprendre le mouvement, joie intense avec la pense, saisir une lueur dextase, calculer les masses. Mcanique quantique et gravitation Aventures : neutrons qui rebondissent, comprendre la croissance des arbres.

Pourquoi le mouvement se produit-il ? Que sont lespace, le temps et les particules quantiques ?La Montagne Mouvement LAventure de la Physique

Relativit Gnrale Aventures : le ciel nocturne, mesurer la courbure de lespace, explorer les trous noirs et lunivers, lespace et le temps. Comment les Gravitation objets familiers classique rapides et massifs Aventures : se dplacent-ils ? randonne en montagne, ski, voyage dans lespace, les prodiges de lastronomie et de la gologie. G

Thorie quantique des champs Aventures : btir des acclrateurs, comprendre les quarks, toiles, bombes et fondements de la vie, la matire, le rayonnement. Comment se dplacent les objets minuscules ? Que sont les choses ?

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Relativit restreinte Aventures : lumire, magntisme, contraction des longueurs, dilatation du temps et E0 = mc2 . c h, e, k

Mcanique quantique Aventures : mort, sexualit, biologie, admirer lart et les couleurs, toute la technologie de pointe, mdecine, chimie et volution.

Physique galilenne, chaleur et lectricit Aventures : sport, musique, navigation, cuisine, dcrire la beaut et comprendre son origine, utiliser llectricit et les ordinateurs, comprendre le cerveau et ltre humain.F I G U R E 1 Une carte complte de la physique : les connexions sont dnies par la vitesse de la lumire c, la constante de la gravitation G, la constante de Planck h, la constante de Boltzmann k et la charge lmentaire e.

nous gagnons en force. Nous ressentons alors des motions intenses et enivrantes. Toutes les grandes aventures de la vie et explorer le mouvement en est une mnent cela. Munich, Janvier .

R Je remercie Benot Clnet pour sa traduction de ce volume. Sa patience, son nergie et son professionnalisme sont exemplaires.

C Daprs mon exprience d enseignant, je connais une mthode d apprentissage qui est toujours parvenue transformer des lves en chec en lves gagnants : si vous lisez un livre pour l tudier, rsumez chaque section que vous lisez, dans vos propres termes, voix haute. Si vous ny arrivez pas, lisez la section une nouvelle fois. Recommencez jusqu ce que vous puissiez rsumer clairement ce que vous avez lu avec vos propres mots, voix haute. Vous pouvez le faire tout seul dans votre chambre, ou avec des amis, ou tout en marchant. Si vous faites cela avec tout ce que vous lisez, vous rduirez votre temps d apprentissage et de lecture de manire signi cative. De surcrot, vous prendrez beaucoup plus de plaisir apprendre avec des bons ouvrages et dtesterez nettement moins les mauvais manuels. Les prodiges de cette mthode peuvent mme l utiliser tout en coutant un cours, voix basse, vitant ainsi de prendre constamment des notes. C ?

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Le texte en vert, que l on trouve dans un grand nombre de notes en marge, signale un lien sur lequel on peut cliquer dans un lecteur pdf. Ces liens en vert sont soit des rfrences bibliographiques, des notes de bas de page, des rfrences croises vers d autres pages, des solutions aux d s ou des pointeurs vers des sites Web. Les indices et solutions des d s sont donns dans l annexe. Les d s sont classs ainsi : niveau recherche (r), di cile (d), niveau tudiant standard (s) et facile (e). Les d s des types r, d ou s pour lesquels aucune solution na encore t incorpore dans le livre sont marqus (pe). A Ce texte est et demeurera librement tlchargeable depuis Internet. En change, envoyez-moi s il vous plat un bref courriel [email protected], propos des questions suivantes : Qu est-ce qui ntait pas clair ? Quelle histoire, sujet, nigme, image ou lm navez-vous pas compris ? Qu est-ce qui devrait tre amlior ou corrig ? Vous pouvez galement ajouter votre retour directement sur www.motionmountain.net/ wiki. Au nom de tous les lecteurs, merci par avance pour votre collaboration. Si votre contribution est particulirement pertinente, et si vous le souhaitez, votre nom sera mentionn dans les remerciements, ou bien vous recevrez une rcompense, ou les deux. Mais par-dessus tout, trs bonne lecture !

D 1 s

TP

M

? Le Mouvement existe-t-il ? Comment devrions-nous parler du mouvement ? Quels sont les di rents types de mouvements ? Perception, Le monde a-t-il besoin d tats ? Curiosits et continuit et changement d s amusants sur le mouvement Qu est-ce que le temps ? Pourquoi les horloges Qu est-ce que la vitesse ? Est-ce que le temps tournent-elles dans le sens des aiguilles d une montre ? scoule ? Qu est-ce que l espace ? Lespace et le temps sont-ils absolus ou relatifs ? La taille pourquoi les surfaces existent-elles, mais pas les volumes ? Qu est-ce qu une ligne droite ? Une Terre creuse ? Curiosits et d s amusants sur l espace et le temps quotidiens

La Montagne Mouvement LAventure de la Physique

D

C

Le jet et le tir Qu est-ce que le repos ? Des jambes et des roues tuelles

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Les objets et les particules ponc-

D Mouvement et contact Qu est-ce que la masse ? Le mouvement est-il ternel ? Appendice sur la conservation l nergie La vitesse est-elle absolue ? La thorie de la relativit quotidienne La rotation Des roues Comment marchons-nous ? en rotation D T La Terre se dplace-t-elle ? La rotaComment la terre tourne-t-elle ? tion est-elle relative ? Curiosits et d s amusants sur le mouvement quotidien Des jambes ou des roues ? Suite Proprits de la gravitation La dynamique Comment les choses bougentelles dans plusieurs dimensions ? La gravitation dans le ciel La Lune Les orbites Les Mares La lumire peut-elle tomber ? Qu est-ce que la masse ? Suite Curiosits et d s amusants sur la gravitation L Devrait-on employer la force ? tats complets conditions initiales Une conclusion Les surprises existent-elles ? Lavenir est-il dj tout trac ? trange sur le mouvement Descriptions gnrales du mouvement M Le principe de moindre action Pourquoi le mouvement est-il si souvent limit ? Curiosits et d s amusants sur les lagrangiens M Points de vue Symtries Pourquoi pouvons-nous r chir et discuter ? Reprsentations Symtries, mouvement et physique galiet groupes lenne Reproductibilit, conservation et thorme de Noether Curiosits et d s amusants sur la symtrie du mouvement

D

M

Pourquoi pouvons-nous nous parler ? Le Les ondes et leur mouvement principe de Huygens Signaux Ondes solitaires et solitons Curiosits et d s amusants sur les ondes et les corps tendusLa Montagne Mouvement LAventure de la Physique

L

? Une barre de chocolat peut-elle durer pour touMontagnes et fractales jours ? quelle hauteur les animaux peuvent-ils sauter ? lagage d arbres Lcho du silence Des petites billes dures Le mou Curiosits et d s amusants sur les uides Curiovement des uides sits et d s amusants sur les solides Qu est-ce qui peut bouger dans la nature ? Entropie Courant d entropie Les systmes isols Temprature existent-ils ? Pourquoi les ballons ont-ils besoin d espace ? La n de la continuit Mouvement brownien Entropie et particules Lentropie minimale de la nature le quantum d information Pourquoi ne pouvonsnous pas nous souvenir du futur ? Est-ce que tout est fait de particules ? Pourquoi les pierres ne peuvent tre ni continues ni fractales, ni faites de petites billes dures Curiosits et d s amusants sur la chaleur Curiosits et d s amusants sur l auto-organisation mes de recherche en dynamique classique Qu est-ce que le contact ? Prcision et exactitude Est-ce que toute la nature peut tre dcrite dans un livre ? Pourquoi la mesure est-elle possible ? Le mouvement est-il illimit ?

D

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A D

N Lalphabet latin Lalphabet grec Alphabet hbreu et autres critures Chi res et nombres Les symboles utiliss dans ce texte Calendriers Abrviations et ponymes ou concepts ? U , M C Units naturelles de Planck Autres systmes d units Curiosits et d s amusants sur les units Prcision et exactitude des mesures Nombres utiles Constantes physiques fondamentales

S B I C

Remerciements phiques

Crdits

lmographiques

Crdits photogra-

C

,F

C

Dans notre apprentissage du mouvement des objets, l aventure de la randonne et d autres expriences nous conduisent introduire les concepts de vitesse, temps, longueur, masse et temprature, et d en tirer parti pour mesurer le changement. Nous dcouvrons comment otter librement dans l espace, pourquoi nous avons des jambes au lieu de roues, pour quelle raison le dsordre ne peut tre supprim, et pourquoi l une des questions les plus ardues de la science concerne l coulement de l eau dans un tube.

C

P OU RQU OI S I N T R E S SE R AU MOU V E M E N T ?

La Montagne Mouvement LAventure de la Physique

Rf. 1

Rf. 3

! Lclair, frappant l arbre situ proximit, interrompt brutalement notre elle et paisible randonne forestire : nos curs se mettent soudainement battre plus rapidement. la cime de l arbre, nous voyons le feu apparatre une nouvelle fois, puis steindre. Le lger vent agitant les feuilles autour de nous ramne ce lieu son apaisement initial. ct, l eau d une petite rivire suit son chemin tortueux vers le bas de la valle, r chissant sur sa surface les silhouettes mouvantes des nuages. Le mouvement est partout : amical et menaant, terrible et magni que. Il est fondamental pour notre existence humaine. Nous avons besoin du mouvement pour grandir, pour apprendre, pour penser et pour pro ter de la vie. Nous utilisons le mouvement pour marcher travers une fort, pour couter ses bruitages et pour parler de tout cela. Comme tous les animaux, nous comptons sur le mouvement pour chercher de la nourriture et pour survivre aux dangers. Comme tous les tres vivants, nous avons besoin du mouvement pour nous reproduire, pour respirer et pour digrer les aliments. Comme pour tous les objets, le mouvement nous rchau e. Le mouvement est l observation la plus fondamentale que nous puissions faire sur la nature en gnral. Cette remarque fait apparatre l ide que tout ce qui se produit dans le monde est un certain type de mouvement. Il ny a aucune exception. Le mouvement est une partie si fondamentale de nos observations que l origine mme du mot se perd dans l obscurit de l histoire linguistique indo-europenne. La fascination pour le mouvement a toujours fait de lui un objet favori de curiosit. Durant le cinquime sicle . J.-C. dans la Grce ancienne, son tude lui avait attribu un nom : la physique. Le mouvement est galement important pour l existence humaine. Qui sommesnous ? Do venons-nous ? Qu allons-nous faire ? Que devrions-nous faire ? Qu est-ce que nous rserve l avenir ? Do viennent les gens ? O vont-ils ? Qu est-ce que la mort ? Do vient le monde ? Comment la vie est-elle apparue ? Toutes ces questions sont en rapport avec le mouvement. Ltude du mouvement fournit des rponses qui sont la fois profondes et surprenantes. Le mouvement est trange. Bien qu il soit omniprsent dans les toiles, dans les mares, dans nos paupires , ni les penseurs antiques et ni les milliers d autres qui se sont succd depuis sicles nont pu lever le voile sur le mystre central : Qu est-ce que le mouvement ? Nous dcouvrirons que la rponse classique, le mouvement est la* Znon d le (v. . J.-C.), fut un des principaux reprsentants de l cole latique de philosophie.

B

Tout mouvement est une illusion. Znon d le*

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ASTRONOMIE

tdm

SCIENCES DE LA MATIRELa Montagne Mouvement LAventure de la Physique

CHIMIE MDECINE partie II : tq

partie III : tm

SCIENCES DE LA TERRE

Montagne Mouvement

partie I : mc, rg & em BIOLOGIE PHYSIQUE baie de lmotion MATHMATIQUES LHUMANIT ocan social

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F I G U R E 2 Lle de lExprience, avec la Montagne Mouvement et la piste suivre (mc : mcanique classique, rg : relativit gnrale, em : lectromagntisme, tq : thorie quantique, tm : thorie M, tdm : thorie du mouvement).

variation de la position dans le temps , est inapproprie. Ce nest que rcemment qu une rponse a nalement t trouve. Ceci est l histoire du cheminement de cette dcouverte. Le mouvement fait partie de l exprience humaine. Si nous imaginons l exprience humaine comme une le, alors le destin, reprsent par les vagues de l ocan, nous a ports jusqu son rivage. Prs du centre de l le une montagne particulirement haute merge. Depuis son sommet nous pouvons survoler le paysage tout entier et avoir la sensation que toutes les expriences humaines ont un lien de parent, en particulier les divers exemples de mouvement. Ceci est un guide vers le sommet de ce que jai nomm la Montagne Mouvement. Son parcours est une des plus belles aventures de l esprit humain. Clairement, la premire question poser est : L M - ?

Rf. 2

Das Rtsel gibt es nicht. Wenn sich eine Frage berhaupt stellen lt, so kann sie beantwortet werden*. Ludwig Wittgenstein, Tractatus, .

Pour aiguiser l esprit sur le problme de l existence du mouvement, regardez la Figure et suivez les instructions. Dans les deux cas les gures semblent tourner. Nous pouvons ressentir les mmes e ets lorsque nous marchons sur les pavs italiens en forme* Le mystre nexiste pas. Si une question peut tre pose, alors elle peut trouver une rponse.

La Montagne Mouvement LAventure de la Physique

F I G U R E 3 Illusions du mouvement : regardez la gure de gauche et dplacez lgrement la page, ou regardez le point blanc au centre de la gure de droite et bougez votre tte davant en arrire.

D 2 s Rf. 4

Rf. 5

D 3 s

Rf. 6

de vagues ou lorsque nous jetons un il sur les illusions de la page Web www.ritsumei. ac.jp/~akitaoka/. Comment pouvons-nous tre srs que le mouvement rel est di rent de ceux-ci ou d autres illusions similaires ?* Plusieurs savants ont simplement avanc que le mouvement nexiste pas du tout. Leurs arguments ont profondment in uenc la recherche sur le mouvement. Par exemple, le philosophe grec Parmnide (n vers . J.-C. le, une petite ville prs de Naples, dans le sud de l Italie) a mis l ide que, puisque rien ne peut provenir du vide, le changement ne peut pas exister. Il a mis l accent sur la constance de la nature et a donc logiquement a rm que tout mouvement et donc tout changement est une illusion. Hraclite (v. v. . J.-C. ) a tenu le point de vue oppos. Il l a exprim dans sa clbre expression panta rhei ou tout se meut sans cesse **. Il imaginait le changement comme tant l essence de la nature, contrairement Parmnide. Ces deux opinions galement clbres ont incit plusieurs savants rechercher plus prcisment si, dans la nature, il y a des quantits conserves ou si la cration est possible. Nous dcouvrirons la rponse plus tard ; en attendant, vous pouvez mditer sur l alternative que vous prfrez. Le collaborateur de Parmnide, Znon d le (n vers . J.-C.), a dbattu avec tant d intensit contre le mouvement que certains ont toujours un doute ce propos aujourd hui. Dans un de ses arguments il prtendit dans un langage simple qu il est impossible de gi er quelqu un, tant donn que la main doit premirement parcourir la moiti du trajet vers le visage, puis parcourir la moiti de la distance qu il reste, puis encore une fois et ainsi de suite. Par consquent, la main ne pourra jamais atteindre le visage. Largument de Znon se concentre sur le lien entre l in ni et son oppos, le ni, dans la description du mouvement. Dans la thorie quantique moderne, un sujet similaire proccupe encore aujourd hui des scienti ques. Znon a galement a rm qu en observant un objet en mouvement durant un court instant, nous ne pouvons pas dire qu il bouge. Znon argumenta que, durant un court instant, il ny a aucune di rence entre un corps en mouvement et un corps au repos. Il en dduisit alors que, s il ny a pas de di rence durant un court instant, il ne peut y en* Les solutions des d s sont donnes soit la page ??, soit plus loin dans le texte. Les d s sont classs en : niveau approfondi (r), di cile (d), niveau tudiant normal (n) ou facile (e). Les d s qui nont pas encore de solution sont marqus (ny). ** L Annexe A explique comment lire un texte grec.

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La Montagne Mouvement LAventure de la Physique

F I G U R E 4 Combien faut-il deau pour faire en sorte que le seau soit suspendu verticalement ? partir

de quel angle la bobine tire change-t-elle sa direction de mouvement ? ( Luca Gastaldi)

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avoir non plus pour un temps plus long. Znon a donc dout que le mouvement puisse clairement tre distingu de son oppos, le repos. En ralit, dans l histoire de la physique, les penseurs ont altern plusieurs fois entre rponse positive et ngative. Ce fut cette vraie question qui conduisit Albert Einstein au dveloppement de la relativit gnrale, un des points culminants de notre voyage. Nous suivrons les principales rponses donnes par le pass. Ensuite, nous serons bien plus audacieux : nous nous demanderons en n de compte si les courts instants de temps existent rellement. Cette question, qui nous emmnera loin, est essentielle pour la dernire partie de notre aventure. Lorsque nous examinerons la thorie quantique, nous dcouvrirons que le mouvement est en ralit dans une certaine mesure une illusion, comme Parmnide l avait a rm. Plus prcisment, nous montrerons que nous observons le mouvement parce que notre existence humaine a un caractre limit. Nous trouverons que nous ressentons le mouvement uniquement parce que nous voluons sur la Terre, avec une taille nie, avec un nombre d atomes trs grand mais limit, avec une temprature nie et modre, parce que nous sommes lectriquement neutres, trs grands compars un trou noir de mme masse, normes par rapport notre longueur d onde de la mcanique quantique, trs petits compars l univers, avec une mmoire limite, contraints par notre cerveau d estimer l espace et le temps comme des choses continues, et contraints par notre cerveau de dcrire la nature comme tant constitue de parties distinctes. Si une seule de ces conditions ntait pas vri e, nous nobserverions pas le mouvement. Le mouvement, alors, nexisterait pas. Chacune de ces conclusions peut tre dcouverte plus e cacement si nous commenons avec la question suivante : C ?

Rf. 7

Je hais le mouvement, qui dplace les lignes, Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris. Charles Baudelaire, La Beaut*

* Charles Baudelaire (n. Paris

, d. Paris

).

Anaximander Anaximenes Pythagoras Almaeon Heraclitus Xenophanes Thales Parmenides Philolaos Zeno Anthistenes Archytas Empedocles Eudoxus Aristotle Heraclides Theophrastus Autolycus Euclid Epicure Ctesibius Archimedes Konon Chrysippos Eratosthenes Dositheus Biton Polybios Frontinus Cleomedes Maria Artemidor the Jew Athenaius Josephus Sextus Empiricus Eudoxus Pomponius Dionysius Athenaios Diogenes of Kyz. Mela Periegetes of Nauc. Laertius Sosigenes Marinus Varro Virgilius Horace Caesar Menelaos Nicomachos Nero Trajan Philostratus ApuleiusLa Montagne Mouvement LAventure de la Physique

Strabo

Alexander Ptolemaios II

Ptolemaios VIII

600 BCE

500

400

300

200

100 Cicero Asclepiades Seleukos Dionysius Thrax Theodosius Lucretius Poseidonius

1 Seneca Livius

100

200

Socrates Plato Ptolemaios I Anaxagoras Leucippus Protagoras Oenopides Hippocrates Herodotus Democritus Hippasos Speusippos Aristarchus Pytheas Archimedes Erasistratus Aristoxenus Aratos Berossos Herophilus Straton Diocles Philo of Byz. Apollonius Hipparchus Dikaiarchus

Dioscorides Ptolemy Epictetus Demonax Theon of Smyrna Rufus Diophantus Alexander of Aphr. Galen

Vitruvius Diodorus Siculus

Geminos Manilius Valerius Maximus Plinius Senior

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Aetius Arrian Lucian

Heron Plutarch

F I G U R E 5 Une chronologie des scientiques et des personnalits politiques dans lAntiquit (la dernire

lettre du nom est aligne avec lanne du dcs).

D 4 pe

Rf. 9

Comme toute science, l approche de la physique est double : nous progressons grce la prcision et grce la curiosit. La prcision donne aux changes d informations tout leur sens, et la curiosit fait qu ils en valent la peine*. Toutes les fois que nous parlons du mouvement et que nous souhaitons avoir une meilleure prcision ou une connaissance plus dtaille, nous sommes engags, sciemment ou non, dans l ascension de la Montagne Mouvement. chaque augmentation dans la prcision de la description, nous gagnons de l altitude. Les exemples de la Figure le pointent du doigt. Lorsque vous remplissez un seau avec une petite quantit d eau, il nest pas suspendu verticalement. (Pourquoi ?) Si vous continuez ajouter de l eau, il commence se tenir verticalement partir d un certain moment. Combien faut-il d eau ? Lorsque vous tirez sur le l d une bobine de la manire indique, la bobine se dplacera en avant ou en arrire, en fonction de l angle selon lequel vous tirez. Quel est l angle limite entre les deux possibilits ? Une grande prcision implique d explorer jusqu aux dtails les plus ns. Cette mthode augmente en fait le plaisir pour l aventure**. Plus nous gagnons de l altitude sur la Montagne Mouvement, plus nous voyons loin et plus notre curiosit est rcompense. Les vues o ertes sont couper le sou e, surtout depuis le point culminant. Le chemin que nous suivrons un parmi tous les itinraires possibles commence du ct de la biologie et entre directement dans la fort qui se trouve au pied de la montagne.* Pour une srie d exemples intressants sur le mouvement dans la vie de tous les jours, voir l excellent livre de Walker. ** M ez-vous de quiconque voudrait vous parler sans examiner les dtails. Il essaie de vous tromper. Les dtails sont importants. Ainsi, soyez vigilants durant cette promenade.

Rf. 8 D 5 s

TA B L E AU 1 Contenus de livres relatifs au mouvement slectionns dans une bibliothque publique.

T photographies du mouvement

T

le mouvement comme thrapie pour le traitement du cancer, du diabte, de l acn et de la dpression perception du mouvement Rf. 21 cintose (mal des transports) le mouvement comme aide la mditation exercices physiques pour la forme et le bien-tre matrise du mouvement en sport aptitude bouger l examen de sant mouvement perptuel chorgraphie dans la danse, la musique et autres arts le mouvement des toiles et des anges Rf. 11 le mouvement comme preuve de l existence de divers crateurs Rf. 10 e cacit bn que du mouvement lien entre les habitudes changeantes et motionnelles le mouvement pour surmonter un traumatisme le mouvement en psychothrapie Rf. 12 troubles du mouvement locomotion des insectes, chevaux et robots les agitations au Parlement les changements dans l art, les sciences et la politique les mcanismes dans les montres les gesticulations la Bourse dveloppement de la marche chez les apprentissage et enseignement du mouvement enfants mouvements musicaux mouvements de troupes Rf. 13 mouvements religieux mouvements intestinaux dplacements aux checs tours de passe-passe au casino Rf. 14 rapport entre le produit national brut et la mobilit des citoyens

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Une vive curiosit nous conduit en ligne droite aux extrmes : comprendre le mouvement ncessite d explorer les distances les plus grandes, les vitesses les plus leves, les particules les plus petites, les forces les plus fortes et les ides les plus tranges. Commenons. Q ?

Le lieu le plus appropri pour avoir une vue d ensemble gnrale sur les types de mouvement est une grande bibliothque, comme indiqu dans le Tableau . Les domaines dans lesquels le mouvement, les agitations et les dplacements jouent un rle sont en ralit varis. Dans la Grce ancienne les gens souponnaient dj que tous les types de mouvement, et aussi plusieurs autres types de changement, taient relatifs. Il est commun de distinguer au moins trois catgories. La premire catgorie de changement est celle du dplacement matriel, tels un individu en marche ou une feuille tombant d un arbre. Le dplacement est le changement de position ou d orientation des objets. Au sens large, l activit humaine se place galement

Chaque mouvement nat d une volont de changement. Antiquit

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F I G U R E 6 Un exemple de dplacement.

Rf. 15 Rf. 16

dans cette catgorie. Une deuxime catgorie de changement regroupe les observations telles que la dissolution du sel dans l eau, la formation de glace par conglation, la dcomposition du bois, la cuisson des aliments, la coagulation du sang et la fusion et l alliage des mtaux. Ces changements de couleur, luminosit, duret, temprature et autres proprits matrielles sont appels transformations. Les transformations sont des changements apparemment non relis aux dplacements. Dans cette catgorie, quelques penseurs anciens y ajoutrent l mission et l absorption de la lumire. Durant le vingtime sicle, on a prouv que ces deux e ets taient des cas particuliers de transformations, comme le sont l apparition et la disparition de matire rcemment dcouvertes, que l on observe dans le Soleil et dans la radioactivit. Le changement desprit, comme le changement d humeur, de sant, d ducation et de caractre, est galement (principalement) un type de transformation. La troisime catgorie particulirement importante de changement est la croissance. Elle est observe chez les animaux, les plantes et les bactries, mais aussi dans les cristaux, les montagnes, les toiles et les galaxies. Au cours du dix-neuvime sicle, les changements dans les populations de systmes, l volution biologique, et, au cours du vingtime sicle, les changements dans la taille de l univers, l volution cosmique, ont t ajouts cette catgorie. Traditionnellement, ces phnomnes furent tudis par des sciences distinctes, qui aboutirent toutes indpendamment la conclusion que la croissance est une combinaison du dplacement et de la transformation. La di rence est pour l une la complexit et pour l autre l chelle de temps. Pendant la Renaissance, au dbut de la science moderne, seule l tude du dplacement a t perue comme faisant partie du champ de la physique. Le mouvement tait assimil au dplacement. Les deux autres domaines furent ignors des physiciens. Malgr cette restriction, le champ de la recherche restait large, recouvrant une grande partie de l le de l Exprience. La tentation vidente est de structurer ce domaine en distinguant les di -

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F I G U R E 7 Dplacement, croissance et transformation. ( Philip Plisson)

rents types de dplacement en fonction de leur origine. Les mouvements, tels que ceux des jambes lorsque nous marchons, sont volontaires parce qu ils sont commands par notre volont, tandis que les dplacements d objets externes, telle la chute d un ocon de neige, que nous ne pouvons in uencer par notre volont, sont quali s de passifs. Les enfants sont capables de faire cette distinction partir de ans environ, et ceci marque une tape importante pour chaque personne dans le dveloppement de sa comprhension prcise de l environnement*. partir de cette distinction, la d nition historique mais aujourd hui prime de la physique persiste comme une science du mouvement des objets inertes. Puis, un jour, les machines sont apparues. partir de ce moment-l, la distinction entre mouvements volontaire et passif sest invite dans le dbat. Comme les tres vivants, les machines peuvent se dplacer toutes seules et de cette faon imitent le mouvement volontaire. Toutefois, une observation mticuleuse nous montre que chaque lment dans une machine est dplac par un autre, de telle sorte que leur mouvement est en fait passif. Les tres vivants sont-ils galement des machines ? Les activits humaines sont-elles aussi des exemples de mouvements passifs ? Laccumulation des observations durant les cent dernires annes a rendu vident le fait que le dplacement volontaire** a, en ralit, les* La ralisation complte de cet apprentissage peut chouer chez des individus ayant diverses convictions tranges, comme la croyance sur la capacit agir sur la bille du jeu de la roulette, tel que dcouvert chez des joueurs compulsifs, ou sur la capacit dplacer des objets distants par la pense, tel que dcouvert chez de nombreuses autres personnes apparemment en bonne sant. Un rcit divertissant et instructif sur toutes les duperies et illusions impliques par l apparition et la prservation de ces croyances est donn par J R , e Faith Healers, Prometheus Books, . Prestidigitateur professionnel, il prsente de nombreux sujets similaires dans plusieurs de ses autres ouvrages. Voir galement le site Web http://www. randi.org pour plus de dtails. ** En anglais, mouvement se dit motion [N. .T.]. Le terme anglais movement est plutt rcent : il fut import dans la langue anglaise partir de l ancien franais et devint populaire seulement la n du dixhuitime sicle. Il ne fut jamais utilis par Shakespeare.

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mmes proprits physiques que le mouvement passif des systmes inertes. (Bien sr, sur le plan motionnel, les di rences restent importantes, par exemple, le pardon ne peut tre attribu qu au mouvement volontaire.) La distinction entre les deux types nest donc pas ncessaire et sera omise par la suite. Puisque les mouvements passif et volontaire ont les mmes proprits, nous pouvons apprendre des choses sur l homme lui-mme travers l tude du mouvement des objets inertes. Cela sera plus agrant lorsque nous voquerons les thmes du dterminisme, de la causalit, de la probabilit, de l in ni, du temps et du sexe, pour ne citer que quelques-uns des sujets que nous rencontrerons sur notre chemin. Avec l accumulation des observations durant les dix-neuvime et vingtime sicles, les barrires historiques sur l tude du mouvement furent encore plus mises en exergue. Des observations tendues montrrent que toutes les transformations et tous les phnomnes de croissance, y compris le changement et l volution du comportement, sont aussi des exemples de dplacement. En d autres termes, plus de ans d tudes ont prouv que l ancienne classi cation des observations tait inutile : tout changement est un dplacement. Au milieu du vingtime sicle, cela culmina mme avec la con rmation d une ide encore plus prcise, dj formule dans la Grce ancienne : chaque type de changement est caus par le mouvement de particules. Il a fallu beaucoup de temps et d e orts pour arriver cette conclusion, qui sest prsente uniquement parce que nous avons avanc sans relche vers la plus haute prcision possible dans la description de la nature. Les deux premires parties de cette aventure retracent le chemin jusqu ce rsultat. (tes-vous d accord pour cela ?) La dernire dcennie du vingtime sicle a boulevers cette vision. L ide de particule sest rvle fausse. Ce nouveau rsultat, dj suggr par la thorie quantique avance, apparat dans la troisime partie de notre aventure travers une combinaison d observations et de dductions attentives. Mais nous aurons encore beaucoup de chemin faire avant d y arriver. Pour l instant, au dbut de notre promenade, nous retiendrons simplement que l histoire a montr que la classi cation des di rents types de mouvement nest pas utile. C est en essayant d atteindre la prcision maximale que l on peut esprer arriver aux proprits fondamentales du mouvement. La prcision, et non la classi cation, est la rgle suivre. Comme Ernest Rutherford le disait : All science is either physics or stamp collecting. * Pour atteindre la prcision ncessaire dans notre description du mouvement, nous avons besoin de choisir des exemples particuliers de mouvement et de les tudier pleinement en dtail. Il est intuitivement clair que la description la plus prcise est ralisable pour les exemples les plus simples possibles. Dans la vie de tous les jours, c est le cas du mouvement de tous les corps inertes, solides et rigides, dans notre environnement, telle une pierre lance en l air. En ralit, comme tous les hommes, nous avons appris lancer des objets bien avant d avoir appris marcher. Le lancer est une des premires expriences physiques que nous ayons accomplies par nous-mmes**. Durant notre plus tendre enfance, en lanant des pierres, des jouets et d autres objets, nous explorions la* Toute science est soit de la physique soit une collection de timbres. [N. .T.] ** L importance du lancer apparat galement partir des termes qui en drivent : en latin, des mots comme subjicio (subicio), sujet, mettre sous ou jeter dessous , adversus, objet, protester ou jeter en face , interjicio (interjacio), interjection, insrer ou jeter entre . En grec, il a men des termes comme symbole ou jeter

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perception et les proprits du mouvement, jusqu ce que nos parents aient eu peur pour les appareils mnagers. Nous allons faire la mme chose.

P

,

Die Welt ist unabhngig von meinem Willen*. Ludwig Wittgenstein, Tractatus, .

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Il ny a que les mauviettes qui ntudient que le cas gnral, les vrais scienti ques courent aprs les exemples. Beresford Parlett

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Les tres humains adorent percevoir les choses. La perception commence avant la naissance, et nous continuons y prendre plaisir aussi longtemps que nous le pouvons. C est pourquoi la tlvision est si populaire, mme quand elle est dpourvue de contenu. Pendant notre promenade travers la fort, au pied de la Montagne Mouvement, nous ne pouvons pas nous empcher de percevoir. La perception est en premier lieu la capacit distinguer. Nous utilisons l opration cognitive lmentaire de la distinction chaque instant de notre vie. Par exemple, durant notre enfance, nous avons tout d abord appris faire la distinction entre les objets familiers et inconnus, une aptitude rendue possible par l association avec une autre capacit lmentaire, celle de mmoriser les expriences. La mmoire nous donne la possibilit d exprimenter, de parler de la nature et donc de l explorer. La perception, la classi cation et la mmorisation forment ensemble l apprentissage. Dpourvus de l une de ces trois aptitudes, nous ne pourrions pas tudier le mouvement. Les enfants apprennent rapidement distinguer la continuit de l instabilit. Ils s habituent reconnatre les visages humains, mme si un visage nest jamais totalement le mme chaque fois qu il est peru. partir de l identi cation des visages, les enfants prolongent la reconnaissance tout ce qui est observable. La reconnaissance fonctionne assez bien dans la vie quotidienne. Il est agrable de reconnatre ses amis, mme dans la nuit, et mme aprs plusieurs bires (ceci nest pas un d ). Laction de reconnatre utilise donc toujours une forme de gnralisation. Lorsque nous observons, nous avons toujours une ide gnrale dans notre esprit. Nous allons en prciser les principales. Toutes les forts nous rappellent l essence de la perception. Assis sur l herbe dans une clairire de la fort au pied de la Montagne Mouvement, entours par les arbres et le silence caractristique de ces endroits, une sensation de tranquillit et de srnit nous envahit. Soudain, quelque chose sagite dans les buissons. Nos yeux se dtournent surle-champ et notre attention se concentre. Les cellules nerveuses qui ont dtect le mouvement font partie de la rgion la plus ancienne de notre cerveau, que nous partageons avec les oiseaux et les reptiles : le tronc crbral. partir de ce moment, le cortex, ou cerveau rcent, prend le relais pour analyser le type de mouvement et pour en dterminer l origine. En surveillant le mouvement autour de notre champ de vision, nous observons deux entits invariantes : le paysage immobile et l animal qui bouge. Aprs avoir identi l animal comme tant une biche, nous nous relchons nouveau.ensemble , problme ou jeter en avant , emblme ou jeter dedans et le petit dernier dmon ou jeter travers . * Le monde est indpendant de ma volont.

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Comment avons-nous fait la di rence entre le paysage et la biche ? Plusieurs tapes dans la vision et dans le cerveau sont impliques. Le mouvement joue un rle important dans celles-ci, comme nous le voyons mieux partir du petit lm saccad plac dans les coins infrieurs gauches de ces pages. Chaque image montre seulement un rectangle combl par un motif mathmatiquement alatoire. Mais, lorsque nous faisons d ler ces pages, nous discernons une forme en mouvement sur un fond immobile. un instant donn, la forme ne peut tre dissocie du fond : aucun objet nest visible sur chacune de ces images. Nanmoins il est facile de percevoir son mouvement*. Des expriences de perception comme celle-ci ont t e ectues avec de nombreuses variantes. Dans l une d elle, on a constat que le fait de dtecter un tel objet en mouvement nest pas quelque chose de spci que aux humains. Les mouches ont la mme aptitude, comme, en fait, tous les animaux qui ont des yeux. Le petit lm saccad sur le coin infrieur gauche, comme toutes les expriences similaires, fait apparatre deux relations primordiales. Premirement, le mouvement est peru uniquement si un objet peut tre distingu d un arrire-plan ou d un milieu ambiant. Beaucoup d illusions sur le mouvement se focalisent sur ce point**. Deuximement, le mouvement exige de d nir la fois l objet et l environnement, et de les di rencier l un de l autre. En fait, la notion d espace est entre autres une abstraction de l ide d arrire-plan. Ce fond est tendu, l objet anim est localis. Tout cela vous semble ennuyeux ? a ne l est pas : attendez juste une seconde. Appelons l ensemble des proprits localises qui restent invariantes ou constantes pendant le mouvement, comme la taille, la forme, la couleur, etc., pris ensemble, objet (physique) ou corps (physique). Nous restreindrons ensuite la d nition, puisque sinon les images pourraient aussi bien tre des objets. En d autres termes, exactement comme au dbut, nous ressentons le mouvement comme un processus relatif. Il est peru en relation avec l environnement et par opposition lui. La notion d objet est par consquent aussi une notion relative. Mais la distinction thorique lmentaire entre les objets localiss, isols et l environnement tendu nest pas insigni ante ou sans importance. Premirement, cela donne l impression d une d nition qui se mord la queue. (tes-vous d accord ?) Plus tard, ce problme nous occupera normment. Deuximement, nous utilisons tellement frquemment notre capacit isoler des systmes localiss de leur environnement que nous l acceptons sans l ombre d un doute. Toutefois, comme nous le verrons dans la troisime partie de notre promenade, cette distinction se rvle logiquement et exprimentalement impossible*** ! Notre promenade nous amnera dcouvrir la raison de cette impossibilit et ses consquences importantes. Finalement, mis part* L il humain est trs performant pour dtecter le mouvement. Par exemple, l il peut dceler le mouvement d un point lumineux mme si la variation de l angle est plus petite que celle qui peut tre distingue sur une image xe. Les dtails de ce phnomne et d autres thmes analogues pour les autres sens font partie du domaine de la recherche sur la perception. ** Le thme de la perception du mouvement est plein d aspects intressants. Le chapitre du magni que ouvrage de D D. H , Visual Intelligence How We Create What We See, W.W. Norton & Co., . en est une excellente introduction. Sa srie d illusions sur le mouvement lmentaire peut tre exprimente et approfondie en association avec le site Web http://aris.ss.uci.edu/cogsci/personnel/ho man/ ho man.html. *** Contrairement ce que l on peut frquemment lire dans la littrature populaire, la distinction est possible dans la thorie quantique. Elle devient impossible seulement lorsque la thorie quantique est uni e avec la relativit gnrale.

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TA B L E AU 2 Arbre gnalogique des notions physiques fondamentales.

le mouvement la forme fondamentale du changement lments stable limit form objets impntrable images pntrable tats global relations inconstant illimit sans forme interactions local arrire-plan stable tendu mesurable des phases compos espace-temps simpleLa Montagne Mouvement LAventure de la Physique

Les aspects correspondants : masse taille charge spin etc. intensit couleur apparition disparition etc. instant position moment nergie etc. source rpartition grandeur direction etc. dimension distance volume sous-espaces etc. courbure topologie distance surface etc.

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monde nature univers cosmos l assemblage de tous les lments, relations et arrire-plans

les entits mobiles et le fond immobile, nous avons besoin d un troisime concept, tel qu indiqu dans le Tableau .

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L - ?

II ny a qu une chose sage, c est de connatre la pense qui peut tout gouverner partout. Hraclite d phse

Das Feste, das Bestehende und der Gegenstand sind Eins. Der Gegenstand ist das Feste, Bestehende ; die Kon guration ist das Wechselnde, Unbestndige*. Ludwig Wittgenstein, Tractatus, . .

Qu est-ce qui di rencie les divers dessins dans les coins en bas gauche de chaque page ? Dans la vie quotidienne, nous dirions la position ou la con guration des objets concerns. La con guration dcrit d une certaine manire tous ces aspects qui peuvent tre di rents d un cas l autre. On a coutume d appeler la liste de tous les aspects* Les objets, l immuable et le perptuel sont une seule et mme chose. Les objets sont ce qui est immuable et durable ; leur con guration est ce qui est changeant et instable.

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variables d un ensemble d objets leur tat de mouvement (physique), ou plus simplement leur tat. Les con gurations dans les coins en bas gauche di rent de tous les autres d abord par le temps. Le temps est ce qui rend les opposs possibles : un enfant est dans une maison et le mme enfant est en dehors de la maison. Le temps rend compte de ce type de contradiction et le rsout. Mais l tat ne distingue pas seulement des con gurations di rentes dans le temps : l tat contient tous les aspects d un systme (c est-dire d un groupe d objets) qu on ne retrouve pas dans les systmes stationnaires. Deux objets peuvent avoir les mmes masse, forme, couleur, composition et tre indiscernables par rapport toutes les autres proprits intrinsques, nanmoins ils seront di rents par rapport leur position, ou leur vitesse, ou leur orientation. Ltat met le doigt sur l originalit d un systme physique* et nous permet de le distinguer de ses copies conformes. Par consquent, l tat dcrit galement la relation d un objet ou d un systme avec son environnement. Ou pour rsumer : l tat dcrit tous les aspects dun systme qui dpendent de l observateur. Ces proprits ne sont pas inintressantes r chissez juste ceci : l univers possde-t-il un tat ? Dcrire la nature comme un ensemble d entits stables et d tats variables est le point de dpart de l tude du mouvement. Les divers aspects des objets et de leurs tats sont appels des observables. Toutes ces d nitions approximatives et prliminaires seront afnes pas pas par la suite. En utilisant les termes prcdemment introduits, nous pouvons stipuler que le mouvement est le changement dtat des objets**. Les tats sont ncessaires pour la description du mouvement. A n de progresser et de raliser une description exhaustive du mouvement, nous avons besoin d une description complte des objets et d une description complte de leurs tats possibles. La premire approche, appele physique galilenne, consiste caractriser notre environnement quotidien le plus prcisment possible. C Le mouvement nest pas toujours un sujet simple***. Est-ce que le dplacement d un fantme est un exemple de mouvement ?

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* Un systme physique est un objet d tude localis. Dans la classi cation du Tableau , le terme systme physique est ( peu prs) la mme chose que objet ou corps physique . Les images ne sont habituellement pas considres comme des systmes physiques (bien que le rayonnement lumineux en soit un). Les trous sont-ils des systmes physiques ? ** La sparation exacte entre ces aspects propres l objet et ceux appartenant l tat dpendent de la prcision des observations. Par exemple, la longueur d un morceau de bois nest pas constante : le bois se rtrcit et se courbe avec le temps, en raison des processus en uvre au niveau molculaire. Pour tre prcis, la longueur d un morceau de bois nest pas une caractristique de l objet, mais de son tat. Les observations mticuleuses renversent alors la distinction entre l objet et son mouvement, la distinction elle-mme ne disparat pas du moins pas pour le moment. *** Les sections intitules curiosits sont des sries de sujets et de problmes qui permettent de vri er et d approfondir l utilisation des notions rcemment introduites.

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F I G U R E 8 Une poulie compose et une poulie diffrentielle.

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Un homme escalade une montagne de heures du matin jusqu heures. Il se couche au sommet et redescend le jour suivant, descendant encore une fois de heures du matin jusqu heures. Y a-t-il un endroit sur le chemin o il passe la mme heure les deux jours ? Est-ce que quelque chose peut sarrter de bouger ? Comment pouvez-vous le montrer ? Est-ce qu un corps se dplaant pour toujours en ligne droite dmontre que la nature est in nie ? Lunivers peut-il bouger ?

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Pour discuter de la prcision avec prcision, nous avons besoin de la mesurer. Comment vous y prendriez-vous ? Pourrions-nous observer le mouvement si nous navions pas de mmoire ? Quelle est la vitesse minimale que vous avez pu observer ? Y a-t-il une vitesse minimale dans la nature ? Selon la lgende, le brahmane Sissa Ben Dahir, l inventeur indien du jeu d checs, demanda au roi Sherham la rcompense suivante pour son invention : il souhaita que l on dpose un grain de bl sur la premire case, deux sur la deuxime, quatre sur la troi

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sime, huit sur la quatrime, et ainsi de suite. Combien de temps tous les champs de bl du monde mettront-ils pour produire la quantit de grains ncessaire ? Lorsqu une bougie allume est dplace, la amme a du mal suivre le mouvement de la bougie. Comment la amme se comportera-t-elle si la bougie, toujours allume, est place dans une cage en verre et que l ensemble est mis en mouvement ? Une bonne faon de gagner de l argent est de construire des dtecteurs de mouvement. Un dtecteur de mouvement est une petite bote dote de quelques connecteurs mtalliques. La bote produit un signal lectrique chaque fois qu elle bouge. Des dtecteurs de quels types de mouvement pouvez-vous imaginer ? quel prix pouvez-vous fabriquer une telle bote ? Avec quelle prcision ? Une boule parfaitement lisse et sphrique est pose prs du bord d une table parfaitement plate et horizontale. Que va-t-il se passer ? Au bout de combien de temps ? Vous marchez dans une bote ferme dpourvue de fentre. La bote est dplace par des forces extrieures inconnues pour vous. Pouvez-vous dterminer, de l intrieur de la bote, comment vous vous dplacez ? Quelle longueur de corde devons-nous tirer pour soulever une masse d une hauteur h l aide d une poulie compose de quatre roues, comme indiqu sur la Figure ? Lorsqu un bloc est roul sur un plancher sur un ensemble de tubes, quelles sont les vitesses du bloc et des tubes relativement au bloc ? Vous naimez pas les formules ? Si c est le cas, utilisez la mthode suivante, qui ne prend que minutes, pour inverser la situation. Cela vaut la peine de l essayer, car elle va vous rendre la lecture de ce livre encore plus amusante. La vie est courte : elle devrait tre, autant que possible, un plaisir, comme celui de lire cet ouvrage. - Fermez les yeux et rappelez-vous une exprience qui fut absolument merveilleuse, une situation o vous vous tes senti excit, curieux et optimiste. ou toute - Ouvrez vos yeux pendant une seconde ou deux et regardez la page autre page qui contient de nombreuses formules. - Fermez alors une nouvelle fois vos yeux et repensez votre exprience merveilleuse. - Rptez l observation des formules et la visualisation de votre souvenir tapes et trois fois encore. Sortez alors de votre souvenir, regardez autour de vous pour revenir l instant prsent

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et au lieu prsent, puis testez-vous. Regardez une nouvelle fois la page trouvez-vous les formules maintenant ?

. Comment

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Durant le seizime sicle, Niccolo Tartaglia* proposa l nigme suivante. Trois jeunes couples veulent traverser une rivire. Seule une petite barque pouvant transporter deux personnes est disponible. Les hommes sont extrmement jaloux et ne voudront jamais laisser leur ance seule avec un autre homme. Combien d allers-retours sont-ils ncessaires pour traverser la rivire ?

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* Niccolo Fontana Tartaglia (

), important mathmaticien vnitien.

C

DE L A M E SU R E DU MOU V E M E N T L A C ON T I N U I T

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La description la plus simple du mouvement est celle que nous utilisons tous inconsciemment, comme les chats ou les singes, dans la vie de tous les jours : une seule chose peut se trouver en un lieu donn un instant donn. Cette description gnrale peut tre spare en trois hypothses : la matire est impntrable et se dplace, le temps est fait d instants et l espace est fait de points. Sans ces trois hypothses (tes-vous d accord pour les accepter ?) il est impossible de d nir la vitesse dans la vie quotidienne. Cette description de la nature est appele physique galilenne ou newtonienne. Galileo Galilei ( ), professeur toscan de mathmatiques, fut un fondateur de la physique moderne et est clbre pour avoir dfendu l importance des observations comme moyens de vri cation des hypothses sur la nature. En exigeant et en accomplissant ces vri cations durant toute sa vie, il fut amen amliorer constamment l exactitude de la description du mouvement. Par exemple, Galile tudia le mouvement en mesurant les variations de positions avec un chronomtre qu il confectionna lui-mme. Sa mthode remplaa la description spculative de la Grce ancienne par la physique exprimentale de la Renaissance italienne**. Isaac Newton, alchimiste, mystique, thologien, physicien et politicien anglais ( ), fut un des premiers dfendre avec vigueur l ide selon laquelle les di rents types de mouvement ont les mmes proprits. Il franchit des tapes importantes dans la mise en place des concepts utiles la dmonstration de cette ide***.

Physic ist wahrlich das eigentliche Studium des Menschen*. Georg Christoph Lichtenberg

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* La Physique est vraiment l tude approprie de l homme. Georg Christoph Lichtenberg ( ) fut un important physicien et essayiste. ** Le meilleur et le plus instructif des livres sur la vie de Galile et sur son poque est celui de Pietro Redondi (voir la note de la page ). Galile naquit l anne o le crayon fut invent. Avant sa naissance, il tait impossible de faire des calculs avec un crayon et du papier. Pour les curieux, le site Web http://www. mpiwg-berlin.mpg.de vous permettra de lire un manuscrit original de Galile. *** Newton naquit un an aprs la mort de Galile. Une autre activit de Newton, comme matre de la Monnaie royale, fut de surveiller personnellement la pendaison des faux-monnayeurs. Sur l engouement de Newton pour l alchimie, voyez le livre de Dobbs. Entre autres, Newton croyait lui-mme avoir t choisi par Dieu : il prit son nom latin, Isaacus Neuutonus, et forma l anagramme Jeova sanctus unus. Sur Newton et son rle dans la mcanique classique, lisez l ouvrage de Cli ord Truesdell.

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F I G U R E 9 Galileo Galilei.

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La vitesse fascine. Pour les physiciens, non seulement les rallyes automobiles sont intressants, mais aussi tous les objets qui se dplacent. Par consquent, ils ont d abord valu autant d exemples que possible. Une slection en est donne dans le Tableau et le Tableau . Les pr xes et les units utiliss sont dcrits en dtail dans l Annexe B. La vie quotidienne nous apprend beaucoup de choses sur le mouvement : les objets peuvent se devancer les uns les autres et peuvent se dplacer dans des directions di rentes. Nous remarquons galement que les vitesses peuvent tre augmentes ou modies de faon continue. La liste exhaustive de ces proprits, fournie dans le Tableau , est rsume par les mathmaticiens dans une expression particulire : ils disent que les vitesses forment un espace vectoriel euclidien**. Nous donnerons plus de dtails sur cette expression bizarre sous peu. Pour l instant, notons simplement que, pour dcrire la nature, les concepts mathmatiques se prsentent comme l instrument le plus prcis. On quali e la vitesse de galilenne lorsqu elle est prsume tre un vecteur eucliden. La vitesse est un concept fondamental. Par exemple, la vitesse ne ncessite pas de mesures d espace et de temps pour tre d nie. tes-vous capable de trouver une mthode pour mesurer les vitesses sans mesurer l espace et le temps ? Si c est le cas, vous avez vraisemblablement envie de sauter la page , passant par-dessus ans de recherches. Si vous ne trouvez pas, lisez bien ceci : toutes les fois que nous mesurons une quantit, nous supposons implicitement que n importe qui est capable d en faire autant et que tout le monde trouvera le mme rsultat. En d autres termes, nous d nissons la mesure par rapport une valeur standard. Nous supposons alors implicitement qu un tel standard existe, c est--dire qu un exemple de vitesse parfaite peut tre dcouvert. Historique* Jochen Rindt ( ), clbre pilote autrichien de rallye automobile de Formule , parlant propos de la vitesse. ** Ainsi nomm d aprs Euclide, ou Eukleids, le grand mathmaticien grec qui vivait Alexandrie aux alentours de l an . J.-C. Euclide crivit un trait monumental sur la gomtrie, ou les lments, qui est une des uvres majeures de la pense humaine. Louvrage expose toute la connaissance de l poque sur la gomtrie. Pour la premire fois, Euclide introduisit deux approches qui sont maintenant utilises communment : tous les noncs sont dduits partir d un nombre rduit d axiomes de base et, pour chaque nonc, une preuve en est donne. Le livre, encore dit aujourd hui, fut l uvre de rfrence en gomtrie pendant ans. Sur le Web, on peut le trouver l adresse http://aleph .clarku.edu/~djoyce/ java/elements/elements.html.

Il ny a absolument rien d autre de semblable. Jochen Rindt*

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TA B L E AU 3 Proprits de la vitesse au sens quotidien ou vitesse galilenne.

L tre distingues Changer graduellement Pointer quelque part tre compares tre cumules Avoir des angles d nis Dpasser toute limite

P discernement continuit direction mesurable additivit direction in ni

D lment d un ensemble espace vectoriel rel espace vectoriel, dimensionalit mtrique espace vectoriel espace vectoriel euclidien in nitude

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ment, l tude du mouvement nexamina pas cette question au premier abord, parce que pendant plusieurs sicles personne ne put trouver un tel standard de vitesse. Vous tes donc en bonne compagnie. Quelques chercheurs se sont spcialiss dans l tude des vitesses les plus faibles que l on rencontre dans la nature : ils sont appels gologues. Ne manquez jamais l occasion de traverser un site tout en coutant parler l un d entre eux. La vitesse est un sujet profond pour une deuxime raison : nous dcouvrirons que toutes les proprits du Tableau sont uniquement approches, aucune nest exacte en ralit. Des expriences perfectionnes nous dvoileront les limites de chaque proprit de la vitesse galilenne. La faillite des trois dernires proprits nous conduira la relativit restreinte et gnrale, l chec des deux du milieu la thorie quantique et l chec des deux premires proprits la description uni e de la nature. Mais, pour l instant, nous resterons accrochs la vitesse galilenne, et nous poursuivons avec un autre concept galilen qui en drive : le temps.

Q ?

Sans les concepts de lieu, de vide et de temps, le changement ne peut se produire. [...] Il est donc clair [...] que leur comprhension doit tre ralise, en tudiant chacun d entre eux sparment. Aristote* Physique, Livre III, partie .

Le temps nexiste pas intrinsquement, mais seulement travers les objets perus, dont dcoulent les notions de pass, de prsent et de futur. Lucrce**,De rerum natura, lib. , v. ss.

Pendant les premires annes de leur vie, les enfants passent beaucoup de temps jeter des objets autour d eux. Le terme objet est un mot latin qui signi e la chose qui peut tre jete en face . La psychologie volutive a montr exprimentalement qu * Aristote ( / ), savant et philosophe grec. ** Titus Lucretius Carus (v. v. . J.-C. ), pote et rudit latin.

TA B L E AU 4 Quelques valeurs mesures de vitesse.

O Croissance des stalagmites Pouvez-vous trouver quelque chose de plus lent ? Croissance d un nodule de manganse en plaine abyssale Croissance du lichen Dplacement caractristique des continents Croissance humaine pendant l enfance, croissance capillaire Croissance des arbres Dplacement des lectrons dans un l mtallique Dplacement d un spermatozode Vitesse de la lumire au centre du Soleil Dplacement du ketchup Plus petite vitesse de la lumire mesure dans la matire sur Terre Chute des ocons de neige Vitesse du signal dans les cellules nerveuses humaines Vitesse du vent degr Beaufort (trs lgre brise) Vitesse de la pluie qui tombe, en fonction du rayon de la goutte Poisson le plus rapide la nage, le voilier (Istiophorus platypterus) Record de vitesse en navigation maritime (par le vliplanchiste Finian Maynard) Animal le plus rapide la course, le gupard (Acinonyx jubatus) Vitesse du vent degrs Beaufort (ouragan) Vitesse de l air dans la gorge lors de l ternuement Le lancer mesur le plus rapide : la balle du jeu de cricket Homme en chute libre Oiseau le plus rapide en vol, au piqu, le faucon plerin (Falco peregrinus) Service le plus rapide au badminton Vitesse moyenne des molcules d oxygne dans l air temprature ambiante Vitesse du son dans l air sec au niveau de la mer et temprature ordinaire Claquement de l extrmit du fouet Vitesse d une balle de fusil Vitesse de la propagation de la ssure dans la brisure du silicium

V , pm sLa Montagne Mouvement LAventure de la Physique

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am s pm s mm a = , nm s nm s nm s m s de m s , mm s mm s , m s Rf. 25 de , m s , m s , m s m s Rf. 26 moins de , m s de m s m s m s , m s m s plus de m s m s de m s m s m s m s m s km s km s

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partir de cette toute premire exprience les enfants extraient les notions de temps et d espace. Les physiciens adultes en font de mme lorsqu ils tudient le mouvement l universit.

TA B L E AU 5 Quelques valeurs mesures de vitesse (suite).

O La plus haute vitesse macroscopique accomplie par l homme : le satellite Voyager Vitesse moyenne (et de pointe) de l extrmit de l clair Vitesse de la Terre travers l univers La plus haute vitesse macroscopique mesure dans notre galaxie Vitesse des lectrons dans un tlviseur couleur Vitesse des messages radio dans l espace La plus haute vitesse de groupe de la lumire jamais mesure Vitesse d un point lumineux mis par une tour de lumire lorsqu il franchit la Lune La plus haute vitesse propre pour des lectrons jamais ralise par l homme La plus haute vitesse possible pour un point lumineux ou une ombre

V km sLa Montagne Mouvement LAventure de la Physique

km s ( km s) km s , m s Rf. 27 m s m s m s m s in nie m s

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F I G U R E 10 Une trajectoire typique suivie par une pierre jete en lair.

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Lorsque nous jetons une pierre en l air, nous pouvons d nir une succession d observations. Notre mmoire et nos sens nous donnent cette aptitude. Loue enregistre les divers sons durant la monte, la chute et l arrive de la pierre. Nos yeux traquent l emplacement de la pierre d un point l autre. Toutes les observations ont leur emplacement dans la succession, avec certaines observations qui les prcdent, certaines observations qui leur sont simultanes, et d autres encore qui les suivent. Nous disons que les observations sont perues comme survenant divers instants et nous appelons la succession des instants le temps. Une observation qui est considre comme tant la plus petite partie d une succession, c est--dire qui nest pas elle-mme une succession, est appele un vnement. Les vnements sont primordiaux pour la d nition du temps. En particulier, dclencher ou arrter un chronomtre sont des vnements. (Mais les vnements existent-ils rellement ? Gardez cette question dans un coin de votre tte pendant que nous progressons.) Les phnomnes successifs ont une autre proprit, connue comme tant la priode, l tendue ou la dure. Quelques valeurs mesures sont donnes dans le Tableau *. La* Une anne est abrge par a ( annus en latin).

TA B L E AU 6 Quelques mesures slectionnes de temps.

O Le plus petit temps mesurable Le plus petit temps jamais mesur Temps mis par la lumire pour traverser un atome typique Priode de la transition hyper ne de l tat fondamental du csium Battement d aile de la mouche du vinaigre (drosophile) Priode du pulsar (toile neutrons en rotation) PSR + Instant humain La plus petite dure de vie d un tre vivant Dure moyenne du jour il y a millions d annes Dure moyenne du jour aujourd hui Dure coule depuis votre naissance jusqu votre millionime seconde de vie ge du plus ancien arbre vivant Apparition du langage humain ge de l Himalaya ge de la Terre ge des plus vieux astres ge de la plupart des protons de votre corps Dure de vie du noyau de tantale Ta Dure de vie du noyau de bismuth Bi

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a a de a , a , Ga , Ga a , ( ) a

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dure re te l ide que les successions prennent du temps. Nous disons qu une opration prend du temps pour exprimer l ide que d autres oprations peuvent avoir lieu paralllement celle-ci. Qu est exactement le concept de temps, comportant des successions et des dures, infr par les observations ? Beaucoup de gens ont examin cette question : les astronomes, les physiciens, les horlogers, les psychologues et les philosophes. Ils ont tous trouv que le temps est dduit en comparant des mouvements. Les enfants, ds leur plus jeune ge, dveloppent la notion de temps partir de la comparaison des mouvements dans leur voisinage. Les grandes personnes considrent le mouvement du Soleil comme une rfrence et nomment le type de temps qui en rsulte le temps local. partir de la Lune ils ont construit un calendrier lunaire. En prenant une horloge particulire dans un village d une le europenne, ils l appellent le temps universel coordonn (TUC, en anglais Coordinated Universal Time, UTC), autrefois connu sous le nom de temps moyen de Greenwich *. Les astronomes utilisent le dplacement des astres et nomment ce rsultat* Le temps TUC o ciel est utilis pour dterminer la phase du courant lectrique, les ux de transmission des compagnies de tlphone et le signal du systme GPS utilis par de nombreux systmes de navigation dans le monde, notamment dans les navires, avions et camions. Pour plus d informations, voir le site Web http://www.gpsworld.com. L infrastructure de la gestion du temps est galement importante pour d autres pans de l conomie moderne. Pouvez-vous en reprer les plus importants ?

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le temps des phmrides (ou un de ses succdans). Un observateur qui se rfre sa montre personnelle dsigne la lecture de celle-ci comme tant son temps propre, il est couramment utilis dans la thorie de la relativit. Tout mouvement nest pas forcment une bonne rfrence de temps. En l an une rotation de la Terre ne prenait pas secondes, comme en l an , mais , secondes. Pouvez-vous deviner en quelle anne votre anniversaire sera dcal d une journe entire par rapport au temps prvu de secondes ? Toutes les mthodes de d nition du temps sont donc fondes sur des comparaisons entre mouvements. Dans le but de rendre ce concept aussi prcis et aussi utile que possible, un standard de mouvement de rfrence est choisi, et avec celui-ci sont tablies une succession standard et une dure standard. Lappareil qui ralise cette tche est appel une horloge. Nous pouvons alors rpondre la question du titre de cette section : le temps est ce que nous lisons sur une horloge. Remarquez que toutes les d nitions du temps utilises dans les diverses branches de la physique sont quivalentes celle-ci. Aucune d nition plus profonde ou plus fondamentale nest possible*. Notez que le mot moment est en fait driv du mot mouvement . Dans ce cas prcis, le langage suit la physique. De faon tonnante, la d nition du temps qui vient d tre donne est d nitive. Elle ne changera plus jamais, mme au sommet de la Montagne Mouvement. Cela peut surprendre au premier abord, car beaucoup de livres ont t crits sur la nature du temps. Ils devraient plutt examiner la nature du mouvement ! Mais c est de toute faon le but de notre promenade. Nous sommes donc rsigns dcouvrir tous les secrets du temps comme une consquence annexe de notre aventure. Chaque horloge nous rappelle qu a n de comprendre le temps nous devons d abord comprendre le mouvement. Une horloge est un systme en mouvement dont la position peut tre lue. Bien sr, une horloge prcise est un systme qui bouge le plus rgulirement possible, avec la plus petite perturbation extrieure possible. Y a-t-il une horloge parfaite dans la nature ? Les horloges existent-elles rellement en n de compte ? Nous continuerons d examiner ces questions dans tout ce travail et nous parviendrons pour nir une conclusion tonnante. Pour l instant, toutefois, nous nonons un rsultat intermdiaire ordinaire : puisque les horloges doivent exister, il existe d une manire ou d une autre dans la nature un procd fondamental, naturel et idal pour mesurer le temps. Pouvez-vous le dcouvrir ? Le temps nest pas seulement un aspect des observations, il est galement une facette de notre exprience personnelle. Mme dans notre vie intime la plus secrte, dans nos penses, nos motions et nos rves, nous prouvons les notions de succession et de dure. Les enfants apprennent associer cette exprience intrieure du temps aux observations extrieures, et faire usage de la proprit de diachronie des vnements dans leurs activits. Les tudes sur l origine du temps psychologique montrent qu il concide except par son manque d exactitude avec le temps des horloges**. Chaque personne vivante se sert invitablement de la notion de temps dans sa vie de tous les jours comme d une* Les plus anciennes horloges sont les gnomons (anctres des cadrans solaires [N. .T.]). La technique de leur construction sappelle la gnomonique. Une introduction exhaustive et excellente dans ce domaine quelque peu insolite peut tre consulte sur le site Web http://www.sundials.co.uk. ** Le cerveau contient une multitude d horloges. L horloge la plus prcise pour les intervalles de temps courts, le compteur d intervalle interne, est plus able que ce que l on pense souvent, surtout avec de l entranement. Pour les priodes de temps comprises entre quelques diximes de seconde, ncessaires en musique, et quelques minutes, les hommes peuvent atteindre une exactitude de quelques pour cent.

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TA B L E AU 7 Proprits du temps galilen.

L Peuvent tre distingus Peuvent tre ordonns D nissent la dure Peuvent avoir une dure in nitsimale Autorisent l addition des dures Ne cachent aucune singularit

P distinction succession mesurable continuit

D lment d un ensemble ordre mtrique compacit, compltude

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additivit mtrique invariance par homognit translation N ont pas de n in ni in nitude Sont quivalents pour tous les obser- absolu unicit vateurs

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combinaison de succession et de dure. Cette ralit a t tablie dans de multiples recherches. Par exemple, le terme quand existe dans toutes les langues. Le temps est une notion cruciale pour dissocier di rentes observations. Dans n importe quelle squence, nous constatons que les vnements succdent les uns aux autres continment, apparemment sans n. Dans ce contexte, continment signi e que des observations qui ne sont pas trop loignes dans le temps tendent ne pas tre trop di rentes. Malgr tout, entre deux instants, aussi contigus qu ils soient pour l observateur, il y a toujours de la place pour d autres vnements. Les dures, ou intervalles de temps, consignes par des individus di rents avec des horloges distinctes, concordent dans la vie quotidienne. Qui plus est, tous les observateurs saccordent sur l ordre des vnements dans une squence. Le temps est donc unique. Les proprits mentionnes du temps ordinaire, lists dans le Tableau , correspondent l interprtation dle de notre apprentissage quotidien du temps. Il est appel temps galilen. Toutes les proprits peuvent tre formules collectivement en assignant au temps des nombres rels. En ralit, les nombres rels ont t forgs pour avoir prcisment les mmes proprits que le temps galilen, tel qu il est expliqu dans l entracte. Chaque instant du temps peut tre dsign par un nombre rel, frquemment not t, et la dure d une succession d vnements est donne par l cart entre les valeurs des vnements nal et initial. Lorsque Galile tudia le mouvement au cours du dix-septime sicle, les chronomtres nexistaient pas encore. En consquence, il dut en construire un lui-mme pour pouvoir mesurer des temps compris entre une fraction et quelques secondes. Pouvezvous deviner comment il sy est pris ? Nous aurons justement beaucoup de divertissement avec le temps galilen dans les deux premiers chapitres. Pourtant, des centaines d annes d examen trs minutieux ont montr que chaque proprit du temps que nous venons de lister est approximative, qu aucune nest strictement exacte. Cette histoire est relate dans les chapitres qui suivent.

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?

Tous les mouvements de rotation dans notre socit, comme les courses d athltisme, de chevaux, de vlo ou les courses de patins glace, tournent dans le sens inverse de celui des aiguilles d une montre. De faon analogue, chaque supermarch guide ses clients dans le sens inverse des aiguilles d une montre travers les alles. Les mathmaticiens nomment cela le sens de rotation positif. Pourquoi ? La majorit des gens sont droitiers, et la main droite a plus de libert lorsqu elle est situe vers l extrieur du cercle. C est galement pour cela qu il y a plusieurs centaines d annes les courses de chars dans les arnes se droulaient dans le sens inverse des aiguilles d une montre. Ainsi, toutes les courses en font toujours de mme aujourd hui. C est pour cela aussi que les coureurs se dplacent dans le sens inverse des aiguilles d une montre. Pour le mme motif, les escaliers en colimaon dans les chteaux sont di s de telle manire que les dfenseurs droitiers, depuis les marches plus leves, aient cette main vers l extrieur. l inverse, les horloges imitent l ombre des cadrans solaires. videmment, cela est vrai seulement dans l hmisphre Nord, et uniquement pour des cadrans solaires poss mme le sol, qui sont les plus rpandus. (La vieille astuce pour localiser le sud en dirigeant l aiguille des heures d une montre horizontale vers le Soleil et en divisant par deux l angle entre celle-ci et la direction de midi ne fonctionne pas dans l hmisphre Sud.) Donc le fonctionnement de l horloge indique tacitement dans quel hmisphre elle fut invente. En plus, ceci nous indique galement que les cadrans solaires xs aux murs furent utiliss aprs ceux poss au sol. E ?

Quelle heure est-il en ce moment au ple Nord ?

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Wir knnen keinen Vorgang mit dem Ablauf der Zeit vergleichen diesen gibt es nicht , sondern nur mit einem anderen Vorgang (etwa dem Gang des Chronometers)*. Ludwig Wittgenstein, Tractatus, .

Lexpression l coulement du temps est souvent utilise pour exprimer le fait que dans la nature les changements se succdent d une manire rgulire et continue. Mais bien que les aiguilles d une horloge glissent , le temps lui-mme ne le fait pas. Le temps est une abstraction introduite spcialement pour dcrire l coulement des vnements autour de nous. Il ne scoule pas lui-mme, il d nit l coulement. Le temps navance pas. Le temps nest ni linaire ni cyclique. L ide que le temps scoule constitue une entrave la comprhension de la nature, comme l ide que les miroirs intervertissent la droite et la gauche. Lusage fallacieux de l expression l coulement du temps , di use d abord par quelques penseurs grecs puis par Newton, persiste. Aristote ( / . J.-C. ), attentif au raisonnement logique, pointa du doigt ce malentendu, et d autres le rent ga* Nous ne pouvons pas comparer un processus avec le passage du temps il nexiste pas de telle chose mais seulement avec un autre processus (tel que le fonctionnement d un chronomtre).

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lement aprs lui. Nanmoins, des expressions telles que le renversement du temps , l irrversibilit du temps , et le trop usit la che du temps sont encore d usage courant. Lisez simplement une revue scienti que populaire choisie au hasard. Le fait est le suivant : le temps ne peut pas tre renvers, seul le mouvement peut l tre, ou plus prcisment les vitesses des objets. Le temps na pas de che, seul le mouvement en a une. Ce nest pas l coulement du temps que les hommes ne peuvent arrter, mais le mouvement de tous les objets dans la nature. Incroyablement, il y a mme des livres crits par d minents physiciens qui tudient di rents types de ches du temps et les comparent les unes aux autres. Comme on peut le prvoir, aucun rsultat tangible ou nouveau nen est issu. Le temps ne scoule pas. De la mme faon, les expressions verbales comme le dbut (ou la n) du temps devraient tre bannies. Un spcialiste du mouvement les traduit immdiatement par le dbut (ou la n) du mouvement . Q ?

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L introduction des nombres comme coordonnes [...] est un acte de violence [...]. Hermann Weyl, Philosophie der Mathematik und Naturwissenscha *.

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chaque fois que nous distinguons deux objets l un de l autre, par exemple deux toiles, nous distinguons en tout premier lieu leur position. La distinction des positions est la capacit principale de notre sens visuel. La position est par consquent une proprit importante de l tat physique d un objet. Une position donne est occupe par un seul objet un instant donn. Les positions sont limites. Lensemble de toutes les positions disponibles, dsign par espace (physique), agit la fois comme un contenant et un arrire-plan. La taille est une notion troitement apparente l espace et la position, c est l ensemble des positions qu un objet occupe. Des petits objets occupent uniquement des sous-ensembles de positions accapares par ceux qui sont plus grands. Nous allons bientt discuter de la taille. Comment mettons-nous en vidence l espace partir des observations ? Pendant l enfance, les hommes (et la plupart des animaux suprieurs) apprennent rassembler les diverses perceptions de l espace visuelle, tactile, auditive, kinesthsique, vestibulaire, etc. dans un ensemble cohrent d expriences et de descriptions. Laboutissement de ce processus d apprentissage est une certaine forme de l espace dans le cerveau. En fait, la question o ? peut tre pose et on peut y rpondre dans toutes les langues du monde. Pour tre plus prcis, les adultes tirent l origine de l espace des mesures de distance, grce auxquelles les notions de longueur, de super cie, de volume, d angle et d angle solide sont toutes dduites. Les gomtres (mathmaticiens et de terrain), les architectes, les astronomes, les vendeurs de moquette et les fabricants de doublesdcimtres fondent leur mtier sur les mesures de distance. Lespace est un concept fa* Hermann Weyl ( ) fut l un des plus importants mathmaticiens de son poque, aussi bien qu un physicien thoricien minent. Il fut un des derniers savants ayant embrass les deux domaines, un contributeur de la thorie quantique et de la relativit, inventeur du terme thorie de jauge , et auteur de nombreux ouvrages populaires.

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F I G U R E 11 Deux preuves que lespace possde trois

dimensions : un nud et loreille interne dun mammifre.

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onn pour synthtiser toutes les relations de distance entre objets pour une description prcise des observations. Les doubles-dcimtres fonctionnent bien uniquement s ils sont droits. Mais, lorsque les hommes vivaient dans la fort vierge, ils navaient pas d objets droits autour d eux. Aucune rgle droite, aucun outil droit, rien. Aujourd hui, la vue d une ville est principalement une collection de lignes droites. Pouvez-vous expliquer comment les hommes ont pu accomplir cela ? Une fois les hommes sortis de la jungle avec leur rgle frachement construite, ils rassemblrent une foison de rsultats. Les principaux d entre eux sont noncs dans le Tableau . Ils sont facilement con rms par l exprience personnelle. Les objets peuvent prendre des positions d une manire apparemment continue : il y a srement davantage de positions que ce qui peut tre dnombr*. La notion de taille est comprise en d nissant la distance entre diverses positions, appele longueur, ou en utilisant le champ de vision qu un objet occupe lorsqu il est observ, appel sa surface. Longueur et surface peuvent tre mesures l aide d une rgle plate. Quelques mesures e ectues sont donnes dans le Tableau . La longueur des objets est indpendante de la personne qui les mesure, de leur position et de leur orientation. Dans la vie quotidienne la somme des angles de n importe quel triangle est gale deux angles droits. Il ny a aucune exception dans l espace. Lexprience nous montre que l espace possde trois dimensions. Nous pouvons d nir des sries de positions dans prcisment trois directions di rentes. En fait, l oreille interne de (pratiquement) tous les vertbrs possde trois canaux semi-circulaires qui peroivent la position du corps dans les trois dimensions de l espace, comme indiqu sur la Figure **. De la mme manire, chaque il humain est command par trois paires de muscles. (Pourquoi trois ?) Une autre preuve que l espace possde trois dimensions est allgue par les lacets : si l espace avait plus de trois dimensions, les lacets seraient inutiles, parce que les nuds nexistent que dans un espace tridimensionnel. Mais pourquoi l espace a-t-il trois dimensions ? Il sagit probablement de la question la plus ardue de la physique. Elle ne trouvera une rponse que dans la toute dernire tape de notre excursion.* Pour une d nition de l indnombrabilit, voir la page ??. ** Remarquez que le fait de stipuler que l espace a trois dimensions implique que l espace est continu. Le mathmaticien et philosophe nerlandais Luitzen Brouwer (n. Overschie , d. Blaricum ) montra que la dimensionalit est un concept ncessaire uniquement pour les ensembles continus.

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TA B L E AU 8 Proprits de lespace galilen.

L

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Peuvent tre distingus Peuvent tre ordonns s ils sont aligns Peuvent faonner des formes Se disposent dans trois directions indpendantes Peuvent avoir une distance in nitsimale D nissent les distances Permettent d additionner des translations D nissent les angles Ne masquent aucune singularit Peuvent dpasser toutes les frontires Sont d nis pour tous les observateurs

distinction succession

lment d un ensemble ordre

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forme topologie existence des nuds tri-dim