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28 N°6695 24 mars 2011 notre enquête COMPOSTELLE, ASSISE, MONT-SAINT-MICHEL LA Q UêTE des nouveaux marc Randonner un dimanche ou un été, partir en pèlerinage quelques semaines : le succès de la marche ne se dément pas. À l’occasion du salon Destinations nature (1) et de la parution de notre hors-série Compostelle : l’appel du chemin, voici le portrait de ces nouveaux marcheurs et des pistes pour mettre un pied devant l’autre ! PAR ISABELLE VIAL PHOTOS LÉONARD LEROUX ILLUTRATIONS FRÉDÉRIC BONY

La nouvelle quêtes des marcheurs

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Compostelle, Assise, Mont Saint-Michel... Randonner un dimanche ou un été, partir en pèlerinage quelques semaines : le succès de la marche ne se dément pas. À l’occasion du salon Destinations nature (1) et de la parution de notre hors-série Compostelle : l’appel du chemin, voici le portrait de ces nouveaux marcheurs et des pistes pour mettre un pied devant l’autre ! Pèlerin n°6695 du 24/03/11

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28 → N°6695 → 24 mars 2011

notre enquête

Compostelle, Assise, mont-sAint-miChel

La quête des nouveaux marcheursRandonner un dimanche ou un été, partir en pèlerinage quelques semaines : le succès de la marche ne se dément pas. À l’occasion du salon Destinations nature (1) et de la parution de notre hors-série Compostelle : l’appel du chemin, voici le portrait de ces nouveaux marcheurs et des pistes pour mettre un pied devant l’autre !

par Isabelle VIal photos léonard leroux illutratioNs frédérIc bony

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notre enquête

la chapelle saint-sixt d’eygalières

(xIIe siècle),au nord-est d’arles.

la pureté de son architecture

mérite le détour.

Compostelle, Assise, mont-sAint-miChel

La quête des nouveaux marcheurs

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notre enquête la quête des nouveaux marcheurs

le pont Valentré (xIVe siècle), emblème de cahors (lot).

au pas du randonneur dans les ondoyantes collines du Gers.

«en avant ! » Un jour de juillet, Marie-Hélène a rangé ses pinceaux et ses cahiers d’aqua-relles. Cette dynami-

que enseignante en arts plastiques de 51 ans a fait provision de bons conseils, de topoguides, de crème contre les ampoules et s’est lancée sur la route pour sa première marche. Six semaines pour rallier l’abbaye de La Pierre qui Vire, dans le Morvan, à la maison de son enfance, dans la région d’Aubenas. Un chemin bien à elle, un voyage intérieur. L’éloignement de sa dernière fille pour ses études et le déménagement d’amis l’ont décidée. « Je voulais met-tre un peu d’ordre dans ma vie, expli-que-t-elle. J’ai renoué avec un groupe d’amis et décidé de m’engager dans l’aide aux devoirs. » Voilà pour les décisions concrètes. Les bénéfices plus invisibles, Marie-Hélène n’en finit pas de les mesurer : « Avoir vivifié ma foi, pris acte du départ des enfants… Je suis toujours en chemin… »Comme elle, ils sont de plus en plus nombreux à se lancer sur la route avec des questions plein leur sac à dos. Ces nouveaux pèlerins explorent les sentiers porteurs de sens qui peu-vent fournir des réponses à leur quête personnelle et spirituelle. Le chemin emblématique de ce nouvel appétit, c’est Saint-Jacques-de-Compostelle. De quelques milliers dans les années 1980, le nombre de « jacquets » a

dépassé les 100 000 avec l’an 2000. En 2009, ils étaient 145 000 ! Au-delà du « Camino », de nombreux pèlerinages et chemins de foi (pardons, Tro Breiz, sentiers datant du Moyen Âge…) sont de nouveau à l’honneur. « En vingt ans, la marche est passée d’un loisir à un engagement du corps et de l’âme », souligne le sociologue et anthropologue David Le Breton.

une façon de se retrouver avec soi-mêmeQue cherchent-ils, ces nouveaux mar-cheurs ? Grand randonneur, auteur d’un ouvrage à succès sur le sujet (2), David Le Breton avance une explica-tion : « C’est une forme de résistance à un monde centré sur les impératifs de rendement tous azimuts. Ce succès tient aux valeurs que la marche porte en elle : contemplation, gratuité, inu-tilité, jubilation, lenteur… On avance avec un projet commun et à un rythme intime. » C’est une façon de se retrou-ver avec soi-même. « Elle apporte un sentiment d’exister, d’être unifié », poursuit David Le Breton. Pour lui, cet engouement a aussi un lien avec la recherche de sens et de spiritualité. « Marcher permet de se confronter à l’élémentaire du monde : sentir son corps, manger, boire, faire silence, être en communion avec la vie… » « La mécanique propre à la marche met dans un état proche de la médita-tion », confie de son côté Olivier Lemi-re, un ancien cadre qui raconte dans

un livre (3) son cheminement entre Plaisir, en région parisienne, et le Bon-heur, une petite rivière des Cévennes. « Marcher vers le Bonheur fait émer-ger de nombreuses questions : qu’est-ce que c’est ? Étais-je heureux avant de partir ? Suis-je heureux dans ma vie ? », témoigne-t-il. Olivier Lemire se consa-cre désormais à la marche entre des lieux aux toponymes riches de sens.

le boom des clubs de marcheursAutre nouveauté : le développement des clubs de marcheurs. 69 % des Français pratiquent la randonnée pédestre, dont 23 % régulièrement. Pour les vacances, 59 % mettent en avant les balades dans la nature, devant le repos, les retrouvailles en famille ou la baignade (4) ! « Nous avons clairement dépassé le phéno-

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mène de mode, souligne Jean-Michel Humeau, directeur général de la Fédération française de randonnée pédestre (FFRP). Les nouveaux mar-cheurs sont en majorité des femmes, qui commencent après 50 ans pour découvrir la nature, être en forme et nouer des liens amicaux… »

« Marcher, c’est s’abandonner aux imprévus »À la FFRP (5), qui compte 210 000 licen-ciés, on estime le nombre d’adeptes à 15 millions au total. De nouvelles for-mes de marche ont le vent en poupe : balades en ville, sportives, en famille, avec un coach… Les publications spé-cialisées se développent. Chez Trans-boréal, certains ouvrages se vendent jusqu’à 15 000 exemplaires. « La fasci-nation pour le voyageur qui part loin sans connaître exactement son chemin est très forte », témoigne Émeric Fisset, grand marcheur lui-même et éditeur. « Marcher, c’est nettoyer ses yeux pour prendre le temps de voir ce que l’on ne voyait plus. Je pense qu’avec le développement du confort, les gens vont éprouver encore davantage le besoin de tout lâcher, de s’abandon-ner aux imprévus et à la providence », prédit-il. Pari tenu ? l

(1) à Paris, du 25 au 27 mars. www.randonnee-nature.com (2) Éloge de la marche, Éd. Métailié, 2000 ; 10 €.(3) L’esprit du chemin, Éd. Transboréal, 2011, 291 p. ; 19,90 €.(4) Sondage TNS Sofres-ministère de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi, juin 2010.(5) www.ffrandonnee.fr

À chaque marcheur, sa randonnée !de multiples pistes existent pour se mettre en chemin. en voici quelques-unes pour randonner en famille, marcher solidaire, interroger sa foi ou simplement se ressourcer.

1randonner en familleavec un âne, avec ou sans

guide. Exemple : rando de 3 jours dans le Vercors : 111 € pour un âne + 28 € la nuitée dans un tipi (adulte). Contact : 04 75 45 53 17. www.randodaneduvercors.comFédération nationale ânes et randonnées : 06 33 97 91 54. www.ane-et-rando.comrandojeu : l’objectif, partir à la découverte d’une ville (Saint-Malo, Noirmoutier, etc.) sur un parcours de 3 à 9 km muni d’un questionnaire. Pochette de jeu à télécharger : 10 €. www.randojeu.comrando avec un conteur ou un musicien : dans les monts d’Arrée, la Rando des lutins, une promenade musicale et contée autour des légendes bretonnes, pour les 4-12 ans et leurs parents ; 6 €. www.arree-randos.com

2Marcher solidaireavec une personne

handicapée : dans de nombreuses régions, des associations proposent des randonnées accompagnées en Joëlette, des fauteuils roulant à une roue. Liste sur www.netrando.fren afrique, en amérique latine ou en asie, des randonnées qui permettent de financer des projets de dévelop-pement. Exemple : au Burkina Faso, contes et randonnée avec les griots, 7 jours et 6 nuits ; 550 € par personne (hors avion). Contact : 02 43 56 70 88. www.alter-enga.fr. Liste des associations : www.tourismesolidaire.org

3Partir à la rencontre de dieu

chemins de saint-Jacques-de-compostelle : de Saint-Jean-Pied-de-Port à Saint-Jacques, 13 jours et 12 nuits (à l’hôtel) avec un guide, à partir du 10 avril ; 1 675 €. Contact : La Pèlerine, 04 71 74 47 40. www.lapelerine.comchemins du Tro breiz : pèlerinage en l’honneur des sept saints fondateurs de la Bretagne. Les Chemins du Tro Breiz : 02 98 69 11 80. www.trobreiz.comchemins de saint-Michel : de Coutances au Mont-Saint-Michel : 7 jours, 6 nuits (hôtel) ; à partir de 598 €. Contact : La Pèlerine, 04 71 74 47 40. www.lapelerine.com

4randonner pour se retrouver

rando philo : initiation à la philo-sophie, en randonnant dans les Pyrénées aux côtés du philoso-

phe Baptiste Lanaspèze. 7 jours et 6 nuits. Départs :

11 et 18 juillet, 8 et 15 août ; 595 €. Contact : La Balaguère,

05 62 97 46 46. www.labalaguere.comrando sens et ressourcement :balade dans les Pyrénées en groupe

avec un psychothéra-peute. 6 jours et 5 nuits. Départs : 3 et 10 juillet,

14 et 21 août ; 750 €. Contact : La Balaguère, 05 62 97 46 46. www.labalaguere.comEt chaque semaine, d’autres idées dans notre page

« Chemins de pèlerinage ».

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notre enquête la quête des nouveaux marcheurs

Je marche, pour…

Yann Durand 27 ANS, ANiMATEUR D’ATELiERS D’ÉCRiTURE ET DE SLAM, CHARENTE-MARiTiME

« surmonter ma maladie chronique »«en 2008, on m’a diagnostiqué la

maladie de Crohn, une inflam-mation chronique des intestins…

Cette nouvelle a provoqué une remise en question person-nelle : j’ai regardé les cho-ses que j’avais accomplies et celles que j’avais laissées

en suspens. J’avais toujours été habité par le désir d’aventu-

res et de grands espaces. C’est alors que m’est venue l’idée de rallier à pied l’Atlantique à la Médi-

terranée, depuis La Rochelle jusqu’à Montpellier, soit 750 kilomètres. La marche,

par sa lenteur, vous lais-se beaucoup de temps pour réfléchir. Ce n’est

pas toujours confortable, mais avec le recul, on en sort grandi. Au fil des kilomètres, le doute et la peur ont laissé place à une force inouïe que je ne soupçonnais pas. Ce voyage m’a permis de faire la paix avec mon corps, d’amorcer un dialogue avec lui et de l’habiter pleinement. Je me suis rendu compte que, même éprouvé par deux ans de maladie, il était capable de grandes choses et que les limites que je lui imposais résidaient surtout dans ma tête. Bien sûr, je reste malade mais je sais maintenant que je peux garder mon état à sa juste place. Nous avons tous des forces et des faiblesses. Sans cette maladie, je ne serais peut-être jamais parti… » l

Recueilli paR Gilles DonaDa

Sylvette Carrière 62 ANS, RETRAiTÉE, HAUTE-GARONNE

« être en communion avec dieu dans la nature »«Il y a TROiS ANS, lors d’un

séjour à San Francisco, aux États-Unis, je suis rentrée dans l’église Saint-François-d’Assise. il y avait une sorte de lumière que je n’avais jamais perçue. C’était comme un appel. J’ai eu envie de marcher pour être en contact avec Dieu. J’ai laissé un mot : « Saint François, accompa-gne-moi. » Dès mon départ à la retraite en 2009, j’ai réalisé un pèlerinage de six mois de Véze-lay jusqu’à Assise. Pour moi, c’était un chemin de providence. Depuis toujours, je voulais ne

plus avoir de contraintes dans ma vie. Mon rêve s’est accom-pli quand je suis partie. J’ai fait des rencontres fabuleuses. Un jour, un prêtre en Toscane m’a dit : « Avec tous les signes de la providence que tu reçois, enfile ces perles pour en faire un collier. À ton retour, avec ce collier, tu témoigneras. » Quand je suis arrivée à Assise, j’ai pleuré devant la tombe de saint François et je l’ai remercié de m’avoir accompagnée. Dieu et saint François m’ont portée spirituellement. Ce pèle-

rinage m’a transformée. J’avais seu-lement 10 € par jour pour manger et dor-mir. Mais je me suis rendu compte que si je faisais confiance à Dieu, j’aurais tout ce dont j’ai besoin. Aujourd’hui, j’essaie de Le retrouver dans l’humain. Je fais attention aux personnes seules, j’essaie d’aller les voir. Je suis toujours en chemin dans mon quotidien. »

Recueilli paR MaRine Bisch

illustratioNs frédérIc bony

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Pour prolonger ce dossier, vous pourrez suivre une émission spéciale, en direct du salon Destinations nature, le samedi 26 mars, de 16 h à 17 h, animée par Vincent belotti, avec Gilles donada, Muriel fauriat, Gaële de la brosse de Pèlerin.

Fréquences de RCF au  04 72 38 62 10 et sur www.rcf.fr

Destination CompostelleLe frisson du départ vous taraude ? Plongez dans notre hors-série Saint-Jacques-de- Compostelle. Il déroule à vos pieds tous les itinéraires, recense les étapes et sélectionne les haltes. Cette nouvelle édition est pleine de « plus » : plus de photos et de témoignages de pèlerins, plus de spiritualité et d’histoire, de patrimoine et de pages prati-ques, de cartes et de conseils. Et en prime, un nouveau chemin à découvrir : la voie de Rocama-dour. Glissez ce guide dans votre sac à dos, il sera un précieux compagnon de route. c.l.< Compostelle, l’appel du chemin, hors-série Pèlerin, 52 p. ; 7 €. en kiosque à partir du 24 mars ou par tél. : 0 825 825 831.

David Martin43 ANS, CHEF DE PROJET wEB EN COURS DE RECONVERSiON

PROFESSiONNELLE, PiCARDiE

« Pouvoir faire le point sur ma vie »

«J’étais chef de projet web. Je me sentais

bien, le travail était intéres-sant. En 2008, j’ai été licencié. Je me suis remis en question car ma

colère prenait le dessus. Pour moi, l’important est de gérer des humains plus que des projets. Au fil des jours, ma rage grandissait. Or, je ne suis pas agréable quand je suis en colère ! Je me suis dit qu’il fallait que je fasse un break. Je suis parti de Saint-Jean-Pied-de-Port pour rejoindre Saint-Jacques-de-Compostelle, soit 800 kilomètres. Ce pèlerinage était

une belle opportunité dans mon mal-heur. Quand je marche, je suis en paix avec moi-même. Et les gens sont très ouverts et riches intérieurement. Grâce à ce pèlerinage, j’ai appris à rela-tiviser les choses, à être plus tolérant et à prendre la vie comme elle vient. J’ai encore cette colère au fond de moi, mais elle s’est apaisée. J’ai reconsidé-ré ma vie professionnelle. J’ai quitté le secteur d’internet pour revenir à mes premières amours : la photogra-phie. Désormais, je vois l’avenir plus sereinement. »

Recueilli paR M. B.

Évelyne et Jean- Charles Santerre 64 ET 66 ANS, RETRAiTÉS, iLLE-ET-ViLAiNE

« renforcer notre relation de couple »«un jour, en regardant un

reportage sur Saint-Jacques-de-Compostelle, j’ai dit : “J’aimerais bien y aller ”, raconte Évelyne. “Moi aussi !” m’a répondu mon mari. il a aussitôt acheté les guides, réservé les gîtes… Moi, j’avais peur de ne pas y arriver. Notre relation était déjà très forte avant. Durant le chemin, nous avons toujours marché ensemble, même si nous n’étions pas tout le temps côte à côte. J’ai découvert mon mari plus fragile que je ne le voyais. Contrairement à mon habitude, je n’ai pas paniqué. Cette expérience a renforcé notre couple. »« J’ai découvert chez Évelyne une force morale que je ne lui connais-sais pas ! reconnaît Jean-Charles. Au

Jeu concours < Gagnez une randonnée de 4 jours dans le massif du Sancy (Massif central), autour

des lacs et des volcans d’Auvergne, avec le site i-trekkings.net et Chamina voyages.

< Les témoignages de Yann, évelyne et Jean-Charles, David et Sylvette vous ont touché ? Ils racontent leur périple dans le détail sur le blog des marcheurs : http://marcheurs.blog.pelerin.infodébut, je trouvais qu’elle ne marchait

pas assez vite. Mais lorsque j’ai eu des ennuis de santé, elle a pris les choses en main avec une maîtrise qui m’a épaté ! Moi qui pensais faire ce chemin sans problème, je suis arrivé épuisé et elle, très en forme ! Nous avons vécu un moment très intense en arrivant, main dans la main, sur le parvis de la cathédrale de Compostelle. Depuis qu’on est revenu, le chemin ne nous quitte pas. il ne se passe pas une journée sans que nous n’y fassions référence… »

Recueilli paR G. D.

Compostelle S46480.1

7 €

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