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UNIVERSITE DE LILLE 2 -Droit et Santé- Faculté des sciences politiques, juridiques et sociales La nullité du contrat de travail Mémoire préparé dans le cadre du DEA droit social mention droit du travail Sous la direction de monsieur le Professeur Bernard BOSSU ANNEE UNIVERSITAIRE 2000-2001 SEVERINE DHENNIN

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UNIVERSITE DE LILLE 2-Droit et Santé-

Faculté des sciences politiques, juridiques et sociales

La nullité du contrat de travail

Mémoire préparé dans le cadre du DEA droit social mention droit du travailSous la direction de monsieur le Professeur Bernard BOSSU

ANNEE UNIVERSITAIRE 2000-2001SEVERINE DHENNIN

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Remerciements

Je tiens avant tout à remercier Arnaud pour son soutien, sa présence et ses

encouragements au cours de cette année.

Merci également à ma famille pour tout ce qu’elle m’apporte.

Un énorme merci à l’ensemble des étudiants du DEA droit social de la promotion

2000-2001.

Enfin, je tiens à remercier tout particulièrement monsieur le professeur BOSSU pour

son aide et ses conseils au cours de l’élaboration de ce mémoire ainsi que l’ensemble de

l’équipe pédagogique composant ce DEA.

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A mon grand-père.

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Sommaire

Introduction………………………………………………………………………….…p.8

PARTIE 1 : LES ELEMENTS DETERMINANTS DE L’ACTION EN NULLITE DU CONTRAT DE

TRAVAIL………………………………………………………………………………p.23

Section 1 : Les acteurs de l’action en nullité du contrat de travail………………..p.25

§1 : Les acteurs principaux de l’action en nullité du contrat de travail…………….p.26

§2 : Les autres acteurs à l’action…………………………………………….…..….p.36

Section 2 : La variabilité des causes de nullité du contrat de travail………………p.48

§1 : La variété des causes de nullité……………………………………….….……..p.49

§2 : L’appréciation variable des causes de nullité…………………………..……….p.65

PARTIE 2 : LES PARTICULARISMES DU PRONONCE DE LA NULLITE DU CONTRAT DE

TRAVAIL………………………………………………………………………………p.81

Section 1 : Le choix de la nullité la plus respectueuse des intérêts des parties…....p.84

§1 : La nullité de l’ensemble du contrat de travail : une sanction exceptionnelle…..p.85

§2 : La nullité partielle du contrat de travail : une sanction banalisée………………p.98

Section 2 : La faveur des tribunaux pour le prononcé d’autres sanctions…..……p.112

§1 : Les sanctions civiles en remplacement de la nullité…………………………...p.114

§2 : Les sanctions pénales, compléments des sanctions civiles…………………….p.129

Conclusion ……………………………………………………………………………..p.138

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Table des abréviations utilisées

AGS : Association de garanties des salaires.

Art. : Article.

Ass. plén. : Assemblée plénière.

BC : Bulletin civil.

CA : Cour d’appel.

Cah. Prud’homaux : Cahiers Prud’homaux.

Cass. soc. : Chambre sociale de la Cour de cassation.

CDD : Contrat à durée déterminée.

CDI : Contrat à durée indéterminée.

CE : Conseil d’Etat.

CHSCT : Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

Coll. : Collection.

Cons. Prud’h. : Conseil de Prud’hommes.

Chr. : Chronique.

CSBP : Cahiers Sociaux du Barreau de Paris.

CV : Curriculum vitae.

D. : Recueil Dalloz-Sirey.

Dr. Ouvrier : Droit ouvrier.

Dr. Soc. : Droit social.

Ed. : Edition.

IR : Informations rapides.

JCP : Juris-classeur périodique.

E : Edition entreprise.

G : Edition générale.

JO : Journal officiel de la République française.

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JOCE : Journal officiel des Communautés européennes.

JP : Jurisprudence.

Jurispr. soc. UIMM : Jurisprudence sociale de l’UIMM.

Obs. : Observations.

Rect. : Rectificatif.

RTD : Revue trimestrielle de droit.

Civ. : Civil.

Com. : Commercial.

Th. : Thèse.

TPS : Travail et Protection Sociale.

Somm. comm. : Sommaires commentés.

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Introduction

Qu’on le veuille ou non, la remise en cause de la validité d’un contrat par le

biais du prononcé de la nullité de ce dernier est toujours considérée comme étant une

sanction grave1. En effet, à ce stade de la relation contractuelle, les rapports entre les

parties sont remis en cause, l’une souhaitant le plus souvent le maintien du contrat, l’autre

son anéantissement puisque c’est cette dernière l’auteur de l’action portée devant le juge.

Ainsi, agir en nullité ne peut-être considéré comme un acte anodin, d’ailleurs, cette

action est obligatoirement soumise à l’autorité judiciaire et au pouvoir d’appréciation en la

matière des juges du fond2. En effet, « la nullité de l’acte juridique résultant de l’absence

de l’une des conditions de forme ou de fond requises pour sa validité est virtuelle ; pour

rendre la sanction effective, un tribunal doit constater l’existence d’une cause de nullité et

prononcer l’annulation de l’acte »3.

La nullité peut donc se définir comme la sanction aboutissant à la disparition rétroactive

d’un acte4 celui-ci ne remplissant pas les conditions requises pour sa formation5. Certains

auteurs ont par ailleurs souligner le fait que différentes approches de cette notion de nullité

étaient possibles. Ainsi, selon monsieur COUTURIER, « il s’agit bien sûr de différentes

manières de comprendre ce que c’est que la nullité : l’état dans lequel se trouve l’acte

juridique en raison du défaut qui l’affecte, un droit de critique entendu simplement et

directement comme la faculté d’échapper aux effets de l’acte en cause ou encore un droit

de critique entendu comme le droit de demander au juge de procéder à l’annulation de

l’acte »6.

Cependant, il faut immédiatement souligner que la nullité n’est pas la seule

sanction possible du non-respect des règles de formation de l’acte en lui-même. D’ailleurs,

certains auteurs parlent de « théorie des nullités »7 et confirment cette position en

1 Bien que certains auteurs considèrent que « l’annulation totale du contrat n’est pas, en règle générale, lasanction la plus efficace, ni la plus grave » comparée à l’annulation partielle de la convention, GHESTIN (J.),Traité de droit civil-Les obligations, LGDJ, 2ème éd., 1988, n°895.2 Ex. : Droit des obligations, responsabilité civile, contrat, DELBECQUE (PH.) et PANSIER (F.-J.), Litec, 2ème

éd. Corrigée, 1998, p.97.3 BENABENT (A.), Droit civil-Les obligations, Montchrestien, éd. 1991 in Nullité et contrat de travail, SIMON-SUISSE (F.), mémoire de DEA de droit social, sous la direction de madame ROY-LOUSTAUNAU, 1992, p.2.4 Dictionnaire de droit privé, C. PUIGELIER, Centre de Publications universitaires, 1999.5 Termes juridiques, Dalloz-Sirey, Lexiques, 1999.6 La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER(G.), in Le contrat au début du XXIème siècle : Etudes offertes à Jacques Ghestin, LGDJ, Paris, 2001, pp.273-294.7 Les obligations, BENABENT (A.), Monchrestien, coll. Domat Droit privé, 5ème éd., 1996.

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considérant que « l’inobservation des règles de formation et de validité des contrats est

sanctionnée de diverses façons. En général, la sanction est la nullité de l’obligation et, par

voie de conséquence, la nullité du contrat »8.

Dès lors, il convient de distinguer la nullité de ces autres sanctions car leurs conséquences

sont tout à fait différentes du prononcé de la nullité d’un acte quant à leur champ

d’application, leur étendue et leurs effets en pratique. Dressons un rapide inventaire de ces

sanctions que l’on a coutume d’assimiler, à tort, à la nullité :

Tout d’abord, la nullité se distingue de la résolution. En effet, même si ces deux sanctions

ont pour conséquence la disparition rétroactive du contrat, le champ d’application de ces

dernières est tout à fait différent. Alors que la nullité trouve à s’appliquer lorsqu’il existe

un vice originaire affectant la formation du contrat, la résolution sanctionne quant à elle

« l’inexécution d’un contrat, qui demeure parfaitement valable »9.

De même, la nullité n’est pas assimilable à la caducité. Lorsqu’un contrat est frappé de la

sanction de la caducité, c’est à dire lorsqu’un événement extérieur rend son application

impossible10, cet acte reste valable en ce qui concerne ses effets passés, les effets propres à

la caducité n’ayant vocation à s’appliquer que pour l’avenir. Dès lors, à partir de la date où

la caducité de l’acte est constatée, ce dernier n’aura plus aucune valeur juridique ce,

contrairement à la nullité qui a également vocation à rétroagir.

Enfin, la nullité est une sanction qui se démarque aussi des notions d’inefficacité11,

inopposabilité (cette sanction n’affecte en réalité que les relations entre les parties à l’acte

et les tiers puisque les contractants ne peuvent se prévaloir de cet acte à l’égard de ces

derniers) et inexistence (sanction toutefois proche de celle de nullité absolue)12.

Ainsi, comme on le voit, la nullité est une sanction qui se démarque de ses notions

voisines. Mais, la nullité semble emporter les effets les plus importants puisqu’elle opère

autant rétroactivement que pour l’avenir et qu’elle étend ses effets sans distinction entre les

parties et les tiers.

8 Droit civil, les obligations : 2.Contrat, BOYER (L.), ROLAND (H.) et STARCK (B.), Litec, 6ème éd., Paris, mai1998, n°998.9 Droit des obligations, responsabilité civile, contrat, op. cit.10 En effet, la caducité « sanctionne le perte d’un élément essentiel à la validité du contrat par la survenanced’un événement postérieur à sa formation et indépendant de la volonté des parties », GHESTIN (J.), Traité dedroit civil-Les obligations, LGDJ, 2ème éd., 1988.11 Notion présente dans certaines décisions jurisprudentielles et dans certains textes tels que la loi « Neiertz »du 31décembre 1989 relative au surendettement des ménages.12 Droit des obligations, responsabilité civile, contrat, DELBECQUE (PH.) et PANSIER (F.-J.), op. cit. ; voirégalement pour une distinction des deux notions : Le contrat, Droit des obligations, AUBERT (J.-L.), Dalloz-Sirey, coll. Connaissance du droit, 2ème éd., Paris, 2000, p.98 et Droit civil, les obligations : 2.Contrat,BOYER (L.), ROLAND (H.) et STARCK (B.), op. cit., n°1008.

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Or, il apparaît également qu’une distinction doit être opérer au sein même de cette

notion de nullité. En effet, la nullité se déclinerait en de multiples sous-catégories

lesquelles, soumises à différentes conditions d’application, vont déterminer notamment le

ou les titulaires de l’action ainsi que l’étendue de la nullité qui sera prononcée.

Ainsi, traditionnellement, la doctrine relayée par la jurisprudence distingue tout

d’abord nullité absolue et nullité relative seulement en ce que cette différenciation désigne

les titulaires de l’action en nullité et les délais pendant lesquels leur action est recevable13.

Par ailleurs, selon messieurs BOYER, ROLAND et STARCK, « le critère de distinction des

deux sortes de nullité se trouve dans la nature des intérêts qui sont en jeu. Si la règle légale

violée avait pour but la protection d’un intérêt particulier, la sanction sera une nullité

relative. Si la règle légale qui n’a pas été observée avait été prescrite dans un intérêt

général ou, à plus forte raison, si elle intéressait l’ordre public ou les bonnes mœurs, la

sanction sera une nullité absolue »14. Dès lors, les actes concernés par la nullité relative

sont ceux dont les règles relatives à la capacité d’exercice, aux vices du consentement, à

l’absence de cause ou d’objet et à la lésion n’ont pas été respectées. A l’inverse, sont

frappés de nullité absolue les contrats engendrant des obligations dont l’objet ou la cause

sont illicites ou immoraux. De plus, ces actes frappés de nullité relative ou absolue seront

effectivement annulés dès lors que les titulaires de l’action, différents selon le type de

nullité, auront exercé l’action dans les délais impartis, également différents selon la nullité.

De façon générale, les titulaires de l’action en nullité relative sont les parties au contrat, ces

derniers ayant un intérêt particulier évident au prononcé de celle-ci ; ce sont les personnes

dont les intérêts étaient protégés par la règle de droit violée, celles dans l’intérêt desquelles

la règle a été instituée15. Dans cette hypothèse, l’action en nullité relative se prescrit par

cinq ans selon les dispositions de l’article 1304 du Code civil.

Au contraire, les titulaires de l’action en nullité absolue seront « tous ceux qui ont intérêt à

voir déclarer la nullité du contrat. C’est d’ailleurs là la raison de la dénomination de ces

nullités : "absolues" cela doit s’entendre en ce sens que tout intéressé peut agir ; la nullité

existe au profit de toute personne qui entend s’en prévaloir, dès lors que celle-ci peut faire

état d’un intérêt. Selon les cas, cet intérêt peut être d’ordre matériel (pécuniaire) ou

simplement moral »16. Dans le cadre de cette nullité, l’action se prescrit alors par trente

13 Droit civil, les obligations : 2.Contrat, BOYER (L.), ROLAND (H.) et STARCK (B.), op. cit., n°1005 et s. ;Droit civil-Les obligations, BENABENT (A.), op. cit.14 Droit civil, les obligations : 2.Contrat, BOYER (L.), ROLAND (H.) et STARCK (B.), op. cit., n°1007.15 Ibid., n°1018.16 Ibid., n°1023.

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ans, délai de droit commun reposant sur les dispositions de l’article 2262 du Code civil. Il

faut ajouter que dans le cadre de ces deux nullités, le point de départ du délai de

prescription sera établi, en principe, au jour de la conclusion du contrat mais ce délai

pourra commencer à courir au jour où le contrat aurait pu être confirmé (dol, erreur,

cessation de la violence, majorité ou émancipation de l’incapable mineur, connaissance de

l’acte)17, le dépassement de ces délais n’étant opposable que dans le cadre d’une nullité

invoquée par son titulaire par voie d’action et non par voie d’exception selon l’adage quae

temporalia sunt agendum, perpetua sund ad excipiendum18.

Cependant, la distinction entre nullité relative et nullité absolue n’est pas la seule

opérée par la jurisprudence, la doctrine de même que le législateur. En effet, il convient de

distinguer également nullité du contrat et nullité partielle de celui-ci. Or, l’étendue de la

nullité pose ici problème puisque la doctrine s’est divisée sur la question de savoir quelle

conséquence accordée à cette sanction lorsque seule une clause du contrat est touchée par

celle-ci. Y-a-t-il lieu de prononcer la nullité de l’ensemble du contrat ou simplement la

nullité de cette clause ? Certains auteurs ont alors fondé leurs propos sur le libellé respectif

des articles 900 (actes à titre gratuit) et 1172 (actes à titre onéreux) du Code civil19.

Pourtant, la jurisprudence de la Cour de cassation a atténué cette opposition et prend en

compte aujourd’hui le critère déterminant ou non de la clause annulée. En effet, si celle-ci

a été déterminante du consentement des parties contractantes, la clause sera annulée ainsi

que l’ensemble du contrat dont elle est issue. Dans l’hypothèse où cette clause n’a pas été

déterminante de leurs consentements respectifs, il n’y aura lieu alors qu’à annulation de la

clause litigieuse. « Il y a donc lieu à une analyse par le juge de l’intention des parties afin

d’apprécier s’il y a ou non indivisibilité des différentes parties du contrat »20 sauf lorsque

les parties auront précisé elles-même les clauses déterminantes de leur consentement dans

l’acte ou lorsque le législateur précise que la nullité de la clause n’emporte pas nullité de

l’ensemble du contrat. Dans cette dernière hypothèse, la clause sera alors le plus souvent

réputée « non-écrite »21.

17 Ibid., n°1032.18 Ce qui est temporaire quant à l’action est perpétuel quant à l’exception.19 Cf. SIMLER (P.), La nullité partielle des actes juridiques, LGDJ, 1969 in Droit civil-Les obligations,BENABENT (A.), op. cit., n°216.20 Droit civil-Les obligations, BENABENT (A.), op. cit., n°218.21 Cf. KULLMANN, Remarques sur les clause réputées non-écrites, D.1993.chr.59 ; COTTEREAU, La clauseréputée non-écrite, JCP G 1993.I.3691.

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12

On ajoutera que certains auteurs emploient également pour termes ceux de nullité-

réduction22 dans l’hypothèse d’une clause nulle dans son montant et non dans son principe,

dont le juge pourra alors réduire la partie excessive (technique que la jurisprudence a

étendu au-delà des hypothèses prévues par le législateur23), et aussi de nullité-substitution

bien que les auteurs estiment que le juge, non partie au contrat, ne peut décider, de son

propre chef, de remplacer la clause déclarée nulle24.

Si l’on s’intéresse par la suite au prononcé de la nullité, on constate

immédiatement l’importance et la gravité d’une telle sanction tant ses conséquences sont

implacables. En effet, l’acte est, du fait de la nullité, anéantit en ce qui concerne l’avenir

mais, également et surtout, en ce qui concerne le passé. Le principe est donc

l’anéantissement rétroactif de l’acte nul.

Ceci posé, des difficultés vont survenir par le fait que dans la plupart des cas, l’acte

annulé a déjà fait l’objet d’une exécution soit dans sa totalité, soit partiellement. Dès lors,

le prononcé de la nullité de l’acte commande la restitution des prestations sauf exceptions

tendant notamment à la protection des tiers à l’acte déclaré nul25. En effet, selon monsieur

Jacques GHESTIN, « l’effet rétroactif de l’annulation doit se concilier avec la nécessité de

tenir compte de la situation de fait engendrée par l’acte apparemment valable, et prendre en

considération les difficultés rencontrées pour remettre les parties dans l’état où elles se

trouvaient avant la conclusion du contrat »26. Or, que se passe-t-il lorsque l’acte est un

contrat à exécution successive et que les prestations en découlant ne sont pas, pour au

moins l’une d’entre elles, restituables ?

C’est dans cette perspective que doit être abordée la nullité du contrat de travail. En effet,

le contrat de travail se définit comme étant la convention par laquelle une personne, le

salarié, s’engage à exécuter une prestation de travail au profit d’une autre, l’employeur,

sous la subordination de laquelle il se place moyennant une rémunération appelée salaire.

Dès lors que ce contrat a vocation à se poursuivre dans le temps, chaque partie exécutant

22 Droit civil-Les obligations, BENABENT (A.), op. cit., n°219.23 En matière de clause de non-concurrence, cass. soc. 1er décembre 1982, BC V, n°668 ; D.1983.IR.418 noteY.SERRA.24 Droit civil-Les obligations, BENABENT (A.), op. cit., n°220.25 Par exemple, en ce qui concerne la vente à plusieurs reprises d’un même meuble. En effet, la nullité de la1ère vente ne pourra pas donner lieu à la restitution de l’objet au profit du 1er vendeur dans un soucis deprotection de son propriétaire actuel, tiers à la 1ère vente, à condition que ce dernier soit de bonne foi.26 GHESTIN (J.), Traité de droit civil, t.2 : Les obligations, vol.1 : Le contrat, formation, 2ème éd., LGDJ,1988, n°871.

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ses obligations au cours d’une même période, il peut donc être qualifié de contrat à

exécution successive.

De plus, le contrat de travail, comme tout autre contrat, est par ailleurs soumis aux

dispositions de droit commun27. Ainsi, sa validité peut être remise en cause par le biais

d’une action en nullité ayant pour fondement les dispositions du Code civil. De même,

certaines dispositions spécifiques du Code du travail vont subordonner la relation entre les

parties à certaines conditions de validité.

De ce fait, on assiste à une combinaison inévitable des règles présentes dans le

Code civil et dans le Code du travail. Cette combinaison apparaît alors au premier abord

protectrice des intérêts de chaque partie au contrat de travail puisque les règles régissant la

validité de ce contrat s’en trouvent multipliées. Cependant, ne peut-on pas craindre dès ce

stade de la réflexion une insécurité de la relation salarié-employeur, celle-ci pouvant être

remise en cause par le biais d’une action en nullité reposant sur de nombreux motifs ?

Il faut répondre par la négative à cette question et ce pour plusieurs raisons :

Tout d’abord, le salarié, partie au contrat de travail, n’a que peu d’intérêt dans le prononcé

de la nullité de son contrat. En effet, la remise en cause de la validité de celui-ci

supposerait de facto l’annulation dudit contrat et le salarié se trouverait dès lors dans une

situation précaire puisque sans emploi. Cependant, plus grand est l’intérêt de l’employeur

lequel trouverait dans la nullité une sorte d’échappatoire dans l’hypothèse où il souhaiterait

mettre fin à sa relation avec le salarié, la nullité n’entraînant pas obligation pour lui au

versement des différentes indemnités afférentes au prononcé du licenciement du salarié.

Or, il faut constater ensuite que dans les faits, plus grande est la difficulté dans la mise en

œuvre de l’action en nullité du contrat que dans le prononcé du licenciement.

Contrairement à la nullité, sanction dépendante de la libre appréciation du juge, le

licenciement reste à l’initiative de l’employeur donc à sa "libre disposition". De même, le

prononcé du licenciement du salarié va permettre à certaines clauses inhérentes au contrat

rompu par l’employeur et non annulé, de survivre telles la clause de non-concurrence qui

trouve toute son application au moment de la rupture du contrat de travail.

Par ailleurs, certains auteurs ont pu relever que la question de la nullité du contrat de

travail « est là un problème qui vient alimenter de temps à autre les chroniques de

jurisprudence »28. D’autres soulignent également que « les développements que la théorie

27 Art. L.121-1 du code du travail.28 QUETANT (G.-P.) et VILLEBRUN (J.), Traité de la juridiction prud’homale, LGDJ, Montchrestien, juin1998, n°347.

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des nullités serait susceptible de connaître sur le terrain du droit du travail sont a priori

limités en raison d’une considération d’importance majeure : c’est que la nullité du contrat

de travail apparaît en général comme une sanction tout à fait inappropriée. Elle a, d’une

part, pour le salarié, les conséquences les plus fâcheuses en la laissant sans emploi. Elle

devrait, d’autre part, opérer rétroactivement alors que, par la force des choses, il est

impossible de revenir sur l’exécution passée du contrat de travail. Pour ces raisons

décisives, les cas dans lesquels le contrat de travail est frappée de nullité sont

particulièrement rares et, dans ces cas exceptionnels (on pense au contrat de l’étranger sans

titre de travail), la loi dote la nullité d’un régime si spécifique que la sanction en est

méconnaissable29 »30.

Dès lors, il faut comprendre que le droit civil et le droit du travail ayant des finalités

distinctes, les conséquences engendrées par le prononcé de la nullité d’un contrat seront

spécifiques à la matière du droit du travail et « adaptées » à la relation de travail. En effet,

« les deux disciplines […] sont souvent présentées comme totalement distinctes, si ce n’est

antinomiques. Le droit civil serait un droit conservateur et le droit du travail serait un droit

progressiste »31. Ainsi, le droit civil aurait vocation à s’appliquer de manière stricte et

rigide alors que le droit social aurait une finalité plus humaine et sociale et s’adapterait

donc aux difficultés spécifiques qui lui sont soumises. En matière de nullité du contrat de

travail, le droit du travail aurait alors vocation également « à adapter la sanction des

conditions de formation des actes juridiques, issue de la théorie générale des contrats, à la

finalité protectrice du droit du travail »32.

Cependant, quelle autre sanction prononcée aux lieu et place de la nullité lorsqu’un vice

affecte indéniablement la validité du contrat de travail ? Certes, si des sanctions analogues

sur certains aspects de leur étendue existent dans le droit commun des contrats comme

nous l’avons vu, la nullité reste la sanction la plus adaptée à la violation des règles de

validité d’un contrat fusse un contrat de travail. Or, la nature de la relation contractuelle

semble mal se concilier avec les conséquences engendrées par le prononcé de la nullité. En

effet, l’annulation du contrat de travail est généralement demandée au moment de la

rupture du contrat de travail. Dès lors, ce contrat a déjà subi dans cette hypothèse une

exécution et l’aspect rétroactif de la sanction de la nullité supposerait a fortiori la

29 Cf. pour exemple, l’article L.341-6-1 du Code du travail.30 La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER(G.), in Le contrat au début du XXIème siècle : Etudes offertes à Jacques Ghestin, op. cit., p.275.31 PELISSIER (J.), Droit civil et contrat individuel de travail, Dr. Soc. 1988, p.388.

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restitution par le salarié des rémunérations perçues. A l’inverse, l’employeur serait

redevable des prestations à lui fournies par le salarié. Si le premier aspect (celui de la

restitution des rémunérations) est concevable malgré l’insécurité économique dans laquelle

il mettrait le salarié, le second est quant à lui beaucoup plus problématique. En effet,

comment l’employeur peut-il restituer les prestations de travail fournies par le salarié alors

que ces dernières sont par nature soit immatérielles, soit non quantifiables ou tout

simplement non équivalentes à l’intérêt pécuniaire que représente pour l’employeur la

restitution des rémunérations versées ?

C’est pourquoi nous verrons que la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour

de cassation attache des conséquences parfois spécifiques voire surprenantes au prononcé

de la nullité du contrat de travail. Par ailleurs, on remarquera que ces conséquences sont

également distinctes selon le demandeur à l’action et surtout selon le type de contrat de

travail concerné par cette sanction (contrat à durée indéterminée, contrat à durée

déterminée, contrat à temps partiel, contrats précaires…).

La spécificité de la mise en œuvre de la nullité du contrat de travail réside

principalement dans le fait qu’elle met en présence devant le juge deux parties à un contrat

de travail connaissant un déséquilibre dans leurs relations professionnelles. Dès lors,

l’action en nullité ne semble pas possible pour le salarié placé sous la subordination et le

pouvoir de direction de l’employeur pendant l’exécution dudit contrat.

Pourtant, on constate depuis quelques années une augmentation des demandes en

annulation des contrats de travail devant les juridictions du fond. A quoi doit-on ce retour

en force de la nullité comme sanction de la violation des règles de validité du contrat de

travail ?

Tout d’abord, ce retour aux règles de droit commun des contrats dans le libellé des

décisions de la chambre sociale semble participer à un mouvement de plus grande ampleur

faisant prévaloir un retour aux principes civilistes en droit du travail (on ne compte plus les

décisions de la chambre sociale ayant pour fondement les articles du Code civil notamment

l’article 1134 !) notamment aux notions de bonne foi et de loyauté des contractants au

cours de l’exécution de leurs obligations contractuelles et plus généralement dans

l’ensemble de leurs relations.

Or, on constate que parallèlement à ce mouvement jurisprudentiel, le législateur a mis en

place de nouvelles "règles du jeu" dans les relations entre candidat à l’embauche, ou

32 SIMON-SUISSE (F.), Nullité et contrat de travail, mémoire de DEA de droit social sous la direction deC.ROY-LOUSTAUNAU, Université de droit d’Aix Marseille, 1992.

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salarié, et employeur. Ainsi, on peut citer pour exemple la loi du 31 décembre 199233

instituant un article L.121-6 dans le Code du travail selon lequel « les informations

demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ou à un salarié ne

peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou

ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et

nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles ». De

plus, l’article ajoute par la suite que « le candidat à un emploi ou le salarié est tenu d’y

répondre de bonne foi ». Dès lors, cet article consacre une obligation de loyauté du

candidat à l’embauche mais seulement en ce qui concerne les informations présentant un

lien direct et nécessaire avec l’emploi (…). Quelle attitude ce même candidat pourra-t-il

alors avoir face à des questions de l’employeur ne respectant pas les dispositions de cet

article ? Ce dernier aurait-t-il « un droit au mensonge » ? De plus, le législateur n’a pas

prévu de sanction quant au non-respect de ces dispositions par le salarié lui-même.

Qu’encourt-il réellement ? La nullité de son contrat de travail ou la rupture justifiée de

celui-ci par l’employeur ? Autant de questions, on le voit, à même de susciter un

contentieux devant les tribunaux. En effet, l’employeur va trouver là un moyen de

demander sans trop de difficultés, a priori, la nullité de la relation de travail le liant à son

salarié, nullité causée par le non-respect de l’article L.121-6 du Code du travail, article

relayé par les principes de droit commun reposant sur la bonne foi et la loyauté des

contractants mais également le devoir de renseignement et l’obligation d’information de

ces derniers.

Or, cela est sans compter sur la vigilance de la chambre sociale. En effet, celle-ci

volontairement protectrice des intérêts du salarié, partie faible à la relation de travail, va

entreprendre d’encadrer de manière spécifique le cadre de l’action en nullité.

De plus, le formalisme attaché à certains types de contrat et institué dans un but

protecteur de la situation dans laquelle est placée le salarié, présume de la capacité des

Conseils de prud’hommes à connaître de la violation des règles de validité imposées par le

Code du travail en matière de contrats autres que le CDI. Ainsi, la violation de certaines de

ces règles a vocation à entraîner, on le verra au cours de nos développements, la nullité du

contrat de travail mais ce de manière exceptionnelle, le législateur relayé par la chambre

sociale de la Cour de cassation lui préférant la sanction de la requalification34.

33 Loi n°92-1446 du 31 décembre 1992.34 Art. L.122-3-1 du Code du travail issu de la loi n°90-613 du 12 juillet 1990.

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Dès lors, que penser de la position de la chambre sociale en la matière ? Se

situe-t-elle à l’opposé de l’appréciation par les chambres civiles des critères déterminants

de la nullité et de l’étendue celle-ci ?

En fait, la problématique se doit d’être plus générale : il faut sans cesse avoir en tête

que le droit du travail constitue un droit spécifique régulant les relations entre des

personnes ne se situant pas sur un même pied d’égalité. En effet, le salarié se trouve en

position d’infériorité par rapport à son employeur lequel dispose d’un pouvoir de direction

et de contrôle sur ce dernier. Ainsi, l’employeur cherche à tirer un profit substantiel de la

situation dans laquelle il se trouve, profitant de la mise à disposition par le salarié de ses

compétences professionnelles. Or, le risque d’une application stricte des règles régissant le

droit commun des contrats conduirait à la tentation pour l’employeur d’invoquer, à la

moindre défaillance de la part de son salarié, la nullité du contrat de travail notamment

pour erreur ou dol. Ainsi, l’employeur évitant de procéder à un licenciement pour

incompétence professionnelle lequel suppose le versement de plusieurs indemnités de

rupture, pourrait se séparer de son salarié au motif que ce dernier lui aurait omis de

préciser les domaines dans lesquels il n’avait pas de compétences sans que ne lui soit

réclamée la moindre indemnisation.

Dès lors, si la chambre sociale semble attachée aux principes civilistes régissant la

validité et donc, a fortiori, les conditions du prononcé de la nullité du contrat de travail, sa

jurisprudence « s’est efforcée d’adoucir la rigueur des solutions qu’eût entraînée

l’application des principes de droit commun en matière de nullité des contrats »35.

Faut-il en conclure que le droit du travail a vocation à se détacher du droit commun ? A

cette question, l’actualité nous fournit un exemple qui pourrait faire bientôt couler

beaucoup d’encre. En effet, le projet de loi de modernisation sociale propose l’insertion

d’un article L.120-4 dans le Code du travail selon lequel « le contrat de travail est exécuté

de bonne foi »36. Or, cette insertion dans le Code du travail parmi ses dispositions

générales concernant tout contrat de travail37 n’est pas s’en rappeler la terminologie

employée à l’article 1134 alinéa 1er du Code civil. Dès lors, il semblerait que le législateur

tienne à rappeler le rattachement du régime du contrat de travail à celui du droit commun

35 QUETANT (G.-P.) et VILLEBRUN (J.), Traité de la juridiction prud’homale, op. cit.36 Cf. Annexe n°1, article 50 ter.37 Cet article figurerait ainsi au sein du Titre deuxième : Contrat de travail, dans le Chapitre premier :Dispositions générales.

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des contrats38. Mais, cette précision est-elle bien utile puisque l’on sait déjà de part la

formulation de l’article L.121-1 du Code du travail que celui-ci « est soumis aux règles du

droit commun » ? Il faudrait donc entendre la formulation de ce nouvel article comme une

réelle volonté de "moraliser" les relations salarié-employeur et non, comme on pourrait le

penser, une tendance à s’écarter de plus en plus du droit commun afin de donner au droit

du travail une véritable autonomie.

On ne peut donc pas conclure a priori à un régime distinct en droit du travail des

causes d’annulation du contrat par rapport au droit commun. En effet, le contrat de travail

reste soumis au droit commun des contrats, et le sera peut-être encore plus demain.

Il convient donc de s’interroger plus longuement et plus précisément sur la place

accordée aujourd’hui au régime de la nullité du contrat de travail du fait des particularités

propres à ce dernier.

Rappelons tout de suite que l’une des particularités du régime de la nullité du

contrat de travail tient tout d’abord au fait que cette sanction s’inscrit dans un régime

juridique faisant appel à une grande diversité de sources. En effet, le droit du travail ne se

limite pas aux seuls articles du Code du travail ainsi qu’aux dispositions législatives et

réglementaires pourtant nombreuses. A cette hiérarchie des normes du droit du travail

s’ajoutent les usages et, également, les conventions et accords collectifs. Or, la présence de

ces autres sources entraînent des conséquences non négligeables quant au prononcé de la

nullité du contrat de travail. Ainsi, la violation par le contrat de dispositions issues d’une

convention ou d’un accord collectif a-t-elle pour conséquence directe et systématique la

nullité dudit contrat ? Il semblerait dès cet instant logique de constater la nullité d’un tel

contrat puisque celui-ci est soumis de part la hiérarchie des normes au respect des

dispositions législatives et réglementaires ainsi qu’aux conventions ou accords collectifs

applicables (par rapport à l’activité de l’entreprise à laquelle le salarié prend part)39.

Cependant, le droit du travail connaît le mécanisme particulier de l’ordre public social et ce

dernier permet de déroger aux prescriptions de normes supérieures au contrat de travail

lorsque ce contrat contient des dispositions plus favorables au salarié. Dès lors, le régime

38 Le contrat de travail : modèle ou anti-modèle du droit civil des contrats ?, VERKINDT (P.-Y.), in Unenouvelle crise du contrat ?, colloque organisé par le centre René-Demogue les 14 et 15 mai 2001, Faculté dedroit de Lille2.

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de la nullité du contrat de travail doit composer avec cette règle propre au droit du travail.

Ainsi, les juges du fond devront vérifier, dans l’hypothèse d’une action en nullité fondée

sur la violation des dispositions collectives, si le contrat de travail concerné déroge ou non

en faveur de la situation du salarié aux dispositions qui lui étaient imposées.

Or, les difficultés se poseront véritablement, nous le verrons, dans l’hypothèse où le contrat

contient des dispositions moins favorables au salarié que celles contenues dans les

conventions ou accords collectifs de travail.

Par ailleurs, le régime de la nullité du contrat de travail a également pour particularité

le fait que son champ d’application couvre diverses hypothèses :

Ø Celle de la remise en cause du contrat de travail à durée indéterminée, contrat de

droit commun en matière de droit du travail. Un écrit n’étant pas exigé en la matière40, la

nullité de ce contrat se rencontrera plus rarement sur le fondement du non-respect des

conditions de forme puisque cela suppose la rédaction préalable d’un support écrit.

Ø Les hypothèses de nullité en matière de contrats autres que le CDI : contrat à durée

déterminée, contrat à temps partiel, contrat de travail temporaire, contrat

d’apprentissage,… Or, on constate en la matière une rareté évidente dans le prononcé de la

nullité de ces contrats car la chambre sociale, aidée par le législateur, lui préfère le

prononcé d’autres sanctions que celle-ci notamment dans le but de protéger la situation de

précarité dans laquelle se trouve ou pourrait se trouver le salarié.

La tendance sera donc en la matière pour le prononcé de la requalification du contrat en

CDI et/ou de sanctions pécuniaires à l’encontre de l’employeur41. Ce dernier est

généralement celui auquel on reproche un manque de formalisme dans la rédaction de ces

contrats (l’écrit est en effet obligatoire dans les hypothèses de contrat autre que le CDI) ou

le non-respect, en pratique, des conditions de travail de ces salariés du fait du contrat

particulier les concernant.

De plus, lorsqu’elle connaît d’une action en nullité, la chambre sociale se démarque

du droit commun en ce qu’elle semble enserrer cette action de conditions plus ou moins

strictes selon d’une part, la cause de nullité invoquée et, d’autre part, le titulaire de l’action.

C’est pourquoi certains auteurs invoquent en matière notamment de vices du consentement

39 Art. L.132-5 du Code du travail.40 Art. L.121-1 al.1er du Code du travail.

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affectant le contrat de travail de régime à « physionomie variable »42. En effet, « alors que

la protection de l’intégrité du consentement est normalement assurée, quoique rarement

sollicitée, lorsque le consentement est vicié au regard de la matière de l’engagement, elle

est en revanche le plus souvent refoulée lorsque le vice invoqué se rapporte à la personne

du contractant. Dans le premier cas, du reste, la victime du vice est généralement le salarié

tandis que c’est, dans le second, l’employeur »43.

Dès lors, lorsqu’elle se prononce pour l’annulation du contrat, la chambre sociale

donne des effets plutôt originaux et parfois même contestables à cette sanction. En effet, le

droit du travail en matière de nullité du contrat trouve ici sa démarcation la plus flagrante

avec le droit commun des contrats puisque :

Ø Premièrement, la Cour de cassation privilégie la survie de la relation de travail,

celle-ci ayant, le plus souvent, déjà connu un début d’exécution. C’est pourquoi la chambre

sociale opte pour la requalification du contrat, notamment lorsqu’il s’agit de contrats

précaires, la révision de la clause44 ou, même, pour une nullité partielle, annulant les seules

clauses litigieuses lorsque celles-ci apparaissent illicites, excessives… Ainsi, la chambre

sociale semble utiliser dans cette dernière hypothèse la technique du « réputé non-écrit »

préconisée par le législateur dans certaines domaines45.

Selon monsieur COUTURIER, « il est donc peu question des nullités du contrat de travail

dans son ensemble. Il est, en revanche, fréquemment question de la nullité de telle ou telle

de ces clauses – contraires à une règle légale particulière ou attentatoires à des droits

fondamentaux de la personne »46.

Ø Deuxièmement, on ne peut parler de la nullité du contrat de travail sans évoquer la

notion de licenciement. En effet, ce mode de rupture de la relation de travail à l’initiative

de l’employeur est bien souvent l’événement précurseur de l’action en nullité ou de son

évocation par voie d’exception devant son juge prud’homal.

De plus, il faut remarquer que la chambre sociale opère un parallèle évident entre les

conséquences qu’elle accorde à la nullité avec celles du prononcé d’un licenciement. En ce

sens, nous verrons que la Cour de cassation n’hésite pas à mettre de côté les effets

41 Sanctions pécuniaires renforcées par le dispositif prévu à l’article 36 du projet de loi de modernisationsociale modifiant l’art. L.152-1-4 du Code du travail, cf. annexe n°1.42 G.LOISEAU, L’application de la théorie des vices du consentement au contrat de travail, in Le contrat audébut du XXIème siècle : Etudes offertes à Jacques Ghestin, pp.579-599.43 Ibid, p.581.44 Cf. Traité de droit civil, t.2 : Les obligations, vol.1 : Le contrat, formation, GHESTIN (J.), op.cit., n°875.45 Ibid., n°896.46 La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER(G.), in Le contrat au début du XXIème siècle : Etudes offertes à Jacques Ghestin, op. cit., p.275.

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rétroactifs de l’annulation de la relation de travail, laissant au salarié le bénéfice des

rémunérations qu’il a déjà perçu sous couvert de justifier le versement d’une quelconque

indemnité compensatoire et qu’à ce titre elle décide parfois le versement d’autres

indemnités en rapport direct avec celles versées lors d’un licenciement. Ce parallèle avec

les effets produits par le prononcé d’un licenciement s’explique par la volonté évidente de

la chambre sociale de protéger les intérêts du salarié, ce dernier étant en meilleure posture

dans cette hypothèse que lors de l’annulation pure et simple de son contrat de travail.

Par ailleurs, si cette solution choisie par la Cour de cassation se situe dans la ligne directe

d’une tendance au prononcé de solutions protectrices des intérêts du salarié, celle-ci a pour

but également d’éviter à la nullité du contrat de travail des désagréments non souhaités.

Ainsi, les juges cherchent évidemment à éviter à tout prix de donner un quelconque effet

rétroactif au prononcé de leur décision de même qu’ils s’emploient à sauvegarder

l’existence d’un lien contractuel entre le salarié et son employeur. Comme l’indique

monsieur VERKINDT, le contrat de travail doit être lu par rapport au prisme du lien de

subordination. Dès lors, les mécanismes correctifs du lien de subordination doivent être

recherchés dans le droit commun des contrats mais avec certaines limites ou réserves47.

En droit du travail, on semble donc bien aller au-delà de la simple arithmétique du droit

commun des contrats pour qui : contrat + non-respect des conditions de validité = nullité.

Comme le font les chambres civiles, la chambre sociale de la Cour de cassation opère en

matière de nullité un contrôle de l’appréciation mais également de l’opportunité du

prononcé de la nullité du contrat.

Pourtant, la chambre sociale ne se contente pas de vérifier seulement l’existence

d’une cause "classique" de nullité mais aussi, l’existence de causes de nullité spécifiques

car liées au particularisme de la relation de travail (appréciation par exemple de la validité

d’une clause de non-concurrence insérée dans un contrat de travail en ce qu’elle répond

aux différentes conditions posées par la jurisprudence en la matière c’est à dire : limitation

dans le temps ou l’espace, intérêts réels de l’entreprise dans l’introduction de cette clause

au sein du contrat de travail, possibilité laissée au salarié d’exercer un emploi

correspondant à sa formation et/ou sa qualification professionnelle…). Dès lors, la tâche de

la chambre sociale de la Cour de cassation semble réellement ardue !

47 Le contrat de travail : modèle ou anti-modèle du droit civil des contrats ?, VERKINDT (P.-Y.), in Unenouvelle crise du contrat ?, colloque organisé par le centre René-Demogue, op. cit.

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Enfin, le prononcé de la nullité par la chambre sociale se démarque de celui du droit

commun des contrats en ce que la Cour de cassation limite cette solution par le biais de

l’exigence de preuves plus difficiles à apporter au point que l’on peut s’interroger sur le

fait de savoir s’il est encore possible d’en apporter une surtout en ce qui concerne

l’employeur lorsque ce dernier est le titulaire de l’action. Au contraire, la preuve de la

nullité du contrat, ou tout au moins de l’une de ses clauses, sera plus aisée, nous le verrons,

lorsque le titulaire de l’action portée devant le juge prud’homal est le salarié.

Dès lors, c’est par une appréciation in concreto de l’ensemble des faits de chaque espèce

que la chambre sociale de la Cour de cassation opère en matière de nullité du contrat de

travail. Ainsi, cette dernière cherche à rétablir un équilibre contractuel au sein de la relation

salarié-employeur, équilibre manquant au cours de l’exécution du contrat du fait du lien de

subordination dans lequel se trouve le salarié de part son statut. Il semble par conséquent

difficile, à première vue, d’établir la place réelle de la nullité en droit du travail.

Les mécanismes prévus par le droit du travail ont toujours eu vocation à

prendre en compte la spécificité de la relation qui s’établit entre le salarié et l’employeur.

Ajoutant en matière de nullité du contrat de travail d’autres hypothèses à celles prévues par

le droit commun des contrats, les différentes sources du droit du travail ne remettent pas a

priori en cause les éléments classiques de l’action en nullité (1ère Partie). Bien au contraire,

elles semblent les enrichir ainsi que les préciser en vue d’une meilleure protection de la

partie faible au contrat, le salarié. Or, c’est également dans le but d’avantager la situation

de ce salarié que les effets produits par la nullité du contrat de travail trouvent en droit du

travail toutes leurs spécificités et même parfois leur originalité lors du prononcé de cette

sanction (2ème Partie).

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1ère PARTIE

LES ELEMENTS DETERMINANTS DE L’ACTION EN NULLITE DU

CONTRAT DE TRAVAIL

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Bien que ce soit en matière de droit social « un problème qui vient alimenter

de temps à autre les chroniques de jurisprudence »48, la nullité du contrat de travail obéit à

la fois aux règles issues du droit commun des contrats49et à celles spécifiques au droit du

travail50.

Dès lors, les titulaires de cette action en nullité restent a priori les mêmes que ceux

que connaît le droit commun des contrats même si le droit du travail fait intervenir

d’autres acteurs potentiels. Ainsi, les acteurs de l’action en nullité que sont les contractants

eux-mêmes vont parfois subir la concurrence d’autres individus, tiers à la relation de

travail (Section 1).

De plus, les causes déterminantes du prononcé de la nullité du contrat sont,

également et en partie, celles du droit commun. Cependant, une des originalités du régime

de la nullité du contrat de travail se trouve de manière plus flagrante parmi ces causes

mêmes de nullité prises en compte par le juge prud’homal et énoncées par les différentes

sources de droit en particulier de droit du travail. En effet, ce n’est pas tant l’ajout de

causes de nullité du contrat de travail qui peut paraître surprenant mais plutôt la variation

du prononcé de la nullité. En effet, l’appréciation de la cause invoquée par le demandeur à

l’action sera différente selon les différents facteurs entourant celle-ci (Section 2).

Ainsi, dès le stade de la détermination des titulaires de l’action en nullité et de

l’appréciation par le juge des causes justifiant le prononcé ou non de la nullité du contrat

de travail, le salarié va apparaître comme le contractant le mieux protégé par rapport à

l’autre contractant qu’est l’employeur. La difficulté résidera donc dans le fait de trouver

une véritable justification opportune à cette pratique de la jurisprudence entérinée par la

majorité de la doctrine travailliste.

48 QUETANT (G.-P.) et VILLEBRUN (J.), Traité de la juridiction prud’homale, op. cit., n°347.49 Art. L.121-1 du Code du travail.50 Par exemple : concernant le contrat d’apprentissage (art. L.117-2 et s. du Code du travail) ; l’emploi detravailleurs étrangers (art. L.341-1 et s.) ; etc…

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SECTION 1 : LES ACTEURS DE L’ACTION EN NULLITE DU CONTRAT DE TRAVAIL.

Comme en droit commun, la remise en cause de la validité d’un contrat

présuppose une action de la part des parties à ce contrat. Dès lors, l’action en nullité du

contrat de travail va bien évidemment mettre en scène ces deux acteurs, personnages

principaux de la relation contractuelle de travail, que sont le salarié, d’une part, et

l’employeur, d’autre part (Paragraphe 1). Ceux–ci disposent en la matière d’intérêts

divergents pour le prononcé de cette sanction mais dont le but premier repose sur la

protection de leurs intérêts financiers respectifs. Dès lors, c’est à des effets différents de la

nullité qu’ils peuvent prétendre.

Or, en plus de ces deux acteurs, le droit commun des contrats fait également

intervenir un troisième personnage dans le cadre de la nullité, l’autorité judiciaire, en la

présence du juge. Ainsi, le juge prud’homal présente également un rôle majeur dans le

prononcé de la nullité du contrat de travail. C’est à lui que revient le pouvoir d’apprécier

les causes de nullité qui lui sont apportées mais il prend en considération également

l’opportunité d’une telle sanction Cependant, en plus de ces acteurs incontournables de

l’action en nullité, le droit commun ainsi que le droit du travail envisagent l’intervention à

cette action d’autres acteurs mais ce uniquement dans des hypothèses bien précises

(Paragraphe 2).

L’ensemble de ces acteurs même s’ils ont vocation à jouer des rôles différents en la

matière et à prétendre à des solutions diverses par le prononcé de la nullité, contribuent au

respect des conditions de forme et de fond inhérentes à la validité des contrats de travail.

Dès lors, il y a lieu de favoriser leurs actions en ce domaine dans un soucis de protection

juridique des relations de travail.

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§1 : Les acteurs principaux de l’action en nullité du contrat de travail.

Comme l’affirme monsieur AUBERT, « la nullité, ou pour mieux dire,

l’annulation du contrat, repose sur l’exercice d’une action tendant à cette fin et suppose

donc la reconnaissance d’un droit à agir en nullité c’est à dire un droit de dénoncer

l’imperfection qui affecte le contrat et de revendiquer la sanction de ce vice »51. Le droit

d’agir en nullité est alors assimilé à un droit de critique52 du contrat lui-même. Dès lors,

reconnaître un droit d’agir en nullité, c’est laisser « la possibilité ouverte aux personnes

concernées "d’exercer leurs droits maintenus intacts en dépit des apparences"53, en dépit de

ce que l’acte en cause prévoyait. A cet égard le droit de critique n’est pas le moyen

d’obtenir le prononcé de la nullité : il est la nullité elle-même »54.

Ainsi, qui mieux que les parties au contrat de travail peut dénoncer celui-ci puisque

ces dernières sont les personnes les mieux à même de connaître le contenu du contrat qui

les lient ? Dès lors, quelle que soit la nullité invocable, nullité relative ou nullité absolue, le

salarié et l’employeur peuvent agir devant le Conseil de prud’hommes soit par voie

d’action soit par voie d’exception.

Cependant, les intérêts particuliers de ces deux contractants au prononcé de la nullité ne

seront pas les mêmes. En effet, l’employeur va chercher avant tout à éviter le paiement de

différentes indemnités inhérentes à la rupture du contrat lorsqu’elle lui est imputable par le

biais de sa demande en nullité (A). Au contraire, le salarié cherchera bien souvent à

sauvegarder sa situation pécuniaire et, dès lors, à ne demander que la nullité partielle du

contrat sans que la validité toute entière de celui-ci ne soit remise en cause (B).

A. L’intérêt de l’employeur pour le prononcé de la nullité du contrat.

Dans l’hypothèse où c’est l’employeur qui demande la nullité du contrat de travail,

il faut tout de suite remarquer que bien souvent c’est par la voie de l’exception que ce

dernier l’invoquera (1). De plus, cette action aura pour finalité réelle un intérêt pécuniaire

évident de la part de cet employeur puisque la nullité, contrairement aux autres hypothèses

51 Le contrat, Droit des obligations, AUBERT (J.-L.), op. cit., p.99.52 Idem.53 GAUDEMET (E.), Théorie générale des obligations, Dalloz, 1937 in . La théorie des nullités dans lajurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER (G.), op. cit., p.274.54 JAPIOT (R.), Des nullités en matière d’actes juridiques, Thèse Dijon, 1991 in La théorie des nullités dansla jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER (G.), op.cit., p.274.

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de rupture du contrat de travail n’entraîne pas le versement obligatoire d’indemnités de la

part de celui-ci (2).

1. Une demande en nullité par voie d’exception.

Dès lors que le contrat de travail s’exécute et n’est pas remis en cause par le salarié,

l’employeur n’a que peu d’intérêt dans le prononcé de la nullité du contrat de travail voire

aucun intérêt. En effet, cet employeur dispose d’un salarié qui met à sa disposition ses

aptitudes professionnelles en contrepartie d’une rémunération et outre l’hypothèse d’un

manque de qualification évidente de la part de ce salarié lequel aurait été provoqué par le

mensonge de celui-ci, l’employeur n’est pas fondé à agir devant le juge prud’homal.

Or, un examen des différentes décisions jurisprudentielles en matière de nullité du contrat

de travail nous montre que le plus souvent cette action est portée par l’employeur et ce par

voie d’exception55. Ainsi, face à une demande d’indemnisation pour rupture du contrat de

travail de la part du salarié, l’employeur invoquera pour moyen de défense le fait que le

contrat n’a pas pu être rompu de manière justifiée ou abusive puisque ce contrat de travail

est nul, cette nullité reposant alors sur un vice de fond ou de forme.

Dès lors, bien que la possibilité d’une demande en nullité du contrat de la part de

l’employeur par voie d’action ne doit pas être omise56, il apparaît que la demande en nullité

par voie d’exception (exceptionnellement demandée par le salarié) est l’action qui se

rapproche le plus, tant dans l’instant que dans les faits, du licenciement.

En effet, la demande par voie d’exception de la part de l’employeur va prendre naissance

au moment où le salarié introduit une demande d’indemnisation pour rupture du contrat de

travail ; cette rupture prend alors la forme d’un licenciement.

De plus, la nullité, dans cette hypothèse, ne sera invoquée qu’après avoir mis un terme à la

relation contractuelle de travail.

55 Cf. en ce sens : cass. soc. 17 octobre 1973 Société Fives-Lille-Cail c/David, JCP 1974, II, 17698, obs. Y.SAINT-JOURS. cass. soc. 25 avril 1990 L’ARBRE, BC V n°186 ; D.1991, JP, p.507, note J.MOULY.

cass. soc. 23 janvier 1992 SARL Oreda, BC V n°47 ; RJS 1992 n°240. cass. soc. 30 mars 1999 Madame Poupardin, épouse Minaud c/SA Elsydel, arrêt n°1499P,

JCP G 1999, II, 10195 et JCP E 2000, II, pp.1236-1240, note J.MOULY ; D.2000, somm. comm., chrI.OMARJEE, P.13.56 Cf. en ce sens : cass. soc. 3 juillet 1990 Racy c/Société Cart Expert France et a., arrêt n°3023, RJS10/90n°753 ; BC V n°329 ; D.1991, JP, p.507, note J.MOULY.

cass. soc. 5 octobre 1994, Les Petites Affiches du 23 août 1995 n°101 p.16.

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Dès lors, ce ne sont pas les effets de la nullité sur le contrat de travail qui poseront des

difficultés puisque celui-ci n’existe plus au jour de l’instance mais les effets pour le passé

du prononcé de cette nullité (2ème Partie).

Dans l’hypothèse où l’employeur met en œuvre l’action en nullité du contrat de

travail, quels intérêts peut-il espérer de cette demande ? En effet, celui-ci a déjà rompu sa

relation avec le salarié et n’a vraisemblablement plus aucun intérêt dans l’éventualité d’une

relation de quelque nature que ce soit le liant à son ancien salarié. Or, c’est justement dans

le but de s’affranchir de toute relation avec ce dernier, notamment d’origine pécuniaire,

que l’employeur a un intérêt évident dans la reconnaissance de la nullité du contrat de

travail surtout lorsqu’il fait l’objet d’une action devant le juge prud’homal pour rupture

abusive des relations de travail.

2. Les intérêts pécuniaires en jeu par le biais de cette action.

Comparée au prononcé du licenciement du salarié par l’employeur lui-même, la

nullité du contrat de travail présente comme inconvénient le fait que celle-ci soit prononcée

par le juge prud’homal (Paragraphe 2, A). Or, l’action en nullité du contrat de travail

présente donc une insécurité majeure puisqu’elle dépend de l’appréciation souveraine des

juges et non de l’opportunité d’une telle sanction pour l’employeur. « Le licenciement est

décidé immédiatement et en principe irrévocablement par l’employeur, alors que

l’annulation du contrat de travail suppose que le juge soit saisi et qu’il prononce

effectivement celle-ci »57. De plus, le licenciement présente comme avantage pour

l’employeur le fait de faire survivre certaines clauses du contrat comme la clause de non-

concurrence58 contrairement à la nullité59.

Dès lors, quel est l’intérêt pour l’employeur de demander la nullité du contrat de

travail puisque celui-ci est le seul à l’initiative de la rupture du contrat de travail par le

biais du licenciement ? Ne se met-il pas dans cette hypothèse dans une situation pour le

moins insécurisante ?

En fait, la nullité du contrat de travail est demandée par l’employeur pour deux raisons

majeures :

57 G.LOISEAU, L’application de la théorie des vices du consentement au contrat de travail, in Le contrat audébut du XXIème siècle : Etudes offertes à Jacques Ghestin, op. cit., p.580.58 Cf. pour un modèle de clause de non-concurrence, l’ANNEXE n°4.

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La première consiste à contrecarrer l’action effectuée par le salarié pour obtenir une

indemnisation du fait de la rupture de son contrat de travail. Dans cette hypothèse, on

observe alors une demande en annulation du contrat de travail par voie d’exception de la

part de cet employeur.

La seconde, que l’on peut observer par la voie de l’action comme de l’exception, vise à se

prémunir contre le versement de tout indemnité de licenciement mise à la charge de

l’auteur de la rupture du contrat de travail qu’est l’employeur.

En effet, ces deux hypothèses mettent en évidence un intérêt pécuniaire évident en ce

qu’elles permettent dans le cas du prononcé de la nullité par le juge d’éviter le versement

d’indemnités au profit du salarié puisque cette indemnisation n’a lieu qu’en cas de

licenciement60 et non dans le cadre d’un contrat nul (on considère alors de manière

générale que le contrat n’a généré aucun droit de la part des parties).

Ainsi, l’employeur se placerait lui-même dans une situation confortable lorsqu’il

met en œuvre son action en nullité du contrat de travail devant le juge prud’homal. Or, il

faut souligner que cette action n’est pas aussi protectrice de la situation de l’employeur

qu’il n’y paraît. En effet, l’action en nullité portée devant le juge est au contraire " à double

tranchant " puisqu’il faut admettre que cette sanction est « le plus souvent refoulée lorsque

le vice invoqué se rapporte à la personne du contractant »61. En pratique, c’est l’employeur

qui invoquera cette cause de nullité reprochant au salarié de ne pas lui avoir révélé sa

situation personnelle62, ses véritables capacités professionnelles63 et d’avoir réellement

voulu le tromper64. Cependant, l’action de l’employeur ne sera pas sans surprise car la

jurisprudence, volontairement protectrice des intérêts du salarié notamment quant à sa

situation pécuniaire, va s’efforcer d’encadrer cette action de conditions strictes remettant

ainsi en cause l’opportunité d’une telle action pour l’employeur (Section 2).

59 Idem.60 Pour l’indemnité de licenciement : art. L.122-9 du Code du travail. Pour l’indemnité de préavis et l’indemnité compensatrice de congés payés : art. L.122-8 du Code dutravail.61 G.LOISEAU, op. cit., p.581.62 Pour exemple : omission des antécédents judiciaires, cass. soc. 25 avril 1990 L’ARBRE, BC V n°186 ;D.1991, JP, p.507, note J.MOULY.63 Pour exemple : fausses mentions portant sur la formation et les diplômes, cass. soc. 17 octobre 1995 Simonc/Société Debroise-Filliol et a., arrêt n°3790D, JCP E 1996 n°543 et JCP G 1996, I, 3923§3, obs. O.RAULT.cf. également, CA Versailles 19 septembre 1990 SA Citroën c/Libert, RJS 1991 n°5.64 Pour exemple : fourniture d’un CV et d’une lettre d’embauche écrits de la main de l’épouse du candidat àl’emploi, cass. soc. 5 octobre 1994, Les Petites Affiches du 23 août 1995 n°101, p.16, note K.ADOM ;D.1995, JP, p.282, note Ph.MOZAS.

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Il ne resterait donc plus comme réel bénéficiaire de l’action en nullité du contrat de

travail que le salarié, partie à cette relation de travail.

B. L’intérêt du salarié pour le prononcé de la nullité partielle du contrat.

Le salarié est avant tout soumis aux exigences et à la volonté de son employeur.

Ainsi, la relation contractuelle de travail se traduit par un déséquilibre des pouvoirs

respectifs des parties et c’est pourquoi le droit du travail a entrepris de protéger la partie

économiquement la plus faible c’est à dire le salarié.

De ce fait, les prérogatives du salarié dans le cadre d’une action en nullité du contrat de

travail apparaissent plus importantes que celles de l’employeur en la matière, celui-ci

bénéficiant parfois d’actions qui lui sont réservées (1) ce qui lui permet d’essayer de

sauvegarder sa situation pécuniaire (2). Bien entendu, lorsque son contrat de travail n’a pas

été rompu, le salarié cherchera, si l’employeur invoque la nullité de la relation de travail, à

sauvegarder sa situation professionnelle en invoquant uniquement la nullité partielle de ce

contrat.

1. Les actions réservées au seul salarié.

Ces actions s’intègrent dans le cadre de la nullité du contrat de travail mais

uniquement en ce qui concerne la nullité partielle. En effet, l’employeur a également,

comme nous l’avons vu, un droit d’action en nullité du contrat de travail devant le juge

prud’homal puisqu’il est l’un des contractants. Dès lors, il ne saurait être privé de cette

action au profit du seul salarié, le déséquilibre entre les parties serait alors injuste et

injustifiable.

Cependant, selon monsieur COUTURIER, « il est peu question des nullités du contrats de

travail dans son ensemble. Il est, en revanche, fréquemment question de la nullité de telle

ou telle de ses clauses (…) »65. Ainsi, si seul le salarié dispose du droit d’agir en nullité de

certaines clauses du contrat de travail, l’employeur se trouve bien affaibli dans cette

situation ne pouvant que dans de plus rares hypothèses touchant l’ensemble du contrat agir

en nullité. Or, cette pratique semble s’inscrire dans le cadre de la volonté jurisprudentielle

de la chambre sociale, aujourd’hui acquise, de rééquilibrer les parties au contrat de travail

65 La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER(G.), op. cit., p.275.

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dans le but d’éviter le recours abusif de la part de l’employeur à la nullité de la relation de

travail le liant au salarié.

Dès lors, le salarié semble disposer d’un éventail de causes de nullité plus large que

l’employeur même si ces hypothèses supplémentaires s’inscrivent dans le cadre d’une

nullité partielle du contrat de travail. Cependant, ce n’est pas parce que l’on invoque un

vice touchant uniquement une des clauses du contrat de travail, que la nullité

éventuellement prononcée portera seulement sur cette clause laissant alors survivre les

autres dispositions du contrat. En effet, après les débats doctrinaux fondés sur les articles

900 et 1172 du Code civil66, il semble qu’il faille tenir compte aujourd’hui « non seulement

de la volonté du législateur, mais aussi de la place tenue par l’élément vicié dans le contrat,

c’est à dire de son importance dans l’accord des volontés (…) une fois constaté que

l’irrégularité à éliminer ne concerne qu’une partie du contrat et qu’ainsi une annulation

partielle est a priori admissible, il reste à procéder à un double examen. Il faut en premier

lieu rechercher si le contrat, ainsi amputé de sa partie irrégulière, reste suffisamment

conforme à ce que les parties avaient voulu, de telle sorte que leur accord se serait réalisé

malgré cette amputation. Il faut, ensuite, se demander si, en respectant de cette façon la

volontés des parties, on ne fait pas obstacle à l’efficacité de la sanction, c’est à dire en

définitive au respect d’une règle impérative »67.

Dans l’hypothèse où la clause est contraire à l’ordre public et aux dispositions impératives

posées par le législateur ou si de celle-ci dépend l’accord de l’une des parties au contrat, le

contrat de travail peut alors être annulé dans son entier et le salarié dispose ainsi dans ce

cadre d’un pouvoir beaucoup plus important que l’employeur puisque ce dernier ne

possède pas le pouvoir d’agir réciproquement en la matière.

Dans quelles hypothèses la nullité d’une clause du contrat de travail peut-elle être

demandée uniquement par le salarié, partie au contrat de travail ?

Il faut souligner tout d’abord que le fait de réserver certaines actions au seul salarié n’est

pas unique à la nullité du contrat de travail. En effet, le salarié dispose pareillement de

66 Cf. pour exemple : GHESTIN (J.), Traité de droit civil, t.2 : Les obligations, vol.1 : Le contrat, formation,op. cit., n°878.67 Ibidem, n°876 et 881.

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cette faculté en ce qui concerne l’hypothèse d’une action en requalification d’un contrat de

travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée68.

Les actions en nullité de certaines clauses du contrat de travail concernent essentiellement

deux de ces clauses69 : la clause de non-concurrence et la clause de mise à la retraite dite

"clause couperet".

La clause de non-concurrence, d’une part, est la clause par laquelle l’employeur se

prémunit contrat l’éventualité d’une concurrence de la part de son salarié après la cessation

des fonctions de ce dernier70. Soumise à diverses conditions de validité établies par la

jurisprudence en l’absence de texte en la matière71, cette clause peut paraître, pour le

salarié, parfois excessive tant dans ses limitations temporelle et géographique que dans les

domaines d’activité dans lesquels elle s’applique. Ainsi, une clause de non-concurrence

peut apparaître attentatoire à la liberté du travail de ce salarié. Dès lors, la jurisprudence de

la chambre sociale de la Cour de cassation reconnaît au seul salarié le pouvoir d’agir en

nullité de cette clause à l’encontre de son employeur au motif qu’ « il s’agit d’une nullité

instituée seulement pour assurer la protection et la liberté du travail des salariés »72 ; « seul

le salarié peut invoquer la nullité d’une clause de non-concurrence portant atteinte à la

liberté du travail »73. De même, par un arrêt du 17 février 1993, la chambre sociale a pu

décider, opérant alors un revirement par rapport à sa jurisprudence antérieure74, que

l’employeur ne peut valablement renoncer à une clause de non-concurrence qui comporte

une contrepartie pécuniaire qu’avec l’accord du salarié75. Il ne fait donc aucun doute que le

salarié dispose en la matière d’un véritable pouvoir de remise en cause de la clause

lorsqu’une des conditions de sa validité n’est pas remplie, contrairement à l’employeur

68 « Traditionnellement, le droit du travail envisage la requalification du CDD en CDI comme la sanctioninfligée à l’employeur qui engage le salarié sous contrat précaire sans respecter le formalisme imposé ou horsdes hypothèses autorisées par la loi (…). Suivant cette conception, l’employeur ne peut prétendre à larequalification», ALAPHILIPPE (P.), CDD et clause de résiliation unilatérale : un mélange des genres qui neprofite pas à l’employeur, D.2000, JP, p.30 : l’auteur envisage ici l’hypothèse d’une requalification-sanctionnon d’une requalification-interprétation que l’employeur peut invoquer, distinction que la jurisprudence aparfois du mal à appliquer.69 On retiendra également que seul le salarié peut agir en nullité d’une clause réservant le bénéfice d’unemesure quelconque à un ou des salariés en considération du sexe (art. L.123-2 du Code du travail).70 G.GUERY, Pratique de droit du travail, Montchrestien, coll. Business, 10ème éd., 2001, p.105.71 Limitations dans le temps et dans l’espace justifiées par la volonté de protéger les intérêts légitimes del’entreprise et prise en compte de la possibilité pour le salarié de retrouver un emploi. L’existence d’unecontrepartie n’est pas une condition de validité de cette clause.72 cass. soc. 18 décembre 1968, BC IV n°610.73 CA Paris 23 février 1983, D.1983, IR, p.247. cass. soc. 3 mai 1989, arrêt n°86-41.452 ; cass. soc. 16 avril 1991, arrêt n°88-40.557 ; cass. soc. 17 juillet1997, arrêt n°95-40.869 in Contrepartie pécuniaire, Semaine sociale Lamy du 8 septembre 1997, n°852,pp.14-15.74 cass. soc. 4 juin 1975, BC V n°301.75 cass. soc. 17 février 1993, D.1993, JP, p.347, note Y.SERRA.

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bien que les exemples jurisprudentiels ne se situent que dans l’hypothèse où une

contrepartie pécuniaire est attachée à la clause de non-concurrence (l’employeur ayant

dans ce cas un réel intérêt à faire « tomber » la clause)76.

La clause "couperet" ou "guillotine", d’autre part, définie comme étant la clause

instituant l’âge de la retraite en tant que terme ultime du contrat de travail77du fait de son

caractère automatique, a suscité l’intervention de l’Assemblée plénière de la Cour de

cassation sur le point de savoir si l’employeur peut se prévaloir de la nullité de celle-ci

dans le but de mettre un terme plus rapidement à la relation contractuelle de travail le liant

à son salarié78. Adoptant une solution contraire à celle de la chambre sociale79 et

interprétant les termes de l’article L.122-14-12 et suivants du Code du travail80,

l’Assemblée plénière prend fait et cause pour le salarié81. En effet, celle-ci décide que « les

dispositions de l’article L.122-14-12, alinéa 2, du Code du travail n’ont été édictées que

dans un souci de protection du salarié ; que, dès lors, l’employeur est irrecevable à s’en

prévaloir… ». Ainsi, comme l’affirme madame CORRIGNAN-CARSIN « cette décision fait

de la nullité des clauses "couperet" une nullité relative, ouverte au seul salarié ».

La nullité de certaines clauses propres au contrat de travail est donc soumise à la

seule volonté d’agir du salarié sans qu’une contrepartie quelconque soit accordée à

l’employeur. Pourquoi la jurisprudence favorise-t-elle la situation du salarié par une

interprétation en sa faveur des textes applicables? Pour comprendre le fondement de ces

décisions, il convient de s’interroger sur la situation pécuniaire du salarié mais également

sur le déséquilibre de la situation des parties au contrat.

2. La recherche de la sauvegarde de la situation pécuniaire du salarié.

La protection des intérêts du salarié dès la mise en œuvre de l’action en nullité

participe au mouvement de rééquilibrage de la relation salarié-employeur. En effet, le

salarié, s’il constate un vice dans le contrat de travail qui le lie à son employeur, doit

76 Y.SERRA, La nullité de la clause de non-concurrence ne peut être invoquée que par le salarié. Unmandataire liquidateur ne peut…, D.1997, somm. comm. p.101.77 G.GUERY, Pratique de droit du travail, op. cit., p.237.78 Ass. plénière 6 novembre 1998 URSSAF des Alpes-Maritimes c/Plent et a., Juris-Data n°004225, JCP E1999, II, pp.133-135, note D.CORRIGNAN-CARSIN.79 Cf. pour exemple : cass. soc. 1er février 1995, Droit du travail, comm.111,note V.DUBOEUF ; JCP E 1995, I,499§5, obs. V.DUBOEUF.80 Textes issus de la loi Séguin du 30 juillet 1978.81 La guillotine tombe…sur les clauses guillotines !, D’HARCOURT (PH.), JCP E 1999, n°12, p.120.

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pouvoir bénéficier d’une marge de manœuvre suffisante pour lui permettre d’intenter une

action devant le juge prud’homal. Or, le lien de subordination qui existe entre le salarié et

l’employeur peut constituer un frein à cette action le salarié craignant pour sa situation

professionnelle et pécuniaire. C’est donc en vue d’un rééquilibrage que la jurisprudence,

comme nous l’avons vu ci-dessus, a entendu protéger le salarié en n’accordant qu’à celui-

ci le pouvoir d’agir en nullité de certaines clauses et évitant de la part de l’employeur des

abus dans la mise en œuvre de l’action en nullité du contrat de travail.

De même, cette volonté de protection du salarié prend forme au moment du

prononcé de la nullité. En effet, le salarié qui agit en nullité au cours de sa relation de

travail a généralement pour objectif la suppression du vice (s’il n’a pu l’obtenir de

l’employeur par la voie de la régularisation82) mais il souhaite aussi le plus souvent la

survie du contrat de travail, celui-ci étant indispensable à la sauvegarde de sa situation

pécuniaire surtout lorsque les difficultés économiques du pays se traduisent par un taux de

chômage élevé.

C’est pourquoi la chambre sociale de la cour de cassation favorise le prononcé de la nullité

partielle du contrat de travail prenant ainsi le relais du législateur (Section 2) mais aussi

celui d’autres sanction telles que la requalification, la nullité-substitution83 et la nullité-

réduction. La nullité-substitution consiste en effet pour le juge à modifier le contenu de la

clause litigieuse pour la rendre valable au regard des règles qui l’entourent. La nullité-

réduction consiste quant à elle à « réduire » la clause celle-ci étant valable dans son

principe. Ces sanctions sont ainsi utilisées par la jurisprudence ce, même si une partie de la

doctrine critique le recours à ces mécanismes, le juge n’étant pas partie au contrat et

n’ayant donc pas le pouvoir de remplacer la clause nulle84.

Le salarié dispose donc en matière de nullité du contrat de travail de possibilités

plus importantes que l’employeur. Cependant, c’est généralement l’employeur qui procède

à une demande en nullité mettant alors dans une situation délicate le salarié85. C’est

pourquoi la jurisprudence prend en compte le demandeur à l’action et les éléments propres

à entraîner soit la nullité du contrat soit sa nullité partielle dans le but de protéger la

situation pécuniaire du salarié. Ce dernier ne mettra dès lors en œuvre l’action en nullité

82 Droit civil-Les obligations, BENABENT (A.), op. cit.83 Cf. GHESTIN (J.), op. cit., n°906.84 Idem. Cf. également : La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour decassation, COUTURIER (G.), op. cit., p.277.85 Cf. cependant, CA Versailles 16 mars 1993, RJS 1993 n°686 (dol de l’employeur).

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que s’il dispose de garanties suffisantes quant au prononcé d’une décision lui étant

favorable.

Outre le salarié et l’employeur, d’autres personnes ont donc vocation à jouer un rôle

déterminant dans le cadre d’une action en nullité du contrat de travail. En effet, si

l’intervention du juge est en la matière nécessaire, la question de l’intervention d’autres

tiers à la relation de travail pose quant à elle plus de difficultés.

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§2 : Les autres acteurs à l’action.

La nullité du contrat de travail est une sanction qui suppose l’intervention

des juridictions. D’ailleurs, monsieur COUTURIER affirme qu’ « analyser la nullité, c’est

analyser la façon dont la règle de droit opère et la part que le juge y prend »86. Dès lors, le

Conseil de prud’hommes est-il compétent en matière de nullité d’un contrat fut-il un

contrat de travail ? Ce dernier étant soumis au droit commun des contrats, il pourrait

sembler logique de soumettre sa validité aux juridictions de droit commun que sont les

juridictions civiles. Or, c’est au juge prud’homal que revient cette tâche lequel opère alors

en la matière un rôle non-négligeable bien que dépendant de l’action de l’une des parties

au contrat (A).

De même, cette action spécifique en nullité a-t-elle vocation à rester enfermée dans

un cadre strict supposant l’intervention de trois acteurs (salarié, employeur et juge

prud’homal) ? En effet, il semble qu’il convienne de s’interroger également sur la

possibilité offerte ou non aux tiers à la relation de travail de recourir à la nullité de ce

contrat. Cette possibilité est d’ailleurs prévue par le droit commun des contrats en ce qui

concerne l’action en nullité absolue. Bien qu’il paraisse impossible de justifier d’un intérêt

pour la nullité du contrat de travail alors que l’on n’y est pas partie, ce contrat étant avant

tout une convention conclue intuitu personae87, la jurisprudence semble reconnaître la

possibilité à certains tiers d’intervenir de façon spécifique à l’action en nullité du contrat de

travail. Toutefois, il semble que ces interventions demeurent dans un cadre pour le moins

exceptionnel (B).

A. Le rôle secondaire du juge prud’homal.

Le juge prud’homal tient un rôle primordial dans le prononcé de la nullité du

contrat de travail (1). En effet, sans lui, le constat de la nullité du contrat s’avère

impossible, la nullité étant avant tout une sanction judiciaire. Ainsi, « lorsqu’un contrat est

entaché d’une cause de nullité, il est souvent opportun que le juge intervienne pour dissiper

les apparences de validité que cet acte peut revêtir. Celui-ci a pu donner naissance à une

86 La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER(G.), op. cit., p.274.87 L’intuitu personae dans le contrat de travail, PEANO (M.-A.), Dr. Soc. 1995, pp.129-138.

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situation de fait qu’il n’appartient pas à l’un ou l’autre partie de supprimer88

unilatéralement, sous peine de heurter le principe d’interdiction de se faire justice à soi-

même89 »90.Cependant, la question se posera de savoir si le juge peut d’office soulever la

nullité lorsqu’il est saisi d’une action par l’une des parties contractantes.

Dès lors, le risque inhérent au prononcé de cette sanction va consister dans l’appréciation

souveraine des juges du fond en la matière, appréciation non négligeable lorsque la nullité

revêt d’après les textes un caractère purement facultatif (2).

1. Le prononcé de la nullité du contrat de travail.

La nullité se définit comme étant « la sanction prononcée par le juge et consistant

dans la disparition rétroactive de l’acte juridique qui ne remplit pas les conditions requises

pour sa formation »91. Le prononcé de la nullité est donc une sanction revêtant un caractère

judiciaire.

Cependant, on ne peut conclure à un rôle de première importance en ce qui concerne le

juge judiciaire. En effet, l’action en nullité dépend en premier lieu de l’action de l’une des

parties au contrat, salarié ou employeur même s’ « il faut exclure l’hypothèse d’une

"rupture amiable" ou "conventionnelle"92, par laquelle les parties reconnaissent elles-

mêmes la nullité du contrat de travail. A défaut, le recours au juge s’impose »93. Les parties

au contrat de travail ne peuvent donc faire valoir l’existence d’une nullité touchant cette

convention que par le biais d’un recours en nullité du contrat devant le juge. C’est

d’ailleurs pourquoi monsieur CARBONNIER affirme qu’ « une action en justice est toujours

nécessaire pour faire valoir la sanction, un jugement pour la prononcer »94.

Pourquoi cette intervention du juge alors que la validité du contrat de travail concerne

avant tout les parties contractantes et non un tiers, quel qu’il soit, à la relation de travail ?

Une justification à cette règle peut se trouver chez messieurs BOYER, ROLAND et STARCK

pour qui « dès l’instant que le contrat, quoique vicié in ovo, revêt extérieurement l’aspect

d’un acte juridique (c’est donc le cas en matière de contrat de travail), il y a là une

88 Travaux de l’Ass. H.CAPITANT, tome XIV, La nullité, l’inexistence et l’annulabilité, spécialement lerapport de G.DURRY, p.617.89 PLANIOL et RIPERT, Traité pratique de droit civil français, t.VI, par ESMAIN, LGDJ, 1952, n°297.90 B.Gauriau, L’annulation conventionnelle du licenciement, Dr. Soc. 1999, pp.785-794.91 R.GUILLIEN et J.VINCENT, Lexique des termes juridiques, Dalloz, 12 éd., 1999, sous la direction deS.GUINCHARD et G.MONTAGNIER.92 PH.MALAURIE et L.AYNES, Les obligations, Cujas, 10ème éd., 1999, n°55693 L’efficience des nullités, AMIEL-COSME (L.), Droit et Patrimoine, Juin 2000, Doctrine, pp.89-102.94 J.CARBONNIER, Droit civil, t.4 : Les obligations, Cujas, 22ème éd. refondue, 2000, n°104.

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apparence qu’il est nécessaire de détruire »95, l’intervention du juge s’avérant alors

nécessaire voire même indispensable.

Dès lors, qui du juge prud’homal, juge compétent en matière de litiges relatifs aux

relations de travail, ou du juge civil, juge de droit commun ayant vocation à l’application

des règles de droit des contrats, est compétent en la matière ?

En fait, selon la jurisprudence, il apparaît que « la compétence des conseils de

prud’hommes s’étendant à tous les litiges relatifs à la validité, à l’interprétation et à

l’exécution du contrat de travail, elle s’étend donc aux instances où est discutée la validité

du contrat »96. En effet, cette jurisprudence « s’est écartée de la conception-dont les

inconvénients pratiques avaient à peine besoin d’être soulignés-selon laquelle le Conseil de

prud’hommes, juge d’exception, pourrait prononcer la nullité, mais devrait laisser au juge

de droit commun le soin d’en tirer les conséquences »97.

L’identification de la juridiction compétente en matière de nullité du contrat de

travail étant effectuée, reste à connaître l’utilisation de la notion de nullité par le juge

prud’homal. Ainsi, celui-ci, "seul maître à bord" en la matière sans risque d’intervention

des juridictions de droit commun, peut opter pour des solutions sensiblement éloignées de

celles que connaissent le droit plus général des contrats. En effet, le juge prud’homal bien

qu’il soit parfois dans l’obligation de prononcer la nullité du contrat, dispose en la matière

d’un pouvoir d’appréciation important tant sur les éléments constitutifs de la nullité (vice

de fond ou de forme notamment) que sur l’étendue de celle-ci.

2. Un pouvoir d’appréciation non négligeable.

La question peut ici se subdiviser : il s’agit de savoir, d’une part, si le juge peut se

saisir lui-même d’une demande en nullité et, d’autre part, s’il est dans l’obligation de

prononcer cette sanction lorsqu’il est saisi d’une telle demande.

95 Droit civil, les obligations : 2.Contrat, BOYER (L.), ROLAND (H.) et STARCK (B.), op. cit., n°1014.96 QUETANT (G.-P.) et VILLEBRUN (J.), Traité de la juridiction prud’homale, op. cit., n°350.Cf. en matière de validité du contrat de travail de travailleurs étrangers : cass. soc. 28 octobre 1957, BC IVn°1075 ; D.1958, JP, p.223, note PH.U. et cass. soc. 23 février 1977, BC V n°137.97 Ibidem, n°349.

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Partons d’un constat : « En droit civil ou en procédure civile, (…), il n’existe pas de

texte qui prévoit l’obligation pour une personne de dénoncer une nullité »98. Dès lors, le

juge saisi d’un litige se rapportant à un contrat de travail peut-il décider du prononcé de la

nullité dudit contrat sans que les parties à celui-ci ne l’aient eux-mêmes invoqué ? Cette

question est importante car elle subordonne la place du juge dans le prononcé de cette

nullité. Son pouvoir d’appréciation est-il subordonné à une action en nullité du contrat ? Si

on observe la doctrine, on s’aperçoit que celle-ci présente la nullité comme la sanction

devant « être prononcée par le tribunal à la demande de la partie qui a qualité pour intenter

l’action, ou d’office dans les seuls cas où l’ordre public est intéressé »99. Dès lors, le juge

n’a vocation à prononcer d’office la nullité que si celle-ci intéresse l’ordre public et les

bonnes mœurs. Cet ordre public couvre-t-il l’ordre public de protection auquel cas le juge

pourra prononcer d’office la nullité dans cette hypothèse ? Cette question mérite qu’on s’y

intéresse en matière de nullité du contrat de travail car, comme le constate monsieur

COUTURIER, « quand, (…), la loi pose une règle impérative qui intervient sur les conditions

de conclusion ou sur le contenu d’un contrat dans le but de protéger une catégorie de

contractants placés en situation d’infériorité, faut-il retenir que la règle est d’ordre public et

que sa violation se traduit par une illicéité caractérisée ou faut-il retenir qu’il s’agit de

protéger des intérêts particuliers ? »100. Or, en matière de contrat de travail, le lien qui unit

les contractants est bien un lien de subordination, lien marquant l’infériorité du salarié par

rapport à son employeur. Dès lors, sur le fondement d’une règle d’ordre public de

protection, le juge peut-il relever d’office la nullité du contrat de travail ? La position de la

chambre sociale en matière de clauses "couperets" a démontré une volonté d’affirmer le

caractère d’ordre public strict des articles L.122-14-12 et suivants pourtant caractérisés par

une volonté de protection de la seule partie faible au contrat qu’est le salarié. Dès lors,

celle-ci autorisait les juridictions du fond à constater d’office la nullité de telles clauses

puisqu’elle reconnaissait la possibilité d’une remise en cause de celles-ci par le biais d’une

action en nullité absolue101. Or, comme on l’a vu auparavant, l’Assemblée plénière s’est

mise en porta faux par rapport à cette jurisprudence en décidant dans son arrêt du 6

98 L’efficience des nullités, AMIEL-COSME (L.), op. cit.99 Droit civil, les obligations : 2.Contrat, BOYER (L.), ROLAND (H.) et STARCK (B.), op. cit., n°1016.100 La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER(G.), op. cit., p.284.101 Cass. soc. 1er février 1995, Droit du travail, comm.111,note V.DUBOEUF ; JCP E 1995, I, 499§5, obs.V.DUBOEUF.

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novembre 1998102 que seul le salarié pouvait se prévaloir de la nullité de ce type de clause

donnant ainsi aux articles précités du Code du travail une valeur d’ordre public de

protection et à l’action en nullité s’y rapportant la qualité de nullité relative.

Il apparaît ainsi que le juge prud’homal ne peut d’office prononcer la nullité du contrat de

travail que si celui-ci est contraire à l’ordre public strict, les autres hypothèses (dispositions

prévoyant une nullité facultative comme sanction de sa violation, dispositions ayant le

caractère d’ordre public de protection…).

De même, on constate également le principe selon lequel le juge doit prononcer la

nullité dès l’instant où celle-ci est constatée. Par exception cependant, certaines nullités

peuvent être considérées comme étant des nullités facultatives et le juge retrouve alors en

la matière son pouvoir d’appréciation103. Ainsi, si on réfère par exemple au libellé de

l’article 1117 du Code civil, on constate qu’en matière de vices du consentement (ce qui

peut affecter tout contrat y compris le contrat de travail), la convention « n’est point nulle

de plein droit ; elle donne seulement lieu à une action en nullité ou en rescision,… ». Le

juge prud’homal dispose donc en la matière comme en ce qui concerne d’autres causes de

nullité du contrat de travail d’un pouvoir d’appréciation non négligeable puisque le

prononcé de la nullité ne lui est pas imposé.

Dès lors, les décisions jurisprudentielles en matière de nullité du contrat de travail

démontrent, on le verra, une volonté de protection importante du salarié et de sa situation

au jour de la décision concernant la validité ou non du contrat ainsi que de ses clauses. En

effet, il apparaît que le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation dans l’opportunité d’une

telle décision. Son rôle résiderait alors dans un contrôle de l’opportunité de la nullité, c’est

à dire dans la faculté de présumer des conséquences du prononcé ou non de cette sanction,

de même que dans la prise en compte de la volonté des parties au contrat de travail104 et de

l’ensemble des faits de l’espèce par le biais d’une appréciation in concreto105. Comme en

matière de droit commun, la nullité sera alors prononcée lorsqu’elle apparaîtra la mieux à

102 Ass. plénière 6 novembre 1998, Dr. Soc. 1999, 94, obs. J.SAVATIER ; JCP 99, II, 10004, noteD.CORRIGNAN-CARSIN.103 Droit civil-Les obligations, BENABENT (A.), op. cit. Cf. également, Droit des obligations, responsabilitécivile, contrat, DELBECQUE (PH.) et PANSIER (F.-J.), op. cit., p.97.104 Cf. en matière de nullité partielle : GHESTIN (J.), op. cit., n°880105 Ex. : CA Dijon 24 février 1993 Clemessy c/SARL Faber et a., RJS 1993 n°819 (salarié engagé par le biaisd’un contrat de travail rédigé en allemand) ; cass. soc. 4 octobre 1979 Garcia c/Dame Seignolle, BC V, n°680(cause immorale du contrat invoquée) ; cass. soc. 13 mars 2001, arrêt n°99-41.812 in Social Pratique du 10avril 2001, p.5 (clause d’objectif).

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même de protéger, réparer, punir106. Dès lors, elle ne sera pas prononcée, « lorsqu’elle

risque de se retourner contre celui que la loi a entendu protéger »107.

Faut-il en conclure que le juge peut prononcer la nullité du contrat de travail uniquement

lorsque les textes l’y autorisent ? Le juge se trouve alors dans cette hypothèse face à

l’adage « pas de nullité sans texte ». Ainsi, cette sanction ne peut en principe être

prononcée que lorsqu’un texte prévoit expressément cette sanction. Cependant, on ajoutera

qu’en droit des contrats, la marge de manœuvre du juge est plus large puisque la nullité

pourra être prononcée non en se fondant sur des dispositions légales précises mais sur un

principe d’ordre général ou une règle d’ordre public108 (on citera pour exemple l’usage

fréquent des notions de loyauté et de bonne foi des contractants bien que cette dernière

renvoie au libellé de l’article 1134 alinéa 3 du Code civil).

Même si le juge prud’homal semble doté d’un pouvoir important notamment dans

l’appréciation ou non de la nullité, il ne faut pas conclure trop rapidement sur son rôle. En

effet, celui-ci dispose, comme le juge de droit commun, d’un pouvoir souverain dans

l’opportunité d’une telle sanction. Cependant, le rôle indispensable qui lui est confié ne

peut pas être considéré sur un même plan que ceux des parties contractantes. Le salarié et

l’employeur ont un rôle primordial dans la mise en œuvre de l’action en nullité du contrat

de travail, le juge dans son prononcé. Dès lors, le juge apparaît donc comme un véritable

personnage secondaire, personnage incontournable tout de même.

La question peut se poser alors de savoir si d’autres acteurs n’ont pas vocation également à

intervenir sur la scène juridique de la nullité du contrat de travail.

B. L’intervention exceptionnelle d’autres acteurs.

Outre les parties au contrat de travail et l’intervention nécessaire en la matière du

juge prud’homal, on pourrait envisager l’intervention de tiers à la relation de travail, tiers

ayant un réel intérêt au prononcé de la nullité de ce contrat de travail. En effet, telle est

l’objet de l’action en nullité absolue en droit commun.

Dès lors, quel personnage pourrait avoir vocation à intervenir en la matière et sur quel

fondement ?

106 TERRE (F.), Introduction générale au droit, Précis Dalloz, 4ème éd. , 1999, n°603.107 L’efficience des nullités, AMIEL-COSME (L.), op. cit.108 Droit des obligations, responsabilité civile, contrat, DELBECQUE (PH.) et PANSIER (F.-J.), op. cit., p.97.

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On peut évidemment penser au rôle des organisations syndicales ayant vocation à la

protection des intérêts collectifs et individuels des salariés109, par exemple lorsque la

nullité a pour objet la violation dans le contrat d’une convention ou d’un accord collectif

de travail bien que des difficultés ont vocation à surgir en la matière (1). Ces derniers

peuvent en effet reprocher le non-respect de ces accords, non au salarié mais à

l’employeur.

De même, d’autres personnages semblent pouvoir prétendre à jouer un rôle dans le cadre

de l’action en nullité mais ce dans des hypothèses rares voire même exceptionnelles (2).

1. Le rôle éventuel des organisations syndicales.

On sait de part l’article L.411-11 du Code du travail que les organisations

syndicales ont la capacité d’ester en justice, elles « peuvent devant toutes les juridictions

exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice

direct ou indirect à l’intérêt collectif de la profession qu’ils représentent ».

De plus, bien que le contrat de travail s’inscrit dans les relations individuelles de travail,

ces partenaires sociaux peuvent être intéressés par la violation au sein de contrats des

dispositions de leurs conventions ou accords collectifs de travail. Dès lors, sont-ils

recevables à demander la nullité du contrat de travail ?

Dès lors, dans l’hypothèse où un employeur ne respecterait pas de manière fréquente les

dispositions d’une convention ou d’un accord conclu avec ces partenaires sociaux, ces

derniers disposeraient d’un intérêt collectif direct au prononcé de la nullité des clauses de

contrats de travail contraires à ces dispositions créant un préjudice probable à l’ensemble

des salariés concernés. En effet, selon les dispositions de l’article L.135-1 du Code du

travail, « (…), les conventions et accords collectifs de travail obligent tous ceux qui les ont

signé, ou qui sont membres des organisations ou groupements signataires (…) ».

Or, peut-on tout d’abord considérer la violation d’une convention ou accord collectif de

travail comme une cause de nullité du contrat de travail ou tout du moins d’une partie de

celui-ci ? Si auparavant on s’interrogeait sur le fait de savoir si oui ou non la convention ou

l’accord prévoyait expressément la nullité de la clause contractuelle en cas de violation de

ses dispositions, la position de la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du

109 Art. L.411-1 du Code du travail.

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13 janvier 1998110 est venue remettre en cause cette approche. En effet, celle-ci décide de

la nullité d’une clause de non-concurrence violant les dispositions d’une convention

collective bien que celle-ci, en l’espèce, ne prévoyait pas une telle sanction. Dès lors, il

faut en conclure qu’à partir du moment où un contrat de travail viole de telles dispositions,

la clause litigieuse est annulable quelque soit la sanction prévue par la convention en cause

si sanction prévue il y a.

Cependant, cette nullité ne sera encourue que si la clause viole dans un sens moins

favorable au salarié les dispositions de la convention ou de l’accord collectif de travail.

Ainsi, ce rappel du principe de l’ordre public social figure à l’article L.135-2 du Code du

travail lequel dispose que « lorsqu’un employeur est lié par des clauses d’une convention

ou d’un accord collectif de travail, ces clauses s’appliquent aux contrats de travail conclu

avec lui, sauf dispositions plus favorables ».Dès lors, la clause plus favorable au salarié

n’encourt pas le risque d’une annulation puisqu’en application de l’ordre public social,

cette disposition prime sur le contenu des conventions et accords collectifs de travail

applicables en la matière concernée.

Dès l’instant où une clause d’un contrat de travail apparaît moins favorable au salarié que

les dispositions d’une convention ou d’un accord collectif de travail, les organisations

salariales ont-elles alors vocation à agir en nullité sous prétexte d’un intérêt collectif ou

individuel à défendre et reposant sur l’article L.411-1 du Code du travail? Il semble que

l’intérêt d’une action en nullité soit ici résiduel car en application de l’ordre public social,

le salarié pourra toujours se prévaloir de la disposition la plus favorable c’est à dire, dans

cette hypothèse, de celle contenue dans la convention ou l’accord collectif de travail. Seul

le salarié peut y trouver un intérêt au moment de la rupture de sa relation de travail dans le

calcul de ses indemnités ou les obligations dont il reste débiteur à l’égard de son ancien

employeur (en présence d’une clause de non-concurrence notamment).

Dès lors, reste à imaginer l’action d’organisations syndicales aux côtés du salarié

lorsque celui-ci invoque pour quelque motif que ce soit la nullité totale ou partielle de son

contrat de travail. En effet, lorsqu’un salarié invoque la nullité totale ou partielle de son

contrat de travail devant le juge prud’homal, ces partenaires sociaux peuvent avoir

vocation à intervenir à l’action considérant alors que le motif invoqué par le demandeur

concerne un ensemble de salariés de l’entreprise.

110 Cass. soc 13 janvier 1998 Société européenne de sélection contre Madame Saddok, D.1999, JP, pp.159-162, note (N.) BOUCHE et (C.) BOURRIER.

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Cependant, il faut tout de même constater que c’est dans de rares hypothèses

(violation d’une convention ou d’un accord collectif de travail par exemple) que les

organisations syndicales vont avoir vocation à intervenir en matière de nullité du contrat de

travail. En effet, leur intervention doit revêtir un intérêt collectif et il ne faut pas oublier

que l’on se situe ici en matière de relations individuelles de travail donc des relations

mettant en jeu des intérêts particuliers. Dès lors, si une intervention des organisations

syndicales n’est pas à négliger en la matière, celle-ci ne se situe qu’à un niveau résiduel.

Cependant, la jurisprudence de 1998 de la chambre sociale aura peut-être vocation à

susciter dans un avenir proche l’intérêt des salariés mais surtout des organisations

signataires de conventions et accords collectifs de travail (ce d’autant que les deux Lois

AUBRY ont multiplié les accords d’entreprise portant sur la réduction du temps de travail).

Mais d’autres acteurs n’auraient-t-il pas également un intérêt à intervenir sur la

scène de la nullité du contrat de travail invoquant à l’appui de leur action un soucis de

protection des intérêts de tout salarié ce, conformément aux missions qui sont les leurs ?

2. Les autres tiers à la relation de travail.

Bien évidemment il est impossible de dresser ici l’inventaire de l’ensemble des

acteurs de l’entreprise susceptibles d’intervenir dans le cadre d’une action en nullité du

contrat de travail mais de faire le choix de quelques personnages méritant qu’on s’y attarde

plus longuement.

Prenons tout d’abord le cas du délégué du personnel. Celui-ci a entre autres pour

mission « de présenter aux employeurs toutes les réclamations individuelles ou collectives

relatives aux salaires, à l’application du Code du travail et des autres lois et règlements

concernant la protection sociale, l’hygiène et la sécurité, ainsi que des conventions et

accords collectifs de travail applicables dans l’entreprise »111. Bien plus, son action peut

aller plus loin puisque selon L.422-1-1 du Code du travail, le délégué du personnel peut

s’il « constate, notamment par l’intermédiaire d’un salarié, qu’il existe une atteinte aux

droits des personnes ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas

justifiée par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnée au but recherché, saisir

immédiatement l’employeur » et « en cas de carence de l’employeur ou de divergence sur

la réalité de cette atteinte et à défaut (…), saisir le bureau de jugement du conseil de

111 Art. L.422-1 du Code du travail.

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prud’hommes qui statue selon les formes applicables au référé ». Dès lors, le délégué du

personnel, averti par un salarié de la violation de ses droits et libertés dans le cadre de son

contrat de travail (par exemples en présence d’une clause de célibat ou d’une clause

discriminatoire), peut agir devant le juge prud’homal pour que celui-ci se prononce sur la

validité de ce contrat ou de telle ou telle de ses clauses. En effet, bien qu’il n’ait pas un

intérêt particulier à cette action, sa mission l’autorise à agir en la matière mais c’est le juge

prud’homal qui prononcera la sanction adéquate en l’espèce et donc éventuellement la

nullité dudit contrat.

De même, peut se poser la question de l’intervention en matière de nullité du

contrat de travail du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

En effet, selon les dispositions de l’article L.231-9 du Code du travail, les représentants du

personnel le composant sont compétents lorsqu’ « il existe un danger grave et imminent »

en matière d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail des salariés. Par ailleurs, le

CHSCT « a pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des

salariés »112. Or, on ne peut semble-t-il espérer de cet organe une action en nullité du

contrat de travail concernant ces motifs. En effet, l’article L.231-9 n’envisage aucunement

une saisie quelconque en la matière du juge prud’homal mais une procédure devant

l’employeur et en cas de divergence, l’intervention de l’inspecteur du travail. Il semble

regrettable que cette action en nullité ne puisse lui être ouverte notamment dans

l’hypothèse où des clauses du contrat de travail iraient à l’encontre des dispositions

législatives et réglementaires en matière de protection et de sécurité des salariés. Mais, ce

serait là un pouvoir peut-être trop important pour cet organe à dominante consultative.

Reste enfin, l’hypothèse de l’intervention de l’Association pour la garantie des

salaires (AGS). Celle-ci connaît en effet déjà un pouvoir important en matière d’action en

requalification des contrats à durées déterminée, action qui lui est réservée en cas de

redressement ou liquidation judiciaires113. Dispose-t-elle d’un pouvoir analogue en matière

de nullité du contrat de travail fusse un contrat autre qu’un CDD ? Il ne semble pas au vue

des textes et de la jurisprudence que cette possibilité d’action lui soit ouverte.

Hormis ces personnages proches de l’entreprise et du salarié, un tiers totalement

extérieur à la relation de travail peut-il agir en nullité du contrat y afférant ?

112 Art. L.236-2 du Code du travail.113 Cass. soc. 1er mars 1994, D.1994, JP, p.577, note C.ROY-LOUSTAUNAU.

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Lorsque l’objet et la cause de l’engagement présente un caractère illicite ou immoral ou

lorsqu’une règle d’ordre public de direction est violée, la nullité est dite absolue114. Dès

lors, tout tiers ayant intérêt au prononcé de la nullité d’un contrat de travail revêtant un

caractère illicite, immoral ou violant une disposition d’ordre public est fondé à agir devant

le Conseil de prud’hommes. Ces causes de nullité bien que rares se sont d’ailleurs déjà

présentées en jurisprudence115.

Les personnages secondaires de l’action en nullité du contrat de travail semblent

disposer d’intérêts moindres à ceux du salarié et de l’employeur. En effet, quoi de plus

normal puisque ce contrat est avant tout un contrat conclu intuitu personae. Hormis donc,

le rôle du juge prud’homal en la matière, peu d’acteurs secondaires comme celui-ci ont

vocation à s’intéresser au prononcé de cette sanction sauf les hypothèses précédemment

énumérées. Dès lors, seule l’intervention du juge mérite notre intention et les autres acteurs

n’ont en l’espèce d’intérêt que s’ils contribuent à l’amélioration de la protection d’un

groupe de salariés pris dans leur ensemble car victimes du même préjudice au sein de leur

contrat de travail dans la relation les liant avec leur employeur.

114 Droit des obligations, responsabilité civile, contrat, DELBECQUE (PH.) et PANSIER (F.-J.), op. cit., p.99.115 On peut citer pour exemple : cass. soc. 8 janvier 1964 Demoiselle Monge c/Veuve Minart, BC IV n°25 ;Dr. Soc. 1964, p.578 (cause immorale du contrat de travail) ; cass. soc. 4 octobre 1979 Garcia c/DameSeignolle, BC V n°680 ; D.1980, IR, obs. GHESTIN (cause immorale dans le maintien de relation adultèresentre les parties, preuve apportée par l’existence d’une clause exorbitante et inhabituelle du contrat nereprésentant pas la contrepartie de la prestation de travail et de la compétence professionnelle du salarié).

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La nullité du contrat de travail ne s’arrête pas à un triptyque mettant en

relation le salarié et l’employeur, demandeur et défendeur à l’action, et le juge prud’homal.

En effet, d’autres personnages de moindre importance ont vocation à intervenir en ce

domaine même si la jurisprudence ne fait écho d’aucun exemple en la matière. Pourtant,

leur rôle n’est pas à négliger puisque ces personnages ont en général vocation à protéger un

ensemble d’intérêts particuliers ou même collectifs et donc, par suite, à aller au-delà de

l’hypothèse réductrice de la nullité d’un contrat.

Cependant, c’est le plus souvent au salarié et à l’employeur que reviennent les clefs de

l’action en nullité, le juge ne faisant que prononcer celle-ci.

Or, ne peut-on pas dès à présent mettre en évidence le rôle attendu de protecteur des

intérêts du salarié de la part des juges du fond ? Certes, le salarié apparaît dès la conclusion

de son contrat de travail comme la partie faible à la relation s’établissant avec l’employeur

du fait du lien de subordination le liant à celui-ci. Cependant, c’est notamment lors de la

remise en cause de la validité de ce contrat, généralement après que celui-ci ait été rompu,

que le juge prud’homal prenant exemple sur ses confères (on peut citer la volonté des

juridictions de droit commun de protéger les consommateurs face aux professionnels de la

distribution) va élaborer une sorte de "stratégie" de protection des intérêts du salarié. Cette

dernière prend alors diverses formes : on a vu déjà ci-dessus la volonté de réserver

certaines actions au seul salarié au détriment de son cocontractant. Or, cette protection de

la partie faible au contrat de travail ne s’arrête pas à l’introduction de l’action en nullité. En

effet, celle-ci prend également forme au moment de l’appréciation par les juges du fond de

la cause de nullité invoquée.

Dès lors, c’est à une grande et parfois surprenante variabilité des causes de nullité

du contrat de travail qu’il faut conclure. Mais le juge prud’homal ne resterait-il pas dans

cette hypothèse dans la « tradition » des juridictions du fond consacrant la nullité d’un

contrat lorsque celle-ci apparaît réellement opportune et soucieuse des intérêts des parties

au contrat, ou tout au moins du sort de l’une d’entre elles ?

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SECTION 2 : LA VARIABILITE DES CAUSES DE NULLITE DU CONTRAT DE TRAVAIL.

Pourquoi parler ici de « variabilité » dans la prise en considération des

causes de nullité du contrat de travail ? En fait, ce terme permet de recouvrir deux idées

principales :

La première met en cause la multitude de causes de nullité pouvant exister en matière de

contrat de travail. En effet, outre les causes disons, classiques de nullité rencontrées à

l’occasion de n’importe quel type de contrat, le contrat de travail connaît d’autres types de

nullité ce d’autant qu’une relation de travail ne se traduit pas uniquement par la conclusion

d’un contrat à durée indéterminée mais peut prendre également de nombreuses autres

formes. Dès lors, la cause de nullité qui est invoquée par le demandeur à l’action prend

place dans un ensemble beaucoup plus vaste constituée d’autres causes d’annulation de la

convention de travail et on doit donc constater la grande variété existant en la matière

(Paragraphe 1).

La seconde idée rend compte quant à elle de la variation dans l’appréciation de ces causes

de nullité opérée par les juges du fond. Ainsi, ces derniers démontrent une volonté de

protéger les intérêts du salarié dont la validité du contrat est remise en cause. Cette

protection va alors se traduire par une appréciation in concreto des faits de chaque espèce,

une prise en compte des causes de nullité en faveur du salarié ainsi que par le prononcé de

mesures adaptées au particularisme de la nullité du contrat de travail (2ème Partie). Le

caractère variable de l’appréciation des causes de nullité ne se fera donc que dans un sens

favorable voire très favorable à ce salarié (Paragraphe 2).

Dès lors, il s’agira de s’interroger ici sur la vague « protectionniste » opérée par la

jurisprudence en matière sociale en faveur des salariés. Cette volonté d’amélioration de la

position d’une des parties contractantes ne se situe-t-elle pas dans un plus vaste courant

touchant l’ensemble des juridictions et dont l’objet est de rééquilibrer les relations

contractuelles, équilibre faisant défaut au jour de sa conclusion voire même de son

exécution ?

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§1 : La variété des causes de nullité.

Le contrat de travail obéit à des conditions de validité dépendantes en

premier lieu du droit commun des contrats c’est à dire des dispositions prévues aux articles

1108 et suivants du Code civil. Dès lors, leur violation par l’une au moins des parties au

contrat constitue une cause de nullité de ce dernier. Il est donc indispensable d’étudier en

matière de nullité du contrat de travail, les causes inhérentes au droit commun des contrats

(A). Or, on constate en la matière une prédominance de l’invocation de causes de nullité

inhérentes à la personne même des contractants surtout en ce qui concerne les qualités

supposées du salarié. Par ailleurs, il faut souligner que c’est surtout dans les domaines du

dol et de l’erreur fondés sur les qualités de la personne du cocontractant que ressurgissent

depuis quelques années des actions en nullité devant les Conseils de Prud’hommes.

En effet, ces juridictions ont plus pour habitude de connaître de causes ayant trait au

droit du travail plutôt qu’au seul droit commun des contrats (B). Celles-ci touchent ainsi au

particularisme de la relation de travail et envisagent plus précisément la nullité partielle du

contrat dans le but de sauvegarder la relation de travail, lorsque celle-ci existe toujours au

jour de l’instance ou de préserver au mieux les intérêts financiers du salarié, lorsque le

contrat a déjà été rompu par l’un des contractants. C’est pourquoi, le plus souvent, seule la

clause litigieuse sera annulée ou parfois celle-ci sera réduite dans son montant ou son

champ d’application voire même substituée par une clause licite.

Dès lors, les causes de nullité inhérentes au droit du travail apparaissent en pratique

beaucoup plus malléables et protectrices et c’est dans cette voie que sembleraient aller les

autres causes de nullité cette fois-ci inhérentes au droit commun des contrats.

A. Les causes inhérentes au droit commun des contrats.

Il faut garder à l’esprit ici l’idée selon laquelle ces causes de nullité bien

qu’inhérentes au droit commun des contrats vont être susceptibles d’une interprétation et

d’une application différentes par le juge prud’homal. En effet, placé sous l’autorité de la

chambre sociale de la Cour de cassation, celui-ci ne dépend pas des éventuelles

interprétations jurisprudentielles ayant lieu au sein des chambres civiles de cette même

cour. Dès lors, la chambre sociale elle-même va pouvoir adopter sa propre "doctrine" en la

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matière constatant l’inégalité concrète des contractants bien qu’une égalité abstraite de

ceux-ci semble consacrée116.

Bien que le contrat de travail puisse « mais le cas se présente moins fréquemment, être

déclaré nul par application des règles de droit commun relatives à l’objet du contrat, à la

capacité des parties et à la validité de leur consentement »117, ces causes de nullité méritent

notre attention. Voyons tout d’abord les règles relatives à la capacité, l’objet et la cause du

contrat de travail, ces dernières se présentant dans de très rares hypothèses au juge

prud’homal (1). En effet, il faudra s’intéresser plus longuement à celles concernant le

consentement des parties au contrat, ces dispositions connaissant en matière de relation de

travail un plus vif intérêt de la part des demandeurs à l’action devant le juge prud’homal

(2).

1. Les règles relatives à la capacité, l’objet et la cause du contrat.

Le contrat de travail est soumis au droit commun des contrats (article L.121-1 du

Code du travail). Il doit être conforme à l’ordre public et aux bonnes mœurs (article 6 du

Code civil) et selon l’article 1108 du Code civil, quatre conditions sont essentielles pour la

validité d’une telle convention. Outre celle relative au consentement de la partie qui

s’oblige (2), les autres conditions visent la capacité à contracter, l’objet de l’engagement et

la cause licite de l’obligation.

Les règles relatives à la capacité des parties contractantes, tout d’abord, se situent

aux articles 1123 et suivants du Code civil. Elles supposent que toute personne peut

contracter si elle n’est pas déclarée incapable par la loi. Dès lors, sont incapables de

contracter, selon l’article 1124, les mineurs non émancipés et les majeurs protégés par

l’article 488 du Code civil. A défaut de représentation dans les actes conduisant à

l’insertion dans un emploi118, l’incapable ne peut donc pas consentir un contrat de travail,

un tel engagement serait nul d’une nullité absolue.

En ce qui concerne l’objet de l’engagement, ensuite, celui-ci doit être certain et,

évidemment, conforme aux dispositions des articles 1129 et suivants du Code civil.

Tout manquement à ces dispositions est passible de la nullité du contrat de travail comme

ce serait le cas également pour tout autre contrat. Cependant, il faut constater qu’en

116 Le contrat de travail : modèle ou anti-modèle du droit civil des contrats ?, VERKINDT (P.-Y.), op. cit.117 QUETANT (G.-P.) et VILLEBRUN (J.), op. cit., n°347.118 Voir l’article de J.HAUSER, Incapacité juridique et emploi, Dr. Soc. 1991, pp.553-562.

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pratique cette sanction n’est pas prononcée en ce qui concerne la capacité des parties et

l’objet du contrat. Est-ce le cas en ce qui concerne la cause inhérente au contrat ?

La cause est une notion peu employée par la jurisprudence de la chambre sociale de

la Cour de cassation en matière de nullité du contrat. En effet, il faut revenir ici sur une

vieille jurisprudence ayant cours en la matière même si celle-ci pourrait s’avérer encore

aujourd’hui d’actualité. Selon l’article 1131 du Code civil, « l’obligation sans cause, ou sur

une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ». Or, c’est sur le

fondement de la cause illicite et même immorale que la jurisprudence a eu l’occasion de se

prononcer à propos de la nullité du contrat de travail119. Mais que faut-il entendre par cause

illicite ? L’article 1133 du Code civil nous fournit la réponse puisque celui-ci dispose que

« la cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes

mœurs ou à l’ordre public ». Il convient alors d’entendre bonnes mœurs comme « les

règles imposées par la morale en un temps donné »120

C’est pourquoi la Cour de cassation dans une espèce du 8 janvier 1964 a prononcé la

nullité du contrat de travail d’une femme de ménage employée dans une maison de

tolérance121. En effet, si l’objet de la prestation fournie n’était pas en soi illicite ni même

immoral, ce contrat tendait à favoriser l’exploitation de la maison et dès lors, sa cause

« était illicite et contraire aux bonnes mœurs »122 en application des articles 1131 et 1133

du Code civil.

Un autre exemple, celui de l’arrêt rendu le 4 octobre 1979123, marque également la volonté

de la chambre sociale de parer toute hypothèse de cause immorale d’un contrat de travail.

En effet, en l’espèce, la cour de cassation confirme la position des juges du fond ayant

prononcé la nullité du contrat de travail car la cause déterminante de celui-ci « était le

maintien de relations adultères des parties »124, relations établies par preuves et soumises à

l’appréciation souveraine des juges du fond. Dès lors, le contrat reposant sur cette cause

illicite et immorale est déclaré nul.

119 Cass. soc. 8 janvier 1964 Demoiselle Monge c/Veuve Minart, BC IV n°25 ; Dr. Soc. 1964 p.578 et cass.soc. 4 octobre 1979 Garcia c/Dame Seignolle, BC V n°680 ; D.1980, IR, p.267, obs. GHESTIN.120 Dictionnaire de droit privé, C. PUIGELIER, op. cit. et Termes juridiques, Dalloz-Sirey, Lexiques, op. cit.121 Cass. soc 8 janvier 1964, précit.122 Idem.123 Cass. 4 octobre 1979, préc.124 Idem.

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On le voit donc les exemples de jurisprudence en matière de capacité, d’objet et de

cause du contrat de travail sont rares voire même insolites. Pourtant, il ne faut pas oublier

que ces éléments conditionnent la validité de tout contrat y compris celle du contrat de

travail. Dès lors, la jurisprudence de la chambre sociale aura peut-être à connaître d’une

espèce en ces matières.

Différente doit être cependant l’approche en ce qui concerne le consentement des parties

au contrat. En effet, l’erreur et le dol sont plus fréquemment invoqués à l’appui d’une

demande en nullité du contrat de travail. Ce contrat étant avant tout une convention

conclue intuitu personae surtout en ce qui concerne l’employeur souhaitant embaucher le

candidat le plus apte au poste proposé, ces causes de nullité y afférentes connaissent

aujourd’hui un réel succès devant les Conseils prud’homaux. Cependant, certains vices du

consentement ne semblent pas connaître ce vif intérêt. On citera pour exemple le vice de

violence ; on se réjouira tout même de son absence d’invocation car elle dénote les

relations plutôt cordiales qui ont cours de nos jours entre salarié et employeur.

2. Les règles relatives au consentement des parties au contrat.

« Les ouvrages de droit du travail n’accordent le plus souvent qu’un regard distrait

à la théorie des vices du consentement dans le contrat de travail125. Il est vrai que, de

manière traditionnelle, cette théorie occupe une place plutôt marginale dans le contentieux

social »126. Telle est la position en la matière de monsieur MOULY. Cependant, ce dernier

concède immédiatement que « les employeurs cherchent de plus en plus à se libérer du

contrat en invoquant sa nullité, pour ne pas avoir à respecter le droit-contraignant du

licenciement »127. De même, on l’a vu, le salarié peut avoir intérêt au prononcé de la nullité

du contrat le liant à l’employeur.

Prenons l’hypothèse d’un vice prenant la forme d’une violence exercée contre le

salarié. Il y aura violation des articles 1111 et suivants du Code civil, et dès lors nullité du

contrat de travail, en cas de « contrainte physique ou morale (…) illégitime exercée sur

une personne afin de la déterminer à contracter »128. Puisqu’on invoquait plus haut la

volonté de protéger les intérêts financiers du salarié de part les tribunaux et les textes

125 Cf. cependant, COUTURIER (G.), Droit du travail, 2ème éd., t.1, n°71.126 MOULY (J.), note sous cass. soc. 30 mars 1999 Madame Poupardin, épouse Minaud c/SA Elsydel, arrêtn°1499P, JCP G 1999, II, 10195 et JCP E 2000, II, pp.1236-1240.127 Idem.128 VERKINDT (P.-Y.), La nullité du contrat de travail, Droit du Travail et de la Sécurité Sociale 1994, pp.1-2.

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législatifs, on peut se poser légitimement se poser ici la question de savoir si l’état de

nécessité dans lequel peut se trouver le salarié est susceptible ou non de constituer un acte

de violence. Or, il apparaît que rares sont les décisions de la chambre sociale de la Cour de

cassation ayant admis l’annulation d’un contrat de travail conclu sous l’influence d’un

besoin pressant d’argent sauf à constater dans une telle hypothèse l’acceptation de

« clauses draconiennes pour le salarié » 129. Dès lors, l’exploitation d’un état de nécessité

par l’employeur ne saurait pas sanctionnable par la nullité, ce dernier n’ayant pas « abusé

de la situation » comme la jurisprudence a déjà pu le constater130.

Dès lors, le constat opéré par messieurs LYON-CAEN, PELISSIER et SUPIOT, traduit bien la

position de la jurisprudence en matière de nullité pour violence à l’égard de l’un des

contractants. En effet, selon ces auteurs, « la Cour de cassation considère qu’il ne saurait y

avoir violence morale, cause de nullité, quand les circonstances et la nécessité d’assurer sa

subsistance font accepter des conditions draconiennes au travail. Il en va différemment

quand l’employeur, abusant de son autorité, exerce lui-même une pression personnelle sur

le travailleur… »131. Cependant, il faut admettre que la jurisprudence n’est pas tout à fait

hostile à considérer l’état de dépendance économique comme une forme de violence à

l’exemple d’un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 30

mai 2000132.

Les hypothèses rencontrées en jurisprudence concernant une violence que subirait le

salarié de la part de l’employeur couvrent dès lors, au vue de certaines espèces, l’exécution

du contrat de travail, ce vice étant invoqué au moment de la rupture du contrat133. « La

considération de la violence, lorsqu’elle est retenue, ne conduit pas à restaurer la relation

de travail mais permet d’imputer à l’employeur la responsabilité de sa rupture134 »135.

S’agissant de l’erreur et du dol, ces vices du consentement connaissent aujourd’hui

un plus vif intérêt de la part des personnes susceptibles d’invoquer devant le juge

prud’homal la nullité du contrat de travail.

129 Cass. soc. 5 juillet 1965, BC IV n°545 ; RTD Civ 1966, p.283, obs. J.CHEVALLIER.130 Cf. pour exemple : cass. 1ère civ. 24 mai 1989, BC I n°212.131 LYON-CAEN (G.), PELISSIER (J.) et SUPIOT (A.), Droit du travail, Dalloz-Sirey, collection Précis, 19ème

éd., 1998, n°272.132 Cass. 1ère civ. 30 mai 2000, D.2000, IR, p.180.133 Cass. soc. 30 octobre 1973, BC V n°541 et cass. soc. 4 juillet 1974, BC V n°418.134 Cass. soc. 13 novembre 1986, BC V n°520 et cass. soc. 4 juin 1987, BC V n°355.135 G.LOISEAU, L’application de la théorie des vices du consentement au contrat de travail, op. cit., note 14,p.583.

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Selon monsieur LOISEAU, « quoique le droit français n’admette qu’exceptionnellement que

le consentement puisse être vicié au regard de la personne du contractant136, un tel vice est

susceptible d’affecter la conclusion du contrat de travail. Le caractère intuitu personae de

celui-ci semble l’y prédisposer ; mais il faut encore distinguer suivant que la personne

considérée est celle de l’employeur ou celle du salarié »137. Or, c’est l’employeur qui

invoquera le plus souvent ces causes de nullité du contrat. En effet, la considération de la

personne de l’employeur importe peu au salarié pour qui les éléments les plus importants à

la relation de travail concernent la rémunération et les conditions de travail138.

Selon l’article 1109 du Code civil, le consentement n’est pas valable lorsqu’il est

donné par erreur. Cette erreur peut porter sur la personne du contractant, le salarié, mais

encore faut-il que la considération de la personne ait été déterminante du consentement de

l’employeur139. Cette cause de nullité est rarement invoquée lorsque l’erreur porte sur

l’identité physique ou l’identité civile. Dans cette hypothèse, les juges écartent la nullité

considérant que l’identité du salarié n’a pas pris place dans le consentement de

l’employeur140. « En fait, lorsque l’employeur se trompe ou est trompé (hypothèse du dol),

c’est plutôt sur certaines qualités du salarié »141.

Dès lors, il ne faut pas opérer de distinction entre erreur et dol en matière de nullité du

contrat de travail, ces deux notions ayant tendance d’ailleurs à se confondre lorsqu’est

invoqué un vice touchant la validité du contrat. Bien que différentes, ces deux notions

semblent plus intéressantes à étudier, en la matière, sous l’angle des qualités ou des

omissions réellement sanctionnables par la nullité du contrat de travail.

Précisons tout d’abord que l’erreur qui serait invoquée par l’employeur ne peut être retenue

comme cause de nullité que si cette dernière apparaît excusable. Ainsi, ne saurait invoquer

cette cause de nullité l’employeur qui n’a pas utilisé tous les moyens mis légalement à sa

disposition pour connaître la situation véritable du salarié142. Commentant un arrêt de la

chambre sociale de la cour de cassation en date du 3 juillet 1990143, monsieur MOULY

constate que les juges reprochaient en l’espèce à l’employeur son « manque de curiosité »

s’agissant d’un candidat au poste de directeur général d’une société, l’employeur ayant ici

136 En ce sens, article 1110 alinéa 2 du Code civil.137 G.LOISEAU, précit., p.587.138 Cf. cependant, TGI Paris 17 novembre 1967, D.1968, p.407, note G.LYON-CAEN.139 Cass. soc. 23 janvier 1992 SARL Oreda, BC V n°47 ; RJS 1992 n°240.140 Cass. req. 17 janvier 1911, S 1912, I, 518.141 G.LOISEAU, précit., p.588.142 Cass. soc. 3 juillet 1990 Racy c/ Société Cart Expert France et a., BC V n°329 ; RJS 1990 n°753 ; D.1991,p.507, note J.MOULY.143 J.MOULY, note sous cass. soc. 3 juillet 1990, D.1991, p.507.

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pêché par son manque d’indiscrétion. Dès lors, il souligne que « la déloyauté du salarié se

trouve effacée par la négligence coupable de l’employeur ».

Cela signifie-t-il pour autant que l’employeur doit parer à toute éventualité et demander la

maximum d’informations à son futur salarié dans le but de ne pas se voir reprocher par la

suite ses propres erreurs dans le choix de ses subordonnés ? Il faut prendre en compte, à ce

stade de la réflexion, la Loi du 31 décembre 1992 « relative au recrutement et aux libertés

individuelles »144 ainsi que les dispositions de l’article L.122-45 du Code du travail. En

effet, le premier de ces textes n’autorise l’employeur qu’à demander au candidat à

l’embauche des informations présentant « un lien direct et nécessaire avec l’emploi

proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles ». Ainsi, selon monsieur

LOISEAU, « les qualités personnelles du salarié qui n’intéressent pas directement l’emploi

en cause, et ne peuvent donc être demandées ni prises en compte lors de l’embauche, sont

légalement indifférentes au consentement de l’employeur qui ne peut, de leur chef, se

prévaloir d’un vice »145. Dès lors, il convient de distinguer les qualités sans lien avec la

prestation de travail et celles se rapportant à l’emploi proposé.

En ce qui concerne les qualités sans lien avec la prestation, ces dernières ne peuvent

entraîner la nullité du contrat. Le Code du travail dispose de plusieurs articles146

énumérant les qualités dont l’employeur n’est pas en droit de les prendre en considération

lors de la conclusion du contrat de travail et a fortiori lors d’une procédure en nullité dudit

contrat au cours de laquelle il évoquerait l’erreur ou le dol. Ainsi, nombreux sont les

exemples de jurisprudence où, de façon générale, les qualités personnelles du salarié ne

constituent pas un motif de nullité ou de licenciement quand bien même le salarié aurait

provoqué, au vue des faits présentés, l’erreur de l’employeur147.

En ce qui concerne les qualités se rapportant à l’emploi proposé, la logique est l’opposé de

la précédente. En effet, l’employeur doit pouvoir invoquer un vice du consentement dont il

serait victime et qui se rapporte aux qualités du salarié, qualités nécessaires pour la bonne

exécution de la prestation de travail. Il est donc nécessaire d’établir un rapport immédiat

entre les qualités requises et la prestation de travail demandée. Or, la jurisprudence semble

exiger que la qualité absente ou indésirable soit réellement de nature à affecter l’exécution

144 insérée dans le Code du travail notamment à l’article L.121-6.145 G.LOISEAU, précit., pp.588-589.146 Art. L.122-45 ayant trait aux discriminations et l’article L.122-25 sur l’état de grossesse.147 Par exemple, cass. soc. 17 octobre 1973, JCP 1974, II, 17698, note Y.SAINT-JOURS (salarié n’ayant pasrévélé sa qualité de prêtre) et cass. soc. 25 avril 1990 L’ARBRE, BC V n°186 ; D.1991, p.507 , noteJ.MOULY ; JCP G 1990, IV, p.233 (silence gardé par le salarié sur son passé pénal).

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de la prestation de travail du salarié148. On citera par exemple la disponibilité du salarié (la

nullité est alors encourue en l’absence d’informations données à l’employeur à ce propos

notamment en présence d’une clause de non-concurrence) et les qualités professionnelles

faisant défaut (absence de compétences effectives pour exercer l’emploi dont la

formation149 et expérience professionnelle150).

Toutefois, « si l’employeur a ainsi le pouvoir et le devoir de se renseigner sur la personne

de celui qu’il recrute, le salarié n’est pas tenu réciproquement à son égard d’une obligation

d’information ». C’est pourquoi en matière de dol de la part du salarié, on a pu parler d’

« exclusion progressive du dol »151 par les tribunaux, d’ « interprétation "travailliste" de

l’article 1116 du Code civil »152 et de « droit au mensonge »153(Paragraphe 2).

Après l’étude de ces conditions de validité du contrat de travail, il faut donc

constater que celles-ci sont similaires au droit commun des contrats. En effet, leur violation

entraîne de facto la nullité du contrat et sont prises en compte de manière plus ou moins

semblable aux juridictions civiles. Cependant, il faut ajouter certaines conditions

inhérentes au droit social. On l’a vu précédemment, certaines informations n’ont pas à être

fournies par le salarié à l’employeur ce, même dans l’hypothèse où ce dernier ne se

renseigne pas sur le sujet qui l’intéresse.

Pourtant, il faut ajouter à ces causes de nullité d’autres causes spécifiques à la validité du

contrat de travail. C’est d’ailleurs à ce stade de la réflexion qu’interviennent notamment

les règles en matière de formation de ce contrat. L’étude de ces conditions a alors pour but

de rendre compte du caractère particulier de la validité du contrat de travail et donc, a

fortiori, de l’action en nullité de ce contrat.

148 G.LOISEAU, op. cit., p.591.149 Cass. soc. 17 octobre 1995 Simon c/Société Debroise-Filliol et a., arrêt n°3790D, JCP E 1996 n°543, noteO.RAULT ; cass. soc. 30 mars 1999, arrêt n°1499P, JCP G 1999, II, 10195 et JCP E 2000, II, pp.1236-1240,note J.MOULY ; D.2000, somm. comm., p.13, chr. I.OMARJEE (informations inexactes sur les diplômes).150 Cass. soc. 16 février 1999 Mademoiselle Bentenat c/Insitut Interprofessionnel de formation pourl’industrie et le commerce, arrêt n°853P, Dr. Soc. 1999, pp.396-397 ; D.2000, pp.97-100, note AUBERTMONTPEYSSE (T.) (mention d’un emploi figurant sur le CV alors que simple stage).151 J.MOULY, note sous cass. soc. 30 mars 1999, JCP G 1999, II, 10195 et JCP E 2000, II, pp.1236-1240.152 Idem.153 I.OMARJEE, Le dol à l’épreuve du contrat de travail, D.2000, somm. comm., p.13 ; voir également, cass.soc. 5 octobre 1994, Les Petites Affiches du 23 août 1995, n°101, p.16, note ADOM (K.) (CV et lettred’embauche écrits de la main de l’épouse du candidat).

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B. Les causes spécifiques au droit du travail.

Le droit social est un droit spécifique en matière de relation contractuelle. La

preuve en est lorsqu’on observe les conditions de forme que doit revêtir le contrat à durée

indéterminée, contrat de travail de droit commun car il est en effet le plus utilisé encore de

nos jours malgré la concurrence d’autres types de contrat. Ainsi, le Code du travail dans

son article L.121-1 autorise les parties à conclure un CDI dans les formes qui leur

conviennent154.

Cependant, les règles relatives au formalisme du contrat de travail ne sont pas totalement

absentes du Code du travail. En effet, le CDI peut très bien faire l’objet d’un écrit de même

que les autres formes de contrat de travail possibles.

De plus, le contrat de travail sera également soumis à certaines conditions spécifiques de

validité tenant à la personne même de l’un des contractants à savoir le salarié.

Dès lors, la violation de l’ensemble de celles-ci permet le prononcé de la nullité de

l’ensemble du contrat (1).

Or, il faut ne pas oublier que le droit du travail s’est donné pour but de rééquilibrer les

parties au contrat de travail dans le souci de mieux protéger la situation du salarié,

subordonné à son l’employeur. Dès lors, le droit du travail a multiplié les conditions de

validité inhérentes à certaines clauses du contrat de travail, leur violation n’entraînant le

plus souvent que le prononcé de la nullité de celles-ci (2).

1. La remise en cause de la validité du contrat de travail.

Deux points méritent ici notre attention : le formalisme lié aux différents types de

contrat de travail et le cas particulier de l’emploi de certaines personnes.

Lorsque le contrat de travail à durée indéterminée fait l’objet d’un écrit (celui-ci

pouvant être conclu dans les formes adoptées par les parties), celui-ci doit obéir à certaines

règles figurant à l’article L.121-1 du Code du travail. Dès lors, ce CDI ne semble être

soumis qu’à une exigence de forme bien précise, la langue employée dans le contrat. En

effet, selon l’article L.121-1 alinéa 2 du Code du travail issu de la Loi du 4 août 1994155,

« le contrat de travail constaté par écrit est rédigé en français ». Quelle sanction envisagée

154 Cf . : Le formalisme dans le contrat de travail, BRUNIAU (F.), mémoire de DEA droit social sous ladirection de monsieur Bossu, Faculté de droit de Lille 2, 1998-1999.155 L. n°94-665 du 4 août 1994, article 8.

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en cas de violation de cette disposition ? L’article L.121-1 in fine propose une solution : «

l’employeur ne pourra se prévaloir à l’encontre du salarié auquel elles feraient grief des

clauses d’un contrat de travail conclu en violation du présent article ». Est-ce à dire que le

contrat de travail rédigé en langue étrangère peut être déclaré nul ? Il est vrai que la

sanction des conditions de formation du contrat est, en principe, la nullité156. Cependant, au

regard du droit du travail, les exigences de forme sont requises ad probationem, non ad

solemnitatem157. Dès lors, la nullité ne semble pas dans une telle hypothèse pouvoir être

retenue. Par ailleurs, selon un arrêt de la chambre sociale en date du 19 mars 1986, le

salarié ne pourra obtenir que « la délivrance d’un contrat conforme aux exigences de ce

texte (l’article L.121-1) »158. De même, dans un arrêt de la cour d’appel de Dijon en date

du 24 février 1993, les juges du fond, par une appréciation in concreto des faits de l’espèce

ont refusé de déclarer nul un contrat de travail pourtant rédigé en langue allemande alors

que celui-ci devait être rédigé en langue française, la France étant le lieu d’exécution de la

prestation de travail du salarié (le salarié, en effet, maîtrisait l’allemand et n’avait pas

demandé la délivrance d’un contrat rédigé en français)159.

Dès lors, le formalisme du CDI ne semble pas devoir entraîner l’annulation du contrat.

Pourtant, peut-on envisager de manière générale, un recours en annulation du contrat de

travail pour vice de forme ? La question mérite ici d’être posée car la Directive CEE du 14

octobre 1991 prévoit une obligation d’information du travailleur par rapport aux conditions

de son contrat160. Or, les voies choisies par le droit français (déclaration d’embauche,

bulletin de paie) ne semblent pas être suffisantes. C’est pourquoi monsieur RODIERE

considère qu’ « si l’imprécision est importante et que l’obligation du salarié reste

insuffisamment déterminée, on glisse vers une indétermination de l’objet, condamnée par

l’article 1129 du Code civil »161. Pourquoi dès lors ne pas envisager l’obligation pour les

parties de rédiger le CDI, cet écrit pouvant alors faire l’objet d’une action, notamment en

nullité, en cas de litige ? Celle-ci constituerait, selon certaines auteurs, « une nouvelle

étape dans le développement du formalisme comme instrument d’amélioration de la

156 R.CABRILLAC, Droit des obligations, Dalloz-Sirey, coll. Cours, série droit privé, 3ème éd., 1998, Paris,n°101.157 Le formalisme dans le contrat de travail, BRUNIAU (F.), op. cit., p.75.158 Cass. soc. 19 mars 1986, D.1987, JP, p.359.159 CA Dijon 24 février 1993 Clemessy c/SARL Faber et a., RJS 1993 n°819.160 Directive CEE 91/533 du 14 octobre 1991, JOCE 91/533 L.288 p.32.161 P.RODIERE, conclusion du colloque Le droit communautaire dans la pratique quotidienne du droit social,colloque organisé par la Commission de Droit Social du Syndicat des Avocats de France du 6 décembre1999, Dr. Ouvrier Mars 2000.

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situation du salarié »162. Il ne semble toutefois pas possible, pour des raisons liées à la

pratique et aux usages, de remettre en cause le principe de liberté des parties au contrat de

travail dans le choix de la forme du CDI.

Tout autre est cependant, le formalisme imposé lorsqu’il s’agit de contrats autres que le

CDI. En effet, la logique est inverse, l’écrit obligatoire. Ainsi, l’écrit s’impose pour le

contrat entre l’entrepreneur de travail temporaire et le salarié mis à la disposition d’un

utilisateur163, le contrat de travail à temps partiel164, le contrat d’apprentissage165 et le

contrat à durée déterminée166ce dernier étant le plus courant. On ajoutera, pour exemple,

certains contrats particuliers tels le contrat d’engagement d’un marin167, le contrat de

travail aérien168, le contrat de travail du médecin du travail169 et celui de l’avocat salarié170.

Quelles sanctions sont alors envisageables en cas de violation de ce formalisme ? Tout

dépend en fait des finalités du formalisme : formalisme informatif pour le salarié ou

contrôle du respect de la législation du travail ou des règles professionnelles. Dans le

premier cas, c’est généralement la sanction de la requalification du contrat en CDI qui sera

prononcée tandis que dans le second, la nullité sera encourue.

Dès lors, le CDD fera l’objet non d’une nullité mais d’une requalification en contrat de

droit commun c’est à dire en CDI. En effet, « le contrat subsiste en soi, seule la

qualification au regard de la durée de l’engagement étant sujette à révision : de déterminée,

la durée devient indéterminée »171. De même, le contrat à temps partiel est susceptible de

requalification en contrat à temps complet172 voire en CDI en plus des sanctions pénales

possibles. Différente est la sanction en ce qui concerne la contrat d’apprentissage, la nullité

est ainsi encourue en l’absence d’écrit173ou même pour défaut de signature de l’apprenti

lors de la conclusion de ce contrat174 (ce dernier doit d’ailleurs en plus d’un écrit faire

l’objet d’un enregistrement auprès de l’administration chargée du contrôle de l’application

de la législation du travail et des lois sociales dans la branche d’activité à laquelle se

162 Y.CHAUVY, L’écrit en garantie de l’ordre public : son incidence sur la durée du contrat de travail,D.1996, JP, p.565.163 Art. L.124-4 du Code du travail.164 Art. L.212-4-3 du Code du travail.165 Art. L.117-12 du Code du travail.166 Art. L.122-3-1 du Code du travail.167 Art. L.10-1 du Code de travail maritime.168 Art. L.423-1 du Code de l’aviation.169 Art. R.241-30 du Code du travail et 83 du Code de déontologie de la médecine.170 Art. 137 du Décret du 27 novembre 1991.171 Y.CHAUVY, op. cit.172 Exemple : cass. soc. 24 octobre 1997, arrêt n°95-42.635, Juris-Hebdo n°7755 du 3 novembre 1997.173 Cf. cass. soc. 18 décembre 1961, BC II, n°629 ; cass. soc. 20 octobre 1965, D.1965, p.811 et cass. soc. 1er

avril 1992, D.1992, IR, p.153.

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rattache la formation prévue au contrat175). De même, le contrat de travail temporaire est

susceptible d’être déclaré nul en plus des sanctions pénales prévues par différentes

dispositions du Code du travail en la matière176.

On le voit donc la nullité n’est pas la sanction de principe en cas de violation des règles de

forme du contrat de travail quel qu’il soit. Dans les hypothèses précitées c’est davantage la

sanction de la requalification qui semble être préférée. Qu’en est–il dans les hypothèses

particulières de droit du travail prenant en compte la qualité de la personne du salarié ?

Deux hypothèses bien distinctes méritent un rapide commentaire : tout d’abord,

voyons celle où un contrat de travail est établi entre une société et un administrateur de

celle-ci. Ce contrat est nul au regard de l’(ex)article 107 de La loi du 24 juillet 1966 et

cette sanction s’explique par les difficultés liées au lien de subordination puisque ce salarié

cumulerait les fonctions de subordonné et de « donneur d’ordres » si l’on peut dire177.

C’est donc bien la qualité en matière professionnelle qui est la cause de la nullité.

Lorsque le contrat de travail concerne ensuite un travailleur étranger, la nullité du contrat

de travail peut être prononcée lorsque le salarié ne dispose pas de carte de travail

l’autorisant à exercer cet emploi178. Cette nullité est issue aujourd’hui de plusieurs textes

dont la Loi n°84-622 du 17 juillet 1994 et le Décret n°84-1079 du 4 décembre 1994 relatif

aux autorisations de travail délivrées aux travailleurs étrangers. Ici, c’est une qualité

personnelle du salarié qui sera prise en compte dans le prononcé de la nullité du contrat de

travail.

Les règles de forme spécifiques au droit du travail ne remettent pas en cause de

manière flagrante la validité de la relation de travail. En effet, même pour les contrats

autres que le CDI, la nullité n’est pas une sanction fréquemment utilisée. Ainsi, les textes

inhérents au CDD, contrat spécifique pourtant largement utilisé, envisagent la sanction du

défaut de contrat écrit comme une requalification du CDD en contrat de droit commun. Les

seules hypothèses prévoyant le prononcé d’une nullité sont notamment celles reposant sur

une prescription d’ordre public (la langue utilisée dans le contrat pour le CDI, la carte de

travail dont doit être titulaire le salarié étranger,…) ou prenant en compte les difficultés de

174 Cass. soc. 28 mars 1996, CSBP 1996 n°81-S.70 p.179.175 Cf. l’article L.177-14 du Code du travail.176 Cf. annexe n°3 et pour un exemple de jurisprudence : cass. soc. 7 novembre 1995 Divoux c/Société LesAssurances de crédit, JCP E 1996, II, 801, note PETIT (B.) et PICQ (M.).177 Cf. C.PUIGELIER, Le Président du Conseil d’Administration devenant salarié et vice versa, JCP E 1994,Etude n° 358, pp.245-250.178 Cass. soc. 1er avril 1968, BC V n°193 (emploi du salarié étranger dans un emploi différent de celuifigurant sur la carte de travail) ; cass. soc. 26 janvier 1983, BC V n°33 (salarié non titulaire d’une carte detravailleur étranger).

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validité d’un tel contrat (le contrat de travail de l’administrateur d’une société au sein de

celle-ci et ses difficultés pratiques). Dès lors, la nullité apparaît comme une sanction

exceptionnelle dans le droit du travail, celle-ci ne s’imposant que dans de rares hypothèses.

Par ailleurs, lorsque celle-ci est effectivement prononcée, elle se contente le plus souvent

de ne remettre en cause qu’une partie de ce contrat.

2. La remise en cause de la validité de certaines clauses.

La nullité de certaines clauses du contrat de travail sera prononcée lorsque celles-ci

apparaîtront excessives et/ou attentatoires aux droits et libertés des salariés.

Ainsi, diverses dispositions du Code du travail envisagent la sanction de la nullité en ce qui

concerne des mesures attentatoires à l’égalité professionnelle entre hommes et femmes et

qui pourraient figurer notamment dans le contrat de travail. On peut citer pour exemple

l’article L.123-2 qui dispose qu’ « aucune clause réservant le bénéfice d’une mesure

quelconque à un ou des salariés en considération du sexe ne peut, à peine de nullité, être

insérée dans (…) un contrat de travail, à moins que ladite clause n’ait pour objet

l’application des articles L.122-25 à L.122-27, L.122-32 ou L.224-1 à L.224-5 du présent

code ». Ces articles concernent alors la protection de la femme enceinte et les règles

protectrices de la maternité et de l’éducation des enfants. De même, la clause

discriminatoire à raison de la rémunération (inférieure à celle de travailleurs de l’autre

sexe) ne sera pas considérée comme valable. Cependant, l’article L.140-4 du Code du

travail prévoit dans cette dernière hypothèse non la sanction de la nullité de la clause mais

la substitution de la rémunération la plus élevée dont bénéficient les travailleurs de l’autre

sexe.

De même, certaines clauses ayant trait à la vie privée du salarié, sans lien direct avec

l’emploi occupé, seront annulables car contraires à l’ordre public179. Ainsi, en est-il par

exemple de la clause de célibat prévoyant qu’en cas de mariage, la personne sera

licenciée180sauf à l’employeur de prouver l’existence d’une raison grave, péremptoire,

impérieuse et évidente181.

179 On exclut dans cette hypothèse le cas particulier des entreprises de tendance lesquelles peuvent baser leurrecrutement sur l’existence d’un « projet d’entreprise » ou le développement d’une « culture d’entreprise ».Cf. G.LYON-CAEN, Les libertés publiques et l’emploi: Rapport au ministre du Travail, de l’Emploi et de laFormation Professionnelle, La Documentation française, coll. Rapports officiels, 1992, 169 p. 180 CA Paris 30 avril 1963, JCP 1963, II, 13205bis et cass. soc. 7 février 1968, BC V n°86.181 La vie extra-professionnelle du salarié et son incidence sur le contrat de travail, DESPAX (M.), JCP 1963,I, 1776.

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D’autres clauses peuvent quant à elles être annulées car elles se trouvent tout

simplement interdites dans leur principe par différents textes de droit social. Ainsi,

certaines clauses sont interdites telles la clause « couperet »182, la clause d’indexation des

salaires sur le SMIC et sur le coût de la vie183, la clause attributive de juridiction184 et la

clause compromissoire185.

D’autres encore peuvent être valables dans leur principe mais nulles lorsqu’elles

apparaissent excessives.

Dès lors, la clause de non-concurrence doit répondre à différentes conditions pour être

déclarée valable : celle-ci doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de

l’employeur (examen de l’emploi occupé par le salarié et de l’activité réelle de

l’entreprise186), le risque doit être constitué par la menace de la perte d’un savoir-faire ou

d’un détournement de clientèle187et la clause ne doit pas faire entrave à la liberté du travail

du salarié (la clause permettant au salarié l’exercice d’une activité conforme à sa

qualification et son niveau de compétences).

La clause de dédit-formation quant à elle est définie comme la clause prévoyant une

formation du salarié financée par l’employeur à condition que ce salarié reste au service de

celui-ci pendant une certaine durée. Dès lors, sa validité est soumise à plusieurs

conditions : la formation assurée par l’employeur doit avoir entraîné des frais réels au-delà

des dépenses imposées par la loi ou la convention collective, il doit y avoir

proportionnalité entre les dépenses engagées par l’employeur et l’obligation du salarié188.

Enfin, la clause ne doit pas avoir pour effet de priver le salarié de la faculté de

démissionner189.

. Les clauses susceptibles d’être annulées sont en fait relativement abondantes

(clause "couperet", clause d’indexation, clause attributive de juridiction et clause

compromissoire, clause d’engagement à vie, clause d’exclusivité, clauses relatives à la

rémunération, clause d’objectifs190 ou de quotas, clause de mobilité géographique, clause

182 Art. L.122-14-12 du Code du travail.183 Ordonnance du 30 décembre 1958.184 Art. L.121-3 du Code du travail.185 Art. L.511-1 du Code du travail.186 Cass. soc. 18 décembre 1997, arrêt n°4996PB, SA Pluri Public c/Antoine et a. in Clauses du contrat detravail, Légi social, Dossier D-280, mai 1998, pp.2-50.187 Cass. soc. 14 février 1995, arrêt n°739D Trécourt c/SA Puma, idem.188 Cass. soc. 17 juillet 1987, arrêt n°84-41.056, Carrier c/Société Fiduciaire juridique et fiscale de France inLes clauses du contrat de travail, Liaisons sociales n°12990 du 17 septembre 1999, pp.5-88.189 Pour exemple, cass. soc. 17 juillet 1991, arrêt n°2746D, Jourdan c/Société Fidal, BC V n°373.190 Pour un exemple de jurisprudence, voir cass. soc. 13 mars 2001, arrêt n°99-41.812, Grandel c/SociétéPouey international in Social Pratique n°342 du 10 avril 2001.

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de domicile,…)191. A cela s’ajoute l’ensemble des mentions obligatoires en matière de

contrats précaires (article L.122-3-1 du Code du travail pour les CDD et article 212-4-3 en

ce qui concerne le contrat à temps partiel). Dès lors, les conditions de validité de ces

clauses ont pour but essentiel soit le respect de prescriptions d’ordre public et des libertés

fondamentales, soit l’information du salarié. Ainsi, il faut conclure à une volonté

d’informer et de protéger le salarié, toujours considéré comme une partie faible au contrat

de travail.

Cependant, si certaines de ces clauses sont annulables, d’autres seront considérées comme

inexistantes. Elles pourront alors être substituées par des clauses conformes aux textes en

la matière ou réduites dans leur montant ou leur champ d’application.

L’étude de la validité des clauses du contrat de travail n’est pas aisée tant elle

apparaît complexe de part les différentes conditions entourant chacune de ces clauses. Dès

lors, chaque employeur mérite de prendre quelques précautions lors de la rédaction des

contrats de travail192. Ainsi, plus grande est encore la difficulté lorsqu’il s’agit

d’appréhender la nullité de ces clauses et les conditions dans lesquelles celle-ci s’impose

au juge prud’homal. Pourtant, une vue d’ensemble de ces clauses permet de constater que

là encore, le Code du travail n’a prévu la sanction de la nullité que dans des cas spécifiques

laissant le soin aux juges d’apprécier le plus souvent les faits de chaque espèce. A la

nullité, le législateur semble privilégier d’autres sanctions telles que la requalification.

De manière générale, les causes spécifiques au droit du travail en matière nullité

semblent bien moins fréquentes qu’en droit commun des contrats. En effet, soucieux de

« jouer » le protecteur des salariés, le législateur relayé en cela par les Conseils

prud’homaux a multiplié les causes de non validation des contrats de travail ou de leurs

clauses, si différents peuvent-ils être les uns des autres. Cependant, l’absence de validité de

ces derniers n’est pas cause de nullité généralement. Le plus souvent, en effet, c’est le

requalification du contrat ou la modification de la clause qui sera prononcée et même dans

l’hypothèse où la nullité sera encourue, celle-ci ne couvrira qu’une partie du contrat et non

sa totalité.

Dès lors, les conditions de validité issues du droit commun et du droit du travail étant

posées, quelle va être l’attitude des tribunaux la matière ? Ceux-ci apparaissent en effet

191 Pour une étude détaillée, voir Les clauses du contrat de travail, SIMONNEAU (M.) et DESPLAT (A.),Liaisons Sociales, numéro spécial, n°12990 du 17 septembre 1999, pp.5-88.

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volontairement très soucieux des intérêts du salarié à l’image du législateur. Or, les

hypothèses couvertes par la sanction de la nullité semblent déjà rares. Le juge prud’homal

aurait-t-il tendance à preuve d’encore plus de protectionnisme à l’égard de la situation

pécuniaire du salarié au point de faire de la nullité une sanction exceptionnelle en droit du

travail ?

192 Les précautions juridiques à l’embauche, COLBEAUX (J.), Liaisons Sociales mars 2001, Chroniquejuridique, pp.62-63.

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§2 : L’appréciation variable des causes de nullité.

L’appréciation des causes de nullité varie-t-elle lorsque le juge prud’homal est saisi

d’une action en nullité du contrat de travail ? Dès cet instant, la question a vocation à se

dédoubler : le juge prud’homal a-t-il la même attitude que les juges de droit commun en

matière de nullité d’un contrat ? Ce juge se prononce-t-il toujours en faveur de l’une des

parties au contrat, en l’occurrence le salarié ?

Le particularisme du contrat de travail est de mettre en relation deux personnes aux statuts

différents. L’employeur dispose d’un large pouvoir discrétionnaire dans le choix de ses

salariés tandis que ce dernier doit se plier aux directives de l’employeur pour pouvoir

obtenir sa rémunération. Ce déséquilibre incontournable à toute relation salariale subit de

ce fait la méfiance des tribunaux, ces derniers craignant pour la situation du salarié soumis

au « bon vouloir » de son employeur.

Dès lors, l’appréciation des causes de nullité de droit commun peut paraître

soumise à variation au point de considérer que l’interprétation de ces causes de nullité est

propre au droit du travail et à la relation de travail (A). Or, lorsqu’il s’agit d’invoquer une

cause de nullité propre au droit du travail, la tendance semble s’inversait et l’application de

la sanction de la nullité apparaît sans équivoque, le juge prud’homal disposant d’une marge

de manœuvre moindre en la matière (B). Cette ambivalence n’est donc pas de nature à

faciliter une approche globale du régime de la nullité du contrat de travail !

A. Une interprétation "travailliste"des causes de nullité de droit commun.

Selon messieurs QUETANT et VILLEBRUN, « la jurisprudence s’est efforcée

d’adoucir la rigueur des solutions qu’eût entraînée l’application des principes de droit

commun en matière de nullité des contrats »193. L’application des règles de droit commun

semblerait donc varier selon la juridiction saisie.

Dès lors, on assiste à une appréciation différente des causes de nullité en fonction de la

cause de nullité qui est invoquée devant le Conseil de prud’hommes (1). En effet, celle-ci

va davantage privilégier les conséquences pratiques qu’entraînerait la nullité du contrat de

travail sur la situation des parties plutôt que les éléments révélant l’existence d’un vice

dans le contrat. Mais l’appréciation des juges du fond prend encore toute son ampleur et

193 QUETANT (G.-P.) et VILLEBRUN (J.), op. cit., n°347.

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son originalité lorsqu’est prise en compte la qualité du demandeur à l’action en nullité, le

juge prud’homal préférant la poursuite de la relation de travail au prononcé de la nullité en

se prononçant le plus souvent en faveur du salarié (2).

Dès lors, l’interprétation des causes de nullité de droit commun acquiert en droit du travail

une originalité dont les autres juridictions ne semblent pouvoir se prévaloir.

1. La variabilité dans l’appréciation des causes de nullité.

En droit du travail, la nullité du contrat reposant sur les règles de droit commun,

notamment en matière de vices du consentement, est une arme efficace mise entre les

mains de l’employeur pour éviter le paiement de toute indemnité de rupture qui serait due

au salarié. Certains auteurs comme monsieur MOULY n’hésite pas à considérer, dès lors,

l’action en nullité comme « un moyen de contournement du droit de la rupture »194 et de

constater que, de ce fait, la Cour de cassation a mis en place une « politique d’endiguement

de cette théorie, et en particulier du dol, le vice le plus fréquemment invoqué par

l’employeur »195.

En effet, au moment de l’engagement, l’employeur a l’occasion de poser toutes les

questions ayant un lien « direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation

des aptitudes professionnelles »196 du futur salarié. Par ailleurs, celui-ci est tenu d’y

répondre de bonne foi197. A l’inverse, lorsque la question posée ne présente aucun lien avec

l’emploi proposé, le salarié n’est pas tenu d’y répondre198, il peut même mentir au vue de

la jurisprudence199. Dès lors, le constat de l’existence d’un dol de la part du salarié sera

difficilement admis en jurisprudence de même que l’erreur de l’employeur présentera le

plus souvent un caractère inexcusable200.

S’appuyant ainsi sur les notions de devoir de renseignement et d’obligation d’information,

les juges prud’homaux considèrent que le fait pour l’un des contractants, le plus souvent

194 Le dol du salarié. Vers une interprétation travailliste de l’article 1116 du Code civil, MOULY (J.), notesous cass. soc. 30 mars 1999, Madame Poupardin, épouse Minaud c/SA Elsydel, op. cit.195 Idem.196 Art. L.121-6 du Code du travail.197 Idem.198 Cass. soc. 25 avril 1990 L’ARBRE, BC V n°186 ; D.1991, note J.MOULY, p.507 ; JCP G 1990, IV, p.233.(le silence gardé par le salarié sur son passé pénal ne constitue pas une faute de la part de celui-ci dès lors quece fait est sans incidence par rapport à l’emploi proposé) et, pour un exemple plus ancien, cass. soc. 17octobre 1973 Société Fives-Lille-Cail c/David, JCP 1974, II, 17698 (salarié n’ayant pas mentionné sa qualitéde prêtre lors de l’embauche).199 I.OMARJEE, Le dol à l’épreuve du contrat de travail, op. cit.

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l’employeur, de pas s’être renseigné auprès de l’autre partie au contrat de travail constitue

une faute qui empêche celui-ci de se prévaloir d’un vice du consentement inhérent au

contrat201.

En ce qui concerne le salarié, selon monsieur LOISEAU, « si l’éventualité d’une

erreur ou d’un dol n’est pas à écarter, elle est en pratique assez modeste. Certaines règles,

d’ailleurs, contribuent à en prévenir le risque »202. On peut en effet citer pour exemple les

articles L.311-4 et suivants du Code du travail selon lesquels les offres d’emploi doivent

faire l’objet d’une publicité non-mensongère. Ainsi, lorsque l’offre d’emploi est faite par

voie de presse, celle-ci ne doit pas comporter, sous peine des sanctions pénales prévues à

l’article L.631-4, d’allégations fausses ou susceptibles d’induire en erreur, « notamment en

ce qui concerne l’existence, l’origine, la nature et la description de l’emploi offert, la

rémunération et les avantages proposés ainsi que le lieu de travail »203. Dès lors, le salarié

ne pourra pas se prévaloir d’une erreur ou d’un dol de la part de son employeur si ce

dernier a pris toutes les précautions nécessaires lors de la diffusion de l’offre d’emploi ou

même lors de l’entretien d’embauche (cette preuve du caractère objectif des éléments

donnés de la part l’employeur lors de l’entretien sont pourtant difficiles à prouver compte

tenu du caractère le plus souvent entièrement verbal de cet entretien d’embauche).

En matière de dol et d’erreur, vices du consentement de droit commun,

l’appréciation par les juges du fond ne semble pas être fondée uniquement sur les éléments

constitutifs de chaque vice. Prenant en compte les intérêts de chaque partie au contrat de

travail, le prononcé de la nullité va s’opérer au travers du prisme du lien de

subordination204. L’employeur dispose de différents moyens pour savoir si le salarié

répond aux conditions posées par le poste : questions au moment de l’entretien

d’embauche, contacts avec les anciens employeurs du salarié, période d’essai possible pour

savoir si le salarié a bien les compétences requises quant à l’emploi proposé,… De son

côté, le salarié n’a généralement pas vocation à s’intéresser à la personne même de

l’employeur205. Certes, si un vice atteignant son consentement peut être relevé, l’hypothèse

200 Cass. soc. 3 juillet 1990 Racy c/Société Cart Expert France et a., op. cit. (salarié ancien directeur d’unesociété mise en liquidation judiciaire).201 Cass. soc. 7 avril 1998, BC V n°205 : la Cour de cassation écarte l’erreur et le dol lors de la conclusiond’un contrat de retour à l’emploi avec une personne qui ne remplissait pas les conditions pour quel’employeur bénéficie d’une exonération des charges sociales au motif que ce dernier « avait la possibilité dese renseigner sur les conditions à remplir pour un contrat de retour à l’emploi et de ne pas faire travailler (lesalarié) tant qu’il n’avait pas obtenu les informations nécessaires ».202 G.LOISEAU, op. cit., p.582.203 Idem.204 Le contrat de travail : modèle ou anti-modèle du droit civil des contrats ?, VERKINDT (P.-Y.), op. cit.205 G.LOISEAU, op. cit., p.587.

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reste rare en pratique. En matière de violence, par exemple, ce vice se situera plus au

moment de la modification du contrat ou lors de la conclusion d’un nouveau contrat qu’à la

naissance de la première relation contractuelle. En revanche, en matière d’erreur et de dol,

les hypothèses jurisprudentielles où le salarié sera demandeur à l’action seront beaucoup

plus rares.

Dès lors, lorsqu’un vice tel que l’erreur ou le dol est invoqué à l’appui d’une action

en nullité du contrat de travail par l’employeur, celui-ci va voir les conditions de son

existence et donc de son constat réduites. En effet, la chambre sociale de la Cour de

cassation semble s’être donnée, au vue de sa jurisprudence en matière de nullité du contrat

de travail, sa propre définition de l’erreur et surtout du dol. D’ailleurs, certains auteurs ont

alors considéré que plusieurs arrêts de cette formation de la Cour de cassation

contribuaient à nourrir un débat sur l’autonomie effective ou non du droit du travail par

rapport au droit civil206. Ainsi, dans un arrêt du 30 mars 1999207, la chambre sociale

infirme la décision de la Cour d’appel de Paris dans une espèce où une salariée avait fourni

des renseignements inexacts sur ses diplômes lors de son embauche. En effet, celle-ci

considère « que la fourniture de renseignements inexacts par la salariée lors de l’embauche

n’est un manquement à l’obligation de loyauté susceptible d’entraîner la nullité du contrat

de travail que si elle constitue un dol ». Pourtant, selon l’article 1116 du Code civil et

l’interprétation qui en est faîte par les juridictions civiles, le dol est constitué dès lors

qu’est constatée l’existence de manœuvres ou une réticence de la part d’une des parties

contractantes. Or, en l’espèce comme dans d’autres que la chambre sociale a eu à

connaître208, l’existence d’un dol n’aurait fait aucun doute si la juridiction saisie avait

appliqué strictement le droit commun des contrats.

Dès l’instant où la juridiction prud’homale est saisie d’une demande en nullité du

contrat de travail, l’identité du cocontractant semble être prise en compte afin d’encadrer la

demande des plus strictes conditions : ainsi, le vice du consentement invoqué par

l’employeur semble tenir dans des conditions beaucoup plus sévères que le vice dont serait

206 Le dol à l’épreuve du contrat de travail, OMARJEE (I.), chr. sous cass. soc. 30 mars 1999, D.2000, somm.comm., p.13.207 Cass. soc. 30 mars 1999, arrêt n°1499P, JCP G 1999, II, 10195 et JCP E 2000, II, pp.1236-1240, noteJ.MOULY ; D.2000, somm. comm., p.13, chr. I.OMARJEE.208 Cf. pour exemples, cass. soc. 16 février 1999 Mademoiselle Bentenat c/Institut Interprofessionnel deformation pour l’industrie et le commerce, arrêt n°853P, Dr. Soc. 1999, pp.396 et 397 ; D.2000, JP, pp.97-100 note T.AUBERT MONPEYSSE (mention d’une expérience en tant qu’emploi alors que simple stage) etcass. soc. 5 octobre 1994, Les Petites Affiches du 23 août 1995, n°101, p.16 (CV et lettre d’embauche écritsde la main de l’épouse du candidat à l’embauche).

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l’auteur cet employeur. Cela dit, il est vrai que l’employeur semble disposer de beaucoup

plus de marge de manœuvre que le candidat, futur salarié de l’entreprise. Le salarié quant à

lui, est déjà victime de la position de supériorité dans laquelle se trouve son cocontractant.

En effet, il ne peut que répondre ses questions, se plier aux conditions de travail posées par

l’employeur, surtout dans un contexte économique difficile, ainsi qu’aux informations que

lui donne celui-ci au sujet de son futur emploi.

Dès lors, bien que des dispositions législatives relatives au recrutement aient été édictées

dans le but de rétablir un "semblant" d’équilibre entre ces parties sous couvert des notions

de bonne foi et de loyauté209, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de

cassation semble rester méfiante quant à l’action en nullité portée devant elle par un

employeur. Ainsi, ses solutions semblent être empruntes de "favoritisme" dont le salarié

serait l’unique bénéficiaire.

2. Une appréciation en faveur du seul salarié.

Ici, sera développée volontairement la seule appréciation du dol du salarié par les

juges prud’homaux. En effet, cette notion est fréquemment invoquée par l’employeur à

l’appui de sa demande en nullité du contrat de travail. De plus, la conception faite du dol

du salarié par la chambre sociale de la Cour de cassation démontre parfaitement l’évolution

jurisprudentielle en matière de nullité du contrat portant sur des notions de droit commun

des contrats.

Dès lors, le dol du salarié semble se cantonner dans conditions bien précises. On

peut même dire que le dol, cause de nullité du contrat de travail, sera d’autant plus retenu

que les circonstances de l’espèce démontreront une volonté évidente de tromper

l’employeur par la multiplication des réticences et manœuvres210.

Ainsi, certains auteurs ont considéré que la chambre sociale de la Cour de cassation optait,

en matière de vices du consentement, pour une « conception atrophiante du dol du

209 Art. L.121-6 du Code du travail.210 Cass. soc. 17 octobre 1995 Simon, op. cit. : le salarié s’était prévalu d’un DESS de Paris I ainsi que d’uneformation « Sub de Co » de Bordeaux qu’il n’avait pas en sa possession. La Cour de cassation reconnaît lanullité du contrat de travail pour dol.CA Versailles 19 septembre 1990 SA Citroën c/ Libert, RJS 1991 n°5 : nullité du contrat de travail pour undol portant sur la production d’un CV en grande partie mensonger, faux certificat de travail avec la signaturecontrefaite de l’ancien employeur et durée inexacte des fonctions auprès de celui-ci (éléments déterminantsdu consentement de l’employeur il va s’en dire).

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salarié »211. En effet, ce dernier ne peut se voir reprocher, par exemple, la manœuvre tenant

dans la rédaction d’un curriculum vitae et d’une lettre d’embauche par son épouse afin

d’échapper à l’analyse graphologique opérée par l’employeur212. Pourtant, on ne peut pas

affirmer que le salarié n’a pas voulu tromper l’employeur en l’espèce puisqu’il a

volontairement envoyé des documents non rédigés de sa main en sachant que son futur

employeur utilisait l’analyse graphologique comme un moyen de recrutement. Cependant,

la Cour de cassation justifie sa décision considérant qu’il n’est pas démontré que le salarié

n’aurait pas été embauché s’il avait rédigé lui-même ces documents. Dès lors, le caractère

déterminant du dol n’est pas établi. On peut critiquer cette conception absolue du caractère

déterminant qui exige des juges qu’ils établissent avec certitude que le fait invoqué a été

déterminant du consentement de l’employeur 213. De même, une simple mention sur un CV

qui pourtant conduit l’employeur à se tromper sur l’expérience professionnelle dont se

prévaut un salarié est qualifiée par la Cour de cassation de « mention imprécise et

susceptible d’une interprétation erronée » non constitutive d’une manœuvre frauduleuse

(on imagine pourtant mal comment la transformation d’un stage en emploi réel peut être le

pur fruit du hasard) 214 !!!

Mais peut-on conclure à la disparition totale du dol du salarié dans le régime de la nullité

du contrat de travail 215? En effet, l’arrêt Minaud du 30 mars 1999 apparaît comme un

véritable arrêt de principe en matière de dol du salarié216. La chambre sociale de la Cour de

cassation considère ainsi, sous le visa des articles 1116 du Code civil, L.122-14-3 et L.122-

14-4 du Code du travail, que « la fourniture de renseignements inexacts par le salarié lors

de l’embauche n’est un manquement à l’obligation de loyauté susceptible d’entraîner la

nullité du contrat que si elle constitue un dol ». Reposant son raisonnement sur la notion

de bonne foi, la Cour de cassation semble renforcer ses exigences en matière de preuve de

l’élément intentionnel du dol. Elle s’écarte ainsi de ce qui est admis par le droit commun

en consacrant ce que monsieur MOULY nomme « un véritable droit au mensonge au

211 J.MOULY, note sous cass. soc. 30 mars 1999, arrêt n°1499P, JCP G 1999, II, 10195 et JCP E 2000, II,pp.1236-1240.212 Cass. soc. 5 octobre 1994, BC V n°256 ; Dr. Soc. 1994, p.973, obs. E.Ray ; D.1995, p.282, note P.MOZAS;Les Petites Affiches 1995, n°101, p.16, note K.ADOM.213 J.MOULY, note sous cass. soc. 30 mars 1999,op. cit.214 Cass. soc. 16 février 1999, op. cit.215 Pour un avis en ce sens, voir P.-Y.GAUTIER in RTD Civ 1995 p.143.216 Cass. soc. 30 mars 1999, op. cit.

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bénéfice du salarié »217. Dès lors, comme l’affirme monsieur MESTRE, « le dol, s’agissant

du salarié, n’est plus la sanction juridique de la notion morale de mauvaise foi »218.

Certes, s’agissant du dol, « la Cour de cassation laisse plutôt perplexe celui qui cherche à

définir positivement en quoi celui-ci peut consister »219. D’ailleurs la jurisprudence de la

chambre sociale de la Cour de cassation se contente d’appuyer ses décisions sur les notions

de bonne foi et surtout d’obligation de loyauté du salarié. Cependant, celle-ci souligner,

dans certaines espèces que ce vice peut être retenu même si c’est dans des circonstances

apparemment très restrictives220. Dès lors, monsieur MOULY221 considère que ces arrêts

tiennent à l’objet du mensonge. Ainsi, le dol ne pourrait être retenu lorsque les manœuvres

portent sur les emplois précédemment occupés ou le passé professionnel du salarié222 mais

il le serait dès lors que ces manœuvres portent sur les diplômes et la formation223. La

différence avec le droit commun des contrats consisterait alors, selon cet auteur, dans une

appréciation in abstracto du caractère déterminant du dol, voie dans laquelle se dirigerait le

chambre sociale.

Mais faut-il aller si loin dans l’appréciation du régime de la nullité pour vices du

consentement appliquée au seul contrat de travail ? L’affirmation de monsieur MOULY est

en effet critiquable sur deux points :

Tout d’abord, le dol ne s’arrête pas aux manœuvres quant aux capacités professionnelles

du salarié. L’action en nullité de l’employeur peut en effet se fonder également sur des

éléments de la vie personnelle du salarié. Comme nous l’avons vu, les éléments de la vie

privée du salarié ne peuvent être à l’origine de la rupture du contrat de travail au motif

subséquent que le contrat est nul pour dol. Mais à ce principe existe une exception que la

jurisprudence de la Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises : les renseignements

demandés par l’employeur au salarié doivent avoir un lien direct et nécessaire avec

l’emploi proposé224. D’ailleurs, ces termes ont été repris par l’article L.121-6 du Code du

travail issu de la loi n°92-1446 du 31 décembre 1992 et concernant les dispositions

relatives au recrutement et aux libertés individuelles. Dès lors, des éléments de la vie

personnelle du salarié peuvent être déterminants du consentement de l’employeur à

l’embauche du salarié et présentés un lien nécessaire et direct avec l’emploi proposé. Leur

217 J.MOULY, note sous cass. soc. 30 mars 1999,op. cit.218 J.MESTRE, RTD Civ 1995 p.95.219 J.MOULY, note sous cass. soc. 30 mars 1999,op. cit.220 Cass. soc. 17 octobre 1995 Simon, op. cit. 221 J.MOULY, note sous cass. soc. 30 mars 1999,op. cit.222 Cass. soc. 16 février et 30 mars 1999, op. cit.223 Cass. soc. 17 octobre 1995 Simon, op. cit.

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omission volontaire de la part du salarié constituerait donc une cause de nullité du contrat

de travail qu’il ne faut alors pas oublier dans l’étude du régime de la nullité du contrat de

travail.

De plus, monsieur MOULY considère que l’appréciation par la jurisprudence sociale des

vices du consentement dont le salarié est à l’origine, évolue vers une appréciation in

abstracto des éléments constitutifs de vices tels que le dol. Or, c’est bien à une

appréciation in concreto des faits de chaque espèce que l’on peut conclure. En effet,

certaines espèces révèlent l’absence, selon les juges, des éléments constitutifs du dol alors

que les faits semblent prouver le contraire. Dès lors, les juges semblent favoriser la

situation du salarié en prenant en compte, par exemple, la date de l’embauche de celui-ci et

la date d’introduction d’une demande en nullité du contrat de travail pour dol voire même

les capacités professionnelles du salarié depuis longtemps démontrées en l’absence de

diplômes requis pour cet emploi selon l’employeur225. Par ailleurs, monsieur LOISEAU

constate, et il semble qu’il faille ici l’approuver, que « la jurisprudence exige que la qualité

défaillante ou indésirable (du salarié) soit réellement de nature à affecter l’exécution de la

prestation de travail »226.

Si interprétation « travailliste » des causes de nullité du contrat de travail il y a,

concernant les éléments issus du droit commun des contrats, il faut reconnaître que la

chambre sociale de la Cour de cassation en la matière opère une réelle appréciation des

faits de chaque espèce qui lui est présentée. Dès lors, l’ensemble des décisions concernant

les vices du consentement démontre le caractère relativement favorable des décisions au

profit du seul salarié, considéré comme la partie faible au contrat. Cependant, ces décisions

peuvent s’expliquer par l’ensemble des informations dont dispose l’employeur pour

connaître tout ce qu’il y a d’important à propos de son futur salarié. Ainsi, ce dernier

apparaît le plus souvent comme le seul fautif, faute de ne pas s’être renseigné sur les

éléments pourtant déterminants de son consentement, faute d’avoir posé les questions

appropriées auxquelles le salarié ne peut que répondre de bonne foi227.

Dès lors, la protection de la situation du salarié semble être la ligne directrice des décisions

de cette juridiction tout au moins en ce qui concerne les causes de nullité de droit commun.

224 Cf. cass. soc. 17 octobre 1973 et 25 avril 1990, op. cit.225 Cf. pour exemple : cass. soc. 5 octobre 1994, Les Petites Affiches du 23 août 1995 n°101, p.16 avec lesobservations de monsieur ADOM (K.), Le dol dans la formation du contrat de travail.226 G.LOISEAU, op. cit., p.598.227 Art. l21-6 du Code du travail in fine.

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Cependant, cette doctrine de la chambre sociale est-elle la même quand est mise en avant

une cause de nullité prévue non par le droit commun des contrats, mais cette fois par le

droit du travail ?

B. Une application stricte des dispositions de droit du travail en la matière.

La plupart des dispositions du Code du travail prévoyant la nullité de l’ensemble ou

d’une partie seulement du contrat de travail sont à première vue des dispositions d’ordre

public strict. Dès lors, la marge de manœuvre des juges du fond en la matière s’avère plus

difficile dans l’appréciation de la sanction à apporter à partir du moment où tous les

éléments constitutifs de cette nullité sont remplis (1). Cependant, le droit du travail a, entre

autres, pour particularité d’avoir à connaître plusieurs notions d’ordre public. Ainsi, la plus

connue en la matière sera l’ordre public social lequel est défini comme étant un système

prévoyant l’application automatique de la norme la plus favorable au salarié, quelle que

soit la situation de la règle concernée dans la hiérarchie des normes. Cette notion, on le

verra, peut avoir une incidence sur le prononcé ou non de la nullité du contrat de travail.

De plus, le législateur relayé par la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de

cassation, a mis en place des dispositions ayant pour objectif de protéger le salarié et, de ce

fait, on peut parler en matière de nullité de l’existence d’un ordre public de protection,

lequel semble être appliqué avec encore plus de rigueur par les juges prud’homaux (2).

1. L’application des dispositions d’ordre public.

Certains auteurs considèrent que le droit du travail s’assimile au droit

d’intervention des pouvoirs publics dans les rapports de travail228. Cette affirmation est

d’autant plus vraie que le législateur a imposé à de nombreuses reprises dans le Code du

travail, la sanction de la nullité du contrat de travail lorsque certaines dispositions ne

figurent pas dans celui-ci.

Pourtant, la nullité peut bien évidemment être prononcée lorsqu’aucune sanction ne

s’impose. Ainsi, la rédaction d’un CDI dans une langue autre que le français est

sanctionnable mais le législateur n’a pas donné de solution applicable au juge prud’homal

228 P.Y. VERKINDT, Le contrat de travail : modèle ou anti-modèle du droit civil des contrats ? in Unenouvelle crise du contrat ?,

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qui reste donc libre de décider, d’après les faits qui lui sont présentés, quelle sanction lui

apparaît la plus opportune229.

Quoiqu’il en soit le droit du travail donne une importance non négligeable aux concepts

d’ordre public et d’ordre public social. Ainsi, une disposition d’une convention collective

par exemple, plus favorable au salarié que ce que prévoit son contrat est applicable tout de

même sans que soit nécessaire le prononcé de la nullité du contrat ou tout simplement de

cette clause. L’ordre public social permet dès lors d’éviter le prononcé, délicat, d’un

contrat alors que seule cette disposition lui est préjudiciable. Le concept d’ordre public

strict, quant à lui, a vocation à convenir de la nullité du contrat de travail pour n’importe

quel motif que ce soit. Ainsi, la marge de manœuvre des juges s’avère délicate lorsqu’ils

doivent décider du prononcé ou non de la nullité du contrat de travail. En effet, ces derniers

doivent avant tout considérer la règle violée par les parties pour savoir si cette disposition

est d’ordre public ou non ; ensuite si une disposition de même objet existe au sein de la

hiérarchie des normes applicables au contrat (dans ce cas, la nullité du contrat ou de la

clause de celui-ci est inutile).

En ce qui concerne les dispositions d’ordre public, on peut constater que celles-ci touchent

de nombreux domaines. Citons quelques exemples significatifs :

Tout d’abord, les dispositions du Code du travail concernant le travail, l’emploi

d’un étranger en situation irrégulière sont d’ordre public. Dès lors, l’absence d’autorisation

de travail entraîne de facto la nullité du contrat de celui-ci230.

Ensuite, certaines clauses du contrat de travail doivent également être conformes

aux dispositions d’ordre public du Code du travail. Ainsi, l’article L.511-1 alinéa 6

concernant la compétence d’attribution de chaque Conseil de prud’hommes est d’ordre

public, sa violation par l’insertion d’une clause attributive de juridiction dans le contrat de

travail entraîne donc la nullité de cette clause231. De même, est nulle car contraire à l’ordre

public c’est à dire à l’article L.122-3-8 du Code du travail, la clause de libération anticipée

d’un entraîneur sportif, le CDD ne pouvant être rompu, sauf accord des parties, avant

l’échéance du terme qu’en cas de faute grave ou de force-majeure232. La sanction sera la

229 En ce sens, CA Dijon 24 février 1993 Clemessy c/SARL Faber et a., RJS 1993 n°819.230 Jurisprudence constante en la matière. Cf. E.GUILLAUME, conclusions du commissaire de gouvernement,CE 13 avril 1988, L’étranger en situation irrégulière et le statut de salarié protégé, Dr. Soc. 1988, p.773.231 Cf. cependant : cass. soc. 4 mai 1999, La Gazette du Palais du 1er mars 2000, pp.20-37, note Niboyet (M.-L.), concernant une clause compromissoire, la Cour de cassation décide de l’inopposabilité de la clause plutôtque de sa nullité.232 CA Rouen 21 février 1991, D.1991, JP, p.614, note KARAQUILLO (J.-P.), cass. soc. 16 décembre 1998,JP, D.2000, pp.30-33, note ALAPHILIPPE (P.) et cass. soc. 24 octobre 2000 Rabier c/Le Football Club deRouen et a., arrêt n°3970FS-D, CSBP janvier 2001, A.5, pp.17-18, obs. PANSIER (F.-J.).

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même car reposant sur le même fondement (dispositions d’ordre public) en ce qui concerne

les clauses d’indexation des salaires233.

Certaines clauses du contrat de travail ont pourtant posé et posent toujours quelques

difficultés en la matière. En effet, les clauses de mise à la retraite dites "clauses couperets"

nécessitaient, selon certains auteurs, une réglementation234. La jurisprudence antérieure à la

loi du 30 juillet 1987 avalisait d’ailleurs les clauses prévoyant la mise à la retraite du

salarié dès que l’âge prévu par cette clause était atteint par celui-ci235. Or, le régime légal

actuel prévu à l’article L.122-14-13 du Code du travail présente un caractère d’ordre

public236 ; il autorise les clauses dites "souples"237 tout en sanctionnant par la nullité les

clauses dites "couperets". Concernant cette fois les clauses de non-concurrence, la

difficulté est plus grande car aucun texte du Code du travail ne renvoie à des conditions de

leur validité et donc a fortiori à des sanctions en cas de non-respect de ces dernières. Dès

lors, la solution pourrait s’avérer être identique à celle ayant trait aux clauses "couperets".

L’intervention du législateur viendrait alors réglementer ce type de clause pour éviter toute

l’insécurité qui peut régner dans le cadre d’une action en nullité qui serait intentée à

l’encontre de ce type de clause.

Enfin, le Code du travail envisage également des hypothèses en matière de contrats

précaires conduisant au prononcé de la nullité car ayant un caractère impératif. En effet,

nombreuses sont les dispositions concernant par exemple le contrat d’apprentissage. Ainsi,

celui-ci doit faire l’objet d’un écrit mais également d’un enregistrement selon les articles

L.117-12 et L.117-14 du Code du travail. Cependant, la nullité n’est encourue que dans

l’hypothèse de l’absence d’écrit238, les juges du fond retrouvant tout leur pouvoir

d’appréciation en ce qui concerne le défaut d’enregistrement du contrat.

Malgré les précautions prises par le législateur, des hypothèses de nullité du contrat

de travail pour vices de forme ou de fond restent possibles. En effet, en l’absence d’une

quelconque indication de la part de celui-ci concernant la sanction appropriée à telle ou

233 Ordonnance du 30 décembre 1958 visant dans son article 79 l’indexation sur le niveau général des prix etautres indices généraux et l’article L.141-9 du Code du travail s’agissant de l’interdiction des indexations surle SMIC. Cf. également : A.CADET, Essai d’une théorie générale des clauses du contrat de travail, thèsesous la direction de monsieur P.-Y. Verkindt, soutenue à Lille en juin 1997.234 Voir en ce sens : AUDEGOND (J.), L’âge de la retraite et le contrat de travail, mémoire de DEA de droitprivé sous la direction de monsieur Coeuret, Faculté de droit de Lille 2, 1987.235 Cf. Age de la retraite et fin du contrat de travail, SARAMITO (F.), Dr. Ouvrier 1988.211S, pp.211-226.236 Idem.237 Art. L.122-14-12 du Code du travail.238 Cass. soc. 28 mars 1996 M.Tahloul c/M.Barrabes, Cahiers Prud’homaux août/septembre2000, JP, p.102.

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telle violation des dispositions du Code du travail, le juge prud’homal semble disposer

d’une relative liberté quant au prononcé ou non de cette nullité. Ainsi, la chambre sociale

de la Cour de cassation a pu décider que l’absence d’indications concernant les noms et la

qualification de personnes remplacées dans le cadre de la conclusion d’un CDD rend le

contrat requalifiable en CDI, contrat de droit commun239. Dès lors, le pouvoir

d’appréciation des causes de nullité semble pouvoir retrouver de son intérêt lorsque le

législateur a été imprécis voire négligent. Par exemple, alors que la nullité semble pouvoir

être invoquée lors d’un cumul de fonction de salarié et de directeur général dans une même

SA, la jurisprudence décide quant à elle de la suspension du contrat de travail pendant

l’exercice du mandat social ce, « en l’absence de stipulation expresse en ce sens »240. De

même, lorsqu’elle le peut, la chambre sociale conditionne la validité de certaines clauses à

l’exercice ou la sauvegarde de certains droits pour le salarié. Ainsi, celle-ci subordonne la

validité d’une clause de résidence à la preuve du caractère indispensable d’un transfert de

domicile et du caractère proportionné au but recherché de cette atteinte à la liberté du choix

du domicile du salarié (preuves qui semblent difficiles à apporter en pratique !)241.

Lorsque le législateur a prévu le prononcé de la nullité d’un contrat ou de l’une de

ses clauses, le juge prud’homal semble se trouver dans l’incapacité d’apprécier l’ensemble

des éléments de chaque espèce, prononçant cette sanction dès lors que tous ses éléments

constitutifs sont réunis. Cependant, dans certaines hypothèses bien précises, la chambre

sociale de la cour de cassation semble pouvoir faire preuve d’une plus grande autonomie

quant à l’opportunité ou non du prononcé de la nullité de tout ou partie du contrat de

travail. D’ailleurs, la recherche de la norme la plus favorable n’est donc pas à négliger non

plus dans cette hypothèse.

Or, certaines dispositions prévues dans le Code du travail semblent tout de même devoir

être appliquées de façon rigoureuse. En effet, volontairement très protectrices de la

situation pécuniaire et de subordination dans laquelle se trouve le salarié, ces dispositions

d’ordre public de protection semblent devoir s’imposer coûte que coûte.

2. L’application rigoureuse des dispositions d’ordre public de protection.

239 Cass. soc. 1er juin 1999, JCP E 1999, II, pp.1929-1930, note MINE (M.).240 Ex : Cass. soc. 12 février 1991 Personnaz c/Société Boussois, Dr. Soc. 1991, p.463, obs. B.PETIT.

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Comme son nom l’indique l’ordre public de protection vise à protéger une seule des

parties au contrat de travail. Ainsi, c’est bien souvent, et même on peut dire exclusivement,

le salarié qui apparaît être le seul bénéficiaire des dispositions du Code du travail ayant

pour valeur l’ordre public de protection et prononçant la sanction de la nullité de tout ou

partie du contrat de travail.

La prise en compte dans le cadre d’une action en nullité de cet ordre public particulier

réside dans la désignation des titulaires de cette action et du délai de prescription de celle-

ci (cinq ans en cas de nullité relative et trente ans en cas de nullité absolue). En effet, ces

règles apparaissent à première vue impératives et la tentation serait de leur donner un

caractère d’ordre public ouvrant droit à une action en nullité absolue. Or, l’ordre public de

protection a vocation quant à lui à s’appliquer également de manière impérative mais ceci

tout en réservant cette action à une catégorie particulière de contractants donnant donc à

l’action le caractère de nullité relative. Ainsi, « en jurisprudence, l’idée selon laquelle le

droit d’invoquer la nullité qui sanctionne une règle relevant de l’ordre public de protection

doit être réservé à la partie protégée s’est largement imposée. Il s’agit d’éviter que cette

nullité ne se retourne contre les intérêts que la règle était censée préserver »242.

Mais cette nullité de protection peut-elle être relevée d’office par le juge prud’homal ? La

question mérite ici d’être posée car la jurisprudence des chambres civiles hésite elle-même

sur la solution à donner243. La chambre sociale de la Cour de cassation quant à elle a

répondu à cette question en matière de nullité des clauses dites "couperets". Ces clauses,

condamnées par l’article L.122-14-12 alinéa 2 du Code du travail, sont en fait destinées à

protéger le seul salarié contre une rupture automatique de leur contrat de travail. Or, la

chambre sociale s’est prononcée, à plusieurs reprises, en la matière, pour l’existence d’une

nullité d’ordre public absolue laissant ainsi la possibilité pour l’employeur de se prévaloir

de ce texte244. Cependant, par un arrêt très remarqué de l’Assemblée plénière de la Cour de

cassation, cette dernière a adopté une solution différente privilégiant ainsi la protection des

intérêts du salarié que la règle, en la matière, semblait édicter245. Son énoncé ne fait surgir,

en effet, aucun doute en la matière : « Mais attendu que les dispositions de l’article L.122-

241 Cass. soc. 12 janvier 1999, Cahiers Prud’homaux janvier 2000, JP, p.1 ; également obs. sous cass. soc. 6et 10 février 2001, Feuillet rapide social, Francis Lefebvre du 7 mars 2001, pp.11 et 12.242 G. COUTURIER, La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour decassation, in Le contrat au début du XXIème siècle, op. cit., p.284.243 Idem.244 Cf. en ce sens : cass. soc. 1er février 1995, Dr. Soc. 1995, 231, note G.COUTURIER ; cass. soc. 15 mars1995, BC V n°87.245 Ass. plén. 6 novembre 1998, Dr. Soc. 1999, 94, obs. J.SAVATIER ; JCP 1999, II, 10004, noteD.CORRIGNAN-CARSIN ; Semaine Sociale Lamy du 23 octobre 1998, pp.9 et 10

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14-12 du Code du travail n’ont été édictées que dans un soucis de protection du salarié ;

que, dès lors, l’employeur est irrecevable à s’en prévaloir ; que par ce motif de pur droit,

substitué à ceux de l’arrêt, celui-ci se trouve légalement justifié ». Dès lors, cet arrêt met en

avant le caractère d’ordre public de protection de l’article L.122-14-12 du Code du travail

qui suppose une action en nullité de la clause "couperet"de la part du seul salarié. Seul ce

dernier peut donc de se prévaloir d’une telle sanction à l’encontre de son employeur. La

Cour de cassation fait dès lors de la nullité de ces clauses une nullité relative dont le salarié

pourra se prévaloir, ce dernier étant l’unique titulaire de cette action.

Peut-on imaginer d’autre hypothèses d’ordre public de protection ? A vrai dire, cette

qualification relève de l’appréciation par les juges des normes qui leur sont présentées.

C’est pourquoi la position de la chambre sociale peut apparaître à certains égards

inopportune et l’intervention de l’Assemblée plénière nécessaire.

Face à des dispositions de ce type, les juges du fond ne semblent dès lors n’avoir guère de

choix. L’action est réservée au seul bénéficiaire de la mesure édictée, ce dans le délai

imparti à toute nullité relative c’est à dire cinq années. Ainsi, les nullités de protection se

situent à "la croisée des chemins" avec la nullité relative laquelle réserve l’action en nullité

aux parties au contrat et non à un seul d’entre eux. Le pouvoir d’appréciation des juges du

fond n’est alors que résiduel, ces derniers devant impérativement prononcer la sanction de

la nullité du fait de son caractère d’ordre public à la seule demande du salarié.

Parler d’appréciation variable des causes de nullité semble être opportun tant il

apparaît que le contrat de travail est sujet à une grande diversité de règles aux sources

également nombreuses. Dès lors, l’appréciation qui est faîte des éléments constitutifs de

cette sanction ne peut qu’être différente selon les causes invoquées.

On l’a vu, le pouvoir d’appréciation en la matière des juges prud’homaux semble plus

important lorsque leur est soumise une cause de nullité issue du droit commun des contrats.

Ainsi, leur marge de manœuvre leur permet de saisir toute l’opportunité d’une telle

sanction selon les faits qui leur sont présentés au risque de se voir opposer la critique de la

doctrine. Cependant, bien moindre est leur pouvoir d’appréciation lorsqu’il s’agit de causes

de nullité prévues par le Code du travail. En effet, dans cette hypothèse, le juge prud’homal

a bien souvent à faire face à des dispositions d’ordre public qu’il se doit d’appliquer en vue

d’assurer une certaine sécurité juridique. Même si certaines dispositions leur permettent de

retrouver a contrario leur pouvoir d’appréciation dans l’opportunité d’une sanction telle

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que la nullité, d’autres ont le caractère d’ordre public de protection enfermant ainsi les

conditions de l’action en nullité dans un cadre encore plus strict.

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L’étude du régime de la nullité du contrat de travail de part les causes susceptibles

d’entraîner cette sanction nous montre le nombre important de textes pouvant régir celui-

ci. En effet, non seulement cette nullité peut avoir une cause reposant sur le droit commun

des contrats mais en plus, cette cause peut être édictée par des textes issus du droit du

travail.

La variété de ces causes de nullité se combine alors nécessairement avec une appréciation

variable de celles-ci par les juges du fond. Ainsi, si le droit commun des contrats semble

laisser aux juges un large pouvoir d’appréciation en la matière, le droit du travail énumère

quant à lui cette sanction le plus souvent de manière impérative.

La tâche du juge prud’homal ne semble donc pas très aisée tant les hypothèses qui peuvent

se présenter devant lui sont diverses et différemment appréciables. Dès lors, celui-ci doit

apprécier, en premier lieu, la source dont est issue la cause de nullité invoquée. En second

lieu, il doit se poser la question de savoir si la règle invoquée est d’ordre public (quel qu’il

soit) ou non. En ce cas, la nullité s’impose au juge à moins que ne joue l’ordre public

social. En troisième lieu enfin, la cause de nullité invoquée doit l’être par celui qui est

titulaire d’une telle action (refus de l’action de tiers lorsque la nullité est relative, de même,

refus de l’action de l’employeur lorsque la règle invoquée par celui-ci est une règle d’ordre

public de protection dont l’action en nullité est réservée au seul salarié).

Le régime de la nullité apparaît donc très complexe, complexité due aux multiples

causes invocables et à la diversité dans leur appréciation. Ainsi, lorsque cette appréciation

est la plus libre possible, la chambre sociale de la Cour de cassation semble avoir saisi

l’occasion de faire preuve d’une certaine audace notamment en ce qui concerne

l’hypothèse d’un dol commis par le salarié. En revanche, c’est en matière de nullité prévue

cette fois, par le droit du travail lui-même, qu’elle semble être la plus hésitante oscillant

entre application stricte des dispositions d’ordre public du Code du travail, lorsque

l’ensemble de leurs éléments constitutifs sont remplis, et prononcé de la nullité sans

qu’aucun texte n’envisage ce type de sanction ni aucune autre d’ailleurs. La marge de

manœuvre des juridictions prud’homales en la matière serait donc fonction de la cause

invoquée par les titulaires de l’action en nullité du contrat de travail.

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Au terme de cette première partie, il convient de constater que l’étude des

personnages entourant l’action en nullité du contrat de travail est en pratique rarement

évoquée246. En effet, se basant sur le fait que la relation de travail est une relation purement

intuitu personae, peu d’auteurs s’attardent sur les acteurs de ce procédé de remise en cause

du contrat de travail liant salarié et employeur. Cependant, il convient de constater que

cette étude est importante pour comprendre les intérêts inhérents au prononcé de cette

sanction.

De même, l’étude des causes de nullité mérite que l’on s’y attarde plus longuement dans le

but de souligner la variabilité de leur appréciation par les juges prud’homaux selon leur

source d’une part, et l’objectif poursuivi par celles-ci d’autre part.

Ainsi, à l’issue de cette première partie, on peut déjà conclure à la rareté du prononcé de la

sanction de la nullité du contrat de travail contrairement aux autres types de contrats que

connaît le Code civil.

Or, il convient de souligner, dans une seconde partie, toutes les particularités

entourant le prononcé de cette sanction. En effet, le juge prud’homal, soucieux des intérêts

en jeu devant lui, va encadrer de manière spécifique la nullité d’un tel contrat. Privilégiant

le sort fait au contrat de travail ou, lorsque ce dernier a pris fin, la situation pécuniaire du

salarié, le juge prud’homal contribue à la construction d’un régime de la nullité du contrat

spécifique à tout autre.

Dès lors, les éléments déterminants de l’action en nullité sont, à ce stade de la

réflexion, posés : le décor est planté ; la scène se déroule devant le juge prud’homal. Celui-

ci jusqu’à lors silencieux entre en scène ; appréciant les éléments qui lui sont soumis, il

prononce la nullité du contrat de travail. Quelle va en être le dénouement ? En pratique,

celui-ci semble le plus souvent réserver des surprises.

246 Cf. La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation,COUTURIER (G.), op. cit. et Nullité et contrat de travail, SIMON-SUISSE (F.), mémoire de DEA de droit social,op. cit.

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2EME PARTIE

LES PARTICULARISMES DU PRONONCE DE LA NULLITE DU

CONTRAT DE TRAVAIL

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Les effets donnés au prononcé de la nullité du contrat de travail rendent

compte de l’ambiguïté qu’il peut régner au sein de ce régime. En effet, celui-ci est

caractéristique au droit du travail : le régime de la nullité se construit ainsi sur la question

de la rupture du contrat de travail247. Dès lors, les effets de la nullité ont-ils tous vocation à

être les mêmes que ceux attachés au prononcé d’un licenciement ?

En droit commun, la nullité du contrat n’est pas celle-ci, son prononcé a pour effet de

remettre les parties contractantes dans l’état où ces dernières se trouvaient avant la

conclusion du contrat. Or, comme le relève monsieur GHESTIN, « l’effet rétroactif de

l’annulation doit se concilier avec la nécessité de tenir compte de la situation de fait

engendrée par l’acte apparemment valable, et prendre en considération les difficultés

rencontrées pour remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient avant la conclusion

du contrat »248. Dès lors, cet effet rétroactif de la nullité ne semble pas être adapté à la

situation que confère le contrat de travail. En effet, celui-ci est avant tout un contrat à

exécution successive. Or, si la restitution des rémunérations perçues par le salarié semble

aisée, comment imaginer la restitution par l’employeur des prestations de travail effectuées

par ce dernier ? Ainsi, la tentation est grande de rapprocher le régime de cette nullité de

celui de la résiliation, sanction anéantissant les seuls effets futurs que pourrait produire la

convention249.En effet, comme l’affirme monsieur FREYRIA, les solutions en droit du

travail ont pour objectif « d’assurer la conservation des effets passés de la prestation de

travail ; mais une fois l’irrégularité constatée, une fois la déclaration de nullité acquise,

l’accomplissement du travail ne peut se poursuivre »250.

Dès lors, la nullité du contrat de travail n’aurait pas pour conséquences les mêmes

que celles constatées lors du prononcé d’une telle sanction en droit commun. D’ailleurs,

cette situation semble s’expliquer par le parallélisme effectué par les juges prud’homaux et

l’effet captateur du régime du licenciement251. Ainsi, les effets attachés au prononcé de

cette nullité semblent dépendre avant tout du choix de cette sanction, la nullité apparaissant

alors dans cette optique la plus respectueuse des intérêts des parties au contrat de travail

(Section 1). Or, il faut apporter tout de même un sérieux bémol quant au prononcé de cette

247 Le contrat de travail : modèle ou anti-modèle du droit civil des contrats ?, VERKINDT (P.-Y.), op. cit.248 GHESTIN (J.), Traité de droit civil, t.2 : Les obligations, op. cit., n°871.249 Cf. en ce sens, Nullité du contrat de travail et relation de travail, FREYRIA (J.), Dr. Soc. 1960, pp.619-627.250 Idem.

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sanction, la chambre sociale de la Cour de cassation paraissant en pratique de plus en plus

favorable au prononcé de sanctions autres que celle de la nullité du contrat de travail

(Section 2). Celle-ci deviendrait-elle inappropriée à la plupart des hypothèses soumises à

ces juges ?

251 Le contrat de travail : modèle ou anti-modèle du droit civil des contrats ?, VERKINDT (P.-Y.), op. cit.

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SECTION 1 : LE CHOIX DE LA NULLITE LA PLUS RESPECTUEUSE DES INTERETS DES

PARTIES.

Le prononcé de la nullité du contrat de travail conduit à imaginer, en

parallèle avec les solutions de droit commun des contrats, l’annulation totale et rétroactive

de celui-ci. Pourtant, cette solution apparaît extrême en droit du travail. En effet, les

particularités liées à la nature du contrat rendent impossibles la restitution réciproque des

prestations effectuées. D’ailleurs, la jurisprudence civile a bien rendu compte, en de

nombreuses reprises, de cette difficulté en ce qui concerne l’ensemble des contrats à

exécution successive (qui s’exécute au cours d’une période de temps) dont le contrat de

travail fait partie intégrante252.

Dès lors, la nullité de l’ensemble du contrat de travail s’avère en pratique être une

sanction tout à fait exceptionnelle car peu protectrice des intérêts des parties au contrat

(Paragraphe 1). Son prononcé s’avère en effet, en pratique, délicat au vue des effets y étant

normalement attachés. Or, lorsque cette sanction va tout de même s’imposer, elle va

s’accompagner d’effets plutôt originaux contribuant à rapprocher les effets de la nullité du

contrat de travail de ceux du prononcé du licenciement du salarié.

Cependant, lorsqu’on observe de façon globale la jurisprudence de la chambre

sociale de la Cour de cassation, on s’aperçoit que la sanction de la nullité partielle du

contrat de travail a les faveurs des juges en la matière. D’une part, cette sanction est

souvent imposée par le législateur lui-même lorsque le contrat contient une clause ne

remplissant pas les conditions requises de sa validité. D’autre part, lorsqu’est mise en

cause la validité d’un contrat au cours de l’exécution de celui-ci, les juges semblent

considérer comme opportun le prononcé de la continuité de ce contrat sous les formes et

les conditions qu’ils auront eux-mêmes posées. Dès lors, la nullité partielle du contrat de

travail semble réellement supplanter la sanction de la nullité de l’ensemble de ce contrat et

apparaît dès lors comme une sanction banalisée en droit du travail (Paragraphe 2).

L’intérêt de cette section sera donc de souligner les effets attachés au prononcé de

ces types de nullité pour en dégager les fondements et leurs répercussions sur la relation

salarié-employeur.

252 Droit des obligations, responsabilité civile, contrat, DELBECQUE (PH.) et PANSIER (F.-J.), op. cit., p.104.

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§1 : La nullité de l’ensemble du contrat de travail : une sanction exceptionnelle.

La nullité du contrat de travail a vocation, on l’a vu, à être prononcée dans de

multiples hypothèses. En effet, comme le souligne certains auteurs, « nombreuses sont les

causes de nullité qui contribuent à l’appréciation de la cause de la rupture du contrat de

travail »253. Cependant, la nullité du contrat de travail se caractérise également par la prise

en compte de la volonté commune et des volontés parfois antagonistes des parties

contractantes elles-mêmes (A). A celles-ci s’ajoutent parfois également d’autres volontés

rentrant alors en ligne de compte dans le prononcé de cette sanction. De même, c’est

parfois sur le fondement de la volonté des parties contractantes que les juges prud’homaux

s’appuieront pour avaliser leur propre décision.

Dès lors que cette sanction est prononcée, on pourrait s’attendre en toute logique aux effets

rétroactifs "traditionnels" attachés à cette dernière (remise des choses dans leur état

d’origine, nullité de la convention tant pour le passé que pour l’avenir, absence

d’obligations de faire ou ne pas faire à l’encontre de l’un des contractants). Or, nous le

verrons, la nullité du contrat de travail tient sa plus grande originalité dans les

conséquences qu’entraîne sa reconnaissance par le juge prud’homal (B). La question peut

même se poser de savoir si la nullité telle que l’entend le droit commun des contrats est

toujours de rigueur aujourd’hui en matière de nullité du contrat liant le salarié à son

employeur. En effet, priver la nullité de quasiment l’ensemble de ses effets rétroactifs en

ne gardant que les effets futurs, n’est-ce pas là priver en grande partie de cette sanction le

droit du travail ?

A. La référence à la volonté des parties.

La volonté des parties contractantes est un élément pris en compte par la plupart des

décisions ayant trait à une action en nullité d’un contrat, que celui-ci soit un contrat de

travail ou non. Ainsi, la jurisprudence sociale, comme son homonyme la jurisprudence

civile, considère à chaque fois la cause déterminante du consentement de l’une des parties

contractantes, celle ayant mis en œuvre l’action en nullité du contrat, pour se prononcer sur

la validité ou non du contrat de travail qui lui est soumise (1).

253 J.DJOUDI, Les nullités dans les relations individuelles de travail, D.1995, Chr., p.192.

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Cependant, cette marge d’appréciation est limitée quand il s’agit de dispositions du Code

du travail ayant expressément prévu le prononcé de la nullité du contrat. De plus, le

domaine du droit du travail ne se limite pas qu’à la relation individuelle de travail liant

l’employeur à chacun de ses salariés. Les relations collectives ont donc vocation à

intervenir dans cette relation et le rôle des partenaires sociaux en matière de nullité du

contrat de travail semble alors incontournable lorsque cette sanction est invoquée à

l’encontre de clauses contractuelles ayant pour sujet l’un de ceux traités au sein d’une

convention collective ou un accord collectif de travail (2).

1. Le caractère déterminant du consentement de l’une des parties au

contrat.

Bon nombre d’arrêts de la chambre sociale de la Cour de cassation se réfèrent à la

volonté des parties au contrat de travail donnant ainsi l’impression d’une référence

incontournable au prononcé de la nullité de ce contrat. En effet, en l’absence de

dispositions impératives les obligeant à sanctionner par la nullité le contrat déclaré non

valide, les juges du fond, et exceptionnellement la chambre sociale quand celle-ci décide

de sortir de sa réserve, se rapportent aux volontés des parties contractantes.

Lorsque l’une de ces parties invoque donc un vice tenant aux conditions de forme ou de

fond du contrat (c’est là l’essentiel du contentieux se référant au caractère déterminant du

consentement), le juge prud’homal va rechercher si le vice invoquée a été déterminant de

l’accord donné par la partie se prétendant victime de celui-ci.

Ainsi, en matière de vices du consentement (dol, erreur mais également violence), ces

derniers ne constituent une cause de nullité affectant l’ensemble du contrat de travail

« qu’à partir du moment où la considération de la personne a été déterminante du

consentement »254à moins qu’il ne soit question d’une erreur inexcusable255. La chambre

sociale de la Cour de cassation se réfère donc ainsi au droit commun puisque celui-ci

considère également, par exemple, qu’il est nécessaire que le dol revête un caractère

déterminant du consentement de l’autre partie au contrat256.

254 Ex. : cass. soc. 23 janvier 1992 SARL Oreda, BC V n°47 ; RJS 1992 n°240 in La nullité du contrat detravail, VERKINDT (P.-Y.), op. cit.255 Cf. cass. soc. 3 juillet 1990 Racy c/Société Cart Expert France et a., arrêt n°3023, op.cit.256 Cf. I.OMARJEE, Le dol à l’épreuve du contrat de travail, D.2000, somm. comm., p.13, chr. sous cass. soc.30 mars 1999.

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De plus, la considération de la personne du contractant peut être aussi déterminante du

consentement de l’autre partie. En effet, bien qu’exigeant un lien nécessaire et direct avec

l’emploi proposé257, certaines qualités attachées à cette personne vont conditionner le

consentement de l’autre au contrat de travail sous réserve de procédures et manœuvres

discriminatoires prohibées par l’article L.122-45 du Code du travail. Ainsi, « le principe de

non-discrimination ne peut avoir pour conséquence de faire disparaître l’intuitus personae

qui est l’essence de certains contrats (on ajoutera : dont le contrat de travail) (…)

L’utilisation de l’identité du cocontractant doit donc être raisonnable »258.

Cependant, va se poser directement la question de savoir où se situe la frontière entre les

informations devant être relevées par le candidat à l’embauche et celles n’entrant pas le

champ d’investigation de l’employeur259 ? Bien que le législateur ait posé des limites au

pouvoir d’investigation de l’employeur lors des phases d’embauche du salarié260 et

d’exécution de son contrat de travail, les juges du fond avalisés dans leur démarche par la

chambre sociale, ont rétrécis volontairement, on l’a vu, le champ de la nullité du contrat de

travail en ce que les vices invoqués sont rarement déterminants du consentement de la

partie qui s’en prévaut ou qu’une faute de sa part peut lui être reprochée261. Pourtant, le

caractère déterminant du consentement d’une des parties au contrat de travail ne peut être

totalement négligé. La preuve de celui-ci reste l’élément apparemment indispensable au

prononcé de cette sanction.

Mais, la référence au caractère déterminant du consentement de l’une des parties au

contrat ne s’arrête pas là. En effet, les parties, ou tout du moins l’une d’entre elles, peut

avoir accepté de consentir à ce contrat de travail sous couvert de l’insertion d’une clause

contractuelle spécifique. Dès lors, que penser de la survie du contrat si cette clause est

déclarée non valable car contraire à certaines dispositions de droit des contrats ou de droit

du travail ? Il faut raisonner ici en termes de nullité de la seule clause du contrat de travail.

Si la disposition violée prévoit en effet la seule nullité partielle du contrat, aucune

difficulté ne semble devoir se poser, cette sanction sera prononcée. Or, si les faits de

l’espèce révèlent que l’une des parties a conditionné son accord envers ce contrat par

l’existence de cette clause, dans les termes contenus par celle-ci au jour de la conclusion de

la convention, le contrat peut être déclaré nul en ce qui concerne l’ensemble de ses

257 Art. L.121-6 du Code du travail.258 L’identité du cocontractant, RENUCCI (J.-F.), RTD Com 1993, pp.441-483.259 T.AUBERT MONPEYSSE, note sous cass. soc. 16 février 1999 Mademoiselle Bentenat c/InstitutInterprofessionnel de formation pour l’industrie et le commerce, arrêt n°853P, D.2000, JP, pp.97-100.260 Art. L.121-6 et L.122-45 du Code du travail.

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dispositions. En effet, le caractère déterminant du consentement des ou d’une partie(s) au

contrat de travail résulte alors, partiellement, de l’existence de cette clause et sa nullité

entraîne alors l’annulation de la convention de travail.

Selon l’article 1101 du Code civil, « le contrat est une convention par laquelle une

ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne

pas faire quelque chose ». Dès lors, ce principe de liberté contractuelle étant affirmé, les

parties à un contrat de travail peuvent voir leur consentement altéré par l’existence de vices

inhérents à cette convention. De plus, ces mêmes contractants peuvent avoir soumis la

validité de leur convention à un certaine nombre de conditions (prise en compte des

qualités personnelles de l’autre partie, insertion de clauses au sein du contrat de travail).

L’ensemble de ces éléments apparaissent donc déterminants dans le prononcé de la nullité

du contrat de travail. En effet, en l’absence de vice déterminant du consentement de l’une

au moins des parties au contrat de travail, les juges prud’homaux se refusent au prononcé

de la nullité du contrat de travail262. Au contraire, en l’absence d’une clause ayant

déterminé l’accord à la convention de l’un des deux contractants car cette dernière est

considérée comme non valable, le contrat de travail doit alors être déclaré nul en son

entier ; le contrat de travail qui resterait valable dans cette dernière hypothèse ne refléterait

plus en effet la commune intention de ses contractants.

Cependant, les juges prud’homaux restent tout de même soumis au respect d’autres

volontés en cette matière qu’est la nullité du contrat de travail : celle du législateur ayant

édicté des dispositions impératives car d’ordre public et celle plus surprenante des

partenaires sociaux. Ces derniers ont ainsi permis de déclarer nuls des contrats de travail

mettant à défaut les conventions et accords collectifs de travail applicables à la relation de

travail. Pourtant, la chambre sociale de la Cour de cassation semble aujourd’hui avoir

réduit à néant l’intervention de ces autres acteurs de l’entreprise.

261 Idem.262 Cass. soc. 23 janvier 1992 SARL Oreda, op. cit.

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2. Les dispositions d’ordre public et le rôle désuet des parties à une

convention ou un accord collectif de travail.

Il n’est pas question ici d’évoquer le critère de détermination des dispositions

d’ordre public263. En revanche, il convient d’aborder dans ce paragraphe de notre étude

l’influence des dispositions d’ordre public sur le prononcé de la nullité du contrat de travail

lorsqu’existe une volonté de la part des parties contractantes de faire jouer un rôle aux

clauses du contrat pourtant nulles selon ces dispositions.

En fait, la solution est simple : l’ordre public est d’application générale et supplante la

volonté des parties à un contrat quand bien même celles-ci subordonneraient leur

consentement à l’existence de la (les) clause(s) déclarée(s) nulle(s) par des dispositions

législatives ou réglementaires ayant cette valeur. Dès lors, pas question de prendre en

compte la volonté du salarié et/ou de son employeur ni même leurs intérêts quant à

l’éventuelle survie de la clause litigieuse.

Reste à savoir si, dans l’hypothèse où la nullité ne touche qu’une clause du contrat de

travail, la volonté des parties au contrat de travail peut s’avérer déterminante. Comme on

vient de le voir ci-dessus, dans cette hypothèse, le critère décisif du prononcé de la nullité

de tout ou partie du contrat de travail va alors résider dans le caractère déterminant ou non

du consentement d’une ou des parties de la convention, de la clause jugée non valable. Dès

lors que l’existence de cette clause aura déterminé l’une au moins des parties contractantes

à conclure ladite convention de travail, cette clause litigieuse déclarée non valable

entraînera alors le prononcé de la nullité de l’ensemble de ce contrat. Dans l’hypothèse

inverse, seule cette clause sera annulée, le reste du contrat demeurant valable.

En ce qui concerne cette fois la volonté non des parties à un contrat de travail mais

celle des parties à une convention ou un accord collectif de travail c’est à dire les

partenaires sociaux, ceux-ci influencent généralement de manière considérable le contenu

de chaque type de contrat. En effet, ces acteurs de la vie de l’entreprise prévoient dans

leurs accords des dispositions que doivent respecter les parties au contrat de travail dans

l’élaboration des dispositions de celui-ci.

Or, quelle sanction encourt les parties contractantes en cas de non-respect de ces

dispositions ? Certes, la notion d’ordre public social, protectrice des intérêts du salarié,

263 Cf. Partie 1, Section 2, §2, B, 1. (pour des exemples de dispositions d’ordre public en matière de nullité ducontrat de travail).

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aurait pour conséquence l’application des dispositions envisagées par l’accord ou la

convention collective applicable à la relation de travail quand bien même celle-ci

comporterait une disposition contraire. Cependant, les partenaires sociaux ont envisagé

depuis longtemps de sanctionner l’irrespect des dispositions de ces accords par le contrat

de travail. En effet, une clause violant ces dispositions doit être déclarée nulle.

Dès lors, la jurisprudence sociale avait pris pour habitude de se référer au contenu de la

convention ou de l’accord. Si celle-ci envisageait de sanctionner par la nullité de la clause

la violation de la convention ou de l’accord, les juges prenaient en compte cette volonté

des partenaires sociaux pour prononcer la nullité de ladite clause. Dans l’hypothèse où rien

n’était prévu les juges prud’homaux restaient alors libres de prononcer ou non cette

sanction. Or, il faut aujourd’hui considérer cette jurisprudence comme désuète. En effet,

nous l’avons vu dans nos développements antérieurs, la chambre sociale se prononce,

depuis un arrêt du 13 janvier 1998, pour la nullité de la clause violant les dispositions des

conventions ou accords collectifs de travail quand bien même ces textes ne prévoiraient

rien de tel264.

Outre les dispositions d’ordre public (ordre public strict comme ordre public de

protection et ordre public social), le juge prud’homal ne semble pas aujourd’hui lié par un

quelconque support textuel. Il dispose alors, dans cette hypothèse, d’un grand pouvoir dans

le prononcé effectif de la nullité du contrat de travail. Seuls les textes d’application

impérative conduisent donc ce dernier à passer outre son pouvoir souverain d’appréciation

pour appliquer ces textes dès lors que les conditions de leur non-respect sont remplies par

le contrat de travail mis en cause.

Le rôle autrefois attaché au libellé des conventions et accords collectifs de travail est donc

sans incidence de nos jours, les partenaires sociaux n’ont plus à intervenir dans ce cadre au

prononcé de la nullité du contrat de travail. Cependant, c’est peut être dans cette

hypothèse, dans un soucis de respect de ces accords, que la jurisprudence se prononce

désormais pour la nullité de toute ou partie d’un contrat de travail qui violerait, dans un

sens moins favorable au salarié, les dispositions de ces textes quand bien même ces

derniers n’auraient rien ou auraient omis d’envisager une telle sanction.

Hormis les dispositions d’ordre public, la référence au caractère déterminant du

consentement de l’une des parties, salarié ou employeur, au jour de la conclusion du

264 Cass. soc 13 janvier 1998 Société européenne de sélection c/ Madame Saddok, op. cit.

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contrat de travail est de nature à influencer la décision des juges prud’homaux. Se référant

alors à cette notion de critère déterminant du contrat de travail que connaît les juridictions

civiles, la chambre sociale de la Cour de cassation n’apparaît pas faire œuvre novatrice en

matière de nullité d’un contrat. En effet, celle-ci applique, surtout en matière de vices du

consentement, cette solution qui lui permet de garder un pouvoir souverain dans

l’appréciation de la sanction à prononcer à l’encontre du contrat vicié en tout ou partie.

Or, cette marge de manœuvre apparaît rare en pratique. Souvent, ce sont les dispositions du

Code du travail qui sont invoquées au soutien d’une action en nullité du contrat de

travail265. Dès lors, en quoi les solutions de cette chambre de la Cour de cassation

apparaissent-elles différentes de celles issues des chambres civiles ? Il faut se placer, dans

cette optique, au sein même des solutions données par la chambre sociale. En effet, les

conséquences attachées au prononcé de cette nullité démontrent l’originalité d’une telle

sanction dans le cadre du droit du travail.

B. Une sanction originale quant aux effets produits.

Selon l’ensemble des auteurs dont se compose la doctrine, la sanction des

conditions de validité d’un contrat est en principe la nullité266. Cette dernière apparaît en

effet comme la sanction habituelle de la méconnaissance des conditions de formation du

contrat267.

Dès lors, la nullité du contrat entraîne de fait effacement de celui-ci : « il s’agit donc de

rétablir les choses comme elles auraient dû être et donc à faire disparaître le contrat

irrégulier »268. La logique suppose alors que l’effacement de la convention soit rétroactif,

le contrat ne peut produire aucun effet et il est censé n’avoir jamais existé, ce qui a été

exécuté donne lieu à restitution : quod nullum est, nullum producit effectum269. On

considère donc que la nullité doit remettre les choses dans l’état où les parties se trouvaient

au moment de la formation de l’acte270.

Or, la nullité du contrat de travail tient son originalité du fait qu’aucun effet rétroactif ne

semble attaché à son prononcé (1). Cette solution originale produit alors des conséquences

265 QUETANT (G.-P.) et VILLEBRUN (J.), op. cit., n°347.266 Cf. R.CABRILLAC, Droit des obligations, op. cit.267 J.-L.AUBERT, Le contrat, Droit des obligations, op. cit., p.97.268 Ibidem, p. 101.269 « Ce qui est nul ne peut produire d’effet » ; cf. M.MALAURIE, Les restitutions en droit civil, Th. Paris II,Cujas, 1992, préf. G.CORNU.270 A.BENABENT, Les obligations, Montchrestien, 7ème éd., 1999, n°221.

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surprenantes pour un juriste de droit civil ce qui pose ainsi la question du fondement de

cette règle qui n’est édictée semble-t-il que par la chambre sociale de la Cour de cassation

(2).

1. L’absence d’effet rétroactif.

Certains auteurs considèrent que les effets attachés au prononcé de la nullité du

contrat de travail se rapprochent de ceux inhérents au droit du licenciement271. En effet,

l’effet rétroactif donné au prononcé de la nullité du contrat ne s’impose pas lorsque la

restitution des prestations s’avère impossible c’est à dire lorsque le contrat est à exécution

successive, ce qui est le cas du contrat de travail.

Dès lors, le salarié aura droit tout de même dans cette hypothèse, au bénéfice des garanties

légales en matière de prestations sociales et de couverture contre le risque accident de

travail. De plus, il est important de souligner que l’employeur n’est pas exempté en la

matière de ses obligations d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou de

fourniture des bulletins de paie et certificat de travail272(on cherche évidemment ici à

protéger la situation personnelle et physique du salarié au cours et également à la sortie de

la relation de travail le liant à son employeur). De même, lorsque la nullité du contrat

réside dans une faute commise par l’employeur, celui-ci peut être condamné au versement

d’indemnités de rupture273.

Or, l’effet le plus important donné au prononcé de la nullité du contrat de travail réside, en

pratique, dans l’absence d’obligation de restituer les salaires versés par l’employeur au

salarié274. En effet, soucieuse de la situation précaire dans laquelle peut se trouver ce

dernier, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce en

faveur de la non-restitution des obligations effectuées. Ce principe connaît toutefois une

exception qui réside dans l’adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans275. Ainsi,

le contrat de travail qui a une cause immorale est nul, car illicite puisque prohibé par

l’ordre public et les bonnes mœurs. Dès lors, l’action en paiement des salaires à l’encontre

271 Cf. en ce sens, VERKINDT (P.-Y.), La nullité du contrat de travail, Droit du Travail et de la SécuritéSociale 1994, pp.1-2.272 Idem avec pour exemple, cass. soc. 26 janvier 1983, BC V n°33.273 Cass. soc. 1er avril 1968 Mutuelle Nationale de la coiffure, BC V n°193 ; cass. soc. 14 mai 1987, Jurispr.soc. UIMM n°87-494, p.445.274 Pour exemple, cass. soc. 22 novembre 1979, BC V n°885.275 « Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ».

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de l’employeur sera irrecevable276(le salarié aurait donc du prendre garde, dans cette

hypothèse, à se voir auparavant rémunéré pour ce "travail").

Peu importe ici de savoir sur quel fondement repose le prononcé de la nullité du

contrat de travail. En effet, c’est uniquement lorsque cette sanction est énoncée que les

juges prud’homaux vont y attacher les conséquences que l’on vient d’énumérer. Or, on le

sait, le droit commun des contrats refuse de donner de telles conséquences au prononcé de

la nullité de la convention sauf hypothèse particulière d’un contrat à exécution successive.

Ainsi, le contrat de travail étant lui-même un contrat de ce type (il en est d’ailleurs

l’exemple le plus fréquemment cité en matière de contrat à exécution successive277) la

justification de la solution donnée par la chambre sociale de la Cour de cassation se

trouverait donc dans l’impossibilité de restituer les prestations de travail effectuées

auparavant par le salarié. Dès lors, celui-ci serait en droit de conserver les salaires versés

en contrepartie de l’exécution des obligations attachées à ce contrat.

Ainsi, tout salarié devrait, semble-t-il, se voir consentir l’ensemble des rémunérations

correspondant à l’exécution par lui des prestations de travail, peu important le type de

contrat dont il fait l’objet278 et les qualités attachées à sa personne279.

Cependant, si la non-restitution des rémunérations attribuées en contrepartie de

l’exécution de la prestation de travail semble pouvoir se justifier au regard du droit

commun des contrats en tant qu’exception au principe de rétroactivité de la nullité, d’autres

indemnités versées au salarié paraissent dépourvues de fondement. En effet, l’effet attaché

au prononcé de la nullité du contrat de travail ne s’arrête pas à la rémunération strictement

entendue que le salarié a perçu. Ce dernier bénéficie d’indemnités et de garanties qui

rendent le prononcé de cette nullité similaire à celui du licenciement.

Dès lors, c’est à une remise en cause tout entière du fondement des effets de cette nullité

qu’il convient de procéder. Comment en effet justifier le paiement de toutes ces sommes

alors que le salarié doit être considéré a priori comme n’ayant jamais appartenu à

l’entreprise qui l’a pourtant employé pendant la durée précédant le prononcé de la nullité

du contrat ? De nombreux auteurs et le jurisprudence elle-même semblent ainsi avoir

recherché un fondement sur lequel s’appuyer en la matière.

276 Cass. soc. 8janvier 1964 Demoiselle Monge c/Veuve Minart, op. cit.277 Cf. pour exemple, Droit des obligations, responsabilité civile, contrat, DELBECQUE (PH.) et PANSIER (F.-J.), op. cit., p.104.278 Cf. pour un exemple en matière de travail temporaire : cass. soc. 7 novembre 1995 Divoux c/Société LesAssurances de crédit, op. cit.

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2. La recherche d’un fondement à ces solutions.

De nombreux auteurs considèrent que les sommes versées au salarié, en tant

qu’elles rémunèrent les prestations de travail effectuées, ont lieu d’être qualifiées

d’indemnités280. En cela, ils s’appuient sur le libellé de certaines décisions de la chambre

sociale de la Cour de cassation en la matière. On peut citer pour exemple un vieil arrêt de

1959 selon lequel un contrat nul ne peut produire d’effets et s’il a été exécuté, les parties

être remises dans l’état où elles se trouvaient auparavant « mais en raison de la nature des

obligations, il leur est impossible de restituer réciproquement ce qu’elles ont reçu, il y a

lieu de tenir compte de la valeur des prestations de chacune d’elles et des avantages que

l’autre en a retirés »281. Or, le calcul de ces indemnités repose en grande partie sur le libellé

du contrat de travail et la rémunération que celui-ci prévoyait avant d’être annulée. Comme

le souligne déjà monsieur FREYRIA en 1960, « la relation de travail justifie le paiement des

salaires et le contrat en précise les modalités de calcul »282.

Le fondement de cette jurisprudence a alors été trouvé très tôt dans le concept de

l’enrichissement sans cause283. En effet, le salarié se trouve indemnisé en référence à la

valeur des prestations et à l’avantage corrélatif que l’autre partie en a retiré284. La

rémunération convenue n’apparaît alors que comme un des éléments d’appréciation dans le

calcul de cette indemnisation.

Pourtant, auparavant, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation ne

s’appuyait pas sur ce concept. Celle-ci justifiait alors ses décisions sur le fondement de la

responsabilité civile. En effet, il n’est qu’à voir pour illustrer ce propos l’évolution

jurisprudentielle ayant eu lieu en matière d’emploi de salariés étrangers : Par un arrêt du 1er

avril 1968285, la Cour de cassation décide de la nullité d’un contrat de travail pour emploi

dans un travail différent que celui figurant sur la carte de travail du salarié étranger. Dès

lors, se fondant sur l’existence d’une faute imputable à l’employeur, celle-ci considère que

ce dernier se doit de réparer le préjudice subi par le salarié et verser à celui-ci une

indemnité égale à celle du préavis. Pourtant, dès 1978 et par deux arrêts des 15 février et 4

juillet 1978, la solution que propose la chambre sociale offre un fondement que certains

279 Par exemple, lorsqu’il s’agit de salariés étrangers.280 QUETANT (G.-P.) et VILLEBRUN (J.), Traité de la juridiction prud’homale, op. cit., n°347.281 Cass. civ., section sociale, 25 octobre 1959, BC IV n°1069.282 Nullité du contrat de travail et relation de travail, FREYRIA (J.), Dr. Soc. 1960, pp.619-627.283 Cass. soc. 15 février 1978 Gasca, D.1980, p.30, note G.LYON-CAEN ; voir également M.BUY,L’enrichissement sans cause dans les relations de travail, Mélanges Béguet, 1985, p.69.284 Cf. cass. soc. 1er mars 1961, Dr. Soc. 1961, p.483.

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qualifient à l’époque d’obscur286. C’est là qu’émerge le fondement de l’enrichissement

sans cause pour venir justifier ces décisions notamment de la part de monsieur Gérard

LYON-CAEN287. Cependant, la jurisprudence reste hésitante en la matière durant les

quelques années qui suivent. En effet, par un arrêt du 26 janvier 1983, la chambre sociale

de la Cour de cassation semble toujours sensible à l’idée de faute de la part de l’employeur

ainsi que de préjudice causé par celui-ci au salarié288malgré, en matière de nullité du

contrat de travail de salariés étrangers, la loi du 17 octobre 1981 définissant les droits de

ces derniers en dehors de toute référence à la nullité de celui-ci289.

De façon générale, la doctrine s’est montrée critique quant au fondement de l’action

en paiement de salaires et autres indemnités consécutives du prononcé de la nullité du

contrat de travail reposant sur l’enrichissement sans cause. En effet, celle-ci souligne que

« l’action de in rem verso n’est pas faite pour rectifier le droit et tendre à l’exécution

partielle d’un contrat nul290 (…) ou que l’enrichissement de l’employeur a une cause, c’est

à dire une raison juridique : en l’occurrence, le jugement d’annulation291 »292.

Comme le souligne monsieur SAVATIER293, il semble qu’il faille en la matière distinguer

selon le type d’indemnités. En effet, en ce qui concerne la rémunération des prestations de

travail effectuées, la raison de leur versement même si le contrat est déclaré nul, résiderait

dans une « application du synallagmatisme dans le domaine des nullités : l’employeur ne

pouvant restituer la prestation de travail est tenu de rétablir l’équilibre des prestations par

le paiement d’une rémunération ». C’est donc sur le fondement de la recherche d’un

certain principe d’équité et d’équilibre dans les obligations effectuées et à exécuter que se

trouverait le fondement d’une telle jurisprudence de la part de la chambre sociale de la

Cour de cassation. De plus, les indemnités de rupture outre celle de préavis reposeraient

sur le même fondement. L’indemnité de préavis reposerait quant à elle sur l’idée de

responsabilité délictuelle de l’employeur. Enfin, en cas d’octroi d’une indemnité de rupture

abusive, celle-ci se justifierait lorsque le contrat a fait l’objet d’une rupture sans cause

285 Cass. soc. 1er avril 1968, BC V n°193.286 Cass. soc. 15 février et 4 juillet 1978, D.1980, p.30, note G.LYON-CAEN.287 Idem.288 Cass. soc. 26 janvier 1983, BC V n°33.289 Cf. en ce sens, J.SAVATIER, Les sanctions civiles de l’emploi de travailleurs étrangers en situationirrégulière, Dr. Soc. 1986, pp.424-430 ; voir également Droit du travail, G.LYON-CAEN, J.PELISSIER etA.SUPIOT, Dalloz-Sirey, coll. Précis Droit privé, 19ème éd., 1998, note 117.290 PH. MALAURIE, note sous cass. soc. 8 avril 1957, D.1958, p.221.291 E.AGOSTINI, D.1982, p.68.292 J.SAVATIER, Les sanctions civiles de l’emploi de travailleurs étrangers en situation irrégulière, op. cit.293 Idem.

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réelle et sérieuse de la part de l’employeur c’est à dire en cas de faute de ce dernier causant

alors un préjudice au salarié.

Le fondement des effets donnés au prononcé de la nullité du contrat de travail ne

semble pas aujourd’hui, pas plus qu’hier, très précis. Certes, on peut opter pour la

conception de certains auteurs comme monsieur SAVATIER294. Cependant, cette dernière, si

elle a le mérite d’exposer un fondement précis aux différentes obligations pécuniaires

afférentes à l’employeur, a pour inconvénient majeur sa diversité de règles potentiellement

applicables en la matière. Or, celles-ci peuvent tout de même se rassembler autour d’un

objectif commun, celui de la recherche d’un équilibre entre les obligations attachées aux

personnes du salarié et de l’employeur. En effet, même si le contrat de travail les liant entre

eux est nul, l’employeur a tiré un profit subséquent des prestations de travail accomplies

par le salarié. Dès lors, ce dernier aurait un droit à être traité comme un véritable salarié

avec toutes les conséquences qui en découlent.

Cependant, il faut toutefois remarquer que rares sont les décisions de jurisprudence faisant

en la matière référence aux obligations nées du contrat nul295. Leurs solutions semblent en

effet beaucoup plus nuancées reposant plus sur l’idée d’équité296. Dès lors, les juges

prud’homaux ont-ils réellement vocation à intervenir dans le calcul de ces indemnités ? Ne

peut-on pas laisser place à la théorie des restitutions en valeur ? Ainsi, celui qui a bénéficié

d’une prestation de travail aurait alors à sa charge une obligation de restitution en valeur en

vue d’indemniser le cocontractant qui lui a fourni ladite prestation (ici le salarié)297. Or,

une telle approche serait excessive. En effet, les juges prud’homaux doivent pouvoir garder

un certain pouvoir d’appréciation en la matière notamment lorsqu’il s’agit d’évaluer

l’ensemble des indemnités dues au salarié et non, semble-t-il, qu’une partie de celles-ci

lesquelles s’avéreraient difficilement dissociables en pratique.

Les effets produits par le prononcé de la nullité du contrat de travail conduisent

aujourd’hui à considérer le salarié dans une position plutôt favorable. En effet, comme le

constate également madame AUBERT MONTPEYSSE, « l’intérêt pour l’employeur du recours

à ce mode de rupture est, dans la plupart des cas, assez mince, du moins dans un CDI »298.

Le salarié a ainsi droit, entre autres, dans une telle hypothèse et comme on l’a vu, au

294 Idem.295 Cf. en ce sens, B.PETIT et M.PICQ, note sous cass. soc. 7 novembre 1995, op. cit.296 Idem.297 Idem.

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versement des rémunérations correspondant aux prestations effectuées, de recevoir un

bulletin de paie ainsi qu’un certificat de travail et il est de plus en droit de demander la

régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux299.

Cependant, cette sanction apparaît tout de même dans un contexte exceptionnel. En effet,

la nullité de l’ensemble du contrat de travail est le plus souvent prononcée lorsque plus

aucun lien ne lie le salarié et l’employeur, c’est à dire lors d’une rupture du contrat de

travail précédant l’action en nullité. Cette action apparaît alors comme une sorte de "porte

de secours" par laquelle l’employeur tente de s’échapper. Ainsi, l’argument tiré de la

nullité de la relation de travail viendrait justifier selon ce dernier le licenciement prononcé

à l’encontre du salarié. On comprend dès lors la réticence de la chambre sociale de la Cour

de cassation pour le prononcé de cette sanction sauf à l’entourer de conditions favorables

au salarié, conditions essentiellement pécuniaires on l’a bien compris.

Tout autre est l’approche en ce qui concerne la nullité partielle du contrat de travail. On se

trouve là, le plus souvent, dans l’hypothèse où le contrat de travail continue de produire

des effets, soit parce qu’il est toujours exécuté, soit parce qu’il a été rompu mais

comportait des clauses se mettant en œuvre au jour de sa disparition.

298 T.AUBERT MONTPEYSSE, note sous cass. soc. 16 février 1999 Mademoiselle Bentenat c/InsitutInterprofessionnel de formation pour l’industrie et le commerce, arrêt n°853P, D.2000, pp.97-100.299 Idem.

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§2 : La nullité partielle du contrat de travail : une sanction banalisée.

Au contraire des arrêts se prononçant pour la nullité de l’ensemble du contrat de

travail, ceux concernant la nullité partielle de celui-ci sont plus abondants. A quoi doit-on

cet apparent succès ? En fait, il convient de remarquer que cette sanction couvre un nombre

important de clauses du contrat de travail (A). En effet, dès l’instant où celles-ci ne sont

pas valables mais n’apparaissent pas déterminantes du consentement de l’une au moins des

parties au contrat de travail, leur annulation pour quelque motif que ce soit n’affecte pas

pour autant le reste du contrat lequel demeure valable et opposable aux parties qui l’ont

conclu. Tout le problème réside donc a priori dans le fait de déterminer si la clause a eu

une importance véritable lors de la conclusion de la convention pour déterminer l’étendue

de la sanction auquel cas c’est la nullité de l’ensemble du contrat de travail qui va se

substituer à la sanction de la nullité partielle.

Dès lors que la nullité est prononcée, on peut constater que parmi les effets liés au

prononcé de cette sanction (B), le plus important consiste en la survie du contrat de travail,

lequel se trouve dans cette hypothèse amputé de l’un de ses éléments. Pourtant, lorsqu’il va

s’agir de clauses prenant effet au jour de l’extinction de la relation de travail entre le salarié

et son employeur, l’effet donné au prononcé de la nullité partielle du contrat résidera alors

dans l’extinction de tout lien entre ceux-ci. Ce sera le cas par exemple de la clause de non-

concurrence déclarée nulle.

A. La nullité de certaines clauses du contrat de travail.

L’ensemble des clauses du contrat de travail est-il susceptible de subir la sanction

de la nullité ? A vrai dire oui puisque l’on vient de voir dans les développements

précédents que la totalité du contrat de travail peut être déclarée nulle. Cependant, prises

individuellement, ces dernières n’offrent d’intérêt que pour certaines d’entre elles. En effet,

certaines clauses du contrat de travail sont par leur nature même illicites tandis que

d’autres ne le sont que dans leur champ d’application (1). Ainsi, une clause apparemment

licite mais dont l’étendue est trop importante peut se voir sanctionnée par le prononcé de la

nullité partielle.

De plus, dès l’instant où leur nullité est reconnue, la question va alors se poser de l’étendue

cette fois-ci de cette sanction. En effet, si la clause déclarée nulle n’était pas, au jour de la

conclusion du contrat de travail, déterminante du consentement des parties à la convention,

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à savoir salarié d’une part et employeur d’autre part, la nullité ne sera que partielle. Dans

l’hypothèse inverse, on retrouvera ainsi les règles régissant la nullité de l’ensemble du

contrat de travail. Le champ d’application de la sanction de la nullité partielle du contrat de

travail apparaît dès lors dépendant de la seule distinction entre clauses déterminantes et

clauses accessoires du contrat de travail (2).

1. La distinction entre clauses interdites et clauses licites.

La structure des clauses constituant un contrat de travail obéit à des conditions de

validité très différentes. Il ne s’agit donc pas ici de passer en revue l’ensemble des

conditions inhérentes à chacune de ces clauses. Cependant, il convient de constater que ces

clauses potentielles du contrat peuvent se regrouper autour d’un critère unique : celui

distinguant les clauses interdites ou illicites des clauses licites.

Dès lors, sont considérées comme illicites les clauses :

• Reconnues comme telles par une disposition légale ou conventionnelle expresse.

On peut citer pour exemple les articles L.122-14-12 du Code du travail relatif aux clauses

couperet300, L.141-9 relatif aux clauses d’indexation, L.123-2 interdisant toute mesure

contraire au principe d’égalité entre hommes et femmes, L.121-3 et R.517-1 relatifs aux

clauses attributives de juridiction,…

• Portant atteinte aux droits fondamentaux de la personne ou au respect de la vie

privée du salarié.

Sont ainsi interdites par exemple les clauses de célibat dans la mesure où celles-ci portent

atteinte au droit fondamental qu’est le droit au mariage301.

• Dérogeant, dans un sens moins favorable, aux dispositions légales et

conventionnelles302.

• Dérogeant de manière générale à une disposition d’ordre public.

Dès lors, l’ensemble de ses clauses conduisent au prononcé inévitable de leur nullité soit

que le législateur a envisagé lui-même cette sanction soit que les juges prud’homaux la

prononce de manière systématique. Cette nullité n’entraîne cependant pas pour autant la

nullité de l’ensemble du contrat de travail. En effet, elle ne touche le contrat dans son

300 Cf. Le point sur la mise à la retraite du salarié, Légi Social du 1er mai 1996, pp.11-13.301 Cass. soc. 7 février 1968, arrêt n°65-40-622, BC V n°86 et également CA Paris 30 avril 1963, JCP 1963,II, 13205bis.302 Cf. la jurisprudence en la matière précédemment citée ; voir également, La sanction des clauses contrairesà une convention collective, BOUCHE (N.) et BOURRIER (C.), D.1999, JP, p.159.

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intégralité que si la clause a été déterminante du consentement d’au moins une des parties

au contrat de travail.

De même, certaines clauses du contrat de travail peuvent être déclarées nulles non

dans leur principe puisque celles sont licites, contrairement à celles évoquées ci-dessus,

mais dans l’étendue qu’ont entendu leur donné les cocontractants. Ces clauses sont dès lors

beaucoup plus nombreuses et diverses que les précédentes. Cependant, la jurisprudence a

eu à connaître plus fréquemment certaines d’entre elles en tant qu’elles peuvent restreindre

voire abolir tout exercice de certaines libertés par le salarié. On peut citer par exemple la

clause d’exclusivité303, la clause d’objectif, la clause de mobilité géographique, la clause

de domicile ou de résidence, la clause de dédit-formation mais surtout la clause de non-

concurrence304. Ainsi, la chambre sociale de la Cour de cassation a pu décider, par

exemple, que la clause de non-concurrence doit s’apprécier par rapport à la liberté de

travail laissée au salarié, cette limitation devant se justifier par les intérêts de l’entreprise

pour une durée et dans une zone géographique définies305. De plus, celle-ci souligne

également que la validité de cette clause doit être appréciée non en fonction de la

compétence personnelle du salarié mais de façon objective, en fonction du poste occupé

par celui-ci306.

Ainsi, la nullité partielle du contrat de travail peut être prononcée dans deux

hypothèses : soit la clause est interdite et dès lors, quelque soit son contenu, elle est

annulable ; soit la clause est licite mais ici ce sont les contractants, en particulier et surtout

l’employeur, qui en fixent des conditions exorbitantes. Dans cette dernière hypothèse, les

juges prud’homaux ont alors un pouvoir d’appréciation non-négligeable pour décider de

l’annulation ou non de ladite clause. Ceci démontre donc le caractère important de la

qualification de la clause dès son origine (licite ou licite) car selon sa nature les juges

disposeront ou non en la matière d’un pouvoir notable d’appréciation de la validité de cette

clause.

Cependant, cette appréciation va prendre également en compte un critère important dans le

prononcé de la nullité qui est celui du caractère déterminant ou non de la clause. En effet,

303 Cf. cass. soc. 11 juillet 2000, arrêt n°3318FS-P+B, D.2000, IR, pp.227-228.304 Pour des exemples de jurisprudence en la matière et une définition de chacune de ces clauses, voir Lesclauses du contrat de travail, numéro spécial de Liaisons sociales, n°12990 du 17 septembre 1999, pp.5-88 ;voir également, Clauses du contrat de travail, Légi social Dossier D-280, mai 1998, pp. 2-50 et La rupturedu contrat de travail, équipe rédactionnelle de la Revue Fiduciaire, La Revue Fiduciaire, Paris, 1994, p.303et s.305 Pour un exemple d’absence de limitation dans l’espace, voir note J.AMIEL-DONAT, D.1992, somm.comm., p.344.306 Cass. soc. 19 novembre 1997, arrêt n°4277D, CSBP n°97, p.33

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la distinction opérée entre clauses déterminantes et clauses accessoires du contrat de travail

a ici toute son importance non dans l’appréciation de la nullité de la clause qui est acquise

dans un premier temps, mais, dans un second temps qui est celui de la détermination de

l’étendue de cette sanction.

2. La distinction entre clauses déterminantes et clauses accessoires du

contrat de travail.

La question est ici très importante car de sa réponse dépend la portée de la nullité

du contrat. En effet, si une clause a été déterminante pour les parties au contrat de travail,

au moment de la conclusion de celui-ci, sa nullité doit entraîner la nullité de la totalité de la

convention. On imagine mal le contrat survivre alors que l’un de ses éléments auxquels au

moins l’une des parties attachait de l’importance a disparu. Au contraire, lorsque la clause

invalidée est dite accessoire au contrat c’est à dire qu’elle n’a pas déterminée l’engagement

des parties contractantes, sa nullité n’entraîne pas de ce fait nullité de la relation de travail.

Dans cette hypothèse, le contrat lui survit donc malgré l’amputation dont il est victime par

le juge prud’homal307. Cependant, le juge aura tout de même le choix de décider dans cette

hypothèse entre ôter tout effet à la clause (ce qui revient à en décider l’annulation) ou

remplacer celle-ci par des dispositions d’ordre public308.

Cette position en faveur de la nullité partielle du contrat de travail semble s’expliquer par

le soucis de conserver une certaine sécurité juridique en la matière. En effet, le contrat est

dans cette hypothèse toujours exécuté et produit des effets que sa remise en cause par le

biais du prononcé de la nullité de l’ensemble du contrat de travail ne saurait invalider. De

plus, dans quel intérêt la nullité du contrat de travail serait-elle prononcée alors que seule

une de ses clauses n’est pas valable et non déterminante du consentement des parties

contractantes ?

De la même manière et dans le souhait de respecter les volontés des parties au contrat de

travail, salarié et employeur, les juges prud’homaux décident parfois non de la nullité de la

clause mais de la réduction de ses conditions d’application. Ainsi, en matière de clause de

non-concurrence, le juge peut réviser la clause, cette dernière contenant des exigences trop

importantes, afin de lui donner un champ d’application approprié permettant son

307 Les clauses du contrat de travail, numéro spécial de Liaisons sociales, op. cit.308 Clauses du contrat de travail, Légi social Dossier D-280, op. cit.

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application effective309. Dès lors, lorsque la clause est illicite, la sanction applicable est

alors la nullité partielle du contrat de travail. Par contre, en présence d’une clause licite

mais excessive dans son champ d’application respectif, cette dernière peut soit être annulée

lorsqu’elle ne permet aucune marge de manœuvre de la part de l’un des contractants310,

soit être réduite dans son étendue, soit encore réputée non-écrite. Ainsi, dès 1988, c’est à

dire peu après l’entrée en vigueur de la loi du 30 juillet 1987 réglementant les clauses de

mise à la retraite, monsieur SARAMITO se pose la question de la portée de la nullité d’une

clause "couperet"311. En effet, y-a-t-il seulement nullité de cette disposition car contraire

aux dispositions d’ordre public ou la clause subit-elle une modification qui la rapprocherait

du régime des clauses dites souples ? Cette difficulté mérite d’être soulevée car la

jurisprudence ne semble pas pour l’heure donner de réponse satisfaisante312. Cette dernière

opte ainsi soit pour une position stricte considérant que la clause est nulle et que « le

régime légal reprend alors ses droits »313, soit, dans une position plus souple, pour le

prononcé d’une nullité ne touchant que le caractère automatique de la rupture, la clause

conservant alors « son utilité à travers l’âge permettant à l’employeur de mettre un terme

au contrat de travail »314. Dans cette dernière hypothèse, on assiste donc à une modification

de la clause en clause dite souple.

Mais la question de l’extension de la nullité à l’ensemble du contrat n’est pas

spécifique au droit du travail. En effet, comme le souligne monsieur COUTURIER, cette

interrogation est « l’une de celles qui sont les plus constamment discutées et présentent

l’intérêt pratique le plus évident »315. Dès lors, le constat est le suivant : « il y a, d’un côté,

ce qui relève de l’analyse du contrat lui-même : il s’agit, à la lumière de la volonté des

parties, de se prononcer sur sa divisibilité ou son indivisibilité (ce que nous avons vu au

tout début de ce paragraphe). Il y a, de l’autre côté, ce qui relève de l’analyse de la règle

sanctionnée, des exigences d’ordre public dont elle procède : la mesure de la nullité doit

309 Cf. La rupture du contrat de travail, équipe rédactionnelle de la Revue Fiduciaire, op.cit.310 Cf. Y.SERRA, D.1992, somm. comm., p.347.311 Age de la retraite et fin du contrat de travail, SARAMITO (F.), op. cit.312 A.CADET, Essai d’une théorie générale des clauses du contrat de travail, thèse, op. cit.313 Pour exemple : CA Bourges 22 juin 1990, RJS 1991 n°162 in Essai d’une théorie générale des clauses ducontrat de travail, thèse, op. cit.314 Pour exemple : CA Paris 16 mars 1990, RJS 1990 n°660 ; CA Paris 19 novembre 1990, Juris-Datan°025253 ; CA Paris 30 novembre 1990, Juris-Data n°026025 in Essai d’une théorie générale des clauses ducontrat de travail, thèse, op. cit.315 La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER(G.), op. cit., p.281.

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être déterminée de la façon la plus conforme aux intérêts que la règle sanctionnée est

destinée à sauvegarder (ce que nous avons vu également)»316.

Ainsi, le prononcé de la nullité partielle du contrat de travail ne peut paraître anodin

comparativement au prononcé de la nullité de l’ensemble de celui-ci. En effet, le juge

prud’homal se doit de composer en la matière avec les intérêts des parties en présence, leur

volonté au jour de la conclusion du contrat, non au jour de l’instance et les dispositions

impératives édictées par le législateur en ce domaine afin d’en connaître la sanction la plus

appropriée.

Bien que le Code civil ait proposé une distinction entre les hypothèses autorisées de

nullité partielle et celles de nullité absolue d’une convention en ses articles 900 et 1172, la

jurisprudence de manière générale « a ramené à l’unité ces deux règles, expressément

contraires (l’une ayant vocation à s’appliquer en matière d’actes à titre gratuit, l’autre en

matière d’actes à titre onéreux), en se fondant sur la notion de cause, afin de faire prévaloir

la volonté commune des parties »317. La jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de

cassation n’a dès lors qu’emprunté cette voie ouverte par les juridictions civiles pour

l’appliquer à son tour en matière de nullité du contrat de travail. Or, il s’avère que cette

sanction (la nullité partielle) est aujourd’hui beaucoup plus prononcée en matière de

contrat de travail. En effet, les juges prud’homaux semblent se servir de cette sanction dans

un soucis évident d’équité et de protection des parties contractantes notamment du salarié.

Cependant, comme en matière civile, le principe reste l’annulation des éléments du contrat

contraires à la règle impérative. Dès lors, le juge prud’homal ne peut que prononcer cette

sanction lorsqu’elle fait l’objet de dispositions de nature impérative car d’ordre public.

Mais il ne faut surtout pas oublier de tenir compte, comme l’affirme monsieur GHESTIN,

« non seulement de la volonté du législateur, mais aussi de la place tenue par l’élément

vicié dans le contrat, c’est à dire de son importance dans l’accord des volontés »318.

A l’instant où est prononcée la nullité partielle du contrat de travail, quels vont alors être

les effets de cette sanction notamment sur le contrat de travail ? Ceux-ci ne vont

évidemment pas être les mêmes que ceux attachés à la nullité totale puisque le contrat de

travail continue a priori d’exister.

316 Ibidem, pp.281-282.317 J. GHESTIN, Traité de droit civil-Les obligations, op. cit., n°878.318 Ibidem, n°876, 896 et s.

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B. Les effets liés au prononcé de la nullité partielle du contrat.

Contrairement aux effets de la nullité touchant l’ensemble du contrat de travail, ceux

attachés au prononcé de la nullité partielle de celui-ci se résument en une conséquence

essentielle : la survie du contrat (1). En effet, débarrassé de la clause déclarée non-valide,

le contrat de travail peut continuer de s’exécuter normalement. Cependant, cette survie

suppose dès le départ que le contrat s’exécute toujours au jour de l’instance et n’a donc pas

été rompu par l’une des parties contractantes. Dans le cas contraire, le contrat ne peut

ressurgir du fait de la nullité partielle d’une de ses clauses.

De plus, la nullité partielle du contrat de travail ne produit pas d’effet qu’au regard de la

survie ou non du contrat de travail. Bien au contraire, celle-ci a également vocation à

produire des effets quand bien même plus aucune relation ne lierait le salarié à

l’employeur. On prendra ici pour exemple caractéristique, la clause de non-concurrence

(2). En effet, celle-ci n’a vocation à produire de conséquences qu’au jour de la rupture du

contrat de travail. Dès lors, en cas de nullité imputable à cette seule clause, quels va être les

effets d’une telle sanction ?

1. La survie du contrat de travail.

Cette solution semble tout à fait logique ; le contrat de travail n’est pas nul, seule la

clause litigieuse subit cette sanction. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de celle-ci au contraire

de la nullité touchant l’ensemble de la relation de travail. Cependant, cet effet donné à la

nullité partielle du contrat suppose au préalable que celui-ci soit toujours en vigueur. En

effet, personne ne saurait prétendre, en cas de rupture du contrat antérieure à l’action

présentée devant les juges prud’homaux, à la résurgence de la relation de travail ayant liée

le salarié à l’employeur.

Dès lors, la rupture du contrat de travail qui reposerait sur une prétendue violation de la

relation de travail s’avère être un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, dans

une telle hypothèse, le salarié agit devant le Conseil de Prud’hommes afin d’obtenir des

indemnités de licenciement ou même la nullité de la clause qu’il aurait violé ; l’employeur

invoque comme cause justifiant la rupture de la relation de travail le non-respect de la

clause du contrat. Or, les juges se prononcent en faveur d’une nullité partielle. Dès lors, le

contrat n’est nul qu’en ce qui concerne la clause visée par les juges prud’homaux. De ce

fait, le contrat devait continuer à produire ses effets notamment quant au maintien du

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salarié dans l’entreprise. A défaut, la rupture dont est victime ce dernier ne repose sur

aucun fondement et ce salarié aura donc droit à des indemnités pour rupture abusive du

contrat de travail319.

Dès lors, l’intérêt d’une telle sanction réside donc dans la technique dissuasive que

représente son application. En effet, « celui qui tient à l’insertion de la clause court le

risque de voir demander à la fois l’exécution du contrat et la nullité de la clause »320. Ainsi,

l’employeur qui aurait inséré cette clause dans le contrat de travail se voit dans une telle

hypothèse contraint de poursuivre la relation de travail avec le salarié sans pouvoir

bénéficier des dispositions de ladite clause déclarée nulle. La technique de la nullité

partielle du contrat de travail paraît donc redoutable. En effet, soucieux des intérêts des

cocontractants mais également des tiers à cette relation, les juges prud’homaux confèrent

donc au contrat de travail un sort que parfois aucune des parties n’auraient pu présager.

Il convient de plus de souligner que cette technique, si elle est applicable en France, a

également reçu depuis longtemps un certain succès en droit communautaire. En effet, on

peut citer pour exemple l’article 7 §4 du règlement 1612/68 du 15 octobre 1968 relatif à la

libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté lequel dispose : « toute

clause…portant sur l’accès à l’emploi, l’emploi, la rémunération et les autres conditions de

travail et de licenciement, est nulle de plein droit dans la mesure où elle prévoit ou autorise

des conditions discriminatoires à l’égard des ressortissants des autres Etats membres »321.

De même, selon l’article 4 de la directive 75/117 du 10 février 1975 ayant trait au

rapprochement des législations des Etats membres relatives à l’application du principe de

l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins, les

Etats membres de la Communauté se doivent de prendre les dispositions nécessaires pour

que les clauses figurant dans les contrats de travail contraires au principe de non-

discrimination entre hommes et femmes puissent être déclarées nulles322.

Cependant, cette sanction de la nullité partielle du contrat de travail n’est pas sans

subir quelques critiques. En effet, selon monsieur GHESTIN, la nullité d’une partie

seulement du contrat de travail se justifie essentiellement par la notion de cause

déterminante du consentement. Or, selon lui, « l’utilisation constante des notions de cause

impulsive et déterminante et d’indivisibilité apporte à la matière une part d’obscurité qui

caractérise leur usage de façon générale. Ensuite et surtout, la jurisprudence dominante, qui

319 Cf. pour exemple CA Paris 30 avril 1963, op. cit (à propos d’une clause de célibat).320 En ce sens, SIMON-SUISSE (F.), Nullité et contrat de travail, mémoire de DEA de droit social, op. cit.321 JOCE n°L 257 du 19 octobre 1968 ; Rect. JOCE n°L 295 du 7 décembre 1968.

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reste inspirée, semble-t-il, par le dogme de l’autonomie de la volonté, limite sa recherche

et, en tout cas, la justification de ses solutions, à l’influence exercée dans l’accord des

volontés par l’élément irrégulier. Ici encore le dogme de l’autonomie de la volonté fait

considérer le respect de l’intention des parties, au moins en apparence, comme un principe

de solution unique. Or, sur le fond, la volonté des parties, si respectable soit-elle, ne peut

prévaloir sur la règle dont il s’agit d’assurer la sanction »323. Il est vrai que la référence à la

volonté des parties au contrat ne peut pas tout permettre aux juges dans le prononcé de leur

décision qui plus est dans un contrat de travail où c’est le plus souvent l’employeur qui

impose le contenu du contrat au salarié.

Cependant, la référence à ces volontés dans le but de justifier le prononcé de cette nullité

partielle du contrat de travail est imparable. Ainsi, comme le souligne également plus loin

dans ses développements monsieur GHESTIN, « l’hostilité ou, tout au moins les réticences,

des juges à l’égard de certaines causes de nullité peuvent ainsi s’abriter derrière une

interprétation de la volonté commune des parties qui, en fait, échappe à la critique et

même, le plus souvent, au contrôle de la Cour de cassation »324.

Dès lors, en matière de nullité du contrat de travail, la jurisprudence se montre en général

très favorable au prononcé de la nullité de seulement certaines clauses du contrat. Ainsi, le

salarié serait dans une situation très favorable puisqu’il obtiendrait dans une telle

hypothèse les faveurs des juges prud’homaux, ces derniers considérant que la clause

invalidée n’était pas déterminante du consentement des parties, que le contrat de travail

reste donc valable et sans que la Cour de cassation ne puisse venir remettre en cause cette

affirmation. Or, toute la difficulté pourrait résulter d’une divergence d’appréciation entre

juridictions du fond des éléments prouvant le caractère déterminant ou non de la clause vis

à vis du consentement des parties au contrat ! Reste que la chambre sociale de la Cour de

cassation peut cependant toujours sortir de sa réserve…

Le principal effet du prononcé de la nullité partielle du contrat de travail est donc la

survie de cette convention. Cependant, il n’est pas le seul. En effet, le contrat de travail

peut déjà être rompu le jour de l’introduction de l’action en nullité de l’ensemble ou d’une

partie seulement du contrat de travail. Dès lors, quelle serait l’utilité de la sanction de la

nullité partielle dans une telle hypothèse ? Il faut se placer ici du côté de la clause et de son

incidence sur la situation du salarié. En effet, celle-ci peut ne produire ses effets qu’au jour

322 JOCE n°L 45 du 19 février 1975.323 J. GHESTIN, Traité de droit civil-Les obligations, op. cit., n°900.324 Idem.

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de la disparition de la relation de travail. Or, prononcer la nullité partielle du contrat et

donc de cette clause conduit à annihiler toute sorte de relation qui subsisterait entre le

salarié et son ancien employeur. Tel est le cas par exemple de la clause de non-

concurrence.

2. Le cas particulier de la clause de non-concurrence.

La clause de non-concurrence est l’une des rares clauses du contrat de travail qui

soit constitutive d’obligations après la rupture du contrat de travail telle que la clause de

respect de clientèle ou clause de non-démarchage325. En effet, la clause de non-concurrence

se définit comme étant la clause ayant pour objet d’interdire au salarié, à l’expiration de

son contrat de travail (donc quelle que soit la cause mettant un terme à la relation de

travail), l’exercice d’une activité professionnelle concurrentielle susceptible de porter

préjudice à son ancien employeur que ce salarié devienne salarié d’une entreprise

concurrente de celle de son ancien employeur ou qu’il crée lui-même sa propre entreprise.

Entourée de diverses conditions de validité et de proportionnalité326 touchant au caractère

indispensable de cette clause pour la protection des intérêts de l’entreprise et la possibilité

laissée au salarié d’exercer une activité professionnelle conforme à sa formation et ses

connaissances (donc dans des limites non-excessives à la fois dans le temps et dans

l’espace), cette clause de non-concurrence est souvent invoquée par le salarié en vue

d’obtenir le prononcé de sa nullité. Dès lors, quel intérêt au prononcé d’une sanction

touchant exclusivement cette clause ? En effet, le contrat de travail est le plus souvent

éteint lorsqu’une telle action est intentée par le salarié lequel constate, au moment où la

clause de non-concurrence s’applique, les conditions parfois exorbitantes de son étendue.

De même, c’est dans l’hypothèse où l’ancien employeur constate le non-respect de ladite

clause par le salarié que ce dernier peut agir devant le Conseil de Prud’hommes et que le

salarié par voie d’exception invoquera la nullité de celle-ci. Dès lors, quel est l’intérêt du

prononcé de la nullité partielle du contrat de travail dans cette hypothèse puisque cette

sanction permet habituellement la survie du contrat de travail ? Or, ici le contrat n’existe

plus depuis un certain temps.

325 Cf. en ce sens Les clauses du contrat de travail, numéro spécial de Liaisons sociales, op. cit., p.70 et s.326 Cf. cass. com. 16 décembre 1997 SA Banexo c/de Reynal de Saint-Michel, Juris-Data n°005119 in Droitde la concurrence, chronique n°1, MALAURIE-VIGNAL (M.), Les Petites Affiches du 20 mai 1998, pp.17-25.

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En fait, il nous faut constater que la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de

cassation n’a pas pour préférence le prononcé d’une telle sanction en matière de clause de

non-concurrence. En effet, celle-ci, lorsque la clause apparaît excessive, lui préfère la

sanction de la réduction bien que la doctrine lui conteste cette attitude (voir la Section 2).

En matière de nullité de ladite clause, cette action est réservée au seul salarié, l’employeur

ne pouvant s’en prévaloir327. Par ailleurs, c’est seulement si la clause ne permet d’exercer

aucune activité que la nullité de cette dernière sera généralement prononcée328, aucune

réduction de celle-ci dans cette hypothèse n’étant alors possible.

Dès lors que la nullité de la clause de non-concurrence est prononcée, celle-ci est donc

considérée comme n’ayant jamais existé. Ainsi, le salarié ne peut se voir reprocher la

violation de cette clause même si l’employeur estimait que les limites fixées par celle-ci

n’avaient pas été respectées. De plus, l’éventuelle clause pénale insérée dans le libellé de

cette clause en cas de non-respect de ses termes par le salarié n’est pas due par celui-ci

puisque c’est la totalité de la clause de non-concurrence qui subit la sanction de la nullité.

De même, lorsque la clause prévoyait le versement d’une contrepartie pécuniaire pour

pallier les termes de son application, l’employeur ne peut, en cas de nullité de cette clause

de non-concurrence, obtenir le remboursement de l’indemnité compensatrice déjà versée

au salarié, dès lors que cet employeur n’apporte pas la preuve que le salarié a violé la

clause pendant la période durant laquelle elle s’était appliquée avant que la nullité n’en soit

judiciairement constatée329. Enfin, l’employeur qui se prévaut d’une clause de non-

concurrence non valable pour contraindre le nouvel employeur à licencier le salarié, cause

à ce dernier un préjudice dont le montant est apprécié par les juges du fond330.

En conséquence, le salarié se prévalant de la nullité d’une clause de non-

concurrence se trouve dans une situation plutôt avantageuse. En effet, celui-ci bien que le

contrat de travail le liant à son employeur comportait une clause de ce type, perd toute

relation avec son ancien employeur du fait de cette sanction. Bien plus, ce salarié peut

rechercher et exercer un nouvel emploi sans tenir compte des limites de cette clause et au

cas où il le ferait avant que la nullité de la clause ne soit prononcée, seule l’hypothèse

d’une indemnité compensatrice versée postérieurement à l’obtention de cet emploi pourrait

327 Cass. soc. 7 mai 1981 et 10 janvier 1991 in La rupture du contrat de travail, équipe rédactionnelle de laRevue Fiduciaire, op.cit.328 Pour exemple, cass. soc. 14 octobre 1992, arrêt n°3384D in La rupture du contrat de travail, équiperédactionnelle de la Revue Fiduciaire, op.cit.329 Cass. soc. 28 octobre 1997 SA CGR c/Assedic FNGS, arrêt n°4043P+B, Liaisons sociales Juris. Hebdon°7827 du 13 mars 1998.330 Cass. soc. 27 février 1996 Société Siemens c/François, arrêt n°92-43.469, RJS 4/96 n°406.

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lui être réclamée. Dès lors, le salarié ayant subi les termes de la clause de non-concurrence

non-valable peut bénéficier d’indemnités auxquelles il n’aurait pas eu droit en l’absence de

toute clause de ce type (dans l’hypothèse par exemple où une indemnité compensatrice a

été versée par l’employeur ce dernier croyant la clause valable).

Montrer ici le cas particulier de la clause de non-concurrence permet d’observer

toutes les conséquences attachées au prononcé de la nullité partielle du contrat de travail.

En effet, la clause déclarée nulle, celle-ci peut avoir provoqué un préjudice au salarié et à

sa situation actuelle. Dès lors, outre la nullité de la seule clause du contrat, le salarié va

pouvoir bénéficier d’un ensemble d’indemnités : dommages et intérêts en vue de la

réparation du préjudice subi, indemnités compensatrices dont le salarié n’est pas redevable

à son ancien employeur,… De plus, ce dernier va retrouver, en matière de nullité de la

clause de non-concurrence, la clause de respect de la clientèle et la clause de non-

démarchage, une certaine liberté de mouvement et de manœuvre dans son nouvel emploi

ou dans le cadre de la recherche de celui-ci. Au contraire, l’employeur n’a que des

désavantages dans le prononcé de cette nullité. En effet, il perd à la fois le pouvoir de

direction qui subsistait encore à l’égard de son ancien salarié et les indemnités qu’il a pu

verser avant le prononcé de cette sanction.

La nullité partielle du contrat de travail a connu depuis quelques années un large

succès auprès des Conseils de Prud’hommes. Sanction efficace et limitée dans son étendue

aux seules dispositions non-valables, cette nullité permet ainsi de sauvegarder la situation

dans laquelle se trouvent les parties contractantes en particulier le salarié. En effet, la

nullité partielle a pour objectif d’effacer toutes les dispositions interdites par les textes

applicables en matière de contrat de travail ainsi que celles qui, bien que licites,

apparaîtraient excessives.

Aidés en cela par la distinction opérée entre clauses déterminantes et clauses accessoires

du contrat de travail, les juges prud’homaux peuvent alors bénéficier d’une certaine marge

de manœuvre en la matière. Ainsi, le soucis de préserver la situation pécuniaire du salarié

et de faire valoir l’idée d’équité entre les parties confère à cette nullité un fondement que

personne, pas même la Cour de cassation, ne semble pouvoir remettre en cause. Faut-il

s’en féliciter ? S’il est vrai que cette solution ne semble guère reposer sur un quelconque

fondement textuel, cette dernière apparaît cependant, en pratique, la mieux à même de

considérer les cas spécifiques qui sont soumis aux juges et de protéger les parties au

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contrat de travail sans que pour autant un principe unique puisse malheureusement se

dégager en la matière.

A première vue, le choix entre la nullité totale ou seulement partielle du

contrat de travail semble facile. Dès lors que la cause de nullité affecte l’ensemble du

contrat, celui-ci encourt le prononcé de sa nullité. Au contraire, la clause non-valable car

interdite ou excessive est nulle mais sa nullité n’entraîne pas de facto la nullité du contrat

de travail tout entier dont elle est issue.

Cependant, cette distinction n’est pas si aisée en pratique. En effet, il faut savoir

composer en la matière entre dispositions d’ordre public et volonté des parties

contractantes. Ainsi, la nullité de l’ensemble du contrat peut être imposée par le législateur

sous couvert d’une disposition impérative. De même, la nullité du contrat est encourue

lorsqu’il apparaît que la clause litigieuse à conditionner le consentement d’au moins une

des parties au contrat de travail. Dès lors, cette dernière condition au prononcé de la nullité

de l’ensemble ou non de la relation de travail repose il est vrai sur un critère difficilement

contestable de part la partie qui s’en prévaut et les juges qui la constatent. Une fois révélée,

la solution en découlant ne semble pas en effet pouvoir souffrir d’une quelconque

contestation et apparaît, de plus, la plus respectueuse des volontés et des intérêts des parties

au contrat.

Dès l’instant où la nullité, totale ou partielle, du contrat de travail est prononcée, les

effets attachés à cette sanction semblent pour le moins surprenants pour un spécialiste de

droit civil. En effet, bien que celui-ci connaisse les particularités attachées au prononcé de

la nullité d’un contrat à exécution successive tel que le contrat de travail, la non-

rétroactivité n’en est pas la seule conséquence. Ainsi, le salarié peut se voir octroyer

diverses sommes qui ne devraient pourtant être consécutives qu’à la rupture du contrat de

travail non à sa disparition. De même, dans l’hypothèse de la nullité partielle du contrat de

travail que le droit civil connaît également, le salarié bénéficiera d’une certaine protection

quant à sa situation pécuniaire et ce bien que la clause soit considérée, du fait de cette

sanction, comme n’ayant jamais existé.

Comme le droit civil, le droit du travail connaît les deux types de nullité pouvant

toucher un contrat. Cependant, contrairement au droit commun, le droit du travail semble

avoir "inversé la donne". En effet, la nullité partielle du contrat de travail semble avoir la

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préférence des Conseils de Prud’hommes à l’inverse des juridictions civiles qui se

prononcent encore aujourd’hui beaucoup plus pour une nullité touchant l’ensemble du

contrat. Dès lors, de nos jours, en droit du travail, la nullité partielle apparaît comme étant

la règle, la nullité de l’ensemble du contrat, l’exception. Or, comme en droit civil

cependant, les juges prud’homaux disposent également de sanctions a priori beaucoup plus

souples permettant soit le maintien d’un lien contractuel avec l’employeur soit la

condamnation pénale de celui-ci.

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SECTION 2 : LA FAVEUR DES TRIBUNAUX POUR LE PRONONCE D’AUTRES SANCTIONS.

Parler de la nullité du contrat de travail sans évoquer l’existence d’autres

sanctions similaires serait avoir une vision réductrice de la place qu’occupe de nos jours le

régime particulier de cette sanction dans le droit du travail. En effet, force est de constater

que la nullité n’est pas la seule solution au non-respect de certaines conditions de validité

d’un contrat de travail. De plus, le recours au prononcé de ces autres sanctions s’avère

aujourd’hui beaucoup plus important car le législateur, la jurisprudence et la doctrine ont

pris conscience de l’intérêt qu’il y a dans l’intervention des pouvoirs publics au sein de la

relation de travail.

Ainsi, d’autres sanctions civiles ont supplanté a priori la nullité du contrat de

travail ou tout du moins la nullité partielle de celui-ci (Paragraphe 1). En effet, on compte

notamment la présence remarquée de la sanction de la requalification du contrat en contrat

de droit commun c’est à dire en contrat à durée indéterminée. A quoi doit-on ce

phénomène ? En fait, celui-ci se trouve lié en pratique au développement important des

hypothèses de contrats précaires lesquels alimentent souvent les chroniques de

jurisprudence et se présentent comme les supports nécessaires au prononcé de cette

sanction. De plus, à cette sanction, vont venir s’en ajouter d’autres lesquelles conduisent à

démontrer l’interventionnisme important des juges et des pouvoirs publics dans la relation

personnelle de travail liant le salarié et son employeur.

Est-ce à dire que le contrat de travail n’a vocation qu’à subir des sanctions civiles ?

On a vu, il est vrai juste à présent, que le contrat de travail est sanctionné, lorsqu’il ne

remplit pas toutes les conditions nécessaires à sa validité, par la nullité et d’autres

sanctions de nature civile ayant pour objet de "neutraliser" les défauts inhérents à celui-ci.

Or, dans un soucis de protection de l’intérêt public, le législateur a souhaité sanctionner par

des mesures pénales le non-respect des conditions attachées à certains contrats précaires.

Cependant, le prononcé de ces mesures va se combiner nécessairement avec d’autres

sanctions cette fois de nature civile. Ainsi, on ne peut affirmer l’existence d’une autonomie

des sanctions pénales contrairement au régime des sanctions civiles telles que la nullité.

Dès lors, ces sanctions pénales n’apparaissent que comme un complément essentiel parfois

à ces autres sanctions (Paragraphe 2).

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On le voit le régime de la nullité a à composer avec d’autres sanctions qui, cette

fois-ci, sont issues du droit du travail contrairement à celle-ci. Dès lors, la nullité du contrat

de travail n’apparaîtrait que comme un élément d’un éventail de solutions à la portée des

juges prud’homaux.

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§1 : Les sanctions civiles en remplacement de la nullité.

De nombreuses sanctions civiles autres que la nullité du contrat de travail

coexistent en droit du travail. Parmi elle, la sanction de la requalification apparaît la plus

connue et surtout la plus fréquemment utilisée par les Conseils de Prud’hommes. Cette

dernière est en effet envisagée par beaucoup de textes du Code du travail en tant qu’elle est

la sanction du défaut de formalisme des contrats de travail autres que le contrat à durée

indéterminée (A). Dès lors, pourquoi les pouvoirs publics et la jurisprudence de la Cour de

cassation semblent préférer cette sanction au prononcé de la nullité du contrat dans

certaines hypothèses bien précises ? La raison en est tout à fait simple. La nullité conduit à

faire disparaître toute relation de travail liant salarié et employeur contrairement à la

requalification qui elle, présente l’avantage indéniable de préserver un tel lien tout en

apportant une protection supplémentaire au salarié.

De même, l’exemple caractéristique de l’interventionnisme des tribunaux au sein de

la relation de travail se découvre par le biais de la révision des clauses du contrat de travail

(B). En effet, cette technique employée par les juges prud’homaux et empruntée aux

juridictions de droit commun permet l'immixtion des magistrats au sein de la relation de

travail afin d’éviter le prononcé de la nullité de tout ou partie du contrat en "remodelant" la

ou les clauses litigieuses pour les rendre valables. Dès lors, on peut s’interroger sur le

fondement d’une action palliant le prononcé de cette sanction, les juges n’étant pas des

parties à cette convention, et donc n’étant pas d’ordinaire habilités à en modifier le libellé.

A. La requalification en contrat de droit commun.

Comme on l’a vu précédemment, le contrat de travail, lorsqu’il est à durée

indéterminée peut être constaté « dans les formes qu’il convient aux parties »331. Pourtant,

cette absence de formalisme ne vaut que pour l’hypothèse restreinte du CDI332. En effet,

les autres contrats de travail sont soumis à la rédaction d’un écrit. Cette exigence est alors

imposée soit par la loi soit par la convention collective applicable333. Ainsi, la loi exige

331 Art. L.121-1 du Code du travail.332 Cf., M.VERICEL, Le formalisme dans le contrat de travail, Dr. Soc. 1993, p.818 et F.BRUNIAU, Leformalisme dans le contrat de travail, mémoire de DEA droit social, 1998-1999, op. cit.333 Cette dernière impose la rédaction d’un écrit ou du moins que l’engagement du salarié soit confirmé parlettre ou avis. Elle peut également imposer l’insertion de clauses au contrat de travail. Cependant, cesexigences sont le plus souvent inférieures à celles qu’impose désormais la Directive européennen°91/533/CEE du 14 octobre 1991 (JOCE n°L 288/32 du 18 octobre 1991).

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cette formalité pour certains types de contrats tels que le contrat d’apprentissage, le contrat

d’insertion, le contrat de travail temporaire, le contrat de travail à temps partiel et le plus

connu, le contrat à durée déterminée334. Dès lors, l’absence de formalisme de ces contrats,

par le défaut d’écrit ou l’absence de certaines mentions, conduit le plus souvent au

prononcé de la requalification du contrat en CDI (1).

Le salarié placé dans le cadre de la requalification de son contrat apparaît alors dans une

position enviable. En effet, loin de subir le prononcé de l’annulation de toute relation avec

son employeur, celui-ci bénéficie de la poursuite de l’exécution de son contrat de travail en

tant que bénéficiaire d’un CDI. Dès lors, ce dernier jouit de l’ensemble des effets attachés

à ce type de contrat, lui qui jusqu’à lors se trouvait dans une situation précaire. La

requalification du contrat de travail contrairement à la nullité qui engendre disparition de

tout lien contractuel entre les parties, permet donc au salarié de bénéficier d’avantages

indéniables (2).

1. La requalification, sanction du défaut de formalisme.

L’écrit est un moyen d’éviter dans certaines situations des abus de la part d’une des

parties au contrat de travail. En effet, on peut envisager que l’un des contractants affirme

que leur relation de travail a la forme d’un CDI alors que l’autre considérera qu’il s’agit

d’un CDD. Dès lors, l’écrit, comme support à cette relation, apparaît nécessaire lorsque

l’on se trouve face à un contrat de travail particulier, c’est à dire autre que le contrat à

durée indéterminée. Aussi, le législateur est venu imposer la rédaction d’un écrit dans des

situations spécifiques ainsi que le contenu de ce dernier par l’exigence de mentions

impératives.

Prenons pour exemple le cas spécifique d’un contrat à durée déterminée. Celui-ci doit,

outre le fait d’être constaté par écrit, faire l’objet d’un certain nombre de mentions

lesquelles figurent à l’article L.122-3-1 du Code du travail335. Dès lors, à défaut de

respecter cette exigence d’un contrat écrit, ce contrat de travail sera réputé à durée

indéterminée336 et cette présomption présente, dans cette hypothèse, un caractère

irréfragable que l’autre partie ne peut combattre en apportant une preuve contraire337. Les

334 Droit de l’emploi, sous la direction J.PELISSIER, Dalloz-Sirey, coll. Dalloz Action, 1999, n°709.335 Cette exigence d’écrit est issue de la loi n°79-11 du 3 janvier 1979 confortée par l’ordonnance n°82-130du 5 février 1982 et la loi n°90-613 du 12 juillet 1990.336 Art. L.122-3-13 du Code du travail.337 Cf. Rép. Trav. Dalloz, voir Contrat à durée déterminée, n°288 et 289, par D.CORRIGNAN-CARSIN.

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textes actuels applicables en matière de CDD ne laissent donc aucun pouvoir à

l’employeur qui aurait omis de rédiger le contrat338. Ainsi, la sanction n’est pas en la

matière la nullité car « le contrat subsiste en soi, seule sa qualification au regard de la durée

de l’engagement contractuel étant sujette à révision : de déterminée, la durée devient

indéterminée339.

De même, l’omission de certaines mentions obligatoires entraîne également la

requalification du CDD en CDI selon une jurisprudence bien établie de la chambre sociale

de la Cour de cassation340. En effet, il faut considérer alors que ces mentions ont pour but

de permettre de vérifier la conformité du contrat de travail aux hypothèses et conditions

prévues par le législateur. Dès lors, leur inexistence dans le contrat conduit à présumer de

la volonté de l’une au moins des parties à la relation de travail de détourner celle-ci des cas

envisagés par la loi et la sanction de la requalification apparaît alors la solution la mieux

adaptée à cette hypothèse. Ainsi, la chambre sociale de la Cour de cassation considère, par

exemple, qu’un CDD conclu pour le remplacement de salariés absents et ne comportant ni

leurs noms ni leurs qualifications doit être requalifié en CDI341, de même lorsque le contrat

ne comporte pas la signature de l’intéressé, celui-ci étant alors considéré comme un contrat

purement verbal et donc à durée indéterminée342.

Cependant, la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation semble s’être

volontairement éloignée, en la matière, de la lettre de l’article L.122-3-13 du Code du

travail. En effet, à la lecture de cet article, la plupart des auteurs considèrent que la

sanction de la requalification n’a vocation qu’à sanctionner la méconnaissance des

dispositions de l’article L.122-3-1 seulement en ce qui concerne son alinéa 1er343. Dès lors,

le CDD n’a vocation à être requalifié en CDI qu’en l’absence d’écrit344, de signature du

salarié345, et de défaut d’indication précise du motif de recours à ce type de contrat346.

338 Pour une évolution de la jurisprudence en la matière, voir Y.CHAUVY, L’écrit en garantie de l’ordrepublic : son incidence sur la durée du contrat de travail, op. cit.339 Idem.340 Cass. soc. 16 juillet 1987, BC V n°481 ; D.1988, somm. comm., p.97 et 19 novembre 1987, BC V n°656 ;D.1987, IR, p.244 in Y.CHAUVY, op. cit.341 Cass. soc. 1er juin 1999 Banque populaire savoisienne de crédit c/Madame Meynet et a., arrêt n°2533P,JCP E 1999, II, pp.1929-1930.342 Cass. soc. 26 octobre 1999, D.1999, IR, p.264 ; BC V n°401.343 Cf. en ce sens, D.JOURDAN, Le formalisme du contrat à durée déterminée et le risque de requalification,JCP E 2000, Conseil pratique, pp.978-979.344 Cass. soc. 21 mai 1996, BC V n°190 ; 18 février 1997, RJS 1997 n°664 ; 12 novembre 1997, RJS 1997n°1454 in Le formalisme du contrat à durée déterminée et le risque de requalification, op. cit.345 Cass. soc 22 octobre 1996, RJS 1996 n°1238 et 26 octobre 1999, op. cit.346 Cf. cass. soc. 4 janvier 2000, BC V n°2000 (dans le cadre d’une convention entre employeur et pouvoirspublics) et cass. soc. 24 janvier 1998, BC V n°511 (mention de l’existence d’un surcroît temporaired’activité) in Le formalisme du contrat à durée déterminée et le risque de requalification, op. cit.

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Soucieux de la situation précaire dans laquelle peut se trouver le salarié et conscient de

l’absence de sanction quant à la méconnaissance des dispositions de l’alinéa 2 de ce même

article, la jurisprudence a donc adopté une position extensive de l’article L.122-3-13. Dès

lors, le défaut de nom de la personne remplacée347 et de la qualification de celle-ci348 peut

entraîner requalification. On aurait pu craindre ainsi qu’à trop vouloir protéger le salarié, la

chambre sociale s’éloignait abusivement de la volonté des pouvoirs publics qui n’était pas

a priori celle de permettre une requalification importante de tout un ensemble de CDD en

CDI mais d’éviter un recours abusif à ce type de convention afin de pourvoir des emplois

durables et permanents. D’ailleurs, dans une espèce du 20 mai 1997349, cette crainte

semblait vouloir se confirmer par l’affirmation d’ordre général dont faisait preuve la

chambre sociale de le Cour de cassation350. Une exception toutefois au sein de cette

jurisprudence a pu être établie ; en effet, l’absence de mention quant à la convention

collective applicable en la matière n’est pas sanctionnée par le biais de la requalification du

CDD en CDI351.

Mais la sanction de la requalification apparaît également dans de nombreuses autres

hypothèses. En effet, le CDD en est l’exemple le plus particulier car l’ambiguïté de la

rédaction des articles du Code du travail le concernant permet aux juges prud’homaux

d’appliquer cette sanction aux dispositions ne prévoyant pas celle-ci ni aucune autre

d’ailleurs. Tout autre est l’hypothèse du contrat d’apprentissage. En effet, celui-ci pose

moins de difficulté, car la jurisprudence considère depuis de nombreuses années que le

défaut d’écrit ainsi que le non-respect des procédures de déclaration et d’enregistrement de

ce contrat entraîne nullité des aspects relatifs à l’apprentissage et requalification en contrat

de droit commun352. Une telle hypothèse se produit également à propos du contrat de

qualification353 et du contrat de travail temporaire354.

La requalification d’un contrat particulier en contrat à durée indéterminée est donc

bien, on le voit, l’œuvre combinée du législateur et de la chambre sociale de la Cour de

347 Ibidem, cass. soc. 6 juillet 1997, BC V n°160.348 Ibidem, cass. soc. 1er juin 1999, BC V n°249 et 26 octobre 1999, BC V n°402.349 Cass. soc. 20 mai 1997, JCP E 1997, p.705 in Le formalisme du contrat à durée déterminée et le risque derequalification, op. cit.350 « Le CDD doit être établi par écrit, et comporter la définition précise de l’objet, ainsi que les mentionsprévues à l’article L.122-3-1. A défaut, il est réputé avoir été conclu pour une durée indéterminée ».351 Cass. soc. 26 octobre 1999, BC V n°399 et D.1999, IR , p.264.352 Cf. A.DE SENGA, note sous cass. soc. 12 juillet 1999 Interfit c/Courtois, Dr. Ouvrier, janv. 2000, p.23 et s.353 Idem.354 Cf. cass. soc. 7 novembre 1995, BC V n°212 ; Gaz. Pal. 1995.2, panorama p.255 ; D.1995, IR, p.258 ; JCPG 1996, II, 22626, note P.PETIT et M.PICQ in Vanité du contrat de travail non-signé ( nécessité de précautionà destination des employeurs), F.-J.PANSIER, CSBP mai 2000, D 010, p.541 et s.

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cassation. Cette dernière en effet a fait un travail de protection des intérêts du salarié

dépourvu de tout support écrit constatant sa relation de travail. Cependant, certains auteurs

contestent la qualification même de cette sanction. Ainsi, selon monsieur PANSIER, dont il

faut reconnaître que la pensée en la matière est tout à fait véridique, constate que « le terme

requalifier n’est pas exact, le contrat verbal EST contrat à durée indéterminée ab initio et

ce n’est pas une opération de requalification mais de qualification à laquelle le juge

procède »355. En effet, le contrat en l’occurrence ne remplit pas toutes les conditions

nécessaires à sa validité. Dès lors, celui-ci n’a jamais été un contrat particulier, il ne l’a

peut-être été qu’aux yeux des parties contractantes, et le juge prud’homal procède alors

non à une sanction qui serait la requalification mais à une qualification du contrat lui-

même.

Ainsi, on l’a vu, cette opération intéresse l’ensemble des contrats de type particuliers (y

compris toutes les formes que peuvent revêtir un contrat à durée déterminée356). Or, il est à

souligner qu’en la matière la chambre sociale de la Cour de cassation opère une

requalification dans des espèces qu’elle juge elle-même opportunes. En effet, concernant

l’hypothèse précise d’un contrat d’aide au retour à l’emploi, contrat à durée déterminée de

type spécifique, cette dernière a considéré dans une espèce en date du 18 mai 1999 que ce

contrat bien que conclu sans convention d’aide avec l’Etat conservait son caractère de

contrat à durée déterminée357. Dès lors, ce n’est pas à une requalification du contrat en CDI

à laquelle les juges ont procédé mais à une qualification de cette relation de travail en

CDD. Pourquoi une telle position de la part de cette chambre ? En fait, les magistrats de la

Cour de cassation ont, en l’absence de toute disposition impérative en la matière, pris en

considération les intérêts du salarié en l’espèce. En effet, le choix de la requalification ou

plutôt de la qualification du contrat en CDD permettait au salarié de bénéficier ainsi, en

plus des dommages et intérêts pour rupture anticipée fautive, d’une indemnité de fin de

mission à laquelle il n’aurait pu prétendre dans le cadre de son contrat aidé.

On constate donc que la jurisprudence, comme en matière de nullité du contrat de

travail, s’avère soucieuse des intérêts essentiellement pécuniaires du salarié. En effet,

celui-ci, par le biais de la requalification de son contrat de travail, peut prétendre au

bénéfice d’indemnités supplémentaires et supérieures à celles qui lui auraient été versées

355 Vanité du contrat de travail non-signé ( nécessité de précaution à destination des employeurs), F.-J.PANSIER, CSBP mai 2000, D 010, p.541 et s.356 Pour un exemple en matière de contrat emploi-solidarité, voir CA Bourges 10 décembre 1999, JCP E2000, II, p.1191 et s., note J.-P. LHERNOULD.357 Cass. soc. 18 mai 1999, Dr. Soc. 1999, note C.ROY-LOUSTAUNAU, p.728 et s.

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au moment de la rupture de sa relation de travail. De même, ce dernier bénéficie en cas de

requalification du contrat en CDI, d’avantages indéniables qu’il convient à présent

d’énumérer.

2. Les effets de la requalification, des avantages indéniables pour le

salarié.

Selon monsieur ALAPHILIPPE, « traditionnellement, le droit du travail envisage la

requalification du CDD en CDI comme la sanction infligée à l’employeur qui engage le

salarié sous contrat précaire sans respecter le formalisme imposé ou hors des hypothèses

autorisées par la loi (…) Suivant cette conception, l’employeur ne peut prétendre à la

requalification »358. Dès lors, la jurisprudence met donc le salarié dans une position de

supériorité à celle de son employeur puisque seul celui-ci dispose du droit d’agir en

requalification de son contrat359.

Ainsi, le salarié tire des avantages indéniables de cette requalification. En effet, il

est tout d’abord titulaire d’un contrat à durée indéterminée ce qui lui permet, si son contrat

n’a pas été rompu, de poursuivre sa relation de travail dans l’entreprise et ce pour une

durée non-fixée contrairement à l’hypothèse d’un contrat à durée déterminée. Mais c’est

surtout en ce qui concerne les indemnités pécuniaires auxquelles le salarié peut prétendre

lors de la rupture de ce contrat qui constituent le principal intérêt d’une telle

requalification. Comme le constatent messieurs CANAPLE et TEISSIER, l’article L.122-3-13

du Code du travail assortit la requalification du CDD en CDI d’une indemnité forfaitaire

qui ne peut être inférieure à un mois de salaire360. Ainsi, « la rédaction même de ce texte

amène à penser que l’indemnisation du salarié doive être complétée par le recours aux

sanctions du licenciement injustifié (…) La requalification ne serait que le biais pour

parvenir à l’application du droit du licenciement »361.

Quelles sont alors les autres conséquences possibles de la requalification d’un contrat par

nature spécifique ? Il apparaît, en matière de contrats autres que le CDD, que le prononcé

358 P.ALAPHILIPPE, Contrat de travail à durée déterminée et clause de résiliation unilatérale : un mélangedes genres qui ne profite pas à l’employeur, D.2000, JP, p.30.359 Cass. soc. 16 juillet 1987, BC V n°481 ; 13 février 1991, Dr. Soc. 1991, p.418 ; 7 mai 1996, RJS 1996n°658, p.421 in Contrat de travail à durée déterminée et clause de résiliation unilatérale : un mélange desgenres qui ne profite pas à l’employeur, op. cit.360 M.CANAPLE et C.TEISSIER, Les incidences de la requalification du contrat à durée déterminée : bilan etperspectives, Semaine sociale Lamy du 27 septembre 1999, pp.6-8.361 Idem ; voir également, J.SAVATIER, La requalification des contrats à durée déterminées irréguliers, Dr.Soc. 1987, p.407.

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de la requalification entraîne également le prononcé d’indemnités pécuniaires en faveur du

seul salarié. En effet et par exemple, le contrat d’apprentissage requalifié en CDI a pour

conséquence essentielle le fait que l’apprenti doit alors être considéré comme un jeune

travailleur devant percevoir une rémunération calculée sur le salaire minimum

interprofessionnel de croissance (SMIC)362.

De manière générale, on peut donc dire que la sanction de la requalification, tout

comme celle de la nullité totale ou partielle du contrat de travail, conduit nécessairement à

conférer au salarié concerné un profit substantiel de la situation à laquelle il est confrontée.

D’ailleurs, monsieur COUTURIER met en évidence le parallélisme de ces deux sanctions que

certains ont pu déjà évoqué363. Dans le cas de la requalification, le salarié peut obtenir des

indemnités égales à celles du prononcé d’un licenciement causé par la rupture d’un contrat

à durée indéterminée. De plus, au cas où leur relation n’est pas rompue, ce salarié bénéficie

alors d’une rémunération qui est basée sur le minimum pouvant être perçu par tout salarié

jouissant d’un CDI.

Cependant, force est de constater que l’employeur n’est pas nécessairement le perdant dans

le cadre d’un tel litige. En effet, bien que ne bénéficiant pas de la possibilité d’agir en

requalification, ce dernier, lorsque cette sanction est prononcée à la demande du salarié,

dispose d’un panel de causes de rupture du contrat de travail beaucoup plus large qu’en

matière de CDD. Ainsi, le salarié pourra être licencié, parce qu’il est détenteur d’un CDI,

pour des raisons supplémentaires à celles prévues en présence d’un CDD, c’est à dire en

plus de la faute grave et du cas de force-majeure364. Dès lors, l’employeur pourra mettre fin

plus rapidement au contrat le liant au salarié. De plus, ce dernier supportera, en cas de

rupture du contrat, des conséquences financières moins importantes dans l’hypothèse d’un

licenciement même sans cause réelle et sérieuse plutôt que pour la rupture illicite du

CDD365. C’est d’ailleurs en raison de cette éventualité que la jurisprudence a interdit toute

action en requalification de la part de l’employeur et ce afin qu’il n’échappe aux conditions

strictement fixées en matière de rupture d’un contrat à durée déterminée.

362 Cass. soc. 28 mars 1996 M.Tahloul c/M.Barrabes in Le contrat d’apprentissage et le Conseil dePrud’hommes, Cah. prud’homaux août/septembre 2000, JP, p.102.363 Cf. La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation,COUTURIER (G.), op. cit., p.279.364 Art. L.122-3-8 du Code du travail.365 Cf. P.ALAPHILIPPE, Contrat de travail à durée déterminée et clause de résiliation unilatérale : un mélangedes genres qui ne profite pas à l’employeur, op. cit.

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122

L’objet de la requalification tend donc en pratique « à restituer au contrat sa

véritable qualification sans s’arrêter à la dénomination proposée par les parties »366.

Toutefois, il faut souligner qu’au sein du régime de la requalification une distinction mérite

d’être opérée. En effet, ce que nous venons de développer concerne la seule hypothèse de

la requalification-sanction : le juge prud’homal intervient au sein d’un litige opposant le

salarié à son employeur et donne au contrat sa véritable qualification afin que l’ensemble

des effets attachés à ce dernier puisse se produire. Seul le salarié dispose de cette action

invoquant alors la violation des règles de fond ou de forme inhérentes à la conclusion des

contrats à durée déterminée. Toute autre est l’approche concernant la requalification-

interprétation : dans cette hypothèse, le salarié ainsi que l’employeur peuvent saisir le

Conseil de Prud’hommes en s’appuyant sur l’article 12 du Code de procédure civile et afin

que celui-ci se prononce sur la nature exacte de la convention.

Le salarié dispose donc d’un pouvoir important dans la première hypothèse, pouvoir d’agir

en justice dans ce cadre auquel s’ajoute la possibilité de se voir conférer un emploi stable

et durable ainsi que de plus amples indemnités en cas de rupture de la relation de travail le

liant à son employeur. Cependant, cette sanction est également à double tranchant comme

nous l’avons vu, l’employeur pouvant tirer certains avantages de cette requalification.

Pourtant, le législateur ainsi que la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de

cassation ont multiplié les hypothèses de requalification en matière de contrats de travail

autres que le CDI. Cette tendance peut s’expliquer dès lors par le fait que seule est

sanctionable le défaut de formalisme dans de telles hypothèses. Le contrat n’est pas alors

modifié mais seule sa qualification est révisée. Cette sanction permet donc la survie de la

relation de travail qu’il convient alors au salarié et à son employeur de poursuivre voire

d’en modifier par la suite les éléments. De plus, il est à noter que cette sanction va

permettre également aux pouvoirs publics de connaître exactement la nature de la relation

de travail liant salarié et employeur lesquels peuvent alors intervenir au sein de celle-ci et

venir sanctionner éventuellement l’employeur négligeant en s’immiscent dans le rapport

contractuel.

La jurisprudence ayant donc pour but la poursuite de la relation contractuelle de travail,

celle-ci va avoir alors également la possibilité de recourir à d’autres sanctions en vue de la

réalisation de cet objectif parmi lesquelles celle de la révision des clauses non-valides.

366 Idem.

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123

B. La révision des clauses du contrat.

Cette technique n’est pas propre au droit du travail. En effet, le droit commun des

contrats connaît des sanctions similaires. Cependant, cette méthode implique une atteinte à

l’autonomie de la volonté, le juge modifiant, sans l’accord des parties au contrat, la

convention367. Appliquée au droit du travail, la révision du contrat permet ainsi au juge

d’interférer au sein de cette relation salarié-employeur afin de préserver le reste de la

convention et permettre à celle-ci de continuer à produire des effets. Dès lors, le but

poursuivi par le juge reste a priori la protection de la situation engendrée par le

commencement d’exécution de la relation de travail. Dans ce contexte, le juge prud’homal

ne modifie donc que le champ d’application, autrement dit l’étendue de certaines clauses

contractuelles irrégulières (1). En aucune manière en effet celui-ci ne modifie la totalité de

la convention de travail.

Or, le panel des sanctions civiles ne saurait s’arrêter là. En effet, à cette sanction

correspond d’autres que la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation

peut également utiliser et qui constituent également une entrave importante et contestable à

la liberté contractuelle et l’autonomie de la volonté des parties au contrat de travail (2).

Dès lors, ces solutions issues du droit commun des contrats n’ont vocation qu’à

intervenir au sein des clauses du contrat de travail irrégulières pour en modifier le contenu.

Ainsi, contrairement aux effets liés au prononcé de la nullité de ce contrat, ces sanctions

permettent aux juges de rester au plus proche des modalités de la relation de travail initiale

envisagées par les cocontractants eux-mêmes.

1. La remise en cause de la seule étendue de la clause.

Dès 1987, monsieur GHESTIN constate le procédé de contrôle des clauses de non-

concurrence employé par la chambre sociale de la Cour de cassation et la recherche

l’élimination des effets irréguliers du contrat de travail368. Ainsi, si cette dernière a

appliqué pendant longtemps la sanction de la nullité aux clauses du contrat qui lui

paraissait excessives, elle décide aujourd’hui d’en limiter simplement l’étendue encore que

367 Cf., GHESTIN (J.), Traité de droit civil-Les obligations, op. cit., n°901 et s.368 Ibidem, n°915.

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des exemples de jurisprudence puissent parfois tempérer ce propos et soulever des

interrogations369.

Ainsi, par un arrêt du 13 janvier 1998370, la chambre sociale décide de la nullité d’une

clause de non-concurrence car contraire à une convention collective dans le montant de

l’indemnité compensatrice alors prévu. Or, cette sanction de la nullité n’était d’une part,

pas envisagée par la convention elle-même et, d’autre part, la clause pouvait faire l’objet

d’une révision pour la rendre conforme aux termes fixés par la convention collective

comme la jurisprudence le concède traditionnellement371. Cependant, cette sanction

adoptée par la Cour de cassation permet, contrairement à la sanction de la réduction, de

libérer le salarié de l’exécution de la clause de non-concurrence quelles que soient les

modalités de celle-ci.

Faut-il en conclure que la chambre sociale opère également ici un contrôle de l’opportunité

d’une telle sanction ou, plus simplement, qu’elle cède par cette espèce aux critiques

formulées en la matière ?

En effet, nombreuses peuvent être les critiques en matière de révision de la clause

irrégulière d’un contrat de travail si l’on considère qu’elle porte atteinte au principe de la

force obligatoire des contrats372. De même, la solution qui consisterait à recourir à la

réduction peut paraître surprenante en matière notamment de clause de non-concurrence

car la clause excessive, dans son étendue, porte atteinte au principe fondamental de la

liberté du travail et devrait donc être annulée au regard de l’article 6 du Code civil selon

lequel « on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent

l’ordre public et les bonnes mœurs »373.

Or, on peut également estimer, tout comme monsieur JAPIOT, que « la nullité est un

droit de critique contre les effets de l’acte, droit qui peut être divisible quant aux effets

critiqués. Seuls les effets illicites de la clause doivent disparaître sans qu’il soit nécessaire

que la clause elle-même soit annulée ou modifiée »374. De plus, certaines clauses du

369 Cf. en ce sens, Y.SERRA, note sous cass. soc. 18 décembre 1996, D.1998, somm. comm., p. 215.370 Cass. soc. 13 janvier 1998 Société européenne de sélection c/Madame Saddock, op. cit.371 Cf. cass. soc. 15 décembre 1982, BC V n°701 et 2 avril 1981, BC V n°315 et 316 in note sous cass. soc.13 janvier 1998, op. cit. ; voir également cass. soc. 24 février 1982, 14 novembre 1991 et 4 mai 1993 in Larupture du contrat de travail, équipe rédactionnelle de la Revue Fiduciaire, La Revue Fiduciaire, Paris, 1994,p.303 et s.372 Cf. Y.SERRA, note sous cass. soc. 18 décembre 1996, op. cit.373 La jurisprudence a par ailleurs déjà utilisé ce fondement en matière clause de non-concurrence afind’affirmer le principe de liberté du travail et d’établissement : voir notamment cass. soc. 19 novembre 1996,BC V n°392, Dr. Soc. 1997, p.95, obs. G.COUTURIER.374 JAPIOT (R.), Des nullités en matière d’actes juridiques in Traité de droit civil-Les obligations, J.GHESTIN,op. cit.

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contrat de travail ainsi réduites peuvent permettre au salarié qui se prévaut de cette action

de bénéficier à la fois, dans cette hypothèse, de la poursuite de sa relation de travail et de

conditions d’exercice de son emploi meilleures puisque revues par les juges afin d’être

licites et d’ainsi mieux correspondre aux volontés des deux parties contractantes. En effet,

on le sait, la clause de non-concurrence est le plus souvent imposée par l’employeur à son

salarié notamment en ce qui concerne son champ d’application. Dès lors, la révision

consiste à ne toucher ainsi qu’aux modalités d’application de la clause sans interférer

fondamentalement au sein de la relation de travail comme la nullité partielle du contrat de

travail peut le laisser supposer.

Ainsi, le cheminement de pensée de la Cour de cassation, en matière de révision d’une

clause de non-concurrence, semble pouvoir se résumer ainsi selon certains auteurs : faisant

application du principe de la force obligatoire du contrat, les juges confirment l’obligation

à la charge du salarié de ne pas concurrencer son employeur parce qu’il a accepté

indiscutablement une restriction de la sorte à sa liberté de travail lors de la conclusion de

son contrat. Dès lors, le salarié se doit de respecter une clause que les juges rendent

conforme, dans son étendue, à l’article 6 du Code civil de manière à ce qu’elle ne soit pas

contraire à un principe d’ordre public, en l’occurrence celui de la liberté du travail375.

Il faut toutefois constater que cette sanction de réduction de l’étendue de la clause

de non-concurrence n’est pas, à l’heure actuelle, appliquée à d’autres types de clause du

contrat de travail tels que la clause de dédit-formation, peut-être au motif que cette dernière

ne contient jamais d’indemnité au profit du salarié qui l’accepte376. De plus, la réduction de

la clause n’est prononcée, en matière de clause de non-concurrence, que lorsque celle-ci

apparaît excessive. En effet, la clause comportant des exigences trop importantes fait

l’objet d’une révision alors que dans l’hypothèse où celle-ci ne permet pas du tout

l’exercice d’une activité, ce sera la sanction de la nullité qui sera alors préférée.

Depuis l’arrêt du 13 janvier 1998, la sanction de la réduction semble aujourd’hui

confinée dans d’étroites hypothèses. Celle-ci semble donc devoir subir un sort incertain

notamment face aux critiques de la doctrine. De plus, celle-ci peut apparaître parfois tout à

fait inappropriée pour le salarié. En effet, en matière de clause de non-concurrence, la

nullité de celle-ci apparaît préférable d’autant que le salarié a rarement consenti de manière

non-équivoque à l’existence de cette clause, imposée le plus souvent par l’employeur. Dès

lors, prononcer cette sanction permet au salarié de retrouver une entière liberté dans sa

375 Cf. en ce sens, SIMON-SUISSE (F.), Nullité et contrat de travail, mémoire de DEA de droit social, op. cit.376 Idem.

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recherche d’emploi, liberté qui connaîtrait toutefois ses limites en cas de simple révision.

L’intérêt du salarié semble donc conduire à supprimer l’ensemble de la clause qui est

excessive plutôt qu’à en réduire seulement l’étendue et à ôter ainsi, par la force des choses,

tout champ d’application à la sanction de la révision.

Outre cette sanction qui a priori n’a que peu vocation désormais à s’appliquer en droit du

travail, quelles sont donc les autres possibilités encore offertes aux juges prud’homaux

pour intervenir dans le cadre du contrat hormis le prononcé de la nullité ou de la

requalification ?

2. Les autres techniques d’intervention au contrat de travail.

Les recours à des techniques sanctionatrices autres que la nullité du contrat de

travail sont issus tout comme la requalification et la révision du droit commun des contrats.

Ainsi, ces dernières ont pour but d’éviter le recours au prononcé de la nullité du contrat et

de tous les effets qui y sont attachés. Or, on doit constater dès à présent que ces sanctions

ont donc vocation à ne recevoir qu’un succès mitigé en droit du travail, la jurisprudence de

la chambre sociale de la Cour de cassation ayant, comme on l’a vu, adapté le régime de la

nullité que connaît le droit civil à la situation particulière qu’est la relation contractuelle de

travail pour n’en garder que les conséquences les plus favorables aux parties. Dès lors, ce

paragraphe n’a vocation qu’à énumérer la sanction la plus propice à s’appliquer en la

matière.

La substitution de certaines clauses irrégulières du contrat de travail par d’autres

valables est en effet parfois appliquée par les juges prud’homaux. Cette sanction consiste

donc quelque part à priver d’effet les clauses irrégulières, mais également à les remplacer

par d’autres ayant le même objet mais cette fois valables ce, par la seule décision du juge

prud’homal. Au titre de cette sanction, on peut remarquer comme le fait monsieur

COUTURIER377 que la loi elle-même envisage la substitution en cas de discrimination entre

hommes et femmes378 ainsi que plus largement lorsque le contrat de travail méconnaît la

convention collective applicable ceci étant la conséquence automatique de l’ordre public

social dans cette hypothèse.

377 La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER(G.), op. cit., pp. 277 et 278.378 Art. L.140-4 du Code du travail.

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Par ailleurs, comme le souligne monsieur GHESTIN379, la substitution conduit donc à

enlever au contrat sa disposition irrégulière pour la remplacer par une clause qui sera

valable. Dès lors, cette sanction va plus loin que la simple révision de la clause puisque

cette dernière ne vise qu’à réduire le champ d’application, l’étendue des termes de la

clause litigieuse. La substitution quant à elle, retire au contrat la clause pour la remplacer

par une autre même si l’on peut considérer que l’objet de celui-ci ne semble pas occulté

dans cette hypothèse. De plus, cet auteur constate également que, de manière générale, « le

législateur peut toujours réaliser une substitution. (Elle) se rencontre le plus souvent dans

les domaines où la liberté contractuelle ne s’exerce qu’à l’intérieur ou, au moins

parallèlement, à un régime ou statut légal. Il en est ainsi, de façon aujourd’hui classique, en

matière de bail ou de contrat de travail »380. Dès lors, dans les hypothèses où le législateur

permet cette substitution, celle-ci se produira de façon pour le moins automatique, le juge

prud’homal ne disposant alors d’aucun pouvoir d’appréciation en la matière. De même, la

loi peut conférer au juge le pouvoir de substituer la clause initiale par une disposition

conforme aux prescriptions légales, dès lors cette sanction n’est que facultative et à défaut

d’autorisation, celle-ci semble, « en principe, interdite au juge »381.

Pourquoi énoncer une telle interdiction faîte au juge de prononcer la substitution au sein de

la relation de travail d’une clause du contrat de travail hors des hypothèses envisagées par

le législateur? Il faut prendre en considération le fait ici que la substitution bien plus que la

simple révision touche de près les principes d’autonomie de la volonté, force obligatoire

des contrats et liberté contractuelle. Dès lors, seuls les pouvoirs publics apparaissent donc à

même de modifier le contenu des contrats en autorisant l’intervention de l’autorité

judiciaire sous couvert de dispositions d’ordre public.

La sanction de la substitution d’une clause du contrat de travail par une autre

valable est ainsi enserrée dans des contraintes de respect de « l’esprit » de la convention382

et donc de respect de la volonté commune aux parties contractantes.

Comparée à la nullité-réduction383, cette nullité-substitution a pour conséquence similaire

de conférer aux juges un pouvoir important d’immixtion dans la relation liant le salarié et

son employeur. Dès lors, on peut reprocher à ces deux sanctions de mettre à mal

facilement, trop peut-être, la volonté des parties contractantes en leur imposant de

379 GHESTIN (J.), Traité de droit civil-Les obligations, op. cit., n°905 et s.380 Idem.381 Ibidem, n°906.382 En ce sens, Cf. A.BENABENT, Droit civil-Les obligations, op. cit., n°220.383 Ibidem, n°219.

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continuer leur relation contractuelle à des conditions fixées par le juge prud’homal. Or, le

contrat de travail se présente bien comme un contrat intuitu personae où les parties fixent

d’un commun accord leur rapport contractuel de travail et les conditions dans lesquelles

celui-ci se déroule. Dès lors, sous couvert d’une autorisation de la part du législateur et de

dispositions d’ordre public, la jurisprudence peut donc méconnaître les principes de liberté

contractuelle et d’autonomie de la volonté dans ces hypothèses. Cependant, la critique doit

être moins forte en ce qui concerne la révision des clauses contractuelles. En effet, dans

cette hypothèse, le juge ne fait que modérer la clause litigieuse qui reste ainsi la même

dans son principe et proche de la volonté initiale des contractants. De plus, c’est en

l’absence de toute autorisation du législateur qui reste muet en la matière que les juges ont

appliqué la sanction de la réduction aux clauses de non-concurrence comme on l’a vu384.

C’est dire si le soucis de préserver à tout prix la relation contractuelle apparaît primordial

en matière de contrat de travail !

Face aux multiples sanctions dont dispose la chambre sociale de la Cour de

cassation, la requalification constitue cependant la plus utilisée. D’ailleurs, cette chambre

« utilise maintenant le terme de requalification dans des hypothèses où elle faisait

précédemment état d’une nullité et ce changement terminologique correspond à un

affinement de l’analyse (…) Désormais, le raisonnement conduit à la requalification »385.

Dès lors, cette sanction ne remet pas en cause de façon fondamentale l’exécution du

contrat de travail sauf à en limiter ses effets, essentiellement au jour de la rupture de la

relation salariale. La requalification apparaît donc comme étant une sanction concurrente

de la nullité de l’ensemble ou d’une partie seulement du contrat386. En effet, celle-ci

intervient seulement dans la dénomination de la convention de travail établie entre salarié

et employeur afin d’en éviter la nullité et de permettre la survie de la relation

antérieurement établie tout en respectant les dispositions des différentes législations

applicables en la matière. Au contraire, la nullité apparaît, en comparaison, comme une

sanction beaucoup plus radicale puisque celle-ci fait disparaître, on l’a vu, tout effet

postérieur au prononcé de cette sanction que pourrait alors produire le contrat de travail. La

sanction de la nullité semble donc contrainte, malgré elle, de subir la concurrence d’autres

sanctions civiles toutes aussi efficaces qu’elle, voire même plus.

384 Idem.385 G. COUTURIER, La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour decassation, op. cit. p.279.

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Or, l’existence également de sanctions pénales en droit du travail semble amplifier

de surcroît la difficulté pour la nullité de se créer un véritable champ d’application

autonome. Cependant, il s’avère que ces dernières sont beaucoup plus utilisées en pratique

en tant que compléments au prononcé de sanctions civiles plutôt qu’en tant que véritables

sanctions particulières de la méconnaissance des règles de validité du contrat de travail.

386 Ibidem, p.278.

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§2 : Les sanctions pénales, compléments des sanctions civiles.

La nullité du contrat de travail se suffit-elle à elle-même ? Voilà ce sur quoi il faut

débattre dans ce paragraphe. En effet, les contractants ont été négligents lors de la

conclusion du contrat de travail et certaines erreurs peuvent concerner davantage

l’employeur que le salarié puisque celui-ci a l’habitude de conclure de telles conventions et

connaît a priori toutes les modalités des différents types de contrat. Au contraire, le salarié

que l’on considère le plus souvent comme la partie faible à la relation de travail, n’a pas

une même connaissance des conditions de validité particulières à chaque convention de

travail.

Dès lors, l’employeur peut s’être mis volontairement hors la loi pour bénéficier des

avantages que procurent certains contrats de travail (on pense notamment aux aides

financières de l’Etat ainsi qu’à la comptabilisation de l’effectif de l’entreprise). Or, le

législateur a donc cherché à pallier ces manquements en particulier par l’adjonction de

sanctions pénales aux sanctions civiles envisageables.

Ainsi, c’est avant tout la recherche d’une sanction des règles de fond du contrat de travail

qui a fait l’objet d’une réglementation dont l’objet est donc la protection avant tout de

l’intérêt public et non celle, plus pécuniaire, du salarié puisque ce dernier est déjà le

premier bénéficiaire des sanctions civiles prononcées par le juge prud’homal (A).

Cependant, face au développement important des formes spécifiques à certains contrats de

travail (multiplication des CDD, contrat emploi-solidarité, contrat emploi-jeune, contrat

d’adaptation,…), le législateur a souhaité semble-t-il accroître la protection et la

réglementation en ces matières. Dès lors, le projet de loi de modernisation sociale prévoit à

terme la sanction de la violation d’autres conditions de validité ayant trait soit à d’autres

règles de fond soit également à certaines règles de forme (B).

Ainsi, on peut donc affirmer que la nullité du contrat de travail subit, en droit du

travail, la concurrence de sanctions pénales ajoutées à l’existence au préalable d’autres

sanctions civiles. Dès lors, le régime de celle-ci se trouve en pratique confiné au sein d’un

ensemble de règles ayant encore aujourd’hui vocation à s’élargir.

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A. La violation des règles de fond du contrat de travail.

Les sanctions pénales ne concernent à vrai dire que la catégorie des contrats spéciaux

c’est dire autres que le contrat à durée indéterminée. En effet, le CDI est par essence le

contrat de droit commun. Dès lors, aucun abus ne pourrait donc reposer sur son utilisation.

Au sein de ce groupe, le législateur a entendu en effet protéger avant tout les cas de recours

au CDD afin que cette pratique ne soit utilisée abusivement (1). Cependant, ce dernier a

également envisagé la sanction de pratiques ayant trait à l’utilisation excessive d’autres

contrats particuliers (2). En effet, leur utilisation par les entreprises fait souvent l’objet

d’une incitation financière par les pouvoirs publics afin de permettre l’accès à l’emploi de

catégories de personnes en étant dépourvu. Dès lors, la tentation est grande pour ces

entreprises de pouvoir durablement à certains de leurs besoins tout en ayant recours à la

pratique de ces contrats par nature précaires.

1. Le contrat à durée déterminée et l’article L.152-1-4 du Code du travail.

L’objet de cette disposition du Code du travail est de venir sanctionner la

méconnaissance de certaines règles de fond régissant le contrat de travail à durée

déterminée387. Ce dernier énumère donc un certain nombre d’articles du Code dont la

violation par l’employeur est punie d’une amende de 25 000 francs et, en cas de récidive,

d’une amende de 50 000 francs assortie d’un emprisonnement de six mois ou l’une de ces

deux peines seulement.

Les articles ainsi visés concernent donc l’interdiction faite de pourvoir durablement à un

emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise388, l’énumération des cas dans

lesquels le recours à un CDD est autorisé389, la durée limite du CDD ainsi que les

conditions de son renouvellement390, etc…

Or, force est de constater que cette sanction s’applique dans un cadre où le contrat

de travail est également susceptible de se voir infliger une sanction civile c’est à dire d’être

requalifié en contrat à durée indéterminée. Dès lors, le prononcé de sanctions pénales ne

vise semble-t-il que la protection d’un intérêt plus large que celui plus simple du seul

salarié puisque ce dernier est en effet déjà le bénéficiaire unique de la sanction civile. La

387 Pour une vue d’ensemble des sanctions pénales encourues en matière de CDD, cf. Annexe n°2.388 Art. L.122-1 du Code du travail.389 Art. L.122-1-1 du Code du travail.

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sanction délictuelle prévue quant à elle ne sanctionne donc que l’employeur ayant utilisé

abusivement ce modèle de convention afin de pouvoir en tirer un bénéfice conséquent.

Pourquoi infliger à cet employeur une telle sanction ? En effet, ce dernier était peut-être de

bonne foi le jour de la conclusion du contrat. Dès lors, c’est surtout pour sanctionner le

recours systématique au CDD que le législateur a édicté l’article L.152-1-4391. En effet,

l’employeur est considéré dans cette hypothèse comme un professionnel et peut donc se

voir reprocher la méconnaissance des conditions de validité du contrat. Au contraire, le

salarié est la partie faible à la convention ; ce dernier apparaît davantage comme celui qui

subit les formes du contrat laissées à l’initiative de l’employeur.

Ainsi, la réglementation du CDD impose deux formes de sanction : « La sanction

du défaut de constatation par écrit du contrat à durée déterminée sera civile. Quelle que soit

l’option du salarié dans la mise en œuvre du processus de requalification du contrat,

l’employeur, considéré comme responsable de l’irrégularité commise, ne sera pas admis à

la contester. Sans doute la violation par l’employeur de certaines dispositions relatives à ce

type de contrat constitue-t-elle un délit mais n’est visée par le texte que la méconnaissance

des règles de fond »392.

Dès lors, la critique semble poser en matière de sanctions pénales. L’employeur ne risque

aucune contravention ni aucun emprisonnement lorsque d’autres règles de fond et

également les règles de forme inhérentes au contrat de travail à durée déterminée sont

transgressées. Tout au plus, il risque la sanction de la requalification qui ne fera

qu’accorder une rémunération plus importante ou des indemnités plus nombreuses au

salarié de sa part. Cependant, conscient des difficultés que peut engendrer la distinction

entre les règles pouvant provoquer à la fois la sanction civile de la requalification (qui en

soi peut s’analyser en une forme de nullité dans la seule qualification du contrat de travail)

et faire l’objet d’une sanction pénale, et les autres règles dont la violation est seulement

sanctionnée par une sanction civile, le législateur est intervenu en la matière pour élargir le

champ d’application des sanctions pénales au sein du projet de loi de modernisation sociale

(B).

La sanction pénale prévue à l’article L.152-1-4 du Code du travail connaît de

surcroît des dispositions similaires en ce qui concerne d’autres types de contrats spéciaux

390 Art. L.122-1-2 du Code du travail.391 Article issu de la loi n°90-613 du 12 juillet 1990.392 Y.CHAUVY, L’écrit en garantie de l’ordre public : son incidence sur la durée du contrat de travail, op.cit.

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133

de travail. En effet, les abus de la part d’employeurs malveillants peuvent également

s’exercer dans d’autres domaines que le simple CDD.

2. Les sanctions du non-respect de certains contrats particuliers.

Bien que le contrat à temps partiel soit tout comme le contrat à durée déterminée

susceptible de requalification, le défaut de contrat écrit est également sanctionné

pénalement par les dispositions de l’article R.261-3-1 du Code du travail issu du Décret

n°98-497 du 22 juin 1998. En effet, celui-ci dispose que « sera puni de la peine d’amende

prévue pour les contraventions de la 5ème classe tout employeur d’un salarié occupé à

temps partiel sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle qui : a) aura omis

d’établir un contrat écrit comportant les mentions prévues par l’article L.212-4-3393, y

compris les limites dans lesquelles peuvent être effectuées des heures complémentaires

lorsqu’elles sont prévues ;… ». Le défaut de contrat écrit n’est donc pas la seule règle de

fond susceptible de provoquer la sanction pénale à l’encontre de l’employeur en cas de

violation. En effet, c’est l’ensemble des dispositions de l’article L.212-4-3 du Code du

travail qui sont susceptibles de provoquer la condamnation de l’employeur. Celles-ci ont

ainsi trait à la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée

hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée de travail entre les jours de

la semaine et les semaines du mois.

En cas de violation de ces dispositions la sanction est alors de 10 000 francs d’amende par

salarié concerné. On voit donc que cette sanction pénale contribue à éviter pour les

employeurs de recourir trop facilement à ce type de contrat précaire. En effet, dans cette

hypothèse, non seulement l’employeur aura à supporter la requalification de l’ensemble

des contrats concernés en contrat à durée indéterminée mais de plus, il sera redevable

d’autant d’amendes qu’il y a de contrats à temps partiel dont les conditions de fond n’ont

pas été respectées.

En matière de contrat de travail temporaire, les sanctions pénales encourues sont

quant à elles proches de celles encourues en matière de contrat à durée déterminée394et

régies par l’article L.152-2 du Code du travail. Sont ainsi visées par ce texte les hypothèses

de défaut de contrat écrit de mise à disposition, contrat conclu entre l’entreprise de travail

393 Cet article a fait l’objet d’un renforcement par le biais de la loi n°2000-37 du 19 janvier 2000.394 Pour une vue plus large de l’ensemble de ces sanctions pénales en matière de contrat de travail temporaire,cf. Annexe n°3.

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134

temporaire et l’utilisateur de cette main d’œuvre ainsi que l’omission des différentes

formalités obligatoires dans cette hypothèse. Par ailleurs, ces sanctions vont non seulement

concerner l’entreprise de travail temporaire mais également l’utilisateur qui recourt aux

services de celle-ci. Les peines encourues dans cette hypothèse sont là les mêmes qu’en

matière de contrat à durée déterminée, à savoir 25 000 francs d’amende et, en cas de

récidive, 50 000 francs et/ou six mois d’emprisonnement. De plus, à ces sanctions peut

venir s’ajouter une interdiction d’exercer l’activité d’entrepreneur de travail temporaire

pour un durée de deux à dix ans395.

Le risque de recourir à ce type de contrat en violation des dispositions légales lui étant

applicables est donc sévèrement puni par le Code du travail. Ceci se comprend si l’on

considère que dans ce cadre le salarié se trouvait aux prises avec "deux professionnels de

l’emploi" (l’entreprise de travail temporaire et l’entreprise utilisatrice). De plus,

l’entreprise utilisatrice subit la requalification du contrat de travail du salarié intérimaire

puisque ce dernier se verra reconnaître l’existence d’un CDI le liant non à l’entreprise de

travail temporaire mais à l’utilisateur de cette main d’œuvre. Mais la nullité de ce contrat

de travail n’est tout de même pas à exclure non plus ; de même on peut s’interroger sur

l’éventualité d’exercer des poursuites en la matière pour délit de marchandage396.

L’ensemble des contrats de travail particuliers paraît donc cumuler les sanctions

civiles et les sanctions pénales afin de protéger les intérêts du salarié mais afin également

de sanctionner la pratique abusive de recours à ce type de convention qui pourrait tenter les

employeurs. Dès lors, la sanction pénale n’intervient que comme un complément à la

sanction civile qui prend alors la forme le plus souvent de la requalification mais qui peut

être aussi celle de la nullité du contrat.

Mais ce n’est pas uniquement les conditions de forme de ces contrats qui peuvent subir une

telle sanction. En effet et par exemple, le fait de ne pas mettre à la disposition d’un salarié

une version en langue française d’un document comportant des obligations à son égard ou

des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail est puni

d’une peine d’amende de 4ème classe (5 000 francs)397. De même, selon les dispositions de

l’article R.152-3 du Code du travail, est punie d’une amende de 5ème classe soit 10 000

395 Art. L.152-2 in fine du Code du travail.396 Art. L.125-3 et L.125-3-1 du Code du travail. Voir en ce sens, B.Teyssié, Droit du travail, t.1 : Relationsindividuelles de travail, 2ème éd., 1992, Litec, n°481, note 318397 Cf. Droit de l’emploi, sous la direction J.PELISSIER, op. cit, n°710.

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francs (20 000 francs en cas de récidive), l’employeur qui licencierait une salariée au motif

que cette dernière ne lui a pas révélé son état de grossesse398.

On le voit donc l’éventail des sanctions pénales apparaît bien large en droit du travail

concernant l’omission de certaines règles de fond que doit recouvrir le contrat liant le

salarié à son employeur. Cependant, certaines règles de forme sont également

sanctionnables pénalement en plus de la sanction civile de la requalification ou de la nullité

que le contrat subit. Dès lors, fort de cette incitation à une utilisation correcte des contrats

spéciaux et des conditions de forme attachées à chaque convention de travail, les pouvoirs

publics envisagent aujourd’hui de conforter cette position en étendant ces sanctions

pénales à d’autres règles de fond et de forme afin de minimiser à terme les recours au

travail précaire.

B. La sanction prochaine de la violation d’autres règles.

Face aux difficultés d’interprétation de certains articles du Code du travail envisageant

les sanctions civile et pénale du défaut de respect des conditions de fond ou de forme de

plusieurs contrats précaires, le législateur a entendu éclaircir la situation notamment en

élargissement à d’autres règles cette sanction. Ainsi, le projet de loi de modernisation

sociale, toujours en discussion à l’heure actuelle, prévoit en son article 36 de nouvelles

modalités de règlement du non-respect de certaines règles de validité de ces contrats399.

La réelle nouveauté concerne dès lors le fait que le manquement à certaines règles de

forme est envisagée en matière de contrat à durée déterminée (1). Le législateur met donc

en valeur de cette façon les dispositions de l’article L.122-3-1 du Code du travail qu’il

entend protéger de manière plus importante, la jurisprudence de la chambre sociale de la

Cour de cassation ayant déjà mis en valeur plusieurs d’entre elles qui ne comportaient

aucune sanction véritable prévue par le droit du travail.

A cela, le législateur ajoute la sanction pénale de la violation d’autres règles de fond (2)

venant ainsi renforcer le dispositif applicable en matière de contrats précaires afin d’éviter

de nouveaux abus de la part des employeurs.

1. La sanction envisagée de la méconnaissance des règles de forme.

398 Cf. Egalité professionnelle hommes-femmes, Liaisons sociales n°13103 du 25 février 2000, p.67-75.399 Cf. Annexe n°1.

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La difficulté d’une sanction en cas de méconnaissance des dispositions de l’article

L.122-3-1 du Code du travail concernant le contrat à durée déterminée provient du libellé

même de cette disposition. En effet, a priori, le législateur n’admet pas de sanction de

nature civile aux dispositions de l’alinéa 2 de cet article. Pourtant, l’alinéa 1er quant à lui

envisage bien la sanction de la requalification du contrat en CDI. Dès lors, on l’a vu, la

chambre sociale de la Cour de cassation a élargi ces hypothèses de requalification à

l’ensemble de l’article L.122-3-1 du Code du travail hormis l’hypothèse particulière de

l’omission de la convention collective applicable à cette relation de travail400.

C’est certainement dans un soucis de clarification de cette disposition du Code du

travail que le législateur a entendu énumérer les hypothèses susceptibles d’entraîner une

requalification du contrat en contrat à durée indéterminée, prévoyant en plus de cette

sanction civile une possibilité de sanction pénale. Dès lors, « à la sanction de

requalification, risque de s’ajouter un risque pénal, dans la mesure où l’avant-projet de loi

de modernisation sociale prévoit que " toute infraction aux dispositions de l’article L.122-

3-1, à l’exclusion de celle relative à la période d’essai, au nom et à l’adresse de la Caisse

de retraite complémentaire ou de l’organisme de prévoyance, est punie de la peine prévue

pour les contraventions de 4ème classe" »401.

La mesure est importante, le contrat à durée déterminée ne peut être utilisé en dehors des

hypothèses envisagées par le Code du travail et la méconnaissance même des règles de

forme peut révéler une volonté de contourner le dispositif législatif qui fixe les limites de

son emploi. Dès lors, seul l’employeur peut se voir sanctionner pénalement de ces

manquements aux règles de fond et de forme. En effet, il apparaît comme étant le

professionnel, celui qui connaît toutes les ficelles des contrats de travail et le salarié ne

peut donc se voir reprocher aucune faute.

L’ajout de sanctions pénales aux sanctions civiles déjà existantes démontre alors

une volonté claire des pouvoirs publics d’éviter tout recours abusif et non fondé aux

contrats précaires. Le risque encouru par un employeur tout simplement négligent est donc

grand puisque l’omission de certaines dispositions au sein de la convention de travail peut

entraîner sa condamnation sur le plan pénal en plus de la charge à supporter de la

requalification du contrat précaire en contrat de droit commun et toutes les conséquences y

étant attachées. Dès lors, comme l’affirme monsieur JOURDAN, « l’incertitude doit conduire

400 Cass. soc. 26 octobre 1999, op. cit.401 D.JOURDAN, Le formalisme du contrat à durée déterminée et le risque de requalification, JCP E 2000,Conseil pratique, pp.978-979.

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à la prudence, il convient donc de respecter toutes les clauses mentionnées à l’article

L.122-3-1 »402.

De même, d’autres règles de forme ont vocation à être protégées par le biais d’une

réglementation pénale ce qui accentue encore la nécessité de prudence des employeurs en

la matière et accroît l’éventualité d’une concurrence entre les sanctions pénales et celles

civiles de la nullité et de la requalification.

2. Les hypothèses de violation d’autres règles de fond.

Comme nous venons de le voir, l’article L.152-1-4 du Code du travail se trouve

enrichi d’une nouvelle référence aux dispositions de l’article L.122-3-1. Cependant, cet

article aurait pour vocation prochaine de sanctionner également les manquements à

l’article L.122-3-3 dans son deuxième alinéa. Cette disposition concerne dès lors, la

fixation de la rémunération du salarié embauché sous contrat à durée déterminée et les

conditions de validité de celle-ci. La violation de cette condition de fond est donc

sanctionnée par ce nouveau dispositif d’une peine d’amende de 4ème classe.

Cependant, on se trouve ici face à une nouvelle règle de fond sanctionnable dont le

législateur a, semble-t-il, voulu renforcer la portée. En effet, dans le but de faire prévaloir

en la matière une égalité de rémunération entre l’ensemble des salariés d’une même

entreprise, le législateur a donc envisagé cette disposition évitant par là même que les

employeurs ne recourent trop facilement à ce type de contrat afin de réaliser des bénéfices

substantiels par ce biais. On est donc en la matière dans une logique sensiblement

identique à celle prévue en tant que sanction du défaut de formalisme du contrat à durée

déterminée.

En effet, le législateur "met en garde" contre l’utilisation de ce type de contrats spéciaux

afin d’éviter leur recrudescence et la situation de précarité d’emploi dans laquelle ils

confinent le salarié.

La nullité du contrat de travail subit donc une concurrence apparemment farouche

d’autres sanctions applicables en droit du travail. En effet, les sanctions civiles permettent

la plupart du temps la poursuite de la relation de travail sans que le particularisme de tel ou

tel contrat, son esprit ne soit remis en cause. En cela, la requalification et la révision du

402 Idem.

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contrat de travail apparaissent plus respectueuses de la volonté commune initiale des

parties cocontractantes. Ce n’est que dans certaines hypothèses marginales que la nullité va

s’imposer. Parfois même, la nullité s’impose du fait de l’apposition de mesures impératives

de la part des pouvoirs publics comme on l’a vu. Ajoutées à des sanctions pénales, les

autres mesures que peuvent prononcer les juges prud’homaux en tant que sanctions civiles

accroissent le niveau de concurrence de celles-ci avec le prononcé de la nullité totale ou

partielle du contrat de travail. Dans ce contexte, le projet de loi de modernisation sociale

tend donc à promouvoir de façon significative le recours à ce type de sanctions au

détriment de la possibilité d’annulation de toute relation de travail entre le salarié et son

employeur.

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Conclusion

L’étude du régime de la nullité du contrat de travail ne peut se contenter d’une

approche purement civiliste de cette notion. Ainsi, le droit du travail étant lui-même un

droit particulier prenant racines dans les principes de droit civil, il est donc normal que la

nullité ait aussi puisé ses origines dans le droit commun des contrats. C’est d’ailleurs

pourquoi elle attache notamment au prononcé de cette sanction des effets communs à tout

contrat à exécution successive. Cependant, le régime de cette nullité rend compte

également de toutes les particularités attachées à la relation de travail. Placé sous le

pouvoir de direction et la subordination de son cocontractant l’employeur, le salarié se

trouve en position de faiblesse. Dès lors, la jurisprudence aidée par le législateur a mis en

place des conditions de reconnaissance de la nullité qui semblent beaucoup plus difficiles à

rassembler pour certains acteurs à l’action. De plus, certains effets de cette nullité tendent

alors à se rapprocher de ceux inhérents au prononcé d’un licenciement d’où une confusion

possible des effets produits par ces deux sanctions.

Mais peut-on parler d’une interprétation globalement "travailliste" des causes de

nullité du contrat de travail403 ? S’il est vrai que l’appréciation des vices du consentement

en la matière font l’objet d’une appréciation a priori très opportuniste de la part de la

chambre sociale de la Cour de cassation, celle-ci ne semble pas réellement en grande

contradiction avec le mouvement général que connaît aujourd’hui le régime de la nullité

dans le droit commun des contrats. En effet, dans chacun de ces deux régimes, la

jurisprudence recherche avant tout un équilibre des parties contractantes et privilégie donc

une protection de la partie apparemment faible sous couvert de principes tels que la bonne

foi et l’obligation de loyauté. D’ailleurs, comme le souligne monsieur COUTURIER, « il

paraît qu’aujourd’hui le juge "s’arroge de plus en plus nettement dans le droit commun des

contrats la maîtrise de la sanction". On n’est pas surpris de constater que cette maîtrise est

tout particulièrement ce qu’assure au juge la jurisprudence de la chambre sociale de la

Cour de cassation »404.

Seules les causes de nullité propres au droit du travail semblent donc accroître la tendance

à la sauvegarde des intérêts des parties notamment ceux du salarié. Par ailleurs, cette

403 Terme emprunté à monsieur MOULY in Le dol du salarié. Vers une interprétation travailliste de l’article1116 du Code civil, note sous cass. soc. 30 mars 1999, Madame Poupardin, épouse Minaud c/SA Elsydel, op.cit.404 La théorie des nullités dans la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER(G.), op. cit., p.294.

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dernière bénéficie de nombreuses dispositions d’ordre public en droit du travail, laissant

alors peu de place à une appréciation des faits de chaque espèce par les juges

prud’homaux.

Cependant, comme en droit civil, la nullité du contrat de travail doit subir la

concurrence d’autres modes de règlement des litiges en matière de validité de la relation de

travail. Ainsi, d’autres sanctions civiles cumulées parfois avec des sanctions pénales

viennent restreindre le champ d’application de cette nullité car elles apparaissent alors plus

souples et plus enclin à sauvegarder la relation contractuelle établie entre le salarié et son

employeur.

Dès lors, la nullité du contrat de travail, si elle connaît aujourd’hui un intérêt

vivace, garde tout de même le caractère d’une sanction grave remettant en cause les

relations salariales préalablement établies. Pourtant, elle adapte ses effets au particularisme

de ce contrat à exécution successive et s’applique de façon automatique dans certaines

hypothèses. Reste que cette sanction semble laisser le plus souvent beaucoup de marge de

manœuvre aux juges dans l’appréciation de ses éléments constitutifs et l’opportunité de son

prononcé. Ceux-ci doivent alors composer avec les causes de nullité inhérentes au droit

commun des contrats et celles propres au droit du travail. Cependant, à force de jouer le

protecteur des intérêts de la partie faible au contrat, la chambre sociale de la Cour de

cassation court le risque de mettre à mal les dispositions législatives contribuant à limiter le

pouvoir d’investigation de l’employeur et à protéger par là même la situation du salarié405.

Dès lors, la nullité aurait une place pour le moins réduite dans le champ du droit du travail

malgré ses sources multiples, cette sanction n’intervenant alors que dans des hypothèses où

son application s’impose aux yeux de tous.

405 I.OMARJEE, Le dol à l’épreuve du contrat de travail, D.2000, somm. comm., p.13

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Bibliographie

• Ouvrages généraux

• Traités et manuels

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Paris, 10ème éd., 2001.

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Ø Le droit du travail en France 2000-2001,GATUMEL (D.), éd. Francis Lefebvre,

septembre 2000, 528 p. : voir notamment les n°256, 641 et s. et 1760.

Ø Le contrat, Droit des obligations, AUBERT (J.-L.), Dalloz-Sirey, collection

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Ø Droit civil, Les obligations, BENABENT (A.), LGDJ Montchrestien, collection

Domat Droit privé, septembre 1999 : voir notamment n°200 à 235 ( Sous-titre 3 :

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Ø Droit du travail : Les relations individuelles, PUIGELIER (C.), Armand Colin,

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Ø Droit des obligations, CABRILLAC (R.), Dalloz-Sirey, coll. cours, série droit

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Ø Traité de droit civil, Les obligations, le contrat : la formation, GHESTIN (J.),

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• Dictionnaires, encyclopédies, répertoires

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• Ouvrages spéciaux

• Monographies, thèses et mémoires

Ø La liberté de la concurrence entre entreprises sur le marché de l’emploi,

FASQUEL (M.), mémoire de DEA droit social sous la direction de monsieur

Enclos (Ph.), Faculté de droit de Lille 2, 1998-1999.

Ø Le formalisme dans le contrat de travail, BRUNIAU (F.), mémoire de DEA droit

social sous la direction de monsieur Bossu (B.), Faculté de droit de Lille 2, 1998-

1999.

Ø Essai d’une théorie générale des clauses du contrat de travail, CADET (A.), thèse

soutenue à Lille, sous la direction de monsieur Verkindt (P.-Y.), juin 1997.

Ø Nullité et contrat de travail, SIMON-SUISSE (F.), mémoire de DEA de droit social

sous la direction de monsieur Roy-Loustaunau (C.), Faculté de droit d’Aix

Marseille, 1992.

Ø L’âge de la retraite et le contrat de travail, AUDEGOND (J.), mémoire de DEA

droit privé sous la direction monsieur Cœuret, Faculté de droit de Lille 2, 1987.

Ø La nullité partielle des actes juridiques, SIMLER (Ph.), thèse Strasbourg, LGDJ

1969.

Ø Des nullités en matière d’actes juridiques : essai d’une théorie nouvelle, JAPIOT

(R.), thèse Dijon, 1909.

• Ouvrages collectifs

Ø Etudes offertes à Jacques GHESTIN : Le contrat au début du XXIèmesiècle, ALPA

(G.) et al., LGDJ, Paris, 2001 : La théorie des nullités dans la jurisprudence de la

Chambre sociale de la Cour de cassation, COUTURIER (G.), pp.273-297 et

L’application de la théorie des vices du consentement au contrat de travail,

LOISEAU (G.), pp.579-599.

Ø Le droit des obligations : Contrat et quasi-contrat, DELEBECQUE (Ph.),

PANSIER (F.-J.), Litec, collection Objectif droit, Paris, février 2000, 272 p.

Ø Droit de l’emploi, sous la direction de J. PELISSIER, Dalloz-Sirey, collection

Dalloz Action, Paris, 1999, 1100 p. : voir notamment les n°947 et s.

Ø Les obligations, AYNES (L.) et MALAURIE (Ph.), Cujas, 10ème éd., 1999.

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Ø Droit civil, Les obligations : 2.Contrat, BOYER (L.), ROLAND (H.) et STARCK

(B.), Litec, 6ème éd., mai 1998 : voir notamment les n°998 et s. (chap. IV : Les

sanctions des règles de validité du contrat).

Ø Droit des obligations : Responsabilité civile-contrat, DELEBECQUE (Ph.),

PANSIER (F.-J.), Litec, collection Objectif droit, Paris, 2ème éd. corrigée, 1998.

Ø Droit du travail, LYON-CAEN (G.), PELISSIER (J.) et SUPIOT (A.), Précis

Dalloz, collection Droit privé, 19ème éd., 1998, 1171 p. : voir les n°117 et 272.

Ø Traité de la juridiction prud’homale, QUETANT (G.-P.) et VILLEBRUN (J.),

LGDJ, juin 1998, 846 p. : voir notamment les n°347 à 351 (le contrat nul).

• Numéros spéciaux de revue

Ø Temps partiel, Liaisons sociales, supplément au n°13289 du 1er décembre 2000.

Ø Egalité professionnelle hommes/femmes, Liaisons sociales, supplément au n°13103

du 25 février 2000, pp.67-75.

Ø Les clauses du contrat de travail, la conclusion du contrat de travail, Liaisons

sociales, supplément au n°12990 du 17 septembre 1999.

Ø Clauses du contrat de travail, Légi social, Dossier D-280, mai 1998, pp.2-50.

Ø Apprentissage, taxe d’apprentissage, Liaisons sociales, numéro joint au n°12556

du 19 décembre 1997.

Ø L’obligation de non-concurrence, Liaisons sociales, cahier joint au n°12498 du 12

septembre 1997.

Ø La rupture du contrat de travail, Equipe rédactionnelle de la Revue fiduciaire, La

Revue fiduciaire, Paris, 1994 : voir notamment p.295 et s. (le départ et la mise à la

retraite) et p.303 et s. (clauses de non-concurrence).

• Etudes, chroniques et articles

Ø Les précautions juridiques à l’embauche, COLBEAUX (J.), Liaisons sociales

Magazine mars 2001, pp. 62-63.

Ø La validité des clauses de rupture anticipée dans les contrats de travail à durée

déterminée, AUZERO (G.), Dr. Soc. 2001, pp.17-22.

Ø Le formalisme du CDD et le risque de requalification, JOURDAN (D.), JCP E

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Ø Le contrat d’apprentissage et le Conseil de Prud’hommes, Cah. prud’homaux

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Ø L’efficience des nullités, AMIEL-COSME (L.), Droit et Patrimoine juin 2000,

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Ø Une clause d’objectif doit être négociée, Légi social juin 2000, p.10-11.

Ø Vanité du contrat de travail non-signé (nécessité de précaution à destination des

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Ø La famille, le contrat de travail et le juge prud’homal, Cah. prud’homaux janvier

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Ø La guillotine tombe… sur les clauses guillotines !, D’HARCOURT (Ph.), JCP E

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Ø Les critères de validité des clauses de non-concurrence en droit du travail,

GAVALDA (N.), Dr. Soc.1999, pp.582-590.

Ø Les incidences de la requalification du contrat de travail à durée déterminée :

bilan et perspectives, CANAPLE (M.) et TEISSIER (C.), Semaine sociale Lamy du

4 octobre 1999, pp.6-8.

Ø Les arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, WAQUET (Ph.), Dr. Soc.

1998, p.62.

Ø Droit de la concurrence, chronique numéro 1 (première partie), MALAURIE-

VIGNAL (M.), Les Petites Affiches du 20 mai 1998, pp.17-25.

Ø Nullité des clauses « couperet », Semaine sociale Lamy, 23 octobre 1998, pp.9-10.

Ø Clauses de non-concurrence, Semaine sociale Lamy, 22 décembre 1997, pp.8-9.

Ø Contrepartie pécuniaire, Semaine sociale Lamy, 8 septembre 1997, pp.14-15.

Ø Le point sur la mise à la retraite du salarié, Légi Social du 1er mai 1996, pp.11-13.

Ø Les nullités dans les relations individuelles de travail, DJOUDI (J.), D.1995, Chr.,

p.192.

Ø L’intuitu personae dans le contrat de travail, PEANO (M.-A.), Dr. Soc. 1995,

pp.129-138.

Ø Clause « couperet », Semaine sociale Lamy, 20 février 1995, p.7.

Ø Le Président du Conseil d’Administration devenant salarié et vice versa,

PUIGELIER (C.), JCP E 1994, Etude n°358, pp.245-250.

Ø La nullité du contrat de travail, VERKINDT (P.-Y.), Droit du travail et de la

Sécurité Sociale du 1er octobre 1994 (TPS), pp.1 et 2.

Ø L’identité du cocontractant, RENUCCI (J.-F.), RTD Com. 1993, pp.441-483.

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145

Ø La clause réputée non-écrite, COTTEREAU, JCP G 1993.I.3691.

Ø Le formalisme dans le contrat de travail, VERICEL (M.), Dr. Soc. 1993, p.818 et s.

Ø Loi n°92-1446 du 31 décembre 1992, D.1993, Législation, p.110.

Ø Remarques sur les clauses réputées non-écrites, KULLMANN, D.1993.chr.59

Ø Une loi macédonienne ? Etude critique du titre V de la loi du 31 décembre

1992, « Dispositions relatives au recrutement et aux libertés individuelles », RAY

(J.-E.), Dr. Soc. 1993, p.103 et s.

Ø Incapacité juridique et emploi, HAUSER (J.), Dr. Soc. 1991, pp.554-562.

Ø La non-concurrence en matière commerciale, sociale et civile, D.1991, n°291 et

292.

Ø Les effets de la nullité d’une clause de non-concurrence, SERRA (Y.), D.1990,

somm. comm. p.333.

Ø Les conséquences de l’annulation d’un contrat, SCHMIDT-SZALEWSKI (J.), JCP

G 1989, I, 3397.

Ø Droit civil et contrat individuel de travail, PELISSIER (J.), Dr. Soc. 1988, p.388.

Ø Age de la retraite et fin du contrat de travail, SARAMITO (F.), Droit ouvrier

1988.211S, pp.211-226.

Ø Les sanctions civiles de l’emploi de travailleurs étrangers en situation irrégulière,

SAVATIER (J.), Dr. Soc. 1986, pp.424-430.

Ø Réflexions sur les conséquences de la nullité d’une clause d’un contrat, TEYSSIE,

D.1976, chr.281.

Ø La vie extra-professionnelle du salarié et son incidence sur le contrat de travail,

DESPAX (M.), JCP 1963, I, n°1776.

Ø Nullité du contrat de travail et relation de travail, FREYRIA (J.), Droit social

1960, pp.619-627.

• Notes, commentaires, conclusions, observations et rapports de jurisprudence

Ø ADOM (K.), Le dol dans la formation du contrat de travail, note sous cass. soc. 5

octobre 1994, Les Petites Affiches du 23 août 1995 n°101, p.16.

Ø ALAPHILIPPE (P.), Contrat de travail à durée déterminée et clause de résiliation

unilatérale : un mélange des genres qui ne profite pas à l’employeur, note sous

cass. soc. 16 décembre 1998, D.2000, JP, pp.30-33.

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146

Ø AMIEL-DONAT (J.), Nullité d’une clause de non-concurrence contenue dans un

contrat de travail en raison de son absence de limitation dans le temps, D.1992,

somm. comm. p.344.

Ø AUBERT MONPEYSSE (T.), Expérience professionnelle, « Qu’importe le

flacon… », note sous cass. soc. 16 février 1999 et 30 mars 1999, D.2000, JP, pp.97-

100.

Ø AUGUET (Y.), La clause d’un contrat de travail qui réduit les versements de la

contrepartie pécuniaire imposée par l’accord collectif national à une indemnité

mensuelle dérisoire par rapport au minimum prévu par ce texte est nulle, D.1999,

somm. comm., p.104.

Ø BOUCHE (N.) et BOURRIER (C.), Sanction d’une clause contraire à la

convention collective applicable, note sous cass. soc. 13 janvier 1998, D.1999, JP,

pp.159-162.

Ø CHAUVY (Y.), L’écrit en garantie de l’ordre public : son incidence sur la durée

du contrat de travail, conclusions, D.1996, JP, p.565.

Ø CHEVALLIER (J.), obs. sous cass. soc. 5 juillet 1965, RTD Civ 1966, p.283.

Ø CORRIGNAN-CARSIN (D.), Revirement de jurisprudence : seul le salarié peut se

prévaloir de la nullité des clauses automatiques de mise à la retraite, note sous ass.

plén. 6 novembre 1998, JCP E 1999, II, pp.133-135.

Ø DE SENGA (A.), note sous cass. soc. 12 juillet 1999, Dr. Ouvrier janvier 2000,

p.23 et s.

Ø DUBOEUF (V.), note sous cass. soc. 1er février 1995, Droit du travail, comm.111;

JCP E 1995, I, 499§5.

Ø ESCANDE-VARNIOL (M.-C.), Usage abusif par l’employeur de la clause de

mobilité, note sous cass. soc. 18 mai 1999, D.2000, somm. comm., p.84.

Ø GAURIAU (B.), obs. sous cass. soc. 16 février 1999, Dr. Soc. 1999, pp.396-397.

Ø GHESTIN (J.), obs. sous cass. soc. 4 octobre 1979, D.1980, IR, p.267.

Ø GUILLAUME (E.), L’étranger en situation irrégulière et le statut de salarié

protégé, conclusions du commissaire du gouvernement, CE 13 avril 1988, Dr. Soc.

1988, p.773.

Ø KARAQUILLO (J.-P.), Nullité de la clause de « libération anticipée » incluse

dans le contrat à durée déterminée liant un entraîneur sportif à un club, note sous

CA Rouen 21 février 1991, D.1991, JP, p.614.

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147

Ø LHERNOULD (J.-P.), Requalification d’un contrat emploi-solidarité en contrat à

durée indéterminée, note sous CA Bourges, ch. soc., 10 décembre 1999, JCP E

2000, II, p.1191 et s.

Ø LYON-CAEN (G.), note sous cass. soc. 15 février et 4 juillet 1978, D.1980 pp.30-

32.

Ø LYON-CAEN (G.), note sous TGI Paris 17 novembre 1967, D.1968, p.407.

Ø MALAURIE-VIGNAL (M.), note sous cass. soc. 16 décembre 1997 SA Banexo

c/de Reynal de Saint-Michel, Les Petites Affiches du 20 mai 1998, pp.17-25.

Ø MINE (M.), note sous cass. soc. 1er juin 1999, JCP E 1999, II, p.1929-1930.

Ø MOULY (J.), La fourniture de renseignements inexacts lors de l’embauche peut

être constitutive de dol, note sous cass. soc. 30 mars 1999, JCP E 2000, pp.1236-

1240.

Ø MOULY (J.), Le dol du salarié. Vers une interprétation « travailliste » de l’article

1116 du Code civil, note sous cass. soc. 30 mars 1999, JCP G 1999, II, 10195.

Ø MOULY (J.), note sous cass. soc. 16 décembre 1998, JCP E 1999, JP, pp.1298-

1301.

Ø MOULY (J.), Un salarié n’a pas l’obligation de faire mention d’antécédents

judiciaires, note sous cass. soc. 25 avril 1990 et 3 juillet 1990, D.1991, JP, p.507.

Ø MOZAS (Ph.), note sous cass. soc. 5 octobre 1994, D.1995, JP, p.282.

Ø NIBOYET (M.-L.), note sous cass. soc. 16 février 1999 et 4 mai 1999, La Gazette

du Palais du 1er mars 2000, pp.20-37.

Ø OMARJEE (I.), Le dol à l’épreuve du contrat de travail, chr. sous cass. soc. 30

mars 1999, D.2000, somm. comm., p.13.

Ø PANSIER (F.-J.), La nullité de la clause délibératoire des entraîneurs sportifs, obs.

sous cass. soc. 24 octobre 2000, CSBP janvier 2001, A5, pp.17 et 18.

Ø PETIT (B.) et PICQ (M.), note sous cass. soc. 7 novembre 1995 arrêt n°4239P, JCP

E 1996, II, 801.

Ø PETIT (B.), obs. sous cass. soc. 12 février 1991 Personnaz c/Société Boussois, Dr.

Soc. 1991, p.463.

Ø PICOD (Y.), note sous Cons. Prud’h. Pau 25 août 1997, D.1999, somm. comm.

p.101.

Ø PICOD (Y.), La validité d’une clause de non-concurrence suppose que cette

interdiction de concurrence s’avère indispensable à la protection des intérêts

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148

légitimes de l’employeur, obs. sous CA Paris 29 mars 1995, D.1996, somm. comm.

p.524.

Ø RAULT (O.), note sous cass. soc. 17 octobre 1995, JCP E 1996, I, n°543.

Ø ROY-LOUSTAUNAU (C.), note sous cass. soc. 17 octobre 2000, JCP E 2001, II,

pp.284-285.

Ø ROY-LOUSTAUNAU (C.), note sous cass. soc. 18 mai 1999, Dr. Soc. 1999, p.728

et s.

Ø ROY-LOUSTAUNAU (C.), obs. sous cass. soc. 16 décembre 1998, Dr. Soc. 1999,

p.285.

Ø ROY-LOUSTAUNAU (C.), note sous CA Aix-en –Provence 16 mars 1994, JCP G

1995, II, 22538.

Ø SAINT-JOURS (Y.), obs. sous cass. soc. 17 octobre 1973, JCP 1974, II, 17698.

Ø SAVATIER (J.), obs. sous cass. soc. 18 novembre 1998, Dr. Soc.1999, p.192.

Ø SAVATIER (J.), obs. sous cass. soc. 8 juillet 1985, Dr. Soc. 1986, p.424.

Ø SERINET (Y.-M.), note sous cass. soc. 28 octobre 1997, JCP G 1998, II, 10092.

Ø SERRA (Y.), Validité de la clause de non-concurrence qui interdit au salarié toute

activité concurrente à celle de son ancien employeur dès lors qu’elle ne prive pas

le salarié de toute possibilité d’exercice normal de sa profession, obs., D.1998,

somm. comm. p.220.

Ø SERRA (Y.), Validité d’une clause de non-concurrence insérée dans un contrat de

travail : limitation dans le temps et licenciement sans cause réelle et sérieuse,

D.1998, somm. comm. p.219.

Ø SERRA (Y.), Nullité de la clause de non-concurrence non-limitée dans l’espace

pour atteinte à la liberté du travail, note sous cass. soc. 18 décembre 1996, D.1998,

somm. comm. p.215.

Ø SERRA (Y.), Nullité de la clause de non-concurrence dont l’étendue est

disproportionnée par rapport à l’objet du contrat liant le salarié à l’employeur,

note sous cass. com. 16 décembre 1997 SA Banexo c/de Reynal de Saint-Michel et

cass. soc. 18 décembre 1997 SA Doutaves N.Bernard c/Heuby, D. 1998, somm.

comm. p.213.

Ø SERRA (Y.), La nullité de la clause de non-concurrence ne peut-être invoquée que

par le salarié. Un mandataire liquidateur peut…, D.1997, somm. comm. p.101.

Ø SERRA (Y.), Nullité de la clause de non-concurrence qui, s’appliquant à

l’ensemble du territoire national, restreint considérablement la liberté du travail

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du salarié en l’absence de toute nécessité de protection de l’intérêt légitime de

l’employeur, note sous CA Douai 30 novembre 1994, D.1995, somm. comm. p.259.

Ø SERRA (Y.), note sous cass. soc. 17 février 1993, D.1993, JP, p.347.

Ø SERRA (Y.), Nullité de la clause de non-concurrence interdisant à un salarié

l’exercice normal de sa profession, impossibilité pour le juge de limiter la portée

de cette clause a postériori et absence de répétition des sommes versées pendant

l’exécution du contrat de travail au titre de la contrepartie pécuniaire, D.1992,

somm. comm. p.347.

Ø U. (Ph.), note sous cass. soc. 28 octobre 1957, D.1958, JP, p.223.

Ø (X), note sous cass. soc. 11 juillet 2000, D.2000, IR, pp.227 et 228.

Ø (X), Le droit au mensonge du salarié lors de son recrutement, obs. sous cass. soc.

16 février 1999, CSBP 1999, A.27, pp.166-168.

Ø (X), obs. sous cass. soc. 23 janvier 1992 , RJS1992 n°240.

Ø (X), obs. sous CA Versailles 19 septembre 1991, RJS 1991 n°5.

Ø (X), obs. sous cass. soc. 8 janvier 1964, Dr. Soc. 1964, p578.

Ø (X), obs. sous cass. soc. 1er mars 1961, Dr. Soc. 1961, p.483.

• Actes de colloques et de congrès

Ø Le contrat de travail : modèle ou anti-modèle du droit civil des contrats ?,

VERKINDT (P.-Y.), colloque : Une nouvelle crise du contrat ? organisé par le

Centre René-Demogue, Faculté de droit de Lille, journées des 14 et 15 mai 2001.

Ø Le droit communautaire dans la pratique quotidienne du droit social, colloque

organisé par la Commission de Droit Social du Syndicat des Avocats de France,

colloque du 6 décembre 1999 : voir notamment La directive CEE 91/533 du 14

octobre 1991 et ses incidences sur la contrat de travail, MULLER-JACQUOT (J.)

et les conclusions du colloque par RODIERE (P.).

• Rapports et documents officiels

Ø Les libertés publiques et l’emploi, Rapport au ministre du Travail, de l’Emploi et de

la Formation Professionnelle, LYON-CAEN (G.), La documentation française,

collection des rapports officiels, Paris, 1992, 169 p.

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150

• Monographies électroniques, bases de données et programmes informatiques

Ø Projet de loi de modernisation sociale :

http://www.assembleenationale.fr/ta/ta0686.asp

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Table de jurisprudence

• Contrat à durée indéterminée :

o Contrat de travail de salariés étrangers :

Ø Cass. soc. 28 octobre 1957, BC IV n°1075 ; D.1958, JP, p.223, note Ph.U. : contrat

de travail, travailleur étranger, validité, compétence du Conseil de prud’hommes

(oui).

Ø Cass. soc. 1er mars 1961, Dr. Soc. 1961, p.483 : contrat de travail, nullité du

contrat d’un étranger non pourvu de carte de travail, effets de la nullité.

Ø Cass. soc. 1er avril 1964, BC V n°193 : contrat de travail, étranger, carte de

travailleur étranger irrégulière, nullité du contrat, effets.

Ø Cass. soc. 23 février 1977, BC V n°137 : contrat de travail, travailleur étranger,

validité, compétence du Conseil de prud’hommes (oui).

Ø Cass. soc. 15 février 1978, D.1980 p.30, note G.LYON-CAEN : contrat de travail,

étranger, non-renouvellement de la carte de travail, nullité, effets.

Ø Cass. soc. 4 juillet 1978, D.1980 p.30, note G.LYON-CAEN : contrat de travail,

étranger, non-renouvellement de la carte de travail, nullité, effets.

Ø Cass. soc. 26 janvier 1983, BC V n°33 : contrat de travail, nullité, étranger,

autorisation de travail, défaut, portée.

Ø Cass. soc. 8 juillet 1985 Gouin c/Boubaker, Dr. Soc. 1986, p.424 note

J.SAVATIER : contrat de travail, étranger, défaut d’autorisation, nullité absolue,

droit à des indemnités afférentes à la rupture.

o Langue employée :

Ø CA Dijon 24 février 1993 Clemessy c/SARL Faber et a., RJS 1993 n°819 :

contrat de travail, rédaction en langue allemande, article L.121-1 du Code du

travail, nullité (non).

o Caractère illicite ou immoral du contrat :

Ø Cass. soc. 8 janvier 1964 Demoiselle Monge c/Veuve Minart, BC IV n°25, Dr.

Soc. 1964, p.578, obs. (X) : contrat de travail, caractère illicite ou immoral, nullité,

femme de chambre d’une maison de tolérance.

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Ø Cass. soc. 4 octobre 1979 Garcia c/Dame Seignolle, BC V n°680 ; D.1980, IR,

p.267, obs. GHESTIN : contrat de travail, cause immorale, maintien de relations

adultères entre les parties.

o Vices du consentement :

Ø TGI Paris 17 novembre 1967, D.1968, p.407, note LYON-CAEN (G.) : contrat de

travail, vice du consentement, erreur sur la personne de l’employeur.

Ø Cass. soc. 17 octobre 1973 Société Fives-Lille-Cail c/David, BC V n°484 ; JCP

1974, II, 17698, obs. SAINT-JOURS (Y.) : embauche, prêtre-ouvrier,

renseignements à fournir par le salarié, rapport avec le poste sollicité.

Ø Cass. soc. 26 mai 1981, BC V n°468 : contrat de travail, rupture, imputabilité,

démission du salarié, vice du consentement, erreur ou dol, constatations

nécessaires.

Ø Cass. soc. 13 novembre 1986, BC V n°520 : contrat de travail, violence (oui),

imputabilité de la rupture à l’employeur.

Ø Cass. soc. 4 juin 1987, BC V n°355 : contrat de travail, violence (oui), imputabilité

de la rupture à l’employeur.

Ø Cass. soc. 25 avril 1990 L’Arbre, BC V n°186 ; D.1991, JP, note J.MOULY :

embauchage, obligations du salarié, obligation de faire mention d’antécédents

judiciaires (non).

Ø Cass. soc. 3 juillet 1990 Racy c/Société Cart Expert France et a., arrêt

n°3023P, RJS 10/90 n°753 ; BC V n°329 ; D.1991, JP, p.507 note MOULY (J.) :

validité du contrat, erreur sur la personne du salarié, nullité du contrat de travail,

conditions.

Ø CA Versailles 19 septembre 1990 SA Citroën c/Libert, RJS 1991 n°5 : validité,

conditions, consentement, dol commis par le salarié.

Ø Cass. soc. 23 janvier 1992 SARL Oreda, BC V n°47 ; RJS1992 n°240 : contrat

emploi-adaptation, rupture par l’employeur, invocation par l’employeur d’un vice

du consentement, erreur sur l’aptitude à occuper le poste proposé.

Ø CA Versailles 16 mars 1993 Guillou c/Société de moyens d’Organisation, RJS

1993 n°686 : conclusion du contrat, validité, consentement des parties, fraude de

l’employeur, dol de l’employeur (oui), conditions d’exercice de l’activité, ingénieur

commercial, seule réparation du préjudice subi, nullité du contrat de travail (non).

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153

Ø Cass. soc. 5 octobre 1994, Les Petites Affiches du 23 août 1995 n°101,p.16 note

ADOM (K.) ; D.1995, JP, p.282, note MOZAS (Ph.) : contrat de travail, embauche,

lettre de candidature, nullité (non).

Ø Cass. soc. 17 octobre 1995 Simon c/Société Debroise-Filliol et a., arrêt

n°3790D, JCP E 1996, I, n°543, note RAULT (O.) : contrat de travail, nullité,

conditions, vice du consentement, fausses mentions sur la formation et les diplômes

fournies par le salarié.

Ø Cass. soc. 30 mars 1999 Madame Poupardin, épouse Minaud c/SA Elsydel,

arrêt n°1499P, JCP G 1999, II, 10195, note J.MOULY ; JCP E 2000, II, pp.1236-

1240, note J.MOULY ; D.2000, JP, pp.97-100, note T.AUBERT MONPEYSSE,

D.2000, somm. comm., p.13, chronique I.OMARJEE : contrat de travail, rupture,

fourniture par le salarié d’informations inexactes sur ses diplômes lors de

l’embauche, manquement à l’obligation de loyauté devant constituer un dol pour

entraîner la nullité du contrat de travail, faute susceptible de justifier le

licenciement en cas d’incompétence effective dans les fonctions.

• Contrats de travail particuliers :

o Contrat à durée déterminée :

Ø Cass. soc. 30 octobre 1973, BC V n°541 : CDD, rupture anticipée du contrat par

l’employeur, extorsion du consentement du salarié, violence (oui).

Ø CA Aix-en–Provence 16 mars 1994, JCP G 1995, II, 22538, note ROY-

LOUSTAUNAU (C.) : CDD, impossibilité pour un accord collectif de déroger aux

dispositions légales d’ordre public, sanction.

Ø Cass. soc. 16 décembre 1998 Assoc. CSP Limoges c/R.Chewy, arrêt n°5442P,

JCP E 1999, II, pp.1298-1301, note J.MOULY ; Dr. Soc. 1999, p.285, obs. C.ROY-

LOUSTAUNAU ; Dr. Soc. 1999, p.397 ; D.2000, JP, p.30-33, note

P.ALAPHILIPPE : contrat de travail, CDD, clause de dénonciation, nullité, art.

L.122-3-8 du code du travail, dispositions d’ordre public, requalification-

interprétation, requalification-sanction.

Ø Cass. soc. 16 février 1999, arrêt n°853P, CSBP 1999, A.27, pp.166-168 ; Dr. Soc.

1999 pp.396-396, obs. B.GAURIAU ; D.2000, JP, pp.97-100, note T.AUBERT

MONPEYSSE : CDD, inexactitude du CV d’embauche, nullité pour dol.

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154

Ø Cass. soc. 1er juin 1999, JCP E 1999, II, pp.1929-1930, note M.MINE : CDD,

absence de précision sur le nom et la qualification des salariés absents,

requalification du CDD en CDI, art. L.122-3-1 du code du travail.

Ø Cass. soc. 26 octobre 1999, D.1999, IR, p.264 ; BC V n°401 : CDD, absence de la

mention de la convention collective applicable, requalification (non).

Ø Cass. soc. 26 octobre 1999, D.1999, IR, p.264 : contrat de travail à durée

déterminée, absence de signature de l’intéressé, requalification du CDD en CDI.

o Contrat d’apprentissage :

Ø Cass. soc. 18 décembre 1961, BC II n°629 : contrat d’apprentissage, défaut d’écrit,

nullité du contrat (oui).

Ø Cass. soc. 20 octobre 1965, D.1965, p.811 : contrat d’apprentissage, défaut d’écrit,

nullité du contrat (oui).

Ø Cass. soc. 1er avril 1992, D.1992, IR, p.153 : contrat d’apprentissage, défaut

d’écrit, nullité (oui), effets de la nullité.

Ø Cass. soc. 28 mars 1996, CSBP 1996 n°81-S.70 p.179 : contrat d’apprentissage,

défaut de signature de l’apprenti lors de la conclusion du contrat, nullité du contrat

(oui).

Ø Cass. soc. 12 juillet 1999 Interfit c/Courtois, Dr. Ouvrier janvier 2000, p.23 et s.,

note A.DE SENGA : contrat d’apprentissage, non-respect des procédures de

déclaration et d’enregistrement, requalification en contrat de droit commun.

o Contrat de travail temporaire :

Ø Cass. soc. 7 novembre 1995, arrêt n°4239P, JCP E 1996, II, 801 note B.PETIT et

M.PICQ : contrat de travail temporaire, absence d’écrit, impossibilité de remise en

état, nullité (oui), art. L.124-3 du code du travail.

o Contrat de retour à l’emploi :

Ø Cass. soc. 7 avril 1998, BC V n°205 : contrat de retour à l’emploi, vice du

consentement de l’employeur, erreur et dol (non), employeur devant se renseigner

sur les conditions de conclusion d’un tel contrat.

Ø Cass. soc. 18 mai 1999, arrêt n°2263P, Dr. Soc. 1999, p.728 et s., note C.ROY-

LOUSTAUNAU : CDD, contrat de retour à l’emploi à durée déterminée, absence

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de convention entre l’employeur et l’Etat, incidence sur la qualification du contrat

de travail.

o Contrat emploi-solidarité :

Ø CA Bourges, ch. soc., 10 décembre 1999, JCP E 2000, II, p.1191 et s., note J.-P.

LHERNOULD : contrat de travail, qualification, contrat emploi-solidarité,

requalification en CDI (oui), défaut de contrat écrit au début de l’exécution de la

prestation de travail, affectation à un besoin collectif non-satisfait (non).

o Contrat de travail international :

Ø Cass. soc. 16 février 1999 Société Château Tour Saint-Christophe et a.

c/M.Aström, La Gazette du Palais du 1er mars 2000, pp.20-37, note M.-

L.NIBOYET : contrat de travail international, clause compromissoire, validité,

arbitrage, compétence, sanction, inopposabilité.

Ø Cass. soc. 4 mai 1999 Picquet c/Société Sacinter, La Gazette du Palais du 1er

mars 2000, pp.20-37, note M.-L.NIBOYET : contrat de travail international, clause

compromissoire, validité, arbitrage, sanction, inopposabilité.

o Contrat de formation professionnelle :

Ø Cass. soc. 17 octobre 2000 Société Top Info Technologies c/Hubert, JCP E

2001, II, pp.284-285, note C.ROY-LOUSTAUNAU : formation professionnelle,

contrat de travail, requalification, art. L121-1 et 920-1 et s. du Code du travail.

• Clauses du contrat :

Ø CA Paris 30 avril 1963, JCP 1963, II, 13205bis : clause de célibat, licenciement,

nullité de la clause (oui), nullité d’ordre public.

Ø Cass. soc. 5 juillet 1965, BC IV n°545 ; RTD Civ 1966, p.283, obs.

CHEVALLIER (J.) : contrat de travail, « clauses draconiennes pour le salarié »,

état de besoin, nullité du contrat (oui).

Ø Cass. soc. 7 février 1968 Fédération de la mutualité agricole de l’Aube

c/Forestier, arrêt n°65-40-622, BC V n°86 : contrat de travail, clause de célibat,

nullité de la clause (oui), atteinte au droit du mariage.

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Ø Cass. soc. 18 décembre 1968, BC IV n°610 : clause de non-concurrence, nullité

invoquée par l’employeur, refus d’une telle action, nullité instituée pour assurer la

protection et la liberté du travail des salariés.

Ø Cass. soc. 17 mars 1971, BC V n°215 : clause de non-concurrence, clause

interdisant à l’employé d’occuper des fonctions similaires après rupture.

Ø Cass. soc. 4 juillet 1974, BC V n°418 : contrat de travail, imposition d’un nouveau

mode de rémunération à l’issue de la période d’essai, faute de l’employeur.

Ø Cass. soc. 4 juin 1975, BC V n°301 : clause de non-concurrence, contrepartie

financière, possibilité de renonciation par l’employeur (oui).

Ø CA Paris 23 février 1983, D.1983, IR, p.417 : clause de non-concurrence, nullité

invocable par le seul salarié.

Ø Cass. soc. 12 mars 1987, arrêt n°84-41.056, Carrier c/Société Fiduciaire

juridique et fiscale de France : contrat de travail, clause de dédit-formation,

conditions de validité, exigence du caractère proportionnel des dépenses engagées

par l’employeur et l’obligation du salarié.

Ø Cass. soc. 3 mai 1989, arrêt n°86-41.452 : clause de non-concurrence, nullité

invocable par le seul salarié, conditions.

Ø CA Rouen 21 février 1991, D.1991, JP, p.164 note KARAQUILLO (J.-P.) : CDD,

clause de « libération anticipée », entraîneur sportif, nullité de la clause (oui).

Ø Cass. soc. 16 avril 1991, arrêt n°88-40.557 : clause de non-concurrence, nullité

invocable par le seul salarié, conditions.

Ø Cass. soc. 17 juillet 1991, arrêt n°2746D, Jourdan c/Société Fidal, BC V n°373 :

contrat de travail, clause de dédit-formation, conditions de validité, faculté laissée

au salarié de démissionner.

Ø Cass. soc. 17 février 1993, D.1993, JP, p.347, note SERRA (Y.) : clause de non-

concurrence, contrepartie financière, possibilité de renonciation de l’employeur

(non).

Ø CA Douai, ch. soc., 30 novembre 1994, D.1995, somm. comm. p.259, note

Y.SERRA : contrat de travail, clause de non-concurrence, conditions de validité,

intérêts légitimes de l’employeur, protection de la liberté du travail du salarié.

Ø Cass. soc. 1er février 1995, Droit du travail, comm.111, note V.DUBOEUF ; JCP E

1995, I, 499§5, obs. V.DUBOEUF : clause « couperet », validité, nullité invocable

par l’employeur (oui).

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Ø Cass. soc 14 février 1995, arrêt n°739D Trécourt c/SA Puma : clause de non-

concurrence, conditions de validité, risque encouru réel par la menace de la perte

d’un savoir-faire particulier.

Ø CA Paris 29 mars 1995, D.1996, somm. comm. p.254, obs. PICOD (Y.) : clause

de non-concurrence, conditions de validité, protection des intérêts légitimes de

l’employeur.

Ø Cass. soc. 27 février 1996 Société Siemens c/François, arrêt n°92-43.469, RJS

4/96 n°406 : contrat de travail, clause de non-concurrence non valable, préjudice

causé au salarié, dommages-intérêts.

Ø Cass. soc. 18 décembre 1996 Institut de formation aux techniques

d’implantation et de manutention c/Campistron et a., D.1998, somm. comm.

p.215, note Y.SERRA : clause de non-concurrence, validité, limitation dans

l’espace et dans le temps, nullité, révision.

Ø Cass. soc. 17 juillet 1997, arrêt n°95-40.869 : clause de non-concurrence, illicéité,

invocation par l’employeur (non), invocation possible par le seul salarié (oui).

Ø Cons. Prud’h. Pau 25 août 1997, D.1999, somm. comm. p.101, note Y. PICOD :

contrat de travail, clause de non-concurrence, validité, condition purement

potestative, nullité, art. 1174 du Code civil.

Ø Cass. soc. 28 octobre 1997 SA General Electric CGR c/ASSEDIC FNGS et a.,

arrêt n°4043P+B, JCP G 1998, II, 10092, note Y.-M. SERINET ; Liaisons sociales

Juris. Hebdo. n°7827 du 13 mars 1998 : contrat de travail, clause de non-

concurrence, nullité, atteinte à la liberté du travail, clause assortie d’une indemnité

compensatrice, non-remboursement des sommes déjà versées au salarié (oui),

conditions.

Ø Cass. com. 16 décembre 1997 SA Banexo c/de Reynal de Saint-Michel, Juris-

Data n°005119, D.1998, somm. comm. p.213, note Y.SERRA ; Les Petites

Affiches du 20 mai 1998, pp.17-25, note M.MALAURIE-VIGNAL : clause de

non-concurrence, validité, conditions, limitation dans l’espace et dans le temps,

qualification professionnelle, France entière, objet du contrat, disproportion, critère

de proportionnalité.

Ø Cass. soc. 18 décembre 1997 SA Doutaves N.Bernard c/Heuby, D.1998, somm.

comm. p.213, note Y.SERRA : clause de non-concurrence, validité, limitation dans

l’espace et dans le temps, spécialité professionnelle, intérêt légitime, protection.

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Ø Cass. soc. 13 janvier 1998 Société européenne de sélection c/Madame Saddok,

D.1999, JP, pp.159-162, note BOUCHE (N.) et BOURRIER (C.) : contrat de

travail, clause de non-concurrence, nullité, non conformité de la clause à la

convention collective applicable.

Ø Ass. plénière 6 novembre 1998 URSSAF des Alpes-Maritimes c/Plent et a., JCP

E 1999, II, pp.133-135, note D.CORRIGNAN-CARSIN : contrat de travail,

rupture, cause réelle et sérieuse, mise à la retraite, art. L.122-14-12 du code du

travail, « clause couperet », nullité, employeur, irrecevabilité à s’en prévaloir.

Ø Cass. soc. 18 novembre 1998, Dr. Soc. 1999, p.192, obs. J.SAVATIER : contrat

de travail, clause résolutoire, interdiction du caractère automatique, application à un

contrat de couple conclu avec des gardiens d’immeubles.

Ø Cass. soc. 18 mai 1999, D.2000, somm. comm., p.84, note M.-C. ESCANDE-

VARNIOL : contrat de travail, clause de mobilité, usage abusif par l’employeur.

Ø Cass. soc. 11 juillet 2000, n°98-45.471P, D.2000, IR, pp.227 et 228 : contrat de

travail, clause d’exclusivité, validité, caractère indispensable par rapport à la

protection des intérêts légitimes de l’entreprise, justifiée par la nature de la tâche à

accomplir et proportionnée au but recherché.

Ø Cass. soc. 24 octobre 2000 Rabier c/Le Football Club de Rouen et a., arrêt

n°3970FS-D, CSBP janvier 2001, A5, pp.17 et 18, obs. F.-J.PANSIER : CDD,

rupture anticipée, clause libératoire, entraîneur sportif.

• Effets particuliers de la nullité :

Ø Cass. soc. 22 novembre 1979, BC V n°885 : contrat de travail, nullité, effets,

rémunération du travail exécuté.

Ø Cass. soc. 12 février 1991 Personnaz c/Société Boussois, Dr. Soc. 1991, p.463,

obs. PETIT (B.) : contrat de travail, cumul avec un mandat de directeur général,

sanction, nullité (non), suspension du contrat de travail (oui).

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Annexes

1) Extraits du projet de loi de modernisation sociale (« petite loi » du 13 juin 2001).

2) Récapitulatif des sanctions pénales applicables en matière de contrat à durée

déterminée.

3) Sanctions du travail temporaire au regard des relations avec le travailleur

intérimaire.

4) Modèle de clause de non-concurrence.

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ANNEXE N°1 : EXTRAITS DU PROJET DE LOI DE MODERNISATION SOCIALE.

TEXTE ADOPTÉ no 686

« Petite loi »

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

13 juin 2001

PROJET DE LOI

adopté avec modificationspar l'assemblée nationale,

en deuxiÈme lecture,

de modernisation sociale.

L' Assemblée nationale a adopté le projet de loi dont la teneur suit :

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 1re lecture : 2415 rect., 2809 et T.A. 608.2e lecture : 3052 et 3073.

Sénat : 1re lecture : 185, 258, 275 et T.A. 89 (2000-2001).

----------------------------------------------------

Politique sociale.

TITRE Ier

SANTÉ, SOLIDARITÉ, SÉCURITÉ SOCIALE

(…)

TITRE II

TRAVAIL, EMPLOI ET FORMATION PROFESSIONNELLE

Chapitre Ier

Protection et développement de l'emploi

(…)

Section 4

Lutte contre la précarité des emplois

Article 36

I. - A L'article L. 152-1-4 du code du travail, les mots : « et L. 122-3-11 » sont remplacés par lesmots : « , des premier et dernier alinéas de l'article L. 122-3-1, du deuxième alinéa de l'article L.122-3-3 et de l'article L. 122-3-11 ».

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II. - Non modifié

(…)

Chapitre III bis

Lutte contre le harcèlement moral au travail

Article 50 ter

Après l'article L. 120-3 du code du travail, il est inséré un article L. 120-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 120-4. - Le contrat de travail est exécuté de bonne foi. »

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ANNEXE N°2 : RECAPITULATIF DES SANCTIONS PENALES APPLICABLES EN MATIERE DECONTRATS A DUREE DETERMINEE

NATURE DESINFRACTIONS

1ERE INFRACTION RECIDIVE CODE DU TRAVAIL

-Embauche d’un salariépar contrat à duréedéterminée pour un motifnon autorisé par la loi,pour une durée supérieureà la durée maximale ouen méconnaissance desdispositions sur lafixation du terme ou durenouvellement.

-Embauche d’un salariépar contrat à duréedéterminée enméconnaissance desdispositions sur le recoursau contrat de travail àdurée déterminée (grève,travaux dangereux).

-Non-respect desdispositions sur le recoursau contrat de travail àdurée déterminée aprèsun licenciementéconomique.

-Non-respect du délai decarence entre deuxcontrats successifs.

Amende25 000 F(3 750 )

Amende50 000 F(7 500 )

et/ou

Emprisonnementde 6 mois

L.152-1-4

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ANNEXE N°3 : SANCTIONS DU TRAVAIL TEMPORAIRE AU REGARD DES RELATIONS AVECLE TRAVAILLEUR INTERIMAIRE

COMPORTEMENTS

REPREHENSIBLES

ENTREPRISES TEXTES DU CODE DU

TRAVAIL

RELATIONS AVEC L’ENTREPRISEDE TRAVAIL TEMPORAIRE :

a)Absence de conclusion d’uncontrat de travail temporaire entrecette entreprise et le travailleurtemporaire dans le délai de 2 jours.

b)Omission ou inexactitudevolontaire des clauses ci-après dansle contrat de travail temporaire :-cas de recours (+ le cas échéant,nom et qualification du salariéremplacé)-terme de la mission-clause de report ou modification duterme si volonté de la faire jouer-caractéristiques particulières duposte de travail-qualification professionnelle exigée-lieu de la mission-horaire-modalités de la rémunération (ycompris l’indemnité de précarité).

c)Omission des clauses ci-aprèsdans le contrat de travailtemporaire :-qualification du salarié-période d’essai éventuelle-clause de rapatriement si la missions’effectue en dehors du territoiremétropolitain.

d)Non-respect des dispositionsrelatives à l’indemnité de précarité.

Délit pénal+

Faculté pour le tribunal d’ordonnerl’affichage du jugement aux portesde l’entreprise et sa publicité dans

les journaux qu’il désigne.

Délit pénal+

Faculté pour le tribunal d’ordonnerl’affichage…

+Faculté pour le tribunal de

prononcer l’interdiction d’exercerpour une durée de 2 à 10 ans (la

violation de cette interdictionconstitue elle-même un délit).

Amende de 3000 F (450 €)

Amende 5000 F (750 €)

L. 152-2

L. 152-2-1

L.152-2

L.152-2-1

L.152-2

R.152-6

R.153-2

RELATIONS AVEC L’ENTREPRISEUTILISATRICE :

a)Violation des règles relatives à ladurée du contrat, à l’aménagementdu terme de la mission et aurenouvellement

b)Recours à des missionssuccessives sur un même poste enviolation du délai de carence

Faculté de rattachement àl’entreprise utilisatrice

+Peines de l’article L.152-2 et

L.152-2-1

Peines de l’article L.152-2 etL.152-2-1

L.124-7

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c)Volonté d’empêcher le travailleurtemporaire d’avoir accès auxéquipements collectifs del’entreprise utilisatrice.

Amende de 10000 F (1500 €)Si récidive : amende de 20000 F

(3000 €)

R.152-5

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ANNEXE N°4 : MODELE DE CLAUSE DE NON-CONCURRENCE

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166

Table des matières

Sommaire …………………………………………………………………………………p.5

Table des abréviations utilisées …………………………………………………………..p.6

Introduction ………………………………………………………………………………p.8

PARTIE 1 : LES ELEMENTS DETERMINANTS DE L’ACTION EN NULLITE DU CONTRAT

DE TRAVAIL ……………………………………………………………………………..p.23

Section 1 : Les acteurs de l’action en nullité du contrat de travail …………………p.25

§1 : Les acteurs principaux de l’action en nullité du contrat de travail …………………p.26

A. L’intérêt de l’employeur pour le prononcé de la nullité du contrat ……………..p.26

1. Une demande en nullité par voie d’exception …………………………..p.27

2. Les intérêts pécuniaires en jeu par le biais de cette action ……………...p.28

B. L’intérêt du salarié pour le prononcé de la nullité partielle du contrat …………p.30

1. Les actions réservées au seul salarié ……………………………………p.30

2. La recherche de la sauvegarde de la situation pécuniaire du salarié …....p.33

§2 : Les autres acteurs à l’action ………………………………………………………..p.36

A. Le rôle secondaire du juge prud’homal …………………………………………p.36

1. Le prononcé de la nullité du contrat de travail ………………………….p.37

2. Un pouvoir d’appréciation non-négligeable …………………………….p.38

B. L’intervention exceptionnelle d’autres acteurs …………………………………p.41

1. Le rôle éventuel des organisations syndicales …………………………..p.42

2. Les autres tiers à la relation de travail …………………………………..p.44

Section 2 : La variabilité des causes de nullité du contrat de travail ………………p.48

§1 : La variété des causes de nullité …………………………………………………….p.49

A. Les causes inhérentes au droit commun des contrats …………………………...p.49

1. Les règles relatives à la capacité, l’objet et la cause du contrat ………...p.50

2. Les règles relatives au consentement des parties au contrat ……………p.52

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B. Les causes spécifiques au droit du travail ………………………………………p.57

1. La remise en cause de la validité du contrat de travail ………………….p.57

2. La remise en cause de la validité de certaines clauses ………………….p.61

§2 : L’appréciation variable des causes de nullité ………………………………………p.65

A. Une interprétation "travailliste" des causes de nullité de droit commun ……….p.65

1. La variabilité de l’appréciation des causes de nullité …………………...p.66

2. Une appréciation en faveur du seul salarié ……………………………...p.69

B. Une application stricte des dispositions de droit du travail en la matière ………p.73

1. L’application des dispositions d’ordre public …………………………..p.73

2. L’application rigoureuse des dispositions d’ordre public de protection ..p.76

PARTIE 2 : LES PARTICULARISMES DU PRONONCE DE LA NULLITE DU CONTRAT

DE TRAVAIL ……………………………………………………………………………..p.81

Section 1 : Le choix de la nullité la plus respectueuse des intérêts des parties …….p.84

§1 : La nullité de l’ensemble du contrat de travail ……………………………………...p.85

A. La référence à la volonté des parties ……………………………………………p.85

1. Le caractère déterminant du consentement de l’une des parties au contrat

…………………………………………………………………………...p.86

2. Les dispositions d’ordre public et le rôle désuet des parties à une convention

ou un accord collectif de travail ………………………………………...p.89

B. Une sanction originale quant aux effets produits ……………………………….p.91

1. L’absence d’effet rétroactif ……………………………………………..p.92

2. La recherche d’un fondement à ces solutions …………………………..p.94

§2 : La nullité partielle du contrat de travail : une sanction banalisée ………………….p.98

A. La nullité de certaines clauses du contrat de travail …………………………….p.98

1. La distinction entre clauses interdites et clauses licites ………………...p.99

2. La distinction entre clauses déterminantes et clauses accessoires du contrat

de travail ……………………………………………………………….p.101

B. Les effets liés au prononcé de la nullité partielle du contrat …………………..p.104

1. La survie du contrat de travail …………………………………………p.104

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2. Le cas particulier de la clause de non-concurrence ……………………p.107

Section 2 : La faveur des tribunaux pour le prononcé d’autres sanctions ……….p.112

§1 : Les sanctions civiles en remplacement de la nullité ……………………………...p.114

A. La requalification en contrat de droit commun ………………………………..p.114

1. La requalification, sanction du défaut de formalisme …………………p.115

2. Les effets de la requalification, des avantages indéniables pour le salarié

………………………………………………………………………….p.119

B. La révision des clauses du contrat ……………………………………………..p.122

1. La remise en cause de la seule étendue de la clause …………………..p.122

2. Les autres techniques d’intervention au contrat de travail …………….p.125

§2 : Les sanctions pénales, compléments des sanctions civiles ……………………….p.129

A. La violation des règles de fond du contrat de travail ………………………….p.130

1. Le contrat à durée déterminée et l’article L.152-1-4 du Code du travail

………………………………………………………………………….p.130

2. Les sanctions du non-respect de certains contrats particuliers ………...p.132

B. La sanction prochaine de la violation d’autres règles …………………………p.134

1. La sanction envisagée de la méconnaissance des règles de forme …….p.134

2. Les hypothèses de violation d’autres règles de fond …………………..p.136

Conclusion ……………………………………………………………………………..p.138

Bibliographie …………………………………………………………………………..p.140

Table de jurisprudence ………………………………………………………………...p.150

Annexes ………………………………………………………………………………..p.158

Table des matières ……………………………………………………………………..p.165