Insectes Sociaux, Paris

1982, V o l u m e 29, n ~ 2, pp. 175-188

�9 Mas s o n , Par i s , 1982

LA PARTH]~NOGEN]~SE THt~LYTOQUE ET ARRHt~NOTOQUE CHEZ LA FOURMI CATAGLYPHIS CURSOR FONSCOLOMBE

(HYMENOPTERA, FORMICIDAE) ETUDE DES (EUFS PONDUS PAR LES REINES

ET LES OUVRIP~RES : MORPHOLOGIE, DEVENIR, INFLUENCE SUR LE Dt~TERMINISME DE LA CASTE REINE

H. CAGNIANT

Laboratoire d'Entomologie, U.P.S., 118, route de Narbonne, F 31062 Toulouse Cedex

Regu le 3 d6cembre 1980. Accept6 le 10 avril 1981.

R E S U M E

Chez la Fourmi Cataglyphis cursor, les ouvri~res orphelines produisent par parth6- nog6n~se des ceufs reproducteurs plus volumineux que ceux des reines f6cond~es.

On a 6tudi6 en 61evage, l '6volution de la longueur des ceufs dans des soci6t6s avec reine et des soci6t6s sans reine et tent6 d 'es t imer le hombre d'oeufs produi ts par des colonies d'effectifs vari6s. Darts les soci6t6s avec reine, les ouvri6res res tent st6riles dans les conditions normales et la ponte royale est d 'environ un rnillier d'oeufs dans la saison ; il peut se fo rmer des jeunes reines et des males, mais il apparai t sur tout beaucoup de nouvelles ouvri~res. Dans les soci6t6s orphelines, les ouvri6res pondent un grand nombre d'oeufs, 616vent en priorit6 des jeunes reines, parfois des males et moins de nouvetles ouvri~res.

II n 'existe pas d'ceufs pr6orient6s. C'est l'6tat physiologique des ouvri~res nourrices qui condit ionne le devenir reine ou ouvri~re des larves femelles : dans le cycle normal, les ail6s sont issus des oeufs du d6but de ponte, qui sont les plus gros ; mais des 0eufs tardifs et de plus peti te taille peuvent aussi donner des reines si les larves qui en sont issues sont 61ev6es par des ouvri~res dont l 'ovaire est en activit6. Cela est partieuli~rement 6vident dans les soci6t6s orphelines o/1 l 'on peut obtenir des reines ~t par t i r d'oeufs pondus onze sernaines aprbs le d6but de la ponte.

176 H. CAGNIANT

SUMMARY

Thelytoky and arrhenotoky in the ant Cataglyphis cursor Fonscolombe (Hymenoptera Formicidae)

Study of the eggs laid by queens and workers; morphology, getting on, control on caste determination

In the ant Cataglyphis cursor, the parthenogenetic reproductive eggs laid by ~vorkers are bigger than the mated queens' ones. Laboratory studies about the evolution of the egg length 'were carried out in colonies mith and ~vithout a queen. An attempt ~vas made to estimate the number of eggs produced by each type of society. In societies ~vith a queen, ~vorkers remain unproductive and the queen's laying is about one thousand eggs in a season ; new queens and males can be yielded but many new workers are brought up. In queenless societies, 'woxT&ers lay a lot of eggs, breed young queens foremost, sometimes males and fewer new workers.

There as no biased eggs ; the nurse's physiological state sets the female larvm to,yard queens or ~vo~kers. In ' the normal turnover, the alates are born from eggs of the early season, ~vhich are the biggest ones. But small sized late eggs can also evolve into queens if the larvae are bred by workers whose ovaries are active. That is particularly noticeable in queenless colonies ~vhere queens can be obtained from eggs laid eleven ~veeks after the start of oviposition.

Chez la f o u r m i Cataglyphis cursor, 1orsque l 'on c o n s t i t u e apr~s 1 'h iberna- t ion des 41evages compos6s u n i q u e m e n t d 'ouvr i~res , on obse rve b i e n t 6 t u n e pon t e a b o n d a n t e ; on o b t i e n t a ins i p a r pa r th6nogen~se thd ly toque et arrh4- n o t o q u e (CAGNIANT, 1973; SUZZONI-CAGNIANT, 1975; CAGNIANT, 1979), les t ro i s cas tes de la soci6t4. De pe t i tes co lonies de que lques d iza ines d ' ouv r i6 re s au d6par t son t capab les de p r o d u i r e des r e ines et des ouvr i~res ; des co lonies p lus i m p o r t a n t e s p e u v e n t en ou t re 61ever des mfiles adu l t e s (CAGNIANT, 1980a).

Dans les soci4t4s comple tes avec re ine , celle-ci p o n d n o r m a l e m e n t t a n d i s que les ouvr i~res r e s t en t s t4ri les dans les c o n d i t i o n s ha b i t ue l l e s (SuzzoNI- CAGNIANT, op. cit., CAGNIANT, ~t pa ra i t r e ) . Avec 300 ouvr i6 res ou davan tage , il y a t y p i q u e m e n t f o r m a t i o n de j e u n e s re ines , de mgdes et d ' o u v r i b r e s ; les co lonies p lus pe t i tes n '6 l~vent g 4 n 4 r a l e m e n t que des ouvr ibres , mai~ en g r a n d n o m b r e (CAGNIANT, 1980a).

Le p r6 sen t t r ava i l se p ropose de c o m p a r e r la pon t e des r e ines f4cond4es et des ouvr i6 res pa r th6nog4n6 t iques , du p o i n t de vue qua l i t a t i f et q u a n t i t a t i f .

I - ( E U F S D E R E I N E , ( E U F S D ' O U V R I E R E S

Une soci6t6 avec r e ine et u n e soci6t6 d 'ouvr i6 res o r p h e l i n e s s o n t so r t i e s d ' h ive rnage h la mi -mars . A la mi-mai , a lors que le c ouva i n est en p l e i n d4ve- l o p p e m e n t , on pr61~ve les ceufs dans les deux n ids ; o n 4car te ceux m o n t r a n t des t races de d 6 v e l o p p e m e n t p o u r ne g a r d e r que les ceufs ,< f ra is ,~, d ' a spec t homogbne . Ces ceufs son t mesu r4s au m i c r o m ~ t r e ocula i re , au g r o s s i s s e m e n t

10 • 50.

PARTHENOGENESE CHEZ C A T A G L Y P H I S CURSOR 177

Rdsultats, Discussion

On constate (fig. 1, tableau I) une nette diff6rence de taille entre les deux types de pontes : les oeufs d'ouvri~res sont plus longs et plus larges que ceux de reine ; la mesure des longueurs suffit d'ailleurs ~ les distinguer.

50-

4 0 -

30--

20-

10 -

N o m b t e d'oeufs

I I

680

I 1ram. oeufs de r e i n e

"!

�9 F '~ I I t I

800 920

I oeufs d ' o u v r i ~ r e s

/

1 I

1040 1160

Longueur des ~ u f s en mic rons

12180

Fig. 1. - - H i s t o g r a m m e des l o n g u e u r s des oeufs d a n s u n e co lon ie avec r e i n e e t d a n s u n e co lon ie s a n s r e i n e ; l o n g u e u r des ceufs en m i c r o n s ; p ro f i l s des ceufs.

Fig. 1. - - Eggs l e n g t h h i s t o g r a m in a co lony ~vith a q u e e n a n d in a q u e e n l e s s c o l o n y ; l e n g t h s in m i c r o n s ; eggs f igures .

178 H. CAGNIANT

Tableau I. - - Dimensions des o~ufs de reine et des ~eufs d'ouvri~res exprim6s en microns. Mesures portant sur 100 0eufs pour chaque cat6gorie.

Table I. - - Size of quenn's eggs and ~vorker's eggs expressed in microns. Measurements on I00 eggs in each category.

Colonie avec reine Colonie sans reine

Longueurs 700- 773 • 4,7 -820 920-1 074 • 12,2-1 240 Largeurs 400. 444 • 3,6 480 460. 525 • 5,8 -601 Coefficient de corr61ation longueur/largeur 0,987 0,924

Une telle diff6rence n 'est pas nouvelle chez les fourmis : selon les esp6ces, c 'est tant6t la ponte des ouvri~res, tant6t la ponte royale qui pr6sente les oeufs les plus volumineux. Ainsi, les ouvri6res de Temnothorax recedens (DEJEAN, 1974) OU de Lepthorax monjauzei (obs. person.) pondent des ceufs reproducteurs arrh6notoques plus gros que ceux des reines f6cond6es ; il en est de m6me chez Myrmica rubra (WEIR, 1959 ; BRIAN et RIGBY, 1977) et chez Formica polyctena (ERHARDT, 1962), chez Aphaenogaster subterranea (BRUNI- OUEL, 1972), Dolichoderus quadripunctatus (ToRoSSIAN, 1967) et dans une certaine mesure chez Camponotus aethiops (DARTIGUES et PASSERA, 1979). Chez Aphaenogaster senilis, les oeufs parth6nog6n6tiques arrh6notoques des ouvri6res sont plus longs mais plus 6troits que ceux des reines (LEDOUX et DARGAGON, 1975). Mais chez Odontomachus haematodes ce sont les oeufs royaux qui sont les plus gros (CoLOMBEL, 1971); chez Acantholepis frauenfeIdi (TOHME, 1977), les oeufs d'ouvri~res, donnant des males, sont 6galement plus petits.

Chez (EcophylIa longinoda existe une parth6nog6n~se th61ytoque des ouvri~res comme chez Cataglyphis cursor ; mais h l ' inverse de ce qui se passe chez cette derni~re, les r donnant naissance ~ des femelles sont plus petits chez les ouvri~res que chez les reines (I~EDOUX, 1949); nous avons lh un nouvel exemple de la grande variabilit6 des ph6nom6nes biologiques dans le monde des Fourmis.

D'autres caract6res contr ibuent h diff6rencier les oeufs de reines et d'ouvri~res chez C. cursor : les seconds pr6sentent des formes plus variables ; ils peuvent 6tre propor t ionnel lement plus allong6s ou plus r6tr6cis au p61e inf6rieur que les premiers. Ils poss~dent un chorion plus r6sistant et se d6ta- chent plus ais6ment les uns des autres lorsqu'ils sont frMchement pondus, alors que les ceufs de reine sont plus fragiles et plus gluants.

Afin de pr6ciser ces observations, nous allons 6tudier compara t ivement tout au long du cycle de ponte, la taille des ceufs dans divers types de colonies.

PARTHENOGENESE CHEZ C A T A G L Y P H I S C U R S O R 179

I I - E T U D E DES (EUFS AU COURS DU CYCLE A N N U E L ; D E V E N I R DES (EUFS

I1 n 'y a pas chez C. cursor , de couvain d 'hiver ; tout le cycle reproduc teur s 'effectue aussi bien dans la nature que dans les 61evages au taboratoire, en t re mars et octobre (CAGNIANT, 1976; 1979). Les colonies utilis6es pour r6aliser les mesures sont constitu6es selon le processus habituel (CAGNIANT, 1979) que nous rappellerons bri~vement :

Des fourmili~res sont captur6es en automne et hivernent ~t 15 ~ ; l 'ann6e suivante, on constitue des soci6t6s d'effectifs connus, avec ou sans reine et l 'exp6rience proprement dite d6bute le 15 mars, apr~s une sortie progressive d 'hibernation.

A par t i r du ddbut de la ponte, des ceufs sont pr61ev6s chaque semaine ; on s61ectionne ceux qui ne mont ren t pas de traces de d6veloppement pour en mesurer une cinquantaine dans la limite des disponibilit6s ; puis tous sont restitu6s h la colonie. Corr61ativement, on note les 6v6nements survenant dans la fourmili~re.

Le nombre d'ceufs pr6sents est estim6 par un comptage en place, h la loupe binoculai re ; nous pensons qu 'un d6nombrement exact n6cessitant un pr61~vement avec anesth6sie pourrai t per turber la biologie du nid.

Nous avons enfin essay6 d 'avoir une id6e du hombre total d'ceufs pondus au cours de leur d6veloppement embryonnaire . Le d6compte hebdomadaire confond des ceufs h divers degr6s de leur ddveloppement ; mais sachant que la dur6e de d6veloppement d 'un ceuf est d 'environ 15 jours (CAGNIANT, 1980, b). la prise en compte des relev6s une semaine sur deux 6vite en prin- cipe de compter deux lois le m6me ceuf. L 'addit ion des donn6es par quinzaine fournit h la fin de la saison, une approximat ion (entach6e d 'erreurs, il faut le reconnaitre) du hombre total d'ceufs pondus.

R6sul ta t s Socidtds sans re ine (Jig. 2 et 3)

Les deux colonies repr6sent6es donnent un bon exemple du ~c sch6ma g6n6ral ,~ des 6v6nements tels qu'ils se ddroulent darts ce type de soci6t6s et que nous avons pu v6rifier sur de nombreux 61evages :

La ponte d6bute 3 ~t 10 jours ( en moyenne 6 ----- 0,8 jours) apr~s la sortie complbte d 'hibernation.

Les premiers ceufs sont de grande taille, entre 1100 et 1450 rtm (parfois davantage), mais peu nombreux (toutes les ouvri~res ne pondent pas encore). Puis rapidement la ponte devient massive et g6n6rale tandis que la longueur moyenne des ceufs d6croit entre 950 et 1200 ~ m ; ils redeviennent ensuite un peu plus gros (1000-1150 gm) et leur nombre reste 61ev6 pendant cinq 5 six semaines. Finalement la ponte se tarit et la longueur tombe entre 1050 et 950 ~m.

Les derniers ceufs disparaissent au d6but de juillet ce qui signifie que la

180 H. CAGN1ANF

m u

1 3 0 0

1200

1100

I 0 0 0

9 0 0

B

Gr.L. i

Gr.C, L.3

c. 9'

I 10 ~ 5 9

114~

la~.i~ 6'mai 3jUi. l jui l l 5 aout

1 5 0 0

1 0 0 0

5 0 0

Fig. 2. - - E v o l u t i o n de la ta i l le e t d u n o m b r e des ceufs d a n s u n e co lon ie s a n s r e ine de 300 o u v r i ~ r e s ; ~ v 6 n e m e n t s d a n s le n i d : A : so r t i e d ' h i b e r n a t i o n ; B : d 6 b u t des 6 c l o s i o n s ; R : 6 m e r g e n c e de la p r e m i b r e r e i n e ; M : 6 m e r g e n c e d u p r e m i e r m&le ; E : 6 m e r g e n c e de la p r e m i b r e o u v r i ~ r e ; Gr.L. : p6 r iode des g r o s s e s l a r v e s ; Gr.C. : p6r iode des g ros cocons ; L.3 ~ : p6 r iode des la rves d ' o u v r i ~ r e s d u 3 ~ s t a d e ; C. ~ : p6r iode des cocons d ' o u v r i ~ r e s ; p r o d u c t i o n en f in de s a i son .

Fig. 2. - - E v o l u t i o n o f t h e size a n d t h e n u m b e r o f eggs in a q u e e n l e s s co lony of 300 wor- k e r s ; o c c u r e n c e s in t h e n e s t : A : e n d of h i b e r n a t i o n ; B : f i r s t h a t c h i n g s ; R : f i r s t y o u n g q u e e n e m e r g e n c e ; M : f i r s t m a l e e m e r g e n c e ; E : f i r s t n e w xvorker e m e r g e n c e ; Gr.L. : b i g l a r v ~ t i m e ; Gr .C . : b ig c o c o o n s t i m e ; L.3 ~ : t h i r d i n s t a r w o r k e r l a rvae t i m e ; C. ~ : w o r k e r c o c o o n s t i m e ; p r o d u c t i o n a t t h e e n d of t he s ea son .

P A R T H E N O G E N E S E C H E Z C A T A G L Y P H I S C U R S O R 181

1201

110 (

G r . L .

1000 L I R

900

" "ag

% co 5 0 0

, i i i = i 1 av r i l 6 mai 3juin 1 iuil I 5aout

Fig. 3. - - Evolution de la taille et du hombre des ~eufs darts une colonic sans reine de 150 ouvri~res. Les abr6viations sont les m6mes que celles de la figure 2.

Fig. 3. - - Evolution of the size and the number of eggs in a queenless colony of 150 wor- kers. Symbols are the same than in figure 2.

p o n t e p r o p r e m e n t d i t e se t e r m i n e ve r s la f in j u i n ; dans les c o n d i t i o n s de l ' exp6 r i ence e l le a donc dur6 3 m o i s et demi .

Le h o m b r e t o t a l d '~eufs p e u t s ' e s t i m e r ~t e n v i r o n 5500 p o u r le n i d de 300 o u v r i b r e s et h e n v i r o n 2350 p o u r ce lu i de 150, so i t en m o y e n n e 18 ~eufs p a r i n d i v i d u darts t o u t e la sa i son .

Les g r o s s e s l a rves d ' a i l6s a p p a r a i s s a n t les p r e m i b r e s s o n t de ce fa i t i s sues des g ros ceufs du d 6 b u t ; les l a rve s d ' o u v r i ~ r e s p l u s t a r d i v e s n a i s s e n t en su i t e des eeufs p lu s p e t i t s ou m o y e n s .

On r e m a r q u e r a la d i s p r o p o r t i o n e n t r e le n o m b r e d 'oeufs e t ce lu i des a d u l t e s e f f e c t i v e m e n t 6merg6s '(CAcmANT, 1980).

Soci~tds avec re ine (fig. 4 et 5)

Lh auss i , nous p r o p o s e r o n s deux e x e m p l e s r e p r 6 s e n t a t i f s p a r m i les nom- b r e u x 61evages o b s e r v 6 s d e p u i s p l u s i e u r s ann6es : La p o n t e d 6 b u t e 8 h 20 j o u r s ( m o y e n n e : 13 • 2 j o u r s ) a p r b s la f in de l ' h ive rnage . P o u r la m ~ m e re ine , la l o n g u e u r des o~ufs va r i e au c o u r s d u cyc le m a i s d a n s de m o i n d r e s p r o p o r t i o n s que chez les o u v r i b r e s (i l n ' y a p lu s ici h6 t6 rog6n6i t6 de pon-

182 H. CAGNIANT

900

800 A

G r . L .

9 , 3 9 0 -

N.OEUF$

400

200

1; .... 6:.., a; . , . 1; ..... 5'.o~, 2;, . . . .

Fig. 4. - - Evoluton de la taiUe et du nombre des eeufs dans une colonie avec reine et 300 ouvri~res. Les abrdviations sont les m6mes que celles de la figure 2.

Fig. 4. - - Evolution of the size and the number of eggs in a colony ~vith a queen and 300 workers. Symbols are the same than in figure 2.

d e u s e s ) ; les oeufs du ddbu t son t encore les p lus g rands , pu i s la ta i l le se s tab i l i se p lus ou mo ins , p e n d a n t deux mois ou davan tage , a v a n t de f, i n a l e m e n t ddcl iner . Ce s chdma semble assez h a b i t u e l dans la p o n t e des re ines de f o u r m i s et r appe l le celui o b t e n u p a r BRIAN et HIBBLE (1964) chez Myrmica ruginodis. La l o n g u e u r des oeufs var ie assez n o t a b l e m e n t d ' u n e r e ine ~ l ' au t re , 800-840 ~tm d tan t u n e m o y e n n e ; ma i s ce r t a ines p o n d e n t , p l u s gros ,, (850-860 ~m), et d ' a u t r e s , p lus pe t i t 7, (750-780 ~m).

Le n o m b r e d'oeufs est peu dlevd mais assez c o n s t a n t ; il se s i tue e n t r e 150 et 200 un i td s p e n d a n t u n e b o n n e pa r t i e du cycle. Le n o m b r e to ta l d'oeufs p r o d u i t s var ie d ' u n e re ine h l ' a u t r e , on p e u t l ' e s t i m e r e n t r e 900 et 1100.

Lo r sque la co lonie est assez i m p o r t a n t e p o u r dlever des ailds (CACNIANT, 1980, a), ces de rn i e r s son t ici auss i i ssus des ceufs p lus v o l u m i n e u x du ddbu t du cycle.

Le r e n d e m e n t en adu l t e s formds est t o u j o u r s assez n e t t e m e n t s u p d r i e u r celui des n ids o rphe l ins .

P A R T H E N O G E N E S E CHEZ CATAGLYPHIS CURSOR 183

90 (

BOO

Larves3

E

l '=vtll 6mai 3 iui . 1 iull I. 5'=*~t 2'=-plo

,]a88

N. OEU FS

400

2 0 0

Fig. 5. - - Evolution de la taille et du hombre des oeufs dans une colonie avec reine de 150 ouvri~res.

Fig. 5. - - Evolution of the size and the numbers of eggs in a colony 'with a queen and 150 ~vorkers.

I I I - T A I L L E , P R E C O C I T E D E S ,O~UFS E T D E T E R M I N I S M E D E LA C A S T E

A la su i te des obse rva t i ons pr6c6dentes , on p e u t se d e m a n d e r si l ' ap t i t ude h f o r m e r des ail6s et p lus p r6c i s6men t des re ines , es t r6serv6 aux gros ceufs p o n d u s au d 6 b u t du cycle ; a u t r e m e n t dit, il s 'agi t de r e c h e r c h e r si Catagtyphis cursor pr6sen t e une ,, d 6 t e r m i n a t i o n au t og6n i que ,, de la caste, avec oeufs p r6or ien t6s c o m m e chez Formica poIyctena oft les nouve l l e s r e ines n a i s s e n t d' <, oeufs d ' h ive r ,~ p lus gros que ceux p o n d u s p lus t a r d i v e m e n t (oeufs d'6t6) et qui d o n n e n t des ouvr i~res (G6SSWALD et BIER, 1954 ; BIER, 1954) OU c o m m e chez Pheidole pallidula oft seuls les ceufs p o n d u s d a n s u n e b r6ve p6r iode su ivan t la sor t ie d ' h i b e r n a t i o n sont aptes h d o n n e r des r e ines (PAssERA et SuzzoNi, 1978; PASSERA, 1978).

Nous avons donc r6alis6 la s6rie d 'exp6r iences , d6cr i te ci-dessous. P lu s i eu r s soci6t6s d 'ef fect i f connu , avec ou sans r e ine son t p rdpar6es

selon la m 6 t h o d e hab i tue l l e et sor t ies d ' h i ve r na ge le 15 ma r s . Les colonies sont ra ises en 61evage mais 1'on pr61~ve h e b d o m a d a i r e m e n t tous les ceufs

184 H. CAGNIANT

p e n d a n t u n c e r t a i n n o m b r e d e s e m a i n e s (1) (tableaux II et III). P o u r ce f a i r e ,

o n a n e s t h 6 s i e les f o u r m i s p a r u n p a s s a g e d e 15 m i n u t e s h 7 ~ C, e t l ' o n c o m p t e

e t p~se les ceufs r e t i r 6 s ; o n d 6 n o m b r e a u s s i les o u v r i ~ r e s m o r t e s . Au t e r m e

de la p 6 r i o d e c h o i s i e , o n c e s s e d ' e n l e v e r les oeufs. U n e s e m a i n e p l u s t a r d , o n

m e s u r e 50 oeufs de la n o u v e l l e p o n t e a p p a r u e e n t r e t e m p s , p o u r a v o i r u n e

id6e de l e u r s d i m e n s i o n s a u d 6 b u t d u n o u v e l 61evage q u i c o m m e n c e . O n l a i s s e

a l o r s le c o u v a i n se d 6 v e l o p p e r , e n p r o c 6 d a n t de t e m p s h a u t r e h u n s o n d a g e p o u r o b s e r v e r les ceufs p o n d u s p a r la s u i t e . A la f i n de la s a i s o n , o n p r o c ~ d e a u

r e c e n s e m e n t de la soc i6 t6 e t o n c a l c u l e la p r o d u c t i o n , c o m p t e t e n u d e s d6c~s.

R~sul ta t s

Tableau II. - - Exp6riences de pr61~vements hebdomadaires des oeufs, pendant des dur6es vari6es, dans des colonies de 300 ouvri~res orphelines.

Table II. - - Experiments ~vith eggs taken ,weekly, during variable periods, f rom colonies of 300 queenless workers.

Date Nombre Nombre Poids Date Longueur Nombre Production du de cumul6 cumul6 de la moyenne d'ou- obtenue

d6but pr61~- d'oeufs d'0eufs mesure des ceufs vri6res en fin de la vements retir6s retir6s des laiss6s survi- d'exp6rience ponte hebdo- (en rag) premiers h cette vantes (d6but septembre)

madaires oeufs date h cette laiss~s (en ~m) date

19 mars 4 1 596 320,7 23 avril 1 092 _ 17,3 283 5 9,150 18 mars 4 2 518 505,5 22 avril 1 122 ___ 17,8 278 4 ~ , 169 20 mars 6 3 139 561,2 8 mai 1 037 -+- 23,1 269 4 ~ , 123 19 mars 6 3 960 751,3 7 mai 1 064 _ 24,5 268 3 ~ , 103

22 mars 8 5 093 970,3 24 mai 1 050 ~ 14,8 253 2 ~ , 49 22 mars 8 6 584 1 172,0 24 mai 1 015 _ 16,6 249 1 Q, 43

20 mars 10 6 327 1 230,8 5 juin 1 084 -~ 17,9 261 1 ~ , 51 21 mars 10 8 829 1 564,1 6 juin 993 -4-18,8 237 1 grosse larve

avort6e, 41

22 mars 12 7 938 1 404,9 20 juin 952 -+- 20,0 224 1 grosse larve ,~_vort6e, 30

23 mars 12 9 843 1 722,1 21 juin 967 ___ 21,5 206 23

21 mars 14 10 274 1 763,1 4 juillet 928 • 24,3 187 larves qui avortent

D a n s les soc i6 t6 s s a n s r e i n e , l ' 6 1 i m i n a t i o n d e s g r o s oeufs i n i t i a u x n ' e m -

p 6 c h e p a s l a f o r m a t i o n de j e u n e s r e i n e s ; o n e n a e n c o r e o b t e n u a p r ~ s 8 s e m a i n e s e t m 6 m e d a n s u n cas , 10 s e m a i n e s de p r 6 1 6 v e m e n t s e t n o t 6 u n e

g r o s s e l a r v e a p r ~ s 12 s e m a i n e s . A u t r e m e n t d i t , de s ceufs t a r d i f s e t de t a i l l e

p l u s r ~ d u i t e s o n t a p t e s /t e n g e n d r e r d e s l a r v e s q u i 6 v o l u e n t en r e i n e s (fig. 6).

(1) Les premiers 0eufs apparus sont mesur6s mais laiss6s jusqu'h la fin de la premibre semaine; ils sont alors retir6s avec les autres pondus dans l 'intervalle.

P A R T H E N O G E N E S E C H E Z CATAGLYPHIS CURSOR 185

Tableau III. - - ExpErience de prE16vements hebdomadaires des ceufs, pendant des dur6e~ variEes, dans des colonies de 300 ouvri6res avec reine.

Table III. - - Experiments ~vith eggs taken 'weekly, during variable periods, f rom colonies of 300 ~o rke r s with a queen.

Date Nombre Nombre Poids Date Longueur Nombre Production du de cumul6 cumul6 de la moyenne d'ou- obtenue

debut prEl~- d'ceufs d'oeufs mesure des ceufs vri~res en fin de la vements retires retires des laissEs survi- d'expErience ponte hebdo- (en rag) premiers ~ cette vantes (fin septembre~

madaires ceufs date h cette laissEs (en p~m) date

28 mars 2 82 10,5 18 avril 903 • 10,0 296 7 Q, 1 c~, 339

31 mars 4 296 32,2 5 mai 884 4- 9,2 292 12 ~ , 223 24 mars 4 322 41,7 28 avril 874 ___ 8,1 288 4 Q, 265

29 mars 6 458 50,3 17 mai 835 4- 5,8 �9 263 258 27 mars 6 714 89,1 15 mai 855 4- 6,7 285 192

31 mars 8 680 83,9 2 juin 824 4- 8,6 274 230 30 mars ~ 926 106,4 1 juin 780 4- 5,7 272 196

1 avril 10 1 168 112,3 17 juin 763 4- 5,9 262 104

2 avril 12 1 189 128,4 2 juillet 776 4- 8,5 214 157

1 2 0 0 -

11 O0

1 0 0 0

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..... | 22 ,]

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3 ~ ; 7jui. 5 j . ; . 2 ao.t 6 ,,pt

N . O E U F S

1000

5 0 0

Fig. 6 . - Exp6rience de prE16vement hebdomadaire des ceufs pendant 8 semaines dans une colonie sans reine de 300 ouvri6res ; en gris6 : oeufs prElevEs.

Fig. 6. - - Exper iment wi th eggs taken weekly for a per iod of 8 weeks, in a queenless colony of 300 worker s ; t in ted: removed eggs.

186 H. C A G N I A N T

Comme dans le cycle normal, ce sont toujours les femelles ail6es qui 6mer- gent les premieres, puis apparaissent les ouvri~res en nombre plus ou moins important . On remarquera la grande variabilit6 des r6sultats entre les diver- ses colonies et l 'absence de males parmi les adultes.

Au-del/t de 12 semaines, les ouvri~res sont manifes tement 6puis6es par la ponte prolong6e et n 'arr ivent m6me plus ~t 61ever de nouvelles ouvri~res. On observe que pour une m6me dur6e de pr616vements, plus le hombre (et la bio- masse) d'ceufs enlev6 est important , plus la product ion est faible. L'6puise- ment se comprend quand on consid6re le grand hombre d'ceufs produi ts . A 14 semaines, donc pra t iquement h la fin d 'un cycle normal, le total des ceufs pr61ev6s est presque le double de celui estim6 dans les colonies non trait6es. Le retrait hebdomadaire des ceufs entret ient artificiellement un ry thme de ponte 61ev6 pendant ,une p6riode plus longue, que dans la normale.

Dans les soci6t6s avec reine, il apparai t de nouvelles reines apr6s 4 semai- nes de retraits mais ici, le ph6nom~ne est moins 6vident et les ceufs dont elles sont issues sont encore relat ivement assez gros (fig. 7). Apr6s 6 et 8 semaines, il y a encore une product ion consid6rable de nouvelles ouvribres. Si on compare avec les estimations du paragraphe II, il semble ici aussi que la f~condit6 soit stimul6e par les conditions de l'exp6rience.

9 0 0

8 0 0

Gr.L.

E

4 I

265

I 7 avr[I 5maJ 2 juin 7jui l 4 aout

I

1 Sept

N. 0EUFS

4 0 0

2 0 0

F:g. 7 . - Exp6rience de pr61~vement hebdomadaire des o~ufs pendant 4 semaines dans une colonie avec reine de 300 ouvri6res.

Fig. 7. -- Experiment ,with eggs taken weekly for a period of 4 weeks, in a colony with a queen and 300 workers.

PARTHENOGENESE CHEZ CATAGLYPHIS CURSOR 187

C O N C L U S I O N S

Les principaux r6sultats ~ retenir de cette 6tude sont donc les suivants : Chez la fourmi Cataglyphis cursor, les ouvri~res pondent des oeufs

reproducteurs plus volumineux que ceux des reines f6cond6es; les (eufs d'ouvri6res d6passent tr6s g6n6ralement un millim~tre de longueur ; les oeufs de reines sont le plus souvent inf6rieurs ~ un millim6tre. La mesure des lon- gueurs d 'un 6chantillon d'ceufs permet donc de d6terminer leur origine.

La taille des ceufs est cependant sujette h de nombreuses variations : elle 6volue au cours du cycle de ponte ; elle varie d 'une reine h l 'autre et, consid6- rant les valeurs moyennes, d 'une soci6t6 d'ouvri~res ~ l 'autre.

Dans les soci6t6s orphelines, les ouvri6res produisent un tr6s grand hom- bre d'eeufs ; l 'est imation du nombre total d'ceufs pondus au cours de la sai- son s'av6re ddlicate ; elle se situerait ~ environ 18 r par individu. Dans les soci6t6s avec reine, la ponte est r~guli~re et mod~r6e ; on l'a estim6e ~ un millier d'ceufs au total. La product ion d' individus adultes, sur tout des nou- velles ouvri~res, peut cependant ~tre consid6rable.

La comparaison de ces deux modalit6s de ponte, confirm6e par des contr61es histologiques, permet de conclure que, dans les soci6t6s avec reine, les ouvri~res ne pondent pas (2).

Les exp6riences de retraits hebdomadaires des eeufs mont ren t - - du moins dans les p6riodes consid6r6es - - que la format ion de nouvelles reines est prioritaire dans les soci6t6s orphelines et ne d6pend pas de la taille de l'ceuf ni de la date de sa ponte.

Dans les socift6s pourvues de reine, il ne semble pas non plus exister d'ceufs pr6orient6s, mais Ia r6gulation sociale favorise sur tout le d6veloppe- ment de nombreuses ouvri~res. Nous avons d6jh soulign6 le ,, r61e coordina- teur ,, de la reine et son contr61e sur le compor tement des ouvri~res 61eveuses, dans un travail ant6rieur (CA6NIANT, 1980 a).

Le devenir des larves femelles semble en d6finitive d6pendre de l'6tat physiologique des ouvri~res 61eveuses comme chez beaucoup d 'autres fourmis (DELA6E-DARcnEN, 1977). Les orphelines dont l 'ovaire entre en activit6 apr~s l 'hivernage sont particuli~rement aptes ~ fo rmer des reines ; celles qui ont 6t6 priv6es de couvain et dont la ponte a ~t6 ainsi maintenue artificiellement h u n niveau 61ev6 demeurent (jusqu'~ l '6puisement), capables d 'or ienter leurs premieres larves sur la voie royale. Dans les soci6t6s avec reine f6cond6e pondeuse, l'activit6 ovarienne des ouvri~res est ent rav6e: elles ne pondent p a s ; elles peuvent 61ever des jeunes reines si elles sont suff isamment nom- breuses, mais pendant une p6riode du cycle plus restreinte.

(2) Cette r~gle souffre cependant des exceptions, ainsi que nous l'exposerons dans un travail ~t paraitre.

188 H. C A G N I A N T

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