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La nationalité des personnes morales Droit international privé Introduction : Etymologiquement ; La nationalité c’est l’ensemble des caractères propres à une nation. C’est le lien d’appartenance d’une personne physique ou morale à un Etat déterminé; d’ou le principe des nationalités en vertu duquel les communautés humaines qui forment une nation ont le droit de former un Etat politiquement indépendant 1 . En effet, le mot nationalité peut avoir deux sens: un sens sociologique et un sens juridique 2 . 1-Sur le plan sociologique : La nationalité se définie comme l’appartenance d’un individu à un groupe social envisagé entant que groupe. Et pour déterminer cette appartenance, on retiendra certains éléments tel que l’origine de l’individu et l’histoire de son pays, les traditions et coutumes de son peuple. Il y a là un lien de pur fait qui explique qu’on parle de nationalité de fait dont la notion relève de la sociologie 3 . 2 : Sur le plan juridique du terme : C’est tout à fait différent, car la nationalité parait ici comme le lien de rattachement d’une personne à l’état, cet Etat étant envisagé comme une entité organisée, on parlera ici de nationalité de droit qu’on peut la définir comme l ‘appartenance juridique d’une personne à la population constitutive de l’Etat. Cette notion de nationalité de droit a des conséquences tant dans l’ordre interne que dans l’ordre externe par exemple en droit international public seuls les nationaux bénéficient de pleins droit de la protection diplomatique à l’étranger. En droit international privé, chaque individu est soumis à la loi de son pays pour son état et sa capacité. En droit public interne seule le national exerce les droits politiques tel le droit de vote, seul le national peut être fonctionnaire, seul le national bénéfice de l’ensemble des services public. En droit privé seul le national jouit de l’ensemble des droits établis par les lois civiles et commerciales 4 . Par ailleurs, pour exprimer le lien qui rattache la personne morale (généralement une société) à un Etat, on parle de nationalité des personnes morales, comme on parle de nationalité des personnes physiques 5 . En réalité, l'existence du concept de nationalité des personnes morales constamment utilisée en jurisprudence et doctrine recouvre une notion controversée, dans la mesure ou savoir si ce concept pouvait être transposé aux personnes morales a été discuté par une littérature 1 Dictionnaire (HACHETTE), p. 1099 .Edition 2009 2 www.jurismaroc.xooit.fr , droit international privé, P30 3 Ibidem. 4 www.jurismaroc.xooit.fr , op cit, p 31 5 Batiffol et Lagarde, Droit international privé, 8 éd., t. I, n°163, p. 97 et 98 1

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La nationalité des personnes morales Droit international privéIntroduction :

Etymologiquement ; La nationalité c’est l’ensemble des caractèrespropres à une nation. C’est le lien d’appartenance d’une personnephysique ou morale à un Etat déterminé; d’ou le principe des nationalitésen vertu duquel les communautés humaines qui forment une nation ont ledroit de former un Etat politiquement indépendant1.

En effet, le mot nationalité peut avoir deux sens: un sens sociologiqueet un sens juridique2. 1-Sur le plan sociologique : La nationalité se définie commel’appartenance d’un individu à un groupe social envisagé entant quegroupe. Et pour déterminer cette appartenance, on retiendra certainséléments tel que l’origine de l’individu et l’histoire de son pays, lestraditions et coutumes de son peuple. Il y a là un lien de pur fait quiexplique qu’on parle de nationalité de fait dont la notion relève de lasociologie3.

2 : Sur le plan juridique du terme : C’est tout à fait différent, carla nationalité parait ici comme le lien de rattachement d’une personne àl’état, cet Etat étant envisagé comme une entité organisée, on parlera icide nationalité de droit qu’on peut la définir comme l ‘appartenancejuridique d’une personne à la population constitutive de l’Etat. Cettenotion de nationalité de droit a des conséquences tant dans l’ordre interneque dans l’ordre externe par exemple en droit international public seuls lesnationaux bénéficient de pleins droit de la protection diplomatique àl’étranger.

En droit international privé, chaque individu est soumis à la loi de sonpays pour son état et sa capacité. En droit public interne seule le nationalexerce les droits politiques tel le droit de vote, seul le national peut êtrefonctionnaire, seul le national bénéfice de l’ensemble des services public.En droit privé seul le national jouit de l’ensemble des droits établis par leslois civiles et commerciales4.

Par ailleurs, pour exprimer le lien qui rattache la personne morale(généralement une société) à un Etat, on parle de nationalité despersonnes morales, comme on parle de nationalité des personnesphysiques5.

En réalité, l'existence du concept de nationalité des personnes moralesconstamment utilisée en jurisprudence et doctrine recouvre une notioncontroversée, dans la mesure ou savoir si ce concept pouvait êtretransposé aux personnes morales a été discuté par une littérature

1 Dictionnaire (HACHETTE), p. 1099 .Edition 20092 www.jurismaroc.xooit.fr, droit international privé, P303 Ibidem.4 www.jurismaroc.xooit.fr, op cit, p 315 Batiffol et Lagarde, Droit international privé, 8 éd., t. I, n°163, p. 97 et 98

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La nationalité des personnes morales Droit international privéabondante. Il s’agit en effet, de deux thèses qui ont été avancées : lathèse favorable (appelée encore la théorie de la réalité) et la thèsedéfavorable (appelée la théorie de la fiction).

_la faveur à la nationalité des sociétés : Cette faveur est apparueavec la thèse de "réalité des personnes morales" qui ne sont plusconsidérés comme une simple création intellectuelle. Elles deviennent uneréalité indépendamment des individus qui la composent: un sujet de droitdoté d'attributs et de prérogatives analogues à ceux des personnesphysiques parmi lesquelles figure la nationalité (Léon Mazeaud).

On observe, encore, que le concept de nationalité n’est pas étrangerpar nature aux personnes morales. La nationalité est, sans doute, un lienpolitique mais traduit aussi une allégeance plus large :

Les défenseurs de cette thèse font aussi valoir que la nationalité estl'élément de base pour la détermination du statut juridique de la personnemorale : des conflits de lois apparaissent au moment de la constitutiond’une société, durant la vie sociale et lors de la dissolution. L’importanced’un lien unique et permanent avec un Etat est mise en évidence par ladifficulté qu’il y aurait à appliquer différentes lois au cours de la vie d’unepersonne morale6. Toutefois, le seul inconvénient qu'ils concèdent réside dans le fait quecontrairement à une personne physique, on ne peut se référer au droit dusang7.

_la défaveur à la nationalité des sociétés : Les défenseurs decette thèse (ex : Niboyet) considèrent que la personnalité morale n’étantqu’une pure fiction, ils refusaient en conséquence la nationalité à ce typede personne.

Leur premier argument est suggéré par l’analyse du concept denationalité selon laquelle celui-ci traduit un rapport d’allégeance politiqued’un individu à un Etat, qu’il serait choquant d’élargir à une personnemorale8.

Plus convaincante est la réplique tirée de la nature même de lasociété. En France le code civil y voit un acte juridique, un contrat, voire(l’acte de volonté d’une seule personne) qui ne peut être affecté d’unenationalité. Mais ces arguments ne restent pas non plus sans réponses : lemot –société- désigne, tout à la fois, l’opération et l’entité qui en estissue ; la société acquiert la personnalité juridique par une formalitéadministrative, l’immatriculation, et point par la seule volonté desassociés ; et le législateur de chaque pays règle, lui-même, de manièreimpérative les conditions de constitution de la société. Enfin et surtout, lapersonne morale a des intérêts et un patrimoine propres, distincts de ceux

6 J. M. MOUSSERON, JACQUES RAYNARD, REGIS FABRE, et J-L PIERRE ; Droit du commerce international – droit international de l’entreprise-. Ed Litec. p, 25.7 www.jurismaroc.xooit.fr, op cit, p 408 Ibid ; ;p. 26

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La nationalité des personnes morales Droit international privédes associés. Mais, quoi qu’il en soit, la Cour de cassation n’hésite plus àévoquer (la nationalité des sociétés)9.

Aujourd'hui si la question « existe-t-il une nationalité des sociétés? »ne se pose plus, en revanche on se demande s'il existe des sociétés sansnationalité. La prolifération des sociétés à vocation internationale tempèrele principe selon lequel toutes les sociétés ont une nationalité. En effet, lessociétés dites institutionnellement internationales ne sont pasexpressément rattachées à une loi nationale déterminée. Leur naissancedécoule d'un accord entre Etats ; ce sont leurs statuts, établis par untraité, qui déterminent le régime de la société et non les lois des Etatssignataires. On considère donc que, sauf cas exceptionnels, toutes lessociétés, en principe, ont une nationalité et la reconnaissance légale de lanationalité des sociétés.

Toutefois, la nationalité des sociétés est susceptible d’être confondueavec la question de la loi applicable. Cette confusion est compréhensible :il est très fréquent et également souhaitable que nationalité et la loiapplicable coïncident. Il s’agit néanmoins de deux questions différentes ; la détermination dela loi applicable à une société correspond à une nécessité de technique etrepose sur le choix d’un critère de rattachement. La détermination de lanationalité d’une société est l’expression d’une compétence de l’état àl’égard de son national ; elle traduit l’existence d’un lien d’allégeanceentre l’état et la société, source de droits et d’obligations10.

Mais la complexité du lien de nationalité, déjà grande dans le cas despersonnes physiques, s’accroît encore avec les personnes morales. Toutefois, et en dépit des objections avancées quant à la pertinence duconcept même de nationalité des sociétés, la notion de ce concept estd’une utilité importante et malgré les difficultés qu’elle peut soulever, setrouve pratiquement universellement consacrée.

La question de la nationalité des sociétés présente d'autant plusd'intérêt que d'une part, le rattachement des sociétés à un Etat s'avèreindispensable tant en matière de conflit de lois, de conditions de change,qu’en matière fiscale.D’autre part, initialement élaborée pour les personnes physiques, satransposition aux personnes morales est relativement malaisée.

Comment déterminer la nationalité d’une personne morale etparticulièrement d'une société ? Ensuite, une société peut-elle changer denationalité ?Pour répondre à ces questions, il convient de traiter en premier lieu ladétermination da la nationalité des personnes morales (I); avant

9 J. M. MOUSSERON, JACQUES RAYNARD, REGIS FABRE, et J-L PIERRE ; Droit du commerce international – droit international de l’entreprise-. Ed Litec. p, 26.

10 J. Michel ; les acteurs du commerce international. Edits : DAlLOZ- 1997. p.

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La nationalité des personnes morales Droit international privéd’examiner en deuxième lieu le changement de la nationalité despersonnes morales et ses conséquences.

Plan du travail:

Partie I : La détermination de la nationalité des personnes morales

Section 1 : Les rattachements possibles pour la détermination dela nationalité des personnes morales

A : Les critères induits de l’origine contractuelle B : Les critères induits de la personnalité juridique

Section 2: les critères essentiellement retenus pour la détermination de la nationalité des sociétés

A : le critère du siège social de la personne morale B : le critère du contrôle et le critère d’incorporation de la

personne morale

Partie II- Le changement de la nationalité des personnes morales :

Section 1 : Les cas de changement de nationalité des personnes morales

A : Le changement volontaire B : Le changement involontaire

Section 2 : Les conséquences de changement de nationalité des personnes morales

Partie I : La détermination de la nationalité despersonnes morales : Dans la recherche d’un critère attribuant une nationalité à une société,plusieurs rattachements sont possibles (section 1). Les rattachementsretenus empruntent à plusieurs systèmes proposés (section 2).

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La nationalité des personnes morales Droit international privéL’observation permettra de préciser le rôle prêté à la notion de nationalitéen droit des sociétés.

Section 1 : les rattachements possibles

L’ambivalence de la société, contrat (A) générateur et personne (B)engendré, induit deux types de rattachement.

A : les critères induits de l’origine contractuelle

A l’origine, la société est un contrat. Le principe de l’autonomie de lavolonté suggère plusieurs critères de rattachement d’une société à unEtat. Il peut, tout d’abord, sembler naturel de respecter le choix desmembres fondateurs de la société qui, ayant voulu sa création, ont puvouloir son rattachement à tel Etat. L’attribution de la nationalité quis’afficherait dans une clause des statuts serait, alors, purement subjective.Les risques de fraude liés à pareil rattachement, s’agissant notamment desociétés de capitaux mettant en jeu des intérêts importants, ont étédénoncés11.

Le critère dit du lieu de constitution ou d’incorporation procure,encore, une grande liberté aux fondateurs de la personne morale. L’idéede départ est que, seule, l’autorité publique du pays ou la société estconstituée lui confère la personnalité. Les fondateurs de la société peuventconstituer celle-là dans l’Etat de leur choix ; cette incorporation conféreraità la société la personnalité et, au-delà, la nationalité de cet Etat12. La construction a essuyé de vives critiques. Elle suggère une confusionentre l’acte de constitution de la société qui peut être accompliconformément à une première loi et le fonctionnement ultérieur de lapersonne morale qui peut relever d’une loi différente.

Par ailleurs, la liberté laissée aux membres fondateurs de la personnemorale leur permet de tourner les règles impératives gouvernant lessociétés dans chaque Etat et, finalement, reste incitative de fraude à la loi.Autrement dit, dans la logique extrême de cette construction, la société nepourrait accomplir d’activité excédant les limites du pays qui l’a vu naître.

Le résultat serait parfaitement contraire aux besoins du commerceinternational. Pourtant, si l’on fait abstraction de cette dernièreconséquence, le libéralisme du système n’est pas sans intérêts dans lemonde des affaires. Cette construction assure, par ailleurs, une certainesécurité aux tiers qui pourront aisément connaître le pays de constitutionde la société. Le critère du lieu de constitution connaît ainsi un succès certain dansles pays anglo-saxons ou en suisse ; il retient, à l’occasion, les faveurs de11 V.Y. LOUSSOUAN, Les conflits de lois en matière de sociétés, thèse Rennes 1949. spèc. n. 245, p. 263.12 La thèse est soutenue par PILLET qui fondait toute sa conception du doit international privé sur les principes de souveraineté des Etats et la théorie des droits acquis (v.Y. LOUSSOUARN et J-D. n. 246)

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La nationalité des personnes morales Droit international privéla cour internationale de justice ; il s’est, enfin, introduit dans le droitfrançais par la voie de certains traités internationaux13.

B : les critères induits de la personnalité juridique

Du contrat de société naît une personne juridique propre. L’attributiond’une nationalité à cette dernière peut s’autoriser d’une recherche delocalisation objective. Deux attitudes sont, alors, possibles : privilégier lalocalisation du centre de contrôle de la personne morale ; rechercher uncritère de localisation intrinsèque à la société. Le critère du contrôle assure une localisation indirecte de la personnemorale. Le contrôle peut, alors, s’apprécier en contemplation de lanationalité des dirigeants sociaux, des associés majoritaires ou de l’originenationale des capitaux14. L’utilisation de ce critère n’est pas dénuée d’inconvénients pratiques :le contrôle d’une société est une situation précaire, incompatible avec lanécessaire stabilité du régime applicable à une personne morale. Demême il expose aux difficultés inhérentes à la mise en évidence ducontrôle_ surtout en cas de contrôle à plusieurs degrés. Au delà, il est biendifficile d’identifier les détenteurs du contrôle effectif d’une société. Deplus la variabilité du contrôle provoquerait la variabilité de la nationalitéde la société dans le temps sans autre raison déterminante.

Le critère du contrôle reste, cependant, l’outil technique apte à assurerl’efficacité de mesures de discrimination. Cela explique sa fréquenteutilisation en dépit des critiques de la doctrine. Les reproches précédents justifient le succès d’un rattachement directde la personne morale, cette fois considérée en elle-même. La démarcheprivilégiée, désormais, l’opacité de la personne morale et conduit àrechercher les éléments de référence aptes à traduire la réalité de pareilleattache. La logique invite à transposer en notre matière les critères deréférence utilisés pour les personnes physiques.

La nationalité d’une personne morale ne peut, à l’évidence, sedéterminer jure sanguinis ; seuls, peuvent être considérés les éléments derattachement jure soli. Une analogie directe avec le domicile despersonnes physiques désigne, à nouveau, le critère du siège social15

La recherche s’autorise d’une localisation objective de la personnemorale et point de la seule volonté des fondateurs. Le siège socialconsidéré peut encore être statutaire ; il doit surtout être le siège socialeffectif de la société. D’un point de vue théorique, on a reproché la

13 J. M. MOUSSERON, JACQUES RAYNARD, REGIS FABRE, et J-L PIERRE ; Droit du commerce international – droit international de l’entreprise-. Ed Litec. p, 28.

14 Ibidem.15 Sur cette analogie, G.LEVASSEUR, le domicile et sa détermination en droit international privé, thèse paris, éd.Rousseau,1931 spec. p. 203 et s.

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La nationalité des personnes morales Droit international privéconfusion opérée entre les deux concepts, de domicile et de nationalité,dont la signification et la fonction restent différentes. D’un point de vuepratique, l’utilisation du critère du siège social pour déterminer la loiapplicable au régime juridique de la personne morale présented’incontestables attraits en termes de sécurité des tiers, de rapidité ou depermanence, sans nuire pour autant à d’éventuels transferts. Le critère souffre, pourtant, certains reproches. Sur le terrain de lajouissance des droits, s’agissant de prendre des mesures discriminatoiresou de réciprocité, il perd de sa superbe au profit du système du contrôle….

Le critère du centre d’exploitation, avancé par certains auteurs16, n’estpas dénué d’intérêt : hostile à la fraude, cette référence paraitparticulièrement judicieuse lorsqu’il s’agit de personnes morales exerçantdes activités agricoles ou immobilières, liées au sol.

Y. Loussouarn et J. D. Bredin expriment, cependant, leur défaveur àcet égards dans la mesure où le centre d’exploitation n’est pas toujoursunique, est susceptible de mobilité, et, enfin ne permet pas de rendrecompte de l’origine des décisions de l’entreprise.

Ainsi est-on naturellement orienté vers le critère du centre de décisionde la personne morale. Pareille progression dans la recherche d’unelocalisation effective recourt, toutefois, à des critères de plus en plusabstraits et difficiles à apprécier ; le centre de décision de l’entreprise estun élément purement intellectuel, par nature incompatible avec toutelocalisation objective. Au demeurant, le centre décisionnel, fut-il localisé,n’en reste pas moins mouvant.

Section 2: les rattachements essentiellement retenus pour ladétermination de la nationalité des sociétés :

En l’absence d’un texte déterminant sur un plan générale le critère dela nationalité des sociétés, la mission de dégager un critère déterminantest revenue à la jurisprudence. De ce fait la jurisprudence a exprimé sapréférence pour deux critères qu’elle n’applique pas dans les mêmesconditions et dans les mêmes domaines. Le critère du siège social (A) etcelui du contrôle (B).

A : le critère de siège social :

C’est le critère le plus objectif et le plus réaliste ; il traduit le lien effectifet réel entre une société et un Etat. Par ailleurs, la référence au critère dusiège social pour déterminer un rattachement de la personne moraleprévaut à de multiples égards :

_ sur le terrain des conflits de lois, la cour de cassation a posé la règleselon laquelle (la nationalité d’une société se détermine par la situation deson siège social).

16 V.G. LYON-CAEN et RENAULT, Traité de droit commercial, Paris,3eme éd. 1929, t. II, n. 1167, p. 1067.

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La nationalité des personnes morales Droit international privé De même, même si le législateur marocain n’a pas véritablementénoncé un principe général, il a, néanmoins, appliqué cette solution avecl’article 7 Dahir (9 Ramadan 1331) sur la condition civile desFrançais et des étrangers dans le Protectorat français du Maroc(B.O. 12 septembre 1913), en posant, en effet, la règle selon laquelle(La nationalité d'une société est déterminée par la loi du pays dans lequela été établi, sans fraude, son siège social légal).

Toutefois, le droit positif français a opté à titre principal pour le critèredu siège social, comme une notion connue du droit de la société française.Il est retenu par des traités internationaux signés entre la France et diversEtats, mais surtout par la jurisprudence. C’est également et surtout leparti pris du législateur (art. L.210 – 3 et L. 225 – 97 du code decommerce et, implicitement, art.1837 du code civile). Il s’agit du lieuou la société est établie.

Pratiquement, la loi Marocaine des sociétés comme celle françaiseimpose le respect des règles matérielles lors de la rédaction des statuts etde la constitution de la personne morale dont le siège social est situé auMaroc; une société ayant son siège au Maroc doit être immatriculée dansce pays. De ce fait, la doctrine a pu désigner la compétence de la loi _éventuellement étrangère _ du pays dans lequel est situé le siège socialcomme lex societatis sans préjudice de l’application éventuelle dusystème du (renvoi) ou de (la prise en considération de la loi étrangère)ainsi que l’illustre la célèbre affaire de la Banque OTTOMANE17.

Plus généralement, il n’est pas vain de déduire de ces observations lacompétence de la loi nationale de la société_ loi du siège social_ pourdéterminer les conditions de constitution de la société, les règles de sonfonctionnement, les modalités de sa dissolution et de sa liquidation. Spécialement, la compétence de la lex societatis est retenue par lacour de cassation lorsqu’il s’agit d’apprécier l’étendue des pouvoirs desdirigeants, voire leurs restrictions statutaires.

Le développement contemporain de groupes (inter), (trans-) ou(multinationaux) de sociétés pose le problème du mode de désignation dela nationalité des sociétés filiales et, partant, du régime juridique nationalapplicable à celle-ci. Le groupe multinational apparaît comme un ensembleregroupant plusieurs sociétés, juridiquement autonomes, localisées ou

17 La Banque Ottomane avait été constituée en Turquie et avait à Istanbul un siège statutaire mais son siège statutaire mais son siège réel était situé à Londres. Reprochant aux administrateurs de ne pas les informer correctement, des actionnaires mécontents assignent la Banque devant un juge français qui doit, alors, désigner la loi applicable à l’obligation d’information dont la société peut être tenue à l’égard de ses actionnaires. La règlefrançaise de conflit désignait la loi du siège social réel, c’est-à-dire la loi anglaise. Mais le droit anglais adopte lesystème de l’incorporation qui, en l’occurrence, désigne la compétence de la seule loi turque. Le juge français a estimé qu’il convenait (de faire application du droit turc auquel la loi anglaise qui adopte le principe dit de l’incorporation offre une compétence qui est acceptée par les dispositions spéciales de la loi turque relative à la Banque Ottomane). (Paris 3 oct. 1984 : Rev. crit. DIP 1985, 526, H. SYNVT ; Clunet 1986, 156, B. GOLDMAN)

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La nationalité des personnes morales Droit international privéconstituées dans différents Etats, assujetties à des lois distinctes maiséconomiquement soumises à une même direction. Ainsi, bien qu’étant une entité économique, le groupe transnational n’apas la personnalité morale, donc n’a pas de personnalité juridique et nepeut par conséquent se voir reconnaître de nationalité. Il en résulte que lanationalité s’apprécie à l’égard de chacune des sociétés composant legroupe, considérées isolement18. Autrement dit, chacune des sociétésrelevant d’un même groupe verra sa nationalité déterminée selon l’un ouplusieurs des critères sus mentionnés.

Toutefois, une doctrine parait favorable à l’idée de reconnaître àl’ensemble des sociétés du groupe la nationalité de la société mère19.

Cette propagation de la nationalité de la société dominante auxsociétés dominées devrait logiquement entraîner l’application de la loi desociété mère à ses filiales étrangères. Cette conséquence pourrait paraîtrefâcheuse en certaines hypothèses20.Ainsi, quand il s’agit d’envisager la protection d’actionnaires minoritairesd’une société dominée ou de ses créanciers en cas de changement decontrôle de la société dominante, la compétence de la loi de la sociétécontrôlée est souvent prônée sauf dispositions plus favorables de la loi dela société mère. Enfin l’émergence de règles de conflit à coloration matérielle, c'est-à-dire de règles qui désignent la loi applicable en fonction de résultatrecherché, ou de règles matérielles visant à doter directement le problèmeinternational d’une solution de fond révèle la différence de mettre enœuvre la règle de conflit classique lorsque celle-ci est appliquée auxgroupes internationaux de sociétés. _S’agissant des questions de jouissance des droits, la jurisprudencedevait désigner le critère révélant la nationalité étrangère des personnesmorales, éventuelle source de mesures discriminatoires. Le critère dusiège social entre, alors ; fréquemment en conflit avec le critère ducontrôle. Mais la préférence au premier est affirmée en certaineshypothèses : par exemple en France, la cour de cassation considèrecomme françaises les personnes morales locataires ayant leur siège socialen France. 21

18 J. Michel ; les acteurs du commerce international. Edits : DAlLOZ- 1997. p. 2119 La proposition de B. GOLDMAN de référer au - centre de décision-, la nationalité des sociétés dans la CEE in travaux comité fr. DIP 1966- 1969, 242.20 J. M. MOUSSERON, JACQUES RAYNARD, REGIS FABRE, et J-L PIERRE ; Droit du commerce international – droit international de l’entreprise-.op.cit. p, 33.

21 J. M. MOUSSERON, JACQUES RAYNARD, REGIS FABRE, et J-L PIERRE ; Droit du commerce international – droit international de l’entreprise-.op.cit. p, 34.

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La nationalité des personnes morales Droit international privé _De même, la jurisprudence retient encore le critère du siège social enmatière de conflit de juridictions lorsqu’il s’agit de décider du bénéfice desprivilèges de juridiction22.

Néanmoins, cette notion de siège social mérite cependant d’êtreaffinée. Il faut en effet distinguer le siège social statutaire (le lieu indiquéofficiellement dans les statuts) du siège réel. Le siège réel est, selon la jurisprudence, le lieu ou la société a sadirection effective, autrement dit son principal centre de décision23. Celui-ci correspond souvent au principal établissement, mais pas forcement, pasplus d’ailleurs qu’au siège statutaire.

Ainsi, le large usage du critère du siège social a justifié que lajurisprudence en précise le contenu : _le siège social doit être réel : le siège social statutaire qui necoïnciderait pas avec le lieu où se réunissent les organes sociaux seraitfictif. La désignation du siège social réel ne fait pas de difficultés lorsque lesiège du conseil d’administration, les bureaux de la société, les réunionsdes assemblées générales sont effectivement regroupés en un même lieu.La jurisprudence devient rebelle à toute synthèse lorsque ces élémentssont dispersés en des pays distincts ; en pareil cas, la désignation du siègesocial réel devient une question de fait24.

De plus, selon quelques décisions et une partie de doctrine, le siègeréel doit être sérieux, ce qui correspond à un souci de lutter contre lesfraudes à la loi. Le siège sera sérieux par exemple s’il correspond au lieuou la société traite ses affaires, ou bien s’il existe des éléments permettantde justifier objectivement le choix de lieu du siège (comme la nationalitédes dirigeants ou encore le centre d’exploitation)25. En toutes hypothèses, il s’agit d’une question de pur fait : le siègeréel devant correspondre à la réalité de la vie Sociale ; d’où lesdifficultés pratiques afin de déterminer la nationalité de la société, surtoutdans le cadre des groupes multinationaux de sociétés ou les centres dedécision sont diffus. Les difficultés sont grandes également lorsque lesdifférents organes sociaux d’une même société ne se réunissent pas aumême lieu.

En France, les tribunaux sanctionnent les cas dans lesquels le siègesocial a été établi à l’étranger dans le seul but d’éviter l’emprise de la loifrançaise. Echappe, en revanche, à ce reproche la localisation du siègesocial dans le pays étranger avec lequel la personne morale a desattaches sérieuses, dans le but de bénéficier de dispositions fiscales.

22 Ibidem.23 J.Derrupé, droit international privé et groupes internationaux de sociétés : mise à l’épreuve réciproque, éd ; 1991. p.4924 J. M. MOUSSERON, JACQUES RAYNARD, REGIS FABRE, et J-L PIERRE ; Droit du commerce international – droit international de l’entreprise-. Ed Litec. p, 3525 Ibidem.

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La nationalité des personnes morales Droit international privé Selon certains, la détermination de la nationalité devrait alors prendreen compte une dimension économique. C’est l’idée de –nationalitééconomique26

Doit-on conclure à une suprématie du siège réel (critère substantiel) surle siège statutaire (critère purement formel) ? La jurisprudence française,dans son pragmatisme, montre qu’en réalité ce sont plusieurs critères quipeuvent être pris en compte et combinés (siège statutaire, vie sociale,exploitation…). Quel critère s’avère en définitive être le meilleur ? Enraison d’une incertitude fréquente sur la localisation du centre de décision,du cœur administratif et financier de la société, la théorie du siège réeln’apporte pas toujours une sécurité juridique suffisante. Le critère du siège statutaire, qui se rapproche bien souvent de lathéorie de l’incorporation, semble ainsi plus opérant, sous réserve del’absence de fraude et de prise en compte de la protection des tiers. C’est en tout cas l’opinion d’une partie de la doctrine, et la voieencouragée par la jurisprudence communautaire dans le cadre de laliberté d’établissement.27

B : critère du contrôle :

Selon ce critère la société aurait la nationalité des personnes qui lacontrôlent (principaux actionnaires et dirigeants sociaux). Mais cettesolution présente des inconvénients : d’abord, elle n’est guèresatisfaisante sur le plan théorique car elle refuse pratiquement de tirer lesconséquences du fait que cette solution conduit à confondre la société quiest une personne distincte avec ses membres sur le plan pratique cettesolution expose aux difficultés inhérente à la mise en évidence ducontrôle_ surtout en cas de contrôle à plusieurs degrés. Dans ce cas il estdifficile de déterminer qui contrôle réellement une société.

De plus la variabilité du contrôle provoquerait la variabilité de lanationalité de la société dans le temps sans autre raison déterminante.Néanmoins, ce critère n’est pas dépourvu d’utilité malgré son caractèreincertain et l’insécurité juridique qu’il implique. La jurisprudencefrançaise28 l’a utilisé- à titre correcteur- et exceptionnellement durant lapremière guerre mondiale afin de distinguer les sociétés qui étaient entreles mains de sujets ennemis, et séquestrer les biens de sociétés contrôléspar ces derniers.

26 J.Derrupé, droit international privé et groupes internationaux de sociétés : mise à l’épreuve réciproque, éd ; 1991. p.4927Ibidem. 28J.Derrupé, droit international privé et groupes internationaux de sociétés : mise à l’épreuve réciproque, éd ; opcit. p.50

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La nationalité des personnes morales Droit international privé Dans un contexte plus actuel le contrôle est utilisé parfois par pourrefuser spécifiquement à une société certains droits ou l’accès à certainesactivités économiques dans des secteurs considérés comme sensiblespour l’Etat. Mais la spécificité du contexte démonte précisément que cecritère de contrôle ne saurait donc être retenu à titre exclusif etsystématique pour la détermination de la nationalité des sociétés.

Le recours au critère du contrôle sera l’application sélective selon lescirconstances. Les solutions ont été changeantes, parfois indécis, parfoiscontradictoires tantôt on y recours tantôt on se réfère au critère du siègesocial. Pendant le déroulement de la seconde guerre mondiale, le critèredu contrôle fut l’application stricte et une fois la paix revenue, on serevient au critère du siège social, depuis lors, la jurisprudence applique lecritère du siège social sans toutefois abandonner complètement le critèredu contrôle.

le critère du siège social en définitive est appliqué toutes fois que leproblème de la nationalité de la société est soulevé à propos des questionsd’exercice des droits est des questions de fonctionnement de société.

En droit international privé la société est régie par la loi du lieu de sonsiège social « lex. societatis » cela implique que c’est cette loi qui régit lesconditions de formation de la société, qui détermine les règles defonctionnement et les règles régissant les rapports entre associés. Lecritère de contrôle n’est appliqué que lorsque le problème de ladétermination de la nationalité de la société est soulevé à propos desquestions touchant à la jouissance des droits c.-à-d. toutes les lois que l’onveut savoir si la société peut jouir de certains droits réservés aux sociétésnationales.

Enfin, il faut préciser que la pratique international incline vers lesconsidérations d’effectivité, une importante application de cette démarchese constate dans l’application de cette démarche, se constate dans lamatière de la protection diplomatique, où le critère du contrôle occupe unelarge place, autrement dit, les états n’acceptent de protéger une sociétéque si leurs intérêts nationaux y sont prépondérant.

N.B : Les critères rejetés : Parmi les critères qui sont rejetés ; oncite en premier lieu : le critère d’incorporation qui correspond au lieuauquel ont été accomplies les formalités de constitution etd’immatriculation de la société. Autrement dit la société aurait lanationalité du pays ou ont été accomplies les formalités de sa constitutionet d’immatriculation (illustration en quelque sorte de la loi d’autonomie :la nationalité est choisie par les parties au contrat de sociétés).

Ce critère présente l’avantage de traduire la volonté des fondateurset il est retenu surtout par les pays anglo-saxons. Les juridictionsinternationales y ont fait référence. Mais la principale difficulté qui résultede son choix comme critère de nationalité des sociétés tient à son

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La nationalité des personnes morales Droit international privéopposabilité à d’autres Etats avec lesquels la société présente des liensplus forts ou qui sont par principe hostiles au critère de l’incorporation.

Le débat se déplace alors sur le terrain de l’effectivité du lien denationalité lorsque sont en cause des intérêts défendus par un autre Etatque celui de la nationalité résultant de la seule incorporation. La questions’est posée notamment pour la protection diplomatique29.

Toutefois, ce critère d’incorporation a été rejeté par la jurisprudencefrançaise et le législateur en lui reprochant principalement d’inciter à unefraude à la loi, alors que le système de l’incorporation ne connaîtjustement pas l’expression de fraude30.

De même, le droit français n’a pas non plus adopté le critère du centred’exploitation. La société aurait la nationalité du lieu ou elle exerce sonexploitation. Ce critère est lié à des considérations économiques .Partant,il est source d’incertitude et d’insécurité juridique en cas d’activitémultiples et mobiles dans plusieurs Etats.

Enfin, le critère du centre de décision (la société a la nationalité dulieu ou sont prises les décisions la concernant) n’a pas non plus été retenuà titre principal par le droit français. Outre l’absence de définition précisede la notion de -centre de décision -, il est parfois difficile de déterminer ousont prises les décisions stratégiques, voire les décisions tout court.

Partie II : Le changement de la nationalité despersonnes morales et ses conséquences

Si on admet le concept de nationalité, il faut accepter le changement(section 1) qui peut être volontaire (A) lorsque les dirigeants peuventsouhaiter transférer le siège dans un état "plus accueillant". Ou encoreinvolontaire (B) dans la cas ou un état peut aussi changer desouveraineté31.toutefois ce changement des conséquences (section 2)tant sur la survie de la personne morale que sur le plan fiscal.

Section 1 : les cas de changement de nationalitéLe changement peut être volontaire (A) ou involontaire (B)

A : Le changement volontaire de nationalité des société (Transfertdu siège)

La concurrence internationale, l’apparition de nouveaux marchés,peuvent, parmi tant d’autres causes, appeler le transfert du siège social

29 J. Michel ; les acteurs du commerce international. Edits : DAlLOZ- 1997. p. 1630 J.Derrupé, droit international privé et groupes internationaux de sociétés : mise à l’épreuve réciproque, opcit. p.6031 www.jurismaroc.xooit.fr, droit international privé, p 31

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La nationalité des personnes morales Droit international privéde l’entreprise dans un autre Etat32. De ce fait, le transfert du siège socialà l’étranger implique le changement de la nationalité.

Il est souhaité par les dirigeants, et entraîne une modification du statutde la société et donc de la loi applicable. Selon le droit international privé,il s’agit d’un conflit mobile. La question de savoir si la personnalité moralesurvit n’est pas tranchée de manière uniforme. Dans la plupart des cas,cela signifie que la société va perdre sa personnalité juridique au profit del’acquisition d’une nouvelle personnalité morale dans l’Etat du transfert.En pratique, l’opération conduit à une dissolution liquidation de la société.

Autrement dit, les associes peuvent, alors, dissoudre le groupement etapporter les éléments de son patrimoine à une nouvelle structuresociétaire crée ailleurs. La formule présente de graves inconvénients detemps et de coût et les membres du groupement préféreront revendiquerla survie de la personne morale initiale.

Une certaine doctrine a exprimé son hostilité à l’égards de ce schéma :la personne morale ne saurait se soustraire à sa seule loi d’origine ; sonémigration commanderait sa dissolution33. A l’inverse une plus largedoctrine contemporaine, prenant appui sur le succès en jurisprudence desthèses de la réalité des personnes morales admet la persistance dugroupement en dépit du transfert de son siège social à l’étranger.34

Ainsi au Maroc, certaines dispositions du Dahir n° 1-97-49 (5chaoual 1417) portant promulgation de la loi n° 5-96 sur la sociétéen nom collectif, la société en commandite simple, la société encommandite par actions, la société à responsabilité limitée et lasociété en participation (B.O. 1er mai 1997) intéressant le débat. Sonarticle 2 dispose que : (les sociétés commerciales jouissent de lapersonnalité morale à dater de leur immatriculation au registre ducommerce). Dans la mesure où l’immatriculation au registre du commerce et dessociétés marocaines n’est pas nécessairement concomitante au jour ou letransfert a été décidé, certains y ont vu le signe d’une (brisure) de lapersonnalité de la société, sauf à considérer que celle-ci conserve sonstatut juridique d’étranger jusqu’à l’immatriculation35. A l’inverse, le même texte qui prévoit que (la transformationrégulière d’une société n’entraîne pas la création d’une personne

32 J. M. MOUSSERON, JACQUES RAYNARD, REGIS FABRE, et J-L PIERRE ; Droit du commerce international – droit international de l’entreprise-. Ed Litec. p, 3933 V.J.HAMEL et G. LAGARDE, A. JAUFFRET, Traité du droit commercial, DALOUZ, 2eme éd., t, n. 429, p.8634 V. cpdt un très vieil arrêt, plutôt favorable à la thèse prônant la disparition de la personne morale lors du transfert, Civ. 26 nov. 1894 : DIP 1895, I, 57, THALLER. La décision paraissait cependant largement justifiée par le changement de forme d’une société civile en société anonyme qui intervenait à l’occasion de ce transfert. Rappr. Cass. Belge, 12 nov. 1965, favorable au maintien de la personnalité juridique lors du transfert (Clunet 1966,140, ABRAHAMS ; Rev. Crit. DIP 1967, 510, Y. LOUSSOUARN).35 V. Y. LOUSSOUARN et J.-D. BREDIN, op.cit., n. 274, p. 297

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La nationalité des personnes morales Droit international privémorale nouvelle) parait militer pour la thèse prônant la permanence dela personne morale en dépit du transfert. Toutefois, la jurisprudence française règle le cas du transfert du siègesocial de France à l’étranger en admettant le transfert volontaire (arrêt du20.01.1923). Ainsi, Le législateur est ensuite intervenu pour en organiserla procédure. On se réfère donc à l'art. 60 de la loi de 1966respectivement relatifs aux sociétés en commandite simple et aux SARLqui dispose que: "le transfert du siège à l'étranger ne peut êtrevalablement décidé qu'à l'unanimité des associés" S’agissant des sociétésanonymes et SCA, une exception est retenue par l’article 154 de la loiprévoit : (L’assemblée générale extraordinaire peut changer lanationalité de la société, à condition que le pays d’accueil aitconclu avec la France une convention spéciale permettantd’acquérir sa nationalité et de transférer le siège social sur sonterritoire et conservant à la société sa personnalité juridique).

L’absence de pareille convention ne devrait, cependant, pas interdire,pour la SA, le transfert décidé à l’unanimité des associés36. Mais contrairement à la loi française, la loi marocaine n° 17-95 relativeaux sociétés anonymes dispose dans son article 110 que: L’assembléegénérale extraordinaire ne peut, changer la nationalité de la société. _généralement, si l’on admet le principe de la continuité de la personnemorale lors du transfert du siège social, on doit s’interroger ensuite sur laloi applicable, sans doute, aux conditions, mais sûrement à la licéité mêmede ce transfert. Sur le principe de la licéité du transfert, l’accord des deux lois encause parait nécessaire. S’agissant du régime du transfert, la doctrine prône l’applicationdistributive des lois en cause, la loi ancienne ayant vocation à régir ce quiprécède le changement de siège, la loi nouvelle s’appliquantimmédiatement, sous réserve de la compétence de la loi ancienne jusqu’àla nouvelle immatriculation. Les statuts de la société seront mis enharmonie avec la loi nouvelle sans que, pour autant, il n’y ait àreconstituer la personne morale.

B: le changement involontaire de nationalité: (Mutation de la souveraineté territoriale)

Dans un système qui désigne la nationalité d’une personne morale parréférence à la localisation de son siège social, le changement desouveraineté du territoire sur lequel est situé celui-ci entraîne,logiquement, le changement de nationalité du groupement.

36 J. M. MOUSSERON, JACQUES RAYNARD, REGIS FABRE, et J-L PIERRE ; Droit du commerce international – droit international de l’entreprise-. Ed Litec. P.40

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La nationalité des personnes morales Droit international privé Lorsque le changement de souveraineté résulte d’un traitéinternational, cette difficulté est souvent réglée par des dispositionsspéciales. Ainsi lors de l’accession à l’indépendance des Etatsfrancophones, spécialement d’Afrique noire, les accords conclus ont prissoin d’affirmer le respect de la nationalité et, par conséquent du statutjuridique des sociétés contrôlées par des français37. Cette hypothèserévèle une utilisation exceptionnelle du critère du contrôle afin deconserver sous l’égide de la loi française des sociétés dont le siège socialétait désormais sis à l’étranger. Mais les conséquences de la mutation de souveraineté d’un territoiresur le régime juridique des personnes morales dont le siège social estsitué sur celui-ci peuvent rester ignorées par d’éventuels accordsinternationaux. Tel est le cas des accords d’Evian destinés à régler lesrapports de la France et de l’Algérie lors de l’indépendance de cet Etat.Conformément aux principes précédemment dégages, le changement desouveraineté d’un Etat doit emporter le changement de la nationalité dessociétés ayant leur siège social sur son sol38. Cette solution avait été admise s’agissant de sociétés ayant leursiège social en Algérie après l’indépendance de cet Etat.Mais d’autres décisions avaient admis que les sociétés sous contrôlefrançais ayant leur siège en Algérie conservaient la nationalité françaiseau titre de la théorie du contrôle ou d’un droit d’option. Section 2 : Les conséquences du changement de nationalité

En droit interne: la personne morale n'est pas affectée par le transfert.Il y a survie de la personnalité morale. La question est controversée endroit international privé: la société ne devient étrangère ou marocainequ'à compter de son immatriculation. La société va perdre sa nationalitéd'origine et ne conservera sa personnalité juridique que si la personnemoral d'accueil prévoit lui aussi cette survie.39

Au plan fiscal: qu'il y ait convention ou pas, le transfert entraîneimmédiatement l'exigibilité de tous les impôts dus au pays du siègecomme à l'étranger. Cela joue aussi pour les projets de liquidation et lespouvoirs. L'exigibilité peut tomber en cas de convention, si le pays dusiège social a ratifié de convention, excluant l'exigibilité immédiate.

Par exemple en France, lorsqu'il s'agit d'un transfert d'une sociétéétrangère en France, il n'y a pas de règles particulières. Les seulesdécisions jurisprudentielles concernent les situations consenties àl'indépendance algérienne. La société devra se plier aux exigencesfrançaises et se faire immatriculer au RCS. En attendant cette

37 Convention franco-tunisienne du 3eme 1955, franco-malgache du 27 juin 1960, franco-tchadienne du 11 août 1960, franco-centrafricaine du 13 août 1960, franco congolaise du 15 août 1960 ; sur ces Conventions : Rev. Crit. DIP 1961, p. 212. _Adde, J.FOYER, la nationalité des sociétés dans mes rapports entre la France et les nouveaux Etats africains d’expression Française : Travaux comité fr. DIP 1961-69, p. 26738 En ce sens, J. HAMEL, G. LAGARDE, A. JAUFRET, op. cit., n. 429, p. 87. 39 www.jurismaroc.xooit.fr, droit international privé, p. 70.

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La nationalité des personnes morales Droit international privéimmatriculation: survie de la personnalité morale (la loi française sepermet). La société après immatriculation, sera régie par le droitcommercial et le droit fiscal.Bibliographie :

_J. M. MOUSSERON, JACQUES RAYNARD, REGIS FABRE, et J-L PIERRE ; Droit du commerce international – droit international de l’entreprise-. Ed Litec.

_J. Michel ; les acteurs du commerce international. Edits : DAlLOZ- 1997.

_V.Y. LOUSSOUARN, Les conflits de lois en matière de sociétés, thèse Rennes 1949

_J.Derrupé, droit international privé et groupes internationaux de sociétés : mise à l’épreuve réciproque, éd ; 1991.

_Dahir (9 ramadan 1331) sur la condition civile des Français et desétrangers dans le Protectorat français du Maroc (B.O. 12 septembre 1913)

_La loi marocaine n° 17-95 relative aux sociétés anonymes

_Dahir n° 1-97-49 (5 chaoual 1417) portant promulgation de la loi n° 5-96 sur la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société en commandite par actions, la société à responsabilité limitée et la société en participation (B.O. 1er mai 1997)

_Dictionnaire (HACHETTE), p. 1099 .Edition 2009

_www.jurismaroc.xooit.fr, droit international privé

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