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Le couple et le droit du travail 1 Université de Lille 2 - Droit et Santé - Faculté des sciences politiques, juridiques et sociales Le couple et le droit du travail Céline LEBORGNE Mémoire de D.E.A. de Droit social Sous la direction de Monsieur le Professeur Pierre-Yves VERKINDT Année universitaire 1999-2000

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Le couple et le droit du travail

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Université de Lille 2- Droit et Santé -

Faculté des sciences politiques, juridiques et sociales

Le couple et le droit du travail

Céline LEBORGNE

Mémoire de D.E.A. de Droit socialSous la direction de Monsieur le Professeur Pierre-Yves VERKINDT

Année universitaire 1999-2000

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Remerciements

Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont permis de réaliser ce travail, et

plus particulièrement Monsieur Verkindt pour sa disponibilité et ses précieux conseils.

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SOMMAIRE

Table des abréviations…………………………………………………………………….4

Introduction………………………………………………………………………………..7

TITRE PREMIER : La prise en considération limitée d’une dépendance entre les

membres du couple……………………………………………………………………….18

CHAPITRE I : Une dépendance nécessaire des membres du couple……………...20

CHAPITRE II : Une dépendance voulue par le couple……………………………34

TITRE SECOND : L’autonomie des membres du couple favorisée …………………52

CHAPITRE I : L’indifférence de la situation de couple sur l’activité professionnelle

de ses membres…………………………………………………………………….54

CHAPITRE II : L’indifférence des agissements d’un membre du couple sur

l’activité professionnelle de l’autre………...……………………………………...69

Conclusion………………………………………………………………………………...82

Bibliographie……………………………………………………………………………...84

Table des matières……………………………………………………………………….94

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TABLE DES ABREVIATIONS

A

Article Art.

Assemblée nationale AN

B

Bulletin des arrêts de la Cour de Cassation (Chambres civiles) Bull. civ.

Bulletin social, Francis Lefebvre BS Lefebvre

C

Cahiers prud’homaux Cah. prud’h.

Cahiers sociaux du barreau de Paris Cah.soc.barreau

Code civil C. civ.

Code du travail C. trav.

Confer Cf.

Conseil d’Etat CE

Cour d’appel CA

Cour de cassation, assemblée plénière Cass. ass. plén.

Cour de cassation, chambre commerciale Cass. com.

Cour de cassation, chambre sociale Cass. soc.

Cour de justice des communautés européennes CJCE

D

Dalloz périodique DP

Dalloz-Sirey D.

Droit de la famille Dr. de la famille

Droit ouvrier Dr. ouvrier

Droit et patrimoine Dr. et patrimoine

Droit social Dr. soc.

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E

Exemple ex.

G

Gazette du palais Gaz.pal.

I

Ibidem ibid.

J

Journal officiel (Lois et décrets) JO

L

La semaine juridique (édition générale, entreprise…) JCP

Loco citato loc.cit.

N

Numéro n°

O

Observation obs.

Opere citato op.cit.

P

Page p.

Paragraphe §

Petites Affiches PA

Q

Quotidien juridique Quot.jur.

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R

Répertoire du notariat Défrenois Défrenois

Revue de jurisprudence sociale RJS

Revue trimestrielle de droit civil RTD civ.

Revue trimestrielle des droits de l’homme RTDH

T

Tribunal de grande instance TGI

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INTRODUCTION

Le couple est, à l’heure actuelle, au cœur des débats essentiels en droit de la famille

et des personnes1, et d’une manière générale, dans la société. L’adoption récente de la loi

relative au pacte civil de solidarité du 15 novembre 19992 et les débats et prises de

position3 qui en ont résulté, constituent une parfaite illustration des préoccupations

actuelles du législateur en la matière.

Au vu de l’évolution de la société marquée par la banalisation de l’union libre, la

diminution des unions légitimes et l’augmentation croissante des divorces, certains auteurs,

déplorant une « crise du droit de la famille4 », invoquent la nécessité pour celui-ci de se

trouver « une boussole5 », laquelle pourrait être constituée par la notion juridique de

couple. Ainsi, Mme Brunetti-Pons souligne que : « l’importance quantitative du

phénomène du concubinage rend actuellement nécessaire une réflexion sur l’émergence

d’une notion qui a permis au législateur de tenir compte de ces nouvelles données

sociales6 ».

La tendance actuelle est donc à un intérêt croissant porté au concept de "couple".

Pour certains, la référence à une telle notion permettrait en effet de faire face aux

bouleversements qui agitent à l’heure actuelle le droit de la famille.

De cette façon, M. Normand s’interroge-t-il sur l’existence d’une notion juridique

de couple telle que « le couple serait affecté d’un statut propre, générateur d’effets

juridiques applicables à tous les couples répondant à sa définition, indépendamment de

savoir si ces couples sont mariés ou non 7».

1 LECUYER (H), La notion juridique de couple, Dr. et patrimoine, octobre 1997, n°53, p. 622 Loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, JO du 16 novembre 1999, p. 169593 Cf. pour ex. MALAURIE (P), Un statut légal du concubinage ?, Defrénois 1998, n° 13, p. 8714 BRUNETTI-PONS (C), L’émergence d’une notion de couple en droit civil ; RTD civ., janvier-mars 1999,p.295 NORMAND (J), Rapport de synthèse lors du colloque sur « la notion juridique de couple » des 20 et 21juin 1997, Etudes juridiques, Economica, Paris, 1998, 154 p.6 BRUNETTI-PONS (C), op.cit., p. 287 NORMAND (J), loc.cit.

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Le couple et le droit du travail

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Ces questionnements mettent en valeur l’incertitude actuelle quant à la définition et

la conceptualisation de cette notion8.

Concrètement, la question qui se pose est de déterminer comment le droit

appréhende la notion de couple. Comme le souligne Anne-Marie Gilles : « Si comme le

disait Aristote : " l’être humain est par nature enclin et apte à former un couple ", le droit,

lui, est-il apte à saisir le couple ? 9». Dès lors, qu’est-ce qu’un couple au sens juridique du

terme ? Quelles caractéristiques reflètent la réalité de ce concept ?

Selon le Professeur Lécuyer : « à travers la notion de couple, ce sont la famille et la

société qui sont en cause10 ». L’étude de cette notion, telle qu’elle est appréhendée par le

droit se révèle donc primordiale : le couple est un composant essentiel de la vie de famille

et de la société. Il appartient par conséquent au droit de prendre en considération « cette

chose plus compliquée et plus confondante que l’harmonie des sphères11 », qu’est le

couple.

Le mot "couple" est tiré du langage commun et n’est donc pas une création du droit.

Il manifeste même, selon le Professeur Lécuyer, « un phénomène de double

appartenance 12». Aussi, ce mot est-il « à cheval sur le langage du droit et le langage

courant 13».

Etymologiquement, le mot "couple" est issu du latin copula : lien pour attacher

ensemble deux animaux14. De même, pour le Littré, il s’agit d’ « un lien pour attacher

ensemble deux ou plusieurs choses pareilles15 ». Concernant les êtres humains, il s’agit

donc d’un lien unissant deux personnes.

Ainsi, le couple peut classiquement être défini comme « un homme et une femme

unis par des relations affectives, physiques, et le langage commun accepte, par extension,

de qualifier couple deux personnes du même sexe vivant ensemble et unies par de mêmes

8 GILLES (AM), Le couple en droit social, Collection droit civil, Economica, p.79 ibid.10 LECUYER (H), loc.cit.11 citation de Julien Gracq, écrivain du XX ème siècle12 LECUYER (H), loc. cit.13 ibid.14 Le Robert, cf. couple15 LITTRE (E), Dictionnaire de la langue française, Tome 2, p. 1262

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relations. Il peut aussi y avoir couple lorsque deux personnes sont simplement réunies par

un sentiment ou un intérêt commun. Enfin, dans un dernier sens commun, le couple est

compris comme un ensemble de deux choses16 ». Pareillement, le Professeur Cornu relève

que le couple est « l’union que forment un homme et une femme entre lesquels existent des

relations charnelles et en général une communauté de vie, soit en mariage, soit hors

mariage ; se dit parfois de deux individus du même sexe qui vivent ensemble 17».

Nombreuses sont ainsi les acceptions du mot « couple » en langage familier. Le

couple semble donc s’entendre de toute union affective et morale entre deux individus de

sexe différent ou du même sexe.

Quoiqu’il en soit, le couple se caractérise par deux éléments : la dualité et

l’existence d’un lien18. La première caractéristique nous amène donc à exclure de notre

étude, toutes les associations de personnes comprenant plus de deux individus. En outre, le

couple peut-être caractérisé par le lien qu’il implique, à savoir « l’union de deux êtres par

la volonté, le sentiment ou toute autre cause qui les rapproche19 ».

La question qui se pose ici est cependant de déterminer s’il existe une notion

juridique de couple ? Comment le couple est-il envisagé en droit ? Quelles sont les critères

et caractéristiques du couple permettant à celui-ci de se voir reconnaître un véritable statut

juridique ?

Pendant longtemps, la conception juridique française du couple s’est limitée au

mariage20.

Aussi, si le droit fiscal a utilisé le mot "couple" pour la première fois (1917)21,

celui-ci ne visait cependant pas le couple vivant en concubinage. Puis, prenant acte de

l’évolution du couple dans la société française et de l’importance statistique de l’union

libre, le droit de la sécurité sociale a usé de ce terme, visant ce faisant indifféremment

16 LECUYER (H), loc.cit.17 CORNU (G), Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 199218 GILLES (AM), loc.cit.19 Dictionnaire Larousse, cf. couple20 PANSIER (FJ), Aspects sociaux du PACS : présentation synthétique, Dr. et patrimoine, avril 2000, n° 81,p. 7121 MALAURIE (P), Couple, procréation et parenté, D. 1998, p. 127

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tous les couples, mariés ou non. Ainsi, comme le rappelle le Professeur Malaurie, « le

couple de la sécurité sociale s’oppose aux personnes seules. Il ne distingue pas les

concubins et les époux : ce sont, pour elle, les mêmes 22».

En droit civil, il a fallu attendre 1994 pour que le terme même de "couple"

apparaisse dans la loi23.

Dès lors, ce mot est entré dans le langage législatif du droit civil 24 de manière

tardive, puisqu’il a fallu attendre la loi du 29 juillet 199425 sur la bioéthique pour que la

notion de couple soit définie par le législateur. En ce sens, aux yeux de nombre d’auteurs,

la notion de couple est une notion de droit civil26. Comme l’indique Madame Clotilde

Brunetti-Pons, l’importance du concept était soulignée par les sociologues depuis de

nombreuses années en ce qu’il permettait une assimilation du concubinage au mariage27, et

permettait de répondre aux réalités de fait.

Amorcée sur le plan légal par la loi Malhuret de 1987 et la loi du 08 janvier 1993,

la loi de 1994 a posé une définition juridique du couple à l’article L 152-2 du code de la

santé publique28. Ainsi, aux termes de cet article : « l’homme et la femme formant le

couple doivent être vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d’apporte la preuve

d’une vie commune d’au moins deux ans… ». Ce texte vient fixer des limites à la notion de

couple en exigeant que celui-ci soit formé d’un homme et d’une femme, et qu’il présente

une certaine stabilité29.

Une notion juridique de couple est donc apparue en droit civil en 1994, plus précise

que dans le langage courant, même si celle-ci, née de la crise du mariage, a pu apparaître à

certains comme un « mythe30 », un artifice.

22 ibid.23 PANSIER (FJ), loc.cit.24 MALAURIE (P), loc.cit.25 loi du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, àl’assistance médicale à la procrétion et au diagnostic prénatal , JO du 30 juillet 199426 DEKEUWER-DEFOSSEZ (F), Réflexions sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille,RTDC, avril-juin 1995, p. 24927 BRUNETTI-PONS (C), loc.cit.28 ibid.29 BRUNETTI-PONS (C), op.cit., p. 2930 DEKEUWER-DEFOSSEZ (F), loc.cit.

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Le couple et le droit du travail

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La conception juridique du couple en droit civil recouvrait donc, de par cette

disposition législative, les couples mariés ou vivant en concubinage. Toutefois, étaient

écartés les homosexuels : « privés de mariage civil, les homosexuels se trouvent exclus de

concubinage, dans la mesure où le droit ne reconnaît toujours pas leur communauté de

vie31 …».

Ainsi, malgré la loi de 1993 portant diverses mesure d’ordre social32 et intégrant la

situation de l’assuré homosexuel, le législateur de 1994 confirmait la position prise par la

Haute juridiction quelques années auparavant. Celle-ci avait rejeté en effet, dans un arrêt

du 11 juillet 1989, toute possibilité d’extension du terme « conjoint » aux homosexuels. En

l’espèce, un salarié de Air France, après avoir déclaré son homosexualité, revendiquait

l’application du statut du personnel aux termes duquel Air France s’engageait à accorder

aux agents et aux membres de leur famille, y compris aux couples « en état d’union libre »,

des billets à tarif réduit. Or, la Cour de cassation a considéré qu’une telle disposition « qui

étend le bénéfice de ladite mesure au conjoint en union libre, doit être comprise comme

ayant entendu avantager deux personnes ayant décidé de vivre comme des époux, sans

pour autant s’unir par le mariage, ce qui ne peut concerner qu’un couple constitué d’un

homme et d’une femme33 ». D’ailleurs, elle a confirmé cette « définition restrictive du

concubinage34 » dans un arrêt du 17 décembre 199735.

Pourtant, cette discrimination entre homosexuels et hétérosexuels était critiquable,

et cette non-reconnaissance du couple homosexuel sur le plan juridique contestable, même

si certains auteurs approuvent cette prise de position, à l’instar du Professeur Malaurie qui

considère que « la tricherie sur les mots est toujours le signe d’une dérive intellectuelle et

morale36 ».

Une intervention du législateur était donc nécessaire : « exclus du mariage, relégués

au secret de l’alcôve et à la confidentialité de leurs relations par le juge et le droit, il ne

31 MOUTOUH (H), La question de la reconnaissance du couple homosexuel : entre dogmatisme etempirisme, D. 1998, p. 36932 loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d’ordre social, JO 23 avril 1993, p. 652833 Cass. soc. 11 juillet 1989, X…c/ Air France ; X…c/ CPAM, D. 1990, p. 582, note Malaurie34 MOUTOUH (H), op.cit., p. 37035 Cass. soc. 17 décembre 1997, Vilela c/ Madame Weil, D. 1998, p. 111, conclusions Weber, note Auber36 MALAURIE (P), note sous CASS soc. 11 juillet 1989, précité supra note n° 33

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restait plus aux homosexuels que la difficile voie de l’intervention politique et

législative37 ».

En ce sens, la loi de 1999 relative au pacte civil de solidarité pose une « conception

polymorphe de la vie de couple 38». Définissant le concubinage comme « une union de fait,

caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre

deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple 39», celle-ci est

venue reconnaître le bénéfice du cadre juridique marital aux homosexuels, et poser une

égalisation de principe des effets juridiques entre mariage et contrat d’union civile.

Elle constitue ainsi une reconnaissance législative du couple homosexuel, même si

pour certains, il n’est guère cohérent de consacrer une notion de couple qui associe le

concubinage au mariage, et d’un autre côté, séparer le concubinage du mariage par

l’élaboration d’un statut légal propre à l’union libre40. En outre, elle vient rompre avec la

définition traditionnelle du concubinage telle qu’elle avait été posée par les juges en

198941, et par le législateur en 1994.

Aussi, il apparaît que prédomine l’idée d’« un pluralisme des couples42 » en droit

civil au détriment d’une notion juridique de couple à proprement parlé.

Comme l’indique Anne-Marie Gilles en effet : « les éléments constitutifs du couple

s’avèrent variés depuis que les conséquences positives du mariage ont été étendues au

couple non marié. Tantôt la stabilité et la continuité des relations sont nécessaires, tantôt la

relation doit être inscrite dans la durée. Parfois, une simple relation affective caractérise le

couple. En outre, depuis que le législateur a consacré la notion de couple dans la loi du 29

juillet 1994, il faut ajouter la procréation et la communauté de vie comme éléments

constitutifs du couple43 ».

37 ibid.38 PANSIER (FJ), loc.cit.39 C. civ. article 515-840 BRUNETTI-PONS (C), loc.cit.41 Cass. soc. 11 juillet 1989, précité supra note n° 3342 DEKEUWER-DEFOSSEZ (F), A propos du pluralisme des couples et des familles, PA, 28 avril 1999, n°84, p. 2943 GILLES (AM), op.cit., p. 9

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Le couple et le droit du travail

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La difficulté en droit civil, comme nous l’avons vu, est de poser des critères

permettant de dessiner les contours d’une notion juridique de couple. D’ailleurs, le

Professeur Lécuyer, constatant la multiplicité des critères permettant de distinguer la

notion de couple, s’interroge : « ne risque-t-on pas, dans la recherche de la notion de

couple, de trouver d’autres critères, d’être l’inventeur d’un trésor trop important et d’en

conclure, sans paradoxe, à l’existence d’une notion sans critère ?44 ».

Le couple fait donc l’objet d’un questionnement à l’heure actuelle en droit de la

famille, non facilité par la loi de 1999 relative au pacte civil de solidarité laquelle pose

clairement « qu’il existe plusieurs formes de vie à deux45 ».

L’objet de la présente étude sera de déterminer si le droit du travail, de par l’usage

qu’il fait de la notion de couple, est de nature à clarifier ce concept.

Quelle approche le droit du travail a-t-il de la notion de couple ? En quoi le couple

peut-il être pris en considération par le droit du travail ? Le droit du travail, de par l’usage

qu’ il fait de la notion de couple, apporte-t-il une contribution à la définition que le droit

civil peine à élaborer ?

Cette question peut a priori surprendre. En effet, la vie de couple fait partie

intégrante de la vie personnelle de tout individu, protégée en l’article 9 du code civil selon

lequel « chacun a droit au respect de sa vie privée ». En ce sens, nombreuses sont les

jurisprudences condamnant le non-respect de la vie sentimentale, laquelle présente un

caractère « strictement privé »46. Une quelconque référence au couple par le droit du travail

ne semble donc pas évidente.

Ce principe de respect de la vie privée, posé en l’article 9 du code civil, amenait

certains auteurs à mettre en exergue l’existence « d’une sphère secrète de vie d’où chacun

aura le pouvoir d’écarter les tiers47 », ou encore « le droit de tenir les tiers en lisière d’un

domaine réservé, de les tenir en respect, et de pouvoir dans ce domaine, échapper à leurs

44 LECUYER (H),op.cit.,p. 6545 PANSIER (FJ), loc.cit.46 pour ex. TGI Paris, 02 juin 1976, D. 1977, p. 364

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Le couple et le droit du travail

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interventions, leurs sollicitations 48». Ce principe doit être affirmé avec force : considéré

comme l’un des droits primordiaux de la personnalité49, il est nécessaire qu’il soit protégé

au mieux par le législateur et les juges.

Or, comme l’indique M. Waquet : « la notion de vie privée en droit du travail est

connue50 ». En effet, le contrat de travail conclu entre un salarié et son employeur est

classiquement considéré comme conclu « intuitus personae », c’est à dire en fonction de la

seule considération de la personne. Si le salarié se trouve soumis, du fait du rapport de

subordination, à exécuter son travail sous le contrôle du chef d’entreprise qui peut en

contrôler l’exécution et en sanctionner l’inexécution, « le principe est que cette

subordination est limitée à l’exécution de la prestation de travail…51 ». Dès lors, on ne

saurait concevoir que le chef d’entreprise ait égard à la vie de couple du travailleur. Celle-

ci constitue en effet un élément à part entière de la vie privée du salarié : « le salarié est un

homme libre et son attachement volontaire et limité à l’employeur s’exerce dans un cadre

défini par un contrat de travail52 ».

Dans le reste de sa vie, le travailleur est libre : libre de mener sa vie comme il

l’entend, libre de se marier ou non, de vivre en concubinage, sous réserve qu’il ne nuise

pas à l’entreprise. A l’inverse, dans l’exercice de sa profession, le travailleur est

subordonné à son employeur qui ne peut légitimement prendre acte de la vie de couple du

salarié, « vie qui échappe à l’autorité de l’employeur, qui n’est pas soumise au lien de

subordination qui caractérise le contrat de travail 53».

Si la spécificité du contrat de travail est que le salarié place sa personne sous

l’autorité de l’employeur et en ce sens, renonce à une certaine autonomie dans la conduite

de sa personne, il « n’aliène pas sa personne 54». En dehors de l’accomplissement de la

47 BADINTER (R), Le droit au respect de la vie privée, JCP 1968, I, n° 2-13648 CORNU (G), Droit civil, Tome 1, 5ème édition, n°51349 GULPHE (P), De la non interférence de la vie privée sur la vie professionnelle du salarié en droitfrançais, JCP E 1990, II, 15 736, p. 21950 WAQUET (P), Vie personnelle et vie professionnelle du salarié, Cah. Soc. Barreau, 1994, n° 64, p. 28951 SAVATIER (J), La liberté dans le travail, Dr. soc. 1990, p. 4952 ibid.53 WAQUET (P), loc.cit.54 SAVATIER (J), loc.cit.

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tâche définie au contrat, il conserve sa liberté : le couple en tant qu’élément de la vie

personnelle du salarié ne doit pas avoir d’incidence dans la vie professionnelle de celui-ci.

Ainsi, « la sphère de la vie de couple est généralement distincte de celle de la vie

professionnelle, et les deux domaines ne devraient donc pas interférer l’un sur l’autre55 ».

Donc, a priori, la vie de couple, en tant qu’élément de la vie privée du salarié, ne

doit pas interférer avec le travail de l’un ou l’autre de ses membres. Ainsi, « il est

traditionnellement affirmé qu’il doit exister une cloison étanche entre la vie professionnelle

et la vie extra professionnelle du salarié. Dans les rapports entre employeur et salarié, c’est

l’exécution correcte du travail convenu qui importe et dans l’appréciation portée par

l’employeur sur la façon dont le salarié effectue la tâche qu’il lui a confiée, ne doivent pas

venir interférer des considérations relatives à la vie privée ou publique du salarié. Il s’agit

là d’une garantie importante de la liberté individuelle qui permet à chaque individu de se

ménager une sorte de domaine réservé sur lequel la vie professionnelle ne saurait avoir

aucune emprise 56».

Ainsi adapté au droit du travail, cet impératif de protection de la vie privée a pour

conséquence de poser en principe l’absence de relation entre la vie de couple du salarié et

sa vie professionnelle.

A noter que, pendant longtemps, pour désigner « la part inaltérable de liberté que

conserve un salarié malgré le lien de subordination qui l’unit à son employeur 57», la

jurisprudence utilisait le terme de « vie privée ». Ainsi, dans le célèbre arrêt Rossard du 22

janvier 1992, la Cour de cassation pouvait proclamer que « dans sa vie privée, le salarié est

libre d’acheter les biens, produits ou marchandises de son choix 58». Cette expression était

cependant discutable, et à ce titre discutée. Quant à l’expression utilisée par le Professeur

55 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, Ecrits en hommage à Gérard Cornu, PUF, 1994, p.41556 DESPAX (M), La vie extra professionnelle du salarié et son incidence sur le contrat de travail, JCP I1176, 1963, p. 2657 WAQUET (P), En marge de la loi Aubry :travail effectif et vie personnelle du salarié, Dr. soc. 1998, n° 12,p. 158 Cass. soc. 22 janvier 1992, Mme Rossard c/ Société Robuchon et fils, Dr. soc. 1992, p. 334

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Le couple et le droit du travail

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Despax, c’est à dire « la vie extra professionnelle59 », tout en ayant le mérite de désigner

l’ensemble des actes accomplis par le salarié en dehors de l’entreprise et du temps de

travail, ne visait pas les actes exécutés par le salarié aux lieux et temps de travail, mais ne

correspondant pas à une instruction de l’employeur. Aussi, la Cour de cassation a-t-elle

substitué à ces expressions, la notion de « vie personnelle », même si certains précisent que

la distinction entre « vie privée » et « vie professionnelle » avait au moins le mérite « de ne

pas nier que le travail est une des formes de la vie des personnes, et que le droit du travail

relève autant du droit des personnes que du droit des obligations60 ».

Quoiqu’il en soit, cette notion de « vie personnelle », plus large, inclut « l’ensemble

du comportement du salarié, qu’il relève de l’intimité de la vie privée ou du comportement

public, qui échappe à l’autorité de l’employeur, pendant ou en dehors de la durée du

travail 61». La vie personnelle du salarié, y compris sa vie de couple, doit donc en principe

demeurer étrangère à la vie professionnelle de ses membres62.

Toutefois, on ne peut légitimement ignorer les « inévitables empiètements de l’une

sur l’autre63 ». Nul ne peut nier les interférences qui existent ainsi nécessairement entre le

couple et le travail. En effet, « si l’activité humaine peut-être découpée en tranches de

temps, consacrées respectivement à la vie familiale et à la vie du travail, la personne

humaine est une64 ». Dès lors, on ne peut considérer qu’il existe une cloison étanche entre

la vie de couple et les relations de travail de ses membres : il existe de nombreuses

interférences entre ces deux « sphères65 », que le droit du travail sera amené à réguler. Le

Professeur Despax résume en ce sens parfaitement ces phénomènes : « il semble que les

relations de travail sont plus perméables qu’il ne le paraît au premier abord à des

considérations qui tiennent à la vie privée du salarié ou à l’exercice par celui-ci des libertés

publiques. Il en résulte une plus grande fragilité des rapports de travail… 66».

59 DESPAX (M), loc.cit.60 SUPIOT (A), Les nouveaux visages de la subordination, Dr. soc. 2000, p. 13161 WAQUET (P), Vie personnelle et vie professionnelle du salarié, loc.cit.62 GULPHE (P), loc.cit.63 ESCANDE-VARNIOL (MC), note sous CASS soc. 16 décembre 1997, Delamaere c/ Office notarial deMes Ryssen et Blondel, JCP G, 1998, II 10101,p. 111964 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, loc.cit.65 ibid.66 DESPAX (M), op.cit., p. 27

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Le couple et le droit du travail

17

Ainsi, le droit du travail sera en certaines circonstances appelé à prendre en compte

cet élément de la vie personnelle du salarié. Il doit se préoccuper dans une certaine mesure

de la vie de couple des salariés. Mais, de par l’usage qu’il fait de la notion de couple, le

droit du travail apporte-t-il une contribution à la définition du couple que le droit civil

élabore avec difficulté ?

De l’étude des textes et de la jurisprudence, il nous importera de mettre en évidence

cette conception " travailliste " du couple, de mettre en exergue les situations

d’interférence entre le couple et le travail.

Dans nombre de situations, la vie de couple et les rapports de travail de l’un ou

l’autre de ses membres, vont être enchevêtrés. Le droit du travail sera donc amené à opérer

une conciliation entre les deux. Il en résultera nécessairement une approche spécifique au

droit du travail de la notion de couple.

Le couple est par définition composé de deux personnes, exerçant parfois chacune

une activité professionnelle autonome, mais unies par un lien affectif qui ne peut-être

totalement occulté par leurs employeurs respectifs. Il revient dès lors au droit de concilier

l’exigence d’autonomie des membres du couple dans l’exercice de leur profession, eu

égard au principe de respect de la vie privée et au caractère « intuitus personae » du contrat

de travail, avec ce lien d’affection qui caractérise le couple.

Ainsi, selon les situations, il appartiendra, tant aux juridictions du travail qu’au

législateur, de promouvoir cette autonomie ou au contraire tenir compte de cette

interdépendance.

Or, il semble résulter de l’étude du droit du travail que celui-ci privilégie

l’autonomie des membres du couple (Titre II), au détriment de leur interdépendance

(Titre I).

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Le couple et le droit du travail

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TITRE PREMIER :

La prise en considération limitée d’une dépendance entre les membres du

couple :

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Le couple et le droit du travail

19

Même s’il est « traditionnellement affirmé qu’il doit exister une cloison étanche

entre la vie professionnelle et la vie extra professionnelle du salarié… »67, nul ne peut nier

les interférences qui existent entre le couple et le travail. La vie professionnelle de chacun

est en effet ponctuée de rencontres et de contraintes, qui rejaillissent nécessairement sur la

vie de couple. Ainsi, « le couple (…) ne peut vivre dans une bulle d’où seraient évacuées

les activités professionnelles de chacun de ses membres 68». A contrario, le droit du travail

ne peut légitimement ignorer cet aspect essentiel dans la vie de la majorité des salariés,

qu’est la vie de couple.

Il importe de relever, dans un premier temps, que certaines dispositions ou

jurisprudences, en faisant découler de la vie de couple nombre de conséquences sur la

relation de travail de l’un ou de l’autre, tendent à mettre en avant l’existence d’un lien de

dépendance entre ses membres.

Cependant, cette prise en compte d’une dépendance du couple s’avère limitée. En

effet, l’existence d’un lien d’interdépendance dans le couple ne sera révélée en droit du

travail que dans les stricts cas où elle apparaît nécessaire au regard de certains impératifs,

ou lorsque les parties l’auront décidé en ce sens.

Le droit du travail met ainsi parfois en évidence une dépendance entre les membres

du couple, que celle-ci soit nécessaire ( Chapitre I ), ou voulue ( Chapitre II ).

67 DESPAX (M), loc.cit.68 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op.cit., p. 416

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Le couple et le droit du travail

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CHAPITRE I :

Une dépendance nécessaire des membres du couple

Des éléments tenant à la vie personnelle du salarié et plus particulièrement à sa vie

de couple sont exceptionnellement pris en compte, tant par le juge, que par le législateur69.

Il en résulte nécessairement une dépendance entre les membres du couple puisque

l’exécution et le maintien de la relation de travail d’un salarié seront influencés par la

qualité de conjoint ou concubin de celui-ci. Celle-ci ne semble toutefois pouvoir être

déduite, en droit du travail, que d’hypothèses où se voit révélée la nécessité de respecter

certaines exigences.

Ainsi, au nom du droit de chaque travailleur à une « vie familiale normale », le

couple pourra apparaître dans la relation professionnelle d’un quelconque de ses membres

comme un facteur permettant l’octroi d’avantages, de compensations ou de faveurs. Au

contraire, dans d’autres situations, l’existence d’une vie de couple et d’une relation

amoureuse entre ses membres pourra se révéler être un obstacle à la relation

professionnelle de l’un d’eux, eu égard au trouble causé à l’intérêt de l’entreprise ou à la

possibilité de trouble causé à celle ci. Aussi, au vu de l’existence du conjoint, concubin ou

partenaire, un travailleur se verra accorder tel ou tel avantage ou, à l’opposé, supportera

telle ou telle contrainte.

La prise en considération d’une dépendance entre les membres du couple est donc

en ce sens limitée, qu’elle n’a pour objectif que de répondre à deux impératifs : la

conciliation de la vie de couple et de la vie professionnelle et le respect du « droit de

chacun à une vie familiale normale » ( Section I ) ou le respect de l’intérêt de l’entreprise

(Section II ).

69 LEVENEUR (J), Vie privée et familiale et vie professionnelle, in La personne en droit du travail, p. 47

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Le couple et le droit du travail

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Section I ) Une dépendance nécessaire dans l’intérêt du couple :

Comme le souligne le Professeur Savatier « le législateur impose parfois à

l’employeur de tenir compte de l’existence du couple pour permettre à celui ci une vie

familiale normale …70». Cette prise en considération du couple par l’employeur relève

alors du bon sens. L’objectif est de permettre au salarié de mener à bien sa carrière

professionnelle tout en lui offrant les moyens de profiter de son entourage.

Certains avantages ou « discriminations positives71 » seront alors accordés au

salarié au regard de sa situation familiale et plus précisément de sa vie de couple. La

question qui se pose étant de déterminer l’usage fait par le droit du travail de la notion de

couple, il convient de souligner que, sans user expressément du vocable ″couple ″, cette

dépendance nécessaire des membres du couple est tantôt expressément stipulée par le

législateur ( §1 ), tantôt sous-jacente ( §2 ).

§ 1 – Manifestations légales expresses de l’interdépendance :

Nombreuses sont les dispositions imposant à l’employeur de prendre en

considération la vie de couple des salariés travaillant à son service, afin de réaliser la

conciliation la plus favorable entre leur vie de couple et leur vie professionnelle.

En matière de réglementation des horaires de travail et de congés, le législateur

pose ainsi un certain nombre de règles, incluant comme critère de décision à charge de

l’employeur, l’existence d’un conjoint ou concubin. A ce titre, des auteurs expriment en

effet le souhait « que la vie sociale soit rythmée par des moments où pourront se retrouver

dans un loisir commun, tous ceux que leur travail aura séparé dans la vie courante72 ». Ceci

explique sans doute la référence directe au couple faite par le législateur, en matière de

congés notamment.

Ainsi, l’article L 223-7 du code du travail, relatif aux congés payés, dispose que

« les conjoints travaillant dans une même entreprise ont droit à un congé simultané ». A

70 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op.cit., p.42171 LEVENEUR (J), loc. cit.72 SAVATIER (J), L’assouplissement des règles sur le repos dominical, Dr. soc. 1994, p.180

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Le couple et le droit du travail

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noter toutefois que l’employeur peut imposer des horaires de travail différents aux

conjoints travaillant dans la même entreprise « sous réserve qu’il pourrait se voir reprocher

un abus du droit s’il refusait de tenir compte de leurs aspirations, alors qu’une coordination

de leurs horaires ne nuirait pas à l’entreprise 73». L’exigence de prise en compte du couple

par l’employeur ne semble donc expressément sanctionnable qu’en matière de congés

payés.

Au contraire, si les deux époux ne travaillent pas dans la même entreprise, l’article

L 223-7 du code du travail prévoit en son alinéa 3 à la charge de chaque employeur, de

tenir compte pour l’ordre des départs en congés « de la situation de famille des

bénéficiaires, notamment des possibilités du conjoint dans le secteur privé ou public… ».

A l’origine, ce texte ne concernait que les conjoints et donc, le couple ne s’entendait que

du couple marié. Dorénavant, la loi du 15 novembre 199974 prévoit l’obligation pour

l’employeur de tenir compte d’un pacte civil de solidarité. Ainsi, l’emploi dans une même

entreprise de deux personnes « pacsées », accorde à celles-ci le droit de bénéficier de

l’article L 223-7 du code du travail.

Néanmoins, il semble que les contraintes pesant sur l’employeur ne soient pas

excessives. En effet, mis à part l’hypothèse où le couple travaille au service d’un

employeur identique et a « droit » à un congé simultané, l’alinéa 3 de l’article L 223-7 du

code du travail n’impose en aucune manière à l’employeur de calquer les vacances de son

salarié sur celles de son conjoint. En ce sens, la Cour de cassation est venue rappeler que

« les dispositions de la convention collective alléguée par une salariée n’imposent pas à

l’employeur de calquer la date des congés sur ceux du conjoint si l’activité de l’entreprise

ne peut s’en accommoder75 ». On imagine en effet aisément la difficulté d’ordre matériel si

chaque employeur devait tenir compte des dates de congés des conjoints, concubins ou

partenaires de chacun de ses salariés. Cette solution conduit d’ailleurs le Professeur

Savatier à considérer que ce texte demeure « exceptionnel76 ». Toutefois, il n’en constitue

pas moins une référence directe au couple par le législateur, une manifestation de l’intérêt

porté par le droit du travail à la vie familiale du salarié.

73 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, loc.cit.74 loi n° 99-944 du 15 novembre 1999, art. 18, JO du 16 novembre 199975 Cass. soc. 19 juin 1997, Meusnier c/ SARL La feuille Rose, RJS 8-9/97, n°987, p. 615

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Le couple et le droit du travail

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En outre, certains évènements, liés à la vie de couple du salarié, permettent l’octroi

de plein droit de jours de congés en cas de demande de celui ci. Issu d’une loi du 19 janvier

1978, l’article L 226-1 du code du travail prévoit la possibilité pour un salarié de bénéficier

de congés pour évènements familiaux, en l’occurrence, d’une autorisation exceptionnelle

d’absence de quatre jours pour le mariage du salarié ou de deux jours pour le décès du

conjoint (ces jours d’absence n’entraînent pas de baisse de rémunération et sont assimilés à

des jours de travail effectif pour la détermination de la durée du congé annuel). Ces

dispositions sont également applicables aux partenaires liés par un pacte civil de

solidarité77, et illustrent encore une fois la nécessité de tenir compte, dans la détermination

des droits du salarié à l’égard de son employeur, des évènements de sa vie de couple. La

mise en valeur d’une dépendance entre les membres du couple est rendue nécessaire dans

une optique de conciliation de sa vie privée et sa vie professionnelle.

D’autres textes font expressément référence au conjoint d’un travailleur pour lui

accorder certaines faveurs. Comme l’indique Jean Leveneur : « les vacances sont une

chose, mais il y a aussi le reste de l’année, et il est inutile de dire combien la vie

matrimoniale des deux époux se trouve amputée lorsque les nécessités de la vie

professionnelle de chacun les conduisent à travailler, et parfois à résider, dans des endroits

très éloignés l’un de l’autre78 ».

Ainsi, en matière de fonction publique, la loi du 30 décembre 192179 prévoit « le

rapprochement des fonctionnaires qui étrangers au département sont unis par le mariage,

soit à des fonctionnaires du département, soit à des personnes qui y ont fixé leur

résidence ». De cette façon, cette loi, dite « Roustan », impose de réserver 25 % des postes

vacants dans le département aux fonctionnaires souhaitant se rapprocher de leurs conjoints.

Complétant ce dispositif, une loi de 198480 en matière de fonction publique d’Etat, prévoit

que « dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les

affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et

de leur situation de famille (…) Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur

76 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, loc.cit.77 loi du 15 novembre 1999, précitée supra note n° 278 LEVENEUR (J), op.cit., p.5479 loi du 30 décembre 1921, article 1er

80 loi du 11 janvier 1984, articles 60 et 62

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Le couple et le droit du travail

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conjoint pour des raisons professionnelles… ». La même loi indique également « si les

possibilités de mutation sont insuffisantes dans leur corps, les fonctionnaires séparés de

leur conjoint pour des raisons professionnelles peuvent dans toute la mesure compatible

avec les nécessités de fonctionnement du service compte tenu de leur situation particulière,

bénéficier en priorité du détachement… ».

Ces règles, identiques en matière de fonction publique hospitalière81 et territoriale82,

sont en outre étendues aux personnes liées par un PACS83. A noter cependant, qu’elles ne

constituent pas un droit pour les fonctionnaires concernés mais une simple priorité.

Toutefois, là encore, la vie de couple est intégrée au dispositif mis en place afin de

permettre aux fonctionnaires de mener « une vie familiale normale ».

De la même façon, l’article L 321-1-1 du code du travail prévoit comme critère

pour fixer l’ordre des licenciements pour motif économique « les charges de famille et

celles de parents isolés ». La vie de couple sera donc nécessairement un indice à prendre en

considération par l’employeur pour définir l’ordre des licenciements. Cette disposition

s’inscrit sans conteste dans un esprit de faveur aux salariés vivant en couple, tout comme

l’article L 432-8 du code du travail prévoyant que « le comité d’entreprise assure ou

contrôle la gestion de toutes les activités sociales ou culturelles établies dans l’entreprise

au bénéfice des salariés ou de leur famille… ».

L’employeur est ainsi tenu dans certaines hypothèses de prendre en considération la

vie de couple des salariés et leur accorder certaines facilités ou priorités afin de respecter

leur « droit à une vie familiale normale ».

§2 - Manifestations indirectes de l’ interdépendance :

D’autres dispositions mettent en valeur de manière sous-jacente l’incidence que

peut jouer la vie de couple sur la vie professionnelle de chacun de ses membres, pour

souligner l’interdépendance des membres du couple.

81 loi du 09 janvier 1986, article 3882 loi du 26 janvier 1984, article 5483 loi du 15 novembre 1999, précitée supra note n°2

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Le couple et le droit du travail

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Certaines réglementations, sans pour autant faire référence directement au couple,

reflètent cependant la volonté de respecter la vie de couple du salarié. Ainsi, et comme

l’indique le Professeur Savatier « le souci de permettre aux salariés de mener une vie

familiale inspire également les règles sur les horaires de travail. S’il faut lutter contre le

travail de nuit ou maintenir le principe du repos dominical, c’est notamment pour permettre

aux travailleurs de se retrouver en couples en dehors des heures où le travail hors du foyer

les sépare 84».

A n’en pas douter en effet, le principe du repos dominical posé en l’article L 221-5

du code du travail tend à permettre aux salariés de passer du temps avec leur famille et

donc leur conjoint ou concubin : « il ne s’agit pas seulement de disposer d’un temps à soi,

que l’on ne donne pas au patron, mais de partager le temps avec les autres, de célébrer

ensemble une fête qui rompt avec le quotidien85 ». Il est à souligner que cette règle donne

actuellement lieu à un débat86 opposant les tenants d’une suppression de ce principe

(milieux d’affaire) et les tenants du maintien du repos dominical lequel est considéré

comme la base d’une vie sociale « équilibrée particulièrement autour de la cellule

familiale87 ».

De la même façon, la rigoureuse réglementation entourant encore actuellement le

travail de nuit des femmes en France88 illustre indirectement cette prise en compte par le

législateur français du couple en droit du travail. En outre, l’ensemble du dispositif relatif

aux heures supplémentaires89 et le strict encadrement mis en place « dessinent une sphère

minimale de vie privée 90» tendant encore une fois à protéger la vie de couple du salarié.

En effet, ces réglementations visent à éviter des horaires trop lourds ou trop contraignants

de nature à nuire à l’équilibre de la vie de famille et donc, du couple.

84 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op.cit., p. 42685 SAVATIER (J), L’assouplissement des règles sur le repos dominical, loc.cit86 LYON-CAEN (J), PELISSIER (J), SUPIOT (A), Droit du travail, Précis Dalloz, Droit privé, 18ème édition,Paris, 1996, p. 42887 COUTURIER (G), Droit du travail : les relations individuelles de travail, PUF, 1994, p. 42388 C. trav. art. L 213-189 C. trav. art. L 212-5 et suivants90 LEVENEUR (J), loc.cit.

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Le couple et le droit du travail

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Dans la même optique, la jurisprudence sera parfois amenée à se référer à la vie de

couple du salarié pour régler différents litiges auxquels elle se trouve confrontée. La

référence à la situation de couple, en des espèces où la loi ne l’impose pas, permettra ainsi

parfois au juge d’accorder tel ou tel avantage au salarié.

Ainsi, par exemple, pour déterminer les critères de validité des clauses de non-

concurrence en droit du travail, certains auteurs soulèvent l’opportunité pour les juges de

tenir compte de la vie familiale du salarié et donc de sa vie de couple : « en effet, la

possibilité de retrouver un emploi pour un salarié célibataire, n’est pas la même que celle

d’un salarié marié avec trois enfants scolarisés et dont le conjoint est fonctionnaire. Pour ce

dernier, le périmètre de la recherche est plus restreint, le changement de domicile plus

problématique91 ». D’ailleurs, des arrêts ont dans ce sens annulé une clause de non-

concurrence au motif qu’elle « aurait obligé la salariée à s’expatrier très loin pour retrouver

du travail 92» ou ont validé une telle clause car celle ci ne privait pas le salarié de la

« possibilité de trouver un emploi dans les agglomérations proches et importantes sans

avoir à déménager93 ». A n’en pas douter, la vie familiale semble avoir été un critère pour

les juges du fond qui viennent restreindre par là même les pouvoirs de l’employeur et

l’impact de telles clauses.

De même, une jurisprudence récente de la Cour de cassation en matière de clause

de mobilité admet que l’on retienne les éléments de la vie personnelle (en l’espèce la

situation du conjoint) pour mettre en évidence l’absence de faute dans le refus opposé par

le salarié à la directive de l’employeur94. La Cour de cassation condamne ainsi

l’employeur, pour usage abusif d’une clause de mobilité, pour avoir imposé au salarié, qui

se trouvait dans une situation familiale critique ( référence à son épouse enceinte de sept

mois), un déplacement immédiat dans un poste qui pouvait être pourvu par d’autres

salariés. Cet arrêt est novateur95. En effet, la référence à la situation de famille pour le

respect d’une procédure de mutation pouvait être prévue dans des conventions collectives.

Mais, pour la première fois, en l’absence de toute convention collective le prévoyant

expressément, la Haute juridiction vise la vie de couple du salarié : « situation qualifiée de

91 GAVALADA (N), Les critères de validité des clauses de non concurrence en droit du travail, Dr. soc.1999,p. 58292 CA Toulouse 24 avril 1998, Jurisdata 4240493 CA Rennes 31 mars 1998, Jurisdata 4169294 Cass. soc. 18 mai 1999, Société Legrand c/ M. Rochin, Dr. soc.1999, p 734, note Gauriau

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Le couple et le droit du travail

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critique, tant la soudaineté de la décision eut un impact psychologique auprès de la future

mère et laissa présager quelques difficultés relatives à la période de l’accouchement. Du

moins aurait-il fallu donner un peu de temps au couple pour qu’il soit en mesure de

réorganiser sa vie de famille…96 ».

Ainsi les juges, en l’absence de tout texte, prennent parfois l’initiative de se référer

à la vie couple du salarié. Ils créent ainsi un lien de dépendance entre les membres de

couple en ce qu’ils viennent limiter, de par l’existence du conjoint, concubin ou partenaire,

les possibilités d’imposer au salarié une restriction à son contrat de travail. La vie de

couple est donc un élément essentiel de la vie du salarié non occulté par les juges.

Un autre exemple significatif de cette dépendance entre les membres du couple en

droit du travail peut être trouvé dans l’application de l’article L 351-1 du code du travail

relatif aux garanties de ressources des travailleurs privés d’emploi. En l’occurrence,

l’allocation de remplacement ne peut être versée qu’aux travailleurs involontairement

privés d’emploi. La démission d’un salarié ne pourra donc lui permettre de se voir octroyer

un tel revenu. Néanmoins, il est des hypothèses où la démission sera assimilable à une

perte involontaire d’emploi en ce qu’elle a été causée par un motif reconnu légitime par la

Commission paritaire de l’Assedic97. A cet égard, la jurisprudence a été amenée à

considérer qu’ « est un motif légitime de démission le fait pour une employée de

collectivité locale de quitter son emploi pour suivre la personne avec qui elle vit depuis

plusieurs années en concubinage notoire et qui fait l’objet d’une mutation professionnelle

dans une ville éloignée98 »

Dans toutes ces hypothèses, le juge et le législateur font référence, directement ou

non, au couple formé par le salarié et son conjoint ou concubin, pour lui accorder certains

avantages au nom du droit à une vie familiale normale. Les membres du couple sont donc

en ce sens dépendants l’un de l’autre, mais à leur profit. Il est toutefois des circonstances

où la vie de couple et l’existence d’un lien affectif entre deux salariés, de la même

95 GAURIAU (B), note sous Cass. soc. 18 mai 1999, précité supra note n° 9496 ibid.97 Cass. soc. 20 mars 1990, RJS 1990, p. 295

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Le couple et le droit du travail

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entreprise ou non, doivent être nécessairement prises en compte à leur détriment au vu

d’un intérêt supérieur : celui de l’entreprise.

Section II ) Une dépendance nécessaire dans l’intérêt de l’entreprise:

Comme l’indique Marie-Cécile Escande-Varniol : « le statut de salarié ne peut

faire perdre à un individu son identité propre ; législateur, jurisprudence et doctrine se sont

souvent montrés attentifs à protéger la vie privée ou extra professionnelle du salarié afin de

résoudre le difficile problème de la rencontre de deux sphères qui se repoussent et qui

s’attirent en se recouvrant partiellement : la conciliation des intérêts de l’entreprise et de

l’exercice des libertés fondamentales des salariés99 ». Il appartient donc à l’employeur,

contrôlé par le juge, d’opérer une conciliation entre la vie de couple du salarié et la

nécessité de protéger les intérêts de son entreprise.

Or, il est des cas où l’existence d’une relation amoureuse apparaît comme un frein à

la bonne exécution de la relation de travail d’un salarié. Il est ainsi des circonstances où

existe une incompatibilité entre la vie de couple et le travail de l’un ou l’autre des

membres, au regard de la spécificité de certaines fonctions ( §1 ) ou du trouble au bon

fonctionnement de l’entreprise qu’entraîne une telle relation ( §2 ).

§1 – Incompatibilité du couple avec l’exercice de certaines fonctions :

Certaines dispositions législatives prennent en compte la vie de couple d’un salarié

pour refuser à son conjoint ou compagnon d’exercer des fonctions spécifiques au sein de

l’entreprise. Ces fonctions sont présumées incompatibles avec la qualité de conjoint de

l’employeur.

Ainsi, concernant l’élection des délégués du personnel, l’article L 423-8 du code du

travail indique que les membres de la famille du chef d’entreprise y compris son conjoint

98 CE 25 septembre 1996, Quot. Jur. 09 janvier 199799 ESCANDE-VARNIOL (MC), Les éléments constitutifs d’une cause réelle et sérieuse de licenciement pourmotif extraprofessionnel, RJS 7/93, p. 403

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Le couple et le droit du travail

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ne sont pas éligibles à cette fonction et ne peuvent ainsi valablement représenter le

personnel. Cette règle est identique en matière d’élection des membres du Comité

d’entreprise (article L 433-5 du code du travail). Donc, le conjoint du chef d’entreprise ne

peut-être ni délégué du personnel, ni membre du Comité d’entreprise. Cette règle n’a pas

toujours existé et ainsi, avant 1973, rien n’empêchait le conjoint d’occuper l’une ou l’autre

de ces fonctions. Cependant, et comme le soulignait le Professeur Rouast en 1962 : « il est

vraisemblable que le fait qu’ils ont des relations familiales sera toujours un obstacle à ce

qu’ils soient choisis par les autres employés pour les représenter dans ces diverses

fonctions 100». La qualité de conjoint du chef d’entreprise est donc aujourd’hui un obstacle

à son éligibilité, le législateur faisant ici prévaloir le lien de dépendance unissant les

membres du couple.

De la même façon, en matière de mandatement syndical prévu par la loi Aubry

II101, l’alinéa 3 de l’article 19 VI énonce que « ne peuvent être mandatés les salariés qui en

raison des pouvoirs qu’ils détiennent, peuvent être assimilés au chef d’entreprise, ainsi que

les salariés apparentés au chef d’entreprise mentionnés au 1er alinéa des articles L 423-8 et

L 433-5 du code du travail ». Rappelons simplement ici que le mandatement est une

délégation de pouvoirs d’une organisation syndicale à un salarié de l’entreprise en vue de

la négociation et de la conclusion d’un accord d’entreprise. Il permet en quelque sorte

d’accréditer ponctuellement un salarié pour une négociation d’entreprise.

En ces hypothèses, le législateur prend acte de l’absence de compatibilité de la

qualité de représentant du personnel ou de mandaté syndical, avec celle de conjoint du chef

d’entreprise. En effet, le risque est trop grand de voir le conjoint de l’employeur subir des

pressions importantes de la part de celui-ci et ne pas pouvoir remplir les fonctions qui lui

sont assignées avec suffisamment de crédibilité. L’existence d’un lien affectif entre les

membres du couple implique trop de risques. Il est à noter cependant que le législateur ne

vise pas les concubins en la matière : pourtant, les risques sont identiques.

100 ROUAST (A), Le droit du travail familial, Dr. soc., p. 160101 loi n° 98-461 du 13 juin 1998, article 19 VI, JO du 14 juin 1998

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Le couple et le droit du travail

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Quoiqu’il en soit, l’intérêt de l’entreprise et la bonne exécution des mandats

explique que le législateur n’admette pas l’éligibilité du conjoint du chef d’entreprise. Le

risque d’atteinte à l’intérêt de l’entreprise est trop grand : la crainte est ici légitime.

§2 - Incompatibilité de la vie de couple avec le bon fonctionnement de l’entreprise :

La Cour de cassation tire du droit au respect de la vie privée, l’impossibilité de

rompre le contrat de travail d’un des membres du couple pour une cause liée à sa vie

personnelle102. Ainsi, en principe, la vie de couple est sans incidence sur la vie

professionnelle de chacun. Cependant, une exception doit venir limiter ce principe :

l’hypothèse où, du fait de la vie de couple, un salarié trouble le bon fonctionnement de

l’entreprise.

Ce n’est, comme l’indique le Professeur Savatier, « que l’application du principe

posé à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme : ″ la liberté consiste à pouvoir

faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ″103 ». Il est ainsi légitime de penser que la liberté de

tout salarié dans sa vie de couple est totale, tant qu’elle ne crée pas au sein de l’entreprise

un trouble. Si tel est le cas, il découlera de l’existence d’une relation affective, une

dépendance entre les membres du couple, au détriment du salarié.

Dès lors, « il est possible que des agissements en lien avec la vie de couple du

salarié soient une cause réelle et sérieuse de licenciement quand ils apportent un trouble à

l’entreprise104 ». Cette constatation résulte d’un arrêt du 20 octobre 1976 selon lequel

l’employeur ne pouvait se prévaloir à l’encontre du salarié « de faits de sa vie privée, dès

lors qu’il n’était pas établi que ses liaisons féminines auraient été à l’origine d’un scandale

et auraient eu des répercussions sur l’exécution de ses obligations professionnelles105 ». A

contrario, l’existence de preuves que les liaisons du salarié aient été de nature à mettre en

102 Cass. soc. 17 avril 1991, Painsecq c/ Association Fraternité Saint Pie X, JCP 1991 II, 21724, note Sériaux103 SAVATIER (J), Le licenciement, à raison de ses mœurs, d’un salarié d’une association à caractèrereligieux, Dr. soc. 1991, p. 489104 GILLES (AM), op. cit., p. 130105 Cass. soc. 20 octobre 1976, Foyer de retraite du combattant c/ Dumas, Bull. civ. V, n° 508

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Le couple et le droit du travail

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péril le bon fonctionnement de l’entreprise, aurait constitué une justification du

licenciement. En ce sens, un cadre marié et père de cinq enfants, entretenant une liaison

avec une jeune employée de l’entreprise, a pu être considéré comme ayant eu un

comportement portant atteinte au bon ordre de l’établissement et justifiant son

licenciement106. De la même façon, a été licencié pour faute grave un salarié, homme

d’entretien et charcutier, entretenant des relations adultères avec la femme de l’employeur

laquelle avait quitté le domicile conjugal pour vivre avec lui. En l’espèce, le licenciement a

été tiré d’une cause liée à la vie privée mais au regard du « comportement déloyal et

injurieux au sein de l’entreprise familiale107 ». Ainsi, du fait du « caractère malsain

résultant de la situation108 », le juge a pu considérer que l’existence d’un lien affectif au

sein du couple formé par le salarié et l’épouse de son employeur, créait un trouble à

l’entreprise.

Dès lors, la référence au « bon fonctionnement de l’entreprise » permet parfois de

justifier une sanction prise à l’encontre d’un salarié au regard de sa vie de couple. Depuis

un arrêt du 17 avril 1991, les juges rappellent ainsi que « si en principe il ne peut être

procédé au licenciement d’un salarié pour une cause tirée de sa vie privée, il en est

autrement lorsque le comportement de l’intéressé, compte tenu de ses fonctions et de la

finalité propre de l’entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière109 ».

Comme l’indique Jean Savatier « la référence à la nature des fonctions et à la

finalité de l’entreprise implique une appréciation in concreto des motifs justifiant le

licenciement 110». Ainsi, la référence à la vie de couple pourra constituer ou non une cause

réelle et sérieuse de licenciement selon les tâches confiées au salarié ou selon la nature de

l’entreprise.

Aussi, une société a pu reprocher à un cadre d’avoir volontairement frappé sa

compagne elle-même salariée « à proximité de l’usine où il avait travaillé dans le passé et

était connu des salariés, à l’heure où l’équipe de l’après-midi quittait son poste… » pour

106 Cass. soc. 19 juillet 1965, L c/ Société des établissements F, Dr. soc. 1966, p. 35107 CA Versailles 27 mai 1986, Volovick c/ Masseboeuf, D. 1986, IR, p. 420108 CA Paris 13 février 1985, Delot c/ Celis, D. 1985, IR, p. 269109 Cass. soc. 17 avril 1991, précité supra note n°102110 SAVATIER (J), Le licenciement, à raison de ses mœurs, d’un salarié d’une association à caractèrereligieux, op. cit. , p. 488

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Le couple et le droit du travail

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justifier son licenciement111. Pareillement, le fait pour une salariée d’avoir eu une liaison

avec son employeur, désormais décédé, entraîne un état permanent de tension entre la

salariée et la veuve ayant succédé à son époux à la tête de la société, de nature à nuire à

l’entreprise112.

Surtout, la notion de finalité propre de l’entreprise à laquelle se réfère la Cour de

cassation n’est pas sans rappeler la célèbre jurisprudence Dame Roy ayant opposé une

institutrice à l’établissement privé d’enseignement catholique qui l’avait licencié en raison

de son remariage après divorce. L’Assemblée plénière de la Cour de cassation, après avoir

posé en principe qu’il ne pouvait « être porté atteinte sans abus à la liberté du mariage par

un employeur que dans des cas très exceptionnels où les nécessités des fonctions l’exigent

impérieusement113 », avait justifié le licenciement de l’enseignante au motif que

l’établissement « attaché au principe de l’indissolubilité du mariage, avait agi en vue de

sauvegarder la bonne marche de son entreprise, en lui conservant son caractère propre et sa

réputation 114».

Certains ont pu se demander si cette jurisprudence n’était pas « périmée 115» avec

l’introduction des articles L 122-45 du code du travail et L 123-1 du code du travail ,

interdisant respectivement les sanctions et licenciements en raison de la situation de

famille, et les discriminations en fonction du sexe ou de la situation de famille. Cependant

au regard de l’arrêt précité du 17 avril 1991116 touchant un litige opposant une association

religieuse et un salarié homosexuel, il semble que cette solution demeure valable pour les

entreprises de tendance. Il a été ainsi jugé que « dans certaines entreprises à tendance

idéologique, l’employeur est en droit d’exiger de ceux de ses salariés chargés par lui d’une

mission spirituelle un mode de vie et de pensée conformes à leurs finalités117 ». Ainsi,

lorsque le salarié, dans sa vie de couple, est en contradiction avec les valeurs morales ou

les doctrines promues par l’entreprise au service de laquelle il s’est engagé, et qu’en raison

111 Cass. soc. 1er avril 1992, Oberle c/ SAIC Velcorex, RJS 5/92, n° 576, p. 328112 Cass. soc. 1er avril 1992, Gaillard c/ SA Bourrée et fils, RJS 5/92, n° 577, p. 329113 Cass. Ass. Plén. 19 mai 1978, Dame Roy c/ Association pour l’éducation populaire Sainte Marthe, D. 1978, p. 541114 Ibid.115 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op.cit., p. 425116 Cass. soc. 17 avril 1991, précité supra note n° 102117 CA Paris, 29 janvier 1992, Association Fraternité Saint Pie X c/ Painsecq, Dr. soc. 1992, p. 335

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Le couple et le droit du travail

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de ses fonctions, il apporte un trouble caractérisé à l’entreprise, une sanction apparaît

justifiée aux yeux des juges.

Dans toutes ces hypothèses, le salarié voit dans sa vie de couple une justification

d’une sanction prise à son égard. Le juge fait en effet prévaloir l’intérêt de l’entreprise au

vu du trouble apporté à son fonctionnement. Ainsi, « sous couvert du critère de l’intérêt de

l’entreprise, le comportement du salarié dans sa vie personnelle peut avoir des incidences

sur sa relation de travail 118».

Le droit du travail se réfère ainsi dans nombre de cas à la vie de couple du salarié

afin de concilier celle-ci avec la relation de travail de ses membres.

Dans d’autres circonstances, le droit du travail permet la création entre les membres

du couple d’une relation contractuelle particulière ayant pour effet de créer entre ses

membres un lien d’indivisibilité : le contrat de couple.

118 BROCHETON (P), Vie personnelle et vie professionnelle, l’art de l’équilibre, Semaine sociale Lamy,janvier 1999, n° 915, p. 7

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Le couple et le droit du travail

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CHAPITRE II :

Une dépendance voulue par le couple

Il est généralement admis que « le contrat de travail procède d’une relation

purement individuelle entre employeur et salarié 119». Le contrat de travail s’analyse en

effet, comme la convention par laquelle une personne s’engage à mettre son activité à la

disposition d’une autre sous la subordination de laquelle elle se place moyennant une

rémunération120. La conclusion d’un contrat de travail lie ainsi deux parties : la salarié qui

s’engage à fournir personnellement une prestation de travail et l’employeur qui contrôle

l’exécution du travail et en sanctionne l’inexécution.

Cependant, ce schéma contractuel classique peut être écarté dans quelques

hypothèses. Ainsi en est-il, par exemple, lorsqu’un salarié s’engage à effectuer une

prestation de travail pour plusieurs employeurs tenus solidairement envers lui. A l’inverse,

il arrive qu’un employeur ait à recruter pour une même tâche ou pour des tâches

complémentaires plusieurs salariés. Ainsi, un seul et même contrat pourra généralement

lier les salariés qui seront considérés solidaires l’un de l’autre, leur engagement étant

indivisible121. Apparaît donc ici la notion de contrat de travail collectif lequel peut être

défini comme « unissant pour l’accomplissement d’une tâche moyennant le versement

d’un salaire un employeur à plusieurs personnes agissant ensemble et de concert

solidairement et individuellement122 ».

Les contrats de travail collectifs étaient déjà connus en matière de travaux agricoles

saisonniers123 (pour exemple Cass soc 24 février 1961124) et encore aujourd’hui dans le

119 MOUVEAU (E), Le contrat de couple et le droit du travail, D. 1998, p. 385120 C. trav. article L 120-2121 Cass. soc. 04 mars 1981, Boudaud c/ Ranger, Bull. civ. V, n° 177122 PANSIER (FJ), Le contrat de couple, Cah .soc. barreau, n° 115, p. 349123 ibid.124 Cass. soc. 24 février 1961, Consorts Baudon et Miquel, Dr. soc.1961,p. 359

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Le couple et le droit du travail

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domaine du spectacle125, même s’il semble qu’ils ne connaissent pas actuellement un grand

développement126.

A vrai dire, la situation la plus fréquente est celle du contrat conclu avec un couple

de travailleurs dont la vie commune facilite l’exécution de la prestation de travail, sans que

le mariage ne soit une condition de validité du contrat127 : on parlera alors de contrat de

couple. Ce type de contrat est utilisé notamment pour les employés de maison, gardiens

d’immeuble ou encore gérants salariés de magasins.

Il convient dès à présent de différencier ce contrat de couple, des hypothèses de

partage d’un même poste de travail occupé alternativement par deux travailleurs, mais qui

ne forment pas nécessairement un couple au sens affectif du terme. Ces situations seront

donc écartées de la présente étude. En effet, « si rien n’empêche la mise en place de cette

pratique, il nous semble opportun de ne pas utiliser le terme de couple pour éviter une

confusion128 ».

Comme l’indique le Professeur Jean Mouly, le contrat de couple est « une pratique

avérée dans les relations sociales, même si l’usage de ces contrats reste relativement

marginal, limité à certaines professions (...) et s’il est peu probable que la promotion

actuelle dans le droit civil contemporain de la notion de couple puisse faire sortir ce type

de convention de sa marginalité 129».

Au regard d’un certain nombre d’incertitudes textuelles, le contrat de couple est

aujourd’hui critiqué et remis en cause130. Ces contrats semblent en effet poser problème eu

égard à certaines dispositions impératives du code du travail, et donc au vu de leur légalité.

Ainsi, certains auteurs relèvent-ils « la contrariété de principe131 » entre le contrat de

couple, contrat collectif, et le droit du contrat de travail par essence individuel. En effet, la

125 C. trav. Art. L 762-1 alinéa 4126 PANSIER (FJ), loc. cit.127 Cass. soc. 07 mai 1986, Madame Genco c/ SARL Gérance Varoise, Bull. civ. V, n° 204128 GILLES (AM), op. cit., p. 138129 MOULY (J), note sous Cass. soc. 18 novembre 1998, Duarte c/ copropriéte Le Buffon, D. 1999, p. 443130 MOUVEAU (E), loc. cit. ; MOULY (J), op. cit., p. 445131 MOUVEAU (E), loc.cit.

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Le couple et le droit du travail

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stipulation d’un lien d’indivisibilité entre les engagements des membres modifie la nature

du contrat de travail et influe sur le régime juridique applicable.

Il n’apparaît pas nécessaire de développer ici davantage les objections à l’encontre

du contrat de couple, elles-mêmes développées par divers auteurs, sauf à considérer que

celles ci pourraient, à terme, venir remettre en cause l’application pratique de ces contrats,

leur utilisation par les employeurs. Ainsi, pour certains auteurs, l’avenir du contrat de

couple s’avère « passablement écorné132 ».

Ces critiques, quant à l’incompatibilité de certaines dispositions impératives du

code du travail avec le contrat de couple, peuvent s’expliquer d’autant plus facilement que

le contrat de couple n’est régi par aucune disposition du code du travail. Cependant, bien

que non visé par les textes légaux, le contrat de couple doit être présumé valable dès lors

qu’il n’est pas expressément interdit133. D’ailleurs, « la jurisprudence admet, malgré le

silence de la loi, la liceité de ces contrats de couple134 ».

C’est donc aux juges qu’il faut se référer en la matière, ceux ci ayant été amenés à

faire face à cette question de la conciliation du droit du travail avec la volonté des membres

d’un couple de lier leurs engagements professionnels. La difficulté majeure à relever est

que le contrat de couple fait appel tant à des mécanismes propres au droit du travail qu’à

des notions intégrées au droit commun des contrats135. Aussi, le recrutement par un

employeur d’un couple de travailleurs est-il rendu plus complexe du fait du rapport

d’indivisibilité établi entre eux.

Face à la carence de la loi, les tribunaux ont eu à intervenir pour établir les

conditions de validité de tels contrats et préciser les effets entre les membres de

l’indivisibilité des engagements. Destiné à répondre à certaines situations spécifiques de

travail, le contrat de couple suscite moult interrogations.

Prise en considération par le droit du travail de la vie de couple, il se caractérise par

la volonté de ses membres de lier leurs engagements et donc de créer un lien de

132 ibid.133 PANSIER (FJ), loc.cit.134 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op.cit., p.423135 SORDINO (MC), Réflexions sur le contrat de travail conclu avec un couple de travailleurs, PA, 31 juillet1996, n° 92

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dépendance. L’intérêt de la présente étude sera, afin de déterminer l’usage dont il est fait

de la notion de couple dans cette hypothèse, de souligner comment se manifeste cette

interdépendance entre les membres du couple ( Section I ) pour en déterminer les effets

entre eux ( Section II ).

Section I ) Le contrat de couple ou la stipulation d’engagements indivisibles :

Les tribunaux sont régulièrement appelés à trancher les différends liés à

l’application des contrats de couple. Découle de cette jurisprudence un certain nombre de

règles permettant d’apprécier les conditions de validité d’un tel contrat et ses effets sur les

membres du couple.

La jurisprudence sociale utilise le terme d’ « indivisibilité » pour caractériser le lien

entre les deux travailleurs136. En effet la Cour de Cassation a expressément reconnu

l’indivisibilité des engagements souscrits entre deux époux dans un arrêt de 1981 :

« l’engagement de B… était, de l’aveu même de ce dernier qui avait invoqué la nécessaire

collaboration de son époux pour lui permettre de remplir les fonctions à lui proposées par

la société, concomitant et indivisible, de celui de Dame B…137 ». Depuis, cette

qualification a toujours été réaffirmée par la jurisprudence et emporte avec elle nombre de

conséquences pour les parties au contrat.

Quoiqu’il en soit, avant de déterminer les effets d’une telle indivisibilité, encore

faut-il constater comment elle se manifeste concrètement ; c’est à dire déterminer comment

le contrat de couple est significatif d’une dépendance entre les membres du couple.

Or, cette interdépendance se voit révélée dès la conclusion du contrat de couple,

tant par les conditions de fond de celui-ci, à savoir l’adéquation du couple au regard des

fonctions à accomplir (§1) que par les conditions de forme, à savoir la volonté des

membres du couple de lier leurs engagements (§2).

136 GILLES (AM), op. cit., p.139137 Cass. soc. 04 mars 1981, précité supra note n° 121

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§1- L’ adéquation du couple à la spécificité des fonctions à accomplir :

Le contrat de couple n’est admissible que sous certaines conditions, à savoir

l’existence d’un couple (A), et la complémentarité des fonctions à exercer (B).

A) Le couple, condition essentielle de validité du contrat de couple :

La conclusion d’un contrat de couple nécessite la signature, conformément à son

intitulé même, d’un couple. Mais dans cette hypothèse, qu’entend-t-on sous ce terme ? Le

contrat de couple est- il exclusivement réservé aux époux ?

Selon Fréderic-Jérome Pansier, « la notion de couple ne se confond pas avec le

statut du mariage. Il suppose seulement qu’il existe entre les deux salariés des relations

présentant un caractère suffisant de stabilité, de continuité et de notoriété, manifesté par la

vie commune, afin que le travail en commun concorde avec la situation personnelle des

salariés, et soit présumée conforme à leurs désirs138 ».

Dès lors, le mariage n’est pas une condition de validité du contrat de couple qui

s’étend à toute relation affective entre deux individus. Ainsi, la Cour de cassation, dans un

arrêt du 07 mai 1986139 donne effet à un contrat de couple conclu entre une salariée

engagée en qualité de concierge et son concubin recruté en tant que surveillant jardinier.

De même, ont vocation à signer un tel contrat et lier leurs engagements de manière

indivisible, les relations impliquant une communauté de vie telles l’union libre ou encore le

PACS. Cependant, ces relations doivent présenter un degré suffisant de stabilité et de

sérieux. Comme l’indique le Professeur Savatier : « dans ces contrats de couple,

l’employeur ne consent au contrat qu’en raison de la vie commune des deux salariés,

nécessaire pour l’exécution des prestations de travail140 ».

Cette condition de validité qu’est l’existence d’un couple a pour corollaire la

résiliation du contrat de couple en cas de disparition du couple pour quelque cause que ce

138 PANSIER (FJ), loc.cit.139 Cass. soc. 07 mai 1986, précité supra note n° 127140 SAVATIER (J), op.cit., p. 423

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soit141. Ainsi, en cas de divorce, de séparation des concubins ou des partenaires, ou encore

en cas de décès, la condition déterminante qu’est l’existence d’une vie de couple, disparaît.

En toute logique, le défaut d’un élément essentiel a pour conséquence que soit vidé de tout

sens le contrat de couple.

Au regard de cette conséquence néfaste du contrat de couple, il est à relever

l’intervention de la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 10 mars 1994142. Elle vient en

effet rappeler que le fait de lier le sort du contrat de travail d’un couple de concubins

engagés en qualité de gérants de magasins à la séparation ou au divorce du couple

constitue une restriction apportée par l’employeur au droit des époux ou des concubins de

se séparer. Or, en l’espèce, avait été inscrite dans deux contrats une clause prévoyant leur

résiliation automatique en cas de séparation ou de divorce. Au nom de la liberté pour un

couple de se séparer, les juges du fond considèrent qu’une telle clause n’est pas admissible,

la société n’apportant aucun élément propre à justifier de son obligation de recourir à

l’emploi d’un couple de gérants. La cour de Paris vient donc poser en principe, sur le

fondement de l’article L 120-2 du code du travail, que la relation de cause à effet selon

laquelle la disparition du couple entraîne la résiliation du contrat de travail ne pourra être

prévue que dans des cas strictement et évidemment nécessaires. Elle vient par la même

réduire au strict minimum les possibilités de recours à un contrat de couple.

En outre, le contrat de couple n’est légitimement admissible que dans certaines

professions impliquant des fonctions liées.

B) L’ interdépendance des fonctions occupées par le couple :

Le contrat de couple trouve sa cause dans la volonté, tant de l’employeur que du

couple, de lier les engagements des deux salariés de manière indivisible, au regard de

l’activité et de la tâche à accomplir qui leur est commune et complémentaire. Dans cette

optique, ce type de contrat régit le plus souvent la situation des employés de maison (même

si le recrutement de ce personnel est en nette régression), mais aussi des gardiens

d’immeuble ou encore des gérants.

141 PANSIER (FJ), op.cit., p. 350

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Dans ces hypothèses, l’utilisation de ce type de contrat s’explique et trouve sa

légitimité dans l’interdépendance existant entre les fonctions et missions à charge des

travailleurs. En effet, « l’exécution de ces prestations de travail doublée parfois de

l’attribution d’un logement de fonction, implique une collaboration étroite entre

salariés…143 ». Comme l’indique le Professeur Savatier, « l’interdépendance des contrats

liant chaque membre du couple à l’employeur n’est admissible que si ces contrats portent

sur des emplois complémentaires et si les salariés concernés trouvent un avantage à l’union

de leur contrat144 ». Ces conditions expliquent que le recours au contrat de couple soit

assez limité.

Antérieurement, le recours au contrat de couple était courant pour le personnel

domestique145 : ainsi, un couple était embauché à charge pour l’époux d’être jardinier ou

chauffeur et pour la femme d’être cuisinière ou femme de ménage. Aujourd’hui, le

contentieux a trait surtout aux gardiens d’immeuble ou encore aux gérants salariés de

magasins. Ces emplois se caractérisent en effet par l’intérêt et la nécessité de recourir à un

couple au vu de la complémentarité et l’absence de dissociabilité des fonctions. Les

concierges et employés d’immeuble à usage d’habitation sont visés par le code du travail

depuis une loi de 1977146. L’article L 771-1 du code du travail précise les conditions qui

doivent être remplies pour bénéficier des dispositions légales : un immeuble d’habitation,

être salarié, assurer la garde, la surveillance et l’entretien de l’immeuble ou une partie de

ses fonctions. Or, souvent, des couples sont engagés pour assurer l’ensemble de ses

fonctions. De la même façon, des contrats de couple seront fréquemment signés par des

gérants ( concernés par le droit du travail).

Le contrat de couple nécessite ainsi que la relation de travail se situe pour les deux

membres du couple dans un même cadre d’activité et dans l’accomplissement de tâches

similaires ou proches : « l’unicité du contrat signifie que les tâches à réaliser, pour les

142 CA Paris,10 mars 1994, D. 1994, IR p. 139143 REYNES (B), Contrat de travail et indivisibilité des engagements, PA,27 juillet 1994, n° 89, p.29144 SAVATIER (J), Les contrats de travail conclus avec un couple de travailleurs, Dr. soc. 1994, p.239145 ibid.146 GILLES (AM), op. cit., p. 136

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deux salariés, sont étroitement liées147 ». L’activité de chaque membre du couple est si

étroitement liée à celle de l’autre qu’on ne peut imaginer que ces tâches soient attribuées à

deux salariés totalement indépendants l’un de l’autre. Cette interdépendance des tâches est

illustrée de manière significative dans un arrêt de la Cour de cassation du 14 octobre

1993148. En cette espèce, la Haute juridiction reproche à l’employeur d’avoir rompu le

contrat de travail du couple sans tenir compte de la complémentarité des tâches. S’agissant

de conjoints gardiens d’immeuble, l’épouse victime d’un accident du travail voulut

reprendre son poste mais avec une inaptitude temporaire partielle d’un mois. Suite au

licenciement des époux, la Cour de cassation est amenée à préciser que « les engagements

d’un couple de gardiens concierges étant indivisibles et sauf impossibilité de maintenir le

contrat de travail, les intéressés ne pouvaient être licenciés en raison de l’inaptitude

momentanée de l’un d’eux que l’autre peut suppléer dans ses tâches149 ». Une telle

solution, soucieuse du maintien du contrat, a pour intérêt de fournir ici un excellent

exemple de la complémentarité des fonctions.

Au-delà de ces conditions de fond que sont l’existence d’un couple et la

complémentarité des fonctions, existent des conditions de forme. Celles-ci permettront de

déterminer les sources de l’indivisibilité des engagements entre les deux salariés.

§2 -Le contrat de couple ou la dépendance conventionnelle des membres du

couple :

Il est à noter que les conditions de forme sont celles applicables à tout contrat

individuel de travail. Cependant, au vu de la particularité du contrat de couple, certaines

règles spécifiques seront à prendre en considération

Quand un employeur veut engager de manière indivisible un couple de travailleurs,

une question essentielle de pure forme va apparaître : « les époux sont-ils engagés par

deux contrats ou par un seul et même contrat ? En d’autres termes, le rapport

147 PANSIER (FJ), loc.cit.148 Cass. soc. 14 octobre 1993, Gentil c/ SA Gautard immobilier, D. 1994, p. 251149 ibid.

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Le couple et le droit du travail

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d’indivisibilité unit-il deux contrats distincts ou existe t-il un acte juridique unique qui

comprend deux engagements indivisibles ?150 ».

Le doute est ici permis en ce que la jurisprudence fait tantôt référence à un contrat

unique, tantôt à des contrats distincts. De même, les conventions collectives pourront

prévoir la dualité des contrats ou non. A titre d’exemple, la convention collective des

« gardiens, concierges et employés d’immeuble » prévoit en son article 2 que « si un

employeur, pour le service de l’immeuble, doit répartir les tâches demandées entre deux

conjoints, un contrat de travail devra être établi pour chacun d’eux aux conditions de la

convention collective nationale151 ». A l’inverse, d’autres conventions collectives

sembleront plus favorables à un contrat unique lorsqu’un couple est engagé152.

La jurisprudence semble faire preuve d'hésitation. Ainsi, dans certains arrêts, la

Haute juridiction fait référence à « un seul et même contrat153 », ou à l’expression «

contrat de travail commun aux deux époux154 » ou vise « le contrat qui les liait à

l’employeur155 ». Mais, et à la suite de Marie-Claire Sordino156, il convient de se demander

si ces expressions visent une unité de negotium ou d’instrumentum. Sachant que la

formation de plusieurs negotia n’est pas exclusive d’un unique instrumentum, évoquer un

seul contrat de travail n’est ainsi pas forcément significatif. D’ailleurs, d’autres

jurisprudences se réfèrent à une dualité de contrats de travail157 : encore récemment, un

arrêt de la Cour de cassation du 18 novembre 1998158 vise les contrats de travail des époux.

La doctrine semble elle-même être favorable à cette solution159. En fait, la jurisprudence

semble admettre que « les deux manières de procéder sont également valables160 ».

150 SORDINO (MC), loc.cit.151 Convention collective des « gardiens, concierges et employés d’immeuble », Avenant départementalAlpes Maritimes, n° 1, novembre 1981, article 2152 MOULY (J), note sous CA Limoges 17 décembre 1990, SNC Cuff et compagnie c/ Madame Sparato,Dt.soc. 1991, p.596153 Cass. soc. 04 mars 1981,précité supra note n° 121154 Cass. soc. 14 octobre 1993, précité supra note n° 148155 Cass. soc. 17 mars 1993, Sag c/ Koziel, RJS 4/93, n° 423, p. 255156 SORDINO (MC), note sous Cass. soc. 14 octobre 1993, précité supra note n° 148157 Cass. soc. 30 novembre 1977, Epoux Radenac c/ Société Hochet et compagnie, Bull. civ. V, n° 654 ; Cass.soc. 07 mai 1986, précité supra note n°127158 Cass. soc. 18 novembre 1998, précité supra note n° 129159 MOULY (J), note sous CA limoges 17 décembre 1990, précité supra note n° 152160 PANSIER (FJ), loc.cit.

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Le couple et le droit du travail

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Donc, pour produire effet, les engagements du couple peuvent être souscrits tant

dans le cadre de deux contrats distincts que dans un seul contrat de travail. « Dans un souci

de simplicité, l’expression générique ″contrat de couple ″ communément employée,

désigne ici indifféremment les deux situations161 » : soit le dispositif contractuel est

organisé en un groupe indivisible de deux contrats, soit un contrat unique comprend deux

engagements indivisibles.

Reste maintenant à déterminer comment se manifeste cette indivisibilité, comment

elle naît.

Par définition, l’indivisibilité apparaît comme « l’état de ce qui ne peut être

divisé 162». Lorsque deux époux ou concubins sont embauchés ensemble, leurs

engagements pourront être dits indivisibles, que cette indivisibilité résulte d’une

manifestation expresse ou non de volonté des parties. Comme l’indique Marie-Claire

Sordino, « la volonté est la source primordiale de l’indivisibilité 163». Il est en effet

nécessaire que les époux acceptent de travailler l’un avec l’autre et acceptent que le sort de

l’engagement de l’un soit lié au sort de l’autre de manière indissociable.

L’indivisibilité des engagements peut être expressément stipulée par le biais d’une

clause d’indivisibilité, insérée par les parties dans le contrat de travail des salariés. La

prestation de travail est alors indivisible « intellectuellement » en ce que l’objet de

l’obligation, envisagé in abstracto, n’est pas nécessairement indivisible, mais le devient en

raison du but que les parties ont assigné à l’obligation164. Nombreux sont les cas où le

couple recourt à une telle stipulation : le contrat précise alors que les obligations devront

être exécutées conjointement et solidairement, ou encore que la cessation des fonctions de

l’un entraînera la cessation des fonctions de l’autre165. Un arrêt de la Cour d’appel de

Toulouse du 25 juin 1999166 vient cependant rappeler qu’ « une clause d’indivisibilité des

contrats de travail consentis à deux époux ou concubins ne peut être librement stipulée

161 NEVIERE (E), note sous Cass. soc. 18 novembre 1998, Duarte c/ copropriété Le Buffon, Défrenois 1999,n°15-16, p.855162 SORDINO (MC), note sous Cass. soc. 14 octobre 1993, précité supra note n° 148163 ibid.164 REYNES (B), op.cit., p. 30165 Cass. soc. 07 mai 1991, M.X c/ Agence Martinet, Bull. civ. V, n° 221166 CA Toulouse 25 juin 1999, SA Mutilchauss c/ Klelifa, RJS 11/99, n° 1415

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Le couple et le droit du travail

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quels que soient les emplois en cause, dans la mesure où elle reviendrait à écarter pou l’un

des deux conjoints les garanties d’ordre public en matière d’emploi ». En l’espèce, la Cour

d’appel considère que l’interdépendance des deux contrats n’est admissible que si ces

derniers portent sur des emplois complémentaires, si l’activité des deux conjoints est

indissociable et si l’employeur est dans l’impossibilité de maintenir l’un des emplois sans

l’autre. Le dispositif contractuel ainsi mis en place met les engagements des deux époux ou

partenaires dans la dépendance l’un de l’autre. Mais parfois, l’indivisibilité des

engagements doit être déduite non d’une clause expresse de volonté mais de certains

éléments caractéristiques.

En l’absence de clause expresse d’indivisibilité, le principe est la divisibilité des

engagements. En effet, la création d’un tel lien nécessite une volonté non équivoque des

parties. Cependant, parfois, le juge pourra déduire l’indivisibilité des modalités d’exercice

des fonctions. Certains éléments pourront ainsi aider le juge dans sa recherche de la

commune intention des parties : l’existence d’un salaire global167, d’un logement de

fonction168…Il appartiendra donc aux tribunaux de déduire de la présence de ces éléments

l’existence d’un rapport d’indivisibilité entre les membres du couple.

Une fois définies ces conditions de validité du contrat de couple et par la même les

marques de l’interdépendance entre les membres du couple, il convient d’en déterminer les

effets.

Section II) Les effets entre les membres du couple de l’indivisibilité des engagements :

Le contrat de couple institue entre les membres du couple un lien d’indivisibilité.

Mais quels sont les effets d’un tel lien ? Comme l’indique le Professeur Mouly « ces

contrats ne manquent pas de faire difficulté car ils comportent le plus souvent des

stipulations qui sont de nature à tenir en échec nombre de dispositions impératives du code

167 Cass. soc 19 mai 1969, Bull. civ. V, n° 333168 Cass. soc 14 octobre 1993, précité supra note n° 148

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Le couple et le droit du travail

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du travail, en particulier dans le domaine de la rupture. C’est d’ailleurs à ce propos que se

noue le contentieux, régulier sinon abondant…169 ».

L’indivisibilité des contrats signifie que l’existence d’un engagement est la

condition sine qua non de l’existence de l’autre, et donc, que la cessation de l’un entraîne

celle de l’autre. Ainsi, « la distinction entre un contrat interdépendant divisible et un

contrat interdépendant indivisible est importante car les conséquences de la rupture d’un

seul contrat ne sont pas semblables170 ». Incontestablement, si les contrats interdépendants

divisibles sont en principe sans effets l’un sur l’autre ; en cas d’indivisibilité, la rupture de

l’un aura des incidences sur celle de l’autre.

Le Professeur Savatier souligne à cet effet : « il y a des cas où la prestation de

travail promise par les deux membres d’un couple est indivisible de sorte que l’un ne peut

exécuter cette prestation dès lors que l’autre n’y participe plus, soit à la suite d’un

licenciement, soit pour toute autre cause 171».

Mais dans quelle mesure la rupture de l'engagement d’un membre du couple aura t-

elle une incidence sur l’autre ? Quelle est la valeur de cette interdépendance, le degré de

cette dépendance ? La question des effets entre les membres du couple de l’indivisibilité

des engagements a fait l’objet d’une évolution jurisprudentielle très importante. De cette

évolution pouvons nous retirer un riche enseignement quant à l’appréhension par le droit

du travail et ses juridictions de la notion de couple.

L’évolution en la matière est en effet significative en ce qu’elle marque un passage

d’une rupture automatique de la relation de travail de l’autre membre du couple en cas de

cessation de l’activité de l’un (§1 ) à une rupture contrôlée ( §2 ).

§1- Une rupture automatique critiquable :

Dans un premier temps, la jurisprudence faisait découler de l’indivisibilité des

engagements du couple, la justification d’une rupture « par voie de conséquence » de la

169 MOULY (J), note sous 18 novembre 1998, précité supra note n° 129170 GILLES (AM), loc. cit.171 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op. cit. , p.424

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Le couple et le droit du travail

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relation de travail de l’époux dont le conjoint avait vu son contrat de travail rompu. Ainsi,

la Cour de cassation dans un arrêt du 30 novembre 1977 pouvait estimer que

« l’interdépendance des fonctions ne permettait pas de dissocier l’exécution de leurs

contrats de travail et que la rupture justifiée de celui du mari avait constitué en l’espèce une

cause réelle et sérieuse de rupture de celui de la femme172 ». Dès lors, un motif de

licenciement à l’encontre du mari justifiait le licenciement de l’épouse pour une cause

réelle et sérieuse. De la même façon, en 1988173, la Cour de cassation faisait produire effet

à la clause d’un contrat de couple prévoyant que celui-ci était conclu sous la condition

essentielle et déterminante de l’emploi des deux époux et qu’en cas d’empêchement d’un

d’eux, le contrat se trouverait résilié.

Ce mécanisme de rupture par ricochet suscitait toutefois un certain nombre de

questions, en ce qu’ il conduisait notamment à l’exclusion des règles protectrices du

licenciement.

En outre, un arrêt de 1981 décidait, à la suite d’une démission de la femme, que le

contrat unique, concomitant et indivisible de l’époux devait être rompu « du fait de celui

ci ». En l’espèce, la Cour de cassation approuvant les juges du fond, décidait donc qu’une

seule et même qualification devait être donnée aux ruptures. Ainsi, elle affirmait que « le

départ de Madame B… avait eu pour résultat d’entraîner la rupture du contrat de travail

unique par le fait des deux salariés 174», et donc que les deux salariés étaient

démissionnaires. Cette solution sera reprise, mais appliquée cette fois aux concubins, en

1986175.

En résumé, la jurisprudence posait le principe de la rupture automatique de

l’engagement du conjoint en cas de cessation de l’activité de l’autre, mais retenait surtout

la thèse de l’unité de qualification. L’interdépendance entre les époux était donc à son

maximum. Mais cette jurisprudence n’était pas exempte de critiques.

172 Cass. soc. 30 novembre 1977, précité supra note n° 157173 Cass. soc. 14 avril 1988, Bull. civ. V, n° 235174 Cass. soc. 04 mars 1981, précité supra note n° 121

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La thèse de la rupture automatique et celle de l’unité de qualification présentent

l’inconvénient majeur de tenir en échec l’application des dispositions impératives du droit

du licenciement176. En effet, en faisant découler du rapport d’indivisibilité une rupture

automatique et un motif réel et sérieux, la jurisprudence permettait aux parties d’éluder

l’application du droit du licenciement, pourtant d’ordre public. Ces solutions étaient donc

mises à rude épreuve par la doctrine laquelle relevait perpétuellement les inconvénients

qu’elles pouvaient représenter. Ainsi, cette jurisprudence est vite apparue exagérée, comme

pouvant conduire à « des aberrations juridiques inextricables177 ».

De même, selon Fréderic-Jérome Pansier : « cette solution, cohérente en soi

puisque la disparition du couple mettait nécessairement fin au contrat de couple, pouvait

apparaître comme manifestant une injuste rigueur puisque le licenciement, que nous

supposons justifié pour fautes commises par un salarié, aboutissait à un second

licenciement atteignant le deuxième salarié de plein droit, sans que celui ci ait été en

mesure de faire état de l’absence de grief formulé à son encontre et de contester utilement

l’existence à son endroit d’une faute réelle et sérieuse178 » Si du fait du caractère

d’indivisibilité qui unit les engagements du couple, la rupture de l’un entraînant celle de

l’autre est justifiée, l’unité de régime juridique jusque dans la qualification des ruptures,

pouvait sembler excessive.

Ainsi, et comme le souligne le Professeur Pélissier, la thèse de l’unité de

qualification « ne traduit pas la réalité des situations de fait 179». En effet, dans l’espèce de

1981, l’époux qui est directeur conseil hôtelier est considéré comme démissionnaire du

seul fait de la démission de son épouse, les époux étant liés par un seul et même contrat et

l’engagement de la salariée, indivisible de celui de son mari, ayant été la condition de

l’accord de ce dernier . Or, cette solution est difficilement conciliable avec l’idée selon

laquelle une démission doit être claire et non équivoque. L’indivisibilité fait peser sur le

couple un lien tel, que l’un ou l’autre des membres du couple, pourra voir son contrat de

travail rompu à son détriment, alors qu’il n’a lui-même exprimé aucune volonté en ce sens.

175 Cass. soc. 07 mai 1986, précité supra note n° 127176 MOULY (J), note sous Cass. soc. 18 novembre 1998, précité supra note n°129177 ibid.178 PANSIER (FJ), loc.cit.179 PELISSIER, note sous Cass. soc. 04 mars 1981, D. 1982, p. 81

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En outre, cette solution est limitée. Ainsi, lorsqu’un salarié est mis à la retraite et

que l’autre ne remplit pas les conditions légales prévues en la matière ( article L 122-14-13

du code du travail ), nul doute qu’il ne pourra bénéficier du même type de rupture.

En fait, pour certains auteurs, la rupture devrait obéir à un régime particulier qui

tirerait les conséquences juridiques du caractère conditionnel de l’engagement de l’autre.

Pour ces derniers, la rupture ne serait donc ni un licenciement, ni une démission, mais la

conséquence de la réalisation d’une condition extinctive180.

Face à ces difficultés, la jurisprudence a subi une nécessaire évolution.

§2 - Une rupture « contrôlée » privilégiée :

Les juges sont intervenus en limitant les conséquences de l’indivisibilité et donc de

l’interdépendance voulue par les parties (A). Cette évolution marque une certaine

diminution de la spécificité du contrat de couple et, est significatif d’une conception du

couple privilégiant l’autonomie de ses membres (B).

A) La réduction des effets de l’indivisibilité :

La jurisprudence récente semble rompre avec cette idée de rupture automatique et

avec la thèse de l’unité de qualification.

Ainsi, elle impose dorénavant à l’employeur qui veut rompre le contrat d’un des

époux par suite d’un évènement ayant entraîné la rupture de l’autre, qu’il ne « se borne pas

à prendre acte d’une rupture qui se serait produite automatiquement, mais respecte les

règles du licenciement181 ». Dès lors, il apparaît que les juges tendent à réduire l’impact sur

le contrat de travail du comportement de l’entourage familial du salarié182. La Cour de

cassation indique en effet, qu’en présence d’un contrat de travail prévoyant sa résiliation

automatique avec préavis légal en cas d’impossibilité pour l’un des membres d’un couple

de gardiens d’immeuble d’exercer ses fonctions, la rupture sur l’initiative de l’employeur

suite au divorce des époux et à la demande de l’autre s’analyse en licenciement.

180 ibid.181 Cass. soc. 07 mai 1991, précité supra note n°165182 GAUDU (F), Le licenciement pour perte de confiance, Dr. soc. 92, p. 35

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Aussi, « la rupture du contrat de travail du conjoint non démissionnaire doit s’analyser

comme un licenciement quand l’employeur est à la base de la rupture183 ». Cette

jurisprudence condamne par la même l’analyse faite par la Cour d’appel de Limoges en

1990, qui considérait que devait être appliquée « la clause selon laquelle la rupture du

contrat entre la société et l’un des gérants entraîne ipso facto et dans les mêmes conditions

la rupture de ce contrat à l’égard de l’autre184 ».

Donc, le licenciement par ricochet sera soumis à la procédure et aux effets de droit

commun du licenciement. Comme l’indique Jean Mouly185 : « La résiliation d’un contrat

de couple par voie de conséquence est une rupture autonome par rapport à la rupture

initiale ; d’autre part, elle n’intervient pas de plein droit mais suppose, si l’employeur

entend s’en prévaloir, qu’il prenne l’initiative d’un licenciement »

Néanmoins, la Cour de cassation, dans l’arrêt Gentil du 14 octobre 1993186, vient

souligner que le licenciement d’un couple de gardiens, au motif de l’inaptitude partielle de

l’un d’eux, n’avait pas été accepté car l’époux pouvait assumer les tâches que sa conjointe

ne pouvait temporairement effectuer. L’employeur ne se trouvant pas dans l’impossibilité

de maintenir le contrat de travail, le licenciement du couple n’était pas justifié.

L’indivisibilité des engagements joue donc ici en faveur du maintien des contrats :

l’employeur devra prouver qu’il lui est impossible de remplacer l’un des salariés. En outre,

la jurisprudence rappelle que la première rupture doit être justifiée. Ainsi, un arrêt du 17

mars 1993187 vient souligner qu’en cas d’irrégularité du premier licenciement ( en l’espèce,

il s’agissait d’une autorisation administrative de licenciement non obtenue), le

licenciement de l’autre était irrégulier compte tenu du caractère indivisible des deux

engagements.

Ainsi, « le licenciement par ricochet demeure un licenciement, et non une

résolution du contrat automatique188 » : les règles légales du licenciement trouveront donc

183 ibid.184 CA Limoges 17 décembre 1990, précité supra note n° 152185 MOULY (J), note sous 18 novembre 1998, précité supra note n° 129186 Cass. soc. 14 octobre 1993, précité supra note n° 148187 Cass. soc. 17 mars 1993, précité supra note n° 155188 SAVATIER (J), Les contrats de travail conclus avec un couple de travailleurs, op. cit., p. 240

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à s’appliquer si l’employeur justifie d’une première rupture régulière et de l’impossibilité

pour lui de maintenir les contrats.

B) L’ « autonomie des ruptures » favorisée :

Dorénavant, en cas de rupture de l’engagement de l’un des membres du couple,

l’engagement de l’autre sera rompu, mais la rupture ne sera plus automatique et il

appartiendra à l’employeur de prendre l’initiative du licenciement.

Qui plus est, même si le premier licenciement est justifié, la Cour de cassation dans

un arrêt récent est venue exiger des juges du fond qu’ils vérifient l’existence d’une cause

réelle et sérieuse pour le second licenciement. Par cet arrêt du 18 novembre 1998189, la

Haute juridiction vient opérer un revirement de jurisprudence. En l’espèce, des gardiens

d’immeuble sont licenciés en juillet et en septembre 1990. Tous deux, considérant que le

licenciement n’avait pas de cause réelle et sérieuse, agissent devant les tribunaux. Les

juges du fond estimaient, en vertu de l’ancienne jurisprudence, que le congédiement pour

faute de l’un constituait une cause réelle et sérieuse du licenciement de l’autre. Cependant,

la Cour de cassation vient poser en principe qu’ « une clause de résiliation ne dispense pas

les juges de rechercher si la rupture a une cause réelle et sérieuse190 ».

Ainsi, dans un contrat de couple, l’indivisibilité des engagements des salariés ne

constitue plus nécessairement et automatiquement, en cas de licenciement de l’un, une

cause réelle et sérieuse du licenciement de l’autre : « la spécificité du contrat de couple ne

suffit pas pour considérer que la légitimité du licenciement initial constitue une

justification automatique du licenciement second 191». Comme le souligne le Professeur

Mouly : « cet arrêt signifie seulement que la stipulation d’une indivisibilité entre les

engagements ne suffit pas à elle seule à justifier le licenciement du second salarié…192 »

Toute cette évolution jurisprudentielle est intéressante dans cette étude de

l’approche par le droit du travail et ses juridictions de la notion de couple. En effet, les

189 MOULY (J), note sous Cass. soc. 18 novembre 1998, précité supra note n° 129190 ibid.191 ibid.192 ibid.

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Le couple et le droit du travail

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juges soumettent la rupture « par voie de conséquence » aux règles du licenciement, et

surtout refusent de faire de la première rupture une cause réelle et sérieuse de la seconde.

Apparaît ainsi une certaine autonomie entre les ruptures, et une atténuation des

effets de l’indivisibilité des engagements et donc de la spécificité du contrat de couple.

Pourquoi ne pas considérer une telle évolution comme caractéristique du couple de

manière générale, c’est à dire plus significatif par l’indépendance qui unit ses membres que

par l’interdépendance ? Ainsi, même le contrat de couple, qui caractérise pourtant

l’interdépendance voulue des membres du couple, connaît une évolution telle que les

conséquences de l’indivisibilité sont nettement réduites pour faire prévaloir l’idée

d’autonomie entre les membres.

Il résulte de l’étude du droit du travail que les juridictions du travail et le législateur

se réfèrent parfois à la vie de couple d’un salarié pour mettre en exergue l’existence d’un

lien d’interdépendance entre celui-ci et son conjoint ou compagnon. Cependant, ces

hypothèses sont limitées en ce qu’elles n’ont pour autre finalité que de concilier la vie

professionnelle du travailleur avec sa vie de couple, protéger le bon fonctionnement de

l’entreprise ou encore répondre à la volonté même du couple de voir ses engagements liés

de manière indivisible.

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TITRE SECOND :

L’autonomie des membres du couple favorisée :

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A vrai dire, il semble résulter de l’étude du droit du travail, une nette volonté de la

part tant de la loi, que des juges, de faire prévaloir l’autonomie des membres du couple

dans l’accomplissement de leur prestation de travail respectives.

En effet, « subordonné à l’employeur dans l’exécution de son travail, le salarié est

libre dans sa vie de couple193 ». Or, si l’on admet que tout salarié est libre de vivre en

couple ou non, on ne peut légitimement concevoir que le statut de couple puisse être pris

en considération par l’employeur au détriment de son subordonné. Cela constituerait en

effet une discrimination avérée par rapport aux salariés célibataires, lesquels échapperaient

à tel ou tel risque de sanction puisque ne vivant pas en couple.

Aussi, hors les cas où l’interdépendance entre les membres du couple s’avère

nécessaire ou expressément voulue, le contrat de travail d’un salarié ne saurait être

influencé par l’existence d’une quelconque relation affective : le mariage ou le

concubinage d’un salarié, de même que le comportement du conjoint ou compagnon de

celui-ci, ne sauraient avoir une quelconque incidence sur la relation de travail de l’un ou

l’autre des membres du couple. L’autonomie des membres du couple est en ce sens

caractérisée.

Le droit du travail manifeste cette indépendance des membres du couple de par

l’indifférence de la situation de couple sur la situation professionnelle d’un des membres

( Chapitre I ) et par la protection de l’activité de chacun des membres des agissements de

l’autre ( Chapitre II ).

193 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op. cit., p. 416

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Le couple et le droit du travail

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CHAPITRE I :

L’indifférence de la situation de couple sur l’activité professionnelle de

ses membres :

Le fait d’être marié ou de vivre en concubinage peut-il constituer un obstacle à la

conclusion ou au maintien du contrat de travail d’un des membres du couple ?

L’employeur peut-il justifier un refus de recrutement ou une sanction à l’égard d’un salarié

en raison de sa situation de couple ?

Ces questions peuvent apparaître aujourd’hui dénuées d’intérêt, en ce que le

législateur est intervenu à plusieurs reprises pour régir ces situations. Toutefois, il est

intéressant de mettre en évidence cette conception du droit du travail, selon laquelle la

situation de couple est sans incidence sur le statut professionnel de l’un ou l’autre des

membres.

Cette autonomie se manifeste à deux niveaux. Le droit du travail, au regard d’une

jurisprudence constante et d’une législation relativement récente, refuse de prendre en

considération la situation de famille du salarié pour le recruter ou le sanctionner (Section I

). De même, l’affirmation récente de la validité des contrats entre époux tend à prouver

cette autonomie en ce que la situation de couple n’empêche en aucune manière un époux

d’être salarié de l’autre ( Section II ).

Section I ) La protection de la vie familiale du salarié :

Au-delà de l’article 9 du code civil prévoyant expressément que « chacun a droit

au respect de sa vie privée », nombre de textes travaillistes prévoient expressément

l’impossibilité pour l’employeur de tenir compte de la situation de famille d’un salarié.

Selon Mme Hennion-Moreau : « la notion de situation de famille est plus vaste que

celle de situation matrimoniale (…) les textes visent à notre avis, non seulement les

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Le couple et le droit du travail

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interdictions à mariage ou à remariage, mais aussi la nullité des engagements de ne pas

avoir d’enfants pendant la durée du contrat ou encore la prise en compte de la situation de

concubinage du salarié194 ».

La vie familiale du salarié comprend donc la vie de couple de celui-ci, que celle-ci

soit caractérisée par un lien de mariage ou non.. De par ce principe de protection de la vie

familiale du salarié, l’autonomie des membres du couple est affirmée. Elle se manifeste en

droit du travail, tant au moment de l’embauche de l’un d’eux ( §1 ), qu’au cours de la vie

professionnelle de chacun ( §2 ).

§1- L’ autonomie des membres du couple lors du recrutement de l’un d’eux :

Comme l’indique le Professeur Savatier : « la disponibilité du travailleur pour se

consacrer à ses fonctions dans l’entreprise peut, il est vrai, se trouver réduite par ses

obligations familiales195 ». Aussi, il n’est pas rare dans la pratique des entretiens

d’embauche que l’employeur questionne le postulant sur sa situation de famille et sa vie

affective196. Nombre de candidats à un emploi affirment ainsi avoir été interrogés sur

l’existence ou non d’un conjoint, voir d’un concubin ou partenaire, et éventuellement sur la

profession de ce dernier. Il pourra ainsi arriver qu’une entreprise prenne en considération la

vie de couple du postulant pour ne pas le recruter. Or, « ce n’est pas parce qu’un individu

est dans une situation de dépendance lors de l’entretien d’embauche, que pour autant

l’employeur a le droit de demander des informations sur son conjoint 197».

Ces considérations, bien évidemment tues des employeurs, n’en restent pas moins

illégitimes et illégales. Elles font en effet de la vie de couple un obstacle à la relation de

travail de l’un ou l’autre.

Aussi, le droit du travail prévoit expressément l’impossibilité pour un employeur de

tenir compte de la situation de famille et donc de la vie de couple du salarié à l’embauche.

194 HENNION-MOREAU (S), note sous Cass. soc. 10 juin 1982, Société des éditions Quo Vadis c/ DameLeemann, JCP 1984 II, 20230195 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op. cit., p. 425196 GILLES (AM), op. cit., p. 127197 ibid.

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Le couple et le droit du travail

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Il a fallu attendre une loi du 31 décembre 1992, pour que soit étendue l’interdiction

des discriminations prévues en l’article L 122-45 du code du travail, à l’embauche. Ainsi,

cet article dispose : « Aucune personne ne peut-être écartée d’une procédure de

recrutement (…) en raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de sa situation de

famille… ». Or, en visant les mœurs et la situation de famille, le législateur protège la vie

de couple du postulant. De la même façon, l’article L 123-1 du code du travail, mis en

place suite à la loi du 13 juillet 1985 relative à l’égalité professionnelle entre les hommes et

les femmes, indique que « sous réserve des dispositions particulières du présent code et

sauf si l’appartenance à l’un ou l’autre sexe est la condition déterminante de l’exercice

d’un emploi ou d’une activité professionnelle, nul ne peut : mentionner ou faire mentionner

dans une offre d’emploi (…) le sexe ou la situation de famille du candidat recherché ;

refuser d’embaucher une personne (… ) en considération du sexe ou de la situation de

famille ou sur la base de critères de choix différents selon le sexe ou la situation de

famille ». Enfin, l’article L 121-6 du code du travail dispose que « les informations

demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ou à un salarié, ne

peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou

ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et

nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes

professionnelles … ».Or, tel ne semble pas être le cas des éléments qui relèvent de la vie

affective du candidat198.

Un des objectifs évident de cet arsenal législatif est donc d’éviter que l’employeur

ne tienne compte de faits relevant de la vie de couple du candidat et à ce titre, « sans

rapport avec l’exécution du travail 199», pour refuser de l’embaucher. Aussi, l’employeur

« ne doit pas prendre en considération le fait que le salarié est marié ou non ou qu’il a une

liaison hors mariage 200» pour apprécier la capacité du candidat à occuper tel ou tel poste.

Le droit d’investigation de l’employeur dans sa recherche de salariés et donc, dans la

personnalité de ceux-ci, connaît des limites201. Selon M. Leveneur : « le législateur vise à

198 LEVENEUR (J), op.cit., p. 39199 Cass. soc.17 mars 1971, Société Lyonnaise de Dépôts et de Crédit industriel c/ Dame Courtia, JCP 1971II, 16870200 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, loc.cit.201 LYON-CAEN (G), PELISSIER (J), SUPIOT (A), op.cit., p. 183

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Le couple et le droit du travail

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rendre la plus étanche possible la cloison en évitant d’avoir à révéler lui-même des aspects

de sa vie privée202 ».

De la même façon, tant les juges que le législateur, sont intervenus afin de protéger

la vie familiale de tout salarié dans sa vie professionnelle.

§2- L’autonomie des membres du couple dans leur vie professionnelle :

Dès lors que des salariés sont embauchés dans une entreprise, le principe est que

« l’employeur ne doit pas s’immiscer dans la vie privée de ceux-ci203 ». Au soutien de cette

idée, nombre de textes prévoient ainsi l’interdiction pour un employeur de tenir compte de

la situation familiale d’un salarié pour le sanctionner. L’article L 120-2 du code du travail

introduit par la loi du 31 décembre 1992 prévoit qu’« il ne peut apporter aux droits des

personnes et aux libertés individuelles des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la

tâche à accomplir ou proportionnées au but recherché ». De même, l’article L 122-35 du

code du travail interdit à l’employeur d’inscrire dans le règlement intérieur « des

dispositions lésant les salariés dans leur emploi ou leur travail en raison de leur sexe, de

leurs mœurs, de leur situation de famille ». En outre, de la même façon qu’ils prohibent les

discriminations à l’embauche, les articles L 122-45 du code du travail et L 123-2 du code

du travail interdisent à l’employeur de licencier en raison de la situation de famille.

Tout comme en matière de recrutement, l’ambition de ces textes est d’éviter que le

mariage ou le concubinage du salarié, de même que son divorce ou sa séparation, n’aient

une incidence sur son contrat de travail. Cependant, ces dispositions sont récentes et

expliquent que les juges aient eu à poser eux-mêmes les principes gouvernant à l’heure

actuelle notre droit en la matière.

Ainsi, le mariage ou le concubinage du salarié ne saurait justifier en eux seuls la

rupture de son contrat de travail ( A ). A fortiori, l’employeur ne peut conventionnellement

202 LEVENEUR (J), loc. cit.203 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op. cit., p. 416

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prévoir de porter atteinte aux « libertés civiles 204» du salarié, au nombre desquelles la

liberté de mariage et la liberté du divorce ( B ).

A) Le rejet de la situation de couple comme justification de la rupture du contrat de

travail d’un salarié :

Bien avant que le législateur n’intervienne sur la question, il était acquis en

jurisprudence que le simple fait pour un salarié d’être marié, d’envisager de se marier ou

encore de vivre en concubinage, ne pouvait justifier son licenciement205. En d’autres

termes, le statut de couple ne pouvait pas constituer un juste motif de sanction à l’égard

d’un salarié.

Ainsi, était considéré comme abusif, le licenciement d’un salarié motivé par son

refus de régulariser par le mariage des relations intimes entretenues avec une employée de

la même entreprise206. En effet, « la liberté du mariage comporte le volet négatif de toute

liberté, à savoir le droit de n’en pas user 207». Dès lors, les pressions de l’employeur, se

manifestant par le licenciement du salarié, ne pouvaient légitimement être admises.

Pareillement, ont été jugés abusifs des licenciements fondés sur le projet de mariage

de la salariée déplaisant à l’employeur208 : « l’employeur n’avait pu sans abus rompre le

contrat de travail de demoiselle J… au seul motif que cette employée lui annonçait qu’elle

allait prochainement contracter mariage, circonstance sans rapport avec l’exécution du

travail 209». Enfin, dans la célèbre affaire Dame Roy relative à une enseignante d’une

institution privée licenciée pour son remariage après divorce, l’Assemblée plénière de la

Cour de cassation est venue poser en principe « qu’il ne peut être porté atteinte sans abus à

la liberté du mariage par un employeur que dans les cas très exceptionnels où les nécessités

des fonctions l’exigent impérieusement210 ».

204 WAQUET (P), Les libertés dans l’entreprise, RJS 5/00, p. 335205 LEVENEUR (J), loc.cit.206 CA Paris, 1er juin 1900, DP 1904, 1, p. 299207 BENABENT, Droit civil : la famille, Litec, 8ème édition, Paris, 1997, p. 75208 Cass. soc. 05 février 1959, Crépin c/ Duval, Bull. civ. V, n°61 ; cf. aussi Cass. soc. 17 mars 1971, précitésupra note n°199209 Cass. soc. 17 mars 1971, précité supra note n°199210 Cass. Ass. Plén. 19 mai 1978, précité supra note n°113

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Dès lors, en principe, la simple vie en couple ne peut justifier la décision de

l’employeur de rompre le contrat de travail d’un salarié.

De la même façon, nombre de jurisprudences reflètent cette protection de la vie

familiale de tout salarié en refusant d’avaliser des dispositions conventionnelles portant

atteinte, tant à la liberté du mariage, liberté publique fondamentale de tout salarié211, qu’à

la liberté du divorce.

B) Le refus de toute restriction conventionnelle aux « libertés civiles212 » du

salarié :

Antérieurement à la loi du 04 août 1982 instituant l’article L 122-35 du code du

travail susvisé, les juges étaient souvent appelés à trancher des litiges relatifs à des clauses

de célibat introduites dans les contrats de travail « de femmes dont les fonctions exigeaient

une particulière disponibilité, ou des déplacements lointains et nombreux 213». L’arrêt le

plus célèbre en la matière est l’arrêt Barbier dans lequel une hôtesse de l’air à Air France,

ayant informé son employeur de sa volonté de contracter mariage avec un autre salarié de

la compagnie, s’était vue rayée des contrôles en application du règlement fixant les

conditions de travail du personnel. Le problème en cette affaire « était de savoir si les

règles de la profession pouvaient interdire aux hôtesses de l’air le droit au mariage. En

d’autres termes, la clause de célibat comme accessoire au contrat de travail était-elle

licite ? 214». En imposant une clause de célibat aux hôtesses de l’air, l’employeur venait

restreindre au maximum la liberté pour celles-ci de se marier puisqu’elles se voyaient dans

l’obligation de choisir entre le mariage et donc la rupture du contrat de travail, ou le

maintien de ce contrat. Aussi, ces clauses furent-elles fortement décriées par la doctrine :

« le célibat contractuel des hôtesses de l’air est difficile à justifier. Les raisons qu’on peut

211 en ce sens, le Conseil Constitutionnel affirme dans une décision du 18 août 1993 que « figure parmi lesdroits fondamentaux et les libertés…la liberté du mariage »212 WAQUET (P), loc.cit.213 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op. cit. , p. 425214 BROCHETON (P), op.cit. , p. 8

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Le couple et le droit du travail

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imaginer à cet égard sont fragiles sinon choquantes215 ». Les raisons invoquées en l’espèce

se résumaient en l’incompatibilité entre la vie de couple et la disponibilité constante et sans

restriction nécessaire à cette catégorie de travailleurs.

Cependant, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 30 avril 1963 est venu poser

en principe que « le droit au mariage est un droit individuel d’ordre public qui ne peut se

limiter ni s’aliéner ; il en résulte que, dans le domaine des rapports contractuels de droit

privé à titre onéreux, (…), la liberté du mariage doit en principe être sauvegardée et, à

moins de raisons impérieuses évidentes, une clause de non – convol doit être déclarée nulle

comme attentatoire à un droit fondamental de la personnalité216 ».

Aussi, le droit de se marier est fondamental et ne peut être à l’avance restreint :

l’individu reçoit le droit de se marier comme une prérogative d’ordre public. Comme

l’indique Jean Morrelet : « A la vérité, mariage ou célibat ne sauraient être ni interdits ni

prescrits par des stipulations contractuelles. La personne humaine a des droits qui, par leur

nature, échappent au domaine du contrat217 ». De même, une clause du contrat de travail

d’une assistante sociale prévoyant que celui-ci serait rompu sans indemnité en cas de

mariage de la salariée a pu être déclarée illicite comme contraire à la liberté du mariage. La

Cour de cassation est venue rappeler que : « la clause de célibat insérée dans le contrat de

travail d’une assistante sociale rurale, restrictive du droit au mariage et à la liberté du

travail, est d’une portée exceptionnelle. En l’absence de justification de nécessités

impérieuses, tirées de la nature des fonctions ou de leurs conditions d’exercice, les juges du

fond peuvent allouer les indemnités de rupture à une assistante, congédiée au moment de

son mariage en application d’une telle clause 218». La Haute juridiction venait donc, en

cette affaire, se prononcer en faveur d’une interprétation très restrictive de telles clauses219.

Elle a d’ailleurs maintenu cette solution en annulant la clause d’un règlement intérieur

prohibant l’emploi simultané de deux conjoints dans l’entreprise220.

215 MORELLET (J), Le célibat contractuel ? le cas des hôtesses de l’air, Dr. soc. 1961, p. 287216 CA Paris, 30 avril 1963, Epoux Barbier c/ Air France, D. 1963, p. 428217 MORELLET (J), note sous CA Paris 30 avril 1963, Dr. soc. 1963, p. 485218 Cass. soc. 07 février 1968, Fédération de la mutualité agricole de l’Aube c/ Dame Forestier, Bull. civ. V,n° 84219 HENNION-MOREAU (S), note sous Cass. soc. 10 juin 1982, précitée supra note n° 194220 Cass. soc. 10 juin 1982, précité supra note n° 194

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Le couple et le droit du travail

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Il résulte de cette jurisprudence que l’employeur ne peut prévoir

conventionnellement que le mariage ou le concubinage d’un salarié emportera rupture de

son contrat de travail.

Pareillement, une jurisprudence récente de la Cour d’appel de Paris, vient rappeler

que le principe d’une protection de la vie familiale des salariés, dégagé à l’occasion d’une

atteinte abusive à la liberté du mariage, concerne tout autant la liberté pour un couple de se

séparer221. Ainsi, le fait de lier le sort du contrat de travail d’un couple de concubins à leur

séparation ou divorce constitue une restriction apportée par l’employeur au droit des époux

et concubins de se séparer. L’employeur n’ayant pu justifier de la nécessité d’une telle

clause, celle-ci a été annulée.

Au nom de la protection de la vie familiale des salariés, le droit du travail affirme

l’indépendance de la vie de couple sur la vie professionnelle, et donc l’autonomie des

membres du couple dans leurs relations de travail respectives. Un autre témoignage de

cette autonomie est à relever dans l’affirmation par le droit du travail de la validité des

contrats de travail conjugaux.

Section II ) Les contrats de travail au sein même du couple ou la marque d’une

autonomie entre ses membres :

« Que le couple formé entre le dépositaire du pouvoir patronal et le salarié soit

consacré par un mariage ou qu’il demeure en l’état de concubinage, il est fondé sur une

relation amoureuse qui échappe à la logique des rapports entre employeur et subordonnée

dans le contrat de travail. Ce qui est en cause, ce n’est pas le fonctionnement de

l’institution matrimoniale, mais l’application des règles du droit du travail entre les

membres du couple 222».

En la matière, il a été jugé que le mariage d’une employée avec le chef d’entreprise

ou la liaison d’une salariée avec son employeur ne modifiait pas la nature de la relation de

221 CA Paris 10 mars 1994, Kretzer c/ Société Myris Chaussures, précité supra note n° 142

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Le couple et le droit du travail

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travail les unissant jusqu’alors223. Dans le même esprit, si la rupture de la liaison entre un

chef d’entreprise et une salariée incite celle-ci à quitter son emploi, la rupture ne doit pas

s’analyser nécessairement en démission224. Il apparaît donc que l’existence d’une relation

affective n’a aucune incidence sur le statut professionnel de l’autre membre du couple.

Toutefois, cette autonomie n’a pas toujours été évidente : longtemps s’est posée la

question en effet de savoir si la situation de couple était compatible avec un contrat de

travail entre ses membres.

Même si selon certains auteurs, les « données du problème ont changé 225» et à ce

titre, la discussion sur le contrat de travail entre époux serait dénuée d’intérêt, l’admission

de ce type de contrat par le législateur est révélatrice de l’approche par le droit du travail

de la notion de couple ( §1 ). En effet, en affirmant la possibilité pour un membre du

couple d’être salarié(e) de son conjoint, le droit du travail met en valeur l’indépendance de

chacun dans l’exécution de sa prestation de travail ( §2 ).

§1- La compatibilité de la vie de couple avec un contrat de travail entre ses

membres :

Cette admission de la compatibilité de la situation de couple avec la conclusion

d’un contrat de travail n’a pas toujours été admise par la doctrine (A). Il a fallu attendre

une loi de 1982 pour que soit posé en principe la validité du contrat de travail conjugal (B).

A) La difficile admission du contrat de travail entre époux :

« S’il est un domaine où il a semblé pendant longtemps que le Droit n’avait pas

accès, c’est celui de travail effectué à l’intérieur de la famille. Tout pouvait sembler être

régi sans discussion possible par les principes de l’autorité maritale et ceux de la puissance

paternelle. La femme étant subordonnée à son mari par l’effet de son mariage, le travail

222 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, op.cit., p. 416223 Cass. soc. 03 juin 1981, Consorts Rouquette c/ Madame Delon, Bull. civ. V, n° 492, p. 371224 Cass. soc. 02 juillet 1992, D Groeta c/ SA Disanto, RJS 8-9/92, n° 970, p. 544

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Le couple et le droit du travail

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qu’elle pouvait fournir se référait soit à sa fonction normale dans le ménage, soit à son

devoir de collaboration avec son mari pour assurer la vie de ce ménage… 226». De la même

façon, Charles Freyria souligne : « il est des formules utilisées par le droit social moderne

qui au siècle dernier, eussent parues incompréhensibles : telle est bien la notion d’un

rapport de travail entre époux qui constitue l’un des conjoints le salarié de l’autre227 ».

Cependant, tant au vu de l’évolution des idées et des mœurs quant à la place de la

femme dans le ménage et dans la société, qu’au vu de la fréquence accrue du concours

apporté par l’un des époux à son conjoint, la question d’un contrat de travail entre époux se

faisait persistante228.

Concrètement, la question s’est longtemps posée de savoir si un époux pouvait

apporter une collaboration salariée à l’entreprise et à l’activité professionnelle de son

conjoint, en étant lui-même considéré comme un salarié de droit commun. Le problème

essentiel était donc de déterminer si un contrat de travail était ou non licite entre époux229.

A cet égard, la doctrine était divisée : le principe de l’admission d’un contrat de

travail entre époux n’était pas unanimement accepté en ce qu’on craignait « une

incompatibilité entre deux statuts antinomiques : celui du droit du travail et celui du droit

de la famille, sinon du moins des difficultés d’adaptation des droits et obligations nées de

ces deux statuts230 ». La validité d’un contrat entre époux fit donc l’objet de doutes. Ainsi,

à la question de savoir si les rapports de travail entre deux conjoints pouvaient faire l’objet

d’un contrat de travail distinct de la simple entraide conjugale, le Professeur Cornu

répondait par la négative : « Il n’est pas seulement malaisé de dégager le contrat de travail

de l’aide familiale ; il est même douteux qu’il présente entre époux la moindre

nécessité 231».

225 SAVATIER (J), Vie de couple et rapports de travail, loc. cit.226 ROUAST (A), Le droit du travail familial, Dr. soc. 1962, p. 154227 FREYRIA (C), La notion de relation de travail entre époux, Dr. soc. 1952, p. 378228 FREYRIA (C), op. cit., p. 379229 ROUAST (A), op. cit., p. 155230 FREYRIA (C), op. cit., p. 381231 CORNU (G), Le contrat entre époux ; Recherche d’un critère général de validité, RTD civ., 1953, p. 461

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Le couple et le droit du travail

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Peu à peu, cette validité a pu se concevoir même si récemment encore, certains

auteurs considéraient qu’un contrat de travail ne pouvait être valablement conclu au sein

d’un même couple du fait de la dépendance d’un époux par rapport à l’autre résultant de la

subordination232. Cependant, ces discussions doctrinales semblent aujourd’hui

« dépassées233 » : la compatibilité du lien de subordination propre au contrat de travail avec

le statut conjugal a été définitivement posée en principe par la loi du 10 juillet 1982

relative aux conjoints d’artisans et de commerçants234.

B) La validité de principe des contrats de travail entre époux :

Affirmant la validité du contrat de travail entre époux, le législateur est intervenu en

1982, admettant ainsi « la compatibilité des liens affectifs avec un contrat de travail235 ».

La loi du 10 juillet 1982 propose aux conjoints de commerçants et artisans trois

statuts. Ils peuvent exercer leur activité en qualité de collaborateur, associé ou salarié.

Deux articles de la loi sont consacrés au conjoint salarié. L’article 10 décide ainsi de

l’affiliation au régime de sécurité sociale du conjoint qui participe à titre habituel,

professionnel et onéreux à l’activité de son époux. L’article 11 instituant l’article L 784-1

du code du travail le fait bénéficier des dispositions du code du travail.

Ainsi, « les dispositions du présent code sont applicables au conjoint du chef

d’entreprise salarié par lui et sous l’autorité duquel il est réputé exercer son activité dès

lors qu’il participe effectivement à l’entreprise ou à l’activité de son époux à titre

professionnel et habituel et qu’il perçoit une rémunération horaire minimale égale au

salaire minimum de croissance236 ». A noter que la récente loi relative au pacte civil de

solidarité prévoit l’application de cet article au partenaire et donc, son assimilation au

conjoint237.

232 TEILLIAIS (G), Salariat conjugal et régimes matrimoniaux, PA n° 15 du 13 décembre 1996233 LYON-CAEN (G), PELISSIER (J), SUPIOT (A), op. cit., p. 106234 Loi n° 82-596 du 10 juillet 1982, D. 1982, p. 323235 LARERE (MA), Délimitation de l’entraide et du contrat de travail en jurisprudence, BS Lefebvre 3/00, p. 117236 C. trav. Art. L 784-1237 loi n° 99-944 du 15 novembre 1999, article 18, JO du 16 novembre 1999

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Le couple et le droit du travail

65

Quoiqu’il en soit, l’article L 784-1 du code du travail met fin à la polémique sur la

validité du contrat de travail entre époux238. Selon certains auteurs, « le seul problème sera

donc de rechercher si en fait, la collaboration s’explique par la simple entraide familiale ou

par l’exercice réel de l’activité d’un travailleur salarié 239». Pour ce faire, afin de

caractériser l’existence d’un contrat de travail entre époux, les juges devront constater la

réunion des critères posés par l’article L 784-1 du code du travail. A noter dès à présent un

arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation selon lequel « ce texte n’est pas

applicable au conjoint qui se prétend salarié d’une société dont son époux ou son épouse

est le dirigeant240 ». Comme le souligne le Professeur Le Cannu, l’intéressé doit être salarié

du conjoint et non de la société dirigée par le conjoint : « dans le contexte de la loi de

1982, il n’y a à ce sujet guère de doutes : c’est l’entreprise individuelle du conjoint, ou son

activité personnelle indépendante qui sont visées (…) la faveur très appréciable consentie

au conjoint subordonné, malgré les traditionnelles réticences à admettre le salariat entre

époux, ne peut qu’être l’objet d’une interprétation restrictive241 ».

§2- La reconnaissance légale de l’indépendance des membres du couple :

La vie de couple n’est ainsi pas un obstacle à la conclusion d’un contrat de travail

au sein même du couple.

La conclusion d’un tel contrat ne suppose le respect d’aucune procédure

particulière mais relève de l’application pure et simple du code du travail. Il apparaît

cependant souhaitable, au vu de la qualité des contractants, de formaliser cet accord dans

un écrit afin d’en faciliter la preuve en cas de contestation de la réalité de celui-ci242. En

outre, le contrat de travail entre époux doit respecter les conditions de fond propres à tout

contrat de travail à savoir une prestation de travail, une rémunération et un lien de

subordination. Plus précisément, l’article L 784-1 du code du travail impose deux

238 GILLES (AM), op. cit., p. 126239 LYON-CAEN (G), PELISSIER (J), SUPIOT (A), loc. cit.240 CASS com. 05 juillet 1995, Despinoy c/ Assedic de la Réunion, PA n° 2 du 03 janvier 1996241 LE CANNU (P), note sous Cass. com. 05 juillet 1995, précité supra note n°240242 TEILLIAIS (G), loc. cit.

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Le couple et le droit du travail

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exigences243 : le conjoint doit recevoir une rémunération au moins égale au SMIC et il doit

participer effectivement à titre professionnel et habituel.

Comme l’indique Georges Teilliais244 : « le versement d’un salaire semble être une

condition essentielle et nécessaire à la validité d’un contrat de travail entre époux ». On

imagine en effet sans mal un époux employant son conjoint en qualité de salarié pour lui

faire bénéficier des avantages résultant du droit du travail et de la protection sociale, mais

convenant par avance une rémunération ne donnant lieu en fait à aucun paiement effectif

afin de dispenser l’entreprise d’une charge supplémentaire245. Or, dans cette hypothèse, on

ne saurait légitimement appliquer au conjoint le statut de salarié. Même s’il est concevable

qu’un conjoint fournisse un travail non rémunéré, le statut de salarié ne saurait être admis

en cette situation. En ce sens, l’article L 784-1 du code du travail indique que la

rémunération horaire minimale du conjoint doit être au moins égale au SMIC, de même

que l’article L 243 du code la sécurité sociale requiert que le salarié perçoive « un salaire

correspondant au salaire normal de sa catégorie professionnelle ». Dès lors, le conjoint du

salarié doit pouvoir bénéficier d’un salaire au moins égal à celui versé à un autre salarié

exerçant les mêmes fonctions. A noter qu’en cas de non-paiement effectif d’un salaire ou

de non-respect des dispositions légales relatives au salaire minimum, les conjoints

pourraient faire l’objet de poursuites pénales246.

En outre, le contrat de travail entre époux implique que le salarié participe

effectivement à l’activité de son conjoint à titre professionnel et habituel, quelle que soit la

nature de la prestation à effectuer. L’article L 784-1 du code du travail exclut ainsi toute

aide occasionnelle du conjoint247. Cependant, ce critère d’habitude n’implique pas que

l’activité du conjoint soit nécessairement à temps plein248 : « ce statut de salarié ne remet

243 LARERE (MA), loc. cit.244 TEILLIAIS (G), loc. cit.245 ibid.246 C. trav.art. R 154-1 et R 154-3247 CA Paris 17 décembre 1997, Sarl Différence c/ Crestot, RJS 3/99, n° 370, p. 221248 RANDOUX (D), Le conjoint du chef d’une entreprise artisanale ou commerciale : collaborateur, salariéou associé ?, JCP éd. E, 1983, n° 3103

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Le couple et le droit du travail

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pas en cause la possibilité reconnue au conjoint d’occuper plusieurs emplois pour obtenir

un revenu décent249 ».

Une fois ces conditions remplies, le conjoint est réputé exercer son activité sous

l’autorité du chef d’entreprise. Une présomption de salariat est ainsi posée. Cependant,

celle-ci n’est pas irréfragable même si « le législateur a voulu faciliter l’accès du conjoint

travaillant dans l’entreprise aux avantages du droit du travail en lui épargnant les

difficultés de preuve250 ». Il appartiendra à quiconque voulant faire tomber cette

présomption de prouver que le conjoint n’exerçait pas son activité sous l’autorité du chef

d’entreprise.

La validité du contrat de travail entre époux marquée par cette présomption, montre

la volonté du législateur de mettre en valeur l’autonomie des membres du couple.

La qualité de salarié ne dépend pas en effet de la qualité de conjoint du chef

d’entreprise mais de la réunion de critères limitativement énumérés. Présumant la

compatibilité de la vie de couple avec un contrat de travail entre ses membres, il admet

ainsi l’absence d’incidence de la qualité de l’un sur le statut de l’autre. D’ailleurs, les

avantages sociaux découlant de ce statut de conjoint salarié prouvent cette indépendance

des membres du couple. En effet, la conclusion d’un contrat de travail conjugal permet

l’affiliation à titre de droit propre et non en qualité d’ayant droit de l’employeur251. En

contrepartie, le conjoint bénéficie des prestations sociales servies au titre du régime général

de la sécurité sociale. En outre, le conjoint se trouve soumis aux règles du droit du travail.

Ainsi, en cas de rupture de la relation de couple, le conjoint salarié pourra bénéficier des

règles relatives au licenciement, la rupture du lien affectif ne constituant en aucun cas une

cause réelle et sérieuse de licenciement252.

La réflexion formulée en 1962 par le Professeur Rouast trouve ici tout son intérêt :

« on doit constater d’abord que la notion de contrat de travail entre époux jadis presque

249 LARERE (MA), loc. cit.250 Ibid.251 TEILLIAIS (G), loc. cit.

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Le couple et le droit du travail

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inconnue, s’est implantée et s’est largement manifestée (… ) l’évolution sociale de la

famille y a largement contribué en tendant à l’indépendance des divers membres qui la

composent253 ».

Ainsi, la situation de couple, marié ou non, n’exclut en aucune façon la validité

d’un contrat de travail entre ses membres (validité des contrats entre époux…), de même

qu’il n’a d’influence sur la conclusion ou le maintien de la relation de travail d’un salarié

(interdiction de principe des clauses de célibat…) : le mariage ou le concubinage, de même

que le divorce ou la séparation du couple, ne peuvent constituer en soi un obstacle à la

relation professionnelle de l’un des membres du couple.

Reste à déterminer si le comportement de l’un peut avoir une incidence sur le

contrat de travail de l’autre.

252 Cass. soc. 04 février 1976, Bull. civ. V, n° 72253 ROUAST (A), op. cit., p. 163

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Le couple et le droit du travail

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CHAPITRE II :

L’indifférence des agissements d’un membre du couple sur

l’activité professionnelle de l’autre :

Un employeur peut-il valablement sanctionner un salarié au regard de l’attitude de

son conjoint, en invoquant l’incompatibilité d’intérêts entre l’entreprise et le lien affectif

caractérisant le couple formé par le salarié et le conjoint ?

La question qui se pose n’est donc plus de savoir si un salarié peut se voir opposer

sa situation de couple comme un obstacle à la conclusion ou au maintien de son contrat de

travail, mais de déterminer si un salarié peut-être sanctionné au vu des agissements de son

conjoint. Si tel est le cas, nous serions amenés à considérer que le droit du travail, de par

l’usage qu’il fait de la notion de couple, fait prévaloir un lien d’interdépendance entre ses

membres.

Cette question fit l’objet d’une jurisprudence nourrie et évolutive. Les juges ont

ainsi longtemps admis que le comportement de l’un des époux254 ou concubins255 puisse

justifier une sanction à l’encontre de l’autre sur le plan professionnel. Cette solution qui

trouvait son fondement dans l’idée de « perte de confiance », amenait certains auteurs à

considérer que « la vie sentimentale ou familiale du salarié n’est donc pas sans incidence

sur sa vie professionnelle 256».

Créant « une solidarité conjugale de fait257 » critiquable, les juges ont

progressivement abandonné cette conception (Section I), pour faire prévaloir la seule prise

en considération de la personne comme motif de licenciement ou de sanction d’un salarié

(Section II).

254 Cass. soc. 26 juin 1980, Dame Voisin c/ SARL Atlas Levage et autres, Bull. civ. V, n° 573, p. 431255 CA Paris 04 juin 1987, SARL Bergerat-Monnoyeur c/ Landgraf, D. 1987, p. 610, note Mouly256 DESPAX (M), op. cit., p. 32257 CHIREZ (A), La perte de confiance par l’employeur constitue-t-elle une cause réelle et sérieuse delicenciement ?, D. 1981, p. 193

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Le couple et le droit du travail

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Section I ) Abandon d’une « solidarité conjugale de fait » critiquable :

« Alors qu’en règle générale le mariage d’un salarié est un événement qui ne doit

(en dehors du congé accordé à cette occasion) avoir aucune conséquence sur les rapports

de travail, il peut arriver que la personnalité du conjoint choisi par le salarié soit un

élément de gêne dans les rapports unissant le salarié et son employeur. La communauté de

vie et d’intérêts existant entre conjoints est dans certains cas une donnée de fait dont il est

impossible de faire abstraction sans qu’il en résulte un préjudice pour l’employeur et on ne

saurait dans certains cas, lui faire grief d’en avoir tenu compte en licenciant le salarié dont

la situation personnelle est devenue incompatible avec l’exécution normale de ses

fonctions258 ». Le Professeur Michel Despax justifie ici le courant jurisprudentiel qui

admettait le licenciement d’un salarié dû au comportement répréhensible de son conjoint

ou concubin, ou à l’activité concurrente de celui-ci. Le fondement invoqué alors était « la

perte de confiance » qui en résultait entre l’employeur et le salarié259.

« La perte de confiance » pouvant être caractérisée comme un « état d’esprit, une

opinion, bref un phénomène subjectif260 », l’idée qui prédominait alors était que

l’employeur ne pouvait conserver à son service un salarié qui n’a plus sa confiance du fait

des agissements de son conjoint261.

Cette solution pouvait apparaître à certains comme curieuse et discutable262, en ce

que la Cour de Cassation admettait que « la perte de confiance » ne reposant sur aucun fait

imputable au salarié, soit considérée cependant comme une cause réelle et sérieuse de

licenciement. Ainsi, « par l’effet d’une curieuse culpabilité d’emprunt263 », le

comportement d’un époux liait l’autre jusque dans sa relation de travail. A noter dès

maintenant que cette jurisprudence s’appliquait tant aux époux, qu’aux personnes vivant en

concubinage264.

258 DESPAX (M), loc. cit.259 CHIREZ (A), op.cit., p. 196260 GAUDU (F), Le licenciement pour perte de confiance, Dr. soc. 1992, p. 32261 COUTURIER (G), op.cit., p. 227262 DESPAX (M), loc. cit.263 CHIREZ (A), loc.cit.264 KUHNMUNCH (O), Personnes, entreprises et relations de travail, éléments de jurisprudence, Dr. soc.1988, p. 398

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Le couple et le droit du travail

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Le principe d’une dépendance entre les membres du couple semblait posé ( §1 ).

Toutefois, sous le poids des critiques, cette position ne pouvait que tomber dans le sens

d’un revirement caractéristique de l’évolution de la notion du couple en droit du travail

( §2 ).

§1- Une traditionnelle admission de la « perte de confiance » du fait du conjoint :

Nombreuses sont les jurisprudences justifiant le licenciement d’un salarié par le

comportement répréhensible ou l’activité concurrente du conjoint, ayant eu pour effet de

faire disparaître la confiance de l’employeur265. Cependant, une distinction doit être opérée

entre les arrêts antérieurs à la loi du 13 juillet 1973 attribuant un rôle majeur à la cause

réelle et sérieuse de licenciement, et ceux qui lui sont postérieurs.

Les motifs invoqués consistaient en ce que la faute d’un salarié avait

nécessairement pour conséquence la disparition de la confiance que l’employeur pouvait

avoir en la personne de l’autre conjoint. De la même façon, était justifié le licenciement

d’un salarié dont l’époux travaillait dans une entreprise concurrente au motif que l’intérêt

du couple était alors en totale contradiction avec l’intérêt de l’entreprise. Selon M.

Chirez : « le salarié, dont le conjoint se livre à une activité concurrente, est perçu comme

un possible cheval de Troie au sein de l’entreprise à cause du risque de diffusion

d’informations, de détournement de clientèle, bref d’infidélités, qu’il représente 266».

Avant la réforme de 1973, les juridictions du travail avaient pu ainsi considérer

comme non abusif le licenciement d’un clerc de notaire au vu de certaines opérations

immobilières effectuées par son épouse, ayant placé le notaire dans une situation délicate

vis à vis de certains clients et ayant pu lui faire croire que la bonne réputation de son étude

était en jeu267. De la même façon, a pu être justifié le congédiement d’une salariée pour

« se prémunir contre le risque de la diffusion de secrets par l’intermédiaire du mari (…)

265 GAUDU (F), loc. cit.266 CHIREZ (A), loc.cit.267 Cass. soc., 23 avril 1959, Bull. civ. IV, n°512, p. 421

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Le couple et le droit du travail

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précédemment employé à l’entreprise et engagé par une maison concurrente ».268 Dans la

même optique, la jurisprudence a admis le licenciement d’un visiteur médical marié à une

visiteuse médicale d’un laboratoire concurrent269. De même, a été autorisé le licenciement

d’une sténodactylographie au motif qu’elle projetait de se marier avec un ancien employé

de l’établissement passé au service d’un concurrent270, ou d’un directeur commercial

adjoint dont l’épouse avait constitué une société concurrente271. En ces affaires, il existait

entre les deux époux une communauté d’intérêts et de réputation telle, que l’employeur

était considéré comme légitime à rompre le contrat de travail de son salarié. A noter que

l’employeur ne pouvait aucunement reprocher à la personne licenciée une quelconque

faute de sa part dans l’exécution de sa prestation de travail.

La loi de 1973 posant l’exigence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement272,

sans modifier la jurisprudence relative à « la perte de confiance », en a toutefois quelque

peu modifié les données. Au cours des débats parlementaires, le ministre du travail

soulignait que « la cause est réelle si elle présente un caractère d’objectivité, ce qui exclut

les préjugés et les convenances personnelles 273». La cause réelle est donc nécessairement

objective en ce qu’elle doit se traduire par des manifestations extérieures susceptibles de

vérification274.

Comme l’indique Anne-Marie Gilles, la Cour de cassation « a été dans le sens de

ces espérances sans hâte 275». Il a fallu en effet attendre un arrêt du 30 mars 1982 pour que

les juges exigent la présence de ce caractère d’objectivité, et pour « que l’attitude du

conjoint du salarié n’entraîne plus une présomption de perte de confiance 276». En cette

affaire, le licenciement d’une salariée est jugé sans cause réelle et sérieuse, faute pour la

société d’alléguer un fait précis justifiant la « perte de confiance », dans la mesure où

268 Cass. soc. 09 octobre 1959, Etablissements Marchand Boldoduc c/ Dame Dufrenois, D. 1960, p. 8269 Cass. soc. 20 janvier 1960, Lacombe c/ Labo Civa, D. 1960, sommaire p. 31270 Cass. soc. 09 janvier 1963, Demoiselle Matheus c/ Etablissements Trumel, Dr. soc. 1963, p. 351271 Cass. soc. 02 décembre 1964, D. 1965, p. 97 ; v. aussi Cass. soc. 04 novembre 1976, Bull.civ. V, n° 556,p. 455 ; Cass. soc. 13 octobre 1976, Bull. civ. V, n° 485, p. 399 ; Cass. soc. 04 avril 1979, Bull. civ. V, n°315, p. 230 272 C. trav. Art. L 122-14-3273 JO débats AN 23 mai 1973, p. 1445, col.2274 LYON-CAEN (G), PELISSIER (J), SUPIOT (A), op.cit., p. 288275 GILLES (AM), op. cit., p. 131

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Le couple et le droit du travail

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« l’existence de relations de nature affective entre (les époux) ne saurait constituer un motif

suffisant de la réalité d’une connivence entre eux pour nuire aux intérêts de la

société… 277». Cette jurisprudence va donc dans le sens d’une limitation des licenciements

de salariés dont le conjoint travaille dans une entreprise concurrente, puisque les juges

imposent un fait précis et objectif pour justifier la « perte de confiance ». Or, de nombreux

arrêts ont précisé que l’objectivité ainsi recherchée, était établie, tant au vu de l’importance

des fonctions occupées par le salarié, qu’au vu de la taille de l’entreprise.

Déjà en 1980, la Cour de cassation a jugé qu’une salariée pouvait être

régulièrement licenciée sur le fondement de la « perte de confiance », au regard de ses

fonctions notables dans l’entreprise. L’attendu de la Cour de cassation dispose ainsi qu’ :

« en raison de l’importance de son poste de chef comptable et des rapports tendus existant

entre la société Atlas Levage et son mari, la Dame Voisin ne pouvait plus accomplir son

travail dans des conditions normales, ce dont il résultait une absence de confiance

réciproque mettant obstacle en l’espèce au maintien des relations de travail278 ». Le

licenciement de l’épouse trouvait donc son origine dans les désaccords opposant la société

et son époux ayant abouti au licenciement de ce dernier, et non dans une quelconque

négligence ou faute de sa part. La Cour de cassation justifie ici le licenciement de la

salariée par les risques accrus de divulgations d’informations concernant la société du fait

de sa qualité de chef comptable, poste de confiance et à responsabilités dans l’entreprise.

De la même façon, a été retenue l’existence d’une cause réelle et sérieuse pour le

licenciement d’une collaboratrice directe du directeur administratif et financier, en raison

des rapports tendus existant entre son mari récemment licencié et l’employeur279.

Qui plus est, la jurisprudence a confirmé l’existence de risques objectifs au vu de la

petite dimension de l’entreprise, qui aurait favorisé la diffusion à l’intérieur de celle-ci

d’informations d’ordre commercial et légitimé la crainte de l’employeur à l’égard de la

salariée. La Cour d’appel de Paris justifie ainsi le licenciement pour cause réelle et sérieuse

276 ibid.277 Cass. soc. 30 mars 1982, SA Serinox c/ Madame Hervé , Bull. civ. V, n° 229278 Cass. soc 26 juin 1980, précité supra note n° 254279 Cass. soc. 06 juillet 1983, Madame Goupil c/ SA Boussac Saint-Frères, Bull.civ. V, n° 395, p. 281 ; cf.aussi Cass..soc. 06 mars 1986, Cah. Prud. 1987, n°1, p. 10 ; Cass. soc. 07 mai 1987, LS, J 388, p. 15

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Le couple et le droit du travail

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d’une secrétaire commerciale par le fait qu’elle vive maritalement en concubinage avec un

ancien salarié dorénavant au service d’une entreprise concurrente, et surtout au vu de la

petite taille de l’entreprise où elle travaillait280. L’originalité de cet arrêt réside en ce que

la solution s’applique à des concubins. Comme l’indique le Professeur Mouly : « Ce n’est

pas le mariage en soi qui occasionne la perte de confiance, mais la communauté de vie

qu’il implique, parce qu’elle favorise la divulgation d’informations. Dès lors que cette

circonstance objective se retrouve dans l’union libre, elle doit produire les mêmes effets.

Ce qui suppose que le concubinage ait une certaine épaisseur, une certaine stabilité281 ».

En matière de « perte de confiance », le couple s’entend donc du couple marié

comme du couple de concubins.

La jurisprudence a ainsi longtemps considéré que le comportement ou l’activité du

conjoint ou concubin du salarié pouvait justifier le licenciement de ce dernier. Même si

l’influence du comportement de l’entourage du salarié s’est trouvée réduite du fait de

l’exigence d’un risque objectif et précis pour justifier la perte de confiance, il n’en

demeurait pas moins que la rupture du contrat de travail d’un salarié pouvait être due à

l’autre membre du couple.

§2- Une interdépendance des membres du couple injustifiée :

La « perte de confiance » liée au fait du conjoint ou concubin, phénomène

purement subjectif282, était ainsi admise comme motif réel et sérieux de licenciement au

détriment du salarié, alors qu’il n’avait commis lui-même aucune faute. Le salarié subissait

donc le comportement de l’autre membre du couple à un point tel que l’on aurait pu parler

de licenciement pour "motif conjugal". Comme l’indique M. Kuhnmunch283, si

l’indépendance professionnelle des époux était consacrée par le code civil, celle-ci se

heurtait à des obstacles importants.

280 CA Paris 04 juin 1987, précité supra note n° 255281 MOULY (J), note sous CA Paris 04 juin 1987, précité supra note n°255282 GAUDU (F), op. cit., p. 33283 KUHNMUNCH (O), loc.cit.

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Le couple et le droit du travail

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Notamment, cette admission de la seule « perte de confiance » comme motif de

licenciement pouvait être considérée comme une entorse à la loi de 1973284. En effet,

même fondée sur les fonctions du salarié ou la taille de l’entreprise, la perte de confiance

n’en demeure pas moins un état d’esprit, une opinion de l’employeur285. Ainsi, même si la

jurisprudence imposait que l’employeur allègue un fait précis pour justifier la perte de

confiance, « la portée du principe était dans la pratique ramenée à peu de choses286 ».

Effectivement, le chef d’entreprise « suppose » qu’il ne pourra plus accorder sa confiance à

son salarié du fait du comportement de son conjoint : « il s’agit d’un motif exclusivement

subjectif et invariable287 ». Or, l’ensemble de la jurisprudence relative à la « perte de

confiance » du fait du conjoint a trait à des affaires ou le chef d’entreprise craignait pour

son entreprise sans justifier réellement d’un acte de concurrence à son égard. L’employeur

était donc admis à licencier parce qu’il redoutait que la salariée épouse les querelles de son

mari ou que celle-ci divulgue des informations confidentielles288.

Critiquable, la jurisprudence admettait ainsi qu’un simple risque de révélation

d’informations ou une absence de confiance mettant obstacle aux relations de travail,

entraîne le licenciement du salarié. Elle ne répondait en ce sens aucunement aux exigences

de réalité et de sérieux des motifs de licenciement posés par la loi. La simple preuve de la

réalité d’un soupçon suffisait à justifier le licenciement.

Mais surtout, elle admettait que le licenciement puisse être dû au conjoint. En effet,

dans tous les arrêts relatifs aux licenciements de salariés fondés sur le comportement de

l’entourage du salarié, la faute du salarié n’était en général pas établie289.

Certes, l’existence d’une communauté de vie et d’une relation affective est un

élément à prendre en compte en ce qu’il peut entraîner une gêne pour l’entreprise. Ainsi,

les éléments relatifs à l’entourage du salarié peuvent constituer des faits objectifs de nature

à justifier « la perte de confiance290 ». Toutefois, licencier un salarié pour cause réelle et

284 CHIREZ (A), op. cit., p. 196285 LYON-CAEN (G), PELISSIER (J), SUPIOT (A), loc.cit286 GAUDU (F), loc.cit.287 CHIREZ (A), loc. cit.288 LYON-CAEN (G), PELISSIER (J), SUPIOT (A), loc. cit.289 GAUDU (F), loc.cit.290 ibid.

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Le couple et le droit du travail

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sérieuse sur le fondement du seul comportement de l’autre est critiquable. Sa faute était en

effet simplement redoutée et il n’appartenait pas à l’employeur de démontrer la

participation active du salarié dans les actes déloyaux291. Ainsi, la Cour d’appel de Paris a-t

-elle pu justifier le licenciement d’une salariée alors « qu’aucune violation de ses

obligations vis-à-vis de son employeur ne lui sont reprochées292 ».

Enfin, une telle position jurisprudentielle apparaît à certains, en réelle contradiction

avec « le droit au mariage » proclamé par la Cour d’appel de Paris dans la célèbre affaire

Barbier293 : en effet, admettre le licenciement d’un salarié au motif que celui-ci ou celle-ci

projette de se marier ou est mariée avec un concurrent, semble porter atteinte au caractère

d’ordre public de ce droit294.

« Les gens se marient aussi "pour le pire"; qu’on se le dise ! Une nouvelle solidarité

conjugale de fait vient s’ajouter aux solidarités ménagères légales existantes 295». Fort

contestable, la jurisprudence relative à la perte de confiance du fait du conjoint allait

heureusement connaître un revirement, dans le sens d’une autonomie des membres du

couple dans l’exercice de leurs relations professionnelles. Les juges vont ainsi poser en

principe, la protection de l’activité de chacun des membres des agissements de l’autre.

Section II ) La seule prise en considération de la personne comme motif de sanction :

A la question de savoir si le comportement du conjoint du salarié peut constituer en

lui-même un juste motif de licenciement de ce dernier, nul doute n’est permis depuis un

revirement de jurisprudence significatif de la Cour de Cassation. Désormais, le

comportement de l’entourage du salarié a une influence très restreinte et toute sanction

prise à l’encontre d’un salarié doit être justifiée par des éléments objectifs qui lui sont

291 GILLES (AM), loc.cit.292 CA Paris 04 juin 1987, précité supra note n°255293 CA Paris, 30 avril 1963, précité supra note n°216294 DESPAX (M), loc.cit.295 CHIREZ (A), loc. cit.

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inhérents ( §1 ). Or, cette évolution de la jurisprudence est caractéristique de l’approche du

couple par le droit du travail ( §2 ).

§1- L’indifférence du comportement de l’entourage du salarié sur sa relation de

travail :

« Un licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé

sur des éléments objectifs ; la perte de confiance alléguée par l’employeur ne constitue pas

en soi un motif de licenciement296 ». La Cour de cassation dans l’arrêt Fertray du 29

novembre 1990, opère un véritable bouleversement des solutions jusque là affirmées en

matière de « perte de confiance ».

Les faits sont intéressants en ce qu’ils sont sensiblement similaires aux arrêts

précédents. En l’espèce, la salariée était secrétaire comptable dans une entreprise dans

laquelle son époux était employé comme cadre. Suite au licenciement de ce dernier,

l’employeur est venu notifier à la salariée la rupture de son contrat de travail au vu de

« l’incompatibilité entre les fonctions de secrétaire exercées dans les secrets de la vie de la

Sté Wagner et le fait d’être épouse d’un ancien salarié qui nous (la société) attaque devant

les tribunaux 297». Condamnant le licenciement ainsi justifié par l’employeur, la Haute

juridiction décide que la rupture du contrat de travail d’un salarié doit reposer sur des faits

objectifs lesquels, seuls de nature à fonder un licenciement pour motif personnel, doivent

être inhérents au salarié, « et pour ainsi dire lui être imputables298 ».

Aussi, « la perte de confiance » n’est plus en soi un motif de licenciement. Il ne

faut pas en déduire qu’elle ne peut constituer une cause réelle et sérieuse299. Mais pour être

acceptée comme telle par le juge, elle devra nécessairement se fonder sur des faits objectifs

découlant du comportement personnel du salarié. Donc, il semble désormais exclu que le

licenciement d’un salarié puisse être justifié par le seul comportement de son entourage,

296 Cass. soc. 29 novembre 1990, Mme Fertray c/ SA Etablissements R. Wagner et Cie, D. 1991, p. 191, noteJean Pélissier297 ibid.298 GAUDU (F), loc.cit.299 RAY (JE), Fidélité et exécution du contrat de travail, Dr. soc. 1991, p. 377

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Le couple et le droit du travail

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même à considérer que les données relatives au conjoint ou concubin puissent constituer

des éléments objectifs.

Cet arrêt met ainsi fin « aux dérapages antérieurs300 » dont la jurisprudence

Voisin301 était une illustration brillante. Il prend le contre-pied de l’ancienne jurisprudence

qui admettait, au vu de la relation affective existant entre le salarié et son époux ou

compagnon, le licenciement d’un salarié du fait de son conjoint.

Il est intéressant de remarquer que cette obligation de preuve d’un fait personnel au

salarié, avait déjà été retenue par la Cour de cassation en 1986 lorsqu’elle considérait que

« la perte de confiance, seul motif invoqué par la société, ne peut résulter que du

comportement personnel du salarié (…) ; ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, le

licenciement motivé par la perte de confiance de l’employeur dans son salarié mais fondé

exclusivement sur des faits imputables au conjoint de ce salarié302 ». Cependant, elle ne

tirait à l’époque aucune conséquence de ce principe303. Pareillement, le Conseil d’Etat en

1987 avait pu considérer qu’ « en l’absence de toute faute, n’est pas de nature à justifier le

licenciement d’une salariée (…) le fait que son époux exerce une activité concurrente dans

une autre société, le risque de communication de renseignements à son mari par la salariée,

représentant du personnel et membre de comité d’entreprise, constituant une simple

éventualité304 ».

Quoiqu’il en soit, le principe est, depuis 1991, définitivement posé : le licenciement

pour motif personnel doit être inhérent à la personne du salarié, ce qui implique qu’il ne

puisse être fondé sur le seul comportement de l’entourage du salarié. En outre,

l’employeur ne peut plus licencier un salarié en raison de simples soupçons.

La chambre sociale a, à de nombreuses reprises, été amenée à confirmer cette

position. Ainsi, a été considéré abusif le licenciement d’un salarié, l’employeur lui ayant

300 PICOD (Y), note sous Cass. soc. 27 novembre 1991, Ferrand c/ SA Librairie Larousse, D. 1992, p. 296301 Cass . soc. 26 juin 1980, précité supra note n°254302 Cass. soc. 03 juillet 1986, Société Anonyme Crit intérim c/ Mme Pioche, Bull. civ. V, n° 348, p. 268303 GAUDU (F), loc. cit.304 CE 17 juin 1987, Société Comarfa c/ Mme Buffeteau, D. 1988, som. comm. , p. 215

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simplement reproché de faire éventuellement bénéficier l’entreprise concurrente de sa

femme de ses connaissances concernant l’élaboration des produits de la société305. Qui plus

est, dans un arrêt de 1993, la Cour de cassation est venue préciser qu’ « un licenciement

pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs

et imputables au salarié 306». Cette spécification vient encore fortifier l’orientation

protectrice de la vie de couple du salarié, et d’une manière générale de sa vie privée.

Récemment encore, le Professeur Paul- Henri Antonmattéi rappelait ainsi que tout fait

objectif n’est pas susceptible de justifier le licenciement pour perte de confiance : tel est le

cas de faits empruntés à la vie personnelle du salarié307.

A noter enfin une tendance récente de la jurisprudence, pour des faits sensiblement

similaires aux anciennes jurisprudences relatives à la « perte de confiance », de sanctionner

par le biais de l’article L 122-45 du code du travail toute sanction autre que le

licenciement, fondée sur les liens conjugaux. Ainsi, a été qualifié de discriminatoire en

raison de la situation de famille un déclassement professionnel d’une salariée « motivé par

la crainte que la salariée ne se livre à un espionnage industriel au profit de son époux

exerçant une activité concurrente308 ».

Donc, désormais, pour être valablement sanctionné, le salarié doit avoir lui-même

commis un acte objectif détruisant la confiance de son employeur. Si le conjoint ou

concubin, commet une faute ou travaille dans une entreprise concurrente, « la perte de

confiance » qui peut en résulter n’est en soi pas suffisante. Le chef d’entreprise devra

prouver l’acte fautif du salarié. De par cette protection accrue de la vie privée des salariés,

les membres du couple recouvrent une totale indépendance dans l’exercice de leurs

fonctions.

305 Cass. soc. 09 janvier 1991, M. Tible c/ société Billot, Bull. civ. V, n°1, p. 1 ; cf. aussi Cass. soc. 10décembre 1991, Mme Deram c/ Sté Sdez industrie services et autres, D. 1992, IR, p. 35306 Cass. soc. 07 décembre 1993, Mlle Steinbess c/ Sté Ufifrance patrimoine, D. 1994, som.comm., p. 309,note A. Lyon-Caen et C. Papadimitriou307 ANTONMATTEI (PH), observations sous Cass. soc. 26 janvier 2000, Verrier c/ Sté Casino France, Dr. etpatrimoine, n° 83, juin 2000, p. 117308 Cass. soc. 10 février 1999, Mme Spender-Rocher c/ SA SATMA, Dr. soc. 1999, p. 410, obs. Bonnechère

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§2- L’affirmation de l’autonomie des membres du couple :

L’ancienne jurisprudence qui admettait le licenciement d’un salarié fondé sur la

« perte de confiance » du fait du conjoint, incluait une interdépendance entre les membres

du couple en ce que les agissements de l’un avaient des incidences sur la relation de travail

de l’autre.

Toutefois, l’évolution de la jurisprudence en la matière tend à montrer la volonté de

la chambre sociale d’évincer les motifs fondés sur le comportement d’un membre de

l’entourage du salarié. En effet, « le comportement de l’époux, les vicissitudes de la vie

conjugale, et plus largement familiale, entrent difficilement dans le champ contractuel309 ».

En posant en principe que le comportement de l’époux ne peut justifier le licenciement

pour cause réelle et sérieuse du salarié, la Cour de cassation atténue ainsi à son maximum

la prise en considération de la relation affective entre les membres du couple.

A ce titre, il apparaît intéressant de relever la comparaison effectuée par le

Professeur Gaudu310 entre la jurisprudence relative au contrat de couple et celle relative à

« la perte de confiance ». Comme nous l’avons souligné, l’indivisibilité entre les contrats

de travail des membres du couple entraînait, en cas de rupture de l’un, la rupture

automatique de l’autre. Cependant, un arrêt de 07 mai 1991311 est venu limiter ce principe

en précisant que la démission de l’un, si elle entraînait la rupture du contrat de travail de

l’autre, n’impliquait pas nécessairement une démission de celui-ci. Ainsi, « la

jurisprudence tend à réduire l’impact sur le contrat de travail du comportement de

l’entourage familial du salarié, ici en n’admettant pas que ce comportement fonde un

licenciement pour perte de confiance, là en n’admettant pas qu’il entraîne une rupture

automatique du contrat 312».

309 GAUDU (F), loc.cit.310 ibid.311 Cass. soc. 07 mai 1991, précité supra note n°163312 GAUDU (F), loc.cit.

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En outre, et comme l’indique Madame Escande-Varniol313, l’abandon de

cette jurisprudence est d’autant plus nécessaire « qu’à une époque où les trois quarts des

femmes travaillent et où la majorité des couples ont fait des études identiques, le nombre

de ménages travaillant dans des entreprises concurrentes est important ». Ainsi, conserver

l’ancienne jurisprudence aurait été inadapté et aurait abouti à un nombre de licenciements

pour perte de confiance du fait du conjoint invraisemblable.

Ce faisant, le droit du travail, de par l’usage qu’il fait de la notion de couple,

privilégie sans aucun doute possible l’idée d’indépendance des membres du couple dans le

cadre de leur activité professionnelle salariée. Et pourquoi en irait-il autrement ? En effet,

l’ordre des médecins ne radie pas le praticien dont l’épouse est indiscrète, de même que

l’Etat ne révoquera pas le fonctionnaire à raison du comportement ou de la profession de sa

femme…314. Cette situation est donc incontestablement adaptée à l’évolution de la société

laquelle ne saurait admettre un nouveau motif de licenciement : le licenciement

conjugal…315

313 ESCANDE-VARNIOL (MC), Les éléments constitutifs d’une cause réelle et sérieuse de licenciementpour motif extraprofessionnel, RJS 7/93, p. 403314 ibid.315 ibid

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CONCLUSION

De l’étude du droit du travail, nous avons pu souligner que celui-ci privilégiait

l’autonomie des membres du couple dans l’exercice de leurs relations professionnelles.

En effet, l’interdépendance des conjoints ou concubins ne peut-être déduite que

d’hypothèses où elle apparaît comme une nécessité, eu égard à l’intérêt de l’entreprise ou

au respect du « droit à une vie familiale normale ». Au contraire, le couple est envisagé

comme l’union de deux êtres totalement autonomes l’un de l’autre, en ce que le statut de

couple n’a aucune influence sur la relation professionnelle de l’un ou l’autre des membres,

et en ce que l’un des membres du couple est désormais protégé des agissements de l’autre.

En ce sens, le droit du travail ne fait que refléter l’évolution et la transformation du

couple perceptible en droit civil, telle qu’elle est soulignée par Anne-Marie Gilles :

« malgré la variété des formes, un point commun réunit néanmoins les couples : la

progression de l’autonomie des membres316 ».

Cette évolution semble avoir eu une importance sur la conception du couple par le

droit de la famille317. Celui-ci en effet est passé d’une conception strictement liée au

mariage, à une prise en considération croissante de l’individualité de chaque membre du

couple. Cette faveur accordée à l’indépendance des membres du couple, s’est ainsi

manifestée par la progression de l’autonomie et de l’égalité des époux, par la possibilité

pour les époux de conclure des contrats de droit commun entre eux…

Or, de la même façon, le droit du travail souligne cette évolution dans le couple.

Ainsi, il est intéressant de remarquer, tant au vu de la jurisprudence relative au contrat de

couple ou encore relative à « la perte de confiance », qu’au regard de la validité des

contrats entre époux, que le droit du travail tend à privilégier l’autonomie des membres du

316 GILLES (AM), loc.cit.317 ibid.

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couple, lequel « n’est plus vécu comme un lieu de contraintes, où les membres doivent

sacrifier leur liberté, mais comme le moyen d’assurer l’épanouissement de l’individu318 ».

La conception que le droit du travail a du couple se rapproche donc sensiblement du

droit civil, c’est à dire plus significatif par l’autonomie qui existe entre ses membres, que

par un quelconque lien d’interdépendance.

318 ibid.

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- Cass. soc. 20 octobre 1976, Foyer de retraite du combattant c/ Dumas, Bull. civ. V, n°508, (incompatibilité du couple avec l’entreprise)

- Cass. soc. 04 novembre 1976, Bull. civ. V, n° 556, p. 455, (perte de confiance)

- Cass. soc. 30 novembre 1977, Epoux Radenac c/ Société Hochet et compagnie, Bull . civ.V, n° 654, (contrat de couple)

- Cass. ass. plén. 19 mai 1978, Dame Roy c/ Association pour l’éducation populaire SainteMarthe, JCP 1978 II, 19 009, (liberté du mariage)

- Cass. soc. 04 avril 1979, Union départementale de la mutualité sociale agricole de l’Oisec/ Dame Bisseux, Bull. civ. 1979, n° 315, p. 230

- Cass. soc. 04 octobre 1979, Garcia c/ Dame Seignolle, Bull. civ. V, n° 680, p. 500

- Cass. soc. 26 juin 1980, Dame Voisin c/ SARL Atlas Levage et autres, Bull. civ. V, n°573, p. 431, (perte de confiance)

- Cass. soc. 04 mars 1981, Boudaud c/ Ranger, Bull. civ. V, n° 177, p. 131, (contrat decouple)

- Cass. soc. 03 juin 1981, Consorts Rouquette c/ Madame Delon, Bull. civ. V, n° 492, p.371

- Cass. soc. 30 mars 1982, SA Serinox c/ Madame Hervé, Bull. civ. V, n° 229, p. 169,(perte de confiance)

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Le couple et le droit du travail

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- Cass. soc. 10 juin 1982, Société des éditions Quo Vadis c/ Dame Leeman, JCP 1984 II, 20 230, note Hennion Moreau, (liberté du mariage)

- Cass. soc. 06 juillet 1983, Madame Goupil c/ SA Boussac Saint Frères, Bull. civ. V, n°395, p. 281, (perte de confiance)

- CA Paris 13 février 1985, Delot c/ Celis , D. 1985 IR, p. 269

- Cass. soc. 06 mars 1986, SA Philips c/ Madame Pépin, Cahier prud’homaux 1987, n° 1,p. 10, (perte de confiance)

- Cass. soc. 07 mai 1986, Madame Genco c/ SARL Gérance Varoise, Bull. civ. V, n° 204,(contrat de couple)

- CA Versailles 27 mai 1986, Volovick c/ Masseboeuf, D.1986, IR p. 420

- Cass. soc. 03 juillet 1986, SA Crit intérim c/ Madame Pioche, Bull. civ. n° 348 , p. 268,(perte de confiance)

- Cass. soc. 07 mai 1987, Légisocial, J 388, p. 15, (perte de confiance)

- CA Paris 04 juin 1987, SARL Bergerat-Monnoyeur c/ Landgraf, D. 1987, p. 610, note Mouly, (perte de confiance)

- CE 17 juin 1987, Société Comarfa c/ Mme Buffeteau, D. 1988, somm. , p. 215

- Cass. soc. 14 avril 1988, Epoux Imbert c/ Syndicat des copropriétaires de l’immeuble dit« la briqueterie », Bull. civ. V, n° 235, (contrat de couple)

- Cass. soc. 11 juillet 1989, X...c/ Air France ; X...c/CPAM, D. 1990 p. 582, note Malaurie,(définition du concubinage)

- Cass. soc. 20 mars 1990, RJS 1990, p. 295

- Cass. soc. 29 novembre 1990, Madame Fertray c/ SA Etablissements Wagner etcompagnie, D. 1991, p. 190 , note Pélissier, (perte de confiance)

- CA Limoges, 17 décembre 1990, SNC Cuff et compagnie c/ Madame Spataro, D. 1991,p. 596, note Mouly , (contrat de couple)

- Cass. soc. 09 janvier 1991, Tible c/ Société Billot, Bull. civ. V, n° 1, p.1, (perte deconfiance)

- Cass. soc. 17 avril 1991, P...c/ Association Fraternité Saint Pie X, JCP 1991 II, 21 724,note Sériaux, Dr. soc. 1991, p. 489, (vie personnelle du salarié, trouble à l’entreprise)

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Le couple et le droit du travail

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- Cass. soc. 07 mai 1991, M. X c/ Agence Martinet, Bull. civ. V, n° 221, (contrat decouple)

- CE soc. 13 novembre 1991, Dr. soc. 92, p. 405

- Cass. soc. 27 novembre 1991, Ferrand c/ SA Librairie Larousse, D. 1992, p. 296, notePicod, (perte de confiance)

- Cass. soc. 10 décembre 1991, Madame Deram c/ Société Sdez industrie services etautres, D. 1992, IR, p. 35, (perte de confiance)

- Cass. soc. 22 janvier 1992, Madame Rossard c/ Société Robuchon et fils, Dr. soc. 1992, p.334, (vie privée du salarié)

- Cass. soc. 1er avril 1992, Oberle c/ SAIC Velcorex, RJS 5/92, n° 576, p. 328

- Cass. soc. 1er avril 1992, Gaillard c/ SA Bourrée et Fils, RJS 5/92, n° 577, p. 329

- Cass. soc. 02 juillet 1992, D Groeta c/ SA Disanto, RJS 8-9/92, n° 970, p. 544

- Cass. soc. 17 mars 1993, Sag c/ Koziel, RJS 4/93 , n° 423, p. 255, (contrat de couple)

- Cass. soc. 14 octobre 1993, Epoux Gentil c/ SA Gautard immobilier, D. 1994, p. 251,note Sordino, (contrat de couple)

- Cass. soc. 07 décembre 1993, Steinbess c/ Société Ufifrance patrimoine, D. 1994,som.comm., p. 309 ; Dr. social 1994, p. 213, (perte de confiance)

- CA Paris, 10 mars 1994, D. 1994, IR p. 139 , (contrat de couple)

- CE 09 décembre 1994, Ministre de travail c/ Société Obi France, D. 1995, IR, p. 23

- Cass. com. 05 juillet 1995, Petites Affiches 03 janvier 1996, n° 2, note Le Cannu Paul,(article L 784-1 du code du travail )

- CE 25 septembre 1996, Quot. juridique, 09 janvier 1997

- Cass. soc. 19 juin 1997, Mousnier c/ SARL La feuille Rose, RJS 8-9/97, n° 987, p. 615,(article L 223-7 du code du travail )

- Cass. soc. 16 décembre 1997, Delamaere c/ Office notarial de Maitres Ryssen et Blondel,JCP 1998 II, 10 101, p. 1119, note Escande –Varniol, (vie privée du salarié)

- CA Paris 17 décembre 1997, Sarl Différence c/ Crestot, RJS, 3/99, n°370, p. 221

- Cass. soc . 17 décembre 1997, Vilela c/ Madame Weil, Dalloz 1998, p. 111, conclusionsWeber, note Auber, (définition du concubinage)

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Le couple et le droit du travail

92

- CJCE 17 février 1998, Dr. de la famille, n°5, p. 8

- Cass. soc. 04 juin 1998, SARL Agence Bertrand c/ Georgeon, D. 1998, IR, p. 160

- Cass. soc. 01 juillet 1998, Chantemur Rhône-Alpes c/ Chassin, Juridisque Lamy, n° 3375

- Cass. soc. 18 novembre 1998, Duarte c/ copropriété Le Buffon, Répertoire du NotariatDéfrénois 1999, n° 15-16, p. 854, note Nevière ; D. 1999, p. 443, note Mouly ;Jurisprudence sociale Lamy, n° 28 ,p. 19, (contrat de couple)

- Cass. soc. 10 février 1999, Madame Spender-Rocher c/ SA Satma, Dr. soc. 1999, p. 410 ;D. 1999 IR, p. 68 ; RJS 1999, p. 360, n° 363

- Cass. soc. 04 mai 1999, Hezyszyn c/ Paul Jacottet SA, D. 2000, sommaire p. 85, noteFrossard

- Cass. soc. 18 mai 1999, Société Legrand c/ M. Rochin, Dr. soc. 1999, p. 734, noteGauriau ; D. 2000, som.comm. , p. 84, note Escande-Varniol , (usage abusif d’une clausede mobilité)

- Cass. soc. 19 mai 1999, OPAC Val de Marne c/ Merel, Juridisque Lamy, n° 2316

- Cass. soc. 01 juin 1999, Banque populaire savoisienne de crédit c/ Meynet et autres, RJS7/99, n° 898

- CA Toulouse 25 juin 1999, SA Multichauss c/ Klelifa, RJS 11/99, n° 1415, (contrat decouple)

- Cass. soc. 26 janvier 2000, Madame Verrier c/ Société Casino France, Dr. et Patrimoine,juin 2000, n° 83, p. 117, observations Paul-Henri Antonmattéi, (perte de confiance)

DOCUMENTS OFFICIELS :

- Loi n° 82-596 du 10 juillet 1982, D. 1982, p. 323

- Loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonctionpublique d’ Etat, JO du 12 janvier 1984, p. 271

- Loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonctionpublique territoriale, JO du 27 janvier 1984, p. 441

- Loi n° 86-33 du 09 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonctionpublique hospitalière, JO du 11 janvier 1986, p. 535

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Le couple et le droit du travail

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- Loi n° 94-965 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produitsdu corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal, JO du30 juillet 1994, p. 11060

- Loi n° 98-461 du 13 juin 1998, JO du 14 juin 1998, p. 9029 ; JCP G, 24 juin 1998, p.1179

- Loi n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au pacte civil de solidarité, JO du 16novembre 1999, p. 16959

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TABLE DES MATIERES

Remerciements…………………………………………………………………………… 2

Sommaire……………………………………………………………………………….….3

Table des abréviations…………………………………………………………………….4

Introduction………………………………………………………………………………..7

TITRE PREMIER : La prise en considération limitée d’une dépendance entre les

membres du couple……………………………………………………………………….18

CHAPITRE I : Une dépendance nécessaire des membres du couple………………………….20

Section I : Une dépendance nécessaire dans l’intérêt du couple…………………….……21

§1 : Manifestations légales expresses de l’interdépendance………………………21

§2 : Manifestations indirectes de l’interdépendance………………………………24

Section II : Une dépendance nécessaire dans l’intérêt de l’entreprise……………………28

§1 : Incompatibilité du couple avec l’exercice de certaines fonctions……………28

§2 : Incompatibilité de la vie de couple avec le bon fonctionnement de

l’entreprise ...……………………………………………………………………...30

CHAPITRE II : Une dépendance voulue par le couple………………………………………...34

Section I : Le contrat de couple ou la stipulation d’engagements indivisibles……………37

§1 : L’ adéquation du couple à la spécificité des fonctions à accomplir………….38

A : Le couple, condition essentielle de validité du contrat de couple…………38

B : L’interdépendance des fonctions occupées par le couple ….………….…..39

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Le couple et le droit du travail

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§2 : Le contrat de couple ou la dépendance conventionnelle des membres du

couple…......……………………………………………………………………….41

Section II : Les effets entre les membres du couple de l’indivisibilité des engagements….44

§1 : Une rupture automatique critiquable………………….………………….…..45

§2 : Une rupture « contrôlée » privilégiée………………..…………………….…48

A : La réduction des effets de l’indivisibilité entre les membres du couple…....48

B : L’ « autonomie des ruptures » favorisée…………….………...…….……...50

TITRE SECOND : L’autonomie des membres du couple favorisée………………….52

CHAPITRE I : L’indifférence de la situation de couple sur l’activité professionnelle de ses

membres…………………………………………………………………………………………...54

Section I : La protection de la « vie familiale » du salarié………………………………..54

§1 : L’autonomie des membres du couple lors du recrutement de l’un d’eux……55

§2 : L’autonomie des membres du couple dans leur vie professionnelle….……...57

A : Le rejet de la situation de couple comme justification de la rupture du

contrat de travail d’un salarié………………………………………………….58

B : Le refus de toute restriction conventionnelle aux « libertés civiles » du

salarié…………………………………………………………………………..59

Section II : Les contrats de travail au sein même du couple ou la marque d’une autonomie

entre ses membres……………………………………….…………………………………61

§1 : La compatibilité du couple avec un contrat de travail entre ses

membres…………………………………………………………………………...62

A : La difficile admission du contrat de travail entre époux…………………..62

B : La validité de principe des contrats de travail entre époux………………..64

§2 : La reconnaissance légale de l’indépendance des membres du couple…..……65

CHAPITRE II : L’indifférence des agissements d’un membre du couple sur l’activité

professionnelle de l’autre….……………………………………………………………………...69

Section I : Abandon d’ « une solidarité conjugale de fait » critiquable …………………..70

§1 : Une traditionnelle admission de la « perte de confiance » du fait du

conjoint……………………………………………………………………………71

§2 : Une interdépendance des membres du couple injustifiée……………………74

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Section II : La seule prise en considération de la personne comme motif de sanction……76

§1 : L’indifférence du comportement de l’entourage du salarié sur sa relation de

travail…………………………………………………………………………...…77

§2 : L’affirmation de l’autonomie des membres du couple……………….……....80

Conclusion………………………………………………………………………………...82

Bibliographie……………………………………………………………………………...84

Table des matières………………………………………………………………………..94